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I ÉNERGIES HS N°6 - AÏKIDO - Avril/Juin 2011 46 - la voie libre AIKIDO IWAMA RYU Il est intéressant de constater à quel point l’Aïkido peut être interprété et ressenti dif- féremment selon les personnes qui le pra- tiquent. Plusieurs grands « courants » ont essaimé à travers le monde et un simple clic sur internet nous emmène dans des pré- sentations très variées de l’art. On y trou- ve même des variantes les plus farfelues, mais elles ne seront pas prises en compte ici.Au regard des multiples façons d’abor- der techniquement l’Aïkido, on a parfois l’impression qu’il s’agit de disciplines sans lien entre elles plutôt qu’une disci- pline codifiée, structurée et identique pour tous. Ainsi, pour certains, il est question de savoir se défendre efficacement en cas d’agression et pour d’autres un moyen d’amé- liorer les qualités physiques ou la santé. D’autres encore recherchent une discipli- ne corporelle et mentale afin de mieux uti- liser l’énergie (ki ) tout en mettant l’ac- cent sur l’aspect relationnel, etc. On peut certainement considérer que l’Aïkido englo- be tout cela et que chacun a raison, orien- tant sa pratique en fonction de ses propres buts. Selon Saito senseï qui fut mon maître, cet art aspire au développement spirituel de l’individu à travers l’acquisition de vraies techniques de combat dont le but n’est plus le combat, mais la résolution des conflits par la non-violence. Dans la philosophie du fondateur Morihei Ueshiba, l’Aïkido cor- respond bien à une voie pour unir les êtres humains dans une « famille universelle » où prédomine la bienveillance. Cependant, si l’Aïkido connait autant d’interprétations aujourd’hui c’est parce qu’il s’est déve- loppé à partir de la transmission de disciples du fondateur qui ont, eux-mêmes, mis en exergue ce qui les avait le plus sensibilisé à cet art. Ces maîtres ont introduit pro- gressivement leurs propres modifications, selon leurs compétences et aspirations per- sonnelles. Ce phénomène s’est surtout déve- loppé entre le début des années 50 et la fin des années 60, mais n’a cessé de se répandre ensuite. L’essor international de l’Aïkido a pris forme dans les années 50. On peut donc consta- ter que l’Aïkido, généralement pratiqué aujourd’hui, correspond plus aux interpré- tations qui en ont été faites par tous ces maîtres qui sont à l’origine de ce dévelop- Morihei Ueshiba le fondateur de l’Aïkido a vécu en homme libre, et c’est en créateur libre qu’il a installé dans son art un espace de liberté où chacun peut s’exprimer, dans un contexte prédéterminé. Daniel Toutain aborde ici l’Aïkido tel qu’il l’a reçu à Iwama sous la direction de son maître, Saito Morihiro.

la voie libre - aikidojo.fr · AIKIDO IWAMA RYU Il est intéressant de constater à quel point l’Aïkido peut être interprété et ressenti dif- ... Le fameux livre Budo

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ÉNERGIES HS N°6 - AÏKIDO - Avril/Juin 201146 -

la voie libre

A I K I D OIWAMA RYU

Il est intéressant de constater à quel pointl’Aïkido peut être interprété et ressenti dif-féremment selon les personnes qui le pra-tiquent. Plusieurs grands « courants » ontessaimé à travers le monde et un simple clicsur internet nous emmène dans des pré-sentations très variées de l’art. On y trou-ve même des variantes les plus farfelues,mais elles ne seront pas prises en compteici.Au regard des multiples façons d’abor-der techniquement l’Aïkido, on a parfoisl’impression qu’il s’agit de disciplinessans lien entre elles plutôt qu’une disci-pline codifiée, structurée et identique pourtous. Ainsi, pour certains, il est questionde savoir se défendre efficacement en casd’agression et pour d’autres un moyen d’amé-liorer les qualités physiques ou la santé.D’autres encore recherchent une discipli-ne corporelle et mentale afin de mieux uti-liser l’énergie (ki) tout en mettant l’ac-cent sur l’aspect relationnel, etc. On peutcertainement considérer que l’Aïkido englo-be tout cela et que chacun a raison, orien-tant sa pratique en fonction de ses propresbuts.Selon Saito senseï qui fut mon maître, cet

