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LA SOLIDARITE AUTREMENT? MICRO-ASSURANCE ET PROTECTION CONTRE LA VULNERABILITE EN AFRIQUE DE L'OUEST Eveline BAUMANN 1 IRD Résumé Les populations sub-sahariennes ont une longue tradition de gestion de la vulnérabilité, que ce soit en zone rurale ou en milieu urbain. À ce titre, la répartitiori des risques et incertitudes représente une parade cruciale. Or, la transition vers l'économie de marché - présentée comme seule solution envisageable par les agences internationales et largement. plébiscitée par les décideurs nationaux - nécessité non seulement une meilleure maîtrise des sources de vulnérabilité, mais aussi une certaine propension à se projeter dans le temps et à: séparer les champs que sont l'économique et le social, le public et le privé. La micro-finance est censée. contribuer à cette évolution, en incitant ses bénéficiaires à se distancer de leurs appartenances d'origine, à se poser en individus responsables et à s'engager dans des relations plus fonctionnelles. Parmi les produits de la micro-finance, un rôle clé revient à la micro-assurance. La déliquescence des systèmes de protection sociale de type moderne d'une part, des solidarités dites traditionnelles d'autre part, semble responsable de son essor. Mots clés: Vulnérabilité, risque, incertitude, protection sociale, activités informelles, micro-finance, micro-assurance, Afrique de l'Ouest, solidarité, individualisation vormes. 1 L'auteure est membre de l'équipe AUF «La. micro-finance entre lutte contre la pauvreté et développement de l'entrepreneuriat » (responsable Eddy Bloy) et chercheuse à rlRD {UR « Travail et Mondialisation »), Ce texte complète la réflexion présentée lors du Meeting on Micro-Finance: What Means and Ways for Micro-Finance for What Impacts, tenu à Pondicherry (Inde), Institut français de Pondicherry, 9-10.1.2003 : « Inforrnal Activities, Uncertainty and Micro-Insurance. Réflections on 'Post- Adjustment' Africa ». La publication dans les actes du colloque est en cours. 55

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LA SOLIDARITE AUTREMENT?MICRO-ASSURANCE ET PROTECTION CONTRE LA

VULNERABILITE EN AFRIQUE DE L'OUEST

Eveline BAUMANN1

IRD

Résumé

Les populations sub-sahariennes ont une longue tradition de gestion de la vulnérabilité,que ce soit en zone rurale ou en milieu urbain. À ce titre, la répartitiori des risques etincertitudes représente une parade cruciale. Or, la transition vers l'économie de marché- présentée comme seule solution envisageable par les agences internationales etlargement. plébiscitée par les décideurs nationaux - nécessité non seulement unemeilleure maîtrise des sources de vulnérabilité, mais aussi une certaine propension à seprojeter dans le temps et à: séparer les champs que sont l'économique et le social, lepublic et le privé. La micro-finance est censée. contribuer à cette évolution, en incitantses bénéficiaires à se distancer de leurs appartenances d'origine, à se poser en individusresponsables et à s'engager dans des relations plus fonctionnelles. Parmi les produits dela micro-finance, un rôle clé revient à la micro-assurance. La déliquescence dessystèmes de protection sociale de type moderne d'une part, des solidarités ditestraditionnelles d'autre part, semble responsable de son essor.

Mots clés: Vulnérabilité, risque, incertitude, protection sociale, activités informelles,micro-finance, micro-assurance, Afrique de l'Ouest, solidarité,individualisation vormes.

1 L'auteure est membre de l'équipe AUF «La. micro-finance entre lutte contre la pauvreté etdéveloppement de l'entrepreneuriat » (responsable Eddy Bloy) et chercheuse à rlRD {UR « Travail etMondialisation »), Ce texte complète la réflexion présentée lors du Meeting on Micro-Finance: WhatMeans and Ways for Micro-Finance for What Impacts, tenu à Pondicherry (Inde), Institut français dePondicherry, 9-10.1.2003 : « Inforrnal Activities, Uncertainty and Micro-Insurance. Réflections on 'Post­Adjustment' Africa ». La publication dans les actes du colloque est en cours.

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Introduction

L'intérêt croissant que portent à ·la micro-assurance agences internationales, décideursnationaux, ONG et populations en Afrique subsaharienne, n'est pas le fruit du hasard. Ilest la réponse à des crises multiples qui rendent les ménages vulnérables aux aléas detoutes sortes et qui affectent la cohésion sociale : crise du salariat et précarisation dustatut des travalIleurs, crise de l'État providence et des systèmes de redistribution qui luisont propres, crise des solidarités caractéristiques du domaine privé. Cette constellationconduit à la recherche de protections en dehors des fonnules habitœlles et, tout commed'autres facteurs caractéristiques des sociétés qui se modernisent, elle ·engendre desbesoins en numéraire de plus en plus pressants. L'essor de la micro-finance avec sesproduits qui sont l'épargne, le crédit et l'assurance en est la conséquence.Cependant, cet essor ne résulte pas seulement d'une demande sociale, il est aussi voulupar les décideurs. En effet, la micro-finance participe à tout un dispositif d'instrumentscensés favoriser la globalisation. Pour permettre aux pays du Sud de participer - ou nevaudrait-il pas mieux dire pour les soumettre? - , à la globalisation et pourinterconnecter leurs économies entre elles et avec celles du Nord, un certain nombre derègles doivent être respectées et des normes se voulant désormais universelles être,promue~Autrement dit, des innovations relevant à la fois de l'économique, du social et, du politique sont indispensables. Parmi ces innovations figure notamment la prise encharge accrue des individus par eux-mêmes et à leur inscription grandissante dans dessociétés civiles en gestation.Nous nous interrogerons sur ces évolutions qui sont en cours dans les pays d'Afrique del'Ouest, en nous appuyant en partie sur fexemple du Sénégal, pays souvent considérécomme pionnier pour les innovations économiques et sociales. Dans un premier temps,seront présentés les systèmes de protection contre la vulnérabilité des ménages. Ensuite,il s'agira de montrer comment les acteors économiques affrontent concrètement lavulnérabilité, sous ses formes que sont le risque et l'incertitude, que ces acteursexploitent le milieu naturel ou qu'ils soient responsables d'une unité de production detype informel. La discussion portera enfin sur les normes qui sous·tendent les mesureséconomiques prises dans un contexte de post-ajustement et sur la contribution joué lamicro-assurance dans la transition vers l'économie de marché

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1 LA PROTECTION ET LES SOLIDARITES MISES A L'EPREUVE

La vulnérabilité à laquelle sont exposés les ménages concerne les hommes et lesfemmes vivant ensemble, d'une part, .le patrimoine domestique et professionnel dont ilsdisposent, d'autre part. Alors que des institutions de type moderne se chargent del'assurance dite sociale et s'adressent à la minorité des salariés et de leurs familles, lessolidarités «traditionnelles» couvrent indistinctement les risques liés à 1:1 personne etaux biens matériels. Les produits d'assurance basés sur la mutualisation des risques detoutes sortes, eux, viennent en complément aux systèmes de protection connus. Cesproduits sont non seulement proposés par des compagnies d'assurance telles que nousles connaissons dans les pays du Nord. ~ plus en plus, des institutions d'envergureplus modeste occupent ce créneau en pleine expansion pour proposer des assurancesadaptées aux populations démunies. .

1.1 Protection et vulnérabilité des trava'illeurs 2

Dans les pays au sud du Sahara, le marché du travail a connu, au cours des vingtdernières années, des évolutions comparables (Charmes, 2001). Les vaguesd'ajustements structurels ont donné lieu à la mise au' travail accrue de toutes lescatégories de la population, à la stagnation, voire la diminution du travail salarié, à laprécarisation du statut des travailleurs, à la multiplication d'emplois non protégés ausein d'unités de type informel. Le niveau de la protection sociale s'en ressent.Prenons, à titre d'exemple, le cas du Sénégal (Annexe 1). L'agriculture continue àfournir la grande majorité des emplois, mais les rendements sont faibles. EUe crée àpeine 8 % des richesses, le secteur primaire dans son ensemble moins de 18 %. Lemarasme du secteur primaire nourrit les flux de ceux qui cherchent un emploi dans lesvilles où habitent désormais 47 % des Sénégalais. La récente diminution du chômagepeut laisser penser que la situation de l'emploi se serait améliorée,· que les nombreusesmesures censées donner plus de flexibilité se seraient traduites par une mise en relationplus rapide et plus efficace de l'offre et de la demande de travail. Or, les réalités sontbien plus complexes.Les entreprises privées ne répondent que très' timidement 'aux incitations de créationd'emplois, et dans la fonction publique, le niveau reste quasiment stationnaire: depuisdes années, les salariés du privé et du public représentent environ 1,5 % de la population·du pays. \

2. L'augmentation du nombre «d'ouvriers et d'employés non qualifiés» peut être rapprochée de cetteévolution. À Dakar, la part de cette catégorie est passée de 30 % en 1991, à 47 % en 1994/95 (Sénégal,1997a : 36). Au milieU des années quatre-vingt-dix, le nombre de personnes exerçant, dans la région deDakar, à titre principal ou secondaire une activité infonnelle, a été évalué à 665 000. Ce chiffre posecependant problème: d'après l'Enquête sénégalaise auprès des ménages, Dakar connaîtrait unepopulation active (occupés ou chômeurs) de 578000 personnes, sur une population en âge de travailler de1 166000 (Sénégal, 1997a : 35)..

