la sécurité des barrages the safety of dams - geotech-fr. · PDF fileLes barrages en remblai ... au monde trois fois plus nombreux que les barrages en béton ils fournissent l'échantillon

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  • la scurit des barrages

    the safety of dams

    P. LONDE*

    Prsident Honoraire de la Commission internationale des grands barrages

    Rev. Fran. Gotech. nO 51, pp. 41-49 (avril 1990)

    Rsum

    Assurer la scurit des barrages est un souci permanent des responsables, toutes les phases du projet, de la construction, de l'exploitation. Mais la notionde scurit est difficile prciser objectivement. Au surplus depuis peu lesmdias se font l'cho d'une large sensibilit de l'opinion publique. Dans ce rap-port on aborde les diffrents aspects de la notion de scurit: comment elleest ressentie par la socit, ce que nous apprennent les faits statistiques, com-ment l'ingnieur a volu partir des mthodes dterministes vers une dmar-che probabiliste et une analyse paramtrique, enfin comment l'auscultation per-met la vritable matrise de la scurit.

    AbstractEnsuring the safety of dams is a major concern of ail those involved, at everystage of design, construction and operation. However the safety concept is dif-ficult to define in an objective manner. In addition, the medias recently startedto reflect the high sensitivity of the public opinion. In this paper the variousaspects of the safety concept are discussed: how it is accepted by the publicat large, what can be learned from statistical data, how the engineers procee-ded from the deterministic methods toward the probabilistic approach and theparameter study, and how instrumentation allows the real control of safety.

    Confrence prsente aux Journes du CEIFICI, les 26 et 27 avril 1989.* Pierre Londe, 5 rue Henri-Regnault, 92210 St-Cloud. Tl.: 47 71 71 54.

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    1. INTRODUCTION

    Quel que soit le type de barrage et qu'il soit en pro-jet, en construction, en exploitation, un problme per-manent est pos: celui de sa scurit. Ce thme estsous-jacent toutes nos dmarches, plus aujourd'huique jamais. Il stimule les dveloppements les plus sp-culatifs, il passionne les statisticiens, il motive les rgle-ments et les cahiers des charges et, fait nouveau, ilest entr dans les mdias o il a une forte rsonancedans la socit tout entire.

    Il est bien vident que dans ce contexte il n'existe pasune apprciation unique de ce qu'est en ralit lascurit d'un barrage. Les concepts sont divers et par-fois divergents. Il est donc intressant d'essayerd'approfondir d'une faon aussi objective que possi-ble la notion de scurit pour les barrages.

    Avant d'aborder les mthodes propres l'ingnieur,il sera bon d'analyser la manire dont le public res-sent les risques lis la prsence des barrages. Nousvaluerons ensuite la situation actuelle, partir desfaits et des statistiques. Puis nous montrerons com-ment l'volution des ides a conduit l'ingnieur, par-tir du concept initial de coefficient de scurit, s'ins-pirer des mthodes probabilistes pour cerner de plusprs la scurit relle. Enfin le rle capital de l'aus-cultation sera soulign, car il dpasse en porte effec-tive tous les autres progrs techniques contribuant augmenter la scurit des barrages.

    2. LES POSITIONS DU GRAND PUBLIC

    Le besoin de scurit est fondamental chez l'homme.Ce besoin est parfaitement lgitime mais il est engnral exprim d'une faon incohrente et sans baserationnelle, partir de motivations essentiellementmotionnelles.

    Depuis l'aube de l'humanit l'environnement est dan-gereux pour l'homme. Le progrs technique a peut-tre amlior les choses, mais n'a pas fait disparatreles menaces. L'ours des cavernes a t remplac parla bombe nuclaire. Le risque tant par dfinition leproduit d'une probabilit faible par un ventuel dom-mage grave, il est difficile de dire si nous y avonsgagn.

    Quoi qu'il en soit notre environnement comporte desrisques nombreux, qu'il convient, si l'on veut les domi-ner, d'analyser avec rigueur et objectivit. Ce n'est pasce que fait l'homme de la rue, que nous sommes tousun peu il faut bien le dire.

    REVUE FRANAISE DE GOTECHNIQUE

    Cette analyse conduit distinguer deux grandes cat-gories: les risques naturels et les risques lis l'acti-vit humaine.

    Les risques naturels: ce sont les sismes, les rup-tions volcaniques, les inondations, les scheresses pro-longes, les vagues de chaleur ou de froid, les oura-gans, les raz-de-mares, qui dans certains pays peu-vent prendre l'ampleur d'effroyables catastrophes. Unercente statistique donne le nombre de150 000 morts par an dans le monde, en moyenne.Pendant des millnaires c'est la nature qui a t tenuepour seule responsable. Aujourd'hui on sait que, danscertains cas, la science et la technique peuvent inter-venir sinon pour la prvention du moins pour la pr-vision, ce qui rend possible la mise en uvre demesures de sauvegarde. Malheureusement ces aver-tissements ne sont pas toujours entendus. Nous avonstous en mmoire l'ruption du volcan Nevado de Ruizen Colombie, en 1985, annonce temps pour fairevacuer la population menace, cette prvision cor-recte n'ayant pas t coute par les autorits respon-sables, cotant la vie 22 000 personnes.