art aspire au développement spirituel del’individu à travers l’acquisition de vraiestechniques de combat dont le but n’est plusle combat, mais la résolution des conflitspar la non-violence. Dans la philosophie dufondateur Morihei Ueshiba, l’Aïkido cor-respond bien à une voie pour unir les êtreshumains dans une « famille universelle »où prédomine la bienveillance. Cependant,si l’Aïkido connait autant d’interprétationsaujourd’hui c’est parce qu’il s’est déve-loppé à partir de la transmission de disciplesdu fondateur qui ont, eux-mêmes, mis enexergue ce qui les avait le plus sensibiliséà cet art. Ces maîtres ont introduit pro-gressivement leurs propres modifications,selon leurs compétences et aspirations per-sonnelles.Ce phénomène s’est surtout déve-loppé entre le début des années 50 et la findes années 60, mais n’a cessé de se répandreensuite.L’essor international de l’Aïkido a pris formedans les années 50. On peut donc consta-ter que l’Aïkido, généralement pratiquéaujourd’hui, correspond plus aux interpré-tations qui en ont été faites par tous cesmaîtres qui sont à l’origine de ce dévelop-

Morihei Ueshiba le fondateur de l’Aïkido a vécu enhomme libre, et c’est encréateur libre qu’il ainstallé dans son art unespace de liberté oùchacun peut s’exprimer,dans un contexte prédéterminé.Daniel Toutain abordeici l’Aïkido tel qu’il l’areçu à Iwama sous ladirection de son maître,Saito Morihiro.

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pement qu’à l’art d’origine du fondateurlui-même. Il s’agit là d’un fait historique,que je n’aurais ni la prétention ni l’impu-dence d’interpréter. Cette constatation aété largement confirmée par Stanley Pranin,directeur d’Aiki news et authentique his-torien de l’Aïkido, dans un article où ilfait très justement remarquer ceci : “il est

facile de reconnaître les élèves d’un profes-seur à travers leur manière d’exécuter lestechniques car ils adoptent les mêmes atti-tudes que leur enseignant. Hors, ajoutait-ildans cet article, cela n’est pas flagrant chezceux qui ont retransmis l’art d’O senseï MoriheiUeshiba”. Tous ont des formes et destechniques qui ne laissent pas transparaîtreclairement celles du fondateur. Selon lui,ces différentes interprétations de l’Aïkidosont dues essentiellement à l’absence dufondateur au moment de la vulgarisationde l’art car il s’était retiré à Iwama. Avantcette retraite dans la Préfecture d’Ibaraki,il voyageait beaucoup, donnant des coursen différents endroits du Japon et était peuprésent dans son dojo. C’est pourquoi, sesélèves d’alors durent la plupart du tempsassumer le dojo eux-mêmes et ne passèrentque quelques années dans ces conditionsavec le maître.

Le fameux livre BudoC’est précisément plus tard, à Iwama, surune période qui dura du début des années1940 jusqu’à la fin de sa vie, que le maîtreélabora techniquement l’Aïkido. À cetteépoque, rares furent ceux qui suivirent véri-tablement son enseignement au quotidienet eurent la chance d’être les témoins desmodifications apportées aux techniques.Tous les futurs maîtres d’après guerre necotoyèrent O senseï qu’occasionnelle-ment car ils étudiaient à Tokyo sous la direc-tion de Kishomaru Ueshiba, le fils du fon-dateur.Les modifications apportées à Iwamaconstituèrent pourtant la base technique del’Aïkido qu’O senseï pratiqua jusqu’à la finde sa vie. Il ne faut pas oublier non plus quemaître Ueshiba était un homme d’un autretemps, issu de la tradition du budo, donc pastrès concerné par les questions d’organi-sation et d’administration.Véritable « artis-te martial », il ne consacrait son temps qu’àson entraînement et à sa recherche, ce quiapporte un éclairage supplémentaire sur le