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ibid.

ibid.

PNUD,2001 : 87

ibid.

ibid,

Fall,2002

ibid.

Alternatives

économiques, 2003

1997

« années 60»

1999

(C années 80 »

1996

id.

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1999

n.d. ibid.

s..'f",:.

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1996 ibid.

I~ I_source

n.d. Fall,2002

Tableau 1 : Les bénéficiaires de la sécurité sociale au Sénégal

i/l ;:~h

1 1;,1;;.. "

Travai lieurs bénéficiant 176000

• ide couverture sociale

, ~

= en % des travailleurs 5,1 %

Bénéficiaires de couverture 1 200 000

sociale (droits directs et dérivés)

=.en % de population iotale 13,3%

Dépenses pour sécurité sociale 3,5 %

en % du BNP, Sénégal

Dépenses pour sécurité sociale 14 % (Irlande) à

en % du BNP, Union européenne 32 % (Suède)\

Dépenses pour sécurité sociale 6257 F.CFA

par habitantJan, Sénégal [= 9,54 €]

=en %duSMIC 17,3 %

Dépenses pour sécurité sociale 500 %

en % du SMIC, OCDE

Ratio actifs/retraités secteur public 3,0/1(FNR)Ratio actifs/retraités secteur public 1,7 Il

Ratio actifs/retraiiés secteur privé 21,0/1(IPRES)Ratio actifs/retraités secteurpnvé 2,2/1

Seules . les activités infonnelles semblent profiter de la nouvelle donne: elles'connaissent un essor quantitatif impressionnant et jouent un ~ôle anticycliqueincontestable. Certes, l'estimation fiable de l'importance numérique des Sénégalaisexerçant une activité infOrmelle pose problème.Il n'en reste pas moins que «l'informalisation}) de l'économie est perceptible de visu,ne serait-ce que par l'offre de services signalée dans les espaces publics (en matière deconsultance, d'intermédiation commerciale), par ie foisonnement de boutiques et d'étalsde toutes sortes ainsi que par l'omniprésence de' vendeurs 'ambulants à des endroitsstratégiques. Dans un contexte de paupérisation prononcée qui frappe désormais aussiles citadins et qui menace les couches moyennes, cette évolution est l'expression d'uneattitude plus pragmatique par rapport au travail, et elle renvoie à la nécessité d'une miseau travail accrue, au caractère indispensable de la pluriactivité, au sein du ménage oupour ses membres pris individuellement et occupant déjà un eIJlploL Il ne s'agit

.d'ailleurs pas seulement d'activités requérant un niveau de technicité et de formationmodestes. Étant donné les lourdeurs administratives liées à la création d'entreprise ­dans ce pays tout comme ailleurs dans la sous-région-, quasiment toute unité deproduction, qu'il s'agisse d'un commerce, d'une entreprise du bâtiment ou d'unecompagnie de taxis, est plus ou moins obligée de passer par une «phase informelle ».

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~ La présence de nombreuses unités dites infonnelles procure aussi des avantages aux. grandes entreprises soumises à l'impératif de compétitivité internationale. Pourrépondre à cet impératif, celles-c i sous-traitent aux unités infonnelles qui peuventd'autant plus facilement s'adapter à une demande fluctuante qu'elles recourent à unemain-d'œuvre présentant, elle, de véritables caractéristiques de flexihilité3. Souventapparentée au chef d'entreprise ou du moins entretenant avec celui-ci un rapport plus oumoins paternaliste, cette main-d'œuvre ne bénéficie pas de protection, que ce soit entennes de législation du travail (licenciements, conflits de toutes sortes), d'avantagessociaux (allocations familiales, allocation de chômage, retraite) ou en matière de santé(assurance maladie, assurance contre les accidents du travail): Seule exception, lesquelque 2 000 petits patrons et travailleurs sénégalais dans l'infonnel ayant contractéune assurance volontaire auprès de la Caisse de sécurité sociale.La précarité caractérise également l'emploi des grandes entreprises qui, elles aussi, fontrégulièrement appel à une ma,in-d'œuvre dont lès droits et le pouvoir de négociationsont limités. Dans l'industrie, six emplois sur dix sont des emplois non pennanents,occupés essentiellement par des journaliers, souvent de sexe féminin. Ils sont concentrésdans la transfonnatioQ des produits agricoles et halieutiques et dans l'industrie chimique(Sénégal, 2001). La protection de ces travailleurs concerne seulement la maladie et lesaccidents de travail, pourvu que les employeurs s'acquittent de leurs obligations en lamatière, ce qui, d'après des infonnations provenant de source autorisée, est loin d'êtretoujours le cas.Les données macro-économiques relatives à la protection sociale institutionnellereflètent la précarité des travailleurs sénégalais. À peine 5 % des actifs bénéficient d'uneprotection sociale de type moderne (maladie, accident du travail, allocations familiales),ce qui correspond' en termes de droits dérivés à 1,2 million de personnes - adultes etenfants confondus -, soit environ un Sénégalais sur huit (Tab. 1 et FaU, 2002 : 6). Lesdifficultés des institutions chargées de la protection socialé vont en croissant et tantpour les salariés du public que ceux du privé, les ratios entre actifs et retraités sedégradent de manière alannante.La protection sociale institutionnelle se heurte donc à un double handicap. D'une part,l'extension de la couverture par le biais du salariat de type moderne est compromise dufait de la faible capacité de création d'emplois des secteurs privé,et public. D'autre part,les opérateurs de «l'informel }} ne semblent pas encore suffisamment prêts à contracterdes assurances volontaires. À ce double handicap s'ajoute la remise en question dessolidarités dites traditionnelles..

1.2 'Des solidarités qui se reconfigurent\

Lorsque l'on oppose, pour l'ensemble de la population dakaroise en âge de travailler,le's personnes occupées d'une part, aux chômeurs et inactifs (écoliers, ménagères,

, retraités) d'autre part, on constate que la mise au travail' directement ou indirectementliée aux mesures, d'ajustement structurel, a diminu'éla charge de ceux qui exercent unmétier et qui sont, implicitement, censés subvenir aux besoins des sans-travail (Tab. 2).En effet, alors qu'au milieu des années soixante-dix, toute personne occupée avait,théoriquement à charge deux chômeurs ou inactifs, deux décennies plus tard, le ratio est

3 D'où aussi.1'engouement des agences internationales pour,ce type d'entreprise.4 ,Ces institutions sont la Caisse 'de Sécurité sociale, pour les accidents du travail et les allocationsfamiliales, l 'IPRES (Institut de prévoyance retraite du Sénégal) pour les retraites du privé, le FNR (Fondsnational de retraite) pour le public, les IPM (Institutions de prévoyance maladie) pour les soins de santé.La réforme et l'assainissement du FNR comptent parmi les priorités des bailleurs internationaux, d'où le

, projet de relever l'âge de la retraite de 55 ans à 60.

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descendu à 1,4. Cette évolution est liée à l'augmentation du taux d'activité qui est passéde 39 % en 1976 à 56 % en 1994/95 (Annexe 1). Expression incontestable d'unenécessité économique, nous l'avons dit, ce taux d'activité plus élevé résulte aussi dusouci de présenter à son entourage l'image de quelqu'un qui est actif - « L'essentiel estde quitter la maison le matin [pour se rendre au travail)... »-. et de l'ambition de seprendre en charge grâce à une activité professionnelle, si modeste soit-elle. Et surtout, ilest un indicateur pour la reconfiguration des solidarités «traditionnelles» intra- et inter-générationnelles. .

