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(1) Ce rapport est le fruit d’une collaboration entre la Banque africaine de développement (BAD), le centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), www.africaneconomicoutlook.org (2) On entend par ce terme les populations qui dépensent de 2 à 20 dollars par jour et par personne, soit environ trois cents millions d’Africains. (3) Lire Demba Moussa Dembélé, «Le franc CFA en sursis », Le Monde diplomatique, juillet 2010. (4) Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée- Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo. (5) Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée- Equatoriale et Tchad. (6) www.cemac.int (7) Banque africaine de dévoloppement, « Impact des unions monétaires sur les échanges commerciaux », juillet 2013. (8) Un euro vaut 655,95 francs CFA. 12 l’Ouest (Cedeao), l’organisme régional mandaté par l’Union africaine pour cha- peronner les politiques d’intégration éco- nomique de ses membres, ce ne sont pas la Côte d’Ivoire ou le Sénégal qui mènent la danse, mais deux pays anglophones. Le Nigeria enregistre un taux de crois- sance de 7,4 % en 2013 (contre 6,2 % en 2012). Le Ghana a vu sa production croître de 6% en moyenne pendant les six dernières années et devrait atteindre 8 % en 2015, selon le rapport « Perspec- tives économiques en Afrique » précité. que (7). Le démantèlement des structures fédérales de l’empire colonial français d’Afrique aurait dû aller de pair avec la suppression du franc CFA, chaque pays pouvant ainsi se doter de sa propre mon- naie. C’est ce qui se passa dans les anciennes colonies britanniques, avec l’abolition de la livre sterling ouest-afri- caine et de la caisse d’émission d’Afrique de l’Ouest, en 1968, ou la dissolution de la caisse d’émission d’Afrique de l’Est, en 1977. Peut-on imaginer une abrogation du traité de Maastricht qui s’accompa- gnerait d’une survivance de l’euro ? Le maintien du franc CFA a créé un environnement économique impropre à toute stratégie de développement. Cette absence de perspectives dans une Afrique en pleine mutation favorise l’instabilité et les conflits. Dans un passé récent, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali et la Centrafrique ont été le théâtre de vio- lences qui ont ensanglanté la région. La France, appuyée par les Etats-Unis, a par ailleurs instrumentalisé ces crises pour renforcer sa présence militaire dans ces pays. Dans ce contexte, les stratégies d’in- tégration économique de l’Uemoa et de la Cemac étaient vouées à l’échec. Les préalables indispensables à la viabilité d’une union monétaire ont été en effet méconnus : on ne trouve aucun méca- nisme de solidarité, ni marché unique, ni union politique. Au deuxième rang des inconséquences structurelles de la zone franc figure le taux de change fixe de la monnaie com- mune, ancrée à l’euro à un niveau abusi- vement surévalué (8). Il s’agit officielle- ment de préserver la stabilité de la monnaie, sa convertibilité et son libre transfert en France par le mécanisme du contrôle des changes instauré en 1993. Mais ce montage fonctionne surtout à l’avantage des entreprises françaises, qui exercent un quasi-monopole sur l’activité économique de la zone : Bouygues, Areva, Total, Bolloré, Eiffage, Orange (Sonatel), BNP Paribas (BICI), Société générale, Air France, etc. La sphère publique n’est pas en reste. Par exemple, l’Agence française de développement (AFD) a prêté au Sénégal, dans le cadre de son Plan Sénégal émergent (PSE), 58 milliards de francs CFA (88,5 millions d’euros) pour la construction du tronçon d’autoroute à péage de Diamniadio au futur aéroport, dans la banlieue de Dakar (lire l’article NOVEMBRE 2014 – LE MONDE diplomatique * Economiste, ancien haut fonctionnaire de la Banque africaine de développement (BAD), auteur de L’Afrique au secours de l’Afrique, L’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2009. Cependant, ces progrès semblent délaisser les pays de la zone franc (3). Si les taux de croissance ont été en moyenne de 5,5 % en 2013 dans l’Union écono- mique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) (4), ces chiffres doivent être relativisés. La population y croissant en moyenne de 3%, la progression du pro- duit intérieur brut (PIB) par habitant n’est que d’environ 2,5 %. Dans la Commu- nauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) (5), les taux de croissance moyens du PIB et de la population sont respectivement de 4,6 % et 2,8 %, soit un accroissement du PIB par habitant relativement faible (6). Il en résulte que les plans de développement de certains pays de la zone franc – comme le Niger, le Mali, le Burkina Faso ou le Tchad – se limitent surtout à la lutte contre la pauvreté, le Programme alimentaire mondial (PAM) venant à leur rescousse. Au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de P AR S ANOU M BAYE * Réunis à Paris le 3 octobre 2014, les responsables africains de la zone franc ont confirmé leur attachement à ce lien monétaire. Pourtant, l’écart grandit avec les pays disposant de leur propre devise et connaissant des alternances politiques sans interven- tion de l’ancienne puissance coloniale. Il révèle les entraves au développement que représente une monnaie unique sans mécanisme de solidarité ni politique harmonisée. A Dakar, restaurants chics et bidonvilles GHANA SIERRA LEONE GUINÉE- BISSAU GUINÉE ÉQUAT. SÃO-TOMÉ- ET-PRÍNCIPE GAMBIE CAP- VERT ANGOLA CENTRAFRIQUE TCHAD LIBYE ALGÉRIE RÉP. DÉM. DU CONGO CONGO CAMEROUN CÔTE D’IVOIRE TOGO MALI BURKINA FASO SÉNÉGAL MAURITANIE NIGER BÉNIN GUINÉE NIGERIA LIBERIA GABON Kinshasa Lagos Abidjan Dakar Kano 1 000 km Taux de croissance moyen annuel du PIB par habitant, 2009-2013 Unions économiques Une croissance économique inégale Zone franc Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) Pays francophones - 6,6 0 2 4 8% de 1 à 3 de 3 à 10 13 Population des agglomérations en millions d’habitants (en 2014) Sources : Fonds monétaire international, « Perspectives économiques régionales. Afrique subsaharienne : maintenir le cap », octobre 2014 ; ONU, « World urbanization prospects. The 2014 revision ». CÉCILE MARIN INVITÉS d’honneur des dirigeants euro- péens les 2 et 3 avril 2014, les chefs d’Etat africains ont également été reçus en grande pompe par le président américain Barack Obama au mois d’août dernier. Aucun mystère là-dessous : le continent noir est le deuxième moteur de croissance mon- diale après l’Asie. Selon le rapport « Pers- pectives économiques en Afrique », en 2013 le taux de croissance moyen s’y éta- blissait à environ 4 %, supérieur à celui du reste de la planète (3 %). Le mouvement devrait s’accélérer, frôlant les 5 % en 2014 pour se situer entre 5 et 6 % en 2015 (1). A l’ère de la mondialisation, les pays à industrialisation rapide – dits émergents – tels que la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, la Malaisie, la Turquie ou le Brésil ne se sont pas fait prier pour investir massive- ment en Afrique. D’autres facteurs ren- forcent cette dynamique : d’une part, les transferts financiers des émigrés, qui se sont élevés, selon des estimations de la Banque mondiale, à plus de 38 milliards de dollars en 2010, dépassent désormais l’enveloppe de 26,5 milliards de dollars allouée à l’aide publique au dévelop- pement ; d’autre part, les couches moyennes (2), qui avaient été laminées par les plans d’ajustement structurel, reprennent leur place. Enfin, la gestion s’améliore, avec une meilleure maîtrise de la dette et des déficits. Une devise anachronique LES difficultés de la zone franc sont à imputer à des politiques économiques et financières tronquées et dysfonction- nelles. En premier lieu, le maintien du franc CFA après les indépendances de 1960 aurait requis celui des structures fédérales de l’Afrique-Occidentale fran- çaise (AOF) et de l’Afrique-Equatoriale française (AEF). Au contraire, les jeunes Etats ont mis fin à cette intégration en éri- geant entre eux des barrières douanières. Celles-ci ont annihilé les bénéfices du maintien d’une monnaie commune favo- risant le commerce entre les Etats qui la partagent. A titre de comparaison, plus de 60 % des échanges européens sont intra- communautaires, contre un maigre 13 % pour les pays de la zone franc en Afri- L A ZONE FRANC À LA TRAÎNE L’Afrique francophone

