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SEPTENTRION GASTON DESCHÊNES L’Année des Anglais La Côte-du-Sud à l’heure de la Conquête NOUVELLE ÉDITION REVUE ET AUGMENTÉE Extrait de la publication

L'Année des Anglais. La Côte-du-Sud à l'heure de la Conquête… · Du même auteur Chez le même éditeur La Côte-du-Sud, cette inconnue, Sillery, Septentrion, 1991, 84 p. (Choix

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  • s e p t e n t r i o n

    g a s t o n d e s c h ê n e s

    L’Année des

    AnglaisLa Côte-du-Sud à l’heure de la Conquête

    NOUVELLE ÉDITION REVUE ET AUGMENTÉE

    Extrait de la publication

  • Extrait de la publication

  • l’année des anglais

  • Du même auteur

    Chez le même éditeurLa Côte-du-Sud, cette inconnue, Sillery, Septentrion, 1991, 84 p.

    (Choix de textes et présentation) Contes et légendes de la Côte-du-Sud, Sillery, Septentrion, 1994, 216 p.

    Les origines littéraires de la Côte-du-Sud, Sillery, Septentrion, 1996, 125 p.

    (Présentation et repères chronologiques) Laferté, Hector, Derrière le trône, Mémoires d’un parlementaire québécois, 1936-1958, Sillery, Septentrion, 1998, 466 p.

    (Choix de textes et présentation) Une capitale éphémère, Sillery, Septentrion, 1999, 160 p.

    Les voyageurs d’autrefois sur la Côte-du-Sud, Sillery, Septentrion, 2001, 350 p.

    Les exilés de l’anse à Mouille-Cul, Sillery, Septentrion, 2006, 120 p.

    Chez d’autres éditeursEnsemble ! Revue de la coopération (1940-1951), Sherbrooke, Université de Sherbrooke, 1976, 102 p. (« Dossiers sur les coopératives », 4).

    Organisation et fonctionnement de l’Assemblée nationale, Québec, Assemblée nationale, 1976, 63 p. (« Vie parlemen-taire », 1).

    Le député québécois, Québec, Assemblée nationale, 1979, 61 p. (« Vie parlementaire », 4). Réédité en 1995.

    Amable Charron et Chrysostôme Perrault, sculpteurs de Saint-Jean-Port-Joli, La Pocatière, Société historique de la Côte-du-Sud, 1983, 125 p. (« Cahiers d’histoire », 18).

    Portraits de Saint-Jean-Port-Joli, Sainte-Foy, Les Éditions des Trois-Saumons, 1984, 64 p.

    (Avec Luc Noppen) L’Hôtel du Parlement, témoin de notre histoire, Québec, Les Publications du Québec, 1986, 216 p.

    (Avec Maurice Pellerin) Le Parlement du Québec : deux siècles d’ histoire, Québec, Publications du Québec, 1991, 124 p. (« Vie parlementaire », 5).

    L’ABC du Parlement : lexique des termes parlementaires en usage au Québec, Québec, Publications du Québec, 1992, 104 p. (« Vie parlementaire », 7).

    (Direction éditoriale) Dictionnaire des parlementaires du Québec, 1792-1992, Sainte-Foy, PUL, 1993, 860 p.

    Le Parlement de Québec : histoire, anecdotes et légendes, Sainte-Foy, Multimondes, 2005, 326 p.

    (Avec Francesco Bellomo) L’Hôtel du Parlement, mémoire du Québec, Saint-Lambert, Stromboli, 2007, 264 p.

    Extrait de la publication

  • Gaston Deschênes

    l’année des anglaisLa Côte-du-Sud à l’heure de la Conquête

    Septentrion

    Nouvelle éditionrevue et augmentée

  • Pour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous sur notre site Internet au www.septentrion.qc.ca

    Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons éga lement l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Pro gramme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

    Révision : Solange Deschênes

    Correction d’épreuves : Sophie Imbeault

    Mise en pages : Folio infographie

    Maquette de couverture : Pierre-Louis Cauchon

    Illustration de la couverture : Reconstitution du débarquement des troupes de George Scott à Kamouraska au début de septembre 1759 par Bernard Duchesne, 1990, collection privée.