Tableau 2 : La prise en charge des inactifs et chômeurs, Dakar

11Ratio

11armée source

Ratio population inactive

Of aucfiômage / populationoccupée,Dakar

id.

1

id.id.

Indice du ratio, 1976 ­1994/95(1976 = base 100)

1,99

2,051,471,41

1976

198819911994/95

71 .

Calculs à partirdeSénégal, 1991

!Sénégal, 1993jSénégal, 1997a

En effet, la solidarité - et on pense notamment à celle qui implique les membres de lafamille - e~t mise à rude épreuve, et ceci d'autant plus que la soumission à ses règlesest souvent vécue comme une hypothèque par rapport aux projets personnels tantvalorisés par ailleurs. Certes, les transferts dont bénéficient· les ménages continuent àêtre non' négligeable : au Sénégal ils représentent 19 % des revenus, toutes catégoriesconfondues (Sénégal, 1997a : 105). Il n'en reste pas moins que les actes de solidaritédeviennent plus sélectifs, se cantonnent à un cercle de plus en plus restreint; c'est toutd'abord la famille nucléaire qui en bénéficie. Des sommes souvent élevées sont investiesdans l'éducation des enfants (Annexe 2)" surtout depuis que la privatisation del'enseignement pennet de choisir entre établissements plus ou moins réputés etprometteurs d'une insertion professionnelle prestigieuse. En même temps, les acteursinventent des stratégies de contournement, voire d'évitement des obligations sociales:recours à des domestiques non apparentés pour éviter l'accueil - voire l'installationdéfinitive - d'une «cousine », habitat dans un quartier difficile d'accès pour«décourager» d'éventuels visiteurs nécessiteux, absences du domicile ou déplacementsaux moments de sollicitations particulièrement lourdes (veille des tètes religieuses),mise' en avant d'un projet collectif du genre OIE, voire téléphone cellulaire non

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accessible aux personnes hébergées, etc5• Alors qu'il y a une certaine distanciation par

rapport à la famille élargie et que les manifestations de la solidarité se centrent sur lafamille restreinte, une certaine autonomie en matière de protection sociale s'avèreindispensable.

1.3 L'incitation à j'assurance volontaire

Les solutions proposées visent à compléter des régimes publics de prévoyance par desassurances volontaires. L'innovation est de taille. En effet, les régimes publics sontbasés sur le principe de la solidarité et de la redistribution; ils sont financés nonseulement par les bénéficiaires eux-mêmes, mais aussi par d'autres catégories socialestelles que les employeurs et les contribuables, par le biais du budget de l'État6

.

Généralement, il n'y a pas adéquation entre la cotisation demandée à la personneassujettie et l'importance de son risque. Ii en est autrement pour l'assurance volontairequi, elle, fonctionne selon le principe de la mutualisation des risques, l'objectif étantl'équilibre financier. Elle couvre quasiment tous les champs d'activité et concerneautant la persqnne humaine que son patrimoine.

Pour reprendre l'exemple du Sénégal, le secteur de l'assurance se porte bien: entre1992 et 2001, son chiffre d'affaires a doub lé et il atteint désormais 41,2 milliards F.CFA(63 millions €). Les perspectives d'évolution semblent positives. Alors que l'assuranceauto représente 35 % du chiffre d'affaires7

, l'assurance vie commence à bénéficier d'unintérêt incontestable. La capitalisation est présentée comme la nouvelle formuleindispensable pour garantir des retraites décentes et certaines compagnies d'assuranceenvisagent la protection des artisans et commerçants.Si les grandes compagnies d'assurance s'adressent surtout à une clientèle aisée, lessystèmes de· protection «par le bas », eux, rencontrent un écho grandissant auprès despopulations aux revenus modestes. Des expériences dans ce sens sont menées dans uncertain nombre de pays africains (Atim, 2000), dont le Burkina Faso (Aliber & Ido,2002), l'Ouganda (Hatch, 2002 : 14); la Tanzanie (Steinwachs, 2002), le Sénégal (Fall,2002). Appuyée par des agences internationales8 et, qui, sur le terrain, sont relayées pardes ONG et autres institutions de proximité, la micro-assurance ne concerne passeulement la protection sociale classique, mais elle couvre aussi des risques tels que laperte d'animaux, les crédits et les biens acquis grâce à un prêt, etc., autant de risques

5 Pour les questions de distanciation et 'le pr~t~ssus d'individualisation dans les ~i1leS africaines, on peutconsulter Marie et al., 1997. La réflexion a été poursuivie dans Leimdorfer & Marie, 2003. La relationentre micro-finance et émergence des sociétés civiles est traitée in Baumann 2003.6À raison de 39 % dans l'Europe des quinze (Alternatives économiques, 2003).7 Depuis que l'importation de véhicules a été libéralisée, les immatriculations augmentent à un rythmesoutenu. En même temps, de nombreux véhicules ne sont pas en règles, .En 1997, on parlait de 50 % devéhicules qui ne lieraient pas assurés (<< Assurance automobile: plus de 50 % des véhicules hors-la-loi»,Le Soleil (Dakar), 20.11.1 997). Autres sources pour ce paragraphe >« Le marché de I:assurance. 12 % dehausse en 200 l », Le journaÉ de l'économie, 8.5.2002; « Système de· retraite: en route vers lacapitalisation », Le Journal de '['économie (Dakar), 6.12.2001; « Assurance: un nouveau-né dansnARD», Le Journal de ['économie, 3 I.10.2002 ; « Fonction publique: création d'une mutuelle de santéen mars », Journal de l'économie, 16.1.2003.8 On peut notamment mentionner le BIT avec' sa Social Seeurity Poliey and Development Branch(Programme STEP, Stratégies and Tools against Social Exclusion and Poverty Programme) et leprogramme Extension of Social Security «www.ilo.org/public/english/socsec/poJ» et le InFocusProgramme on Boosting Employment through SmaJ1 Enterprise Development«www.ilo.org/public/english/employment/finance/» et rUSAID«www.microfinancegateway.orgltnicroinsurance». De même, le ORET «www.gret.org» ainsi que leCIRAD «www.miçrofinancement.cirad.fr» mènent des investigations sur les micro-assurances etappuient leur création.

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susceptibles non seulement de provoquer des crises de subsistance, mais aussi et surtoutde porter atteinte aux capacités de remboursement des personnes sinistrées. Dans lapratique, c'est avant tout la protection contre les maladies qui bénéficie d'un intérêtincontestable, même si la santé continue. à être' fréquemment considérée comme unefatalité.Au Sénégal, par exemple, on dénombre une bonne centaine d'assurances mutuelles desanté.; le nombre d'adhérents est de 420000 personnes (FaU, 2002).Or, la nuance s'impose, car al remarquera que pour près de trois sur quatre de sesadhérents, la mutuelle vient en complément à une assurance contractée dans le cadred'un emploi salarië. Le nombre des assurés «au premier franc» se limite à 123 000personnes.. Le mouvement de l'assurance volontaire n'est qu'à ses premiersbalbutiements et le risque d'une protection à deux vitesses est loin d'être écarté.

. 2 GERER LA VULNERABILITE

L'intérêt que rencontrént les assurances volontaires et tout particulièrement la micro­assuranct\. ne doit pas nous faire oublier que les sociétés africaines ont une longuepratique de stratégies susceptibles d'affronter ou d'éviter les risques et incertitudes,voire de les transférer sur leur entourage. Ces stratégies tiennent compte de la pluralitésdes sources de vulnérabilité. Elles résultent des savoirs relatifs aux «états de la nature »,savoirs dont s'inspire également la gestion des unités informelles. Avant d'aborder lagestion concrètes de la vulnérabilité, on peut s'interroger sur ses facettes multiples.

2.1 La pluralité des sources de vulnérabilité

On entend par vulnérabilité un état lié à une chute imprévue des revenus et/ou à unebrusque .augmentation des dépenses. Elle se manifeste de deux manières, le risque etl'incertitude. On connaît la célèbre distinction de F. Knight qui attribue au risque une

. certaine probabilité, alors que l'incertitude, eJle, ne peut être probabilisée. Les sourcesde vulnérabilité sont nombreuses, et elles connaissent de fortes variations en fonctiondes milieux sociaux et des aires culturelles1

0. Elles concernent des aléas liés à la viehumaine et les cycles de la vie, à des problèmes relevant de l'environnementéconomique et politique et, enfin, des risques provoqués par des sinistres de toutessortes.

