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Le Courrier de la Transplantation - Vol. XII - n° 2 - avril-mai-juin 2012 91 La vie du transplanté » Les études de la qualité de vie (QDV) montrent une amélioration progressive de la santé physique et de sa perception générale chez la plupart des transplantés. L’état psychologique peut avoir un effet direct ou indirect sur les résultats de la transplantation, en augmentant l’incidence des complications et/ou en réduisant l’observance des recommandations médicales. L’évaluation de la QDV est donc devenue primordiale avant et après la greffe, tant à court terme qu’à long terme, et devrait être intégrée à la pratique dans les centres de transplantation. Quand bien même le concept de “QDV liée à l’état de santé” n’est ni complètement développé ni unanimement reconnu, les mesures génériques ou spécifiques de l’état de santé apportent une dimension nouvelle et intéressante à l’évaluation de l’état sanitaire de la population des transplantés. Toutefois, le concept de QDV liée à l’état de santé doit être amélioré. D’autres instruments de mesure de la QDV des transplantés doivent être développés et évalués. Il conviendrait à terme de disposer de questionnaires génériques complétés de questionnaires spécifiques aux transplantés, ce qui permettrait des comparaisons avec d’autres groupes d’individus, et ce en regard des normes de la population générale. Mots-clés : Transplantation – Qualité de vie. Studies of the quality of life (QOL) of transplant patients show a progressive improvement of the physical health and the general health perception for most transplant recipients. The psychological status can have a direct or indirect impact on the results of transplantation while increasing the incidence of complications and/or lowering the compliance to the medical recommendations. The assessment of QOL became therefore primordial before and after the transplantation, at short-term as well as at long- term, and should be integrated in the practice of transplantation centers. Although the concept of QOL is not fully developed and not unanimously acknowledged, generic and specific measurements of QOL can contribute to providing additional, and useful, outcome measures in the transplant recipients’ population. Finally, the concept of QOL must be improved. Instruments to measure the QOL of transplant recipients must also be developed and validated. A combination of a short portable generic instrument with questions more specific to the transplant population is probably the best choice, allowing comparisons with other groups of individuals and population norms. Keywords: Transplantation – Quality of life. La qualité de vie chez le transplanté Quality of life of organ transplant patients Vincent Karam (Centre hépatobiliaire, hôpital Paul-Brousse ; unité Inserm U785, université Paris Sud, Villejuif) L a transplantation d’organe a connu un essor considérable ces 10 dernières années, ce qui s’explique par une meilleure prise en charge médico-clinique précoce des patients, se traduisant par une diminution des risques opératoires et par un meilleur contrôle des phénomènes de rejet aigu, des risques d’infection, et de certaines récidives. Un rapport du registre américain United Network for Organ Sharing (UNOS) [www.unos.org] a montré que, outre le coût de la greffe, plus de 5 milliards de dollars sont dépensés annuellement pour financer le suivi des transplantés. L’attention des professionnels de la transplantation se porte désormais vers l’amélioration du suivi à long terme des transplantés. Parce que la sévérité de l’état tel que perçue par le clinicien ne correspond pas toujours au vécu du patient, l’évaluation de la QDV ne saurait être le seul fait des cliniciens : elle doit également prendre en compte le ressenti des patients. Il faut donner la parole aux transplantés et les faire participer à la mise au point des instruments de mesure. La transplantation est vécue comme un “rituel de mort et renaissance pour une nouvelle vie”. Le retour à une activité physique, aux rapports sociaux et au travail après la transplan- tation peut aussi être associé à un stress psychopatho- logique. D’après le registre européen European Liver Transplant Registry (ELTR) [www.eltr.org], entre 1989 et 2009, le nombre de transplantés hépatiques (TH) en Europe a presque quadruplé, passant de 1 698 à 6 143 par an. La survie à 1 an est passée de 64 % en 1986 à 85 % après 2004 (1). Il n’y a donc pas de doute que la transplantation augmente la durée de vie, mais, face à la pénurie de greffons, la communauté des transplan- teurs doit également tenter d’identifier les patients qui pourraient le mieux bénéficier de ces organes. La mise au point et l’utilisation régulière des outils de mesure de la QDV sont donc fondamentales dans la pratique de la transplantation. Définition Intuitivement, la QDV est une notion individuelle à laquelle chacun peut donner sa propre définition. Celle-ci varie en fonction de l’importance que l’individu donne aux différents aspects de sa vie (santé, famille, Résumé Summary

