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L’entreprise et l’environnement international A) Introduction : le droit du commerce international Aperçu historique À ses débuts (Moyen-Âge), le droit commercial était essentiellement un droit international : pour développer des relations commerciales entre villes différentes, les commerçants ont dû élaborer un corps de règles qui leur était commun. Ensuite, avec l’avènement des États nations, les droits nationaux se sont affirmés, y compris dans le domaine commercial (déclin du caractère international du droit du commerce). Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le commerce international renaît et avec lui, le droit du commerce international. Aujourd’hui, alors que les relations internationales ne cessent de se développer, on assiste à une internationalisation croissante du droit commercial. Définition Le droit du commerce international a traditionnellement pour fonction de fixer les règles applicables aux opérations du commerce international, afin de faciliter et de sécuriser les échanges internationaux. Son originalité réside dans l’absence d’un droit unique, supranational qui détermine toutes ses règles. Le cadre juridique des opérations commerciales internationales est en effet un ensemble disparate composé de quelques règles nationales, de plusieurs conventions internationales et de nombreux usages d’application parfois générale, parfois géographique et parfois sectorielle. 1) Le contrat international Si les contrats internes restent obligatoirement soumis à leur droit national, le régime juridique des contrats internationaux se caractérise par une grande liberté. Deux critères sont retenus pour caractériser l’internationalité du contrat : Le critère juridique : un contrat est international s’il se rattache à des normes juridiques émanant de plusieurs États (nationalité des contractants, lieu d’exécution...) Le critère économique : « il faut que le contrat produise comme un mouvement de flux et de reflux au-dessus des frontières, des conséquences réciproques dans un pays et dans un autre » (Civ 17 mai 1927, Pélissier du Besset), qu’il mette en jeu les intérêts du commerce international. a) Section 1. La diversité des règles applicables au contrat international La loi matérielle d’un État comme lex contractus Le droit international offre aux parties la possibilité d’assujettir un contrat international à la loi d’un État. Rien ne s’oppose en principe à la désignation d’une loi sans lien avec le contrat. Les conventions internationales La supériorité des traités (art 55 de la Constitution) permet leur intégration dans l’ordre juridique interne et en fait le mode privilégié d’harmonisation des règles du commerce international. Mais leur adoption est complexe et ils sont

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L’entreprise et l’environnement international

A) Introduction : le droit du commerce international

Aperçu historique À ses débuts (Moyen-Âge), le droit commercial était essentiellement un droit international : pour développer des

relations commerciales entre villes différentes, les commerçants ont dû élaborer un corps de règles qui leur était commun. Ensuite, avec l’avènement des États nations, les droits nationaux se sont affirmés, y compris dans le domaine commercial (déclin du caractère international du droit du commerce). Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le commerce international renaît et avec lui, le droit du commerce international. Aujourd’hui, alors que les relations internationales ne cessent de se développer, on assiste à une internationalisation croissante du droit commercial.

Définition Le droit du commerce international a traditionnellement pour fonction de fixer les règles applicables aux

opérations du commerce international, afin de faciliter et de sécuriser les échanges internationaux. Son originalité réside dans l’absence d’un droit unique, supranational qui détermine toutes ses règles.

Le cadre juridique des opérations commerciales internationales est en effet un ensemble disparate composé de quelques règles nationales, de plusieurs conventions internationales et de nombreux usages d’application parfois générale, parfois géographique et parfois sectorielle.

1) Le contrat international

Si les contrats internes restent obligatoirement soumis à leur droit national, le régime juridique des contrats

internationaux se caractérise par une grande liberté. Deux critères sont retenus pour caractériser l’internationalité du contrat :

Le critère juridique : un contrat est international s’il se rattache à des normes juridiques émanant de plusieurs États (nationalité des contractants, lieu d’exécution...)

Le critère économique : « il faut que le contrat produise comme un mouvement de flux et de reflux au-dessus des frontières, des conséquences réciproques dans un pays et dans un autre » (Civ 17 mai 1927, Pélissier du Besset), qu’il mette en jeu les intérêts du commerce international.

a) Section 1. La diversité des règles applicables au contrat international

La loi matérielle d’un État comme lex contractus

Le droit international offre aux parties la possibilité d’assujettir un contrat international à la loi d’un État. Rien ne

s’oppose en principe à la désignation d’une loi sans lien avec le contrat.