Les risques relatifs au cycle de vie concernent des événements tels que les naissances etbaptêmes, ainsi que les mariages (Annexe 2). Si les dépenses entraînées par cesévénements sont souvent très lourdes, leur temporalité est dans une certaine mesuremaîtrisable et les réponses peuvent être modulées sans nécessairement porter atteinte àla subsistance du ménage :

« Une femme pense quotidiennement à la prochaine [cérémonie], à sa 'dette' àl'égard de l 'hôte, aux moyens d'y tenir sa place, lorsqu'elle n'est pas elle-même·invitante, ce qui se prépare de longue date, ne serait-ce que pour n'oublierd'inviter personne, motifcertain de vexation. » (Vuarin, 1994 : 248)

9 Des efforts en ce sens sont entrepris par les fonctionnaires qui disposeront d'une mutuelle, la MutuelIede santé de la fonction pubique (MSFP). Cf « Fonction publique: création d'une mutuelIe de santé enmars », Le Jourrial de l'Economie, n° 349,16.1.2003.

10 On s'inspire de Brown, McCord, 2000 et Brown, Green, Lindquist, 2000.

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-Par contre, en ce qui concerne les aléas de la santé, la perte d'un proche, les dépensesliées aux cérémonies funéraires, ainsi que et le veuvage, l'anticipation paraît plusdifficile. À défaut d'avoir pris des prédispositions adéquates, ils peuvent générer devéritables crises pour la famille et les activités professionnelles de ses membres. Ils'avère, en effet, que la moitié des cas d'insolvabilité des preneurs d'un prêt est liée àdes problèmes de santé.Un autre type de risque et d'incertitude est provoqué par des évènements inattendus telsque les catastrophes naturelles, les sinistres détériorant ou détruisant la propriété telsque les incendies? les inondations, les vols. Leur coût économique et social peut

-atteindre des niveaux considérables si des zones entières sont touchées - ce qui est lecas des maladies épizootiques et des inondations - et les répercussions peuvent êtred'autant plus dramatiques que les services publics ne sont pas en mesure de pourvoir àl'aide d'urgence nécessaire. .Alors qœlle est, dans ces différentes fonnes de vulnérabilité, la part du risque et cellede l'incertitudeJ

1 ? Globalement, le risque est lié à des facteurs exogènes et quasimentindépendants des choi~ des agents économiques. On peut citer, à titre d'exemple pour lerisque, le jeu de la roulette à qui l'on peut affecter une «probabilité objective », ainsique des phénomènes caractérisés par une certaine périodicité (climat) ou pour lesquelson dispose d'une large population (espérance de vie). Or, dans des pays où l'appareilstatistique laisse à désirer, peut-on raisonnablement prétendre connaître les «états de lanature », que ce soit dans le domaine de lécologie ou en matière démographique?Certes, on est, par exemple, en mesure de prévoir scientifiquement une invasionacridienne. Mais qu'en est-il des moyens de lutte contre ces prédateurs, de la volontépolitique d'agir à temps -au lieu d'attendre l'arrivée d'une aide d'urgence toujoursproductrice de rentes? Est-on sûr que les avions d'épandage d'insecticides soient enétat de marche, que le carburant soit disponible, le personnel technique fidèle au poste?Autre exemple, celui du transport. On peut connaître les risques d'accident, tester lasécurité des véhicules et embarcations. Mais si, coinme dans le cas récent du naufraged'un bateau au Sénégal12

, l'on refuse de reconnaître qu'un navire n'est techniquementpas au point, l'alerte n'est déclenchée que tardivement et les secours dépêchés sur les

-lieux lorsqu'il est trop tard? -Dans ces cas - et il sorit nombreux! -, il s'agit, pour -les populations concernées,incontestablement plus d'une situation d'incertitude que de risque, car ce ne sont passeulement des éléments probabilisables qui interviennent, mais avant tout la volontépolitique des décideurs, les ambitions et les inerties propres -à la nature hvmaine. t'estdonc tout l'environnement économique et politique d'un pays qui est en cause ainsi quela confiance que les populations estiment pouvoir accorder aux hommes qui lesgouvernent. Or, souvent, le vécu quotidien n'incite 'guère à la confiance et exacerbe le

-sentiment de vulnérabilité.La distinction entre aléas pouvant fuiTe l'objet d'anticipation et ceux qui échappent à lamaîtrise de l'homme, n'est donc pas toujours opérationnelle dans les pays du Sud, tantentrent en ligne des facteurs autres que purement matériels. Il s'ensuit de cette difficileprobabilisation que la généralisation de systèmes assuranciels 'rencontre des limites. Etdans Japratique au quotidien, ce sont surtout des «probabilités subjectives », liées àl'èxpérience et à la connaissance du milieu, qui sont en mesure de détenniner les

lIOn s'inspire de Guerrien, 1996. - -12 Le naufrage du Diola en septembre 2002 a coûté la vie à plus de 1500 personnes. Voir le dossierconsacré aux catastrophes au Sénégal par Nouvel Horizon, nO 346, 25.10.2002.

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décisions économiques des acteurs. Le so\ci de rép.artir les sources de vulnérabilité etde les contourner en découle.

2.2 Les pratiques des acteurs : l'exploitation de -ressources naturelles et lanécessité de prévoir

Les pratiques des acteurs témoignent de leurs connaissances des différents types devulnérabilité suscepti1;>les de perturber l'activité économique, de· porter atteinte à la santéet l'intégrité physique des personnes, d'endommager ou d'anéantir leur patrimoine.C'est en milieu rural qu'un grand nombre l;ie ces pratiques prennent origine, pour êtreensuite adaptées à l'économie urbaine.La pluri-activité dans le secteur primaire représente un exemple par excellence de larépartition des sources de vulnérabilité. On peut penser, entre autres, aux pêcheurscombinant activités halieutique et agricole pour subvenir aux besoins alimentaires deleur foyer. Ceux du Delta central du Niger au Mal~ par exemple, se scindent en sous­groupes. Chaque fenune ou chaque homme adulte du ménage fonne un sous-groupesuffisamment mobile pour exploiter les ressources - halieutiques ou agricoles - là oùelles sont\. abondantes et accessibles (Quensière, 1994). En agriculture, la pratiquecbrrespondante consiste à faire de la culture itinérante, à se déplacer individuellementou en groupe vers des zones grandes productrices pour s'y faire embaucher au momentdes récoltes ou bien à exploiter plusieurs parcelles présentant des caractéristiquespédologiques différentesl3

.

L'exploitation extensive, c'est-à-dire l'appropriation du sol et l'occupation de sitesconnus pour leurs eaux poissonneuses n'est cependant possible que lorsque la main­d'œuvre est abondante1

4, et que les terres cultivables et les plans d'eau sontsuffisamment disponibles et relativement libres d'accès. Si tel n'est pas (ou plus) le cas,l'exploitation extensive cède le pas aux différentes modalités de l'exploitation intensive,avec un recours accru à la main-d'œuvre. À partir d'un certain stade, l'artificialisationdes plans d'eau (empoissonnement des mares, surcreusement des chenaux) et deschamps (fertilisation) s'impose. L'utilisation d'outils aratoires et halieutiques plusperfectionnés relève également de pratiques intensives. Ainsi, le pêcheur exploite desengins pluri-spécifiques ou bien combine engins actifs (épervier, filet dérivant) etpassifs (nasses, filets dormants, palangres)ls. L'agriculteur, lui, pratique la pluri­culture : dans un seul champ, manioc, igname, mais, banane plantain, canne à sucre etarachide voisinent et différents horizons du sol sont exploités simultanément.Bien entendu, indépendamment de ces stratégies directement liées à l'activitééconomique et à l'exploitation du milieu naturel, les acteur~ font aussi preuve d'unepropension à l'épargne parfois considérable, que ce soit en nature (bétail, volaille,tissus, ustensiles de toutes sortes) ou en numéraire, par exemple dans le cadre dunetontine ou une institution de la micro-finance.. On sait qœ dans la zone UMOA, le tauxde pénétration de ces institutions est désormais de l'ordre de 22 %16. Mais ilsinvestissent aussi dans les relations personnelles susceptibles de présenter des garanties

13 ·Parfois, même un champ mal entretenu peut relever d'une stratégie anti-risques, en ce sens quel'entretien, si sommaire soit-il, pérennise le droit de l'exploiter.14 Ce qui est d'ailleurs un argument économique en faveur de la polygamie.15 Les engins· actifs demandent la présence de l'homme. Les engins passifs, eux, restent dans le biotope(souvent la nuit, comme c'est le cas du filet dormant) et les produits de la pêche sont récupérés après, cequi permet une utilisation alternative de la main-d'œuvre pendant le temps de pose.16 Source: ·BCEAO, BOAD, UEMOA, 2002. Le taux de pénétration définit le rapport entre nombre debénéficiaires et population cible exprimée en terme de familles de six membres. Nous ne disposons pas dedonnées équivalentes pour la Mauritanie dont il sera également question ici et où la micro-finance est.encore une réalité relativement récente.