La qualité de vie chez le transplanté · Le Courrier de la Transplantation - Vol. XII - n° 2 - avril-mai-juin 2012 91 La vie du transplanté » Les études de la qualité de vie

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Le Courrier de la Transplantation - Vol. XII - n° 2 - avril-mai-juin 2012 91

L a v i e d u t r a n s p l a n t é

» Les études de la qualité de vie (QDV) montrent une amélioration progressive de la santé physique et de sa perception générale chez la plupart des transplantés. L’état psychologique peut avoir un effet direct ou indirect sur les résultats de la transplantation, en augmentant l’incidence des complications et/ou en réduisant l’observance des recommandations médicales. L’évaluation de la QDV est donc devenue primordiale avant et après la greffe, tant à court terme qu’à long terme, et devrait être intégrée à la pratique dans les centres de transplantation. Quand bien même le concept de “QDV liée à l’état de santé” n’est ni complètement développé ni unanimement reconnu, les mesures génériques ou spécifiques de l’état de santé apportent une dimension nouvelle et intéressante à l’évaluation de l’état sanitaire de la population des transplantés. Toutefois, le concept de QDV liée à l’état de santé doit être amélioré. D’autres instruments de mesure de la QDV des transplantés doivent être développés et évalués. Il conviendrait à terme de disposer de questionnaires génériques complétés de questionnaires spécifiques aux transplantés, ce qui permettrait des comparaisons avec d’autres groupes d’individus, et ce en regard des normes de la population générale.

Mots-clés : Transplantation – Qualité de vie.

Studies of the quality of life (QOL) of transplant patients show a progressive improvement of the physical health and the general health perception for most transplant recipients. The psychological status can have a direct or indirect impact on the results of transplantation while increasing the incidence of complications and/or lowering the compliance to the medical recommendations. The assessment of QOL became therefore primordial before and after the transplantation, at short-term as well as at long-term, and should be integrated in the practice of transplantation centers. Although the concept of QOL is not fully developed and not unanimously acknowledged, generic and specific measurements of QOL can contribute to providing additional, and useful, outcome measures in the transplant recipients’ population. Finally, the concept of QOL must be improved. Instruments to measure the QOL of transplant recipients must also be developed and validated. A combination of a short portable generic instrument with questions more specific to the transplant population is probably the best choice, allowing comparisons with other groups of individuals and population norms.

Keywords: Transplantation – Quality of life.

La qualité de vie chez le transplantéQuality of life of organ transplant patientsVincent Karam (Centre hépatobiliaire, hôpital Paul-Brousse ; unité Inserm U785, université Paris Sud, Villejuif)

L a transplantation d’organe a connu un essor considérable ces 10 dernières années, ce qui s’explique par une meilleure prise en charge

médico-clinique précoce des patients, se traduisant par une diminution des risques opératoires et par un meilleur contrôle des phénomènes de rejet aigu, des risques d’infection, et de certaines récidives. Un rapport du registre américain United Network for Organ Sharing (UNOS) [www.unos.org] a montré que, outre le coût de la greffe, plus de 5 milliards de dollars sont dépensés annuellement pour financer le suivi des transplantés. L’attention des professionnels de la transplantation se porte désormais vers l’amélioration du suivi à long terme des transplantés. Parce que la sévérité de l’état tel que perçue par le clinicien ne correspond pas toujours au vécu du patient, l’évaluation de la QDV ne saurait être le seul fait des cliniciens : elle doit également prendre en compte le ressenti des patients. Il faut donner la parole aux transplantés et les faire participer à la mise au point des instruments de mesure. La transplantation est vécue comme un “rituel de mort et renaissance pour une nouvelle vie”. Le retour à une activité physique, aux rapports sociaux et au travail après la transplan-tation peut aussi être associé à un stress psychopatho-logique. D’après le registre européen European Liver Transplant Registry (ELTR) [www.eltr.org], entre 1989 et 2009, le nombre de transplantés hépatiques (TH) en Europe a presque quadruplé, passant de 1 698 à 6 143 par an. La survie à 1 an est passée de 64 % en 1986 à 85 % après 2004 (1). Il n’y a donc pas de doute que la transplantation augmente la durée de vie, mais, face à la pénurie de greffons, la communauté des transplan-teurs doit également tenter d’identifier les patients qui pourraient le mieux bénéficier de ces organes. La mise au point et l’utilisation régulière des outils de mesure de la QDV sont donc fondamentales dans la pratique de la transplantation.