Les conventions internationales

La supériorité des traités (art 55 de la Constitution) permet leur intégration dans l’ordre juridique interne et en fait le mode privilégié d’harmonisation des règles du commerce international. Mais leur adoption est complexe et ils sont

Page 2: L’entreprise et l’environnement internationaldata0.revolublog.com/ensd1/perso/cours de prepa/droit commercial/l… · L’entreprise et l’environnement international A) Introduction

finalement peu nombreux. Par ailleurs, les conventions internationales ont un taux de ratification assez faible, ce qui diminue leur importance dans le commerce international. Enfin, elles sont souvent spécialisées et ont un objet limité et précis.

Ex : La Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises, ratifiée par environ soixante-dix États. Elle est supplétive de la volonté des parties, ce qui signifie que le texte contractuel s’applique en priorité sur le texte du traité. Elle crée un droit uniforme mais n’aborde que certains points comme la formation du contrat ou les obligations des parties.

La lex mercatoria

« Ensemble de règles applicables aux relations commerciales

internationales qui ne trouvent pas leur source ni leur autorité dans le droit

des États mais qui ont été élaborées par et au sein de la communauté

internationale des commerçants, sous forme d’usages et de principes généraux

dégagés notamment par les sentences arbitrales » P. Fouchard.

L’importance et la spécificité des usages et des principes du droit du commerce international conduit à se

demander s’ils appartiennent à un ordre juridique distinct, détaché des règles étatiques. La plupart des systèmes juridiques reconnaissent en effet aux parties, recourant à l’arbitrage, la possibilité de choisir la lex mercatoria. Toutefois, ce sont les droits étatiques qui autorisent ou refusent cette lex mercatoria : il est donc impossible d’y voir des normes détachées de tout droit étatique.

Les usages du commerce international Ils correspondent à une répétition de pratiques dans un milieu professionnel particulier et naissent généralement

d’un vide juridique en matière commerciale. Le rôle des usages est reconnu par la plupart des droits nationaux (ex : art 1135 c. civ) et par plusieurs

conventions internationales

Convention de Vienne du 11 avril 1980 : les parties sont, sauf clause

contraire, « réputées s’être tacitement référées (...) à tout usage dont elles

avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance et qui, dans le

commerce international, est largement connu et régulièrement observé par les

parties à des contrats de même type dans la branche commerciale considérée »

Certains usages commerciaux internationaux ont été codifiés par des organismes professionnels. Ex : Les

Incoterms, élaborés par la Chambre de Commerce Internationale (CCI), correspondent aux ventes commerciales les plus fréquentes et énumèrent les obligations réciproques des parties.

La codification peut aussi prendre la forme de contrats-types (ex : contrat modèle de concession commerciale proposé par la CCI...).

Les principes du droit du commerce international Il s’agit de principes généraux qui s’appliquent en dehors du cadre d’une loi nationale. Ils peuvent être issus de la

convergence de droits nationaux. Certains de ces principes ont été dégagés par la jurisprudence arbitrale. Ex : le principe pacta sunt servanda ; la

bonne foi etc. D’autres ont été élaborés par la doctrine. Par exemple, les principes Unidroit ont été rédigés par une

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commission de juristes appartenant aux pays des deux principaux systèmes juridiques et approuvés par le conseil de direction de l’Institut international pour l’unification du droit privé (UNIDROIT). Ils ont vocations à devenir un code des contrats internationaux car ils concernent presque l’ensemble du droit des contrats et s’appliquent à tout contrat en général. Leur force obligatoire dépend de la volonté des parties.

b) Section 2. La détermination du droit applicable au contrat international

Le principe du libre choix du droit applicable

Le choix de la loi

Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce principe d’autonomie a d’abord été reconnu par la Cour de cassation. Il est expressément repris par la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles et par le règlement « Rome-I » du 17 juin 2008.

Les parties doivent donc introduire dans leur contrat une clause dite « de droit applicable », distincte de la clause précisant quel sera le tribunal ou l’arbitre compétent en cas de litige (clause attributive de juridiction ou clause compromissoire).

Les parties peuvent par ailleurs déroger à l’indivisibilité du régime juridique du contrat en soumettant les différentes parties de la convention à des lois différentes (dépeçage du contrat).

