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Mémoire de #n d’études - 2009/2010 -
Master 2 Espaces, Société, Environnement Université de Poitiers, UFR SHA, Département Géographie
Maxime PASSERAULT
Soutenu en Septembre 2010
La Trame verte et bleue :Analyse du concept et réflexions méthodologiques
pour sa traduction dans le
Schéma Régional de Cohérence Ecologique
Sous la direction de Arnaud PIEL,chef de département NPT
DREAL Franche-Comté
« Aucun problème ne peut être résolu sans changer l’état d’esprit qui l’a
engendré »
Conseil National du Développement Durable – Première contribution (avril 2003) – Publiée le
5 mai 2003
Sommaire
INTRODUCTION GENERALE ......................................................................................................................... 1
CHAPITRE I UN CONTEXTE FAVORABLE A UN VIRAGE DE LA POLITIQUE DE CONSERVATION ................................................................................................................................................ 7
INTRODUCTION : ..................................................................................................................................................... 9
I- BIODIVERSITE MENACEE : UN CONSTAT PARTAGE ......................................................................................................... 9
II- UN VIRAGE POLITIQUE NECESSAIRE ........................................................................................................................ 18
CONCLUSION : ...................................................................................................................................................... 28
CHAPITRE II LA TRAME VERTE ET BLEUE EN FRANCE : L’OPPORTUNITE D’UN CHANGEMENT DE POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ? ................................................................... 31
INTRODUCTION : ................................................................................................................................................... 33
I- DU CONCEPT DE RESEAU ECOLOGIQUE A LA TRAME VERTE ET BLEUE ............................................................................. 33
II- LA FRANCE EST-ELLE CAPABLE DE SAISIR LE CONTEXTE GLOBAL..................................................................................... 57
III- DES RECOMMANDATIONS QUI DETERMINENT LES AXES DE L'ETUDE ............................................................................. 74
CONCLUSION : ...................................................................................................................................................... 78
CHAPITRE III MISE EN PLACE DE LA TRAME VERTE ET BLEUE EN FRANCHE COMTE......... 81
INTRODUCTION ..................................................................................................................................................... 83
I- LES CONTEXTES EN FRANCHE-COMTE : APPROCHE MULTISCALAIRE ............................................................................... 84
II- QUELQUES PRECONISATIONS POUR L’ELABORATION DU SRCE .................................................................................. 101
III – SCENARII PROSPECTIFS SUR L’ACCEPTATION DU SRCE ........................................................................................... 113
CONCLUSION ...................................................................................................................................................... 120
CONCLUSION GENERALE .......................................................................................................................... 123
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 131
ANNEXES ......................................................................................................................................................... 143
Introduction Générale
Changements globaux et environnement
La société humaine, en particulier en Europe, a connu un profond bouleversement durant le
XIXe siècle au passage d'une société agricole et artisanale vers une société industrielle. En
effet cette révolution est marquée par de formidables progrès scientifiques, un bouleversement
des pratiques agricoles et une transition démographique. Ces changements marquent une
transition dans le développement de la société, avec l'intensification de l’agriculture,
l'exode rural et le développement de l'urbanisme, le développement des moyens de transports
et des infrastructures liées, et le développement de l'industrie et l'augmentation de la
consommation d'énergie. Mais c'est durant la seconde moitié du XXe siècle, avec la seconde
guerre mondiale, que ces phénomènes ont explosé. En un demi-siècle, la population humaine
est passée de 2,5 milliards d'individus en 1950 à plus de 6 milliards en 20001 ; et
parallèlement, la plupart de ses consommations ont été multipliées par 6 (Barbault &
Chevassus-au-Louis, 2004). Ces changements se sont déroulés en synergie avec une évolution
vers une société libérale caractérisée par une économie de marché et une culture du profit
maximal. Cette évolution a nécessairement eu un impact sur l’environnement : en effet, si la
durée de renouvellement d'un écosystème exploité est supérieure à la durée nécessaire au
retour sur investissement, cet écosystème est détruit, étant considéré à usage unique. On se
rend alors compte que « le comportement de père de famille du propriétaire soucieux de
préserver l’écosystème pour ses enfants est l’un des mythes les plus grossiers de l’idéologie
économiste ». (Trommetteur & Weber, 2004)
Tous ces bouleversements sociétaux ont donc entrainé des changements considérables. Tout
d'abord au niveau de l'occupation du sol avec en particulier une homogénéisation et une
fragmentation des milieux ; ensuite, au niveau de la qualité globale des écosystèmes avec
l'émission de pollutions multiples. L'ensemble de ces changements induits dans la dynamique
de la biosphère, directement ou non par les activités humaines sont appelés les changements
globaux.
1 Source : United Nation Population Division
2
Ces changements globaux auxquels on assiste depuis un siècle n'ont donc pas été sans
conséquences pour l'environnement. Le développement de l'industrialisation et de la
consommation d'énergie a entrainé diverses pollutions et a en particulier accru l'effet de serre
lançant la planète dans un processus, en partie autoalimenté, de réchauffement climatique. De
plus, avec le développement des activités humaines, comme l'exploitation de matière première
(sylviculture, pêcherie...), l'agriculture, l'urbanisation et le développement des infrastructures
linéaires de transport, l'homme a considérablement modifié l'occupation du sol. On estime
entre 1/3 et 1/2 la surface terrestre modifiée par ce dernier (Vitousek et al., 1997). Or, la
modification d'occupation du sol représenterait la première cause de perte de biodiversité
(Abbadie & Lateltin, 2004), mais entrainerait également des modifications dans le
déplacement des sédiments, et participerait aux changements climatiques (Vitousek et al.,
1997).
Or, bien que l’humanité ait régulièrement su s’affranchir du milieu et des conditions
environnementales, son développement et celui des générations futures ne dépend pas
seulement des agrosystèmes, dont nous tirons notre subsistance, mais bien de l’ensemble des
écosystèmes de la planète (Barbault & Chevassus-au-Louis, 2004). Ainsi, lors de la
convention internationale de Johannesburg en 2002, ou déjà à Rio 10 ans plus tôt, il a été mis
en avant que le développement économique et social de l’humanité dépend de la santé à
long terme de l’environnement.
L'inquiétude pour la dégradation de l'environnement fut tout d'abord une affaire de
scientifique. La dénonciation de l’importance des effets de l’activité humaine sur
l’environnement tels que les disparitions d'espèces ou les changements climatiques par
quelques environnementalistes a ensuite progressivement trouvé écho auprès de multiples
acteurs aux intérêts les plus divers. Parallèlement à ces problématiques scientifiques, on
assiste à une forte médiation des problèmes environnementaux en particulier de l'érosion de la
biodiversité. Portées par quelques associations et des partis politiques se constituant autour de
ces thématiques, on assiste peu à peu à une diffusion de plus en plus globale de ces
problématiques environnementales qui envahissent le champ politique. Malgré une prise
de conscience des instances internationales, le relais se fait difficilement jusqu’aux échelles de
la mise en œuvre de politiques concrètes. Ce relais ne peut se faire que si l’on perçoit
l’ampleur des enjeux. Et l’histoire montre qu’ils ont été très longtemps sous-estimés. Les
3
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
premières politiques engagées, de protections ponctuelles face à un phénomène global,
s’avèrent inefficaces malgré plusieurs conventions internationales qui ont tenté de faire
prendre conscience de l’urgence et des enjeux. Sans politiques de grande ampleur ou avec
beaucoup de moyens, les actions menées restent dérisoires à la mesure des enjeux, de sorte
qu’aujourd’hui la situation est devenue préoccupante, toutes les évaluations récentes faisant
état d'une très grande érosion de la biodiversité (Teyssèdre, 2004).
Pour tenter de faire prendre conscience de l’importance des ces enjeux de biodiversité
énoncés en 2002 lors du sommet de Johannesburg, l'Organisation des Nations Unies déclare
en 2006 que 2010 serait ‘Année internationale de la biodiversité’. L’objectif est de faire
prendre conscience que la biodiversité est l’objet d’enjeux très importants pour le bien-être
des sociétés humaines. C’est un réservoir de ressources essentielles à la fois alimentaires,
pharmaceutiques, de matières premières. La grande majorité de ces ressources ne sont
renouvelables qu’à condition d’être exploitées de manière durable et adaptée. (Barbault &
Chevassus-au-Louis, 2004)
La biodiversité menacée
Beaucoup d’espèces, y compris les plus communes, voient leurs effectifs décroître d’année en
année, leur aire géographique se restreindre et risquent ainsi de disparaitre. On constate la
disparition d’une riche diversité de variétés de plantes et d’animaux, y compris domestiques,
ce phénomène étant global. Toute la communauté scientifique s’accorde à dire qu'aujourd’hui,
le taux d’extinction des espèces est entre 100 et 1000 fois supérieur au taux naturel, qu’il est
en grande partie le fait des activités humaines, et qu’il continue d’augmenter (May et al.,
1995 ; Smith et al., 1993 ; Harrison & Pearce, 2000). Ainsi, nous pourrions être au début de
la 6ème crise d’extinction massive de l’Histoire de la Terre (Leakey & Lewin, 1996). Cette
érosion de la biodiversité serait en premier lieu causé (Barbault & Chevassus-au-Louis, 2004)
par les changements d’utilisation des sols (Vitousek, 1992 ; Vitousek, 1994), par l’agriculture,
la sylviculture et les infrastructures de transport qui dégradent, fragmentent ou détruisent les
habitats naturels, mais également par les pollutions diverses, les invasions biologiques ou la
surexploitation. Une autre cause indirecte de cette érosion, liée au développement des
activités humaines, le réchauffement climatique, selon certains scénarios menacerait
d’extinction entre 15 et 37 % des espèces d’ici 2050 (Thomas et al., 2004). (Figure 2)
4
Nous sommes face à un phénomène global qui se déroule dans le système complexe
biodiversité/écosystèmes inclus dans la biosphère. Ce système est d’autant plus complexe à
appréhender que nous en sommes partie prenante, et qu’il s’y joue l’avenir de l’Homme et de
ses sociétés et qu’y sont mêlés des enjeux économiques et écologiques. De manière plus
rigoureuse, il serait possible de parler d’un système Biodiversité/Sociétés Humaines dans
lequel interviennent les changements globaux et le fonctionnement des écosystèmes (Figure
1).
Figure 1 : schéma des interrelations au sein du système biodiversité et société humaine.
Une nouvelle réponse politique: la Trame Verte et Bleue
Malgré les efforts politiques à différentes échelles, mondiale, européenne, nationale et locale,
cette érosion se poursuit. Depuis la fin du XXe siècle, une nouvelle forme de politique
environnementale de conservation qui se veut plus globale a vu le jour : celle des réseaux
écologiques. Suite à des initiatives ponctuelles locales et nationales, cette politique c'est
déclinée au niveau paneuropéen. En France, cette politique est portée par le Grenelle
5
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Environnement et porte le nom de Trame Verte et Bleue (TVB). Sa mise en place à l'échelle
régionale est en cours ; elle est prévue pour fin 2012 par la co-élaboration Etat-Région du
Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE). Cette politique voit le jour dans un
contexte de développement durable, de cohérence politique et spatiale, de concertation et
démarche participative. Après les échecs des politiques environnementales précédentes, il est
intéressant de voir comment cette nouvelle politique est mise en place et comment ce nouveau
contexte peut aider sa réussite.
Pour réaliser cette étude, la région Franche-Comté semble être un bon objet d'analyse pour de
multiples raisons. Tout d'abord, par sa situation géographique frontalière avec un autre pays
(la Suisse) qui permettra d'aborder la question de la cohérence transfrontalière, et avec des
régions limitrophes qui sont à des niveaux d'avancements différents pour la réalisation de
cette politique. De plus, en Franche-Comté la réflexion sur le thème de réseau écologique est
déjà avancée par la réalisation de divers travaux de diagnostics par l'ancienne DIREN.
Aujourd'hui par fusion de différents services déconcentrés de l’Etat, la DIrection Régionale de
l'ENvironnement (DIREN) est devenue la Direction Régionale de l'Environnement, de
l'Aménagement et du Logement (DREAL). Ces réflexions sont donc reprises au sein de la
DREAL qui doit élaborer avec la Région le Schéma Régional de Cohérence Ecologique
(SRCE). Les réflexions qui nourrissent ce mémoire sont réalisées dans ce contexte de mise en
place du SRCE par la DREAL. Leur attente était que je dégage des orientations
méthodologiques pour guider la réalisation concertée du SRCE avec une importance
pressentie pour la concertation et l'association des acteurs sur ce dossier complexe.
Ce travail s’appuie sur une double analyse. La première s’attache à analyser le contexte à la
fois social, politique et scientifique dans lequel apparait le concept de Trame Verte et Bleue,
afin de repérer dans ce contexte les gages éventuels de réussite, les potentiels risques d’échec
de cette stratégie nouvelle de protection. La seconde analyse, enrichie par la première, nous
amène à traiter de l’opérationnalisation de la politique de la Trame Verte et Bleue, à travers
l’élaboration du Schéma Régional de Cohérence Ecologique en Franche-Comté. Notre
objectif est de fournir un ensemble de réflexions méthodologiques, permettant de faire de cet
outil un document d’aménagement du territoire pertinent, partagé, et efficace pour préserver la
biodiversité.
6
Ce mémoire va donc s'intéresser dans une première partie au contexte à la fois politique et
environnemental de la mise en place d’une nouvelle politique de conservation de la
biodiversité et aux enjeux de la mise en place de cette nouvelle politique. Le début de ce
travail consiste en une définition du concept de biodiversité qui peut s’avérer polysémique
suivant que l’on soit scientifique ou non expert. Mais nous verrons que malgré des définitions
sensiblement différentes, ces visions se rejoignent sur la situation actuelle, les enjeux et les
causes de son érosion. Après un rapide aperçu international des différentes politiques menées
au cours de l’histoire de la conservation, nous verrons pourquoi une nouvelle vision de la
politique de conservation est nécessaire et quel est le contexte de naissance de cette nouvelle
vision.
Dans une seconde partie nous verrons pourquoi la politique de TVB est une opportunité pour
la France pour réaliser ce changement. Ainsi, après avoir détaillé ce qu’est la politique de
TVB, nous verrons sur quelles bases écologiques et sociopolitiques la France peut engager ce
changement. Quelques points clés qui auront alors été identifiés à l'aide du contexte global
seront discutés à la vue de la mise en œuvre de ce virage politique.
Dans la troisième et dernière partie, nous verrons comment cette politique, qui doit se mettre
en place à l’échelle de chaque région, va l’être en région Franche-Comté. Cette partie va
s’appuyer sur un travail de dialogue entre les échelles, plus porche du terrain, avec un aperçu
du contexte à la fois spatial et temporel, la rencontre de divers acteurs, la participation à des
événements d’information et d’échanges. Avec le travail réalisé, quelques questions clés et
enjeux lors de la mise en œuvre sont identifiés et discutés, permettant de déboucher sur des
propositions d’orientations méthodologiques pour la mise en place du SRCE. Nous verrons
ensuite que la manière dont le SRCE va être mis en place et accepté par les acteurs est
primordiale pour son application.
7
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Chapitre I
Un contexte favorable à un virage
de la politique de conservation
8
9
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Introduction :
L’état de la biodiversité est aujourd’hui très alarmant. Toutes les études concordent et
dénoncent une érosion de plus en plus rapide de cette dernière au point de parler de 6ème
crise massive d’extinction. Malgré des perceptions différentes de ce qu’est la biodiversité,
tout le monde (scientifiques et non-experts), s’accorde sur le constat et les causes de cette
érosion. La naissance du concept de biodiversité dans les champs de la société est marquée
par une rupture au sein de chacun d’eux, les conduisant vers une considération globalisante de
la diversité du vivant. La première, touchant l’approche scientifique de la diversité du vivant
et la seconde touchant le cadrage socio-économique et politique (Barbault & Chevassus-au-
Louis, 2004). Un second constat sur lequel les gens s’accordent, c’est le bilan plutôt négatif
des politiques passés pour lutter contre cette érosion. On assiste toutefois actuellement à une
nouvelle vision de la politique environnementale qui risque de bouleverser les futures
décisions politiques.
I- Biodiversité menacée : un constat partagé
1 – biodiversité - définition
Le terme « biodiversité » est une contraction de l'expression « Diversité Biologique ». Cette
expression aurait été utilisée pour la première fois en 1980 par le biologiste américain Thomas
Lovejoy. D’après Burel et Baudry (1999), l'une des définitions les plus largement citée est
celle du US Congress Office of Technology Assessment de 1987 : « la diversité biologique
représente la variété et la variabilité des organismes vivants et des systèmes dans lesquels ils
se développent. La diversité peut être définie comme le nombre et la relative abondance des
éléments considérés. Les composants de la diversité biologiques sont organisés en plusieurs
niveaux, depuis les écosystèmes jusqu'aux structures chimiques qui sont les bases
moléculaires de l’hérédité. Ce terme englobe donc les écosystèmes, les espèces, les gènes, et
leur abondance relative. » (Burel & Baudry, 1999)
Le néologisme « Biodiversité » quant à lui aurait été utilisé pour la première fois par Walter
G. Rosen à l'occasion du National Forum on Biological Diversity (Etats-Unis) de 1986. Ce
néologisme donnera d'ailleurs le titre du compte rendu de ce forum rédigé en 1988 par
Edward Osborne Wilson (Aubertin et al., 1998). C'est sa première apparition dans une
10
publication.
Il fait son apparition dans les dictionnaires dès le début des années 1990. Cependant, il ne sera
pas encore beaucoup utilisé. Pour preuve, en 1992 lors du Sommet de la Terre de Rio de
Janeiro, le terme utilisé est « Diversité biologique ». La définition qui en est faite est parmi
les plus acceptées par le public le plus large : « La variabilité des organismes vivants de toute
origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes
aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au
sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. » (ONU, 1993).
En France, la Commission générale de terminologie et de néologie a ajouté le terme de
biodiversité au Vocabulaire de l'environnement du Journal officiel le 12 avril 2009 :
« biodiversité, n.f. : diversité des organismes vivants, qui s'apprécie en considérant la
diversité des espèces, celle des gènes au sein de chaque espèce, ainsi que l'organisation et la
répartition des écosystèmes. »
Ainsi, nous pouvons retenir de ces différentes définitions que la biodiversité correspond à la
diversité biologique à la fois des micro-organismes, des plantes et animaux, terrestres ou
aquatiques et qu'il est possible d’identifier 3 niveaux d'organisation :
- Diversité des gènes, indispensable au maintien d'une population d'une espèce.
- Diversité des espèces.
- Diversité des écosystèmes.
2- La biodiversité dans le champ scientifique
La diversité est reconnue depuis longtemps comme une caractéristique du vivant. L'une des
propriétés fondamentales du vivant est la diversification continuelle de ses composants. Celle-
ci se fait selon des processus de mutation et sélection naturelle pouvant conduire aux
processus de spéciation, évolution, extinction. La théorie de la sélection naturelle développée
par Charles Darwin renvoie au dialogue permanent entre les variants génétiques d'une même
espèce et les variations de l'environnement. Ainsi, un individu présentant une mutation
avantageuse (obtenue de manière aléatoire) par rapport à son environnement va avoir plus de
chance de se reproduire. Ce caractère étant héréditaire, la fréquence de cette mutation va
augmenter, pouvant se généraliser à toute la population. C'est le principe de l'évolution par
sélection naturelle. Ces théories évolutionnistes sous-entendent que l'environnement fluctue et
exerce une pression de sélection sur les espèces ou les variants génétiques d'une espèce. Ainsi,
plus la population est grande, plus la variabilité génétique entre ces individus est grande et
11
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
plus la probabilité de voir apparaître une mutation avantageuse est grande. La capacité
d'évolution en est alors plus grande.
Bien que la diversité biologique soit un fait accepté de la communauté scientifique, la
naissance du concept de biodiversité marque une rupture dans la manière de penser des
scientifiques. En effet, les différentes branches de la recherche, en fonction de leur spécialité,
n'en considéraient qu'une petite partie. Par exemple, systématiciens, écologues et
paléontologues ne s'intéressaient guère à la variabilité génétique, et la diversité des espèces ne
faisait pas partie des préoccupations des généticiens. Ainsi, les écologues qui ont commencé à
aborder, dès la fin du XIXème siècle, la diversité des espèces et ses relations avec le contexte
écologique ne s’intéressèrent pas immédiatement à la variabilité génétique sous-jacente.
Aujourd'hui les recherches considèrent la diversité globale, constituée par la diversité
génétique, la diversité des espèces et la diversité écologique, et traitent de leurs interactions, à
toutes les échelles (Barbault & Chevassus-au-Louis, 2004).
3- La biodiversité dans le champs politique et social : une vision des services
rendus
3.1 – Construction sociale
La seconde rupture qui fait suite à celle observée dans le champ scientifique, est encore plus
marquante et elle finit par orienter l’évolution de la première rupture. Elle est à l’origine de la
Convention internationale de Rio de 1992 (ONU, 1993). Elle fait de la biodiversité non plus
seulement un objet d'études scientifiques ou un simple constat biologique (ce qui est le cas
lorsque l'on parle de diversité biologique) mais un concept approprié par la société, ce qui
lui confère des dimensions sociales, économiques, politiques et culturelles. On passe d'un
questionnement scientifique issu des théories de l'évolution à des enjeux géopolitiques et
industriels : patrimoine commun de l'humanité, souveraineté des états sur leurs ressources,
dépôt de brevet sur le vivant, manipulation génétique, principe de précaution... (Aubertin et
al., 1998). On rejoint y compris les champs de la philosophie et de l'éthique. On parle alors de
« construction sociale de la question de la biodiversité » (Aubertin et al., 1998). Lors de cette
convention de Rio en 1992, de nombreux enjeux s’opposent mais les différentes visions
doivent trouver un terrain d'entente. Ce Sommet de la Terre constitue donc une étape de la
construction sociale des problèmes environnementaux (Aubertin et al., 1998). La
construction sociale d’un problème environnemental se fait lorsque des pratiques
12
d'utilisation des ressources naturelles entrent en conflit avec des valeurs générales comme la
protection de l'environnement ou la protection de la vie. Le terme de biodiversité nait donc de
la confrontation des impératifs sociaux, économiques et écologiques. Ainsi, on ne se contente
plus de l’analyser mais on en préconise des usages durables et des partages équitables de ses
bénéfices. (Barbault & Chevassus-au-Louis, 2004)
Ce changement de perception et la réalisation d’une convention internationale impose une
uniformisation des représentations et des modes de protections, redéfinissant les rapports
entre l'Homme et la nature, commençant alors à percevoir la nature comme une marchandise.
Ce concept subit un processus de mondialisation (Aubertin et al., 1998). Cependant, ce travail
d’uniformisation des représentations n’est pas aisé. Selon l'échelle envisagée, la biodiversité
renvoie à des conceptions très différentes. Les différences de perceptions sont en effet
majeures : certains la conçoivent à l'échelle de temps de la vie sur terre et dans sa globalité,
d'autres ne l'envisagent qu'à l'échelle de temps court d'un projet de développement et ne
perçoivent que la partie du vivant qui peut être utilisée de manière rentable (Aubertin et al.,
1998).
La difficulté pour la société de trouver sa place vient aussi du fait que la diversification
biologique est intimement liée à la diversification des sociétés humaines par le façonnement
des paysages (Aubertin et al., 1998).
3.2 – Vision utilitariste des services rendus
La perte de biodiversité a des effets néfastes sur plusieurs aspects du bien-être humain, tels
que la sécurité alimentaire, la vulnérabilité face aux catastrophes naturelles, la sécurité
énergétique et l’accès à l’eau propre et aux matières premières. Elle touche également la
santé, mais aussi des aspects sociaux tels que la liberté de choix et les relations sociales dans
les populations les plus dépendantes de leur écosystème. (MEA, 2005)
Deux faits sont en effet avérés et montrent à quel point la biodiversité est bien un facteur
important de contrôle de la productivité primaire. Le premier est qu’une richesse spécifique
élevée procure à l’écosystème une capacité tampon vis-à-vis des variations de
l’environnement physique et biologique et, par conséquent, une certaine stabilité de son
fonctionnement face aux risques environnementaux. Le deuxième point de consensus est qu’il
existe une relation positive entre richesse spécifique et performance de l’écosystème, en terme
de productivité par exemple (Abbadie & Lateltin, 2004).
13
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
La perception utilitariste s’est donc progressivement imposée dans les approches de
préservation de la biodiversité. Par exemple la motivation pour la préservation de
l'écosystème forestier tropical n’est pas tant pour son intérêt en biodiversité en soi (vision
affective et éthique) mais pour son inestimable ressource génétique, pharmaceutique, en
matière première, etc. (Aubertin et al., 1998) ; pour exemple, il est possible de se reporter à
l’annexe 1 où sont listés pour exemple les services rendus par les zones humides.
De plus, les économistes théoriciens s’intéressant au problème ont appuyé cette vision. En
économie, on distingue deux types de biens : les biens économiques (rares et appropriables
entrainant des échanges marchands) et les biens gratuits (libres, abondants et disponibles pour
tous). Ainsi pour les économistes un problème environnemental tel que celui de la biodiversité
est du au passage de certains biens de la seconde vers la première catégorie. En l'absence de
règle, les intérêts individuels entrent en conflit avec les intérêts collectifs amenant la
surexploitation. La solution est de définir des droits de propriétés. Cela revient à un processus
de marchandisation du vivant comme solution au problème. (Aubertin et al., 1998)
Cette question de la valeur des choses a très tôt posé question. Adam Smith2 illustre cette
interrogation avec le paradoxe de l'eau et du diamant : « Il n'y a rien de plus utile que l'eau,
mais elle ne peut presque rien acheter […]. Un diamant, au contraire, n'a presque aucune
valeur quant à l'usage, mais on trouvera fréquemment à l'échanger contre une très grande
quantité d'autres marchandises.» Adam Smith soutient ainsi l'idée que la valeur d'un bien est
déterminée par la quantité de travail à fournir pour produire ce dernier. Ainsi, tout ce qui est
très utile ne suscite pas une très forte valeur (l'eau par exemple) et tout ce qui a une très forte
valeur n'est pas forcément très utile (comme un diamant). Cette phrase permet d'illustrer deux
challenges auxquels la société doit faire face : définir ce qu'est « la nature de la valeur » et
définir ce qu'est « la valeur de la nature ». Ce manque d'évaluation est une cause sous-jacente
aux dégradations observées aujourd'hui. (Communauté Européenne, 2008)
Des d’études et programmes d'évaluation sont alors lancés, visant à évaluer les services
rendus par les écosystèmes ou à leur donner une valeur. C'est le cas par exemple du
Millenium Ecosystem Assessment (2005) une étude mondiale lancée en 2000 et dans le
prolongement celui du The Economics of Ecosystems and Biodiversity (CE, 2008) en 2007.
(Encadré 1)
2 Dans l’ouvrage Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776.
14
Encadré 1 :
Millennium Ecosystem Assessment, 2005. Ecosystems and Human Well-being: Synthesis. Island Press,
Washington, DC.
Le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a lancé en 2000 une étude scientifique exhaustive, l’Evaluation
des écosystèmes pour le millénaire. C'est un programme de travail international conçu pour répondre aux
besoins des décideurs et du public en matière d’information scientifique relative aux conséquences des
changements que subissent les écosystèmes pour le bien-être humain ainsi qu’aux possibilités de réagir à
ces changements.
The Economics of Ecosystems and Biodiversity (Communauté Européenne, 2008)
Initiée lors du G8+5 de Heiligendamm en 2007, cette étude a pour but de promouvoir une meilleure
compréhension de la véritable valeur économique des services rendu par les écosystèmes et d'offrir ainsi des
outils pour prendre en compte cette valeur. La finalité de ce travail est de contribuer à développer des
politiques de protection plus efficaces et pour contribuer aux objectifs de la Convention sur la Diversité
Biologique de Rio (1992).
4- Les éléments du constat
4.1 – Une crise d'extinction majeure
Le processus d’extinction est un processus naturel et omniprésent. C’est un des fondamentaux
de la théorie de l’évolution. Les mesures du taux d’extinction sont souvent des estimations au
vu de notre connaissance des groupes systématiques considérés. Mais les valeurs les plus
fiables, obtenues pour les taxons les mieux connus et les mieux suivis comme les plantes et
les vertébrés révèlent un taux actuel d’extinction entre 50 et 560 fois supérieur au taux attendu
pour une biodiversité stable (Teyssèdre, 2004). Les valeurs calculées pour les autres groupes
moins connus (les insectes, etc.), sont par conséquent des estimations moins « vraies », mais
elles-aussi sont toutes supérieures à ce taux attendu (Teyssèdre, 2004). De manière globale le
MEA (MEA, 2005) estime que le rythme d'extinction, accéléré par les activités humaines, est
au moins 100 fois supérieur au rythme naturel. Jenkins et al. (2002) (dans Teyssèdre, 2004)
ont estimé à 15, 35 et 51% les nombres de populations de vertébrés respectivement forestiers,
marins et d’eau douce disparues depuis 30 ans à l’échelle mondiale. (Teyssèdre, 2004)
Toutes les estimations convergent. Le déclin important de la biodiversité mondiale ne fait
ainsi plus de doute. Or, un processus d’extinction n’est pas un phénomène instantané. Il fait
suite à une phase de déclin plus ou moins longue. Les extinctions actuelles témoignent donc
des impacts passés sur les écosystèmes. Or, les plus importants changements se sont déroulés
ces 50 dernières années (MEA, 2005). C'est pour cela que l'on constate que le déclin de la
15
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
biodiversité ne cesse de s'accélérer. Il s'est encore accru de 2005 à 2008 d'après le TEEB
report (CE, 2008). Aujourd'hui, on parle de perte substantielle et largement irréversible
de la diversité de la vie sur terre. (MEA, 2005)
Le problème de la biodiversité va bien au delà de la disparition des espèces. On l'a vu
précédemment, cela préoccupe l'humanité car l'érosion de la biodiversité menace le bon
fonctionnement des écosystèmes et par là même, l'existence même des services rendus
indispensables dont nos sociétés dépendent (Figure 1). Il existe une multitude de chiffres
alarmants : par exemple, dans les 300 dernières années, la superficie globale forestière a
diminuée d'approximativement 40%3, et depuis 1900 le monde a perdu à peu près 50% de ses
zones humides4. Ces tendances de modifications et dégradations de l'environnement font
que 60% des services examinés par le MEA (2005) ont été dégradés dans les 50 dernières
années. Le bien être de toute population humaine est fondamentalement et directement
dépendant des services des écosystèmes, et le niveau des bénéfices tirés de l'environnement a
chuté ces 50 derrières années de manière comparable à la diminution de la biodiversité (CE,
2007). Les modifications des écosystèmes augmentent par ailleurs la probabilité de
changements non linéaires (phénomène d'emballement, de changement brusque et
irréversible) dans les écosystèmes. On constate par exemple l'apparition de nouvelles
maladies, une dégradation de la qualité de l'eau, des zones marines sans vie, l'effondrement
des stocks de poissons, le décalage de régions climatiques, etc. Tous ces changements ont
donc des conséquences importantes sur le bien-être humain. (CE, 2007)
4.2 - Une érosion de la biodiversité principalement d’origine anthropique
Dans la Convention sur la Diversité Biologique de Rio de Janeiro (1992), la fragmentation des
habitats est reconnue explicitement comme une menace majeure pour la biodiversité,
davantage encore que la destruction ou l'altération directe des habitats par les activités
humaines. Avec l'expansion urbaine, le développement des infrastructures linéaires de
transport, les changements de pratiques agricoles, on assiste à une artificialisation des sols à
grande échelle fragmentant et morcelant les habitats naturels. Lorsqu'un habitat devient trop
fragmenté, le phénomène de morcellement lui-même peut conduire à sa disparition. Cette
3 Source : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
4 Source : Moser et al., 1996
16
fragmentation isole et fragilise l'habitat et les populations d'espèces qui y vivent. Il devient
plus vulnérable aux pressions extérieures. Par son morcellement et la diminution de sa
surface, la proportion des espèces généralistes de lisière augmente au dépend des espèces
spécialistes. On assiste alors à une baisse de la diversité spécifique (Figure 2). (IFEN, 2006)
Figure 2 : Les impacts des activités humaines sur l'environnement et sur le processus d'érosion de la
biodiversité. (Pour des raisons de visibilité, les rétroactions ne sont pas indiquées)
4.3 - Un défaut de connaissance qui ne facilite pas la prise de décision
La question actuelle de la biodiversité se trouve donc au cœur d'un système complexe incluant
la société humaine, le fonctionnement des écosystèmes et les changements globaux, un
système dont tous les éléments interagissent (Figure 1). Comprendre la dynamique de ce
système, les processus naturels, l'effet de causalité à la fois direct et indirect, identifier les
enjeux économiques et écologiques, constituent un réel défi.
Face à toutes ces questions, notre niveau de connaissance est très insuffisant (Barbault &
Chevassus-au-Louis, 2004). Si le concept de biodiversité est assez connu, ce qui la compose
l’est en revanche beaucoup moins. La prise de conscience du problème de l’érosion de la
biodiversité s'est faite parallèlement à d’importants progrès dans l'acquisition de
connaissances. Mais avec les nouvelles découvertes, il a également été soulevé une multitude
17
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
de nouvelles questions. L’ampleur du travail restant à accomplir, en termes d’inventaire et de
compréhension de la biodiversité, apparaît aujourd’hui beaucoup plus considérable que dans
les années 1980 (Chevassus-au-Louis et al., 2004). Ce qui illustre tout à fait ce propos est le
gouffre qu’il existe entre le nombre d’espèces connues qui est approximativement de 1,7
million, et le nombre de 30 millions (fourchette de 5 à 100 millions) qui resteraient à
découvrir (Barbault & Chevassus-au-Louis, 2004). Par exemple, on estime à 1 million le
nombre d’espèces d’insectes connues sur 8 à 15 millions d’espèces au total et 70 000 espèces
de champignons sur peut-être 2 millions (Teyssèdre, 2004).
De même, nos connaissances en systématique, bien avancées pour des taxons comme les
vertébrés, montrent leurs limites quand on s’intéresse aux bactéries ou aux virus. Il devient
alors difficile de parler de nombre d’espèces. De plus, parmi les espèces bien identifiées,
celles dont l’écologie est bien connue ne sont pas nombreuses. Devant un tel défaut de
connaissance de la diversité du vivant, comment approcher la complexité des
dynamiques du système abordée précédemment et évaluer alors le rôle ou la place dans
l’écosystème des différents composants de cette diversité ? (Barbault & Chevassus-au-
Louis, 2004)
Cette complexité et notre ignorance rendent difficile le choix d’indicateurs à mesurer ou
incertaines les conclusions des études établissant des corrélations entre les évolutions de
différents paramètres. De plus, les mesures de l’évolution des paramètres identifiées ne
peuvent se faire que sur de longues durées pour mettre en évidence des tendances et
s’affranchir de facteurs aléatoires (CGDD-SOeS, 2010a).
