La Strategie du désert

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le changement climatique et la question saharienne

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  • LE SAHARADES CULTURES ET DES PEUPLES

    Vers une stratgie pour un dveloppement durable du tourisme au Saharadans une perspective de lutte contre la pauvret

    Organisation des Nations Uniespour l'ducation, la science et la culture

    United Nations Educational,Scientific and Cultural Organization

    Paris, Juillet 2003

  • 02

  • Avertissement

    Le document Vers une stratgie pour un dveloppementdurable du tourisme au Sahara dans une perspective dlimi-nation de la pauvret a t ralis la demande delUNESCO par M.Rachid Sidi Boumedine avec lassistance deMlle Laure Veirier partir de sept tudes thmatiques et a tmodifi suite latelier international organis Ghardaa (19-21 avril 2003,Algrie).

    Il fait suite ltude prliminaire ralise par M. EzzedineHosni Stratgie pour un dveloppement durable du tou-risme au Sahara, (1999) et tient compte de ltude de MmeG.Aumassip sur le patrimoine archologique ralise dans cecadres.

    Lauteur est responsable du choix et de la prsentation desfaits figurants dans cet ouvrage ainsi que des opinions qui ysont exprimes, lesquelles ne sont pas ncessairement cellesde lUNESCO et nengagent pas lOrganisation.

    Pour tout renseignement, contacter M. Herv BarrResponsable du projetDivision des politiques culturelles et du dialogue interculturelUNESCO1.rue Miollis - 75732 Paris Cedex 15 FranceEmail : [email protected] & [email protected]

    Etudes thmatiques : M. Giuma Annag : Le patrimoine culturel tangible et intangible face au tourisme : comment mieuxlidentifier, le prserver et le faire connatre ? Mme Hala Barakat : Le patrimoine naturel face au tourisme : comment mieux lidentifier, le prserveret le faire connatre ? Mme Sabrina Benmecheri : Perspectives de dveloppement touristique, incidences sur les crationsdemplois et les besoins de formation et dinfrastructures dans les pays ayant le Sahara en commun. M. Christophe Leservoisier : Le rle des professionnels du tourisme et des voyageurs dans ledveloppement durable du tourisme au Sahara ; quels types de voyages promouvoir et quellescooprations professionnelles avec les populations ? M. Rachid Sidi Boumedine : les populations sahariennes : quelles mesures pour faire du tourisme unoutil de lutte contre la pauvret ? M.Ahmed Smaoui : Les politiques de tourisme saharien : principes directeurs pour une stratgie dedveloppement durable et propositions de mesures de coopration. Mme Ouidad Tebbaa : Le milieu humain et le dveloppement touristique : comment mieux faireparticiper les populations locales ?

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  • Sommaire

    INTRODUCTION 06

    I. ETAT DES LIEUX :LE SAHARA, UN TERRITOIRE COMPLEXE ET DIVERSIFIE 09

    1. Le patrimoine naturel: une immensit prserver 101.1. Les grandes caractristiques climatiques et physiques du Sahara 101.2. Une remarquable biodiversit 111.3. Les mesures de protection 13

    2. Les peuples du Sahara : pluralit des organisations sociales 142.1.Aridit et modes de peuplement 142.2. Le systme tributaire 15

    3. Le patrimoine culturel : diversit et fragilit 163.1. Une immense rserve archologique 163.2. Loasis : le gnie humain en action 173.3. Un patrimoine culturel immatriel unique 19

    4. La pauvret : une ralit aux multiples facettes 214.1. La pauvret au-del des chiffres : une question de droit et de dignit 214.2. Une pauvret volutive dans un cadre de vie en dgradation 224.3. Statut social et vulnrabilit : vers une fminisation de la pauvret 244.4. Reconversion et participation : pour faire du tourisme un levier de la lutte contre la pauvret 26

    5. Le tourisme saharien : un champ dintrt commun 275.1. Politiques et outils du dveloppement touristique : tat des lieux 275.2. Les tendances du tourisme lhorizon 2010 295.3. Lorganisation du voyage : pour qui, par qui et comment ? 305.4. De laccessibilit au danger de massification 325.5. La qualit des destinations touristiques : une condition du dveloppement long terme 335.6. La coopration touristique entre les pays sahariens : des solidarits transfrontalires 34

    04

  • II. POUR UNE STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DURABLEDU TOURISME AU SAHARA: RECOMMANDATIONS 39

    1. La coopration : plus quune ncessit, une exigence 401.1. Une question defficacit commune 401.2. Les Principes directeurs de la coopration 42

    2. Pour un tourisme saharien durable: quelles actions, selon quelle thique 442.1. les Etats et les Institutions : sensibiliser et soutenir les acteurs du tourisme 452.2. les Tours Oprateurs : vers une amlioration de la qualit de loffre 472.3. les rceptifs : formation et structuration 492.4. les voyageurs : acteurs de la qualit 502.5. les populations htes : lauthenticit de laccueil 50

    3. Le patrimoine naturel et culturel saharien : quelles mesures de protection et valorisation ? 513.1. mesures gnrales 513.2. le patrimoine naturel : de la protection au renouvellement des ressources 523.3. protger et valoriser le patrimoine archologique 553.4. protger et amliorer les sites habits 563.5. prserver et promouvoir le patrimoine immatriel 57

    4. Lutte contre la pauvret :renforcer les activits innovantes gnratrices de reconnaissance sociale et de revenus 594.1. dvelopper et valoriser les productions naturelles et culturelles 594.2. participation, formation, travail en rseau : les clefs de la russite 61

    CONCLUSION 64

    DCLARATION DE GHARDAA 65

    PLAN DACTION 66

    BIBLIOGRAPHIE 68

    ANNEXES 72

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  • INTRODUCTION

    Le tourisme durable, cest daborddes peuples

    Suite lappel du Secrtaire gnral des Nations Uniesinvitant, dans la Dclaration du Millnaire, toutes lesAgences contribuer de faon prioritaire la luttecontre la pauvret et lextrme pauvret, lUNESCO asouhait apporter sa contribution spcifique llabo-ration dune stratgie approprie long terme pouratteindre cet objectif. Dans ce cadre, la Confrencegnrale, sa 31e session, en novembre 2001, a invit leDirecteur gnral mettre en uvre un Plan daction,compos de plusieurs projets relatifs au thme trans-versal de llimination de la pauvret,en particulier lex-trme pauvret, dont celui-ci .

    Pour lUNESCO, la pauvret constitue une atteinte auxdroits fondamentaux de ltre humain, et elle doit treau cur des proccupations de toutes les socits, dela communaut internationale et de ses institutions.Dans leur conception, les stratgies de dveloppementmises en uvre jusqu prsent nont pas accord uneplace assez grande la culture et plus gnralement auxfacteurs humains,ni port une attention suffisante descritres tels que les carences en capacits humaines,labsence de capital social ou la vulnrabilit et lesatteintes la dignit.

    Conformment aux concepts dvelopps parlOrganisation, nous dfinirons le terme de pauvretdans sa plus large acception, qui signifie exclusion co-nomique, sociale, culturelle et privation de laccs auxsoins, lducation, au logement, leau, cest--dire cequi donne ltre humain la dignit ncessaire pour deve-nir acteur dun processus qui le sortira de la pauvret.

    Le projet propos souhaite contribuer, tant par les ana-lyses que par les propositions dactions quil contient, enrichir la stratgie de lUNESCO dfinie dans le docu-ment de Stratgie moyen terme de lOrganisation (C/4),en se concentrant sur :1. Lintgration de la lutte contre la pauvret la stratgiede dveloppement touristique du Sahara, cest--dire auxactivits de sauvegarde et de valorisation du patrimoineculturel et naturel.2. Le renforcement dune coordination efficace des dixEtats membres concerns dans la formulation desstratgies nationales de lutte contre la pauvret et la miseen place des dispositifs de dveloppement durable dutourisme lis llimination de la pauvret. Cettecoordination pourra galement concerner les dispositifsvisant la mobilisation du capital social par ledveloppement des capacits et des institutions,notamment publiques, en vue de permettre aux pauvresdexercer leurs droits.3. La contribution la mise en place dun cadre et dunenvironnement propre favoriser lautonomisation, lesapproches participatives et la cration de moyens desubsistance par la formation professionnelle notamment etla cration de micro-entreprises dans les domaines de laculture, de lenvironnement et du tourisme.

    Nous pouvons considrer que lun des enjeux du dve-loppement touristique au Sud et au Sahara en parti-culier, serait de maintenir un certain niveau de prix deloffre de produits touristiques pour que le tourismeinternational puisse fonctionner comme un moteur dela croissance et ainsi de la lutte contre la pauvret.Cette hypothse sappuie notamment sur le rapport2002 sur les PMA de la CNUCED(1).

    La ressource touristique saharienne, cest--dire lepatrimoine culturel et naturel du Sahara, possde ladouble caractristique de ntre pas dlocalisable et defaire actuellement lobjet dune forte demande dans lecadre de la croissance lchelle mondiale dun tou-risme qualitatif et de dcouverte culturelle. Elle peut,dans ce contexte, tre suffisamment valorise et favori-ser le dveloppement des pays concerns.

    (1) Confrence des Nations Unies sur le Commerce et le Dveloppement06

  • Cette approche est conforte par les tendances obser-ves de lvolution du tourisme qui prsentent desconditions favorables une recherche de dveloppe-ment pour llimination de la pauvret. En effet, commele relve G. Cazes(1) : Au niveau mondial global, cestlirrsistible monte des destinations du Sud en dve-loppement qui doit tre vigoureusement souligne :une analyse minutieuse, pays par pays, montre ainsi queles pays relevant de lensemble Tiers Monde reoi-vent actuellement prs du tiers (31,5% en 1995) desarrives mondiales, pour seulement le sixime (17%)pendant la dcennie 1970 et le douzime (8%) en1960. Le mme auteur remarque par ailleurs que(2)pour les seuls pays du Sud, les recettes obtenues grceaux arrives touristiques reprsentent prs de troisfois plus que le montant de laide publique au dvelop-pement.

    Sil est bien gr, le tourisme peut avoir des retombesconomiques positives pour les populations, traversles emplois directs cres dans les services touristiques,mais galement travers les emplois indirects quilgnre en valorisant et dveloppant les productionsnaturelles et culturelles, si varies au Sahara.

    La demande de dpaysement, despace, de silence, devoyage qui ait du sens,connat un engouement croissantde la part des populations de plus en plus urbanises etvivant dans des univers bruyants. Les pays qui ont leSahara en commun ont pris conscience du formidablegisement de ressources que reprsente le tourismesaharien : richesse du patrimoine culturel et naturel,proximit de lEurope, premier march touristiquemondial. Considrant les prvisions de croissance dutourisme dans la sous-rgion, il sagit danticiper les fluxde touristes,en particulier dans les sites fragiles,de pr-venir les effets socio-culturels et environnementauxngatifs et daider les Etats qui ont le Sahara en com-mun faire du tourisme un levier du dveloppement,unoutil de la lutte contre la pauvret.

