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Présenté et soutenu par : Mlle Guillemette MOUGIN
L’impact de la culture sur
la relation soignant-soigné
Mémoire de fin d’études présenté en vue de la validation de l’UE 5.6. S6 « Analyse de la
qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles »
Préparé sous la direction de : Mme Guilaine PETIT-BARAT
Promotion 2017-2020 Remis le 05/05/2020
2
3
Remerciements
Je tiens tout d’abord à remercier ma guidante de mémoire pour son précieux rôle. Je
la remercie pour ses conseils, son soutien et son accompagnement tout au long de mon
travail. Merci d’avoir répondu à mes questions et pour vos guidances qui m’ont permis de
prendre du recul pour avancer dans mes recherches et réflexions.
Ensuite, je tiens à remercier ma famille pour m’avoir soutenu dans mon travail, pour les
relectures et pour m’avoir supporté dans mes états d’âmes durant mes trois années de
formation et d’autant plus durant l’écriture de ce travail de fin d’étude.
Pour finir, je souhaite remercier tous les professionnels infirmiers qui m’ont aidé pour la
réalisation de mon mémoire. Je pense à mes tuteurs lors de mes stages qui m’ont conseillé
dans mes démarches et qui m’ont fait me questionner grâce à leurs expériences
professionnelles et leur vision du problème à travers un œil plus expérimenté que le mien.
Je pense également aux infirmières que j’ai interrogées lors de mes entretiens qui m’ont
apporté énormément d’informations et qui m’ont permis d’élargir mes questionnements et
mes connaissances sur mon sujet.
4
Table des matières
Remerciements ..................................................................................................................... 3
Table des matières ............................................................................................................... 4
Introduction ......................................................................................................................... 6
1. Présentation de mon thème ........................................................................................... 6
2. Situations d’appels ....................................................................................................... 7
3. Mon premier questionnement ..................................................................................... 10
Partie I. Enquête exploratrice .......................................................................................... 11
1. Premières recherches et légitimation du sujet ............................................................ 11
2. Analyse des entretiens exploratoires et de la littérature ............................................. 12
2.1 Choix des professionnels pour les entretiens .................................................... 12
2.2 Eléments recueillis lors des entretiens et dans la littérature .............................. 12
2.2.1 La culture et sa place dans notre représentation de la santé ................... 13
2.2.2 Problématique de soin liée à la barrière linguistique .............................. 14
2.2.3 Problématique de soin liée à la barrière culturelle ................................. 17
3. Synthèse de la phase exploratoire et problématisation .............................................. 21
Partie II. Enquête approfondie......................................................................................... 25
1. Choix des professionnels pour les entretiens semi-dirigés ........................................ 25
2. La compétence culturelle infirmière .......................................................................... 26
3. Les outils à la communication interculturelle ............................................................ 33
3.1 La négociation.................................................................................................... 33
3.2 Les ressources pour une communication interculturelle.................................... 35
3.3 Les formations à l’interculturalité...................................................................... 37
3.4 Les expériences culturelles ................................................................................ 38
4. Les difficultés inévitables dans une situation interculturelle ..................................... 40
4.1 L’acculturation des patients ............................................................................... 40
4.2 L’asymétrie dans la relation soignant-soigné .................................................... 42
4.3 Les valeurs personnelles .................................................................................... 43
5
Partie III. Question de recherche et hypothèses ............................................................. 44
Conclusion .......................................................................................................................... 46
Bibliographie / Sitographie ............................................................................................... 47
Annexes ............................................................................................................................... 50
Annexe 1 : Guide d’entretien semi-dirigé ........................................................................ 51
Annexe 2 : Tableau comparatif des entretiens semi-dirigés ............................................ 52
Annexe 3 : Modèle Transculturel de Purnell ................................................................... 56
Annexe 4 : Modèle conceptuel en soins infirmiers de Madeleine Leininger .................. 57
Annexe 5 : Questionnaire d’évaluation culturelle ........................................................... 58
Annexe 6 : Questionnaire sur les compétences culturelles .............................................. 59
6
Introduction
1. Présentation de mon thème
Mon travail de fin d’étude s’oriente autour du thème de la place de la culture en
milieu de soin. Plus précisément, j’étudie l’impact de la culture dans les soins infirmiers avec
un patient d’une culture différente que le soignant et les conséquences que cela peut avoir
sur la relation soignant-soigné.
La France est un pays aux frontières ouvertes, de nombreux flux existent, des flux
commerciaux, touristiques, migratoires, etc. De ce fait, nous nous trouvons dans un pays
coloré par une diversité culturelle, ce qui rend également les milieux de soins multiculturels.
Lors de mes expériences professionnelles, j’ai remarqué que la culture avait une place
importante dans les attentes et besoins en santé. Parfois, la culture, qui est propre à chaque
individu, peut provoquer une barrière dans la relation de soin et peut avoir une répercussion
sur celle-ci puis directement impacter la qualité des soins. En effet, quel soignant n’a jamais
été confronté à une problématique culturelle avec un patient ? Ces problématiques culturelles
ne sont heureusement pas obligatoirement existantes dans toutes les prises en charge
interculturelles. Cependant, elles restent fréquentes dans la pratique professionnelle
infirmière.
J’ai eu envie d’étudier quels facteurs rentraient en jeu dans une relation interculturelle et ce
que le soignant peut mettre en place afin de garantir des soins de qualités.
A travers cette recherche sur la problématique de la prise en charge d’un patient de
culture différente, cela me permet de développer mes connaissances en matière de
compétences culturelles afin d’améliorer la prise en charge de patients ayant une culture
différente.
7
2. Situations d’appels
Deux situations que j’ai vécues en stage m’ont interpellé et donné envie d’investiguer
l’importance de la culture dans les soins.
Ma première situation se passe pendant mon stage au semestre 3 dans le service
d’Unité Post-Urgence (UPU). Ce service comprend au total trente lits : vingt lits pour des
prises en charge somatiques et dix lits pour des prises en charge psychologiques. Ce service
accueille des patients pour des soins divers : lorsque les médecins aux urgences jugent qu’il
est nécessaire que le patient reste hospitalisé pour une certaine surveillance ou lorsqu’il n’y
a plus de lits dans des services spécialisés, le patient peut être hospitalisé à l’UPU. Ainsi ce
service accueille toutes sortes de prises en charge.
Pendant mon stage nous avons fait l’entrée de Mr K, âgé de 64 ans, originaire des Etats-Unis
et sans domicile fixe. Mr K a été hospitalisé après avoir été retrouvé plusieurs fois
inconscient sur la voie publique. Les médecins suspectaient des crises d’épilepsie au vu des
différents signes cliniques qu’il présentait, il a été hospitalisé afin de réaliser plusieurs bilans
pour confirmer ou non le diagnostic d’épilepsie.
Mr K ne parlait pas français, il s’exprimait seulement en anglais. Il nous a brièvement raconté
son histoire de vie : il a été interdit de territoire sur le sol américain, c’est pourquoi il est
venu en Europe, il a d’abord voyagé en Italie et ensuite en France.
La communication verbale avec Mr K nécessitait donc d’avoir une maitrise de l’anglais :
c’est la première difficulté que j’ai rencontré dans sa prise en charge car je ne parle pas
couramment cette langue. Lorsque je me retrouvais seule avec Mr K je communiquais
difficilement avec lui, je ne comprenais pas ce qu’il me disait et je n’arrivais pas à trouver
mes mots. Je me sentais démunie car je n’arrivais pas à échanger avec lui comme je le
souhaitais.
Cette problématique de communication verbale m’a fait me poser plusieurs questions :
Comprenait-il réellement lorsque je lui expliquais ce que je faisais et pourquoi je le faisais ?
Comprenais-je vraiment le bon message lorsqu’il me parlait ? Comment pouvais-je être
certaine qu’il approuvait les soins que je lui prodiguais ? Pouvait-on parler de consentement
libre et éclairé ? Etant donné que l’on avait du mal à communiquer, est-ce qu’il n’omettait
pas de me parler de certains problèmes ? Et donc, est-ce que je répondais à tous ses besoins
ou attentes ? Pouvait-on parler de relation de confiance ?
8
De plus, Mr K avait pour souhait de nous faire une accolade pour nous dire bonjour. Ceci a
posé un problème à certains soignants qui refusaient d’avoir une telle proximité avec ce
patient et étaient dans l’incompréhension de cette demande de sa part. Un matin, pendant
que je préparais mon matériel pour aider Mr K pour sa toilette, une aide-soignante vient me
dire : « Tu vas faire la toilette de Mr K ? Attention, tu sais qu’il est SDF donc met bien des
gants… et il est américain donc un peu extraverti dans ses manières de faire, ne le laisse pas
te faire une accolade, il faut qu’il comprenne que l’on ne fait pas ça chez nous ». Il est certain
que dans notre culture française, nous privilégions l’accolade avec nos proches, alors que
dans la culture américaine l’accolade est employée pour dire bonjour, même à des inconnus.
Ainsi, certains soignants témoignaient avoir une difficulté avec Mr K et une réticence dans
sa prise en charge. Je me suis demandé : Pourquoi les soignants avaient parfois de telles
réactions ? Est-ce par manque de connaissance sur la culture ? Par incompréhension ?
Je retrouvais donc une première problématique liée à une communication verbale difficile,
celle-ci entrainait : un manque de certitude à l’approbation des soins, l’absence du
consentement éclairé, la difficulté à expliquer mes soins prodigués, la difficulté à créer une
relation de confiance. Je retrouvais également une problématique liée à la différence
culturelle : un évitement des soignants, une difficulté à établir une relation soignant-soigné.
Finalement, je me demandais si les soins prodigués à Mr K étaient de qualité.
Ma deuxième expérience qui m’a motivé à choisir ce thème a été mon stage infirmier
à l’étranger. Je suis partie pendant cinq semaines au semestre 4 avec deux autres étudiantes
à Phnom Penh (capitale du Cambodge). Nous avons réalisé notre stage dans l’hôpital Khmer
Soviet où nous avons été formées par des infirmiers locaux. Nous avons travaillé dans le
service de traumatologie et avons découvert la maternité et le bloc opératoire.
Pendant 5 semaines nous avons été plongées au cœur de la culture cambodgienne, au niveau
de la vie quotidienne et au niveau de leur système de santé.
A l’hôpital, nous avons appris à réaliser les soins techniques avec les moyens qu’ils avaient.
Après cela, nous étions envoyées en autonomie pour les réaliser. Nous n’avions aucun
moyen de communiquer verbalement avec les patients car nous ne savions pas parler le
khmer (sauf quelques mots tels que bonjour, merci et au revoir) et nous n’avions pas de
traducteur avec nous. Nous nous retrouvions démunies en termes de communication avec
les patients.
9
Ce manque de communication m’a également posé des questions : Sans communication
verbale, comment établir une relation de confiance ? Quelle importance a ma communication
non-verbale sur ma relation avec les patients ?
De plus nous avons remarqué une nette différence culturelle au niveau de la vision de la
santé. Tout d’abord, les patients viennent à l’hôpital en dernier recourt, lorsqu’ils sont
malades ou blessés, ils prient d’abord Bouddha pour leur rétablissement et c’est seulement
lorsque leur état est vraiment grave qu’ils consultent. De plus, le système de santé est
différent au Cambodge et la population est pauvre. Pour pouvoir être soigné à l’hôpital, la
famille paye chaque jour le lit du patient : le prix change entre un lit avec climatisation dans
une chambre à quatre patients ou un lit dans une chambre sans climatisation, un lit dans le
couloir ou un lit dans une pièce avec trente patients. Les cambodgiens ont peu de moyens
pour se payer des soins médicaux, ainsi ils ne considèrent pas ces soins comme une priorité
pour leur santé.
De plus, au départ j’ai été stupéfaite du stoïcisme des patients face à la douleur. Parfois, si
un patient venait à montrer qu’il avait mal lorsque je faisais la réfection de son pansement,
sa famille rigolait. J’ai appris plus tard, que dans leur culture asiatique, il ne faut pas montrer
sa douleur et sa souffrance pour éviter d’attirer l’attention des mauvais esprits. Ainsi la
douleur n’est pas autorisée dans leur culture. De ce fait, nous avons rarement vu de
thérapeutique antalgique, les patients faisaient en sorte de ne montrer aucun signe de douleur.