Définition

Intuitivement, la QDV est une notion individuelle à laquelle chacun peut donner sa propre définition. Celle-ci varie en fonction de l’importance que l’individu donne aux différents aspects de sa vie (santé, famille,

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finances, environnement, etc.), à ses attentes, sa culture et son expérience. Il n’y a donc pas de consensus quant à une définition universellement acceptée, même si l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la QDV comme étant “non seulement l’absence de maladie, mais aussi la présence d’un bien-être physique, mental et social”. Le concept de QDV est donc difficile non seulement à définir, du fait de son aspect multidimensionnel, mais aussi à quantifier.

Méthodologie de l’évaluation

L’instrumentParce que beaucoup de composantes de la QDV ne peuvent pas être observées directement, elles sont habituellement évaluées d’après les principes classiques de la théorie de mesure d’items (groupe de questions) [2]. Le choix de l’instrument

(questionnaire) est primordial. Une revue systématique récente des instruments mis en œuvre pour l’évaluation de la QDV des TH a identifié 128 études per-

tinentes ayant utilisé plus de 50 instruments différents (3). Les instruments génériques sont les plus communément utilisés et, parmi eux, le Medical Outcomes Study Short Form-36 (SF-36), la Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS) et le Beck Depression Inventory (BDI) arrivent en tête de la liste. Ils ont le mérite d’exister en plusieurs langues, ce qui permet de réaliser des

études comparatives au niveau international. Peu d’études (16 %) ont utilisé des instruments spécifiques à une pathologie. Le questionnaire du National

Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases (NIDDK), le Liver Disease Quality of Life questionnaire, et le Chronic Liver Disease

questionnaire sont les instruments spécifiques les plus fréquem-ment utilisés. Cependant, ils ont été conçus pour évaluer la

QDV dans le cas d’une maladie hépatique chronique plutôt que spécifiquement chez les TH. L’absence d’un instrument standard pour les transplantations hépatiques représente un obstacle pour réaliser des études comparatives dans cette population en constante évolution.

Le schéma d’étudeIl faut faire primer l’étude longitudinale prospective,

où le sujet est son propre témoin (évaluation avant et, périodiquement, après la transplantation), sur l’enquête

transversale rétrospective. L’étude longitudinale se carac-térise par son aspect dynamique, analysant les résultats en

termes de détérioration ou d’amélioration de chaque score. Dans la littérature, les études longitudinales sont plus rares que

les études transversales, et la majorité d’entre elles s’arrêtent à la première année suivant la transplantation hépatique. Quel que soit le

schéma de l’étude, longitudinale ou transversale, la comparaison des scores à ceux d’une population témoin appariée à la cohorte étudiée suivant des critères comme l’âge et le sexe permet de mesurer l’évolution vers une “normalité” de la QDV.

Résultats des études

Études longitudinalesUne revue récente de la littérature sur la QDV après transplantation hépatique a identifié 44 études longitudinales valides, représentant 7 % de la globalité des articles étudiés. L’analyse des données regroupées de ces 44 études, portant sur 4 381 malades