    En outre, le tourisme saharien nest pas nimporte queltourisme. Au Sahara, cest le contexte qui est primor-dial ; la consommation du touriste est essentiellementsymbolique puisque la premire jouissance est celle duregard sur les gens et les choses, le silence et limmen-sit. En effet, le tourisme saharien donne voir desvoyageurs des modes de dpaysement, des exotismes,attachs soit la qualit originelle des lieux (les dunes,les immensits, le silence) soit aux productionshumaines vivantes (des habitats,des cultures,des arts etdes artisanats, des manires dtre et de vivre) ou ltat de vestiges (gravures, peintures, ruines, etc.).

    Cela signifie que le tourisme est directement intresspar la prservation sinon la rhabilitation du contexteoriginal, quil soit naturel ou culturel. Cest sans doutelun des aspects les plus intressants de ce tourisme : ilpeut servir de levier pour augmenter la production debiens -matriels et symboliques- sans quils soient pourautant tourns exclusivement vers les touristes.Aussi,ce tourisme ne peut tre conu comme une mono-acti-vit (soumise aux alas des fluctuations montaires, descrises ou vnements imprvisibles nationaux et inter-nationaux) mais doit tre envisag dans le cadre duneapproche plus globale du dveloppement dont la dura-bilit tient au maintien et au renforcement des diversi-ts naturelles et culturelles. La qualit des prestations,la valorisation des ressources culturelles et naturelleslocales et la sensibilisation de tous les acteurs concer-ns limportante de la prservation du patrimoinematriel et immatriel seront autant daxes importants mettre en place.

    Aussi le dveloppement dun tourisme saharien sou-lve-t-il plusieurs interrogations auxquelles nous allonsessayer dapporter des lments de rponse : Comment dvelopper le tourisme dans les payssahariens tout en contribuant la sauvegarde du milieu et la protection du patrimoine culturel ? Comment concilier le dveloppement socio-conomiquegnr par le tourisme et la gestion des ressourcesnaturelles et humaines dans la perspective dune gestiondurable des cosystmes ? Comment sassurer de la distribution optimale desbnfices du tourisme et quelles mesures prendre pourgarantir sa contribution la lutte contre la pauvret quimenace une partie de la population du Sahara ?

    Les recommandations proposes contribuant rpondre ces questions ncessiteront des concerta-tions nationales afin dadapter les mesures aux spcifi-cits locales et seront mises en uvre par une coop-ration entre les partenaires publics et privs dans unesprit de dveloppement durable, inspir par les prin-cipes et conclusions du Sommet mondial sur lco-tou-risme de Qubec, Canada (19-22 mai 2002), duSommet Rio+10 sur le dveloppement durable deJohannesburg (26 aot - 4 septembre 2002) et du codemondial dthique du tourisme de lOMT.

    07(1) dans sa contribution louvrage collectif Tourisme, thique et dveloppement Editions lHarmattan, 2001, p98(2) id. p107

  • 08

  • Premire partie

    ETAT DES LIEUX:Le Sahara, un territoire complexe et diversifi

    09

  • 1. Le Patrimoine naturel :

    une immensit prserver

    Est-il possible travers des descriptions scientifiquesdu Sahara, aussi objectives et exhaustives soient-elles,de rendre compte de la beaut de ses paysages, ducaractre grandiose et magnifique de ses tendues sansfin, de ses silences profonds ? Aucune description de lagologie des Tassili, de lAkakus ou duTibesti ne sauraitrendre compte de limplacable sauvagerie des forcesqui ont model ses roches, les palettes de couleurs, leurcombinaison changeante selon la lumire.Y a t-il un vertplus intense, plus lumineux que celui de loasis quiaccueille le voyageur harass et poussireux ?

    Il ne suffit pas de dire que, loppos des ides reues,le Sahara est complexe et diversifi pour en tre quitte.Peut-on imaginer en effet un territoire de huit millionsde kilomtres carrs sans que sy manifestent des varia-tions, parfois importantes au plan de la morphologie,des paysages, de la faune et de la flore ?

    On oublie en effet que du simple point de vue altim-trique, la Sahara connat aussi bien des dpressionsdont le niveau est infrieur celui de la mer, que desmassifs qui dpassent les trois mille mtres. De lamme manire, le Sahara est une sous-rgion qui va dela Mer rouge lEst, jusqu lAtlantique dans la partie laplus louest de lAfrique.

    1.1. Les grandes caractristiques climatiques et physiques du Sahara

    La prsentation sommaire du Sahara et surtout deslignes gnrales de son hydrologie claire le mode depeuplement, son histoire et ses formes dtablissementhumain (sdentaire, nomade).

    Divers critres ont t utiliss pour dfinir le dsert :la raret des pluies (isohyte de 100 200 mm), la flore(au nord, la limite du palmier-dattier, au sud lapparitiondu cram-cram), avant de retenir un certain nombredautres caractristiques : dsorganisation de lhydro-graphie, concentration de vgtaux permanents dansles chenaux de ruissellement, mobilit des sables, parailleurs en continuel dplacement.

    Or, si dune part, ce sont des mcanismes dchelle pla-ntaire qui perptuent cette aridit, cette dernire estsoit renforce, soit attnue par des facteurs locauxtels que : le niveau de lvaporation, la permabilit dessols (sables, grs, roches) et aussi le relief, selon quilexiste ou non des dpressions qui favorisent laccumu-lation, lcoulement ou linfiltration. Cette ariditdevient en effet extrme (hyper aridit) l o labsencedun relief marqu expose leau une vaporationextrmement rapide (parfois de toute leau de pluie) ou sa perte sans rsultat.

    Il subsiste pourtant des nappes souterraines emmagasi-nes dans les roches lors des priodes pluvialesanciennes (priodes dites humides) : les exemples lesplus connus sont ceux du continental intercalaire qui vade louest algrien (Touat) jusquen Libye (800.000Km2), le bassin de Mourzouk (700.000 km2) et au-deldu Haroudj (Libye), un bassin de 1,75 millions de km2(le plus petit rservoir est celui de Taoudeni avec250.000 km2).

    En dfinitive, il semble que la formation passe des val-les est susceptible de permettre actuellement la cap-ture des eaux de pluies et dobtenir des crues (sourcesdaccumulation et de vgtation) l o il tombe moinsde 200 mm par an (Tassili, Mzab) alors que dans cer-taines zones de Mauritanie (Adrar,Tagout,Assaba), 100mm de pluie annuelle moyenne se perdent sans rsultat.

    Lhistoire gologique du continent doit aussi tre voquepour comprendre certains phnomnes, et en particulierla persistance remarquable dune faune et dune florequon ne penserait pas assimiler celle dun dsert.

    10

  • Le Sahara repose son Est et son Ouest sur lesrestes du bouclier africain, les cratons qui apparte-naient au continent originel (le Gondwana) ; sa partiecentrale est une accumulation de sdiments qui se sontdposs au cours des successions lchelle des resgologiques de priodes sches et humides, ce quiexplique pour une bonne part les phnomnes actuels,lis sa dernire priode de dsertification.

    En fait, et pour rsumer de manire trs schmatique,les grands cours deau du Sahara ne doivent leur vie et leur survie - quau fait quils puisent lessentiel deleur eau partir des zones quatoriales.

    Seuls les apports gigantesques de ces eaux permettent auNil de forcer le passage et de ne pas disparatre dans ledelta intrieur du Bahr El Ghazal, alors que les fleuvesSngal et Niger, victimes comme le Nil de pentes trsfaibles qui limitent leur vitesse dcoulement, ne russis-sent franchir que trs difficilement leurs deltas intrieurspour arriver la mer, ce qui nest pas le cas du Chari.

    La duret des cratons a limit considrablement lespossibilits de ravinement, crant des zones sans reliefsensible, sans dpressions permettant daccumuler oudcouler leau ;elles correspondent aux parties les plusarides du Sahara (Egypte, Libye, Mauritanie).

    Au contraire, et dans la partie centrale, les crues pro-venant des chutes de pluie sur les massifs (Atlas,Hoggar,Tassili,Tibesti) qui ont cr des valles perma-nentes plus ou moins tendues, parfois au sein mmedes roches impermables, permettent la formation denappes et de gueltas (lacs) permanentes.

    1.2. Une remarquable biodiversit

    Le jeu complexe de la pluviomtrie, son rgime, sonamplitude, la nature des roches divers degrs dro-sion, introduit des rgularits pour de grandes zones,mais aussi une grande variabilit dans les conditions cli-matiques concrtes locales avec ses effets sur la flore etla faune.

    On peut noter deux formes caractristiques princi-pales : une forme extensive qui correspond de trsgrandes tendues dune vgtation soumise aux alasde la pluviomtrie et des crues ventuelles, et desformes ponctuelles qui correspondent la prsencepermanente de leau en des lieux prsentant des condi-tions dtermines.

    Les formes extensives :Nous dsignons par l les trs grandes plaines ou pla-teaux (comme lAr ou le Tamesna au Niger) qui reoi-vent les pluies tropicales remontant du Golfe deGuine dune part, et qui sont irrigus par les crues enprovenance du Hoggar, et du Tassili, dautre part.

    Le propre de ces tendues est dtre le sige dune trsgrande varit despces (lgumineuses, gramines,Tamaricaces, etc.), dune trs grande richesse colo-gique couvrant les strates herbaces, arbustives et arbo-rescentes dont le fameux acacia ainsi que le Tamarix.

    Le phnomne davance et de retrait saisonnier despturages en fonction des pluies, les transports de pol-lens et de graines par les animaux ou par voie olienne,font de ces tendues un moyen de jonction entre lessavanes du Sahel et le Sahara central.

    Il sensuit que la faune elle-mme comprend des mam-mifres sauvages terrestres de trs nombreuses espces.On dnombre ainsi des petits animaux tels que le hris-son, le livre (du Soudan jusqu lAtlantique), la gerbille,la merione, le rat des sables, et bien entendu, le chacal,lhyne, le renard, le chat sauvage, sans compter lAddax,la gazelle Doreas et lne sauvage aux confins du Tibesti-Ennedi, Djarabas, ainsi quaux limites de lErythre.

    En ce qui concerne les reptiles, on connat le varan,lagama, la vipre craste, le cobra, le mamba, ainsi quediffrentes espces de batraciens. Des animaux aussiprestigieux que le gupard, illustration classique pour lasavane kenyane, sont prsents puisquon en dnombredes traces jusque dans le Hoggar.

    Le cas de lavifaune est plus complexe puisque lesoiseaux se classent en espces sdentaires et enoiseaux migrateurs qui sont, soit hivernants, soit esti-

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  • vants : la plupart de ces espces sont protges et figu-rent sur les listes de lIUCN. Certaines des espcessont menaces de disparition lexemple de loutardeou de lautruche dans le Nord du Sahara.

    Les menaces sur les biotopes et les biocnoses sac-centuent, en raison principalement des scheressesdurables : la rduction de la biomasse qui sensuit a deseffets sur la survie des espces herbivores de grandetaille qui ont besoin de ratios daliments plus impor-tants ; il y a une consquence indirecte sur les carni-vores.

    Pour ce qui est de la flore domestique, nous avons punoter combien linsalubrit par isolement des oasis ins-talles autour de points deau, de gueltas, de systmesde captage de leau sophistiqus, a t lorigine dvo-lutions caractre unique.