Le choix du juge

Le commerçant international est libre de choisir le juge qui sera compétent pour traiter des litiges issus du contrat international qu’il a signé. Il peut ainsi préférer confier le règlement de ses différends à une justice privée et professionnelle.

L’arbitrage Il s’agit d’un mode de règlement des litiges par une autorité (arbitre) qui tient son pouvoir de juger de la

convention des parties. Les parties désignent d’un commun accord le ou les arbitres (ou prévoient les modalités de leur désignation), la loi de la procédure et la loi applicable au fond. On distingue la clause compromissoire (convention par laquelle les parties à un contrat s’engagent à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat) du compromis d’arbitrage (convention par laquelle les parties à un litige né soumettent celui-ci à l’arbitrage).

Les parties peuvent recourir à des modes d’arbitrage institutionnels (la Cour internationale d’arbitrage de la CCI...) ou à l’arbitrage ad hoc (les parties doivent alors organiser elles-mêmes leur tribunal arbitral et le choix de l’arbitre est total).

L’arbitrage présente de nombreux avantages (discrétion, rapidité, souplesse, qualité due à la compétence des arbitres...).

La sentence arbitrale a autorité de chose jugée mais doit revêtir l’exequatur pour avoir force exécutoire.

L’exequatur est également nécessaire pour rendre applicable dans un pays A les jugements rendus dans un pays B. Chaque pays est maître des modalités d’octroi de l’exequatur mais de nombreuses conventions internationales ont été signées afin de simplifier le déroulement de la procédure. En France, c’est le TGI qui est compétent.

Il existe, à côté de l’arbitrage, d’autres modes alternatifs de résolution des litiges, tels que la conciliation et la

médiation. Ces procédés sont rapides et surtout moins coûteux que l’arbitrage.

Le droit applicable à défaut de choix

En l’absence de clause de loi applicable dans le contrat international, plusieurs droits nationaux peuvent être en concours. C’est alors le droit des conflits de lois, élément important du droit international privé, qui apporte les solutions. Au niveau communautaire, les règles de détermination du droit applicable sont principalement issues de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (en vigueur depuis 1991). Le règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit « Rome-I » a vocation à remplacer la Convention de Rome. Il s’appliquera aux contrats conclus après le 17 décembre 2009, les contrats antérieurs restant soumis à la Convention de Rome.

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Exemple : À défaut de choix exprès de la loi applicable, l’article 4.1 du règlement « Rome-I » fixe, pour un certain nombre de contrats nommés, des rattachements prédéterminés :

« Le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le

vendeur a sa résidence habituelle »,

« Le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel

le prestataire de services a sa résidence habituelle »,

« Le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail

d'immeuble est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'immeuble »,

« Le contrat de franchise est régi par la loi du pays dans lequel le franchisé

a sa résidence habituelle »,

« Le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le

distributeur a sa résidence habituelle » etc.

S’il n’est pas possible de rattacher le contrat en cause à l’une des hypothèses visées par l’article 4.1, l’article 4.2 prévoit que « le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ». (La prestation caractéristique d’un contrat permet de le distinguer des contrats d’une autre nature. Il s’agit généralement de celle qui est due en contrepartie de la prestation monétaire, laquelle est commune à la plupart des conventions).

Dans un souci de protection de la partie faible, le règlement « Rome-I » prévoit que les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur sont en principe régis par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle. S’il est permis aux parties à un contrat de consommation de choisir la loi applicable, ce choix ne doit pas priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui aurait été applicable en l’absence de choix (art. 6). La même règle est édictée s’agissant du contrat de travail, qui à défaut de choix est régi « par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail » (art. 8).

Lorsque aucune convention internationale ne s’applique, les juges ont recours à leurs propres règles de conflit de

loi. En France, ces règles sont majoritairement d’origine jurisprudentielle (ex : rattachement des problèmes responsabilité délictuelle à la loi de l’accident...).

Les limites à la liberté contractuelle

Les limites à la liberté contractuelle ont une double origine :

- La soumission de certains aspects contractuels à d’autres lois que la loi du contrat. Ainsi la capacité de contracter s’apprécie par rapport à la loi nationale des contractants.