La Zone Franc à La Traine Du Boom Économique Mondial

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L’Afrique francophone piégée par sa monnaie uniqueRéunis à Paris le 3 octobre 2014, les responsables africains de la zone franc ont confirmé leur attachement à ce lien monétaire. Pourtant, l’écart grandit avec les pays disposant de leur propre devise et connaissant des alternatives politiques sans intervention de l’ancienne puissance coloniale. Il révèle les entraves au développement que représente une monnaie unique sans mécanisme de solidarité ni politique harmonisée.

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Page 1: La Zone Franc à La Traine Du Boom Économique Mondial

(1) Ce rapport est le fruit d’une collaboration entrela Banque africaine de développement (BAD), le centrede développement de l’Organisation de coopérationet de développement économiques (OCDE) et leProgramme des Nations unies pour le développement(PNUD), www.africaneconomicoutlook.org

(2) On entend par ce terme les populations quidépensent de 2 à 20 dollars par jour et par personne,soit environ trois cents millions d’Africains.

(3) Lire Demba Moussa Dembélé, «Le franc CFAen sursis», Le Monde diplomatique, juillet 2010.

(4) Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo.

(5) Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée-Equatoriale et Tchad.

(6) www.cemac.int

(7) Banque africaine de dévoloppement, « Impactdes unions monétaires sur les échanges commerciaux»,juillet 2013.

(8) Un euro vaut 655,95 francs CFA.