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adultes âgés en moyenne de 45 ans et sur un délai de suivi moyen de 25 mois, a montré une amélioration considé-rable, après transplantation hépatique, de la QDV géné-rale, dans le domaine social ainsi que dans les domaines de la santé physique et de la santé psychologique, mais pas dans celui de la sexualité (figure 1) [4]. Nous avons utilisé le questionnaire NIDDK, considéré comme l’ins-trument spécifique le plus adapté aux transplantés, pour réaliser une étude longitudinale de la QDV des TH (5). La validation de la version française, testée au préalable dans une cohorte de 315 TH, a montré sa sensibilité et sa fiabilité. Le taux d’observance obtenu était de 93 %, et l’analyse des données a montré une amélioration consi-dérable dans les 5 domaines de la QDV mesurés (figure 2). Comparativement à l’état précédant la transplantation, les malades ont rapporté peu de symptômes liés à la maladie 1 an après l’intervention. Cependant, nous avons noté une incidence statistiquement significative de l’excès d’appétit, des tremblements et des maux de tête. Ces symptômes peuvent être considérés comme des effets indésirables des traitements immunosuppresseurs. La perception générale de la santé s’est 7 fois plus améliorée qu’elle ne s’est dégradée, et le retour au travail est devenu possible pour 28 % des patients. Il a été rapporté qu’un patient âgé de moins de 50 ans et qui avait un emploi dans l’année précédant la transplantation hépatique était plus susceptible de reprendre le travail. Ces données doivent cependant être interprétées avec prudence, car la plupart de ces enquêtes ne distinguaient pas le travail à temps partiel ou à domicile du travail à temps plein ou sur un site dévoué. Dans d’autres études, il est relevé que la plupart des malades qui n’ont pas repris une activité professionnelle après la transplantation hépatique décri-vaient leurs problèmes de santé comme un obstacle majeur à l’emploi. L’âge du patient, la durée d’invalidité et le type de travail avant la transplantation affectaient l’état du patient après l’intervention. Suivant l’argument selon lequel l’exercice physique a des effets bénéfiques en cardiologie gériatrique et en cas de maladie pulmonaire, la mise en place d’exercices physiques surveillés après la période de la récupération postopératoire améliorerait considérablement la perception générale que les TH ont de leur propre santé (6, 7). L’indication de la transplanta-tion hépatique peut avoir un effet, quelquefois à long terme, sur le statut psychologique, en particulier s’il y a un risque de récidive de la maladie initiale, comme en cas d’hépatite C ou de carcinome hépatocellulaire (8). D’autres caractéristiques telles que l’abus d’alcool, la consommation de tabac ou la situation socioprofessionnelle peuvent influencer la QDV. Globalement, 1 an après la tranplantation hépatique, les scores des transplantés n’étaient pas très éloignés de ceux de la population témoin. Même s’il ne s’agissait pas d’un véritable retour à la normale, ils s’en approchaient nettement.

Figure 1. Études longitudinales comparant les domaines de la qualité de vie avant et après transplantation hépatique en utilisant différents outils (n = 44) [reproduction autorisée par le Dr Santiago Tome et al. (4)].

Détérioration

–10 0 10 20 30 40

Amélioration The sign test

Santé psychologiquep = 0,014

Fonctionnement sexuelp = 0,58

Adaptation psychosocialep = 0,0001

Qualité de vie généralep < 0,0001

Fonctionnement physiquep < 0,0001

Figure 2. Évaluation longitudinale de la qualité de vie des patients transplantés à l’hôpital Paul-Brousse (5).

Rôle social

1

0,75

0,50

0,25

0

Statut psychologique

Évaluation de la maladie

Activité physique

Perception générale de la santé

1 an après la transplantation hépatique Avant la transplantation hépatique

Population générale

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L a v i e d u t r a n s p l a n t é

Études transversalesComme les études longitudinales, la quasi-totalité des études transversales publiées ont rapporté une assez bonne QDV, quel que soit l’organe transplanté (cœur, foie ou rein). Toutefois, elles suivent des méthodologies variables, utilisant souvent des instruments non validés ou portant sur un nombre de sujets insuffisant. Une analyse récente de 16 études transversales jugées méthodologiquement cor-