Un adage du monde du management énonce qu'« on ne peut pas gérer ce qu'on ne mesure
pas ». Et le défi actuel auquel nous sommes confrontés est bien celui-ci. Il faut gérer et
préserver cette diversité, celle-là même dont nous avons du mal à en percevoir l’étendue, en
identifier les rôles et en mesurer l’utilité. Or, dans le contexte où les changements globaux se
font de plus en plus rapides, il faut lancer des actions de préservation urgentes. Ce contexte
fait de l’approche séquentielle classique « décrire, comprendre, agir », une démarche
inadaptée pour lutter contre l’érosion de la biodiversité. (Chevassus-au-Louis et al., 2004)
18
II- Un virage politique nécessaire
1- Les débuts de la politique environnementale : pas vraiment adaptés ?
1.1- Les débuts : des aires protégées pour quelques espèces (1853-1992)
L'apparition du phénomène de protection apparaît au sein de l'humanité avec les croyances
philosophiques et religieuses qui donnent aux paysages exceptionnels ou à certaines espèces
une valeur sacrée. C'est en partie ce courant de pensée qui va pousser quelques artistes à
inciter la création d'une zone protégée dans la forêt de Fontainebleau (en France) en 1853.
C'est également dans un objectif de protection d'un paysage remarquable que se crée le
premier parc national, celui de Yellowstone (Etats-Unis).
La mise en place d'aires protégées pour les paysages remarquables est progressivement
remplacée par un objectif de préservation d'espèces menacée. En effet, jusqu'au début des
années 1980 le problème identifié est la disparition d'espèces à grande charge émotive
(baleines, éléphants, pandas, tigres...). Les textes des institutions internationales visent alors
surtout les espèces en voie d'extinction et ont une vision conservationniste. Il se crée alors
l'Union Internationale pour la Protection de la Nature en 1948. En 1971 la convention de
Ramsar sur les zones humides, est principalement destinée à la protection des oiseaux d'eau.
En 1973, la convention de Washington sur le commerce international d'espèces de faune et de
flore sauvages menacées d'extinction (CITES) voit le jour pour empêcher le commerce des
espèces menacées. En 1979, l'Union Européenne décide de créer la directive « Oiseaux » qui
comme son nom l'indique vise la protection des oiseaux. D'après Aubertin et al. (1998), la
Stratégie Mondiale de Conservation de 1980, et le récent Global Biodiversity Assessment de
1995 serait clairement encore dans cette lignée conservationniste. Mais cette vision est quand
même tempérée dans ces documents.
En effet, petit à petit, l'idée qu'il est peu efficace de protéger l'espèce sans protéger
l'écosystème qui l'abrite entre dans les consciences (Aubertin et al., 1998). Avec les
avancées de la recherche scientifique et de la connaissance sur les causes de l'érosion de la
biodiversité, on se préoccupe de plus en plus des habitats, des écosystèmes et de leur
fonctionnement, et on commence à s'interroger sur le modèle de développement de la société.
1.2- biodiversité et développement durable (depuis 1992)
Cette prise de conscience se fait lentement. Bien que l'Union Internationale pour la Protection
de la Nature (1948) en changeant de nom en 1956 pour devenir l'Union Internationale pour la
19
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles (UICN) marque la perception précoce
de ces nouveaux enjeux que sont l’utilisation raisonnée des ressources naturelles pour le
développement de l’Homme, le pas n’est véritablement franchi que bien plus tard avec la
publication de la Stratégie Mondiale de la Conservation en 1980 (Génot & Barbault, 2004).
Ce texte souligne que les problèmes de l'environnement ne peuvent être résolus que par un
effort à long terme et par la conciliation des enjeux environnementaux et du
développement. Ainsi, même si cela paraissait utopique, il est question pour la première fois
de « développement durable », « la seule option rationnelle », « un type de développement qui
prévoit des améliorations réelles de la qualité de la vie des hommes et en même temps
conserve la vitalité et la diversité de la Terre », avec un écho de plus en plus large (UICN et
al., 1980). Ce texte a vu le jour dans un contexte favorable où les questions de
l’environnement et du développement étaient de plus en plus associées. Le débat a été lancé
par le rapport « Halte à la croissance » publié en 1972 par le Club de Rome. Il met en garde
contre les menaces du développement exponentiel sur les systèmes naturels. Ce dernier a
grandement nourri les débats de la conférence de Stockholm (1972) au cours de laquelle nait
le concept d’écodéveloppement, rapidement écarté lors de celle de Cocoyoc (1974). Mais la
pierre est posée.
Par la suite, le Rapport Brundtland de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le
Développement (CMED, 1987) définit le développement durable ou « sustainable
development » comme « un développement qui satisfait les besoins de la génération présente
en préservant pour les générations futures la possibilité de satisfaire les leurs. » et permet sa
large diffusion. Mais c’est quelques années plus tard que ce concept va gagner toutes ses
lettres de noblesse, en 1992 lors de la publication de la « Global Biodiversity Strategy » (WRI
et al., 1992) qui met en exergue l’importance de la sauvegarde des processus écologiques dont
notre survie dépend, mais tout en prêtant attention aux exigences de développement. Une
autre évolution majeure qu’apporte ce texte est dans la conception de la conservation de la
biodiversité. Il ne s’agit plus de protéger des espèces dans des exclos d’activités humaines,
mais de préserver les grands écosystèmes en laissant à l’Homme sa place à condition
qu’il en face bon usage.
Cette nouvelle vision, celle du développement durable, déplace les enjeux de protection de la
biodiversité des espaces de nature sauvage vers les espaces anthropisés tels que les
agrosystèmes, les zones urbanisées. Ce sont dans ces espaces où l’intervention humaine est
très présente que les enjeux de préservation sont primordiaux. On passe donc dans le même
20
temps d’un intérêt pour les espèces rares et exceptionnelles vers des préoccupations pour les
espèces banales, ordinaires. (Chevassus-au-Louis et al., 2004)
Cette association des enjeux économiques, sociaux et environnementaux dans le
développement durable est perçue de 3 manières différentes. En effet, le concept de
développement durable apparaît plus flou et moins exigeant sur le plan de la préservation de
l'environnement que le concept « d’écodéveloppement » qui a d'ailleurs été écarté des textes
internationaux à l'occasion de la conférence de Cocoyoc (1974). La première perception que
l'on retrouve dans les textes officiels marque la prise de conscience que pour être durable, le
développement doit avoir un usage raisonné des ressources naturelles. La seconde pose la
question de l'équité sociale des modes d'exploitation de certaines ressources, écologiquement
viable mais pas équitable en termes de répartition des profits. La troisième, utilise les objectifs
de protection de la nature au service du développement et de la gestion des ressources.
Mais parler de gestion durable de la biodiversité a un tout autre sens que de parler de gestion
durable de ressources non renouvelables comme le pétrole, qui se résume à une gestion
économe. La gestion durable de la biodiversité revient à lui permettre durablement de
s’adapter, et donc d’identifier les processus à préserver ou renforcer pour permettre aux
générations futures de profiter de son évolution. (Chevassus-au-Louis et al., 2004)
D'après Aubertin et al., (1998), le Sommet de Rio de 1992 s'est organisé en fonction des
possibilités techniques et des rapports de forces du monde de l'industrie. Deux grands
mouvements se rencontrent alors, les conservationnistes autour de l'IUCN et les utilitaristes
autour de la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture). D'après
lui, ce n'est pas une grande réconciliation autour du développement durable mais la réduction
au souci commun de préserver le patrimoine génétique. Pour permettre l’essor des
biotechnologies, il faut préserver les matières premières par une exploitation durable. La
conservation de la biodiversité passe au second plan derrière le partage juste et équitable de
l'exploitation des ressources génétiques. La déclaration de Stockholm de 1972 allait déjà dans
ce sens ; et en 1983 la FAO avait déclaré dans son engagement international que les
ressources génétiques étaient patrimoine mondial de l'humanité. Ainsi, les défenseurs de
l'environnement comme les scientifiques font désormais passer la préservation de la
biodiversité par les enjeux de préservation des ressources génétiques (Aubertin et al., 1998).
21
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
1.3- un bilan pas vraiment positif
Les espaces naturels protégés ne répondent pas aux enjeux de biodiversité en termes de
surface. Il suffit pour comprendre cela de comparer la surface en protection réglementaire
(forte ou non) qui représente en 2002 1,8% du territoire métropolitain contre les 24% du
territoire identifiés comme Zones Naturelles d'Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique
(ZNIEFF)5. Dans bien des cas elles sont bien plus restreintes que la surface nécessaire au bon
fonctionnement des écosystèmes, et les espèces à large domaine vital ne peuvent y survivre
(Génot & Barbault, 2004)
De plus, ces espaces protégés représentent une forte attractivité et la sur-fréquentation induit
des impacts sur leur fonctionnement et donc leur efficacité. Ils sont de plus énormément
affectés par les influences extérieures telles que les pollutions (Génot & Barbault, 2004).
La création d'aires protégées dans lesquelles on exclut toute activité socio-économique et où
on implante une gestion « conservatoire » pose des questions d’utilité et de pérennité : en
effet, certaines espèces que l'on cherche à protéger sont liées à des activités humaines comme
par exemple des activités agricoles traditionnelles (Génot & Barbault, 2004).
L'approche espèce, souvent préférée à l'approche écosystème, est critiquée car elle ne
s'intéresse qu'à une infime partie de la diversité, majoritairement des espèces emblématiques
comme les vertébrés, alors que la perte de biodiversité est un phénomène global.
Comme le constate Ramade (1999) dans son livre Le Grand massacre, l'augmentation de la
surface des aires protégées depuis plus d'un siècle, n’a pas empêché le rythme
d'extinction des vertébrés de s'accroitre.
De plus en plus d'exemples montrent la pertinence de l'approche habitat contrairement à celle
des espaces protégés focalisée sur les espèces. En effet, une mise sous cloche de « bouts de
nature » sans changer la façon dont on gère le reste conduit inévitablement à une impasse
quant au règlement du problème de la biodiversité à long terme.
Une question centrale à l'heure actuelle est la fragmentation des habitats. Or, la dispersion
géographique des espaces protégés ne permet pas de répondre à cette problématique.
En synthétisant les résultats de plusieurs études prospectives, Teyssèdre (2004) arrive à la
conclusion que pour éviter une 6ème grande crise d’extinctions, il est urgent de changer de
stratégie de conservation. La préservation de la biodiversité va dépendre, outre la diminution
de nos émissions de CO2, de notre capacité à gérer les espaces anthropisés pour permettre à
bien d’autres espèces que l’Homme d’y prospérer et de se déplacer le long des gradients 5 Source : IFEN 2002 et Ministère de l'Environnement 1996, dans Teyssèdre (2004)
22
climatiques. Il faut parvenir à une exploitation durable des écosystèmes terrestres et marins :
« Un pari difficile, qui implique un changement total des politiques habituelles
d’aménagement des territoires et de conservation, mais que nous devons absolument gagner
pour éviter une crise d’extinctions catastrophique ». (Teyssèdre, 2004)
En 2002, la communauté internationale s’est fixée lors du sommet mondial sur le
développement durable de Johannesburg en 2002 l'objectif de réduire le taux d’érosion de la
biodiversité à l'horizon 2010. L'Union Européenne, s'est fixée quant à elle l'objectif encore
plus ambitieux de la stopper. Mais selon l'Union International pour la Conservation de la
Nature, ces objectifs n'ont pas été atteints.
Les premières politiques qualifiées de « non-utilitaristes » on eu une grande difficulté à
promouvoir la protection de la nature sur de telles bases éthiques. Cela a conduit peu à peu,
vers le milieu du XXème siècle, à l’émergence d’un discours beaucoup plus utilitariste, selon
lequel les services rendus par la nature étaient mis en avant pour justifier la nécessité d’une
protection. Dans cette perspective, l'échec des efforts pour stopper l'érosion de la biodiversité
peut être attribué pour une part à l'échec de la mise en place de marché pour les services et les
biens commun et d'une valeur économique pour la nature sauvage.
Le manque d'information des autorités locales est également souvent à l’origine des atteintes à
la biodiversité, et nombreux sont les projets qui ont contribué à l'érosion de la biodiversité
juste par ignorance. (CE, 2008)
Il faut donc mettre en place une nouvelle stratégie de conservation sur des territoires plus
vastes, même moins fortement protégés, mais dont la gestion est plus écologique. Il faut
envisager une gestion plus globale des espaces et les considérer de manière
multifonctionnelle, que ce soit dans les espaces agricoles ou au cœur même des villes.
Autrement dit, faut changer de vision et cesser de considérer la nature comme ce qui reste
« sauvage » et en dehors des espaces aménagés.
2- Émergence d'une nouvelle vision de la politique environnementale
2.1- Le développement durable : des visions opposées mais qui se
rejoignent dans les faits.
Le développement durable est la confrontation entre enjeux environnementaux et enjeux du
développement. Autour de cette confrontation vont se rencontrer des éthiques différentes qui
répondent à des préoccupations difficilement compatibles (Chevassus-au-Louis et al., 2004 ;
23
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Rosa & Da Silva, 2005). On l'a vu lors du rapide survol de l'histoire, l'éthique des premiers
protecteurs de la nature à la fin du XIXème siècle était esthétique, voire même
théocentrique. Il fallait protéger la nature exceptionnelle, et respecter l'œuvre du « Créateur »
(Chevassus-au-Louis et al., 2004). Ces éthiques étaient très axées sur une perception humaine
très proche de l'anthropocentrisme.
Une seconde vision relativise la place de l'Homme dans la nature parmi les autres espèces et
remet en cause le droit que notre espèce s'est octroyé sur les autres espèces. Cela fonde le
courant biocentrique (tout être vivant à une valeur intrinsèque).
Un troisième mouvement fonde l'hypothèse controversée de Gaïa (du nom de la déesse
grecque de la Terre-Mère) avancée par James Lovelock (1970), qui considère la Terre comme
un être vivant (Lovelock, 1999). On reconnaît ainsi des droits propres à la planète que
l'Homme doit respecter. Il doit y vivre sans lui porter atteinte. C'est le courant écocentrique
(ce sont les écosystèmes, ou la biosphère, qui ont une valeur intrinsèque).
Ces différentes éthiques non-utilitaristes ont éprouvé d'importantes difficultés à promouvoir la
protection de la nature. Mais, à partir du milieu du XIXème siècle, avec l'appropriation par les
économistes du concept de développement durable on assiste à l'émergence d'une éthique de
protection de la nature beaucoup plus utilitariste, axée sur les services rendus et les bénéfices.
Ainsi, la vision des enjeux qui était centrée sur l'environnement est influencée par les éthiques
anthropocentriques du développement. Par le concept de développement durable, plusieurs
visions syncrétiques voient le jour.
La première, l'éco-éthique considère que le respect de la nature passe par les considérations
pour l'Homme actuel envers les générations futures. Deux éthiques se développent autour de
cette vision. L'anthropocentrisme étendu qui prend en compte les intérêts des hommes
actuels et futurs et le catastrophisme éclairé qui préconise d'éviter toute option présentant un
risque pour l'humanité. Ces éthiques sont qualifiées d’anthropocentrisme modéré (« weak
anthropocentrism ») par Rosa & Da Silva (2005). Elles constitueraient le fondement implicite
de la plupart des politiques environnementales.
La seconde vision est l'éthique de la coévolution qui part du principe que l'espèce humaine et
toutes les autres espèces sont en dépendance réciproques. Elle combine alors les approches
bio- et éco-centriques.
24
D'après Rosa & Da Silva (2005), les éthiques de l'anthropocentrisme modéré, du bio- ou éco-
centrisme devraient converger dans la mise en œuvre des mesures de protection de la nature.
En théorie, dans un contexte anthropocentrique, les défenseurs de la nature doivent apporter la
preuve qu'une action va menacer la biodiversité. Les rôles sont inversés dans un contexte bio-
ou éco- -centrique, où les porteurs de projets doivent prouver que leur action ne va porter
aucune atteinte à la biodiversité. Cependant, concrètement, lors de la mise en œuvre d'une
politique ou d'un projet, les deux parties sont amenées à débattre et à amener des éléments de
justification. (Chevassus-au-Louis et al., 2004)
2.2- Natura 2000 : les débuts trop timides d’une vision du réseau
Plusieurs éléments de contexte vont motiver la création du réseau Natura 2000 :
- la dégradation de la biodiversité en majeure partie due à la fragmentation des habitats ;
- l'échec des politiques de conservation créant des aires protégées isolées ;
- la diffusion du concept de développement durable ;
- la diffusion des idées de gestion multifonctionnelle des espaces où sont liés les enjeux
biodiversité et socio-économiques ;
- la prise de conscience de la nécessité d'actions dialoguant entre les échelles et
dépassant les limites administratives ;
- la prise de conscience que la protection pour être efficace ne doit pas être axée que sur
les espèces, mais sur les habitats.
L'Union Européenne impulse, en 1992, la création d'un réseau d’espaces naturels ou semi-
naturels de grande valeur patrimoniale, baptisé Natura 2000. C'est une réponse aux
objectifs fixés lors du Sommet de Rio la même année. Cette création est marquée par la
directive « Habitats, Faune, Flore » (1992). Son réseau se compose de zones spéciales de
conservation (ZSC) et inclut des zones de protection spéciale (ZPS) désignées au titre de la
directive « Oiseaux » (1979 et 2009). Son objectif est de permettre la survie à long terme des
espèces et habitats parmi les plus menacés d’Europe, dits d’intérêt communautaire (CGDD-
SOeS, 2010a), listés en annexes des deux directives. C'est avec cette politique que sur le plan
international commence à se concevoir l'idée d'une politique de « cohérence écologique »
(Art. 10, voir encadré) et d'une stratégie de conservation permettant le déplacement des êtres
vivants. L'article 10 (voir encadré) de la directive européenne 92/43/CEE insiste sur
l'importance de prendre en compte les éléments permettant le déplacement des espèces lors de
la désignation des zones d'intérêt. Cependant, jusqu'à présent l'attention s'est portée sur la
désignation des sites eux-mêmes et beaucoup moins sur la mise en réseau de ces derniers.
25
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Article 10 Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages « Là où ils l'estiment nécessaire, dans le cadre de leurs politiques d'aménagement du territoire et de développement et notamment en vue d'améliorer la cohérence écologique du réseau Natura 2000, les États membres s'efforcent d'encourager la gestion d'éléments du paysage qui revêtent une importance majeure pour la faune et la flore sauvages. Ces éléments sont ceux qui, de par leur structure linéaire et continue (tels que les rivières avec leurs berges ou les systèmes traditionnels de délimitation des champs) ou leur rôle de relais (tels que les étangs ou les petits bois), sont essentiels à la migration, à la distribution géographique et à l'échange génétique d'espèces sauvages. »
2.3- La démocratie environnementale
La Convention d'Aarhus, adoptée le 25 juin 1998 par la Commission Economique pour
l’Europe des Nations Unies (CEE-NU) est le pilier de la démocratie environnementale. Elle
représente le premier instrument international à promouvoir l’accès à l’information, la
participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière
d’environnement. Elle entre en vigueur le 30 octobre 2001. La France quant à elle ratifie la
Convention d'Aarhus le 8 juillet 2002. Elle y entre en vigueur le 6 octobre 2002 (voir loi n°
2002-285 du 28 février 2002 autorisant l’approbation de la Convention d’Aarhus et décret n°
2002-1187 du 12 septembre 2002 portant publication de la Convention d’Aarhus).
Cette convention stipule que toute personne a le droit d’être informée, de s’impliquer dans les
décisions et d’exercer des recours en matière d’environnement. Elle offre ainsi une place aux
citoyens dans les débats environnementaux, synonyme de bonne gouvernance.
Ainsi, la Convention d’Aarhus consacre trois droits fondamentaux pour les citoyens et les
associations qui les représentent :
- l’accès à l’information : lier la démocratie à la transparence administrative. Tout
citoyen sans justification peut demander des informations sur l'environnement auprès
des autorités publiques ;
- la participation au processus décisionnel : d'après le principe 10 de la déclaration de
Rio (1992) : « La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est
d’assurer la participation de tous les citoyens au niveau qui convient. ». Le principe de
participation explique que « le corps social est pleinement associé à l’élaboration de
projets et de décisions publics ayant une incidence sur l’environnement, et dispose
d’une possibilité de recours une fois la décision prise » (Définition de la commission
26
nationale de terminologie et de néologie, vocabulaire de l’environnement, JORF
n°0087 du 12 avril 2009) ;
- l’accès à la justice : ce droit permet de garantir la bonne application des deux piliers
précédents avec l’aide des tribunaux. Il offre ainsi aux citoyens et aux associations qui
les représentent, le droit de faire condamner et réparer les manquements des autorités
publiques en ce qui concerne l’accès à l’information et la participation du public aux
processus décisionnels. Conçu dans un sens large, l’accès à la justice vise également la
possibilité de contester toute violation de la législation environnementale, qu’elle soit
le fait d’une personne publique ou non.
Comme la conservation de la nature repose sur des lois scientifiques échappant au grand
public et à la contingence politique, il existe un risque que les politiques soient orientées par
ces choix objectifs. Bruno Latour (1999), cité dans Chevassus-au-Louis et al. (2004), critique
cette attitude faisant de la science écologique une « révélation […] éclairant l’humanité
plongée dans les ténèbres et lui imposant ses choix ». En effet, la biodiversité est à la croisée
des enjeux, sociaux, économiques, écologiques, et ils doivent pouvoir être examinés dans
toute leur diversité avec le même degré de légitimité. La question de la légitimité d'une
décision, n'est pas une question nouvelle et a longtemps été abordée dans la société par le
problème de la représentativité des acteurs économiques et sociaux.
Mais aujourd'hui, les débats autour de l'environnement posent de nouvelles questions.
Comment assurer la représentation politique de la biodiversité dans les débats de société ?
Quelles instances, pour quels représentants et avec quelle légitimité ? Pour beaucoup, il
revient aux scientifiques de représenter la biodiversité dans le champ social. Bruno Latour
(1999) cité dans Chevassus-au-Louis et al. (2004), insiste sur le fait que cette place ne doit
pas pour autant les rendre incontestables. L'enjeu des débats actuels est de savoir où placer le
curseur entre ce qui est acceptable, ce qui ne l’est pas ou qui nécessite compensation. La
difficulté d'objectivité d'une telle représentation ne peut trouver réponse que dans le
pluralisme des points de vue, et pas seulement le seul regard de l’expert scientifique
(Chevassus-au-Louis et al., 2004)
De fait, avec la démocratisation des enjeux et problèmes environnementaux, de plus en plus
de personnes s'intéressent à ces questions et prennent part aux débats.
27
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
2.4- La biodiversité, l'affaire de tous
Avec l'appropriation du terme de biodiversité par le champ social, toutes les questions
rattachées à ce dernier sont également passées dans la société. Une étude récente montre que
le terme de biodiversité est familier à 2/3 des européens (38% en connaissent la signification
et 28% en ont déjà entendu parler sans savoir la définition). Une fois le terme expliqué, plus
de 8 européens sur 10 ressentent la perte de biodiversité comme un problème très sérieux à
large échelle. Cela montre à quel point cette problématique est passée dans le champ social
et est en cours d'appropriation. En effet, ces chiffres augmentent par rapport à 2007.
Cependant, seulement 5% des personnes interrogées se sentent très bien informées et 32%
seulement bien informées. Il y a donc encore un manque d'information et de communication.
Mais malgré cela, les européens s'approprient le problème et se sentent concernés. 70%
déclarent faire personnellement des efforts pour protéger la biodiversité et la moitié d'entre
eux aimerait faire encore plus ! En revanche 28% déclarent ne rien faire, mais parmi-eux,
70% expliquent c'est par ce qu'ils ne savent pas quoi faire. (Gallup Organization, 2010)
Il y a donc un désir d'agir, mais qui est freiné par le manque d'information. Des initiatives
nationales sont lancées pour informer et investir les gens dans la protection de la biodiversité
comme par exemple la création des Observatoires de la biodiversité pour répondre aux
objectifs des convention de Rio (1992), d'Aarhus (1998) et de la directive européenne
2003/98/CE sur les informations du secteur public. Par exemple, en France, le Grenelle
environnement de 2007, en mettant en place un observatoire de la biodiversité s'est fixé pour
objectif de créer des indicateurs de biodiversité permettant une passerelle entre les
scientifiques et le grand public. En effet le concept de science citoyenne ou science
participative, a tendance à se diffuser dans le monde pour permettre des acquisitions de
connaissance sur la biodiversité à grande échelle (Figure 3). Cette ‘citizen science’ est
particulièrement populaire dans les pays anglo-saxons. Par exemple, le Cornell Lab of
Ornithology (New-York) parraine une douzaine de projets d’étude qui s’appuient sur la
participation. En France, cela a aussi tendance à se développer. Tout d'abord au niveau
national avec quelques études regroupées derrière le programme Vigie-Nature du MNHN
comme par exemple l'observatoire des papillons qui associe chacun à l'échelle de son jardin.
Mais il existe aussi diverses initiatives locales comme par exemple en Deux-Sèvres où les
habitants sont invités à participer au suivi des hirondelles en comptant le nombre de nids
présents chez eux.
28
Figure 3 : les relations entre les acteurs de la politique environnementale.
Conclusion :
L'apparition du concept de biodiversité modifie la vision de l'homme : il n'est plus considéré
comme un facteur de perturbation anthropique mais comme un acteur de son environnement
(Aubertin et al., 1998). Ainsi, ce bouleversement ne marque plus seulement un
décloisonnement entre les disciplines de la recherche en biologie mais également une
interdisciplinarité avec les sciences sociales et la géographie.
Ces changements ont contribué à ce que, dans tous les champs de la société, on mesure l'échec
des politiques passées. Les nouvelles connaissances scientifiques d’une part, les évaluations
de ces politiques d’autre part, ont permis de faire prendre conscience qu'il fallait réorienter la
politique.
29
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Ces réorientations passent par une orientation prioritaire. Il faut permettre les déplacements
des individus, raisonner sur des aires plus vastes en amenant la nature dans les espaces
anthropisés grâce au développement durable et à une gestion plus globale, multifonctionnelle
et multi-échelle des espaces. En effet, les stratégies de conservation doivent aujourd'hui
s'articuler entre les différentes échelles de la politique environnementale. Aujourd’hui par
exemple, chaque niveau possède un réseau d'aires protégées : Natura 2000 pour l'Europe, les
Réserves Naturelles Nationales au niveau national, les Réserves Naturel Régionales et Parcs
Naturels Régionaux pour les régions, et les espaces naturels sensibles pour les départements
(Génot & Barbault, 2004). Tous ces espaces doivent être considérés dans leur
complémentarité.
Malheureusement, même si aujourd'hui toutes les dispositions étaient prises pour stopper les
changements globaux, les effets des décisions ne se feraient ressentir que dans plusieurs
décennies. En effet, on observe aujourd'hui un processus d'emballement, d'interaction entre la
cause et l'effet, avec des phénomènes de rétro-actions (Trommetteur & Weber, 2004). De plus,
ce sont les effets des changements passés que nous observons et ressentons actuellement. Or
les changements passés sont moins importants que ceux engendré depuis les dernières
décennies, dont nous ressentirons les effets « demain ». Il faut donc prendre conscience de
l'urgence d'une action, mais aussi du fait que les fruits de cette dernière ne se feront ressentir
que bien plus tard.
Malgré tout, le changement est en marche. On perçoit de plus en plus de progrès. Par
exemple, d'après la FAO (The Global Forest Resources Assessment 2010) 16 millions
d'hectares de forêts ont disparu dans les années 1990 contre 13 millions entre les années 2000
et 2010. De même, le Brésil et l'Indonésie qui avaient le plus fort taux de déforestation dans
les années 1990 ont significativement baissé ce taux de perte et développé des programmes
ambitieux de reboisement.
30
31
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Chapitre II
La Trame Verte et Bleue en France :
l’opportunité d’un changement de politique
environnementale ?
32
33
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Introduction :
Par les processus de changements d'occupation du sol et de dégradation des écosystèmes,
causés par les activités humaines, la biodiversité diminue progressivement. Ce phénomène et
ses conséquences d'abord dénoncés par les scientifiques sont devenus une préoccupation
sociétale, cette question étant envisagée sous un point de vue utilitariste, et intégrée au sein
des enjeux du développement durable.
Jusqu'à présent les politiques traditionnelles de création de zones protégées isolées les unes
des autres se sont avérées inadaptées ; au regard des avancées scientifiques, elles ont
néanmoins eu le mérite d'apporter quelques constats utiles à la mise en place de nouvelles
politiques : il faut réfléchir à une articulation des différentes échelles des espaces protégés et à
leur mise en réseau pour permettre le déplacement des espèces ; il faut également concevoir
des politiques sur des zones plus vastes et multifonctionnelles, en intégrant la nature dans les
espaces anthropisés.
Une nouvelle conception de la politique environnementale voit ainsi le jour. Ce
bouleversement, initié par la démarche Natura 2000, se fait dans un contexte d'appropriation
et de démocratisation des ces problématiques. Ces principes qui s'imposent dans le champ
politique sont ceux qui fondent la nouvelle stratégie de protection de la biodiversité en
France : la Trame Verte et Bleue. Cette stratégie repose sur le concept de réseau écologique,
concept basé en partie sur les théories de l'écologie du paysage. Mais le contexte Français va-
t-il aider ou non à sa mise en œuvre et à concrétiser ce changement de conception de la
politique environnementale ? La Trame Verte et Bleue va en tout cas permettre d'identifier des
aspects incontournables qu'il ne faudra pas négliger pour assurer sa mise en place.
I- Du concept de réseau écologique à la Trame Verte et Bleue
1- Le réseau écologique
1.1- Inspiré des concepts de l'écologie du paysage et biologie des
populations
1.1.1 – Ecologie du paysage : entre sciences des écosystèmes et sciences de l’Homme.
L’approche de l’écologie du paysage a permis la conciliation entre les sciences de la nature et
les sciences de la société, en combinant deux disciplines, la géographie et l’écologie, étudiant
ainsi les structures spatiales mises en relation avec les processus écologiques, c'est-à-dire les
34
interactions entre l’organisation de l’espace et les processus écologiques (Burel & Baudry,
1999). Elle s'intéresse aux systèmes écologiques à l’échelle à laquelle interviennent la plupart
des problèmes environnementaux, où l'on perçoit les effets de l'activité humaine et où se
prennent beaucoup de décisions d'aménagement. On parle d’écosystème. Abbadie & Lateltin
(2004) le définissent comme l’ensemble - des espèces / de leurs interactions, entre elles et
avec le milieu physique / des flux de matière et d’énergie - qui sont présents dans un lieu
donné. Ce n’est pas un système figé mais qui est en équilibre dynamique.
L’écologie du paysage s’est très tôt confrontée à des questions d’aménagement et de gestion.
L’un des ses objectifs est de fournir aux aménageurs des outils qui leur permettent d’évaluer
leurs actions sur l’environnement et le fonctionnement des écosystèmes.
1.1.2 –Les éléments de base du réseau : Taches-Corridors-Matrice
L'écologie du paysage est construite autour de 3 éléments qui permettent les études
comparatives : les taches – les corridors – la matrice. Dans un des textes qui ont fondé les
théories de l’écologie du paysage, Forman et Gordon (1981, dans Burel & Baudry, 1999),
distinguent différents éléments dans un paysage. La matrice qui est l’élément dominant et
englobant dans laquelle on distingue ici et là des taches formant une mosaïque, et qui sont
reliées ou non entre elles par des éléments linéaires contrastant avec la matrice et formant un
réseau, les corridors. Cette nomenclature a permis la description et la comparaison des
structures paysagères. Au sein des taches et des corridors, il existe un espace d’interactions
avec la matrice, appelée lisière, qui est à différencier du milieu intérieur. Pus la tache est
petite et/ou allongée, plus le ratio lisière/intérieur en superficie est élevé.
On distingue deux types de corridors : les corridors naturels comme les haies, les ripisylves, et
les corridors artificiels comme les routes ou les passages à faune. D’un point de vue structurel,
un corridor peut être continu ou discontinu, on dit alors qu’il est en pas japonais.
On reconnaît plusieurs rôles aux corridors (Thorne, 1993) : celui de voie de déplacement
privilégiée entre deux taches, celui d'habitat (source ou puits), celui de filtre ou même de
barrière. Par exemple, une haie dans un milieu ouvert reliant deux taches forestières va
permettre le passage des écureuils d'un patch à l'autre. Elle peut également constituer un
habitat pour de nombreux insectes ayant un faible espace vital. En revanche pour des espèces
de milieux ouverts comme les papillons, cette haie constitue un filtre voire même une barrière
qu'ils ne peuvent franchir.
35
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Les corridors peuvent aussi être classés par rapport à leur fonctionnalité qui va déterminer
leur structure et leur forme (Bonin et al., 2007; Bloemmen & VanderSluis, 2004) :
- les corridors de migration pendulaire permettent les déplacements journaliers
indispensables à la survie des individus entre les zones de repos et de nourrissage par
exemple. Ils ont besoin d'être très fonctionnels ;
- les corridors de migration qui permettent à des populations de réaliser leur migration
entre leurs zones estivales et hivernales. C'est l'exemple des amphibiens qui doivent
relier leurs aires d'hivernage avec leurs aires de reproduction (Annexe 2). Ce sont des
corridors très spécifiques dont la fonctionnalité est plus importante que la qualité
écologique. Ils ont surtout un rôle de protection des individus et de canalisation du
flux ;
- les corridors de dispersion permettent aux individus d'une population centrale de
disperser vers de nouvelles zones de reproduction à coloniser. Ils doivent être assez
attractifs mais leur objectif est seulement de permettre le passage de quelques
individus dispersants.
- les corridors de liaison permettent de relier des zones d'habitat favorable pour
permettre aux espèces d'étendre leur aire de répartition en dispersant et colonisant.
1.1.3 – Le concept de fragmentation : notion relative
L’habitat d’un organisme est l’ensemble des taches qu’il peut utiliser. La disponibilité de cet
habitat correspond à sa quantité en surface totale mais aussi en un seul bloc, ce qui pose le
problème de la répartition spatiale de cette superficie (Burel & Baudry, 1999). La
fragmentation influe sur cette disponibilité. La sensibilité d’une espèce à la fragmentation va
dépendre de sa mobilité. Pour une espèce se déplaçant peu, un espace peut ne pas paraître
fragmenté alors qu’il peut l’être pour une espèce ayant un plus grand rayon d’action
quotidien. Dans un paysage fragmenté, il peut y avoir assez de place pour quelques individus,
mais pas assez pour une population viable (Burel & Baudry, 1999).