Ainsi, j’ai remarqué que selon notre culture nous n’exprimions pas tous la maladie et ses
symptômes de la même manière.
La famille était présente jour et nuit au chevet du patient et c’est elle qui s’occupe des soins
de confort et de bien-être, elle participait également lors des soins infirmiers.
Nous avons donc dû nous adapter et prendre connaissance de la représentation de la maladie
dans la culture cambodgienne. Toutes ces informations nous ont permis d’adapter nos prises
en charge afin de respecter leur culture.
Je me suis donc demandée : Nos attentes en termes de soins et notre vision de la santé sont-
elles définies par notre culture ? Quelles compétences ai-je employé pour parvenir à créer
une relation de soin avec ces patients ? Comment faire une évaluation clinique infirmière
fiable en prenant en compte l’expression culturelle des symptômes ?
10
3. Mon premier questionnement
Je me suis lancée dans mon travail de fin d’étude avec un questionnement large qui
aborde les problèmes que l’on peut rencontrer dans une prise en charge en contexte
d’interculturalité. Les premières questions que j’ai en tête sont regroupées en deux grandes
thématiques :
Questions sur les difficultés rencontrées avec un patient culturellement différent que le
soignant :
- Qu’est ce qui pose problème dans les prises en soins de patients qui ont une culture
différente que le soignant ? Quelles sont ces difficultés ?
- Quels facteurs entrent en jeu dans la relation soignant-soigné en situation
d’interculturalité ?
- Les soignants notent-ils une différence en matière de qualité des soins avec un patient
de culture différente ?
- Quels comportements adoptent les soignants ? Quelles qualités sont requises pour
des prises en charge en situation d’interculturalité ?
- Quel lien y a-t-il entre soin et culture ? Comment la culture peut impacter les soins ?
Questions sur les difficultés rencontrées avec un patient qui parle une langue différente que
le soignant :
- Qu’est ce qui pose problème dans la prise en charge d’un patient non francophone ?
- Comment communiquer avec un patient qui ne parle pas la même langue que nous ?
Comment obtenir son consentement, répondre à ses questions, lui expliquer sa prise
en charge ? Quelle est l’importance de la communication verbale et la
communication non-verbale ? Comment être certain de la bonne transmission des
messages ?
- La relation de confiance est-elle altérée sans communication verbale ?
11
Partie I. Enquête exploratrice
1. Premières recherches et légitimation du sujet
Tout d’abord, j’ai débuté ma phase exploratrice en faisant quelques lectures d’articles
qui traitaient ma thématique de sujet. De nombreux articles issus de revues scientifiques
traitent l’importance de ce problème actuel qui est la culture en milieu de soin.
En premier lieu, j’ai lu un article qui s’intitulait Aborder le concept de culture avec plus de
soin, écrit par Jean Pierre Collos (2018), docteur en anthropologie sociale et culturelle. Cet
auteur légitime les questions que je me pose en témoignant de la difficulté des soignants face
à un patient de culture différente. Il explique que les soignants se retrouvent déstabilisés face
à la barrière de la langue, les demandes de soins culturels particuliers et les refus de soins.
Ces difficultés font susciter de nombreux débats au sein des hôpitaux.
En second lieu, j’ai étudié l’article La barrière culturelle dans le soin, écrit par Lisa
Djadaoudjee (2013), infirmière en admission psychiatrique. Elle témoigne également de la
difficulté rencontrée par certains soignants face à la barrière de la langue mais également
face à la barrière culturelle qu’il faut considérer afin de prodiguer des soins de qualité.
D’après elle, ces difficultés sont telles que les soignants se retrouvent parfois mal à l’aise et
vont parfois jusqu’à l’évitement.
Ces difficultés que je relève dans la littérature scientifique justifie mon questionnement
initial et les problématiques que je relève dans mes situations d’appels.
12
2. Analyse des entretiens exploratoires et de la littérature
2.1 Choix des professionnels pour les entretiens
Afin de répondre à mes premières questions, j’ai effectué deux entretiens libres :
Je suis d’abord allée rencontrer une infirmière diplômée d’état (IDE) qui travaille depuis de
nombreuses années dans l’Unité Post Urgence de l’hôpital de Chambéry. J’ai choisi ce
service car c’est un service qui accueille des patients pour diverses raisons et parfois des
patients immigrés ou en situation de précarité, pour des problèmes somatiques ou
psychiatriques. Je citerai cette infirmière dans la suite de mon mémoire comme « IDE 1 ».
L’entretien s’est déroulé dans l’infirmerie du service et a duré quinze minutes car l’infirmière
était en poste de matin et n’avait donc pas beaucoup de temps à me consacrer.
J’ai ensuite réalisé mon second entretien avec une jeune infirmière diplômée d’état qui a
travaillé dans deux salles de réveil dans deux villes différentes (Grenoble et Belley). J’ai
choisi d’interroger cette infirmière car c’était ma tutrice en stage et mon sujet l’intéressait.
Je citerai cette infirmière dans la suite de mon mémoire comme « IDE 2 ». L’entretien s’est
déroulé dans la salle de pause du service et a duré trente minutes car elle était en poste
d’après-midi et des interventions chirurgicales étaient en cours.
2.2 Eléments recueillis lors des entretiens et dans la littérature
Mon entretien avec l’IDE 1 débute en discutant sur la prise en charge globale des
patients de cultures différentes. Elle me précise que « En tant qu’infirmière, il est
indispensable de respecter tous les patients dans leur intégralité. C’est-à-dire l’accueillir
tel qu’il est, peu importe sa culture, sa religion, ses appartenances sociales. Nous sommes
là pour leur apporter des soins car ils sont dans le besoin, nous ne sommes pas là pour juger.
A l’hôpital, le droit des patients fait en sorte que leur culture soit respectée dans la limite
du possible ».
13
En effet, l’article R4312-11 du Code de la Santé Publique concernant les règles
professionnelles stipule que :
L'infirmier doit écouter, examiner, conseiller, éduquer ou soigner avec la même
conscience toutes les personnes quels que soient, notamment, leur origine, leurs
mœurs, leur situation sociale ou de famille, leur croyance ou leur religion, leur
handicap, leur état de santé, leur âge, leur sexe, leur réputation, les sentiments qu'il
peut éprouver à leur égard ou leur situation vis-à-vis du système de protection sociale.
Il leur apporte son concours en toutes circonstances.
Il ne doit jamais se départir d'une attitude correcte et attentive envers la personne
prise en charge. (Article R4312-11 du Code de la santé publique)
2.2.1 La culture et sa place dans notre représentation de la santé
En premier lieu, il me semble indispensable de définir le terme de culture car c’est
tout autour de ce concept que s’articule mon sujet de mémoire.
La définition de E.B Tylor, anthropologue britannique, reprend les constituants essentiels de
la culture : « ensemble complexe incluant les savoirs, les croyances, l’art, les mœurs, le droit,
les coutumes, ainsi que toute disposition ou usage acquis par l’homme vivant en société ».
(E.B. Taylor, 1871)
D’après Madelaine Leininger (1991), la culture « englobe les valeurs, croyances, les normes,
et les modes de vie acquis, qui agissent, de certaines façons, sur la pensée, les décisions, et
les actions d’un individu » (cité par Héron M, 2010, p.39).
Dans son article Aborder le concept de culture avec plus de soin, Jean-Pierre Collos (2018)
donne une définition de la culture assez globale. Il explique que la culture permet à un
individu de « s’approprier le monde dans lequel il évolue ainsi que le monde invisible qu’il
ne peut que se représenter » et qu’elle est « fonction des valeurs familiales transmises ». De
plus il précise que la culture « n’est pas hermétique, elle est en permanence influencée par
d’autres cultures », elle dépend également des « interactions avec les autres et de sa
situation », elle « se transforme avec son parcours, ses rencontres, les influences qu’il subit,
les choix qu’il peut faire ». (Collos J.P, 2018).
14
En d’autres termes, chaque individu à une identité culturelle qui lui est propre, avec ses
propres représentations, et qui n’est pas immuable. La culture n’est pas définie par le pays
d’origine de l’individu, la culture est individuelle et unique.
Comme j’ai pu l’observer lorsque j’étais au Cambodge, selon notre culture nous
n’avons pas les mêmes perceptions en termes de santé et donc pas les mêmes attentes et
besoins en matière de soins. La culture relève du domaine de l’inconscient et confère une
influence directe ou indirecte sur les perceptions que l’on a de la santé, de la maladie et de
la mort. C’est également la culture qui explique les croyances sur les causes et manières de
soigner la maladie, ce qui implique le type de traitements préférés. Elle a un rôle dans notre
expérience et expression de la douleur.
Par exemple, en occident, la maladie est vue comme une injustice et les soins sont
développés pour lutter contre celle-ci. Alors qu’en Afrique Subsaharienne, la maladie est
vue comme l’œuvre de mauvais sorts ou d’ancêtres qui envoient un message, ainsi l’aide
d’un sorcier peut être réclamée. Pour finir, en Asie, la maladie est le résultat d’une mauvaise
gestion des émotions ou d’un mauvais sort quand la personne n’a pas vénéré ses ancêtres.
Ainsi, les représentions que le patient a de sa maladie et de sa santé peuvent influencer son
hospitalisation et son adhésion aux soins. Parfois, certaines pratiques liées à la culture du
patient ne sont pas compatibles avec l’hospitalisation. Il est important d’avoir notion de la
culture de l’autre afin d’éviter les incompréhensions mutuelles.
2.2.2 Problématique de soin liée à la barrière linguistique
Ensuite, lors de mes entretiens, nous avons abordé le thème de la barrière de la langue
dans les soins. L’IDE 2 m’a expliqué que la barrière de la langue lui posait grandement
problème car cela lui empêche de communiquer avec les patients pour comprendre leurs
besoins ou pour expliquer les soins qu’elle leurs apporte. Elle ajoute que cela entraine parfois
un sentiment d’agression chez ces patients car ils ne comprennent pas les soins et que cela
lui fait ressentir un sentiment d’impuissance. L’IDE 2 rejoint le même discours que l’IDE 1
en rajoutant qu’elle rencontre souvent des difficultés pour réaliser les check-lists en
préopératoire ce qui entraine des risques pour le patient et à évaluer les critères de sortie de
salle de réveil en post-opératoire.
15
Brigitte Bourgeois (2016), dans son article La créativité des soignants face à la barrière
linguistique, témoigne également des conséquences de la barrière linguistique : les soignants
réduisent leurs informations à l’essentiel, ce qui peut être mal interprété par le patient et donc
créer de l’anxiété ou de l’agressivité chez lui. Ceci peut également entrainer une frustration
pour le soignant qui a l’impression ne pas répondre aux besoins du patient et qui n’arrive pas
à obtenir sa compliance ou son consentement libre et éclairé.
L’IDE 1 m’explique les stratégies qu’elle utilise en service pour réduire les obstacles
de la barrière linguistique. Le plus souvent elle essaie de communiquer à l’aide de la
communication non-verbale par l’utilisation de mime ou geste.
En effet, d’après les travaux d’Albert Mehrabian, psychologue, la communication verbale
est minoritaire dans un échange : 7% de la communication est verbale par la signification
des mots, 38% est vocale par l’intonation et le son de la voix et 55% de la communication
est visuelle par les expressions du visage et du langage corporel.
Une partie du message peut être transmise mais il n’est pas possible d’être certain de sa
compréhension exacte vu qu’environ 50% passe par le verbal et le vocal. Les risques à
l’utilisation de gestes ou mimes sont que le professionnel peut avoir le sentiment de s’être
fait comprendre sans être réellement compris par le patient.
De plus, l’IDE 1 m’explique qu’ils ont recours à la famille du patient lorsque c’est possible
pour établir une communication. L’IDE 2 m’apprend qu’il existe une liste à l’hôpital où est
répertorié le nom des soignants qui savent parler certaines langues.
Brigitte Bourgeois (2016) dans son article introduit la notion d’interprétariat. Elle décrit 4
types d’interprétariat pour pallier à la barrière linguistique :
- Le recours à des soignants bilingues, qui ne sont pas toujours disponibles mais tenus
au secret professionnel
- Le recours à des interprètes non professionnels tels que les proches du patient.
- Le recours à des interprètes professionnels (rattachés à l’établissement)
- Le recours à des interprètes généraux (contactés à distance par téléphone)
Je me pose alors la question : Qu’en est-il du secret professionnel lorsque l’on fait
appel à la famille ? Et comment être certain de la bonne transmission du message médical ?
