60
Présenté et soutenu par : Mlle Guillemette MOUGIN L’impact de la culture sur la relation soignant-soigné Mémoire de fin d’études présenté en vue de la validation de l’UE 5. 6. S6 « Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles » Préparé sous la direction de : Mme Guilaine PETIT-BARAT Promotion 2017-2020 Remis le 05/05/2020

la relation soignant-soigné

  • Upload
    others

  • View
    22

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: la relation soignant-soigné

Présenté et soutenu par : Mlle Guillemette MOUGIN

L’impact de la culture sur

la relation soignant-soigné

Mémoire de fin d’études présenté en vue de la validation de l’UE 5.6. S6 « Analyse de la

qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles »

Préparé sous la direction de : Mme Guilaine PETIT-BARAT

Promotion 2017-2020 Remis le 05/05/2020

Page 2: la relation soignant-soigné

2

Page 3: la relation soignant-soigné

3

Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier ma guidante de mémoire pour son précieux rôle. Je

la remercie pour ses conseils, son soutien et son accompagnement tout au long de mon

travail. Merci d’avoir répondu à mes questions et pour vos guidances qui m’ont permis de

prendre du recul pour avancer dans mes recherches et réflexions.

Ensuite, je tiens à remercier ma famille pour m’avoir soutenu dans mon travail, pour les

relectures et pour m’avoir supporté dans mes états d’âmes durant mes trois années de

formation et d’autant plus durant l’écriture de ce travail de fin d’étude.

Pour finir, je souhaite remercier tous les professionnels infirmiers qui m’ont aidé pour la

réalisation de mon mémoire. Je pense à mes tuteurs lors de mes stages qui m’ont conseillé

dans mes démarches et qui m’ont fait me questionner grâce à leurs expériences

professionnelles et leur vision du problème à travers un œil plus expérimenté que le mien.

Je pense également aux infirmières que j’ai interrogées lors de mes entretiens qui m’ont

apporté énormément d’informations et qui m’ont permis d’élargir mes questionnements et

mes connaissances sur mon sujet.

Page 4: la relation soignant-soigné

4

Table des matières

Remerciements ..................................................................................................................... 3

Table des matières ............................................................................................................... 4

Introduction ......................................................................................................................... 6

1. Présentation de mon thème ........................................................................................... 6

2. Situations d’appels ....................................................................................................... 7

3. Mon premier questionnement ..................................................................................... 10

Partie I. Enquête exploratrice .......................................................................................... 11

1. Premières recherches et légitimation du sujet ............................................................ 11

2. Analyse des entretiens exploratoires et de la littérature ............................................. 12

2.1 Choix des professionnels pour les entretiens .................................................... 12

2.2 Eléments recueillis lors des entretiens et dans la littérature .............................. 12

2.2.1 La culture et sa place dans notre représentation de la santé ................... 13

2.2.2 Problématique de soin liée à la barrière linguistique .............................. 14

2.2.3 Problématique de soin liée à la barrière culturelle ................................. 17

3. Synthèse de la phase exploratoire et problématisation .............................................. 21

Partie II. Enquête approfondie......................................................................................... 25

1. Choix des professionnels pour les entretiens semi-dirigés ........................................ 25

2. La compétence culturelle infirmière .......................................................................... 26

3. Les outils à la communication interculturelle ............................................................ 33

3.1 La négociation.................................................................................................... 33

3.2 Les ressources pour une communication interculturelle.................................... 35

3.3 Les formations à l’interculturalité...................................................................... 37

3.4 Les expériences culturelles ................................................................................ 38

4. Les difficultés inévitables dans une situation interculturelle ..................................... 40

4.1 L’acculturation des patients ............................................................................... 40

4.2 L’asymétrie dans la relation soignant-soigné .................................................... 42

4.3 Les valeurs personnelles .................................................................................... 43

Page 5: la relation soignant-soigné

5

Partie III. Question de recherche et hypothèses ............................................................. 44

Conclusion .......................................................................................................................... 46

Bibliographie / Sitographie ............................................................................................... 47

Annexes ............................................................................................................................... 50

Annexe 1 : Guide d’entretien semi-dirigé ........................................................................ 51

Annexe 2 : Tableau comparatif des entretiens semi-dirigés ............................................ 52

Annexe 3 : Modèle Transculturel de Purnell ................................................................... 56

Annexe 4 : Modèle conceptuel en soins infirmiers de Madeleine Leininger .................. 57

Annexe 5 : Questionnaire d’évaluation culturelle ........................................................... 58

Annexe 6 : Questionnaire sur les compétences culturelles .............................................. 59

Page 6: la relation soignant-soigné

6

Introduction

1. Présentation de mon thème

Mon travail de fin d’étude s’oriente autour du thème de la place de la culture en

milieu de soin. Plus précisément, j’étudie l’impact de la culture dans les soins infirmiers avec

un patient d’une culture différente que le soignant et les conséquences que cela peut avoir

sur la relation soignant-soigné.

La France est un pays aux frontières ouvertes, de nombreux flux existent, des flux

commerciaux, touristiques, migratoires, etc. De ce fait, nous nous trouvons dans un pays

coloré par une diversité culturelle, ce qui rend également les milieux de soins multiculturels.

Lors de mes expériences professionnelles, j’ai remarqué que la culture avait une place

importante dans les attentes et besoins en santé. Parfois, la culture, qui est propre à chaque

individu, peut provoquer une barrière dans la relation de soin et peut avoir une répercussion

sur celle-ci puis directement impacter la qualité des soins. En effet, quel soignant n’a jamais

été confronté à une problématique culturelle avec un patient ? Ces problématiques culturelles

ne sont heureusement pas obligatoirement existantes dans toutes les prises en charge

interculturelles. Cependant, elles restent fréquentes dans la pratique professionnelle

infirmière.

J’ai eu envie d’étudier quels facteurs rentraient en jeu dans une relation interculturelle et ce

que le soignant peut mettre en place afin de garantir des soins de qualités.

A travers cette recherche sur la problématique de la prise en charge d’un patient de

culture différente, cela me permet de développer mes connaissances en matière de

compétences culturelles afin d’améliorer la prise en charge de patients ayant une culture

différente.

Page 7: la relation soignant-soigné

7

2. Situations d’appels

Deux situations que j’ai vécues en stage m’ont interpellé et donné envie d’investiguer

l’importance de la culture dans les soins.

Ma première situation se passe pendant mon stage au semestre 3 dans le service

d’Unité Post-Urgence (UPU). Ce service comprend au total trente lits : vingt lits pour des

prises en charge somatiques et dix lits pour des prises en charge psychologiques. Ce service

accueille des patients pour des soins divers : lorsque les médecins aux urgences jugent qu’il

est nécessaire que le patient reste hospitalisé pour une certaine surveillance ou lorsqu’il n’y

a plus de lits dans des services spécialisés, le patient peut être hospitalisé à l’UPU. Ainsi ce

service accueille toutes sortes de prises en charge.

Pendant mon stage nous avons fait l’entrée de Mr K, âgé de 64 ans, originaire des Etats-Unis

et sans domicile fixe. Mr K a été hospitalisé après avoir été retrouvé plusieurs fois

inconscient sur la voie publique. Les médecins suspectaient des crises d’épilepsie au vu des

différents signes cliniques qu’il présentait, il a été hospitalisé afin de réaliser plusieurs bilans

pour confirmer ou non le diagnostic d’épilepsie.

Mr K ne parlait pas français, il s’exprimait seulement en anglais. Il nous a brièvement raconté

son histoire de vie : il a été interdit de territoire sur le sol américain, c’est pourquoi il est

venu en Europe, il a d’abord voyagé en Italie et ensuite en France.

La communication verbale avec Mr K nécessitait donc d’avoir une maitrise de l’anglais :

c’est la première difficulté que j’ai rencontré dans sa prise en charge car je ne parle pas

couramment cette langue. Lorsque je me retrouvais seule avec Mr K je communiquais

difficilement avec lui, je ne comprenais pas ce qu’il me disait et je n’arrivais pas à trouver

mes mots. Je me sentais démunie car je n’arrivais pas à échanger avec lui comme je le

souhaitais.

Cette problématique de communication verbale m’a fait me poser plusieurs questions :

Comprenait-il réellement lorsque je lui expliquais ce que je faisais et pourquoi je le faisais ?

Comprenais-je vraiment le bon message lorsqu’il me parlait ? Comment pouvais-je être

certaine qu’il approuvait les soins que je lui prodiguais ? Pouvait-on parler de consentement

libre et éclairé ? Etant donné que l’on avait du mal à communiquer, est-ce qu’il n’omettait

pas de me parler de certains problèmes ? Et donc, est-ce que je répondais à tous ses besoins

ou attentes ? Pouvait-on parler de relation de confiance ?

Page 8: la relation soignant-soigné

8

De plus, Mr K avait pour souhait de nous faire une accolade pour nous dire bonjour. Ceci a

posé un problème à certains soignants qui refusaient d’avoir une telle proximité avec ce

patient et étaient dans l’incompréhension de cette demande de sa part. Un matin, pendant

que je préparais mon matériel pour aider Mr K pour sa toilette, une aide-soignante vient me

dire : « Tu vas faire la toilette de Mr K ? Attention, tu sais qu’il est SDF donc met bien des

gants… et il est américain donc un peu extraverti dans ses manières de faire, ne le laisse pas

te faire une accolade, il faut qu’il comprenne que l’on ne fait pas ça chez nous ». Il est certain

que dans notre culture française, nous privilégions l’accolade avec nos proches, alors que

dans la culture américaine l’accolade est employée pour dire bonjour, même à des inconnus.

Ainsi, certains soignants témoignaient avoir une difficulté avec Mr K et une réticence dans

sa prise en charge. Je me suis demandé : Pourquoi les soignants avaient parfois de telles

réactions ? Est-ce par manque de connaissance sur la culture ? Par incompréhension ?

Je retrouvais donc une première problématique liée à une communication verbale difficile,

celle-ci entrainait : un manque de certitude à l’approbation des soins, l’absence du

consentement éclairé, la difficulté à expliquer mes soins prodigués, la difficulté à créer une

relation de confiance. Je retrouvais également une problématique liée à la différence

culturelle : un évitement des soignants, une difficulté à établir une relation soignant-soigné.

Finalement, je me demandais si les soins prodigués à Mr K étaient de qualité.

Ma deuxième expérience qui m’a motivé à choisir ce thème a été mon stage infirmier

à l’étranger. Je suis partie pendant cinq semaines au semestre 4 avec deux autres étudiantes

à Phnom Penh (capitale du Cambodge). Nous avons réalisé notre stage dans l’hôpital Khmer

Soviet où nous avons été formées par des infirmiers locaux. Nous avons travaillé dans le

service de traumatologie et avons découvert la maternité et le bloc opératoire.

Pendant 5 semaines nous avons été plongées au cœur de la culture cambodgienne, au niveau

de la vie quotidienne et au niveau de leur système de santé.

A l’hôpital, nous avons appris à réaliser les soins techniques avec les moyens qu’ils avaient.

Après cela, nous étions envoyées en autonomie pour les réaliser. Nous n’avions aucun

moyen de communiquer verbalement avec les patients car nous ne savions pas parler le

khmer (sauf quelques mots tels que bonjour, merci et au revoir) et nous n’avions pas de

traducteur avec nous. Nous nous retrouvions démunies en termes de communication avec

les patients.

Page 9: la relation soignant-soigné

9

Ce manque de communication m’a également posé des questions : Sans communication

verbale, comment établir une relation de confiance ? Quelle importance a ma communication

non-verbale sur ma relation avec les patients ?

De plus nous avons remarqué une nette différence culturelle au niveau de la vision de la

santé. Tout d’abord, les patients viennent à l’hôpital en dernier recourt, lorsqu’ils sont

malades ou blessés, ils prient d’abord Bouddha pour leur rétablissement et c’est seulement

lorsque leur état est vraiment grave qu’ils consultent. De plus, le système de santé est

différent au Cambodge et la population est pauvre. Pour pouvoir être soigné à l’hôpital, la

famille paye chaque jour le lit du patient : le prix change entre un lit avec climatisation dans

une chambre à quatre patients ou un lit dans une chambre sans climatisation, un lit dans le

couloir ou un lit dans une pièce avec trente patients. Les cambodgiens ont peu de moyens

pour se payer des soins médicaux, ainsi ils ne considèrent pas ces soins comme une priorité

pour leur santé.

De plus, au départ j’ai été stupéfaite du stoïcisme des patients face à la douleur. Parfois, si

un patient venait à montrer qu’il avait mal lorsque je faisais la réfection de son pansement,

sa famille rigolait. J’ai appris plus tard, que dans leur culture asiatique, il ne faut pas montrer

sa douleur et sa souffrance pour éviter d’attirer l’attention des mauvais esprits. Ainsi la

douleur n’est pas autorisée dans leur culture. De ce fait, nous avons rarement vu de

thérapeutique antalgique, les patients faisaient en sorte de ne montrer aucun signe de douleur.

Ainsi, j’ai remarqué que selon notre culture nous n’exprimions pas tous la maladie et ses

symptômes de la même manière.