    Si vous désirez être tenu au courant des publicationsdes ÉDItIONS Du SEPtENtRIONvous pouvez nous écrire par courrier,par courriel à [email protected],par télécopieur au 418 527-4978ou consulter notre catalogue sur Internet :www.septentrion.qc.ca

    © Les éditions du Septentrion Diffusion au Canada :1300, av. Maguire Diffusion DimediaQuébec (Québec) 539, boul. LebeauG1t 1Z3 Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2

    Dépôt légal : Ventes en Europe :Bibliothèque et Archives Distribution du Nouveau Mondenationales du Québec, 2009 30, rue Gay-LussacISBN 978-2-89448- 588-0 75005 Paris

    Membre de l’Association nationale des éditeurs de livres

    Extrait de la publication

  • Dans les archives de la paroisse de Saint-Louis-de-Kamouraska, le registre des baptêmes, mariages et sépultures de 1759 a perdu son feuillet 57. Au recto du feuillet 58, on peut lire ce qui suit :

    « Cest pages ont été deschiré L’année des anglois.J. Trutaut pre ».

    Qui l’a fait ? Pourquoi ? Mystère. En rédigeant sa note, Joseph Trutaut n’a pas jugé bon de donner une date. Pour celui qui a été curé de Kamouraska de 1755 à 1800, il n’y avait pas de confusion possible ; même les autorités civiles et religieuses comprendraient en quelle année le registre avait été abîmé.

    Pour les gens de Kamouraska et des environs, « l’année des anglois » ne désignait pas seulement celle de la chute de Québec ; elle évoquait l’année où les troupes de choc de l’armée britannique étaient débarquées sur leurs terres pour entre-prendre le ravage systématique de la Côte-du-Sud et provoquer la plus grande catastrophe de son histoire.

    Paradoxalement, cet épisode dramatique est longtemps demeuré dans l’ombre. La « grande » histoire l’a évoquée en termes très généraux. Au milieu du XIXe siècle, François-Xavier Garneau écrivait que les Anglais auraient détruit les paroisses « depuis Berthier jusqu’à la rivière du Loup » ; un siècle plus tard, Guy Frégault évoquait

    Avant-propos

    « Si, pour cause d’un accident dans le fleuve, de la résistance de l’ennemi, de maladies ou de pertes militaires, nous jugions peu probable que Québec tombe entre nos mains […], je pro-pose que nos canons mettent le feu à la ville, qu’ils détruisent les récoltes, les maisons et le bétail […], et je propose d’expé-

    dier en Europe le plus grand nombre possible de Canadiens en ne laissant derrière moi que famine et désolation ».

    James Wolfe à Jeffery Amherst, 6 mars 1759.

  • 8 l’année des anglais

    la terreur, le pillage, la destruction de 1400 fermes, sans s’attarder aux détails.

    De leur côté, les auteurs de monographies locales manquaient de documents pour étoffer leurs ouvrages. L’abbé Alexandre Paradis (1948) reprenait la tradition locale selon laquelle les habitants de Kamouraska ont repoussé les Anglais. Paul-Henri Hudon (1972) doutait que les Anglais soient passés à Rivière-Ouelle. Dans leurs ouvrages sur Saint-Roch-des-Aulnaies et La Pocatière, Roland Martin (1975) et Gérard Ouellet (1973) mentionnaient sans plus de précisions que la plupart des paroisses de la région avaient été touchées. Gérard Ouellet (1946) s’inspirait de Philippe Aubert de Gaspé pour dire que les troupes avaient cessé leurs destructions à la rivière

    Trois Saumons. Mgr Léon Bélanger ne traitait pas de ces événements dans sa monographie de L’Islet (1977). L’abbé Jos-Arthur Richard (1972) n’avait pas de preuves du passage des troupes anglaises à Cap-Saint-Ignace. Les historiens de Montmagny rappelaient unanimement le souvenir du seigneur Couillard et de ses quatre compagnons tués par les Anglais, sans expliquer précisément les cir-constances de cet incident. La documentation faisait aussi défaut pour étayer les propos de Louis-Philippe Bonneau et de Robert Lamonde sur le déroulement de l’année 1759 à Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud. Robert Lavallée (1973) n’avait pas de preuves de ravages à Berthier. Une courte brochure sur Saint-Vallier (1963) ignorait le sujet tandis que la principale agression

    « Cest page ont été deschiré L’année des anglois. » C’est ainsi que le curé Trutaut a expliqué l’absence des feuillets 56 et 57 dans les registres de Kamouraska (Archives de l’évêché de Sainte-Anne-de-la-Pocatière).