    Pour ce qui est de la faune, les menaces ne sont pas dumme type ni du mme ordre ; ltat de la faune domes-tique reflte essentiellement la dgradation des condi-tions de vie des hommes et les consquences de laconcurrence du monde moderne. La faune sauvage,quant elle, subit les consquences de la dgradationde la biomasse (scheresse), de la rduction des aires(biotopes et biocnoses), mais aussi de laction anthro-pique directe (chasse, braconnage) ou indirecte (des-truction du milieu, pollutions).

    Aussi, devant la rduction, si ce nest la disparition decertaines espces, les mesures semblent tre similaires: protger et recrer le milieu, faciliter la reproductiondes espces y compris par llevage.

    La menace anthropique nen est pas moins dangereuse,dans labsolu, mais aussi dans ses effets aggravants desmenaces naturelles : coupes de bois de chauffage (enplus des arbres communs,des spcimens rares,vieux decentaines dannes), surpturage autour de points deau(dont certains ont t creuss sans tude pralable etsans valuation de leur impact) et enfin, braconnagedestin la nourriture, mais aussi la vente.

    12

  • Les formes ponctuelles:Il sagit soit de points deau amnags par lhomme(oasis foggara) soit de sources ou daccumulationnaturelles (gueltas) dans des points bas, en gnral dansdes lignes de dpression.

    Le caractre remarquable de ces lieux est dtre lesige de micro-climats rsultant de la conjonction defacteurs multiples qui ont non seulement permis ledveloppement despces particulires (vgtales ouanimales) mais aussi la prservation depuis des tempstrs anciens despces (poissons,amphibiens) qui autre-ment auraient disparu.

    Cette particularit est accentue par le caractre insu-laire de ces points ; les espces vgtales, par exemple,spontanes ou cultives par lhomme, disposent main-tenant de caractres gntiques spcifiques sinonuniques tant en matire dadaptation au micro-contexte quen matire de qualit alimentaire.

    On peut en conclure quil ne suffit pas de distinguer lesoasis de la dpression Libyque de celles du Tchad, deMauritanie, du Tidikelt Algrien ou du Tassili par leurappartenance des environnements caractriss, diff-rents les uns des autres (des Saharas) ; il faut y ajouterce fait que chacune des oasis est en elle-mme rser-voir dun potentiel gntique particulier.

    Cest ainsi que les types de bls, de dattes, darbres frui-tiers (pches, figues) proviennent de souches trsanciennes et ont volu - sans influence - dans ces lieuxferms au point dtre caractristiques de ce seul lieu,ce qui leur donne parfois leur intrt - et leur rputa-tion - dans le commerce et les changes locaux.

    1.3. Les mesures de protection

    Les pays qui ont le Sahara en commun ont tous pris desmesures de sauvegarde de lenvironnement et du patri-moine naturel en particulier (zones humides, forts,biodiversit, lutte contre la dsertification, etc.). Cesmesures concernent : Des territoires entiers considrs comme de vri-tables rservoirs, lchelle du sous-continent, des-pces naturelles animales ou vgtales dun intrt par-ticulier. Les formules de protection sont de rangnational (les parcs naturels, rserve intgrale) et inter-national (patrimoine mondial, rserves de bio-sphre(1)). Il sagit aussi bien de territoires trs tendusque de territoires plus petits tels que les zones humides(marcages, lagunes, lacs, gueltas, estuaires) qui sontprotgs par la convention de RAMSAR. Des espces, en particulier animales, menaces par larduction de la biomasse (scheresse) ou de leur terri-toire, souvent en raison de loccupation humaine. Dansce cas, en plus des lgislations visant sauvegarder telleou telle espce, des zones de protection sont cres,avec divers degrs dexigence (rserves naturelles,rserve de chasse, rserve intgrale, etc.).

    Il est vident que les entits structures (parcs) deman-dent le plus de moyens humains, matriels et financiersaux Etats.Malgr ces handicaps, les Etats ont,pour la plu-part, sign et ratifi les conventions internationales(2) etmis en uvre des projets de rhabilitation et de sauve-garde avec laide dorganismes internationaux ou de cer-tains pays. Les associations nationales ou locales de pro-tection de lenvironnement occupent une place de plusen plus importante dans les dix pays sahariens.

    13(1) voir annexe 2(2) voir annexe 3

  • 2. Les peuples du SaharA:

    pluralit des

    organisations sociales

    2.1.Aridit et mode de peuplement

    Au Sahara, les formes de peuplements ont toujours ttroitement lies la disponibilit des ressources indis-pensables la vie humaine, leur niveau, leur prcarit,dans un contexte global daridit.La varit de leur adap-tation aux contextes physiques locaux illustre nette-ment, tout au long de la prhistoire et de lhistoire, lescapacits du gnie humain modeler cet environnementhostile et y laisser les marques de ses cultures. Lesorganisations sociales nes du dsert et dans le dsertsont,elles aussi,troitement lies au mode dexploitationde ses ressources (leau, la terre) et leur valorisation.

    Pourtant, les productions humaines et cet environne-ment sont aujourdhui doublement menacs, tant parlaction des hommes qui tentent de prlever des res-sources pour subvenir leurs besoins les plus immdiats,que par les alas du climat que matrialisent les grandespriodes de scheresse. L o la prsence de ressourcesen eau souterraine a permis de longue date lexistencedtablissements sdentaires, cest lexcs de prlve-ment de cette dernire qui constitue actuellement la plusgrande des menaces pour le dlicat cosystme oasien ;la vie semi-nomade est, pour sa part, menace par lararfaction des pluies et du couvert vgtal.

    Entre une demande croissante de ressources et lescapacits du milieu, il y a toute une palette de fragilesquilibres. Les dsquilibres engendrent des mouve-ments migratoires vers les villes, vers des rgions oudes pays voisins mieux pourvus, hors de lAfrique ouvers dautres continents. Une partie des migrations quien rsultent continuent demprunter les grandesroutes que les caravanes ont traces pendant dessicles. Ces caravanes nont pas seulement rendu pos-sible des changes de biens entre le Sahel et le Maghrebet mme lEurope ; elles ont aussi vhicul des valeursculturelles et religieuses et permis des alliances, desmtissages, dont les traces demeurent encore vivaces.

    L o elles existent, les ressources prennes ont rendupossibles sdentarit et agriculture, tandis que leszones dpendant surtout des apports saisonniers depluies forment les territoires de prdilection desnomades. Ces deux formes dominantes de peuplement

    entretiennent des rapports de solidarit objective, ouau moins, de complmentarit.

    Il est admis que le Sahara actuel a connu une priodehumide importante, comme lattestent les traces sous laforme de sdiments dorigine vgtale ou animale, maisaussi les vestiges de lactivit humaine durant lespriodes prhistorique et protohistorique, avant deconnatre un processus daridification progressive (alter-nant priodes humides et priodes sches de plus enplus marques) qui a donn naissance au dsert actuel.

    Au fur et mesure que la partie centrale du Sahara sedsertifiait - car la priode dite sche se poursuit denos jours - la vie sdentaire a laiss place aux formes devie semi-nomades et nomades. Or, les peuples qui ontassur pendant la priode historique la jonction entreles deux rives du Sahara ont jou le rle de guides etdaccompagnateurs pour les caravanes commerciales etont, en toute logique, suivi les voies balises par la dis-ponibilit de points deau : voie Ouest travers le Touatet la Saoura , au centre le Tassili (voies Est et Ouest).

    A ce mouvement Nord-Sud se sont ajouts deux mou-vements dEst en Ouest : il sagit, au Nord, des cara-vanes provenant dEgypte vers la Tripolitaine pourrejoindre les axes Nord-Sud et, au niveau central, deschanges entre les Oasis du Touat et du Tidikelt et largion du Hoggar-Tassili.

    Lasschement progressif a fait reculer les agriculteursvers les cuvettes lacustres du Sud du Sahara, alors quele Nord asseoit sa matrise de lagriculture oasienne :ces tablissements humains, rendus possibles par laprsence deau dans les dpressions, jalonnent le che-min des caravanes.

    La rpartition actuelle du peuplement reflte la foisloccupation du territoire et la division du travail entreagriculteurs ou leveurs et nomades : occupation duNord du Sahara par des peuples smites, du Sahel parles peuples soudanais et du Centre, comme traitdunion, par les peuples Hamites (Touaregs).

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  • 2.2. Le systme tributaire

    Les souches du peuplement africain ont largement trpertories (berbre, arabe, soudanais). Nanmoins,compte tenu des brassages considrables de popula-tions et des mtissages qui en ont rsult, nous noustrouvons face une ralit complexe dans laquellechaque communaut locale revendique son apparte-nance telle ou telle ethnie, parfois en dpit de lalangue et des coutumes.

    Ce mythe de lorigine suppose illustre clairement lapermanence et limportance de la notion dapparte-nance une filiation et, partant, celles des systmes dominante patriarcale en vigueur dans les socits afri-caines. Lappartenance ou non au groupe lignager diri-geant, ou laffiliation ce groupe, selon les modes delallgeance ou de la cooptation, dcident de la place delindividu dans sa communaut.

    Ainsi, les producteurs de subsistance versent une partde leur produit la chefferie, dont les membres reoi-vent de plein droit une part de cette rente (tribut), selonleur position dans ou autour de la ligne dominante ; enretour, les producteurs sont assurs de leur protection.

    Cette protection trouve aussi sa matrialit dans lestablissements sdentaires par lexistence du Ksar (lacasbah, le ribat, termes qui traduisent la notion de for-tification), ou dans le fait que les nobles dirigeantssont aussi des guerriers dans les socits nomades(touaregs, Chaanbi, Maure, etc) qui assurent parailleurs leur protection aux oasis (peuples dagricul-teurs) situes au sein de leur territoire.

    A loppos, les producteurs occupent les positions inf-rieures dans la hirarchie sociale : ils portent le nom deHarratine (du singulier Har-tani, cest dire hommelibre de second rang, esclave affranchi,etc.) ou de Iklan(singulier Akli) dirigs par les Chorfas, les Imajeghen (duKabyle hommes libres). Le lignage dirigeant contrlela ressource principale, leau, et ses corollaires, la terrecultivable, les pturages : les formes de la possession-domination sont, elles, variables.

    Cest la spcificit des productions du Sud sahlien (or,cuivre,peaux,btail) et du Nord (bl,dattes, sel, etc.) quiassure la base dun trafic rgulier des caravanes durantplusieurs sicles (jusquau dbut du 20e sicle) et per-met, travers la stabilit des rseaux commerciaux, lex-pansion de lIslam dans le Sahel, les alliances intereth-niques (y compris par le mariage), et la naissance duneculture saharienne, commune et diverse.

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  • 3. Le Patrimoine Culturel :

    diversit et fragilit

    Il peut sembler paradoxal de compter dvelopper untourisme bas sur la seule tranget des lieux sinon lecalme et la tranquillit quoffrirait leur vacuit,dans le butde rduire la pauvret de populations rsumes par lesratios ntre que dimprobables 0,5 habitants au km2.