La famille était présente jour et nuit au chevet du patient et c’est elle qui s’occupe des soins

de confort et de bien-être, elle participait également lors des soins infirmiers.

Nous avons donc dû nous adapter et prendre connaissance de la représentation de la maladie

dans la culture cambodgienne. Toutes ces informations nous ont permis d’adapter nos prises

en charge afin de respecter leur culture.

Je me suis donc demandée : Nos attentes en termes de soins et notre vision de la santé sont-

elles définies par notre culture ? Quelles compétences ai-je employé pour parvenir à créer

une relation de soin avec ces patients ? Comment faire une évaluation clinique infirmière

fiable en prenant en compte l’expression culturelle des symptômes ?

Page 10: la relation soignant-soigné

10

3. Mon premier questionnement

Je me suis lancée dans mon travail de fin d’étude avec un questionnement large qui

aborde les problèmes que l’on peut rencontrer dans une prise en charge en contexte

d’interculturalité. Les premières questions que j’ai en tête sont regroupées en deux grandes

thématiques :

Questions sur les difficultés rencontrées avec un patient culturellement différent que le

soignant :

- Qu’est ce qui pose problème dans les prises en soins de patients qui ont une culture

différente que le soignant ? Quelles sont ces difficultés ?

- Quels facteurs entrent en jeu dans la relation soignant-soigné en situation

d’interculturalité ?

- Les soignants notent-ils une différence en matière de qualité des soins avec un patient

de culture différente ?

- Quels comportements adoptent les soignants ? Quelles qualités sont requises pour

des prises en charge en situation d’interculturalité ?

- Quel lien y a-t-il entre soin et culture ? Comment la culture peut impacter les soins ?

Questions sur les difficultés rencontrées avec un patient qui parle une langue différente que

le soignant :

- Qu’est ce qui pose problème dans la prise en charge d’un patient non francophone ?

- Comment communiquer avec un patient qui ne parle pas la même langue que nous ?

Comment obtenir son consentement, répondre à ses questions, lui expliquer sa prise

en charge ? Quelle est l’importance de la communication verbale et la

communication non-verbale ? Comment être certain de la bonne transmission des

messages ?

- La relation de confiance est-elle altérée sans communication verbale ?

Page 11: la relation soignant-soigné

11

Partie I. Enquête exploratrice

1. Premières recherches et légitimation du sujet

Tout d’abord, j’ai débuté ma phase exploratrice en faisant quelques lectures d’articles

qui traitaient ma thématique de sujet. De nombreux articles issus de revues scientifiques

traitent l’importance de ce problème actuel qui est la culture en milieu de soin.

En premier lieu, j’ai lu un article qui s’intitulait Aborder le concept de culture avec plus de

soin, écrit par Jean Pierre Collos (2018), docteur en anthropologie sociale et culturelle. Cet

auteur légitime les questions que je me pose en témoignant de la difficulté des soignants face

à un patient de culture différente. Il explique que les soignants se retrouvent déstabilisés face

à la barrière de la langue, les demandes de soins culturels particuliers et les refus de soins.

Ces difficultés font susciter de nombreux débats au sein des hôpitaux.

En second lieu, j’ai étudié l’article La barrière culturelle dans le soin, écrit par Lisa

Djadaoudjee (2013), infirmière en admission psychiatrique. Elle témoigne également de la

difficulté rencontrée par certains soignants face à la barrière de la langue mais également

face à la barrière culturelle qu’il faut considérer afin de prodiguer des soins de qualité.

D’après elle, ces difficultés sont telles que les soignants se retrouvent parfois mal à l’aise et

vont parfois jusqu’à l’évitement.

Ces difficultés que je relève dans la littérature scientifique justifie mon questionnement

initial et les problématiques que je relève dans mes situations d’appels.

Page 12: la relation soignant-soigné

12

2. Analyse des entretiens exploratoires et de la littérature

2.1 Choix des professionnels pour les entretiens

Afin de répondre à mes premières questions, j’ai effectué deux entretiens libres :

Je suis d’abord allée rencontrer une infirmière diplômée d’état (IDE) qui travaille depuis de

nombreuses années dans l’Unité Post Urgence de l’hôpital de Chambéry. J’ai choisi ce

service car c’est un service qui accueille des patients pour diverses raisons et parfois des

patients immigrés ou en situation de précarité, pour des problèmes somatiques ou

psychiatriques. Je citerai cette infirmière dans la suite de mon mémoire comme « IDE 1 ».

L’entretien s’est déroulé dans l’infirmerie du service et a duré quinze minutes car l’infirmière

était en poste de matin et n’avait donc pas beaucoup de temps à me consacrer.

J’ai ensuite réalisé mon second entretien avec une jeune infirmière diplômée d’état qui a

travaillé dans deux salles de réveil dans deux villes différentes (Grenoble et Belley). J’ai

choisi d’interroger cette infirmière car c’était ma tutrice en stage et mon sujet l’intéressait.

Je citerai cette infirmière dans la suite de mon mémoire comme « IDE 2 ». L’entretien s’est

déroulé dans la salle de pause du service et a duré trente minutes car elle était en poste

d’après-midi et des interventions chirurgicales étaient en cours.

2.2 Eléments recueillis lors des entretiens et dans la littérature

Mon entretien avec l’IDE 1 débute en discutant sur la prise en charge globale des

patients de cultures différentes. Elle me précise que « En tant qu’infirmière, il est

indispensable de respecter tous les patients dans leur intégralité. C’est-à-dire l’accueillir

tel qu’il est, peu importe sa culture, sa religion, ses appartenances sociales. Nous sommes

là pour leur apporter des soins car ils sont dans le besoin, nous ne sommes pas là pour juger.

A l’hôpital, le droit des patients fait en sorte que leur culture soit respectée dans la limite

du possible ».

Page 13: la relation soignant-soigné

13

En effet, l’article R4312-11 du Code de la Santé Publique concernant les règles

professionnelles stipule que :

L'infirmier doit écouter, examiner, conseiller, éduquer ou soigner avec la même

conscience toutes les personnes quels que soient, notamment, leur origine, leurs

mœurs, leur situation sociale ou de famille, leur croyance ou leur religion, leur

handicap, leur état de santé, leur âge, leur sexe, leur réputation, les sentiments qu'il

peut éprouver à leur égard ou leur situation vis-à-vis du système de protection sociale.

Il leur apporte son concours en toutes circonstances.

Il ne doit jamais se départir d'une attitude correcte et attentive envers la personne

prise en charge. (Article R4312-11 du Code de la santé publique)

2.2.1 La culture et sa place dans notre représentation de la santé

En premier lieu, il me semble indispensable de définir le terme de culture car c’est

tout autour de ce concept que s’articule mon sujet de mémoire.

La définition de E.B Tylor, anthropologue britannique, reprend les constituants essentiels de

la culture : « ensemble complexe incluant les savoirs, les croyances, l’art, les mœurs, le droit,

les coutumes, ainsi que toute disposition ou usage acquis par l’homme vivant en société ».

(E.B. Taylor, 1871)

D’après Madelaine Leininger (1991), la culture « englobe les valeurs, croyances, les normes,

et les modes de vie acquis, qui agissent, de certaines façons, sur la pensée, les décisions, et

les actions d’un individu » (cité par Héron M, 2010, p.39).

Dans son article Aborder le concept de culture avec plus de soin, Jean-Pierre Collos (2018)

donne une définition de la culture assez globale. Il explique que la culture permet à un

individu de « s’approprier le monde dans lequel il évolue ainsi que le monde invisible qu’il

ne peut que se représenter » et qu’elle est « fonction des valeurs familiales transmises ». De

plus il précise que la culture « n’est pas hermétique, elle est en permanence influencée par

d’autres cultures », elle dépend également des « interactions avec les autres et de sa

situation », elle « se transforme avec son parcours, ses rencontres, les influences qu’il subit,

les choix qu’il peut faire ». (Collos J.P, 2018).

Page 14: la relation soignant-soigné

14

En d’autres termes, chaque individu à une identité culturelle qui lui est propre, avec ses

propres représentations, et qui n’est pas immuable. La culture n’est pas définie par le pays

d’origine de l’individu, la culture est individuelle et unique.

Comme j’ai pu l’observer lorsque j’étais au Cambodge, selon notre culture nous

n’avons pas les mêmes perceptions en termes de santé et donc pas les mêmes attentes et

besoins en matière de soins. La culture relève du domaine de l’inconscient et confère une

influence directe ou indirecte sur les perceptions que l’on a de la santé, de la maladie et de

la mort. C’est également la culture qui explique les croyances sur les causes et manières de

soigner la maladie, ce qui implique le type de traitements préférés. Elle a un rôle dans notre

expérience et expression de la douleur.

Par exemple, en occident, la maladie est vue comme une injustice et les soins sont

développés pour lutter contre celle-ci. Alors qu’en Afrique Subsaharienne, la maladie est

vue comme l’œuvre de mauvais sorts ou d’ancêtres qui envoient un message, ainsi l’aide

d’un sorcier peut être réclamée. Pour finir, en Asie, la maladie est le résultat d’une mauvaise

gestion des émotions ou d’un mauvais sort quand la personne n’a pas vénéré ses ancêtres.

Ainsi, les représentions que le patient a de sa maladie et de sa santé peuvent influencer son

hospitalisation et son adhésion aux soins. Parfois, certaines pratiques liées à la culture du

patient ne sont pas compatibles avec l’hospitalisation. Il est important d’avoir notion de la

culture de l’autre afin d’éviter les incompréhensions mutuelles.

2.2.2 Problématique de soin liée à la barrière linguistique

Ensuite, lors de mes entretiens, nous avons abordé le thème de la barrière de la langue

dans les soins. L’IDE 2 m’a expliqué que la barrière de la langue lui posait grandement

problème car cela lui empêche de communiquer avec les patients pour comprendre leurs

besoins ou pour expliquer les soins qu’elle leurs apporte. Elle ajoute que cela entraine parfois

un sentiment d’agression chez ces patients car ils ne comprennent pas les soins et que cela

lui fait ressentir un sentiment d’impuissance. L’IDE 2 rejoint le même discours que l’IDE 1

en rajoutant qu’elle rencontre souvent des difficultés pour réaliser les check-lists en

préopératoire ce qui entraine des risques pour le patient et à évaluer les critères de sortie de

salle de réveil en post-opératoire.

Page 15: la relation soignant-soigné

15

Brigitte Bourgeois (2016), dans son article La créativité des soignants face à la barrière

linguistique, témoigne également des conséquences de la barrière linguistique : les soignants

réduisent leurs informations à l’essentiel, ce qui peut être mal interprété par le patient et donc

créer de l’anxiété ou de l’agressivité chez lui. Ceci peut également entrainer une frustration

pour le soignant qui a l’impression ne pas répondre aux besoins du patient et qui n’arrive pas

à obtenir sa compliance ou son consentement libre et éclairé.

L’IDE 1 m’explique les stratégies qu’elle utilise en service pour réduire les obstacles

de la barrière linguistique. Le plus souvent elle essaie de communiquer à l’aide de la

communication non-verbale par l’utilisation de mime ou geste.

En effet, d’après les travaux d’Albert Mehrabian, psychologue, la communication verbale

est minoritaire dans un échange : 7% de la communication est verbale par la signification

des mots, 38% est vocale par l’intonation et le son de la voix et 55% de la communication

est visuelle par les expressions du visage et du langage corporel.

Une partie du message peut être transmise mais il n’est pas possible d’être certain de sa

compréhension exacte vu qu’environ 50% passe par le verbal et le vocal. Les risques à

l’utilisation de gestes ou mimes sont que le professionnel peut avoir le sentiment de s’être

fait comprendre sans être réellement compris par le patient.

De plus, l’IDE 1 m’explique qu’ils ont recours à la famille du patient lorsque c’est possible

pour établir une communication. L’IDE 2 m’apprend qu’il existe une liste à l’hôpital où est

répertorié le nom des soignants qui savent parler certaines langues.

Brigitte Bourgeois (2016) dans son article introduit la notion d’interprétariat. Elle décrit 4

types d’interprétariat pour pallier à la barrière linguistique :

- Le recours à des soignants bilingues, qui ne sont pas toujours disponibles mais tenus

au secret professionnel

- Le recours à des interprètes non professionnels tels que les proches du patient.

- Le recours à des interprètes professionnels (rattachés à l’établissement)

- Le recours à des interprètes généraux (contactés à distance par téléphone)

Je me pose alors la question : Qu’en est-il du secret professionnel lorsque l’on fait

appel à la famille ? Et comment être certain de la bonne transmission du message médical ?

Le secret professionnel est une obligation légale encadré par l’article L.1110-4 du Code de

la Santé Publique : « Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement,

Page 16: la relation soignant-soigné

16

un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit

au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. » (Article L.1110-4

du Code de la santé publique)

La Haute Autorité de Santé (HAS) définit les limites à l’utilisation d’un tiers non formé à

l’interprétariat. En effet le cadre déontologique n’est pas garanti car la fiabilité du message

traduit n’est pas présente. De plus les règles de confidentialité et de secret professionnel ne

sont pas respectées. Le risque étant aussi que le patient ne se confie pas entièrement car ne

souhaite pas que ses proches soient tenus au courant. Néanmoins, dans certaines situations,

il faut respecter que le patient souhaite que ce soit un de ses proches l’interprète.