fait que d’autres que lui aient pris en char-ge, à leur façon, la structuration et le déve-loppement de l’Aïkido.Stanley Pranin relate également sa surpri-se le jour où il découvrit l’existence de l’édi-tion d’origine, très limitée, du fameuxlivre Budo écrit par le fondateur en 1938.Ce livre montrait déjà les fondements del’Aïkido, perpétué par Saito Morihiro sen-seï. Pendant 23 ans Saito sensei est restéauprès de maître Ueshiba à Iwama, luiservant de partenaire dans ses recherches.Il fut présent chaque jour pour assister àl’évolution apportée par son maître, étantmême parfois son seul partenaire d’en-traînement.J’ai le souvenir encore très vivantdes fois où maître Saito nous expliquait com-ment O senseï en arriva à modifier et à amé-liorer telle ou telle technique comme tai nohenko, ryotedori shihonage, etc. Il serait troplong et trop compliqué ici de rentrer dansles détails, mais O senseï ne fit pas les chosesau hasard. Son Aïkido était très logique ettrès réaliste. Lorsqu’il débuta dans le dojodu fondateur, Saito sensei pratiqua en effetles techniques telles qu’elles sont montréesdans le livre Budo. Il eut la chance d’assis-ter à leur transformation progressive jus-qu’à leur forme définitive. Il s’agit sou-vent de détails, mais ces détails font toutela différence pour rendre les techniques plusefficientes dans l’esprit que voulait insuf-fler le fondateur.Ainsi,par exemple,on peutvoir dans le livre Budo que tai no henko estexécuté en plaçant une seule main devantsoi. Ceci fut modifié en plaçant les deuxmains de manière symétrique devant lecentre pour obtenir une plus grande stabi-lité et offrir plus de possibilités (voir ph. 1– tai no henko avant la période Iwama,comme montré dans le livre Budo et la photo2 - la forme définitive à partir de la pério-de Iwama). Ce détail a une grande impor-tance dans cet exercice qui constitue la basede tous les mouvements ura (ph. 3, 4, 5).Saito senseï nous montrait souvent les dif-

Daniel Toutain, 6e dan

Iwama ryu, disciple

de Saito Morihiro senseï.

1 : Tai no henko avant la période

Iwama. 2 : Dans sa forme définitive. 3 à 5 : Tai no henko, base des techniques ura.

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férentes étapes franchies pour peaufinerryotedori shihonage avant que le fondateurn’adopte la version finale. Il était toujoursquestion de détails car l’exécution globalede la technique ne variait pas vraiment, maisces détails s’avèrent indispensables pourque soit possible l’harmonisation avec l’at-taque d’un partenaire puissant.Dans ce livreBudo, on peut constater que maître Ueshibadonnait déjà des points clés qui sont res-tés inchangés.C’est en particulier le cas pour

shomenuchi ikkyo, kotegaeshi (ph. 6 et 7),iriminage (ph. 8 à 10), etc. Saïto senseï pou-vait facilement décrypter le livre Budo carc’était la forme de pratique avec laquelleil avait débuté et il connaissait tous les rouagesdes changements opérés par O senseï MoriheiUeshiba. Il considérait d’ailleurs que cetouvrage restait incompréhensible pour laplupart des pratiquants . C’est pourquoi ilentreprit de publier avant sa mort un livreintitulé Takemusu Aïkido - explications surle livre Budo. J’ai eu le privilège de servirde partenaire pour les photos du livre etd’écouter les commentaires précis de Saïtosenseï à cette occasion. Même lorsqu’il n’ap-

paraissait pas sur les prises de vues, il étaitbien présent pour nous indiquer, à son filsHitohiro et à moi-même, tout ce que nousdevions faire dans les moindres détails.C’était très émouvant de le voir s’enthou-siasmer au fur et à mesures des démons-trations quand il se remémorait des anec-dotes vécues auprès de maître Ueshiba, àpropos de certaines techniques. Il dégageaitune énergie incroyable en nous expli-quant comment son maître faisait telle ou

telle technique. Il aurait pu continuer pen-dant des heures, mais tout n’a pas pu êtrepris en compte et photographié… Cesmoments magiques resteront gravés àtout jamais dans ma mémoire et dans moncœur.

Le sens originel Morihei Ueshiba créé l’Aïkido en puisantaux sources d’arts martiaux très anciensdans lesquels il excella, mais il donna uneautre forme et un autre sens à toutes cestechniques redoutables qui firent leurspreuves dans le passé guerrier du Japon.L’Aïkido débute donc avec maître Ueshiba