    Contrastant avec les ides reues, le Sahara fourmillelittralement de gisements archologiques sans comp-ter le nombre dtablissements humains remarquablestant par le fait que leur existence mme semble releverdu miracle, que par celui de la varit des formes et descouleurs des habitats et des architectures.

    Que dire alors des produits de lartisanat, des chants,des danses, des crmonies religieuses ou profanes. LeSahara dispose, de fait, dun patrimoine culturel diversi-fi, riche et unique.

    Plus prosaquement, les scientifiques classifient lesobjets et les lieux, dsigns comme sites daccumula-tions significatives, selon quils relveraient de larcho-logie, de lhistoire, de la culture.

    Les produits de lart et de lartisanat ont eux-mmes uncaractre matriel, utilitaire, dcoratif, symbolique avectoutes les difficults sparer les sens ou les portesdes usages, des rituels, de leur utilisation. Les chants etles danses, outre leur caractre esthtique, renforcentaussi le groupe social ou communautaire dans son affir-mation de soi, son identit et sa cohsion.

    Aussi, sommes-nous plutt en prsence de communau-ts qui ont eu par le pass - larchologie en tmoigne -et ont encore la fois un art et une manire de vivre ;la gestuelle, le lieu, lobjet utilitaire, le moment, renvoientlun lautre en permanence pour nous donner voirdes peuples dans toute leur richesse mais aussi, danstoutes leurs fragilits.

    3.1.Une immense rserve archologique

    Lapparition de lhomme (Homo Erectus) est datedenviron 1.5 millions dannes et la prsence delhomme prhistorique est encore largement attestedans lensemble du Sahara. Loutillage abondant dat dela priode palolithique laisse supposer que le Saharatait habit par les hommes depuis plus de deux mil-lions dannes. Le nolithique saharien a connu ausixime millnaire un prodigieux dveloppement dupastoralisme dont un panorama de gravures et de pein-tures sur les roches du Sahara central constitue un fan-tastique tmoignage.

    La valeur potentielle de ces ressources archologiquesest largement sous-estime, dune part car elle nestpas suffisamment tudie et dautre part car les rsul-tats des recherches fournissant des informations sur lesmigrations, les changements climatiques, les activitshumaines, les paysages ne sont pas diffuss auprs dugrand public.

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  • Les sites sont innombrables, nous nen citerons quequelques uns : Le fayum, Kharga, Gilf Kebir en Egypte ; LAkakus,Teshuinat, Ghat, Messak, Germa en Lybie LAhaggar, le Serkout,Tassili Najjer, Meddak, Iherir,Tihodaine en Algerie ; Jencien, Mennachia en Tunisie ; Sidi boulenouar,Tamanar au Maroc ; Ounjougou,Adrara des Iforas,Tanaradant, Eghaghar au Mali ; LAr, le Tnr, le Kaouar et le Djado,Termit au Niger ; Tibesti, Ennedi au Tchad ; Ouanat, Kerkur Talh,Wadihowar au Soudan.

    Le patrimoine archologique est par essence nonrenouvelable. Pourtant il est dilapid, mal compris, etreste souvent un simple objet de curiosit. Les facteursde sa dtrioration sont naturels (dtrioration trslente, vents, ruissellements, lumire, mettant les objets nu) et anthropiques ; le prlvement entrane la dis-parition de pices matresses pour la comprhensiondu territoire, le pitinement , la dgradation des parois,leffritement et la fragilisation de la roche, le dplace-ment des objets, entranent la destruction des sites etdes connaissances. Lattrait pour le Sahara et les effortsfournis pour dvelopper le tourisme culturel devrontdonc absolument tre accompagns de mesures visant identifier, interprter, sauvegarder et grer les sitesarchologiques.

    3.2. Loasis : le gnie humain en action

    Les savoirs, et savoir-faire traditionnels face un envi-ronnement hostile et avare de ressources, se manifes-tent dans le dveloppement des techniques permettantdutiliser au mieux leau (et la terre), que sa disponibi-lit soit prenne ou cyclique.

    Dans les tablissements sdentaires, la recherche de laprotection contre le vent et le soleil sest tendue laconception dune architecture et dun urbanisme o lasolution technique slevant au rang de lart confreaux habitations et au tissu urbain une esthtique parti-culire. Quelle que soit la varit des formes ou desarchitectures formelles - et qui donnent leurs cachets des rgions - ce sont toujours les mmes principesdirecteurs qui sont mis en uvre.

    En raison du climat aride du Sahara, ce sont les rservesdeau souterraines qui constituent principalement labase de formation des oasis. La localisation des oasistient compte de la conjonction possible de trois fac-teurs : le niveau de la nappe et le mode de prlvementde leau, la prsence de terres alluviales cultivables, laprotection contre les vents et la chaleur.

    La combinaison des deux derniers facteurs conduit leplus souvent au choix du bord de dpressions, tandisque leau peut tre pompe (puits balancier, noria,) oucapte et ramene gravitairement par des conduits(foggaras) lorsquelle est situe plus haut que le sitechoisi. Dans ce dernier cas, lexemple le plus remar-quable par son tendue (sa gnralisation), le nombredouvrages (900), la longueur des tunnels (jusqu 14kilomtres Timimoun), est celui qui se trouve auTouat,au Gourara et dans le Tidikelt.On en trouve aussi Ouarzazate et Ghadames.

    Dans certaines oasis, cest la combinaison de plusieurssolutions qui est adopte, en fonction mme de laforme de manifestation de la ressource (nappes sou-terraines et crues doued par exemple) : barragesrservoirs et barrages de drivation (pimonts du hautAtlas, Atlas Saharien,) combins aux puits artsiens(Mzab, Djerba), submersion (Saoura,Adrar des Iforas)combine aux barrages (Goulimine), ou traction ani-male et puits balancier (Fezzan).

    Il sagit ensuite de la rpartir selon des parts rgles parla gomtrie (celles des peignes dit ksairiates dont lalargeur de lchancrure rgule le dbit) soit par desdures dcoulement de la seguia commune qui dessertles parcelles.

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  • Larchitecture des oasis nest pas tant remarquable parle fait quelle utilise des matriaux locaux (argile oupierre) laisss ltat brut (Ouarzazate, Tombouctou,Timimoun, Adrar) ou badigeonns (Mzab, Djerba),quelle tire tout le profit possible du palmier.

    Elle est aussi une leon dhabitat bioclimatique par plu-sieurs aspects : ladoption de murs pais, la structura-tion des espaces pour permettre une circulation de lairpar convection par le chebek qui domine le patio cen-tral (wast ad dar). La largeur des rues et des ruelles res-pecte une hirarchie stricte destine permettre lecroisement danimaux chargs ou non ; la place cen-trale, les placettes, les accs, sont rgls lchellehumaine. Les trajectoires brises des passages et desrues, mnageant parfois des passages couverts jouentun rle dans la cration dombres et dobstacles au pas-sage du vent, crant des zones fraches et donnant ainsi la totalit du Ksar les mmes caractristiques biocli-matiques que les habitations qui le composent.

    En dfinitive, et sans vouloir lopposer une architec-ture moderne qui sest donne elle-mme ses propresnormes, elle est dimensionne lchelle des hommeset de leur communaut, rgle en fonction de hirar-chies continues des espaces allant de lintime au public.

    La palmeraie, dans sa conception et son fonctionne-ment contribue fondamentalement cet cosystmeoasien dlicat. Les travaux mens sur leffet des tage-ments successifs depuis le niveau de leau, les terrassescultives jusquau faite des palmiers en passant par celuidu niveau des arbres fruitiers, confirment lexistencedun microclimat local plus frais, et lexistencedchanges par convection qui maintiennent desniveaux de temprature et dhumidit dtermins sousla vote des palmiers.

    Du point de vue biologique, le cycle des changes entrehommes - plantes -animaux- terre maintient la pr-sence de dchets organiques qui alimentent leur tourla terre en composants utiles sa fertilit.

    Lappel des oasisDe lourdes menaces psent sur les oasis et leurdveloppement fait face diffrents obstacles : les dtriorations climatiques : laccentuation de lascheresse et ses consquences sur la disponibiliten eau ; linadquation de la pression dmographique etde lurbanisation par rapport la capacit decharge des cosystmes ; la disqualification des oprateurs oasiens parrapport aux changes conomiques (produitstouristiques, circuits commerciaux) ; les modifications des modes de vie et deconsommation au dtriment des productionsartisanales locales ; labsence dvolution du droit sur le foncier, leau,les modes dexploitation ; lenclavement et lloignement gographique ; labsence de prise en compte suffisante de laspcificit oasienne par les politiques publiques, enparticulier dans les domaines de la recherche, delagriculture, de lducation et de la formationcontinue.

    RADDO (Rseau Associatif de DveloppementDurable des Oasis)

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  • 3.3. Un patrimoine culturel immatriel unique

    Les patrimoines vivants sont constitus de pratiquesrsultants dune lente et patiente adaptation lhostilitdu milieu et la raret de ses ressources. Ils constituentgalement des reprsentations et des images de soi etdu monde construites loccasion de cette confronta-tion permanente.

    En effet, la confrontation avec la nature et les quilibressubtils qui en rsultent est la source dun patrimoineimmatriel prcieux pour lidentit et lintgrit despopulations.

    Il y a - si tant est quun ordre ou une hirarchie soit pos-sible - dabord la cosmogonie, la vision et lexplication dumonde quune religion (lIslam en loccurrence) fournitsur les raisons dtre de lhomme, de son passage surterre, de son devenir et des voies quil doit suivre.

    A cette trame se superpose celle qui dcrit la nature etses secrets, en particulier ceux par lesquels elle peutfaire que lhomme vive ou meure, la disposition des lieuxde lunivers sensible, les lieux viter ou parcourir, lasplendeur, parfois meurtrire des grands espaces.Comment ne pas leur associer une me, un esprit ?

    Si les rites initiatiques et les crmonies auxquelles ilsdonnent lieu traduisent limportance accorde laccssymbolique de cette connaissance, ils nen sont pasmoins loccasion de rappeler lenracinement du groupe,ses titres de gloire. Aussi, la posie, la prose rime, lechant et linstrumentation sont-ils les moyens de per-ptuer la mmoire collective et lidentit, en labsenceduvres crites.Le patrimoine immatriel englobe ainsi les aspects lesplus fondamentaux dune culture identitaire et de latradition vivante : les traditions orales, les coutumes, leslangues, la musique, la danse, les rituels, les festivits, lamdecine et la pharmacope traditionnelles, les arts dela table, les savoir-faire traditionnels (outil, habitat), lar-tisanat.

    Ces derniers ont pour support une srie dobjets de laculture tangible (les instruments de musique, masques,costumes, etc.) souvent raliss par des artisans habilesqui dtiennent leur savoir-faire et les techniquesemployes transmises de gnration en gnration;lart et la manire de les produire sont immatriels.