1.1.4 - Connectivité
D’après Burel & Baudry (1999), les mouvements entre les taches distinctes de même type ou
non sont un processus essentiel en écologie du paysage. Ces mouvements se déroulent à
plusieurs échelles spatiales et temporelles. On peut parler d’un individu qui utilise différentes
36
taches pour des activités ou des besoins différents de manière quotidienne, ou bien une
phénologie avec migration entre zone d’hivernage et de reproduction (Annexe 2), ou encore
quelques individus d’une population quittant une tache pour en coloniser une autre. Il s’agit là
du processus fondamental de maintien des métapopulations, qui sera abordé dans un point
suivant. La connectivité spatiale est le fait que deux taches de même type soient adjacentes ou
jointes dans l’espace par une connectivité fonctionnelle. Là encore, la capacité de
déplacement d’une espèce est déterminante. On distingue différentes connectivités :
structurelle qui concerne la proximité spatiale ; potentielle qui va dépendre des capacités de
déplacement des espèces considérées ; et réelle (qualité fonctionnelle). Une forte connectivité
structurelle peut s’avérer d’une très faible connectivité fonctionnelle. La matrice en milieu
terrestre n’est pas complètement hostile. Certains espaces de la matrice peuvent avoir une
fonctionnalité de corridors. On parle alors de perméabilité de la matrice. A l’inverse, on parle
de viscosité ou rugosité de la matrice, qui freine les déplacements. Cela conduit aux modèles
de coût-déplacement qui permettent d’évaluer les trajectoires potentielles qu’un animal peut
emprunter.
1.4.5 – Le continuum écologique
Un continuum écologique représente tous les habitats qu’une espèce est susceptible d’utiliser
au cours de sa vie pour satisfaire ses déplacements, sa reproduction, sa protection et accéder
aux ressources alimentaires. Tous ces habitats doivent donc impérativement être reliés.
1.4.6 – Métapopulation : la modélisation des populations en milieu fragmenté
La théorie biogéographique des îles (MacArthur & Wilson, 1967) explique que la richesse
spécifique sur une île, à un moment donné, est la résultante de deux processus dynamiques :
l’immigration qui dépend de la distance séparant les îles du continent et qui décroît avec le
nombre d’espèces déjà présentes (elles rendent la colonisation plus difficile et plus lente) ; et
le processus d’extinction qui dépend de la taille de l’île et qui augmente avec le nombre
d’espèces en compétition. Ainsi, la richesse spécifique est d’autant plus grande que l’île a une
superficie importante et qu’elle est proche du continent. Ce modèle a donné lieu à de
nombreuses controverses et n’a pas été complètement validé. Cependant, il a stimulé de
nombreuses recherches et initié la vision moderne de la dynamique des populations.
Ce modèle a en effet rapidement montré ses limites : lorsque la matrice est hostile, il est
possible de directement transposer cette structure de la théorie biogéographique des îles ;
cependant, en milieux terrestre, l’hostilité de la matrice est à modérer. Donc cette théorie a
37
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
cédé la place à la théorie des métapopulations énoncée par Levis (1970) : une métapopulation
est une population formée de sous-populations dispersées sur différents patchs, qui s’éteignent
et se recolonisent localement. La métapopulation se maintient si le taux moyen d’extinction
est inférieur au taux de migration. Ce modèle a servi de base à d’autres théories. Parmi elles le
modèle de Boorman et Levitt (1973) qui considèrent l’existence d’une grande population
centrale qui alimente de multiples petites sous-populations périphériques, ou encore le modèle
de Pulliam (1988) qui considère l’existence de taches « sources » pour lesquelles la
population s’accroît et disperse, et des taches « puits » pour lesquelles la population diminue
et disparait si elle n’est pas renforcée par les migrants des populations sources.
1.2- Principe et définition d’une politique de réseau écologique
Pour se maintenir et se développer, toutes les espèces vivantes animales ou végétales ont
besoin de circuler ou de se disperser dans leur habitat. L'espèce humaine ne fait pas exception.
Ainsi, avec le développement de sa société, elle a développé un réseau de communication
« artificiel » de plus en plus dense et efficace. Les autres espèces ont elles aussi besoin de
maintenir ces possibilités de communication et d'échange et donc d'un réseau fonctionnel
d'infrastructures « naturelles ». Ces infrastructures partagent les axes privilégiés de
déplacement que sont les vallées, les voies d'eau et leurs abords. Il existe donc un conflit, les
infrastructures artificielles étant de plus en plus nombreuses, de plus en plus étendues et de
moins en moins perméables. Les espèces ne pouvant ainsi plus assurer leurs échanges ou
déplacements sont contraintes à un isolement qui risque de conduire à leur extinction.
De plus, ce développement du réseau d’infrastructures contribue fortement à la fragmentation
des paysages (Lethuillier, 2007).
Tous ces apports de connaissances dans les différentes spécialités de l’écologie ont permis
d’arriver à certaines conclusions qui ont orienté la mise en place d’une politique de
conservation qui soit plus adaptée. Toutes ces découvertes ont appuyé l’idée qu’à long terme,
maintenir la biodiversité dans des milieux naturels protégés mais isolés les uns des autres
semble être insuffisant (Bennett, 2002). En effet, la connexion des habitats joue un rôle très
important pour la viabilité des espèces.
38
1.2.1 – Fragmentation et taille des populations
Lorsqu’une infrastructure découpe un habitat en deux, cela rajoute un effet de lisière aux
abords de ces patchs nouvellement dissociés, ce qui diminue d’autant plus la superficie du
milieu intérieur. Ainsi, il ne faut pas raisonner seulement en termes de superficie perdue par le
passage d’une infrastructure linéaire au cœur d’un habitat. De plus, la fragmentation diminue
la taille des patchs, et le nombre d’individus diminue avec la superficie des patchs (Meffe &
Caroll, 1997). Or, une grande population a un potentiel génétique évolutif plus important, ce
qui lui permet de mieux résister aux diverses perturbations. Les petites populations sont donc
plus fragiles pour des raisons démographiques, génétiques et stochastiques, c'est-à-dire aux
aléas environnementaux.
1.2.1 – Maintien des métapopulations
Avec une structure en métapopulations, des petites sous-populations en communication ont
plus de chance de se maintenir. Les flux d’individus au sein d’une métapopulation génèrent
une variabilité génétique au niveau du paysage. Tout élément de connexion entre les taches
d’un habitat fragmenté devient alors primordial (Burkey, 1989 ; Joachim & Lauga, 2005) car
cela permet de réduire la fréquence des extinctions locales (Joachim & Lauga, 2005; Burel &
Baudry, 1999).
1.2.2 – Survie Individuelle et cycle de vie
Si on change l’échelle de perception, à l’échelle des individus, de nombreuses espèces ne
peuvent vivre dans les espaces trop restreints que représentent les zones protégées (Grenier,
2000). Mais le fait de relier ces espaces peut satisfaire les exigences écologiques des espèces
qui ont besoin d’une grande superficie pour accomplir leur cycle de vie. Pour certaines
espèces il faut des continuités complexes entre les différents habitats dont ils ont besoin lors
de leur cycle de vie (Annexe 2)
1.2.3 – Face aux changements climatiques
Avec les changements climatiques les espèces pour se maintenir doivent s'adapter. Cependant,
ces changements sont tellement rapides que certaines espèces, en particulier les espèces dites
longévives, c'est-à-dire à longue durée de vie mais fertilité faible, n'auront pas le temps de
s'adapter sur le plan génétique. L'adaptation possible pour ces espèces est alors le
glissement de leur aire de répartition. De tels phénomènes de migration ont déjà été mis en
évidence au cours de l'histoire de la vie sur terre. La paléoécologie, avec l'avancée des outils
39
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
de génétique, nous a appris beaucoup sur les phénomènes de migration-recolonisation au
cours des périodes de transition glaciaire-interglaciaire. Au cours de ces cycles, on sait
aujourd'hui que ces phénomènes se sont produits pour beaucoup d'espèces aussi bien des
mammifères que des végétaux ou des amphibiens. (Hewitt, 2000 ; Taberlet 1998). D’après
une méta analyse (Parmesan & Yohe, 2003) portant sur des données récentes de 30
publications, soit 279 espèces, il apparait que 51% des espèces recensées ont changé
significativement d’aire de répartition au cours des 20 à 140 dernières années ; ce changement
va dans le sens attendu par l’effet du réchauffement global : vers les pôles (en moyenne, de
6,1 (± 2,4) km par décennie en latitude au cours du XXème siècle) et/ou les altitudes
élevées(6,1 m par décennie en altitude au cours du XXème siècle), quel que soit l’écosystème
ou l’organisme.
Cependant, d'après l'étude prospective réalisée par Thomas et al. (2004), à partir d'une
simulation de réchauffement global de 0,8°C à 2,2°C pour 2050, celui-ci provoquerait
l'extinction de 15 à 37% des espèces de papillons, vertébrés et plantes terrestres. Ce taux
d'extinction varie bien sûr en fonction de l'intensité du réchauffement mais également en
fonction des capacités de migration. En effet si ces déplacements sont impossibles, ce taux est
multiplié par environ deux.
1.2.4 – Des précautions
Lors de la mise en place de corridors, il y a toutefois des effets moins bénéfiques dont il faut
avoir conscience. Si l'on crée des corridors au sein d'une matrice homogène, cela va
augmenter l'effet de lisière, c'est à dire de transition entre deux milieux favorisant l'installation
d'espèces généralistes. De plus, un corridor bénéfique pour une espèce peut nuire fortement à
une autre. Un corridor constitue une zone de vulnérabilité et peut augmenter l'exposition des
individus à la prédation, au parasitisme et à la compétition. La présence de corridors, en
facilitant la dispersion des êtres vivants, facilite par là même la colonisation des espèces
invasives ou la propagation de maladies. La liaison de deux sous-populations peut dans
certains cas avoir un effet inverse à celui escompté. Ce phénomène peut par exemple entraîner
la perte de variabilité génétique dans des trop petites populations ou bien la perte d'allèles
spécifiques en reliant des zones refuges.
D’après une étude réalisée par Henein et Merriam (1990, dans Burel & Baudry, 1999), la
présence de corridors de bonne qualité va avoir un effet positif, par rapport à une population
non connectée. Mais en revanche, la présence de corridors de mauvaise qualité va avoir un
40
effet négatif par rapport à la configuration de base.
Si les corridors sont perçus potentiellement comme bénéfiques en ville, permettant
d’améliorer le cadre de vie, ils constituent aussi des espaces en zones urbaines qui ne pourront
être urbanisés. Au sein des espaces agricoles ou de sylvicultures intensives ces corridors vont
également avoir un impact socio-économique qu'il va falloir évaluer avec les acteurs
concernés.
Il faudra aussi prêter attention à la mise en œuvre de la politique et à la gestion des corridors
mis en place. En effet un corridor n'a d'intérêt que si la qualité du milieu qui le compose
contraste avec la matrice. Ainsi, un corridor de mauvaise qualité dans une matrice de
meilleure qualité sera inutile. De plus, les corridors de mauvaise qualité, qui sont souvent en
déséquilibre écologique, seront plus susceptibles de conduire les espèces invasives.
1.3- Une idée pas si nouvelle...
Dans différents pays d'Europe ou au delà, des projets réseaux écologiques à toutes les échelles
ont déjà été mis au point. L'idée d'un réseau « vert » avait déjà vu le jour dans de grandes
métropoles européennes telles que Londres, Moscou, Berlin, Prague, Budapest et Copenhague
où des systèmes de corridors verts ont été développés au début du XXème siècle. (Jongman et
al., 2006)
En ce qui concerne l’Europe, qui a pour projet un Réseau Ecologique Paneuropéen (REP), les
différents régimes administratifs, la fédéralisation et la décentralisation ont mené à une
grande diversité d'approches, ce qui ne facilite pas la coordination entre les différents
réseaux. Ces projets ont pu faire l'objet d'une législation, ou d’une planification stratégique
nationale ou régionale. Au delà des différentes stratégies entre les Etats, on constate aussi un
niveau de diversité infranationale de démarches et d'objectifs.
Cela signifie qu’entre le REP et ses applications, il existe une multitude d’échelles
intermédiaires aboutissant à des décisions et des applications pour différentes problématiques.
Il est ainsi possible de hiérarchiser le réseau en 4 niveaux (Jongman et al., 2006) : la méga-
échelle (des aires naturelles >10 000 km²) ; la macro-échelle (des aires > 1000 km² connectée
par des corridors ou pas japonais >10 km de large) ; la méso-échelle (aires > 10-100 km² et
connections de 0,1 à 10 km de large) ; micro-échelle (petites aires protégées < 10 km² et
connecté par des corridors < 0,1 km). Le réseau écologique à l'échelle du paysage se fait donc
dans une large fourchette d'échelle spatiale, depuis le méga- jusqu'aux projets micro-échelle.
Cette diversité d’échelle va donc se retrouver dans la mise en œuvre avec des projets à
l’échelle européenne, nationale ou très locale comme l’aménagement d’un passage à faune
41
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
(Jongman et al., 2006).
Des exemples sont fournis en annexe 3 pour illustrer les différentes échelles. On n’évoquera
ci-dessous que les réseaux suisse et paneuropéen qui ont un lien direct avec le travail présenté.
Le Réseau Ecologique National Suisse
Le découpage territorial en Suisse force à s’intéresser à 2 niveaux, le niveau fédéral et
cantonal. Au niveau fédéral, l’étude Réseau Ecologique National (REN) a été lancée en 1999
par l’Office fédéral de l’environnement. Cette étude avait pour but de contribuer à la
protection et à la qualité de la biodiversité, des habitats et du paysage, ainsi qu'au
renforcement des connectivités. Cette étude constitue la participation de la Suisse au Réseau
Ecologique Paneuropéen. Elle présente aussi les relations de fonctionnement du paysage au
niveau suprarégional et intercantonal et peut donc servir de base à la mise en place de
programmes régionaux (collaboration entre cantons). L’organisation administrative et le
partage des compétences en Suisse attribuent aux cantons la souveraineté sur la question
d’aménagement du territoire, et les cantons n’ont donc aucune obligation de mise en œuvre du
REN. Le REN n’est pas opposable aux documents d’urbanisme ; ce n’est pas un instrument
contraignant, mais incitatif qui vise à encourager les cantons à intégrer dans leurs activités
territoriales une stratégie d’interconnexion des habitats ainsi que la notion de réseau
écologique pour la sauvegarde de la biodiversité et du paysage. Le REN constitue donc un
outil d’information dont la prise en compte dans les documents d’urbanisme ou
d’aménagement reste libre aux cantons. Aucun outil de suivi ou d’évaluation de la mise en
œuvre du REN n’a d’ailleurs été développé. Les résultats ont été publiés en 2004 (Berthoud et
al., 2004) sous la forme de cartes au 1 :100’000 pour chaque réseau considéré.
En revanche, cette réflexion a été accompagnée d’un changement de politique de l’Office
fédéral de l’agriculture. Les mesures agri-environnementales ont été complétées par une
ordonnance sur la qualité écologique (OQE) permettant à la Confédération de verser des
incitations financières sur engagement volontaire de 6 ans pour les surfaces de compensation
écologique qui présentent des caractéristiques de qualité écologique et/ou qui sont localisées
selon une stratégie d’interconnexion régionale.
Réseau Ecologique Paneuropéen (REP) (Jaffeux, 2006 ; Bonin et al., 2007)
En 1991, une étude lancée par le gouvernement Néerlandais aboutit à un rapport intitulé
« Vers un réseau écologique paneuropéen » (EECONECT) (Bennett, 1991) qui propose une
42
nouvelle stratégie pour la conservation de la biodiversité. Ce rapport fonde à l’époque de
grands espoirs sur la création future du réseau Natura 2000. Mais la directive européenne
« Habitat », approuvée en 1992, est très en deçà des objectifs et stratégies formulés par ce
rapport. En effet, elle ne comporte pas d'obligations pour les Etats membres de définir et de
protéger les corridors entre les sites Natura 2000 identifiés. Il s’agit seulement d'une incitation
de l'article 3-3 et 10 de la directive Habitat (1992). Et dans la mise en œuvre, la réflexion a
principalement porté sur la définition des sites, et les connectivités n'ont pas été étudiées
(Jongman et al., 2006).
C'est en 1995 que ce travail va être reconnu lors de la conférence ministérielle de Sofia
(Bulgarie). Lors de cette conférence, « un environnement pour l'Europe », les 55 pays
présents ont adopté la Stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère. Le
plan d'action vise à mette en œuvre un réseau écologique paneuropéen cohérent, constitué
des aires protégées combinées avec d'autres habitats favorables et reliées par des corridors.
Cette stratégie permettrait d'assurer un bon statut de conservation des écosystèmes, des
espèces, habitats et paysages. Ainsi, en 2000, le Comité d'experts du Conseil de l'Europe pour
la constitution du REP et le Centre Européen pour la Conservation de la Nature (ECNC) ont
été missionnés pour commencer à développer la carte du REP. En 2003 à la conférence de
Kiev, l'engagement dans le REP s'est renforcé suite à l'objectif d'enrayer la perte de
biodiversité d'ici 2010, objectif adopté en 2002 après le Sommet de la Terre de Johannesburg.
Le projet a abouti à la création de cartes indicatives qui identifient les aires naturelles
d'importance européenne, les corridors existants entre ces dernières. Il cible les zones
naturelles ou de nouveaux corridors devraient être mis en place pour retrouver la connectivité
nécessaire aux espèces clés (Jongman et al., 2006). Ainsi, ECNC publie en 2002 la carte du
REP Europe Centrale et Orientale, en 2006 la carte REP Sud-est de l'Europe et Alterra publie
en 2006 (Jongman et al., 2006)la carte REP pour l'Europe de l'Ouest.
Ces cartes sont en partie réalisées à partir de contributions nationales. Cependant,
l'avancement des réflexions est très inégal. Ainsi, parallèlement à la constitution du REP, des
initiatives nationales et régionales pour les continuités écologiques voient le jour. Mais la
réalisation varie énormément, depuis le simple plan papier jusqu’aux politiques déterminées
avec des fonds conséquents. (Jongman et al., 2006)
43
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
2- la Trame Verte et Bleue : nouvelle forme de conservation
2.1 - Naissance d'une politique lors du Grenelle
En mai 2007 en France, le ministre de l'Ecologie de l'époque, Alain Juppé, annonce la mise en
place future d'un ensemble de rencontres politiques portant sur les thèmes de
l'environnement et du développement durable, sous le nom de Grenelle Environnement. Le
Grenelle peut être vu comme une nouvelle approche de planification et d'aménagement de
l'espace. Le Ministre de l'écologie suivant, Jean-Louis Borloo, a annoncé en Juillet 2007 les
grandes orientations du Grenelle environnement, marquant alors son commencement. Ces
grandes orientations ont initié la création de 6 groupes de travail, qui ont rendu leurs
conclusions à la fin septembre 2007.
- Groupe 1 : « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser la demande
d’énergie »
- Groupe 2 : « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles » qui recommandait
la mise en place d'une « Trame Verte nationale » pour « une gestion intégrée du
territoire qui préserve la biodiversité »
- Groupe 3 : « Instaurer un environnement respectueux de la santé »
- Groupe 4 : « Adopter des modes de production et de consommation durables »
- Groupe 5 : « Construire une démocratie écologique »
- Groupe 6 : « Promouvoir des modes de développement écologiques favorables à
l’emploi et à la compétitivité »
Ces groupes rassemblaient 40 membres dont la gouvernance était organisée sous la forme des
5 collèges. Ce mode de gouvernance permet la représentation de la société dans sa globalité.
Les 5 collèges sont l’État, les collectivités locales, les ONG, les employeurs et les salariés.
De fin septembre à mi-octobre 2007, les propositions de ces groupes de travail ont été
soumises à consultation. Fin octobre 2007 s'est alors lancée une phase de négociation avec des
tables rondes rassemblant des représentants des 5 collèges qui ont défini des grands axes
d'action. Suite au Grenelle, 34 comités opérationnels (COMOP) ont été mis en place.
Parmi ces comités se trouve le COMOP 11 (ou COMOP TVB) qui doit répondre aux
engagements 73 du Grenelle (TVB), mais aussi 112 (Acquisition de 20 000 ha de zones
humides), 113 (Bandes enherbées d’au moins 5 mètres), 114 (Continuité des écosystèmes
d’eau douce), 76 (Nature en ville) et 72 (Lutte contre la régression des surfaces agricoles). Ce
COMOP a été confié au Sénateur Paul Raoult avec un mandat de normalement 2 ans (fin
44
2007- fin 2009). Ce comité, composé de collectivités, partenaires socio-économiques, ONG,
avec l'appui technique de l’ONEMA, du MNHN, du SETRA et du CEMAGREF, était chargé
de définir les voies, moyens et conditions requis pour la mise en œuvre de la TVB.
Les résultats du Grenelle environnement sont principalement la rédaction des deux lois
Grenelle. La loi Grenelle 1, de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle
Environnement est validée le 3 aout 2009 et publiée au journal officiel le 5/08/09. Elle
entérine les objectifs, donne un statut juridique au processus du Grenelle et retranscrit les
principales mesures adoptées à l'issue des tables rondes. Ces objectifs représentent les grandes
orientations écologiques pour la France.
La loi Grenelle 2, portant engagement national pour l’environnement, qui vise à concrétiser
dans la pratique ces orientations, a été adoptée le 29 juin 2010 et publiée au journal officiel le
12 juillet 2010.
2.2 – La Trame Verte et Bleue : inspirée du concept de réseau écologique
Une des mesures engagées par le Grenelle Environnement pour préserver la biodiversité est
de repenser l'aménagement du territoire en termes de réseau écologique, par la mise en
œuvre de ce que l'on appelle la Trame Verte Bleue (TVB). L'enjeu majeur de la TVB est de
reconstituer un réseau écologique cohérent en rétablissant les continuités entre les habitats
favorables permettant aux espèces de circuler et de rétablir des flux.
Pour faire comprendre ce qu'est la Trame Verte et Bleue, la Direction Générale de
l'Aménagement du Logement et de la Nature (DGALN) du Ministère de l'Ecologie de
l'Energie, du Développement Durable et de la Mer (MEEDDM) utilise la comparaison avec
un tissu. « Les fils de maille et les fils de trame confèrent la qualité à un tissu. Plus les fils
sont fragiles, ou manquants, plus le tissu risque de se déchirer. Il faut imaginer que chaque fil
de notre trame est une partie de la biodiversité : soit une espèce, soit un milieu, soit un
ensemble d'espèces en relations avec son milieu de vie... Au-delà d'un certain seuil de
dégradation, c'est le tissu (la biodiversité) qui est menacé. […] L'homme constitue l'un des
fils et son avenir dépend de la qualité de l'ensemble du tissu. » (DGALN-MEEDDM, 2009)
Ce réseau doit s'appuyer sur les zones protégées mais aussi sur les milieux non protégés. On
ne raisonne plus seulement en termes de nature remarquable mais aussi en nature ordinaire.
Pour des raisons conceptuelles, méthodologiques et même idéologiques (Chevassus-au-Louis
et al., 2004), un tel bouleversement n’est pas évident à faire accepter. De plus, le réseau
45
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
écologique va s'envisager à des échelles différentes qu’il va falloir articuler et mettre en
cohérence. Comme on le verra en troisième chapitre, certains acteurs éprouvent des
difficultés à changer de perspective.
La TVB se compose de différents éléments sur le modèle de l'écologie du paysage :
- des zones nodales définies sur la base des aires protégées et du réseau Natura 2000,
qui constitueront les habitats des populations ;
- des corridors reliant ces zones nodales. Pour la longueur des corridors et la distance
entre les zones nodales, il faudra réfléchir en terme de distance limite des capacités
visuelles ou olfactives des espèces considérées. Parfois un corridor peut être un
paysage entier comme une vallée. Plus il est large plus il est efficace ;
- des zones tampons qui jouent le rôle de protection des zones nodales contre les
activités humaines. C’est une gestion qui fait le compromis entre les activités
humaines et la protection ;
- Des zones d'extensions. Ce sont des zones contiguës sur lesquelles on oriente la
gestion pour aboutir à un milieu favorable qui intégrera par la suite la zone nodale
permettant l’agrandissement de sa surface ;
- des zones de développement. Ce sont des extensions non contiguës. Elles formeront
des zones nodales ou bien, si leur surface est trop faible, des espaces relais entre deux
zones nodales ;
2.3 – La Trame Verte et Bleue : Une nouvelle stratégie (Figure 4)
2.3.1 – Cadre conceptuel innovant
La politique nationale Trame Verte et Bleue est née au carrefour de deux courants d'opinion
devenus importants dans le débat public : l'un concernant la biodiversité qui est un enjeu
majeur en 2010, et l'autre concernant une demande de nature de proximité (espaces vert et
jardins). A cela s’ajoute l'inquiétude publique croissante face à la montée en puissance de la
catastrophe écologique, mais aussi une demande d'autres liens de solidarité, d'autres façons de
vivre ensemble dans l'espace urbain.
Cette politique de TVB, dans le contexte actuel de forte pression immobilière, constitue une
opportunité pour repenser l’aménagement urbain qui distingue deux types d'espaces : l’espace
bâti et l’espace libre. Ce dernier est à prendre en compte au même titre que le premier, et non
plus comme un espace à bâtir. S’engage ainsi une réflexion sur un aménagement intelligent
46
de ces vides. Ainsi, des villes ont développé des outils novateurs qui prennent en compte de
manière indirecte ces problématiques de continuité écologique dans l’espace urbain, et qu’il
est intéressant de relever. Le PLU de Rennes mesure la perméabilité des sols et le lie à des
enjeux d’aménagements, le limitant à 90% en centre ville et à 40% en dehors. La ville de
Berlin est la première a avoir mis en place dans son centre ville le Coefficient de Biotope par
Surface qui mesure le potentiel biodiversité des parcelles et qui dicte des normes écologiques
à respecter pour tous les projets touchant à l’urbanisme. (MEEDM, 2010)
Cette politique est une opportunité pour envisager les vides aussi bien dans l’espace urbain
que rural et pour les protéger d’un urbanisme sans mesure. Pour promouvoir ces dispositions
il faut mettre en avant la multifonctionnalité de ces espaces. Ils permettraient un meilleur
cadre de vie, des zones de loisirs, des jardins communautaires, des zones agricoles en
contractualisation, etc., qui permettraient en parallèle de préserver la biodiversité.
Figure 4 : Les enjeux multiples autour de la Trame Verte et Bleue
La notion de Trame Verte et Bleue trouve ses racines dans l'analyse et les pratiques
paysagères. Son utilisation dans le Grenelle Environnement en fait un « outil d'aménagement
du territoire » (Loi Grenelle 1, JORF n°0179 du 5 août 2009; LOI n° 2009-967 du 3 août
2009 - Art 23) qui doit mettre en synergie les différentes politiques publiques, en milieu
rural mais aussi en milieu urbain avec une nouvelle conception de « la nature en ville ». Ce
pourrait même par ailleurs constituer un moyen privilégié de lier les politiques urbaines et
47
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
rurales en créant une liaison entre ces deux espaces de plus en plus séparés.
Son objectif est principalement de préserver la biodiversité à la fois remarquable et ordinaire,
« sauvage et domestique » (Loi Grenelle 1, JORF n°0179 du 5 août 2009; LOI n° 2009-967
du 3 août 2009 - Art 23) et son fonctionnement global, en assurant sa libre évolution sur le
territoire par le rétablissement des continuités écologiques entre les espaces naturels
indispensables à la survie des populations et des écosystèmes. Cet objectif nécessite de
raisonner à toutes les échelles du territoire, non seulement du local au régional, mais jusqu'au
national et même au continental. Cependant, la TVB ne se substitue aucunement aux autres
politiques déjà en place. Elle doit être vue comme un moyen de mettre en synergie et
d'articuler toutes ces politiques publiques avec un but commun, celui de préserver la
biodiversité.
Pour cela, elle va s’appuyer sur des documents à différentes échelles :
- niveau continental : Réseau Ecologique Paneuropéen ;
- niveau national : Schéma National de Cohérence Ecologique ;
- niveau bassin hydrographique : Schéma Directeur d’Aménagement et Gestion des
Eaux ;
- niveau régional : Schéma Régional de Cohérence Ecologique ;
- niveau intercommunal et communal : Schéma de Cohérence Territorial, Plan Locaux
d’Urbanisme, Carte Communale.
La Trame Verte et Bleue comme son nom l’indique est constituée de deux unités. Au début de
la démarche certains parlaient de Trame Verte et Trame Bleue. Cependant, une trop forte
distinction s’avère dangereuse car ces entités sont interdépendantes et indissociables.
Certains milieux illustrent très bien cette relation intime comme les zones humides ou les
ripisylves. Beaucoup d’espèces sont aussi dépendantes des deux milieux, pour leur cycle de
vie ou pour se nourrir. On est donc arrivé l’expression Trame Verte et Bleue avec :
- la composante terrestre, constituée des espaces importants pour la préservation de la
biodiversité et des espaces protégés ainsi que des corridors permettant de les relier et
les surfaces en couvert environnementales permanent (bandes enherbées, ripisylves) ;
- la composante aquatique, qui concerne les eaux de surfaces continentales et leurs
écosystèmes associés. Elle se compose des cours d'eau ou zones humides importantes
pour la biodiversité (classés art L214-17 Code de l’environnement ; ZHIEP ou non
classés). Elle contribuera aux objectifs européens de bon état écologique des masses
48
d'eau superficielles pour 2015.
Il va de soi que la distinction doit être considérée à certaines étapes de la mise en œuvre, car
les outils juridiques, l’organisation territoriale et les acteurs sont différents. Mais ces espaces
doivent être gérés de manière intégrée et il ne faut pas en négliger les interfaces.
2.3.2 – Cadre National peu restrictif
Le cadrage national de la TVB est assuré par un document cadre décrit dans l’article L371-2
du Code de l’Environnement. Cet article a été ajouté par la loi Grenelle 2 (JORF n°0160 du
13 juillet 2010 ; Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 – Art 121) : les Orientations nationales
pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, document
« élaboré, mis à jour et suivi par l'autorité administrative compétente de l'Etat en association
avec un comité national " trames verte et bleue ”. Ce comité regroupe les représentants des
collectivités territoriales, des partenaires socioprofessionnels, des parcs nationaux et des
parcs naturels régionaux, des comités de bassin, des associations de protection de
l'environnement agréées concernées ainsi que, le cas échéant, des personnalités qualifiées
[…] matière de protection de l'environnement. Sa composition et son fonctionnement sont
fixés par décret.
Les orientations nationales sont mises à la disposition du public, en vue de recueillir ses
observations, avant d'être adoptées par décret en Conseil d'Etat.
Ce document-cadre, […] comprend notamment : a) Une présentation des choix stratégiques
[…] ; b) Un guide méthodologique identifiant les enjeux nationaux et transfrontaliers […] et
comportant un volet relatif à l'élaboration des schémas régionaux de cohérence écologique
[…]. Il est complété par un volet spécifique relatif à l'élaboration des schémas régionaux de
cohérence écologique pour les départements d'outre-mer.
[…] Les documents de planification et projets relevant du niveau national, et notamment les
grandes infrastructures linéaires de l'Etat et de ses établissements publics, sont compatibles
avec les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités
écologiques […] et précisent les mesures permettant d'éviter, de réduire et, le cas échéant, de
compenser les atteintes aux continuités écologiques […]. A l'expiration d'un délai fixé par
décret, l'autorité administrative compétente de l'Etat procède à une analyse des résultats
obtenus […] par la mise en œuvre du document-cadre […] et décide de son maintien en
vigueur ou de procéder à sa révision. […] Il est procédé à la révision du document-cadre
selon la procédure prévue pour son élaboration. » (Art L371-2 du Code de l’environnement,
ajouté par la loi Grenelle 2 n° 2010-788 du 12 juillet 2010).
49
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Le cadrage national est également assuré par les guides rédigés par le COMOP TVB. Ils sont
au nombre de 4. Le travail présenté ici s’est appuyé sur des versions provisoires des
documents, car les versions définitives n’étaient alors pas publiées en date de cette étude. Les
versions utilisées datent de mars 2010.
Le Guide 1 : à l'attention des décideurs, il a pour but d’expliquer la démarche TVB. Il
présente un historique du concept de réseau, les concepts mobilisés, les enjeux et rôles de la
TVB. Il explicite les 10 choix stratégiques de cette politique (1) en faveur de la biodiversité
qui doit (2) devenir le pilier de l'aménagement du territoire (3) tout en prenant en compte les
activités humaines et les enjeux socio-économiques. (4) Sa mise en œuvre devra respecter le
principe de subsidiarité et de gouvernance partagée. (5) Des critères vont permettre d’assurer
la cohérence nationale de sa mise en place, et (6) sa mise en œuvre doit se faire en cohérence
avec les autres politiques territorialisées. (7) Cette mise en œuvre devra mobiliser les outils
déjà existant. (8) Elle s’appuiera sur une identification cartographique des continuités dans les
documents d’urbanismes et elle sera également (9) prise en compte dans les projets
d’infrastructure. (10) La mise en place de cette politique devra permettre de mobiliser la
connaissance et sa mise en œuvre devra faire l’objet d’un suivit et d’une évaluation.
Le Guide 2 : est un guide méthodologique à l'attention des services des collectivités et en
particulier ceux des régions, et des services de l'Etat, pour l'élaboration du SRCE. Il a été
rédigé par le COMOP TVB en partenariat avec le MNHN, l’ONEMA, le MEEDDAT et
l’IFEN. Ce guide présente a) la structure et les composants de la TVB ; b) les critères de
cohérence nationale, qui devront être pris en compte par les régions lors de l’élaboration de
leur SRCE ; c) une analyse synthétique des expériences de réseau écologique ; d) une
proposition de méthode pour la réalisation d’une Trame Verte et Bleue régionale ; e) des
recommandations pour sa mise en œuvre.
Le Guide 3 est un document concernant la prise en compte de la trame verte et bleue dans les
projets de grandes infrastructures linéaires de l’État. C’est un document rédigé en
coordination avec le Cemagref Grenoble et SETRA. Il présente des méthodes pour rétablir les
connexions et identifier les points noirs. Il permet d’orienter les projets vers un moindre
impact, la préservation des réservoirs de biodiversité, indique comment s'adapter aux
corridors
Le Guide 4 est un document portant sur la TVB et l’urbanisme. Il est au moment de l’étude
en cours de rédaction.
50
2.3.3 – Une mise en œuvre multiscalaire
La mise en œuvre de la Trame Verte et Bleue (TVB) va donc se réaliser à des échelles très
diverses (DGALN, 2009). Par exemple, dans un projet de grande infrastructure, lors du choix
du fuseau, il sera important d’avoir une vue d’ensemble des grand corridors à l’échelle
nationale pour évaluer les impacts de tel ou tel fuseau ou bien les aménagements (passage à
faune) à réaliser pour les prendre en compte. A une échelle intermédiaire, par exemple pour un
cours d’eau, la construction d’une passe à poisson sur un ouvrage de type barrage. La TVB
sera aussi appliquée à des projets très locaux. Par exemple dans certains quartiers, on peut
prévoir des ouvertures dans les clôtures des jardins pour le passage de la petite faune. La
concrétisation de la TVB en France va donc reposer sur 3 niveaux emboités (DGALN,
2009) :
Les orientations nationales doivent être adoptées par décret en conseil d'Etat. Par ailleurs, le
cadrage national de la TVB devait se faire en partie par le Schéma National de Cohérence
Ecologique (SNCE). Ce document, qui devait venir en appui à la préparation des Schéma
Régionaux Cohérence Ecologique (SRCE), identifiant les spatialement les enjeux biodiversité
au niveau national, ne sera finalement pas réalisé en temps prévus. Aujourd’hui, au niveau
national on explique qu’il ne sera en fait qu’une simple agrégation des SRCE. Mais cet aspect
est en débat, certains estimant que le SNCE nécessite une réflexion à une autre échelle,
identifiant des enjeux nationaux parfois différents des enjeux régionaux. Cet aspect est donc
susceptible d’évoluer.