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, contre les aléas de toutes sortes. L'insertion dans un groupe de jeunes ou à une classe- d'âge et, d'une manière générale, toute manifestation de convivialité pennettant

d'affirmer l'appartenance à un groupe et la souscription à ses valeurs, peuvent êtrecitées à ce titre. Il s'àgit d'autant d'investissements à moyen et long terme pouvant êtremobilisés en cas de besoin.Très schématiquement; quels sont les enseignements que l'on peut tirer de ces pratiquesen termes de gestion de la vulnérabilité?Dans les pratiques extensives, celles qui privilégient la terre et les plans d'eau en tantque support de la ressource par rapport aux autres facteurs de production (capitaltechnique et main-d'oeuvre), le risque de production insuffisante est réparti dansl'espace et le temps, comme il est réparti entre les sous-groupes du ménage. Il y a toutd'abord des considérations à court terme qui guident les exploitants. Elles se traduisentpar le souci d'assurer la reproduction de l'unité domestique grâce à la modulation entreactivités et entre sites écologiques. Mais ces considérations sont conditionnées par lesouci d'éviter la surexploitation du milieu naturel et de permettre le renouvellement dessols et des ressources ichtyques, renouvellement qui seul garantit la. survie de lacommunauté. À cet eff~t, on pratique la jachère et la mise en réserve de certains plansd'eau, on interdit la pêche à des moments cruciaux pour la reproduction des espèces.Exprimée autrement, on renonce à une consommation immédiate pour mieux en profiterdans un temps ultérieur. C'est cela la caractéristique même de l'épargne, gestion parexcellence de la vulnérabilité. Des comportements d'épargne se manifestent aussi aprèsles récoltes et la saison de pêche, lorsque céréales et poissons transformés sont stockésen vue d'une consommation ou d'un écoulement ultérieurs. Ces comportementscomplètent les pratiques d'épargne plus classiques évoquées plus haut ainsi que lesinvestissements dans les relations personnelles et la constitution d'un capital socialmobilisable à tout moment.

L'intensification qui est censée remédier au risque d'une baisse de production se fait parle recours accru au capital technique et aux ressources humaines. Pour les activitésagricole et halieutique, cela signifie qu'au nom d'un souci de rentabilité immédiate -impératif d'autant plus grand que lès intrants .agricoles et les engins de pêche coûtent

cher-, on introduit, d'une part, des sources de vulnérabilité telle que épuisement dessols et sur-pêche par rapport aux capacités reproductives de la ressource, intérêtsdivergents des autochtones par rapport aux allochtones17

, droits d'accès prohibitifs auxsites réputés poissonneux, etc. Autrement dit, il y a tendance à néglige\ l'aspectrenouvellement des ressources naturelles et leur pérennité en tant que bien public. Parrapport à l'unité de production, il y a, d'une part, externalisation de la vulnérabilité: cesont la communauté et, plus généralement, l'État qui vont assumer les conséquences del'intensification Ce danger est d'autant plus grand que' 'des comportements du typepassager clandestin peuvent apparaître et se généraliser, notamment lorsque lesinstances de régulation sont faibles. D'autre part, la vulnérabilité est reportée sur lamain-d'œuvre. Composée essentiellement de membres de la famille, la main-d'oeuvrereprésente un coût quasiment fixe, car le chef de famille doit de toutes les façonspourvoir aux besoins de consommation alimentaire de l'unité domestique 18. Les seuleslimites à l'utilisation de la main-d'œuvre familiale sont posées par les normes de travailsocialement acceptables. .

17 Les divergences entre groupes de pêch~urs. mais aussi entre pêcheurs, éleveurs et agriculteu~s peuventaller jusqu'à mort d'hommes.\8 On ajoutera qu'en milieu rural, par exemple en milieu pêcheur du Delta central du Niger, les dépensesalimentaires représentent plus de 70 % des dépenses des ménages (Baumann, J994).

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•On peut résumer les stratégies censées réduire la vulnérabilité en milieu rural de lamanière suivante. Il y a à la fois prise en compte des impératifs de subsistance de l'unitédomestique et souci de reproduction physique et symbolique des communautés. Cesouci est étroitement lié au renouvellement dé ce bien public qœ représentent lesressources renouvelables. Il s'agit de trouver un dénominateur commun entreconsidérations à court terme, c'est-à-dire produire pour consommer, vendre ou troquerdans l'inunédia~ et. considérations à long terme, c'est-à-dire prélever sur laconsommation immédiate pour pouvoir consommer en cas de crise ou bien pour mieuxvendre lorsque les prix sont plus attractifs. Mais il convient également de trouver unjuste équilibre fentre investissements qui soient non seulement'productifs d'un point devue économique, mais aussi social. Des comportements d'épargne et d'investissement àlong terme sont, par conséquent, aussi indispensables que la répartition etl'exterrialisation des facteurs de vulnérabilité.

2.3 Les pratiques des acteurs : le fonctionnement des activités informelles

Toutes proportions gardées, le mode de fonctionnement des activités informelles,qu'elles so\ent implantées en milieu urbain ou rural, n'est pas fondamentalementdifférent de 'ce qui vient d'être décrit au sujet de l'activité agricole ou halieutique l9

• Iciet là, il y a tout d'abord la confusion entre patrimoine de l'entreprise et biensdomestiques, d'une part, confusion entre fonds de roulement et budget familia~d'autre

part. Pour ce qui est ensuite de la main-d'œuvre, il s'agit également souvent demembres de la famille ou bien de personnes liées au chef d'entreprise par un rapport dedépendance, si implicite soit-il. Enfin, tout comme dans le secteur primaire, lesopérateurs économiques des secteurs secondaire et tertiaire ont des connaissancessurtout intuitives des «états de la nature» et la gestion des facteurs de vulnérabilitéconsiste à répercuter les aléas non maîtrisables par l'environnement et la main-d'œuvre.Dans les villes, l'une des stratégies consiste à répartir ces facteurs en diversifiant lessources de revenus, que ce soit au sein du ménage même ou au niveau de chaqueindividu. Nous l'avons évoqué. Ainsi, tel commerçant, au lieu d'agrandir son commerceen une localisation unique, préfère l'implantation de plusieurs boutiques à des endroitsprésentant chacun des avantages· spécifiques. Tel collaborateur d'un bureau deconsultance se transforme, après ses heures de présence obligatoire, en chauffeur detaxi. Tel fonctionnaire exerce parallèlement une activité d'expert, combinant ainsiavantageusement plusieurs types d'emploi tout en échappant, le cas échéant, àl'imposition. On peut ajouter que même l'émigration de membres de la famillecontribue à sa manière à cette diversification des sources de revenus, pourvu que, pardes transferts d'argent, l'émigré continue à participer au budget familial. .Or, les stratégies ne visent pas seulement la répartition des sources de vulnérabilité parle biais de la pluri-activité, il y a également transfert sur l'aval et l'amont de laproduction. Ainsi, les fournisseurs sont fidélisés et imbriqués dans des relationspersonnalisées grâce à une certaine tolérance par rapport à des irrégularités quipourraient être commises de part et d'autre. Cette imbrication peut aboutir, entre autres,à des situations d'insolvabilité et des retards (de remboursement d'un prêt, de livraisond'une marchandise) difficiles à sanctionner. La multiplication de fournisseurs et la sous­traitance en cascade, pratiques souvent a priori contre-productives d'un point de vueéconomique, relèvent également de cette stratégie anti-vulnérabilité. De même, il y afidélisation des clients pour bénéficier de leur capital socia~ pour s'assurer, le caséchéant, de leur appui auprès des autorités et autres personnalités influentes. D'une

19 Sources pour ce paragraphe: Hugon, 1995 ; Pourcet, 1995 ; Servet, 1996.

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manière générale, des concessions reclproques renforcent les liens et augmentent lenombre de dépendants aux services desquels on pourra rec.ourir en cas de nécessité.Le transfert des risques et incertitudes s'effectue en outre vers l'environnement au senslarge du terme. Cela se traduit par le non-respect des obligations fiscales, handicap detaille pour la politique économique des pays où les activités informelles sontabondantes2o