    Les milliers de manuscrits dposs dans les biblio-thques familiales de Chinguetti, Ouadane, Tichit etOualta (Mauritanie) refltent lintense activit intellec-tuelle du Sahara depuis le Moyen Age et la richesse dessavoirs transports par les caravanes (sciences cora-niques, histoire de lart de la calligraphie, astronomie,mdecine, etc.). Linstitut mauritanien de recherchescientifique (Nouakchott) conserve 6000 de ces docu-ments anciens, dont la moiti ont t microfilms.Depuis le classement des manuscrits par lUNESCO aupatrimoine culturel de lhumanit, en 1989, lEtat mau-ritanien et la communaut internationale encouragentlinventaire, la restauration et la reproduction du plusgrand nombre tout en laissant ce patrimoine leurspropritaires.

    Face la mondialisation, la modernisation et lapportdes nouvelles technologies, cette minorit qui dtientle savoir des anctres se marginalise, disparat, et se voitmenace par les nouvelles transformations de lcono-mie. La transmission du savoir- faire des anciens qui ontacquis une expertise particulire de leur culture estinterrompue par ces nouveaux processus sociaux (glo-balisation, tourisme, marchandisation de la culture) quimenacent lauthenticit et la tradition pour mettre enavant la nouveaut et lexotisme.

    Les rituels et les festivals clbrs dans ces rgions sontdautant plus importants qu ils sont conforts par deschants, des costumes, des bijoux traditionnels, des pra-tiques culinaires, produits par des personnes "archives"dpositaires de leurs savoir-faire. La tradition orale, leslangues, la spiritualit, les rites, la musique, la posie, ladanse, le style vestimentaire, lartisanat et le savoir-faire(constructions, tissages, gravures), la cuisine, la chasse,les pratiques mdicales, les connaissances environne-mentales (astrologie), constituent une partie essentiellede ce patrimoine culturel saharien.

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  • Le patrimoine linguistique de lAfrique est lun des plusriches du monde avec 30 % des langues mondiales,maisil est aussi lun des plus menacs.Selon lAtlas publi parlUNESCO, sur les 1 400 langues ou plus parles sur cecontinent, entre 500 et 600 sont en danger et 250 ris-quent mme de disparatre rapidement. La situation lin-guistique de lAfrique, et surtout des rgions saha-riennes, reste en effet lune des plus mal connues desspcialistes qui nont pu pendant longtemps accder des rgions entires, en raison de plusieurs facteurspropres chaque pays mais surtout de linscurit pou-vant y rgner.

    Pour aller plus loin

    Lorsquon parcourt les diffrentes lgislations qui devraientprserver ce patrimoine immatriel, nous constatons unecaractristique commune toutes ces rgions : celle de ne pasfaire une rfrence claire au patrimoine sauvegarder qui estmal identifi et par consquent rarement bien dfini. Il est clairque lorsquon examine la situation sur le terrain, la dfinitiondu patrimoine immatriel na t que partiellement explore.

    Mettre en valeur le patrimoine, quil soit naturel ou culturel,implique que les organismes chargs de cette mission dispo-sent dinventaires,de cartes archologiques,ainsi que de cartesde la vgtation. (Linventaire archologique a acquis toute sonimportance en zone saharienne depuis lutilisation du GPS.)

    Par exemple, cest par un dbut dinventaire quune rgioncomme la Tadrat, considre jusqualors comme un secteurrecul, sans intrt pour la comprhension des vnementsprhistoriques,a pu tre perue comme frontire la fin destemps palolithiques et carrefour au cours du nolithique.

    Des travaux sur la prhistoire ont t mens de manirecohrente dans loasis de Farafra, le wadi Howar, la rgion deTaoudeni, le sud du Hodh et le Tagant, le sud du Tijirit, la bor-dure ocanique, la valle de la Saoura, le bas Sahara, leTefedest, le sud du Tassili nAjjer et lAkakus. Ailleurs, ils sontrares et ponctuels, le plus souvent sans liens ; une pulvrisa-tion de donnes et des enchanements prcaires en rsultent.

    Tout autant que les sites naturels, la faune et la flore sontmenaces par la scheresse et lagression anthropique. Lessites culturels, leur tour, nchappent pas aux agressionsdues la mconnaissance de leur importance, ou sont toutsimplement victimes de lvolution du monde. La mise enuvre de la convention internationale concernant la protec-tion du patrimoine mondial, culturel et naturel, adopte parlUNESCO en 1972,ainsi que celle concernant la lutte contrele trafic illicite des biens culturels adopte par lUNESCO en1970, pourrait contribuer mieux prserver ce patrimoine.

    La recherche du confort dans les nouvelles constructions quiaccompagnent lessor de lurbanisation, la concurrence desnouveaux matriaux conjugue la perte des savoirsanciens, sont autant de facteurs, parmi dautres, qui fontpeser une menace sur les sites traditionnels.

    Plus graves parce que moins visibles, la perte des represculturels et des savoir-faire, la concurrence des nouvellesmodes et des nouveaux supports musicaux, le dlitementdes groupes qui rduisent lutilisation des langues locales,sont autant de menaces sur les lments constitutifs desidentits. La reconnaissance et la revalorisation(1) dessavoirs et savoir-faire immmoriaux, des traditions dans cequelles ont de plus vivifiant, constituent les bases premiresde la prservation des cultures sahariennes.

    (1) La Convention sur la sauvegarde du patrimoine culturel immatriel (octobre 2003) vient complter le corpus normatif international existant en matire de patrimoine matriel.20

  • 4. La pauvret :

    une ralit aux

    multiples facettes

    Les acteurs centraux du tourisme (si lon exclut duchamp les organisations) qui donnent toute leur saveuraux sjours, soit comme guides, soit comme marchandsou comme htes, en un mot tous ceux qui produisentlatmosphre humaine, sont les habitants du dsert. Lafascination pour les touaregs et les hommes bleus, lescrmonies des Peuls Bororos, sont parmi linnom-brable varit des peuples africains et de leurs cultures,les lments incontournables du dsert.

    Le Sahara nest pas seulement la conjugaison dattributsfroidement dcrits par les spcialistes ; il a une beaut etune magie que ses peuples sous leurs amples voiles contri-buent entretenir par leur chaleur et leur gentillesse.

    Mais, sils ont tous su apprivoiser le dsert, sils en ontacquis les savoirs, les savoir-vivre et si leurs socits se sontorganises cet effet,on ne peut ignorer les effets dstabi-lisants des changements du contexte mondial,venus aggra-ver les rsultats de scheresses catastrophiques.

    Ces peuples, porteurs de trsors et de richessesauthentiques fragiliss, et rendus vulnrables par deschocs multiples, luttent pour leur survie. Les plus sen-sibles -les femmes, les jeunes et les enfants- souffrentdes multiples visages de la pauvret : malnutrition, anal-phabtisme, perte des droits, perte de la considrationde soi, autant de facettes qui appellent une approchefine et attentive de la question.

    4.1. La pauvret au-del des chiffres :une question de droit et de dignit

    En raison des aspects trs particuliers que peut revtirla dpossession et lexclusion, il est ncessaire dtrevigilant dans lutilisation des statistiques sur la pauvret,que ce soit en termes de validit (chiffres) ou en termesde sens (pertinence) de ce quil nous est donn deconsidrer comme pauvret.

    Tout dabord, le dbat nest pas quun dbat dcole :selon la manire dont on apprhende la question, lessolutions divergent totalement, si ce nest quelles neconvergent pas. En effet, choisir de mesurer la pauvrethumaine en termes montaires essentiellement (pr-supposant que le contexte de vie est lui-mme monta-

    ris et quil y a une fluidit totale de la circulation de lamonnaie) signifie aussi que ces apports compensatoiressont eux-mmes mesurables dans les mmes termes.

    Cette dfinition fait fi des causes structurelles - envi-ronnementales, sociales, politiques - de cette pauvret,des formes quelle revt chez telle ou telle populationou catgorie de population. Elle nest donc ni homo-gne, ni toujours comparable, si ce nest par la menacequelle fait peser sur la survie et les conditions de sor-tie de cette pauvret.

    Mais comment dfinir cette pauvret, quand on sait quele propritaire de cent ttes de btail dans lAr vit dansdes conditions apparemment comparables bien desgards celle de celui qui nen a que deux ou trois,quau regard de certains critres de mesure du dve-loppement humain, tous deux souffrent de labsencedaccs aux soins de sant, de lanalphabtisme, delloignement des points deau ?

    En fait, au-del des donnes quantitatives, la pauvretest peut-tre dabord un vcu, une perception de soi etdes rapports avec les autres. Une enqute ralise surla perception de la pauvret par les populations de cinqvillages du Niger rvle que sur un chantillon de 1363personnes, 40% des interviews mentionnent la dpen-dance lgard dautrui, 37% la marginalisation et 26%la restriction des droits et des liberts.

    La pauvret est donc ressentie, certes comme unmanque sur le plan matriel (manque dargent,de nour-riture, de vtements, etc.) mais aussi, et dune manirepresque aussi aigu, comme une incapacit prendreune initiative personnelle. Avant mme dtre un dnide droits (Le pauvre est celui qui na pas droit laparole ; Le pauvre est celui qui ne peut jamais avoirgain de cause dans les conflits qui lopposent autrui),la pauvret est donc un dni de soi, une incapacit se concevoir comme un tre autonome, pouvant agirefficacement sur son environnement immdiat.

    Le sentiment de dpendance est renforc par le senti-ment de solitude car le pauvre se vit comme sans sou-tien ; il a le sentiment quil na plus dassise, plus dan-crage. La pauvret est donc aussi la consquence duneviolente rupture dans la chane de solidarit qui struc-turait jusque-l la communaut.

    Cest dans cette optique et conformment laDclaration de Vienne adopte par la Confrence mon-diale sur les droits de lHomme (Vienne, juin1993), quidfinit lextrme pauvret comme une violation de ladignit et des droits de la personne et raffirme le prin-cipe de linterdpendance et de lindivisibilit de cesdroits,quil convient de situer la lutte contre la pauvret.

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  • 4.2. Une pauvret volutive dans uncadre de vie en dgradation

    4.2.1. Les facteurs globaux qui entravent le processus de rgnration et de sauvegarde :

    Lurbanisation rapideDune manire gnrale, le profil de la pauvret dans lespays qui ont le Sahara en commun se caractrise parune trs grande htrognit, notamment entre lenord et le sud.

    On ne peut ainsi esquisser le profil de la pauvret, dansles pays qui ont le Sahara en commun, sans linscriredans le contexte plus large des prils qui menacent lafois leur patrimoine cologique, leur quilibre social et terme leur patrimoine culturel, sachant que des bou-leversements sans prcdent affectent les modes de viesculaires de ces populations.

    Le processus de sdentarisation engag depuis plu-sieurs dcennies, les difficults croissantes de lagricul-ture saharienne qui se traduisent par une pauprisationtrs grande de la plupart des zones rurales, un exoderural massif et une croissance urbaine mal contrlesont autant de facteurs qui ont contribu briserlquilibre ancestral de ces populations.