Le document à l’échelle régionale, le SRCE, doit être co-élaboré Etat-Région d'ici fin 2012.
C’est un document d’aménagement du territoire opposable qui doit être pris en compte par les
documents de planification, les projets de l’Etat ou des collectivités. Il doit se faire en
concertation avec l'ensemble des acteurs locaux, et soumis à enquêtes publiques. Ce document
doit faire dialoguer les différentes échelles d’analyses pour identifier et prendre en compte les
enjeux à la fois supra régionaux et infrarégionaux. C’est un document qui doit faire ensuite
l’objet d’un suivi et d’une évaluation tous les 6 ans. C’est un document évolutif. Il a pour
objectif dans son intégration de la TVB, de prendre en compte non seulement les espèces
patrimoniales, mais aussi la nature ordinaire.
Pour assurer la cohérence nationale entre les différents SRCE, différents critères ont été
développés. Parmi ces critères, on retrouve :
- la structure commune de la TVB organisée en réservoirs de biodiversité et corridors ;
- les zones désignées par la TVB qui s'appuient sur les zonages existants, tels que
Natura 2000, les aires protégées ;
51
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
- une liste des espèces déterminantes pour chaque région, proposée par le MNHN et
soumise à validation auprès des CSRPN. Ces espèces doivent être intégrées à la
réflexion nationale, pour assurer la continuité au niveau national et identifier les
espèces pour lesquelles la région à une responsabilité nationale en terme de
conservation ;
- une liste des habitats dits « déterminants TVB » ;
- la cohérence interrégionale et transfrontalière est un objectif de l’élaboration des
SRCE. Cela assure une forme de cohérence globale.
Il n’existe toutefois pas de critères nationaux d’exigence écologique pour qu’un site fasse
partie ou non de la TVB. En effet, la qualité des réservoirs de biodiversité va varier d’une
région à l’autre. Le seuil va dépendre du niveau global de préservation des espaces naturels
dans la région considérée.
Plus localement, « les schémas de cohérence territoriale [...] déterminent les conditions
permettant d’assurer [...] la préservation [...] de la biodiversité. » (Loi Grenelle 2 n° 2010-
788 du 12 juillet 2010 - Art 14 modifiant l’article L121-1 du code de l’urbanisme - rédaction
du 12 juillet 2010). De plus, «Les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec les
schémas de cohérence territoriale » (Art L. 111-1-1 du code de l’urbanisme modifié par la
Loi Grenelle 2 n° 2010-788 du 12 juillet 2010 - Art 13). Ainsi, au niveau local, les enjeux de
biodiversité et de TVB vont être relayés par les documents de planification en matière
d'aménagement de l'espace et d'urbanisme. Les SCoT, les PLU, ou les cartes communales
doivent prendre en compte le SRCE. Cette déclinaison dans les SCoT et PLU permet de
construire un projet de territoire qui intègre les problématiques de continuités écologiques et
de préservation des espaces naturels. Ils peuvent ainsi envisager 3 types de mesures pour les
espaces identifiés dans la TVB : (1) maintien et consolidation des espaces identifiés sans
modification du mode de gestion ; (2) maintien des espaces en mettant en place de nouveaux
modes de gestion conservatoire ; (3) création de nouveaux espaces avec changement de
l'occupation du sol. Cependant, il faut souligner que la moitié des communes rurales ne sont
pas couvertes par ces documents d'urbanismes (SCoT, PLU), ce qui pose donc le problème de
l’intégration pour ces territoires des problématiques TVB.
52
D’après la loi, l’échelle départementale est également une échelle de mise en œuvre avec un
rôle à jouer. En effet, les DDT possèdent énormément d’information et le département
possède la compétence infrastructure routière et transport. Ainsi, « les départements peuvent
être maître d'ouvrage ou exercer une mission d'assistance à maître d'ouvrage […] pour tous
les travaux contribuant à la […] trame verte et la trame bleue d'un schéma régional de
cohérence écologique adopté. Ils peuvent, pour les missions autres que celles d'assistance à
maître d'ouvrage, mobiliser à cet effet le produit de la taxe départementale des espaces
naturels sensibles. » (Art L 371-5 Code de l’environnement – Loi Grenelle 2 ; n° 2010-788 du
12 juillet 2010)
La mise en œuvre concrète va s’appuyer sur les outils juridiques et contractuels
existants. Parmi ces outils quelques uns ont déjà été repérés. Cette question fait actuellement
l’objet d’une étude réalisée par la Fédération des PNR et la Fédération des CEN. (FCEN et
FPNR, 2010)
Les outils à l'échelle régionale :
(1) Contrat TVB avec les territoires de projets (EPCI, Pays, Syndicats Mixtes...) ; Intégration
d'objectifs TVB dans des documents contractuels (charte PNR, contrats de rivière...), ou dans
les documents règlementaires (documents d'urbanisme) ; réalisations de diagnostics
« continuités écologiques » et leur intégration lors de réalisations de travaux ; études et
programmes de suivis et évaluation des actions ; communication pédagogie et action globale
(2)Lancement d’appels à projets TVB
(3) Mise en place de « Contrats Nature Régionaux »
Les outils à l'échelle parcellaire (propriétaires et gestionnaires)
(1) Les contrats peuvent viser différents objets : le maintien des haies, de bosquets, ou de
mares... ; la gestion adaptée d’une parcelle, ou de la taille des haies.... ; la remise en bon état
d’un espace comme le curage de mare... ; la création d'éléments, comme la plantation de
haies... ; l’adaptation d'une activité de loisir pour le respect de la biodiversité...
(2) Il peut y avoir différents types de contrat : des contrats du code civil, rural, ou des
collectivités territoriales (bail, convention, prêt...). Mais aussi des Mesures Agri-
Environnementales, des conventions d'assistance technique, des chartes ou encore des contrats
N2000. Des espaces peuvent aussi faire l’objet d’une mutualisation via une association
syndicale autorisée (refuge LPO, contrat Jachère...)
53
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
3 – Le Schéma Régional de Cohérence Ecologique
Ce document proposé lors du grenelle constitue le cadre de référence de la mise en place de la
TVB. Il confirme que la TVB va devenir un facteur de mise en cohérence des politiques
d'aménagement du territoire.
« […] Le [SRCE] prend en compte les orientations nationales […] ainsi que les éléments
pertinents des schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau [ ].
Le [SRCE], […] comprend notamment, outre un résumé non technique : a) Une présentation
et une analyse des enjeux régionaux relatifs à la préservation et à la remise en bon état des
continuités écologiques ; b) Un volet identifiant les espaces naturels, les corridors
écologiques, ainsi que les cours d'eau, parties de cours d'eau, canaux ou zones humides
mentionnés respectivement aux 1 et 2 du II et aux 2 et 3 du III de l'article L. 371-1;
c) Une cartographie comportant la trame verte et la trame bleue […] ; d) Les mesures
contractuelles permettant […] la préservation et […] la remise en bon état de la
fonctionnalité des continuités écologiques ; e) Les mesures prévues pour accompagner la
mise en œuvre des continuités écologiques pour les communes concernées par le projet de
schéma.
[…] Le président du conseil régional et le représentant de l'Etat dans la région procèdent
conjointement à une analyse des résultats obtenus […] par la mise en œuvre du schéma […].
A l'issue de cette analyse, le conseil régional délibère sur son maintien en vigueur ou sur sa
révision. Le représentant de l'Etat dans région se prononce par décision dans les mêmes
termes. Il est procédé à la révision du schéma selon la procédure prévue pour son
élaboration. » (Art 371-3 du Code de l’Environnement, Loi Grenelle 2 n° 2010-788 du 12
juillet 2010)
3.1- Un diagnostic concerté
La loi Grenelle 2 (n° 2010-788 du 12 juillet 2010) modifie le code de l'environnement en y
ajoutant ces paragraphes :
« Un document-cadre intitulé " Schéma régional de cohérence écologique ” est élaboré, mis à
jour et suivi conjointement par la région et l'Etat en association avec un comité régional "
trames verte et bleue ” créé dans chaque région. Ce comité comprend l'ensemble des
départements de la région ainsi que des représentants des groupements de communes
compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme, des communes
concernées, des parcs nationaux, des parcs naturels régionaux, des associations de protection
54
de l'environnement agréées concernées et des partenaires socioprofessionnels intéressés. Sa
composition et son fonctionnement sont fixés par décret. […]
[…]Le projet de [SRCE] est transmis aux communes concernées et soumis pour avis aux
départements, aux communautés urbaines, aux communautés d'agglomération, aux
communautés de communes, aux parcs naturels régionaux et aux parcs nationaux […]. Le
projet de [SRCE], assorti des avis recueillis, est soumis à enquête publique […] par le
représentant de l'Etat dans la région. A l'issue de l'enquête publique, le schéma,
éventuellement modifié pour tenir notamment compte des observations du public, est soumis à
délibération du conseil régional et adopté par arrêté du représentant de l'Etat dans la région.
Le schéma adopté est tenu à la disposition du public.
Dans les conditions prévues par l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme, le schéma régional
de cohérence écologique est porté à la connaissance des communes ou de leurs groupements
compétents en matière d'urbanisme par le représentant de l'Etat dans le département. […] »
(Art 371-3 du Code de l’Environnement, Loi Grenelle 2 n° 2010-788 du 12 juillet 2010)
Ainsi, le SRCE constitue un diagnostic écologique qui prend en compte les enjeux socio-
économiques. Son élaboration doit associer tous les acteurs du territoire grâce à un organe
de concertation régional appelé Comité Régional Trame Verte et Bleue (CRTVB). Ayant
conscience de la taille de ce comité très conséquent, le cadrage national conseille de diviser
par la suite ce CRTVB en comités techniques plus restreints pour le suivi de l’avancement de
l’étude. Cette étude va donc devoir mobiliser tous les acteurs du territoire pour mettre en
commun les données dont chacun dispose et repérer les enjeux et conflits. Les retours
d’expériences montrent que les données sont souvent très éparpillées entre les acteurs et qu’il
n’est pas aisé de les mobiliser pour une analyse conjointe. Ainsi, la concertation va se faire en
partie avec ces acteurs par un processus participatif.
Dans ces processus, d’association d’acteurs sur un territoire et de prise en compte à la fois des
enjeux environnementaux et socio-économiques, les Parc Naturels Régionaux ont déjà une
certaine expérience, acquise lors de la conception de leur charte.
Créés par un décret en 1967, au départ les PNR ont pour objectif de préserver le patrimoine
naturel, ce qui est différent des problématiques de biodiversité. En revanche, depuis quelques
années, dans le cadre de leur Fédération, leur politique s’oriente vers l’expérimentation du
développement durable. En 2007, on compte 44 PNR qui représentent 13% du territoire
national (FPNR, 2007).
55
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Ils ont donc naturellement investi la question de la TVB et sont devenus un terrain privilégié
d’expérimentation de la démarche TVB. Ils ont d’ailleurs beaucoup participé à l’élaboration
des stratégies de mise en place de la politique de TVB. Enormément d’informations et de
retours d’expérience proviennent de leurs initiatives.
3.2- Un document d'aménagement du territoire : une appropriation
nécessaire qui passe par ‘convaincre et non contraindre’
Le Schéma Régional de Cohérence Ecologique est un document d’aménagement du territoire
qui traduit juridiquement les enjeux de biodiversité et de rétablissement et protection des
continuités écologiques. C’est donc par définition un document opposable. Cependant, cet
aspect a fait naître un fort débat sur la portée juridique de ce texte.
L'opposabilité est le caractère d'un type de relation qui régit les rapports juridiques entre deux
ou plusieurs personnes. Cette notion qui figure dans l'engagement 73 du Grenelle de
l'environnement repose sur trois niveaux d’obligation :
- obligation de conformité : obligation d'identité pour la règle inférieure par rapport à la
règle supérieure. Il existe toutefois des moyens d'atténuer cette obligation ;
- obligation de compatibilité : obligation de non contrariété. La décision inférieure ne
doit pas empêcher l'application de la décision supérieure ;
- obligation de prise en compte ou de prise en considération : ne correspond
originellement pas à un terme juridique faisant référence à la notion d'opposabilité.
Mais elle tend à s'en rapprocher. En effet, elle est désormais ancrée, notamment par la
jurisprudence et par la doctrine administrative. Les principes de cette notion ont été
précisés en 2004 par une jurisprudence du conseil d'Etat : « l'obligation de prendre en
compte conduit à une obligation de compatibilité sous réserve de possibilité de
dérogation pour des motifs déterminés avec un contrôle approfondi du juge sur la
dérogation ».
La loi Grenelle 2 explique actuellement que : « […] Les collectivités territoriales et leurs
groupements compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme prennent en
compte les [SRCE] lors de l'élaboration ou de la révision de leurs documents d'aménagement
de l'espace ou d'urbanisme. […] Les documents de planification et les projets de l'Etat, des
collectivités territoriales et de leurs groupements prennent en compte les [SRCE] et précisent
56
les mesures permettant d'éviter, de réduire et, le cas échéant, de compenser les atteintes aux
continuités écologiques que la mise en œuvre de ces documents de planification, projets ou
infrastructures linéaires sont susceptibles d'entraîner. Les projets d'infrastructures linéaires
de transport de l'Etat prennent en compte les schémas régionaux de cohérence écologique. »
(Art 371-3 du Code de l’Environnement, Loi Grenelle 2 n° 2010-788 du 12 juillet 2010)
Cette question de l'opposabilité a évolué au cours du processus de validation de la loi. En
octobre 2009, le Sénat adopte un projet de loi qui prévoit que le SRCE :
- respecte les orientations nationales ainsi que les éléments pertinents des SDAGE ;
- est pris en compte par les collectivités territoriales dans leur document
d'aménagement
- est pris en compte par les documents de planification et projets notamment
d'infrastructures linéaires, de l'Etat et des collectivités territoriales.
Les associations naturalistes telles que la ligue ROC ou France Nature Environnement
présentaient déjà dans un communiqué de presse conjoint du 25/11/09 que l'opposabilité allait
être un enjeu, et que cela allait déterminer si la TVB allait être à la hauteur ou non des
objectifs, être un « gadget ou un outil fort ».
Le 10 février 2010 les députés votent un amendement stipulant que les grandes infrastructures
linéaires de l'Etat devront être compatibles avec le SRCE. Cela est salué par les associations
environnementalistes. Ainsi, cet amendement se retrouve dans le projet de loi adopté le 11 mai
2010 par l'Assemblée Nationale :
- le SRCE est compatible avec les orientations nationales ainsi que les éléments
pertinents des SDAGE, ce qui marque un léger changement ;
- le SRCE est pris en compte par les collectivités territoriales dans leur documents
d'aménagement, ce qui ne change pas par rapport au texte précédent ;
- le SRCE est pris en compte par les documents de planification et projets notamment
d'infrastructures linéaires, de l'Etat et des collectivités territoriales, ce qui ne change
pas non plus par rapport au texte précédent ;
- on note donc l'apparition d'un paragraphe stipulant que les infrastructures linéaires de
l'Etat sont compatibles avec le SRCE.
Cependant, la Commission mixte paritaire qui s’est réunie le 16 juin et qui rassemblait sept
députés et sept sénateurs a décidé de revenir sur la nécessaire compatibilité des
infrastructures linéaires de l'Etat avec le SRCE au profit d’une prise en compte. Cette
modification perçue comme un retour en arrière et comme un affaiblissement de la TVB par
57
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
les associations naturalistes et certaines personnalités du champ politique a été lourdement
dénoncée. En effet l’Etat se disait vouloir être exemplaire. Mais le Sénateur Bruno Sido
explique que « dans la rédaction actuelle du texte, toutes les grandes infrastructures de l'Etat
doivent être compatibles avec le schéma de trame verte et bleue, or il faut que cela ne
concerne que les futures infrastructures et non pas celles existantes. […] Nous préférons par
ailleurs l'expression ''tenir compte'' plutôt que ''être compatible" […] sinon nous risquons de
nous enfermer dans un carcan, il faut un peu de souplesse »
Ainsi, avec cette portée juridique, le SRCE ne peut pas s’appuyer sur une stratégie forte visant
à contraindre. La stratégie à adopter est donc de convaincre, pour ce texte dont la réussite et la
portée concrète vont dépendre de son acceptation par l'ensemble des acteurs.
II- La France est-elle capable de saisir le contexte global
1- Le contexte écologique en France
1.1- La France : rôle essentiel pour la biodiversité
(les données présentées concernent seulement la France métropolitaine)
La France métropolitaine est le seul pays d'Europe à posséder de vastes territoires situés au
carrefour entre 4 domaines biogéographiques : atlantique, continental, alpin et méditerranéen
(Figure 5). Par sa situation géographique elle a donc un rôle majeur à jouer au niveau
européen pour la conservation de la biodiversité. 62% des types d'habitats d'intérêt
communautaire listés dans le cadre de la directive habitats sont présentes sur le territoire
métropolitain ; cette place particulière lui confère une diversité biologique importante.
58
Figure 5 : Carte de situation de la France et la Franche-Comté dans le contexte biogéographique et
orographique européen.
1.1.1 – La Flore
La France est un des pays d’Europe les plus riches en espèces de plantes supérieures
(phanérogames et ptéridophytes), 40% des espèces européennes. Au total, ce sont 4900
espèces végétales, dont 486 très menacées et 800 menacées. Les enjeux de conservation sont
donc importants. Des familles de plantes sont vulnérables car représentées dans les
écosystèmes français, par un nombre très faible d'espèce : 48 familles n’ont qu’une seule
espèce, 102 familles en ont 5 ou moins, 27 entre 6 et 10 et 74 familles ont 10 espèces ou plus.
59
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
(Duhautois et Hoff, 2000)
Il y a aussi un enjeu fort d’endémisme en France. On estime actuellement sur le territoire
métropolitain que 750 espèces sont endémiques, c'est-à-dire que la totalité de son aire de
répartition est à l’intérieur des frontières nationales, ou subendémiques, lorsque la majeure
partie de son aire de répartition est en France, ce qui représente 15% de la flore.
1.1.2 – La Faune
La France occupe l'un des premiers rangs pour la diversité des oiseaux, amphibiens,
mammifères et l'ensemble des vertébrés parmi les pays d’Europe (Duhautois et Morin, 1995).
On dénombre près de 531 espèces de vertébrés reproducteurs en France dont 109 sont
« strictement menacées » (Duhautois et Morin, 1995). Dans le tableau 1 sont énumérées pour
chaque catégorie le nombre d’espèces se reproduisant sur le territoire métropolitain et le
nombre d’espèces classées dans la catégorie strictement menacées de l’UICN. (Duhautois et
Morin, 1995 ; et SFF Secrétariat Faune Flore)
Tableau 1 : Statut de conservation des espèces se reproduisant sur le territoire métropolitain pour chaque
groupe faunistique. Source : Secrétariat Faune Flore, 1994
Ces données sous-estiment encore la diversité des espèces que l’on rencontre dans les milieux
métropolitains. Des études plus récentes font en effet état de 87 espèces de poisson d’eau
douce, 32 espèces d’amphibiens, 40 espèces de reptiles, 106 espèces de mammifères et 526
espèces d’oiseaux. (CGDD-SOeS, 2010a)
La France a de plus une lourde responsabilité en ce qui concerne la faune aviaire de par sa
position centrale sur l’axe de migration est-Atlantique entre la Sibérie, le Nord de l’Europe,
60
l’Europe de l’Est et l’Afrique de l’Ouest. Elle abrite ainsi la 3e population d’oiseaux d’eau
hivernante d’Europe, derrière les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Par exemple, ce sont entre 500
000 et 600 000 limicoles (petits échassiers recherchant leur nourriture dans la vase) qui
hivernent annuellement sur les côtes métropolitaines, principalement sur le littoral atlantique,
ce qui représente, pour beaucoup de ces espèces, plus de 10 % de leurs populations
européennes. (CGDD-SOeS, 2010a)
1.2- Un état des lieux alarmiste
La France, à l’image de la situation planétaire connait une biodiversité qui diminue et un état
global de l’environnement qui se dégrade. Les menaces sur les milieux sont avérées, avec par
exemple pour les milieux humides, une multiplication des surfaces drainées et pour les zones
agricoles, une multiplication de l’usage des pesticides et des engrais (Duhautois et Morin,
1995). On l’a noté précédemment, ces menaces atteignent la biodiversité et ce phénomène
s’accentue.
Les derniers chiffres de la Liste rouge des espèces menacées en France publié par l’UICN en
2009 fait état d’un risque de disparition en métropole pour 1 espèce d’oiseaux sur 4, 1 espèce
d’amphibiens, de reptiles et de poissons d’eau douce sur 5, 1 espèce de mammifères sur 10,
ou encore 1 espèce d’orchidées sur 6.
Des études réalisées sur l’abondance des oiseaux, qui apparaissent comme étant de bons
indicateurs de l’état de la biodiversité du fait de leur position élevée dans les chaînes
alimentaires, sont préoccupantes. Les résultats obtenus dans le cadre du programme STOC
(Suivi Temporel des Oiseaux Communs) attestent d’un déclin de leurs populations de 14% au
cours de la période 1989-2009. Mais dans le détail deux tendances sont observées, avec une
diminution de l’abondance des espèces spécialistes au profit d’une hausse d’un faible
nombre d’espèces dites généralistes. Sur la période 1989-2009 un recul de 12 % pour les
espèces spécialistes des habitats forestiers (18 espèces suivies), de 25 % pour les espèces des
milieux agricoles (20 espèces suivies) et de 21 % pour les espèces des milieux bâtis (13
espèces suivies) est observé. En revanche les effectifs des espèces généralistes sont en
augmentation de 20 % sur la période 1989-2009 (14 espèces suivies). Ce phénomène atteste
de la fragmentation et de l’homogénéisation des milieux (CGDD-SOeS, 2010a) ; source
MNHN (CRBPO)).
61
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Les chiffres de l’évolution de l’occupation du sol appuient cette hypothèse. La part des
espaces artificialisés en France métropolitaine, de 5,1 % en 2006 (Source : Corine Land
Cover) ont augmenté de 3 % depuis 2000. Cette augmentation s’est principalement réalisée en
empiétant sur les espaces agricoles et elle est la cause principale de la perte d’espaces
naturels. Ces deux derniers espaces représentent respectivement en 2006 59,9% et 34,4% du
territoire (Source : Corine Land Cover). En effet 82 % des pertes de milieux naturels, forêts et
zones humides sont dues à l’artificialisation et 12 % à la mise en culture. (CGDD-SOeS,
2010a)
Ainsi, l’artificialisation augmente et grignote les autres espaces. L’équivalent d’un
département français est artificialisé tous les 10 ans, soit 60 000 ha par an (UICN, 2010b).
Cela est en partie la conséquence d’une urbanisation toujours croissante. Cette politique
d’urbanisation est en effet inadaptée au contexte actuel de nécessité d’utilisation de l’espace
de manière économe et respectueuse. En effet, la maison individuelle hors lotissement
correspond à 1/3 des constructions en France sur 2002-2006 ce qui correspond à 70% de
l'espace urbanisé par l'habitat. (Bordère, 2010)
2- Contexte sociopolitique en France
2.1 – La Stratégie Nationale pour la Biodiversité : un échec.
En 2001, l’Union Européenne s’est engagée à stopper l’érosion de la biodiversité à l’horizon
2010. En 2004, la France adopte alors sa Stratégie Nationale pour la Biodiversité pour
répondre à ces objectifs. Aujourd’hui, en 2010, à l’échéance de cette politique, la délégation
française de l’UICN constate que ces objectifs ne sont pas atteints et que « la France doit
redéfinir une nouvelle stratégie à la hauteur des enjeux et de ses responsabilités » (UICN,
2010a). Cette évaluation fait quand même ressortir quelques points positifs comme la
progression en nombre (+32%) et en surface (+20%) d’espaces naturels protégés. Et il en est
de même pour les financements dédiés à la protection de la biodiversité, notamment grâce à
l’implication des collectivités locales et des entreprises. Mais les actions menées sont
toujours « nettement insuffisantes » (UICN, 2010a) pour freiner l’érosion de la biodiversité
et les pressions qui s’exercent sur elle comme l’artificialisation ou l’intensification agricole
qui se poursuivent à un rythme important. Une simple révision de cette stratégie ne sera pas
suffisante d’après L’UICN (2010a) : elle doit être redéfinie et largement renforcée.
Ainsi, c’est cette année, en 2010, que la France révise sa Stratégie Nationale pour la
62
Biodiversité (SNB). La nouvelle stratégie devra être prête pour 2011. L’UICN à la suite de
l’évaluation fait donc 10 recommandations pour la nouvelle stratégie à mettre en place
(UICN, 2010c) : (1). Adopter une nouvelle stratégie avec un objectif ambitieux pour 2020,
accompagnée d’un programme d’action précis et opérationnel ; (2). Assurer un portage
politique fort au niveau du Premier ministre et de chaque Ministre pour assurer une
intégration efficace de la biodiversité au sein des politiques publiques ; (3). Mettre en place
une nouvelle gouvernance pour passer d’une stratégie ministérielle à une véritable stratégie
nationale associant l’ensemble des acteurs, capitalisant leurs actions, favorisant leur
implication et les partenariats ; (4). Renforcer les capacités d’influence de la SNB et assurer la
cohérence des objectifs des autres politiques publiques avec ceux de la stratégie ; (5).
Renforcer les plans d’actions existants pour les transformer en de véritables documents
stratégiques et de mobilisation, et favoriser des actions transversales ; (6). Lancer de
nouveaux plans pour couvrir les domaines stratégiques manquants (éducation, économie,
industrie, culture…) ; (7). Promouvoir et accompagner l’élaboration de stratégies
territoriales de la biodiversité ; (8). Identifier et déployer les moyens financiers et humains
nécessaires ; (9). Mettre en place un système de pilotage et d’évaluation efficace ; (10).
Promouvoir la stratégie auprès du grand public pour mieux faire connaître les enjeux de la
biodiversité en France et les engagements pris.
2.2 – Les Français et la biodiversité
L’UICN dans son évaluation citée précédemment relève un manque de communication avec le
grand public (UICN, 2010c) et recommande de lancer des actions pour faire prendre
conscience aux français des enjeux de biodiversité.
Une enquête récente (CGDD-SOeS, 2010b) auprès des français montre que 6 Français sur 10
connaissent la signification du mot biodiversité. Parmi les individus qui avouent ne pas
connaître le sens du mot, 53% en donnent une définition juste. C'est par ailleurs un sujet qui
occupe depuis plusieurs années une place grandissante dans les médias français. Après des
apparitions timides lors des Sommet internationaux, depuis 2002 (avec l'engagement de
réduire son érosion) l'occurrence de ce terme ne cesse d'augmenter (Figure 6). En revanche,
les français ont une idée assez floue des causes de l'érosion de la biodiversité. En effet, ils sont
moins d’1 personne sur 5 à citer les pratiques agricoles intensives ou l’urbanisation et à peine
1 personne sur 10 à évoquer les modes de vie et de consommation des ménages comme
facteurs de dégradation. Bien qu’identifiée par les scientifiques comme l’une des causes
principales de l’érosion de la biodiversité en France, l’artificialisation du territoire à travers
63
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
l’urbanisation et la destruction des espaces naturels n’est que faiblement perçue comme une
pression par l’opinion. Ces résultats révèlent les difficultés qu’ont les individus à relier ce qui
dans leurs habitudes quotidiennes peut contribuer à la diminution de la biodiversité et donc
une difficulté à remettre en cause ces habitudes. Il y a donc encore un gros travail pour
amener à une prise de conscience globale.
Figure 6 : Occurrences du terme “biodiversité“ dans les dépêches de l’Agence France-Presse.
Source : Alternative Economique n° 196 : page 15
Cette préoccupation des français pour la biodiversité est apparue avec l’inquiétude pour la
préservation des espèces. Cette préoccupation, qui ne cesse de croître ces dernières années,
intervient dans la lignée de celle pour les changements climatiques et la qualité de
l'environnement (CGDD-SOeS, 2010b). Même si le réchauffement de la planète, la pollution
de l’air et de l’eau, sont les problématiques environnementales qui mobilisent le plus les
français, la disparition des espèces est leur 4ème préoccupation en matière d’environnement.
Les évolutions récentes montrent en revanche un recul de la mobilisation autour du
changement climatique alors que l’érosion de la biodiversité sensibilise davantage les
Français. (Figure 7)
64
Figure 7 : Les préoccupations politiques environnementales des Français.
Source : CGDD-SOeS, 2010a – p.85.
2.3- les outils de la protection en France
2.3.1 – La situation actuelle : une augmentation globale des surfaces concernées
Pour la gestion et la conservation de la biodiversité, il existe une gamme d’outils variés. Ces
outils diffèrent dans leur approche, leurs objectifs et leurs modalités d'application. Ils ont pour
but d'être complémentaires et de répondre de la manière la plus adaptée à la diversité des
enjeux et des problématiques rencontrées sur le terrain. On distingue ainsi 4 grandes
catégories d'outils (CGDD-SOeS, 2010a) :
- la voie réglementaire interdisant ou limitant par décret, arrêté ou délibération du
conseil régional les activités humaines dans certains espaces. Cela correspond aux
cœurs de parcs nationaux, réserves naturelles (nationales ou régionales), arrêtés
préfectoraux de protection de biotope, réserves biologiques domaniales ou forestières,
réserves nationales de chasse et de faune sauvage. Depuis 1998, le nombre et la
surface des espaces naturels protégés ont progressé en métropole jusqu’à atteindre
1,26% du territoire en 2008. Cette hausse est principalement due à la création de
réserves naturelles.
- la voie contractuelle qui associe préservation du patrimoine naturel et développement
local. Elle est mise en place par une démarche concertée associant les différents
usagers du territoire en mettant en place une charte. Ce sont les aires d’adhésion de
65
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
parcs nationaux, parcs naturels régionaux (PNR) et parcs naturels marins ; on y
associe généralement les engagements internationaux pris par la France (convention
de Ramsar et programme « L’Homme et la Biosphère » de l’Unesco, dont les
démarches sont similaires). La surface de ces espaces à également augmenté ces
dernières années jusqu’à atteindre 15,3% de la surface métropolitaine en 2008. Cette
augmentation s’explique par le succès des PNR.
- le réseau Natura 2000 qui traduit l'application des directives européennes « Habitats,
Faune, Flore » et « Oiseaux », avec la création de zones spéciales de conservation
(ZSC) et de zones de protection spéciales (ZPS). Les sites concernés sont désignés par
l’État en concertation avec les acteurs locaux. En France, c'est la voie contractuelle
qui a été choisie pour la mise en œuvre des mesures de gestion au sein de chaque site.
Après un début de mise en place difficile, ce réseau couvre quant à lui aujourd’hui en
2010, 12,5 % du territoire métropolitain.
- la maîtrise foncière, qui par l’acquisition de terrains permet de soustraire aux
pressions foncières des zones d'intérêt et d’y mettre en place des mesures de gestion
favorables à la biodiversité. Ces acquisitions sont réalisées par le Conservatoire du
littoral et les Conservatoires d’espaces naturels.
2.3.2 – La Stratégie de Création des Aires Protégées : un politique à maintenir...
Parmi les objectifs de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB) adoptée en France en
2004 figure la volonté de limiter les effets de la fragmentation des habitats naturels qui, avec
leur dégradation, constituent les causes principales de l’érosion de la biodiversité dans les
pays industrialisés. La loi n°2009-967 du 3 août 2009 dite « Loi Grenelle I » s’inscrit dans ce
cadre. C'est cette loi même qui introduit également la TVB. Mais elle introduit un deuxième
outil, la Stratégie de Création des Aires Protégées (SCAP). Cette SCAP est fondée sur un
diagnostic national du réseau actuel et sur l’identification des projets de création à prévoir
dans les prochaines années, avec un objectif ambitieux : passer de 1,26% en 20086 à 2% au
moins du territoire terrestre métropolitain placé sous protection forte.
Cette stratégie repose, sur 2 niveaux. Des priorités nationales définies par l'Etat à partir de
diagnostics écologiques, et l'appui d'experts nationaux. L’Etat est aussi garant de la mise en
œuvre de cette stratégie et recense pour évaluation, les propositions régionales de création
d’aires protégées et le suivi de leur mise en œuvre. 6 Source : MEEDDM
66
Les Préfets de région, en lien avec les collectivités territoriales volontaires (en particulier les
Conseils régionaux), avec l’appui technique des DREAL et scientifique des Conseils
Scientifiques Régionaux du Patrimoine Naturel (CSRPN), déclinent à l’échelle régionale, les
priorités nationales établies par l'État. Ce sont eux qui doivent formuler les propositions de
créations. C'est à cet échelon que se décident l’outil de protection adéquat et la méthode de
concertation à mettre en place.
2.3.3 – Natura 2000 : un handicap pour la mise en place de la TVB ?
La directive européenne 92/43/CEE « habitat » dans l'article 10, fait référence à la notion de
corridor écologique. Il est demandé aux États membres de mettre en œuvre un réseau
écologique cohérent en gérant les éléments du paysage qui ont une importance majeure pour
la faune et la flore. Ces éléments doivent faciliter la migration, la distribution géographique et
l’échange génétique des espèces sauvages. Ils peuvent être des éléments continus (comme les
rivières et leurs berges) ou jouer un rôle de relais (comme les étangs et les petits bois). La
modalité de mise en œuvre de ce réseau est laissée libre aux Etats.
Le début de la mise en place en France s’avère catastrophique. Un rapport présenté au
Sénat en 1997 décrit la directive avec ces mots : « un contenu intéressant mais une
application française en forme de psychodrame » (Le Grand, 1997). Ce rapport a été initié par
la Commission des Affaires économiques en juin 1996, alors que la mise en œuvre de la
directive Habitats tournait au drame dans le monde rural. En effet, face à ce texte mal connu
et mal interprété, avec une règle de jeu quasi inexistante et un défaut majeur de
communication les groupes sociaux ont adoptés une position défensive. Un groupe de travail
a donc été constitué pour analyser les raisons du phénomène et faire des propositions pour
relancer la mise en place.