Le secret professionnel est une obligation légale encadré par l’article L.1110-4 du Code de
la Santé Publique : « Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement,
16
un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit
au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. » (Article L.1110-4
du Code de la santé publique)
La Haute Autorité de Santé (HAS) définit les limites à l’utilisation d’un tiers non formé à
l’interprétariat. En effet le cadre déontologique n’est pas garanti car la fiabilité du message
traduit n’est pas présente. De plus les règles de confidentialité et de secret professionnel ne
sont pas respectées. Le risque étant aussi que le patient ne se confie pas entièrement car ne
souhaite pas que ses proches soient tenus au courant. Néanmoins, dans certaines situations,
il faut respecter que le patient souhaite que ce soit un de ses proches l’interprète.
L’article D. 1110-6 du Code de la Santé Publique, issu du décret n° 2017-816 du 5 mai 2017,
donne une définition de l’interprétariat linguistique dans le domaine de la santé :
L'interprétariat linguistique dans le domaine de la santé désigne la fonction
d'interface, reposant sur des techniques de traduction orale, assurée entre les
personnes qui ne maîtrisent pas ou imparfaitement la langue française et les
professionnels intervenant dans leur parcours de santé, en vue de garantir à ces
personnes les moyens de communication leur permettant d'accéder de manière
autonome aux droits prévus au présent titre, à la prévention et aux soins.
L'interprétariat linguistique dans le domaine de la santé garantit aux professionnels
de santé les moyens d'assurer la prise en charge des personnes qui ne maîtrisent pas
ou imparfaitement la langue française dans le respect de leurs droits prévus au présent
titre, notamment du droit à l'information, du droit au consentement libre et éclairé,
du droit au respect de leur vie privée et au secret des informations les concernant.
(Article D1110-6 du Code de la Santé Publique)
L’HAS a élaboré un référentiel de compétences et de bonnes pratiques dans l’interprétariat
linguistique dans le domaine de la santé.
Dans ce référentiel, il est expliqué que le meilleur moyen pour dépasser la barrière
linguistique est d’avoir recours à un interprète professionnel qui permet de garantir un moyen
de communication efficace qui limite les risques d’erreurs de transmission ou de non
restitution de la totalité des énoncés. L’interprétariat par un professionnel respecte un cadre
17
professionnel avec une prise en charge respectueuse des droits du patients : droit à
l’information, consentement libre et éclairé, secret médical respecté.
« L’interprète dans le milieu de la santé restitue les discours dans l’intégralité du sens, avec
précision et fidélité, sans addition, omission, distorsion ou embellissement du sens. » (HAS,
2017). « L’interprète dans le milieu de la santé a un devoir de confidentialité concernant
toute information entendue ou recueillie. Il est soumis au secret professionnel de la même
manière que les acteurs auprès desquels il est amené à intervenir. » (HAS, 2017).
Les limites sont un manque de disponibilité pour une pratique en face-à-face, qui ne convient
donc pas pour un besoin immédiat.
Il faut avoir conscience de ces limites lorsqu’il y a la présence d’une barrière linguistique et
être prudent dans l’utilisation de moyens de communication à disposition.
Pour finir, je trouve intéressant l’avis de Latifa Es-Safi, chercheuse en médiation culturelle,
qui souligne que : « L’interprétariat ne se limite pas à la traduction linguistique. Il s’agit
aussi de l’interprétation des univers culturels de chaque individu. Les codes culturels
propres sortent du contexte purement linguistique » (Es-safi L, 2001). En effet il faut avoir
notion que le message verbal peut avoir une signification différente selon l’interprétation
culturelle que l’on en fait.
2.2.3 Problématique de soin liée à la barrière culturelle
Une barrière culturelle peut apparaitre dans les soins dès lors que le soignant et le
soigné ne partage pas la même. Pour comprendre ce concept, je me suis appuyée sur les
travaux de Margot Phaneuf, professeure de sciences infirmières :
Les différences culturelles et religieuses qui nous séparent sont parfois difficiles à
concilier avec notre façon de vivre et d’envisager les soins de santé. De prime abord,
nos manières d’être et nos valeurs comme soignantes peuvent créer de
l’incompréhension. Les membres de certaines communautés sont même parfois
suspicieux par rapport au personnel et aux soins dispensés qui diffèrent de ceux plus
traditionnels et leur pays d’origine. (…) Ces différences créent parfois des conditions
relationnelles difficiles. (Phaneuf M. 2013, p.1)
18
En effet, la barrière culturelle peut avoir un impact négatif lorsqu’elle est présente en milieu
de soin. Le soigné et le soignant, tous deux acteurs dans la relation de soin, peuvent se
retrouver confrontés à des différences de valeurs et représentations qui peuvent directement
impacter la prise en charge si tous deux n’identifient et n’acceptent pas l’identité culturelle
de l’autre.
Cette barrière culturelle ne peut se dissoudre car aucun des acteurs n’a à changer sa culture
pour entrer en relation avec l’autre. C’est alors que je me demande : comment créer une
relation de soin lorsque le soignant et le soigné ne partage pas la même culture ?
Dans les prises en charge de patients de culture différente, ce sont donc deux cultures
qui se rencontrent : celle du soignant et celle du soigné. On parle alors d’interculturalité.
Gérard Marandon, professeur de psychologie, donne une définition de ce concept :
La notion d'interculturalité, pour avoir sa pleine valeur, doit, en effet, être étendue à
toute situation de rupture culturelle — résultant, essentiellement, de différences de
codes et de significations —, les différences en jeu pouvant être liées à divers types
d'appartenance (ethnie, nation, région, religion, genre, génération, groupe social,
organisationnel, occupationnel, en particulier). Il y a donc situation interculturelle
dès que les personnes ou les groupes en présence ne partagent pas les mêmes univers
de significations et les mêmes formes d'expression de ces significations, ces écarts
pouvant faire obstacle à la communication. (Marandon G., 2003, p. 266)
➢ Les représentations :
J’identifie les difficultés liées à la barrière culturelle grâce au dire des infirmières que
j’ai interrogées. L’IDE 2 me témoigne que très souvent les soignants agissent selon les
représentations qu’ils se font de la culture du soigné : « Parfois, selon la nationalité du
patient, j’imagine que dans sa culture il a certaines coutumes et je fais selon mes
représentations. Alors que plus tard, en apprenant à le connaitre, tu te rends compte que ce
n’était pas le cas » (IDE 2)
L’IDE 1 me partage également : « Souvent je me rends compte que je fais un étiquetage
selon les noms de famille et prénoms. Je me dis qu’il est de telle nationalité donc il aura
certaines habitudes alimentaires et nous anticipons sur la commande de repas particulier.
19
Alors que je sais très bien que ce n’est pas parce que l’on a telle nationalité que l’on pratique
la religion, que l’on mange et vit comme ça, que l’on a telles coutumes ou pratiques. »
(IDE1)
En effet, il est fréquent de voir naitre des stéréotypes et des préjugés à cause des
représentations dans les milieux de soins.
Selon J-P. Leyens, professeur de psychologie sociale : « Les stéréotypes sont des croyances
partagées au sujet des caractéristiques personnelles, généralement des traits de
personnalité́, mais aussi souvent des comportements, d’un groupe de personnes. » (J-P
Leyens et al, 1991). Il précise également qu’il est normal d’avoir des stéréotypes, mais que
ceux-ci peuvent devenir néfastes s’ils apparaissent en tant que jugement.
Le problème étant que les soignants peuvent interpréter des comportements en fonction des
stéréotypes qu’ils ont et donc au détriment des caractéristiques individuelles du soigné.
Ce qui peut également interférer dans la relation interculturelle, est l’ethnocentrisme.
Je retrouve une définition simple dans le Larousse : « Tendance à privilégier les normes et
valeurs de sa propre société pour analyser les autres sociétés. » (Larousse, 2020).
Claude Lévi-Strauss, anthropologue et ethnologue français, en donne une définition :
L’attitude la plus ancienne, et qui repose sans doute sur des fondements
psychologiques solides puisqu’elle tend à réapparaître chez chacun de nous quand
nous sommes placés dans une situation inattendue, consiste à répudier purement et
simplement les formes culturelles : morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui
sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. (Strauss, 1952)
Cette attitude peut avoir un impact important dans une prise en charge interculturelle, elle
peut engendrer des jugements de valeurs et des conflits.
Ainsi, l’infirmier doit faire preuve d’une ouverture d’esprit pour accueillir toute personne
sans discrimination. Pour lui proposer des soins personnalisés, respectueux de ses valeurs, il
doit comprendre l’influence de sa culture. Cette capacité relationnelle n’est pas compatible
avec une vision ethno centrée du monde.
20
➢ Les compétences employées pour améliorer la relation interculturelle :
Je demande aux deux infirmières que j’ai interrogées quelles qualités elles mettent
particulièrement en place dans une prise en soin avec un patient de culture différente.
L’IDE 1 m’explique que pour créer une relation, il est nécessaire de se montrer patient et à
l’écoute des besoins de l’autre. De plus, elle m’explique que cela nécessite de savoir
particulièrement s’adapter et se montrer tolérant. En effet, elle me donne des exemples de
situations de soins qu’elle a vécu, comme adapter ses soins en fonction des heures de prières,
aller faire une toilette à une patiente car il n’y avait qu’un seul aide-soignant et la patiente
refusait de se mettre nu devant un homme. L’IDE 2 insiste également sur la capacité à savoir
s’adapter et d’avoir confiance en soi. Elle argumente en m’expliquant qu’elle a parfois été
obligée de prendre le relais d’une de ses collègues qui refusait de rentrer dans une chambre
où la famille était présente en grand nombre car elle disait avoir peur d’eux. Elle m’explique
qu’il faut se montrer ouvert d’esprit et aller à la rencontre de l’autre en lui montrant de
l’intérêt pour éviter les conflits.
Toutes deux se rejoignent en témoignant qu’elles ne se sentent pas assez formées pour ces
prises en charge qui nécessitent d’avoir certaines compétences et connaissances.
C’est alors que je me demande, quelles compétences mettre en place dans un contexte
d’interculturalité ?
De plus, elles m’ont informé n’avoir eu aucune formation spécifique pour les soins en
situation d’interculturalité. L’IDE 2 m’explique qu’elle fait comme tout le monde dans une
situation inhabituelle : « Je fais de mon mieux, mais c’est sûr que l’on aurait tous besoin
d’avoir une formation pour ces prises en charge, cela éviterait les conflits par
méconnaissance ou incompréhension » (IDE 2).
21
3. Synthèse de la phase exploratoire et problématisation
Mes premières questions étaient globales afin d’analyser tous les problèmes que l’on
pouvait rencontrer avec un patient culturellement différent. J’avais thématisé mon
questionnement en deux parties : l’impact de la barrière de la langue et l’impact de la barrière
culturelle dans la relation soignant-soigné en situation d’interculturalité.
A travers mes recherches et mes entretiens, j’ai pu répondre à certaines de mes questions.
Ma première question était de savoir quels problèmes pouvait-on rencontrer dans la
prise en charge d’un patient non francophone. En effet, au travers de mes lectures et de mes
entretiens, j’ai découvert que la barrière linguistique posait indéniablement problème. Lors
de mes entretiens, les infirmières m’ont rapporté une difficulté pour connaitre les besoins de
ces patients, recueillir leur consentement et établir une relation de confiance. J’ai également
relevé ce problème lors de mes situations vécues en stage. Dans mes lectures, j’ai également
soulevé l’impact de ces problèmes : les informations transmises sont réduites à l’essentiel,
les soignants se sentent démunis car ils prodiguent des soins sans être certain de répondre
aux besoins du patient. D’après les travaux d’Albert Mehrabian, certes, la communication
verbale est minoritaire dans un échange (7%) mais elle ne peut pas être négligée pour autant.
D’autant plus dans les milieux des soins où la communication verbale à toute son importance
pour établir une relation et recueillir des éléments essentiels pour les prises en charge (recueil
de données, consentement, transmissions d’informations relatives à la maladie, explication
de la prise en charge, évaluation des signes et symptômes). Cela me pose question : quel est
l’impact de l’absence de communication sur la relation soignant-soigné et sur la santé d’un
patient ? Comment faire de la prévention ou de l’éducation (rôle propre infirmier) dans une
condition de communication verbale impossible ?
