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Ce supplément est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Moscou, Russie) qui assume seule l'entière responsabilité de son contenu Distribué avec Mardi 29 novembre 2011 Trésors souterrains de l'ère soviétique Staline avait pour projet de faire du métro de Moscou « le palais du peuple ». P. 8 Le parler vrai du réalisateur Zviaguintsev Son dernier film, Elena, vient de remporter le grand-prix du festi- val à Gand. P. 7 SUITE EN PAGE 7 Le Bolchoï défend l'opéra d'antan La direction n'a pas lésiné sur les moyens pour redonner au théâtre d'art lyrique son lustre et ses dorures pré-révolutionnaires. Ce dirigeable, conçu sur le mo- dèle de ceux utilisés lors de la Seconde Guerre mondiale, par- PHOTO DU MOIS L'Étoile rouge vole toujours Enseignement et santé détaxés à terme à une baisse des prix, sug- gère le ministère... À l’heure actuelle, les cliniques pri- vées ne représentent que 5% du total des établissements de santé en Russie. Plusieurs grands groupes industrialo-financiers du pays ont lancé ces dernières années des chaînes de cliniques, comme AFK Sistema, Ingosstrakh et Alfa. En région, de grands groupes indus- triels comme UGMK à Ekaterin- bourg, diversifient leurs activités en ouvrant des cliniques d’abord pour leur propre personnel, puis, réalisant que l’établissement peut dégager des bénéfices, ouvrent leurs portes à l’ensemble de la po- pulation. Les nouvelles exonéra- tions fiscales ont toutes les chances d’accélérer ce processus. Jamais jusqu’ici les autorités ne s’étaient montrées aussi géné- reuses avec un secteur tout en- tier. Seuls des projets clés comme la technopole de Skolkovo ou la JULIA KOUDINOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Toutes les sociétés des deux secteurs ne paieront bientôt plus l'impôt sur les bénéfices. Le gouvernement espère attirer une vague d’investissements privés vers les cliniques et écoles. Économie Le gouvernement assouplit sa politique fiscale ticipe aux répétitions du défilé militaire du 7 novembre, sur la Place Rouge à Moscou. PAUL DUVERNET LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Le Théâtre du Bolchoï a rouvert ses portes le 28 octobre après six interminables années de travaux. La direction promet que son répertoire résistera impétueusement à la modernité. Opéra Le très réussi gala d'ouverture a répondu aux attentes, mais qu'en sera-t-il des prochains spectacles ? Quand le très vénéré Théâtre du Bolchoï s’est trouvé entouré de palissades à l’été 2005, la com- munauté des mélomanes et des amateurs de ballet s’en est trou- vée bien attristée. Trois années sans Bolchoï ! Tout le monde a pris son mal en patience, tant la nécessité de travaux éclatait aux yeux de tous. Des rumeurs circu- laient selon lesquelles le bâtiment se trouvait dans un tel état de dé- réliction qu’il menaçait de s’écrou- ler. Malheureusement, la patien- ce n’a pas suffit. Le public du Théâtre a rapidement pris conscience que la date de fin des travaux était fictive. Mais per- sonne n’aurait imaginé devoir at- tendre jusqu’en octobre 2011 pour pénétrer de nouveau dans l’en- ceinte légendaire. Produit de Russia Beyond the Headlines PAGE 5 La Venise du Nord Saint-Pétersbourg comme les guides touristiques ne vous l'ont jamais présentée... Dans cette ville plate sillonnée par les cours d'eau, il faut savoir pren- dre de la hauteur... sur les toits ! L'assistanat soviétique, c'est fini. La nouvelle classe moyenne russe émergente ne compte que sur ses propres moyens. Mais ce n'est pas simple, surtout en province. Débrouillards PAGE 3 Les généraux de l'ar- mée russe renoncent la mort dans l'âme aux millions d'appelés et optent désormais pour l'armée professionnelle. Peau neuve PAGE 2 Nationalistes bigarrés et hyperactifs Nijni Novgorod invite PAGE 2 PAGE 4 Une récente manifestation de l'extrême-droite russe montre une capacité de mobilisation beaucoup plus importante que celle de l'opposition libérale. Le repli identitaire fait recette, les partis tentent de le récupérer. La région de Nijni Novgorod multiplie les efforts envers les investisseurs et rappelle qu'his- toriquement, elle est le berceau du commerce en Russie. PAGE 6 OPINIONS POLITIQUE & SOCIÉTÉ ÉCONOMIE Adhésion à l'OMC : le pour et le contre La Russie est sur le point d'ac- céder à l'Organisation mondiale du Commerce après 18 ans de négociations. Bon pour l'écono- mie russe ? Banque Centrale de Russie béné- ficiaient d’un régime aussi avan- tageux. Ces vacances fiscales à durée indéterminées sont en réa- lité inscrites dans le code fiscal depuis janvier dernier, mais elle n’entreront en vigueur qu’à par- tir de décembre. L’objectif affiché par le ministère de l’Économie est de permettre aux cliniques et écoles privées de concurrencer plus facilement les établissements financés par l’État. Une concurrence accrue conduit © ALAMY/LEGION MEDIA © AFP/EASTNEWS © LORI/LEGION MEDIA © FOCUSPICTURES © OKSANA YUSHKO © AP © PHOTOXPRESS

La Russie d'Aujourd'hui

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La Russie d'Aujourd'hui est une source d'informations politiques, économiques et culturelles internationalement reconnue. Elle propose une couverture médiatique réalisée sur le terrain par des journalistes possédant une connaissance en profondeur du pays, ainsi que des analystes et un vaste éventail d'opinions sur les événements actuels.

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Page 1: La Russie d'Aujourd'hui

Ce supplément est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Moscou, Russie) qui assume seule l'entière responsabilité de son contenu

Distribué avec

Mardi 29 novembre 2011

Trésors souterrainsde l'ère soviétiqueStaline avait pour projet de faire du métro de Moscou « le palais du peuple ».

P. 8

Le parler vrai du réalisateur ZviaguintsevSon dernier film, Elena, vient de remporter le grand-prix du festi-val à Gand.

P. 7

SUITE EN PAGE 7

Le Bolchoï défend l'opéra d'antan

La direction n'a pas lésiné sur les moyens pour redonner au théâtre d'art lyrique son lustre et ses dorures pré-révolutionnaires.

Ce dirigeable, conçu sur le mo-dèle de ceux utilisés lors de la Seconde Guerre mondiale, par-

PHOTO DU MOIS

L'Étoile rouge vole toujoursEnseignementet santé détaxés

à terme à une baisse des prix, sug-gère le ministère...À l’heure actuelle, les cliniques pri-vées ne représentent que 5% du total des établissements de santé en Russie. Plusieurs grands groupes industrialo-� nanciers du pays ont lancé ces dernières années des chaînes de cliniques, comme AFK Sistema, Ingosstrakh et Alfa. En région, de grands groupes indus-triels comme UGMK à Ekaterin-bourg, diversi� ent leurs activités en ouvrant des cliniques d’abord pour leur propre personnel, puis, réalisant que l’établissement peut dégager des bénéfices, ouvrent leurs portes à l’en semble de la po-pulation. Les nouvelles exonéra-tions � scales ont toutes les chances d’accélérer ce processus.

Jamais jusqu’ici les autorités ne s’étaient montrées aussi géné-reuses avec un secteur tout en-tier. Seuls des projets clés comme la technopole de Skolkovo ou la

JULIA KOUDINOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Toutes les sociétés des deux secteurs ne paieront bientôt plus l'impôt sur les bénéfices. Le gouvernement espère attirer une vague d’investissements privés vers les cliniques et écoles.

Économie Le gouvernement assouplit sa politique fiscale

ticipe aux répétitions du défilé militaire du 7 novembre, sur la Place Rouge à Moscou.

PAUL DUVERNETLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le Théâtre du Bolchoï a rouvert ses portes le 28 octobre après six interminables années de travaux. La direction promet que son répertoire résistera impétueusement à la modernité.

Opéra Le très réussi gala d'ouverture a répondu aux attentes, mais qu'en sera-t-il des prochains spectacles ?

Quand le très vénéré Théâtre du Bolchoï s’est trouvé entouré de palissades à l’été 2005, la com-munauté des mélomanes et des amateurs de ballet s’en est trou-vée bien attristée. Trois années sans Bolchoï ! Tout le monde a pris son mal en patience, tant la nécessité de travaux éclatait aux yeux de tous. Des rumeurs circu-laient selon lesquelles le bâtiment se trouvait dans un tel état de dé-réliction qu’il menaçait de s’écrou-ler. Malheureusement, la patien-ce n’a pas suffit. Le public du Théâtre a rapidement pris conscience que la date de � n des travaux était fictive. Mais per-sonne n’aurait imaginé devoir at-tendre jusqu’en octobre 2011 pour pénétrer de nouveau dans l’en-ceinte légendaire.

Produit de Russia Beyond the Headlines

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La Venise du NordSaint-Pétersbourg comme les guides touristiques ne vous l'ont jamais présentée... Dans cette ville plate sillonnée par les cours d'eau, il faut savoir pren-dre de la hauteur... sur les toits !

L'assistanat soviétique, c'est fini. La nouvelle classe moyenne russe émergente ne compte que sur ses propres moyens. Mais ce n'est pas simple, surtout en province.

Débrouillards

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Les généraux de l'ar-mée russe renoncent la mort dans l'âme aux millions d'appelés et optent désormais pour l'armée professionnelle.

Peau neuve

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Nationalistes bigarrés et hyperactifs

Nijni Novgorod invite

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Une récente manifestation de l'extrême-droite russe montre une capacité de mobilisation beaucoup plus importante que celle de l'opposition libérale. Le repli identitaire fait recette, les partis tentent de le récupérer.

La région de Nijni Novgorod multiplie les efforts envers les investisseurs et rappelle qu'his-toriquement, elle est le berceau du commerce en Russie.

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OPINIONS

POLITIQUE& SOCIÉTÉ

ÉCONOMIE

Adhésion à l'OMC : le pour et le contreLa Russie est sur le point d'ac-céder à l'Organisation mon diale du Commerce après 18 ans de négociations. Bon pour l'écono-mie russe ?

Banque Centrale de Russie béné-� ciaient d’un régime aussi avan-tageux. Ces vacances � scales à durée indéterminées sont en réa-lité inscrites dans le code � scal depuis janvier dernier, mais elle n’entreront en vigueur qu’à par-tir de décembre. L’objectif affiché par le ministère de l’Économie est de permettre aux cliniques et écoles privées de concurrencer plus facilement les établissements � nancés par l’État. Une concurrence accrue conduit

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affaires à suivremission innova, rencontre à skolkovole 12 décembre, moscou

L’Association pour la Science et les Technologies « Tekhnopol-Moscou » et la Chambre Belgo-Luxembourgeoise pour la Rus-sie et la Biélorussie invitent à la première rencontre Mission IN-NOVA à Moscou le 12 décembre 2011. Elle aura lieu au siège de la Fondation Skolkovo à Moscou, 12, quai Krasnopresnenskaïa, en-trée 6.

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Tous les déTails sur noTre siTelarussiedaujourdhui.Be

en Bref

Vous qui voyagez entre la Belgique et la Russie, faites attention aux modifications horaires en vigueur depuis cette année. La Russie a définitivement abandonné le changement d’heure saisonnier et le déca lage avec la Belgique est désormais de 3 heures (au lieu de 2) jusqu’a la fin mars. Le dimanche 30 octobre, une pe­tite révolution a perturbé cer­tains gadgets munis d’une fonc­tion horloge – l’informatique n’avait pas enregistré la déci­sion du Président Medvedev selon laquelle « l’heure d’hiver » n’existe plus en Russie : le nou­vel an arrivera une heure plus tard que d’habitude !