    Extrait de la publication

  • avant-propos 9

    que citait le R.P. Marie-Antoine (1929) ne se situait pas à Saint-Michel-de-Bellechasse mais dans le « village de Saint-Michel » de la seigneurie de Lauzon. Finalement, dans toute la Côte-du-Sud, c’est seulement à Beaumont que le pas-sage des troupes anglaises était depuis longtemps bien documenté.

    Pendant plusieurs mois, en 1759, les Anglais ont occupé Pointe-Lévy, l’île d’Orléans et la rive est de la rivière Montmorency tandis que les troupes françaises s’étendaient de cette même rivière jusqu’à Cap-Rouge. C’est là que s’écri-vaient la correspondance et les journaux person-nels qui servent aujourd’hui de matériel de base à la reconstitution des événements : on y parle peu d’une région comme la Côte-du-Sud, théâtre de la « guerre des bois », des « courses » et des escarmouches, situations peu propices à la rédac-tion et à la conservation des documents.

    De Kamouraska et de Rivière-Ouelle, Chaus-se gros de Léry écrivait à Vaudreuil au printemps 1759 ; de Saint-Michel, Hertel de Saint-François confiait ses inquiétudes à Dumas durant l’hiver 1760 : aucune de leurs lettres ne nous est par-venue. De tous les militaires français envoyés sur la Côte-du-Sud pendant la guerre de la Conquête, seul Chaussegros de Léry a laissé un journal

    personnel. Quant aux Anglais, ils ont laissé fort peu de comptes rendus de leurs opérations en région, sauf celui du major Scott qui commandait le détachement responsable des opérations de destruction de septembre 1759.

    Jusqu’au milieu des années 1980, ce document fondamental avait échappé aux historiens. Il était pourtant inventorié dans la collection Northcliffe depuis longtemps mais plusieurs se sont contentés d’en citer la conclusion transcrite dans l’inven-taire de fonds conservé aux Archives nationales du Canada depuis 1926.

    Publiée la première fois en 1988, l’étude qui suit ne vise pas à refaire l’histoire de la Conquête. Les événements survenus dans la région de Québec ne servent qu’à situer le contexte de ceux qui se sont produits sur la Côte-du-Sud, de Beaumont à Kamouraska, du printemps 1759 à l’été 1760. Cette étude s’appuie principalement sur les grandes séries de correspondance, les journaux, mémoires et « relations » du siège de Québec. Elle tire profit, pour sa troisième édition, de quelques documents nouveaux cités par D. Peter Macleod dans son ouvrage récent sur la bataille des plaines d’Abraham, dont les mémoires d’un ranger américain qui a participé à « l’in-cendie de la Côte-du-Sud ».

    Gaston Deschênes

    Extrait de la publication

  • A ux premiers temps de la Nouvelle-France, la « côte » désigne une entité spatiale de première importance. « On nomme “côtes” écrit La Hontan, certaines sei-gneuries dont les habitations sont écartées de deux ou trois cents pas et situées sur le rivage du fleuve Saint-Laurent1. » Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, la « côte » désigne la première rangée de lots, y compris les habitations, sise en bordure du fleuve2. Dans certains cas, « côte » et

    1. Baron de La Hontan, Voyages dans l’Amérique septen-trionale, La Haye, Lhonore, 1704, tome 1, p. 9.2. Ludger Beauregard, « Géographie historique des côtes de l’île de Montréal », Cahiers de géographie du Québec, 28, 73-74 (avril-septembre 1984), p. 49.

    « seigneurie » se confondent. Ainsi, la côte de Beauport et celle de Beaupré désignaient les seigneuries du même nom.