• Mais il y va aussi du non-respect des normes, par exemple en matière desécurité routière, d'hygiène publique, de pollution de· l'atmosphère et des cours d'eau,de nuisances sonores. À titre d'exemple, un patron d'une compagnie de taxis néglige lasurveillance du bon fonctionnement de ses véhicules, refuse de les soumettre aucontrôle technique obligatoire, autant d'actes qui lui auraient coûté cher. Enl'occurrènce, les usagers subissent les conséquences de ces négligences, ils sontquasiment obligés d'accepter les pannes provoquant des retards; les habitants del'agglomération en question, eux, sont confrontés aux émissions de gaz nocifs. Ce quiest enjeu, ce n'est donc pas seulement le fonctionnement de l'appareil d'État privé deressources fiscales, mais ce sont aussi les biens publics tel que l'environnementécologique qui se détériorent.Et enfin, il y 1a report de la vulnérabilité sur la ·main-d'œuvre, maillon faible et nonprotégé dans le processus de production informelle. Souvent, elle n'est pas seulementcomposée de parents, mais aussi de personnes liées au chef d'unité par des rapportsbasés sur un «contrat implicite »2\ . Ce «contrat» est susceptible de protéger l'employé(ou apprenti) en cas de maladie et contre le renvoi. Cependant, dans un contextecaractérisée par la croissance sans véritable redistribution et par la précarisation del'emploi, ces garanties implicites semblent de moins en moins opérationnelles.Ce qui compte tout d'abord, c.'est la rentabilité à court terme des unités de production.Voilà pourquoi on préfère les options réversibles, c'est-à-dire des choix engageantseulement l'avenir proche. Le foisonnement d'activités de service, nécessitant unminimum de capital fixe, est la manifestation de cette préférence, tout comme les choixtechnologiques des petits entrepreneurs. Ils optent pour l'internalisation des économiesexternes - d'où les sous-traitances en cascade - et pour l'extemalisation desnuisances écologiques et des effets sur la collectivité..Souci de rentabilité immédiate et attention portée à la disponibilité d'argent liquide vontde pair. Ils comptent parmi les caractéristiques de l'économie urbaine. Ne serait-ce quepour se rendre au travail et se nourrir sur place, pour «dépanner » quelqu'un quipourrait rendre. un service ultérieurement, pour réaliser une opération commercialeprometteuse, etc., 'les citadins cherchent à disposer d'argent liquide. La préférencepsychologique pour le présent renvoie au taux d'actualisation, ce taux qu'e. l'on appliqueau revenu à 'percevoir ou à une dépense à engager dans le futur pour connaître sa valeuractuelle2J . On sait que plus l'environnement économique et social est précaire, plus letaux d'actualisation sera élevé. Et on sait aussi que la forte préférence pour l'immédiatn'est pas propre aux petits opérateurs économique;3.Les considérations relatives à une pluralité d'horizons temporels s'articulent. En matièreéconomique, le court terme semble être privilégié. Les investissements à long terme,eux, favorisent plutôt la cellule familiale que l'on tient à reproduire, tout comme l'on

\

20 Bien entendu, le non-paiement de j'impôt traverse toutes les catégories d'entreprises.21 On se réfère à Azariadis, D., ({ Implicit C;ontracts and UndereJl:lployment Equilibra », Journal ofEconomie Theory, 1975, pp. 1l 83-1202. Pour une discussion, voir Guerrien, 1996: 101,..103. . .22 Pour les opérations économique's dans les pays industrialisés, il correspond soit au taux d'intérêt dumarché, soit au taux interne de rentabilité, soit au taux préconisé par le Plan. Ceci étant, dans la vie~uotidienne, les acteurs font intervenir des paramètres plus personnels.2 Voilà ce que continnent des estimations effectuées auprès d'étudiants de l'Université Cheikh Anta Diopet auprès de cadres des secteurs public et privé. Ces catégories affectent à leurs revenus futurs un tauxd'actualisation compris entre 100 et 250 % (Lecointre, 1993).

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•tient à reproduire la réputation dont on jouit et à éviter le déclassement social. Cesinvestissements à long tenne se situent dans le domaine de l'éducation et de lafonnation, enjeu majeur dans un contexte de compétition qui se joue aussi autour desdiplômes et de leur prestige. .

3 GLOBALISATION ET MISE AUX NORMES

Nous avons vu que dans le petit entrepreneuriat, indépendamment du secteuréconomique, des logiques familiales et clientélistes prédominent. Or, pour qUê puisse yavoir développement, a fortiori dans un contexte de globalisation, des relationsfonctionnelles et des logiques basées sur la performance économique méritent d'êtrepromues. Cela d'autant plus que l'interdépendance des unités économiques -sociétésnationales qui sous-traitent aux unités de type informel, investisseurs étrangers tournésvers les marchés internationaux, etc. - ne souffre pas de maillons faibles exposés à dessources de vulnérabilité trop grandes. Le souci de nonnalisation en découle et celle':ciconcerne tous les types d'entreprises.

3.1 Le souci \Je normalisation1

Les différentes r6fonnes auxquelles sont soumis, depuis deux décennies, les payssubsahariens, visent, in fine, leur intégration dans l'économie globalisée. Lesprogrammes d'ajustement structurel doivent être analysés sous cet angle. Ils contribuentà accélérer la transition d'économies rentières et contrôlées par l'État vers deséconomies de marché et d'accumulation productive, et ils font émerger des signauxpositifs en direction des partenaires potentiels.À ce titre, des indices permettant des comparaisons trans-nationaès s'a\èrentindispensables24

. En effet, les investisseurs potentiels doivent pouvoir choisir enfonction des opportunités que présentent les différents pays de la sous-région. Sansaucun doute, ces comparaisons trans-nationales suscitent de l'émulation parmi les paysconcernés, émulation qui est d'ailleurs stimulée par le conflit qui affecte la Côted'Ivoire depuis le dernier trimestre 2002. Parallèlement, il convient d'homogénéiser, àtravers les pays de la sous-région, les instruments de la gestion et les outils juridiques.L'élaboration du SYSCOA (Système de comptabilité ouest-africain) va· dans ce sens,ainsi que la mise au point de l'OHADA (Organisation pour l'harmonisation du droit desaffaires), complétée par des institutions juridiques appropriées. Le secteur desassurances est, lui auss~ homogénéisé (Code Cima). Dans le domaine de la productionindustrielle, les nonnes de qualité (ISO) contribuent à introduire des standardsinternationaux. Par rapport à ces différents dispositifs, les bureaux d'auditinternationaux jouent, bien entendu, un rôle central. Ce sont eux qui amènent les'entreprises de la place vers le respect. de normes qui se veulent universelles; en créant

.un climat favorable aux affaires, ils rassurent les sociétés étrangères déjà en place oucelles qui souhaiteraient s'imp-Ianter. .Le monde du travail est au centre des réformes visant à la compétitivité des économiesnationales et à fouverture sur l'économie globalisée. Ainsi, au Sénégal par exemple, leCode du travail est· aménagé afin de donner plus de flexibilité à la main-d'œuvre.D'autres mesures encore, telle que, toujours au Sénégal, la «Convention nationale État-

24 On peut citer comme exemple: Conseil National du Patronat du Sénégal (CNPS) 1 Confédération. Nationale des Employeurs du Sénégal (CNES), Environnement des entreprises industrielles de l'Union

économique et monétairè ouest-africaine. Dakar, Chambre de Commerce, d'Industrie et d'Agriculture deDakar, 1996, 200p.