Je m’étais posée la question de comment communiquer avec un patient dans une situation
où la communication verbale n’est pas possible. Les infirmières que j’ai interrogées m’ont
expliqué avoir recours à la famille ou à la communication non-verbale, comme je le faisais
lorsque j’étais au Cambodge. De plus, lorsque c’est possible les infirmières me disaient faire
appel à un soignant traducteur. L’HAS a défini les limites à l’utilisation d’un tiers non
formé : non fiabilité de la traduction et non-respect des règles de confidentialité. Et la
communication à l’aide du non-verbale (gestes, mimes) rend la fiabilité des informations
incertaine. Les recommandations sont l’utilisation d’interprétariat professionnel. Cependant
22
lors de mes entretiens sur le terrain, aucune des infirmières m’a expliqué avoir recours à
cette solution. Je me demande alors pourquoi ces recommandations ne sont pas mises en
place dans les services pour faciliter la communication dans ces situations ? Peut-être par
manque de moyens et par une difficulté à mettre en place ces dispositifs.
En second lieu, mes questions étaient axées sur les problèmes liés à la culture dans
les milieux de soins. J’ai d’abord étudié le lien entre culture et santé. J’ai découvert que
celle-ci à une importante influence sur la perception de la santé, les attentes et les besoins en
soin. Selon les cultures, les représentations de la maladie, les façons de l’exprimer et de la
prendre en charge seront différentes. J’ai ensuite étayé l’impact de la barrière culturelle dans
les relations de soins. En effet mes lectures à ce sujet ont démontré que lorsque deux
personnes ne partagent pas la même culture, il peut apparaitre des désaccords, des
maladresses, des incompréhensions, des conflits. Les infirmières que j’ai interrogées sont
unanimes pour dire qu’elles rencontrent régulièrement des problèmes dans les prises en
charge quotidiennes avec des patients de culture différente. Les soignants sont parfois
confrontés à des demandes de soins particulières, des refus de soins, une prise en charge de
la famille parfois difficile, une incompréhension de certaines pratiques. Je m’étais interrogée
sur les facteurs qui pouvaient engendrer ces difficultés. Les infirmières que j’ai interrogées
m’ont toutes les deux témoignées agir selon les représentations qu’elles avaient de la culture
du patient. En effet c’est une notion que j’ai souvent retrouvée dans mes lectures. Ceci peut
empêcher le soignant de s’intéresser à la singularité du patient et le pousser à agir simplement
selon ses représentations. C’est alors que je me demande comment réaliser une prise en
charge personnalisée du patient ? Un recueil de données intégrant la dimension culturelle du
patient ne serait pas nécessaire pour apporter des soins personnalisés ?
Ensuite je m’étais interrogée sur les qualités nécessaires dans une prises en charge en
contexte d’interculturalité. Les infirmières m’ont expliqué qu’il était important de savoir
s’adapter et se montrer tolérant. Mais elles ressentent un manque de formation pour ces
prises en charges. De supports théoriques existent pour développer des compétences en
contexte d’interculturalité mais les soignants ne semblent pas informés. Je me demande
alors, quelles compétences acquérir pour diminuer les difficultés dans les soins
interculturels ?
La place de la barrière linguistique et donc de la communication verbale dans une
relation de soin est un sujet qui m’intéresse énormément mais approfondir mes recherches
23
sur ce sujet nécessiterait de faire un deuxième travail de fin d’étude. Il était nécessaire que
j’explore cette thématique car c’est une problématique à considérer lors d’une prise en
charge d’un patient culturellement différent. Je choisis de ne pas approfondir ces questions
sur la barrière linguistique mais plutôt mes questions liées à une différence culturelle dans
les soins. L’interculturalité est une thématique qui me passionne énormément. Après cette
phase exploratoire élargie, je choisis d’approfondir mon questionnement sur la place de la
culture dans la relation soignant-soigné et particulièrement sur les compétences que cela
nécessite pour apporter un soin interculturel de qualité.
Problématique et hypothèses :
A ce stade de ma recherche, il me semble que le principal problème est que les
soignants sont exposés à des barrières culturelles et donc à des différences culturelles qui
peuvent engendrer des conflits, des évitements, des incompréhensions, des représentations,
des stéréotypes, des refus de soins et donc impacter la relation de soin. Ce sera ma
problématique de départ pour ma phase d’approfondissement.
Mes hypothèses sont que ce problème vient de la difficulté d’appliquer les
compétences culturelles, peut-être par manque de connaissances, de compétences, de temps,
de moyens, d’outils, d’expériences et par manque de communication et d’informations sur
la personne soignée pour connaitre ses besoins et attentes.
Je suppose que les soignants manquent de temps pour établir un recueil de donné avec le
patient ce qui entraine un manque d’informations qui empêche une bonne compréhension
des attentes du patient. Par manque de temps, je suppose également un manque de
communication qui entraine des incompréhensions. Ensuite, je suppose qu’il n’y a pas assez
de formations aux compétences culturelles et donc parfois une non-application de ces
compétences par simple méconnaissance et/ou par manque de formation. Enfin, je suppose
que les expériences personnelles ou professionnelles en interculturalité favorisent ensuite
l’approche culturelle du soignant face à un patient culturellement différent. Peut-être que
celles-ci réduisent les peurs et évitements et favorisent le développement de qualités
nécessaires en interculturalité afin d’améliorer les prises en charge.
A travers mes hypothèses, je vais pouvoir approfondir ma recherche sur les compétences
culturelles infirmières afin d’analyser leurs importances pour établir une relation de qualité
en contexte d’interculturalité. De plus, mes entretiens semi-dirigés vont me permettre de
confronter ce qui est dit dans la littérature et comment cela se passe en réalité sur le terrain.
24
Mes questions actuelles sont :
- Quelles sont les compétences infirmières à développer pour établir une relation
soignant-soigné interculturelle ? En quoi ces compétences permettent d’améliorer la
relation soignant-soigné ?
- Comment développer sa compétence culturelle infirmière ? Qu’est ce qui qualifie un
soignant de compétent en matière de soin culturel ?
- Comment réaliser une prise en soin de qualité en situation d’interculturalité ?
- Quelles difficultés rencontrent les soignants pour mettre en application ces
compétences culturelles ?
- Une fois que les connaissances et les compétences culturelles infirmière sont
acquises, n’y a-t-il plus de problème dans la prise en charge d’un patient
culturellement différent ?
25
Partie II. Enquête approfondie
1. Choix des professionnels pour les entretiens semi-dirigés
En premier lieu, j’ai interrogé une infirmière de la Permanence d'accès aux soins de
santé (PASS) de Chambéry.
D’après l’Agence Régionale de Santé (ARS), les PASS « proposent un accueil
inconditionnel et un accompagnement dans l’accès au système de santé des personnes sans
couverture médicale ou avec une couverture partielle. Leur rôle est de faciliter l’accès aux
soins des personnes démunies et de les accompagner dans les démarches nécessaires à la
reconnaissance de leurs droits. ». (https://www.ars.sante.fr/les-permanences-dacces-aux-
soins-de-sante-0)
En effet, la PASS prend en charge des patients en situation difficile, souvent en situation de
précarité. Les soignants de la PASS sont donc régulièrement en contact avec des patients qui
ont une culture bien différente de la leur. J’ai choisi d’interroger une des infirmières de ce
service car je suppose que ce sont des professionnels compétents en matière de soins
interculturels et ainsi elle pourra me renseigner sur les problématiques qu’elle rencontre
malgré ses compétences. L’entretien s’est déroulé par téléphone, au vu de la crise sanitaire
due au COVID-19. L’appel a duré une heure et vingt minutes. Je nommerai cette infirmière
« IDE 3 ».
En second lieu, j’ai interrogé une jeune infirmière diplômée en juillet 2019 qui
travaille en service de traumatologie. J’ai choisi de l’interroger car je savais qu’elle était
partie réaliser un stage à l’étranger pendant sa formation et je souhaitais analyser l’influence
de son expérience sur son quotidien professionnel actuel.
L’entretien s’est également déroulé par téléphone et a duré quarante minutes. Je nommerai
cette infirmière « IDE 4 ».
Le guide d’entretien que j’ai suivi pour guider mes entretiens semi-dirigés est retranscrit en
Annexe 1.
J’ai établi un tableau comparatif des informations récoltées lors de ces deux entretiens en
Annexe 2.
26
2. La compétence culturelle infirmière
Pour commencer mon enquête approfondie, j’ai d’abord cherché à répondre à ma
première question qui portait sur ce qu’étaient les compétences culturelle infirmière.
D’après Guy Le Boterf (1998), une compétence est définie comme : « un savoir agir dans
une situation professionnelle complexe en vue d’une finalité » (cité par Héron M, 2010, p39).
Développer une compétence interculturelle c’est développer une approche qui permet de
mieux rejoindre le patient dans ses besoins de santé et qui permet d’élaborer des stratégies
d’interventions acceptables pour lui.
La compétence interculturelle se définit comme le développement d’une prise de
conscience de notre propre existence, de nos sensations, de nos pensées et de notre
environnement sans influence indue sur les personnes d’une autre origine tout en
démontrant la connaissance et la compréhension de leur culture, en acceptant et en
respectant leurs différences culturelles et en adoptant des soins congruents avec leur
culture. (L. D. Purnell, B. J. Paulanka, 1998)
Selon Margot Phaneuf, la compétence interculturelle permet d’apporter des soins
interculturels qui :
Se situent dans un processus dynamique de respect, d'interaction et d'échanges où les
intervenants de la santé doivent être sensibles aux différences d'ordre culturel,
linguistique, d’organisation familiale et sociale, de leurs codes de conduite
(reconnaissance de l’autorité, respect des parents, politesse, honneur, dignité,
pudicité des femmes), de leur perceptions et interprétations traditionnelles des
problèmes de santé et de leurs traitements. (Margot Phaneuf, 2013, p.4)
Les soins interculturels sont une manière éclairée de comprendre la réalité des autres
et de les aider avec ouverture d’esprit, mais sans perdre de vue nos propres valeurs.
C’est une manière d’accueillir l’autre dans sa différence, d’entendre et de
comprendre ses besoins et d’y apporter des réponses adaptées, dénuées de stéréotypes
et de préjugés. (Margot Phaneuf, 2013, p.25)
27
Dans le modèle transculturel de Purnell, la compétence culturelle signifie :
1) devenir conscient de sa propre existence, de ses sensations, de ses pensées et de
son environnement sans laisser transparaître l’influence indue de sources extérieures
2) démontrer une connaissance et une compréhension de la culture du client ;
3) accepter et respecter les différences culturelles
4) adapter les soins de façon congruente avec la culture du client. La compétence
culturelle est un processus conscient et non nécessairement linéaire. (Purnell, 1998)
J’appuie ces définitions théoriques avec ce que m’apprend l’IDE 3 de la PASS. Selon elle,
les compétences spécifiques à acquérir pour une prise en charge interculturelle sont : être
respectueux de l’identité de l’autre et de sa dignité, se connaître soi et son identité culturelle
pour pouvoir accepter l’autre dans sa différence, avoir un savoir-faire de communication
pour trouver un terrain d’entente par négociation, être patient et questionner le patient pour
recueillir des informations afin de personnaliser son projet de soins.
Dans mes hypothèses, j’ai abordé le problème lié à une méconnaissance de l’autre.
En effet, en manquant d’informations sur la personne soignée, il peut survenir des
incompréhensions pour le soignant. Ceci peut ensuite entrainer des malentendus au sein de
la relation soignant-soigné et donc provoquer chez le patient un manque de confiance, des
refus de soins et une inobservance thérapeutique, une rupture de suivi.
Afin d’éviter ces problèmes, il me semble évident qu’il faut élaborer un recueil de donné
pertinent pour mettre en pratique les critères qu’énumère Purnell.
Myriam Héron (2010), cadre infirmier formateur en IFSI, dans un article nommé
Accompagner les patients de culture différentes, l’exprime en expliquant que ce recueil de
données doit comporter les éléments clés pour une prise en charge personnalisée avec la
dimension culturelle.