L’article D. 1110-6 du Code de la Santé Publique, issu du décret n° 2017-816 du 5 mai 2017,

donne une définition de l’interprétariat linguistique dans le domaine de la santé :

L'interprétariat linguistique dans le domaine de la santé désigne la fonction

d'interface, reposant sur des techniques de traduction orale, assurée entre les

personnes qui ne maîtrisent pas ou imparfaitement la langue française et les

professionnels intervenant dans leur parcours de santé, en vue de garantir à ces

personnes les moyens de communication leur permettant d'accéder de manière

autonome aux droits prévus au présent titre, à la prévention et aux soins.

L'interprétariat linguistique dans le domaine de la santé garantit aux professionnels

de santé les moyens d'assurer la prise en charge des personnes qui ne maîtrisent pas

ou imparfaitement la langue française dans le respect de leurs droits prévus au présent

titre, notamment du droit à l'information, du droit au consentement libre et éclairé,

du droit au respect de leur vie privée et au secret des informations les concernant.

(Article D1110-6 du Code de la Santé Publique)

L’HAS a élaboré un référentiel de compétences et de bonnes pratiques dans l’interprétariat

linguistique dans le domaine de la santé.

Dans ce référentiel, il est expliqué que le meilleur moyen pour dépasser la barrière

linguistique est d’avoir recours à un interprète professionnel qui permet de garantir un moyen

de communication efficace qui limite les risques d’erreurs de transmission ou de non

restitution de la totalité des énoncés. L’interprétariat par un professionnel respecte un cadre

Page 17: la relation soignant-soigné

17

professionnel avec une prise en charge respectueuse des droits du patients : droit à

l’information, consentement libre et éclairé, secret médical respecté.

« L’interprète dans le milieu de la santé restitue les discours dans l’intégralité du sens, avec

précision et fidélité, sans addition, omission, distorsion ou embellissement du sens. » (HAS,

2017). « L’interprète dans le milieu de la santé a un devoir de confidentialité concernant

toute information entendue ou recueillie. Il est soumis au secret professionnel de la même

manière que les acteurs auprès desquels il est amené à intervenir. » (HAS, 2017).

Les limites sont un manque de disponibilité pour une pratique en face-à-face, qui ne convient

donc pas pour un besoin immédiat.

Il faut avoir conscience de ces limites lorsqu’il y a la présence d’une barrière linguistique et

être prudent dans l’utilisation de moyens de communication à disposition.

Pour finir, je trouve intéressant l’avis de Latifa Es-Safi, chercheuse en médiation culturelle,

qui souligne que : « L’interprétariat ne se limite pas à la traduction linguistique. Il s’agit

aussi de l’interprétation des univers culturels de chaque individu. Les codes culturels

propres sortent du contexte purement linguistique » (Es-safi L, 2001). En effet il faut avoir

notion que le message verbal peut avoir une signification différente selon l’interprétation

culturelle que l’on en fait.

2.2.3 Problématique de soin liée à la barrière culturelle

Une barrière culturelle peut apparaitre dans les soins dès lors que le soignant et le

soigné ne partage pas la même. Pour comprendre ce concept, je me suis appuyée sur les

travaux de Margot Phaneuf, professeure de sciences infirmières :

Les différences culturelles et religieuses qui nous séparent sont parfois difficiles à

concilier avec notre façon de vivre et d’envisager les soins de santé. De prime abord,

nos manières d’être et nos valeurs comme soignantes peuvent créer de

l’incompréhension. Les membres de certaines communautés sont même parfois

suspicieux par rapport au personnel et aux soins dispensés qui diffèrent de ceux plus

traditionnels et leur pays d’origine. (…) Ces différences créent parfois des conditions

relationnelles difficiles. (Phaneuf M. 2013, p.1)

Page 18: la relation soignant-soigné

18

En effet, la barrière culturelle peut avoir un impact négatif lorsqu’elle est présente en milieu

de soin. Le soigné et le soignant, tous deux acteurs dans la relation de soin, peuvent se

retrouver confrontés à des différences de valeurs et représentations qui peuvent directement

impacter la prise en charge si tous deux n’identifient et n’acceptent pas l’identité culturelle

de l’autre.

Cette barrière culturelle ne peut se dissoudre car aucun des acteurs n’a à changer sa culture

pour entrer en relation avec l’autre. C’est alors que je me demande : comment créer une

relation de soin lorsque le soignant et le soigné ne partage pas la même culture ?

Dans les prises en charge de patients de culture différente, ce sont donc deux cultures

qui se rencontrent : celle du soignant et celle du soigné. On parle alors d’interculturalité.

Gérard Marandon, professeur de psychologie, donne une définition de ce concept :

La notion d'interculturalité, pour avoir sa pleine valeur, doit, en effet, être étendue à

toute situation de rupture culturelle — résultant, essentiellement, de différences de

codes et de significations —, les différences en jeu pouvant être liées à divers types

d'appartenance (ethnie, nation, région, religion, genre, génération, groupe social,

organisationnel, occupationnel, en particulier). Il y a donc situation interculturelle

dès que les personnes ou les groupes en présence ne partagent pas les mêmes univers

de significations et les mêmes formes d'expression de ces significations, ces écarts

pouvant faire obstacle à la communication. (Marandon G., 2003, p. 266)

➢ Les représentations :

J’identifie les difficultés liées à la barrière culturelle grâce au dire des infirmières que

j’ai interrogées. L’IDE 2 me témoigne que très souvent les soignants agissent selon les

représentations qu’ils se font de la culture du soigné : « Parfois, selon la nationalité du

patient, j’imagine que dans sa culture il a certaines coutumes et je fais selon mes

représentations. Alors que plus tard, en apprenant à le connaitre, tu te rends compte que ce

n’était pas le cas » (IDE 2)

L’IDE 1 me partage également : « Souvent je me rends compte que je fais un étiquetage

selon les noms de famille et prénoms. Je me dis qu’il est de telle nationalité donc il aura

certaines habitudes alimentaires et nous anticipons sur la commande de repas particulier.

Page 19: la relation soignant-soigné

19

Alors que je sais très bien que ce n’est pas parce que l’on a telle nationalité que l’on pratique

la religion, que l’on mange et vit comme ça, que l’on a telles coutumes ou pratiques. »

(IDE1)

En effet, il est fréquent de voir naitre des stéréotypes et des préjugés à cause des

représentations dans les milieux de soins.

Selon J-P. Leyens, professeur de psychologie sociale : « Les stéréotypes sont des croyances

partagées au sujet des caractéristiques personnelles, généralement des traits de

personnalité́, mais aussi souvent des comportements, d’un groupe de personnes. » (J-P

Leyens et al, 1991). Il précise également qu’il est normal d’avoir des stéréotypes, mais que

ceux-ci peuvent devenir néfastes s’ils apparaissent en tant que jugement.

Le problème étant que les soignants peuvent interpréter des comportements en fonction des

stéréotypes qu’ils ont et donc au détriment des caractéristiques individuelles du soigné.

Ce qui peut également interférer dans la relation interculturelle, est l’ethnocentrisme.

Je retrouve une définition simple dans le Larousse : « Tendance à privilégier les normes et

valeurs de sa propre société pour analyser les autres sociétés. » (Larousse, 2020).

Claude Lévi-Strauss, anthropologue et ethnologue français, en donne une définition :

L’attitude la plus ancienne, et qui repose sans doute sur des fondements

psychologiques solides puisqu’elle tend à réapparaître chez chacun de nous quand

nous sommes placés dans une situation inattendue, consiste à répudier purement et

simplement les formes culturelles : morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui

sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. (Strauss, 1952)

Cette attitude peut avoir un impact important dans une prise en charge interculturelle, elle

peut engendrer des jugements de valeurs et des conflits.

Ainsi, l’infirmier doit faire preuve d’une ouverture d’esprit pour accueillir toute personne

sans discrimination. Pour lui proposer des soins personnalisés, respectueux de ses valeurs, il

doit comprendre l’influence de sa culture. Cette capacité relationnelle n’est pas compatible

avec une vision ethno centrée du monde.

Page 20: la relation soignant-soigné

20

➢ Les compétences employées pour améliorer la relation interculturelle :

Je demande aux deux infirmières que j’ai interrogées quelles qualités elles mettent

particulièrement en place dans une prise en soin avec un patient de culture différente.

L’IDE 1 m’explique que pour créer une relation, il est nécessaire de se montrer patient et à

l’écoute des besoins de l’autre. De plus, elle m’explique que cela nécessite de savoir

particulièrement s’adapter et se montrer tolérant. En effet, elle me donne des exemples de

situations de soins qu’elle a vécu, comme adapter ses soins en fonction des heures de prières,

aller faire une toilette à une patiente car il n’y avait qu’un seul aide-soignant et la patiente

refusait de se mettre nu devant un homme. L’IDE 2 insiste également sur la capacité à savoir

s’adapter et d’avoir confiance en soi. Elle argumente en m’expliquant qu’elle a parfois été

obligée de prendre le relais d’une de ses collègues qui refusait de rentrer dans une chambre

où la famille était présente en grand nombre car elle disait avoir peur d’eux. Elle m’explique

qu’il faut se montrer ouvert d’esprit et aller à la rencontre de l’autre en lui montrant de

l’intérêt pour éviter les conflits.

Toutes deux se rejoignent en témoignant qu’elles ne se sentent pas assez formées pour ces

prises en charge qui nécessitent d’avoir certaines compétences et connaissances.

C’est alors que je me demande, quelles compétences mettre en place dans un contexte

d’interculturalité ?

De plus, elles m’ont informé n’avoir eu aucune formation spécifique pour les soins en

situation d’interculturalité. L’IDE 2 m’explique qu’elle fait comme tout le monde dans une

situation inhabituelle : « Je fais de mon mieux, mais c’est sûr que l’on aurait tous besoin

d’avoir une formation pour ces prises en charge, cela éviterait les conflits par

méconnaissance ou incompréhension » (IDE 2).

Page 21: la relation soignant-soigné

21

3. Synthèse de la phase exploratoire et problématisation

Mes premières questions étaient globales afin d’analyser tous les problèmes que l’on

pouvait rencontrer avec un patient culturellement différent. J’avais thématisé mon

questionnement en deux parties : l’impact de la barrière de la langue et l’impact de la barrière

culturelle dans la relation soignant-soigné en situation d’interculturalité.

A travers mes recherches et mes entretiens, j’ai pu répondre à certaines de mes questions.

Ma première question était de savoir quels problèmes pouvait-on rencontrer dans la

prise en charge d’un patient non francophone. En effet, au travers de mes lectures et de mes

entretiens, j’ai découvert que la barrière linguistique posait indéniablement problème. Lors

de mes entretiens, les infirmières m’ont rapporté une difficulté pour connaitre les besoins de

ces patients, recueillir leur consentement et établir une relation de confiance. J’ai également

relevé ce problème lors de mes situations vécues en stage. Dans mes lectures, j’ai également

soulevé l’impact de ces problèmes : les informations transmises sont réduites à l’essentiel,

les soignants se sentent démunis car ils prodiguent des soins sans être certain de répondre

aux besoins du patient. D’après les travaux d’Albert Mehrabian, certes, la communication

verbale est minoritaire dans un échange (7%) mais elle ne peut pas être négligée pour autant.

D’autant plus dans les milieux des soins où la communication verbale à toute son importance

pour établir une relation et recueillir des éléments essentiels pour les prises en charge (recueil

de données, consentement, transmissions d’informations relatives à la maladie, explication

de la prise en charge, évaluation des signes et symptômes). Cela me pose question : quel est

l’impact de l’absence de communication sur la relation soignant-soigné et sur la santé d’un

patient ? Comment faire de la prévention ou de l’éducation (rôle propre infirmier) dans une

condition de communication verbale impossible ?

Je m’étais posée la question de comment communiquer avec un patient dans une situation

où la communication verbale n’est pas possible. Les infirmières que j’ai interrogées m’ont

expliqué avoir recours à la famille ou à la communication non-verbale, comme je le faisais

lorsque j’étais au Cambodge. De plus, lorsque c’est possible les infirmières me disaient faire

appel à un soignant traducteur. L’HAS a défini les limites à l’utilisation d’un tiers non

formé : non fiabilité de la traduction et non-respect des règles de confidentialité. Et la

communication à l’aide du non-verbale (gestes, mimes) rend la fiabilité des informations

incertaine. Les recommandations sont l’utilisation d’interprétariat professionnel. Cependant

Page 22: la relation soignant-soigné

22

lors de mes entretiens sur le terrain, aucune des infirmières m’a expliqué avoir recours à

cette solution. Je me demande alors pourquoi ces recommandations ne sont pas mises en

place dans les services pour faciliter la communication dans ces situations ? Peut-être par

manque de moyens et par une difficulté à mettre en place ces dispositifs.