à l’heurede moscou : + 3

La Russie compte désormais plus d'internautes que les autres pays européens, d'après une étude réalisée par ComScore. Ce n'est que pure logique, puisque la Russie compte la plus impor­tante population sur le conti­nent, avec 143 millions d'habi­tants. Avec 50,8 millions de Russes, la pénétration de l'In­ternet, plus lente qu'en Occident, dépasse désormais les 50,14 mil­lions d'Allemands et les 42,35 millions d'internautes français. Le marché russe de l'Internet deviendra le premier d'Europe en valeur dans les toutes pro­chaines années si la croissance se poursuit au même rythme, es­time le ministre des Télécommu­nications et des Médias.

leader européen des internautes

« Marre de nourrir le Caucase », « Liberté, nation, ordre ». Pen­dant qu’au cœur de Moscou était célébrée, le 4 novembre dernier, la fête officielle de l’unité natio­nale, dans une banlieue morne de la capitale, 7 000 nationalistes ont défilé sous ces slogans. Une mo­bilisation a priori modérée à l'échelle du pays, mais qui est beaucoup plus importante que les manifestations de l'opposition dé­mocratique. Pour la septième année consécu­tive, le principal contingent de la « Marche russe » était formé de jeunes scandant des slogans xé­nophobes. Mais cette année, ils ont été rejoints par des nationa­listes plus âgés et modérés. La manifestation n’a pas su res­ter unifiée. Les nationalistes se sont divisés en multiples co­lonnes : « skinheads » portant des masques, fondamentalistes ortho­doxes, retraités munis d’icônes et simples familles avec des enfants.

vladimir rouvinskyla russie d'aujourd'hui

le slogan « la russie aux russes » rencontre un large écho dans le public. le repli identitaire s’exprime au grand jour lors de la fête de l’unité nationale du 4 novembre.

le nationalisme rallie les mécontents en ordre dispersé

politique une récente manifestation de l'extrême-droite montre l'écho rencontré par les idées xénophobes

Le défilé était fermé par les néo­nazis sous un drapeau SS arbo­rant une tête de mort. Les divers groupes avançaient en clamant leurs slogans respectifs au milieu de discours anticauca­siens, de chansonnettes antisé­mites accompagnées à la bala­laïka, de vitupérations contre le parti du pouvoir, Russie unie, et contre l’islamisation. La marche avait été autorisée par les autorités et s’est déroulée sans incidents. Selon le centre d’ana­lyse Sova, spécialisé dans l'ob­servation de la xénophobie en Russie, les slogans scandés pen­dant la manifestation étaient une forme d’incitation à la haine ra­ciale, punie par la loi. Mais la po­lice n’a pas réagi. Pour le sociologue Lev Goudkov, la notion « La Russie aux Russes » est soutenue par 60% de la po­pulation, tandis que 50% des ha­bitants de Moscou sont favo rables à une limitation de l’immigration des ressortissants des républiques du Caucase et d’Asie centrale. « Le problème n’est pas tant que le sen­timent xénophobe re monte des couches inférieures pour se répan­dre dans la société, mais que la société oppose de moins en moins de résistance », ana lyse l’expert.À cela, plusieurs raisons. Tout

d’abord, de nombreux Russes sont déçus par le pouvoir, estime le directeur du Centre des tech­nologies politiques, Igor Bou nine. L’exemple type en est la mani­festation « spontanée » de 5 000 supporters de football sur la place du Manège en 2010. Brandissant des slogans nationalistes, ils exi­geaient une enquête sur l’assas­sinat d’un des leurs par un res­sortissant du Caucase. « C’était la première fois que le nationa­lisme rejoignait la contestation sociale. C’était une réaction à l’in­justice, à l’absence de tribunaux fiables et de moyens de faire pres­sion légalement sur les autorités », explique Goudkov. La seconde raison tient à une po­litique migratoire incohérente : d’un côté, dans un contexte de chute démographique et de man­que de main d’œuvre, on favo rise les flux de migrants à partir des régions pauvres du Caucase et d’Asie centrale, mais de l’autre, personne ne contrôle ces méca­nismes gangrenés par la corrup­tion. Le pouvoir lui­même nour­rit le sentiment nationaliste. Les défenseurs des droits de l’homme sont convaincus que les racines de l’extrémisme nationa­liste qui affecte la société russe actuelle sont à chercher dans la

guerre de Tchétchénie. Après la guerre, les Russes se sont trouvés en butte à une très forte hostilité dans le Caucase. La deuxième guerre a été portée par une vague nationaliste où les Tchétchènes étaient perçus comme des enne­mis de la nation. « La poussée de la haine mutuelle a eu pour consé­quence un effondrement moral », assure Svetlana Ganouchkina. Une autre raison, soulignée par le politologue Nikolaï Petrov du centre Carnegie, plonge ses ra­cines dans les questions rela tives à la quête d’identité russe. Les données du centre Levada in­diquent qu’à la fin des années 1980, le nationalisme en Russie sovié tique était plus faible que dans les autres républiques de l’Union. « Les soviétiques avaient une conscience de former un em­pire, sans exigence d’apparte­nance ethnique », analyse Goud­kov. L’ indépendance des anciennes républiques soviétiques s’est appuyée sur des mouvements de libération nationale, comme dans les pays baltes, le Caucase ou l’Ukraine. Mais les Russes ne se sont émancipés de personne. De plus, la voie nationaliste est contre­indiquée pour une Russie peuplée de 140 ethnies, pense Pet­rov : « Chaque ethnie en Russie, contrairement aux Turcs d’Alle­magne par exemple, possède un territoire historique ; c’est pour­quoi le nationalisme conduirait à l’éclatement du pays ». Les nationalistes modérés se ré­fèrent à l’expérience européenne. « En Europe, il y a des institu­tions et des mouvements civils qui ré sistent à cela, il y a de vastes débats dans la société qui désa­morcent largement la violence du nationalisme. Ce qui n’existe pas en Russie », regrette Goudkov. Celui­ci est convaincu qu’après l’incident de la place du Ma nège, le parti du pouvoir a senti « une forte menace » qui l’a amené à prendre en compte les revendi­cations nationalistes au sein de la société pour les empêcher de déborder.« Le pouvoir ne cherche pas tant à les combattre, en solutionnant les problèmes qui les nourrissent, qu’à récupérer ces sentiments, comme cela a été le cas pour la contestation sociale », conclut le sociologue.

de Moscovites approuvent les ex-pulsions d’étrangers et les Russes soutiennent le slogan « La Russie aux Russes » dans une proportion de 60%, selon le centre Levada.

40%en chiffres

les crises font le lit du nationalisme

Selon le centre Levada, le natio-nalisme a commencé à prendre de l’ampleur au milieu des années 1990, devenant très vi sible après la crise financière de 1998 et la faillite de l’État. Beaucoup perdirent leur travail et leurs économies.« C’est à ce moment là que la so-ciété a cessé d’imaginer les possi-bilités de son développement, et il a fallu trouver d’autres fondements à l’affirmation nationale », explique Goudkov. Le nationalisme culmine au milieu des années 2000 avec des émeutes et des crimes à carac-tère raciste.

paul duvernetla russie d'aujourd'hui

le chef d'état-major de l'armée russe nikolaï makarov a lâché une bombe dans les médias à la mi-novembre en annonçant pour la première fois la fin possible de la conscription obligatoire.

Vers la fin de l'ère du million de soldats ?armée un bouleversement du fonctionnement des forces militaires se prépare

Major devant un parterre de jour­nalistes médusés. Il est de notoriété publique qu'un nombre très important de jeunes Russes versent des dessous de table aux officiers recruteurs pour échapper au service militaire, fa­briquent des dossiers médicaux

Le chef d'État­major de l'armée russe Nikolaï Makarov a jeté d'un coup plusieurs pavés dans la mare le 17 novembre dernier lors d'une conférence de presse à Moscou. C'est le dogme du sacro­saint mil­lion de soldats qui vacille, avec l'annonce que seuls 11% des hommes âgés de 18 à 27 ans peuvent en principe servir dans les rangs de l'armée. Makarov ajoute qu'en outre, 60% de ces 11% souffrent de problèmes de santé qui empêchent l'armée de les intégrer. « Nous nous trouvons dans une situation où il ne reste virtuellement personne à enrô­ler », s'est plaint le chef d'État­

falsifiés, voire deviennent père dans l'espoir d'échapper au ser­vice militaire obligatoire de douze mois. Les violents bizutages, le travail forcé et les conditions de vie éprouvantes sont à l'origine de l'impopularité du service. Le fort déclin démographique est un

autre facteur majeur des difficul­tés éprouvées par les généraux pour lever une armée d'un mil­lion d'hommes « prêts à com battre à tout moment ». Cet automne, le nombre d'appelés a du être divi­sé par deux (à 135 850), par rap­port aux 250 000 à 300 000 pré­vus. L'appel se déroule deux fois par an, au printemps et à l'automne.Nikolaï Makarov envisage, pour combler le déficit d'appelés, de les remplacer peu à peu par des "kontraktniki", soit des soldats professionnels. Dès 2013, il veut recruter des kontraktniki au rythme de 50 000 par an. Si le processus fonctionne, Makarov estime qu'on pourra envisager l'abandon de l'appel sous les dra­peaux « à partir de 2016 ». Le ministre de la défense Anatoli Serdioukov s'est fixé pour objec­tif de recruter 425 000 soldats professionnels d'ici 2017. Cette ré­forme fondamentale de l'armée

a provoqué de gros remous chez les généraux très attachés à la conscription de masse, fondée sur une pensée militaire ancrée dans l'époque soviétique et formée au sortir de la seconde guerre mon­diale. Pour l'expert Alexandre Golts, l'armée d'un million de soldats n'est plus qu'un mythe inacces­sible. Il fixe ses estimations pour cette année à 710 000 militaires au total, dont 220 000 officiers (leur nombre a été considérable­ment réduit ces dernières années), 180 000 "kontraktniki" (soldats sous contrat), 35 000 cadets (étu­diants soldats) et 270 000 appe­lés. Golts note avec soulagement que les généraux admettent enfin que l'armée n'est en mesure d'en­tretenir qu'environ 500 à 600 000 soldats. Mais il doute que les auto­rités soient prêtes à relever le sa­laire des soldats professionnels au niveau promis, soit 30 000 rou­bles par mois (714 euros).

la crise démographique et les bizutages font fondre les rangs.