Ces éléments sont : la communication (le langage verbale et corporel), l’espace (gestion de
la proximité, pudeur verbale et physique), le temps (organisation d’une journée, activités
quotidiennes, rituel), le corps et ses variations biologiques (représentations et place du corps,
préférences alimentaires, soins divers), le contrôle de l’environnement (acceptation et
réactions aux soins, représentations culturelles de la maladie et du système de soins),
28
l’organisation sociale (présence et organisation familiale, du groupe et/ou de la communauté,
relations, place de l’entourage dans la maladie et soins quotidiens).
Tous ces éléments sont nécessaires d’être connus par le soignant afin de proposer des actions
de soins ciblées sur la personne.
Plusieurs modèles théoriques existent, tels que celui de Virginia Anderson souvent utilisé.
Mais d’autres modèles théoriques ont vu le jour, tel que celui de Purnell ou de Madeleine
Leninger qui sont élaborés afin de proposer une trame d’analyse qui facilite le repérage des
différents éléments du système culturel du patient.
➢ Modèle transculturel de Purnell (Annexe 3) :
Je me suis penchée sur les écrits de Ginette Coutu-Wakulczyk, professeur agrégée à
l’université d’Ottawa, pour comprendre ce modèle conceptuel qui permet un cadre de
référence pour l’apprentissage des particularités culturelles chez un individu dans les
disciplines de la santé.
Celui-ci est représenté sous forme de cercle avec quatre cerceaux l’un dans l’autre.
- Le cercle le plus externe représente la société dans sa globalité : se rapportant à la
communication, la politique mondiale, les conflits, les désastres naturels, les
échanges internationaux, les sciences, l’économie et les avancées technologiques.
Celle-ci modifie la perception du monde d’un individu, change ses habitudes de vie,
d’une manière consciente ou non.
- Le second cercle représente la communauté : c’est un groupe de personnes
demeurant dans une localité et possédant une identité et un intérêt commun. La
communauté possède des caractéristiques physiques (aspect géographique de la
localité), sociales (l’économie, la religion, la politique, les générations, l’état civil)
et symboliques (langue, habitudes de vie, habillement, art, musique). Elle maintient
une vision commune du monde par assimilation et adaptation.
- Le troisième cercle constitue la famille : celle-ci se définit par des personnes
émotionnellement reliées. Elle peut inclure des liens de parenté avec ou sans liens
directs de sang ou de mariage. La structure et les rôles dans la famille changent selon
l’âge, l’état civil, la génération, la localisation des membres.
29
- Le quatrième cercle le plus central représente la personne : divisé en douze
parties qui se rapportent à un domaine culturel particulier et aux concepts reliés : Vue
générale (sommaire/localité habitée et topographie), communication, rôles et
organisation de la famille, questions relatives à la main d’œuvre, écologie bio
culturelle, comportements à risques élevés pour la santé, nutrition, grossesse et
pratiques reliées à la maternité, rituel mortuaire, spiritualité, pratiques de soins de
santé, travailleurs de la santé.
Ces douze parties sont des concepts communs à toutes les cultures et qui sont
impliqués pour la santé.
La personne est considérée comme un être humain bio-psycho-socioculturel en
permanente adaptation. Chaque composante peut changer au cours de sa vie.
- Pour finir, un point noir au centre du cercle représente les phénomènes inconnus tout
de même présents et significatifs de la culture.
Ce modèle permet de donner une trame pour la prise en charge selon tous ses aspects
culturels. Chaque item permet de mieux connaitre et comprendre la personne qui est
singulière dans sa personnalité et permet de donner des explications sur sa personnalité que
nous pourrions ne pas comprendre à cause de notre propre identité culturelle.
Il permet l’analyse des données culturelles de la personne et permet dans le domaine de la
santé d’adapter le plan de soin pour que les soins respectent les besoins du patient.
➢ Modèle conceptuel en soins infirmiers de Madeleine Leininger (Annexe 4)
Pionnière dans l’élaboration des théories des modèles transculturels de soins et
fondatrice de la méthodologie de recherche qualitative nommée « Ethnonursing »,
Madeleine Leininger, infirmière chercheur, a développé un modèle conceptuel à la fin des
années soixante-dix. Pour comprendre ce modèle, je m’appuie sur les écrits de Christophe
Debout, cadre de santé et professeur des sciences infirmières et paramédicales à l’Ecole des
hautes études en santé publique à Paris qui a fait plusieurs articles pour décrire les travaux
de Madeleine Leininger.
Ce modèle s’appelle « Sunrise model », il est fondé sur l’articulation de trois notions : la
culture, le care et le caring. Le soin est le care et les soins infirmiers sont le caring, ils sont
30
en corrélation avec la culture, ce qui permet la conception d’un projet de soins infirmiers
culturellement respectueux des besoins et attentes du patient.
Ce modèle permet une trame d’analyse pour repérer les différents éléments du système
culturel du patient qui sont des facteurs susceptibles d’influencer les comportements de santé
et de soin dans une culture. Ces facteurs sont répartis en demi-cercle du soleil : la
technologie, la religion et la philosophie, les liens sociaux et familiaux, l’éducation,
l’économie, la politique et la législation, les valeurs culturelles/croyances et les modes de
vie dans le contexte environnemental et historique.
Après avoir compris le système culturel du patient en identifiant ses besoins et ses attentes
en matière de soins, l’infirmière prend une décision clinique qui comporte trois cas de
figure :
- La préservation/entretien des soins culturels : l’infirmière conforte le patient dans
son système culturel et dans ses comportements car cela ne va pas à l’encontre du
projet de soin proposé
- L’aménagement/négociation des soins culturels : cela est mis en place pour que le
patient modifie certains aspects de son système culturel qui sont jugés peu favorables
pour l’obtention de résultats cliniques satisfaisants
- Le remodelage/restructuration des soins culturels : mis en place si le système culturel
du patient est jugé néfaste à sa santé, l’infirmière proposera une restructuration de
son système
Ces cas de figures décisionnels ont la volonté de proposer au patient de modifier ses attitudes
et comportements, si et seulement si, cela est nécessaire pour l’atteinte d’un meilleur résultat
au niveau de sa santé ou bien-être.
Ces deux modèles que j’ai présentés sont, pour moi, très intéressants. Ils permettent
de développer un relativisme culturel et de s’immerger dans le cadre de référence du patient
pour le comprendre. Chercher à connaitre au mieux le patient permet d’éviter d’être dans
une attitude ethnocentrique en prodiguant des soins qui nous semblent utiles à nos yeux de
soignant mais pas en corrélation avec l’identité du patient, ce qui est donc néfaste à la qualité
des soins. De plus, en étant dans la quête de compréhension, ceci montre au patient que l’on
s’intéresse à lui, que l’on cherche à être respectueux de son identité et donc permet de créer
une relation de confiance. En s’intéressant à la vision du monde du patient, cela permet de
donner du sens à ses besoins et donc inclue une meilleure compréhension entre soignant-
31
soigné. Selon Madeleine Leninger, le caractère culturellement adapté d’un soin infirmier est
gage de sa qualité.
L’IDE 4 m’explique que dans son service de traumatologie, les soignants font en sorte de
respecter la culture du patient. Lorsqu’ils font le recueil de données, les besoins particuliers
du patient sont intégrés au projet de soin et ils notent les particularités sur les feuilles de
transmission afin que tous les soignants agissent de la même manière (exemple : douche que
par des femmes, régime alimentaire particulier).
Je mets en Annexe 5 un questionnaire avec des questions types qu’il est possible de poser
au patient pour élaborer le recueil de données.
Après avoir pris connaissance de ces compétences culturelles infirmière, je me suis
demandée : Qu’est ce qui donne le « diplôme » de ces compétences ? Comment qualifier un
soignant de compétent en matière de soins interculturels ?
Dans le modèle transculturel de Purnell, détaillé par Ginette Coutu-Wakulczyk, il est écrit :
L’évolution progressive vers l’atteinte d’une compétence culturelle se subdivise en
quatre stades.
1) La personne se situe au stade de l’incompétence inconsciente ou l’absence de
conscientisation quant au manque de connaissances à l’égard de l’autre culture ;
2) L’incompétence consciente signifie une sensibilisation suffisante pour identifier
le manque de connaissances envers la culture du client ;
3) L’évolution progressive est la compétence consciente, menant à la capacité
d’apprendre et de générer des éléments de la culture susceptibles de fournir des
interventions culturellement spécifiques.
4) La compétence inconsciente mène au développement d’automatismes à la
prestation de soins culturellement congruents à des clients de cultures différentes. Ce
dernier stade de la progression de compétence culturelle est difficile à atteindre ; la
majorité des travailleurs de la santé n’atteindront que le stade trois : la compétence
consciente. Arriver au stade 4, constitue l’acquisition complète de la compétence
culturelle. (Coutu-wakulczyk, G. 2003, p.34)
32
Une compétence s’acquiert en passant d’abord par l’évaluation de ses aptitudes actuelles
afin de savoir ce qu’il faut améliorer pour devenir compétent. Elle nécessite de se remettre
en question pour identifier ses acquis et ses limites. Dans le dossier « Accompagner les
patients de cultures différentes » paru dans la revue Soins Aides-soignantes, Myriam Héron
(cadre infirmier formateur en IFSI) propose un questionnaire pour se situer dans ses
capacités à accueillir la différence culturelle. J’ai annexé ce questionnaire en Annexe 6 car
je trouve cette grille d’évaluation très intéressante pour permettre de se positionner sur sa
première approche de la culture chez autrui. En effet, elle regroupe quelques qualités
requises pour être compétent en soin interculturel : la compréhension, la curiosité,
l’information, la remise en question, l’adaptabilité, le respect, l’empathie.
33
3. Les outils à la communication interculturelle
Lors de mes entretiens j’ai questionné les infirmières sur les difficultés majeures
qu’elles rencontraient dans une situation interculturelle. Bien évidemment la problématique
de la barrière linguistique est très souvent présente, mais chacune des infirmières m’a
également énoncé l’importance de la barrière culturelle. L’infirmière de la PASS m’a
témoigné qu’elle était souvent confrontée à des refus de soins par incompréhension du
patient des soins qui lui sont proposés. En effet elle m’explique que certains soins sont
difficilement acceptés dans certaines cultures et que cela engendre souvent des ruptures de
suivi. L’IDE 4 me témoigne également qu’ils avaient régulièrement affaire à des refus de
chirurgie dans son service. De plus, l’IDE 3 m’explique que dans certaines cultures, ce n’est
pas le patient qui décide de sa prise en charge mais que la décision revient à la communauté.
Après avoir identifié ces difficultés, j’ai interrogé les infirmières sur les moyens de
communications qu’elles utilisaient pour palier à ces dernières.
Les compétences culturelles infirmières requises pour une prise en charge interculturelle
demandent d’avoir des qualités et capacités relationnelles indispensables qui sont des outils
pour une relation de qualité : l’empathie, l’ouverture d’esprit, la volonté de rencontrer et
comprendre l’autre, une approche universelle non discriminante, un accueil bienveillant, le
non-jugement, le respect de l’autre, la capacité d’analyse, et adapter sa communication.
L’IDE 3 et l’IDE 4 m’ont toutes deux identifiées ces qualités. Finalement, ces qualités sont
des qualités générales pour être infirmier, peu importe que l’on soit dans une situation
interculturelle ou non. Mais elles ont d’autant plus d’importance dans un contexte
interculturel où une barrière à la relation peut rapidement s’installer par différences de
valeurs et vision des choses.
3.1 La négociation
La négociation est un des outils de communication que les infirmières m’ont cité
dans leur démarche relationnelle avec un patient de culture différente.
En effet, c’est également un concept que je retrouve dans le modèle théorique de Madeleine
Leigniner. Dans les trois décisions cliniques possibles, il est énoncé qu’il est parfois
34
nécessaire de négocier pour que le patient modifie certains aspects de son système culturel
qui ne sont pas favorables pour l’obtention de bons résultats cliniques.
Je retrouve une définition de ce concept dans un article sur le thème de la négociation dans
les soins écrit par Martine Mazoyer, psychologue clinicienne. Je lis dans son article une
définition de Lionel Bellenger (2017), auteur et expert en matière de formation à la
communication : « une confrontation entre des personnes ou des groupes qui partagent plus
ou moins fortement un projet commun : établir entre eux un accord ». (cité par Mazoyer M,
2018, p.23)
La négociation est un outil à la communication utile pour trouver une solution lorsqu’il y a
un désaccord. Martine Mazoyer explique dans son article (Mazoyer, 2018) que la
négociation dans les soins est une négociation « coopérative » regroupant plusieurs
caractéristiques : soignant et soigné sont des partenaires qui souhaitent maintenir la relation
créée, il existe un projet commun (guérison, recherche de bien-être), il y a une confiance
mutuelle qui entraine le soignant et le patient à coopérer et à faire des concessions, il faut
une ouverture d’esprit et être conciliant pour que soignant et soigné trouvent un compromis
où chacun sera gagnant-gagnant.