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employeurs privés pour la promotion de 1'emploi des jeunes» concerne laréglementation des stages en entreprise25

. Toutes ces mesures sont autant de signauxenvers les investisseurs. Mais si elles s'adressent presque exclusivement aux grandessociétés, les entreprise d'envergure. moyenne ne sont pas pour autant exclues dessollicitations réformatrices. La création de Centres de gestion agréés au Sénégal, nousen fournit un exemple, projet qui s'est cependant soldé par un échec. Il s'agissait 'denormaliser la gestion des PME, tout en les incitant à se conformer à la réglementationfiscale. Il semblerait que «l'habitus informel» des opérateurs ~ soit difficilementaccordé avec l'idée de les amener vers plus d'orthodoxie en matière de gestion.La micro-finance, avec ses produits que sont le crédit, l'épar~ne et l'assurance,s'adresse, elle aussi, a priori à des entreprises de taille modeste. A ce titre, elle peutcontribuer à la stabilisation de nombreuses unités informelles, notamment celles liéesaux grandes sociétés par des relations des sous-traitance. C'est l'historique même de lamicro-finance qui permet de comprendre hi grande attention que portent bailleurs defonds et décideurs à la vulnérabilité des petites entreprises. Née dans un contexted'ajustement, la micro-finance étah, d'une part, censée participer activement à latransition vers le libéralisme économique en promouvant le petit entrepreneuriat et enintroduisant des 'raisonnements marchands jusque dans des zones reculées des pays,D'autre part, elle devait amortir les effets néfastes des politiques d'austérité et devenirun instrument privilégié de la lutte contre la pa~vreté. Dans un premier temps, lesproduits financiers proposés se sont focalisés sur la croissance et ont privilégiél'épargne et le crédit. L'expérience a cependant montré que la vulnérabilité face auxaléas multiples représente un handicap majeur pour la transition souhaitée, d'où lanécessité de proposer des produits ·adéquats, davantage centrés sur les besoins de laclientèle et le souci de réduire sa vulnérabilité (Churchill, 2002).

3.2 Micro-assurance et économie de marché

En quoi, la micro-assurance favorise-t-elle la transition souhaitée? Tout· comme lesautres produits de la micro-finance, elle permet aux individus tout· d'abord des'autonomiser par rapport aux relations' clientélistes et aux liens de dépendancetraditionnellement indispensables à leur survie matérielle et à leur protection en cas de

. sinistre. Alors que ces relations se caractérisent par une étroite. imbrication entrel'économique et le social, la micro-assurance, elle, crée des liens d'une naturedifférente, fonctionnels et déterminés largement par des motifs économiques.L'autonomisation du sujet a aussi des répercussions à un niveau màçro-socialdans lamesure où l'imbrication entre considérations économiques et sociales cèdera la place àla distanciation progressive du domaine économique par rapport à l'environnementsocial.

Parallèlement, la séparation entre sphère publique et professionnelle d'une part, etsphère privée et domestique d'autre part, est favorisée, et la dissociation entre trésoreriede l'entreprise et budget familial encouragée.

. En effet, si un chef d'unité de production cotise à une assurance maladie volontaire,c'est tout d'abord en tant qu'opérateur économique qu'il agit, et sa cotisation doit, apriori, être incorporée dans les frais de fonctionnement de l'entreprise. Au lieu d'êtretransférés sur la famille, les risques (de santé du moins) sont mutualisés et couverts par

25 Cependant, on ne saura nier la dimension politique de cette mesure : satisfaire, ne serait-ce que sur lepapier, cette partie de la population à laquelle l'actuel président du Sénégal doit sa victoire en 2000.

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•l'assurance. Or, cela n'empêche pas pour autant la mobilisation des rèlationspersonnelles pour des difficultés passagères relevant de la sphère privée.

Des attitudes innovantes sont aussi susceptibles d'~merger en ce qui concerne le rapportau temps des acteurs. En effet, alors que la micro-assurance contribue à égaliser lesfluctuations des revenus dans le temps, la mutualisation des risques pennet aux assurésd'adapter leur approcœ des temporalités à la société dite moderne. Au lieud'appréhender le temps en fonction des cycles qui ponctuent l'année - saisonsagricoles, tètes religieuses, moments cruciaux de fannée scolaire _., les assurés sontsusceptibles de développer une perception plus abstraIte du temps et. sontprogressivement amenés à maîtriser celui-ci. Des considérations court-tennistespeuvent, à ce titre, régresser au profit de projets s'inscrivant davantage dans le moyen,voire le long terme.

Par ailleurs, en introduisant de plus en plus des raisonnements économiques dans lagestion des unités de productio~ la micro-assurance contribue non seulement à laséparation entre les champs que sont le juridique, le politique, l'économique et lereligieux, elle favorise aussi la division du travail et les spéCialisations professionnelles.Côté entrep\eneur, au lieu de diversifier les facteurs de vulnérabilité entre plusieursactivités économiques, une meilleure appréhension du risque peut l'amener nonseulement à se projeter davantage dans l'avenir, mais aussi à focaliser petit à petit sesefforts sur une gamme limitée d'activités - voir une seule! -, réalisant ainsi deséconomies d'échelle et déclenchant un processus d'accumulation Côté institutions de lamicro-assurance - qui pour le moment sont encore largement couplées avec la micro­finance -, la spécialisation est susceptible de donner lieu à une plus grande division dutravail et, partant, à une plus grande cohésion du tissu économique. .

Enfin, on sait que les décisions concernant la micro-flssurance doivent être prises encommun, par le groupe des adhérents dont la composition traduit, comme nous l'avonssignalé, des liens essentiellement fonctionnels. De nouvelles prises de parole peuvent dece fait avoir lieu et des prises de responsabilité se manifester. Ce sont autant d'indicesparmi d'autres de l'émergence d'une société civile. Et on sait à quel point celle-ci estindispensables pour que les populatiors du Sud puissent progresser vers plus de bien-être. .

3.3 La micro-assurance et ses limites

Depuis quelques années, la micro-assurance fait naître de grànds espoirs auprès desbailleurs, des décideurs, des opérateurs de terrain et des populations susceptibles œbénéficier d'une protection de type assuranciel Or, pour le moment, les expériences enla matière sont trop jeunes pour autoriser un bilan,' du moins en ce qui concernel'Afrique de l'Ouest. Néanmoins, cornrrie pour d'autres innovations supposéesaméliorer les conditions de vie dans les pays pauvres, la prudence s'impose, car lamicro-asSurance ne saura résoudre des problèmes souvent fort complexes et quirenvoient autant à des détenninants économiques que sociaux et surtout politique(Brown & Cord., 2000 ; Brown et al., 2000).

Nous avons vu que les sociétés subsahariennes disposent de toute une paiiopliedepratiques susceptibles de .les protéger contre les aléas auxquels sont exposés lesindividus en tant que personnes privées et acteurs économiques.Ces pratiques peuvent revêtir des fonnes qui ne sont pas systématiquement repérablesconune des pratiques assurancielles, mais leur efficacité peut être tout aussi grande que

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::celle d'une assurance classique. En effet, l'éparg!,1e peut jouer un rôle central dans laprévention des risques et incertitudes. L'amélioration de l'offre de produits d'épargnepeut par conséquent s'avérer tout aussi souhaitable que le développement des produitsd'assurance.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que seuls certains types daléas se prêtent à lamutualisation telle qu'elle est proposée par la mÎcro-assurance. Cette restrictionexplique que devront être exclus de la couverture micro-assurancielle des domainessusceptibles d'être concernés par le phénomène de co-variance, comme l'assurancebétail contractée par la population d'un périmètre bien déterminé. Il pourrait s'avérerimpossible d'honorer un contrat d'assurance bétail au cas où la totalité des troupeauxserait affectée par une maladie épizootique, car les effets de co-variance risqueraienttrès rapidement rendre insolvable l'institution d~ micro-assurance. Dans ce cas, lasolidarité avec d'autres zones ne pourra donc jouer, contrairement à ce qui se passe avecle système de la protection par compensation

Panni tous les types d.'assurance en fonction des sinistres couverts, c'est l'assurancedécès qui paraît la plus facile à manipuler. Cela étant, .connaît-on suffisainment lesréactioŒ des populations musulmanes lorsque la mort d'un proche est évoquée? Est-ilconcevable dans ces sociétés d'affecter à la mort une quelconque probabilité, siimplicite soit~elle? Il n'est guère certain que l'on ait suffisamment élucidé cettequestion.

Un point qui mériterait également d'être approfondi est celui de l'opérateur char~ descontrats de la micro-assurance. Certes, les institutions de la micro-finance semblentbénéficier de suffisamment de confiance de la part des assurés potentiels et leurs agentsont généralement une .excellente connaissance de la clientèle pour qu'on leur confie lagestion d'une assurance. Or, la confusion entre gestion de l'épargne, distribution deprêts et assurance peut s'avérer fallacieuse. En effet, les gestionnaires ne pratiquent pasnécessairement lec1oi~onnement entre dépôts d'épargne et primes dassurance, alorsque ce cloisonnement est indispensable à la' bonne marche de la micro-assurance. Toutcomme l'intermédiation financière proprement dite, la sensibilisation des gestionnaireset une bonne formation s'avèrent donc indispensables. .