et c’est bien la raison pour laquelle il est pri-mordial de s’y référer, au risque de s’éga-rer dans une voie sans véritables fondations.Cela paraît très sensé et ne surprend per-sonne quand il est question d’étudier lamusique, la danse, etc. La grande majoritédes professeurs admet la nécessité d’ac-quérir des bases solides pour atteindre unhaut niveau. Encore faudrait-il savoir dequelles bases il s’agit. Celles du fondateur,car elles existent et sont précises, ou biencelles de tel ou tel enseignant qui au fil dutemps a construit sa propre logique ? Certainsconsidèrent que tout cela est dépassé,qu’il faut s’adapter à son époque et être libred’innover. On retombe là dans l’éternelconflit entre tradition et modernité.Un jour,lorsque j’étais à Iwama,scrutant les moindresrecoins du dojo du fondateur, je m’amusaià penser que ce dojo ne répondait vraimentpas aux normes exigées par les ministèresdes sports. Et pourtant je me trouvaisdans le dojo du créateur de l’Aïkido, à l’en-droit même où tout a commencé. À forcede vouloir moderniser, légiférer et surpro-téger tout le monde, le sens originel risquepeu à peu de se perdre. Car dans les dojostraditionnels la sécurité vient de la vigi-

lance, chacun doit apprendre à s’adapterpour se protéger et protéger les autres.Touscapitonnages et protections d’obstaclesauraient été considérés comme contraireà l’état d’esprit qui doit animer l’entraine-ment. L’existence de ces normes de sécu-rité est sans doute une bonne chose, mais,avec cette anecdote, je veux attirer l’at-tention sur le fait qu’une modernité quine garde pas de solides racines dans la tra-dition prend le risque de dénaturer le sensd’origine. Issu de disciplines très anciennes,l’Aïkido reste en réalité profondémentmoderne dans ses principes car il véhiculedes valeurs universelles et intemporelles.

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…L’Aïkido prêche l’harmonie� Sera�t�il possible de démontrer dans les faits� comme dans les techniques� que cela ne se limite pas à de belles paroles ?…

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17 et 18 : Kote gaeshi, angle de projection.

8 à 10 : Irimi nage, ne pas regarder le partenaire.

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Les références techniques utilisées peuventparfois sembler figées dans le temps ouarchaïques, comme par exemple l’utilisa-tion du sabre. Pourtant elles englobent desconcepts qui constituent un point de départet peuvent s’adapter en permanence. Lemessage de l’Aïkido est donc contenu dansses techniques telles qu’elles ont étéconstruites par le fondateur, d’où l’impor-tance d’une grande rigueur sur ce plan. Ilne peut être fait n’importe quoi techni-

quement au risque de perdre le sens pro-fond de l’art ! Voilà pourquoi il est si impor-tant de garder un attachement à l’ensei-gnement de maître Ueshiba qui se seraitlimité à faire des conférences s’il avait vouluexprimer le sens de sa démarche autrementqu’à travers des techniques.C’est bien parceque le sens profond se trouve dans la pra-tique et la sensation qu’il n’a cessé de démon-trer physiquement, jusqu’à la fin de sa vie,le message qu’il voulait transmettre.

Contrôler sans violenceLa spécificité de l’Aïkido c’est de donnerle moyen de comprendre ce message d’har-monie à travers l’expérience d’une appli-cation physique avec un partenaire. Nonpas avec un partenaire complaisant, cequi d’ailleurs fait souvent dire à des obser-vateurs non avertis que l’attaquant donnel’impression de « se laisser faire », mais avecun partenaire sincère dans ses attaquesou saisies. Une pratique complaisante ne

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Les 6 principes fondamentaux qui constituent la spécificité de l’Aïkido

- Hanmi : toutes les techniques commencent à partir de la positionhanmi (ph. 17 et 18). C’est notamment ce qui permet de réagircontre plusieurs attaquants. Il suffit d’observer attentivementtous les documents existant sur O senseï Morihei Ueshibapour constater que cette position est omniprésente.

- Awase : s’harmoniser avec le partenaire.- Kokyu : c’est la « force » en Aïkido. C’est un bon placementde la respiration et des hanches, les épaules sont relâchées (ph. 11 à 16).- Le Cercle : l’Aikido s’exprime dans le cercle et ce principeanime toutes les techniques.- Utiliser le principe du levier : les techniques trouvent leurefficacité grâce à cette loi mécanique.- Atemi et kiaï : sans l’utilisation des atemi, il est impossible d’exé-cuter certaines techniques. Il ne s’agit pas de coups portés pourblesser, mais pour faire diversion ce qui n’exclut pas leur réa-lisme. Le fondateur disait, selon Saito senseï, que l’Aïkido étaitcomposé à 99% d’atemi (ph. 19 et 20).