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03LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.Besupplément réalisé par rossiyskaya Gazeta et distriBué avec société

a.molodytch, f.tshapkovskirousski reporter

les soviétiques se reposaient sur l’état. aujourd’hui, les russes se battent pour leur emploi, un appartement bien situé et une place au jardin d’enfants pour leur progéniture.

la nouvelle classe moyenne retrousse ses manches

vie quotidienne ils savent qu'ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes

Les Frolov sont une famille ty­pique de la classe moyenne pro­vinciale émergente. Vladimir a 28 ans, sa femme Nastia en a 22. Ils sont originaires de la région de Tomsk, ville située en plein cœur de la Sibérie, à environ 3 000 ki­lomètres à l’est de Moscou et qui compte 500 000 habitants. Une fois ses études supérieures termi­nées, Vladimir a trouvé du travail dans une usine électromécanique de Tomsk, où il a rencontré Nas­tia. Son premier salaire s’élevait à 10 000 roubles (environ 250 euros), ce qui n’est pas énorme, même à Tomsk. Mais le jeune ingénieur pro­metteur est resté : sa société lui a offert un prêt sans intérêt sur 25 ans, qu’il a utilisé pour acheter un appartement T1 (une chambre) dans un im meuble moderne au bord du fleuve. Seule condition : s’il est congédié ou s’il démis sionne, il devra non seulement rembour­ser son prêt immédiatement, mais aussi payer les intérêts sur tout ce qu’il a emprunté jusque­là. Vladi­mir est donc lié à son employeur pour un quart de siècle, mais se met volontiers à sa place : sans cette clause restric tive, « les gens seraient nombreux à se procurer des prêts avantageux sur le dos de l’entre-prise, sans contrepartie. Nous som-mes peut-être liés à l’entreprise, mais c’est le prix à payer pour avoir notre propre appartement ». Le couple a eu de la chance. La majorité des jeunes familles russes n’ont pas les moyens d’obtenir un prêt, que ce soit d’une banque ou de leur employeur. En effet, soit les candidats ne peuvent présen­ter les garanties nécessaires, soit leur employeur refuse de les aider par le biais d’un prêt à taux zéro. C’est une des raisons pour les­quelles la part de l’immobilier russe acquis grâce à une aide fi­nancière ne représente que 15%.Une fois versées les mensualités de l’emprunt, il ne reste aux Fro­lov qu’environ 630 euros. Le sa­laire de Vladimir est le seul reve­nu du ménage car Nastia a repris ses études et s’occupe de l’édu­cation de leur fils Sergueï. Le budget alimentation tourne autour des 150 euros par mois. Pour sa sécurité financière, Vla­dimir considère qu’il a besoin d’un salaire mensuel d’au moins 1 000 euros. Mais il ne peut espérer une augmentation sans un gain de productivité de son usine de fa­brication de turbines d’aération

les frolov joignent à peine les deux bouts mais restent optimistes.

la classe moyenne russe en chiffres

pour le métro, ce qui nécessite à son tour une modernisation du matériel de l’usine. Coincée entre la lourdeur fis cale et le coût des emprunts ban caires, l’entreprise n’a pas les moyens de réaliser tous les investissements nécessaires.La mondialisation n’arrange rien. « En Allemagne où je vais pour affaires, les gens achètent alle-mand le plus possible. Nous avons besoin de la même mentalité en Russie », estime Vadimir, dont le patriotisme économique s’accom­pagne d’une certaine satisfaction person nelle : le jeune ingénieur veut rester à Tomsk et travailler à la fois pour le bien­être de sa famille et le développement de son usine. Son ambition ? Une maison en banlieue et trois en­fants.Son épouse se contenterait de deux enfants. Son objectif immé­diat : envoyer son fils au jardin

d’enfants puis trouver du travail. La première étape n’est pas simple : les listes d’attente pour le jardin d’enfants comptent jusqu’à 10 000 noms dans cer­taines régions et selon le minis­tère de la Santé, le total pour la Russie atteindrait 1,5 million. Si elle obtient une place pour Ser­gueï, Nastia souhaite travailler dans le secteur des services so­ciaux. Elle espère gagner 20 000 roubles par mois, mais se satis­ferait de 15 000 (400 euros). Vladimir et Nastia font partie d’une nouvelle génération : ils n’ont pas pour habitude de s’en prendre au gouvernement et cherchent eux­mêmes des solu­tions sans compter sur l’ État. Il est vrai que le couple n’a pas la folie des grandeurs.Les voyages ? Nastia voudrait aller à Sébastopol où elle a de la famille. Des destinations plus exo­

tiques ? Les pyramides d’Égypte, les plages de sable fin thaïlandaises, mais aussi l’Allemagne, parce que Vladimir lui en a dit beaucoup de bien. En somme, la famille a besoin de sortir de chez elle. Ce que le couple ne fait que trop rarement, n’ayant pas les moyens de payer une « ba­by­sitter » pour s’occuper de son enfant. Sa dernière sortie au res­taurant ? « Il y a neuf mois », ré­pondent d’une seule voix Vladi­mir et Nastia.Le salaire modeste de Vladimir est imputable au faible taux moyen de la productivité en Rus­sie, qui est quatre fois inférieur à celui des États­Unis. Un nouvel emploi dans une autre ville pour­rait permettre au ménage d’amé­liorer sa qualité de vie grâce à une augmentation significative de ses revenus. Avec ses compé tences, Vladimir aurait d’excellentes perspectives d’avenir dans la ré­gion de Saint­Pétersbourg, où l’économie est plus dynamique. Mais son emprunt l’oblige à res­ter à Tomsk. Comme d’autres dans son cas : en Russie, seuls six em­ployés sur mille déménagent dans une autre ville chaque année, soit quatre fois moins qu’aux États­Unis. Vladimir ne s’inquiète pas d’un éventuel accident qui le priverait de son emploi : « Si quelque chose m’arrivait, une compagnie d’as-surance rembourserait mon em-prunt. Pour être honnête, j’ai une chance incroyable. Des millions de Russes sont probablement ja-loux de moi ».

natalia krainovathe Moscow tiMes

le président sortant dmitri medvedev vient de voter une loi provoquant une brèche dans le sacro-saint principe de la gratuité des soins. À deux semaines des législatives...

Inquiétudes sur le futur de la gratuité des soins

santé Fin du welfare state à la russe ?

vers l'abolition de la gratuité des soins dans le pays.Toutes les constitutions russes de­puis 1936 jusqu'à l'actuelle ­ adoptée en 1993 ­ mentionnent la gratuité des soins comme un droit inaliénable.Mais il s'agissait d'un droit sys­tématiquement violé, surtout à l'époque postsoviétique, lorsque le système de santé était miné par des financements insuffisants et commençait lentement à s'effon­drer.

Les patients sont souvent obligés de payer pour des services sup­posés être gratuits, à la fois offi­ciellement et « sous la table », soit parce que les installations médi­cales manquent de financement, soit parce que les médecins, aigris par les foules de malades et les bas salaires, sont réticents à faire leur travail.Depuis 1991, les dépenses pub­liques en soins de santé n'ont « pratiquement pas augmenté » en termes réels, déclare Larissa Popovitch, directrice de l'Institut d'économie de la santé auprès de l'École supérieure d'économie.70% de l'argent dépensé en soins de santé publique prétendument gratuits proviennent des paie­ments légaux et « informels » des patients, a expliqué Popovitch.Bien que le gouvernement envi­sage d'augmenter les dépenses militaires à 20.000 milliards de roubles (476 milliards d'euros) en 2020 ­ un montant spectaculaire dont on ne trouve d'équivalent qu'à l'époque de la Guerre froide ­ rien de tel n'est attribué pour les « dépenses sociales ». Les prio­rités gouvernementales n'ont pas fini de provoquer des débats.

Pour faire des tests sanguins, Elena Kopylova, 49 ans, est arri­vée à la porte de sa clinique pu­blique locale de la banlieue de Moscou à 7 h du matin, une heure avant l'ouverture. Elle n'était pas la première. « J'ai du diabète et je peux m'évanouir en atten-dant », a dit Kopylova. Cette femme obèse venue pour tester sa glycémie à jeun, attendait ainsi à la clinique le mois dernier.La queue finit par compter des dizaines de personnes, et beau­coup n'ont jamais atteint leur tour malgré des heures d'attente. Les petits futés savaient, cependant, qu'il suffit de glisser 200 roubles (5 euros) à l'infirmière pour échap­per à la file...De telles scènes sont omnipré­sentes en Russie, où la santé pub­lique est sous­financée, sous­équi­pée et en sous­effectifs depuis l'effondrement de l'Union sovié­tique.Dans une tentative de change­ment, le gouvernement a proposé une réforme radicale de la santé publique cette année. Même si elle n'a pas déclenché les joutes ver­bales qui ont suivi les récentes réformes aux États­Unis, elle a néanmoins suscité un débat hou­leux, qui a été relancé à la mi no­vembre, lorsque le président Dmi­tri Medvedev a signé le projet de réforme.Le projet de loi cherche mettre un terme à ces « gratifications » auxquelles Kopylova a assisté dans la clinique où elle attendait patiemment son tour. Mais cela se fera en légalisant les services médicaux payants dans les éta­blissements d'État. Ce qui, disent les critiques, constitue une étape

dans les faits, les russes sont souvent contraints de payer leurs soins.

alexandra anizakhianAvec roussky reporter, vedoMosti

faute du soutien de l'état, les organisations caritatives rivalisent d'imagination pour lever des fonds.

Premier strip-tease solidairephilanthropie une initiative caritative sort de l'ordinaire et attire l'attention des médias, alors que le financement public fait défaut

rammes et d'incitation fiscale pour les activités de charité. Dans le même temps, les actions ponc­tuelles de l'État se discréditent de plus en plus. Le concert du Fonds de bienfaisance « Fédéra­tion » avec la participation de stars internationales et du Pre­mier ministre Vladimir Poutine fin 2010 s'était terminé par un scandale : 4 mois plus tard, la mère d'une petite fille souffrant du cancer a déclaré qu'elle n'avait pas reçu l'argent promis. Les ac­tions de charité du Kremlin, or­ganisées à grand fracas et sous l'attention des journalistes, rap­pellent souvent de pompeuses campagnes de relations pub­liques.

se quereller avec l'État c'est une chose, coopérer avec lui en est une autre. La seule plateforme sur laquelle je peux dire qu'il y a des gens dans les entrées d'im meubles, c'est mon blog. Je n'ai pas de chaî-ne de télé, de radio, de journa-listes salariés, de directeur des re-lations publiques. Juste un blog. Heureusement, les gens l'en-tendent », a­t­elle déclaré.En ce qui concerne l'État, selon les données du Boston Consul­ting Group, le financement pu­blic des organisations à but non lucratif en Russie atteint seule­ment 5%, soit dix fois moins que dans les pays développés et 4 fois moins que dans les pays émer­gents. Il n'existe pas de prog­

Le 13 novembre, un « strip­tease de bienfaisance » s'est tenu à Moscou. Et cela n'a rien d'une blague. Les spectateurs de­ vaient apporter des vêtements chauds pour les sans­abri : des danseurs professionnels les met­taient en cou lisses avant de dé­

filer sur scène et de s'en dé­pouiller.On peut discuter longtemps du côté moral et éthique de l'initia­tive. Une chose est cependant in­discutable : les organismes de bienfaisance survivent plutôt mal que bien dans la Russie d'aujourd'hui.« En Russie, le système de fonds de bienfaisance est inversé, les fonds des philanthropes privés at-teignent 10-15% du total », com­mente Maria Tchertok, directrice de CAF Russie. Selon les statis­

tiques, 73% du financement à but non lucratif en Russie venait en 2011 du monde des affaires et des citoyens. Cette « inversion » à de nombreux niveaux est le résultat d'un principe élémentaire : « dé­brouillons­nous sans État ».Selon un sondage réalisé par Roussky Reporter sur le « Forum des donateurs » en octobre 2011, la majorité des sondés estiment que le principal frein au dévelop­pement de la bienfaisance en Rus­sie est une « réglementation gou-vernementale inadaptée » et le

« développement insuffisant des infrastructures caritatives ».Pendant ce temps, Internet est lit­téralement submergé d'appels à l'aide. L'un d'eux provient d'Eli­zaveta Glinka, l'organisatrise du "strip­tease" mieux connue comme le « docteur Liza » : à travers son blog elle lance des appels aux lec­teurs afin de recueillir des fonds pour son organisation « Aide équi­table », qui travaille avec les dé­munis et les sans­abri. « Je ne veux pas travailler avec l'État, j'ai une fondation privée. Ne pas

La gratuité des soins est cruciale dans un pays dont 23% des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté

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04 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.Besupplément réalisé par rossiyskaya Gazeta et distriBué avec économie

les étrangers ont la priorité

caroline Gaujard-larson La russie d'aujourd'hui

nijni novgorod et sa région ont l'avantage d'être proches de la capitale, densément peuplées, bien desservies. des industriels belges ont décidé d'y localiser leur production.

