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FACULTE DE DROIT, DE SCIENCES POLITIQUES ET DE GESTION UNIVERSITE ROBERT SCHUMAN STRASBOURG DEA Droit des Affaires Année universitaire 2001/2002 LA REFORME DU DEMARCHAGE FINANCIER Valérie DOTT Mémoire rédigé sous la direction de M. le Professeur Michel Storck

LA REFORME DU DEMARCHAGE FINANCIER · INTERNATIONAL ... avec l’essor de l’appel public à l’épargne lié à la constitution des ... La théorie civiliste des vices du consentement

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FACULTE DE DROIT, DE SCIENCES POLITIQUES ET DE GESTION UNIVERSITE ROBERT SCHUMAN

STRASBOURG

DEA Droit des Affaires

Année universitaire 2001/2002

LA REFORME DU DEMARCHAGE FINANCIER

Valérie DOTT

Mémoire rédigé sous la direction de M. le Professeur Michel Storck

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SOMMAIRE

SOMMAIRE................................................................................................................................................2

LISTE DES ABRÉVIATIONS ..................................................................................................................1

Introduction .................................................................................................................................................4

TITRE 1 : LA RÉFORME DE LA LEGISLATION NATIONALE DU DÉMARCHAGE...............11

CHAPITRE 1 : UNE NOUVELLE DÉFINITION DU DÉMARCHAGE FINANCIER..............................................11 Section 1. Une réforme motivée par l’hétérogénéité et l’archaïsme des textes actuels .....................11 Section 2. Une réforme motivée par les difficultés liées à la qualification de certaines nouvelles techniques ...........................................................................................................................................17

CHAPITRE 2. UNE NOUVELLE DÉFINITION DU CADRE D’ACTIVITÉ DES DÉMARCHEURS .........................26 Section 1. La réglementation de la profession de démarcheur...........................................................26 Section 2. La redéfinition des produits interdits de démarchage .......................................................30 Section 3. Les règles de bonne conduite imposées aux démarcheurs et les sanctions en cas de manquement........................................................................................................................................31

TITRE 2 : LA RÉFORME DU DÉMARCHAGE AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE ET INTERNATIONAL...................................................................................................................................38

CHAPITRE 1 : LA NOUVELLE RÉGLEMENTATION DU DÉMARCHAGE AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE .....38 Section 1. La législation actuelle........................................................................................................38 Section 2. Les réformes en cours ........................................................................................................40

CHAPITRE 2 : LA NOUVELLE RÉGLEMENTATION DU DÉMARCHAGE EXERCÉ AU NIVEAU

INTERNATIONAL......................................................................................................................................47 Section 1. Les règles générales applicables .......................................................................................47 Section 2. La résolution des difficultés particulières soulevées par le démarchage via internet .......50

Conclusion..................................................................................................................................................54

BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................................56

INDEX ANALYTIQUE............................................................................................................................58

TABLE DES MATIERES ........................................................................................................................60

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LISTE DES ABREVIATIONS Act. jur. Actualités jurisprudentielles (Dalloz cahier droit des affaires) Al. Alinéa Art. Article Ass. plén. Arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation Banque Revue Banque Banque et Droit Revue Banque et Droit Bull. COB Bulletin mensuel de la Commission des opérations de bourse Bull. Joly Bourse Bulletin Joly Bourse et produits financiers C.A. Arrêt d’une Cour d’appel Cass. civ. Arrêt d’une chambre civile de la Cour de cassation Cass. com. Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation Cass. crim. Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation C. civ. Code civil C. com. Code de commerce C. consom. Code de la consommation CE Arrêt du conseil d’Etat CJCE Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes CMF Conseil des marchés financiers COB Commission des opérations de bourse C. monét. et fin. Code monétaire et financier C. pén. Code pénal Dalloz Recueil Dalloz Dalloz cahier dr. aff. Cahier droit des affaires du recueil Dalloz Dr. sociétés Droit des sociétés JCP E Juris-classeur périodique (Semaine juridique), édition entreprise JO Journal officiel L. Loi Nouv. Nouveau Observ. Observations OICV Organisation internationale des commissions de valeurs P. Page Rev. CMF Revue du Conseil des marchés financiers Rev. dr. aff. internat. Revue de droit des affaires internationales Rev. dr. banc. et fin. Revue de droit bancaire et financier RJ com Revue de jurisprudence commerciale RTD Com Revue trimestrielle de droit commercial Et s. Et suivants T. com. Jugement d’un tribunal de commerce TGI Jugement d’un tribunal de grande instance

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Introduction

Phase préalable à la commercialisation de services ou de produits financiers, le démarchage financier consiste à s’adresser directement à un particulier en dehors d’un point de vente1 pour lui conseiller une opération quelconque et recueillir éventuellement son adhésion Le démarchage se rapproche donc de la publicité mais s’en distingue par son caractère actif et personnalisé, la publicité ayant un caractère général et impersonnel2. La COB dénonça cependant rapidement les dangers de cette technique, “ en raison des risques que peuvent faire courir à des personnes non averties les pressions rendues possibles par des contacts personnels et directs, aboutissant à la remise de fonds ”3. En effet, dès son apparition, au XIXème siècle, avec l’essor de l’appel public à l’épargne lié à la constitution des sociétés financières, le démarchage a rapidement été considéré comme une technique tendant à favoriser les escroqueries. En effet, outre l’utilisation de procédés agressifs de démarchage, certains démarcheurs et colporteurs4 vendaient dans le public des titres de sociétés sans valeur ou proposaient aux épargnants des opérations financières désastreuses, sans qu’il soit toujours possible de faire application des dispositions pénales de droit commun sur l’escroquerie ou l’abus de confiance. La théorie civiliste des vices du consentement se révéla, elle aussi, bien souvent inefficace face à de telles pratiques. Le danger que représente le démarchage financier est principalement dû aux caractéristiques des produits proposés : ceux-ci ont en effet un caractère immatériel et bien souvent aléatoire5. Comment évaluer alors l’exactitude des perspectives de plus-values que le démarcheur peut laisser entrevoir à son client ? De tels risques paraissent être toujours d’actualité, comme le démontrent deux arrêts éloquents de la Cour de cassation, preuve que le délit de démarchage financier illicite est bien souvent associé à des tentatives d’escroquerie6. Dans la première espèce, une personne s’était rendue au domicile de certains actionnaires pour leur proposer le rachat de leurs actions, en se servant notamment d’une association prête-nom, destinée à faire croire à la légitimité de leur démarche, contrevenant ainsi aux dispositions de la loi du 3 janvier 1972 sur le démarchage financier, tout en commettant des escroqueries7. Dans la seconde espèce, un démarcheur s’était rendu de façon habituelle chez des personnes en vue de leur proposer des placements de fonds (violant ainsi l’interdiction de l’art. 9 de la loi du 26 décembre 1966 régissant le démarchage sur les opérations de banque8). En outre, le démarcheur avait également aidé une personne à commettre

1 L’art. L.342-2 al. 3 du c. monét. et fin. exclut de la réglementation du démarchage, l’activité exercée dans les locaux des établissements de crédit, des établissements financiers et des prestataires de services d’investissement, c’est-à-dire les lieux où des professionnels opèrent et où le public est accueilli et conseillé en conséquence : on considère en effet qu’il n’y a pas de sollicitation active de la part du vendeur. 2 La publicité est en effet définie comme “ toute communication, quelle qu’en soit la forme, destinée à promouvoir la fourniture de biens ou de services ” (Vocabulaire juridique, G. Cornu, Association Henri Capitant, PUF). 3 Bull. COB, n°186, mai 1986. 4 Contrairement aux démarcheurs, les colporteurs transportent avec eux les produits qu’ils vendent afin de réaliser une livraison immédiate en contrepartie d’un paiement immédiat. 5 G. Cas, Démarchage financier et protection des épargnants, JCP E, 1973, n°14, p.13 et s. 6 D’ailleurs, comme nous le verrons plus loin, le démarchage prohibé est passible des peines de l’escroquerie. 7 Cass. crim. 18 mai 1993, Pourvoi N° 92-84.392, Lamy cassation. 8 La loi de 1966 interdit à toute personne de se livrer au démarchage en vue de proposer des placements de fonds, exception faite des établissements de crédit (ce qui n’était pas le cas, en l’espèce).

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des escroqueries en lui servant d’intermédiaire auprès de dix-huit personnes qui lui avaient remis des fonds pour le compte de cette dernière, après les avoir dupées sciemment, en leur faisant miroiter l’appât d’un gain miraculeux9.

C’est pourquoi, dès 1935, un décret-loi vint interdire le colportage et réglementer le démarchage. Mais cette loi, bien que plusieurs fois modifiée, se révéla obsolète et incapable d’assurer une protection efficace du consommateur, lorsque survint le développement du démarchage financier à grande échelle, dans les années 60-70, simultanément avec la publicité financière, avec le développement des plans d’épargne en valeurs mobilières et des organismes de placement de valeurs mobilières.

Elle fut alors remplacée par une nouvelle réglementation du démarchage, instituée par la loi du 3 janvier 1972 relative au démarchage financier et aux opérations de placement et d’assurances. Cette loi a - comme sa cadette votée le 22 décembre de la même année et destinée à régir le démarchage de biens à la consommation et la vente à domicile - pour objectif principal, la protection des consommateurs, clients potentiels des démarcheurs. Cependant, comme bien souvent, cet objectif affiché n’est pas une fin en soi puisque le véritable objectif, sous-jacent, est le bon fonctionnement du marché financier intérieur, objectif qui ne peut être réalisé qu’en gagnant la confiance des consommateurs afin de les inciter à investir dans des services ou produits financiers. Trente ans après, cette loi constitue toujours la principale source de réglementation du démarchage financier. Mais, à ces dispositions substantielles, s’ajoutent celles d’autres textes législatifs ayant un champ d’application plus large, il en va ainsi de certaines dispositions : - de la loi du 28 mars 1885 sur les marchés à terme, modifiée par la loi du 31 décembre 1987 ; - de la loi du 28 décembre 1966 relative à l’usure, aux prêts d’argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité : cette loi réglemente le démarchage en vue de conseiller ou offrir des prêts d’argent, recueillir sous forme de dépôts ou autrement des fonds publics, c’est-à-dire toutes les formes de démarchage bancaire ; - de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile10 ; - de la loi du 3 janvier 1983 sur le développement des investissements, la protection de l’épargne et la surveillance des placements ; - de la loi du 23 décembre 1988 relative aux OPCVM et portant création des fonds communs de créances11 ; - ou encore de la loi du 23 juin 1989 qui comporte des dispositions spécifiques sur le démarchage téléphonique : elle exige qu’une telle forme de démarchage soit suivie de la confirmation écrite de l’offre par le professionnel au consommateur.

Cette énumération fastidieuse de textes, désormais codifiés aux art. L.342-1 à L.343-6 et L.353-3 à L.353-6 du C. monét. et fin., démontre bien l’hétérogénéité et l’extrême complexité des règles encadrant le démarchage financier12. En effet, ces différentes dispositions coexistent sans qu’une modification en profondeur ait été réalisée. Il en résulte deux définitions du démarchage13, deux statuts de démarcheurs et deux régimes de protection des investisseurs démarchés, selon que l’opération de démarchage porte sur des valeurs mobilières ou sur des marchés à terme.

9 Cass. crim., 8 juin 1995, Pourvoi N° 94-82.682, Arrêt N° 2801, Lamy cassation. Cet arrêt confirme ainsi qu’une personne peut faire l’objet d’une double inculpation, à la fois au titre du délit de démarchage financier illicite et de complicité d’escroquerie, sans pour autant violer le principe non bis in idem. 10 Bien que cette loi, exclut de son champ d’application le démarchage bancaire et financier, l’art. 7, modifié par la loi du 18 janvier 1992, prévoit la répression de l’abus de faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour lui faire souscrire des engagements ou comptant ou à crédit. 11 Cette loi interdit le démarchage de parts de certains fonds et sanctionne pénalement les violations de cette interdiction. 12 Il faut également ajouter à ce dispositif législatif les décrets d’application et les textes réglementaires émanant des autorités de marchés, en particulier de la COB et du CMF.

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Cependant, il est possible de relever quatre critères communs à ces diverses définitions : - le lieu : le démarchage s’effectue “ soit au domicile ou à la résidence des personnes, soit sur leur lieu de travail, soit dans les lieux ouverts au public et non réservés à de telles fins ” ; - la fréquence : le démarchage est une activité d’habitude. Mais la jurisprudence admet généralement que cette condition est remplie dès lors qu’un tel acte ait été accompli deux fois ; - les moyens : le démarchage s’effectue par le déplacement physique du démarcheur ou par “ l’envoi de lettres ou circulaires ou par communications téléphoniques ”14 ; - l’action : le démarchage est caractérisé par un comportement actif du démarcheur, comprenant à la fois un élément objectif (déplacement physique ou envoi de documentation) et un élément subjectif (la démarche effectuée en vue de convaincre la personne démarchée de conclure un contrat)15. Cette dernière donnée permettra, par ailleurs, de distinguer le démarchage du conseil en investissement, qui n’aboutit pas forcément à une vente.

Par ailleurs, la loi de 1972 prévoit, outre l’interdiction du colportage sur valeurs mobilières, certains cas de

délits de démarchage financier. Un tel délit est constitué dès lors que certaines conditions sont réunies : - l’infraction doit avoir été commise soit au domicile ou à la résidence des victimes, soit sur leur lieu de travail ou dans des lieux publics ; - les démarchages interdits doivent tendre à la souscription, l’achat, l’échange ou la vente de valeurs mobilières ou encore une participation à des opérations sur ces valeurs16 ; - le démarchage doit porter sur des opérations expressément interdites de démarchage17 : Ensuite, une fois ces conditions préalables remplies, le démarchage interdit comprend, comme tout délit, un élément matériel et un élément moral. L’élément matériel est constitué du déplacement physique de l’intéressé ou de l’envoi d’une lettre, circulaire ou par un appel téléphonique (ces procédés doivent permettre de viser personnellement le destinataire). Par ailleurs, des conseils doivent avoir été donnés, peu importe que l’opération financière conseillée n’ait pas eu lieu. Enfin, le démarchage doit également avoir été pratiqué de manière habituelle. Concernant l’élément moral, il doit exister une intention de commettre une telle infraction18. Une fois ces infractions caractérisées, les sanctions sont lourdes, puisque, outre la possibilité pour les victimes d’exercer une action civile en réparation de préjudice, le démarcheur est passible des sanctions pénales de

13 Définitions, prévues aux art. L.342-2 et L.343-1 du c. monét. et fin., dans des termes proches mais non exactement identiques. 14 Il s’agit des conditions exigées par l’art. L. 342-2 du c. monét. et fin. concernant le démarchage sur valeurs mobilières. La définition du démarchage portant sur les produits à terme paraît quant à elle plus actuelle et mieux adaptée aux nouvelles méthodes de démarchage, puisqu’elle comprend “ l’envoi de tout document d’information ou de publicité, ou par tout moyen de communication ” (art. L. 343-1 du c. monét. et fin.). 15 T. Bonneau, F. Drumond, Droit des marchés financiers, Economica 2001. 16 Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle la personne sollicitée ou conseillée n’a pas à effectuer elle-même ces opérations : on lui propose de participer à un groupe, un syndicat ou un organisme quelconque qui a l’initiative de ces opérations et qui répartit ensuite entre les participants les gains ou les pertes 17 Il s’agit du démarchage portant sur la participation à des “ groupements de personnes ayant pour objet des opérations fondées sur les différences de cours des valeurs mobilières ”, sur les opérations à terme dans les bourses de valeurs françaises ou étrangères lorsqu’il s’agit d’opérations “ autres que les opérations à terme ferme accompagnées d’instructions écrites en vue de lever ou livrer les titres à la prochaine liquidation ”, sur des “ valeurs déjà émises par des sociétés et non admises à la cote officielle des bourses de valeurs ”, sur des “ valeurs émises par des sociétés françaises n’ayant pas établi deux bilans en deux ans au moins d’existence ” ou sur “ des valeurs mobilières étrangères ou sur des parts de fonds communs de placements étrangers ”, lorsque leur émission ou leur commercialisation est soumise à une autorisation préalable et que celle-ci n’a pas été accordée (art. L. 342-5 du c. monét. et fin.). 18 J.-Y. Lassalle, Démarchage financier et opérations de placement et d'assurance, fév. 1992, Jurisclasseur Banque-Crédit-Bourse, fasc. 2155.

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l’escroquerie (soit une peine de cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d'amende ainsi que des peines complémentaires pour les personnes physiques) 19. En outre, le délit de démarchage financier peut également être constitué en cas d’infraction au : - fait de démarcher sans être habilité par la loi ; - fait de démarcher sans qu’une déclaration préalable d’intention ait été faite ; - fait de démarcher sans avoir une carte professionnelle valable. Dans ce cas, les sanctions pénales varient en fonction de la gravité des peines et vont des simples peines applicables aux contraventions aux peines de l’escroquerie.

Pour autant, ces dispositions ne manquent pas d’entraîner des difficultés. En effet, la juxtaposition des textes, créé la confusion, aussi bien dans l’esprit des consommateurs que dans celui des professionnels. Une telle confusion avait ainsi été à l’origine d’un arrêt du 21 octobre 199720 : en l’espèce, une société avait délivré des cartes de démarchage en vue de permettre le placement de parts d’une SCPI. Les souscripteurs faisaient grief à l’arrêt attaqué d’avoir relevé que les parts de SCPI ne devaient pas être considérées comme des valeurs mobilières (conformément à la loi du 23 déc. 1988), pour en conclure que la loi du 3 janvier 1972 était sans application en l’espèce. La Cour de cassation a cependant rejeté leur pourvoi, approuvant sur ce point les juges du fond : le démarchage portant sur des parts de SCPI est régi non pas par la loi du 3 janvier 1972, mais par la loi du 28 décembre 1966 sur les marchés à terme (loi qui a cependant été modifiée par la loi du 3 janvier 1972 !).

C’est ainsi que la réglementation actuelle encourt des critiques de plus en plus vives de la part des professionnels qui sont nombreux à prôner la réforme de cette législation. Dans cette optique, un rapport sur la réglementation du démarchage financier21 a été réalisé par M. Rodocanachi, avec l’aide de M. de Mazières et de Mme Becqué, à la demande du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. A cette occasion, le dispositif législatif actuel a été jugé inadapté car “ touffu, peu cohérent et largement obsolète ”. Touffu, car il se compose de nombreux textes qui se superposent ; peu cohérent, car la définition du démarchage n’est pas strictement identique entre les différents produits financiers ; et obsolète, car cette réglementation n’incorpore pas les nouvelles méthodes de commercialisation, notamment via internet. Concernant cette dernière donnée, il faut en effet relever que la France connaît actuellement un développement rapide du commerce électronique, effectué au travers d’internet. Ainsi, même si les Français paraissent plus réticents que leurs voisins étrangers à réaliser des achats par le réseau internet22, la proportion d’internautes ayant déjà réalisé un achat sur internet a presque doublé entre 2000 et 2001 (30 % en 2001, soit 3 millions de Français)23. La distribution de produits financiers ne déroge pas à cette tendance, puisque ceux-ci paraissent d’autant mieux adaptés à cette technique de vente à distance en raison de leur caractère dématérialisé. Ainsi, internet devrait devenir “ un vecteur majeur de démarchage financier ”24 : l’utilisation de courrier électronique comme moyen de prospection s’avère en effet moins cher que le démarchage téléphonique ou le courrier papier, il se montre

19 J.-Y. Lassalle, Démarchage financier et opérations de placement et d'assurance, fév. 1992, Jurisclasseur Banque-Crédit-Bourse, fasc. 2155. 20 Cass. com. 21 octobre 1997, Artault et autre c/ SA Réafin, Bull. Joly Bourse, janv.-fév. 1998, p. 24 et s. 21 Rapport de la mission conduite par M. Rodocanachi sur le démarchage financier remis au ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, en juillet 2000. 22 Ce retard de la France s’explique notamment par le fait que le Minitel est encore très utilisé en tant qu’outil d’achat à distance, mais aussi car certaines craintes liées à l’achat en ligne subsistent, malgré l’amélioration des techniques et des législations, en particulier en ce qui concerne la sécurisation des paiements. 23 Source : tableau de bord du commerce électronique, Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe, avril 2002, disponible sur le site : www.men.minefi.gouv.fr. 24 M. Roussille et B. Gourisse, Information financière et vente de produits financiers par internet, Rev. dr. banc. et fin., n°6,nov./déc. 2000, p.387et s.

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également plus efficace puisque le taux de retour d’une campagne varie de 4 à 18 % soit 10 fois plus que celui des envois papier25. Ce projet de réforme apparaît donc d’autant plus crucial que l’irruption d’internet accroît les possibilités de sollicitation du public français avec tous les dangers inhérents à cette pratique.

Pourtant, un tel projet de réforme avait déjà été envisagé avant la développement d’internet : la COB avait notamment évoqué, en 1994, “ la nécessité d’une refonte des textes multiples du démarchage ” car “ l’activité de démarchage ne devrait s’exercer que dans un cadre professionnel rigoureux avec un statut particulier et officiel, ce qui impliquerait des compétences et des garanties non seulement au plan financier mais aussi en termes de déontologie ”26. En effet, il avait rapidement été reproché à la loi de 1972 de s’attacher “ à réglementer le démarchage et non pas la profession de démarcheur ”27. Ainsi, cette réforme, considérée comme “ un véritable serpent de mer ”28 qui remonte régulièrement à la surface lors de l’adoption de textes financiers, n’a pas encore aboutit, les tentatives amorcées depuis une dizaine d’années ayant été vaines. Cependant, récemment, le rapport de M. Rodocanachi, a enfin amorcé un début de réforme, puisqu’il a jeté les bases d’un projet de loi adopté par le Conseil des ministres le 30 mai 200129. Selon les rédacteurs de ce rapport, “ l’intérêt de l’opinion et de ses représentants pour ce qui est maintenant considéré comme un sujet de société modeste mais réel - la protection de l’épargnant dans un environnement ouvert - devrait cette fois, faciliter l’aboutissement d’une réforme en phase avec les impératifs contemporains ”30. A l’heure actuelle, il semble que l’aboutissement de cette réforme constitue également l’un des objectifs principaux du nouveau gouvernement, puisque M. Mer, ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, a annoncé que cette réforme devrait être incluse dans une loi qui sera présentée en septembre sur la sécurité financière31.