rectes a comparé les 8 dimensions du SF-36 chez des patients TH et dans la population générale (1 615 TH, âge moyen : 49 ans, durée moyenne de suivi : 43 mois). Ce travail a montré de considérables améliorations des scores par rapport à la population générale dans 6 domaines : activité physique ; limitations liées à la santé physique ; limitations liées à la santé mentale ; fonctionnement ou bien-être social ; vitalité (énergie/fatigue) ; santé générale. Les 2 domaines de la douleur physique et de la santé mentale étaient semblables dans les 2 groupes. Dans seulement 8 % des études, le délai entre la transplantation et l’évaluation était supé-rieur à 3 ans (9). Pour évaluer la QDV à long terme, nous avons réalisé une étude multicentrique portant sur des patients ayant bénéficié depuis plus de 10 ans d’une transplantation hépatique, rénale ou cardiaque (10). Pour les 3 organes, les scores étaient proches de ceux de la population générale (figure 3, A et B). Les symptômes les plus généralement trouvés (excès d’appétit, change-ment d’aspect du visage, fragilité de la peau, maux de tête, tremblements, etc.) étaient plus fréquents chez les transplantés rénaux. Ces symptômes sont liés aux effets indésirables des immunosuppresseurs, dont les doses ne sont pas équivalentes dans les 3 types de transplan-tation. Ces doses sont généralement plus élevées en cas de transplantation rénale. Les corticoïdes peuvent également entraîner des modifications psychiques, comme l’irritabilité, des sautes d’humeur et des défauts de concentration. L’importance de l’incidence d’un diabète souvent lié à la prise d’immunosuppresseurs a déjà été rapportée dans la littérature. La survenue de complications ostéo-articulaires, souvent handica-pantes, résulterait de la conjonction de la maladie ini-tiale et de la prise de corticoïdes (11, 12). Les infections opportunes, les lymphomes ou les rejets chroniques associés aux immunosuppresseurs représentaient 40 % de la mortalité tardive après la transplantation (13). C.W. Pinson et al. ont même proposé que l’évaluation de la QDV fasse partie, au même titre que la recherche des rejets, des critères permettant d’ajuster le traitement immunosuppresseur (14). Pour les 3 organes, l’index de bien-être et celui du bonheur étaient meilleurs que ceux de la population générale (figure 3B), ce qui prouve l’importance de la transplantation aux yeux des patients, même longtemps après l’intervention. L’étude de C.W. Pinson et al. a montré que la QDV, quel que soit

Figure 3. Évaluation transversale de la qualité de vie, 10 ans après la transplantation, des patients de l’hôpital Paul-Brousse (foie), de l’hôpital Bicêtre (rein) et de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (cœur) [10]. A) Items où un faible score indique une bonne qualité de vie. B) Items où un score élevé indique une bonne qualité de vie.

Rôle social

Fréquence des symptômesphysiques

A

Plus le score est faible,meilleure est la qualité de vie

Score des symptômesphysiques

Fréquence des symptômespsychologiques

Score des symptômespsychologiques

120 %

105 %

150 %

135 %

90 %

75 %FoieCœur

Population générale (100 %)

Rein

Perceptiongénéralede la santé

Travail

Bonheur

Plus le score est élevé,meilleure estla qualité de vie

95 %

80 %

125 %

110 %

65 %

50 %

FoieCœur

Population générale (100 %)

Rein

B

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l’organe transplanté, atteint un plateau entre 1 et 2 ans après la transplantation : la transplantation rénale a alors la meilleure QDV, la transplantation hépatique est en position intermédiaire et la transplantation cardiaque arrive en dernier. Ces auteurs ont ensuite émis l’hypothèse que la QDV des transplantés rénaux allait baisser à long terme, ce que notre étude a confirmé. Nous avons également mis en évidence le fait que la QDV des TH devenait la plus proche de celle de la population générale. Toutefois, il faut rester prudent lorsqu’on compare des résultats de QDV provenant d’études ayant utilisé des instruments différents (15). Il a été prouvé que la transplantation d’organe est un traitement efficace permettant de sauver la vie des patients au stade terminal de leur maladie. Il a été démontré également que les bons résultats de survie étaient accompagnés d’une QDV des patients acceptable. Le défi consistant à améliorer et à maintenir ces résultats à long terme semble être plus fréquemment relevé dans le cas de la transplantation hépatique que pour les autres transplantations.

Conclusion

En transplantation, comme dans les autres domaines médicaux, le traditionnel “modèle biomédical” de santé fondé sur la biologie moléculaire, la génétique, la physiologie et la biochimie est en train d’intégrer le “modèle des sciences sociales” de la santé, fondé, lui, sur des arguments psychosociaux et économiques. Malgré le coût élevé de la transplantation, d’autant plus dans un contexte de restrictions des dépenses liées à la santé, ses partisans la défendent, en vertu non seulement du nombre de “vies sauvées” mais aussi de l’amélioration de la QDV. Toutefois, l’évaluation correcte de cette dernière demande le respect d’une méthodologie bien établie. ■

1. Registre européen des greffes hépatiques (ELTR). www.eltr.org.

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