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l’Ouest (Cedeao), l’organisme régionalmandaté par l’Union africaine pour cha-peronner les politiques d’intégration éco-nomique de ses membres, ce ne sont pasla Côte d’Ivoire ou le Sénégal qui mènentla danse, mais deux pays anglophones.Le Nigeria enregistre un taux de crois-sance de 7,4 % en 2013 (contre 6,2 % en2012). Le Ghana a vu sa productioncroître de 6 % en moyenne pendant lessix dernières années et devrait atteindre8 % en 2015, selon le rapport « Perspec-tives économiques en Afrique » précité.

que (7). Le démantèlement des structuresfédérales de l’empire colonial françaisd’Afrique aurait dû aller de pair avec lasuppression du franc CFA, chaque payspouvant ainsi se doter de sa propre mon-naie. C’est ce qui se passa dans lesanciennes colonies britanniques, avecl’abolition de la livre sterling ouest-afri-caine et de la caisse d’émission d’Afriquede l’Ouest, en 1968, ou la dissolution dela caisse d’émission d’Afrique de l’Est,en 1977. Peut-on imaginer une abrogationdu traité de Maastricht qui s’accompa-gnerait d’une survivance de l’euro ?

Le maintien du franc CFA a créé unenvironnement économique impropre àtoute stratégie de développement. Cetteabsence de perspectives dans une Afriqueen pleine mutation favorise l’instabilitéet les conflits. Dans un passé récent, laCôte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Maliet la Centrafrique ont été le théâtre de vio-lences qui ont ensanglanté la région. LaFrance, appuyée par les Etats-Unis, a parailleurs instrumentalisé ces crises pour

renforcer sa présence militaire dans cespays. Dans ce contexte, les stratégies d’in-tégration économique de l’Uemoa et dela Cemac étaient vouées à l’échec. Lespréalables indispensables à la viabilitéd’une union monétaire ont été en effetméconnus : on ne trouve aucun méca-nisme de solidarité, ni marché unique, niunion politique.

Au deuxième rang des inconséquencesstructurelles de la zone franc figure letaux de change fixe de la monnaie com-mune, ancrée à l’euro à un niveau abusi-vement surévalué (8). Il s’agit officielle-ment de préserver la stabilité de lamonnaie, sa convertibilité et son libretransfert en France par le mécanisme ducontrôle des changes instauré en 1993.Mais ce montage fonctionne surtout àl’avantage des entreprises françaises, quiexercent un quasi-monopole sur l’activitééconomique de la zone : Bouygues, Areva,Total, Bolloré, Eiffage, Orange (Sonatel),BNP Paribas (BICI), Société générale, AirFrance, etc. La sphère publique n’est pasen reste. Par exemple, l’Agence françaisede développement (AFD) a prêté auSénégal, dans le cadre de son PlanSénégal émergent (PSE), 58 milliards defrancs CFA (88,5 millions d’euros) pourla construction du tronçon d’autoroute àpéage de Diamniadio au futur aéroport,dans la banlieue de Dakar (lire l’article

NOVEMBRE 2014 – LE MONDE diplomatique

* Economiste, ancien haut fonctionnaire de la Banqueafricaine de développement (BAD), auteur de L’Afriqueau secours de l’Afrique, L’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2009.

Cependant, ces progrès semblentdélaisser les pays de la zone franc (3). Siles taux de croissance ont été en moyennede 5,5 % en 2013 dans l’Union écono-mique et monétaire ouest-africaine(Uemoa) (4), ces chiffres doivent êtrerelativisés. La population y croissant enmoyenne de 3 %, la progression du pro-duit intérieur brut (PIB) par habitant n’estque d’environ 2,5 %. Dans la Commu-nauté économique et monétaire del’Afrique centrale (Cemac) (5), les tauxde croissance moyens du PIB et de lapopulation sont respectivement de 4,6 %et 2,8 %, soit un accroissement du PIBpar habitant relativement faible (6). Ilen résulte que les plans de développementde certains pays de la zone franc– comme le Niger, le Mali, le BurkinaFaso ou le Tchad – se limitent surtout àla lutte contre la pauvreté, le Programmealimentaire mondial (PAM) venant à leurrescousse. Au sein de la Communautééconomique des Etats de l’Afrique de

PAR SANOU MBAYE *

Réunis à Paris le 3 octobre 2014, les responsables africains dela zone franc ont confirmé leur attachement à ce lien monétaire.Pourtant, l’écart grandit avec les pays disposant de leur propredevise et connaissant des alternances politiques sans interven-tion de l’ancienne puissance coloniale. Il révèle les entravesau développement que représente une monnaie unique sansmécanisme de solidarité ni politique harmonisée.

A Dakar, restaurants chics et bidonvilles

«DAKAR a tellement changé, la ville est méconnaissable ! »M. Modou Lo, un «venant d’Italie » comme on l’appelle chez lui,n’avait pas mis les pieds au Sénégal depuis douze ans. Emigré àMilan, ce technicien de 34 ans est de retour chez ses parents, dansune rue sablonneuse de la banlieue de Guédiawaye, au nord de lacapitale. Il redécouvre sa ville et avoue avoir perdu ses réflexes de« boy Dakar», l’équivalent local du titi parisien : «J’ai pris le taxi àl’heure de pointe et passé deux heures dans les embouteillages. Jen’ai plus mes repères pour tourner au bon endroit. Tout a changé...Les maisons ont un ou deux étages de plus !»

