102
les études de l’Adami société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes L’artiste- producteur en France en 2008 ÉTUDE RÉALISÉE POUR LE COMPTE DE L’ADAMI PAR AYMERIC PICHEVIN MUSIC AUDIOVISUAL NEW MEDIA

L'artiste producteur en France en 2008

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Etude réalisée pour le compte de l'ADAMI par Aymeric Pichevin - janvier 2009.

Citation preview

Page 1: L'artiste producteur en France en 2008

les étudesdel’Adami

société civile pour l’administration des droits des artisteset musiciens interprètes

L’artiste-producteuren France en 2008

ÉTUDE RÉALISÉE

POUR LE COMPTE DE L’ADAMI PAR

AYMERIC PICHEVIN

MUSIC AUDIOVISUAL NEW MEDIA

Page 2: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin 3

L’artiste-producteuren France en 2008

ÉTUDE RÉALISÉE

POUR LE COMPTE DE L’ADAMI PAR

AYMERIC PICHEVIN

Page 3: L'artiste producteur en France en 2008

Table des matières

ABSTRACT 6

INTRODUCTION 15

1. ÉVOLUTION DU PHÉNOMÈNE 20

UN PHÉNOMÈNE STABLE… EN APPARENCE 20DES CHIFFRES À L’ÉTAL 20Sacem-SDRM : 4 500 demandes d’autorisation en autoproduction par an 20Plus de 4 000 associés de l’Adami en autoproduction sur 3 ans… et 5 000 à venir ! 23«JE N’AI JAMAIS VU AUTANT D’AUTOPRODUCTIONS !» 24

POURQUOI S’AUTOPRODUIRE ? 28MOINS DE CONTRAT D’ARTISTES 28L’AUTOPRODUCTION, UN CALCUL ÉCONOMIQUE ? 32LE GRAAL DEMEURE LA MAISON DE DISQUES ! 34

2. LES PARTENAIRES DES ARTISTES PRODUCTEURS 38

LES PARTENAIRES HISTORIQUES 38UNE DISTRIBUTION INDISPENSABLE 38DES PARTENAIRES PANACHÉS 41ESTIMATION GLOBALE DE L’AUTOPRODUCTION EN FRANCE 42AUTOPRODUCTION, AUTOPROMOTION, AUTODISTRIBUTION 44CONTRAT DE DISTRIBUTION, CONTRAT DE LICENCE 45CONTRAT D’ARTISTE 47COPRODUCTION 48LES DISQUAIRES PARTENAIRES 49L’ÉDITEUR MUSICAL 52LE MANAGER 54DES SERVICES SPÉCIALISÉS 54UNE AUTOPRODUCTION TROP ABONDANTE ? 55

LES PARTENAIRES NUMÉRIQUES 56PROMOTION EN LIGNE 56DES VENTES NUMÉRIQUES NÉGLIGEABLES 58LES DISTRIBUTEURS NUMÉRIQUES 59DE NOUVEAUX INTERMÉDIAIRES 61

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin4

Page 4: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

3. L’ARTISTE ENTREPRENEUR 64

STRUCTURE JURIDIQUE : L’ASSOCIATION REINE 64DES BUDGETS SERRÉS 65DÉFAILLANCE MARKETING 68

FINANCEMENT 70L’EMPRUNT BANCAIRE… UN PARFUM DE NOSTALGIE ? 71LES AVANCES 72

LES AIDES À L’AUTOPRODUCTION 73LES AIDES DE LA PROFESSION 74LES AIDES PUBLIQUES 76

4. LES REVENUS DES ARTISTES PRODUCTEURS 79

VENTES DE DISQUES 79

UNE RENTABILITÉ SUR LA DURÉE 83LA VENTE EN CONCERT 84UN INVESTISSEMENT RAREMENT RENTABLE 85

DROITS D’AUTEURS, DROITS VOISINS 86DES DROITS VOISINS À PARTAGER 88DES MONTANTS MODESTES 89

CONCLUSION 92

GLOSSAIRE 96

REMERCIEMENTS 99

ANNEXE 100

5

Page 5: L'artiste producteur en France en 2008

Abstract

• Définition de l’artiste producteur : Plus que celui qui finance la bande master, ladéfinition de l’artiste producteur serait l'artiste qui possède son master, quelle que soitla manière dont elle a été financée.