C’est pourquoi le projet de loi, basé sur le rapport Rodocanachi a proposé d’axer la réforme sur trois points : une homogénéisation des dispositions applicables au démarchage financier, une meilleure réglementation du statut de démarcheur (avec la nécessité de satisfaire à des conditions de compétence, de moralité ou de garanties financières) et une volonté de prendre en compte les nouvelles techniques de commercialisation électronique.

De son côté, la COB, consciente des problèmes posés par le démarchage financier, et animée par la volonté de protéger les investisseurs, est venue édicter certaines règles en la matière, par l’intermédiaire de règlements ou recommandation, ou pour mettre en garde les investisseurs contre des pratiques jugées dangereuses, au moyen de communiqués de presse. Ainsi, il est possible de citer ses mises en garde contre la technique de la bouilloire ou “ boiler room ”32, pratique frauduleuse consistant souvent en de fausses promesses de bénéfices importants et immédiats, obtenus en investissant dans des produits qui ne sont pas négociés sur des marchés reconnus ou dont la valeur réelle ne peut être appréciée33.

25 F. Bordage, “ Une myriade de nouveaux outils suivent le cycle du consommateur ”, Les Echos, 21 février 2002. 26 Marchés 2001 : synthèse des réponses, Bulletin COB, n°286, déc. 1994, p.51. 27 G. Cas, Démarchage financier et protection des épargnants, JCP E, 1973, n°14, p.13 et s. 28 P. Marini, Qu’attend-on pour réformer le démarchage financier ?, Les Echos, 9 août 2000. 29 Projet de loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, n°346 (2000-2001), 30 mai 2001 (disponible sur le site legifrance : www.legifrance.gouv.fr). 30 G. Philippe, La réforme du démarchage financier pourrait enfin aboutir, Les Echos, 28 nov. 2001. 31 “ Marchés : une loi sur la sécurité financière sera présentée en septembre ”, Les Echos, 12 juillet 2002. 32 J.-P. Michaud, La protection des petits investisseurs : la lutte contre la fraude financière transnationale dont sont victimes les particuliers, Bull. COB, n°275, déc. 1993, p.19 et s. 33 H. de Vauplane, Protection nationale de l'épargne et concurrence entre places boursières, Banque et Droit, mai-juin 1995, p.41.

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Par ailleurs, la COB est également chargée de veiller au contenu de la note d’information qui doit obligatoirement être délivrée par le démarcheur au consommateur. Concernant le démarchage portant sur les opérations sur instruments financiers réalisés sur un marché étranger, certaines dispositions de son règlement n°99-0434 sur la commercialisation en France d’instruments financiers négociés sur un marché étranger reconnu ou sur un marché réglementé de l’Espace Economique Européen sont applicables. La COB y précise notamment que l’information donnée au public doit être exacte, précise et sincère (art.1) et que “ toute publicité ou tout message diffusé par le marché étranger doit comporter l’indication qu’il a fait l’objet d’une reconnaissance par le ministre de l’économie ” (art.5). Mais elle s’est également intéressée de près aux problèmes posés par l’utilisation d’internet : en témoignent ses entretiens de 199835 au cours desquels elle a réalisé une synthèse des problèmes posés par internet et des solutions actuellement envisageables pour y répondre, y compris en ce qui concerne le démarchage financier effectué par internet. Ainsi, la COB veille plus particulièrement au respect de la qualité de l’information diffusée par le réseau et celui de l’égalité d’accès à l’information entre investisseurs. Elle exerce aussi une surveillance continue sur les sollicitations des investisseurs effectuées via internet36. Elle a en outre adopté la recommandation n°99-02 relative à la promotion ou la vente de produits de placement collectif ou de services de gestion sous mandat via internet. La COB y indique en premier lieu certains critères permettant de déterminer le territoire visé par une offre sur internet. En second lieu, elle procède à l’énumération des informations devant figurer sur toute offre de produits de placement collectif visant les résidents français. En outre, elle met à la charge des offreurs une véritable obligation de conseil, puisque ceux-ci doivent s’enquérir de la situation financière ou patrimoniale du client et déterminer avec lui ses objectifs, notamment en termes de risques et de durée d’investissement37. Par ailleurs, le CMF a également adopté certaines dispositions relatives à l’utilisation d’internet : elles figurent dans sa décision générale n°99-07 du 15 septembre 1999 relative aux prescriptions et recommandations pour les prestataires de services d’investissement offrant un service de réception-transmission ou d’exécution d’ordres de bourse comportant une réception des ordres via internet. L’art. 2 de cette décision précise ainsi que l’émetteur d’un message proposant un tel service doit clairement mentionner dans son message son statut et les services d’investissement qu’il est habilité à exercer. En outre, l’art. 3 dispose que, lorsque son offre s’adresse de façon manifeste aux résidents d’un pays étranger, le prestataire habilité doit veiller à ce que son offre soit compatible avec la réglementation du pays concerné.

L’apparition de nouveaux moyens d’information et de communication a également facilité l’essor de la mondialisation. Ce phénomène est perceptible, selon M. Bézard, par le triomphe de l’économie de marché dans un contexte libéral et qui se traduit par un mouvement irréversible des capitaux, des hommes, des idées par delà les frontières naturelles et juridiques38. Or, les marchés financiers sont particulièrement sensibles à cette évolution, notamment en raison de la dématérialisation de leurs produits. Il est donc indispensable de prendre en compte cette évolution, puisqu’elle a pour corollaire un risque accru de fraudes, fraudes qui ne peuvent plus être réprimées par les seules règles nationales.

34 Modifié par le règlement n°2000-08. 35 “ Les marchés financiers à l’heure d’internet ”, Bull. COB, n°329, novembre 1998. 36 Cf. communiqué de presse du 21 février 2000 contre les sollicitations effectuées via internet par des entreprises ne disposant pas des agréments nécessaires. 37 Sur cette recommandation, cf. les commentaires de M. Storck, Recommandation n°99-02 de la COB relative à la promotion ou la vente de produits collectifs ou de services de gestion sous mandat via internet, RTD com., n°52, oct-déc. 1999, p.907 et s. 38 P. Bézard, La mondialisation et les marchés financiers, RJ com., n°1, 1er janv. 2001, p. 163 et s.

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La solution passe donc notamment par l’édiction de règles au niveau international, ainsi que la coopération entre les autorités de régulation nationales. En la matière, des avancées considérables ont été réalisées, en majeure partie grâce à l’OICV qui s’est efforcé de favoriser la coopération des autorités de régulation regroupées en son sein, de fixer des principes et des recommandations39. Mais les travaux de l’Union européenne revêtent également une importance considérable. En effet, il faut bien avouer que l’élaboration d’une réglementation internationale paraît un objectif difficile à atteindre dans l’immédiat, comme le souligne M. Bézard40, en particulier compte tenu des difficultés à obtenir des Etats des abandons de souveraineté en la matière. Cependant, une telle unification paraît plus facile à réaliser dans le cadre européen. Ainsi, les institutions européennes ont récemment adopté diverses directives dont certaines comportent des dispositions propres au démarchage financier : il s’agit en particulier de la directive sur le commerce électronique41 et de celle sur la commercialisation à distance de services financiers42. Ces règles européennes pourraient donc servir de base pour la construction d’un droit unifié au niveau international.

Cette étude sera donc axée sur deux aspects de la législation du démarchage financier. Au niveau national, nous étudierons, dans un titre premier, les propositions émises par le projet de loi sur la base des recommandations du rapport Rodocanachi. Ensuite, le démarchage financier ne pouvant se contenter à l’heure actuelle de dispositions émises dans un cadre uniquement national, il sera utile de se reporter aux dispositions régissant le démarchage effectué au niveau communautaire et international, dans un titre second.

Mes vifs remerciements à M. Michel Storck

pour sa précieuse collaboration dans l’élaboration de cette étude.

39 Cf. notamment mise en garde de l’OICV contre le “ cold calling ” du 1er février 2002 (reprise dans un communiqué de presse de la COB du 7 février 2002) ; travaux de l’OICV sur la pratique des bouilloires (Bull. COB, n°275, décembre 1993, p. 19 et s.) ; ou encore Rapport du Comité technique de l’OICVM, Internet et les services financiers, recommandations fondamentales, Bull. COB n°329, nov. 1998, p.139 et s. 40 P. Bézard, La mondialisation et les marchés financiers, RJ. com., n°1, 1er janv. 2001, p. 163 et s. 41 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juillet 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur. 42 Directive adoptée le 26 juin 2002. Elle est actuellement en attente de publication au Journal Officiel.

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TITRE 1 : LA REFORME DE LA LEGISLATION NATIONALE DU DEMARCHAGE

A l’heure actuelle, les activités de démarchage financier dépendent de dispositions émanant de lois diverses : il s’agit de celles du 3 janvier 1972, du 28 décembre 1966 ou encore du 28 mars 1885, selon qu’il s’agit de valeurs mobilières, de prêts, de rentes viagères, de biens divers, de SCPI ou encore de produits à terme. Mais, de façon générale, la législation du démarchage repose sur deux principes : - la prohibition de certaines opérations de démarchage ;

- et la réglementation des opérations de démarchage autorisées. Ainsi, en plus de la juxtaposition des textes et donc de la confusion qui en ressort, une deuxième lacune apparaît : cette législation est focalisée sur la réglementation du démarchage, au détriment de celle des démarcheurs. Les rédacteurs du projet de loi ont donc proposé de régler ces difficultés par la redéfinition du démarchage financier (Chapitre 1) et du cadre d’activité des démarcheurs (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Une nouvelle définition du démarchage financier

Le démarchage financier est actuellement régi par une juxtaposition de textes dont les diverses réformes n’ont pas permis de résoudre les faiblesses. En effet, ces textes se juxtaposent rendant leur compréhension difficile43. Par ailleurs, leur cadre inchangé depuis près de trente ans ne permet plus de répondre à certaines situations. Ainsi, parmi les objectifs principaux de la réforme proposée, figurent la nécessité de résoudre le problème de l’hétérogénéité des textes et de leur archaïsme (Section 1). Mais ces améliorations permettront-elles pour autant de résoudre les problèmes de qualification liés à l’apparition de nouvelles techniques de sollicitation (Section 2) ?

Section 1. Une réforme motivée par l’hétérogénéité et l’archaïsme des textes actuels

L’hétérogénéité des textes soulève de nombreuses difficultés : ainsi, la COB a dénoncé le comportement de certains démarcheurs qui utilisent la confusion actuelle pour réaliser des opérations frauduleuses. C’est pourquoi, une simplification de la définition du démarchage paraît nécessaire (I). Par ailleurs, un élargissement a également été proposé afin de permettre l’adaptation du démarchage aux techniques actuelles (II).

I. La simplification de la définition du démarchage 43 Sur les problèmes posés par l’hétérogénéité des textes régissant le démarchage financier, cf. arrêt précité : cass. com. 21 octobre 1997. Artault et autre c/ SA Réafin, Bull. Joly Bourse, janv.-fév. 1998, p. 24 et s.

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La simplification de la définition de démarchage repose à la fois sur l’élaboration d’une définition unique

du démarchage, assortie de critères mieux définis (A) et sur une meilleure délimitation du champ d’application de ces dispositions (B).

A. Une définition unique du démarchage, assortie de critères de qualification mieux définis

La simplification de la définition réside, en premier lieu, dans la substitution d’une définition unique aux

diverses définitions existantes (A) et dans la détermination de critères mieux définis permettant de conclure à une opération de démarchage (B).

1. Une définition unique du démarchage

L’hétérogénéité de la législation actuelle du démarchage financier constitue actuellement l’un des

principaux obstacles à une bonne compréhension de ces règles, tant par les consommateurs que par les professionnels. En effet, le cadre législatif est constitué de dispositions disparates, variant en fonction de l’objet sur lequel porte le démarchage. Ainsi, trois définitions sont posées aux art. L.341-2, L.342-2 et L.343-1 du c. monét. et fin., selon que le démarchage a pour objet, respectivement, la réalisation d’une opération bancaire, d’une opération sur valeurs mobilières, ou d’une opération sur marché à terme. Le projet de loi prévoit donc de procéder à une simplification de cette législation, dans un premier temps en substituant à ces trois définitions une définition unique du démarchage, qui s’appliquerait quel que soit le produit financier concerné.

2. Des critères de qualification mieux définis

La simplification résiderait, dans un second temps, dans la définition précise des critères devant être réunis pour

caractériser une opération de démarchage : - la sollicitation doit présenter un caractère actif, puisque c’est le démarcheur qui prend l’initiative de contacter

le client potentiel (“ toute prise de contact non sollicitée ”) ; - et elle doit être personnalisée , adressée à “ une personne physique ou une personne morale déterminée ”. Ainsi, la simple ouverture d’un site internet sur lequel les internautes peuvent se connecter ne rentre pas dans le champ de la législation sur le démarchage, tandis que l’envoi d’un e-mail à des fins commerciales à un internaute est en revanche constitutif d’une opération de démarchage. Il faut également relever que la condition d’habitude n’est plus requise : un seul acte est susceptible d’être requalifié en démarchage (cependant, la jurisprudence se montrait déjà stricte, puisque les juges considéraient, généralement, que cette condition était remplie, dès que deux actes de cette nature étaient pratiqués). Cette qualification d’acte de démarchage n’est pas anodine puisque, comme nous le verrons plus loin, des sanctions sont posées en cas de manquements aux obligations mises à la charge du démarcheur, que ce soit l’obligation de détenir une carte professionnelle, ou encore le respect de certaines règles de bonne conduite (notamment des obligations d’information et de conseil).

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B. Une meilleure délimitation du champ d’application de la législation du démarchage

En second lieu, la simplification de la définition du démarchage est réalisée par une délimitation plus

précise du champ d’application des dispositions du démarchage. A cette fin, deux catégories d’opérations sont exclues de cette réglementation : les activités dont on peut considérer qu’elles sont effectuées sur demande préalable de la personne visée (1) et celles effectuées avec des personnes “ averties ” (2).

1. L’exclusion des activités exercées à la demande des personnes visées

Sous cette catégorie d’exclusion, il est possible de rassembler deux exclusions particulières, proposées par

le projet de loi : l’exclusion des activités pratiquées dans les locaux des professionnels habilités à recourir au démarchage (a) et l’exclusion des activités exercées dans les locaux professionnels d’une personne morale, à la demande de cette dernière (b).

a. L’exclusion des activités exercées dans les locaux des professionnels habilités

Caractéristique inhérente au démarchage, celui-ci doit s’exercer en dehors de tout point de vente, c’est

pourquoi l’actuel art. L.342-2 al. 4 du c. monét. et fin. prévoit que les dispositions du démarchage ne s’appliquent pas aux activités exercées dans les locaux des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, “ lorsque ces activités s’y exercent conformément à la destination de ces locaux ou lieux publics et dans les conditions où elles y sont normalement pratiquées ”. Cette exclusion est logique, puisque dans cette hypothèse, on peut présumer que c’est le client qui a pris l’initiative de contacter le professionnel et qu’il n’y donc pas de sollicitation active de la part de ce dernier, c’est pourquoi, le projet de loi prévoit le maintien cette disposition.

b. L’exclusion des activités exercées dans les locaux professionnels d’une personne morale à la demande de celle-ci

Le nouvel art. L. 341-2- 3° du c. monét. et fin. prévoit ensuite l’inapplicabilité des règles du démarchage

aux “ démarches [effectuées] dans les locaux professionnels d’une personne morale à la demande de cette dernière ”. A titre d’exemple, on peut imaginer le démarchage du personnel d’une entreprise sur leur lieu de travail, sur demande de leur employeur. Dans cette hypothèse, comme dans la précédente, on peut considérer qu’il n’y a pas de sollicitation active de la part du démarcheur, puisqu’il agit à la demande de l’employeur.

2. L’exclusion du démarchage effectué avec des personnes “ averties ”

Cette seconde catégorie peut, comme pour la précédente, être regroupée en deux hypothèses d’exclusions

sous cette catégories : le démarchage effectué avec des “ investisseurs qualifiés ” (a) et lorsqu’une relation de clientèle préexiste entre le démarcheur et la personne visée (b).

a. Le démarchage effectué avec des “ investisseurs qualifiés ”

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A priori, cette disposition semble apporter une innovation importante au régime du démarchage financier, puisqu’elle prévoit d’exclure des règles du démarchage financier, les prises de contact établies par le démarcheur avec des “ investisseurs qualifiés ”44. Ces derniers sont définis, par l’art. L.411-2 du c. monét. et fin., comme des personnes morales “ disposant des compétences et des moyens nécessaires pour appréhender les risques inhérents aux opérations sur instruments financiers ”. Derrière cette disposition, il apparaît que les rédacteurs du projet de loi entendaient accorder le bénéfice des règles protectrices du démarchage aux seuls particuliers ou profanes. Cette restriction serait également destinée à permettre de résoudre les difficultés liées à la nouvelle notion d’appel privé d’instrument financier. En effet, cette dérogation à l’appel public à l’épargne, instaurée par la loi du 2 juillet 199845, devrait permettre d’émettre une offre destinée à des investisseurs ciblés, composés des “ professionnels ” et des “ proches ” de l’émetteur, offre qui bénéficie alors d’un régime “ allégé ”, puisqu’elle n’est pas astreinte aux obligations d’information liées à l’appel public à l’épargne. Or, le démarchage financier, nouvelle présomption de l’appel public à l’épargne, pose problème par ses termes généraux. Ainsi, une tentative de réforme ponctuelle visant à exclure du champ d’application du démarchage les investisseurs qualifiés, avait été rejetée au motif que “ la réforme du démarchage doit être envisagée de façon globale ”46. Cependant, certains auteurs47 se sont interrogés sur le bien fondé de cette proposition en raison du régime actuel de ce statut : en France, les sociétés commerciales peuvent opter pour ce statut48. Mais hors de France, aucune société, cotée ou non, indépendamment de son degré d’expertise en matière d’opérations sur instruments financiers, n’a accompli cette démarche jusqu’à ce jour. Cette situation est facilement compréhensible : le statut d’investisseur “ non qualifié ” permet aux entreprises de bénéficier de règles plus protectrices, comparables à celle accordées au profane. Cette distinction paraît donc avoir actuellement peu d’impact, en l’absence de nouvelle définition de la notion d’investisseurs qualifiés.

b. L’existence préalable d’une relation de clientèle entre le démarcheur et la personne visée

La dernière exclusion proposée par le projet de loi concerne l’hypothèse où une relation de clientèle entre le

démarcheur et la personne visée existe préalablement à l’opération en cause. Ainsi, le 4° de nouvel art. L. 341-2 du c. monét. et fin. prévoit l’exclusion des règles du démarchage, “ lorsque la personne visée est déjà cliente de la personne pour le compte de laquelle la prise de contact a eu lieu, dès lors que l’opération proposée relève en raison de sa nature, des instruments financiers proposés, des risques ou des montants en cause, des opérations habituellement réalisées par cette personne ”. Cette exclusion trouve alors sa justification dans le fait qu’il est possible de présumer que le personne démarchée est avertie des risques qu’elle encourt en concluant le contrat proposé par le démarcheur. Il a alors été jugé inutile de lui accorder les dispositions protectrices du démarchage. Mais, outre une simplification de la définition du démarchage financier, il est également proposé de réaliser un élargissement de son champ d’application.

II. L’élargissement du champ d’application du démarchage financier

44 Nouvel art. L.341-2, 1° du c. monét. et fin. tel que modifié par le projet de loi. 45 Loi n°98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier. 46 P. Clermontel et B. Dornic, L'émergence d'une notion autonome de placement privé, JCP E, n°48, 26 nov. 1998, p.1868 et s. 47 A. Achard et S. Brémond, Comment réformer le démarchage financier ?, Banque, n°627, juill.-août 2001, p.56. 48 Cf. notamment décret n°98-880 du 1er octobre 1998.

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L’élargissement du démarchage est effectué grâce à la substitution de nouvelles notions à celle existantes

(A) et à la disparition de la notion de colportage (B).

A. L’utilisation de notions nouvelles

Le projet de loi procède à un élargissement en substituant deux notions nouvelles à celles existantes : le

notion de prise de contact non sollicité remplace le déplacement physique du démarcheur (1) et la notion d’instruments financiers se substitue à celle de valeurs mobilières (2).

1. La notion de prise de contact non sollicitée

La loi de 1972 avait déjà procédé à une extension en incluant dans son champ d’application “ les offres de

services faites ou les conseils donnés de façon habituelle en vue des mêmes opérations au domicile ou à la résidence des personnes, ou sur leur lieu de travail, par l’envoi de lettres ou circulaires ou par communications téléphoniques ” (art. L.341-2 al.4, L.342-2 al.3 et L.343-1 al.349 du c. monét. et fin.), c’est-à-dire les techniques de démarchage à distance. Mais cet élargissement a paru insuffisant pour permettre l’appréhension du démarchage effectué au travers d’internet. Le projet de loi a donc proposé de substituer aux définitions actuelles, fondées principalement sur le déplacement physique du démarcheur, une définition unique basée sur la notion de prise de contact non sollicitée. Ainsi, le nouvel art. L.341-1 du c. monétaire et financier définirait le démarchage comme : “ toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique ou une personne morale déterminée ” pour la fourniture d’un service d’investissement, d’un instrument financier ou d’une opération de banque. Par l’utilisation de la notion de prise de contact non sollicitée, un élargissement du champ d’application est opéré, extension devant permettre d’inclure les nouvelles techniques de communication, et en particulier le démarchage effectué via internet. Cette nouvelle définition apparaît donc a priori plus adaptée à la tendance actuelle, à l’heure où la majorité des sollicitations s’effectuent de manière personnalisée et “ à distance ” (via internet, le fax, le courrier ou le téléphone).