Il est 15 heures. Dans la cour de sa maison, M. Lo prépare lestrois verres rituels de thé vert avec ses amis, sur fond de radio et debêlements de mouton. L’émigré prend des nouvelles de chacun.Birame, 32 ans, licencié en anglais, est chômeur. Il ne se fait aucuneillusion sur les plans du nouveau maire de Guédiawaye, élu enjuin 2014 : «C’est Aliou Sall, le frère du président Macky Sall, unjournaliste sorti de nulle part. Il va s’enrichir et tout va rester tel quel :un seul lycée public pour toute la ville, des coupures d’eau et d’élec-tricité, pas de boulot et le problème du transport... On s’est battuscontre le népotisme, mais le revoilà à notre porte. »

La ville nouvelle de Guédiawaye a été créée à dix-huit kilomètresde la capitale lors de la décentralisation de 1972, pour reloger les

(1) Dans Dakar émoi (collectif), Clairafrique - Vives Voix, Dakar, 2010.

PAR NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE

SABINE CESSOU *

Embouteillages sans fin, immeubles vertigineuxpoussant à la va-vite, spéculation immobilière...Dakar se transforme à grande vitesse.La capitale du Sénégal, qui doit accueillirle Sommet de la francophonie fin novembre,devient une grande métropole.Avec ses zones d’ombre.

* Journaliste.

populations qui vivaient dans les bidonvilles du quartier administratifdu Plateau. Cette banlieue du bord de mer, devenue l’un des quatredépartements de la région de Dakar en 1996, a grossi au point decompter à présent deux cent quatre-vingt-six mille habitants.

Car Dakar s’étend dans toutes les directions. Les immeubles ypoussent comme des champignons, blancs, jaunes ou roses,parfois couverts de carrelage, transformant les anciennes routes engrands boulevards. Capitale de l’Afrique-Occidentale française à partirde 1902, elle faisait partie, avec Saint-Louis, Gorée et Rufisque, des«quatre communes» auxquelles le colonisateur avait attribué un statutà part : leurs habitants étaient des citoyens français, représentés parun député à l’Assemblée nationale. A l’indépendance, en 1960, ellene comptait que trois centmille habitants, à peine 10%de sa populationactuelle. Aujourd’hui, elle étouffe malgré la brise marine qui souffle surla péninsule. Avec plus de trois millions d’habitants, le quart de lapopulation du Sénégal, la métropole est saturée. Cette ville «macro-céphale» où bat le cœur du pays, selon lemot de sonmaire, M. KhalifaSall (homonyme sans lien de parenté avec le président), est prise dansle mouvement d’explosion urbaine qui affecte tout le continent (lirel’encadré).

La toute nouvelle Agence sénégalaise de promotion touristiquesouhaite faire de Dakar une plaque tournante du «tourisme d’affaireset de congrès». Avec un million sept cent mille passagers en 2012,l’aéroport de la capitale est le second au sud du Sahara après celuide Johannesburg. Il sera relayé en 2015 par l’ouverture de l’aéroportinternational Blaise-Diagne, qui ambitionne d’être une plate-formerégionale du transport aérien.

Sur la route de cette nouvelle infrastructure majeure, on traverseDiamniadio, une bourgade décrétée pôle urbain par l’ancien présidentAbdoulaye Wade (2000-2012) afin de désengorger la capitale. Situéeà trente-cinq kilomètres de Dakar, cette ville carrefour accueillera finnovembre le sommet de l’Organisation internationale de la francophonie(OIF) dans un nouveau centre de conférences.

Autour de l’actuel aéroport, à Yoff, Ouakam, Ngor et dans lequartier chic des Almadies, les terrains se vendent à prix d’or et leciment coule à flots. Tous ceux qui le peuvent, opérateurs écono-miques ou particuliers, font construire des logements pour encaisserdes loyers de 150 à 1500 euros qui permettent d’arrondir les finsde mois... Au Plateau, engorgé du matin au soir, la spéculationimmobilière ne faiblit pas non plus. La crise ivoirienne, de 2002 à2011, a provoqué l’afflux de fonctionnaires internationaux, de

membres d’organisations non gouvernementales (ONG) etd’expatriés venus d’Abidjan.