Dans un contexte d’interculturalité, certains soins peuvent aller à l’encontre de la
culture du patient bien qu’ils soient nécessaires pour l’amélioration de sa santé. C’est dans
ces contextes que l’IDE 3 et 4 m’ont témoignées avoir affaire à des refus de soins. Le droit
des patients stipule que les patients sont acteurs de leur projet de soins et sont en droit de
refuser des soins. Et les règles professionnelles stipulent que le soignant ne doit pas imposer
des soins. C’est pourquoi il est important de communiquer dans ces situations et savoir
négocier afin de trouver un compromis avec le patient. Ceci peut se faire seulement si une
relation de confiance a été établie en amont entre le soignant et le soigné. L’IDE 3 a insisté
sur le fait qu’il faut montrer au patient que l’on respecte sa dignité, il ne faut pas porter de
jugement mais simplement être patient et communiquer pour essayer de comprendre sa
vision des soins et lui expliquer notre approche. L’objectif étant de trouver un terrain
d’entente avec comme but commun le bien-être du patient. Négocier comprend différentes
étapes : centrer le patient comme principal acteur de sa prise en charge et de son projet de
soins, le faire verbaliser son point de vue, détailler le problème médical et exposer les soins
qui lui sont proposés en énonçant l’objectif commun et les risques pour le patient s’il les
refuses, trouver des solutions et proposer des concessions mutuelles.
35
3.2 Les ressources pour une communication interculturelle
Je me suis demandée ce qui était mis en place pour faciliter les prises en charges
interculturelles à l’hôpital. Quels outils et ressources sont mis à la disposition des soignants ?
L’IDE 4 qui travaille dans un service conventionnel m’explique qu’il n’y a pas
d’outils qui sont particulièrement mis en place. Ils autorisent la famille à rester durant toute
l’hospitalisation afin de permettre la traduction s’il y a la présence d’une barrière
linguistique. Elle m’explique aussi que la famille est un support pour comprendre quelques
caractéristiques culturelles du patient lorsque le patient n’est pas en capacité d’exprimer ses
besoins. De plus, les médecins interviennent régulièrement car d’après elle, il semblerait que
les patients aient plus confiance en eux, peut-être du fait de leur statut et donc leurs paroles
ont plus d’importance pour les faire adhérer aux soins.
L’IDE 3 qui travaille dans un service spécifique où la barrière culturelle est fréquente
entre le personnel soignant et les patients m’explique qu’elle utilise de nombreux supports.
Pour commencer, ils font partie d’un grand réseau de soin où de nombreux acteurs
interviennent pour faciliter l’intégration et la réponse en soin de santé aux patients qu’ils
prennent en charge. Les patients reçoivent donc un grand soutien et la communication est
facilitée.
Ensuite, elle me fait part qu’elle utilise fréquemment des outils vidéo pour faire passer ses
informations. Par exemple, elle utilise des videos explicatives pour faire comprendre une
pathologie au patient et pour expliquer comment va se dérouler un examen. Le message
passe par l’image ce qui facilite la compréhension de celui-ci. En effet, très souvent les
soignants s’expriment avec un langage professionnel médical complexe qui n’est pas
toujours compris par le patient. Alors dans un contexte où le patient ne maitrise pas
totalement la langue française et/ou ne connait pas les soins qui sont dispensés en France,
une importante incompréhension peut apparaitre. C’est pourquoi, l’IDE 3 m’explique qu’elle
utilise un vocabulaire très simplifié et familier dans certaines situations pour se faire
comprendre. Il faut garder en tête que le patient ne connait rien des soins et donc il faut
parvenir à trouver un langage mutuel compréhensible entre professionnel connaisseur et
patient ignorant.
36
De plus, ils réalisent également dans son service des réunions d’analyse de pratiques et des
retours d’expérience qui leur permettent d’exprimer les difficultés qu’ils rencontrent parfois
afin d’améliorer leurs pratiques et réduire les problématiques de soin.
Pour finir, elle m’expose le concept de médiation culturelle qui a vu le jour depuis quelques
années. Je n’avais pas de notion sur ce concept. Je trouve un article de Latifa Es-Safi (2001),
qui a participé à diverses recherches sur la médiation culturelle dans le domaine de la santé
et qui me permet de comprendre cet outil à la communication soignant-soigné.
Le médiateur culturel peut intervenir dans des institutions, il a plusieurs missions :
l’interprétariat, l’information des soignants concernant les habitudes culturelles des patients,
l’information des patients sur le fonctionnement de l’institution. L’objectif de son
intervention est d’établir un lien entre soignant-soigné appartenant à des cultures diverses et
d’améliorer la communication pour favoriser une compréhension de l’identité de l’autre.
Il détient plusieurs compétences : des connaissances linguistiques (celles du patient et du
pays d’accueil), des connaissances socio-linguistiques approfondies (afin de comprendre la
signification de chaque mot employé par le patient car elle peut varier selon le milieu duquel
est issu la personne), des connaissances culturelles (rites, habitudes, savoir-faire, coutumes),
des aptitudes pour dispenser des informations exactes (pour les patients sur leurs droits
sociaux, la maladie, les traitements, le but des soins et examens, et pour les soignants sur les
pratiques culturelles des patients), des attitudes professionnelles (neutralité, empathie,
déontologie). Cependant, l’appel à des médiateurs culturels est encore peu développé dans
les institutions malgré la reconnaissance de leur utilité.
Les outils et ressources utilisés par l’IDE 3 et l’IDE 4 sont très différents. En effet
l’IDE 3 travaille dans un service qui est plongé au cœur de l’interculturalité, ils utilisent donc
de nombreux supports pour faciliter la communication. A l’inverse, l’IDE 4 témoigne de ne
pas avoir beaucoup de dispositifs mis en place dans son service pour faciliter la
communication en interculturalité. Elle exprime que les soignants manquent de temps pour
mettre en place certains outils à la communication et que ce sont des améliorations à
développer dans les services pour assurer une équité dans les prises en charge.
37
3.3 Les formations à l’interculturalité
Mise à part l’IDE 3 qui est infirmière à la PASS de Chambéry, aucune des autres
infirmières que j’ai interrogées m’ont dit avoir eu de formations sur l’interculturalité. L’IDE
4, qui a obtenu son diplôme il y a un an, se rappelait avoir eu un cours sur l’interculturalité
durant sa formation aux soins infirmiers.
Dans la formation initiale aux soins infirmiers, le concept de culture dans les soins est évoqué
dans plusieurs unités d’enseignement mais l’apprentissage de la compétence culturelle
infirmière ne fait pas partie du référentiel de formation. Il est propre à chaque IFSI de
l’inclure ou non lorsque le concept de culture dans les soins est abordé. Les IDE 3 et 4
pensent que les supports délivrés lors de la formation ne sont pas suffisants pour former les
futurs professionnels à des situations où la différence culturelle est présente. L’IDE 4, jeune
diplômée, témoigne d’être régulièrement confrontée à ces situations et que les soignants ne
sont pas assez préparés pour la réalité de terrain. L’IDE 3 pense que c’est grâce à la pratique
que l’on acquiert les compétences nécessaires et que la théorie ne peut pas se suffire à elle-
même.
J’ai donc interrogé l’IDE 3 sur les formations qu’elle a reçues. Elle m’apprend qu’elle
participe à des « Co-formations » qui sont des formations sur la base du croisement des
savoirs et des pratiques : les professionnels sont formés par le public concerné par la
problématique. Par exemple, soignants et personnes appartenant à une certaine
communauté/religion/culture vont échanger sur leur vision personnelle de certains concepts.
Ceci permettant d’améliorer la compréhension et la connaissance mutuelle.
Il existe également de nombreuses formations pour apprendre certaines caractéristiques de
différente culture, mais l’IDE 4 m’explique qu’elle ne peut pas y avoir accès pour l’instant
mais qu’elle serait intéressée pour y participer.
Face à des difficultés dans les prises en charge, Jean Pierre Collos (2018) explique dans son
article Aborder le concept de culture avec plus de soin, que les soignants revendiquent des
formations pour connaitre les caractéristiques des cultures auxquelles ils sont confrontés.
Mais d’après lui, ces formations donneraient une sorte de catalogue de comportements
typiques à chaque culture ce qui produirait des stéréotypes pourvoyeurs de préjugés et
empêcherait la définition de singularité à chaque individu. Il argumente qu’il n’est pas
possible de parler culturellement d’un individu, c’est-à-dire le réduire à la culture type de
38
son pays ou de sa religion, d’abord parce que la culture peut se transformer par l’acquisition
plus ou moins consciente de manières d’être et de faire selon le lieu où l’on séjourne et aussi
parce que la culture change selon nos interactions avec le monde et expériences. Enfin, il
termine en disant que chaque personne est porteuse d’une « culture métissée » qui ne peut
donc pas être catégorisée.
En effet, il faut être vigilant pour ne pas tomber dans la généralisation des comportements
types selon les pays d’origines ou religion.
Myriam Héron (2010), proposait dans son article sur le développement de la
compétence interculturelle, un support de formation théorique ciblé sur les dimensions
culturelles à intégrer dans la théorie de la formation initiale. L’apport théorique permet
d’apporter du sens à notre pratique professionnelle. Il serait envisageable d’enseigner des
éléments de type « culturaliste » (spécificités relatives à chaque culture) tout en évitant les
catégorisations pour permettre des démarches personnalisées.
L’objectif reste bien qu’il ne faut pas connaitre les cultures ou avoir des connaissances
culturelles mais qu’il faut connaitre l’identité personnelle de la personne et de son identité
culturelle à lui et non en général.
3.4 Les expériences culturelles
Je me suis intéressée également à l’influence que pouvait avoir nos expériences de
vie personnelle sur l’acquisition de certaines qualités et compétences en contexte
d’interculturalité. Je me suis demandée : En quoi les voyagent favorisent l’ouverture
d’esprit ? Quels sont les bienfaits des expériences à l’étranger dans une relation
d’interculturalité ?
L’IDE 3 a longuement vécu à l’étranger et m’a expliqué que ses expériences l’aident dans
l’application de sa profession. Elle affirme qu’être plongé dans une autre culture que la
sienne permet de mener une réflexion sur soi, cela lui a permis de se rendre compte de son
identité et de ses valeurs. L’IDE 4 a réalisé un stage infirmier au Vietnam et voyage à
l’étranger lorsqu’elle en a l’opportunité. Elle me communique ce que cela lui apporte dans
sa pratique infirmière : « Tu te rends compte des différences qui existent sur les façons de
vivre et cela t’apprend à ne pas porter des jugements sur ces différences ». (IDE 4)
39
Je retrouve peu de travaux menés sur ce sujet. Je m’intéresse tout de même à une
recherche menée par Paméla Farman pour l’obtention du grade de maitrise en sciences
infirmières au Québec en 2007. Sa recherche est élaborée sur le développement de la
compétence culturelle des étudiants infirmiers lors d’une expérience de stage à
l’international. Elle interroge 19 étudiants sur leurs expériences et sur les compétences qu’ils
ont développées grâce à cela. Paméla Farman (2007) montre dans son étude que ces étudiants
ont développé une curiosité intellectuelle et une plus grande conscience interculturelle par
la prise de conscience de leurs préjugés et une déconstruction de ces derniers. De plus, les
étudiants ont développé un désir de rencontrer la différence et ont majoré leur sensibilité
culturelle.
Ainsi, les expériences personnelles qui emmènent le soignant à être confronté à la
différence culturelle, permettent de développer son ouverture d’esprit, son adaptabilité, son
non-jugement, à casser ses représentations et développent sa capacité à accepter l’autre
comme il est.
40
4. Les difficultés inévitables dans une situation interculturelle
J’avais déjà évoqué quelques difficultés dans ma phase exploratoire mais lors de mes
entretiens durant cette seconde phase, les infirmières m’ont évoqué d’autres difficultés
auxquelles je n’avais pas réfléchi au début de ma recherche.