région Gros plan sur une province traditionnellement axée sur l'industrie manufacturière, militaire et nucléaire

« Une législation progressiste ». C'est ce qui a amené le groupe Solvay dans la région de Nijni Nov gorod au cours de l'année 2007. Là, le spécialiste belge des solutions plastiques et son par-tenaire russe Sibur érigent main-tenant une nouvelle usine à Kstovo, premier complexe à l'échelle mondiale construit en Russie et qui sera opérationnel à l'horizon 2013. Pour Erik De Leye, chargé de communication du groupe Solvay, le choix du partenaire comme celui du lieu allaient de soi. « L'une des ma-tières premières du PVC est l'éthylène et Sibur dispose d'un vapocraqueur qui en produit, ex-plique celui-ci. Le choix était fa-cile ». Quant à Kstovo, « une ville très bien située », sa capacité logis tique aura fait la diffé rence. Sans compter la qualité de la main d'oeuvre qui s'y trouve et le potentiel du marché local.

une coopération étroite de la régionÀ la région de Nijni Novgorod le gouvernement local a pris son destin en main, semble-t-il. Le porte-parole de Solvay salue son dynamisme et le soutien pro-digué aux investisseurs étran-gers tel celui apporté par l'ad-ministration au groupe belge. «Le gouvernement local a dès le début apporté son aide à la réa-lisation de notre projet, assure Erik De Leye. La législation de Nijni Nov gorod lui permet d'ap-porter un soutien aux industriels étrangers, qu'il soit financier ou non ». Le groupe Solvay, qui a donné naissance à RusVinyl de-puis sa joint-venture avec Sibour pour le projet de Kstovo, in dique qu'il a bénéficié d'un statut prio-ritaire pour mener à bien ses pro-jets : « dans ce cas, la région sou-tient l'entreprise sous la forme d'agréments fiscaux, d'une com-pensation des taux de crédit commercial, de mesures non-fi-nancières, etc. ». Un accord entre RusVinyl et les autorités locales, garantissant à l'industriel des agréments fiscaux concernant l'impôt sur la fortune et l'impôt sur les béné fices pour une pé-riode de cinq ans, a ainsi été signé.Autant de facteurs économiques qui font de Nijni Novgorod une

la foire de nijni novgorod est le berceau du commerce de la région.

carte des implantations réalisées par les groupes étrangers

caroline Gaujard-larsonLa russie d'aujourd'hui

implanté à nijni novgorod via Bor Glassworks depuis 1997, le producteur de verre plat, aGc Glass europe, a dépensé jusqu'ici 770 millions d'euros pour conquérir le marché russe.

une intégration délicate mais réussie dans le tissu industriel local

S'implanter à Nijni Novgorod via le rachat d'une entreprise lo cale : c'est l'option gagnante qu'a choi-si AGC Glass Europe (jadis Gla-verbel), spécialiste du verre, en acquérant, en 1997, 75% du ca-pital de Bor Glassworks, premier producteur de verre plat en Rus-sie depuis les années 1930. De quoi minimiser les risques, selon la société, « dans un immense pays en route vers une économie de marché », commente-t-on au

réduire l'assiette fiscale pour créer des emplois

entretien VaLeri ChantseV, GouVerneur

Quelles sont les demandes formu-lées par les investisseurs étrangers ?Premièrement, les investisseurs étrangers ont peur des barrières administratives, de la corruption, et des lenteurs dans l'octroi de li-cences. Nous avons supprimé tout cela en misant sur le « guichet unique ». Nous avons réduit la pé-riode de prise de décision à 104 jours. Deuxièmement, chaque in-vestisseur regarde la logistique, la disponibilité de terrains et de res-sources administratives, la volon-té politique des dirigeants concer-nant la réalisation d'un projet, ainsi que les compétences des employés. La disponibilité de réseaux tech-niques est importante : électricité, chauffage, eau, voies d'accès. Nous avons travaillé sur ces axes. Pour réduire le déficit d'énergie, nous envisageons de construire une cen-trale nucléaire - 4 blocs de 1150 mégawatts. En 2020, le déficit d'électricité aura disparu.

pouvez-vous détailler quelques gros projets industriels ?La construction d'un nouveau complexe de craquage catalytique profond dans la raffinerie de Ks-tovo et un complexe de fonderie-laminage dans l'usine métallur-gique de Vyksa, avec les équipements dernier cri de l'Italien Danieli.À Dzerjinsk, on a ouvert la pre-mière usine russe du groupe Lie-bherr, qui fabrique du matériel de construction et des composants destinés à l'aéronautique. Et il y beaucoup d'autres projets...

Que faites-vous pour accélérer la modernisation de l'économie ?

Aujourd'hui, nous favorisons la modernisation de l'industrie mé-canique et métallurgique par des incitations fiscales. Quand de nou-veaux équipements sont installés, nous libérons totalement la socié-té de la taxe professionnelle pen-dant la période de retour sur in-vestissement. Mieux vaut avoir pendant cinq ans un haut niveau de productivité, des salaires élevés pour ceux qui y travaillent, que des recettes fiscales. Certains se plaignent que nous réduisons l'as-siette fiscale. Mais regardons un instant ce qu'il y avait avant : un champ envahi par les mauvaises herbes, avec des machines obso-lètes et improductives. Désormais, un opérateur reçoit un salaire de 1.250 euros pour travailler sur une machine multibroche rapide qui produit autant qu'un demi-atelier. C'est un niveau complètement dif-férent. Nous avons la mauvaise ha-bitude de prendre sur tous les ta-bleaux. Mais travailler dans les régions, c'est un business aussi complexe que celui d'une entre-prise.

d.skvortsov et t.ermoshkina

a reproduit en Russie une stra-tégie de diversification géogra-phique et de présence sur des marchés émergents déjà appli-quée en Tchéquie où l'entreprise a mis la main sur le producteur national de verre plat.Quant à Nijni Novgorod : « L'ad-ministration locale comprend très bien l'intérêt d'accueillir des in-vestisseurs étrangers », dit-on chez AGC. Impôts, emploi, CSR (responsabilité sociale des entre-prises), technologies innovantes ;

« tout ce que le gouvernement de Nijni Novgorod pouvait pour AGC, dans les limites de la légis-lation russe, a été fait pour faci-liter notre implantation ». D'où le conseil aux entreprises étran-gères candidates à une installa-tion dans la région de prendre contact avec le vice-gouverneur de Nijni Novgorod, qui a en charge le département des investisse-ments. « L'investisseur doit évi-demment tenir ses promesses », prévient-on chez AGC. Quant à la réalisation et la ges-tion de l'activité, le professionnel du verre recommande de « confier d'importantes responsabilités au management russe. Mieux que quiconque, il saura respecter et tirer parti d'un environnement socio-économique et culturel dont la compréhension peut aisément échapper aux investisseurs étran-gers. Des accords fiscaux, envi-ronnementaux et sociaux passés avec les autorités locales sont éga-lement recommandés pour sécu-riser l'investissement ».

siège de Bruxelles. À l'époque, AGC Glass Europe se donne ainsi le temps de se familiariser avec le tissu économique local, d'or-ganiser sa structure de manage-ment et de former ses collabo-rateurs. Bor Glassworks dispose de deux lignes flottantes de conception occidentale pour une capacité totale de plus de 1 000 tonnes par jour, d'un équipement permettant de fabriquer du verre pour la production locale de 900 000 voitures par an ainsi que d'un réseau de distribution constitué d'une vingtaine de so-ciétés en Russie. Des atouts qui décident AGC à acquérir une po-sition stratégique, laquelle allait lui permettre de prendre « dix ans d'avance » sur ses concur-rents. Somme toute, AGC Glass

La consommation moyenne de verre est de 5 kg par habitant contre environ 18 kg en europe occidentale

région très attractive pour les in-vestisseurs étrangers, confirme de son côté le président de la chambre de commerce belgo-luxembourgeoise, Arkady Aria-noff. Ce dernier a justement ac-compagné une délégation belge dans la région russe en octobre dernier. « La chimie reste le plus gros secteur d'investissement dans cette région, détaille-t-il.

Nous voulons d'ailleurs contri-buer à la création d'un cluster plastique à Nijni Nov gorod ».À l'évocation de la région, le pré-sident de la chambre de com-merce belge précise que son ins-titution a justement signé un accord avec Nijni Novgorod il y a peu, même si, bien sûr, « nous travaillons avec toutes les ré-gions de Fédération ».

Faire ses premiers pasPour Arkady Arianoff, le premier interlocuteur d'un investisseur étranger désireux de s'implan-ter est évidemment l'adminis-tration locale, en particulier Dmitri Svatkowsky, le vice-gou-verneur de région. Toujours selon le président de la chambre de commerce, vient ensuite son ho-mologue russe : Dmitri Krasnov,

président de la chambre de com-merce de Nijni Novgorod. Arkady Arianoff évoque avec en-thousiasme sa visite du mois der-nier et se félicite de l'intérêt cer-tain dont ont fait montre les entreprises locales russes pour le projet de cluster plastique qu'il entend porter à Dzerzhinsk. « À Dzerzhinsk pour ses 250 000 ha-bitants et son université de grande

qualité », précise le président de la chambre de commerce belge. « Et pour la garantie d'une main d'oeuvre locale qualifiée, cadres y compris ». Dix ans plus tôt, tout était différent, conclut Arkady Arianoff. « L'équipe du gouver-neur Valeri Chantsev a complè-tement modifié le paysage éco-nomique de Nijni Novgorod. Le retard a été rattrapé ».

en chiFFres

3,5 C'est ainsi que les recettes fisca-les se sont mul-

tipliées au cours des 5 dernières années, après que V.Chantsev ait pris les rênes de la région. Le gou-verneur veut encore multiplier par cinq ces revenus.

394 euros (16,5 mille roubles), c'est le salaire

moyen dans la région de Nijni No-vgorod en 2010. Un salaire moyen environ deux fois inférieur à celui de la capitale.

3 milliards d'euros (envi-ron), soit 110 milliards de roubles. Ce chiffre corres-

pond au budget de la région de Nijni Novgorod. Selon la stratégie de développement, le gouverneur Valeri Chantsev veut le voir qua-drupler d'ici 2020.©

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05LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.BESUPPLÉMENT RÉALISÉ PAR ROSSIYSKAYA GAZETA ET DISTRIBUÉ AVEC Régions

Insolite Visite guidée d’un autre type pour découvrir la « Venise du Nord » : sur les toits de Saint-Pétersbourg

PAULINE NARYCHKINALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les Saint-Pétersbourgeois le savent bien : leur ville se révèle sous une autre dimension à qui sait prendre de la hauteur...