En second lieu, mes questions étaient axées sur les problèmes liés à la culture dans

les milieux de soins. J’ai d’abord étudié le lien entre culture et santé. J’ai découvert que

celle-ci à une importante influence sur la perception de la santé, les attentes et les besoins en

soin. Selon les cultures, les représentations de la maladie, les façons de l’exprimer et de la

prendre en charge seront différentes. J’ai ensuite étayé l’impact de la barrière culturelle dans

les relations de soins. En effet mes lectures à ce sujet ont démontré que lorsque deux

personnes ne partagent pas la même culture, il peut apparaitre des désaccords, des

maladresses, des incompréhensions, des conflits. Les infirmières que j’ai interrogées sont

unanimes pour dire qu’elles rencontrent régulièrement des problèmes dans les prises en

charge quotidiennes avec des patients de culture différente. Les soignants sont parfois

confrontés à des demandes de soins particulières, des refus de soins, une prise en charge de

la famille parfois difficile, une incompréhension de certaines pratiques. Je m’étais interrogée

sur les facteurs qui pouvaient engendrer ces difficultés. Les infirmières que j’ai interrogées

m’ont toutes les deux témoignées agir selon les représentations qu’elles avaient de la culture

du patient. En effet c’est une notion que j’ai souvent retrouvée dans mes lectures. Ceci peut

empêcher le soignant de s’intéresser à la singularité du patient et le pousser à agir simplement

selon ses représentations. C’est alors que je me demande comment réaliser une prise en

charge personnalisée du patient ? Un recueil de données intégrant la dimension culturelle du

patient ne serait pas nécessaire pour apporter des soins personnalisés ?

Ensuite je m’étais interrogée sur les qualités nécessaires dans une prises en charge en

contexte d’interculturalité. Les infirmières m’ont expliqué qu’il était important de savoir

s’adapter et se montrer tolérant. Mais elles ressentent un manque de formation pour ces

prises en charges. De supports théoriques existent pour développer des compétences en

contexte d’interculturalité mais les soignants ne semblent pas informés. Je me demande

alors, quelles compétences acquérir pour diminuer les difficultés dans les soins

interculturels ?

La place de la barrière linguistique et donc de la communication verbale dans une

relation de soin est un sujet qui m’intéresse énormément mais approfondir mes recherches

Page 23: la relation soignant-soigné

23

sur ce sujet nécessiterait de faire un deuxième travail de fin d’étude. Il était nécessaire que

j’explore cette thématique car c’est une problématique à considérer lors d’une prise en

charge d’un patient culturellement différent. Je choisis de ne pas approfondir ces questions

sur la barrière linguistique mais plutôt mes questions liées à une différence culturelle dans

les soins. L’interculturalité est une thématique qui me passionne énormément. Après cette

phase exploratoire élargie, je choisis d’approfondir mon questionnement sur la place de la

culture dans la relation soignant-soigné et particulièrement sur les compétences que cela

nécessite pour apporter un soin interculturel de qualité.

Problématique et hypothèses :

A ce stade de ma recherche, il me semble que le principal problème est que les

soignants sont exposés à des barrières culturelles et donc à des différences culturelles qui

peuvent engendrer des conflits, des évitements, des incompréhensions, des représentations,

des stéréotypes, des refus de soins et donc impacter la relation de soin. Ce sera ma

problématique de départ pour ma phase d’approfondissement.

Mes hypothèses sont que ce problème vient de la difficulté d’appliquer les

compétences culturelles, peut-être par manque de connaissances, de compétences, de temps,

de moyens, d’outils, d’expériences et par manque de communication et d’informations sur

la personne soignée pour connaitre ses besoins et attentes.

Je suppose que les soignants manquent de temps pour établir un recueil de donné avec le

patient ce qui entraine un manque d’informations qui empêche une bonne compréhension

des attentes du patient. Par manque de temps, je suppose également un manque de

communication qui entraine des incompréhensions. Ensuite, je suppose qu’il n’y a pas assez

de formations aux compétences culturelles et donc parfois une non-application de ces

compétences par simple méconnaissance et/ou par manque de formation. Enfin, je suppose

que les expériences personnelles ou professionnelles en interculturalité favorisent ensuite

l’approche culturelle du soignant face à un patient culturellement différent. Peut-être que

celles-ci réduisent les peurs et évitements et favorisent le développement de qualités

nécessaires en interculturalité afin d’améliorer les prises en charge.

A travers mes hypothèses, je vais pouvoir approfondir ma recherche sur les compétences

culturelles infirmières afin d’analyser leurs importances pour établir une relation de qualité

en contexte d’interculturalité. De plus, mes entretiens semi-dirigés vont me permettre de

confronter ce qui est dit dans la littérature et comment cela se passe en réalité sur le terrain.

Page 24: la relation soignant-soigné

24

Mes questions actuelles sont :

- Quelles sont les compétences infirmières à développer pour établir une relation

soignant-soigné interculturelle ? En quoi ces compétences permettent d’améliorer la

relation soignant-soigné ?

- Comment développer sa compétence culturelle infirmière ? Qu’est ce qui qualifie un

soignant de compétent en matière de soin culturel ?

- Comment réaliser une prise en soin de qualité en situation d’interculturalité ?

- Quelles difficultés rencontrent les soignants pour mettre en application ces

compétences culturelles ?

- Une fois que les connaissances et les compétences culturelles infirmière sont

acquises, n’y a-t-il plus de problème dans la prise en charge d’un patient

culturellement différent ?

Page 25: la relation soignant-soigné

25

Partie II. Enquête approfondie

1. Choix des professionnels pour les entretiens semi-dirigés

En premier lieu, j’ai interrogé une infirmière de la Permanence d'accès aux soins de

santé (PASS) de Chambéry.

D’après l’Agence Régionale de Santé (ARS), les PASS « proposent un accueil

inconditionnel et un accompagnement dans l’accès au système de santé des personnes sans

couverture médicale ou avec une couverture partielle. Leur rôle est de faciliter l’accès aux

soins des personnes démunies et de les accompagner dans les démarches nécessaires à la

reconnaissance de leurs droits. ». (https://www.ars.sante.fr/les-permanences-dacces-aux-

soins-de-sante-0)

En effet, la PASS prend en charge des patients en situation difficile, souvent en situation de

précarité. Les soignants de la PASS sont donc régulièrement en contact avec des patients qui

ont une culture bien différente de la leur. J’ai choisi d’interroger une des infirmières de ce

service car je suppose que ce sont des professionnels compétents en matière de soins

interculturels et ainsi elle pourra me renseigner sur les problématiques qu’elle rencontre

malgré ses compétences. L’entretien s’est déroulé par téléphone, au vu de la crise sanitaire

due au COVID-19. L’appel a duré une heure et vingt minutes. Je nommerai cette infirmière

« IDE 3 ».

En second lieu, j’ai interrogé une jeune infirmière diplômée en juillet 2019 qui

travaille en service de traumatologie. J’ai choisi de l’interroger car je savais qu’elle était

partie réaliser un stage à l’étranger pendant sa formation et je souhaitais analyser l’influence

de son expérience sur son quotidien professionnel actuel.

L’entretien s’est également déroulé par téléphone et a duré quarante minutes. Je nommerai

cette infirmière « IDE 4 ».

Le guide d’entretien que j’ai suivi pour guider mes entretiens semi-dirigés est retranscrit en

Annexe 1.

J’ai établi un tableau comparatif des informations récoltées lors de ces deux entretiens en

Annexe 2.

Page 26: la relation soignant-soigné

26

2. La compétence culturelle infirmière

Pour commencer mon enquête approfondie, j’ai d’abord cherché à répondre à ma

première question qui portait sur ce qu’étaient les compétences culturelle infirmière.

D’après Guy Le Boterf (1998), une compétence est définie comme : « un savoir agir dans

une situation professionnelle complexe en vue d’une finalité » (cité par Héron M, 2010, p39).

Développer une compétence interculturelle c’est développer une approche qui permet de

mieux rejoindre le patient dans ses besoins de santé et qui permet d’élaborer des stratégies

d’interventions acceptables pour lui.

La compétence interculturelle se définit comme le développement d’une prise de

conscience de notre propre existence, de nos sensations, de nos pensées et de notre

environnement sans influence indue sur les personnes d’une autre origine tout en

démontrant la connaissance et la compréhension de leur culture, en acceptant et en

respectant leurs différences culturelles et en adoptant des soins congruents avec leur

culture. (L. D. Purnell, B. J. Paulanka, 1998)

Selon Margot Phaneuf, la compétence interculturelle permet d’apporter des soins

interculturels qui :

Se situent dans un processus dynamique de respect, d'interaction et d'échanges où les

intervenants de la santé doivent être sensibles aux différences d'ordre culturel,

linguistique, d’organisation familiale et sociale, de leurs codes de conduite

(reconnaissance de l’autorité, respect des parents, politesse, honneur, dignité,

pudicité des femmes), de leur perceptions et interprétations traditionnelles des

problèmes de santé et de leurs traitements. (Margot Phaneuf, 2013, p.4)

Les soins interculturels sont une manière éclairée de comprendre la réalité des autres

et de les aider avec ouverture d’esprit, mais sans perdre de vue nos propres valeurs.

C’est une manière d’accueillir l’autre dans sa différence, d’entendre et de

comprendre ses besoins et d’y apporter des réponses adaptées, dénuées de stéréotypes

et de préjugés. (Margot Phaneuf, 2013, p.25)

Page 27: la relation soignant-soigné

27

Dans le modèle transculturel de Purnell, la compétence culturelle signifie :

1) devenir conscient de sa propre existence, de ses sensations, de ses pensées et de

son environnement sans laisser transparaître l’influence indue de sources extérieures

2) démontrer une connaissance et une compréhension de la culture du client ;

3) accepter et respecter les différences culturelles

4) adapter les soins de façon congruente avec la culture du client. La compétence

culturelle est un processus conscient et non nécessairement linéaire. (Purnell, 1998)

J’appuie ces définitions théoriques avec ce que m’apprend l’IDE 3 de la PASS. Selon elle,

les compétences spécifiques à acquérir pour une prise en charge interculturelle sont : être

respectueux de l’identité de l’autre et de sa dignité, se connaître soi et son identité culturelle

pour pouvoir accepter l’autre dans sa différence, avoir un savoir-faire de communication

pour trouver un terrain d’entente par négociation, être patient et questionner le patient pour

recueillir des informations afin de personnaliser son projet de soins.

Dans mes hypothèses, j’ai abordé le problème lié à une méconnaissance de l’autre.

En effet, en manquant d’informations sur la personne soignée, il peut survenir des

incompréhensions pour le soignant. Ceci peut ensuite entrainer des malentendus au sein de

la relation soignant-soigné et donc provoquer chez le patient un manque de confiance, des

refus de soins et une inobservance thérapeutique, une rupture de suivi.

Afin d’éviter ces problèmes, il me semble évident qu’il faut élaborer un recueil de donné

pertinent pour mettre en pratique les critères qu’énumère Purnell.

Myriam Héron (2010), cadre infirmier formateur en IFSI, dans un article nommé

Accompagner les patients de culture différentes, l’exprime en expliquant que ce recueil de

données doit comporter les éléments clés pour une prise en charge personnalisée avec la

dimension culturelle.

Ces éléments sont : la communication (le langage verbale et corporel), l’espace (gestion de

la proximité, pudeur verbale et physique), le temps (organisation d’une journée, activités

quotidiennes, rituel), le corps et ses variations biologiques (représentations et place du corps,

préférences alimentaires, soins divers), le contrôle de l’environnement (acceptation et

réactions aux soins, représentations culturelles de la maladie et du système de soins),

Page 28: la relation soignant-soigné

28

l’organisation sociale (présence et organisation familiale, du groupe et/ou de la communauté,

relations, place de l’entourage dans la maladie et soins quotidiens).

Tous ces éléments sont nécessaires d’être connus par le soignant afin de proposer des actions

de soins ciblées sur la personne.

Plusieurs modèles théoriques existent, tels que celui de Virginia Anderson souvent utilisé.

Mais d’autres modèles théoriques ont vu le jour, tel que celui de Purnell ou de Madeleine

Leninger qui sont élaborés afin de proposer une trame d’analyse qui facilite le repérage des

différents éléments du système culturel du patient.

➢ Modèle transculturel de Purnell (Annexe 3) :

Je me suis penchée sur les écrits de Ginette Coutu-Wakulczyk, professeur agrégée à

l’université d’Ottawa, pour comprendre ce modèle conceptuel qui permet un cadre de

référence pour l’apprentissage des particularités culturelles chez un individu dans les

disciplines de la santé.

Celui-ci est représenté sous forme de cercle avec quatre cerceaux l’un dans l’autre.

- Le cercle le plus externe représente la société dans sa globalité : se rapportant à la

communication, la politique mondiale, les conflits, les désastres naturels, les

échanges internationaux, les sciences, l’économie et les avancées technologiques.

Celle-ci modifie la perception du monde d’un individu, change ses habitudes de vie,

d’une manière consciente ou non.