Je m’étais demandé : Une fois que les connaissances et les compétences culturelles
infirmière sont acquises, n’y a-t-il plus de problème dans la prise en charge d’un patient
culturellement différent ? J’ai cherché à travers cette question à comprendre les facteurs qui
interviennent systématiquement dans la relation de soin interculturelle et qui peuvent nourrir
les barrières culturelles.
4.1 L’acculturation des patients
Lors de mon entretien avec l’IDE 3, celle-ci a abordé l’influence de l’adaptation et
intégration des patients dont elle s’occupe. Sachant qu’elle prend en charge régulièrement
des migrants, ceux-ci mettent un certain temps à s’adapter à la culture du pays d’accueil et
cela peut parfois avoir un impact pour la prise en charge en santé. Elle m’explique que
certains patients sont dans le refus total de soins car les pratiques sont différentes de celles
de leur pays d’origine. Elle poursuit en m’expliquant que dans ces situations, elle essaie
seulement de communiquer avec le patient ou de négocier mais que ce problème est
indépendant d’elle car l’intégration fait partie de l’inconscient du patient et seulement lui est
maitre de son adaptation au changement de milieu. Je n’avais pas pensé à cette difficulté qui
vient des patients.
Dans les écrits de Margot Phaneuf (2009), je relève 4 modes d’adaptation existant :
l’assimilation, l’intégration, la séparation, la marginalisation.
L’assimilation est définie comme l’abandon de l'identité culturelle et est la fusion dans la
société majoritaire. L’intégration est de rester fidèle à la culture traditionnelle mais adopter
certaines valeurs sociétales dominantes. La séparation est l’isolement de la culture
dominante pour conserver l’identité culturelle traditionnelle. La marginalisation est le rejet
de la société dominante, le rejet des valeurs traditionnelles de sa culture et effritement de
l'identité culturelle d’origine.
41
Une fois arrivé dans un nouveau pays, il faut comprendre que le patient vit un vrai choc
culturel, il lui faut un certain temps pour s’habituer et se créer ses nouveaux repères. La
personne prend conscience des difficultés et des différences sociales/culturelles, et
seulement après en avoir pris conscience, elle rentrera dans un processus d’intégration. Elle
trouve un équilibre entre les aspects de sa culture d’origine et ceux de la société d’accueil.
Ce niveau d’adaptation peut venir impacter les soins car le patient pourra ne pas accepter
certains soins. En tant que soignant, il nous faut analyser ce degré d’intégration pour
appréhender les difficultés que rencontre le patient et adapter notre négociation. Nous ne
pouvons pas nous attendre à ce qu’il change et laisse de côté ses traits culturels pour adopter
totalement ceux du pays actuel.
« La culture est un bien précieux et adaptation ne signifie en rien abandon et déperdition de
ce qui la caractérise » (Margot Phaneuf, 2009, p.2).
J’ai découvert une schématisation de la culture sous forme d’iceberg. C’est un moyen
de comprendre qu’il y a deux parties dans la culture : ce qui est visible et donc facilement
identifiable et ce qui est invisible, profond et ancré dans notre identité culturelle.
Source photo : Culture, phénomènes culturels. [Présentation Power Point]. IFSI Gonesse,
1ère année, 2008-2009. Repéré à l’URL : https://slideplayer.fr/slide/521213/
42
La partie émergée de l’eau est la partie visible, consciente d’une culture. La partie profonde
dans l’eau est la partie invisible des caractéristiques de l’identité culturelle de la personne,
cette partie est inconsciente, ce sont les valeurs personnelles, l’éducation, les traditions. Elle
peut mettre du temps à évoluer.
Cette notion d’intégration culturelle est dépendante du patient, nous ne pouvons pas l’obliger
à accepter et adopter nos codes et nos façons de soigner. Notre simple devoir de soignant est
d’accompagner le patient dans sa démarche de soin et dans son intégration de notre système
de santé.
4.2 L’asymétrie dans la relation soignant-soigné
Une autre notion à laquelle je n’avais pas pensé mais qui peut impacter davantage la
relation soignant-soigné est la présence de l’asymétrie à plusieurs niveaux.
La relation qui existe entre ces deux acteurs se déroule dans un contexte particulier qui est
le soin (dans toutes ses formes possibles : préventif, curatif, palliatif, technique ou
relationnel) et qui a pour but commun le mieux-être du soigné.
Cependant une notion d’asymétrie existe entre les deux : le soigné est dans une posture de
vulnérabilité car exposé à la maladie et aux soins, en souffrance et en demande d’aide alors
que le soignant est en posture de connaisseur, compétent.
Nous avions eu un support théorique au cours de notre formation sur les soins
relationnels qui explicitait les critères d’asymétrie dans la relation soignant-soigné :
Source photo : Correction Evaluation Session 1 Compétence 6 UE 1.1 S2 et UE 4.2 S2
(2018). Document inédit. Institut de Formation en Soins Infirmiers de Savoie, Chambéry.
43
On observe dans ce tableau tout ce qui différencie le soignant et soigné et qui rend la relation
asymétrique. Ces critères peuvent d’autant plus impacter négativement la relation
interculturelle car elle se rajoute également à la barrière culturelle.
4.3 Les valeurs personnelles
En échangeant avec l’IDE 3, celle-ci m’a expliqué que malgré toutes les compétences
qu’elle mettait en place pour établir une bonne relation, il y a une chose qui lui posera
toujours problème : certaines différences culturelles viendront toujours heurter ses valeurs
personnelles. De plus, elle m’explique que dans ces situations, il n’est pas possible d’aller à
l’encontre de ses émotions. Et tout ceci est de l’ordre de l’inconscient, nous ne pouvons pas
le maitriser.
Elle argumente : « Je travaille depuis toujours avec des personnes qui ont une culture
différente de la mienne, j’accepte les différences, je suis dans le non-jugement, empathique
etc. Bref, malgré tout cela, certaines situations seront toujours contraires à mes valeurs.
Quand tu rencontres un couple immigré et que tu vois la femme porter tous les sacs sur son
dos, tu as beau te dire que c’est comme cela dans leur culture, que la place de la femme est
considérée différemment chez eux, tu ne l’accepteras jamais pour autant. Tu es là pour les
aider et tu ne dois pas porter de jugement mais pour autant tu ne peux pas t’empêcher de
ressentir de la colère ou de la peine. Ce sont nos émotions, on ne peut pas le contrôler et
tout cela vient du fait que l’on a nos propres valeurs ». (IDE 3).
L’IDE 4 semble partager la même opinion et déclare qu’elle essaie de prendre sur elle
lorsqu’elle est face à une situation où cela va à l’encontre de ses valeurs personnelles.
En effet, le soignant, comme le soigné, sont soumis à l’influence de leurs réactions
instinctives face aux différences culturelles. Notre propre identité culturelle guide nos
ressentis face à la différence ou l’inconnu.
44
Partie III. Question de recherche et hypothèses
Mon questionnement initial était tourné autour des problèmes généraux que l’on
pouvait rencontrer face à un patient de culture différente. J’ai d’abord étudié la place de la
culture dans la santé et j’ai identifié deux grandes problématiques qui sont la barrière
linguistique et la barrière culturelle. J’ai décidé de ne pas approfondir la thématique de la
barrière linguistique car la problématique des barrières culturelles dans les soins
m’intéressait davantage.
J’avais donc abordé le concept d’interculturalité et l’impact des représentations sur
l’émergence de stéréotypes et préjugés dans les milieux de soins qui peuvent découler sur
des conflits, des évitements, des refus de soin et donc empêcher la création d’une relation de
confiance pour apporter des soins de qualité. Mes premiers entretiens exploratoires m’ont
fait réaliser que les soignants rencontraient régulièrement des difficultés face à un patient de
culture différente et qu’ils agissaient comme ils pouvaient. Je me suis aperçue également
que les soignants ressentaient un manque de connaissances et de formations et qu’ils
n’avaient pas de notion de la compétence culturelle infirmière.
Cette première phase de recherche m’a permis d’élargir mon questionnement sur cette
problématique de barrière culturelle et de m’intéresser à la théorie de la compétence
culturelle infirmière. Cette dernière est le sujet de nombreuses recherches en soins infirmiers
et est un fondement théorique pour l’amélioration des soins infirmiers afin qu’ils deviennent
culturellement respectueux et permettant d’améliorer les relations de soins dans un contexte
d’interculturalité. J’ai découvert que cette compétence nécessitait de mettre en avant de
nombreuses qualités relationnelles et des savoirs-faires d’ouverture d’esprit, de décentration,
de respect de la différence et une importante connaissance de soi et de l’autre.
Cela m’a amené à m’intéresser aux modèles théoriques qui ont été élaborés pour améliorer
la connaissance du patient en intégrant les éléments de son système culturel. J’ai découvert
le modèle transculturel de Purnell et le modèle conceptuel de Madeleine Leninger qui
permettent une trame pour le plan de soin selon tous les aspects culturels du patient qui
pourraient l’influencer.
Je me suis ensuite concentrée sur les outils qui favorisent la relation et la communication
interculturelle. J’ai découvert que la négociation était un outil de communication primordiale
lorsque la culture du patient venait freiner l’élaboration de son projet de soin. Cela peut
permettre de restaurer l’adhésion du patient aux soins qui lui sont proposés en proposant des
45
concessions dans le but commun qui est son bien-être. De plus, j’ai découvert que les
ressources misent à disposition des soignants pour faciliter les prises en charge
interculturelles étaient différentes d’un service à l’autre. Certains services vont avoir recourt
à plus de ressources car les problématiques liées à la différence culturelle sont plus
fréquentes. Alors que dans d’autres services, la question de manque de temps empêche les
professionnels à mettre en place ces outils.
Je m’étais interrogée sur les moyens pour développer sa compétence culturelle. Je me suis
donc intéressée aux formations qu’il existait pour améliorer cette dernière. Je me suis rendue
compte que les soignants trouvaient que les supports théoriques de la formation initiale
n’étaient pas suffisants pour devenir compétents. Certaines formations sont proposées aux
professionnels de santé pour apprendre les caractéristiques de certaines cultures mais l’avis
sur ces formations semble controversé car elles peuvent entrainer des stéréotypes. Je me suis
donc attardée sur l’apport des expériences culturelles sur le développement des compétences
culturelles et celles-ci semblent positives. En effet, elles permettent au professionnel
d’acquérir des qualités grâce à l’expérience de l’interculturalité et améliore ensuite sa
pratique professionnelle lors d’une situation similaire.
Enfin, je me suis questionnée sur les difficultés qui restent inévitablement présentes et qui
rendent difficile l’application de la compétence culturelle. La première étant l’intégration et
l’adaptation des patients à la culture d’accueil. Cela impacte directement sur leur adhésion
aux soins. Ensuite l’asymétrie dans la relation soignant-soigné sera toujours présente et
pourra accentuer la barrière culturelle. Enfin les valeurs personnelles de chacun sont de
l’ordre de l’inconscient car elles font partie de notre identité personnelle. Les différences
culturelles peuvent venir heurter les valeurs personnelles et donc créer un frein à la relation.
Question de recherche : En quoi une formation spécifique à la pratique des soins en contexte
d’interculturalité permettrait de réduire les problématiques liées à la barrière culturelle dans
les services conventionnels ?
Hypothèses :
- Une formation qui mêle pratique et théorie permettrait un meilleur apprentissage des
compétences culturelles infirmières
- La formation apporte des outils et ressources pour faciliter la communication et les
relations interculturelles
46
Conclusion
Mon travail de fin d’étude a débuté après avoir vécu mon expérience de stage à
l’étranger. C’est grâce à cette expérience extraordinaire que j’ai eu envie de me pencher
davantage sur le sujet d’interculturalité, ce concept qui définit la relation entre deux
personnes qui ont une culture totalement différente mais qui entrent en relation, chacun ayant
des choses à apprendre de l’autre, d’autant plus grâce aux différences qui les séparent.
Ce travail m’a permis de me questionner et de découvrir de nombreuses informations sur ce
sujet qui m’intéresse énormément. J’ai enrichi mes connaissances sur la compétence
culturelle infirmière et sur les soins interculturels et j’espère pouvoir les appliquer dans ma
future pratique professionnelle. De plus, ce travail de fin d’étude est un moyen
supplémentaire pour pousser ma réflexion sur le sens du métier d’infirmière où il est
essentiel de se questionner constamment et de se remettre en question afin d’évoluer.