Un autre point fondamental consiste à ne pas regarder lamain, le pied ou l’arme de celui qui attaque. Cela empêche de sefondre avec son mouvement pour s’harmoniser avec sa forceet surtout d’avoir une vision globale en cas d’encerclement. Laposition hanmi et le respect de ce principe sont inculqués dèsl’étude des premiers mouvements de base dans l’école Iwama.Ensuite, l’élève peut passer tout naturellement à des formes plusavancées avec un ou plusieurs partenaires (ph. 21 à 24).

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11 à 15 : Morote dori

kokyu ho.

16 : Utilisation du kokyu,

kokyu nage.

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peut qu’engendrer une illusion et finale-ment une frustration si le but est bien dedémontrer, comme c’était le cas du fon-dateur, que la technique permet réellementde contrôler sans violence une attaque puis-sante et sincère. Toute la philosophie et laspiritualité doivent prendre leurs racinesdans quelque chose de concret car elles sontle reflet de la pratique.L’Aïkido vise à l’éveilspirituel de l’être humain. C’est à traversles épreuves que l’on fait son expérience etque l’on grandit. Le partenaire a donc unrôle important à tenir dans cet échangenécessaire à cette remise en question.Chercher à s’améliorer sans fin pour décou-vrir la signification profonde de l’art. C’est

toute la base de l’Aïkido qui fut transmi-se à Iwama, d’abord par le fondateur, puispar Saito senseï. Dès mon premier séjourau Japon, Saito senseï m’a accueilli en meprécisant que le dojo d’Iwama où je venaissuivre son enseignement était le dojo demaître Ueshiba. Étant le gardien de ceslieux depuis la mort du maître, il avait ledevoir d’y divulguer exactement ce qu’il yavait enseigné. Il n’avait de cesse de répé-ter qu’O senseï avait été son seul et uniqueprofesseur. Cela ne l’a pas empêché d’al-lier parfaitement tradition et modernité enorganisant l’enseignement qu’il avait reçude son maître afin de le rendre plus acces-sible à tous. Tout en restant fidèle à l’héri-

tage technique et spirituel qu’il reçut d’Osenseï, maître Saito a su en adapter la trans-mission grâce à une classification claire età des méthodes d’apprentissage plusmodernes.

La création sans fin de techniquesSaito senseï insistait sur l’importance deconnaître avec précision les bases défi-nies par O senseï avant de créer son proprestyle car il n’était pas contre cette idée, aucontraire. Maître Saito était une personnemagnifique, dans le sens où il laissait uneentière liberté à ses élèves. Il était juste trèsstrict et sans concession sur la bonne exé-cution de ce qu’il nous inculquait, cetterigueur étant la marque d’un bon profes-seur. Il souhaitait que chacun préserve lesbases authentiques de maître Ueshiba commepoint d’ancrage avant l’expression d’un«Aïkido personnel». À la fin de sa vie, lefondateur utilisait plus souvent le termeTakemusu Aiki que l’appellation Aïkido.Takemusu Aiki signifie la création sansfin de techniques, une création spontanée.Mais cela ne se décide pas du jour au len-demain, c’est un état qui ne peut se mani-fester qu’après des années et des années depratique sérieuse pour maîtriser les fon-dements de l’art. J’ai commencé cet articleen faisant référence aux différents courantsqui existent aujourd’hui. Il est évidentque cette tendance ne fera que s’accentuer.

C’est le propre de l’homme quede vouloir être libre et c’est tel-lement mieux ainsi. Mais il n’enfaut pas moins rester fidèle àdes valeurs traditionnelles et lesgarder comme « port d’attache ».Plus les années passent et plus j’aicette conviction.Je suis également persuadé quel’échange et le respect favorisentl’évolution.Alors on peut faire lerêve utopique de voir un jourles pratiquants d’Aïkido, tous « courants » confondus, se retrou-ver unis dans un système qui recon-naîtrait et respecterait chacun,avec ses différences et dans sa

recherche, sans prise de pouvoir del’un sur l’autre. Il faut juste savoir quecela existe déjà dans certains pays oul’Aïkido s’est structuré officiellementsous cette forme…L’Aïkido prêche l’harmonie. Sera-t-ilpossible de démontrer dans les faits,comme dans les techniques, que cela nese limite pas à de belles paroles ? ❁

Daniel Toutain, 6e dan Iwama ryu.Iwama International Academy

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19 : Atemi appliqué sur une attaque yokomen uchi.

20 : Atemi appliqué dans la technique kote gaeshi.

21 à 24 : Ninindori, technique avec 2 partenaires.

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