Dans la vie « d’en-bas », il est employé de banque. En trois h eures de balade, nous avons gravi quatre toits situés dans le centre historique de la ville. Nous avons évolué dans un rayon d’à peine deux kilomètres carrés ; c’est pourtant comme si nous avions visité une autre ville, un autre pays, une autre pla nète. Chaque toit est différent et offre un pay-sage et une ambiance qui lui est propre.Depuis l’immeuble du quai de la Fontanka, face au Cirque, on sur-plombe un carrefour où ondulent et se croisent les serpentins des phares de voitures et les lu mières des bateaux-mouches en un b allet synchronisé. Mouvement hypno-tique qui vous plonge dans un état méditatif. Vers la rue Mokhovaïa, le pay-sage est tout différent. Les nom-breuses cheminées et lucarnes f orment l’encadrement d’un ta-bleau hallucinatoire. À l’horizon,

Saint-Pétersbourg se situe au ni-veau de la mer, sans dénivelés, et si l’on veut prendre de la hauteur, l’une des solutions consiste à re-chercher les élévations architec-turales du haut desquelles la ville vous appartient, l’espace de q uelques heures : elle tient dans la paume de votre main, elle se donne. C’est parti pour une virée sur... les toits.Mon guide, Dmitri, a 22 ans. Il fait partie de la nouvelle généra-tion de ces accrocs des hauteurs : « Le toit, c’est TOI. C’est l’endroit qui donne la possibilité à ton monde intérieur de se révéler. Ici, tu peux être toi-même, loin des conventions du monde d’en-bas ».

les coupoles des grandes cathé-drales illuminées (Kazan, Saint-Isaac, Saint-Sauveur-sur-le-sang-versé, et la � èche de l’Amirauté) sont alignées telles des boules dorées posées sur la ligne de crête des toits. Si l’on se penche de l’autre côté de l’immeuble, on dis-tingue le dédale des ruelles et le labyrinthe des sombres cours in-térieures. Un monde parallèle contrastant avec l’éclairage vif et la circulation effrénée du Liteï-nyi Prospekt. Puis nous nous hissons sur le toit d’une bibliothèque abandonnée, un immeuble de briques r ouges aux fenêtres sans carreaux, pa-reil à une bouche édentée. À quelques minutes de là, nous visitons le toit d’un immeuble de grand standing, entre l’Ermitage et le Palais de marbre. Et là, c’est l’apothéose : une vue panora-mique sur la Néva, dans toute sa majesté. Sur la gauche, la Pointe de l’île Vassilievski avec ses co-

Descendre à l’hôtel et dans le passé

Pour vous imprégner de l’atmos-phère historique de la ville en res-tant tout près de l’avenue prin-cipale - la perspective Nevski -, descendez au Grand Hôtel Europe comme la plupart des visiteurs de renom depuis près de deux siècles. Au début du XIXe, à sa place se

trouvaient deux immeubles locatifs. L’un des propriétaires, de concert avec le marchand français Jean Coulon, y avait ouvert un hôtel-restaurant réputé, sous l’en seigne à consonance française La Russie. Cette tendance francophile s’est pérennisée et, aujourd’hui encore, les habitués peuvent savourer sur leur terrasse un petit-déjeuner à la française : un croissant frais avec leur café du matin.Suite à un incendie ravageur, le bâ-timent a été fortement endomma-gé. L’hôtel rouvre en 1875 sous le nom actuel de Grand Hôtel d’Eu-rope. La toute dernière rénovation a été réalisée en 2008 sous la di-rection de l’architecte d’intérieur français Michel Jouannet.

lonnes rostrales, à droite le pont Troïtsky, guirlande scintillante, et en face, dardant sa � èche vers le ciel, la forteresse Pierre-et-Paul, symbole de la ville.La hauteur peut donner le ver-tige, même à ceux qui ne l’ont pas. Un vertige de liberté, de beauté. Une sensation de toute puissance mêlée à l’adrénaline

que font naître le risque et l’in-terdit. Les immeubles du centre-ville étant limités à six étages, au-de-là, on accède directement au sep-tième ciel. Encore faut-il le mé-riter. Bien sûr, certains sommets ne se donnent pas si facilement, il faut les prendre d’assaut. S’ac-crocher et franchir l’obscurité des

greniers poussiéreux, se hisser à la force des bras à travers une étroite lucarne, crapahuter sur les arêtes des tôles glissantes entre les cheminées décrépies. Sans compter les gardiens, les camé-ras de surveil lance et les voisins aux aguets. Mais le jeu en vaut la chandelle.Dmitri raconte que ses quartiers favoris « au raz des nuages » sont situés dans le cœur historique : Nevski, Fontanka, Griboedov, la Place Sennaya, mais aussi l’île Vassilievski et, surtout, le quar-tier de Petrogradskaïa qui recè-le un potentiel in� ni et permet des balades de plusieurs heures sans toucher terre. Les amateurs de sensations fortes trouveront leur compte sur les grandes tours des quartiers périphériques (Ozer ki, Avtovo, Grajdanski pros-pekt). « Du haut d’un immeuble de 25 étages, par temps dégagé, on a une vue imprenable et iné-dite sur la ville ».

La mode... et la sécurité !Les sites Web proposant des pro-menades sur les toits, y compris les sites d’agences touristiques, se multiplient. Cette tendance est portée par des bars, clubs et res-taurants huppés qui, l’été, installent leurs terrasses en hauteur pour of-frir des vues imprenables.Il convient cependant de respecter certaines consignes de sécurité, et de porter notamment des chaus-

sures confortables avec semelles antidérapantes (mesdemoiselles, oubliez vos talons !), de garder les mains libres (sac à dos de rigueur), de se munir d’une lampe de poche et de ne pas s’accrocher aux fils électriques. À chacun de trouver SON toit. Une chose est sûre, vous en descendrez tout sens dessus dessous et jamais déçu(e).

IOULIA PETROVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Après la vue d’en haut, celle d’en bas : les bateaux-mouches de Saint-Pétersbourg invitent à découvrir les 75 canaux, 800 ponts et les quais infinis de cette véritable Venise du Nord.

Saint-Pétersbourg vue au fil de l’eau

Idée promenade Ponts, quais, îles, canaux

la magnificence de sa ville qui porte son nom, fit en sorte que l’ensemble architectural, monu-ments et façades, soit tourné vers l’eau. Après les glaces hivernales, la navigation reprend en mai : ri-vières et canaux pullulent de b arques, bateaux et ve dettes. « À Saint-Pétersbourg, les prome-nades au � l de l’eau sont incon-tournables, souligne Iana Khrous-tovskaya, directrice d’une agence de voyages, cela permet de voir la ville sous un autre angle ». Au crépuscule, les palais et les ponts s’illuminent. Le jeu des ombres et des lumières met en valeur les détails architecturaux. Les « nuits blanches » voient la foule se mas-ser sur les quais ou p rendre d’as-saut les bateaux sur la Neva pour assister, vers deux heures du matin, à la levée des ponts lais-sant alors passer de gigantesques paquebots de croisière. Un ins-tant magique à l’image d’une ville qui ne l’est pas moins.

Pierre le Grand est connu pour être un grand plagiaire. Il a « copié » la � otte hollandaise, l’ar-chitecture française et conçu la plani� cation de sa ville sur le mo-dèle italien. Saint-Pétersbourg n’a pas volé son surnom de « Venise du Nord » : sillonnée par quelque 75 canaux, la ville est répartie sur plus de 100 îles, presqu’autant que la « vraie » Venise.Pierre le Grand avait eu l’idée d’en faire une véritable « fenêtre sur l’Europe », permettant à Saint Pétersbourg d'accueillir les na-vires marchands et les paquebots du monde entier. Le tsar, désireux d’épater d’emblée les visiteurs par

IOULIA PETROVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Saint-Pétersbourg ne manque pas de boîtes de nuit modernes, mais tient avant tout à préserver sa réputation de capitale russe des grands bals, qui remonte au XIXe siècle.

On y danse commeà la grande époque

Nocturnes Les bals de Saint-Pétersbourg ne se démodent pas

sion de fêtes traditionnelles, et sont donc ouverts au public. Alors, si vos projets vous condui-sent à Saint-Pétersbourg pour les fêtes de � n d’année, ne man-quez pas le Bal du Nouvel An de Tsarkoïe Selo !La nuit du Réveillon, un équi-page vous amènera de votre hôtel au palais. Vous serez accueillis par un orchestre à vent et un tapis bleu vous guidera jusqu’à la salle de bal. En chemin, des hussards du tsar vous feront le salut militaire et une coupe de cham pagne vous sera servie. À

Imaginez l’écho retentissant à travers d’immenses salles, le froissement des crinolines, les notes mélodieuses de la musique de Mozart et le parquet brillant, poli par les siècles. C’est Saint-Pétersbourg au XIXe, capitale des b onnes manières, des céré-monies et des bals.« Les bals, en Russie, sont appa-rus assez tard, explique Irina, di-rectrice d’une société spécialisée dans l’organisation de telles ma-nifestations. C’est Pierre le Grand, le tsar novateur, ouvert sur l’Eu-rope et grand amateur de f emmes, qui a lancé ces festivités à la Cour. À partir de 1718, tous les grands noms de l’aristocratie organi-saient ce genre de fêtes. Les bals de celle qui était alors la capi tale se distinguaient par un faste et une magni� cence sans pareil. Et c’est toujours le cas ».Aujourd’hui, nous assistons à une véritable renaissance des bals. Même au XXIe siècle, l’élégance et les grandeurs d’une autre é poque font rêver. La plupart des cérémonies se déroulent au Pa-lais Catherine de Tsarskoïe Selo ou au Palais Ioussoupov. Souvent, ces bals sont organisés à l’occa-

minuit, sous les voûtes du palais retentiront les douze coups. Que la fête commence ! Polka, polo-naise, valse, chant d’opéra. La danse de la Fée Dragée cède la place aux danses cosaques. Un tourbillon de musique, qui culmi-nera par un feu d’arti� ce. Pour terminer, la troïka, au son des grelots, vous ramènera à tra-vers les rues enneigées jusqu’à vos appartements. Le voilà, le bal « à la russe ». Comme le disait Cathe-rine II : « Un peuple qui danse et chante ne pense pas à mal ». Et elle savait de quoi elle parlait.

À NOTER

Chaque jour, plusieurs vols directs entre Paris et Saint-Pétersbourg ar-

rivent à l’aéroport de Poul kovo (situé à 1 heure de route du centre-ville). Si vous êtes à Moscou, vous pouvez égale-ment prendre l’avion (le trajet dure 40 minutes) ou un TGV qui part de la gare Leningrads-ki et arrive à la gare Mosko-vski en plein cœur de la capi-tale du nord.

Le restaurant Palkine, avenue Nevski, est l’un des plus anciens de la

ville. Étoilé dans les guides de du XIXe, il comptait parmi ses clients Dostoïevski, Leskov, Tchekhov, Mendeleev et Tchaïkovski. Fidèle à ses ori-gines, Palkine a été récemment rénové dans son style histo rique par les mêmes décorateurs que ceux de l’Ermitage et son in-térieur vaut à lui seul une vi-site. Quant au menu, il séduira les plus fins palais avec des plats traditionnels russes, mais aussi des classiques français, un choix de 120 vins haut de gamme et une chocolaterie p ropre au retaurant.

Pour s’y rendre

Où dîner

Promenade au ras des nuages

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préparé parveronika dorman

lu dans la pressela russie et la crisede la zone euro

La Russie n’est pas prête à parti-ciper au Fonds européen de stabi-lité financière dont on ne connaît pas encore le fonctionnement, a déclaré le conseiller du prési-dent Arkadi Dvorkovitch. Mais elle compte tout de même aider les pays de l’UE via le Fonds moné-taire international, dès que cette aide sera néces saire, car les res-sources du FMI suffiront pour une année encore. « Mais nous par-tons du principe que l’Europe doit prendre elle-même la décision », a précisé Dvorkovitch. Selon lui, l’apport de la Russie au FMI pour aider les économies européennes n’excédera pas les 7,3 milliards d’euros, alors que les besoins s’élèvent à 220 miliards.

le crédit russeIrina Parfentievkommersant

en russie, la crise de la zone euro inquiète mais ne menace pas. se-lon les experts, le pays est en mesure d’affronter une crise éco-nomique mondiale sur le court terme. on s’interroge en revanche sur la capacité de l’union euro-péenne à survivre en l’état. dans l’aide financière qu’elle pourrait apporter à l’ue, la russie voit l’occasion d’accroître son rôle sur la scène internationale en gé-néral et au sein du fonds moné-taire international en particulier.

souveraineté limitée Éditorialvedomosti

on ne dépose pas les armesAlexei Mikhailovgazeta.ru

La Grèce offre un exemple repré-sentatif de la limitation de la sou-veraineté qu’impose l’UE. Le réfé-rendum proposé par Papandréou a suscité une telle vague d’indi-gnation au sein des élites europé-ennes et sur les marchés qu’il a fal-lu immédiatement y renoncer, car les Grecs auraient clairement voté contre. Un débiteur qui ne rem-bourse pas ses dettes risque de perdre de sa souveraineté au profit du créancier. Hors de l’UE, la G rèce aurait fait faillite. Mais on ch ange de gouvernement pour l’éviter. C’est comme si, lors de la crise de 1998, le gouvernement de Kirienko avait démissionné sous la pression des pays de la Communauté des États indépendants.