La levée de boucliers du monde rural est alors pour partie expliquée par la directive
européenne « Oiseaux » de 1979 (création des Zones de Protection Spéciales) qui entre elle
aussi dans le réseau Natura 2000. En effet, la mise en œuvre de cette dernière a rencontré
l'hostilité notamment des milieux cynégétiques et a suscité de nombreux contentieux. En effet,
cette directive ne donnait aucun détail sur la procédure de création de ces zones et les
difficultés de mise en œuvre de cette dernière en France n'ont pas été sans rapport avec celles
rencontrées pour l'application de la directive « Habitats ». Ainsi, depuis 1979 certaines ZPS
ont été créées sans la moindre concertation déclenchant des animosités. Les acteurs du
67
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
monde rural, qui regroupent sur le terrain tant les agriculteurs, propriétaires fonciers et
sylviculteurs que les adeptes de la chasse et de la pêche, avaient donc suffisamment en
mémoire cet exemple récent pour se montrer méfiants lors de la mise en œuvre de la directive
« Habitats ». Des réactions hostiles se font sentir également du côté des élus locaux. Par
l’application de la directive « Oiseaux », un inventaire des Zones Naturelles d'Intérêt
Ecologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) débute. C’est à l’origine un simple outil de
connaissance scientifique. L’identification de ces zones s’est faite sans aucune concertation ou
même demande d’avis des propriétaires ou des collectivités territoriales concernées. Malgré
leur valeur juridique directe contestable, ces documents se sont vus reconnaître par différents
tribunaux administratifs une valeur juridique (indirecte) opposable aux autorités
administratives chargées de la gestion de l'espace. Ces documents que sont les ZNIEFF sont
alors considérés par certains comme l’expression d’un excès de pouvoir.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les inventaires proposés lors de la première
phase de désignation des sites ayant vocation à intégrer le réseau Natura 2000 qui ont été
confiés aux mêmes structures et selon la même méthodologie (absence de concertation) que
pour les inventaires ZNIEFF n’ont pas été acceptés. Ainsi, lors du printemps 1996, lorsque la
proposition de classer 13% du territoire est annoncée, une opposition générale du monde rural
et des collectivités territoriales se fait ressentir. Le gouvernement décide alors de geler
l'application de la directive Habitats.
En 1996/1997, une nouvelle stratégie de désignation des sites est alors mise au point et la
procédure est alors relancée. Un comité national de concertation est alors créé en 1996,
même si l’absence de représentants des collectivités territoriales est déplorée. De plus, la
désignation de chaque site fait l’objet d’une concertation et d’une recherche de consensus
local et la mise en œuvre se fait par voie contractuelle. Cette méthodologie à permis d’arriver
en 2008, à la constitution de l’essentiel de la partie terrestre du réseau Natura 2000 français.
(CGDD-SOeS, 2010a)
La concertation débute localement dès l'élaboration des propositions de sites. Chaque site est
doté d'un document cadre approuvé par le préfet, le Document d’objectifs (DOCOB). Il est
établi en concertation avec les acteurs locaux. Il contient la présentation générale du site, les
inventaires et cartographies des habitats et espèces, recense les pratiques humaines,
hiérarchise les enjeux et définit les orientations de gestion et les moyens financiers
d’accompagnement. L’élaboration de ce document est un travail d’appropriation locale par les
68
acteurs qui cherchent à s’accorder sur des objectifs et des moyens. Il est établi par un
opérateur technique, choisi par l’état en concertation avec les acteurs locaux réunis au sein
d’un comité de pilotage (COPIL) spécifique du site. Ce COPIL est l'organe clé du processus
de concertation. Il est présidé par un représentant des collectivités territoriales présentes dans
le comité de pilotage ou à défaut par le Préfet ou son représentant. A ces représentants des
collectivités territoriales et de leurs groupements, viennent s’ajouter les représentants des
propriétaires et exploitants agricoles. Sa composition est souvent complétée par des
gestionnaires, des organismes consulaires, et des associations. C'est une instance de débat
avec pour mission principale d’examiner et d’amender les documents préparatoires élaborés
par l’opérateur, puis de valider le document d’objectifs final.
Les retours d’expérience attestent d’un réel intérêt pour la protection de la nature,
malheureusement tempéré par la longueur et la complexité des démarches administratives, la
lourdeur des procédures, et l’insuffisance des moyens financiers mis à disposition pour
atteindre les objectifs. Face à cela, les acteurs ont parfois délaissé les objectifs
environnementaux, et parfois cherché d’autres formes d’action. Ainsi, certaines communes
ont adopté une démarche individuelle et procédé à des aménagements qui auraient pu être
inclus dans Natura 2000.
Des problèmes de cohérence sont également signalés à l’égard des autres politiques publiques.
Il existe des contradictions entre certaines aides à l’agriculture et les objectifs
environnementaux fixés par Natura 2000. Un autre frein à la mise en œuvre de cette politique
sur le terrain est la difficulté de la concilier avec les politiques de développement économique.
Il ressort également de ces bilans de mise en œuvre de cette politique, l’importance de
l'animation et de la mise en réseau de tous les animateurs N2000 qui a été essentielle à la
réussite. C'est un des facteurs clés. Cette démarche à permis partiellement de compléter le
manque de connaissances, et a montré l’important travail restant à faire, en particulier en
phytosociologie et entomologie. (Maresca et al., 2006)
En revanche, cette politique a manqué de visibilité. Un trait marquant est le faible degré
d’information de la population des communes concernées et riveraines sur l’existence de ce
programme. Si le sigle évoque quelque chose à 54% des habitants, moins de 10% ont une idée
précise de ce qu’il recouvre (Maresca et al., 2006). Plus globalement en France, ce sont 31%
qui déclarent en avoir entendu parler (contre 21% pour les Européens) parmi lesquels
seulement 12% savent ce que c’est (CGDD-SOeS, 2010b)
69
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
2.4 – des politiques de plus en plus décentralisées
2.4.1 – Appropriation locale de la gestion de l'environnement
D’après l’article L121-1 du Code de l'urbanisme (Annexe 4) : les Schémas de Cohérence
Territoriale (SCoT), Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) et les cartes communales
déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du
développement durable :
(1) l’équilibre entre renouvellement / développement / restructuration / sauvegarde des
espaces urbains, et utilisation économe / préservation / protection des espaces agricoles et
naturels ;
(2) la diversité des fonctions et la mixité sociale, pour la satisfaction des besoins, sans
discrimination, avec une répartition géographique équilibrée et en diminuant les obligations
de déplacement individuel ;
(3) la maîtrise énergétique, la préservation de la qualité de l’environnement et de la
biodiversité, remise en état des continuités écologiques et prévention des risques.
Les documents d'urbanisme doivent permettre de préserver les espaces agricoles, forestiers,
naturels et les paysages. (Code de l’urbanisme art. L121-1, 1er alinéa). Le SCoT définit les
objectifs en matière de protection des paysages et détermine les espaces naturels et agricoles à
protéger (Code de l’urbanisme art. L122-1). Cela peut se définir à l'aide de documents
cartographiques (Code de l’urbanisme art. R122-3). Le PLU peut comporter des interdictions
de construction, et délimiter les zones naturelles, agricoles et forestières à protéger (Code de
l’urbanisme art. L123-1). Il peut également définir les prescriptions de nature à assurer leur
protection.
Le Schéma Régional de Cohérence Ecologique, pour sa mise en œuvre locale va devoir
s'appuyer sur ces documents d'aménagements et de planification. Or, la couverture du
territoire national par les SCoT est environ de moitié (DREAL FC – EDAD, 2010) (Figure 8).
Cela est problématique pour la bonne mise en œuvre de la Trame Verte et Bleue. En revanche,
les causes de ce demi-succès sont connues : (DREAL FC – EDAD, 2010)
- l'absence de réelle obligation réglementaire ;
- le coût d’élaboration d’un SCoT, jugé élevé ;
- le montage juridique complexe (impliquant souvent de créer une nouvelle structure de
type syndicat mixte) ;
70
- les possibilités dérogatoires offertes par la loi, permettant de contourner les
interdictions sans passer par un SCoT (voir paragraphe suivant) ;
- l'outil SCoT est considéré comme un dispositif adapté à l’urbain et moins au rural. Le
seuil initial proposé par la loi SRU, de 15 000 habitants, permettait de mobiliser
également les territoires ruraux. Mais la loi urbanisme et habitat de 2003 en relevant
ce seuil à 50 000 habitants a fait naitre cette impression. La nouvelle modification à
venir issue du Grenelle 2 devrait toutefois revenir au seuil initial visant la
généralisation des SCoT.
L’article L 122-2 du code de l’urbanisme, issu de la loi sur la solidarité et le renouvellement
urbains du 13 décembre 2000 (loi SRU) et modifié par la loi urbanisme et habitat du 2 juillet
2003, est plus connu des praticiens sous l’appellation « règle des 15 km » ou « règle de
l’urbanisation limitée ». En effet, il s’agit d'interdire aux communes, comprises dans un rayon
de 15 km autour d’une agglomération de plus de 50 000 habitants, la modification ou la
révision du PLU qui permettrait l’ouverture à l’urbanisation de zones naturelles, ou de zones à
urbaniser délimitées après le 1er juillet 2002. Il existe cependant des dérogations lorsque cette
commune est incluse dans un périmètre de SCoT. C'est alors l’établissement public
responsable du SCoT qui peut lever cette interdiction. En l’absence de SCoT, la dérogation
peut être délivrée par le préfet, après avis de la chambre d’agriculture et de la commission
départementale de la nature, des sites et des paysages. Cette règle était déjà une mesure
d’incitation à élaborer des SCoT.
La nouvelle écriture de cet article (qui va entrer en vigueur le 13 janvier 2011) prévue par
l’article 17 de la loi Grenelle 2 (Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010) (Annexe 4) introduit
deux changements fondamentaux visant à la généralisation des SCoT. Le premier est le
retour du seuil de 50000 à 15000 habitants pour la ville au centre du périmètre de 15km à
compter du 1 janvier 2013. Le second conduit à la suppression de ce seuil pour 2017 pour
globaliser cette règle et généraliser les SCoT. Il sera toujours possible de recourir à la
dérogation, mais cela deviendra sans doute plus difficile. Par cette nouvelle écriture, le
législateur ambitionne un modèle de territoire entièrement couvert par des SCoT. (DREAL FC
– EDAD, 2010)
Cette loi devrait s'accompagner d'un possible transfert de la compétence « élaboration des
documents d’urbanisme » aux intercommunalités. Un amendement visant à imposer le
transfert de compétences d'élaboration des PLU en faveur des intercommunalités a été déposé
et finalement rejeté. Mais ce dernier a eu le mérite d'engager un débat parlementaire sur le
71
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
sujet : « Le mitage est une réalité de notre territoire. Les communes ont compétence en
matière d’urbanisme depuis trente-cinq ans et cela n’a empêché ni la consommation des
terres agricoles ni le mitage, bien au contraire. Avec la vue plus globale, plus cohérente que
nous proposons, il sera possible de lutter plus facilement, me semble-t-il , contre le mitage. »
Benoist Apparu. Extrait des débats parlementaires (DREAL FC – EDAD, 2010)
Figure 8 : Carte nationale des Schémas de Cohérence Territoriale et leur statut au 23 juillet 2010.
Source Observatoire des territoires, DGALN
72
2.4.2 – Appropriation des outils de protection
Entre 1998 et 2008, le nombre d’aires protégées par voie contractuelle et engagements
internationaux a progressé d’un tiers en métropole (78 sites en 2008), soit un accroissement de
24 % en termes de surface. L’engouement des collectivités locales pour les Parc Naturels
Régionaux (PNR) explique en grande partie cette dynamique (CGDD-SOeS, 2010a). C'est un
outil qui permet la protection du patrimoine culturel et naturel en alliant les enjeux de
préservation de la nature tout en prenant en considération les enjeux socio-économiques. Ce
sont des périmètres qui ont eu beaucoup de succès auprès des territoires ruraux à forte
identité. Ces périmètres ont permis, sur des zonages de groupements de communes, de
prendre en compte la préservation des paysages, des habitats et pratiques traditionnelles,
permettant de manière indirecte la prise en compte des problématiques de biodiversité. La
stratégie nationale de la Fédération des PNR s'engageant de plus en plus pour les enjeux de
biodiversité également contribué à la dynamique.
Les collectivités locales se responsabilisent et agissent de plus en plus pour la biodiversité.
Ceci se voit très bien dans les montants qu'elles engagent dans leurs actions. En effet, le
montant des actions pour la biodiversité engagé par les collectivités locales représente la
moitié de la dépense totale en France pour la biodiversité. Sur la période de 1998 à 2008, ces
dépenses pour la biodiversité ont plus que doublé. En 2008, les communes contribuent pour
55 % à la dépense des administrations publiques locales pour les actions en faveur de la
biodiversité. (CGDD-SOeS, 2010a). (Figure 9)
Figure 9 : Répartition des parts de chaque financeur d'action en faveur
de la biodiversité et des paysages en 2008. Source : CGDD-SOeS, 2010a.
73
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Mais cette montée en puissance des collectivités locales dans la gestion de la nature est aussi
en grande partie liée à la démarche Natura 2000. La participation des élus locaux aux
comités de pilotage a marqué leur premier réel engagement dans une politique globale de
protection de la nature. Elle leur a ouvert des perspectives en termes de financement, mais
aussi d’appropriation locale de la biodiversité. Mais une crainte actuellement se fait sentir
dans le réseau Natura 2000. En effet, avec la demande d'évaluation prochaine du réseau
N2000 par la Commission Européenne, la menace plus ou moins réelle et à plus ou moins
longue échéance d’une évaluation-sanction pourrait remettre en cause le mode d’application
des directives qui a été choisi.
Cette décentralisation pose certaines questions : Quelle sera la priorité donnée localement à la
biodiversité, par rapport à des objectifs d’aménagement (amélioration du réseau routier,
nouvelles lignes de train…), ou de développement économique ? Quelle capacité d’arbitrage
ont les collectivités locales face à des enjeux conflictuels ? Quelle résistance à des lobbies
régionaux ? Quelle capacité ont-elles à percevoir des enjeux qui se situent pour beaucoup à
une échelle beaucoup plus globale que leur territoire ? Et, une cohérence nationale est-elle
possible avec des actions pilotées localement ?
L’IUCN dans son évaluation de la stratégie nationale pour la biodiversité (UICN, 2010c)
évalue toutefois positivement cette prise en main par les collectivités locales et le
renforcement de la prise en compte de la biodiversité en ville, enjeu important qui nécessite
notamment de définir les modalités d’intégration des trames verte et bleue dans les documents
d’urbanisme (UICN, 2010c)
2.5- contexte de crise économique
Dans le contexte de crise que connait la France, on pourrait craindre que l'environnement
reste, comme il l'a été durant le siècle dernier, le parent pauvre de la politique. Mais les
évolutions semblent être plutôt positives. Entre 1998 et 2008, Alors que la production
intérieure brute n’a progressé que de 22 % en valeur, la dépense relative à la protection de la
biodiversité et des paysages a augmenté de 70 % pour atteindre 1,7 milliard d'euros en 2008.
Les dépenses accordées à la biodiversité ont même plus que doublé entre 1998 et 2008 alors
que la dépense pour la protection des paysages a seulement augmenté de 20%. Ainsi, en 2008
60% des dépenses sont accordées à la biodiversité. (CGDD-SOeS, 2010a). Les actions de
74
protection de la biodiversité sont pour l'essentiel financées par les collectivités locales et
l’État. Ils couvrent ainsi 3/4 de ces dépenses.
Au sein de l’administration centrale, le financement est assuré à 58 % par le ministère en
charge de l’Écologie, le reste provenant d’autres ministères (Agriculture notamment).
Le 1/4 restant est financé sur des fonds privés provenant des entreprises. Cependant, la
proportion de cette part, depuis 1998 s'est érodée, passant de 45 % en 1998 à 20 % en 2008.
Des financements européens viennent également en appui des actions en faveur de la nature.
(CGDD-SOeS, 2010a)
III- Des recommandations qui déterminent les axes de l'étude
1- Des recommandations générales pour négocier le changement
1.1 – Des moyens en accord avec les objectifs ?
Dans son évaluation de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB), l'UICN explique
que « les actions qui ont été engagées n’ont donc pas été à la hauteur des enjeux » (UICN,
2010c). En effet, l'objectif de stopper l'érosion de la biodiversité pour 2010 nécessitait un
portage politique fort, avec une stratégie clairement identifiée et des actions définies. Ce qui
d'après cette même évaluation a manqué. De plus, le retour d'expérience de Natura 2000
montre qu'un frein à l'engagement dans cette politique était l'insuffisance de moyens
mobilisés. Ainsi, même si les sommes attribuées aux politiques de la conservation de la
biodiversité ne cessent de croitre ces dernières années, elles s'avèrent encore largement
insuffisantes pour atteindre un objectif aussi ambitieux que stopper l'érosion de la
biodiversité. Dans ses recommandations pour la nouvelle SNB de 2011, l'UICN explique que
cette politique de conservation doit être largement renforcée, à la fois par le portage politique
jusque dans les autres ministères, et en termes de moyens financiers et humains.
Cependant, le démarrage du dossier Trame Verte et Bleue fait naître quelques inquiétudes.
Aucune information n'est encore diffusée sur les moyens qui seront disponibles pour
l'élaboration et le suivi de cette politique. Et au niveau politique, les débats autour des textes
de loi et de la portée juridique des documents fait présager une nouvelle fois une volonté
politique insuffisamment affirmée. Pour exemple, l'opposabilité du Schéma Régional de
75
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Cohérence Ecologique face aux infrastructures de l'Etat, qui doit pourtant se montrer
exemplaire, à été réduite à une simple prise en compte. De plus, de nombreux documents ou
aides méthodologiques pour appuyer la mise en place du SRCE en région devaient être
produits au niveau national. Or, faute de moyens, beaucoup de ces projets ont été abandonnés.
1.2 – Une vision systémique pour une appréhension nouvelle du territoire
d'action.
La vision d'une politique de conservation mettant de petits habitats sous cloches est
maintenant dépassée. Il commence à être acquis que les habitats ne sont pas imperméables ou
hermétique ; qu'ils sont influencés directement ou indirectement par tout l'environnement
adjacent, voire distant. Cette vision plus globale a amené l'intérêt sur les relations au sein des
écosystèmes et sur comment se font les échanges ente les différents composants du système
(Chevassus-au-Louis et al., 2004). Cette vision systémique a forcé à s'intéresser aux paysages
dans leur ensemble et à engager des réflexions sur la gestion des espaces de manière plus
globale. C'est cette démarche qui a lancé les approches multifonctionnelles des habitats. Il
faut considérer le territoire dans son ensemble et par conséquent gérer cet espace mosaïque
comme un tout.
1.3 – Une mise en œuvre rapide : des démarches parallèles
Le rythme de diminution de la biodiversité et la rapidité des changements climatiques forcent
à une action rapide pour préserver la biodiversité. Cependant, notre manque de connaissance
et l’absence de recul quant au fonctionnement des écosystèmes, font que la construction
habituelle des politiques, linéaire et séquentielle, passant par les étapes de description,
compréhension, et gestion/action s'avère trop longue devant l'urgence de l'action à lancer. Il
apparait nécessaire, vu l’urgence, de se lancer dans une nouvelle méthode de construction de
politiques où ces étapes se développent simultanément, de manière interactive en se
nourrissant continuellement de l'avancée dans les autres activités. Ce processus aboutit à la
notion de « spirale d'apprentissage » (Chevassus-au-Louis et al., 2004).
De plus pour faire avancer notre connaissance, il faut revoir en partie les stratégies de
recherches dans ce domaine. Le modèle hypothético-déductif basé sur l’expérimentation en
milieu contrôlé, n'est pas vraiment adapté à la situation d'urgence et de manque de moyens
dans lequel nous sommes. Il existe d’autres approches concluantes, comme la recherche-
observation, un peu plus empirique et basée sur la description et le suivi spatio-temporel des
76
phénomènes ou la recherche-action, qui implique des interactions étroites entre chercheurs et
gestionnaires d’une ressource ou d’un espace et qui teste l'influence des actions menées.
(Chevassus-au-Louis et al., 2004)
Ainsi, cette nouvelle politique environnementale nécessiterait un suivi et une évaluation qui
participeraient à compléter les connaissances et mettre à jour les savoirs, ce qui
permettrait d'aboutir à chaque révision de cette politique, à une action de plus en plus efficace
et adaptée.
1.4 Communication
L'UICN dans l'évaluation évoquée précédemment (UICN, 2010c) dénonce le manque de
communication de la dernière politique menée dans le cadre de la SNB. Ce manque de
communication est transversal à toutes les politiques environnementales. Si les Français
commencent à percevoir ce qu'est la biodiversité et le fait qu'elle soit menacée (CGDD-SOeS,
2010b), ils sont trop peu informés des politiques qui sont menées en sa faveur. Ce constat a
été également fait lors de l'évaluation Natura 2000 (Maresca et al., 2006).
Pour aboutir aux objectifs fixés, la politique va devoir devenir forte et contraignante. Pour
éviter de lever des animosités face à ces politiques, il est essentiel de communiquer sur les
objectifs, les enjeux et l'urgence de l'action. Cette lisibilité de la politique est le seul moyen
pour qu'elle soit acceptée et qu'elle puisse faire l'objet d'un consensus global. De plus, il
existe une réelle demande d'information de la part des citoyens, d'ailleurs prêts eux-aussi, à
leur échelle, à agir en faveur de la biodiversité (CGDD-SOeS, 2010b)
1.5 – la Cohérence par la subsidiarité des échelles
Il n'est pas encore acté, même si c'est un des objectifs de la TVB, que la politique de
conservation de la biodiversité doive être intégrée par toutes les politiques, dans le champ
social, économique... L'UICN recommande également un portage interministériel pour la
nouvelle SNB (UICN, 2010c).
Mais au delà de cette cohérence des différentes politiques, il faut une cohérence dans la
réalisation même du réseau écologique, ce qui passe on l’a vu par une vision globale. Le
réseau doit dépasser les limites administratives. De plus, des enjeux pour la biodiversité
interviennent à différentes échelles. L’établissement du Réseau Ecologique Paneuropéen a
permis l'identification de cœurs de biodiversité et de couloirs de déplacements d'importance
européenne. Ensuite, jusqu'au local, chaque niveau doit identifier ses propres enjeux en
prenant en compte le niveau supérieur et en se nourrissant des diagnostics et enjeux des
77
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
échelles inférieures. C'est l'articulation des échelles qui est indispensable pour une
identification des enjeux de biodiversité qui soit cohérente et qui prenne en compte la
multifonctionnalité des espaces. Il s’agit même de dépasser les frontières nationales pour
travailler avec les pays limitrophes.
Le principe de subsidiarité veut d’autre part que le travail soit réalisé à l'échelle la plus
adaptée. C'est pour cette raison qu'il est nécessaire de décentraliser l'identification des enjeux
car chaque région à ses particularités. Ensuite, la mise en œuvre locale, le dessin des
corridors à la parcelle, le dialogue entre les acteurs concernés ne peut pas se faire à l'échelle
régionale, mais doit l'être à une échelle plus fine. De plus c'est à cette échelle que les enjeux
socio-économiques sont les mieux appréhendés et spatialisés. Cette échelle permet aussi une
cohérence avec de plus en plus de politiques qui se gèrent maintenant au niveau
intercommunal. Evidemment, cette échelle locale, pour percevoir les enjeux qui la dépassent,
comme une connexion biogéographique, nécessite le recul que lui apporte l'échelle régionale.
1.6 – Une appropriation essentielle : concertation et démarche
participative
L’UICN souligne que la Stratégie Nationale pour la Biodiversité ne doit pas être seulement
une stratégie ministérielle mais qu’elle doit faire l’objet d’un portage global (UICN, 2010a).
Or elle déplore le peu d’implication des acteurs comme les associations, les collectivités
territoriales et les entreprises dans les actions de la SNB (UICN, 2010c).
Or, la politique Trame Verte et Bleue fera partie de la SNB 2011. Dans le premier chapitre de
cette partie 2, on a vu que la TVB et le SRCE avaient une opposabilité limitée. Or la mise en
œuvre de cette politique nécessite que le SRCE soit pris en compte par les documents
d’aménagement. Pour que cette transition se fasse au mieux, les acteurs politiques locaux
doivent accepter ce document. Il doit être concerté pour qu’il n’y ait pas de levées de
boucliers à la mise en œuvre, et pour qu’il soit accepté par les acteurs et utilisateurs de
l’environnement et de l’espace. Pour cela, il faut associer les acteurs très en amont, à la fois
lors de la conception de la politique par un processus de concertation, mais également déjà
lors de l’élaboration du diagnostic qui doit être partagé, et cela par un travail participatif.
78
2- Les axes de travail de l'étude et les questions abordées
Ce contexte français va avoir une influence importante sur la mise en place de la Trame Verte
et Bleue et donc sur la mise en place du SRCE en région. L’identification des grands enjeux et
points clés qu’il va être primordial de prendre en compte lors de la mise en place du SRCE
ont permis d’orienter les réflexions de cette étude.
Ainsi, mon travail sur le terrain réalisé en Franche-Comté sera axé sur quelques aspects qu’il
ne faudra pas éluder si l’on veut que le SRCE soit un document d’aménagement du territoire
qui ait une utilité avérée pour la biodiversité.
Je vais donc m’intéresser au positionnement des acteurs face à cette question pour
commencer à identifier sur quels publics il faudra porter le plus l’attention et ou faire l’effort
de communication. Je m’intéresserai donc à leur compréhension des enjeux et des objectifs
visés par la TVB.
Je m’interrogerai également à la manière d’articuler les échelles, pour une prise en compte à
la fois les échelles supérieures et inférieures. Cette réflexion au sujet des échelles sera croisée
avec une seconde réflexion sur la concertation : en fonction de l’échelle considérée, la
concertation prendra-t-elle la même forme, associera-t-elle les mêmes acteurs ?
Une question très importante aussi est celle de la manière d’associer les différents acteurs,
si l’on veut une acceptation et une appropriation la plus globale possible.
Conclusion :
L’éthique, l’idéologie et la méthodologie de mise en œuvre de la Trame Verte et Bleue fait de
cette politique l’outil idéal pour négocier le virage sociétal et politique qui se dessine
aujourd’hui en faveur de la préservation de la biodiversité. Elle intègre les dernières avancées
en terme d’écologie du paysage et prend en compte les erreurs des politiques passés que les
scientifiques ont dénoncées. Avec les concepts de nature ordinaire, de nature en ville, et la
volonté d’associer le grand public, elle accompagne l’appropriation du problème de la
biodiversité qui devient un problème sociétal. Elle devrait permettre de répondre à la demande
croissante d’information et de nature de proximité. De plus, par les processus de sa mise en
œuvre, en associant des comités à 5 collèges, par les enquêtes publiques, la concertation et le
travail partenarial, elle répond à l’exigence de transparence des politiques, et à l’idéologie de
la démocratie environnementale. Elle accompagne également la démarche de cohérence des
79
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
politiques et de cohérence territoriale en s’appuyant sur l’intercommunalité et les documents
de planification. Il semble en effet, que l’intercommunalité prenne de plus en plus
d’importance dans la mobilisation des compétences.
Cependant, il ressort que tout cela ne sera pas aisé à mettre en œuvre. Il existe quelques
réticences à ces politiques environnementales dans le monde rural qui datent de la mise en
œuvre de Natura 2000. Le contexte de crise économique avec la limitation des budgets et
l’économie de moyens ne va pas non plus faciliter sa mise en œuvre. Si le gouvernement n’en
fait pas une politique réellement prioritaire, le manque de moyens humains et surtout
financiers est à craindre. Cette politique doit également faire preuve de pédagogie car elle doit
expliquer qu’il est nécessaire d’agir malgré le manque de connaissance. Et qu’il ne faut pas à
cause de ce manque de connaissance et de recul remettre en cause la nécessité d’agir vu
l’urgence. En effet, ce manque de connaissance se comblera au cours de cette politique qui est
évolutive. Il va donc être nécessaire d’investir de l’énergie dans le suivi et l’évaluation,
parfois négligés lors de la conception des politiques.
Pour les scientifiques, cette politique représente une opportunité très intéressante pour la
recherche. C’est en effet une expérience « grandeur nature » de réseau écologique à toutes les
échelles, du continent européen au local. Cette expérience sera un moyen de mieux
comprendre les interactions entre les échelles locales, régionales et globales des problèmes
d’environnement, une occasion unique de mise à l’épreuve des concepts de l’écologie du
paysage.
La France est ainsi à un moment charnière de sa politique environnementale. Elle est très
attendue car elle est en cours de révision de sa Stratégie Nationale pour la Biodiversité. En
octobre 2010, va se dérouler la 10ième conférence des parties de la Convention sur la
Diversité Biologique, à Nagoya, où un nouvel objectif et un nouveau cadre d’actions au
niveau international seront adoptés. La France va donc prochainement devoir s’engager sans
demi-mesure dans sa politique si elle veut parvenir à remplir ses objectifs pour la biodiversité.
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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Chapitre III
Mise en place de la Trame Verte et Bleue en
Franche Comté
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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Introduction
Grâce aux avancées scientifiques et politiques abordées dans les précédentes parties, une
nouvelle stratégie pour limiter l’érosion de la biodiversité voit le jour. Elle s'appuie sur le
concept du réseau écologique et amène la nature au cœur même des espaces anthropisés et des
projets de territoire. Cette politique s'appuie donc inévitablement sur l'appropriation par la
société dans son ensemble des problématiques environnementales.
En France, cette stratégie est née lors du Grenelle Environnement de 2007. Elle porte le nom
de Trame Verte et Bleue (TVB). Une étape cruciale de sa mise en œuvre et de son
acceptation est actuellement en cours. C'est la réalisation du Schéma Régional de Cohérence
Ecologique (SRCE), document concerté d'aménagement du territoire qui doit être mis en
place à l'échelle régionale par une co-élaboration Etat-Région pour fin 2012.
Sa mise en œuvre sera étudiée dans cette troisième partie dans le contexte du territoire de la
région Franche-Comté. Nos réflexions ont pour objectif d’orienter les démarches de la
DREAL Franche-Comté dans la réalisation d’une feuille de route pour l’élaboration du
SRCE qui sera présentée aux différents services de l’Etat et à la Région. Cependant, Il ne
s'agit seulement que de réflexions sur la méthodologie et il est important de préciser que cette
dernière va devoir être mise au point par une collaboration entre le Conseil régional et la
DREAL. Ces réflexions n'engagent ni ne représentent le positionnement de la DREL ou du
Conseil Régional.
Cette étude va s'appuyer sur un travail bibliographique ainsi que sur la rencontre de différents
acteurs du territoire. Mais nous n'allons pas restreindre notre étude aux limites
administrative de la région Franche-Comté et nous nous intéresserons aussi aux retours
d'expérience de cette mise en œuvre régionale, ainsi qu’aux avancées des réflexions dans les
régions et pays limitrophes.
84
I- Les contextes en Franche-Comté : approche multiscalaire
1 – Les réflexions sur les continuités écologiques : un contexte supra-régional
1.1 – Méthode de recueil des informations
1.1.1 – l’intérêt d’une approche supra-régionale
Le réseau écologique désigné par le Schéma Régional de Cohérence Ecologique doit être
cohérent au delà des limites administratives. En effet, les animaux dans leurs déplacements
ne connaissent pas de frontières. De plus, l'un des objectifs de la Trame Verte et Bleue est de
permettre aux espèces de pouvoir se déplacer librement pour faire face aux changements
climatiques et donc de pouvoir réaliser les déplacements nécessaires et la colonisation de
nouveaux habitats.
1.1.2 – Les régions limitrophes françaises
Pour prendre connaissance des initiatives des régions limitrophes françaises, mon travail s'est
appuyé sur la bibliographie disponible. Une collaboration avec Géraldine Rogeon, chargée
de mission TVB Grand-Est au Muséum National d'Histoire Naturelle a permis d'acquérir
une vision 'terrain' de ce qui se passe dans les régions limitrophes. Son travail consiste à
suivre l'élaboration de la TVB en Région auprès de la Franche-Comté, la Bourgogne, l'Alsace
et la Lorraine. Elle doit faire remonter au niveau national des informations concrètes sur le
déroulement et les difficultés rencontrées localement. J'ai également été directement en
contact avec Aurélie Tarrago, stagiaire à la DREAL Alsace qui travaillait également sur la
mise en place du SRCE.
1.1.3 – La cohérence transfrontalière
La région Franche-Comté est transfrontalière avec la Suisse et plus particulièrement avec les
cantons de Vaud, Neuchâtel et du Jura. Le système suisse donne une très forte autonomie aux
cantons. Ce sont eux qui possèdent la totale compétence pour ce qui est de l’aménagement du
territoire. Ainsi comme on l’a vu dans le chapitre précédent, le Réseau Ecologique National
(REN, 2004) publié par la Fédération, ne constitue qu’un document d’information. Chaque
canton est donc libre de l’appliquer ou non et avec la méthode et les moyens de son choix.
En plus de s'appuyer sur ce document, nous avons pris contact avec Antonio Righetti, qui
était alors le correspondant REN à l'Office Fédéral de l’Environnement et un des co-auteurs
du REN. Un questionnaire lui a été transmis et a permis d'identifier les méthodes, les retours
d'expérience et la portée du REN (Annexe 5). De plus, il nous a orientés vers les
85
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
correspondants cantonaux.
Nous avons ainsi pris contact avec ces correspondants cantonaux et organisé des rencontres en
vue d’une cohérence dans la mise en place du réseau écologique et la recherche de synergies
possibles.
- Canton de Neuchâtel : nous avons rencontré Marie-France Cattin et Philippe Jacot
Descombes (Office de la conservation de la nature) le 25/08/2010 ;
- Canton de Vaud : nous sommes entrés en contact avec Catherine Strehler-Perrin
(Conservatrice de la nature - Département de la sécurité et de l'environnement -
Service des forêts, de la faune et de la nature) qui dans le cadre du partenariat
nouvellement lancé, nous a invité à intervenir au cours de leur séminaire sur les
réseaux écologiques le 31/08/2010. Nous les avons également rencontrés en petit
comité le 02/09/2010.
- Canton du Jura : nos interlocuteurs, Laurent Gogniat (Responsable Domaine Nature
– Office de l'environnement) et Jacques Gerber (Chef de l'Office environnement),
ont accepté de nous rencontrer le 03/09/2010.
1.2 –L’avancement du projet dans les régions proches
L'avancement des réflexions dans les régions limitrophes est très inégal.