    Depuis plusieurs dcennies, les petites villes des oasisattirent non seulement les ruraux des oasis mais aussiles nomades qui se sdentarisent.Ces bouleversementsconscutifs une urbanisation acclre nont, pendantlongtemps,concern que le nord et le centre du Sahara.Ainsi, partir du milieu des annes 50, la recherche etlexploitation des hydrocarbures ont confort cer-taines villes sahariennes, avec des taux suprieurs 90%dans certaines rgions, comme la wilaya de Ghardaa enAlgrie ou la baladiyah de Sebha en Libye. Depuis, aumoins une dizaine de villes y atteignent ou dpassentles 100 000 habitants (exemple : Laayoune, Bchar,Sebha, Ouargla, Ghardaa, etc.)

    La fixation des populations nomades les conduit sta-blir aux portes de ces centres, qui atteignent peu peuune taille sans commune mesure avec les disponibilitslocales en eau et en sol, ce qui ne manque pas de poserdinextricables problmes de gestion. Cette dynamiqueurbaine acclre, marque notamment par des fluxmigratoires massifs de ruraux, a eu pour consquencemajeure de creuser lcart entre lespace rural et lesagglomrations urbaines, gnrant des fractures et desmutations sans prcdent, notamment dans les villes dusud saharien.

    Par voie de consquence, les sites sont souvent isols,mal desservis, voire dserts par leurs habitants alorsquils rclament un entretien quotidien, menacs parune urbanisation qui rompt lintgration lenvironne-ment naturel et altre lauthenticit du site. A Ghadams, cest la crise des activits commerciales et agricoles qui a entran lexode vers la nouvelle ville.De nombreux Ksour de Mauritanie sont enclavs, le ksarde At Ben Haddou est inaccessible en priode de crue.Ce sont les anciens noyaux qui se dgradent alors que lesnouveaux tissus se dveloppent sans logique apparente deplanification ni respect de la forme architecturale quifonde le caractre ancien des cits.Au Ksar Ait ben Haddou, 84 familles vivent dans lenouveau village construit en matriaux de type parpaing deciment. Seules 3 familles continuent dhabiter lancien noyau.A Tombouctou, une urbanisation dmesure menace lesplaces publiques et les marchs, des structurescontemporaines ont fait des brches irrmdiables dans leparcellaire ancien.A Djenn, des constructions contemporaines fleurissentau-del du noyau historique, la grande place autour de lamosque est ampute de constructions dhabitations.Source assche Ghadams (Libye), dsertion du noyauhistorique de Chinguetti Tichit, Oualata (Mauritanie) auprofit dautres zones plus proches de points deau.

    Les mutations conomiques et culturellesCes mutations entranent une disqualification des citset de leur fonctionnement traditionnel. Lexigence appa-rat davoir accs aux moyens de la vie moderne : lpoque des indpendances, la priorit des nouveauxEtats centraliss a t de permettre lensemble despopulations daccder des normes de confort simi-laires au reste du pays, afin dendiguer lexode rural.Cette priorit sest traduite par la cration dagglom-rations. La disparition des routes caravanires trans-forme danciens lieux de passages en lieux isols. Denouveaux modes de vie et de production rendent obso-ltes, matriaux, produits et moyens de transports.

    La transhumance est maintenue mme si les troupeauxne sont plus accompagns que par les bergers ; cettevolution a des rpercussions trs grandes sur la cou-verture vgtale en raison du surpturage, et ce, dansun rayon de plus en plus grand autour des " centres defixation ". Elle suscite en outre des dissensions gravesentre nomades sdentaires et population oasienne tra-ditionnelle autour de la question foncire,ainsi quentreleveurs et agriculteurs propos de la divagation desanimaux.

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  • 4.2.2. Les facteurs de dgradation du bti

    La rduction du couvert vgtal, due la raret de leau,menace les sites densablement (une partie des Ksour deMauritanie est dores et dj ensable). Les difficults dune intervention sur le foncier : lacomplexit lie aux rgles de succession ou dindivision desbiens immobiliers entre plusieurs membres dune mmefamille et dayants droit, constitue un obstacle pour uneappropriation prive individuelle ou publique qui voudraitmettre en valeur le bti. La faible rsistance des matriaux traditionnels auxintempries :Les eaux de ruissellement et dinfiltration sattaquent aupis au Ksar de Ait Ben Haddou. La rarfaction et le renchrissement de ces matriaux etla concurrence de nouveaux matriaux (parpaing deciment, toiture en tle ondule, dalle en bton arm). Le prlvement des matriaux de construction des anciensdifices et leur rutilisation pour des constructions nouvelles. La perte du savoir-faire ancien des artisans de laconstruction lors de la transformation du bti traditionnelen maison moderne ; la concurrence engendre par denouveaux modles de construction, imports des plusgrandes agglomrations.

    4.2.3.(1) Les diffrentes formes de pauprisa-tion de la population : une grande disparitentre le Nord et le Sud du Sahara

    Si, traditionnellement dans les socits du dsert, ladcision dexclusion du groupe est quivalente, pourlindividu dpossd de la solidarit des autres et desressources collectives, une mort sociale sinon phy-sique, les formes modernes de lexclusion, moins for-melles, ne se traduisent pas moins par une exposition la pauvret extrme qui se manifeste entre autres parlanalphabtisme, la maladie, la perte du statut, de lint-gration sociale et la marginalisation civique.

    Lanalphabtisme :Globalement, les dix Etats qui ont le Sahara en communont dplorer un taux lev danalphabtisme. AuNiger, il est lun des plus levs de la sous rgion : 84,7%de la population mais les carts sont grands dunergion lautre. En outre, les carts sont trs impor-tants encore entre les zones rurales et urbaines : enmoyenne 52% des enfants vivant dans le milieu urbainsont scolariss contre 28% dans le milieu rural.

    Ailleurs, les disparits sont aussi grandes dune rgion lautre : en Mauritanie, en 1996, lcart entre les taux descolarisation en zone rurale ou en zone urbaine restait

    de lordre de 40 points, avec un pourcentage pour lemilieu urbain de 97% contre 57% pour le milieu rural.Mme dans les pays o la croissance semble plus le-ve ( Egypte, Maroc, Algrie, Tunisie, Libye), celle-ci aglobalement plus profit au milieu urbain quau milieurural o les taux dalphabtisation enregistrs sont par-ticulirement faibles par rapport la moyenne natio-nale. Ainsi, en 1994, ce dernier tait estim 75% auMaroc en milieu urbain contre 37% en milieu rural.

    Le dsquilibre est encore plus dramatique entrehommes et femmes : en 1999, toujours au Maroc,35,1%des femmes sont alphabtises contre 61,1% pour leshommes.Cet analphabtisme est dautant plus alarmantquil touche les tranches dges supposes tre scolari-ses, prs de 65% des filles ges de plus de 15 ans nesont pas alphabtises et parmi elles, une forte propor-tion du milieu rural.

    Les problmes de malnutrition et daccs leau :Les problmes de malnutrition renforcent les disparitsentre les pays du Nord et ceux du Sud du Sahara. Ilstouchent des proportions importantes de populationsdans certains pays saharo-sahliens.

    Les mmes disparits se retrouvent dans laccs leaupotable. Le taux de raccordement a connu une volu-tion modeste dans les pays saharo-sahliens. Une largemajorit de la population malienne na pas accs leaupotable.Des progrs sensibles sont certes raliss maisils demeurent trs limits au regard de la demandecroissante des populations : en Mauritanie, le taux deraccordement est de 15,4% de la population en 1990contre 19,1% en 1998. Mais dans 8 de ses rgions, letaux reste infrieur 10% et dans 5, il natteint mmepas 5%.

    Lhabitat insalubre :Lurbanisation acclre, incontrle, dveloppe desformes de pauprisation croissante marques, entreautres, par le dveloppement de zones dhabitat sousquipes et insalubres. Outre la question de lapprovi-sionnement en eau potable, les problmes dassainisse-ment se posent de manire de plus en plus aigu : enlabsence dquipements adquats, les eaux uses sontdverses dans les rues ; parfois mme utilises pourarroser les cultures des villes consommes par lespopulations.

    Les populations les plus vulnrables subissent de pleinfouet les consquences dune telle situation. La prolif-ration des dchets, notamment au niveau des points devente des aliments, renforce les problmes dhygine etles infections qui en rsultent. Dans de nombreux cas,les femmes rsidant dans les quartiers priurbains se

    23(1) Les chiffres cits dans cette partie sont issus du rapport du PNUD de lan 2000

  • servent du mlange des eaux uses et des eaux pluvialespour leurs activits mnagres. Leurs enfants jouentsouvent aux abords des dcharges publiques dont lesdchets envahissent souvent lespace environnant.

    La pauvret semble avoir globalement recul durantcette dernire dcennie. En Mauritanie par exemple, lapart des mnages vivant en dessous du seuil de pau-vret est pass de 50,5% en 1990, 40,7% en 1996. Lerecul de la pauvret est encore plus marqu pour lesindicateurs dcart, lesquels attestent que lextrmepauvret sest rduite plus vite que la pauvret, passantde 44,7% des personnes en 1990 32,6% en 1996, soitun recul de plus de 12 points sur la priode.

    Cependant, la pauvret demeure un dfi majeur l oles conflits divers exacerbent de faon dramatique levcu dj problmatique des populations locales, plusgnralement dans certains pays saharo-sahlienscomme le Mali et dans une plus grande mesure le Niger,o 63% de la population est pauvre et 34% extrme-ment pauvre. L, comme partout ailleurs, la pauvretaffecte essentiellement les zones rurales : 36% de lapopulation nigrienne, considre comme extrme-ment pauvre, y vit.

    4.3.Statut social et vulnrabilit : versune fminisation de la pauvret

    Ds lors que le fond de base de lactivit productive estsoumis aux alas de la raret relative (baisse de la res-source ou excdent de population) ou de la sche-resse, ce sont les groupes de producteurs qui sont lespremiers soumis leurs consquences : la pauvret,lexclusion, la migration conomique force.

    Les membres des groupes dominants gardent, en dpitde la mise en place de structures base lective, la placede notabilits reprsentatives lgitimes, consultes surtous les sujets dimportance. Lorsque ces dsquilibressaccentuent, ce sont, au sein dune mme commu-naut, les groupes sociaux qui ne disposent ni de la pro-prit de leau (ou de la terre) ni dun statut dapparte-nance aux groupes dirigeants qui se trouvent les plusfragiliss et les plus exposs aux exclusions.

    Il faut nanmoins souligner que les efforts en matirede scolarisation ont permis lmergence, parmi lesgroupes domins, de nouvelles lites qui ont occup lespostes techniques et les rouages de ladministration etrevendiquent une galit relle dans leur socit.

    4.3.1. Les jeunes, lcole, la survie

    La voie pour les enfants appartenant aux milieux lesplus pauvres est toute trace : main duvre quasi ser-vile pour les garons, dguise parfois pour les fillessous la forme de mariage prcoce.

    En effet, le mariage prcoce a des fonctions multiples :sil libre le pre dune bouche nourrir, tout en luiapportant quelques - maigres - compensations mat-rielles travers la dot verse, il permet aussi dassurerla perptuation des lignes en situation de forte mor-talit infantile. Cest pour cette raison que la scolarisa-tion des filles nest pas primordiale, dans les stratgiesfamiliales, rduites tre pure survie.