2. La notion d’instruments financiers

Par ailleurs, la loi étend les dispositions du démarchage à toutes les opérations sur instruments financiers

(art. L.341-1-1° du c. monét. et fin. : “ Constitue un acte de démarchage bancaire et financier…la réalisation…d’une opération sur un des instruments financiers énumérés à l’art. L.211-1 ”). Cette extension fait suite à une proposition de l’AFG-ASFFI. En effet, une telle extension s’inscrirait dans la logiques de la loi n°96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières, qui a déjà prévu de substituer la notion d’“ instrument financier ” à celle de “ valeur mobilière ” dans la définition des délits boursiers. La législation actuelle du démarchage financier reste en effet limitée aux valeurs mobilières (c’est-à-dire aux actions, titres de créance et parts de FCP et de FCC) et aux opérations sur marchés à terme.

49 Il faut noter cependant que la définition du démarchage financier concernant les opérations sur le marché à terme (art. L. 343-1 du c. monét. et fin.) paraît avoir un champ d’application plus large que les deux autres : “ … par l’envoi de tout document d’information ou de publicité, ou par tout moyen de communication ”.

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L’utilisation de la notion d’instruments financiers permettrait donc de recouvrir ces deux catégories, puisque, selon l’art L. 211-1 du c. monét. et fin., cette catégorie comprend : - les actions et assimilés ; - les titres de créance et assimilés ; - les parts ou actions d’organismes de placements collectifs; - les instruments financiers à terme (contrats financiers à terme, contrats à terme sur taux d’intérêt, contrats d’échange, contrats à terme sur toutes marchandises et denrées, contrats d’option d’achat ou de vente d’instruments financiers, et tous autres instruments de marchés à terme) ; - et tous instruments financiers équivalents à ceux mentionnés, émis sur le fondement de droits étrangers. Mais, si deux substitutions sont effectuées, il faut également constater que le projet de loi prévoit la disparition de la notion de colportage.

B. La disparition de la notion de colportage

Nous avons déjà brièvement évoqué les liens entre les opérations de démarchage et de colportage : si, dans

les deux cas, une démarche active du vendeur est nécessaire, le colportage se distingue du démarchage en ce qu’il doit être constitué à la fois d’un paiement immédiat, mais également d’une remise immédiate des titres50, ce qui nécessite que le colporteur se soit déplacé pour avoir un contact direct avec le client. Cette activité est prohibée par la réglementation actuelle51, en raison des risques importants qu’elle fait courir aux personnes démarchées, ne leur laissant aucun temps de réflexion en dehors de la présence du démarcheur. Cependant, cette notion paraît être obsolète depuis la loi bancaire de 1984 : ainsi, si le paiement immédiat peut être réalisé lorsque le colporteur se rend au domicile de ses clients potentiels (ou dans tout autre lieu non destiné à la pratique d’une telle activité), la remise immédiate des titres ne paraît pas pouvoir être effectuée en raison de la dématérialisation52 de ces produits, opérée par la loi bancaire. C’est pourquoi le projet de loi ne mentionne plus cette notion de colportage, mais prévoit l’obligation pour le démarcheur se rendant au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation de tels produits, de respecter un délai de réflexion de 48 heures, délai pendant lequel il ne peut recueillir ni ordres, ni fonds de la part des personnes démarchées en vue de la fourniture de services de réception-transmission et exécution d’ordres pour le compte de tiers ou d’instruments financiers53. Cependant, l’AFEI54 a fait observer que les nouvelles techniques de communication pourraient conduire à remettre d’actualité l’activité de colportage. En effet, internet, permet de réunir à nouveau les deux conditions posées pour le colportage : - le paiement immédiat, avec la possibilité de payer en ligne, - la livraison immédiate des titres par inscription instantanée en compte

50 C’est ce qu’a fait observer la cour d’appel de Montpellier dans un arrêt du 13 décembre 1990 (Jurisdata n. 3828). 51 Art. L. 342-1 du c. monét. et fin. : “ Le colportage des valeurs mobilières est interdit. Se livre au colportage celui qui se rend au domicile ou à la résidence des personnes ou sur leurs lieux de travail ou dans des lieux publics pour offrir ou acquérir des valeurs mobilières avec livraison immédiate des titres et paiement immédiat total ou partiel sous quelque forme que ce soit ”. 52 La dématérialisation consiste à inscrire dans un compte ouvert par la société émettrice ou un intermédiaire habilité les valeurs mobilières - titres nominatifs et au porteur - au nom de leurs titulaires, et à supprimer leur représentation matérielle (registre de transfert ou support écrit). 53 Art. L.341-16-IV du c. monét. et fin. tel que modifié par le projet de loi. 54 Association Française des entreprises d’investissement, La fourniture de services et de produits financiers à l’épreuve d’internet : quel environnement juridique pour les prestataires de services d’investissement ? octobre 2000

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Mais la réforme ne prévoit pas de délai de réflexion lorsque le démarchage est effectué via des techniques à distance, telles qu’internet. On peut alors se demander s’il n’y a pas là un risque accru de fraudes. Pourtant, l’apparition de nouvelles techniques de sollicitation a encore accru les difficultés.

Section 2. Une réforme motivée par les difficultés liées à la qualification de certaines nouvelles techniques

Il arrive bien souvent que les techniques de publicité et de démarchage soient presque similaires. Cependant, ces deux régimes diffèrent par leur réglementation, plus protectrice pour le démarchage. La difficulté réside donc dans la qualification de ces techniques, sachant que la COB essaie de requalifier de telles sollicitations en actes de démarchage, dès que possible. Mais une analyse au cas par cas étant nécessaire, nous nous attacherons à étudier ici quelques pratiques posant particulièrement problème. A cette fin, seront d’abord passées en revue les techniques de sollicitation par courrier et par téléphone (I), puis les nouvelles techniques apparues avec le développement d’internet (II). Enfin, nous nous interrogerons sur l’incidence de la définition proposée par le projet de réforme sur ces pratiques posant des difficultés (III).

I. La qualification de certaines techniques de sollicitation par courrier et par téléphone

Deux techniques posent particulièrement problème et présentent des dangers pour les souscripteurs potentiels : la technique du coupon-réponse (A) et la pratique du boiler-room (B).

A. La technique du coupon-réponse

Le démarchage et la publicité, techniques similaires de sollicitation des clients, se distinguent par leurs

caractères : caractère actif et personnalisé pour la première technique, caractère général et impersonnel pour la seconde. Mais, ces caractéristiques divergentes n’évitent pas tous problèmes, puisque la frontière entre ces deux notions paraît parfois délicate à tracer. En effet, ce qui peut paraître relever à première vue d’un message publicitaire peut être requalifié en acte de démarchage. Cette difficulté se présente particulièrement lorsqu’un message publicitaire comporte des éléments pouvant conduire à l’achat direct d’un produit ou d’un service financier, ou à l’institution d’une relation directe entre le démarché et le démarcheur. En pratique, ce problème a notamment été soulevé par l’utilisation de la technique du coupon-réponse sur un encart publicitaire à caractère général. L’envoi du coupon-réponse va généralement être suivi de l’envoi de circulaires, de contacts téléphoniques, ou encore de visites au domicile des personnes par les instigateurs de cette pratique, actes en principe constitutifs de démarchage. Mais les instigateurs de telles pratiques considèrent souvent, à tort, que de tels actes ayant été sollicités, ils ne tombent pas sous le coup de la législation du démarchage. La COB considère que “ l’utilisation de la technique du coupon-réponse par les annonceurs, si elle trouve sa légitimité dans le besoin de limiter aux seules personnes intéressées le développement d’une campagne d’informations sur le produit proposé, peut se transformer en acte de démarchage dès lors qu’au-delà de cet

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objectif, elle tend à provoquer la remise de fonds ou la souscription d’engagements ”55. Le démarchage est donc constitué, dès lors qu’une publicité complémentaire, assortie d’un bulletin de souscription, fait suite à la demande. Il en va de même lorsque des appels téléphoniques, des prises de rendez-vous ou des relances par voies écrites sont effectuées. Cependant, un danger encore plus important est représenté par la pratique du “ boiler-room ”.

B. Le “ boiler-room ”

Ce mécanisme (appelé aussi “ bouilloire ”) a été dénoncé par la COB à plusieurs reprises. Il peut être défini

comme “ le recours pour une entité, agissant généralement, mais pas nécessairement, sans agrément et qui a recours à des techniques de vente agressives pour solliciter des clients non avertis, en vue d’investissements en valeurs mobilières ou produits dérivés ”56. La forme la plus répandue consiste à acheter des titres de faible valeur sur un marché peu liquide et peu transparent, puis a en faire monter artificiellement la valeur, par des manipulations de cours, et ensuite à revendre les titres à haut prix à des épargnants. Il s’agit donc incontestablement d’une technique de démarchage financier, puisqu’il existe indéniablement une sollicitation active et personnalisée des clients potentiels. Le démarchage est ainsi souvent effectué par le biais d’appels téléphoniques non sollicités ou “ cold calling ”, permettant de “ cueillir ” les gens à un moment où ils ne s’y attendent pas, afin de diminuer leur faculté de résistance57. La principale difficulté réside, pour les autorités de marché, dans le démantèlement de telles pratiques. Cette technique peut en effet être réalisée entièrement à partir d’un seul pays, mais les techniques les plus sophistiquées sont réalisées au départ de trois pays différents : un premier pays dans lequel l’intermédiaire financier douteux est établi (pays dans lequel il n’exerce aucune activité criminelle, pour ne pas attirer l’attention des autorités), les comptes sur lesquels les fonds sont versés par les clients sont situés dans un second pays et l’intermédiaire financier démarche le public de pays tiers en vue de lui vendre de tels titres58.

Cependant, les Etats disposent de certains moyens de défense : ainsi, selon l’OICV, la lutte contre de telle pratiques passe en premier lieu par une réglementation nationale permettant de les décourager59. Il en va ainsi de l’agrément des intermédiaires financiers et des professionnels des marchés (en particulier le refus d’agrément en cas de condamnations antérieures), la prohibition de la commercialisation de certains produits, la réglementation de l’offre et de la commercialisation de valeurs mobilières et produits à terme étrangers sur le territoire. Mais la principale protection des investisseurs potentiels passe par leur information : information sur les pratiques de certains professionnels et les risques encourus en acquérant leurs produits, sur les précautions à prendre avant toute souscription ou encore sur la réglementation applicable.

55 Bull. COB, n°186, août 1986, p. 18-19. 56 J.-P. Michaud, La protection des petits investisseurs : la lutte contre la fraude financière transnationale dont sont victimes les particuliers, Bull. COB, n°275, déc. 1993, p.19 et s. 57 Il est à noter que l’OICV a mis en garde le public contre le démarchage téléphonique non sollicité ou “ cold calling ”. Les sociétés qui pratiquent ce type de démarchage ne détiennent en effet pas toujours les agréments nécessaires et proposent parfois des investissements illicites, par ailleurs, elles ont souvent des tactiques commerciales offensives visant à faire pression sur leurs clients potentiels dans le but de placer leurs produits. C’est pourquoi l’OICV préconise au public de ne pas souscrire des produits financiers sur la seule base de ce type de démarchage par téléphone (Mise en garde de l’OICV du 1er février 2002, reprise par un communiqué de presse de la COB, du 7 février 2002). 58 Pour une étude plus approfondie des problèmes posés par cette technique au niveau international, cf. titre second de cette étude. 59 J.-P. Michaud, La protection des petits investisseurs : la lutte contre la fraude financière transnationale dont sont victimes les particuliers, Bull. COB, n°275, déc. 1993, p.19 et s.

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Enfin, un encadrement strict de la sollicitation du public et des techniques de vente peut également s’avérer efficace, en particulier, la réglementation du démarchage téléphonique, moyen de sollicitation privilégié dans le cadre des boiler-room. Ainsi, peut être exigée la signature d’un document informant le client des risques encourus, la confirmation par écrit de tout ordre reçu par téléphone et des modalités de son exécution, voire même l’interdiction pure et simple de tout appel téléphonique “ à froid ” auprès d’investisseurs non avertis. Mais internet, de par sa rapidité et son coût peu élevé, accroît encore les possibilités de sollicitation du public et donc les risques de fraude.

II. La qualification des sollicitations effectuées au travers d’internet

Comme le rappelle un rapport du Conseil d’Etat60 remis au Premier ministre en juillet 1998, Internet n’est pas une zone de non-droit. Ainsi, certains textes existants sont applicables aux réseaux numériques. C’est le cas des textes encadrant le démarchage financier. En effet, il est possible d’assimiler l’adresse internet, domicile virtuel de la personne démarchée, à son domicile réel. Dans ce cas, la définition du démarchage financier, telle qu’elle est prévue par le deuxième alinéa de l’art. L. 342-2 du c. monét. et fin. peut trouver à s’appliquer aux sollicitations des clients via internet : “ Sont également considérées comme activités de démarchage les offres de services faites ou les conseils donnés, de façon habituelle, en vue des mêmes fins, au domicile ou à la résidence des personnes, ou sur les lieux de travail, par l’envoi de lettres ou circulaires ou par communications téléphoniques ”. Une analyse au cas par cas des divers modes de sollicitation utilisés paraît cependant indispensable. C’est ce qu’a réalisé la COB, en particulier dans ses entretiens de 199861, en classant ces techniques de sollicitation électroniques dans deux catégories : les sites considérés comme “ actifs ” et ceux considérés comme “ passifs ”. Les premiers ne contiennent que des informations mais ne permettent pas de passer à un autre site établissant une communication avec l’offreur. Ces sites entrent dans le cadre de la publicité et non du démarchage. Les seconds, au contraire, sont constitutifs de méthodes de sollicitation actives : envoi de courrier électronique de masse ou expédition de messages à des internautes connectés sans qu’ils aient cherché à contacter le site concerné. Dans ce cas, la loi sur le démarchage serait applicable. Cependant, si pour certaines pratiques, la qualification établie par la COB n’a pas été contestée (A), il n’en va pas de même d’autres modes de sollicitation, pour lesquels la qualification établie ne fait pas l’unanimité parmi les professionnels (B).

A. Les techniques dont la qualification n’est pas contestée

La COB s’est donc efforcée d’analyser diverses pratiques de sollicitation effectuées via internet.

Cependant, il faut rappeler que nous ne traiterons ici que des techniques dont la qualification est approuvée par les professionnels, tandis que d’autres appelleront des développements supplémentaires et seront traitées plus loin. Parmi, les modes de sollicitation dont la qualification n’a pas prêté à controverse, il faudra distinguer celles ne pouvant s’apparenter à du démarchage (A), de celles qui, au contraire, doivent être requalifiées comme telles (B).

1. Les techniques ne pouvant s’apparenter à des actes de démarchage

60 Internet et les réseaux numériques, étude du Conseil d'Etat, juillet 1998 (disponible sur le site de la documentation française : www.ladocumentationfrancaise.fr). 61 Cf. Les entretiens de la COB, novembre 1998, “ Les marchés financiers à l’heure d’internet ”, Bull. COB n°329 novembre 1998

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Internet rend la frontière entre la publicité et le démarchage encore moins perceptible. Ainsi, il est

désormais clairement admis que certaines pratiques ne peuvent être requalifiées en actes de démarchage et rentrent plutôt dans le champ de la publicité. Il en va incontestablement ainsi de l’ouverture d’un site boursier sur le net. En effet, dans cette hypothèse, c’est l’internaute qui prend l’initiative de se connecter au site en question, les conditions du démarchage ne sont donc pas réunies : il n’y a pas de sollicitation active de la part du démarcheur et le caractère personnalisé de cette sollicitation ne peut pas plus être retenu. Une telle pratique se rapprocherait d’ailleurs des prises de contact effectuées dans les locaux des professionnels, sollicitation expressément exclue de la réglementation du démarchage financier.

Un problème similaire de qualification s’est posé pour “ la publicité faite pour un produit ou un service financier dans le cadre d’un forum de discussion (newsgroup ou chat) dont l’objet n’est pas l’offre de produits financiers ”62. Dans cette hypothèse encore, la qualification de démarchage doit être exclue, pour deux raisons : - l’internaute a eu un comportement actif en se connectant au forum ; - et la publicité n’a pas été diffusée de façon nominative. Cependant, plutôt que d’inclure cette technique dans le champ de la réglementation de la publicité, la COB prône l’adoption d’une disposition ad hoc. Par ailleurs, il est également utile de préciser que la COB a effectué plusieurs mises en garde contre le contenu des forums boursiers sur internet63 : elle a en effet rappelé que toute la réglementation relative à l’information financière et à l’établissement des cours est applicable à ces forums (de même qu’aux sites internet dédiés à l’information ou au conseil financier). En effet, la diffusion d’informations nouvelles, de nature à agir sur les cours, publiée sur ces seuls sites ou forums, peut conduire à la condamnation de l’émetteur pour délit d’initié64. Celui-ci peut également encourir les sanctions pour délit de manipulation de cours65 ou encore de diffusion d’information fausse ou trompeuse66. Mais, corrélativement, si certaines pratiques sont caractérisées par l’utilisation de méthodes passives, d’autres, au contraire, utilisent des méthodes actives de sollicitation, conduisant à une requalification en actes de démarchage.

2. Les techniques devant être requalifiées en actes de démarchage

La COB n’hésite pas à requalifier, dès que possible, certaines sollicitations électroniques en démarchage,

ceci dans l’optique d’assurer la protection des consommateurs. C’est le cas des lettres mailing envoyées à une masse de destinataires, et plus particulièrement du spamming, consistant en l’envoi massif de messages électroniques non sollicités par leurs destinataires. Cette pratique est très utilisée car elle présente un coût beaucoup plus faible que le démarchage par courrier papier, par téléphone ou télécopie. L’e-mail marketing s’avère ainsi être un outil de premier choix pour les entreprises. Preuve de cet engouement, l’essor remarquable du chiffre d’affaires sur ce segment des sociétés de marketing en ligne : le PDG de

62 F. Delooz, Table ronde n°2, rapport “ La vente ”, in Les entretiens de la COB, novembre 1998, “ Les marchés financiers à l’heure d’internet ”, Bull. COB n°329 novembre 1998, p. 87 63 Recommandation COB n°2000-02 relative à la diffusion d'informations financières sur les forums de discussion et les sites internet dédiés à l'information ou au conseil financier (Bull. COB n°351, novembre 2000) ; “ Les règles applicables au fonctionnement des forums boursier sur l’internet ” (Bull. COB n° 359 Juillet-août 2001). 64 Art. L.465-1 al.1 du c. monét. et fin. 65 Art. L.465-2 du c. monét. et fin. 66 Art. L.465-1, dernier alinéa, du c. monét. et fin. et art. 3 du règlement n°98-07 de la COB.

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la société Doubleclick, a ainsi affirmé avoir vu son chiffre d’affaires sur ce segment passer de 1 million de dollars il y a deux ans, à 50 millions de dollars actuellement67. Cette pratique soulève cependant de nombreuses difficultés. Ainsi, en premier lieu, se pose le problème de la licéité de cette pratique. Celle-ci risque en effet d’être dommageable pour le client, puisqu’elle empêche l’utilisation normale de son courrier électronique, son courrier privé étant noyé dans une masse publicitaire non souhaitée68. En outre, l’internaute étant obligé de se connecter pour trier son courrier, elle entraîne également un surcroît de coût. Ceci explique que dix-huit Etats américains ont adopté une législation anti-spam, notamment la Californie, qui sanctionne tout message non sollicité par une amende de cinquante-huit euros. La France, contrairement à d’autres Etats, ne dispose cependant d’aucune loi répressive spécifique en la matière. Ainsi, cette pratique a-t-elle été condamnée pour la première fois par un jugement du TGI de Paris du 15 janvier 2002, en tant que “ pratique déloyale et gravement perturbatrice, contraire aux dispositions de la charte de bonne conduite ”69. Cet arrêt sera probablement appelé à faire jurisprudence et permettra la condamnation de ces pratiques par les tribunaux, dès lors qu’elles sont abusives. D’autant plus que le projet de loi sur la société de l’information a prévu l’introduction de nouvelles dispositions dans le code de la consommation – il s’agit des nouveaux art. L.121-15-1 et L.121-15-3 – qui permettront aux consommateurs de refuser de recevoir ce type de communication en s’inscrivant sur un registre d’opposition. En second lieu, s’est posée la question de la qualification des telles pratiques : s’agit-il d’une forme de démarchage ou d’une publicité ? Rappelons que la différence tient au caractère actif et personnalisé de la sollicitation. La COB70 considère que cette pratique relève d’une méthode de commercialisation active, rentrant dans le champ de la législation du démarchage financier tel que défini par l’alinéa 3 de l’art. L.342-2 du c. monét. et fin. : “ sont également considérés comme activités de démarchage les offres de services faites ou les conseils donnés, de façon habituelle, en vue des même fins, au domicile ou à la résidence des personnes, ou sur les lieux de travail, par l’envoi de lettres ou circulaires ou par communications téléphoniques ”. C’est la solution qui a également été retenue par un rapport présenté par le Conseil d’Etat71, qui prône la qualification exceptionnelle de démarchage pour la technique du spamming. En effet, en dépit de l’envoi en masse, un choix est bien effectué en ce qui concerne les destinataires de tels messages, de sorte qu’il s’agit alors bien d’une sollicitation personnalisée, caractère différenciant le démarchage de la publicité. Par ailleurs, une telle qualification pourrait présenter l’intérêt d’avoir un effet dissuasif, puisque les infractions à la réglementation sur le démarchage sont sanctionnées pénalement72.