- Le second cercle représente la communauté : c’est un groupe de personnes

demeurant dans une localité et possédant une identité et un intérêt commun. La

communauté possède des caractéristiques physiques (aspect géographique de la

localité), sociales (l’économie, la religion, la politique, les générations, l’état civil)

et symboliques (langue, habitudes de vie, habillement, art, musique). Elle maintient

une vision commune du monde par assimilation et adaptation.

- Le troisième cercle constitue la famille : celle-ci se définit par des personnes

émotionnellement reliées. Elle peut inclure des liens de parenté avec ou sans liens

directs de sang ou de mariage. La structure et les rôles dans la famille changent selon

l’âge, l’état civil, la génération, la localisation des membres.

Page 29: la relation soignant-soigné

29

- Le quatrième cercle le plus central représente la personne : divisé en douze

parties qui se rapportent à un domaine culturel particulier et aux concepts reliés : Vue

générale (sommaire/localité habitée et topographie), communication, rôles et

organisation de la famille, questions relatives à la main d’œuvre, écologie bio

culturelle, comportements à risques élevés pour la santé, nutrition, grossesse et

pratiques reliées à la maternité, rituel mortuaire, spiritualité, pratiques de soins de

santé, travailleurs de la santé.

Ces douze parties sont des concepts communs à toutes les cultures et qui sont

impliqués pour la santé.

La personne est considérée comme un être humain bio-psycho-socioculturel en

permanente adaptation. Chaque composante peut changer au cours de sa vie.

- Pour finir, un point noir au centre du cercle représente les phénomènes inconnus tout

de même présents et significatifs de la culture.

Ce modèle permet de donner une trame pour la prise en charge selon tous ses aspects

culturels. Chaque item permet de mieux connaitre et comprendre la personne qui est

singulière dans sa personnalité et permet de donner des explications sur sa personnalité que

nous pourrions ne pas comprendre à cause de notre propre identité culturelle.

Il permet l’analyse des données culturelles de la personne et permet dans le domaine de la

santé d’adapter le plan de soin pour que les soins respectent les besoins du patient.

➢ Modèle conceptuel en soins infirmiers de Madeleine Leininger (Annexe 4)

Pionnière dans l’élaboration des théories des modèles transculturels de soins et

fondatrice de la méthodologie de recherche qualitative nommée « Ethnonursing »,

Madeleine Leininger, infirmière chercheur, a développé un modèle conceptuel à la fin des

années soixante-dix. Pour comprendre ce modèle, je m’appuie sur les écrits de Christophe

Debout, cadre de santé et professeur des sciences infirmières et paramédicales à l’Ecole des

hautes études en santé publique à Paris qui a fait plusieurs articles pour décrire les travaux

de Madeleine Leininger.

Ce modèle s’appelle « Sunrise model », il est fondé sur l’articulation de trois notions : la

culture, le care et le caring. Le soin est le care et les soins infirmiers sont le caring, ils sont

Page 30: la relation soignant-soigné

30

en corrélation avec la culture, ce qui permet la conception d’un projet de soins infirmiers

culturellement respectueux des besoins et attentes du patient.

Ce modèle permet une trame d’analyse pour repérer les différents éléments du système

culturel du patient qui sont des facteurs susceptibles d’influencer les comportements de santé

et de soin dans une culture. Ces facteurs sont répartis en demi-cercle du soleil : la

technologie, la religion et la philosophie, les liens sociaux et familiaux, l’éducation,

l’économie, la politique et la législation, les valeurs culturelles/croyances et les modes de

vie dans le contexte environnemental et historique.

Après avoir compris le système culturel du patient en identifiant ses besoins et ses attentes

en matière de soins, l’infirmière prend une décision clinique qui comporte trois cas de

figure :

- La préservation/entretien des soins culturels : l’infirmière conforte le patient dans

son système culturel et dans ses comportements car cela ne va pas à l’encontre du

projet de soin proposé

- L’aménagement/négociation des soins culturels : cela est mis en place pour que le

patient modifie certains aspects de son système culturel qui sont jugés peu favorables

pour l’obtention de résultats cliniques satisfaisants

- Le remodelage/restructuration des soins culturels : mis en place si le système culturel

du patient est jugé néfaste à sa santé, l’infirmière proposera une restructuration de

son système

Ces cas de figures décisionnels ont la volonté de proposer au patient de modifier ses attitudes

et comportements, si et seulement si, cela est nécessaire pour l’atteinte d’un meilleur résultat

au niveau de sa santé ou bien-être.

Ces deux modèles que j’ai présentés sont, pour moi, très intéressants. Ils permettent

de développer un relativisme culturel et de s’immerger dans le cadre de référence du patient

pour le comprendre. Chercher à connaitre au mieux le patient permet d’éviter d’être dans

une attitude ethnocentrique en prodiguant des soins qui nous semblent utiles à nos yeux de

soignant mais pas en corrélation avec l’identité du patient, ce qui est donc néfaste à la qualité

des soins. De plus, en étant dans la quête de compréhension, ceci montre au patient que l’on

s’intéresse à lui, que l’on cherche à être respectueux de son identité et donc permet de créer

une relation de confiance. En s’intéressant à la vision du monde du patient, cela permet de

donner du sens à ses besoins et donc inclue une meilleure compréhension entre soignant-

Page 31: la relation soignant-soigné

31

soigné. Selon Madeleine Leninger, le caractère culturellement adapté d’un soin infirmier est

gage de sa qualité.

L’IDE 4 m’explique que dans son service de traumatologie, les soignants font en sorte de

respecter la culture du patient. Lorsqu’ils font le recueil de données, les besoins particuliers

du patient sont intégrés au projet de soin et ils notent les particularités sur les feuilles de

transmission afin que tous les soignants agissent de la même manière (exemple : douche que

par des femmes, régime alimentaire particulier).

Je mets en Annexe 5 un questionnaire avec des questions types qu’il est possible de poser

au patient pour élaborer le recueil de données.

Après avoir pris connaissance de ces compétences culturelles infirmière, je me suis

demandée : Qu’est ce qui donne le « diplôme » de ces compétences ? Comment qualifier un

soignant de compétent en matière de soins interculturels ?

Dans le modèle transculturel de Purnell, détaillé par Ginette Coutu-Wakulczyk, il est écrit :

L’évolution progressive vers l’atteinte d’une compétence culturelle se subdivise en

quatre stades.

1) La personne se situe au stade de l’incompétence inconsciente ou l’absence de

conscientisation quant au manque de connaissances à l’égard de l’autre culture ;

2) L’incompétence consciente signifie une sensibilisation suffisante pour identifier

le manque de connaissances envers la culture du client ;

3) L’évolution progressive est la compétence consciente, menant à la capacité

d’apprendre et de générer des éléments de la culture susceptibles de fournir des

interventions culturellement spécifiques.

4) La compétence inconsciente mène au développement d’automatismes à la

prestation de soins culturellement congruents à des clients de cultures différentes. Ce

dernier stade de la progression de compétence culturelle est difficile à atteindre ; la

majorité des travailleurs de la santé n’atteindront que le stade trois : la compétence

consciente. Arriver au stade 4, constitue l’acquisition complète de la compétence

culturelle. (Coutu-wakulczyk, G. 2003, p.34)

Page 32: la relation soignant-soigné

32

Une compétence s’acquiert en passant d’abord par l’évaluation de ses aptitudes actuelles

afin de savoir ce qu’il faut améliorer pour devenir compétent. Elle nécessite de se remettre

en question pour identifier ses acquis et ses limites. Dans le dossier « Accompagner les

patients de cultures différentes » paru dans la revue Soins Aides-soignantes, Myriam Héron

(cadre infirmier formateur en IFSI) propose un questionnaire pour se situer dans ses

capacités à accueillir la différence culturelle. J’ai annexé ce questionnaire en Annexe 6 car

je trouve cette grille d’évaluation très intéressante pour permettre de se positionner sur sa

première approche de la culture chez autrui. En effet, elle regroupe quelques qualités

requises pour être compétent en soin interculturel : la compréhension, la curiosité,

l’information, la remise en question, l’adaptabilité, le respect, l’empathie.

Page 33: la relation soignant-soigné

33

3. Les outils à la communication interculturelle

Lors de mes entretiens j’ai questionné les infirmières sur les difficultés majeures

qu’elles rencontraient dans une situation interculturelle. Bien évidemment la problématique

de la barrière linguistique est très souvent présente, mais chacune des infirmières m’a

également énoncé l’importance de la barrière culturelle. L’infirmière de la PASS m’a

témoigné qu’elle était souvent confrontée à des refus de soins par incompréhension du

patient des soins qui lui sont proposés. En effet elle m’explique que certains soins sont

difficilement acceptés dans certaines cultures et que cela engendre souvent des ruptures de

suivi. L’IDE 4 me témoigne également qu’ils avaient régulièrement affaire à des refus de

chirurgie dans son service. De plus, l’IDE 3 m’explique que dans certaines cultures, ce n’est

pas le patient qui décide de sa prise en charge mais que la décision revient à la communauté.

Après avoir identifié ces difficultés, j’ai interrogé les infirmières sur les moyens de

communications qu’elles utilisaient pour palier à ces dernières.

Les compétences culturelles infirmières requises pour une prise en charge interculturelle

demandent d’avoir des qualités et capacités relationnelles indispensables qui sont des outils

pour une relation de qualité : l’empathie, l’ouverture d’esprit, la volonté de rencontrer et

comprendre l’autre, une approche universelle non discriminante, un accueil bienveillant, le

non-jugement, le respect de l’autre, la capacité d’analyse, et adapter sa communication.

L’IDE 3 et l’IDE 4 m’ont toutes deux identifiées ces qualités. Finalement, ces qualités sont

des qualités générales pour être infirmier, peu importe que l’on soit dans une situation

interculturelle ou non. Mais elles ont d’autant plus d’importance dans un contexte

interculturel où une barrière à la relation peut rapidement s’installer par différences de

valeurs et vision des choses.

3.1 La négociation

La négociation est un des outils de communication que les infirmières m’ont cité

dans leur démarche relationnelle avec un patient de culture différente.

En effet, c’est également un concept que je retrouve dans le modèle théorique de Madeleine

Leigniner. Dans les trois décisions cliniques possibles, il est énoncé qu’il est parfois

Page 34: la relation soignant-soigné

34

nécessaire de négocier pour que le patient modifie certains aspects de son système culturel

qui ne sont pas favorables pour l’obtention de bons résultats cliniques.

Je retrouve une définition de ce concept dans un article sur le thème de la négociation dans

les soins écrit par Martine Mazoyer, psychologue clinicienne. Je lis dans son article une

définition de Lionel Bellenger (2017), auteur et expert en matière de formation à la

communication : « une confrontation entre des personnes ou des groupes qui partagent plus

ou moins fortement un projet commun : établir entre eux un accord ». (cité par Mazoyer M,

2018, p.23)

La négociation est un outil à la communication utile pour trouver une solution lorsqu’il y a

un désaccord. Martine Mazoyer explique dans son article (Mazoyer, 2018) que la

négociation dans les soins est une négociation « coopérative » regroupant plusieurs

caractéristiques : soignant et soigné sont des partenaires qui souhaitent maintenir la relation

créée, il existe un projet commun (guérison, recherche de bien-être), il y a une confiance

mutuelle qui entraine le soignant et le patient à coopérer et à faire des concessions, il faut

une ouverture d’esprit et être conciliant pour que soignant et soigné trouvent un compromis

où chacun sera gagnant-gagnant.

Dans un contexte d’interculturalité, certains soins peuvent aller à l’encontre de la

culture du patient bien qu’ils soient nécessaires pour l’amélioration de sa santé. C’est dans

ces contextes que l’IDE 3 et 4 m’ont témoignées avoir affaire à des refus de soins. Le droit

des patients stipule que les patients sont acteurs de leur projet de soins et sont en droit de

refuser des soins. Et les règles professionnelles stipulent que le soignant ne doit pas imposer

des soins. C’est pourquoi il est important de communiquer dans ces situations et savoir

négocier afin de trouver un compromis avec le patient. Ceci peut se faire seulement si une

relation de confiance a été établie en amont entre le soignant et le soigné. L’IDE 3 a insisté

sur le fait qu’il faut montrer au patient que l’on respecte sa dignité, il ne faut pas porter de

jugement mais simplement être patient et communiquer pour essayer de comprendre sa

vision des soins et lui expliquer notre approche. L’objectif étant de trouver un terrain

d’entente avec comme but commun le bien-être du patient. Négocier comprend différentes

étapes : centrer le patient comme principal acteur de sa prise en charge et de son projet de

soins, le faire verbaliser son point de vue, détailler le problème médical et exposer les soins

qui lui sont proposés en énonçant l’objectif commun et les risques pour le patient s’il les

refuses, trouver des solutions et proposer des concessions mutuelles.

Page 35: la relation soignant-soigné

35

3.2 Les ressources pour une communication interculturelle

Je me suis demandée ce qui était mis en place pour faciliter les prises en charges

interculturelles à l’hôpital. Quels outils et ressources sont mis à la disposition des soignants ?