    À la fin du régime français, la « coste du sud » est une suite quasi ininterrompue d’habitations échelonnées de Beaumont à Kamouraska, à l’est de l’immense seigneurie de Lauzon. Depuis plus d’un siècle, déjà, les autorités de la Nouvelle-France y ont concédé des seigneuries en bordure du fleuve. Les seigneurs y ont assuré le peuplement et les infrastructures essentielles au développement économique, en particulier des moulins pour moudre le blé. Au fil des ans, la population est devenue suffisamment nombreuse pour justifier la division de la « coste du sud » en paroisses distantes d’environ sept milles l’une de l’autre.

    La Côte-du-Sud en 1759

    I

    « Nous bénéficions ici du plus agréable point de vue sur le char-mant pays qui nous entoure : moulins à vent, moulins à eau, églises, chapelles, maisons de ferme compactes, toutes construites en pierre et couvertes de bois ou de chaume. Les terres paraissent toutes bien cultivées et, avec ma longue-vue, je peux distinguer les champs de

    lin, de blé, d’orge, de pois, etc., ainsi que les clôtures de pieux. »

    John Knox, An Historical Journal […], 26 juin 1759.

    Extrait de la publication

  • 12 l’année des anglais

    En 1759, le voyageur qui laisse Saint-Joseph-de-la-Pointe-Lévy, en direction est, traverse suc-cessivement les paroisses de Beaumont, Saint-Michel, Saint-Vallier, Berthier, Saint-Thomas, Cap-Saint-Ignace, L’Islet, dont le curé dessert aussi la seigneurie du Port-Joly, Saint-Roch, Sainte-Anne, Rivière-Ouelle et Kamouraska. Au-delà, il n’y a pas de paroisses formellement établies, seulement des seigneuries. Le curé de Kamouraska veille sur les rares habi-tants jusqu’à Trois-Pistoles, laissant les autres au soin des missionnaires.

    D’un bateau descendant le Saint-Laurent en 1759, le voyageur peut voir la majorité des fermes alignées sur la côte. Lui échappent cependant les deuxièmes et les troisièmes rangs qui se dessinent déjà dans quelques seigneuries, et trois paroisses érigées récemment, soit Saint-Charles, derrière Beaumont, ainsi que Saint-François et Saint-Pierre, en amont de Saint-Thomas, sur la rivière du Sud. Depuis une vingtaine d’années, le chemin du roi relie les paroisses de la côte en

    La Côte-du-Sud à la fin du régime français (BANQ, Centre d’archives de Québec, Partie du cours du fleuve Saint-Laurent […], Nicolas Bellin, 1761, E6, P22).

    Extrait de la publication

  • la côte-du-sud en 1759 13

    îlets, caps et rivières

    La toponymie des vieilles paroisses de la Côte-du-Sud a été largement influencée par les accidents géographiques de la rive du fleuve Saint-Laurent. Ce phénomène est particu-lièrement remarquable en aval de Berthier.

    La rivière du Sud, le plus important cours d’eau de la côte, a donné son nom à une seigneurie où fut ensuite érigée la paroisse de Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-la-Caille qui rappelle la noyade d’Adrien d’Abancourt dit Lacaille en 1640.

    Le cap Saint-Ignace a été nommé ainsi en l’honneur du saint patron des Jésuites, premiers missionnaires de la région, et l’anse à Gilles honore Gilles Gaudreau.

    Le nom de L’Islet vient d’un rocher qui se trouve à l’est du quai et qui était autrefois entouré d’eau. Port-Joli vient probablement de la qualité du havre que la rivière du même nom forme à son embouchure.

    Des aulnes en grande quantité en bordure du fleuve ont donné le nom de Saint-Roch-des-Aulnaies. C’est là que commence une anse au fond de laquelle se trouve Sainte-Anne-de-la-Pocatière, autrefois nommée « Sainte-Anne-de-la-Grande-Anse ».

    Viennent ensuite Rivière-Ouelle et Kamouraska, l’un des rares noms amérindiens de la région, qui signifierait « il y a du jonc au bord de l’eau » et qu’on écrivait parfois « Caps Morasca ».