Le Conseil Régional d’Alsace a lancé son Plan Régional pour la biodiversité en 2003 avec
pour objectifs le maintien et la densification des connexions écologiques, leur intégration dans
les plans d’urbanisme et d’aménagement du territoire et la gestion des points de conflit. Une
première cartographie est parue sur la plaine rhénane en 2003 puis complétée en 2008 par le
massif Vosgien. De 2003 à 2006, cette politique est restée expérimentale en plaine puis s'est
généralisée en 2007. En ce qui concerne la communication, elle s'est principalement appuyée
sur des plaquettes informatives. Il y a également une démarche de formation et d'information
des acteurs de l’aménagement comme les paysagistes, urbanistes, bureaux d'étude... Un
Comité Alsacien pour la Biodiversité, sur le modèle de gouvernance à 5 collèges, a vu le jour
le 16 juillet 2010. Il a en charge les dossiers en lien avec la préservation de la biodiversité
(SCAP, TVB…). Il est décliné en 4 groupes thématiques et un groupe technique qui a en
charge le suivi du projet SRCE. Avec un cahier des charges validé fin 2010, l’étude devrait
débuter en janvier 2011. L’enjeu principal est de faire concorder leur réseau avec les objectifs
et orientations nationales pour que cela devienne un SRCE. Un effort important va devoir être
réalisé en ce qui concerne la Trame Bleue.
86
La Région Lorraine, en 2005, débute sa politique en faveur de la biodiversité visant à la
préservation des espaces et des espèces remarquables et ordinaires et une mise en œuvre
rurale et urbaine. Sa réalisation passe par la préservation et la restauration de corridors
écologiques. La Région a donc réalisé une analyse prospective concrète sur l’ensemble du
territoire lorrain afin de définir les interventions de la Région et des acteurs du territoire pour
la mise en place d’une Trame verte et bleue (TVB). Cette politique devrait permettre d’assurer
la cohérence des réseaux, de compléter les connaissances écologiques, de relier entre elles les
zones nodales et d’identifier les zones de ruptures de connexion. Une ébauche du futur
Comité Régional TVB va d’ailleurs être réunie d’ici fin 2010. La Lorraine intègre cette
politique dans un programme international, avec les pays de la Grande Région à savoir 2
Länder Allemands, le Luxembourg, et la Wallonie et communauté germanophone de
Belgique. Les conseils régionaux de Lorraine et de Franche-Comté ont pour objectifs de
mettre en place un groupe de travail transfrontalier.
En région Champagne Ardenne, le Conseil Régional et des collectivités ont lancé en 2009
un projet baptisé Symbiose et piloté de manière concertée par un comité technique
opérationnel d'une dizaine de partenaires. Ils partent de différents territoires pilotes avant de
généraliser la méthode développée. La mise en œuvre est volontairement très locale (à la
parcelle) pour développer une méthode simple et souple, éprouvée sur le terrain. Une étude
sociologique a également été commandée pour comprendre les points de divergences et de
désaccords créés par ce projet.
La région Bourgogne a démarré sa stratégie sur les corridors en 2007 par une étude préalable
régionale donnant un cadre d’aide à la décision. Cette étude doit identifier la Trame
Ecologique, définir un programme d’action, et ce à l’échelle régional et sur quelques
déclinaisons locales. Cette étude est suivit par Région et DREAL avec 5 comités : technique,
scientifique, de pilotage, d'association, d’information et associe également le CSRPN.
La région Rhône-Alpes a lancé, en 2007, une étude visant à cartographier les réseaux
écologiques de Rhône-Alpes. Le projet associe un très grand nombre d’acteurs régionaux.
Aujourd'hui il est presque aboutit.
1.3 - L’avancement du projet en Suisse
Au niveau fédéral, un diagnostic de continuités a donc été publié en 2004. Les objectifs de
cette étude 'Réseau Ecologique National suisse (REN)' sont différents de ceux de la Trame
Verte et Bleue au sens du Grenelle. Il s'agit plutôt d'un effort de diagnostic et de cartographie
à l'échelle nationale sur les enjeux de continuités écologiques, associant les principaux experts
87
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
techniques et scientifiques, mais sans volonté affichée de concertation. Le REN n'est d'ailleurs
pas en soi un document d'aménagement du territoire opposable. On retrouve en revanche,
même si elle n'est pas formalisée en tant que telle dans les documents produits, la question de
l'articulation entre les différentes échelles d'analyse et de réflexion. En effet dans la démarche,
une première version a été soumise aux cantons, qui pouvaient faire remonter leurs
commentaires. Les méthodes de représentation montrent également l'articulation entre les
échelles, du 1 :500'000 au 1 :100'000 et même lors de la validation auprès des cantons,
jusqu'au 1 :25'000. Les cartes représentent les sous-réseaux indépendamment, une carte bilan
et une carte schématique simplifiée. (Annexe 6)
Cette étude avait pour objectif d’informer les cantons et de stimuler leur réflexion. Mais la
méthode d’application est libre dans chaque canton.
Le canton de Neuchâtel appuie sa stratégie continuité écologique depuis 2001 sur une
politique agricole avec des exploitants volontaires qui s’associent et acceptent d’orienter leur
gestion et reçoivent en contrepartie des subventions de la Fédération. Ces orientations de
gestion se décident en concertation avec les parties concernées à savoir les agriculteurs. Mais
il ne se dessine pas un réseau écologique au même sens que la Trame Verte et bleue à savoir
une stratégie globale et cohérente sur l’ensemble du territoire.
Une démarche complètement différente est mise en place dans le canton de Vaud. Sur ce
territoire, on raisonne en sous-réseau et pas seulement dans l'espace agricole. L’ambition est
de de faire de la politique de continuité une politique touchant tous les Services pour amener
de la cohérence. Cette démarche pour identifier les zones noyaux (ou réservoir) devrait
s'appuyer sur un indice de patrimoine naturel qui dépend du nombre d'espèces présentes et
surtout d'un indice d'intérêt de ces espèces. Ainsi, les zones identifiées ne correspondent pas
nécessairement aux zones de biodiversité mais aux zones de présence des espèces
patrimoniales. En cela, elle diffère de la démarche française.
Le Canton du Jura quant à lui a été particulièrement prudent dans la mise en œuvre de cette
politique. C’est à l’image du canton de Neuchâtel, une politique agricole s’appuyant sur les
politiques de subvention de la Fédération. En revanche, si l’application de cette politique est
sur le point de démarrer, les réflexions ont débuté en 2004. La constitution interdisciplinaire
du groupe de travail a été un ingrédient indispensable au démarrage et à l’avancement du
projet. Le développement d’une vision commune a permis d’éviter le rejet ou le blocage du
projet. On souligne dans ce canton l’importance de la communication qui a du se faire entre
des organismes ou services administratifs parfois en conflit d’intérêts. Ce travail collaboratif a
88
permis de parvenir à un projet où chacun trouve des bénéfices et a été une étape indispensable
pour pouvoir ensuite assurer une information claire, réaliste, facilement compréhensible,
concrète et motivante pour les agriculteurs adhérant au projet. La mise en œuvre s’appuie sur
des orientations de gestions qui sont déclinées suivant des régions paysagères et les enjeux
associés. Ce projet à permis de clarifier et formaliser les modalités d’application de la
politique fédérale et simplifie la démarche. Elle connait donc un énorme succès car les aides
de la Fédération sont particulièrement substantielles. Ainsi près de 60% de leur territoire
agricole pourrait bientôt être concerné par ce projet.
En revanche, la comparaison de méthode avec la France doit se faire avec prudence. Les
suisses ont une connaissance beaucoup plus précise et complète de la biodiversité sur leur
territoire. Les méthodes de diagnostic utilisées ne pourront donc pas de manière efficace
s’appliquer en France. De plus les territoires cantonaux sont bien plus petits que notre échelle
régionale. Leur politique de réseau s’appuie sur la politique agricole fédérale OQE
(Ordonnance sur la qualité écologique) qui engage des sommes significatives pour les
exploitants agricoles.
En ce qui concerne la question des enjeux transfrontaliers, des continuités sont déjà
identifiées dans le REN vers les pays limitrophes et en l'occurrence, la France. Mais ce n’est
pas le cas pour les cantons. Il va donc être important de s'appuyer sur le travail du REN pour
identifier ces enjeux et établir un réseau cohérent.
2 – Retour d'expérience sur la mise en place du SRCE
2.1 – Méthode de recueil des informations
Les contextes régionaux en France diffèrent pour ce qui est de l'avancement de la réflexion
autour du SRCE. Certaines ont déjà un diagnostic écologique de continuités finalisé, d'autres
n'ont pas encore entamé leur réflexion. Les retours d'expériences des différentes initiatives
régionales sont très constructifs lorsque l'on désire mettre en œuvre un projet. Pour obtenir ces
retours d'expériences j'ai participé à différents évènements de communication et d'échanges
autour de la Trame Verte et Bleue :
- Les PNR et la TVB : Journée de restitution de l'appel à projets, le 30 juin 2010 –
Paris ;
- Les Communautés et la TVB, le 26 mai 2010 – Creusot (Saône-et-Loire) ;
- Les journées d’échange technique ResO : de la communication à la concertation, le 8
juin 2010 – Montbéliard (Doubs), par le réseau des gestionnaires de l’eau (ResO) et
89
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
l’Association de Formation et d'Information Pour le développement d'initiatives
rurales (AFIP)
Un travail d'enquête auprès du réseau Trame Verte et Bleue des DREAL de France au
cours du mois de juin m'a également permis d'avancer sur cette perception. L'objectif de cette
enquête était d'avoir une vision globale de l'état d'avancement du SRCE dans les différentes
régions et des retours d'expériences sur les différentes méthodologies déployées. Ce
questionnaire à été construit sur internet à l'aide du logiciel libre LimeSurvey et hébergé sur
l'intranet du MEEDDM (Annexe 7). Chaque correspondant TVB DREAL a donc reçu un mail
l'invitant à compléter ce questionnaire en ligne. Cette démarche a été suivie par les
correspondants du ministère et plus particulièrement par Elodie Salles, chargée de mission
TVB MEEDDM/DEB. Ils ont d'ailleurs utilisé ces résultats dans le cadre de leur mission de
centralisation des informations.
Ce questionnaire m'a permis d'identifier les DREAL qui étaient dans les mêmes réflexions et
avec qui je suis alors entré en contact. Ainsi en prenant contact avec différentes personnes en
DREAL ou au MEEDEM/DEB, j'ai pu réaliser différents échanges sur les projets et l’état des
réflexions sur le SRCE.
Ces recherches se sont aussi également appuyées sur la bibliographie disponible.
2.2 – Retours d’expérience des Parcs Naturels Régionaux
La Fédération des PNR en 2005 désigne 3 parcs pilotes pour débuter les réflexions sur la
politique « réseaux écologiques » : PNR Lorraine, Brenne et Pilat. Plus tard, à la naissance de
la politique TVB, le MEEDDM lance auprès des PNR un appel à projet et en retient 5 qui
impliquent pas moins de 25 parcs.
Dans le cadre de l'établissement des chartes de parcs, une concertation doit se faire avec les
communes, les EPCI et les départements concernés. Ce projet de charte doit aussi être soumis
à enquête publique. Le(s) Conseil(s) régional(aux) la valide(nt) et la transmet(tent), via le
Préfet de Région, au Ministre en charge de l’Environnement (Code de l'environnement -
Chapitre III : Parcs naturels régionaux – art. R333-1 à R333-16).
Les éléments principaux des différents retours d'expériences sont de plusieurs ordres.
On notera tout d'abord les difficultés d'établissement du diagnostic de continuités
écologiques et de la mise en œuvre, dues au manque de connaissances ou au manque
d'actualisation des données spatialisées.
90
Ensuite la mise en œuvre peut être freinée par la méfiance du monde rural devant une
politique issue du pouvoir central, après l'échec ressenti de Natura 2000, ainsi que par
l'inquiétude des porteurs de projet d'une restriction croissante des possibilités de
développement.
Les investissements nécessaires sont conséquents, en temps, en moyens financiers, mais il
est également nécessaire de s'investir dans un maximum de partenariats.
Par ailleurs, l'échelle régionale ne suffit pas, il faut pour certains enjeux comme par exemple
la sous-trame thermophile, avoir une vision locale pour permettre la mise en cohérence des
politiques.
Certains PNR ont également eu des difficultés pour la mise en œuvre de cette politique et en
particulier pour la mise en cohérence des initiatives régionales, départementales et des SCoT.
En ce qui concerne la communication, il est parait important d’avoir une entrée par la
biodiversité et les menaces sur cette dernière, avant d'aborder la Trame Verte et Bleue. Cette
politique apparaitra alors plus justifiée et donc mieux acceptée. Enfin, pour pouvoir mobiliser,
il est essentiel d'expliciter la démarche et insister sur deux aspects : ce que cette politique va
apporter à la biodiversité et à 'nous', porteur du projet, et ce que cela va leur apporter à 'eux',
acteurs, utilisateurs et élus du territoire.
2.3 – Retours d’expérience des DREAL
Plus de la moitié des Régions métropolitaines sont engagées en co-élaboration avec l'Etat,
dans des démarches d'étude préliminaire ou de lancement des Schémas Régionaux de
Cohérence Ecologique. Mais l'avancement est très inégal entre les projets d'identification de
continuités, de mise en place de comités de pilotage, ou de lancement d'études (Source :
MEEDDM et questionnaire DREAL en annexe 7) :
Etudes régionales spécifiques aux continuités écologiques ou études de préfiguration ou
d’élaboration du schéma régional engagées : Alsace, Aquitaine, Bourgogne, Languedoc-
Roussillon, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais ;
Partenariat Etat/Région engagé en vue de l’élaboration du schéma régional : Ile-de-France,
Rhône-Alpes, Centre, Basse-Normandie, Auvergne, Midi-Pyrénées, Corse ;
Démarrage du partenariat Etat/Région sur la Trame verte et bleue : PACA, Bretagne, Picardie,
Basse-Normandie, Pays de Loire, Poitou-Charentes.
Il ressort de ces différentes expériences que le Comité Régional TVB devant réunir près
d’une centaine d’acteurs d’après la loi n’est pas un organe adapté pour les réflexions et le
suivi de l’étude SRCE. En effet, il est décliné en comités techniques, ou comités de pilotage
91
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
rassemblant alors un nombre d’acteur moindre. De plus, dans certaines régions, ce CRTVB
est inclus dans un comité plus global en charge des problématiques régionales de
biodiversité comme par exemple en Alsace où il se crée un Comité Alsacien Biodiversité.
2.4 – Autres retours d’expérience
Il ressort des débats de la journée destinée aux communautés urbaines et à la TVB que la
question de la nature en ville est une question à forts enjeux. C’est une question spécifique
qu’il faut dissocier de la question des espaces naturels et agricoles. De plus, la biodiversité
urbaine est souvent différente de la biodiversité en dehors de la ville. Les outils et les appuis à
la communication sont différents. Il faut aborder la communication en tenant compte du fait
que les citadins ne sont pas près à voir la ‘nature sauvage’ entrer en ville.
Un des principaux enjeux pour les continuités face à l’urbanisation, c’est de lutter contre
l’étalement urbain actuel et surtout contre l’urbanisation linéaire qui se fait le long des axes
principaux de communication et qui imperméabilise d’autant plus ces infrastructures. Il est
important d’éviter que deux communes se rejoignent le long d’un axe car il sera alors presque
impossible de rétablir une continuité écologique entre les deux côtés de cet axe formé par ces
communes, qui représentent alors une seule et même tache d’urbanisation continue.
Les gestionnaires de l’eau ont un important recul sur les processus d’association des acteurs et
de dialogue territorial. Le dialogue territorial comprend la médiation, la concertation, la
négociation et la communication/information qui sont des processus sensiblement différents
(Annexe 8). La concertation n’est pas un consensus ou un compromis. C’est « l’action de
projeter ensemble en discutant. Elle n’aboutit pas nécessairement à une décision et si
décision il y a, elle n’est pas forcement commune à tous les acteurs. Elle est animée le plus
souvent par une des parties en présence » (définition de l’Association de Formation et
d'Information Pour le développement d'initiatives rurales). Ce processus débute par le
repérage des acteurs concernés et une sensibilisation individuelle. Il est nécessaire de créer
une instance de concertation regroupant tous les acteurs, même s’il est possible de travailler
ensuite en sous-groupes. Mais les étapes clés doivent être validées collectivement. Tout ce
processus doit être transparent. Il est nécessaire d’expliquer les règles, et de tenir informé de
l’avancement de la démarche par des comptes rendus réguliers quelle que soit leur forme. Le
processus de concertation, pour sa réussite, nécessite un important travail de
communication et d’information. L’animateur du dialogue et de la concertation est la pièce
92
centrale de la réussite de cette étape essentielle. Il a en charge la mobilisation des acteurs,
l’animation des réunions, et le suivi de la démarche. Il doit être considéré comme légitime par
l’ensemble des parties et doit garder une posture neutre. La concertation permet donc
d’aboutir à un diagnostic partagé par et avec tous les acteurs, même si tous ne seront pas
forcément d’accord. Le but de la concertation est principalement de s’assurer de ne pas passer
à côté d’un enjeu. (AFIP ; MENSCOM ; Jones-Walter et al., 2009)
3 – Le contexte en Franche-Comté
3.1- Méthodes
Le travail d'identification du contexte en Franche-Comté s'est beaucoup appuyé sur la
bibliographie et les études précédentes réalisées alors à la DIREN. En effet, ce service
déconcentré de l'Etat étant aujourd'hui intégré au sein de la DREAL, représente une
importante ressource d'information sur ce sujet. L’initiative de mener une telle démarche à été
initié par la DIREN qui a ainsi encadré la majorité des travaux en Franche-Comté. De plus,
c'est un interlocuteur privilégié pour la mise en œuvre des projets plus locaux de continuités
écologiques initiées depuis quelques années ici et là.
Un travail particulier a également été engagé auprès des gestionnaires de réserves et de
périmètres Natura 2000 (certains portent les deux 'casquettes'). Nous sommes intervenus une
première fois lors de leur réunion administrative du 02/06/2010 pour leur exposer notre
démarche et identifier quels seront nos interlocuteurs et quel est le meilleur moyen pour les
consulter. Il en est ressorti qu'il était intéressant de réaliser une journée d'information et de
participation et en parallèle lancer un questionnaire qui servirait de base de travail pour cette
journée et permettrait d’identifier les premières difficultés. Nous les avons donc rencontrés
une seconde fois le 15/06/2010 lors d'une journée des gestionnaires pour leur présenter ce
questionnaire (Annexe 9). Une journée d'information et de participation autour de la TVB
a donc été organisée à la DREAL le 06/07/2010. Le début de matinée était destiné à présenter
la TVB et la démarche SRCE, puis nos attentes pour cette journée. La fin de matinée et le
début d'après midi se sont déroulés par groupes de 15 personnes autour d'un atelier participatif
de mobilisation des connaissances, formalisation des enjeux et dialogue sur la démarche et
identification des points de blocages. Cet atelier participatif s'est conduit à l'aide de supports
cartographiques régionaux et suprarégionaux avec une carte schématique en 5 exemplaires à
compléter. Nous les avons invités à représenter sur ces cartes les enjeux pressentis pour 5
sous-trames de leur choix qui leur paraissaient primordiales en Franche-Comté. (Le détail de
cette journée est présenté en Annexe 10)
93
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
3.2 – Le contexte Géo-écologique
La région Franche-Comté a une position géographique très particulière, ce qui lui confère un
rôle important dans les enjeux de continuités à la fois françaises et européennes (Figure 10) :
elle constitue un espace intermédiaire entre le monde rhénan au nord et la liaison
rhodanienne au sud ; c'est également un espace charnière, avec un rôle d'articulation entre
les massifs montagneux et forestiers du Jura, des Alpes, de la Forêt Noire (en Allemagne) et
des Vosges.
Cette connexion repose en partie sur un territoire particulièrement riche de son patrimoine
forestier. Elle est couverte à 44% par la forêt et représente 5% de la surface forestière
nationale. C'est la deuxième région la plus boisée de France métropolitaine, après
l’Aquitaine (Source : INSEE).
La forêt franc-comtoise est caractérisée par une grande diversité : elle comprend 54 habitats
forestiers élémentaires, dont 46 sont reconnus d’intérêt communautaire (parmi lesquels 20
reconnus d’intérêt prioritaire) au titre de la « Directive Habitats Faune Flore » (Directive
92/43/CEE), ainsi que 18 habitats associés à la forêt (milieux aquatiques, landes, fruticées,
pelouses et prairies, tourbières et marais ou encore rochers et éboulis) (DRAF, 2000). Il existe
de forts enjeux associés aux espèces animales forestières comme le tétras, ou des espèces à
plus grande dispersion, comme le lynx ou le chat forestier. Pour le lynx on estime qu'il faut
une surface forestière minimum de 2 000 km² pour qu'une population soit viable et stable.
(Quiblier, 2007). Cela n'est possible que par l'interconnexion des différents massifs. Les
enjeux forestiers en Franche-Comté sont donc doubles : permettre la continuité entre les
différents massifs et assumer une responsabilité nationale pour la conservation des espèces et
habitats forestiers ou qui y sont associés.
Ainsi, l’un des enjeux pour la Franche-Comté est la nécessité de connecter le sud et le nord,
c'est-à-dire le Jura et les Vosges ainsi que les deux Bassins Rhodanien et Rhénan. Or, dans
cette région, la majorité des continuums sont organisés par l’histoire géologique
principalement le long d'un axe NE / SO : les vallées (le Doubs, la Saône, l’Ain, l’Ognon), le
massif jurassien, les plateaux (Haut-Jura, Second et premier plateau, avant plateaux...). Or les
vallées alluviales sont les zones les plus convoitées pour l’urbanisation, l’agriculture intensive
ou la construction d’infrastructures. Ainsi, les principaux axes de transport (A36, A39, LGV)
suivent cette direction séparant alors le Sud et le Nord.
94
Figure 10 : Carte des enjeux de continuités écologiques suprarégionaux en Franche-Comté.
Outre ses massifs forestiers, la Franche-Comté possède également un important patrimoine
de milieux d’intérêt pour la biodiversité. Tout d’abord, elle est riche en milieux humides
diversifiés. Abritant les têtes de plusieurs bassins, elle abrite beaucoup d’espèces à forte
valeur patrimoniale (écrevisse à pattes blanche, apron du Rhône...). Parmi les habitats les plus
remarquables ont peut noter les tourbières, les zones humides d’altitude, la région des milles
étangs, les vallées alluviales, les bras morts de la basse vallée du Doubs… dont beaucoup sont
protégés au nom de la convention de Ramsar (Convention internationale de protection des
zones humides entrée en vigueur en 1975). Sa géologie et le réseau hydrographique ont
95
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
façonné avec le temps de nombreuses vallées Karstiques avec les milieux associés
intéressants pour la faune, comme les forêts de pentes, les falaises, mais aussi un important
réseau de cavités à chiroptères. En dehors de ces vallées encaissées, dans les vallées
alluviales, sur les plateaux ou la plaine, les enjeux se portent alors sur l’agriculture extensive
avec un important réseau de milieux agricoles extensifs comme les prairies inondables, les
milieux thermophiles tels que les pelouses sèches.
En Franche-Comté, le réseau Natura 2000 a tenté de prendre en compte tout ce patrimoine
précieux pour la réalisation du réseau. Aujourd’hui il couvre un peu plus de 15% du territoire.
Dès le début de sa mise en place, ce réseau a tenté d’intégrer la question des continuités. Il
couvre ainsi une grande partie des fonds de vallées. « La constitution des sites s’est en effet
basée sur le respect des noyaux de biodiversité et des corridors écologiques, ces couloirs de
communication entre les “ cœurs de nature ” » (Terraz & Profit, 2008).
Cependant, à l’image du reste de la France, la situation est plutôt alarmante pour la
biodiversité. Près de 10% des espèces protégées ou menacées de la flore régionale ont disparu
du territoire franc-comtois au cours du siècle dernier (source : DIREN). Et de multiples
espèces connaissent des diminutions d’effectifs plus que préoccupantes, comme par exemple
la pie-grièche grise ou le grand tétras.
3.3 – La réflexion Trame Verte et Bleue en Franche Comté
3.3.1 – En DIREN
En Franche-Comté, les réflexions sur les continuités écologiques ont débuté en 1999/2000
dans le cadre du Schéma de Services Collectifs de l’Espaces Naturels Ruraux (SSCENR) où
commence alors à dessiner un réseau écologique. Cette réflexion est formalisée lors de son
inscription comme objectif au Plan d’Action Stratégique (PAS) 2004-2007, mais elle n’est pas
mobilisatrice (DIREN Franche-Comté, 2004).
Jusqu’en 2007, la réflexion s’intéresse à la définition d’espèces cibles, aux méthodologies
mobilisables, aux différentes méthodes de modélisation en particulier « coût-déplacement »
(Ponchon, 2006) qui ont permis la modélisation d’un réseau écologique et des obstacles
(Coulette, 2007), puis aux méthodes s’appuyant sur la fragmentation. Ces dernières ont mis en
évidence une diagonale de fragmentation Sud-ouest/Nord-est liée aux infrastructures (LGV,
96
voies ferrés, A36, A39, N83) et à l’urbanisation (Dole, Besançon, Montbéliard, Belfort)
(Lethuillier, 2007).
Ces réflexions aboutissent à la conclusion qu’il n’existe pas de méthode miracle pour réaliser
le diagnostic de continuités écologiques ; et les diagnostics obtenus avec ces diverses
méthodes ne sont pas très convaincants. Face à ce constat, les compétences de la DREAL sont
trop limitées pour ce qui est du développement de méthodes. Elle a donc engagé des
partenariats comme par exemple avec l’université de Franche-Comté dans le cadre de projets
de recherche appliquée (comme GRAPHAB), qui développe une méthodologie axée sur la
théorie des graphes.
Parallèlement à ces réflexions, des études et projet locaux, en particulier dans le cadre des
SCoT, poussent à mettre sur table les premiers travaux et à veiller à la bonne prise en
compte des continuités écologiques. A cette même période, le Grenelle de 2007 permet de
donner un nouveau souffle aux travaux réalisés par la DIREN en les mettant en valeur dans le
cadre du COMOP TVB. Ce contexte stimule alors la mise en valeur de ces réflexions dans
une publication validée par le CSRPN intitulée Cadrage Méthodologique et Sémantique qui
parait en janvier 2008. Ce document avait pour but de proposer un cadrage pour tout
diagnostic sur les continuités écologiques dans la région et ce indépendamment de l’échelle. Il
s’adressait ainsi aux bureaux d’études, collectivités, porteurs de projets... En effet, à partir de
2008 les réflexions se portent alors sur l’appui à la mise en œuvre. A la suite de ce document
technique, a été éditée une plaquette de communication au sujet de la Trame Verte et Bleue et
de la biodiversité qui est diffusée à l’ensemble des élus. Une étude ayant pour but de recenser
de manière la plus exhaustive possible les projets et retours d’expériences sur la mise en
œuvre de projets TVB est alors réalisée (Strub, 2008).
Des réflexions s‘engagent également sur la prise en compte des continuités dans les SCoT et
sur les méthodes de concertation. Ces études portent sur le SCoT de Montbéliard et celui de
Dole où s’est déroulé un atelier participatif en partenariat avec l’ENGREF utilisant la
méthode Chorématique. Dans le même temps, un projet est mené autour des infrastructures et
des continuités écologiques. Ce projet aboutira à la parution d’une étude sur l’identification
des points noirs (conflits faune-infrastructure) (Loisy, 2008) et sur la mise en place le
01/07/2008 d’un Groupe de Travail « Infrastructures et Trame Verte et Bleue ». Rogeon
(2009) publie les réflexions menées durant les premiers mois de ce groupe de travail. Ce
groupe de travail regroupe 26 organismes, aussi différents que des gestionnaires
d’infrastructure (RFF, SAPRR), des associations naturalistes (LPO, ATHENAS, CPEPESC),
97
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
des fédérations de chasse, des services de l’Etat et collectivités territoriales (ONCFS, CG, CR,
DDEA, DREAL). Il a pour but d’identifier les points noirs sur lesquels il faut agir, de
permettre une cohérence, la concertation, et la mise en commun de données, diagnostics et
efforts, ainsi qu’une économie d'échelle quant à l'ingénierie. En 2010 un suivi pilote des
passages à faune (auquel j’ai participé) s’est déroulé sur l’A36 dans ce cadre (Salamon, 2010).
La DIREN/DREAL s’engage alors dans une stratégie partenariale pour mobiliser les
différents services autour de la TVB, par des rencontres bilatérales entre autre avec la DIR Est
(Direction Interdépartementale des Routes), l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la
Faune Sauvage), l’ONEMA et l’Agences de l’eau… En juillet 2009 se crée également un
groupe de travail TVB interne aux services de l'Etat, piloté par le SGAR (Service Général des
Affaires Régionales).
3.3.2 – Collaboration avec la Région
La collaboration Etat-Région pour le maintien des continuités écologiques a été intégrée dans
le cadre du Contrat de Projet Etat Région 2007-2013 (CPER-Axe 6.3). Avant cela, la Région
s’intéressait peu aux travaux de la DIREN. L’élément déclencheur fut la territorialisation du
Grenelle qui a facilité la mobilisation de l'exécutif du Conseil Régional et la mise en valeur
des travaux de la DIREN Franche-Comté par le COMOP TVB. Le conseil Régional lance
alors une politique de contrats de rivière vers l'amélioration de la continuité écologique des
cours d'eau. De plus il crée la Plateforme du Patrimoine Naturel avec l'Etat (projet SINP) dans
le but de mettre à disposition des données naturalistes au bénéfice notamment de la
constitution des réseaux écologiques. Ainsi, cette volonté d'avancer sur la démarche TVB doit
se poursuivre dans ce sens (autour de septembre 2010) après la période d’installation de la
nouvelle équipe régionale. Un groupe de travail TVB interne aux services de l'Etat, piloté par
le SGAR, a pour ce faire été mis en place dès juillet 2009. La Région s'est également
mobilisée depuis l'été dernier sur ce thème de la TVB. Le service environnement a obtenu un
poste de chargé de mission biodiversité et Trame verte et bleue. De plus elle souhaite mettre
en place très rapidement un appel à projets appuyant la « Mise en œuvre de la Trame verte ».
La région désire intervenir auprès des intercommunalités. Un collectif de 5 stagiaires a permis
de définir les modalités cet appel à projet, réflexion à laquelle la DREAL a été associée.
98
3.3.3 – Initiatives locales
Les démarches locales débutent en Franche-Comté par un travail de cartographie des
Infrastructures Vertes et Bleues dans l’aire urbaine de Belfort-Montbéliard en 2002 qui est
une déclinaison locale du SSCENR (2000). Suite à cela, une étude commandée par la DIREN
et publiée en 2005, a permis de préciser le fonctionnement des continuités écologiques
identifiées dans la zone centrale de l’aire urbaine.
Dans la lignée, la ville de Besançon se lance dans une étude sur l’intégration de la « Nature
en ville » qui est publiée en 2004. En 2006, une étude est réalisée sur le SCoT de Besançon
pour tenter de modéliser un réseau écologique (Ponchon, 2006). La ville de Besançon
s’attache à la mise en œuvre de ce projet de « Nature en ville » intégrant des espaces de nature
et des corridors dans un schéma de continuité. Elle a pour projet de réaliser un réseau entre
les collines qui entourent la ville, ainsi que de faire entrer dans ce réseau, la création du plus
grand refuge LPO de France.
Dans le pays Lédonien une ébauche de carte Trame Verte a été réalisée, cependant, mais elle
n’a pas intégrée dans le SCoT car jugée insuffisamment appuyée sur des méthodes
scientifiques, ce qui la rend peu ou pas opposable. L’identification de corridors écologiques
s’est réalisée pour l'instant à partir des seules études de cartes de la DIREN et de quelques
visites de terrain, ce qui est jugé également insuffisant. Dans le cadre du programme
LEADER, il y a en revanche des projets de défrichement et de gestion durable dont certains
ont intégré un aspect « réseau »
En 2009, lors de l'élaboration de son SCoT, le Grand Dole désirait intégrer à la fois dans le
SCoT et les déclinaisons locales que sont les PLU, les enjeux de continuités écologiques
identifiées dans un diagnostic et le PADD validés en 2007. Ainsi, en juin 2009, ont été mis en
place des ateliers participatifs dans le but d'expérimenter la mise en œuvre de la TVB à
l'échelle locale. Le grand Dole a également commandé une étude pour réaliser un diagnostic
précis des enjeux environnementaux pour le maintien et la restauration des continuités
écologiques.
Les fédérations de chasse de Franche-Comté s’investissent également dans la TVB. Ils ont
menés plusieurs suivis de fonctionnalité de passages à faune dans la région. Même si leur
intérêt se porte essentiellement sur la grande faune et le gibier, leur investissement aux
réflexions Trame Verte et Bleue et du groupe de travail « infrastructures et Trame Verte et
Bleue » n’est pas négligeable.
99
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Il me semble essentiel d’aborder l’engagement du grand public lorsque l’on parle des
initiatives locales. En effet, quelle initiative peut être plus locale que celle de réaliser des
actions biodiversité dans son propre jardin. Un programme national Vigie Nature, lancé par le
MNHN, associe le grand public au suivi de la biodiversité. Ainsi, en Franche-Comté, par
exemple, l’Observatoire des Papillons de Jardins (OPJ), sans effort d’appui hormis une
communication discrète de la par du Conseil général du Territoire de Belfort, permet le suivi
de 6300 jardins avec 15790 observations sur l’année 2008. De nombreuses autres initiatives
sont de la même manière initiée et portées par les associations, en premier lieu les
associations de protection de la nature.
3.4 – L’expérience des gestionnaires de réserves et opérateurs N2000
3.4.1 – Retours d’expériences sur la perception des élus et Natura 2000
Les opérateurs Natura 2000 et les gestionnaires des Réserves Naturelles ont une connaissance
de la Trame Verte et Bleue (TVB) très hétérogène. Ils dénoncent ainsi le manque de
communication autour de la TVB. Cette lacune leur parait particulièrement inquiétante
auprès des élus qui pour se sentir impliqués et intégrés à la démarche, doivent être mobilisés
très tôt. En effet, avec ce défaut d’information, la TVB est perçue comme une couche
supplémentaire de protection dans une mille-feuille difficilement accepté et compris de
périmètres d’inventaires et de protection. Ce projet fait donc naître, par ignorance, de grandes
craintes chez des élus qui, par expérience du passé, ont peur de « subir » une nouvelle mesure
contraignant fortement leurs activités et craignent de se voir imposer « un nouveau Natura
2000 ». En revanche, il ne faut pas se contenter d’une communication écrite, mais des
réunions d’information et d’échange sont nécessaires, ainsi que la valorisation des retours
d’expériences pilotes.
Leur expérience montre qu’il faut être très vigilant dans l’enchainement des étapes entre le
diagnostic écologique réalisé par des experts, et la concertation avec les élus pour la
construction d’un projet de territoire. Tout d’abord il s’agit pour les experts de parler d’une
seule voix et d’être unanimes sur les enjeux et les priorités pour ne pas se décrédibiliser.
Ensuite, il ne faut pas que la séparation entre ces deux composants soit trop importante. Le
risque est que les experts fassent fi du territoire et que les élus fassent ensuite fi de l’avis des
experts. Cela conduirait au blocage du projet. Ainsi, il est important d’impliquer ces deux
composantes dans chacune des étapes.