La même solution a également été retenue dans le cas de la technique dite du push media, pratique proche de celle du spamming, consistant à adresser des messages à des internautes connectés sans qu’ils aient recherché à contacter le site concerné 73.

67 “ Kevin Ryan : les entreprises réduisent la pub mais augmentent l’e-mail marketing ”, interview de V. Robert, Les Echos.net, 15 avril 2002 68 La source de l’expression viendrait d’ailleurs de l’acronyme d’une marque de jambon en boite de conserve (“ Spiced Pork and Meat ”), raillée dans un sketch du “ Monty Python's Flying Circus ”, “ The King of Spam ” : dans un restaurant dont le menu ne propose que du spam, alors qu'un client demande à se faire servir un plat différent, la clientèle se met à chanter "Spam, Spam, Spam, joli Spam, merveilleux Spam... ” (“ famous spam-loving vikings ”), de plus en plus fort, jusqu'à ce qu'il ne soit plus possible d'entendre les plaintes dudit client. 69 Note de L. Marino, sous TGI Paris, 15 janvier 2002, Dalloz 2002, n°19, p.1544 70 F. Delooz, Table ronde n°2, rapport “ La vente ”, in Les entretiens de la COB, novembre 1998, “ Les marchés financiers à l’heure d’internet ”, Bull. COB n°329 novembre 1998, p. 87 71 Internet et les réseaux numériques, étude du Conseil d'Etat, juillet 1998. 72 En cas d’opération de démarchage interdites, s’appliquent les sanctions de l’escroquerie prévues par les art. 313-1, 313-7 et 313-8 du c. pénal.

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A l’instar de la pratique du spamming, il semble en effet que les deux conditions nécessaires à l’application de la réglementation du démarchage soient réunies : - il y a bien une démarche active de la part du démarcheur - et malgré un envoi de masse, les destinataires sont identifiés (caractère personnalisé de la sollicitation). Cependant, concernant d’autres techniques, la requalification opérée par la COB, a été désapprouvée par les professionnels.

B. Les techniques dont la qualification pose encore des difficultés

Ainsi, il apparaît que deux modalités de sollicitation électronique posent particulièrement des difficultés de

qualification, conduisant à des divergences d’opinions : l’utilisation de liens hypertextes ou de bandeaux publicitaires (1) et l’activité de courtage en ligne (2).

1. Les liens hypertextes et les bandeaux publicitaires

a. Les liens hypertextes

Les liens hypertextes permettent “ à une personne connectée sur un site de passer à un autre site grâce à

une icône, sans perdre pour autant la connexion avec le site initial ”74. Les avis sont partagés concernant la qualification de cette pratique. La COB, pour sa part, considère qu’une analyse au cas par cas au moyen d’un faisceau d’indices très factuels, peut conduire à qualifier le renvoi au moyen de liens hypertextes d’acte de démarchage75. Elle a ainsi évoqué l’hypothèse de certains sites de discussion, d’informations ou de conseils se faisant rémunérer par des émetteurs pour insérer un lien hypertexte renvoyant vers eux. Ce lien, lorsqu’il est placé à côté d’une rubrique ou d’une analyse positive portant sur le titre de l’émetteur, peut s’analyser comme une opération de démarchage. La COB parvient à cette analyse en se basant sur la réunion de deux critères : - l’analyse ou le conseil recommandant l’acquisition ou la conservation d’un titre ; - la rémunération du gestionnaire du site. Cependant, comme l’a souligné l’AFEI, dans son rapport sur internet, cette requalification en démarchage ne pourrait s’appliquer qu’à condition que ces liens hypertextes mènent directement l’internaute vers un espace sur le site de l’annonceur où il lui sera possible d’acquérir des produits ou des services financiers. Une partie de la doctrine et des professionnels n’approuve cependant pas ces solutions. Ainsi, selon eux, la qualification de démarchage ne pourrait être retenue, puisque :

- c’est l’internaute qui, en cliquant, prend l’initiative de se rendre sur un autre site, - par ailleurs, ces liens ne sont pas nominatifs76.

Les professionnels déplorent en effet les lourdes conséquences qu’entraîne pour eux la qualification de démarchage lors de l’insertion de liens hypertextes : M. Cauvin, avocat, souligne ainsi que “ pour faire un renvoi vers un site

73 T. Bonneau, Démarchage et internet, Rev. dr. banc. et fin., n°5, sept.- oct. 2001, p.271 et s. 74 F. Delooz, Table ronde n°2, rapport “ La vente ”, in Les entretiens de la COB, novembre 1998, “ Les marchés financiers à l’heure d’internet ”, Bull. COB n°329 novembre 1998, p. 87 75 Synthèse des réponses apportées à la consultation de place sur la recommandation n°2000-02 relative à la diffusion d’informations financières sur les forums de discussion et les sites internet dédiés à l’information ou au conseil financier, Bull. COB n° 351, Novembre 2000, p.55 76 T. Bonneau et F. Drumond, Droit des marchés financiers, Economica 2001

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financier, il faudrait être soi-même démarcheur financier ou intermédiaire en opérations de banques. Et l’on court le risque d’être tenu pour responsable d’infractions commises par son partenaire, par exemple, en cas de vente de produits financiers interdits ”77.

b. Les bandeaux publicitaires

La COB applique le même raisonnement au placement de bandeaux publicitaires sur les sites de conseil ou

d'information, en particulier lorsqu’existe “ une analyse positive d'un titre avec, en incrustation, un bandeau publicitaire comprenant les références d'un intermédiaire et celles de l'émetteur visé par l'analyse ”. Il arrive également qu’une bannière renvoyant directement au site transactionnel d’un prestataire apparaisse à l’écran d’un moteur de recherche chaque fois qu’un internaute introduit un mot-clé évocateur des services offerts par le prestataire. Cette pratique, de plus en plus utilisée, devrait également être constitutive d’un acte de démarchage, puisque l’internaute n’est pas demandeur du service proposé (toutefois, dans le cas de l’utilisation de bannières, peut se poser le problème de la preuve de telles pratiques, puisque, celles-ci, contrairement aux bandeaux publicitaires, sont fugaces)78. Là encore, cette requalification de démarchage est écartée par les professionnels 79, puisqu’il n’y a pas de sollicitation active de la part du démarcheur. Mais les liens hypertextes et les bandeaux publicitaires ne constituent pas la seule source de désaccord entre la COB et les professionnels, puisque des difficultés du même ordre régissent l’activité de courtage en ligne.

2. Le courtage en ligne

Le développement récent du courtage en ligne en France a également soulevé des difficultés nouvelles. Ce

terme recouvre l’activité pratiquée par “ des intermédiaires au statut différencié qui ont pour point commun d’offrir aux particuliers un dispositif de réception d’ordres en ligne, c’est-à-dire via internet ”80. Mais, au-delà de la simple activité de réception-transmission d’ordres pour compte de tiers, les courtiers en ligne ont tendance à élargir l’éventail de leurs activités à la tenue de compte-conservation, à l’exécution d’ordres pour compte de tiers, à la négociation pour compte propre et au placement. L’exercice du courtage en ligne suppose donc soit l’agrément en qualité d’entreprise d’investissement ou d’établissement de crédit délivré par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI), soit l’agrément en qualité de société de gestion de portefeuille délivré par la COB. La COB, le CMF et la Banque de France se sont fondés sur la définition du démarchage à distance, tel que défini par l’art. L.342-2 al.3 du c. monét. et fin., pour assimiler l’activité de courtage en ligne au démarchage81. Cette analyse est cependant contestée par une partie de la doctrine82 : en effet, l’exercice de l’activité de courtage en ligne consiste notamment à réceptionner des ordres, pratique ne répondant en aucun cas à la définition du démarchage, d’autant plus qu’il faut rappeler que l’exercice de cette activité est déjà soumise à l’agrément du CECEI ou de la COB, selon le cas. Cependant, concernant l’offre de cette activité, la qualification de démarchage est envisageable. La SEC83 a ainsi révélé une des pratiques utilisées par les courtiers pour se faire connaître des investisseurs : ils rémunèrent des

77 C. Desjardins, Sites financiers : les dangers de l’aventure sont nombreux, Les Echos, 13 déc. 2000 78 T. Verbiest, “ Droit international privé et commerce électronique : état des lieux ”, Juriscom.net, 23 fev. 2001. 79 T. Bonneau et F. Drumond, Droit des marchés financiers, Economica 2001. 80 Les courtiers en ligne, bulletin COB, n°348, juill.-août 2000, p.13. 81 Revue du CMF, n°26, mars 2000, p. 109. 82 Cf. T. Bonneau, Démarchage et internet, Rev. dr. banc. et fin., n°5, sept.- oct. 2001, p.271 83 Securities Exchange Commission, équivalent américain de la COB.

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portails qui dirigent les internautes vers eux au moyen de liens hypertextes84. Cette pratique pourrait donc conduire la COB a appliquer alors le même raisonnement que celui qu’elle tient à propos des liens hypertextes, analyse qui, comme nous l’avons déjà évoquée est cependant rejetée par une partie de la doctrine et des professionnels. Ces diverses difficultés de qualification étant posées, il paraît opportun de s’interroger sur l’incidence de la nouvelle définition proposée par le projet de loi, sur ces difficultés.

III. L’incidence de la nouvelle définition proposée sur ces difficultés de qualification

A bien y réfléchir, il faut donc admettre que l’élargissement de la définition du démarchage qui est proposée par les rédacteurs du projet de loi risque d’avoir peu d’incidences sur les solutions actuellement retenues en matière d’internet : les opérations effectuées via internet étaient en effet déjà comprises implicitement dans la définition du démarchage financier. Sans aucun doute, une communication au travers d’internet doit donc s’assimiler à l’envoi d’une lettre ou d’une circulaire, ou à une communication téléphonique. Ainsi, en dépit de l’élargissement de la définition de démarchage, les opérations réalisées au travers d’internet et exclues de la qualification de démarchage sous l’emprise de la loi actuelle, continueront de l’être avec l’adoption de cette nouvelle loi85. Mais la solution contraire serait-elle souhaitable ? La qualification de démarchage est en effet lourde de conséquences en raison des obligations et, dès lors, des risques de sanctions qu’elle fait peser sur le démarcheur. Procéder à une requalification de toutes les offres ou publicités disponibles risquerait donc de mettre un frein au développement des transactions en ligne, alors que la France accuse déjà un retard dans ce domaine. Pourtant, cette opinion n’est pas partagée par tous les auteurs et professionnels. Certains d’entre eux jugent en effet cette définition encore perfectible86, celle-ci ne permettant pas encore d’appréhender toutes les difficultés soulevées par internet : le traitement des liens hypertextes, les problèmes soulevés par la distinction entre le démarchage et la publicité…

* * *

Cependant, parmi les faiblesses avérées de la législation actuelle, figure non seulement l’hétérogénéité et la confusion des textes, mais également le défaut de prise en compte du statut de démarcheur. C’est pourquoi, après l’élaboration d’une nouvelle définition du démarchage financier, une redéfinition du cadre d’activité des démarcheurs a été proposée. 84 Rapport “ On Line Brokerage : Keeping Apace of Cyberspace ”, US Securities Exchange Commission, nov. 1999, bull. COB n°348, juill.-août 2000, p.46. 85 Cf. T. Bonneau, Démarchage et internet, Rev. dr. banc. et fin., n°5, sept.- oct. 2001, p.271 86 Cf. A. Achard et S. Brémond, Comment réformer le démarchage financier ? Banque, n°627, juill.-août 2001, p.56. ; T. Bonneau, Démarchage et internet, Rev. dr. banc. et fin., n°5, sept.- oct. 2001, p.271 ; Association Française des entreprises d’investissement, La fourniture de services et de produits financiers à l’épreuve d’internet : quel environnement juridique pour les prestataires de services d’investissement ? octobre 2000.

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Chapitre 2. Une nouvelle définition du cadre d’activité des démarcheurs

Dans la perspective d’établir un nouveau cadre d’activité des démarcheurs, le projet de loi prévoit une nouvelle réglementation de la profession de démarcheur (Section 1), une redéfinition des produits interdits de démarchage (Section 2) et l’instauration de règles de bonnes conduites, assorties de sanctions (Section 3).

Section 1. La réglementation de la profession de démarcheur

La multiplication des acteurs dans le domaine financier a conduit les rédacteurs du projet de loi à redéfinir les intervenants habilités à recourir au démarchage, suivant, sur ce point, la philosophie générale du rapport Rodocanachi : créer une chaîne de responsabilité continue, liant les protagonistes entre eux, de l’épargnant à l’émetteur du service. Cette réforme a été effectuée en deux phases : il est apparu d’abord nécessaire de définir précisément les organes susceptibles de recourir au démarchage financier (I), avant d’établir des liens clairs entre les différents intervenants qui permettront d’identifier les responsabilités de chacun (II).

I. La redéfinition des organes susceptibles de recourir au démarchage

Le projet de loi prévoit de redéfinir les organes susceptibles de recourir au démarchage en supprimant la distinction en fonction des produits sur lesquels porte le démarchage (A) et en élargissant le “ cercle des bénéficiaires ” aux conseillers en investissements financiers dont le statut est créé par la même occasion (B).

A. Une définition homogène des organes habilités à recourir au démarchage

Actuellement, les établissements habilités à recourir au démarchage varient en fonction des produits :

- seuls les établissements de crédit et les entreprises d’investissement peuvent exercer l’activité de démarchage en faveur de placements de valeurs mobilières ; - le démarchage pour des opérations sur marchés à terme est, quant à lui, réservé aux même établissements auxquels se joignent les commissionnaires agréés, les courtiers assermentés agréés et les négociateurs en marchandises agréés par le CMF. Le projet de loi propose d’homogénéiser ce régime en supprimant la distinction en fonction des produits visés. Ainsi, aux termes du nouvel art. L.341-3 du c. monét. et fin., seraient seules habilitées, les entreprises de crédit, les entreprises d’investissement, les entreprises d’assurance ou les personnes morales mandatées par l’une des trois précédentes (art. L.341-4 c. monét. et fin.). Le projet de loi étend également cette possibilité aux “ établissements et entreprises équivalents agréés dans un autre Etat membre de la communauté européenne et habilités à intervenir sur le territoire français ” : cette

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inclusion est logique depuis l’instauration du passeport européen87 pour les établissement de crédit, les entreprises d’investissement et les entreprises d’assurance (il s’agit d’un système d’agrément unique permettant à un établissement agréé dans un Etat membre d’exercer son activité de plein droit dans toute la Communauté européenne, sans avoir besoin de nouvelles autorisations dans le ou les pays d’accueil). Enfin, le projet de loi permet également aux conseillers en investissements financiers, dont le statut est créé par la même occasion, de recourir au démarchage financier.

B. Un nouveau statut pour les conseillers en investissement financiers

Innovation proposée par le projet de loi, la nouvelle réglementation des conseillers en investissements

financiers leur permettrait par la même occasion de bénéficier de l'habilitation à exercer l’activité de démarchage financier. Cette proposition de réglementer ce nouveau statut n’émane pas du rapport Rodocanachi, mais a été rajoutée au projet de loi, en raison des nombreuses revendications des professionnels. Suite à la consultation de place du projet de loi, il a ainsi été décidé la création d’un statut pour les conseillers en investissement financiers. En effet, cette profession n’est régie par aucun texte à l’heure actuelle. La création d’un statut spécifique permettrait d’intégrer cette démarche de conseil et éviterait de la placer sous la dépendance des organismes fabricants des produits mais plutôt de l’inscrire dans une dynamique de sélection. Les art. 18 à 21 du projet de loi prévoient, à cette fin, une définition et une réglementation de cette profession. Elle devra ainsi faire l’objet d’un enregistrement auprès d’une autorité de contrôle ; l’accès à la profession est également subordonné à des conditions de compétence, d’honorabilité et d’assurance. Cependant, le problème du respect de ces conditions reste ouvert, puisqu'il n’est assuré que par la personne morale qui les mandate et non à une autorité de marché (pour pallier cet inconvénient, il est cependant proposé de recourir à une organisation professionnelle agréée par la COB et assujettissant ses membres à des règles de compétence et de bonne conduite). Autre similarité avec le statut des démarcheurs, une assurance en responsabilité civile professionnelle devra obligatoirement être souscrite. Leur responsabilité pourra par ailleurs être de nature civile, pénale et disciplinaire. L’inspiration de cette disposition du projet de loi pourrait émaner de la proposition de l’AFG-ASFFI. En effet, cette dernière, dans son rapport88, avait prôné la création d’un nouveau statut pour les distributeurs de produits financiers. Même si certains textes font référence à la mission de commercialisation (il en va ainsi des règlements de déontologie élaborés par l’AFG-ASFFI, ou encore de certains règlements et instructions de la COB), celle ci n’est pas définie juridiquement. Or, de nombreuses difficultés sont rencontrées dans le cadre de cette mission de commercialisation qu’exercent les distributeurs. Ainsi, l’activité de commercialisation ne peut être exercée que par les personnes morales habilitées à recourir au démarchage. Or, ces personnes ne peuvent conseiller leurs clients de façon objective, puisque leurs conseils de vente seront immanquablement orientés vers les produits qu’ils émettent89. Cette réforme devrait donc donner une véritable indépendance à cette profession, de façon à la distinguer du statut de démarcheur financier, puisqu’il s’agit dans un premier cas de “ chercher le produit adéquat pour répondre aux

87 Principe instauré pour la première fois par la 1ère directive OPCVM du 20 décembre 1985 (aujourd’hui remplacée par deux nouvelles directives du 4 décembre 2001), puis par la directive du 10 mai 1993 sur les services d’investissement et enfin par celle du 20 mars 2000 en ce qui concerne les établissements de crédit. 88 Rapport de la commission de commercialisation de l’AFG-ASFFI, juin 1999. 89 En outre, s’est également posé le problème de la compétence et de la moralité des conseillers en investissement (ainsi, à titre d’exemple, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait condamné un conseiller en investissement, gérant de fortune, qui s’était rendu coupable d’abus de confiance en détournant les fonds qui lui ont été remis : C.A. Aix-en-Provence. 28 septembre 1989, Juris-Data n°048533). C’est pourquoi, les conseillers en investissement ont décidé de se regrouper au sein de la CNPP (Compagnie nationale des professionnels du patrimoine), qui soumet l’adhésion de ses nouveaux membres à certaines conditions, notamment de compétence ou d’honorabilité.

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besoins du client ”, alors que le démarchage consiste à “ chercher le client pour lui vendre un produit ”, distinction qui avait également été prônée par la Compagnie nationale des professionnels du patrimoine (CNPP) 90. Concrètement, l’AFG-ASFFI avait proposé une nouvelle définition du distributeur qui sera exclusivement une personne morale, titulaire d’une assurance professionnelle et ayant des capacités professionnelles minimales. Certaines obligations devront également être mises à sa charge : s’enquérir de la situation financière de son client, de son expérience en matière d’investissement et de ses objectifs, il doit par ailleurs, communiquer des informations permettant au client de prendre sa décision. Sa responsabilité peut également être mise en jeu vis-à-vis de ses clients ou de la COB (en ce qui concerne les documents fournis). Mais, corrélativement à la redéfinition des personnes habilitées à recourir au démarchage, le projet de loi propose des mesures destinées à permettre une meilleure responsabilisation de chacun.

II. L’établissement de liens clairs entre les différents intervenants afin d’identifier les responsabilités de chacun

La responsabilisation des différents intervenants passe par la réglementation du mandat accordé aux personnes physiques pour exercer l’activité de démarchage (A) et du contrôle de l’accès à la profession (B).

A. Le mandat accordé aux personnes physiques pour exercer l’activité de démarchage

Parmi les dispositions de la loi de 1972 ayant fait l’objet de vives critiques91 peu après son adoption,

figurent celles de l’article 9 de cette loi (aujourd’hui codifié à l’art. L.342-9 du c. monét. et fin.) qui “ interdit au démarcheur de proposer aux personnes qu’il sollicite des opérations autres que celles pour lesquelles il a reçu des instructions expresses de la personne ou de l’établissement pour le compte duquel il agit ”92. Cette disposition est jugée en effet contraire à l’intérêt des personnes démarchées puisque le démarcheur ne remplit pas une véritable fonction de conseiller financier en leur procurant des conseils objectifs au mieux de leurs intérêts, mais des conseils qui seront obligatoirement uniquement orientés vers les produits que l’établissement employeur ou mandant l’a chargé de vendre. Or, déjà lors de l’adoption de la loi de 1972, deux types de situations se présentaient : - les démarcheurs salariés, subordonnés - et le démarcheur, agent commercial qui exerce cette activité à titre indépendant. L’obligation de détenir une carte unique paraît alors difficilement conciliable avec ce dernier statut de démarcheur indépendant. C’est pourquoi, le projet de loi prévoit la possibilité pour les personnes morales habilitées à recourir au démarchage de mandater des personnes physiques chargées d’exercer pour leur compte l’activité de démarchage93. Une des innovations majeures du projet de loi tient alors dans la possibilité pour ces personnes physiques de recevoir des

90 Une loi sur le démarchage financier, Le Monde, lundi 14 mai 2001. 91 G. Cas, Démarchage financier et protection des épargnants, JCP E, 1973, n°14, p.13. 92 Ainsi, a été jugé illicite, le démarchage financier pratiqué pour un autre commettant, avant la fin du contrat du démarcheur, même si , comme en l’espèce, il portait sur des produits similaires : CA Paris, 12 juin 1992, Régnier, Dr. sociétés, nov. 1992, n°238, p. 18. 93 Art. L.341-4 du c. monét. et fin., tel que modifié par le projet de loi.