    Cest dans cet esprit que des formes modernes das-servissement ont pris naissance sous le couvert deconfier une fillette une famille aise qui llvera etlduquera en contrepartie de sa contribution auxtches mnagres. Des enqutes rcentes ont montrquil sagissait dune vritable vente contre une pseudoaide montaire que les familles pauvres sont dans lin-capacit totale de rembourser.

    24

  • Quant aux jeunes garons, leur scolarisation vaut lef-fort dans la mesure o elle permet denvisager termedes sources de revenus alternatives devant la rgres-sion soutenue des conditions de vie. Nous restonsencore, pour lessentiel, dans des stratgies de survie.Pour eux, dautres formes dasservissements plus sub-tiles existent, en raison des exploitations intensivesauxquelles ils sont soumis, accompagnes dune priva-tion totale des liberts.

    En outre, lcole engendre un dcalage entre les gali-ts formelles entre individus quelle prne dun ct, etla perptuation des ingalits sociales observables delautre. Il sensuit un fort potentiel de rvolte : contre lasituation vcue et les causes auxquelles elle est attri-bue, les parents en raison de leur passivit supposeface leur sort et parfois mme lensemble du systmepolitique local ou national.

    4.3.2. les femmes, actrices incontournables,fragilises

    Lune des incidences les plus graves de la dtriorationdu mode de vie des populations rside dans le boule-versement des structures familiales et communautairesau sens large. Au Sahara, jusqu une date rcente, lesrelations familiales se rfraient des codes de com-portements, des usages et des valeurs, qui permettaient chacun de construire son identit et de trouver sajuste place dans le groupe. Cette rpartition des rleset les modles qui la sous- tendent sont aujourdhuiremis en question.

    Dans certains villages, les femmes reprsentent 70 % dela force de travail et sont responsables de 80 % de laproduction agricole. Or, ce sont elles qui sont frappesde plein fouet par les incidences de la pauvret, notam-ment dans les villes : violences, maladies (MST en parti-culier),mendicit, etc.Beaucoup dentre elles,divorcesou abandonnes se retrouvent avec des enfants charge, sans aucune pension alimentaire ni autre sup-port que laide que peuvent apporter quelquesmembres de la famille sils existent, avec un certainnombre de contraintes et dobligations.

    Le statut des femmes est en fait directement attach celui de leur poux, selon son appartenance auxfamilles dirigeantes ou aux couches domines ; elles ontdans ce dernier cas des tches de participation la pro-duction, sans compter leur activit conomique per-sonnelle propre.

    Cet aspect explique pourquoi, au moment de leffon-drement des bases de lconomie traditionnelle, cesont ces femmes qui ont parfois pris le relais pour lasurvie de la famille en vendant leur production (qui necircule pas dans le systme clientliste) et, par exten-sion, en assumant dautres activits conomiques (tis-sage, couture, plats cuisins, etc.)

    Pourtant, dans ce Sahara, dominante rurale, lesfemmes assument presque toutes les tches nces-saires la prennit de la famille, prparant le sol, effec-tuant les oprations de plantation,participant la mois-son, assurant les tches de rcolte et de transformationen produits consommables, les tches de stockage, detransport et mme de commercialisation.Elles assurentgalement lapprovisionnement en eau et en bois (boisde chauffe, cuisson, alimentation du cheptel, etc.) enplus de lentretien et de la garde du btail ; tchespresque exclusivement et traditionnellement fminines.Or non seulement, ces fonctions vitales ne sont pasreconnues comme telles, mais par ces activits, ellespeuvent apparatre comme des agents actifs de dgra-dation de leur environnement.

    25

  • 4.4. Reconversion et participation :pour faire du tourisme un levier de lalutte contre la pauvret

    Le tourisme, en tant quactivit transversale, peut avoirdes retombes conomiques positives pour les popula-tions. Les emplois directs et indirects crs sont mul-tiples et peuvent participer lamlioration du niveaude vie des populations. Au Sahara, les principauxemplois directs concernent les mtiers de chamelier,guide, ainsi que toutes les activits directement lies laccueil des touristes. Cependant, dans le domaine dela lutte contre la pauvret, ce sont essentiellement lesemplois indirects quil convient daugmenter en valori-sant et dveloppant les productions naturelles et cultu-relles dont pourront bnficier la fois les populationset les touristes (exemple : produits frais du terroir -dattes, fromages-, artisanat).

    La reconversion conomique des hommes est sociale-ment acceptable et possible selon le statut quils occu-pent au sein de leur groupe social, en raison des faits dereprsentation ou des interdits attachs chaque sta-tut : ou parce que le nouveau mtier est une exten-sion rserve un autre groupe particulier dont ils nesont pas membres. Par contre, lorsque les mtiersproposs rompent totalement avec les systmes dereprsentation, parce quon ne peut leur trouver unquivalent dans la socit traditionnelle, ils peuvententrer dans lunivers des acceptables.

    On voit combien un projet de cration dactivit, etdemplois dpend de la lecture qui en sera faite par legroupe large auquel il est destin (la communaut) puispar les sous-groupes qui le constituent, autant proposdes nouveaux statuts et rles quil leur propose quedes revenus quil est cens apporter.

    Aussi, et cela nous semble tre une observation pri-mordiale, un projet viable (ou susceptible de ltre) estdabord, et dans tous les cas, un projet accept, sinonlabor avec laccord et le concours des habitants.Cest ce prix quon peut viter aussi bien les contresens que les checs.

    Dans les annes quatre vingt, les pouvoirs publics dansdivers pays sahariens ont dj envisags le dveloppe-ment de lactivit touristique comme lune desrponses possibles la crise conomique et la dgra-dation de lenvironnement (Tamanrasset ou Djanet enAlgrie, Tozeur et Douz en Tunisie, Ouarzazate etZagora au Maroc,Ar et Tnr au Niger,etc.).

    Pour aller plus loin

    Dans loptique de la lutte contre la pauvret, ce sont les popu-lations du sud qui sont davantage touches et dans le besoincompte tenu de la prcarit de leurs conditions de vie et dela dgradation croissante de leur patrimoine naturel et cultu-rel mais cest au nord, compte tenu dun niveau suprieur dedveloppement du tourisme, que les conditions sont les plusfavorables la mise en uvre dune stratgie touristique.

    En effet, la disproportion entre le dveloppement touristiqueau nord du Sahara et respectivement au sud et au centreest grande : la Tunisie, lEgypte et le Maroc attirent 96,4%du nombre de touristes internationaux contre 2,4% pourlAlgrie, la Libye et le Soudan, 1,2% pour le Mali, le Tchad,le Niger et la Mauritanie.

    Les atouts de lEgypte, de la Tunisie et du Maroc en termesdinfrastructures routires, htelires, de liaisons ariennes,de rglementations, de politique promotionnelle ltrangeret de diversification des produits touristiques sont sans com-mune mesure avec ceux des autres pays. Cest ce quiexplique en grande partie ce dcalage.

    Cependant au Mali, en Mauritanie ou au Tchad, des exp-riences indites peuvent tre inities par les populationslocales, prcisment en raison de linsuffisance de loffre tou-ristique qui ouvre la voie lexprimentation de nouveauxproduits plus gnreuxen matire dintgration,mais aussiplus respectueux du patrimoine culturel et environnemental.Ainsi, la sauvegarde et la valorisation du patrimoine, notam-ment immatriel, participera faire reconnatre la granderichesse culturelle saharienne, rarement reconnue commetelle face la pauvret matrielle des peuples sahariens.

    26

  • 5. Le tourisme saharien :

    un champ dintrt commun

    Btir une stratgie pour un dveloppement durable dutourisme repose, certes, sur lattractivit du Sahara,mais pose aussi la question de la viabilit de loptiontourisme en elle-mme.Quelles sont les perspectivesdu dveloppement du secteur touristique dans les pro-chaines annes ? Quelle est la part possible de lAfriquesaharienne dans cette activit ? Lcotourisme et le tou-risme culturel au Sahara peuvent-ils prtendre occuperune part des nouveaux marchs ?

    Nous tenterons de cerner ces questions et ferons untat des lieux des politiques touristiques suivies par lesdiffrents pays concerns en dressant un bilan rapide deltat des institutions et des structures mises en placepour initier et grer ce dveloppement.

    Convaincus de la synergie qui pourrait rsulter dunrapprochement entre les politiques de dveloppementtouristique, nous nous proposons de faire aussi le pointsur ltat de la coopration entre les diffrents payssahariens.

    5.1.(1) Politiques et outils de dveloppement du tourisme

    Le Sahara est encore relativement prserv des effetsdu sous-dveloppement, de lpuisement des res-sources, de la dgradation de lenvironnement et de larupture des quilibres traditionnels, ressentis commedes menaces des degrs divers dans la plupart despays sahariens avec tout leur cortge dincidences surla vie des populations, la progression de la pauvret etlavance de la dsertification. Face cette situation, etprenant conscience du formidable gisement touristiqueque constitue le Sahara, les Etats ont labor des poli-tiques de dveloppement qui ont retenu, des degrsdivers, le tourisme comme lment de rponse. Ilconvient donc daborder la question de la valorisationtouristique en amont afin danticiper et prvenir lesmenaces qui psent sur les conditions favorables audveloppement.

    5.1.1.Typologie des politiques de dveloppement

    De nombreux critres peuvent tre avancs pour ten-ter dtablir une typologie des diffrentes politiques dedveloppement touristique. Dores et dj une classifi-cation daprs le niveau de dveloppement atteint parle tourisme permettrait de distinguer : Les pays o le tourisme est dvelopp : La Tunisie,lEgypte, (ctes de la Mditerrane et de la Mer Rouge), leMaroc (littoral atlantique et mditerranen) ; Les pays o le tourisme amorce un dveloppement : LaLibye et lAlgrie ; Les pays o le tourisme na pas encore atteint un niveaude dveloppement significatif : Le Soudan, le Tchad, le Mali,le Niger et la Mauritanie.

    Dans une perspective de dveloppement, il parat pluspertinent de retenir une optique de produit sur la basede laquelle on peut distinguer :

    Les pays o le tourisme saharien reprsenteun produit complmentaire dautres formesde tourisme :

    Cest ainsi quen Tunisie, le tourisme balnaire le long delarges plages (Hammamet, Sousse, Djerba) constitue lefer de lance et le produit de base du tourisme tunisien.Il en est de mme pour le littoral atlantique (Agadir) oumditerranen (Tanger) du Maroc ou encore du littoralgyptien de la Mer Rouge (Hurgada et Charm ElCheikh) et mditerranen (Alexandrie).

    Ces pays ont russi crer une grande capacit hte-lire quils commercialisent travers le rseau euro-pen des Tours Oprateurs et des agences de voyagesdans le cadre de forfaits. Ils ont russi simposer dansle tourisme mditerranen dont ils sont devenus desdestinations incontournables.

    En Egypte, le dveloppement du tourisme balnaire demasse date de moins de 20 ans, alors que ce pays, richede son patrimoine pharaonique exceptionnel, continuefondamentalement cultiver limage de la destinationculturelle par excellence. Le Maroc, avec ses circuits deMdinas impriales (Rabat, Marrakech, Fes, Meknes)jouit galement de cette forte image de destination cul-turelle ; il en est de mme pour le Mali avec le tourismedu pays Dogon.