    Plus à l’est, il n’y a pas de paroisses établies en 1759 mais on trouve quelques établisse-ments. L’Îlet-du-Portage tient son nom de la pointe de Saint-André, qui formait une presqu’île reliée à la terre ferme par un isthme qu’on préférait traverser en portant le canot plutôt que de le contourner. L’établissement suivant est Rivière-des-Caps, à l’ex-trémité est de la paroisse actuelle de Saint-André. Enfin, Rivière-du-Loup ne compte encore qu’une cinquantaine de personnes en 1759.

    Extrait de la publication

  • 14 l’année des anglais

    épousant le plus souvent les sinuosités du rivage. En fait, il s’agit d’une voie de communication bien rudimentaire.

    La première paroisse riveraine de la Côte-du-Sud, Beaumont, n’a pas connu un développe-ment aussi rapide que d’autres établissements pourtant plus éloignés de Québec. Érigée en paroisse depuis 1714, sous le patronage de saint Étienne, elle est formée de plusieurs seigneuries,

    soit Beaumont, qui appartient aux Couillard depuis sa concession, Vincennes, longtemps pro-priété des Bissot de la Rivière et maintenant aux mains de Joseph Roy, Vitré, qui appartient à Marie-Louise Bissot, et Livaudière, de création récente (1744), propriété de Michel-Jean-Hugues Péan, fils du premier seigneur. Le curé de Beaumont, Gaspard Dunière, a seulement qua-rante ans mais il est en mauvaise santé. Il décé-dera d’ailleurs en février 1760. Durant l’été 1759, il reçoit l’aide d’un prêtre du Séminaire, l’abbé Pierre-Bernard Dosque.

    Les deux plus vieilles seigneuries de Beaumont ont été concédées en 1672 et elles ont accueilli leurs premiers habitants peu après. La paroisse ne

    Érigée à Beaumont vers 1740, la chapelle de procession de la Sainte-Vierge est l’une des plus anciennes au Québec (MCCCF, Jean-François Rodrigue photographe, 2007).

    Dans Le Saint-Laurent historique, légendaire et topographique (publié en 1906), Alphonse Leclaire présente l’église de Beaumont (construite en 1733) telle qu’elle apparaissait avant les restaurations.

  • la côte-du-sud en 1759 15

    compte qu’environ 400 habitants à l’époque de la Conquête car Saint-Charles (1749) vient d’en être détachée.

    La paroisse suivante, Saint-Michel, occupe la moitié ouest de la seigneurie de La Durantaye, concédée à Olivier Morel, sieur de La Durantaye en 1672, et agrandie en profondeur en 1693. En 1716, cette seigneurie est séparée en deux. La

    partie ouest passe ensuite aux mains de Marie-Françoise Pécaudy de Contrecœur qui la cède à son fils, Michel-Jean-Hugues Péan en 1742.

    La paroisse de Saint-Michel compte près de 800 habitants en 1759. Elle possède une église de pierre qui date de 1730. Son curé est Pierre Chaufour, un jeune prêtre ordonné en 1747 qui décédera le 30 juillet 1760, à l’âge de 36 ans

    La maison Molleur-dit-Lallemand a été construite à Beaumont en 1720 et agrandie au XIXe siècle (MCCCF, Jean-François Rodrigue photographe, 2007).

    Extrait de la publication

  • 16 l’année des anglais

    saint-charles

    En 1713, Charles Couillard fils obtient une « augmentation » d’une lieue de profondeur derrière sa seigneurie de Beaumont. Traversée en diagonale par la rivière Boyer, cette partie de la seigneurie se développe tellement rapidement que les habitants y sont assez nombreux, en 1749, pour justifier la création d’une nouvelle paroisse. C’est ainsi que l’établissement connu sous le nom de « Rivière-Boyer » est érigé en paroisse sous le patronyme de Saint-Charles-Borromée. L’abbé Louis-Pascal Sarault est en charge de cette paroisse qui compte, en 1762, 940 habitants, dont un bon nombre d’Acadiens qui forment la « Nouvelle-Cadie » et donneront plus tard naissance (1780) à Saint-Gervais. Ordonné en 1749, le curé Sarault ne connaîtra que Saint-Charles où il sera curé pendant quarante-cinq ans.