. ·Enfin, la micro-assurance en tant que telle risquerait de n'avoir 'Lue peu derépercussions sur le fonctionnement des unités de production et sur la bonnà marche del'économie sans une évolution conséquente de l'environnement économique et social

. dans son ensemble. D'une part, des progrès doivent être faits dans des domaines

. spécifiques, comme celui de la ~anté notamment. Car tant qu'il n'y aura pas de mesuresefficaces en. matière de prévention des maladies et tant que .les services sanitairesn'arriveront pas à mieux répondre aux besoins de la population, l'existence de la micro­assurance n!aura point d'éffet sur l'état de santé de la population D'autre part, pourpromouvoir le développement,· il faut davantage que des techniques, si sophistiquéessoient-elles. Il faut un environnement propice à la création d'entreprises et auxinvestissements productifs et surtout une grande volonté politique pour mener à bien desprojets ambitieux.

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Annexe 1

Tableau: Le monde du travail au Sénégal, passé et présent

année source type de collectede données

Taux d'activité, Sénégal 56% 1994/95 Sénégal, 1997à enquête ménages (ESAM)id. 47% 1988 Sénégal, J993 recensementid. 39% 1976 Sénégal, 1976 id.

Taull de féJl1inisation 43 % 1999 World Bank, 2000 statistiques nationalesde hi main-d'œuvre, Sénégal

id, 6% 1976 Sénégal,I976 recensement

Taull d'activité, femmes, Sénégal 22 % 1988 Sénégal, 1993 recensementid. \ 4,6 % 1976 Sénégal,I976 id.

i

Taux d'activité, femmes, Dakar 39% 1991 Sénégal,I991 enquête emploiid. 20% 1988 Sénégal, 1993 recensementid. 13 % 1976 Sénégal, 1976 id.

TaUll de chômage, Sénégal 7,5 % 1994/95 Sénégal, 1997a enquête ménages (ESAM) " ..id. 8,9 % 1988 Sénégal, 1993 recensementid. 4,5 % 1976 Sénégal, 1976 id. "

Taull de chômage, Dakar 16,4% 1994/95 Sénégal, 1997a enquêleménages (ESAM)id. 24,4 % 1991 Sénégal, 1991 enquête emploi ,.'~

id. 23% 1988 Sénégal, 1993 recensementid. 12% 1976 Sénégal, 1976 id.

Salariés 13\ 000 1997 PNVD,2oo1 données Direction de la Stal.id, 137 000 1995 ibid, id,id. 145000 1988 Sénégal, 1993 recensementid. 121000 1979 FaU, 1997 divers --id. 105000 1961 ibid. id.

Salariés, fonction publique 67000 1995 Sénégal, 1995 . audit fonction publiqueid. 73000 1990 FaU, 1997 diversid. 68000 1983 id. ~ibid.id 54000 1979 ib!d. id.id. 22000 196i ibid. id.

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Annexe 2

Cycle de vie et dépenses : baptêmes, scolarité et mariages

Alors que les risques relevant de l'environnement économique et politique peuventdifficilement faire l'objet d'anticipations, il en estautrement des risques liés à la vie.Dans une grande mesure, on peut les prévoir, contrôler les dépenses y afférentes.Quelques exemples à titre d'illustration.Pour ce qui est tout d'abord des baptêmes, ils donnent lieu à des cérémonies coûteuseset lourdes de conséquences symboliques. Il s'agit d'accueillir - et surtout de nourrircopieusement, voire d'héberger - parents et amis, d'où une assistance atteignantfréquemment une centaine de personnes. À ces dépenses s'ajoutent des cadeauxprésentés surtout aux femmes appartenant à la famille de la mère, ainsi que les«gestes» à faire envers les griots. Organiser les baptêmes et y participer relève desobligations sociales et s'y soustraire signifierait de rompre des liens tissés entre familleset générations successives. En effet, les baptêmes représentent des événements sociauxcentraux pour l'inscription des femmes dans des réseaux de solidarité et dans la sociétéd'une manière générale (Mottin-Sylla, 1993).Les mariages représentent, eux aussi, des cérémonies lourdes pour le budget desfamilles concernées, cérémonies qui sont précédées par le· versement d'une dot à lafamille de la mariée. Dans les couches moyennes, la dot peut facilement atteindre500000 F.CFA (762 €). La cérémonie elle-même peut réunir plus d'une centaine depersonnes. Dans les milieux très aisés, les mariages sont une occasion par excellencepour exposer les richesses, qu'elles prennent la forme d'un foyer somptueux, desvéhicules rutilants, d'une garde-robe précieuse, de la joaillerie en or massif. Il arrive quela dot - comprenant une voiture neuve et des coffrets de bijoux -soit apportée partout un cortège de véhicules et que pour le Càrburant permettant à ces véhicules deretourner, la famille du' marié propose une somme de plusieurs centaines de F.CFA26

Chaque cadeau fait aux griots, ne saura être inférieur à 50 000 F.CFA (76 €).D'autres dépenses tout aussi importantes sont engendrées par le pèlerinage à La Mecqueque tout musulman croyant est censé effectuer au moins une fois dans sa vie. Le voyageen tant que tel est très souvent suivi d'une cérémonie organisée, au retour, au domiciledu pèlerin. Les dépenses ainsi engagées, peuvent aller jusqu'à doubler les fraisengendrés pàr le pèlerinage' en tant que tel (soit une dépense totale de 3 millions defrancs CFA,' environ 4600 €). Dans certains milieux, la pression sociale P<\Uf organiserces cérémonies d'accueil du pèlerin est telle que, à défaut de disposer des moyensnécessaires, il arrive que les candidats au pèlerinage préfèrent renoncer au voyage.En ce qui concerne les dépenses somptuaires, la presse se fait régulièrement l'écho de lalu* anti-gaspillage et évoque la loi 67-04 de mars 1967 réglementant les cérémoniesfamiliales. Mais dans certains milieux du moins, ceux qui servent de modèles deréussite aux couches moins fortunées, les pratiques subsistent et sont une occasion pouraffirmer le statut social non seulement des familles impliquées, mais aussi de leursinvités. Par contre, les milieux qui s~estiment exposés au risque de déclassement social,mettent au point des stratégies permettant d'éviter des dépenses trop importantes. À titred'exemplé, une jeune mère peut prolonger son séjour en clinique au-delà de la journéetraditionnellement prévue pour le baptême. À ce moment, on invite un cercle réduit deparents et amis proches à la clinique même et on leur offre amuse-gueule et autres'

26 Le presse à sensation e"pose ces « [Les] frasques de deux familles de 'gros os' : mariage princier pourla nièce de Bassirou Diagne Marième Diop», Le Témoin, nO 218,25-31.10.1994. Il s'agissait, enl'occurrence du mariage entre le chef de l'agénce de Thiès de la Caisse de péréquation et de stabilisationdes prix, un parent direct de l'ancien président de la République, et la nièce d'un grand dignitairereligieux de Dakar. La cérémonie eut lieu dans la Grand Mosquée de Dakar.

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•boissons, alors qu'au domicile mêPle, un repas plutôt modeste est servi aux proches etaînés de la famille.Enfin, la scolarité des enfants engendre des dépenses récurrentes qui peuvent êtreparticulièrement lourdes et cela d'autant plus que, du fait de la privatisation del'éducation, des fonnations - y compris pré':'scolaires -.- prestigieuses et de plus enplus coûteuses sont proposées. Dans les milieux moyennement aisés de la capitalesénégalaise (cadre de banque avec les ·deux conjoints actifs, par exemple), il n'est pasrare que les parents déboursent mensuellement la somme de 30·000 F.CFA (soit 46 €)par enfant scolarisé dans le primaire. Cette somme comprend la scolarisationproprement dite, la contribution pour les fêtes de l'école, le taXi assurant le transport del'enfant, le répétiteur et, le cas échéant, les cours d'informatique, de natation ou d'artsmartiaux. Dans le supérieur privé, alors qu'il faut compter des frais de scolarité annuelspouvant atteindre près d'un millionF.CFA (soit plus de 1500€) par an, le coût annueld'·une formation en matière de.gestion est d'environ 350000 F.CFA (environ 530 €). Lafonnation universitaire dans le public est, avec des frais d'inscription de 5000 F.CFA

. (8 €), infiniment moins coûteuse. . . .

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GROUPE CAlSSE DES DÉPÔTS

COC ME

UNI~NAgence

universitaire

de la

....1.1I Francophonie

ACTES

8èmes Journées Scie tifiques du réseauEntrepreneuriat de l'Agence Universitaire

de la Francop onie

« ENTREPRENEURIAT ET INNOVATION»Du 21 au 24 mai 2003

CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONSINSTITUT COC POUR LA RECHERCHE