La petite ville du temps des indépendances africaines n’est plusque l’ombre d’elle-même. Elle semblait plus vivable, mais aussi plusélégante, plus intellectuelle et peut-être plus authentique aux jeunesqui l’habitaient dans les années 1970 et 1980... Cette générationcultive d’ailleurs une certaine nostalgie, à l’instar de Pape SambaKane, ancien directeur du journal satirique Le Cafard libéré.«Aujourd’hui, écrit-il, Dakar se rue sur les richesses, le clinquant maisvide, le luisant éphémère comme les chromes de voitures GMC. Leluisant vulgaire comme les grosses lunettes de soleil jusque sur lesplateaux de télévision, les gros immeubles construits à coups devalises bourrées de cash. Ce Dakar de la frime, de l’argent tombédu ciel, des Adja en jeans collants, ce Dakar des restos chics maissans âme cohabite avec un autre, son revers d’une même médaille,cet underground d’hier devenu Main Street aujourd’hui, avec sadébrouille, ses embrouilles (1). »

Les projets immobiliershaut de gamme ont essaimésur la route de la Corniche

La capitale rayonne, avec ses facultés (soixante-dix milleétudiants pour une ville qui compte 48,6% de moins de 18 ans),l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN), le siège de la Banquecentrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), ses conférencesinternationales, sa Biennale des arts, mais aussi sa culture urbaine.Des Dakarois se font remarquer, comme la jeune styliste AdamaNdiaye, qui organise dans plusieurs villes du monde la «BlackFashion Week». «Quand on a grandi ici, on a une esthétique trèsmétissée, le cinéma et les influences venant de partout, orientales,américaines et africaines», note Omar Victor Diop. Ce photographede 33 ans expose à travers le monde ses portraits d’artistes et dejeunes engagés dans la société dakaroise.

Envers du décor : le tiers de la population de Dakar vit sous leseuil de pauvreté (contre un taux national de 46,7% selon les chiffresofficiels). L’activité économique nationale se concentre à 80% dans

GHANA

SIERRALEONE

GUINÉE-BISSAU

GUINÉE ÉQUAT.

SÃO-TOMÉ-ET-PRÍNCIPE

GAMBIE

CAP-VERT

ANGOLA

CENTRAFRIQUE

TCHAD

LIBYEALGÉRIE

RÉP. DÉM.DU CONGO

CONGO

CAMEROUN

CÔTED’IVOIRE

TOGO

MALI

BURKINAFASO

SÉNÉGAL

MAURITANIE

NIGER

BÉNINGUINÉE

NIGERIA

LIBERIA

GABON

Kinshasa

LagosAbidjan

Dakar

Kano

1 000 km

Taux de croissance moyen annueldu PIB par habitant, 2009-2013

Unions économiques

Une croissanceéconomique inégale

Zone francUnion économique et monétaireouest-africaine (Uemoa)

Communauté économique des Etatsde l’Afrique de l’Ouest (Cedeao)

Communauté économique et monétairede l’Afrique centrale (Cemac)

Paysfrancophones

-6,6 0 2 4 8 % de 1 à 3de 3 à 1013

Populationdes agglomérationsen millions d’habitants(en 2014)

Sources : Fonds monétaire international, «Perspectives économiquesrégionales. Afrique subsaharienne : maintenir le cap», octobre 2014 ;ONU, «World urbanization prospects. The 2014 revision». CÉCILE MARIN

INVITÉS d’honneur des dirigeants euro-péens les 2 et 3 avril 2014, les chefs d’Etatafricains ont également été reçus en grandepompe par le président américain BarackObama au mois d’août dernier. Aucunmystère là-dessous : le continent noir estle deuxième moteur de croissance mon-diale après l’Asie. Selon le rapport «Pers-pectives économiques en Afrique », en2013 le taux de croissance moyen s’y éta-blissait à environ 4%, supérieur à celui dureste de la planète (3 %). Le mouvementdevrait s’accélérer, frôlant les 5% en 2014pour se situer entre 5 et 6 % en 2015 (1).

A l’ère de la mondialisation, les pays àindustrialisation rapide – dits émergents –tels que la Chine, l’Inde, la Corée du Sud,la Malaisie, la Turquie ou le Brésil ne sesont pas fait prier pour investir massive-ment en Afrique. D’autres facteurs ren-forcent cette dynamique : d’une part, lestransferts financiers des émigrés, qui sesont élevés, selon des estimations de laBanque mondiale, à plus de 38 milliardsde dollars en 2010, dépassent désormaisl’enveloppe de 26,5 milliards de dollarsallouée à l’aide publique au dévelop-pement ; d’autre part, les couchesmoyennes (2), qui avaient été laminéespar les plans d’ajustement structurel,reprennent leur place. Enfin, la gestions’améliore, avec une meilleure maîtrisede la dette et des déficits.

Une devise anachronique

LES difficultés de la zone franc sont àimputer à des politiques économiques etf inancières tronquées et dysfonction-nelles. En premier lieu, le maintien dufranc CFA après les indépendances de1960 aurait requis celui des structuresfédérales de l’Afrique-Occidentale fran-çaise (AOF) et de l’Afrique-Equatorialefrançaise (AEF). Au contraire, les jeunes

Etats ont mis fin à cette intégration en éri-geant entre eux des barrières douanières.Celles-ci ont annihilé les bénéfices dumaintien d’une monnaie commune favo-risant le commerce entre les Etats qui lapartagent. A titre de comparaison, plus de60 % des échanges européens sont intra-communautaires, contre un maigre 13 %pour les pays de la zone franc en Afri-

LA ZONE FRANC À LA TRAÎNE

L’Afrique francophone

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ci-dessous). Le marché a été attribué àEiffage sans appel d’offres. L’AFD ver-sera directement à cette société le montantdu prêt que les contribuables sénégalaisvont payer. Pour faire bonne mesure, Eif-fage s’est vu allouer pour trente ans lamainmise sur le péage de l’autoroute ; elleen rapatriera probablement les bénéficesen France. Ainsi conçu, le PSE s’appa-rente à un coup de pouce pour l’équipeau pouvoir ; il berce de rêves les Sénéga-lais sans aucun lien avec la réalité.