- L’existence de lois d’ordre public ou lois de police qui ne peuvent être écartées par les parties, quelle que soit la loi applicable au contrat. Il s’agit des lois « dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique du pays » (P. Francescakis). Ex : le Code de la consommation prévoit expressément que l’article L 132-1 (prohibition des clauses abusives) est applicable, nonobstant toute stipulation contraire, lorsque la loi qui régit le contrat est celle d’un État n’appartenant pas à l’UE, que le consommateur a son domicile sur le territoire d’un État membre de l’UE et que le contrat y est proposé, conclu ou exécuté. Le plus souvent cependant, la loi ne se

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prononce pas sur son caractère de loi de police. C’est alors au juge de se prononcer sur ce caractère. Plusieurs règles en matière de droit du travail ont ainsi été qualifiées de lois de police.

Le GATT et l’OMC

Le GATT ou Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce a précédé l’Organisation Mondiale du Commerce.

Section 1. Le General Agreement on Tariffs and Trades (GATT)

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que la coopération économique internationale est considérée comme le meilleur garant du maintien de la paix, deux négociations sont lancées, l'une pour créer une institution des Nations Unies consacrée au commerce, l'autre pour amorcer la réduction des barrières douanières.

La Charte de la Havane, signée en mars 1948, qui prévoyait la création d'une Organisation Internationale du Commerce, n'entrera jamais en vigueur, faute de ratification par plusieurs pays, notamment par les États-Unis.

Les négociations pour la réduction des tarifs douaniers déboucheront elles sur un simple accord, le GATT, signé en octobre 1947, qui n'aura jamais le statut d'organisation internationale.

Accord à l’origine provisoire, le GATT est une instance administrant le traité.

De 1947 à 1994, sa principale activité sera l'organisation de négociations commerciales multilatérales, chargées de libéraliser le commerce mondial. Huit cycles de négociations se sont succédés : - Les cycles de Genève (1947), Annecy (1949), Torquay (1951), Genève (1956) et le Dillon Round (1962)

visaient essentiellement l'abaissement des droits de douane. - Le Kennedy Round (1964-67) comportait le premier code antidumping et les premières réductions

douanières relatives aux produits agricoles. - Le Tokyo (ou Nixon) Round (1973-79) a permis d’obtenir un abaissement plus important des droits de

douane et a élargi la négociation aux restrictions non tarifaires. - L’Uruguay Round (1986-94) a élargi le domaine de la négociation aux services avec le GATS (General

Agreement on Trade in Services) et à la propriété intellectuelle avec le TRIPS (Trade Related Aspects of Intellectual Property Rights). Il crée l’OMC qualifiée de « cadre institutionnel commun pour la conduite des relations commerciales » (accord de Marrakech, 15 avril 1994).

Section 2. L’Organisation Mondiale du Commerce

Dotée de la personnalité juridique, l’OMC est une véritable organisation internationale depuis le 1er janvier 1995. Elle a pour mission la libéralisation du commerce des biens et des services à l’échelle mondiale.

Ses principales fonctions : - Administration des accords commerciaux de l’OMC - Cadre pour les négociations commerciales - Règlement des différends commerciaux - Suivi des politiques commerciales nationales

Son siège est à Genève et elle compte 153 États membres. Une trentaine de pays ont le statut d’observateur, étape obligée avant l’accession. Plusieurs organisations internationales ont également ce statut (ONU, Banque Mondiale, CNUCED, FMI, FAO, OMPI, OCDE etc.).

Les structures de l’OMC

La Conférence ministérielle

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Elle définit la politique générale de l’organisation et prend toutes les décisions relatives aux accords commerciaux multilatéraux. Composée des Ministres du Commerce de tous les membres, elle doit se réunir au moins une fois tous les deux ans (chaque État membre a une voix).

Depuis sa création, l’OMC a connu plusieurs conférences ministérielles :

- Singapour (1996) - Genève (1998) - Seattle (1999) : une des plus médiatisée avec pour résultat un échec. Elle avait pour objectif d’ouvrir un

nouveau cycle de négociations sur la concurrence, l’investissement, les marchés publics, l’environnement et les normes sociales.

- Doha (2001) : les subventions à l’agriculture ont fait l’objet de désaccords. De nombreux thèmes ont été évités : environnement, investissement, sécurité intérieure et normes sociales (cette question a été renvoyée à l’OIT). Elle a permis le lancement d’un nouveau cycle de négociations, le programme de Doha pour le développement, sur l’agriculture et les médicaments notamment.