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mandats de différents établissements ou entreprises. Cependant, le rapport Rodocanachi n’avait pas jugé bon de pousser la réforme jusqu’à la reconnaissance d’un véritable statut indépendant de démarcheur multicartes à ces mandataires, comme le souhaitaient certains professionnels94. Les personnes morales restent cependant civilement responsables des personnes physiques qu’elles mandatent, ces dernières étant toujours considérées comme les préposés des mandants, au sens de l’art. 1384 du c. civil95. Cette disposition avait été adoptée par la loi de 1972 dans un souci de protection des personnes démarchées en leur permettant ainsi de se retourner contre l’établissement commettant en cas de faute commise par le démarcheur.

B. Le contrôle de l’accès à la profession

La loi de 1972 est également incomplète, car elle s’attache à réglementer le démarchage et non la

profession de démarcheur : certains auteurs déploraient en effet que cette loi n’ait prévu aucune disposition permettant d’assurer une discipline de la profession, un recrutement sérieux et un certain niveau de moralité et de compétence de la part des démarcheurs96. Ainsi, actuellement, une seule disposition concerne l’accès à la profession : il s’agit de l’obligation d’être porteur d’une carte d’emploi, permettant à la jurisprudence de sanctionner l’exercice du démarchage sans carte professionnelle, au titre du délit de démarchage financier irrégulier97. Un véritable contrôle de l’accès à la profession est ainsi proposé par les rédacteurs du projet de loi : - les personnes physiques mandatées pour réaliser des opérations de démarchage pour le compte des personnes morales habilitées doivent remplir certaines conditions d’âge, d’honorabilité et de compétence. Il en va de même pour les démarcheurs salariés ; - les démarcheurs mandatés doivent également être assurés contre les conséquences pécuniaires en cas de manquement à leurs obligations professionnelles ; - les démarcheurs ne peuvent pas exercer cette activité, s’ils ont fait l’objet d’une condamnation définitive dans les dix dernières années, notamment pour crime ou pour une peine d’au moins trois mois d’emprisonnement sans sursis. Les personnes morales habilitées à recourir au démarchage sont ensuite tenues de faire enregistrer, selon leur activité, les personnes salariées ou mandataires agissant pour leur compte, auprès de la COB, du CMF, du CECEI ou de l’autorité chargée de l’agrément des entreprises d’assurances. Le système de la carte d’emploi est maintenu, mais uniquement dans le cadre de déplacements physiques du démarcheur au domicile des personnes démarchées, sur leur lieu de travail ou dans tout lieu non destiné à cette fin98. En effet, il s’avère que l’obligation mise à la charge des démarcheurs d’être porteur d’une carte de démarchage est impossible à vérifier en pratique, lorsqu’il s’agit de démarchage effectué par des techniques à distance. C’est pourquoi le projet de loi prévoit l’obligation d’être enregistré par l’autorité compétente, autorité qui fournira un numéro d’enregistrement qui doit être communiqué à toute personne démarchée et doit figurer sur tous les documents émanant des démarcheurs 99.

94 Il faut cependant noter que, comme mentionné plus haut, le projet de loi propose la création d’un véritable statut de conseiller en investissement, exerçant en toute indépendance vis-à-vis des émetteurs de titres. 95 Art. 1384 c. civil : “ Les maîtres et les commettants [sont responsables] du dommages causé par leurs domestiques et proposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ”. 96 G. Cas, Démarchage financier et protection des épargnants, JCP cah. de l'ent., 1973, n°14, p.13. 97 Cass. crim. 15 oct. 1998, note de S. Noemie, Bull. Joly Bourse, janv-fév. 1999, p. 67 et s. (hypothèse d’un ancien salarié d’une société de gestion qui continuait à démarcher les anciens clients de son ex-employeur pour son propre compte, en utilisant la carte d’emploi établie par ce dernier). 98 Art. L.341-8 du c. monét. et fin., tel que modifié par le projet de loi 99 Art. L.341-6 du c. monét. et fin., tel que modifié par le projet de loi

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Deuxième modalité de contrôle de l’activité de démarcheur, le projet de loi redéfinit les produits pour lesquels les démarcheurs ne peuvent recourir au démarchage.

Section 2. La redéfinition des produits interdits de démarchage

Actuellement, les dispositions régissant le démarchage financier édictent une liste de produits interdits de démarchage (I). Mais à cette liste, le projet de loi propose plutôt de substituer des critères généraux d’interdiction (II).

I. La liste d’interdictions posée par la législation actuelle

La protection du consommateur est assurée par la loi de 1972 grâce à la prohibition de certaines formes de démarchage. Ainsi, une liste d’interdiction est posée par l’actuel art. L.342-5 du c. monét. et fin. Ces interdictions peuvent cependant être regroupées en plusieurs catégories : - l’opération doit présenter par elle-même un risque particulier en raison de la technicité (“ participations à des groupements de personnes ayant pour objet des opérations fondées sur des différences de cours ”100) - ou les aléas (“ opérations à terme dans les bourses françaises ou étrangères de valeurs autres que les opérations à terme ferme accompagnées d’instructions écrites en vue de lever ou livrer les titres à la prochaine liquidation ”101) - ou lorsque l’opération est relative à des titres de sociétés peu connues (“ opérations sur des valeurs mobilières étrangères ou sur des parts de fonds communs de placements étrangers lorsque leur émission ou leur vente en France est soumise à une autorisation préalable et que celle-ci n’a pas été accordée ”102 et “ souscription de valeurs émises par des sociétés françaises n’ayant pas établi deux bilans en deux ans au moins d’existence… ”103). Dans un souci de simplicité et de meilleure protection des consommateurs, le projet de loi propose d’édicter des critères généraux.

II. La substitution de critères généraux d’interdiction

Le projet de loi prévoit de simplifier la définition des produits interdits de démarchage. Ainsi, à la liste des interdictions actuellement existante, est substituée deux catégories d’interdiction : - ceux “ dont le risque maximum n’est pas connu au moment de la souscription ou pour lesquels le risque de perte est supérieur au montant de l’apport financier initial ” - ceux “ non autorisés à la commercialisation sur le territoire français, les produits qui ne sont pas admis aux négociations sur les marchés réglementés ou les marchés étrangers reconnus ”, ainsi que les fonds communs de placement constitués en vue d’intervenir sur les marchés à terme et les fonds communs de créances. Rappelons cependant que cette prohibition ne s’applique pas lorsqu’une relation de clientèle préexiste déjà. 100 Art. L. 342-5-1° du c. monét. et fin. 101 Art. L. 342-5-2° du c. monét. et fin. Cette prohibition porte sur les opérations à prime, à option simple, stellages… soit autant de techniques aujourd’hui disparues ! 102 Art. L. 342-5-3° du c. monét. et fin. 103 Art. L. 342-5-4° du c. monét. et fin.

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La principale innovation du projet de loi réside donc dans l’interdiction d’une nouvelle catégorie de produits interdits de démarchage en raison du risque important qu’ils font encourir aux investisseurs. Les rédacteurs du projet de loi ont suivi sur ce point les recommandations du rapport Rodocanachi, qui avait proposé d’interdire “ les produits financiers faisant courir un risque jugé excessif à l’investisseur ”. Mais, de ce fait, la liste des prohibitions se trouve ainsi étendue, puisque à une liste précise d’interdictions est substituée un critère général. Cette proposition n’a donc pas suscité l’approbation unanime des professionnels, puisque certains d’entre eux ont déploré l’étendue de cette nouvelle interdiction104. En effet, l’interdiction vise certains produits répondant aux besoins spécifiques des sociétés et donc jugés indispensables dans le cadre d’une stratégie de gestion des risques : il en est ainsi des produits obligataires et warrants non cotés, des options d’achat, des contrats d’échange (swaps) et des contrats à terme (futures) sur devise. Par ailleurs, l’interdiction de démarchage des produits émanant de marchés étrangers non reconnus, inclut les produits du New York Stock Exchange et du Nasdaq, marchés dont l’importance n’est à l’heure actuelle plus à démontrer. Enfin, dernière modalité de réglementation de l’activité de démarcheur, le projet de loi propose l’élaboration de règles de bonne conduite et l’édiction de sanctions nouvelles.

Section 3. Les règles de bonne conduite imposées aux démarcheurs et les sanctions en cas de manquement

La protection du consommateur paraît être l’objectif primordial de la refonte du cadre législatif du démarchage financier. En effet, la réforme du démarchage financier figure dans une partie du projet de loi intitulée “ mesures tendant à protéger le consommateur et l’assuré ”105. Cet objectif est réalisé à travers la redéfinition des obligations mises à la charge des démarcheurs, regroupées dans des règles de bonne conduite. Ces règles sont basées sur le régime des prestataires de services d’investissement. En outre, il faut également constater que les rédacteurs du projet de loi ont suivi les propositions de l’AFG-ASFFI : celle-ci avait en effet prôné de baser la nouvelle réglementation de l’exercice du démarchage sur le nouveau statut de distributeur qui serait créé par la même occasion106. Elles peuvent être rassemblées en deux obligations principales : l’obligation d’information et de conseil (I) et le respect de délais de réflexion et de rétractation (II).

I. L’obligation d’information et de conseil

A travers l’étude de la jurisprudence, il est possible de relever que les fautes les plus fréquemment reprochées aux démarcheurs consistent en des manquements à leur devoir d’information et de conseil. Ainsi, est notamment sanctionné le démarcheur qui n’a pas averti ses clients des risques encourus par la souscription du

104 A. Achard et S. Brémond, Comment réformer le démarchage financier ? Banque, n°627, juill.-août 2001, p.56 105 Deuxième partie du projet de loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier du 30 mai 2001. 106 Pour une présentation détaillée de la proposition de l’AFG-ASFFI, cf. supra .

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produit ou service financier107. C’est pourquoi, les rédacteurs du projet de loi ont jugé utile de définir de façon claire et précise le contenu des obligations d’information (A) et de conseil (B).

A. L’obligation d’information

L’information préalable fournie par le démarcheur au client potentiel paraît être un élément indispensable :

celui-ci doit en effet pouvoir conclure le contrat en toute connaissance de cause et ainsi fournir un consentement éclairé. Cette obligation d’information n’est pas une nouveauté du projet de loi : la législation actuelle prévoit déjà l’obligation de remettre une note d’information succincte sur chacune des valeurs mobilières proposées (art. L.342-6 du c. monét. et fin.), note qui doit être visée par la COB dans certaines hypothèses108. Le projet de loi a donc repris cette exigence au nouvel art. L.342-12, qui prévoit la communication, par écrit, “ quel que soit le support de cet écrit ”109, des coordonnées et du numéro d’enregistrement de la personne physique procédant au démarchage et des personnes morales pour le compte desquelles elle agit, des documents d’information particuliers relatifs aux produits, instruments financiers et services proposés requis ou, à défaut d’une note d’information sur chacun des produits, instruments financiers et services proposés, élaborée sous la responsabilité de la personne ou de l’établissement qui a recours au démarchage et indiquant, le cas échéant, les risques particuliers que peuvent comporter les produits proposés.

B. L’obligation de conseil

Le démarcheur est également redevable d’une obligation de conseil : il doit s’assurer de l’adaptation de

l’offre à la personne démarchée. Dans cette optique, il doit s’enquérir de la situation financière du client, de son expérience et de ses objectifs en matière de placements ou de financements110. Cette obligation de conseil n’est cependant pas nouvelle, puisqu’elle était notamment déjà exigée par la COB, dans la recommandation n°99-02 relative à la promotion ou la vente de produits de placement collectif ou de services de gestion sous mandat via internet : “ Préalablement à la souscription de produits de placement ou à la signature du mandat, [la société] s’enquiert de la situation financière ou patrimoniale du client et détermine avec lui ses objectifs, notamment en termes de risques et de durée d’investissement ”. Un deuxième élément de protection consisterait à accorder au consommateur le bénéfice de deux types de délais.

107 Cf. CA Paris, 1er février 2002, Juris-Data n°168107 (la CA de Paris a jugé que manquait à son obligation de conseil pesant sur elle du fait d’avoir procédé au démarchage et perçu des commissions sur la réalisation des travaux liés à une opération immobilière, la banque qui n’a pas informé ses clients du fait qu’elle n’exerçait aucune vigilance sur la société chargée de la réhabilitation, alors que de graves infractions pénales étaient commises par des intervenants) ; contra CA Rennes, 8 mars 2002, Juris-Data n°173512 (en l’espèce, la CA a admis qu’il n’y avait aucun manquement au devoir d’information ou de conseil, dès lors que les titres souscrits n’ont pas de caractère spéculatif nécessitant de la part de l’intermédiaire une mise en garde particulière). 108 Il s’agit de la souscription de plans d’épargne composés de valeurs mobilières ou de parts de FCP. 109 Cette mention permet la fourniture de documents via internet, conformément à l’art. L. 1316-3 du c. civ. qui dispose que “ L’écrit sur support électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier ”. 110 Art. L. 342-11 du c. monét. et fin., tel que modifié par le projet de loi : “ Avant de formuler une offre de produit, instrument ou service financier, les démarcheurs s’enquièrent de la situation financière de la personne démarchée, de son expérience et de ses objectifs en matière de placement ou de financement. Ils lui communiquent, d’une manière claire et compréhensible, les informations qui lui sont utiles pour prendre sa décision. ”

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II. Les délais de réflexion et de rétractation accordés au client

Le démarchage consiste à solliciter les clients à un moment où ceux-ci ne s’y attendent pas, permettant au démarcheur de recueillir plus facilement leur consentement. La crainte est alors que les personnes démarchées concluent un contrat sur une impulsion, sous la pression de démarcheurs, qui peuvent par ailleurs utiliser des méthodes agressives de sollicitation. C’est pourquoi, le projet de loi prévoit d’accorder au client potentiel du démarcheur le bénéfice de deux délais afin de saisir la portée réelle de leur engagement : un délai de réflexion avant la conclusion du contrat (A) et un délai de rétractation après la signature du contrat (B).

A. Le délai de réflexion, en amont de la signature du contrat

Puisqu’un des grands dangers du démarchage réside dans la pression exercée par le démarcheur sur le

client, il faut laisser au client un certain temps de réflexion avant la signature du contrat, délai pendant lequel il pourra réfléchir en dehors de la présence du démarcheur. Ainsi, un délai de réflexion de quarante-huit heures à compter de la délivrance de la notice d’information, permet au client de renoncer à son achat lorsqu’il a eu un contact direct avec le démarcheur (c’est-à-dire lorsque celui-ci s’est déplacé au domicile du client ou s’est rendu sur son lieu de travail)111. Ce délai, qui a pour effet de suspendre les négociations, permet donc à la partie faible de prendre pleinement conscience de son engagement. Un tel délai était déjà prévu pour les produits à terme : l’art. L. 343-6 du c. monét. et fin. interdit en effet aux démarcheurs de recueillir des ordres ou des fonds des personnes démarchées avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de la délivrance de la note d’information. Ce délai équivaut donc à un délai de réflexion. Mais cette protection n’a pas été jugé suffisante, puisque le projet de loi a proposé l’extension du droit de rétractation.

B. Le délai de rétractation, en aval de la signature du contrat

Par ailleurs, et dans le même esprit, un délai de rétractation de quatorze jours est prévu112. Il s’agit dans ce

cas d’une possibilité de repentir, puisque le contrat est déjà formé. Ce délai était déjà prévu dans le code de consommation, en ce qui concerne le démarchage sur les biens de consommation. La législation actuelle du démarchage financier, quant à elle, ne prévoyait cette faculté que pour les souscripteurs de plan d’épargne en valeurs mobilières composés de valeurs mobilières ou de parts de FCP (art. L.342-18 du c. monét. et fin.)113 : il s’agit d’une “ proposition de plan d’investissement qui se présente sous des formes diverses - plan comptant, d’accumulation, de retrait automatique - et peuvent être assortis d’engagements d’épargne à long terme ”114. Cette forme de démarchage comprend donc un engagement à moyen ou à long terme pour lequel il a été jugé utile de renforcer la protection des souscripteurs potentiels, afin de leur faire mesurer la portée exacte de leur engagement. Hormis le droit de rétractation de 15 jours, d’autres obligations sont actuellement posées aux démarcheurs de tels produits, que ce soit l’obligation de constater son engagement par un bulletin de souscription115, 111 Nouvel art. L.341-16-IV du c. monét. et fin., tel que modifié par le projet de loi. 112 Nouvel art. L.341-16-I à III du c. monét. et fin., tel que modifié par le projet de loi. 113 Selon, la COB, cette définition doit être entendue largement, puisqu’elle comprend notamment les ordres de souscription permanentes en actions de SICAV, de FCP ou de SICOMI (Bull. COB, n°44, déc.1972) 114 G. Cas, Démarchage financier et protection des épargnants, JCP cah. de l'ent., 1973, n°14, p.13. 115 Art. L. 342-18 du c. monét. et fin.

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ou encore la remise ou l’envoi simultané d’une note d’information116, ces documents devant être visés par la COB117. Le projet de loi prévoit donc d’étendre cette faculté aux autres opérations de démarchage financier, à l’exception de l’achat ou la souscription de produits ou services dont le prix fluctue en fonction du marché : il s’agit des services de réception-transmission et exécution d’ordres pour le compte de tiers ou la fourniture d’instruments financiers. En outre, à l’instar des règles relatives au démarchage sur les biens de consommation, un formulaire devrait être joint au contrat, destiné à facilité l’exercice du droit de rétractation. Par ailleurs, la jurisprudence a déjà eu l’occasion de juger que lorsque le professionnel ne mentionne pas l’existence de ce délai de rétractation au consommateur, le contrat conclu risque d’être annulé purement et simplement (CA Versailles, 12 novembre 1999118). Bien que la nullité du contrat ne soit pas expressément prévue par la loi, cette sanction peut en effet être prononcée par le juge119.

III. Les sanctions

Une plus grande responsabilisation des démarcheurs financiers est prévue par l’instauration de nouvelles sanctions disciplinaires, qui s’ajoutent à celles déjà existantes. Ainsi, ces sanctions sont désormais de trois ordres : civiles (A), pénales (B) et disciplinaires (C).

A. Les sanctions civiles

Les rédacteurs du projet de loi ont jugé préférable de conserver le système actuel de responsabilité civile :

ainsi, les victimes de délits de démarchage peuvent demander réparation de préjudice subi au démarcheur avec lequel elles ont traité, en invoquant les dispositions de l’art. 1382 du c. civil. Par ailleurs, la disposition rendant les personnes morales responsables du fait des personnes physiques, qu’elles ont mandaté pour exercer l’activité de démarchage pour leur compte, est maintenue. Les personnes physiques mandatées sont en effet considérées comme les préposés des mandants, sur la base de l’art. 1384 du c. civil, texte qui établit une présomption légale de lien de dépendance entre le préposé et le démarcheur. Ainsi, cette disposition contribue à la protection des personnes démarchées, puisqu’elle leur permet de se retourner contre la personne morale, dont la surface financière est en règle générale plus importante que celle des démarcheurs personnes physiques, afin d’obtenir réparation de leur préjudice (en outre, la jurisprudence a précisé que cette responsabilité pouvait également être retenue lorsqu’aucun de travail ne lie l’établissement habilité à procéder au démarchage et le démarcheur personne physique120).

116 Art. L. 342-15 du c. monét. et fin. 117 Art. L. 342-16 du c. monét. et fin. 118 Dalloz cahier dr. aff., act. jur. p. 69. En l’espèce, une société avait démarché des salariés sur leur lieu de travail pour leur proposer d’acquérir des parts de bateaux de plaisance, mais n’avait pas mentionné le délai de dénonciation prévu par l’art. 21 de la loi du 3 janvier 1972 (art. L.342-18 du c.monét. et fin) sur les bons de souscription signée par la personne démarchée. 119 Cf. infra. 120 C’est ce qu’a jugé le conseil d’Etat dans un arrêt du 4 mai 1998, approuvant la décision du Conseil du Marché à Terme (CMT) qui avait retenu la responsabilité d’une société de bourse pour les agissements du démarcheur personne physique dont l’activité avait conduit un certain nombre de clients à conclure des mandats de gestion avec la société de bourse. En effet, le démarcheur était employé par une personne morale apporteur d’affaires de la société de bourse, mais c’était cette dernière qui lui avait délivré une carte de démarchage. La société de bourse contestait cependant cette décision, au motif que le démarcheur n’était qu’un simple intermédiaire et qu’en tout état

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En outre, ces personnes peuvent également être poursuivies pénalement.

B. Les sanctions pénales

Le maintien du dispositif actuel régissant les sanctions pénales a également été proposé, notamment le

système de gradation des peines en fonction de la gravité des faits reprochés. Ainsi, est puni de six mois d’emprisonnement et de 7500 € d’amende, le fait : - d’exercer une activité de démarchage sans détention d’une carte d’emploi ; - de ne pas communiquer à la personne démarchée les documents obligatoires ; - de signer le contrat avec la personne démarchée au nom et pour le compte de la personne pour le compte de laquelle il agit (ce contrat ne doit en effet être conclu qu’entre la personne démarchée et l’établissement habilité) ; - de ne pas respecter le délai de rétractation ou le délai de réflexion. Ensuite, pour des fautes plus graves, ce sont les sanctions s’appliquant au délit d’escroquerie121 qui sont encourues, posées par les art. 313-1, 313-7 et 313-8 du c. pénal : soit une peine de cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d'amende et des peines complémentaires pour les personnes physiques (telles que l’interdiction des droits civiques, d’exercice d’une fonction professionnelle similaire, …), ainsi que l’exclusion des marchés publiques. Ces peines sont donc encourues, en cas : - d’exercice de l’activité de démarchage par des personnes non habilitées ; - de démarchage visant des produits frappés d’interdiction de démarchage ; - de condamnation pénale ;

- de démarchage de produits autres que ceux pour lesquels il a reçu des instructions expresses ;

- de réception de fonds par le démarcheur, à son nom. Enfin, pour compléter cet arsenal, il faut également préciser que, depuis la loi du 2 juillet 1996 sur la modernisation des activités financières, les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables. Mais à ces sanctions pénales et civiles déjà existantes, le projet de loi propose l’édiction de sanctions disciplinaires par les autorités de marché.