La crise de la dette publique et de la croissance n’est pas une raison pour renoncer à la démocratie ou à l’intégration, qui favorisent l’aug-mentation de la consommation et le nivellement du développe-ment économique des pays. Mais la G rèce est allée trop loin dans l’in-tensification de la consommation, elle va devoir « redescendre sur terre ». Elle devrait adopter une posture plus active, en exigeant plus et en élaborant ses propres mesures unilatérales. C’est parce qu’elle est restée dans la position de l’observateur extérieur, dans la discussion sur les aides, qu’elle a reçu si peu au final, le minimum qui ne règle rien, mais « suspend » le problème.

un handicap pour l’économie russe

entrée À l’omc : le pour et le contredes avantages immatériels

FelixGoryounov

la russie d’aujourd’hui

andreï netchaïev

itogui

mieux vaut tard que ja-mais. Telle pourrait être la réaction des investis-seurs et hommes d’af-

faires à l’Ouest comme à l’Est à l’annonce que la Russie arrive au terme d’un parcours de 18 années pour intégrer l’Organisation mon-diale du Commerce (OMC). L’en-trée de la Russie sera ratifiée par le Conseil général de l’OMC à la mi-décembre. Le long marathon de l’adhésion n’a toutefois pas été inutile. Les t ermes arrachés par les négocia-teurs russes à leurs partenaires sont largement favorables à la Russie. Ils assurent un accès sans discrimination des produits r usses aux marchés étrangers, ce qui s’appelle en langage internatio-nal « statut de la nation la plus favorisée ». La Russie peut aussi avoir recours au mécanisme de règlement des litiges de l’OMC. L’adhésion va créer un climat plus favorable aux investissements étrangers en R ussie, et inverse-ment, ouvrir pour les investisseurs r usses les marchés des pays membres de l’organisation. Mais il serait imprudent de dire que « tout est bien qui finit bien ». L’économie russe n’est pas com-pétitive et l’adhésion à l’OMC n’y changera rien. La base des ex-portations russes se détériore pro-

tentons de démêler les avan-tages et les inconvénients de cette adhésion à l’OMC sans céder aux émotions.

Il faudra définitivement faire une croix sur les méthodes primitives de la politique douanière telles que les droits prohibitifs sur les importations de voitures étran-gères ou la réglementation admi-nistrative directe des investis-sements étrangers et des importations. Leur longue utili-sation n’a pas sorti l’industrie automobile natio nale de son état comateux. Le climat d’investissement favo-rable ne s’obtient pas par une li-mitation artificielle de la concur-rence. Il voit le jour grâce à la protection des droits de proprié-té, à l’indépendance et au profes-sionnalisme du sys tème judi ciaire,

gressivement. Un rapport de la Banque mondiale explique : « Le pétrole et le gaz composaient moins de la moitié des exporta-tions totales en 2000. En dix ans, ce chiffre est passé aux deux tiers, 15% sont représentés par d’autres minéraux, et 9% seulement de haute technologie, essentiellement dans l’industrie militaire ». De-puis vingt ans, le Kremlin parle de diversifier et de moderniser l’économie, mais celle-ci repose toujours sur les industries d’ex-traction. Les revenus pétroliers composent la moitié du budget fédéral. En adhérant à l’OMC, la R ussie accepte son rôle secon daire dans la division internationale du travail en tant que fournisseur de matières pre mières. Le Premier ministre Vladimir Poutine a expliqué que la Russie avait besoin de l’OMC pour éli-miner ses pertes de revenus sur les exportations qui s’élèvent à 1,8 milliards d’euros annuelle-ment. Mais les principaux per-dants sont les magnats de l’acier et des métaux non ferreux, qui ont poussé le Kremlin à re joindre l’OMC, tandis que leurs oligo poles n’ont rien fait pour aider leurs entreprises à affronter la concur-rence internationale. La ma jeure partie des firmes industrielles, agricoles et de ser vice russes, sans parler des petites entre-prises, ne sont pas compéti tives, même sur le marché local. Sans un soutien étatique fort, interdit

au refus de toute substitution du « racket fiscal » à l’administra-tion fiscale, à une réduction car-dinale du fardeau administratif et bureaucratique pesant sur les entreprises et les citoyens, à un recul de la corruption ainsi qu’à d’autres mesures connues mais encore loin d’être adoptées chez nous.Bien sûr, l’entrée à l’OMC signi-fie que la concurrence avec les importations sur le marché inté-rieur pour certains secteurs de l’économie russe va s’accentuer, mais les consommateurs en bé-néficieront. Dans le même temps, on notera une amélioration des conditions pour l’exportation des marchandises russes et nos inves-tissements à l’étranger, ainsi que pour l’afflux d’investissements di-rects en Russie, ce qui constitue une condition importante de la modernisation.On sait que les méthodes de ré-glementation et de protection du marché intérieur ne se limitent pas aux droits de douane ou aux barrières administratives. Les pays jugeant nécessaire une pro-tection supplémentaire de leur propre marché trouvent des ar-rangements. Un exemple clas-sique est celui de la Chine, qui

est parvenue à maintenir un sys-tème de fixation du cours de sa monnaie nationale non fondé sur la réalité des mar-ché.

Notons que les exigences qui

par les règles de l’OMC, elles se-ront per dantes. La corruption endémique a placé les entre prises russes sous un double impôt qui les rend non compétitives dès le départ. Et nombre d’entrepreneurs sont des proies faciles pour les bureau-crates et les policiers qui exigent une part du gâteau ou des pots-de-vin en échange de leur pro-tection. Cette pratique empêche les grandes compagnies de dis-tribuer leurs produits à l’échelle nationale, parce que les fonction-naires des régions privilégient les entreprises lo cales. Rien de surprenant à ce qu’un tel climat e ntraîne une fuite des ca-pitaux. La Banque centrale de Russie estime que cette année, 70 milliards d’euros auront quitté le pays, s’ajoutant au trillion d’euros partis depuis le début des années 1990. L’économie russe a déses-pérément besoin d’un soutien beaucoup plus fort à l’entrepre-nariat national. Et ce besoin est beaucoup plus urgent que les avantages procurés par une en-trée au sein de l’OMC.

Felix Goryounov est un journa-liste économique.

nous ont été formulées pendant la phase finale des négociations d’adhésion ne sont pas si dures. Nous avons besoin comme de l’air de la protection de la propriété intellectuelle. Sans elle, inutile de compter sur une économie de l’in-novation.Cela dit, il ne faut pas exagérer le bénéfice d’une adhésion à l’OMC. La possibilité d’utiliser ses mécanismes pour contreba-lancer les restrictions frappant les exportateurs russes sous forme de procédures anti-dumping, de quotas d’importation et d’autres mesures, nous fourniront des avantages directs se chiffrant entre 2,5 à 4 milliards. Cela pro-fitera principalement à la métal-lurgie, aux fabricants d’engrais, aux exportateurs de céréales. Les exportations de produits à haute technologie se résument essen-tiellement au matériel militaire livré aux pays du tiers monde.Mais le principal, ce ne sont bien sûr pas les avantages matériels im-médiats des exportateurs : c’est l’accès à l’élaboration de règles communes de fonctionnement de l’économie mondiale et du com-merce international, qui est la rai-son d’être de l’Organisation. Fina-lement, ce n’est pas une coïncidence si le nombre de m embres de l’OMC est compa rable à celui des États appartenant à l’ONU. D’ailleurs, aucun membre n’a jamais quitté l’Organisation.

Ministre russe de l’Économie (1992—1993).

les racines de notre racismemargarita simonian

the moscow times

j’ai entendu à la radio il y a quelques jours que « Neuf immigrés du Caucase ont attaqué un journaliste à

Ekaterinbourg ». Triste, j’ai passé le reste du trajet à tenter de me rappeler la dernière fois que j’avais entendu parler de mi-grants venant de la région de Vladimir, tabasser quelqu’un dans une autre région. Dans ma région natale de Krasnodar, un groupe ethnique entier, les Turcs meskhets, a été opprimé. Pen-dant des années, ils ne pouvaient ni obtenir de papiers en règle ni

travailler, ils étaient diabolisés à la télévision. En somme, ils étaient haïs. Tellement qu’un jour ils ont fait leurs valises et sont partis aux États-Unis, tous, don-nant une image terrible de la Russie aux yeux du monde. Le fait est que les habitants de la région ont toujours justifié leur haine des Turcs meskhets en cla-mant qu’ils étaient des criminels. En faisant un reportage dans le coin, j’avais demandé à la po lice de me fournir des statistiques officielles, pour découvrir que seulement 1% des crimes com-mis dans la région étaient impu-tables à des Turcs meskhets, alors que ceux-ci représentent 10% de la population. De plus, ils

n’avaient pas été responsables de délits g raves depuis de longues années. L’immigration n’est pas le vrai problème, qui est beaucoup plus grave : l’intolérance et la haine de groupes autochtones. On peut interdire l’immigration, mais que faire des groupes ethniques non russes qui vivent sur leurs terres natales en Russie ? La semaine dernière j’ai été té-moin d’une scène écœurante à la gare de Kazan. Trois jeunes gens du Caucase interpellaient des responsables du service dans les wagons, des femmes en l’occur rence, sur le quai. « Eh les poulettes, elles sont toutes belles comme vous les femmes à

Moscou ? », s’esclaffaient-ils. Puis ils se sont pris par la main en hurlant : « Nous sommes du Caucase ! ». Pourquoi certains Caucasiens se comportent-ils ainsi à Moscou? En font-ils autant chez eux ? Bien sûr que non. Ils respectent leurs compatriotes. Mais pas les Moscovites, ni les Russes en gé-néral. Les garçons du Caucase sont nombreux à avoir été éle-vés avec l’idée que les filles russes sont dépravées. Ils se sentent su-périeurs aux Russes parce que c’est ainsi qu’ils ont été éduqués. Inversement, les gamins r usses grandissent dans des foyers où on leur apprend que les gens du Cau case sont arriérés. Résultat,

les uns et les autres trouvent nor-mal de se traiter mutuellement avec mépris. Je ne dis pas que chaque famille dans le Caucase entretient des sentiments xénophobes, mais c’est trop souvent le cas. Cha-cun dans le Caucase vient d’une telle famille, ou en connaît une. De même, je ne prétends pas que t outes les familles russes sont racistes, mais un grand nombre le sont. Avant la rue, c’est chez eux que les enfants russes en-tendent les insultes et les expres-sions de diffamation raciale à l’égard des Caucasiens. Et le pro-blème n’a aucun lien avec l’or-thodoxie, l’islam ou la crimina-lité. Il relève de perceptions subjectives et de préjugés per-sonnels. Cela dit, nous sommes réellement différents. Telle culture permet d’épouser des non-vierges alors

que c’est totalement tabou dans une autre. Malheureusement, nous manquons trop souvent de sagesse pour accepter cette di-versité. Nous focalisons sur les différences, ce qui nous mène droit à l’autodestruction. Quand nos grands-parents étaient enfants, ils ne faisaient pas attention aux origines eth-niques de leurs camarades de classe. Nos parents ont grandi à une époque où le discours hai-neux contre les autres groupes ethniques est devenu un lieu commun. Aujourd’hui, nos frères et sœurs règlent leurs comptes au couteau. Si nous ne stoppons pas cette dérive immédiatement, nous risquons de voir nos enfants recourir à la kalachnikov.