L’IDE 4 qui travaille dans un service conventionnel m’explique qu’il n’y a pas

d’outils qui sont particulièrement mis en place. Ils autorisent la famille à rester durant toute

l’hospitalisation afin de permettre la traduction s’il y a la présence d’une barrière

linguistique. Elle m’explique aussi que la famille est un support pour comprendre quelques

caractéristiques culturelles du patient lorsque le patient n’est pas en capacité d’exprimer ses

besoins. De plus, les médecins interviennent régulièrement car d’après elle, il semblerait que

les patients aient plus confiance en eux, peut-être du fait de leur statut et donc leurs paroles

ont plus d’importance pour les faire adhérer aux soins.

L’IDE 3 qui travaille dans un service spécifique où la barrière culturelle est fréquente

entre le personnel soignant et les patients m’explique qu’elle utilise de nombreux supports.

Pour commencer, ils font partie d’un grand réseau de soin où de nombreux acteurs

interviennent pour faciliter l’intégration et la réponse en soin de santé aux patients qu’ils

prennent en charge. Les patients reçoivent donc un grand soutien et la communication est

facilitée.

Ensuite, elle me fait part qu’elle utilise fréquemment des outils vidéo pour faire passer ses

informations. Par exemple, elle utilise des videos explicatives pour faire comprendre une

pathologie au patient et pour expliquer comment va se dérouler un examen. Le message

passe par l’image ce qui facilite la compréhension de celui-ci. En effet, très souvent les

soignants s’expriment avec un langage professionnel médical complexe qui n’est pas

toujours compris par le patient. Alors dans un contexte où le patient ne maitrise pas

totalement la langue française et/ou ne connait pas les soins qui sont dispensés en France,

une importante incompréhension peut apparaitre. C’est pourquoi, l’IDE 3 m’explique qu’elle

utilise un vocabulaire très simplifié et familier dans certaines situations pour se faire

comprendre. Il faut garder en tête que le patient ne connait rien des soins et donc il faut

parvenir à trouver un langage mutuel compréhensible entre professionnel connaisseur et

patient ignorant.

Page 36: la relation soignant-soigné

36

De plus, ils réalisent également dans son service des réunions d’analyse de pratiques et des

retours d’expérience qui leur permettent d’exprimer les difficultés qu’ils rencontrent parfois

afin d’améliorer leurs pratiques et réduire les problématiques de soin.

Pour finir, elle m’expose le concept de médiation culturelle qui a vu le jour depuis quelques

années. Je n’avais pas de notion sur ce concept. Je trouve un article de Latifa Es-Safi (2001),

qui a participé à diverses recherches sur la médiation culturelle dans le domaine de la santé

et qui me permet de comprendre cet outil à la communication soignant-soigné.

Le médiateur culturel peut intervenir dans des institutions, il a plusieurs missions :

l’interprétariat, l’information des soignants concernant les habitudes culturelles des patients,

l’information des patients sur le fonctionnement de l’institution. L’objectif de son

intervention est d’établir un lien entre soignant-soigné appartenant à des cultures diverses et

d’améliorer la communication pour favoriser une compréhension de l’identité de l’autre.

Il détient plusieurs compétences : des connaissances linguistiques (celles du patient et du

pays d’accueil), des connaissances socio-linguistiques approfondies (afin de comprendre la

signification de chaque mot employé par le patient car elle peut varier selon le milieu duquel

est issu la personne), des connaissances culturelles (rites, habitudes, savoir-faire, coutumes),

des aptitudes pour dispenser des informations exactes (pour les patients sur leurs droits

sociaux, la maladie, les traitements, le but des soins et examens, et pour les soignants sur les

pratiques culturelles des patients), des attitudes professionnelles (neutralité, empathie,

déontologie). Cependant, l’appel à des médiateurs culturels est encore peu développé dans

les institutions malgré la reconnaissance de leur utilité.

Les outils et ressources utilisés par l’IDE 3 et l’IDE 4 sont très différents. En effet

l’IDE 3 travaille dans un service qui est plongé au cœur de l’interculturalité, ils utilisent donc

de nombreux supports pour faciliter la communication. A l’inverse, l’IDE 4 témoigne de ne

pas avoir beaucoup de dispositifs mis en place dans son service pour faciliter la

communication en interculturalité. Elle exprime que les soignants manquent de temps pour

mettre en place certains outils à la communication et que ce sont des améliorations à

développer dans les services pour assurer une équité dans les prises en charge.

Page 37: la relation soignant-soigné

37

3.3 Les formations à l’interculturalité

Mise à part l’IDE 3 qui est infirmière à la PASS de Chambéry, aucune des autres

infirmières que j’ai interrogées m’ont dit avoir eu de formations sur l’interculturalité. L’IDE

4, qui a obtenu son diplôme il y a un an, se rappelait avoir eu un cours sur l’interculturalité

durant sa formation aux soins infirmiers.

Dans la formation initiale aux soins infirmiers, le concept de culture dans les soins est évoqué

dans plusieurs unités d’enseignement mais l’apprentissage de la compétence culturelle

infirmière ne fait pas partie du référentiel de formation. Il est propre à chaque IFSI de

l’inclure ou non lorsque le concept de culture dans les soins est abordé. Les IDE 3 et 4

pensent que les supports délivrés lors de la formation ne sont pas suffisants pour former les

futurs professionnels à des situations où la différence culturelle est présente. L’IDE 4, jeune

diplômée, témoigne d’être régulièrement confrontée à ces situations et que les soignants ne

sont pas assez préparés pour la réalité de terrain. L’IDE 3 pense que c’est grâce à la pratique

que l’on acquiert les compétences nécessaires et que la théorie ne peut pas se suffire à elle-

même.

J’ai donc interrogé l’IDE 3 sur les formations qu’elle a reçues. Elle m’apprend qu’elle

participe à des « Co-formations » qui sont des formations sur la base du croisement des

savoirs et des pratiques : les professionnels sont formés par le public concerné par la

problématique. Par exemple, soignants et personnes appartenant à une certaine

communauté/religion/culture vont échanger sur leur vision personnelle de certains concepts.

Ceci permettant d’améliorer la compréhension et la connaissance mutuelle.

Il existe également de nombreuses formations pour apprendre certaines caractéristiques de

différente culture, mais l’IDE 4 m’explique qu’elle ne peut pas y avoir accès pour l’instant

mais qu’elle serait intéressée pour y participer.

Face à des difficultés dans les prises en charge, Jean Pierre Collos (2018) explique dans son

article Aborder le concept de culture avec plus de soin, que les soignants revendiquent des

formations pour connaitre les caractéristiques des cultures auxquelles ils sont confrontés.

Mais d’après lui, ces formations donneraient une sorte de catalogue de comportements

typiques à chaque culture ce qui produirait des stéréotypes pourvoyeurs de préjugés et

empêcherait la définition de singularité à chaque individu. Il argumente qu’il n’est pas

possible de parler culturellement d’un individu, c’est-à-dire le réduire à la culture type de

Page 38: la relation soignant-soigné

38

son pays ou de sa religion, d’abord parce que la culture peut se transformer par l’acquisition

plus ou moins consciente de manières d’être et de faire selon le lieu où l’on séjourne et aussi

parce que la culture change selon nos interactions avec le monde et expériences. Enfin, il

termine en disant que chaque personne est porteuse d’une « culture métissée » qui ne peut

donc pas être catégorisée.

En effet, il faut être vigilant pour ne pas tomber dans la généralisation des comportements

types selon les pays d’origines ou religion.

Myriam Héron (2010), proposait dans son article sur le développement de la

compétence interculturelle, un support de formation théorique ciblé sur les dimensions

culturelles à intégrer dans la théorie de la formation initiale. L’apport théorique permet

d’apporter du sens à notre pratique professionnelle. Il serait envisageable d’enseigner des

éléments de type « culturaliste » (spécificités relatives à chaque culture) tout en évitant les

catégorisations pour permettre des démarches personnalisées.

L’objectif reste bien qu’il ne faut pas connaitre les cultures ou avoir des connaissances

culturelles mais qu’il faut connaitre l’identité personnelle de la personne et de son identité

culturelle à lui et non en général.

3.4 Les expériences culturelles

Je me suis intéressée également à l’influence que pouvait avoir nos expériences de

vie personnelle sur l’acquisition de certaines qualités et compétences en contexte

d’interculturalité. Je me suis demandée : En quoi les voyagent favorisent l’ouverture

d’esprit ? Quels sont les bienfaits des expériences à l’étranger dans une relation

d’interculturalité ?

L’IDE 3 a longuement vécu à l’étranger et m’a expliqué que ses expériences l’aident dans

l’application de sa profession. Elle affirme qu’être plongé dans une autre culture que la

sienne permet de mener une réflexion sur soi, cela lui a permis de se rendre compte de son

identité et de ses valeurs. L’IDE 4 a réalisé un stage infirmier au Vietnam et voyage à

l’étranger lorsqu’elle en a l’opportunité. Elle me communique ce que cela lui apporte dans

sa pratique infirmière : « Tu te rends compte des différences qui existent sur les façons de

vivre et cela t’apprend à ne pas porter des jugements sur ces différences ». (IDE 4)

Page 39: la relation soignant-soigné

39

Je retrouve peu de travaux menés sur ce sujet. Je m’intéresse tout de même à une

recherche menée par Paméla Farman pour l’obtention du grade de maitrise en sciences

infirmières au Québec en 2007. Sa recherche est élaborée sur le développement de la

compétence culturelle des étudiants infirmiers lors d’une expérience de stage à

l’international. Elle interroge 19 étudiants sur leurs expériences et sur les compétences qu’ils

ont développées grâce à cela. Paméla Farman (2007) montre dans son étude que ces étudiants

ont développé une curiosité intellectuelle et une plus grande conscience interculturelle par

la prise de conscience de leurs préjugés et une déconstruction de ces derniers. De plus, les

étudiants ont développé un désir de rencontrer la différence et ont majoré leur sensibilité

culturelle.

Ainsi, les expériences personnelles qui emmènent le soignant à être confronté à la

différence culturelle, permettent de développer son ouverture d’esprit, son adaptabilité, son

non-jugement, à casser ses représentations et développent sa capacité à accepter l’autre

comme il est.

Page 40: la relation soignant-soigné

40

4. Les difficultés inévitables dans une situation interculturelle

J’avais déjà évoqué quelques difficultés dans ma phase exploratoire mais lors de mes

entretiens durant cette seconde phase, les infirmières m’ont évoqué d’autres difficultés

auxquelles je n’avais pas réfléchi au début de ma recherche.

Je m’étais demandé : Une fois que les connaissances et les compétences culturelles

infirmière sont acquises, n’y a-t-il plus de problème dans la prise en charge d’un patient

culturellement différent ? J’ai cherché à travers cette question à comprendre les facteurs qui

interviennent systématiquement dans la relation de soin interculturelle et qui peuvent nourrir

les barrières culturelles.

4.1 L’acculturation des patients

Lors de mon entretien avec l’IDE 3, celle-ci a abordé l’influence de l’adaptation et

intégration des patients dont elle s’occupe. Sachant qu’elle prend en charge régulièrement

des migrants, ceux-ci mettent un certain temps à s’adapter à la culture du pays d’accueil et

cela peut parfois avoir un impact pour la prise en charge en santé. Elle m’explique que

certains patients sont dans le refus total de soins car les pratiques sont différentes de celles

de leur pays d’origine. Elle poursuit en m’expliquant que dans ces situations, elle essaie

seulement de communiquer avec le patient ou de négocier mais que ce problème est

indépendant d’elle car l’intégration fait partie de l’inconscient du patient et seulement lui est

maitre de son adaptation au changement de milieu. Je n’avais pas pensé à cette difficulté qui

vient des patients.

Dans les écrits de Margot Phaneuf (2009), je relève 4 modes d’adaptation existant :

l’assimilation, l’intégration, la séparation, la marginalisation.

L’assimilation est définie comme l’abandon de l'identité culturelle et est la fusion dans la

société majoritaire. L’intégration est de rester fidèle à la culture traditionnelle mais adopter

certaines valeurs sociétales dominantes. La séparation est l’isolement de la culture

dominante pour conserver l’identité culturelle traditionnelle. La marginalisation est le rejet

de la société dominante, le rejet des valeurs traditionnelles de sa culture et effritement de

l'identité culturelle d’origine.

Page 41: la relation soignant-soigné

41

Une fois arrivé dans un nouveau pays, il faut comprendre que le patient vit un vrai choc

culturel, il lui faut un certain temps pour s’habituer et se créer ses nouveaux repères. La

personne prend conscience des difficultés et des différences sociales/culturelles, et

seulement après en avoir pris conscience, elle rentrera dans un processus d’intégration. Elle

trouve un équilibre entre les aspects de sa culture d’origine et ceux de la société d’accueil.

Ce niveau d’adaptation peut venir impacter les soins car le patient pourra ne pas accepter

certains soins. En tant que soignant, il nous faut analyser ce degré d’intégration pour

appréhender les difficultés que rencontre le patient et adapter notre négociation. Nous ne

pouvons pas nous attendre à ce qu’il change et laisse de côté ses traits culturels pour adopter

totalement ceux du pays actuel.