100
3.4.2 –sceptiques et fatalistes face à la TVB
Les gestionnaires de réserves et les opérateurs Natura 2000 manifestent une certaine forme de
découragement. Ils ne cessent de travailler et s’investir, pour voir continuellement la
biodiversité continuer à s’éroder. Certains s’interrogent sur la plus-value de la TVB pour la
biodiversité, la percevant comme un périmètre supplémentaire. Ils estiment très justement
qu’il ne faut pas rajouter des outils là où il en existe déjà. Le SRCE va demander une
expertise technique très poussée et très couteuse pour finalement n’avoir qu’une opposabilité
très limitée ; et cela, malgré le fait qu’ils perçoivent la problématique de continuités comme
un enjeu primordial pour la biodiversité. En effet, ils craignent que la nature réglementaire
peu contraignante rende l’outil inefficace. Malgré tout, certains ont une vision plus
optimiste et espèrent que dans le cadre d’une concertation bien anticipée, les élus ainsi plus
impliqués, respectent par la suite leurs engagements et donc la démarche TVB.
Ils s’interrogent aussi sur la pertinence de l’outil en milieu agricole, alors que la question
agricole représente les plus gros enjeux biodiversité. Sur cette question, ils soulignent
l’importance de la question d'animation foncière et donc d'intégrer à la démarche un acteur
comme la SAFER. Mais ils manifestent également une inquiétude en ce qui concerne les
moyens mis à disposition, à la fois financiers et méthodologiques, et particulièrement en
moyens d’animation.
Pour la mise en œuvre en Franche-Comté, qui est une région relativement bien conservée, ils
estiment que l’enjeu premier de la TVB n’est pas forcément la restauration mais
préférentiellement le maintien ou l’amélioration des continuités écologiques existantes et
fonctionnelles. En revanche, si la région bénéficie d’un réseau naturaliste important qu’il
faudra mobiliser, il faudra mettre l'effort là où il n'y a pas de connaissance, où il n'y a pas
d'acteur, pour ne pas passer à coté d'enjeux. En effet, les réserves sont déjà des zones de
connaissances où l’animation est déjà active. Ils souhaitent également attirer l’attention sur le
fait qu’il existe beaucoup d’informations sur les enjeux de préservation dans les divers
organismes de la région et notamment dans les associations de protection de la nature.
Certains positionnements reflètent donc une idée floue sur les objectifs la TVB. En effet, il
ressort du questionnaire réalisé (Annexe 9) qu’ils ne se sont pas intéressés en détail au
contenu de cette politique (seuls 2 sur 7 ont pris connaissance des guides de cadrage national).
Cela a été illustré par un débat montrant l’incompréhension de l’objectif de la liste des
espèces déterminantes TVB.
101
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
3.4.3 - Leur place dans la Réflexion SRCE
Les opérateurs Natura 2000 « font de la TVB » à l’échelle de leurs sites depuis de longues
années. Ils se sentent donc assez peu concernés par la TVB en tant qu’outil et estiment que les
problèmes de continuités écologiques au sein des sites Natura 2000 sont réfléchis et réglés
depuis longtemps. Ainsi, la TVB est une problématique extérieure à leurs zones d'action,
une question plus globale ; et ils ne se sentent donc pas tous vraiment concernés. En effet, ils
ont une vision très locale des enjeux à l'échelle de leur territoire et la prise de recul est une
démarche peu aisée qui leur est difficile. Les opérateurs et gestionnaires semblent avoir du
mal à avoir une vision régionale et encore moins nationale des enjeux de préservation de la
biodiversité et des continuités écologiques et dans ce contexte, à situer la/les responsabilité(s)
de la région Franche-Comté. Ils estiment qu’il existe des structures beaucoup mieux placées
pour répondre à ces questions (comme LPO, conservatoire de Botanique...) et ne se
considèrent pas comme les bons interlocuteurs. Cependant ils ont conscience que pour
beaucoup d’opérateurs le site Natura 2000 n’est qu’une partie de leur territoire d’action, et
s’appuyer sur leur expérience Natura 2000 sera un atout indéniable pour la mise en œuvre de
la TVB de manière plus locale sur les autres territoires hors Natura.
II- Quelques préconisations pour l’élaboration du SRCE
1 – Un Contexte du Grenelle à prendre en compte
Le Grenelle et ses suites, en particulier sa territorialisation, vont mobiliser les acteurs du
territoire sur des programmes différents, autre que la Trame Verte et Bleue, comme par
exemple la Stratégie de Création des Aires Protégées (SCAP), le Schéma Régional Climat Air
Energie (SRCAE), et ce dans le cadre du Groupe de suivi de territorialisation du Grenelle. Le
risque de ce soudain engouement pour les politiques environnementales décentralisées est de
tomber dans une comitologie excessive, chronophage et peu compréhensible rassemblant
souvent les mêmes acteurs. Ainsi, il nous semble judicieux de s'appuyer au maximum sur les
comités existants (exemple : pas de comité scientifique spécifique, mais un appui direct sur le
CSRPN) et d’étudier les possibilités de mise en place d'un seul comité régional qui pourra
accompagner les différentes démarches suite au grenelle. Parmi ces démarches, nous pensons
tout particulièrement à la TVB et la SCAP.
102
2 - Analyse du positionnement des acteurs
2.1 - Typologie des zones de mise en œuvre
Les retours d’expériences de Natura 2000 ont permis de faire une typologie de mise en œuvre
de la politique en fonction du contexte, et qui justifie le positionnement des acteurs. (Maresca
et al., 2006)
Le type 1 correspond au conflit d’usage. C’est le cas lorsque des activités économiques sont
incompatibles avec les objectifs de protection, alors que sur cette même zone, une autre partie
le sont. C’est ainsi que certaines d’entre elles sont aidées et subventionnées, alors que d'autres
doivent payer des pénalités, ou des mesures compensatoires. Sur ces zones, les
investissements financiers sont élevés si l’on veut parvenir à mobiliser les personnes vers de
bonnes pratiques.
Dans le type 2, la mise en œuvre est facile et se déroule sans réelle opposition. C’est le cas des
zones où il n’y a pas d’enjeux économiques forts. Dans ces secteurs, le taux de réalisation
est élevé et pour des coûts relativement faibles car aucun impératif de développement
économique ne vient contrarier la mise en place des mesures de protection.
Le type 3 se déroule dans des zones où il y a une articulation forte entre les activités
économiques et le milieu naturel. Les activités économiques sont ici directement
dépendantes du milieu naturel ce qui conduit à un équilibre entre protection de la biodiversité
et développement des activités économiques. Les activités économiques ne sont donc pas
incompatibles avec les objectifs du programme et lorsqu’elles le sont, elles finissent par tirer
des bénéfices indirects de l’amélioration de la qualité du milieu. Sur ce type de zone,
l’objectif recherché est un équilibre complexe entre développement économique et protection.
Ainsi, leurs pratiques ne sont pas bouleversées. Les actions de protection ne nécessitent pas de
fonds très conséquents, mais en revanche un gros travail d’animation et de négociation entre
les différents acteurs pour parvenir à un équilibre satisfaisant tout le monde.
Ainsi, suivant la zone sur laquelle le projet intervient, le positionnement des acteurs sera
différent. Mais à l’aide d’un bon diagnostic, ce positionnement est possible à anticiper.
2.2 - L’agriculture
L’élaboration du SRCE doit nécessairement passer par la réalisation d’un diagnostic
écologique à l’échelle régionale qui intégrera les éléments essentiels des diagnostics socio-
économiques existants. Ce travail devrait permettre de clarifier les enjeux autour de
l’agriculture et même « des agricultures ». En effet il devrait identifier les différents modes
103
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
d’exploitation et l’intensité des enjeux associés. Cette spatialisation des pratiques permettrait
d’identifier des éco-territoires ou des bassins de production et ainsi d’adapter les interventions
à chacun des enjeux. (Teyssier, 2010).
Au niveau national, une réflexion a été menée par le COMOP TVB sur les aspects socio-
économiques de la Trame Verte et Bleue. Cette réflexion associait FNE – APCA – FNSEA –
FPF. Il en est ressorti quelques points clés sur l’agriculture. (Teyssier, 2010)
Tout d’abord, il a été identifié des risques que représente la TVB pour les agriculteurs et leur
production. :
- Diminution de la production agricole (perte de surface, changement des pratiques…)
- Contraintes organisationnelles : temps supplémentaire pour appliquer les contraintes
de gestion et déplacements supplémentaires (fragmentation spatiale et des temps
d’intervention)
- Dégâts aux cultures (circulation facilitée des pathogènes, et des grands gibiers)
- Remise en cause des choix stratégiques
- Difficulté de transmission de l’exploitation (foncier préempté)
Mais la mise en place de la TVB peu aussi représenter des opportunités pour pouvoir
produire différemment.
- Diversification des cultures, et ouverture à de nouvelles pratiques (production bois)
- Réduction d’intrants (auxiliaires, effet brise-vent des haies, qualité des sols et de l’eau)
- Préservation du foncier contre l’urbanisation
- Mise en valeur: signe distinctif, marque de pratique respectueuse
- Rémunération pour le service rendu
Le contexte actuel de pression urbaine sur certains territoires, de révision de la politique
agricole européenne, les difficultés que la profession rencontre, mobilisent les agriculteurs
pour la préservation de leurs espaces et la pérennisation de leur activité. L'espace agricole
devient rare et on note une réelle prise de conscience des agriculteurs, qui s'ouvrent à un
développement durable de leur activité, dans une nouvelle démarche dont l'idée serait de
travailler avec la nature et non contre la nature. La TVB s'inscrivant dans la démarche de
développement durable, elle pourra sûrement trouver sa place entre une agriculture intensive
et une agriculture bio particulièrement contraignante. Dans tous les cas, il faut être très
prudent sur la manière dont est amenée cette politique. Il ne s’agit pas de leur indiquer la
104
manière dont ils doivent travailler, mais de les intégrer très en amont dans la démarche et les
inciter à participer activement pour qu’ils s’approprient la problématique. La démarche
Natura 2000 et son relatif succès auprès de nombreux agriculteurs montrent qu’ils sont prêts à
s’engager, contre compensation bien sûr.
La classification précédente des différentes zones de mise en œuvre de la politique est
transposable au contexte de la politique TVB. Le résultat de cette transposition est en accord
avec les réflexions du COMOP TVB (Teyssier, 2010) :
Le type 1 correspondrait à des zones création de nouveaux espaces comme des réservoirs de
biodiversité ou la création de corridors, nécessitant alors le changement d’usage et même
d’occupation du sol de certaines parcelles, notamment agricoles.
Le type 2 concernerait des zones où il y aurait une modification des modes de gestion mais
un maintien des espaces existants pouvant entrer dans la TVB, sur lesquels il se mettrait en
place une gestion conservatoire.
Le type 3 consisterait au maintien et à la consolidation des espaces existants pouvant entrer
dans la TVB, sans grosse modification du mode de gestion actuel.
2.3 - Une vision nouvelle difficile à faire partager
En rencontrant de multiples acteurs de l’environnement et des naturalistes, il est apparu qu’ils
ont des difficultés à percevoir le changement de vision qu’impulse actuellement la politique
TVB.
Tout d’abord, les naturalistes et gestionnaires ont eu durant des années une vision souvent
centrée sur les espèces, de par les politiques passées. Aujourd’hui ils re-transposent leur cadre
de perception à la TVB. Cette focalisation sur les espèces pose des problèmes durant le
dialogue et conduit à des incompréhensions préjudiciables pour la TVB. En effet, face à la
liste des espèces déterminantes servant pour la cohérence nationale, produites par le MNHN,
la principale réaction est le rejet du fait qu’elle ne prend pas en compte de multiples espèces
qui d’après eux vont donc être oubliées par la TVB. Par cette focalisation espèces, ils
redoutent qu’on s’intéresse aux grands mammifères et qu’on occulte les enjeux des autres
groupes faunistiques. Cette restriction dans la vision pose alors la question insoluble des
espèces prendre en compte pour réaliser le réseau. Les réflexions ont toutefois permis
d’avancer quelques réponses comme le fait de considérer des guides d’espèces aux exigences
différentes pour chaque habitat.
Une autre difficulté est liée au fait de commencer à s’intéresser à la nature ordinaire, c’est-à-
105
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
dire aux espèces communes ainsi qu’aux habitats urbains. Sur ces aspects là aussi, le
manque de connaissance est important du fait du manque d’intérêt des naturalistes, et des
politiques menées jusqu’à présent.
Un autre aspect assez mal connu et qui suscite de grandes inquiétudes est la problématique
des espèces invasives. En effet la création des corridors va indéniablement permettre le
déplacement de certaines espèces invasives. Par exemple, l’écrevisse à patte blanche (espèce
autochtone) ne peut pas survivre face à l’écrevisse américaine. Si dans certains cours d’eau
elle est encore présente, c’est que la prolifération des écrevisses invasives a été stoppée à
cause des différents seuils. Faut-il pour autant laisser tous les seuils en place, coupant ainsi la
continuité écologique des cours d’eau ? La question reste ouverte.
2.4 - La grille de lecture des élus
Le retour d’expérience apporté par Natura 2000 montre que le prisme de lecture des élus au
sujet de la question de protection de l’environnement est un prisme à trois facettes : les
moyens financiers et outils, la carte et le zonage, la règlementation et les contraintes.
Ainsi, en matière de concertation/communication, il faut être conscient que les élus attendent
en général une lisibilité sur ces trois points. Dans la mise en œuvre et le suivi des sites Natura
2000, il y a eu une prise de relais dans le portage au niveau local par les collectivités. Les
opérateurs indiquent que ce sont souvent les intercommunalités qui portent Natura et qui par
conséquent possèdent des données et l’expérience Natura 2000, et donc de la mise en œuvre
de mesures de concertations. Cette prise en main par les collectivités territoriales illustre
l’acceptation des politiques environnementales et la volonté des élus d’agir sur leur territoire,
à leur échelle, pour la biodiversité. Cependant cette année, vont arriver les études
d’incidences, ce qui risque de rendre les élus frileux. Il faut donc être prudent dans l’affichage
de la TVB et éviter trop de parallèle avec Natura 2000.
2.5 - Typologie de positionnement face à la TVB
Les rencontres avec les différents acteurs ont permis d’identifier des positionnements face à la
politique de la TVB, ce positionnement étant pour beaucoup déterminé par le niveau de
connaissance. Cette classification concerne des personnes qui ont déjà une bonne perception
de ce qu’est la biodiversité. Au cours des débats et échanges, on s’aperçoit que leurs
positions ne sont pas très affirmées pour certains et que la stratégie de communication,
explication, permet le passage des premières catégories vers les suivantes. En effet, ces
106
acteurs cherchent encore leur positionnement face à cette nouvelle politique qui chamboule
leur vision de l’action pour la protection de l’environnement.
Qui ? Niveau de connaissance ?
Leur avis sur la TVB / le SRCE ?
Participation ? Ce qu'il faut faire ?
Les réfractaires et sceptiques : le manque de connaissance
Aucune connaissance ou très erronée sur les objectifs, la méthode, le potentiel, etc. Souvent beaucoup d’apriori (‘on dit’)
Document inutile pas opposable. Un périmètre de plus, un outil là où il en existe déjà plein. Ils considèrent que la réflexion sur laquelle il repose n'est pas bonne.
Considèrent n'avoir rien à apporter à ce projet et ne désirent pas consacrer du temps à un document qui ne va pas s’appliquer.
Reprendre tous les a priori et les déconstruire. Expliquer la méthode et les objectifs de la démarche. faire prendre conscience de l’opportunité d’un document d’aménagement du territoire.
Les indifférents : mise en perspective du potentiel du document
Souvent très peu au courant, très peu informés sur ce que c'est.
Un document pas opposable qui se superpose au zonage déjà existant.
Prêts à collaborer sans percevoir leur apport à la démarche. Considèrent qu’il existe d’autres interlocuteurs plus appropriés
Les informer du potentiel pour la biodiversité, ce que cela va permettre de mettre en place concrètement. Souligner l’importance d’un outil destiné aux professionnels de l’aména gement.
Les opportunistes : un peu frileux
Ils sont informés des possibilités d'action offertes. Ils perçoivent déjà ce que cela va leur permettre de mettre en place.
Ne savent pas vraiment si cela va être utile ou respecté. Restent perplexes face au devenir du SRCE.
Restent en retrait mais prêts à prendre le train en marche. Prêts à participer tant que cela ne leur coûte pas trop en investissement.
Les convaincre de la pertinence de cet outil et du fait que les élus devront y prêter attention. Mais que la réussite nécessite la participation de tous.
Les prêts à s'engager : de précieux relais au niveau local.
Au courant des méthodes de mise en place de l'opportunité d'un tel outil au service de la biodiversité
Ce document ne se suffira pas. Il faudra qu'il soit intégré dans les documents locaux.
Ils sont motivés et ont bon espoir en cette nouvelle manière d'envisager les politiques de préservation.
Les utiliser comme médiateurs au sein de leur réseau. Leur fournir les outils pour communiquer.
Tableau 2 : Positionnement des acteurs face à la TVB.
107
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
3 – Mise en œuvre
En s’appuyant sur les différents retours d’expériences de tout type (locaux ou non, français ou
non...), quelques points clés de la démarche ont été identifiés.
Tout d’abord, il est essentiel de phaser le diagnostic de continuités écologiques et sa
transformation en document d'aménagement du territoire. Les quelques expériences de
concertation menées dans la région montrent qu'il est important de faire un effort d'inventaire
et de synthèse des enjeux entre scientifiques et techniciens avant de le soumettre à l'ensemble
des acteurs.
Les études réalisées à la DIREN Franche-Comté montrent qu’il n’existe pas vraiment de
méthode idéale. De plus des retours d’expériences dans d’autres régions ou notamment en
Suisse montrent qu’il n’y a pas non plus de bureau d'étude ayant développé LA méthode
miracle. En revanche, il faut valoriser au mieux les diagnostics existants et retours
d'expériences locaux, multiplier les éclairages, les échanges avec les spécialistes et non
spécialistes, compléter la connaissance locale pour aboutir à un état des lieux le plus exhaustif
possible. C’est en participant à la réalisation du SRCE que les acteurs vont se l’approprier au
mieux.
Un aspect sur lequel nous ne pourrons pas vraiment intervenir à court terme est le manque de
connaissance. Un ou deux ans d'études ne permettront pas de combler ce manque de
connaissance de fond sur la biodiversité ou la dynamique des populations. Il faut donc
concevoir un document qui traduise au mieux l'état de nos connaissances sur le sujet et
l'enrichir progressivement. C’est pour cela qu’il est essentiel d’accorder de l'importance au
suivi du SRCE, pour combler notre retard sur la connaissance en matière de biodiversité. Au-
delà de la consolidation de nos connaissances, ce suivi permettra de prendre du recul,
confirmer ou ajuster les enjeux de la politique. Il est donc fondamental de prévoir dans le
cadre du SRCE la production d'un état initial, une méthodologie et des moyens pour le suivi.
Ce suivi enrichira nos réflexions lors de la révision du document et permettra de mesurer
l'efficacité de la politique et des efforts réalisés.
Un autre aspect essentiel de la mise en œuvre est la gestion des échelles et cela aux différentes
étapes, du diagnostic, à la mise en œuvre en passant par la concertation.
108
4 - Dialogue entre les échelles
4.1 – Les échelles temporelles
Jusqu'à présent on a abordé seulement l'échelle spatiale, car elle représente le principal enjeu
dans la TVB. Mais il est important d'intégrer aussi l'échelle temporelle. En effet, les projets de
reconstitution de corridors devront être en accord avec les pratiques passées. Il ne s'agit pas
par exemple de réimplanter des haies dans des paysages qui n’en n'ont jamais connu.
De plus, il va être essentiel d'intégrer cette échelle temporelle dans le suivi de la politique.
Certains indicateurs vont avoir des évolutions perceptibles sur long terme (en particulier la
fonctionnalité) alors que d'autres seront mesurables à court terme (les indicateurs structurels).
4.2 – Les échelles spatiales
A chaque échelle spatiale correspond un compromis entre –recul/cohérence– et –
opérationnalité/connaissance/degrés de concertation– (Figure 11).
Figure 11 : L'articulation des échelles dans la mise en place de la TVB.
Ainsi, tous les retours d'expérience convergent pour affirmer que le diagnostic TVB doit
s'appuyer sur plusieurs échelles d'analyse. Le SRCE, document régional, devra
nécessairement prévoir une prise de recul pour identifier des enjeux globaux de continuité
109
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
traversant son territoire, mais également la responsabilité de la région en matière de
conservation. Pour illustrer ce propos, on peut citer par exemple une étude réalisée par la
DIREN et la LPO de Franche-Comté, qui identifie les enjeux et les couloirs de migration de
l'avifaune (Paul & Weidmann, 2008). Mais le diagnostic de ce document devra aussi prévoir
quelques réflexions à des échelles infrarégionales et en particulier la mise en valeur des études
réalisées dans le cadre des projets locaux que l'on a vus précédemment. De plus, il y a sur le
territoire régional des enjeux particulièrement importants et très localisés (milieux
thermophiles, tétras). Ces zones d'intérêt particulier devront nécessiter des zooms dans
l'analyse des enjeux pour les faire apparaitre ensuite au niveau régional.
Ainsi, des enjeux de continuité ou de préservation vont être identifiés à chacune de ces
échelles. Il est donc important de réaliser une réflexion sur la sémantique qui permette de
comprendre l'échelle à laquelle on se réfère. Par exemple, il serait possible de décrire les
continuités à grande échelle en utilisant des termes tels que « axe de déplacement » ou
« couloirs », ou même encore, à l'image des projets d'infrastructures, le terme de « fuseau ».
Plusieurs études, dont le Réseau Ecologique Paneuropéen, utilisent d'ailleurs le terme
d'infrastructure écologique pour parler des continuités ; on pourrait alors réserver le terme de
corridor pour les représentations locales, à l’échelle du paysage ou de la parcelle.
Une étude sémiologique est d’ailleurs actuellement en cours par le CEMAGREF, pour étudier
les méthodes de représentation des enjeux à différentes échelles.
Chaque échelle implique donc des réflexions différentes et des acteurs associés à ces
enjeux différents. D'ailleurs les journées de participation ont montré que certains participants
ne se sentent pas à l'aise pour positionner des enjeux ou valoriser leurs connaissances à
l'échelle régionale ou biogéographique, et estiment alors ne pas être les interlocuteurs
légitimes pour ces réflexions. En termes de communication, il pourrait être utile de prévenir
les acteurs mobilisés sur cette réflexion TVB qu'ils seront amenés à sortir de leurs périmètres
classiques de réflexion pour prendre du recul ou faire le lien avec des initiatives plus locales.
Les acteurs locaux ne sont pas forcément habitués et à l'aise avec ces allers et retours entre les
échelles de travail. Une explication sur l'importance de la construction de ce dialogue entre les
échelles d'analyse et d'expertise semble aussi fondamentale.
Pour associer et intégrer l'expertise technique, les attentes et la connaissance de ces acteurs
locaux, il pourrait être opportun de réfléchir à des échelles intermédiaires de travail entre
110
l'échelle régionale et la déclinaison dans les SCoT ou les projets locaux. Par exemple, une
échelle envisageable et cohérente avec les objectifs de la politique et des analyses socio-
économiques, serait l’échelle des unités paysagères régionales. Cette échelle de travail a
également été utilisée avec succès dans les cantons suisses où des enjeux écologiques
différents ont été identifiés pour chaque unité. Il est vrai qu'en termes d'expertise, de
compétence, ou de connaissance des enjeux, relativement peu de structures ou acteurs sont
directement concernés par l'échelle régionale.
Cette distinction des acteurs qui interviennent dans le diagnostic écologique se retrouve
également dans le processus de concertation. En effet, suivant l'échelle considérée, la
concertation devra s'appuyer particulièrement sur tel ou tel acteur
5 - La concertation
Dans l'établissement du SRCE, la concertation est une étape clé. C'est elle qui formalise la
transformation du diagnostic écologique en document d'aménagement du territoire. Cette
concertation autour du SRCE doit donc associer l'ensemble des acteurs depuis les
scientifiques et techniciens jusqu'au grand public en passant par les élus... D'après le cadrage
méthodologique national, c'est le Comité Régional TVB qui constitue l'organe de
concertation. Cette forme de gouvernance peut être considérée comme de la concertation
lorsqu’elle associe tous les acteurs et que le débat est présent et les idées prises en compte.
Dans la mise en place de ces comités, il faut s'interroger sur trois aspects pour juger de
l’opportunité d’intégrer un organisme : la compétence, la représentativité et l'implication.
Cependant, une concertation à l'échelle régionale sur des enjeux aussi globaux mobilise peu le
grand public, ou les avis sont alors très limités. En effet, les acteurs tels que le grand public ou
les gestionnaires d'espaces restreints, ou les acteurs socio-économiques localisés ont une
vision des enjeux, plus locale. Il serait donc possible d'envisager une concertation divisée en
secteurs. Une nouvelle fois on en revient à l'idée d'une échelle intermédiaire comme par
exemple les unités paysagères.
Mais la plus grosse partie du travail de concertation et de négociation va se dérouler à
l'échelle locale, au niveau de la traduction dans les documents d'urbanismes, mais aussi à
l'échelle des projets pour lesquels les enjeux vont se rapprocher de l'échelle parcellaire,
amenant le plus de conflits potentiels.
111
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
6 - L'animation : un outil indispensable
6.1 - Un besoin d’animation à tous les stades
Dans les parties précédentes, détaillant les différents aspects de la mise en œuvre du SRCE,
on voit que l'information, l'animation et la communication ont des places primordiales. Pour
vivre, être pris en compte et mis en œuvre, le SRCE doit être compris et approprié par les
acteurs locaux. Pour ce faire, il faut prévoir dans le cadre et pour la mise en œuvre du SRCE
(jusqu'à sa révision) d'importants efforts d'animation :
- Travail préalable de communication et information sur la politique.
- Animation des acteurs du comité pour qu'ils restent mobilisés et s'assurer qu'ils
participent aux travaux participatifs.
- Sensibilisation des élus locaux pour qu'ils prennent au mieux en compte la politique
dans les documents d'urbanisme
- Appui au montage de projets permettant la réalisation concrète des actions TVB.
Ce travail sera très conséquent, car les expériences montrent un niveau global d'information
insuffisant.
6.2 - Un manque global d'information
Le besoin d'information du grand public et des élus est double. Il y a tout d'abord un important
travail à faire au sujet de la biodiversité en général. Ce n'est qu'une fois cette sensibilisation
effectuée que l'on peut communiquer de manière compréhensible au sujet de la TVB. Au-delà
du manque d'information des élus et du grand public, nos expériences nous montrent que la
plus-value de la démarche TVB n'est pas toujours comprise, y compris par des techniciens de
l'environnement, et qu'un important effort de communication et d'explication doit être
entrepris sur ce volet également auprès des acteurs de l’environnement. Il faudra aussi
intervenir auprès des acteurs socio-économiques, des agriculteurs, des bureaux d'étude, des
urbanistes...
Devant l'ampleur de la tache à accomplir, il est nécessaire de s'interroger sur qui va avoir en
charge ce travail d'animation et d'information des élus et autres acteurs.
6.3 - Le processus d'information et concertation
Le SRCE doit normalement être finalisé fin 2012. Et en région Franche-Comté, la création du
comité en charge du SRCE est prévue fin 2010. Ainsi, le temps manque pour réaliser
l'information avant cette date. Le travail d'information et de sensibilisation de ces acteurs se
fera donc lors de la création du comité dans lequel ils seront conviés. Mais il faut noter qu'une
112
partie de la sensibilisation a déjà débuté de manière passive, de proche en proche, à partir des
différentes initiatives locales qui voient le jour et lors d'évènements comme les moments
d'information organisés par la fédération des Communautés Urbaines, la Fédération des
PNR... Cette animation devra se concentrer préférentiellement sur les secteurs où il n'y a
pas d'acteurs de l'environnement (naturalistes, gestionnaires de réserves, opérateurs Natura
2000) car il n'y aura là aucun relai, et c'est dans ces secteurs que les acteurs sont les moins
sensibilisés.
Dans le processus d'établissement du SRCE, deux phases de concertation ont lieu : une
concertation avec les experts puis une avec les politiques. Mais il faut être vigilant quant à
cette séparation, qu'elle ne crée pas de blocage ou de rejet. Ainsi l'animation doit permettre de
passer d'une phase à l'autre le plus naturellement possible en associant progressivement les
politiques à la première phase par un processus d'information.
Il faut avoir conscience que dans les phases de concertation, les contradictions sont normales
entre les acteurs, et c'est souvent la contradiction qui permet d'amener de la nuance.
6.4 - Les points sur lesquels insister
Pour une communication optimale, notre expérience nous a permis d'identifier des axes à
exploiter et des sujets particuliers sur lesquels insister.
Auprès des environnementalistes, il faut faire prendre conscience que le SRCE est un
document professionnel qui touche les acteurs du territoire. C'est un outil qui rend la
biodiversité accessible aux aménageurs et qui permettra la mise en cohérence du territoire.
Face à leur inquiétude de la faible opposabilité, il faut expliquer que l'obligation pourra venir
un jour et que 2012 constitue le premier pas, et qu'il faut donc se préparer. Auprès des
opérateurs Natura 2000, il faut leur rappeler que la mise en réseau fait aussi partie des
objectifs Natura 2000.
La TVB constitue une innovation, celle d'aborder la question de la préservation de la
biodiversité par l'angle de la fonctionnalité des milieux et des continuités écologiques, alors
qu'actuellement aucun document ne permet de formaliser ou synthétiser ces enjeux.
Pour mobiliser ou impliquer les gestionnaires d'espaces naturels, il faut leur faire prendre
conscience que cet outil peut répondre à leurs préoccupations de préservation de la
biodiversité en dehors de leur territoire et que cela pourrait avoir un impact positif sur le
secteur qu’ils gèrent : agir en amont sur le cours de l'eau, mobiliser des outils ou des
initiatives permettant d'intégrer leur réserve à un réseau par une gestion cohérente du
territoire.
113
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Auprès des élus, on peut justifier la nécessité d'agir rapidement pour la biodiversité en
abordant cela sous l'angle des services rendus par cette dernière, et en indiquant que cela va
permettre une urbanisation plus cohérente, moins étalée et limiter ainsi l'aggravation des
problèmes que rencontrent actuellement ces collectivités en matière transport, accessibilité, et
répondre au besoin de proximité de la nature.
Il faut argumenter sur le fait que la TVB n'est pas un périmètre qui se rajoute aux autres ou
que ce n'est pas un outil qui vient remplacer ou s'ajouter à tout ce qui existe. Au contraire, elle
va intégrer tous les périmètres existants, et s'appuyer sur tous les outils déjà en place. Cela va
donner de la visibilité et de la cohérence à ce qui est déjà en place.
III – Scenarii prospectifs sur l’acceptation du SRCE
La prise en compte du Schéma Régional de Cohérence Ecologique dans les documents
d’urbanisme tels que les SCoT ou les PLU est une obligation, mais cette opposabilité est
faible. Ainsi, pour que ces documents de planification intègrent concrètement les
problématiques de continuités écologiques, il faut responsabiliser et sensibiliser les élus. La
loi ne permettant pas de contraindre, il est nécessaire de convaincre. Cette appropriation doit
donc nécessairement passer par un travail important d’animation du réseau d’acteurs au
sein des Comités, d’information sur les enjeux et les détails de la politique qui devrait
stimuler leur investissement, et enfin leur implication aux processus participatifs.
C’est sur ces différents aspects que se joue l’acceptation du SRCE, comme nous l’illustrons
ci-après au travers de trois scenarii.
114
1- Rupture de concertation entre experts et politiques (Figure 12)
Ce premier scénario envisage que lors de la phase de transition entre le diagnostic de
continuités écologiques et la réalisation du document d’aménagement du territoire, un blocage
s’opère entre les experts et les élus. Ce blocage pourrait avoir plusieurs origines.
La première origine envisagée est le manque d’information général des élus, à la fois sur la
biodiversité et les enjeux associés. Ce manque d’information créerait naturellement un
manque de visibilité sur la pertinence de la politique. Comme le montrent les retours
d’expériences Natura 2000, les élus sont de plus en plus nombreux à se sensibiliser pour la
biodiversité, mais un manque d’information sur la politique TVB, ses objectifs et les détails
de sa mise en œuvre pourraient amener les élus à être méfiants face à cette politique qui leur
semblera « venir d’en haut » et qu’ils n’auraient pas pu s’approprier. Cette crainte les placerait
nécessairement dans une position défensive de refus et de blocage de tout le processus.
L’autre origine de blocage envisagée serait causée par une prise en compte insuffisante des
territoires lors du diagnostic écologique. Cette frustration pourrait avoir comme origine
l’impression des élus ou des acteurs socio-économiques de ne pas avoir été suffisamment
associés au diagnostic et leurs enjeux complètement occultés. Une autre cause pourrait être
dans une mauvaise transition entre la phase diagnostic et la phase de concertation. Si
l’animation ne fait pas le relais, durant le diagnostic, entre l’avancée des travaux et les élus, la
transition entre les deux sera trop brutale et les élus, parfois par principe, ne partageront donc
pas le diagnostic qui leur est imposé.
Dans les cas décrits, le diagnostic rencontrera une forte opposition et il pourra même être
refusé. Les débats qui s’en suivent alors font prendre énormément de retard au processus et
les acteurs du comité se démobilisent peu à peu. Le document finit par être accepté, mais
devient un document qui a perdu de sa pertinence au regard des enjeux identifiés. Ce
document vide n’étant pas vraiment pertinent ne trouve personne pour le porter, y compris
dans le milieu de l’environnement. Il est presque ignoré. Seule la contrainte règlementaire fait
qu’une ou deux lignes apparaissent à chaque fois dans les documents de planification,
n’aboutissant à aucune mise en œuvre. Les quelques initiatives locales qui s'étaient déjà mises
en place se maintiennent lorsque ce projet n’est pas trop contraignant sur le territoire et qu'il
est accepté par la population comme une plus-value pour le loisir ou leur cadre de vie. En
revanche, d'autres projets revoient leurs objectifs à la baisse, ou s'en désintéressent
complètement. L'espace continue à se fragmenter, l'étalement urbain diffus et linéaire
grignote l'espace naturel et agricole. La biodiversité continue à disparaître.
115
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Figure 12 : Scénario 1, de rupture lors de la concertation entre les acteurs
116
2- Document pas assez concerté ou approprié == inutile (Figure 13)
Dans ce second scénario, le diagnostic se déroule de manière adaptée. Il associe les élus ainsi
que les acteurs socio-économiques. Il identifie des enjeux de continuités écologiques qui
sont acceptés par tous et prend en compte également le territoire par l’intermédiaire des
enjeux socio-économiques et des pratiques culturelles. Il en résulte que le SRCE est validé.