Les différences culturelles dans les milieux de soin sont présentes et les soignants sont
parfois confrontés à des problématiques de soin. Il est donc essentiel de se questionner sur
ces problématiques existantes dans notre profession, chercher à savoir d’où provient chaque
problème pour améliorer et parfaire notre pratique.
Les soins infirmiers se divisent grossièrement en deux grandes parties : les soins techniques
et les soins relationnels. Au début de la formation en soins infirmiers, en tant qu’étudiants
nous sommes terrorisés par la difficulté des soins techniques qui nous semblent ce qu’il y a
de plus difficile dans la pratique infirmière. Au fur et à mesure de notre apprentissage et de
notre professionnalisation, nous réalisons que ce sont bien les soins relationnels les plus
complexes.
Mais ce sont également ces soins relationnels qui sont les plus riches humainement parlant.
Nous avons tout à apprendre des patients, de nos interactions avec eux et des différences qui
nous séparent. C’est pourquoi il est essentiel d’établir une communication et des soins
relationnels de qualité.
« Se questionner sur ce dont le patient a réellement besoin, c’est en quelque sorte passer du
soin au prendre soin, car on ne pourra jamais prendre soin par habitude » (Lisa
Djadaoudjee, 2013)
47
Bibliographie / Sitographie
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participation aux soins. Repéré à :
http://www.prendresoin.org/wp-content/uploads/2013/02/Les_particularismes_des_
immigrants_et_obstacles_participation_aux_soins-2epartie.pdf
Phaneuf, M. (2009). L’approche interculturelle, une nécessité actuelle : 3ème partie :
L’approche interculturelle, communication et soins dans un contexte d’ouverture.
Repéré à :
http://www.prendresoin.org/wp-content/uploads/2013/02/pproche5Finterculturelle-
communi-cation_et_soins_dans_un_contexte_da%CC%82%E2%82%AC%E2%84
%A2ouver....pdf
50
Annexes
51
Annexe 1 : Guide d’entretien semi-dirigé
• Présentation du soignant et de son expérience professionnelle :
- Date de l’obtention du diplôme, parcours professionnel et ancienneté dans le service
actuel
• La prise en soin interculturelle :
- Quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrées avec un patient
culturellement différent ?
- Selon vous, quelles sont les causes de ces problèmes (facteurs personnels au niveau
du patient et au niveau soignant) qui influencent les prises en soins ?
- Comment conciliez-vous soins et culture ?
- Quels outils/ressources mettez-vous en place face à un patient de culture différente ?
Y a-t-il des moyens ou des outils mis à disposition des soignants dans votre service
afin de faciliter les prises en soin des patients de culture différente ? (Recueil de
donnés, aide à la compréhension des caractéristiques des cultures)
- Considérez-vous apporter une même qualité de soin à ces patients ? (Question IDE4)
• Les compétences infirmières :
- Les apports de la formation au diplôme d’état d’infirmier vous semblent-ils
suffisants ?
- Pensez-vous qu’il est indispensable de développer certaines compétences
spécifiques, qualités ou attitudes spécifiques pour une prise en soin interculturelle ?
Si oui, lesquelles ?
- Avez-vous eu une/des formation(s) particulière(s) pour acquérir des compétences
supplémentaires dans l’approche interculturelle ? Si oui, en quoi consistait cette
formation ? Après ça, ressentiez-vous toujours des difficultés dans les prises en
charge ?
- Avez-vous eu des expériences personnelles (hors professionnelles) qui vous ont
permis d’acquérir des compétences en interculturalité ? Si oui, vous semblent-elles
utiles dans l’application de votre profession face aux patients de culture étrangère ?
- Selon vous, qu’est ce qui rend un soignant qualifié dans les prises en soin
interculturelles ?
52
Annexe 2 : Tableau comparatif des entretiens semi-dirigés
Questions IDE 3 IDE 4
Age.
Date du diplôme.
Parcours
professionnels.
Ancienneté dans
le service.
52 ans.
Diplôme obtenu en 2013.
Auparavant professeur de
Français Langue Etrangère dans
une association pour former les
primo-arrivants à la langue
française.
Reconversion professionnelle
pour être infirmière.
Travaille à la PASS depuis 2013
et à mi-temps en service de santé
publique.
21 ans
Diplôme obtenu en 2019.
Est rentrée en formation infirmière
après l’obtention de son
baccalauréat.
Travaille en service de chirurgie
traumato-orthopédie depuis
l’obtention de son diplôme en
juillet 2019.
Difficultés
majeures
rencontrées dans
une prise en
charge
interculturelle
Barrière culturelle :
On rencontre des problèmes liés
au sexe du soignant ou des refus
de soins car ces soins sont
difficiles à accepter dans leur
culture. Ils ont leurs
représentations de la médecine
(sang vu comme la mort en
Afrique) et leur religion qui
empêchent la prise des
traitements. Et parfois, il faut
passer par un porte-parole pour
la décision des soins.
Barrière de la langue :
Parfois on trouve une langue
commune ou on utilise l’aide
d’une tierce personne mais il y a
une perte d’informations. Le
Barrière culturelle :
Les patients sont parfois réticents
pour certaines chirurgies qui sont
non congruentes avec leur culture.
Et on manque de connaissance sur
certaines cultures donc on ne sait
pas comment faire
Barrière linguistique :
Souvent ça engendre une grosse
incompréhension entre nous et le
patient. On ne comprend pas ce
qu’il essaie de nous dire et on ne
peut pas lui expliquer les soins. Ça
demande du temps pour faire
passer les informations et on n’est
même pas sûr qu’on se soit
mutuellement compris.
53
médecin utilise un traducteur,
sinon le non-verbal suffit pour
certains de nos soins mais je me
pose la question sur le réel
consentement.
Compétences
spécifiques à
acquérir
Être respectueux de l’identité de
l’autre et de sa dignité.
Importance de se connaitre et
connaitre ses limites (émotions)
et son identité culturelle.
Savoir-faire de communication
pour se faire comprendre et
trouver un terrain d’entente à
l’aide de la négociation. Être
patient. Questionner pour
recueillir des informations et
s’adapter à la culture quand c’est
possible.
Ne pas tout accepter, recadrage
parfois. Connaitre quelques
notions d’histoire du pays
d’origine.
Il faut savoir communiquer et
négocier, respecter la culture du
patient comme on peut. Il faut se
montrer à l’écoute pour lui montrer
qu’on s’intéresse vraiment à lui.
Outils,
ressources,
compétences,
mis en place
pour faciliter les
prises en soins
- Médiateur culturel
- Traducteur
- Soutien d’un grand
réseau de soin
- Vidéos pour expliquer
- Staff le vendredi pour
échanger sur les
situations
problématiques
- Famille autorisée à rester
pendant l’hospitalisation
afin de faciliter la
traduction et faire
médiateur culturel
- Appel au médecin qui a
plus de poids et les patients
semblent avoir plus
confiance
- Recueil de donné avec
stipulé les caractéristiques
54
de la culture + fiche de
relève où est écrit comment
procéder avec le patient
Apport théorique
en
interculturalité
dans la formation
initiale
infirmière
Ce n’est pas suffisant car c’est un
trop petit module et ce n’est que
de la théorie. En pratique ce n’est
jamais pareil. Il faudrait peut-
être une mise en pratique avec un
jeu de rôle pour appréhender
lorsque le soignant sera
confronté.
Mais le savoir-être est un travail
sur soi.
Ce qu’on voit en formation n’est
pas suffisant car on aborde la
culture dans les soins que
brièvement alors que c’est très
régulièrement qu’on y est
confronté. C’est trop léger et ça ne
prépare pas assez à la réalité du
terrain.
Formations
reçues pour
l’approche
interculturelle
Co-formation (ATD Quart-
monde)
Formations croisées
Je sais qu’il y a des formations
mais je n’y ai pas accès pour
l’instant. Je sais que c’est pour
apprendre à appréhender les
cultures.
Causes des
difficultés en
situation
d’interculturalité
Venant du patient : non
acculturation, refus de soin total,
incompréhension, anxiété,
maladie
Venant du soignant : mauvaise
communication (termes
médicaux compliqués),
jugement, difficulté à accepter la
culture de l’autre, confronté à ses
valeurs personnelles, beaucoup
de pression pour aider le patient
en grande précarité, émotions
D’autres services font appel à la
PASS car ne savent pas comment
Pour moi, ce qui me pose
problème, c’est que parfois je suis
choquée. J’ai mes visions
personnelles qui font que je ne
comprends pas le patient mais
j’essaie de mettre ça de côté et de
prendre sur moi.
55
faire, ils ont peur et n’ont pas le
temps pour communiquer
Influence des
expériences
personnelles
A vécu en Afrique jusqu’à ses 16
ans, FLE pendant 10 ans, passion
et curieuse sur le sujet de
l’interculturalité.
Ses connaissances et
compétences lui permettent de se
sentir à l’aise dans ses prises en
charge.
A fait un stage infirmier au
Vietnam pendant 5 semaines.
Voyage beaucoup à
l’international.
Mon vécu personnel m’aide car
j’ai certaines connaissances
culturelles et du coup je peux
parfois apporter mes
connaissances pour aider l’équipe
à comprendre le patient.
Mes expériences m’apportent une
ouverture d’esprit à l’inconnu et je
suis curieuse. Ça m’aide pour
m’adapter.
Qualité des soins Je n’ai parfois pas l’impression
d’apporter la même qualité de soin
car j’ai l’impression de ne pas
apporter ce que le patient a besoin.
Je me sens démunie dans certaines
situations.
56
Annexe 3 : Modèle Transculturel de Purnell
Source photo : Coutu-wakulczyk, G. (2003). Pour des soins culturellement compétents : Le
modèle transculturel de PURNELL. Recherche en soins infirmiers, 72, p.36.
57
Annexe 4 : Modèle conceptuel en soins infirmiers de Madeleine Leininger
Source photo : Debout, C. (2010). Théorie de soins – Soin et culture, entre diversité et
universalité. Soins, 55 (747), p.23.
58
Annexe 5 : Questionnaire d’évaluation culturelle
Source photo : Culture et ethnicité. EMC - Savoirs et soins infirmiers 2009:1-14 [Article 60-
535-B-10].
59
Annexe 6 : Questionnaire sur les compétences culturelles
Source photo : Héron, M. (2010). Accompagner les patients de culture différentes. Soins
aides-soignantes, 7 (32), p.39.
Auteur : Guillemette MOUGIN
Titre : L’impact de la culture sur la relation soignant-soigné
Mots clés : Culture, barrière culturelle, compétences culturelles infirmières,
représentations, communication interculturelle, négociation, valeurs personnelles
Mon travail de fin d’étude aborde le thème de la culture dans les milieux de soins. J’ai
choisi de travailler sur ce thème car j’ai eu des expériences qui m’ont montrées
l’importance de la culture sur la représentation de la santé et les attentes en matière de
soins. Au début de mon travail je me posais un questionnement large sur les
problématiques globales que l’on pouvait rencontrer dans un contexte d’interculturalité :
la barrière linguistique (problèmes liés au consentement et à la traduction) et la barrière
culturelle (représentations, stéréotypes, refus de soins). Ensuite j’ai centré ma
problématique sur le problème que rencontrait les soignants face aux barrières culturelles
et donc leurs difficultés dans les prises en soins interculturelles. J’avais comme
hypothèses que ce problème venait de la difficulté d’appliquer les compétences
culturelles, peut-être par manque de connaissances, de compétences, de temps, de
moyens, d’outils, d’expériences et un manque de communication et d’informations sur
la personne soignée pour connaitre ses besoins et attentes. J’ai eu l’occasion d’échanger
sur mon sujet avec quatre infirmières et j’ai fait de nombreuses lectures sur
l’interculturalité dans les soins. J’ai pu aborder des concepts tels que la compétence
culturelle infirmière, la communication interculturelle, la négociation, l’asymétrie de la
relation soignant-soigné, l’acculturation, les valeurs personnelles et découvert l’utilité
des formations et des expériences culturelles personnelles.
Tout ce travail m’amène vers une ultime question qui est ma question de recherche : En
quoi une formation spécifique à la pratique des soins en contexte d’interculturalité
permettrait de réduire les problématiques liées à la barrière culturelle dans les services
conventionnels ?