    La carte de Wallet des Barres (1781) montre les terres concédées aux réfugiés acadiens dans la paroisse de Saint-Charles. Au nord (en haut), le village de Saint-Charles établi sur la rivière Boyer ; au sud, les deux rangs appelés respectivement « Première Cadie » et « Deuxième Cadie » qui deviendront le cœur de Saint-Gervais (BANQ, G3312 S5 1781 D41).

    seulement. Fait à signaler, Saint-Michel possède un bourg créé en 1754 à la requête du seigneur et avec l’appui des autorités coloniales. Le bourg de Saint-Michel fait dix arpents et demi de front sur trois de profondeur. En l’établissant, on espère que des artisans, forgerons, charpentiers, menui-siers et autres viendront assurer une meilleure qualité de vie aux censitaires.

    Dans les paroisses de Beaumont et de Saint-Michel, les petites rivières et les ruisseaux sont

    pontés. Le premier obstacle véritable est à Saint-Vallier, où l’on passe la rivière Boyer « en canot à marée haute et à cheval ou en voiture à marée basse3 ». Cette rivière est flanquée de la pointe à Boyer et de la pointe de Bellechasse. On l’ap-pelle aussi « rivière des Mères » parce qu’elle borne

    3. Lettres et pièces militaires […], Québec, Demers et frère, 1891, p. 66. Les citations qui suivent sont tirées de ce rapport.

    Extrait de la publication

  • la côte-du-sud en 1759 17

    la seigneurie des religieuses de l’Hôpital général.

    La paroisse de Saint-Vallier a été érigée en 1714 sous le patronage de saint Philippe et saint Jacques. Elle correspondait alors à la moitié est de la seigneurie de La Durantaye que l’évêque de Québec avait décidé de scinder en deux paroisses, soit une de chaque côté de l’embouchure de la rivière Boyer. En 1716, lorsque la seigneurie est démembrée, le seigneur Olivier Morel cède la partie est à son fils Louis-Joseph tandis que l’autre partie est partagée entre ses enfants. Puis, en 1720, Louis-Joseph Morel cède sa portion aux religieuses de l’Hôpital général de Québec. La paroisse prend alors le nom de Saint-Vallier en l’honneur de l’évêque qui avait servi d’entremetteur dans cette transaction. Au moment de la Conquête, Saint-Vallier compte environ 900 habitants. Depuis

    1722, le curé est Pierre Leclair, un prêtre âgé (72 ans) qui décédera le 26 novembre 1761.

    Les rivières « à Carrière » et « du Mieux » ainsi que le « ruisseau Camus » ne posent pas de diffi-cultés au voyageur. Du chemin, on aperçoit maintenant les îles de l’archipel de Montmagny : l’île Madame, l’île au Ruau, la Grosse Île, l’île Sainte-Marguerite et plusieurs autres plus petites. Le voyageur se trouve alors dans la paroisse de Notre-Dame-de-L’Assomption-de-Bellechasse, mieux connue sous le nom de Berthier, qui est située en partie dans les limites de la première seigneurie concédée sur la Côte-du-Sud (Bellechasse) à Nicolas Marsolet en 1637. Voyageur et interprète, Marsolet n’habita jamais sa sei-gneurie et l’on peut croire qu’il cherchait surtout un territoire de chasse. En 1672, une nouvelle seigneurie est concédée au capitaine Alexandre

    Construit en 1739, le presbytère de Saint-Michel-de-Bellechasse est agrandi au début du XIXe siècle et transformé dans les années 1850.

    Extrait de la publication

  • 18 l’année des anglais

    Berthier, du régiment de Carignan. Au moment de la Conquête, c’est l’abbé Charles-Régis de Rigauville qui est propriétaire de cette seigneurie qui comprend deux paroisses, Berthier, au bord de l’eau, et Saint-François, à l’intérieur. Berthier compte alors environ 400 habitants. Leur curé est l’abbé Thomas Blondeau, 50 ans.