Paradoxe : les pays de la zone franc doi-vent payer toutes ces facilités accordées àla France en se délestant de leurs réservesde change dans les caisses duTrésor fran-çais. Paris peut alors investir ces réserves(des dizaines de milliards d’euros) dansdes bons du Trésor destinés à garantir lesprêts qu’il lève pour financer son propredéficit public.

Au troisième rang des incongruitésmonétaires de la zone franc figure leniveau élevé des taux d’intérêt qui y sontpratiqués. Les banques françaises appli-quent des taux d’intérêt de 5 à 6% auxprêts qu’elles accordent aux gouverne-ments de la zone franc pour financer leursimportations de pétrole, de denrées ali-mentaires, de biens d’équipement etautres. Avec en outre des prêts commer-ciaux accordés aux homme d’affaires etaux entreprises allant jusqu’à 18%

– contre 5% en Ethiopie –, peut-ons’étonner du faible rôle des banques dansles pays de la zone franc? Ces taux fara-mineux contrastent avec la pratique uni-verselle de taux d’intérêt très bas destinésà relancer une économie mondiale qui sortà peine de la crise économique et finan-cière la plus dévastatrice de son histoiredepuis la débâcle de 1929.

Un tel système ne peut qu’engendrer desdéficits budgétaires structurels, une dépen-dance excessive envers les importations etune évasion massive de capitaux. Gardiende la rigueur budgétaire et de l’orthodoxiemonétaire, le Fondsmonétaire international(FMI) s’accommode non seulement de telsdysfonctionnements, mais les renforce parl’implantation de programmes d’ajuste-ment structurel. En être surpris seraitoublier que, de M. Pierre-PaulSchweitzer àMmeChristine Lagardeen passant par MM. Jacques deLarosière, Michel Camdessus etDominique Strauss-Kahn, la Francea toujours pris soin de faire nommercomme directeurs généraux du FMIdes technocrates qui s’étaient préa-lablement distingués en gardiens dutemple de l’orthodoxie françaisejusque dans ses anciennes colonies.N’est-ce pas M. Camdessus qui aprésidé à la dévaluation massive de50% du franc CFA imposée parParis en 1994 (9)?

il convient de mettre fin. Depuis l’aboli-tion de l’étalon or et des taux de changefixes en 1972 par le président américainRichard Nixon, les cours des monnaiessont, dans leur très grande majorité, flot-tants. De même, la stratégie de la plupartdes pays consiste à maintenir au niveaule plus bas possible le taux de change deleurs devises afin d’accroître leur com-pétitivité et le volume de leurs exporta-tions. C’est dans ce cadre que s’inscritce qu’il est convenu d’appeler la «guerredes monnaies » entre pays industrialiséset émergents. En toute logique, le francCFA ne saurait faire exception. Il devraitau minimum être arrimé non exclusive-ment à l’euro, mais à un panier demonnaies choisies parmi celles des prin-cipaux partenaires commerciaux des paysde la zone franc (euro, dollar et yuan).

Pour articuler ces réformes en Afriquede l’Ouest, le meilleur cadre pourrait êtrela Cedeao. Malheureusement, la France laperçoit comme acquise aux intérêts despays anglophones et privilégie l’Uemoaet la Cemac, deux organisations créées parles pays de la zone franc dans l’espoirdéraisonnable d’endiguer l’influence bri-tannique, américaine et nigériane dans cequi est perçu comme une chasse gardéefrançaise.

Il n’en demeure pas moins que laCedeao est l’organisation mandatée parl’Union africaine pour mener en Afriquede l’Ouest les politiques de convergenceéconomique et financière nécessaires àl’adoption d’un tarif extérieur commun(TEC). Il s’agit par ce biais de réaliser uneunion douanière, préalable à une intégra-

tion économique réussie, suivied’une union politique des pays dela région, préalable à la créationd’une devise ouest-africaine.

Unemonnaie commune impliquedes politiques fiscales et monétairesconvenues de manière centralisée,qui nécessitent elles-mêmes uneintégration politique. Il faudra enoutre discuter du contenu des poli-tiques de convergence afin de ne pascréer de tensions sociales.

La boutade en vogue dans lesmilieux intellectuels de Lagos(Nigeria) est que deux grandes puis-sances coexistent au sein de laCedeao: le Nigeria et la France. Leprésident du Nigeria, M. GoodluckJonathan, l’a bien compris.M. PierreMoscovici, alors ministrefrançais de l’économie et desfinances, était le seul invité non afri-cain à la septième réunion ministé-rielle conjointe de la Conférence desministres africains des finances quis’est tenue àAbuja (Nigeria) du 25au 30 mars 2014.