- Cancun (2003) : marquée par la confirmation des divergences entre pays développés et pays en voie de développement et entre les États-Unis et l’UE sur l’agriculture, elle s’achève sans position commune.

- Hong Kong (2005) : un accord de compromis avait été trouvé mais, en juillet 2006, le cycle de Doha a été suspendu sine die (faute d’accord en matière d’agriculture notamment). Les négociations ont repris en 2007. En juillet 2008, une réunion ministérielle, qualifiée de réunion de la dernière chance, est convoquée à Genève par le directeur général Pascal Lamy pour tenter de faire aboutir les sept années de négociations lancées à Doha en 2001. La réunion s'achève à nouveau sur un échec. La conclusion du cycle de Doha a été donc reporté à 2009 et elle est actuellement à l’étude.

Le Conseil général Organe permanent composé de délégations des États membres, il exerce les fonctions de la Conférence

ministérielle lorsque celle-ci ne siège pas. Il exerce aussi les fonctions d'organe de règlement des différends et d'organe d'examen des politiques commerciales des membres.

Trois autres organes principaux agissent sous la conduite du Conseil général : le Conseil du commerce des marchandises, le Conseil du commerce des services et le Conseil des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Ils supervisent l’application de leurs accords respectifs.

Le secrétariat Organe purement administratif, il est dirigé par un directeur général, désigné par la Conférence ministérielle

(directeur actuel : Pascal Lamy).

Le fonctionnement de l’OMC

Les principales règles générales

Il s’agit de principes généraux qui connaissent cependant des tempéraments ou dérogations, en principe temporaires. Par exemple, en cas de circonstances exceptionnelles, le Conseil général peut dispenser un État d’une ou plusieurs de ses obligations (procédure dite du Waiver).

Le principe de non-discrimination Il comporte deux aspects (applicables aussi en matière de services et de droits de propriété intellectuelle)

- La clause de la nation la plus favorisée (art. 1 du GATT) : tous les adhérents de l'OMC doivent profiter du traitement commercial le plus avantageux consenti par l'un d'entre eux à un autre État, que ce dernier soit ou non membre de l'OMC. Il existe des possibilités d'exemption (concessions commerciales que s'échangent entre eux les pays membres d’une zone de libre échange...).

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- La clause du traitement national ou de l’égalité de traitement (art. 3 du GATT): la production importée doit être soumise au même traitement que les biens similaires d'origine nationale (ex : fiscalité intérieure, contrôles sanitaires et techniques...). La protection par les droits de douane et leur consolidation Les tarifs douaniers doivent être privilégiés comme moyen de protection du marché et de la production nationale

(cette forme de protection est considérée comme moins nocive que les restrictions quantitatives aux échanges). L’article 28 bis du GATT invite les parties contractantes à procéder, sur une base de réciprocité, à un abaissement

général et progressif de leurs droits de douane. Les États sont également invités à consolider leurs droits de douane c a d à s’engager à ne pas les relever de façon

unilatérale ultérieurement.

Le principe de l’interdiction de restrictions quantitatives à l’importation et à l’exportation Sont en principe interdites toutes les mesures fixant la valeur et/ou la quantité des produits qui peuvent être

importés ou exportés (art. 11 du GATT). Ce principe connaît des tempéraments (ex : afin de lutter contre les excédents agricoles ou de remédier aux

déséquilibres de balance des paiements etc.)

La réglementation du dumping Le dumping est le fait d’introduire un produit sur un marché étranger à un prix inférieur à sa valeur normale c a d

à la valeur à laquelle le même produit est offert sur le marché national du pays exportateur. Lorsqu’il cause un préjudice à un État, celui-ci a la possibilité de mettre en oeuvre des mesures antidumping. Il

doit demander l’ouverture d’une enquête pour prouver l’existence du dumping, le dommage qu’il a subi et le lien de causalité entre les deux. Si la procédure aboutit à un résultat positif, l’État lésé peut par exemple procéder à des surtaxes douanières autorisées (droits antidumping).

Les subventions En principe, les subventions à l’exportation sont interdites. Un nouvel accord est intervenu (accord sur les

subventions spécifiques et les mesures compensatoires) mais il ne concerne que les subventions spécifiques c a d celles accordées à une entreprise unique ou à un groupe d’entreprises ou à une branche de production ou à un groupe de branches de production. Cet accord distingue les subventions prohibées (liste rouge ; ex : subvention à l’exportation), les subventions pouvant donner lieu à des actions (liste orange ; ex : subvention à la production) et les subventions autorisées et non susceptibles d’actions (liste verte ; quelques exemples dans le secteur agricole).