    Les rives fertiles de la rivière du Sud, qui tra-verse la seigneurie de Berthier à environ trois milles du fleuve, ont vite suscité l’intérêt des censitaires. En 1729, ils sont assez nombreux, de part et d’autre de la rivière, dans les « côtes » Sainte-Marie et Saint-Blaize, pour justifier la présence d’une chapelle puis, en 1752, d’un curé résident, l’abbé Pierre-Laurent Bédard, un jeune prêtre de vingt-trois ans qui consacrera toute sa vie à cette paroisse où il mourra 57 ans plus tard. En 1759, l’église dont la construction a débuté en 1757 n’est toujours pas terminée et on y célébrera la première messe en 1762. La paroisse de « Saint-François-du-Sud » compte alors 440 habitants.

    Après Berthier, le chemin traverse un bois avant d’atteindre l’église de Saint-Thomas qui se trouve, à cette époque, près de l’embouchure de la rivière à la Caille. On entre alors dans la sei-gneurie de la Rivière-du-Sud, concédée en 1646 au sieur de Montmagny, ce qui en fait la plus ancienne de la Côte-du-Sud. Dès 1679, on y trouvait une chapelle, la première de la région. Cette seigneurie et celle de l’Espinay forment la paroisse de Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-la-Caille, la plus populeuse de la Côte-du-Sud avec environ 1100 paroissiens. Ceux-ci viennent d’ac-cueillir un nouveau curé, l’abbé Jean-Baptiste-Petit Maisonbasse. Son église est menacée par l’érosion et elle sera déplacée en 1770.

    Les seigneuries de la Rivière-du-Sud et l’Espi nay appartiennent à la famille Couillard. Jean-Baptiste Couillard en est le principal sei-

    L’ancienne église de Berthier qui servit de lieu de culte de 1719 à 1859 (A. Dion, Histoire primitive de la paroisse de Saint-Thomas de Montmagny, première partie : Topographie de Montmagny, 1935).

    Né en 1724, Charles-Régis de Rigauville fut le premier curé de Saint-François. On le retrouve ensuite à l’Hôpital général de Québec, pendant la guerre de la Conquête. À sa mort, en 1780, il était le dernier des Rigauville au Canada (BANQ, Centre d’archives de Québec, Photo Livernois, P560,S2,D1,P1132).

    Extrait de la publication

  • la côte-du-sud en 1759 19

    gneur ou seigneur primitif. Le sol de la seigneurie de la Rivière-du-Sud est particulièrement fertile. Plus tard, on qualifiera cette région de « grenier du bas district ».

    Le principal attrait géographique de Saint-Thomas est sa rivière qui reçoit les eaux du « bras Saint-Nicolas » et se jette « dans le fleuve par un saut de plus de quinze pieds de haut ». En amont, les terres fertiles baignées par cette rivière ont attiré les pionniers de « Saint-Pierre-du-Sud ». En 1713, ils obtiennent la construction d’une chapelle mais ils demeurent desservis par les curés de Saint-Thomas. À compter de 1750, ils accueillent l’abbé Charles-Lefebvre Duchouquet qui était précé-demment curé de Rivière-Ouelle et de Sainte-Anne. C’est lui qui préside à la pose de la première pierre d’une nouvelle église, en 1751. En 1759, cette paroisse compte environ 650 habitants.

    Mieux vaut passer la rivière du Sud en canot, car l’eau dépasse le moyeu des roues. Cet obstacle franchi, on entre dans « le bois du cap

    Les paroisses de la Côte-du-Sud d’après une carte de 1790 (Musée de la civilisation, bibliothèque du Séminaire de Québec. Carte générale des Paroisses […]. Auteur inconnu. Vers 1790. Dans Alphonse Louis Pinart, Recueil de cartes, plans et […], Paris, 1893. Idra Labrie Perspective, photographe. N° T-24).

    La maison Bélanger-Têtu a été construite à la pointe à la Caille vers 1739 et agrandie par la suite (toile de Jean-Claude Dupont, 2006, collection Seigneurie du fief Saint-Luc, Montmagny).