Margarita Simonian est rédac-trice en chef sur la chaîne Russia Today.

article paru dans la revueitogui

© sergey yolkin

Page 7: La Russie d'Aujourd'hui

07LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.BESUPPLÉMENT RÉALISÉ PAR ROSSIYSKAYA GAZETA ET DISTRIBUÉ AVEC Culture

Lorsqu’il rencontre Gorki à Pe-trograd en 1916, Babel n’est, selon ses mots, qu’ « un mé-lange vermeil, potelé et insuf-fisamment fermenté de tols-toïen et de social-démocrate ». Ce n’est pas l’in� uence de Tols-toï que l’on retrouve pourtant dans son œuvre, mais celle de Maupassant. Il excelle dans les récits souvent très courts, bros-sés d’une plume incisive comme des croquis. Dans les Petits cro-quis d’Odessa, justement, et les Récits odessites, il campe le peuple haut en couleurs de la Moldovanka, quartier por tuaire d’Odessa : artisans, mendiants, cocottes, marins et bandits dé-bonnaires, « aristocrates de la Moldovanka », en costume orange, bracelet de diamants, pantalons crème et bottines framboise ; « Juifs méridio-naux, joviaux et bedonnants, qui pétillent comme de la pi-quette » ; Juifs rescapés des po-gromes aussi. En toile de fond, Odessa, bai-gnée par le soleil et la mer Noire. Les jeunes gens rêvent de s’embarquer pour des contrées loin taines. Sans ar-gent ni visa, ils s’embarqueront dans l’écriture. Odessa resplen-dissante, fourmillante de vie, cosmopolite et bigarrée comme la prose de Babel qui lui rend le plus vibrant des hommages, dans une langue savoureuse, écrite pour être mise en b ouche. Babel est un magicien capable en quelques traits de camper une atmosphère, à travers les odeurs, les musiques, les par-lers, les bruits, les couleurs les saveurs, le mouvement. « Le crépus cule mijotait dans le ciel, un crépuscule épais comme de la con� ture, les cloches gémis-saient ». Son œuvre la plus connue, La Cavalerie rouge, est le récit ro-mancé de sa participation comme correspondant de g uerre à la campagne de P o-logne, dans l’armée de Bou-dienny. Loin des attentes du réalisme socialiste et de ses héros positifs, il montre, à tra-vers une esthétique cruelle et crue la face noire de la révo-lution où « La chronique des crimes quotidiens m’oppresse sans répit comme une malfor-mation du cœur », dit son nar-rateur. Tout condamnait Babel. Très vite, sa plume se dessèche, il n’écrit plus. Accusé de trots-kisme et d’espionnage, il est ar-rêté et torturé, fait des aveux complets avant de se rétracter, ce que peu � rent à l’époque. Il est exécuté le 27 janvier 1940.

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Babel, le Maupassant d’Odessa

Christine Mestre

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TITRE : ŒUVRES COMPLÈTESAUTEUR : ISAAC BABELÉDITIONS DU BRUIT DU TEMPSTRADUIT PAR SOPHIE BENECH

Le charme suranné du phoenixAujourd’hui, le directeur du Bol-choï Anatoli Iksanov admet avoir pris conscience de l’étendue du problème à mesure que les tra-vaux progressaient. « De nou-veaux problèmes sont apparus après la fermeture. Lorsque nous avons gratté le plâtre qui recou-vrait les murs, nous avons décou-vert sept grandes � ssures allant des fondations jusqu’au toit. De fait, les murs tenaient uniquement grâce à leur propre poids », ra-conte-t-il. Le coût des travaux est officiellement de 448 millions d'euros, et de deux fois plus selon la rumeur. Une commission d’en-quête a été formée il y a deux ans pour véri� er si de vastes sommes n’ont pas été détournées, mais ses conclusions n’ont toujours pas été rendues publiques. Le principal changement con siste en une amélioration de l’acous-tique, annonce Iksanov. Le par-terre des spectateurs a changé d’angle, les matériaux des balcons ont été changés pour du sapin de Karélie et les moulures en un « papier-mâché » spécial qui ne s’effrite pas sous les vibrations. Même la composition des tissus des chaises ou des rideaux a été déterminée par des études acous-tiques. Le spectateur attentif re-marquera, outre le déluge de do-rures (quatre tonnes d’or auraient

été utilisées) que les symboles so-viétiques très visibles jusqu’en 2006 (faucille et marteau) ont fait place aux symboles tsaristes d’ori-gine, c’est-à-dire de 1856. Le Théâtre du Bolchoï n’a pas cher-ché à se trouver une nouvelle iden-tité, il s’est contenté de tirer un trait sur la période 1917 – 2006. On voit donc l’emblème de la dy-nastie des Romanov et du gou-verneur de Moscou. Staline a quand même laissé sa marque, dans une loge du côté gauche, près de la scène : il s’y était fait conce-voir un cabinet de travail sur-me-sure, lequel a été scrupuleusement restauré, « mais restera inacces-sible au public » précise Iksanov. Trace invisible, donc. D’autres changements beaucoup plus si-gni� catifs concernent un très im-portant gain de place grâce à un aménagement moderne du bâti-ment. Ces espaces gagnés servi-ront de salles de répétitions, tan-dis que le plateau principal gagnera en profondeur et béné-� ciera d’une machinerie dernier cri. À noter que la ligne de métro passant à tout juste quarante mètres du Bolchoï sera fermée le temps de poser des rails spéciaux réduisant des vibrations jusqu’ici nettement perceptibles dans la salle de concert.La politique artistique du théâtre épouse parfaitement l’air du

temps. Le conservatisme est de rigueur et le Bolchoï continuera sans remords à se classer parmi les plus traditionalistes du monde. « Nous allons mettre en scène les grands opéras et ballets du passé, c’est notre priorité numéro un », souligne Anatoli Iksanov. « Les productions plus modernes seront réservées à la « nouvelle scène », où l’approche sera plus créative ». Au cours de la dernière décennie, le Théâtre du Bolchoï n’avait éton-né son public qu’à un seule re-prise, avec la création de l’opéra « Deti Rosenthalia » de Leonid Deciatnikov et Vladimir Soro kine. Plus quelques mises en scènes très

remarquées de Dmitri Tcher-niakov (Eugène Oneguine, Woz-zeck) et quelques chorégraphies très réussies de Ratmanski (Bolt et Svetli Routchei). Des spec tacles bien entendus réservés à la « nou-velle scène », un théâtre adjacent de taille plus petite inauguré à la � n 2002. C’est l’inverse de la po-litique de l’Opéra de Paris, où le vaste opéra Bastille accueille des œuvres récentes, tandis que l’an-cien opéra Garnier, de taille plus réduite, offre son écrin à des pro-ductions baroques. La 236ème saison s’est ouvert avec « Rouslan et Ludmila » de Glin-ka, un opéra symbolique souvent

considéré par les musicologues comme l’acte de naissance du genre lyrique en Russie. La pro-duction était dirigée par Vladi-mir Iourovski et mise en scène par Dmitri Tcherniakov. Le pre-mier ballet était donné le 18 no-vembre - « La belle au bois dor-mant » de Tchaïkovski, dans la chorégraphie originale de Marius Petipa, revue par le doyen du Bol-choï Iouri Grigorovitch. Plus loin dans la saison, « Le chevalier à la rose » de Richard Strauss et « Tcharodeïka » de Tchaïkovski seront les seules autres nouvelles production d’une première sai-son bien modeste.

SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

Un retour qui alimente la critiqueNicolaï Tsiskaridze, le premier dan-seur du Bolchoï a lancé un pavé dans la marre en qualifiant la re-construction de "vandalisme". Se-lon lui, les conditions de travail sont aujourd'hui inadmissibles et les riches décors remplacés par des trompe-l'oeil bon-marché. Les spectateurs doutent de pouvoir un jour pénétrer de nouveau dans le théâtre, tant les prix des billets sont exorbitants. La blogosphère bruisse de commentaires scanda-lisés : vente de billets en ligne qui

ne marche jamais, queues inter-minables aux guichets, et bien sûr l'increvable mafia des "revendeurs" qui achètent les billets pour les re-vendre à des prix astronomiques.Sans parler des accusations de dé-tournements de fonds autour de la reconstruction, que le Bolchoï tente d'ignorer. Confrontée à une question sur la corruption, la por-te-parole du Bolchoï Katia Noviko-va a rétorqué : « Cette conférence de presse ne doit pas se transfor-mer en meeting politique ».

Scène de « La belle au bois dormant » avec l'étoile Svetla-na Zakharova au centre.

À L'AFFICHE

Le célèbre Moscow City ballet ar-rive en Belgique. La compagnie fondée par la chorégraphe Victor Smirnov-Golovanov, connue pour son succès à l’étranger, vient au Cirque Royal de Bruxelles avec 6 représentations de Roméo et Ju-liette, Le lac de Cygnes et Casse-Noisette.

www.moscowcityballet.info/plan/ ›

Le Centre Culturel et Scienti-fique de la Russie à Bruxelles présente une exposition d'ar-tistes-peintres contemporains A. Fedoulov et A.Kotliarov, Les paysages de la Russie. Les pein-tures réalistes vont faire sentir la richesse de la nature russe, représentée avec amour et nos-talgie.

www.centreculturelrusse.be ›

TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITELARUSSIEDAUJOURDHUI.BE

MOSCOW CITY BALLETEN TOURNÉEDU 1 AU 4 DÉCEMBRE,CIRQUE ROYAL DE BRUXELLES

EXPOSITION DE PEINTURE "LES PAYSAGESDE LA RUSSIE"DU 20 AU 27 NOVEMBRE,CCS DE LA RUSSIE, BRUXELLES

Je n'ai qu'une seule patrie : le cinéma

ENTRETIEN ANDREÏ ZVIAGUINTSEV

Le réalisateur Andreï Zviaguint-sev nous parle de son dernier � lm Elena, Grand Prix du Meilleur Film au festival de Gand.

Les interprétations de vos films vous surprennent-elles ?Quelqu’un m’a dit un jour que mon � lm Le retour, montrait que la Russie avait besoin d’une main ferme, que c’était un � lm sur Vla-dimir Poutine. Je n’aurais jamais pensé que l’on pouvait voir ça dans cette histoire.

Vous sentez-vous appartenir à une nouvelle vague du cinéma russe ?S’il est question de la conver gence des différents points de vue sur un même sujet qui est la Russie, alors oui, mon film Elena peut également être considéré comme l’un de ces points de vue. Il est évident que c’est un regard sur une Moscou moderne, sur un pro-blème qui nous concerne tous : la totale victoire de l’argent sur l’homme. Mais je ne voudrais pas

Quels projets portez vous aujourd'hui ?Depuis plusieurs années, j’ai un scénario tout prêt sur la Seconde Guerre mondiale, avec un bud-get de 6 millions d'euros. Mais aucun producteur ne s’y est in-téressé pour l’instant.

Pourtant ce thème est indiscuta-blement porteur en Russie au re-gard du nombre de films sur le sujet. Qu'est-ce qui cloche ?Ce sont les � lms sur la gué guerre qui trouvent les � nancements. À renfort d’explosifs, de sang, de ca-davres, de fusillades. De l’action et une bonne dose d’héro ïsme chauvin au front et à l’arrière : pour la Patrie, pour Staline !