    Il faut dire qu'il est rare de pouvoir prdire avec cer-titude l'ampleur et la date d'un vnement. La sciences'exprime gnralement en termes de probabilits. Orce langage n'est pas compris des non-scientifiques.

    Un bel exemple est celui du bassin du Gard enFrance. Les hydrologues ont pu dterminer objecti-vement les risques encourus par les populations rive-raines des Gardons, affluents du Gard, aux crues tor-rentielles. Mais les priodes de paroxysme sont assezespaces pour que le souvenir s'en efface, l'une aprsl'autre. Ce n'est qu'aprs les crues catastrophiques de1958 que les pouvoirs publics ont ragi en dcidantla construction d'une srie de barrages de protection.Et il a fallu le dsastre de Nmes l'anne dernire,c'est--dire trente ans aprs, pour qu'on envisaged'achever le programme de barrages de protection.

    Dans ce cas comme dans la grande gnralit des casil est tonnant de constater que c'est au coup parcoup, la suite d'vnements catastrophiques, quesont prises les mesures de sauvegarde. Cela s'expli-que sans doute en partie par une certaine passivitde l'opinion devant les forces naturelles, associe l'incapacit d'apprciation objective des risques.

    Les catastrophes dues aux ouvrages construits parl'homme sont vcues d'une toute autre faon. Auxyeux de l'opinion ce n'est plus la nature mais nces-sairement un homme qui est responsable. Si un pontou un immeuble s'effondre, si un barrage cde, il ya fatalement un fautif ou plusieurs, soit au niveau dela conception, soit celui de la construction, soit enfinen cours d'exploitation. Et les victimes plaident, oul'on plaide pour elles, car il faut que justice soit faite.

    Malheureusement la socit n'a qu'une notion trsfloue de la scurit et de ses limites. Elle est collecti-vement convaincue que sans faute professionnelle iln'y aurait pas de catastrophes. Cette attitude mentaleest clairement traduite par la manire dont l'annoncede l'vnement est faite dans la grande presse.

  • LA SCURIT DES BARRAGES

    La vrit objective est toute autre. Toute construction,toute activit humaine plus gnralement, mme sielle est conforme aux rgles de l'art, contient une partde risque irrductible.

    Ici intervient une distinction capitale entre le risquelibrement accept par l'individu et le risque impospar la socit.

    Dans la premire catgorie entrent les sports dange-reux ou l'usage de l'automobile. L'individu prend, deson plein gr, des risques considrables, aveugl qu'ilest par le plaisir immdiat qu'il tire de son activit.Si le varappeur qui escalade la face nord du Drudvisse, il y aura eu faute mais sa faute. Si un chauf-feur perd le contrle de sa voiture il en sera demme. La chose se complique pour le deuximevhicule qui sera heurt, mais ce risque est pris tousles jours pour nous tous. C'est ainsi que la route faiten France la 000 morts par an et 250 000 blessssans qu'on parle de scandale.

    En revanche ceux qui vivent l'aval d'un projet degrand barrage protestent contre le risque qui leur estimpos. C'est qu'ils n'ont pas le choix et qu'ils ne tire-ront pas un avantage particulier de l'ouvrage. On lescomprend mais il faut les rassurer en les convainquantque le risque aujourd'hui est si petit qu'il peut treconsidr comme nul. La chose n'est pas facile. LaCIGB s'y emploie par la cration rcente d'un comitdes relations publiques qui diffusera entre autres desrapports documents sur la scurit des barrages.

    En effet les statistiques sont claires: aujourd'hui, grceau progrs technique, les barrages sont responsablesde moins de 100 morts par an pour le monde entier.Bien que la transposition soit discutable on peut esti-mer que pour la France seule le chiffre statistique estde un mort par an, soit la 000 fois plus faible quecelui des accidents de la route.

    Il est intressant de noter que la perception du ris-que varie beaucoup d'un pays l'autre. Dans notrepays il y a une tendance marque majorer ce ris-que pour des raisons motionnelles videntes maisexagres. Ainsi dans la rgion de Frjus on ne peutplus construire de barrage vote depuis la rupture deMalpasset en 1959. Au contraire aux Etats-Unis lescultivateurs de pommes de terre de l'Idaho deman-drent cor et cri la reconstruction du barrage deTeton qui s'est rompu d'une faon catastrophique en1976. Ils en avaient besoin pour mieux vivre et taientprts reprendre le risque.

    3. LES STATISTIQUESD'ACCIDENTS DE BARRAGES

    La Commission internationale des grands barrages(CIGB) s'intresse depuis de nombreuses annes l'tude des ruptures de barrages. Les Leons tiresdes accidents de barrages sont rgulirement mises jour. L'inventaire des Dtriorations des barrageset rservoirs contient dans sa dernire dition de1986 une liste de 107 ruptures. De ces vastes enqu-

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    tes l'chelle mondiale on tire des statistiques richesd'enseignements pour l'ingnieur, comme l'a faitAndr GOUBET dans Les risques associs aux bar-rages (La Houille Blanche, 1979).

    On s'accor