L'Apres-Midi D'un Faune - Stephane Mallarme

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  • 7/27/2019 L'Apres-Midi D'un Faune - Stephane Mallarme

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    LAPRES MIDI DUN FAUNE Stphane MALLARME

    (1876)

    Ces nymphes, je les veux perptuer.

    Si clair,Leur incarnat lger, qu'il voltige dans l'air

    Assoupi de sommeils touffus.Aimai-je un rve ?

    Mon doute, amas de nuit ancienne, s'achveEn maint rameau subtil, qui, demeur les vrais

    Bois mme, prouve, hlas! que bien seul je m'offraisPour triomphe la faute idale de roses --

    Rflchissons...ou si les femmes dont tu gloses

    Figurent un souhait de tes sens fabuleux !Faune, l'illusion s'chappe des yeux bleus

    Et froids, comme une source en pleurs, de la plus chaste :Mais, l'autre tout soupirs, dis-tu qu'elle contraste

    Comme brise du jour chaude dans ta toison ?Que non! par l'immobile et lasse pmoison

    Suffoquant de chaleurs le matin frais s'il lutte,

    Ne murmure point d'eau que ne verse ma flteAu bosquet arros d'accords; et le seul ventHors des deux tuyaux prompt s'exhaler avant

    Qu'il disperse le son dans une pluie aride,C'est, l'horizon pas remu d'une ride

    Le visible et serein souffle artificielDe l'inspiration, qui regagne le ciel.

    O bords siciliens d'un calme marcage

    Qu' l'envi de soleils ma vanit saccageTacite sous les fleurs d'tincelles, CONTEZ Que je coupais ici les creux roseaux dompts

    Par le talent; quand, sur l'or glauque de lointaines Verdures ddiant leur vigne des fontaines,

    Ondoie une blancheur animale au repos : Et qu'au prlude lent o naissent les pipeaux

    Ce vol de cygnes, non! de naades se sauve Ou plonge...

    Inerte, tout brle dans l'heure fauve

    Sans marquer par quel art ensemble dtalaTrop d'hymen souhait de qui cherche le la :

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    Alors m'veillerai-je la ferveur premire,Droit et seul, sous un flot antique de lumire,

    Lys! et l'un de vous tous pour l'ingnuit.

    Autre que ce doux rien par leur lvre bruit,

    Le baiser, qui tout bas des perfides assure,Mon sein, vierge de preuve, atteste une morsureMystrieuse, due quelque auguste dent ;Mais, bast! arcane tel lut pour confident

    Le jonc vaste et jumeau dont sous l'azur on joue :Qui, dtournant soi le trouble de la joue,

    Rve, dans un solo long, que nous amusionsLa beaut d'alentour par des confusions

    Fausses entre elle-mme et notre chant crdule ;Et de faire aussi haut que l'amour se module

    vanouir du songe ordinaire de dosOu de flanc pur suivis avec mes regards clos,

    Une sonore, vaine et monotone ligne.

    Tche donc, instrument des fuites, maligneSyrinx, de refleurir aux lacs o tu m'attends !

    Moi, de ma rumeur fier, je vais parler longtempsDes desses; et par d'idoltres peintures

    leur ombre enlever encore des ceintures :

    Ainsi, quand des raisins j'ai suc la clart,Pour bannir un regret par ma feinte cart,

    Rieur, j'lve au ciel d't la grappe videEt, soufflant dans ses peaux lumineuses, avideD'ivresse, jusqu'au soir je regarde au travers.

    O nymphes, regonflons des SOUVENIRS divers. Mon oeil, trouant les joncs, dardait chaque encolure

    Immortelle, qui noie en l'onde sa brlure

    Avec un cri de rage au ciel de la fort ; Et le splendide bain de cheveux disparat Dans les clarts et les frissons, pierreries !

    J'accours; quand, mes pieds, s'entrejoignent (meurtries De la langueur gote ce mal d'tre deux)

    Des dormeuses parmi leurs seuls bras hasardeux ; Je les ravis, sans les dsenlacer, et vole ce massif, ha par l'ombrage frivole,

    De roses tarissant tout parfum au soleil,

    O notre bat au jour consum soit pareil.Je t'adore, courroux des vierges, dliceFarouche du sacr fardeau nu qui se glisse

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