« La culture est un bien précieux et adaptation ne signifie en rien abandon et déperdition de

ce qui la caractérise » (Margot Phaneuf, 2009, p.2).

J’ai découvert une schématisation de la culture sous forme d’iceberg. C’est un moyen

de comprendre qu’il y a deux parties dans la culture : ce qui est visible et donc facilement

identifiable et ce qui est invisible, profond et ancré dans notre identité culturelle.

Source photo : Culture, phénomènes culturels. [Présentation Power Point]. IFSI Gonesse,

1ère année, 2008-2009. Repéré à l’URL : https://slideplayer.fr/slide/521213/

Page 42: la relation soignant-soigné

42

La partie émergée de l’eau est la partie visible, consciente d’une culture. La partie profonde

dans l’eau est la partie invisible des caractéristiques de l’identité culturelle de la personne,

cette partie est inconsciente, ce sont les valeurs personnelles, l’éducation, les traditions. Elle

peut mettre du temps à évoluer.

Cette notion d’intégration culturelle est dépendante du patient, nous ne pouvons pas l’obliger

à accepter et adopter nos codes et nos façons de soigner. Notre simple devoir de soignant est

d’accompagner le patient dans sa démarche de soin et dans son intégration de notre système

de santé.

4.2 L’asymétrie dans la relation soignant-soigné

Une autre notion à laquelle je n’avais pas pensé mais qui peut impacter davantage la

relation soignant-soigné est la présence de l’asymétrie à plusieurs niveaux.

La relation qui existe entre ces deux acteurs se déroule dans un contexte particulier qui est

le soin (dans toutes ses formes possibles : préventif, curatif, palliatif, technique ou

relationnel) et qui a pour but commun le mieux-être du soigné.

Cependant une notion d’asymétrie existe entre les deux : le soigné est dans une posture de

vulnérabilité car exposé à la maladie et aux soins, en souffrance et en demande d’aide alors

que le soignant est en posture de connaisseur, compétent.

Nous avions eu un support théorique au cours de notre formation sur les soins

relationnels qui explicitait les critères d’asymétrie dans la relation soignant-soigné :

Source photo : Correction Evaluation Session 1 Compétence 6 UE 1.1 S2 et UE 4.2 S2

(2018). Document inédit. Institut de Formation en Soins Infirmiers de Savoie, Chambéry.

Page 43: la relation soignant-soigné

43

On observe dans ce tableau tout ce qui différencie le soignant et soigné et qui rend la relation

asymétrique. Ces critères peuvent d’autant plus impacter négativement la relation

interculturelle car elle se rajoute également à la barrière culturelle.

4.3 Les valeurs personnelles

En échangeant avec l’IDE 3, celle-ci m’a expliqué que malgré toutes les compétences

qu’elle mettait en place pour établir une bonne relation, il y a une chose qui lui posera

toujours problème : certaines différences culturelles viendront toujours heurter ses valeurs

personnelles. De plus, elle m’explique que dans ces situations, il n’est pas possible d’aller à

l’encontre de ses émotions. Et tout ceci est de l’ordre de l’inconscient, nous ne pouvons pas

le maitriser.

Elle argumente : « Je travaille depuis toujours avec des personnes qui ont une culture

différente de la mienne, j’accepte les différences, je suis dans le non-jugement, empathique

etc. Bref, malgré tout cela, certaines situations seront toujours contraires à mes valeurs.

Quand tu rencontres un couple immigré et que tu vois la femme porter tous les sacs sur son

dos, tu as beau te dire que c’est comme cela dans leur culture, que la place de la femme est

considérée différemment chez eux, tu ne l’accepteras jamais pour autant. Tu es là pour les

aider et tu ne dois pas porter de jugement mais pour autant tu ne peux pas t’empêcher de

ressentir de la colère ou de la peine. Ce sont nos émotions, on ne peut pas le contrôler et

tout cela vient du fait que l’on a nos propres valeurs ». (IDE 3).

L’IDE 4 semble partager la même opinion et déclare qu’elle essaie de prendre sur elle

lorsqu’elle est face à une situation où cela va à l’encontre de ses valeurs personnelles.

En effet, le soignant, comme le soigné, sont soumis à l’influence de leurs réactions

instinctives face aux différences culturelles. Notre propre identité culturelle guide nos

ressentis face à la différence ou l’inconnu.

Page 44: la relation soignant-soigné

44

Partie III. Question de recherche et hypothèses

Mon questionnement initial était tourné autour des problèmes généraux que l’on

pouvait rencontrer face à un patient de culture différente. J’ai d’abord étudié la place de la

culture dans la santé et j’ai identifié deux grandes problématiques qui sont la barrière

linguistique et la barrière culturelle. J’ai décidé de ne pas approfondir la thématique de la

barrière linguistique car la problématique des barrières culturelles dans les soins

m’intéressait davantage.

J’avais donc abordé le concept d’interculturalité et l’impact des représentations sur

l’émergence de stéréotypes et préjugés dans les milieux de soins qui peuvent découler sur

des conflits, des évitements, des refus de soin et donc empêcher la création d’une relation de

confiance pour apporter des soins de qualité. Mes premiers entretiens exploratoires m’ont

fait réaliser que les soignants rencontraient régulièrement des difficultés face à un patient de

culture différente et qu’ils agissaient comme ils pouvaient. Je me suis aperçue également

que les soignants ressentaient un manque de connaissances et de formations et qu’ils

n’avaient pas de notion de la compétence culturelle infirmière.

Cette première phase de recherche m’a permis d’élargir mon questionnement sur cette

problématique de barrière culturelle et de m’intéresser à la théorie de la compétence

culturelle infirmière. Cette dernière est le sujet de nombreuses recherches en soins infirmiers

et est un fondement théorique pour l’amélioration des soins infirmiers afin qu’ils deviennent

culturellement respectueux et permettant d’améliorer les relations de soins dans un contexte

d’interculturalité. J’ai découvert que cette compétence nécessitait de mettre en avant de

nombreuses qualités relationnelles et des savoirs-faires d’ouverture d’esprit, de décentration,

de respect de la différence et une importante connaissance de soi et de l’autre.

Cela m’a amené à m’intéresser aux modèles théoriques qui ont été élaborés pour améliorer

la connaissance du patient en intégrant les éléments de son système culturel. J’ai découvert

le modèle transculturel de Purnell et le modèle conceptuel de Madeleine Leninger qui

permettent une trame pour le plan de soin selon tous les aspects culturels du patient qui

pourraient l’influencer.

Je me suis ensuite concentrée sur les outils qui favorisent la relation et la communication

interculturelle. J’ai découvert que la négociation était un outil de communication primordiale

lorsque la culture du patient venait freiner l’élaboration de son projet de soin. Cela peut

permettre de restaurer l’adhésion du patient aux soins qui lui sont proposés en proposant des

Page 45: la relation soignant-soigné

45

concessions dans le but commun qui est son bien-être. De plus, j’ai découvert que les

ressources misent à disposition des soignants pour faciliter les prises en charge

interculturelles étaient différentes d’un service à l’autre. Certains services vont avoir recourt

à plus de ressources car les problématiques liées à la différence culturelle sont plus

fréquentes. Alors que dans d’autres services, la question de manque de temps empêche les

professionnels à mettre en place ces outils.

Je m’étais interrogée sur les moyens pour développer sa compétence culturelle. Je me suis

donc intéressée aux formations qu’il existait pour améliorer cette dernière. Je me suis rendue

compte que les soignants trouvaient que les supports théoriques de la formation initiale

n’étaient pas suffisants pour devenir compétents. Certaines formations sont proposées aux

professionnels de santé pour apprendre les caractéristiques de certaines cultures mais l’avis

sur ces formations semble controversé car elles peuvent entrainer des stéréotypes. Je me suis

donc attardée sur l’apport des expériences culturelles sur le développement des compétences

culturelles et celles-ci semblent positives. En effet, elles permettent au professionnel

d’acquérir des qualités grâce à l’expérience de l’interculturalité et améliore ensuite sa

pratique professionnelle lors d’une situation similaire.

Enfin, je me suis questionnée sur les difficultés qui restent inévitablement présentes et qui

rendent difficile l’application de la compétence culturelle. La première étant l’intégration et

l’adaptation des patients à la culture d’accueil. Cela impacte directement sur leur adhésion

aux soins. Ensuite l’asymétrie dans la relation soignant-soigné sera toujours présente et

pourra accentuer la barrière culturelle. Enfin les valeurs personnelles de chacun sont de

l’ordre de l’inconscient car elles font partie de notre identité personnelle. Les différences

culturelles peuvent venir heurter les valeurs personnelles et donc créer un frein à la relation.

Question de recherche : En quoi une formation spécifique à la pratique des soins en contexte

d’interculturalité permettrait de réduire les problématiques liées à la barrière culturelle dans

les services conventionnels ?

Hypothèses :

- Une formation qui mêle pratique et théorie permettrait un meilleur apprentissage des

compétences culturelles infirmières

- La formation apporte des outils et ressources pour faciliter la communication et les

relations interculturelles

Page 46: la relation soignant-soigné

46

Conclusion

Mon travail de fin d’étude a débuté après avoir vécu mon expérience de stage à

l’étranger. C’est grâce à cette expérience extraordinaire que j’ai eu envie de me pencher

davantage sur le sujet d’interculturalité, ce concept qui définit la relation entre deux

personnes qui ont une culture totalement différente mais qui entrent en relation, chacun ayant

des choses à apprendre de l’autre, d’autant plus grâce aux différences qui les séparent.

Ce travail m’a permis de me questionner et de découvrir de nombreuses informations sur ce

sujet qui m’intéresse énormément. J’ai enrichi mes connaissances sur la compétence

culturelle infirmière et sur les soins interculturels et j’espère pouvoir les appliquer dans ma

future pratique professionnelle. De plus, ce travail de fin d’étude est un moyen

supplémentaire pour pousser ma réflexion sur le sens du métier d’infirmière où il est

essentiel de se questionner constamment et de se remettre en question afin d’évoluer.

Les différences culturelles dans les milieux de soin sont présentes et les soignants sont

parfois confrontés à des problématiques de soin. Il est donc essentiel de se questionner sur

ces problématiques existantes dans notre profession, chercher à savoir d’où provient chaque

problème pour améliorer et parfaire notre pratique.

Les soins infirmiers se divisent grossièrement en deux grandes parties : les soins techniques

et les soins relationnels. Au début de la formation en soins infirmiers, en tant qu’étudiants

nous sommes terrorisés par la difficulté des soins techniques qui nous semblent ce qu’il y a

de plus difficile dans la pratique infirmière. Au fur et à mesure de notre apprentissage et de

notre professionnalisation, nous réalisons que ce sont bien les soins relationnels les plus

complexes.

Mais ce sont également ces soins relationnels qui sont les plus riches humainement parlant.

Nous avons tout à apprendre des patients, de nos interactions avec eux et des différences qui

nous séparent. C’est pourquoi il est essentiel d’établir une communication et des soins

relationnels de qualité.

« Se questionner sur ce dont le patient a réellement besoin, c’est en quelque sorte passer du

soin au prendre soin, car on ne pourra jamais prendre soin par habitude » (Lisa

Djadaoudjee, 2013)

Page 47: la relation soignant-soigné

47

Bibliographie / Sitographie

Article R4312-11 relatif aux devoirs envers les patients. (Code de la santé publique version

en vigueur au 28 novembre 2016). Repéré à :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000033

496818&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20161128

Article L1110-4 relatif aux droits de la personne. (Code de la santé publique version en

vigueur du 19 janvier 2018). Repéré à :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000036

515027&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20180119

Article D1110-6 relatif à la médiation sanitaire et à l'interprétariat linguistique dans le

domaine de la santé. (Code de la santé publique version du 5 mai 2017). Repéré à :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=5BEAB6DF37439

D075AA514E632BD12E8.tplgfr34s_1?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idAr

ticle=LEGIARTI000034618355&dateTexte=20200504&categorieLien=id#LEGIA

RTI000034618355

Bourgeois, B. (2016). La créativité des soignants face à la barrière linguistiques. L’aide

soignante, 30 (176), 26-29.

Collos, J. P. (2018). Aborder le concept de culture avec plus de soin. Soins Cadres, 27 (106),

20-22.

Correction Evaluation Session 1 Compétence 6 UE 1.1 S2 et UE 4.2 S2 (2018). Document

inédit. Institut de Formation en Soins Infirmiers de Savoie, Chambéry.

Page 48: la relation soignant-soigné

48

Coutu-wakulczyk, G. (2003). Pour des soins culturellement compétents : Le modèle

transculturel de PURNELL. Recherche en soins infirmiers, (72), 34-47.

Debout, C. (2010). Théorie de soins – Soin et culture, entre diversité et universalité. Soins,

55 (747), 21-23.

Debout, C. (2013). Ethnonursing, articuler culture, santé et soins. Soins, 58 (773), 55-59.

Djadaoudjee, L. (2013). La barrière culturelle dans le soin. La revue de l’infirmière, 62

(195), 37-39.