C. Les sanctions disciplinaires

Le projet de loi complète ces sanctions par l’instauration de sanctions disciplinaires. En effet, il habilite

l’autorité de marché, auprès de laquelle les démarcheurs sont enregistrés, à édicter des sanctions contre eux, en cas de manquement aux lois, règlements ou obligations professionnelles122. Ces autorités ont en effet, déjà à l’heure

de cause aucune disposition de la loi du 28 mars 1885 ne prévoyait de responsabilité à d’autre titre que civil pour une société de bourse du fait d’un préposé. Le Conseil d’Etat a rejeté cet argument au motif que les démarcheurs doivent être regardés “ comme des préposés des personnes et établissements mentionnés aux article 8 et 8-1 de la loi du 28 mars 1885 ; que ces personnes et établissements peuvent donc légalement, contrairement à ce qui a été soutenu, être poursuivis disciplinairement pour des infractions commises par leurs démarcheurs ” (C. Desaleux, observ. sous CE 4 mai 1998, Société de Bourse Patrice Wargny, Rev. CMF, juill.-août 1998, p. 47 et s.). 121Art. L.313-1 : “ L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ”. 122 Nouvel art. L.341-17 du c. monét. et fin., tel que modifié par le projet de loi.

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actuelle, des pouvoirs étendus, puisqu’elles bénéficient d’attributions administratives, réglementaires et quasi-juridictionnelles123. Elles pourraient ainsi édicter des sanctions dans les hypothèses d’exercice d’activités de démarchage par des personnes morales non habilitées ou lorsque les personnes physiques mandatées ne remplissent pas les conditions d’accès à la profession de démarcheur ( condition de moralité, d’honorabilité, d’assurance… ). Par conséquent, sont habilitées à infliger des sanctions, selon l’établissement en cause, la Commission bancaire (pour les établissements de crédit et les entreprises d’investissement), la COB (pour les prestataires de services d’investissement et les sociétés de gestion de portefeuille ou encore les démarcheurs mandatés), le CMF (pour les démarcheurs sur marchés à terme) et la Commission de contrôle des assurances (pour les entreprises d’assurances). Les sanctions disciplinaires vont, de manière générale de l’avertissement au retrait de l’agrément, voire l’interdiction d’exercer et/ou des sanctions pécuniaires. Cette nouvelle compétence accordée aux autorités de marché a donc pour effet d’accroître le caractère dissuasif des sanctions, puisque ces autorités peuvent infliger des sanctions importantes (à titre d’exemple, la COB peut notamment infliger des sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’au décuple du montant des profits réalisés, selon l’art. L.621-21 du c. monét. et fin.). Par ailleurs, se pose la question du sort du contrat conclu en cas de démarchage prohibé. Il est désormais acquis en jurisprudence que les conventions conclues à la suite de démarchage prohibés et sanctionnés pénalement peuvent être annulées en tant qu’elles sont illicites comme contraires à l’ordre public. (cass. civ.1°, 20 juillet 1994124). Par ailleurs, dans l’hypothèse de la nullité de la souscription des parts sociales, elle échappe à la règle de l’inopposabilité des nullités aux tiers de bonne foi de l’art. 1844-16 du c. civ., car elle ne concerne ni la société, ni un acte ou une délibération d’un organe de la société (cass. com. 5 oct. 1999125). Enfin, concernant le régime de la prescription de l’action en nullité fondée sur l’illécéité du démarchage, s’est posé la question de déterminer s’il s’agissait d’un ordre public de protection (donc, prescription quinquennale de l’art. 1304 du c. civ.) ou d’un ordre public de direction (auquel cas s’appliquerait la prescription trentenaire de l’art. 2262 du c. civ.). La Cour de cassation voit dans la réglementation du démarchage financier une double finalité : à la fois, un ordre public de protection en ce qu’elle tend à protéger les épargnants en soumettant le démarchage à des restrictions impératives et contraignante, mais elle assure également un ordre public de direction en ce qu’elle assure la protection des établissements de crédit habilités à pratiquer de telles opérations en préservant leur monopole126.

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123 Sur la possibilité déjà reconnue aux autorités de marché d’édicter des sanctions disciplinaires sur le fondement de sa reponsabilité civile, cf. observations sous arrêt de C. Desaleux précitées (observ. sous CE 4 mai 1998, Société de Bourse Patrice Wargny, Rev. CMF, juill.-août 1998, p. 47 et s.) : “ Cet arrêt permet de penser que le CMF peut sans conteste sanctionner un prestataire de service d’investissement (PSI) au regard des manquements professionnels d’une personne qui, bien que n’étant pas liée par un contrat de travail au PSI, a obtenu de ce dernier une carte de démarchage d’instruments financiers à terme ”. 124 Dalloz Affaires 1997, p. 308 125 T. Bonneau, note sous cass. com. 5 oct. 1999, Société SAM Monégasque de banque privée c/ Epx Bailly-Masson, Dr. sociétés, janvier 2000, p. 9. 126 A. Lienhard, observ. sous cass. civ.1°, 15 mai 2001, Dalloz cahier dr. aff. 2001 n°23, act. jur., p. 1879 et s. Cependant, la portée de cet arrêt paraît incertaine : la première chambre civile pose en effet une formule ambiguë lorsqu’elle affirme que les textes visés “ relèvent de l’ordre public de direction lorsqu’ils dressent la liste des établissements pouvant recourir au démarchage ”. Cette formule peut prêter à deux interprétations distinctes : soit l’ordre public de direction ne concernerait que les infractions au monopole bancaire (lorsque des personnes procèdent au démarchage sans y être légalement habilitées), soit l’ordre public de direction s’appliquerait à l’ensemble du dispositif.

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Mais, il faut admettre qu’actuellement, la seule prise en compte de la législation nationale n’est plus suffisante. Ainsi, les instances communautaires ont pris conscience de l’importance d’assurer la protection du consommateur et ont décidé d’adopter diverses directives allant dans ce sens, or ces dispositions sont appelées à faire partie intégrante du droit national. Par ailleurs, à l’heure actuelle, le démarchage s’effectue de plus en plus fréquemment au niveau international, phénomène qui va en s’amplifiant avec le développement d’internet. En effet, par définition, une offre réalisée par internet vise le public à l’échelon mondial.

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TITRE 2 : LA REFORME DU DEMARCHAGE AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE ET INTERNATIONAL

Il m’est vite apparu que, dans le cadre de cette étude, il n’était pas possible de traiter de la réforme du démarchage sans évoquer les nouvelles réglementations communautaires en la matière, celles-ci étant prochainement appelées à être transposées ou appliquées en l’état dans notre droit national (selon qu’il s’agit, respectivement, d’une directive ou d’un règlement). Cette réglementation fera donc l’objet du premier chapitre. Par ailleurs, les investisseurs français sont de plus en plus souvent sollicités par des émetteurs ou des prestataires étrangers : le second chapitre sera alors consacré à l’étude des nouvelles règles en la matière.

Chapitre 1 : La nouvelle réglementation du démarchage au niveau communautaire

Conscientes de l’enjeu des mutations actuelles, les instances communautaires ont apporté de nombreuses réformes à leurs diverses réglementations. Nous distinguerons alors les mesures récentes ayant une incidence sur le démarchage financier, mais qui sont déjà applicables dans notre droit national (Section 1), des règles qui viennent d’être adoptées ou qui sont encore en projet et qui ont ainsi pour point commun de ne pas encore être applicables en droit français (Section 2).

Section 1. La législation actuelle

Dans le cadre communautaire, les questions qui ne sont pas prises en compte par les directives et règlements communautaires (le droit dérivé) doivent être examinées au regard du seul droit communautaire primaire, le traité de Rome du 25 mars 1957. Il sera donc utile de se reporter aux dispositions du droit primaire (Section 1), avant d’étudier les dispositions du droit dérivé (Section 2).

I. Le droit primaire

En matière de démarchage financier, une disposition du traité de Rome paraît pertinente : il s’agit de l’art.59, qui pose le principe de la libre prestation de services. Cette disposition s’applique aux services qu’un prestataire - d’un Etat membre de l’Union européenne - offre à des destinataires potentiels, établis dans d’autres Etats membres, services qu’il fournit sans se déplacer, à partir de l’Etat membre dans lequel il est établi. Ainsi, appliquée au démarchage financier, cette disposition devrait permettre au démarcheur de solliciter librement des résidents d’autres Etats-membres à partir de son Etat d’origine, c’est-à-dire, sans avoir à demander l’autorisation

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de l’Etat de résidence du public sollicité, à partir du moment où il bénéficie des agréments nécessaires dans son pays d’origine.

Dans, ce cas, l’Etat dans lequel réside le public sollicité peut-il encore imposer au démarcheur le respect de sa propre réglementation en matière de démarchage ? C’est la question qui a été posée à la Cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt du 10 mai 1995 127. En l’espèce, une société de droit néerlandais établie aux Pays-Bas, spécialisée dans les contrats à terme de marchandises, s’était vue interdire par le ministre des Finances néerlandais de contacter des clients potentiels par “ cold calling ”. La société a alors soutenu que l’interdiction du démarchage par téléphone pour les services financiers était incompatible avec les dispositions du Traité de Rome en matière de libre prestation de service. La Cour a alors admit que cette prohibition constituait bien une entrave à l’art. 59, celui-ci s’appliquant même aux simples offres de services dont le destinataire n’est pas déterminé, puisque cette interdiction privait “ les opérateurs concernés d’une technique rapide et directe de publicité et de prise de contact avec des clients potentiels se trouvant dans d’autres Etats membres ”. Cependant, la Cour affirme que “ l’art. 59 du traité ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui, afin de protéger la confiance des investisseurs dans les marchés financiers nationaux, interdit la pratique consistant à adresser des appels téléphoniques non sollicités à des clients potentiels résidant dans d’autres Etats membres… ”. Ainsi, pour la Cour, une règle nationale peut déroger au principe fondamental de la libre prestation de services, lorsqu’elle répond à certaines conditions : - la mesure nationale ne doit pas être discriminatoire ; - elle doit être justifiée par des raisons impérieuses d’ordre général128 (en l’espèce, cette réglementation permettait

de maintenir la bonne réputation du secteur financier national) ; - et les prescriptions imposées doivent être nécessaires et proportionnées à l’objectif poursuivi. Mais, les raisons de cette décision doivent aussi être recherchées dans le droit dérivé (et en particulier dans la directive sur les services d’investissement).

II. Le droit dérivé

Parmi les mesures de droit dérivé, il sera particulièrement utiles de s’attarder sur deux réglementations relativement récentes, permettant de résoudre deux problèmes se posant lors du démarchage de clients européens : quelle est la loi applicable (A) et quel est le tribunal compétent, dans l’hypothèse d’un litige (B) ?

A. La détermination de la loi applicable

La directive sur les services d’investissement129 a eu pour principal objectif de faire bénéficier les

prestataires de services d’investissement du système du passeport européen130, permettant à un établissement agréé

127 CJCE, Cour plénière, 10 mai 1995, Alpine Investments BV Minister Van Financien, Bull. Joly Bourse, juill.-août 1995, p. 297 et s. , note de D. Fasquelle. 128 L’art. 36 du traité prévoit une énumération limitative des raisons d’intérêt général : maintien de la sécurité publique, protection de la santé et protection de la propriété industrielle. Par ailleurs, le CJCE a reconnu que la protection des consommateurs, l’amélioration des conditions de travail, la loyauté des transactions commerciales, l’efficacité des contrôles fiscaux et la protection de l’environnement peuvent être considérées comme des exigences impératives.

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dans un Etat membre d’exercer dans les autres Etats membres sans avoir à requérir une autorisation dans chaque Etat. Ainsi, le démarcheur ne sera tenu de respecter que la législation de son pays d’origine et non les diverses réglementations des Etats de résidence des clients. Il devrait donc permettre notamment à un établissement agréé en France de démarcher les clients des autres Etats membres. Ce passeport devrait également pouvoir jouer pour le démarchage effectué via internet envers les pays membres de la Communauté européenne, sous réserve des autres dispositions communautaires existantes. En outre, cette directive ne vise pas spécifiquement l’activité de démarchage financier, mais prévoit, dans son art. 13, de permettre aux entreprises d’investissement agréées dans un autre Etat membre “ de faire de la publicité pour leurs services […] dans l’Etat membre d’accueil, pour autant qu’elles respectent les règles régissant la forme et le contenu de cette publicité qui ont été arrêtées pour des raisons d’intérêt général ”. Cette disposition permet donc d’éclairer le raisonnement suivi par la Cour de justice des Communautés européennes, dans l’arrêt précité du 10 mai 1995, puisqu’elle laisse, a contrario, la possibilité aux Etats membres de prendre des dispositions nationales restreignant la liberté accordée par le passeport européen, pour autant que ces mesures soient justifiées par des raisons d’intérêt général. Quelles dispositions sont cependant prévues en cas de litige avec un prestataire ou un émetteur financier ?

B. La détermination du tribunal compétent, en cas de litige

Il faut rappeler que l’activité de démarchage s’effectue alors qu’aucun contrat n’a été signé entre les deux

parties. La responsabilité de l’émetteur ou du prestataires de services financiers ne peut donc qu’être délictuelle. Concernant la détermination du tribunal compétent, un nouveau règlement est récemment entré en vigueur en droit français : il s’agit du règlement du Conseil du 22 décembre 2000131 qui remplace la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968. Ce règlement est venu modifier l’art. 5.3 de la Convention de Bruxelles relatif à la compétence en matière délictuelle. Le nouvel article 5-3 prévoit ainsi que le défendeur pourra désormais être attrait “ devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ”. Ainsi, un démarcheur d’un Etat membre qui ne respecte pas ses obligations132 pourra être attrait devant sa propre juridiction, et non celle de l’Etat membre d’origine du démarcheur. Cependant, les principales innovations du droit communautaire en matière de démarchage sont à venir, puisque de nouvelles directives viennent d’être adoptées ou sont en passe de l’être.

Section 2. Les réformes en cours 129 Directive 93/22/CEE du Conseil du 10 mai 1993 concernant les services d’investissement dans le domaine des valeurs mobilières. Cette directive a été transposée en droit français par la loi du 2 juillet 1996 sur la modernisation des activités financières. 130 Parmi les autres bénéficiaires du système du passeport européen, il faut notamment citer les OPCVM (directive du 20 décembre 1985 relative aux OPCVM).et les établissements de crédit (directive bancaire du 15 décembre 1989). 131 Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 200 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

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Dans le plan d’action sur les services financiers élaboré par la Commission, est prévue la mise en place d’un marché européen des services financiers pleinement intégré pour l’année 2005. Pour ce faire, diverses directives ont récemment été adoptées ou sont en projet. Concernant le démarchage de produits et services financiers, trois directives paraissent particulièrement importantes. Il s’agit de la directive sur le commerce électronique (I), la directive sur la commercialisation des services financiers à distance (II) et le projet de révision de la directive sur les services d’investissement (III). Les deux premières viennent d’être adoptées et n’ont pas encore été transposées en droit français133, tandis que la dernière est encore à l’état de projet.

I. La directive sur le commerce électronique

La base du plan d’action sur les services financiers a été jetée dans un premier temps avec l’adoption de la directive sur le commerce électronique134, visant à permettre la libre prestation de services en ligne dans l’Union européenne. Il s’agit d’une directive-cadre horizontale qui s’applique à tous les services fournis à distance par des moyens électroniques, y compris les services financiers. Deux dispositions générales sont applicables au démarchage financier via internet : la première est la clause “ du marché intérieur ” (A), qui constitue en réalité un principe général, fil conducteur de la directive – et, comme nous le verrons plus loin, du plan d’action sur les services financiers dans son ensemble – ; la seconde est une disposition spécifique aux communications commerciales effectuées par des moyens électroniques.

A. La clause dite “ du marché intérieur ”

Cette directive est fondée sur la clause dite “ du marché intérieur ” qui permet aux prestataires de services

de la société de l’information de proposer leurs services dans toute l’Union sur la base des règles et règlements appliqués par l’Etat membre dans lequel ils sont établis (c’est-à-dire le pays d’origine). En effet, les services proposés sur un site web sont automatiquement et simultanément accessibles dans tous les Etats membres, or il n’est pas possible d’exiger du prestataire de services financiers qu’il se conforme à quinze régimes juridiques différents. De même, il apparaît que le contrôle pourra être exercé plus rapidement et efficacement dans l’Etat membre où le prestataire est établi et à partir duquel il opère son site web. Cette disposition, appliquée au démarchage à travers l’internet, évite donc au démarcheur de devoir se conformer aux différentes législations des pays où résident les personnes visées. A côté de cette disposition d’ordre général, figure une disposition plus spécifiques aux différentes techniques de sollicitation électronique.

B. La réglementation des communications commerciales en ligne

132 Le règlement permettant de prendre en compte la notion risque, on peut présumer qu’un dommage n’a pas besoin d’être causé à la personne démarchée. Mais il faut encore rester prudent sur les conséquences pratiques de cette extension. 133 Les Etats membres disposent en effet d’un délai de deux ans pour transposer la directive dans leur droit national, à partir de la publication de celle-ci au Journal Officiel. 134 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juillet 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur. Sa transposition est prévue en France dans le projet de loi sur la société de l’information.

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La directive prévoit également des obligations de transparence supplémentaires pour toutes les formes de sollicitations commerciales en ligne, sans viser toutefois précisément le démarchage financier : les communications commerciales doivent être clairement identifiables en tant que telles et indiquer sans ambiguïtés pour le compte de qui elles sont entreprises. On peut ainsi supposer que le terme “ communications commerciales ” inclut les techniques de démarchage via internet. Ainsi, selon cette directive, toute communication non sollicitée devra obligatoirement mentionner le but commercial dont elle fait l’objet, et indiquer le nom du démarcheur personne morale, pour le compte de laquelle elle est effectuée. Mais si cette directive ne comporte pas de dispositions spécifiques au démarchage financier, cette “ lacune ” est réparée avec la directive sur la commercialisation à distance de services financiers.

II. La directive sur la commercialisation à distance de services financiers135

Cette directive s’inspire de deux autres textes : la directive sur le commerce électronique, directive-cadre , et la directive sur les contrats à distance136 qui exclut de son champ d’application les services financiers. Il faudra donc préciser dans un premier temps le champ d’application de cette directive (A), avant d’étudier plus en détail les mesures de protection de la personne démarchée (B).

A. Le champ d’application de la directive

La directive sur la commercialisation à distance de services financiers a pour objectif premier de réaliser

l’harmonisation des règles de base à respecter dans tous les modes de commercialisation. Cette directive régit “ tout contrat concernant des services financiers conclu entre un fournisseur et un consommateur dans le cadre d’un système de vente ou de prestation de service à distance organisé par le fournisseur qui, pour ce contrat, utilise exclusivement des techniques de communication à distance ”137. Cette directive édicte donc des dispositions réglementant tout le processus de commercialisation, de la sollicitation du futur client à la phase succédant à la conclusion du contrat. En outre, sont visées les opérations effectuées par des fournisseurs, comme les opérations réalisées avec la participation d’un intermédiaire. Par ailleurs, bénéficie de la protection accordée par cette directive, tout consommateur ayant sa résidence sur le territoire d’un Etat membre et dont le contrat présente un lien étroit avec la Communauté, même si la loi qui régit le contrat est celle d’un pays tiers138.

Il faut également relever que cette directive réalise une harmonisation maximale dans la plupart des domaines139 : cette démarche, adoptée pour la première fois, postule que la directive atteint un niveau élevé de protection des consommateurs de services financiers, les Etats membres étant alors tenus de transposer la directive

135 Cette directive a été adoptée le 26 juin 2002. Elle est actuellement en attente de publication au Journal Officiel. 136 Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance. Cette directive vient d’être transposée en droit français. 137 Art. 2 de la Directive 138 Art. 11 de la Directive 139 Dans un petit nombre d’hypothèses, il est cependant prévu que les Etats membres puissent continuer à introduire ou à maintenir des réglementations nationales. : c’est notamment le cas de la durée du délai de rétractation ou de la possibilité d’exclure du droit de rétractation les crédits immobiliers.

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dans son intégralité sans pouvoir ajouter de dispositions contraignantes supplémentaires. Ce système présente l’avantage d’éviter l’apparition de disparités entre les différents Etats membres. Il met également fin au sempiternel problème de la détermination de la loi applicable dans le cadre communautaire, puisque la législation est identique entre les différents Etats membres. En outre, une telle approche paraissait indispensable dans une perspective de cohérence avec la directive sur le commerce électronique, dont elle est indissociable : il fallait pouvoir éviter que les Etats membres n’imposent le respect de leur propre législation aux prestataires de services financiers exerçant sur leur territoire via internet, en plus de la législation du pays d’origine.

B. Les mesures de protection de la personne démarchée

Plusieurs dispositions de la directive s’appliquent, directement ou non, au démarchage financier. Ainsi,

deux dispositions ayant une portée plus générale, s’appliquent au démarchage financier : il s’agit des obligations relatives à l’information préalable (1) et la faculté de rétractation accordée au consommateur (2). Ensuite, deux dispositions visent spécifiquement les techniques de sollicitation et le démarchage : la prohibition de la vente forcée (3) et la réglementation des communications non sollicitées (4).