SANOU MBAYE.

LE MONDE diplomatique – NOVEMBRE 2014

DU BOOM ÉCONOMIQUE RÉGIONAL

piégée par sa monnaie unique

Quelles politiques de convergence ?

la vaste zone industrielle qui s’étend vers l’est, du port de Dakar(le neuvième d’Afrique) jusqu’à la ville de Rufisque, le long de labaie de Hann. La capitale attire les ruraux en continu, mais aussides ressortissants de la Guinée, du Mali ou du Niger. Les nouveauxarrivants s’installent chaque année dans des bidonvilles de plancheset de tôles ondulées, ou louent des chambres dans les banlieuesde Pikine ou Guédiawaye. A la saison des pluies, fin août, desinondations frappent ces deux zones populaires et surpeuplées.Habitants et pouvoirs publics se mettent alors à pomper l’eaustagnante, ce qui aggrave les risques de paludisme et de choléra...La baie de Hann, zone la plus polluée du Sénégal, fait l’objet depuis2009 d’un programme gouvernemental d’assainissement.

Comment se gère cette urbanisation galopante? Difficile d’y voirclair, tant les niveaux de décision sontmultiples, dans une administrationcalquée sur le modèle français. Depuis 1996, Dakar est divisée en dix-neuf communes d’arrondissement. Plusieurs plans d’urbanisme setélescopent, alors que l’enjeu relève déjà de l’urgence: Dakar devraitcompter cinqmillions d’habitants dans dix ans. M. Khalifa Sall, le mairesocialiste élu en 2009, dénonce les conséquences de la décentralisationentamée en 1990 et qui cette année a transféré des compétences auxmairies d’arrondissement, notamment pour lesmarchés publics. Fautedemoyens, les projets lancés par la Ville sont «en passe d’être gelés»,s’inquiète-t-il, tout en critiquant la concurrence que se font l’Etat et lamairie dans la gestion de ce type de dossiers.

Des projets immobiliers haut de gamme ont essaimé ces dernièresannées sur la route de la Corniche, privatisant des plages et barrantla vue sur l’océan Atlantique. L’association SOS Littoral traîne enjustice le grand hôtel Terrou-Bi, qui a confisqué l’ancienne «plagedes enfants» et en fait désormais payer l’entrée. La chanteuse AbyNdour, l’une des sœurs du célèbre chanteur Youssou Ndour, ne pourrapas construire un restaurant à Fann-Résidence, sur un rond-pointqui est aussi l’un des derniers espaces verts de ce quartier du bordde mer. Président d’honneur de SOS Littoral et de l’ordre des archi-tectes, M. Pierre Goudiaby a alerté le maire de l’arrondissement deFann quand la chanteuse a envoyé des bulldozers, en août, pourraser la place publique. L’ancien maire lui avait délivré toutes lesautorisations, qui lui ont ensuite été retirées... «C’est aberrant, maiselle a tous les papiers nécessaires et se trouve parfaitement en règle !Les maires, puisqu’il y a de l’argent à gagner, distribuent n’importequoi et prennent des décisions qu’ils ne comprennent pas», déploreM. Goudiaby, qui est aussi un proche de l’ancien président Wade etle patron du groupe de construction Atepa (« le bâtisseur»).

«Il y a un conseil nationalde l’urbanisme... il ne s’est pasréuni depuis trente ans!»

Beaucoup se demandent d’où vient l’argent qui permet d’édifiertant d’immeubles. Dans son dernier rapport, le Groupe intergouver-nemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest(Giaba) rappelle que le Sénégal n’est pas épargné par le trafic decocaïne entre l’Amérique latine et l’Europe. Le document s’inquiète

d’un «développement explosif de l’immobilier, spécialement à Dakaret dans les zones touristiques, qui n’est pas compatible avec les réalitéséconomiques du pays (2)».

«L’argent de la drogue, on n’en veut pas!», s’exclameM. Goudiaby,connu pour ses grands projets à travers l’Afrique. Il a dessiné le nouveauGrand Théâtre – un superbe bâtiment de l’époque coloniale –, construitprès de la gare avec des financements chinois. Il a également signéla statue de la Renaissance africaine, un monument – au style pluscontesté – de cinquante-deux mètres érigé par une entreprise nord-coréenne en échange de plusieurs hectares de terrain... «Du tempsde Senghor (3), déplore encore l’architecte, il y avait un conseil nationald’urbanisme deux fois par an, qui rassemblait tout le monde, duprésident aux sapeurs-pompiers. Les choses étaient claires: Senghordisait que le ministre de l’urbanisme, c’était lui. Ce conseil ne s’estpas réuni depuis trente ans. Résultat: chacun fait ce qu’il veut!» Mêmele quartier chic des Almadies, où habitent des célébrités commeM. Goudiaby et Youssou Ndour, n’échappe pas à la pagaille. «Notreami Mimran [un milliardaire français opérant dans le sucre], pour nepas le nommer, a ainsi vu un immeuble de huit étages surgir devantson jardin, ce qui fait un peu désordre», poursuit l’architecte.