En présence d’une subvention, les États peuvent adopter des mesures compensatoires ou saisir l’ORD.

Les principales règles spéciales

Le commerce des marchandises L’accord sur l’évaluation en douane des marchandises avant expédition admet comme base d’évaluation le prix

contractuel figurant sur les factures (les autorités douanières peuvent contester cette évaluation). L’accord sur l’inspection avant expédition s’efforce d’éviter que la nécessaire inspection des marchandises

permettant de lutter contre les fraudes n’entraîne des obstacles au commerce. L’accord sur les obstacles techniques au commerce permet aux États d’adopter des réglementations fixant des

exigences de qualité et de sécurité pour admettre un produit sur leur territoire mais celles-ci doivent être appliquées en respectant les principes généraux du GATT (traitement national etc.) et être fondées sur des données scientifiques.

Le commerce des services (GATS) Le GATS opère une transposition des règles du GATT au domaine des services (clause de la nation la plus

favorisée...) auxquelles s’ajoutent des règles spécifiques. Il concerne tous les services, sauf les services gouvernementaux.

Les droits de propriété intellectuelle liés au commerce Le TRIPS se fonde sur les conventions de l’OMPI mais va au-delà. Il s’applique notamment aux droits d’auteur,

aux marques commerciales, aux indications géographiques, y compris les appellations d’origine, aux brevets etc. Il prévoit par exemple la durée minimale des droits d’auteur (50 ans), la nécessité de lutter contre la contrefaçon etc.

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Le mécanisme de règlement des différends

C’est la principale innovation de l’OMC par rapport au GATT. L'Organe de Règlement des Différends (ORD) est

un organe quasi-judiciaire, créateur d’une nouvelle source de droit et autorisé à sanctionner financièrement les États, pouvoir de sanction unique dans le droit international.

Dans la majorité des cas, un différend naît lorsqu’un État adopte une mesure commerciale qui est considérée par

un autre État membre comme un manquement aux obligations de l’OMC. Entre 1995 et 2005, plus de 320 plaintes ont été enregistrées, les principaux utilisateurs étant les États-Unis et l’UE...

L’ORD est compétent pour connaître tous les litiges nés des accords administrés par l’OMC. Le règlement des

litiges se fait en plusieurs étapes :

- Les consultations (60 jours) : les parties en différends négocient entre elles pour parvenir à un accord ; - Le groupe spécial (panel) : Si la consultation a échoué, l’État plaignant peut demander la formation d’un

groupe spécial. Celui-ci est chargé de procéder à l’examen des faits et de la cause et de dire le droit sous forme de recommandations, dans un délai de 6 mois en principe. Ce rapport est soumis à l’ORD pour adoption. Pour refuser les conclusions d’un panel il faut obtenir l’unanimité, ce qui rend l’adoption des conclusions quasi automatique.

- L’appel : chaque partie peut faire appel, en saisissant alors l’Organe d’appel (composé de sept membres permanents qui sont des personnalités indépendantes). Il dispose d’un délai de 90 jours pour soumettre son rapport à l’ORD qui sera automatiquement adopté (seul le consensus permet le rejet).

- La mise en œuvre des décisions : Les parties doivent appliquer les décisions du panel ou de l’Organe d’appel, dans un délai raisonnable, et informer l’ORD des étapes de la mise en conformité. En cas d’inexécution ou de retard d’exécution, la partie condamnée doit entreprendre des négociations avec les autres membres concernés en vue d’offrir temporairement une compensation mutuellement acceptable. À défaut d’accord, la partie lésée peut exercer des mesures de rétorsions commerciales temporaires. En cas de contestation par la partie adverse de la portée de ces mesures, celle-ci est soumise à une procédure arbitrage, qui est en principe assurée par le groupe spécial initial.

Conclusion Si l’ORD met théoriquement tous les États sur un pied d’égalité, on peut s’interroger sur le réel pouvoir de

rétorsion des petits pays... Plusieurs pistes de réformes sont par ailleurs envisagées afin de rendre l’ORD plus transparent : publicité des débats, possibilité pour les personnes privées (entreprises, ONG) de présenter des observations etc.