1. Une information préalable complète

Dans un premier temps, la directive oblige les vendeurs de services et produits financiers à fournir une

information complète aux consommateurs avant la conclusion de tout contrat. Cette information doit comporter l’identité et l’adresse du fournisseur, ainsi que, le cas échéant, celles de son représentant établi dans le pays du consommateur, une description des caractéristiques principales du service financier, le prix et les modalités de paiement et, de façon générale, les droits et obligations découlant du contrat. Ces informations doivent être fournies de manière claire et compréhensible et leur but commercial doit apparaître sans équivoque140. Elles doivent également être communiquées sur un support papier ou sur un autre support durable (c’est-à-dire “ tout instrument permettant au consommateur de conserver les informations qui lui sont adressées personnellement et spécifiquement et qui sont contenues notamment sur des disquettes informatiques, des CD-ROM ainsi que le disque dur de l’ordinateur du consommateur stockant des courriers électroniques ”141), au plus tard immédiatement après la conclusion du contrat.

2. Un droit de rétractation élargi

La directive laisse au consommateur la faculté de se rétracter après la conclusion du contrat. Ce délai de

rétractation est compris entre 14 et 30 jours et peut être fixé par les Etats membres en fonction des services financiers concernés. Mais, afin de veiller au respect du principe de libre circulation des services financiers, le fournisseur, qui se conforme au délai de rétractation prévu par la législation de l’Etat membre où il est établi, n’est pas tenu de respecter un délai de rétractation plus long qui serait prévu par l’Etat membre où réside le consommateur.

140 Art. 3 de la Directive. Cette disposition est directement inspirée de la directive sur le commerce électronique. 141 Art. 2 de la Directive

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Certains produits ne peuvent cependant bénéficier d’un droit de rétractation, il s’agit : - des services financiers pour lesquels l’existence du droit de rétractation pourrait entraîner un risque de spéculation

(opérations de change, réception, transmission et/ou exécution d’instructions et prestation de services relatives aux instruments du marché monétaire, titres négociables, aux OPCVM et autres systèmes de placement collectif, contrats à terme et options, instruments sur taux de change et taux d’intérêts dont le prix dépend de fluctuations du marché financier que le fournisseur n’est pas en mesure de contrôler) ;

- des assurances non vie d’un délai inférieur à deux mois ; - des contrats dont l’exécution est entièrement terminée avant que le consommateur n’exerce le droit de rétractation

(celui-ci n’ayant alors plus d’objet). En outre, le droit de rétractation en matière de crédit immobilier peut faire l’objet de règles particulières par les Etats membres.

Un droit de rétractation est donc accordé de façon globale à tous les souscripteurs de services financiers à distance, sauf exceptions, quelle que soit la technique de sollicitation utilisée. Ainsi, dans le domaine du démarchage financier, cette directive institue des règles plus protectrices du consommateur que la réglementation française actuelle, puisque, rappelons-le, celle-ci n’accorde le bénéfice du droit de rétractation qu’au souscripteur de plan d’épargne en valeurs mobilières. La réforme du démarchage qui a été proposée accorde, au contraire – à l’instar de cette directive – un droit de rétractation global, applicable à tous les produits ou services financiers souscrits à la suite d’un démarchage (hormis les produits ou services dont le prix fluctue en fonction du marché). La réforme de la législation nationale qui est envisagée, sera donc, sur ce point, conforme au droit communautaire. Cependant, il faut également relever que la réforme du démarchage au niveau national paraît plus favorable à la personne démarchée, puisque la directive ne prévoit aucun droit de réflexion préalable à la conclusion du contrat et permettant au consommateur de renoncer à cette opération, contrairement au projet de réforme du démarchage dans le cadre national.

3. Une interdiction de la vente forcée

La directive prévoit ensuite la prohibition de la “ vente par inertie ”. Elle oblige en effet les Etats membres

“ à prendre les mesures nécessaires pour interdire la fourniture de services financiers à un consommateur sans demande préalable de sa part, lorsque cette fourniture comporte une demande de paiement immédiate ou différée dans le temps ”. Cette disposition a donc pour objet de prohiber toutes les techniques de ventes forcées, c’est-à-dire celles consistant à envoyer à un consommateur des produits et services financiers non demandés et à les lui facturer. De même, le consommateur doit être dispensé de toute obligation en cas de fourniture non demandée, l’absence de réponse ne valant pas consentement.

4. Des règles plus strictes encadrant les communications non sollicitées

Par ailleurs, des dispositions régissent les communications non sollicitées et sont donc spécifiques aux

techniques de démarchage. Ainsi, d’une part, le démarchage non sollicité par automate d’appel ou par télécopieur est interdit, le consentement préalable du consommateur étant requis. D’autre part, concernant les autres techniques de démarchage à distance (telles que le spamming ou le démarchage par téléphone), les Etats-membres ont le choix entre deux alternatives : - soit opter pour le système de l’opt-in, en interdisant de telles communications si les personnes visées n’ont pas donner leur consentement à de telles sollicitations ;

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- soit opter pour le système de l’opt-out, en ne les interdisant que si le consommateur a fait part de son opposition en s’inscrivant sur un registre prévu à cet effet. Concernant plus spécifiquement les communications téléphoniques, il est également prévu que l’identité du fournisseur et le but de l’appel doivent être indiqués au début de toute conversation. Il faut alors relever que ces dispositions paraissent plus strictes – et ainsi plus protectrices du consommateur – que le projet de réforme national du démarchage. En effet, ce dernier ne prévoit aucune forme de consentement qui serait donné par la personne démarchée, ni ne mentionne la possibilité de s’inscrire sur une liste d’opposition à ce type de sollicitations. Pourtant, il est possible de refuser d’être la cible de spamming, avec la possibilité de s’inscrire sur la liste “ Robinson ”, mais cette faculté est limitée aux sollicitations électroniques et téléphoniques142, rien n’étant prévu pour les autres formes de démarchage (notamment par courrier). Enfin, une autre directive apportera probablement encore des améliorations au régime du démarchage financier, il s’agit du projet de révision de la directive sur les services d’investissement.

III. Le projet de révision de la directive sur les services d’investissement

La révision de la directive sur les services d’investissement (DSI)143 constitue un autre maillon du plan d’action sur les services financiers présenté par la Commission européenne. A l’heure actuelle, cette directive144 prévoit en effet l’application de la réglementation du pays d’accueil aux services fournis sur son territoire, dans un certain nombre de domaines, en particulier pour les règles de conduite professionnelle ou la publicité pour les services d’investissement. Des incohérences risquent donc d’apparaître entre les services financiers en ligne (régis par la directive sur le commerce électronique et la nouvelle directive sur la commercialisation à distance de produits financiers) et les services hors ligne qui font l’objet d’une réglementation dans cette directive. La révision de la DSI devra permettre d’assurer la transition des règles existantes vers le principe du pays d’origine, posé par la directive sur le commerce électronique. Concernant le démarchage financier, les contours des mesures qui seront adoptées ne sont pas encore très nets. Mais la directive devrait régir l’emploi d’agents liés par des entreprises d’investissement à des fins de représentation et de démarchage à distance. Par ailleurs, le CMF a proposé que ces agents soient obligatoirement des personnes physiques et qu’ils soient habilités à fournir un service de conseil dans des conditions bien déterminées145. En outre, les professionnels français ont également demandé un encadrement européen du statut des conseillers en investissement, et donc de leur octroyer un passeport européen146. Cette réglementation devra notamment définir l’articulation entre l’activité de conseil et la notion de démarchage. Ainsi, ces mesures devraient permettre notamment d’accroître la confiance et la protection des investisseurs. Elles pourront être insérées dans la nouvelle directive sur les services d’investissement ou faire l’objet d’une directive distincte.

142 Concernant le démarchage téléphonique, existe également la possibilité de s’inscrire sur liste orange. 143 Directive encore à l’état de projet. 144 Directive 93/22/CEE du Conseil du 10 mai 1993 concernant les services d’investissement dans le domaine des valeurs mobilières. 145 Réponses du CMF à la consultation de la Commission européenne sur la révision de la directive concernant les services d’investissement, Rev. CMF, n°45, février 2002, p.31. 146 AFEI, AFG-ASFFI, AFTI, ASF, FBF, Commentaires des professionnels sur la révision de la directive concernant les services d’investissement : vue d’ensemble des ajustements proposés, oct. 2001 (disponible sur le site de l’AFEI : www.afei.com).

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Ainsi, avec ces nouvelles directives, le démarchage financier est désormais pris en compte par les instances européennes. Cependant, si les avancées au niveau européen sont indéniables, elle ne sont pas suffisantes : en effet, le démarchage ne se contente pas de viser les investisseurs européens, mais s’exerce bien souvent – et de plus en plus fréquemment, avec internet – au niveau international. Il s’agit alors d’étudier les problèmes soulevés par cette perspective et les règles qui peuvent en être déduites.

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Chapitre 2 : La nouvelle réglementation du démarchage exercé au niveau international

Actuellement, les émetteurs ne se contentent plus de démarcher les seuls résidents de leur pays, mais sollicitent de plus en plus souvent des clients étrangers. Quelles sont alors les règles en la matière (Section 1) ? Les difficultés sont néanmoins encore plus ardues avec l’utilisation d’internet, puisqu’il permet de solliciter des internautes du monde entier : le problème se pose en particulier de déterminer quelles sont les réglementations que devra respecter l’émetteur ou le prestataire (Section 2).

Section 1. Les règles générales applicables

La législation française du démarchage contient plusieurs dispositions relatives à l’exercice du démarchage financier au niveau international (I), législation à laquelle il faut ajouter les travaux menés au niveau international par les autorités de régulation (II).

I. Les règles nationales

Parmi les règles nationales, il sera utile de distinguer les règles nationales relatives à la sollicitation des investisseurs français par des émetteurs étrangers (A) des règles nationales relatives à la détermination de la juridiction applicable (B).

A. Les règles nationales relatives à la protection des investisseurs français sollicités par des émetteurs étrangers

Actuellement, la législation nationale prévoit la réglementation du démarchage en vue d’opérations sur un

marché étranger, à travers la réglementation du démarchage d’opérations à terme (législation issue de la loi du 28 mars 1885 sur les marchés à terme). Cependant, deux textes sont applicables au démarchage d’investisseurs français par des émetteurs étrangers : l’art. L.423-1et l’art. L.343-1 du c. monét. et fin. Ainsi, l’art. L.423-1147 du c. monét. et fin. précise que “ le public ne peut être sollicité, sous quelque forme que ce soit, directement ou indirectement, en vue d’opérations sur un marché étranger de valeurs mobilières, de contrats à terme négociables ou de tous produits financiers que lorsque le marché a été reconnu… ”, ces dispositions ne s’appliquant cependant pas aux marchés réglementés dont le siège est fixé dans un Etat partie à l’OCDE. La COB a ainsi considéré que “ la notion de sollicitation a un contenu plus large que le concept traditionnel de démarchage ”148, puisque peut être qualifiée comme telle “ toute technique de commercialisation visant une

147 Ancien art. 18 de la loi du 28 mars 1885. 148 COB, Rapport pour 1991, p.251.

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personne déterminée ou le public en général ”149. La sollicitation ne se limite donc pas au démarchage mais vise également des techniques de publicité. D’après ce texte, les personnes morales ayant leur siège social hors de France ne sont autorisées à solliciter le public français en vue d’opérations sur un marché étranger reconnu, que lorsqu’elles ont été agréées par l’autorité de contrôle compétente dans leur pays d’origine et après que les autorités de contrôle françaises se sont assurées que les règles de compétence, d’honorabilité et de solvabilité auxquelles sont soumises ces personnes sont comparables à celles qui sont applicables en France. Par ailleurs, l’art. L 343-1 du c. monét. et fin. n’est applicable qu’aux activités de démarchage sur des opérations à terme qui ne peuvent être exercées que par des prestataires de service d’investissement et les personnes mentionnées à l’art. L.421-8 du c. monét. et fin. Mais, concernant le démarchage à partir de l’étranger en France, il demeure soumis à une autorisation du ministre de l’Economie et des Finances150. Ainsi, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que les sociétés étrangères souhaitant solliciter le public français pour, notamment des opérations sur des marchés à terme étrangers, ne pourront agir qu’après certaines vérifications effectuées par les autorités de marché françaises. En effet, toute personne morale ayant son siège hors de France ne peut exercer le démarchage que si elle est agréée par l’autorité de contrôle compétente de son pays d’origine et après que les autorités compétentes françaises se soient assurées que les règles auxquelles elles sont soumises sont équivalentes à celles applicables en France151. Par ailleurs, la réforme de la législation nationale du démarchage, qui prévoit de redéfinir le démarchage comme “ toute prise de contact non sollicitée ”, ne devrait pas remettre en cause la distinction entre les deux textes. La COB a également jugé nécessaire de préciser l’articulation de ces deux textes : “ une société étrangère dont les titres sont cotés à l’étranger peut, dans le cadre de la loi de 1972, continuer à placer ses titres en France, sous réserve qu’elle obtienne au préalable l’autorisation du ministre chargé de l’Economie, autorisation désormais implicite lorsque le pays est membre de l’OCDE, qu’elle ait recours pour le placement de ses titres à un intermédiaire financier français habilité et enfin que ses titres soient admis à la cote officielle au second marché français ”152. En effet, l’art. L.423-1 ne se substitue pas aux autres dispositions sur le démarchage financier153. Mais des dispositions nationales régissent également le problème de la compétence juridictionnelle.

B. Les règles nationales relatives à la détermination de la juridiction compétente

Deux types de règles doivent être examinés ici : les règles en matière civile (1) et la réglementation au

niveau pénal (2).

1.Les règles de droit civil

149 COB, Rapport pour 1994, p.224. 150 Décret n°89-938 du 29 déc. 1989. 151 Cass. crim., 11 mai 2000, B. et K., note de T. Granier, Bull. Joly Bourse, sept. -oct. 2000, p.458 et s. : il s’agissait en l’espèce d’une société allemande ayant une activité de service d’investissement, qui proposait au public français, notamment des opérations sur les options négociées sur les marchés à terme nord-américains. 152 COB, Rapport pour 1991, p.253. 153 H. de Vauplane et J.-P. Bornet, Droit des marchés financiers, Littec, 2001, p.311.

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En droit civil, les litiges relatifs au démarchage financier ont un caractère délictuel, puisque cette phase

précède la conclusion du contrat. En droit civil interne, l’art. 42 du NCPC pose un principe général de compétence de la juridiction du lieu de résidence du défendeur. Mais l’art. 46 du NCPC laisse au demandeur une option en matière délictuelle : outre la juridiction où demeure le défendeur, le demandeur peut saisir à son choix, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort duquel le dommage a été subi. La règle de l’art. 46 est par ailleurs transposable à l’échelle internationale, puisqu’elle peut être mise en œuvre dans un conflit dont l’une des parties n’a pas la nationalité française. Cette disposition devrait donc également pouvoir trouver à s’appliquer lors de la mise en œuvre de la responsabilité délictuelle via internet et en particulier du démarchage financier, même si tel n’a pas encore été le cas154.

2. Les règles de droit pénal

En matière pénale, l’art. 113-2 du code pénal dispose que la loi pénale française est applicable aux

infractions commises sur le territoire de la République, l’infraction étant réputée commise sur ce territoire dès lors qu’un des faits constitutifs y est intervenu. En conséquence, tout démarchage interdit susceptible d’être effectué auprès d’investisseurs français peut être incriminé pénalement devant une juridiction française. Au niveau international, de grandes avancées ont cependant pu être effectuées grâce aux travaux réalisés par l’OICV.

II. Les travaux internationaux

Les autorités de régulation nationales réunies au sein de l’OICV155 ont dénoncé les délits de plus en plus fréquents exercés par des démarcheurs au niveau international (A), avant de déterminer les mesures permettant de lutter contre de telles fraudes (B).

A. Les fraudes relatives au démarchage financier, au niveau international

La COB a, à plusieurs reprises, attiré l’attention du public sur les sociétés étrangères qui proposent des

services d’investissement via un site internet sans détenir les agréments nécessaires156. Par ailleurs, de nombreux travaux ont été réalisés au sein de l’OICV. Ainsi, les membres de l’OICV ont dressé “ un portrait-type ” des infractions réalisées au niveau international. En effet, celles-ci prennent le plus souvent la forme de “ boiler room, ”, pratique frauduleuse déjà évoquée précédemment. Cette technique comporte souvent de fausses promesses de bénéfices importants et immédiats,

154 Cette disposition a notamment été mise en œuvre à propos de la mise en vente aux enchères d’objets nazis sur le site Yahoo bien que la faute ait été commise aux Etats-Unis, le dommage ayant été subi en France (Cass.com., 7 mars 2000, Expertises, oct. 2000, p.104). 155 Organisation internationale des Commissions de Valeurs 156 Communiqué de presse de la COB du 21 février 2000.

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obtenus en investissant dans des produits qui ne sont pas négociés sur des marchés reconnus ou dont la valeur réelle ne peut être appréciée157. L’OICV a ainsi relevé que ces “ bouilloires ” opèrent de plus en plus fréquemment à partir de juridictions autres que celles où sont établis leurs clients, d’autres agissent simultanément sur plusieurs territoires, certaines utilisent des boîtes à lettres, des sociétés spécialisées dans la prestation de services téléphoniques et postaux ou des sociétés-coquilles situées dans des juridictions autres que celles du pays visé158. Par ailleurs, même les bouilloires qui ne sollicitent le public qu’au sein d’une seule juridiction peuvent lui proposer d’investir dans des produits financiers agréés ou négociés dans une autre juridiction. Ainsi, il apparaît qu’un élément d’extranéité soit presque systématiquement présent, introduisant une dimension internationale à ces pratiques. Des travaux ont alors été menés dans le but de lutter contre de tels agissements.

B. Les mesures de lutte contre de telles fraudes

L’OICV a constaté qu’une lutte efficace contre ce type de pratiques passe par des mesures nationales telles

que l’agrément des intermédiaires financiers et des professionnels de marché, les réglementations relatives aux produits et aux marchés, les obligations déclaratives, les mesures répressives, la réglementation de la sollicitation du public et des techniques de vente. Les membres de l’OICV se sont ainsi engagés à transposer dans leur droit national les mesures de lutte contre ces activités. Par ailleurs, elle a réaffirmé la nécessité d’une coopération efficace entre les autorités de contrôle. En effet, lorsque les activités illégales sont dispersées entre plusieurs pays, la détection des activités de la bouilloire peut s’avérer difficile, d’autant plus que, certains éléments du montage peuvent paraître parfaitement conformes à la législation en vigueur. Parmi les principaux accords de coopération entre autorités de régulations nationales, il faut principalement citer les accords bilatéraux d’assistance et d’échange d’information : ces accords ont été encouragés par l’OICV et sont connus sous le nom de Memorandum of Understanding (MOU)159. Ces accords ont pour objet de permettre des échanges d’informations relatives à la surveillance des marchés ou à des enquêtes afin de mieux assurer le respect des lois et règlements en vigueur160. Mais, avec le développement d’internet, le démarchage vise de façon presque systématique un public mondial. C’est pourquoi, internet soulève de nouvelles difficultés dont la résolution est actuellement au centre des débats.

Section 2. La résolution des difficultés particulières soulevées par le démarchage via internet 157 H. de Vauplane, Protection nationale de l'épargne et concurrence entre places boursières, Banque et droit, mai-juin 1995, p.41. 158 J.-P. Michaud, La protection des petits investisseurs : la lutte contre la fraude financière transnationale dont sont victimes les particuliers, Bull. COB, n°275, déc. 1993, p.21. 159 Il faut relever que le 24 mai 2002, l’OICV a, pour la première fois, adopté un accord multilatéral de coopération et d’échange d’informations entre régulateurs boursiers au niveau mondial. (communiqué de presse COB du 28 mai 2002).

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Il faut immédiatement préciser, que, concernant la résolution de ces difficultés, l’OICV joue un rôle de premier plan. Cette section sera donc basée sur les indications qu’elle a pu fournir jusqu’à présent, sachant que le débat n’est pas encore clos et que ces solutions seront probablement encore améliorées par la suite. Ainsi, dans un premier temps, elle a défini les principes généraux que doit respecter la commercialisation de produits ou service financiers via internet, puisque celle-ci, par définition, s’exerce au niveau international (I). Ensuite, question longuement débattue, se pose le problème de la détermination de l’autorité de régulation compétente, chargée de contrôler la licéité des sollicitations exercées au travers d’internet (II). Enfin, dernier point, qui comme nous le verrons, n’est pas sans lien avec la question précédente, quelles sont les législations que devra respecter le démarcheur exerçant son activité au travers d’internet (III) ?

I. Les obligations spécifiques consécutives au démarchage financier via internet

Principe énoncé à diverses reprises, internet n’est pas une zone de non-droit161. C’est ainsi que la COB a précisé, dans ses entretiens162, que les principes actuels de la régulation financière s’appliquent aussi sur internet : il en va ainsi de la transparence, l’équité, l’intégrité et la bonne information des investisseurs. Ainsi, “ l’information présentée sur un site internet, qu’elle émane de l’émetteur ou de toute autre personne, se doit d’être précise, exacte et sincère ”163. En effet, la réglementation financière s’applique aussi à internet, et en particuliers, les délits financiers, tels que le délit d’initié, la manipulation de cours ou la diffusion d’informations fausses ou trompeuses. Cependant, ces règles ne doivent pas entraver le développement d’internet en matière financière dont le caractère évolutif doit être pris en compte par les régulateurs. Sur ce fondement, l’OICV a alors défini un ensemble de règles applicables aux activités financières sur internet : - l’investisseur doit être pleinement informé de la véritable nature du site auquel il a accès ; - les sites internet doivent être très exigeants en matière de conservation des données et de datage des opérations ; - il importe que l’information des épargnants soit la même que celle qui existe sur support papier ; - les règles de conduite des prestataires de services d’investissement sont les mêmes sur internet qu’en dehors.164 Ces principes évoqués, quelles autorités de régulations pourront se déclarer compétentes en ce qui concerne le contrôle de l’exercice du démarchage financier via internet ?