    Extrait de la publication

  • 20 l’année des anglais

    [Saint-Ignace] ». Le chemin s’éloigne du fleuve ; « il est mauvais et rempli de gros cailloux » sur une lieue, après quoi « on en fait un quart [de lieue] sur un terrain mouvant où la moindre pluie fait enfoncer jusqu’aux moyeux ». C’est la fameuse « savane du Cap » qui a longtemps fait jurer les charretiers. À l’issue de ce passage désagréable, le voyageur atteint la « pointe au Foin » d’où il peut voir l’île aux Grues et l’île aux Oies, les îles les plus considérables de l’archipel et les seules habitées.

    La paroisse de Cap-Saint-Ignace, qui compte environ 600 habitants, a comme particularité de regrouper cinq seigneuries dont les principales ont été concédées en 1672. Ce sont les seigneuries de Saint-Joseph-de-la-Pointe-aux-Foins, qui appar-tient aux Bernier, Lafresnaye, propriété de Basile

    Gagné, Gamache, dont le seigneur est Louis Gamache, Sainte-Claire, située derrière les trois précédentes, et Vincelotte, où « règne » Gabriel-Jean Amyot de Vincelotte. La plupart des îles de l’archipel de Montmagny relèvent aussi de cette paroisse. À cette époque, l’île aux Oies appartient aux religieuses de l’Hôtel-Dieu de Québec et l’île aux Grues, à Marie-Anne Bécard de Grandville.

    La présence de plusieurs seigneurs dans la paroisse n’est pas de tout repos, surtout pour le jeune curé, Jean-François Curot, arrivé l’année même de son ordination, en 1747, âgé de 23 ans. Tout comme à Saint-Thomas, le premier lieu de culte a été construit trop près du fleuve. Vers 1740, il faut abandonner l’église et les seigneurs se disputent le futur emplacement. L’évêque penche d’abord pour Vincelotte, qui comprend l’anse à Gilles, mais les censitaires de Gamache ne veulent rien savoir. Le débat durera plusieurs années après la Conquête.

    Le chemin du Roy conduit ensuite le voyageur à la paroisse de Bonsecours, « ou se voit l’îlette

    À Cap-Saint-Ignace, la maison Guimont aurait été construite au milieu du XVIIIe siècle ; avec sa laiterie, bâtie vers 1800, elle forme un ensemble classé monument historique en 1984 (MCCCF, Jean-François Rodrigue photographe, 2008).

  • Avant-propos 7

    I. La Côte-du-Sud en 1759 11

    II. Le printemps 27La menace anglaise 29La mission de Chaussegros de Léry 31La réticence des habitants 35Les miliciens de la Côte-du-Sud 39La montée de la flotte anglaise 43

    III. L’été 49Le débarquement à Beaumont 50La petite guerre 53Les ravages systématiques 57L’incendie de la Côte-du-Sud 62La mort du seigneur Couillard 77Bilan de l’expédition 79

    IV. L’automne 81Retrouver les vivants, enterrer les morts 84Se préparer pour l’hiver 88Accueillir les réfugiés 90Soumettre les habitants 92

    Table des matières

    V. L’hiver et après 97La course aux vivres 98La mission Hertel 103La bataille de Sainte-Foy 106L’affaire du meunier Nadeau 109« Nos bonnes gens reviendront » 112Les insoumis de Saint-Michel 117

    Épilogue 119

    Documents 121I. Report of a Tour to the South Shore

    of the River St. Lawrence 123II. Les mémoires du ranger David Perry

    (extraits) 127III. La population de la Côte-du-Sud

    en 1762 129

    Table des sigles 145

    Bibliographie 147

    Remerciements 153

    Index 155

    Extrait de la publication

  • cet ouvrage est composé en Adobe Garamond Pro corps 11,5selon une maquette réalisée par josée lalancette

    et achevé d’imprimer en juillet 2009sur les presses de marquis imprimeur

    à cap-saint-ignacepour le compte de gilles herman

    éditeur à l’enseigne du septentrion

    Extrait de la publication

    L'Année des Anglais. La Côte-du-Sud à l'heure de la ConquêteAvant-proposI • La Côte-du-Sud en 1759Table des matières