Des points ont étémarqués dans la gestion des transports urbains,avec la construction d’échangeurs et de voies express sous laprésidence Wade, à l’occasion du sommet de l’Organisation de laconférence islamique (OCI) en 2008. Mais tout n’a pas toujours ététrès bien pensé: le tunnel creusé sur la route de la Corniche a ainsiprivé les commerçants du village artisanal, qui se trouve en face dumarché aux poissons de Soumbédioune, d’une voie d’accès facilepour les touristes...

S’ils étaient canalisés, l’énergie et l’esprit d’initiative de ses habitantspourraient être l’un des points forts de la gestion urbaine de la capitale.«Dakar est fait de gros villages, souligne l’architecte Bécaye BlondinDiop. On peut encore les voir par endroits, à Yoff, Ngor ou Soumbé-dioune. Les plans d’urbanisme doivent tenir compte d’un état d’espritvillageois, mais aussi des besoins des populations. La mise en valeurde tout le littoral nord reste à faire, sur plus de cent kilomètres, de Yoffà M’Boro, avec des projets qui ne soient pas seulement élitistes.»

SABINE CESSOU.

D’ICI à 2040, les Africains vont devenir majoritairement descitadins. Selon les projections, les habitants des villes

devraient passer de quatre cents millions (en 2009) à un milliardà cette date. La proportion des ruraux serait ramenée dans lemême temps de 60 à 40%. En 2025, Lagos (Nigeria) et Kinshasa(République démocratique du Congo) devraient devenir lesonzième et douzième plus grandes villes du monde, avec respec-tivement dix-huit et quatorze millions d’habitants, surpassantLos Angeles et Pékin (1). Quinzième ville du continent par sapopulation, Dakar devrait voir celle-ci croître de cent trente millepersonnes par an durant la prochaine décennie et pourraitatteindre cinq millions d’habitants dès 2025.

En conséquence, la capitale sénégalaise est devenue l’une desdix villes les plus chères du continent. Les loyers flambent, ainsique le prix du mètre carré : jusqu’à 1500 euros pour le neuf – unmontant équivalent à celui du quartier central des Deux Plateauxà Abidjan (Côte d’Ivoire) et supérieur aux 1200 euros du mètrecarré du centre-ville de Nairobi (Kenya) ou des 1300 euros à Lagos(Nigeria). Les villes les plus chères sont Luanda (Angola), avec1700 euros le mètre carré, et Johannesburg (Afrique du Sud), avec1850 euros.

S. C.

(1) ONU-Habitat, «L’état des villes africaines 2014. Réinventer la transitionurbaine», Nairobi, 2014.

Un continent de citadins

poussent comme des champignons

(2) Rapport 2013 du Giaba, une structure de la Communauté économique des Etats del’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

(3) Léopold Sédar Senghor (1906-2001) fut le premier président du Sénégal indépendant.Poète, il fut membre de l’Académie française.

(9) M.Michel Camdessus fut directeur duFMI de 1987 à 2000. Lire «L’Afrique noirehappée par le marché mondial», Le Mondediplomatique, mars 1994.

CES outils de la domination françaisepermettent aussi aux élites africaines des’enrichir impunément grâce aux impor-tations et de s’approprier des fondspublics, qu’elles n’ont aucun mal àexporter vers l’Hexagone tout en menantà domicile un train de vie extravagant.Complices de l’exploitation institution-nalisée de leur pays, les dirigeants afri-cains souscrivent d’autant plus aux règlesmonétaires que leurs homologues fran-çais de tous bords leur ont toujoursconféré une longévité politique sans fin.Félix Houphouët-Boigny est resté prési-

dent de la Côte d’Ivoire de l’indé-pendance du pays, en 1960, à lafin de sa vie, en 1993. La liste desdirigeants francophones indétrô-nables est longue : MM. DenisSassou Nguesso au Congo, BlaiseCompaoré au Burkina Faso, IdrisDéby au Tchad, Paul Biya auCameroun...

Dans ces conditions, on ne voitrien d’étonnant à ce que les paysfrancophones d’Afrique ne sen-tent pas souffler le vent du chan- J.-P. MIKA. – «Les Tourments du monde», 2011

GALE

RIEMAGNIN

-A,PARIS

gement qui balaie le continent, maissoient au contraire le théâtre de coupsd’Etat, de la prédation, de la corruptionet de trafics en tout genre à une échelleinégalée chez leurs voisins.

Les règles qui régissent la zone francdoivent donc être réformées en profon-deur. D’abord, l’abolition de la converti-bilité du franc CFA est nécessaire audécollage économique. Aujourd’huiérigée en évidence, la convertibilité desmonnaies n’a pourtant rien d’obligatoire.La Chine, par exemple, n’autorise pas lalibéralisation de son marché des changes,et sa monnaie, le yuan, n’est pas libre-ment convertible.

En second lieu, la politique du taux dechange fixe est une aberration à laquelle