II. Le partage des compétences entre autorités de régulation

Les sites internet étant consultables du monde entier, chaque autorité de régulation devrait être compétente afin de faire respecter ses règles et la législation de son pays (rappelons que ces autorités ont en effet des attributions administratives, réglementaires et quasi-juridictionnelles). Mais ce postulat conduit au cumul des législations à respecter. Faudrait-il alors procéder à l’attribution d’une compétence unique à une seule autorité de régulation ou à

160 T. Bonneau et F. Drumond, Droit des marchés financiers, Economica 2001. 161 Cf. Internet et les réseaux numériques, étude du Conseil d'Etat, juillet 1998 (disponible sur le site de la documentation française : www.ladocumentationfrancaise.fr). 162 F. Champarnaud, Présentation du rapport introductif de la COB, in Les entretiens de la COB, Bull. COB, n°329, nov. 1998, p. 49. 163 COB, Communiqué relatif à l’issue d’une enquête, 7 oct. 1999, Bull. COB, n°339, oct. 1999 164 F. Champarnaud, Présentation du rapport introductif de la COB, in Les entretiens de la COB, Bull. COB, n°329, nov. 1998, p. 49

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une répartition de compétence entre les diverses autorités ? Des réponses à cette questions ont été fournies par l’OICV dans un premier temps (A), puis par la COB (B).

A. La solution préconisée par l’OICV

Concernant la compétence éventuelle de ces autorités de régulation, l’OICV n’exclut pas la possibilité

d’une pluralité de compétences. Ainsi, dans son rapport consacré à l’internet, l’OICV précise que les autorités de régulation doivent indiquer “ dans quelles circonstances ” elles “ exercent leur pouvoir de régulateur sur la prestation de services financiers réalisée par le biais d’internet ”165. Mais ces autorités ne peuvent s’estimer compétentes que si “ l’offre de produits ou de services effectuée sur internet par un émetteur ou un prestataire de services financiers a lieu dans la juridiction du régulateur, ou si les activités réalisées depuis l’étranger par l’émetteur ou le prestataire de services financiers ont un impact significatif sur les investisseurs ou les marchés situés dans la juridiction du régulateur ”. Une autorité régulatrice ne peut en outre se déclarer compétente que si : - “ l’information diffusée est manifestement destinée aux investisseurs de la juridiction du régulateur “ ; - “ l’émetteur ou le prestataire de services financiers concerné accepte des ordres en provenance des investisseurs de la juridiction du régulateur, ou leur propose des services ” ; - “ l’émetteur ou le prestataire de services financiers concerné utilise le courrier électronique ou d’autres moyens de communication pour “ imposer ” les informations les concernant aux investisseurs de la juridiction du régulateur ” ; En conséquence, si l’émetteur ou le prestataire de services financiers ne veut pas viser un pays spécifique, il doit : - “ l’émetteur ou le prestataire de services financiers désigne clairement à qui s’adresse son offre de produits ou de services financiers ” ; - “ le site internet contient la liste de juridictions dans lesquelles l’émetteur ou le prestataire de services financiers concerné a été (ou n’a pas été) autorisé à proposer ses produits ou ses services financiers ” ; - “ l’émetteur ou le prestataire des services financiers concerné prend les précautions nécessaires pour éviter d’offrir ses produits ou ses services financiers aux investisseurs de la juridiction du régulateur ”.

B. La position de la COB

Dans sa recommandation 99-02 relative à la promotion ou la vente de produits de placement collectif ou de

services de gestion sous mandat via internet, la COB s’est inspirée des propositions de l’OICV en prônant la méthode multicritères. Plus précisément, dans le préambule de cette recommandation, la COB détermine différents critères, non exclusifs les uns des autres, pouvant conduire les autorités compétentes d’un pays donné à estimer qu’il s’agit d’une offre de produits ou de services visant ses résidents :

- le contenu de l’information disponible ; - la langue ; - le plan ou l’arborescence du site ; - les liens établis à l’initiative de la société entre son site et d’autres sites ; - les conditions d’acceptation des ordres en provenance des résidents des pays considérés.

165 Rapport du Comité technique de l’OICVM, Internet et les services financiers, recommandations fondamentales, Bull. COB n°329, nov. 1998, p.139 et s.

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A titre d’exemple, la COB s’est reconnue compétente pour des sollicitations effectuées via internet par une société étrangère : “ alors même qu’elle vise manifestement une clientèle française, notamment du fait de l‘emploi du français, cette société n’a pas reçu les agréments légaux requis en France ” 166. En effet, la COB épingle constamment des sociétés étrangères qui sollicitent les investisseurs français sans détenir les agréments nécessaires. Elle a d’ailleurs mis en garde les investisseurs contre les risques présentées par ces sociétés167. Enfin, quelles seront les législations auxquelles devra se plier le démarcheur ?

III. Le problème de la détermination de la loi applicable

Le réseau internet, caractérisé par sa transnationalité pose le problème de la détermination de la loi applicable et par là de la juridiction compétente en cas de litige. Cette question se trouve notamment soulevée lorsqu’un émetteur fait appel public à l’épargne sur son site, puisque toute personne, quel que soit son lieu géographique, peut y accéder. Concernant le problème de la législation applicable, une bonne protection des investisseurs postule que ceux-ci soient assujettis à leur propre législation. Mais est-il concevable d’imposer aux teneurs de sites de respecter les législations de toutes les personnes qui visitent leur site ? La réponse à cette question s’avère liée à celle de la détermination de l’autorité compétente : si ces autorités se reconnaissent compétentes, c’est pour faire respecter la législation dont elles ont la charge. Là encore, c’est donc le facteur du public visé qui permettra de répondre à ces interrogations : il sera donc possible de se servir des méthodes multicritères prônées par la COB et l’OICV pour déterminer si les résidents d’un pays sont visés par la sollicitation électronique, auquel cas, le démarcheur sera tenu de respecter les réglementations particulières de ces Etats.

166 cf. G. Philippe, La Commission des opérations de Bourse épingle de nouveaux cas de démarchage irrégulier, Les Echos, mardi 16 janvier 2001. 167 Cf. communiqué de presse de la COB du 21 février 2000 : la COB recommande aux investisseurs de s’assurer en particulier que les offres émanent de professionnels agréés pour l’exercice du métier concerné. A cet égard, il est possible de vérifier de telles informations sur le site de la banque de France, de la COB, du CMF et de ParisbourseSBF SA.

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Conclusion

Nous l’avons vu, les enjeux de cette réforme du démarchage financier sont de taille. En effet, celle-ci, envisagée depuis de nombreuses années au niveau national et qualifiée par les professionnels de véritable “ serpent de mer ”168, devient désormais urgente, puisqu’il apparaît que les investisseurs ne sont plus protégés dans des conditions satisfaisantes par la réglementation actuelle. En effet, les risques de fraudes sont de plus en plus importants, certains émetteurs malintentionnés profitant de la confusion des textes pour réaliser des démarchages illicites, confusion qui, comme le souligne M. Lienhard est encore amplifiée par le regroupement de ces textes au sein d’un même titre du code monétaire et financier169. Par ailleurs, à l’heure où les investisseurs se voient de plus en plus sollicités par des émetteurs étrangers, une réforme du statut de démarcheur et, en particulier, de la réglementation des conditions d’accès à la profession, paraît indispensable. Ce sont ces faiblesses – mises en relief par le rapport Rodocanachi – que les rédacteurs du projet de loi ont tenté de résoudre. Ainsi, dans ce projet de loi, une homogénéisation du régime du démarchage a été réalisée, en particulier, en supprimant les distinctions en fonction du produit sur lequel porte le démarchage. Les critères de qualification d’un acte en opération de démarchage ont également été précisés, critères sur lesquels s’appuyait déjà la COB : le caractère actif et personnalisé de la sollicitation (“ toute prise de contact non sollicitée…avec une personne (…) déterminée ”). Par ailleurs, la définition est élargie, de façon à y inclure explicitement les nouvelles techniques de communication. En outre, pour répondre aux nombreuses sollicitations des professionnels, une réglementation du statut des démarcheurs a été proposée, reposant à la fois sur la nécessité de remplir certaines conditions préalables pour accéder à la profession (condition de compétence, garanties financières…) et sur l’obligation de respecter des “ règles de bonne conduite ” (information du consommateur, observation des délais de réflexion et de rétractation, …). Il faut d’ailleurs relever que ces dispositions sont conformes aux propositions des professionnels, notamment celles de l’AFG-ASFFI170 qui suggérait de baser la réforme du démarchage financier sur le nouveau statut de distributeur. Il en va de même de l’élaboration du nouveau statut de conseiller en investissement leur conférant une indépendance indéniable vis-à-vis des émetteurs. Enfin, l’efficacité du dispositif de sanctions est accru, puisque le pouvoir de sanction est désormais également dévolu aux autorités de marché, notamment à la COB, constamment à l’affût des fraudes dont pourraient être victimes les investisseurs.

Il s’agit donc bien d’une réforme en profondeur du démarchage, même si elle ne fait pas l’unanimité et est jugée par certains comme encore perfectible, en particulier en ce qui concerne les difficultés posées par internet171. Reste donc à suivre la décision du nouveau gouvernement qui, rappelons-le, a prévu de présenter un projet de loi incluant cette réforme du démarchage financier, ainsi que celle du conseil en investissement172. Les dispositions du présent projet de loi seront-elles alors reprises ? Il est permis de penser qu’il en ira ainsi pour la majeure partie de ce texte, d’autant plus que ce projet de loi a été salué par de nombreux professionnels173, qui ont par ailleurs contribué à son élaboration (le rapport Rodocanachi a en effet été soumis pour consultation à la place financière de Paris).

168 P. Marini, Qu’attend-on pour réformer le démarchage financier ?, Les Echos, 9 août 2000 ; 169 A. Lienhard, observ. sous cass. civ.1°, 15 mai 2001, Dalloz cahier dr. aff. 2001 n°23, act. jur., p. 1879 et s. 170 Cf. Rapport de la commission de commercialisation de l’AFG-ASFFI, juin 1999 171 Cf. les critiques de MM. Achard et Brémond, Comment réformer le démarchage financier ?, Banque, n°627, juill.-août 2001, p.56-57. 172 “ Marchés : une loi sur la sécurité financière sera présentée en septembre ”, Les Echos, 12 juillet 2002. 173 Les propositions du rapport Rodocanachi ont ainsi été approuvées par le président de l’AFG-ASFFI (cf. l’interview de A. Leclair, Les Echos, 8 déc. 2000).

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Cependant, avec le développement du phénomène de mondialisation, ces dernières années, il devient également urgent de réglementer le démarchage au niveau international. Un premier pas a été franchi avec l’adoption récente de certaines directives au niveau communautaire, en particulier la directive sur la commercialisation à distance de services financiers et, dans le futur, la révision de la directive sur les services d’investissement. Si le contenu de cette dernière directive est encore flou, la première directive, quant à elle, devra être transposée dans les deux prochaines années, or, force est de constater que certaines de ses dispositions vont plus loin que la réforme envisagée au niveau national, notamment dans l’obligation d’obtenir le consentement de la personne démarchée lorsqu’un automate d’appel ou un télécopieur est utilisé, ainsi que dans l’option laissée aux Etats membres entre le système de l’opt-in et celui de l’opt-out, pour les autres formes de démarchage. Ces dispositions sont cependant encore insuffisantes, car c’est bien vers une harmonisation au niveau international, qu’il faudra tendre à long terme, même si celle-ci paraît à l’heure actuelle encore irréalisable. Ainsi, dans l’immédiat, il est nécessaire de se reporter aux diverses réglementations nationales des Etats dont sont résidentes les personnes visées par le démarchage, ce qui ne manque pas de poser des problèmes lorsque le démarcheur a recours à internet. Pourtant, les tr avaux de l’OICV en la matière constituent déjà des avancées considérables, en permettant notamment de dégager certains principes applicables au démarchage par internet. Mais cette évolution, qui paraît être indispensable dans le futur, en raison de l’essor des nouvelles méthodes de communication, ne pourra se réaliser que par une coopération entre les Etats et par la création d’instances nouvelles au niveau international.

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Joly Bourse, juill.-août 1995, p. 297 et s. �� T. Granier, note sous Cass. crim., 11 mai 2000, B. et K., Bull. Joly Bourse, sept. -oct. 2000, p.458 et s. �� A. Lienhard, observ. sous cass. civ.1°, 15 mai 2001, Dalloz cahier dr. aff. 2001 n°23, act. jur., p. 1879 et s. �� L. Marino, note sous TGI Paris, 15 janvier 2002, Dalloz 2002, n°19, p.1544 �� S. Noemie, note sous Cass. crim. 15 oct. 1998, Bull. Joly Bourse, janv-fév. 1999, p. 67 et s. �� F. Peltier, note sous Cass. com. 21 octobre 1997, Artault et autre c/ SA Réafin, Bull. Joly Bourse, janv.-fév.

1998, p. 24 et s.

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INDEX ANALYTIQUE Les numéros cités renvoient aux numéros de page.

A

actif (caractère),16 appel public à l'épargne,18 assurance professionnelle,34, 37

B

bandeau publicitaire,29 bannière publicitaire,30 boiler-room,23 bouilloire Voir boiler roorm

C

carte de démarchage,36, 37, 38, 45 carte d'emploi Voir carte de démarchage clause du marché intérieur,52 CMF,12, 46 COB,11, 23, 25, 29, 46, 66 cold calling,23, 24, 49 colportage,8, 21 compétence,34, 37 condamnation,37 conseil en investissement,34, 35, 58 coupon-réponse,22 courtage en ligne,30

D

délai de réflexion,42, 45 délai de rétractation,43–44, 45, 55 directive sur la commercialisation à distance de

services financiers,53–57 directive sur le commerce électronique,52 directive sur les services d'investissement,57 distributeur,35

E

émetteurs étrangers,39, 59 enregistrement,34, 38 escroquerie,5, 45 établissements habilités,33

F

forum de discussion,26

H

honorabilité,34, 37

I

information des consommateurs,24, 41 information du consommateur,45, 55, 64 instruments financiers,20 internet,9, 16, 21, 24–32, 64–67 investisseurs qualifiés,17

L

lien hypertexte,28 locaux professionnels,17 loi applicable,50, 67

M

mondialisation,12

N

nullité,43, 46, 47

O

obligation de conseil,41 OICV,24, 62, 64, 65

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P

parts de SCPI,9 passeport européen,50 personnalisé,16 personnes averties Voir investisseurs qualifiés préposés,37, 44 prise de contact non sollicitée,19 publicité,5, 22, 25 push media,28

R

rapport Rodocanachi,9, 10, 33, 39 règles de bonne conduite,34, 44 relation de clientèle préalable,18

S

sanctions,44–46 sanctions civiles,44 sanctions disciplinaires,46 sanctions pénales,45

spamming,26

T

traité de Rome,49 tribunal compétent,51

V

vente forcée Voir vente par inertie vente par inertie,56

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TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE................................................................................................................................................2

LISTE DES ABRÉVIATIONS ..................................................................................................................1

Introduction .................................................................................................................................................4

TITRE 1 : LA RÉFORME DE LA LEGISLATION NATIONALE DU DÉMARCHAGE...............11

CHAPITRE 1 : UNE NOUVELLE DÉFINITION DU DÉMARCHAGE FINANCIER..............................................11 Section 1. Une réforme motivée par l’hétérogénéité et l’archaïsme des textes actuels .....................11

I. La simplification de la définition du démarchage......................................................................................11 A. Une définition unique du démarchage, assortie de critères de qualification mieux définis.................12

1. Une définition unique du démarchage .............................................................................................................. 12 2. Des critères de qualification mieux définis....................................................................................................... 12

B. Une meilleure délimitation du champ d’application de la législation du démarchage ........................13 1. L’exclusion des activités exercées à la demande des personnes visées ............................................................ 13

a. L’exclusion des activités exercées dans les locaux des professionnels habilités ......................................... 13 b. L’exclusion des activités exercées dans les locaux professionnels d’une personne morale à la demande de celle-ci............................................................................................................................................................. 13

2. L’exclusion du démarchage effectué avec des personnes “ averties ” .............................................................. 13 a. Le démarchage effectué avec des “ investisseurs qualifiés ” ....................................................................... 13 b. L’existence préalable d’une relation de clientèle entre le démarcheur et la personne visée ........................ 14

II. L’élargissement du champ d’application du démarchage financier .........................................................14 A. L’utilisation de notions nouvelles .......................................................................................................15

1. La notion de prise de contact non sollicitée...................................................................................................... 15 2. La notion d’instruments financiers ................................................................................................................... 15

B. La disparition de la notion de colportage.............................................................................................16 Section 2. Une réforme motivée par les difficultés liées à la qualification de certaines nouvelles techniques ...........................................................................................................................................17

I. La qualification de certaines techniques de sollicitation par courrier et par téléphone..............................17 A. La technique du coupon-réponse.........................................................................................................17 B. Le “ boiler-room ” ...............................................................................................................................18

II. La qualification des sollicitations effectuées au travers d’internet ...........................................................19 A. Les techniques dont la qualification n’est pas contestée .....................................................................19

1. Les techniques ne pouvant s’apparenter à des actes de démarchage................................................................. 19 2. Les techniques devant être requalifiées en actes de démarchage ...................................................................... 20

B. Les techniques dont la qualification pose encore des difficultés .........................................................22 1. Les liens hypertextes et les bandeaux publicitaires........................................................................................... 22

a. Les liens hypertextes ................................................................................................................................... 22 b. Les bandeaux publicitaires .......................................................................................................................... 23

2. Le courtage en ligne ......................................................................................................................................... 23 III. L’incidence de la nouvelle définition proposée sur ces difficultés de qualification................................24

CHAPITRE 2. UNE NOUVELLE DÉFINITION DU CADRE D’ACTIVITÉ DES DÉMARCHEURS .........................26 Section 1. La réglementation de la profession de démarcheur...........................................................26

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I. La redéfinition des organes susceptibles de recourir au démarchage ........................................................26 A. Une définition homogène des organes habilités à recourir au démarchage.........................................26 B. Un nouveau statut pour les conseillers en investissement financiers...................................................27

II. L’établissement de liens clairs entre les différents intervenants afin d’identifier les responsabilités de chacun ...........................................................................................................................................................28

A. Le mandat accordé aux personnes physiques pour exercer l’activité de démarchage .........................28 B. Le contrôle de l’accès à la profession..................................................................................................29

Section 2. La redéfinition des produits interdits de démarchage .......................................................30 I. La liste d’interdictions posée par la législation actuelle ............................................................................30 II. La substitution de critères généraux d’interdiction ..................................................................................30

Section 3. Les règles de bonne conduite imposées aux démarcheurs et les sanctions en cas de manquement........................................................................................................................................31

I. L’obligation d’information et de conseil ...................................................................................................31 A. L’obligation d’information..................................................................................................................32 B. L’obligation de conseil ........................................................................................................................32

II. Les délais de réflexion et de rétractation accordés au client.....................................................................33 A. Le délai de réflexion, en amont de la signature du contrat ..................................................................33 B. Le délai de rétractation, en aval de la signature du contrat..................................................................33

III. Les sanctions...........................................................................................................................................34 A. Les sanctions civiles............................................................................................................................34 B. Les sanctions pénales...........................................................................................................................35 C. Les sanctions disciplinaires .................................................................................................................35

TITRE 2 : LA RÉFORME DU DÉMARCHAGE AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE ET INTERNATIONAL...................................................................................................................................38

CHAPITRE 1 : LA NOUVELLE RÉGLEMENTATION DU DÉMARCHAGE AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE .....38 Section 1. La législation actuelle........................................................................................................38

I. Le droit primaire ........................................................................................................................................38 II. Le droit dérivé ..........................................................................................................................................39

A. La détermination de la loi applicable ..................................................................................................39 B. La détermination du tribunal compétent, en cas de litige ....................................................................40

Section 2. Les réformes en cours ........................................................................................................40 I. La directive sur le commerce électronique ................................................................................................41

A. La clause dite “ du marché intérieur ” .................................................................................................41 B. La réglementation des communications commerciales en ligne..........................................................41

II. La directive sur la commercialisation à distance de services financiers...................................................42 A. Le champ d’application de la directive ...............................................................................................42 B. Les mesures de protection de la personne démarchée .........................................................................43

1. Une information préalable complète................................................................................................................. 43 2. Un droit de rétractation élargi........................................................................................................................... 43 3. Une interdiction de la vente forcée ................................................................................................................... 44 4. Des règles plus strictes encadrant les communications non sollicitées ............................................................. 44

III. Le projet de révision de la directive sur les services d’investissement ...................................................45 CHAPITRE 2 : LA NOUVELLE RÉGLEMENTATION DU DÉMARCHAGE EXERCÉ AU NIVEAU

INTERNATIONAL......................................................................................................................................47 Section 1. Les règles générales applicables .......................................................................................47

I. Les règles nationales..................................................................................................................................47

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A. Les règles nationales relatives à la protection des investisseurs français sollicités par des émetteurs étrangers ...................................................................................................................................................47 B. Les règles nationales relatives à la détermination de la juridiction compétente ..................................48

1.Les règles de droit civil ..................................................................................................................................... 48 2. Les règles de droit pénal................................................................................................................................... 49

II. Les travaux internationaux .......................................................................................................................49 A. Les fraudes relatives au démarchage financier, au niveau international..............................................49 B. Les mesures de lutte contre de telles fraudes.......................................................................................50

Section 2. La résolution des difficultés particulières soulevées par le démarchage via internet .......50 I. Les obligations spécifiques consécutives au démarchage financier via internet........................................51 II. Le partage des compétences entre autorités de régulation........................................................................51

A. La solution préconisée par l’OICV......................................................................................................52 B. La position de la COB .........................................................................................................................52

III. Le problème de la détermination de la loi applicable .............................................................................53

Conclusion..................................................................................................................................................54

BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................................56

INDEX ANALYTIQUE............................................................................................................................58

TABLE DES MATIERES ........................................................................................................................60