Cependant, le manque d'animation en amont et en aval fait que la politique qui était
acceptée ne se met pas réellement en œuvre. Pour se sentir intégrés et concernés de près par
cette politique, la participation des acteurs et en particulier des élus était trop limitée, ce qui a
entrainé un manque d’appropriation de la politique lors de la réalisation du SRCE. N’étant pas
assez responsabilisés pour la mise en œuvre, une fois le SRCE validé, ils perçoivent leur
contribution à la politique comme terminée. Or l'enjeu de cette politique est qu’elle soit
ensuite portée au niveau local, intégrée dans les documents planification et que se mettent en
place des projets concrets. Ainsi, le SRCE pourtant intéressant sur le plan du diagnostic
de continuité s'avère inefficace sur le terrain pour la biodiversité. L’obligation
règlementaire fait que le RCE est pris en compte dans les SCoT mais les enjeux ne sont pas
retranscrits au niveau local.
Les projets qui étaient déjà lancés se maintiennent et un petit nombre ; de nouveaux projets
vont naitre, sur des zones où l'animation est très présente comme les réserves naturelles, PNR
ou réseau N2000. Cependant, il n'y a pas de cohérence au niveau régional dans les
continuités car les projets restent isolés.
117
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Figure 13 : Scénario 2, un SCRE pas suffisamment approprié pour être mis en œuvre.
118
3- Document concerté, approprié == acceptation (Figure 14)
Dans ce dernier scénario, les politiques et les acteurs socio-économiques sont intégrés à la
démarche de diagnostic écologique, même si au début cette implication est très distante et se
résume à de l’information. A travers le travail d’animation, ils suivent l’avancement du
diagnostic et commencent à avoir une visibilité des enjeux. Au fur et à mesure de
l’avancement du projet, ils sont de plus en plus associés et consultés. Un travail participatif
les responsabilise dans la réalisation de ce diagnostic. Au moment de la validation de ce
diagnostic, les acteurs politiques et socio-économiques ne sont pas étrangers aux travaux des
experts, auxquels ils ont participé. Le diagnostic est donc accepté et validé même s’il peut
subsister quelques point de désaccord. Un travail participatif est animé de manière à associer
et responsabiliser les acteurs locaux. Par ce processus chacun s'approprie les enjeux de
biodiversité et le SRCE. Leur contribution est l'assurance de leur acceptation et de
l'intégration de ces enjeux de biodiversité au niveau local.
Le portage local fait naitre de nombreux projets se développant de manière relativement
généralisée avec une couverture spatiale bien diffuse. Une grosse diffusion se réalise de
proche en proche depuis les communes centres, mais une partie des projets naissent aussi
isolément grâce à l’animation locale de certains porteurs, (opérateurs N2000, gestionnaires de
réserves, PNR...) et se diffusent. Cette diffusion et couverture généralisée conduit à une
cohérence dans les continuités au niveau régional.
On a alors une TVB mise en place autant en milieu rural qu’en milieu urbain et qui permet
protéger les espaces naturels. Elle limite également l’étalement urbain et le force à se
densifier, par une planification plus durable. Elle limite aussi l’urbanisation linéaire le long
des axes de transport. Cela va permettre de résoudre par la suite ou d’éviter l’aggravation des
problèmes que sont l’accès aux transports, services, infrastructures, etc.
Cette généralisation de la politique TVB se fait en parallèle de la politique incitant la
réalisation des SCoT sur tout le territoire national. En effet l’obligation règlementaire de
prise en compte des SRCE lors de la réalisation de ces documents facilite d’autant la
généralisation des projets de continuité et donc de la cohérence du réseau écologique.
Cette acceptation et appropriation de la TVB a un autre effet positif. Il offre une nouvelle
visibilité des périmètres et outils de protection existant améliorant ainsi la compréhension
et l’acceptation de ce millefeuille.
119
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Figure 14 : Scénario 3, un réseau écologique en place grâce à un travail d’animation pérenne.
120
Conclusion
La Région Franche-Comté est comme beaucoup d’autre régions, en pleine réalisation du
Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE). Ce document est la déclinaison
régionale de la politique de Trame Verte et Bleue développé en France pour faire face à la
fragmentation et aux changements climatiques qui font disparaitre de manière accélérée la
biodiversité. Cette question est en grande partie menée par la DREAL qui est en pleine
rédaction d’une feuille de route pour guider la réalisation de ce document.
Cette mise en œuvre ne doit pas se faire indépendamment du contexte, à la fois conceptuel
et spatial. En effet, il existe en France de multiples expériences pilotes, ou des régions dans
lesquelles la réalisation de ce document est plus avancée, et qui possèdent de nombreux
retours d’expériences. En effet il y a actuellement une importante effervescence autour de ce
dossier. Les régions limitrophes sont, elles aussi, plus ou moins avancées dans la réalisation
de leur SRCE et nos diagnostics de continuité doivent être partagés pour assurer les
continuités au delà des limites administratives. En revanche, avec les cantons frontaliers qui
n’ont pas identifié d’enjeux transfrontaliers, tout est à construire. Ils sont en revanche désireux
de cette coopération internationale, et la base d’indentification d’enjeux transfrontaliers va
donc pouvoir s’appuyer sur l’étude Réseau Écologique National.
L’aboutissement du document SRCE est essentiel en Franche-Comté. En effet cette région
est au cœur d’enjeux nationaux et même européens, en particulier pour la connexion des
massifs montagneux. Cette mise en œuvre va pouvoir s’appuyer sur quelques initiatives
locales. Cet appui va s’avérer essentiel car le dossier est pour l’instant très mal connu de la
totalité des acteurs. Ils ne perçoivent pas les objectifs, éprouvent des difficultés à intégrer
cette nouvelle vision de la politique de protection s’appuyant sur la biodiversité, la nature
ordinaire, ainsi que des difficultés à raisonner à différentes échelles. Le document devant être
concerté, il est essentiel de s’assurer de la compréhension de tous les acteurs.
Il en ressort que l’animation du dossier auprès de tous les acteurs va être primordiale. Il
faudra à la fois communiquer et informer sur les enjeux de biodiversité, sur la politique, ses
objectifs et sa plus-value, et stimuler les acteurs pour qu’ils s’investissent dans le travail
participatif. Cette appropriation va s’avérer essentielle pour la vie à venir du SRCE, qui
doit être intégré aux documents d’urbanismes pour sa mise en œuvre et la considération des
enjeux à l’échelle locale. Pour aider cette mise en place, un travail d’animation,
121
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
d’accompagnement et de formation des élus, bureaux d’études et acteurs socioprofessionnels
est indispensable. Cette animation pérenne pourrait par exemple être confiée à des structures
se situant à l’interface entre les services de l’Etat et la Région, et des différents acteurs des
territoires locaux. Parmi ces structures, on peut imaginer une agence de l’environnement
comme celle de la communauté d’agglomération de Montbéliard ou bien ALTERRE en
Bourgogne.
Mais en tout cas, si on peut effectivement regretter la relativement faible portée juridique et
réglementaire de la TVB, la démarche n'en présente pas moins l'intérêt de construire avec
l'ensemble des acteurs du territoire un projet partagé et cohérent pour la biodiversité.
Cette démarche TVB permet aussi d'étudier et de préciser, en dehors des périmètres
d'inventaires ou de protection, le rôle des espaces de "nature ordinaire".
122
123
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Conclusion Générale
Mise en œuvre de la Trame Verte et Bleue
Dans le contexte actuel de changements globaux entrainant une érosion rapide de la
biodiversité, l’urgence d’agir a poussé la France à mettre en place une nouvelle politique de
conservation basée sur une nouvelle stratégie politique qui s’inspire de politiques déjà mises
en place dans différents pays et à différentes échelles. En effet, les politiques de protections
mises en œuvre jusqu’à présent se sont avérées pour partie inefficaces.
De multiples bouleversements sociétaux ont permis ce changement de politique. Tout d’abord,
l’appropriation par toute la société du problème de la biodiversité. Cette prise de
conscience a donné plus de poids au discours des scientifiques qui dénonçaient l’inadéquation
entre les causes du problème à savoir la fragmentation, et les solutions apportées par les
politiques de protections. Ce portage du problème par la société a permis l’émergence du
concept de développement durable, permettant l’association entre la conservation de la
nature et le développement, jusqu’alors considérés comme antagonistes. Ainsi, les politiques
de protection pouvaient être transférés des sanctuaires de « nature sauvage » aux espaces
anthropisés ; cela a été facilité en zone urbaine par la demande des habitants en nature de
proximité. On a donc dans le même temps commencé à parler de nature ordinaire.
Cette nouvelle stratégie repose sur un principe, né des avancées en écologie du paysage, celui
de création de réseaux écologique pour lutter contre la fragmentation et permettre aux
espèces de s’adapter face aux changements climatiques. Cette politique, appelée Trame Verte
et Bleue est actuellement à un instant essentiel de sa mise en œuvre, la réalisation du
Schéma Régional de Cohérence Ecologique, un document d’aménagement du territoire
opposable qui devra être pris en compte à l’échelle locale dans les documents de planification
et qui doit être finalisé pour 2012. Ce document, co-élaboré Etat-Région, doit être un
document concerté. La concertation est prévue par l’association, lors de sa réalisation, d’un
comité régional Trame Verte et Bleue associant la totalité(ou bien des représentants) des
acteurs de l’environnement et de l’aménagement. Cependant, l’opposabilité de ce document
124
est faible. Sa mise en œuvre locale et son intégration dans les documents d’urbanismes vont
alors dépendre de l’appropriation du SRCE par les acteurs et en particulier les élus locaux.
Cette appropriation doit passer par un processus participatif pour se faire au mieux. Tous les
acteurs doivent être associés à la démarche de réalisation du SRCE et d’identification des
enjeux.
Cette politique a déjà été lancée sur des territoires pilotes et les retours d’expériences sont
plutôt positifs. La naissance de divers projets locaux montre le désir d’implication des
collectivités locales. Il est vrai que cette tendance s’observait déjà par le portage de Natura
2000 par les collectivités territoriales et l’investissement de ces dernières dans la création de
Parc Naturels Régionaux. Et elle est confirmée par l’augmentation de leurs dépenses en
matière de protection de la biodiversité. Cette volonté est donc de bon augure pour la prise en
compte du SRCE dans les SCoT. En Franche-Comté et ailleurs, beaucoup de projets se
mettent en place à l’échelle des SCoT. Il semble donc que c’est une bonne échelle pour
l’appropriation et le support d’une mise en œuvre locale et cohérente. La politique TVB va
donc profiter du contexte des années à venir, visant à la généralisation des périmètres de
SCoT à l’ensemble du territoire français.
Cependant, malgré la volonté observée des politiques à s’approprier les politiques de
conservation pour les appliquer sur leur territoire, il faut être prudent. La mise en place de
certaines politiques de protection (directive oiseaux, zonage ZNIEFF, directive habitat) qui
ont été ou que l’Etat a tenté de mettre en œuvre sans concertation, a laissé des traces dans le
monde rural et chez les élus. Il reste ainsi une crainte des politiques qui viennent ‘d’en
haut’. Il va donc falloir être vigilant dans la manière d’amener cette nouvelle politique.
Dans la mise en place de cette politique, il y a donc des étapes à ne surtout pas négliger. Le
manque de connaissance des acteurs dans leur globalité représente un premier risque de
rejet de cette politique. Un manque de visibilité sur la biodiversité et ses enjeux entraînerait
l’incompréhension face une telle politique. Il va également être essentiel d’expliquer la
politique, quels sont ses objectifs, les principes de sa mise en œuvre, en insistant sur les
aspects nouveaux qu’aborde cette politique novatrice. Parmi les aspects amenant une forte
incompréhension, il a déjà été identifiés certains points comme les espèces déterminantes, la
prise en compte de la nature ordinaire, l’articulation des échelles et le manque de
connaissance qui devra être comblé par le suivi.
125
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
A toutes les étapes de la mise en œuvre, le travail d’information, d’animation des comités
pour mobiliser les acteurs, de concertation et de travail participatif vont être essentiels
pour l’appropriation. Et une fois validé, il faudra poursuivre cet effort pour s’assurer de la
prise en compte des enjeux, et de la mise en œuvre sur le terrain. Dans l’idéal, il aurait fallu
réaliser un travail de sensibilisation préliminaire et de rencontre des acteurs avant le
lancement de la mise en œuvre de la politique. Cependant, les impératifs du calendrier
poussent à lancer le Comité régional au plus tôt et il ne faudra donc être vigilant pour que ne
soit pas occultée cette étape d’information, sensibilisation et responsabilisation.
Ce ne sont pas là les seules craintes quant la mise en œuvre de cette politique. D’autres
aspects sont indépendants de la volonté des personnes chargées de la mise en œuvre de cette
politique. Et l’actualité n’est pas rassurante quant à ces craintes, qui s’avèrent de plus en plus
fondées.
Le Grenelle environnement, politique d’action ou simple affichage ? :
Le premier écueil est que le Grenelle est une politique très ambitieuse qui décide de mettre
en œuvre une multitude de projets en parallèle, et il existe un réel risque de noyer les
volontés, et de démobilisation. De plus, en face de ces politiques ambitieuses, les moyens ne
semblent pas à la hauteur des objectifs. En effet, la conjoncture de restriction de moyens
budgétaires et humains n’aide pas la mise en place de telles politiques.
Mener de front des politiques territorialisées avec des thématiques relativement proches
(autour du thème de l’environnement) et la création de multiples comités crée également un
réel risque de démobilisation. Les acteurs mobilisés à ces différents projets sont souvent les
mêmes et les citoyens qui participent aussi. Et ce phénomène semble également se dérouler au
niveau même de l’autorité centrale. Par exemple pour la réalisation du SRCE, le cadrage
national devait fournir divers outils et guider les réflexions en région ; or, ces outils n’ont pas
vu le jour.
126
Le deuxième écueil a été énormément dénoncé par divers courants
chez les écologistes ainsi que par certaines personnalités scientifiques.
Pour certains comme Philippe Hervieu, conseiller régional en
Bourgogne du groupe Europe Écologie, « Le Grenelle est la plus forte
opération massive de greenwashing politique qui ait jamais existé. »
(Source : interview Dijonscope). Pour expliciter ces propos, il parle
d’un processus permettant au pouvoir de verdir son image, de lui
donner une étiquette ‘écolo’ alors que derrière cette image, les actions
ne correspondent pas vraiment à l’affichage. C’est l’idée du capitalisme vert utilisée dans
l’affiche ci-contre, invitant à des réunions débats pour réaliser des contre propositions au
Grenelle 2. En effet, beaucoup de ces écologistes ont été déçus de la tournure du Grenelle
environnement, à l’image de la fondation Nicolas Hulot qui a décidé de se retirer de la
démarche. Il semble en effet que le gouvernement n’assume pas une politique claire. Cette
politique annonce de multiples changements, des progrès dans la considération de
l’environnement, mais finit par reculer sur les engagements annoncés, à l’image de
l’opposabilité du SRCE.
De plus le manque de moyens accordés à ces différentes
politiques (comme l’illustre la caricature ci-contre) qui
ont pourtant des objectifs très ambitieux interroge sur la
volonté réelle de leur mise en œuvre. Au cours de la
table ronde organisée au Salon de l’Agriculture en mars
2010, Nicolas Sarkozy a déclaré : l’environnement, "ça
commence à bien faire" (Source : France-info). Des
propos qui ne laissent présager rien de bon sur la mise en
œuvre des mesures du Grenelle de l’environnement.
Mais cette réalisation du SRCE, même si on peut regretter sa faible opposabilité, le manque
de moyens qui seront peut-être mobilisés, le manque de connaissance qui force à la réalisation
d’un document imparfait, cette démarche présente néanmoins l'intérêt de construire sur
l’ensemble du territoire et avec l'ensemble des acteurs du territoire un projet partagé et
cohérent pour la biodiversité. Elle se veut transversale et va donc permettre d’amener la
question de la biodiversité au sein de l’ensemble du champ politique comme l’urbanisme,
127
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
les loisirs... Cette démarche TVB permet aussi d'étudier et de préciser, en dehors des
périmètres d'inventaire ou de protection, le rôle des espaces de "nature ordinaire". Elle
réintègre la nature au cœur même de nos sociétés et de nos espaces, qui ont tenté de l’exclure
durant des siècles.
Analyse Critique de l'expérience professionnelle :
Cette étude s’est déroulée dans le cadre d’un stage dont la mission était de proposer une
feuille de route pour l’élaboration du SRCE en région Franche-Comté, au sein de la DREAL,
ainsi que d’apporter des pistes sur la concertation et l’analyse du positionnement des acteurs.
Tout d’abord cette étude m’a permis d’aborder les modalités de mise en œuvre d’une politique
dans un service d’état. Cet aspect là est très important car le fait de représenter l’état a eu un
impact incontestable sur les réactions des acteurs que j’ai rencontrés. Difficile de mettre en
place un processus de collaboration, les relations étant très orientées : soit l’Etat représente
une ressource potentielle, soit il amène une contrainte sur laquelle il faut négocier. De plus, le
représenter à l’échelle locale signifie porter les projets et les relayer auprès des collectivités
territoriales. Or, lorsque le ministère n’est pas au point sur certains aspects, il faut en fournir
des justifications au niveau local. Mais ce qui est important, c’est qu’il faut ensuite faire
remonter ces remarques.
S’ajoute à cela le fait que la DREAL représente un regroupement récent de différents
services :l’un des objectifs du regroupement était de permettre une meilleure coopération et
cohérence, mais il faut admettre que la communication entre les services n’est pas encore
parfaite.
Un travail partenarial est très difficile à mettre en place. Il s’agit en premier lieu d’identifier
l’interlocuteur adéquat. Un interlocuteur technique représente l’avantage de s’affranchir de
trop de protocole et d’échanger concrètement. En revanche, il possède une autonomie et des
libertés d’initiative limitées. Un interlocuteur politique, en revanche, permet de planifier des
stratégies, mais dans des échanges nécessitant certaines formes protocolaires, et donc
davantage de temps. En fonction de ces contraintes, et des objectifs recherchés, il est
important de solliciter interlocuteur adéquat. La communication en tant que représentant de
l’Etat en direction des collectivités territoriales est toujours stratégique. Il est parfois
128
opportun de commencer par prendre contact avec les techniciens, pour leur faire part de
certains projets, qu’ils porteront ensuite auprès de leur hiérarchie. L’acceptation est ainsi
souvent facilitée.
Ce travail partenarial demande énormément d’investissement en temps. Il nécessite
l’identification des interlocuteurs de chaque structure. Il faut ensuite les convaincre de
l’importance de leur participation, en ayant identifié ce que cela apporte au projet, ce que le
projet leur apporte, et ce qui est attendu d’eux. Très souvent, les partenaires se mettent dans
une position passive d’attente et il est difficile d’obtenir des initiatives et un passage vers une
position active. Cela nécessite des efforts d’animation, de communication, et de médiation. Et
il faut bien admettre qu’autour de sujet de l’environnement, compte tenu du faible enjeu
financier perçu, certains acteurs sont plus difficiles à mobiliser
L'environnement est un univers très controversé. Il existe des incertitudes scientifiques à tous
les niveaux (diagnostic, expertise, évaluation, causes et conséquences...) et souvent les choses
sont facilement remises en question.
Même les acteurs de l’environnement, dont les objectifs sont souvent communs, se querellent
autour de quelques points, qu’il s’agisse d’objectifs opérationnels ou de méthodologie. La
légitimation des démarches auprès des acteurs socio-économiques s’accorde mal avec ces
débats. Sur un dossier qui, on l’a vu, remet en cause des manières de penser la protection de
la nature, nécessite le développement de connaissances nouvelles sur la biodiversité et sa
préservation, il est important que l’animation soit associée à une expertise minimale
concernant la biodiversité et son étude.
Le dossier qui m’a été confié impliquait avant tout une réflexion sur les enjeux de la Trame
Verte et Bleue, et la stratégie permettant de mobiliser efficacement les acteurs, afin d’aboutir à
l’élaboration du SRCE. Les connaissances acquises lors de l’année de Master ont été très
utiles, dans la prise en compte des différentes échelles territoriales, des compétences des
différentes collectivités territoriales et leur capacité à se mobiliser. Mais ce travail n’a pu se
réaliser qu’en prenant par ailleurs appui sur des compétences acquises au préalable concernant
l’écologie.
Cette expérience professionnelle est donc avant tout marquée par la mise en évidence de
l’intérêt d’associer une double compétence universitaire, celle d’un master en Ecologie,
Evolution, Biodiversité et Biométrie, et celle du master Diagnostic Socio-spatial, Enjeux
Environnementaux et Prospective Territoriale. La conduite de la mission qui m’a été confiée
129
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
n’aurait pas pu se réaliser sans mesurer les enjeux pour les différents acteurs. Mais la
réflexion que j’ai pu porter n’aurait pas non plus eu la même légitimité sans être appuyée par
une expertise des problématiques de biodiversité.
La mission réalisée a été aussi l’occasion de mesurer à quel point les deux compétences
associées trouvaient un point de rencontre évident : la réflexion autour de la notion d’échelle.
130
131
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Acronymes AFIP : l’Association de Formation et d'Information Pour le développement d'initiatives rurales
APCA : Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture
Cemagref : Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement
CEN : Conservatoires des Espaces Naturels
CRBPO : Centre de Recherches par le Baguage des Populations d'Oiseaux
CSRPN : Comité Scientifique Régional pour la Protection de la Nature
DGALN : Direction Générale de l’Aménagement du Logement et de la Nature
DIREN : Direction Régionale de l’Environnement
DREAL : Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement
EPCI : Etablissement Public de Coopération Intercommunale
FCEN : Fédération des Conservatoires des Espaces Naturels
FNE : France Nature Environnement
FNSEA : Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles
FPNR : Fédération des Parcs Naturels Régionaux
IFEN : Institut Français de l’Environnement
MEA : Millenium Ecosystem Assessment
MEEDDAT : Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement
du Territoire
MEEDDM : Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer
MNHN : Muséum National d’Histoire Naturelle
OFEV : Office Fédéral de l’Environnement (Suisse)
ONEMA : Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques
ONG : Organisation Non-Gouvernementale
PLU : Plan local d’Urbanisme
PNR : Parc Naturel Régional
REN : Réseau Ecologique National
REP : Réseau Ecologique Paneuropéen
SCAP : Stratégie de Création des Aires Protégées
SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale
SDAGE : Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux
SETRA : Service d’Etude sur les Transports, les Routes et leurs Aménagements
SNB : Stratégie Nationale pour la Biodiversité
SNCE : Schéma National de Cohérence Ecologique
SRCE : Schéma Régional de Cohérence Ecologique
STOC : Suivi Temporel des Oiseaux Communs)
TEEB : The Economics of Ecosystems and Biodiversity
TVB : Trame Verte t Bleue
UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature
ZSC : Zones Spéciales de Conservation
ZPS : Zones de Protection Spéciales
ZNIEFF : Zones Naturelles d'Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique
136
137
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Table des Figures
Figure 1 : schéma des interrelations au sein du système biodiversité et société humaine. ................... 4
Figure 2 : Les impacts des activités humaines sur l'environnement et sur le processus d'érosion de la
biodiversité. ........................................................................................................................................... 16
Figure 3 : les relations entre les acteurs de la politique environnementale. ........................................ 28
Figure 4 : Les enjeux multiples autour de la Trame Verte et Bleue ...................................................... 46
Figure 5 : Carte de situation de la France et la Franche-Comté dans le contexte biogéographique et
orographique européen. ....................................................................................................................... 58
Figure 6 : Occurrences du terme “biodiversité“ dans les dépêches de l’Agence France-Presse. ....... 63
Figure 7 : Les préoccupations politiques environnementales des Français. ......................................... 64
Figure 8 : Carte nationale des Schémas de Cohérence Territoriale et leur statut ................................ 71
Figure 9 : Répartition des parts de chaque financeur d'action en faveur de la biodiversité et des
paysages en 2008. ................................................................................................................................. 72
Figure 10 : Carte des enjeux de continuités écologiques suprarégionaux en Franche-Comté. ............ 94
Figure 11 : L'articulation des échelles dans la mise en place de la TVB. ............................................. 108
Figure 12 : Scénario 1, de rupture lors de la concertation entre les acteurs ...................................... 115
Figure 13 : Scénario 2, un SCRE pas suffisamment approprié pour être mis en œuvre. .................... 117
Figure 14 : Scénario 3, un réseau écologique en place grâce à un travail d’animation pérenne. ...... 119
Table des Tableaux
Tableau 1 : Statut de conservation des espèces se reproduisant sur le territoire métropolitain pour
chaque groupe faunistique ................................................................................................................... 59
Tableau 2 : Positionnement des acteurs face à la TVB. ....................................................................... 106
138
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Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE ......................................................................................................................... 1
CHAPITRE I UN CONTEXTE FAVORABLE A UN VIRAGE DE LA POLITIQUE DE CONSERVATION ................................................................................................................................................ 7
INTRODUCTION : ..................................................................................................................................................... 9
I- BIODIVERSITE MENACEE : UN CONSTAT PARTAGE ......................................................................................................... 9
1 – biodiversité - définition ............................................................................................................................. 9
2- La biodiversité dans le champ scientifique ............................................................................................... 10
3- La biodiversité dans le champs politique et social : une vision des services rendus ................................. 11
3.1 – Construction sociale .......................................................................................................................................... 11
3.2 – Vision utilitariste des services rendus ............................................................................................................... 12
4- Les éléments du constat ........................................................................................................................... 14
4.1 – Une crise d'extinction majeure ......................................................................................................................... 14
4.2 - Une érosion de la biodiversité principalement d’origine anthropique .............................................................. 15
4.3 - Un défaut de connaissance qui ne facilite pas la prise de décision ................................................................... 16
II- UN VIRAGE POLITIQUE NECESSAIRE ........................................................................................................................ 18
1- Les débuts de la politique environnementale : pas vraiment adaptés ? .................................................. 18
1.1- Les débuts : des aires protégées pour quelques espèces (1853-1992)............................................................... 18
1.2- biodiversité et développement durable (depuis 1992) ...................................................................................... 18
1.3- un bilan pas vraiment positif .............................................................................................................................. 21
2- Émergence d'une nouvelle vision de la politique environnementale ........................................................ 22
2.1- Le développement durable : des visions opposées mais qui se rejoignent dans les faits. .................................. 22
2.2- Natura 2000 : les débuts trop timides d’une vision du réseau ........................................................................... 24
2.3- La démocratie environnementale ....................................................................................................................... 25
2.4- La biodiversité, l'affaire de tous .......................................................................................................................... 27
CONCLUSION : ...................................................................................................................................................... 28
CHAPITRE II LA TRAME VERTE ET BLEUE EN FRANCE : L’OPPORTUNITE D’UN CHANGEMENT DE POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ? ................................................................... 31
INTRODUCTION : ................................................................................................................................................... 33
I- DU CONCEPT DE RESEAU ECOLOGIQUE A LA TRAME VERTE ET BLEUE ............................................................................. 33
1- Le réseau écologique ................................................................................................................................ 33
1.1- Inspiré des concepts de l'écologie du paysage et biologie des populations ....................................................... 33
1.1.1 – Ecologie du paysage : entre sciences des écosystèmes et sciences de l’Homme. .................................... 33
1.1.2 –Les éléments de base du réseau : Taches-Corridors-Matrice..................................................................... 34
1.1.3 – Le concept de fragmentation : notion relative .......................................................................................... 35
1.1.4 - Connectivité ............................................................................................................................................... 35
1.4.5 – Le continuum écologique .......................................................................................................................... 36
1.4.6 – Métapopulation : la modélisation des populations en milieu fragmenté ................................................. 36
1.2- Principe et définition d’une politique de réseau écologique .............................................................................. 37
1.2.1 – Fragmentation et taille des populations ................................................................................................... 38
1.2.1 – Maintien des métapopulations ................................................................................................................. 38
1.2.2 – Survie Individuelle et cycle de vie ............................................................................................................. 38
1.2.3 – Face aux changements climatiques ........................................................................................................... 38
1.2.4 – Des précautions ......................................................................................................................................... 39
1.3- Une idée pas si nouvelle... .................................................................................................................................. 40
2- la Trame Verte et Bleue : nouvelle forme de conservation ....................................................................... 43
2.1 - Naissance d'une politique lors du Grenelle ....................................................................................................... 43
140
2.2 – La Trame Verte et Bleue : inspirée du concept de réseau écologique .............................................................. 44
2.3 – La Trame Verte et Bleue : Une nouvelle stratégie (Figure 4) ............................................................................ 45
2.3.1 – Cadre conceptuel innovant ....................................................................................................................... 45
2.3.2 – Cadre National peu restrictif ..................................................................................................................... 48
2.3.3 – Une mise en œuvre multiscalaire .............................................................................................................. 50
3 – Le Schéma Régional de Cohérence Ecologique ....................................................................................... 53
3.1- Un diagnostic concerté ....................................................................................................................................... 53
3.2- Un document d'aménagement du territoire : une appropriation nécessaire qui passe par ‘convaincre et non
contraindre’ ............................................................................................................................................................... 55
II- LA FRANCE EST-ELLE CAPABLE DE SAISIR LE CONTEXTE GLOBAL..................................................................................... 57
1- Le contexte écologique en France ............................................................................................................ 57
1.1- La France : rôle essentiel pour la biodiversité .................................................................................................... 57
1.1.1 – La Flore ...................................................................................................................................................... 58
1.1.2 – La Faune .................................................................................................................................................... 59
1.2- Un état des lieux alarmiste ................................................................................................................................. 60
2- Contexte sociopolitique en France............................................................................................................ 61
2.1 – La Stratégie Nationale pour la Biodiversité : un échec. ..................................................................................... 61
2.2 – Les Français et la biodiversité ........................................................................................................................... 62
2.3- les outils de la protection en France ................................................................................................................... 64
2.3.1 – La situation actuelle : une augmentation globale des surfaces concernées ............................................. 64
2.3.2 – La Stratégie de Création des Aires Protégées : un politique à maintenir... ............................................... 65
2.3.3 – Natura 2000 : un handicap pour la mise en place de la TVB ? .................................................................. 66
2.4 – des politiques de plus en plus décentralisées ................................................................................................... 69
2.4.1 – Appropriation locale de la gestion de l'environnement ............................................................................ 69
2.4.2 – Appropriation des outils de protection ..................................................................................................... 72
2.5- contexte de crise économique ............................................................................................................................ 73
III- DES RECOMMANDATIONS QUI DETERMINENT LES AXES DE L'ETUDE ............................................................................. 74
1- Des recommandations générales pour négocier le changement ............................................................. 74
1.1 – Des moyens en accord avec les objectifs ? ....................................................................................................... 74
1.2 – Une vision systémique pour une appréhension nouvelle du territoire d'action. .............................................. 75
1.3 – Une mise en œuvre rapide : des démarches parallèles .................................................................................... 75
1.4 Communication .................................................................................................................................................... 76
1.5 – la Cohérence par la subsidiarité des échelles.................................................................................................... 76
1.6 – Une appropriation essentielle : concertation et démarche participative ......................................................... 77
2- Les axes de travail de l'étude et les questions abordées .......................................................................... 78
CONCLUSION : ...................................................................................................................................................... 78
CHAPITRE III MISE EN PLACE DE LA TRAME VERTE ET BLEUE EN FRANCHE COMTE......... 81
INTRODUCTION ..................................................................................................................................................... 83
I- LES CONTEXTES EN FRANCHE-COMTE : APPROCHE MULTISCALAIRE ............................................................................... 84
1 – Les réflexions sur les continuités écologiques : un contexte supra-régional ........................................... 84
1.1 – Méthode de recueil des informations ............................................................................................................... 84
1.1.1 – l’intérêt d’une approche supra-régionale ................................................................................................. 84
1.1.2 – Les régions limitrophes françaises ............................................................................................................ 84
1.1.3 – La cohérence transfrontalière ................................................................................................................... 84
1.2 –L’avancement du projet dans les régions proches ............................................................................................. 85
1.3 - L’avancement du projet en Suisse ..................................................................................................................... 86
2 – Retour d'expérience sur la mise en place du SRCE .................................................................................. 88
2.1 – Méthode de recueil des informations ............................................................................................................... 88
2.2 – Retours d’expérience des Parcs Naturels Régionaux ........................................................................................ 89
2.3 – Retours d’expérience des DREAL ...................................................................................................................... 90
2.4 – Autres retours d’expérience ............................................................................................................................. 91
3 – Le contexte en Franche-Comté ............................................................................................................... 92
3.1- Méthodes............................................................................................................................................................ 92
141
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
3.2 – Le contexte Géo-écologique ............................................................................................................................. 93
3.3 – La réflexion Trame Verte et Bleue en Franche Comté ...................................................................................... 95
3.3.1 – En DIREN ................................................................................................................................................... 95
3.3.2 – Collaboration avec la Région ..................................................................................................................... 97
3.3.3 – Initiatives locales ....................................................................................................................................... 98
3.4 – L’expérience des gestionnaires de réserves et opérateurs N2000.................................................................... 99
3.4.1 – Retours d’expériences sur la perception des élus et Natura 2000 ............................................................ 99
3.4.2 –sceptiques et fatalistes face à la TVB ....................................................................................................... 100
3.4.3 - Leur place dans la Réflexion SRCE ............................................................................................................ 101
II- QUELQUES PRECONISATIONS POUR L’ELABORATION DU SRCE .................................................................................. 101
1 – Un Contexte du Grenelle à prendre en compte..................................................................................... 101
2 - Analyse du positionnement des acteurs ................................................................................................ 102
2.1 - Typologie des zones de mise en œuvre ........................................................................................................... 102
2.2 - L’agriculture ..................................................................................................................................................... 102
2.3 - Une vision nouvelle difficile à faire partager ................................................................................................... 104
2.4 - La grille de lecture des élus .............................................................................................................................. 105
2.5 - Typologie de positionnement face à la TVB ..................................................................................................... 105
3 – Mise en œuvre ...................................................................................................................................... 107
4 - Dialogue entre les échelles .................................................................................................................... 108
4.1 – Les échelles temporelles ................................................................................................................................. 108
4.2 – Les échelles spatiales ...................................................................................................................................... 108
5 - La concertation ...................................................................................................................................... 110
6 - L'animation : un outil indispensable ...................................................................................................... 111
6.1 - Un besoin d’animation à tous les stades ......................................................................................................... 111
6.2 - Un manque global d'information ..................................................................................................................... 111
6.3 - Le processus d'information et concertation .................................................................................................... 111
6.4 - Les points sur lesquels insister ......................................................................................................................... 112
III – SCENARII PROSPECTIFS SUR L’ACCEPTATION DU SRCE ........................................................................................... 113
1- Rupture de concertation entre experts et politiques (Figure 12) ........................................................... 114
2- Document pas assez concerté ou approprié == inutile (Figure 13) ........................................................ 116
3- Document concerté, approprié == acceptation (Figure 14).................................................................... 118
CONCLUSION ...................................................................................................................................................... 120
CONCLUSION GENERALE .......................................................................................................................... 123
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 131
ANNEXES ......................................................................................................................................................... 143
142
143
Passerault M., 2010. La TVB : analyse du concept et réflexions méthodologiques pour sa traduction dans le SRCE
Annexes