Quelle est votre approche ?C’est un tout autre regard sur la guerre. Sans ces récits de vic toire, sans aura patriotique, sans toute cette mythologie héroïque. Je ne veux pas insinuer des doutes, mais simplement regarder la situation sous un autre angle. De l’intérieur. Observer un personnage survi-vant dans cette horreur et com-prendre pourquoi il fait tel ou tel choix.

BIO

Acteur, scénariste et réalisateur, Zviaguintsev se fait connaître avec Le Retour (2003) - Lion d'or du meilleur premier film à Mostra. De-puis l'acteur principal du Banis-sement est nommé meilleur rôle masculin au Festival de C annes 2007. Enfin, son troisième long-métrage Elena (2011) obtient le prix Un certain regard à Cannes.

PROFESSION : RÉALISATEUR

VILLE NATALE : NOVOSSIBIRSK

réduire le sujet à Moscou ou même à la Russie. On m’a fait remarquer récemment que je me met en retrait de la culture russe. J’ai entendu des bê-tises du genre, qu’en fait, je n’étais pas un réalisateur russe, que j’étais ingrat envers la patrie qui m’a choyé. En� n j’ai formulé une

réponse que je trouve appropriée ici : pour moi, je n’ai qu’une pa-trie : le cinéma.Cette patrie est ce que je vois sur les écrans : il y a des personnes que je préfère éviter, d’autres qui deviennent de � dèles amis. Je ne considère pas le cinéma sous un angle géographique.

Propos recueillis parVladimir Liaschenko

Article paru dans le journal onlineGazeta.ru

Le Bolchoï après la restauration.

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RECETTE

Célébration du réveillon à la russe !

La salade “Olivier” (macédoine)

Le hareng « dans son manteaude fourrure »

Le Nouvel an arrive et il est temps de penser au menu. Pourquoi pas un Réveillon à la russe ? Ci-dessous des recettes et des règles pour une Saint-Syl-vestre vraiment russe. Dès que les invités arrivent, on sort les vins mousseux, la vod-ka et on commence à faire des toasts. Le toast russe est spon-tané et informel, mais certains sont obligatoires. Il faut boire à la vieille année, en espérant que toutes les bonnes choses qui sont advenues continueront à l’avenir, tandis que tout le mau-vais restera dans le passé. Déjà, on voit l’horloge du Kremlin à la télévision qui sonne les douze coups de minuit et le président présente ses vœux au pays. Il

faut alors écrire son propre vœu sur un bout de papier puis le brû-ler en laissant tomber les cendres dans une flûte de champagne. C’est un moyen sûr d’obtenir ce qu’on veut dans l’année à venir. Le reste de la nuit ne sera plus qu’un souvenir brouillé : tout le monde est sorti pour tirer des feux d’arti-fices, chanter des chansons, faire une bataille de neige… La bonne nouvelle pour le mal de crâne, c’est qu’il ne faut se presser nulle part le lendemain matin. Le pays entier a la gueule de bois, com-me vous. Et quand elle sera pas-sée, vous aurez encore dix jours pour remettre ça. Voici quelques re cettes des incontournables plats du Nouvel An. Goûtez-y et parta-gez vos impressions !

C’est une salade connue dans le monde entier, appelée aussi sa-lade russe. L’Olivier est un must de toutes les tables festives russes. La différence principale entre les recettes vient du choix de la viande : volaille, veau, bœuf ou saucisse.

Ingrédients :

5 pommes de terre • 3 ca rottes • 4 œufs • 500 g de viande bouillie • 250 g de petits pois en conserve • 3 gros cornichons malossols • 250 g de mayon-naise • sel.

Préparation :

1. Faites cuire les pommes de terre et les carottes avec la peau, puis refroidissez et pelez.2. Faites cuire les œufs et la

Ingrédients :

2 filets de hareng • 2 betteraves • 2 pommes de terre • 2 carot-tes • 1 oignon • 3 œufs • 1,5 ver-re de mayonnaise • sel et poi-vre noir.

Préparation :

1. Faites bouillir les œufs jusqu’à ce qu’ils deviennent durs, les pommes de terre, carottes et betteraves jusqu’à ce qu’elles de-viennent tendres. 2. Pelez les oignons et plongez dans l’eau bouillante. Au bout de 5 minutes, égouttez et placez les oignons sous un jet d’eau froide pendant 1 minute. Laissez refroi-dir les légumes bouillis.3. Pelez et râpez pommes de terre et carottes dans des bols séparés. 4. Émiettez les œufs durs. 5. Découpez le hareng en pe-tits morceaux et poivrez. Dans un plat, étalez une couche de pommes de terre, salez, et re-

viande. Couper les pommes de terre, carottes, œufs, viande et cor-nichons en petits cubes. 3. Ajoutez les petits pois. Ajoutez la mayonnaise à la quantité du mé-lange que vous allez consommer, la salade se conserve mieux sans mayonnaise. 4. Réfrigérez. Pour alléger l’assai-sonnement, vous pouvez couper la mayonnaise avec de la crème fraîche.

couvrez de mayonnaise. Ajoutez une couche de hareng, les oignons, les carottes et les œufs, en sa-lant chaque couche, recouvrez de mayonnaise. 6. Répétez l’opération sans le ha-reng, pour obtenir au moins deux couches. Recouvrez le tout d’une couche de betterave râpée, que vous recouvrez d’une couche épaisse de mayonnaise. Saupou-drez de jaune d’œufs dur émietté. 7. Réfrigérez pendant 5 heures et servez en parts, comme un gâteau.

Irakli Iosebashvilii SPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

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ANNA LEGOSTAEVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le métro moscovite est le moyen de transport urbain le plus rapide. C’est aussi un musée de l’architecture soviétique et contemporaine... pour moins d’un euro.

Le vrai, le seul musée souterrain de l’ère soviétique

Architecture Staline avait imaginé le métro comme un « palais du peuple »

Il circule sous terre à une profon-deur allant de cinq mètres (sta-tion Petchatniki) à quatre vingt mètres (station Park pobedy). On peut y observer près de quatre vingts ans d’histoire russe, décou-vrir les goûts, les idées, les rêves, les espoirs, voir l’histoire racontée par le marbre, le granit, le fer et le verre. La construction du métro moscovite a commencé en 1931.Pendant ses vingt premières an-nées, le métropolitain portait le nom de Lazar Kaganovitch, dit le « commissaire de fer », bras droit de Staline qui dirigea la construc-tion de la première tranche. À par-tir de 1955, le métro porte le nom de Vladimir Lénine. Vingt ans après la disparition de l’URSS, d’innom-brables plaques métalliques à l’en-trée des stations indiquent tou-jours « Métropolitain du nom de Lénine». « Les lignes de dévelop-pement de notre architecture dans la ville et dans le métro étaient identiques. Tout ce qui se passait là-haut trouvait sa réplique sous terre. Jamais dans le sens in verse : une bonne architecture en bas et une mauvaise en haut », résume l’architecte en chef du métro mos-covite, Nikolaï Choumakov. Les stations auraient été décorées avec du marbre, des moulures, d'émail et des métaux onéreux destinés à l’aéronautique, parce que le pays ne pouvait pas produire en aussi peu de temps assez de carreaux de faïence pour recouvrir les mil-liers de mètres carrés prévus. Les stations construites entre 1937 et

La station de métro Kievskaïa.

EN CHIFFRES

11 km : telle était la lon-gueur de la première ligne du métro de Mos-

cou ouverte en 1935 avec 13 sta-tions.

Les ramesà thème poétique

Avec un peu de chance, on peut tomber sur une rame à thème. Ces trains circulent sans horaires pré-cis et sur quelques lignes du mé-tro. « L’Aquarelle » ressemble à une boîte contenant fleurs et fruits peints. L’intérieur est agen-cé comme une galerie d’art, avec des reproductions de tableaux des frères Vasnetsov. À l’intérieur de « Moscou lit », on trouve des ex-traits d’œuvres littéraires assor-tis d’illustrations différentes pour chaque wagon. Le train millési-mé « Sokolniki » est identique à la toute première rame du métro moscovite, offrant des sièges moel-leux et des parois d’époque.

1955 offrent des exemples d’ar-chitecture souterraine de la pre-mière période.L’époque bénie pour l’architec ture s’est achevée en 1955 après le dé-cret du parti « sur la suppression de la super� uité dans l’ingénierie et la construction ». Résultat : des stations identiques, fades, sans le moindre ornement, selon le slo-gan « plus de kilomètres, moins d’architecture ». Une nouvelle et troisième étape de la construction du métro a débuté par la recons-

truction de la station Vorobievy Gory (en 2002). Depuis le quai de cette station, on peut admirer la Moskova, le complexe sportif Louj niki et le bâtiment de l’Aca-démie des Sciences. Des peintres ont de nouveau été invités à tra-vailler sur le décor des abords des quais. À la station Sretenski Bul-var, des sculptures de Pouchkine, de Gogol, de Timiriazev et des images de Moscou sont ainsi ap-parues. La station Dostoevskaïa a été décorée de panneaux en noir et blanc inspirés par les romans de l’écrivain. Dans les dix années à venir, le métro de Moscou fera dans la so-briété, car il faudra construire pas moins de 120 km supplémen taires. « Nous allons dénuder les stations, dit Nikolaï Choumakov. Nous montrerons de quoi le métro est fait : du fer fondu, du béton, tout cela est très beau ».

ADILIA ZAPIROVALA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Passer deux jours en forêt les yeux bandés ou dormir dans une carrière abandonnée, le marché des loisirs extrêmes répond aujourd’hui à tous les désirs.

Enterrés vivants, pour le plaisirExtrême Les Russes prennent goût aux loisirs Occidentaux

propres funérailles sans aucun risque pour la santé, attire beau-coup.« Quand on m’a enterré, j’étais heureux. J’ai eu un senti-ment d’amour intense pour tout ce qui est sur la terre. J’ai pu me surpasser », con� e avec émotion Kahasta.Participer à ce genre de loisir est un moyen de se tester en situation extrême, con-� rme le psychologue Ser-gueï Enikolopov : « Nous avons tous envie de voir comment on se comporterait dans une situation stressante. Cela fait partie des choses que l’homme ignore de lui-même. Ce n’est pas un secret que dans ces moments-là, l’être humain est ca-pable de faire les choses aux-quelles il s’attend le moins. Mais cette mode de l’extrême a son re-vers de la médaille, celui de l’en-

Cent euros - c’est le coût moyen de ces entraînements extrêmes. Il s’agit d’une « expérience psy-chologique » et « d'une décou-verte de soi ». Les organisateurs ne tablent pas sur la soif d'adré-naline d’adolescents, mais sur une classe moyenne qui s'ennuie.S’enterrer vivant fait partie des loisirs les plus populaires. Payer pour creuser sa tombe à la li sière d’une forêt, s’y allonger, un tuyau entre les dents, et se laisser en-terrer. Il va sans dire que tout se fait sous l’oeil vigilant des orga-nisateurs. Cette idée de vivre ses

nui, de la frustration de la vie quo-tidienne, et sa recherche de sens. Très souvent, cette tendance cache un comportement autodes-tructeur, parfois jusqu’à la tenta-tive de suicide ». Vivre le stress ensemble devient de plus en plus populaire parmi les collectifs de travail. « Ce di-vertissement peut rapprocher une équipe, mais le désir aveugle de la direction de diversi� er la vie d’une équipe de travail peut par-fois mener à des résultats désas-treux », avertit le psychologue. « Il me semble que les dirigeants, en organisant des thérapies de choc pour leurs employés, doivent être prêts à récolter les fruits de leur folie. Car les non-amateurs de l’extrême pourraient tourner les talons ou, pire, porter plainte contre la direction ». Un risque pour les employeurs aussi...

Le goût de l'extrême cache par-fois des tendances suicidaires.

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