    La Tunisie, le Maroc et lEgypte ont vite ressenti lancessit denrichir et de diversifier leur produit enmisant sur le tourisme saharien quils prsententcomme un atout supplmentaire.

    27(1) voir annexe 4 : proposition de typologie

  • 28

    Les pays dans lesquels le dveloppement dutourisme peut se baser essentiellement surlexploitation et la mise en valeur du Sahara.

    Le Hoggar, le Tassili, le Tibesti, Chinguetti, le Fezzan etGhadames constituent des destinations phares, dont laforte notorit na rien de commun avec la faible fr-quentation touristique quils connaissent. Le plus fr-quemment dotes de structures daccueil sommaires,ces merveilles du Sahara sont commercialises par despetits Tours Operators spcialiss dans le tourisme dedcouverte, qui ont mis au point des produits qui repo-sent sur lhbergement en bivouac ou en campementnomade. Le dplacement y est assur par des vhiculestous terrains, par des caravanes chamelires pour dessjours plus ou moins longs, ou par des randonnespdestres pour des trajets plus courts.

    5.1.2. Lencadrement institutionnel

    Pour susciter et accompagner le dveloppement dutourisme, les Etats sahariens ont tous promulgu uncadre lgislatif et rglementaire plus ou moins complet,de mme quils ont procd la cration de structurespubliques et professionnelles.

    Dans la totalit des pays sahariens, le tourisme est rigen dpartement ministriel, auquel on adjoint parfoisun autre secteur ayant des objectifs convergents.Quand le tourisme na pas atteint un niveau minimumde contribution au dveloppement conomique, il estparfois rattach un autre Ministre. Lexistence dunMinistre en titre du tourisme reflte limportance quereconnat lEtat ce secteur.

    Lexcution de la stratgie de dveloppement du tou-risme est souvent dlgue un Office National duTourisme (Maroc,Algrie,Tunisie,Mali) , dot dune plusgrande flexibilit au niveau de la gestion des ressourceshumaines et financires.

    Des directions rgionales, des commissariats ou desbureaux rgionaux relaient les dcisions.Les gouverneurset prfets de rgions,ainsi que leurs dlgus, jouent aussiun rle fondamental dans le dmarrage et le dveloppe-ment du tourisme dans les contres sahariennes.

    Les municipalits et autres collectivits locales ontcompris tout lintrt quelles pouvaient retirer du tou-risme, tant au niveau des programmes damnagementet dquipement (que lEtat prend le plus souvent encharge), que de la fiscalit :T.V.A., taxes de sjour.

    Au niveau professionnel, des syndicats dinitiative ou descomits locaux regroupant les reprsentants de ladmi-nistration et les diffrents oprateurs du secteur (hte-liers, transporteurs, artisans et commerants) viennentcomplter cet encadrement structurel du secteur.

    Enfin les associations et coopratives de servicesjouent un rle variable selon les pays et les rgions.AuMali, la Fdration Nationale des artisans du Mali assureun encadrement remarquable du secteur puisquelle estl manation de 700 associations regroupant 30.000artisans et artisanes.

    5.1.3. Lencadrement lgislatif

    Llaboration dun cadre lgislatif et rglementaire sestvite avre ncessaire, autant pour amorcer linvestis-sement que pour contrler lexploitation.

    Au niveau de linvestissement, les lgislations adoptesconcernent la dfinition des zones de dveloppement,la fixation des objectifs qualitatifs et quantitatifs, lla-boration des plans damnagement, ltude et la ralisa-tion des infrastructures, les procdures dagrment, laf-fectation des terrains aux promoteurs, le contrle de laconstruction, ainsi que la fixation du rgime fiscal etloctroi des primes et exonrations.

    Cet arsenal lgislatif est loin dexister dans la totalitdes pays sahariens. En gnral, les Etats adoptent deslgislations lorsque les situations limposent.

    Pour les rgions sahariennes et compte tenu de la diffi-cult de la cration des projets touristiques et de leurcaractre souvent alatoire en phase de dmarrage,certains gouvernements ont adopt un rgime dinves-tissement plus favorable que le rgime gnral du sec-teur touristique : cest ainsi quen Tunisie le plafond descrdits bancaires autoriss est relev de 60 70%, lapriode dexonration de limpt sur les bnfices estporte 10 ans au lieu de 5.

    Au niveau de lexploitation, la rglementation porte surles normes de service, les conditions de contrle et dins-pection de la nourriture, du transport, et de lanimation.

  • 29

    5.2. Les tendances du tourisme lhorizon 2010

    Le tourisme est en 2002 le premier secteur dactivitmondial, avec 714 millions de touristes en 2001 et uneestimation de son chiffre daffaire 600 milliards dedollars(1), soit 11,6% du PIB mondial, (prvision de 8000 milliards de dollars en 2010,cest dire 12,5 % dansle PIB mondial), il pse pour 1,6 % dans lindice bour-sier mondial MSCI Monde.

    Avec 26 millions dentres touristiques (4% du total mondial),une capacit de 850.000 lits et 10,5 milliards de Dollars U.S(6,3% des recettes mondiales),le continent africain constitue leparent pauvre du tourisme mondial et cela malgr les richessesde son gisement touristique.Mme sil a enregistr le meilleurtaux de croissance (11% entre 1985 et 1998), il nest pas prtde jouer les premiers rles sur la scne du tourisme mondial.

    Avec plus de 15,6 millions dentres touristiques,une capacitdhbergement de 583.354 lits et des recettes de 7,5 millionsde Dollars US, les pays qui ont le Sahara en commun repr-sentent le premier ple touristique africain.

    Mme si le tourisme saharien reprsente une part limitede ce tourisme et reste un produit qui se vend plus cherque le tourisme balnaire, dfaut de statistiques prcisesconcernant la rgionalisation des recettes en devises,nous avons estim sur la base des recettes globales tou-ristiques que les recettes du tourisme saharien seseraient leves en 2001 600 millions de Dollars US .

    Il en va de mme pour lemploi o dfaut de statis-tiques rgionales, nous estimons sur la base des ratiosdgags par les enqutes de lOrganisation Mondiale duTourisme et du B.I.T que le nombre demplois directsdans le tourisme saharien serait de 20.000 et que celuides emplois indirects atteindrait 100.000, spcialementdans les secteurs du transport, de lartisanat, de lagri-culture et des services.

    Nouveaux clients, nouveaux marchs et services, nou-velles destinations, nouveaux modes dinformation etde distribution, concernent tous les oprateurs touris-tiques - grands oprateurs, mais aussi PME et TPE -pour peu quils sachent saisir les opportunits.

    En effet : La croissance du secteur du tourisme sera considrabledans les dix prochaines annes; Les nouvelles clientles sont demandeuses de nouveauxproduits bass sur le souci de lthique et delenvironnement, de la qualit et de lauthenticit, de larencontre avec lautre et du partage, le souci de prserverlenvironnement pour les gnrations futures;

    Lenvironnement, les ressources naturelles prennisentlactivit touristique et inversement, un tourisme bienpens, intgr son environnement, prennise lesressources sur lesquelles est fonde son activit ; Dans un monde de plus en plus urbanis o le progrsest synonyme de rapidit et de vitesse, o les modes de vietendent se ressembler et les cultures shomogniser,pour le choix des vacances, le visiteur est aussi larecherche dauthenticit, de dpaysement, dchangesinterculturels et de produits du terroir.

    Estimation(2) des emplois crs pourune randonne chamelire de 8 joursvers Djanet (Essendil ne) avec ungroupe de 8 touristes.

    Les emplois directs crs sont : Un accompagnateur Franais pour 8 jours Un guide local pour 8 jours Un cuisinier pour 8 jours Un chef chamelier pour 8 jours 2 chameliers (12 chameaux) 2 chauffeurs-guides et leur vhicule pour 2 jours(transfert aroport point de dpart aller et retour)

    Note : la location de chameaux intervient en gnralauprs du mme groupe familial do sont originairesles chameliers.En effet, ils ne sont pas eux-mmes tou-jours propritaires. Cela permet une large distributiondes sommes dargent gnres par le tourisme.

    Les emplois indirects sont : Personnels permanents ou saisonniers durceptif : chef agence, secrtaire, logicien, mca-nicien, gardien, etc. Le personnel du lieu dhbergement : cuisiniers,personnels dentretien, serveurs, gardiens, rcep-tionniste, etc. Artisans et commerants de souvenirs Personnels des corps de mtiers suivants : bou-cher, picier, garagiste, etc.

    Il est trs difficile de quantifier ce que gnre letourisme pour tous ces mtiers. Il est faciledimaginer les consquences positives de laconsommation gnre par le tourisme. Lorsqueles approvisionnements sont difficiles , il ne fautpas sous-estimer les consquences ngatives dutourisme,comme par exemple laugmentation ducot de la vie pour les populations locales ou lararfaction des produits de premire ncessit.

    (1) chiffres de lOMT(2) source : M. C. Leservoisier, Consultant UNESCO, voir annexe 6 pour une prsentation budgtaire dtaille

  • Le tourisme, ce secteur transversal toutes les autresactivits conomiques, cologiques, agricoles, cultu-relles, sociales, doit faire preuve dans les prochainesannes dinnovation et dimagination afin de rpondre cette demande croissante.

    Pour lAfrique en gnral, et le Sahara en particulier, ilpeut aussi constituer un levier pour contribuer impul-ser le dveloppement et la lutte contre la pauvret, auprofit des populations victimes des diffrentes formesdexclusion et de marginalisation.

    Il sagit alors didentifier et dvaluer les facteurs quivont influencer le march touristique, les nouveauxproduits, les nouveaux segments de clientles, leur envi-ronnement, les nouveaux modes de financement, et dedcrire les grandes volutions possibles des principauxsecteurs du tourisme saharien et des nouvelles nichesde marchs lhorizon 2010- 2020.

    Quels seront les types demplois et dinvestissementsdans les annes 2010-2020 ? Quels seront les terri-toires les plus attractifs ? Quel sera limpact des nou-velles technologies de linformation et de la communi-cation sur la mise en futur de loffre saharienne et deses produits ? Comment accompagner les populationsles plus dfavorises dans cette dmarche ? Quelles ini-tiatives et stratgies gagnantes faut-il mettre en uvre?

    Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que cest parfoisdans des situations aggraves de malnutrition et demaladie que le tourisme au Sahara interviendra. Penscomme contribution la lutte contre la pauvret, lex-trme pauvret et lexclusion, il ne doit pas conduire rtablir des situations passes - notamment celles mar-ques par des relations serviles au sein des commu-nauts - mais aider rtablir des dignits, et consoliderles possibilits dun dveloppement durable. Ce faisant,il sera confront des contradictions locales issues dela double ncessit de prserver des cultures et desspcificits dune part, et de rpondre aux aspirationsde dmocratie et dgalit, dautre part.

    Le tourisme, comme facteur de dcouverte des cul-tures et des paysages du Sahara, a cette double missionde contribuer lutter contre les prcarits matrielleset de valoriser - y c