Es-Safi, L. (2001). La médiation culturelle dans les hôpitaux ou comment rétablir la

communication entre les patients d’origine étrangère et le personnel soignant. Pensée

plurielle, 1 (3), 27-34. Répéré à :

https://www.cairn.info/revue-pensee-plurielle-2001-1-page-27.htm

Ethnocentrisme. (s.d.). Dans Dictionnaire Larousse en ligne. Repéré à :

https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ethnocentrisme/31406

Farman, P. (2007). Le développement de la compétence culturelle d'étudiantes infirmières

inscrites à un programme de stage international et interculturel. (Mémoire de maitrise

en sciences infirmières, Université Laval, Québec).

Interprétariat linguistique dans le domaine de la santé. Référentiel de compétences, de

formation et de bonnes pratiques. (2017). Document inédit. Haute Autorité de Santé.

Page 49: la relation soignant-soigné

49

Héron, M. (2010). Accompagner les patients de culture différentes. Soins Aides-Soignantes,

7 (32), 29-40.

Marandon, G. (2003). Au-delà de l’empathie, cultiver la confiance : clés pour la rencontre

interculturelle. Revista CIDOB d’Afers Internacionals, 61-62, 259-282.

Mazoyer, M. (2018). La négociation dans les soins. Soins Aides-Soignantes, 15 (83), 22-23.

Phaneuf, M. (2009). L’approche interculturelle, une nécessité actuelle : 1ère partie : Regard

sur la situation des immigrants au Québec et sur leurs difficultés. Repéré à :

http://www.prendresoin.org/wp-content/uploads/2013/02/Approche_interculturelle_

une_necessite_actuelle-Regard_sur_la_situation_....pdf

Phaneuf, M. (2009). L’approche interculturelle, une nécessité actuelle : 2ème partie :

L’approche interculturelle, les particularismes des immigrants et les obstacles à la

participation aux soins. Repéré à :

http://www.prendresoin.org/wp-content/uploads/2013/02/Les_particularismes_des_

immigrants_et_obstacles_participation_aux_soins-2epartie.pdf

Phaneuf, M. (2009). L’approche interculturelle, une nécessité actuelle : 3ème partie :

L’approche interculturelle, communication et soins dans un contexte d’ouverture.

Repéré à :

http://www.prendresoin.org/wp-content/uploads/2013/02/pproche5Finterculturelle-

communi-cation_et_soins_dans_un_contexte_da%CC%82%E2%82%AC%E2%84

%A2ouver....pdf

Page 50: la relation soignant-soigné

50

Annexes

Page 51: la relation soignant-soigné

51

Annexe 1 : Guide d’entretien semi-dirigé

• Présentation du soignant et de son expérience professionnelle :

- Date de l’obtention du diplôme, parcours professionnel et ancienneté dans le service

actuel

• La prise en soin interculturelle :

- Quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrées avec un patient

culturellement différent ?

- Selon vous, quelles sont les causes de ces problèmes (facteurs personnels au niveau

du patient et au niveau soignant) qui influencent les prises en soins ?

- Comment conciliez-vous soins et culture ?

- Quels outils/ressources mettez-vous en place face à un patient de culture différente ?

Y a-t-il des moyens ou des outils mis à disposition des soignants dans votre service

afin de faciliter les prises en soin des patients de culture différente ? (Recueil de

donnés, aide à la compréhension des caractéristiques des cultures)

- Considérez-vous apporter une même qualité de soin à ces patients ? (Question IDE4)

• Les compétences infirmières :

- Les apports de la formation au diplôme d’état d’infirmier vous semblent-ils

suffisants ?

- Pensez-vous qu’il est indispensable de développer certaines compétences

spécifiques, qualités ou attitudes spécifiques pour une prise en soin interculturelle ?

Si oui, lesquelles ?

- Avez-vous eu une/des formation(s) particulière(s) pour acquérir des compétences

supplémentaires dans l’approche interculturelle ? Si oui, en quoi consistait cette

formation ? Après ça, ressentiez-vous toujours des difficultés dans les prises en

charge ?

- Avez-vous eu des expériences personnelles (hors professionnelles) qui vous ont

permis d’acquérir des compétences en interculturalité ? Si oui, vous semblent-elles

utiles dans l’application de votre profession face aux patients de culture étrangère ?

- Selon vous, qu’est ce qui rend un soignant qualifié dans les prises en soin

interculturelles ?

Page 52: la relation soignant-soigné

52

Annexe 2 : Tableau comparatif des entretiens semi-dirigés

Questions IDE 3 IDE 4

Age.

Date du diplôme.

Parcours

professionnels.

Ancienneté dans

le service.

52 ans.

Diplôme obtenu en 2013.

Auparavant professeur de

Français Langue Etrangère dans

une association pour former les

primo-arrivants à la langue

française.

Reconversion professionnelle

pour être infirmière.

Travaille à la PASS depuis 2013

et à mi-temps en service de santé

publique.

21 ans

Diplôme obtenu en 2019.

Est rentrée en formation infirmière

après l’obtention de son

baccalauréat.

Travaille en service de chirurgie

traumato-orthopédie depuis

l’obtention de son diplôme en

juillet 2019.

Difficultés

majeures

rencontrées dans

une prise en

charge

interculturelle

Barrière culturelle :

On rencontre des problèmes liés

au sexe du soignant ou des refus

de soins car ces soins sont

difficiles à accepter dans leur

culture. Ils ont leurs

représentations de la médecine

(sang vu comme la mort en

Afrique) et leur religion qui

empêchent la prise des

traitements. Et parfois, il faut

passer par un porte-parole pour

la décision des soins.

Barrière de la langue :

Parfois on trouve une langue

commune ou on utilise l’aide

d’une tierce personne mais il y a

une perte d’informations. Le

Barrière culturelle :

Les patients sont parfois réticents

pour certaines chirurgies qui sont

non congruentes avec leur culture.

Et on manque de connaissance sur

certaines cultures donc on ne sait

pas comment faire

Barrière linguistique :

Souvent ça engendre une grosse

incompréhension entre nous et le

patient. On ne comprend pas ce

qu’il essaie de nous dire et on ne

peut pas lui expliquer les soins. Ça

demande du temps pour faire

passer les informations et on n’est

même pas sûr qu’on se soit

mutuellement compris.

Page 53: la relation soignant-soigné

53

médecin utilise un traducteur,

sinon le non-verbal suffit pour

certains de nos soins mais je me

pose la question sur le réel

consentement.

Compétences

spécifiques à

acquérir

Être respectueux de l’identité de

l’autre et de sa dignité.

Importance de se connaitre et

connaitre ses limites (émotions)

et son identité culturelle.

Savoir-faire de communication

pour se faire comprendre et

trouver un terrain d’entente à

l’aide de la négociation. Être

patient. Questionner pour

recueillir des informations et

s’adapter à la culture quand c’est

possible.

Ne pas tout accepter, recadrage

parfois. Connaitre quelques

notions d’histoire du pays

d’origine.

Il faut savoir communiquer et

négocier, respecter la culture du

patient comme on peut. Il faut se

montrer à l’écoute pour lui montrer

qu’on s’intéresse vraiment à lui.

Outils,

ressources,

compétences,

mis en place

pour faciliter les

prises en soins

- Médiateur culturel

- Traducteur

- Soutien d’un grand

réseau de soin

- Vidéos pour expliquer

- Staff le vendredi pour

échanger sur les

situations

problématiques

- Famille autorisée à rester

pendant l’hospitalisation

afin de faciliter la

traduction et faire

médiateur culturel

- Appel au médecin qui a

plus de poids et les patients

semblent avoir plus

confiance

- Recueil de donné avec

stipulé les caractéristiques

Page 54: la relation soignant-soigné

54

de la culture + fiche de

relève où est écrit comment

procéder avec le patient

Apport théorique

en

interculturalité

dans la formation

initiale

infirmière

Ce n’est pas suffisant car c’est un

trop petit module et ce n’est que

de la théorie. En pratique ce n’est

jamais pareil. Il faudrait peut-

être une mise en pratique avec un

jeu de rôle pour appréhender

lorsque le soignant sera

confronté.

Mais le savoir-être est un travail

sur soi.

Ce qu’on voit en formation n’est

pas suffisant car on aborde la

culture dans les soins que

brièvement alors que c’est très

régulièrement qu’on y est

confronté. C’est trop léger et ça ne

prépare pas assez à la réalité du

terrain.

Formations

reçues pour

l’approche

interculturelle

Co-formation (ATD Quart-

monde)

Formations croisées

Je sais qu’il y a des formations

mais je n’y ai pas accès pour

l’instant. Je sais que c’est pour

apprendre à appréhender les

cultures.

Causes des

difficultés en

situation

d’interculturalité

Venant du patient : non

acculturation, refus de soin total,

incompréhension, anxiété,

maladie

Venant du soignant : mauvaise

communication (termes

médicaux compliqués),

jugement, difficulté à accepter la

culture de l’autre, confronté à ses

valeurs personnelles, beaucoup

de pression pour aider le patient

en grande précarité, émotions

D’autres services font appel à la

PASS car ne savent pas comment

Pour moi, ce qui me pose

problème, c’est que parfois je suis

choquée. J’ai mes visions

personnelles qui font que je ne

comprends pas le patient mais

j’essaie de mettre ça de côté et de

prendre sur moi.

Page 55: la relation soignant-soigné

55

faire, ils ont peur et n’ont pas le

temps pour communiquer

Influence des

expériences

personnelles

A vécu en Afrique jusqu’à ses 16

ans, FLE pendant 10 ans, passion

et curieuse sur le sujet de

l’interculturalité.

Ses connaissances et

compétences lui permettent de se

sentir à l’aise dans ses prises en

charge.

A fait un stage infirmier au

Vietnam pendant 5 semaines.

Voyage beaucoup à

l’international.

Mon vécu personnel m’aide car

j’ai certaines connaissances

culturelles et du coup je peux

parfois apporter mes

connaissances pour aider l’équipe

à comprendre le patient.

Mes expériences m’apportent une

ouverture d’esprit à l’inconnu et je

suis curieuse. Ça m’aide pour

m’adapter.

Qualité des soins Je n’ai parfois pas l’impression

d’apporter la même qualité de soin

car j’ai l’impression de ne pas

apporter ce que le patient a besoin.

Je me sens démunie dans certaines

situations.

Page 56: la relation soignant-soigné

56

Annexe 3 : Modèle Transculturel de Purnell

Source photo : Coutu-wakulczyk, G. (2003). Pour des soins culturellement compétents : Le

modèle transculturel de PURNELL. Recherche en soins infirmiers, 72, p.36.

Page 57: la relation soignant-soigné

57

Annexe 4 : Modèle conceptuel en soins infirmiers de Madeleine Leininger

Source photo : Debout, C. (2010). Théorie de soins – Soin et culture, entre diversité et

universalité. Soins, 55 (747), p.23.

Page 58: la relation soignant-soigné

58

Annexe 5 : Questionnaire d’évaluation culturelle

Source photo : Culture et ethnicité. EMC - Savoirs et soins infirmiers 2009:1-14 [Article 60-

535-B-10].

Page 59: la relation soignant-soigné

59

Annexe 6 : Questionnaire sur les compétences culturelles

Source photo : Héron, M. (2010). Accompagner les patients de culture différentes. Soins

aides-soignantes, 7 (32), p.39.

Page 60: la relation soignant-soigné

Auteur : Guillemette MOUGIN

Titre : L’impact de la culture sur la relation soignant-soigné

Mots clés : Culture, barrière culturelle, compétences culturelles infirmières,

représentations, communication interculturelle, négociation, valeurs personnelles

Mon travail de fin d’étude aborde le thème de la culture dans les milieux de soins. J’ai

choisi de travailler sur ce thème car j’ai eu des expériences qui m’ont montrées

l’importance de la culture sur la représentation de la santé et les attentes en matière de

soins. Au début de mon travail je me posais un questionnement large sur les

problématiques globales que l’on pouvait rencontrer dans un contexte d’interculturalité :

la barrière linguistique (problèmes liés au consentement et à la traduction) et la barrière

culturelle (représentations, stéréotypes, refus de soins). Ensuite j’ai centré ma

problématique sur le problème que rencontrait les soignants face aux barrières culturelles

et donc leurs difficultés dans les prises en soins interculturelles. J’avais comme

hypothèses que ce problème venait de la difficulté d’appliquer les compétences

culturelles, peut-être par manque de connaissances, de compétences, de temps, de

moyens, d’outils, d’expériences et un manque de communication et d’informations sur

la personne soignée pour connaitre ses besoins et attentes. J’ai eu l’occasion d’échanger

sur mon sujet avec quatre infirmières et j’ai fait de nombreuses lectures sur

l’interculturalité dans les soins. J’ai pu aborder des concepts tels que la compétence

culturelle infirmière, la communication interculturelle, la négociation, l’asymétrie de la

relation soignant-soigné, l’acculturation, les valeurs personnelles et découvert l’utilité

des formations et des expériences culturelles personnelles.

Tout ce travail m’amène vers une ultime question qui est ma question de recherche : En

quoi une formation spécifique à la pratique des soins en contexte d’interculturalité

permettrait de réduire les problématiques liées à la barrière culturelle dans les services

conventionnels ?