• Nous nous intéressons dans cette étude à tous les artistes producteurs, qu’ilsse produisent seulement eux-mêmes ou qu’ils produisent aussi d’autres artistes.Nous avons en revanche restreint notre enquête aux artistes « professionnels » ou ayantl’ambition de le devenir.

• La SDRM permet aux déposants de déclarer leurs œuvres en autoproduction. Le nom-bre de phonogrammes ainsi recensés est resté assez stable depuis 2003, à environ4 500 par an.

• Ce chiffre est loin d’inclure l’ensemble de l’autoproduction, excluant par exemple lesartistes en contrat de licence. Le croisement de ces chiffres avec une enquête menéeauprès d’artistes de la musique membres de l’Adami permet globalement d’estimerà 6 000 le nombre de phonogrammes autoproduits susceptibles de s’insérer dansun projet professionnel en 2007 en France. Ces extrapolations sont à prendre commedes ordres de grandeur plus que comme des valeurs absolues.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin6

ABSTRACT, PARTIE 1 – ÉVOLUTION DU PHÉNOMÈNE

Page 6: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Nombre de phonogrammes1 pressés en autoproductionen France en 2007 par type d’exploitation

ORDRES DE GRANDEURS

• L’autoproduction concerne un très grand nombre d’artistes : 45% des artistes demusique associés de l’Adami2 ont réalisé au moins un enregistrement en auto-production dans les trois dernières années. Ce chiffre devrait aller croissant : 57,4%d’entre eux prévoient de s’autoproduire dans les deux années à venir.

• Les professionnels de la musique constatent eux depuis plusieurs années une fortecroissance de l’autoproduction, ce qui laisse supposer que l’autoproduction de niveauprofessionnel a déjà augmenté sur les dernières années.

• Ces chiffres ne prennent pas en compte l’importance du numérique, qui donne voixà une catégorie d’artistes jusqu’ici moins visible : les amateurs, souvent éclairés.S’assumant comme tels pour la plupart, ces amateurs prennent une place croissantedans l’économie des contenus, mais ne sont pas directement concernés par notreétude.

7

Type d’exploitation

contrat d’artiste

contrat de licence

contrat de distribution

se débrouillent seul

Pas de disque physique(mais approcheprofessionnelle)

TOTAL

Nombre de phonogrammesconcernés

430

969

1 265

3 235

215

6 114

Pourcentage

7%

15,8%

20,7%

52,9%

3,5%

100%

1 Attention : dans cette étude, nous entendons par phonogramme la fixation sur support d’un ensemble detitres enregistrés. Il peut donc s’agir par exemple d’un titre seul ou d’un album.2 Notre étude portant exclusivement sur la musique, le terme « associé » de l’Adami est systématiquemententendu comme « artiste de la musique associé » de l’Adami.

Source : M.A.N Media

Page 7: L'artiste producteur en France en 2008

Illustrations de l’importance du numérique en autoproduction

• Les profils d’artistes concernés par l’autoproduction ne semblent guère avoirévolué depuis dix ans, avec trois piliers de l’autoproduction : les artistes en début decarrière sans producteur ; les artistes de musiques dites de niche, donc peu rentables ;les artistes en haut de l’affiche, pour qui l’autoproduction peut se révéler un calculfinancièrement intéressant.

• Le contexte économique a néanmoins réduit les possibilités de signature auprèsdes principales maisons de disques, ce qui explique le grand nombre d’artistes« professionnels » se produisant eux-mêmes.

• La véritable nouveauté viendrait du fait que des artistes en développementau potentiel commercial déjà affirmé choisissent également l’autoproduction,fait plutôt rare jusqu’ici. On commence à voir ce type de cas, avec Soko ou Peter VonPoehl, voire Zoé Avril.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin8

Nombre d’artistes de musique associésde l'Adami en autoproduction

Nombre d’artistes présentant une œuvreautoproduite sur le service Jamendo

2005-2008

Environ 4 000

Environ 10 000

Source : M.A.N Media

Nombre de demandes en autoproductiondéposées à la SDRM

Nombre de maquettes en autoproductionproposées au distributeur numérique Believe

2007

Environ 4 500

Environ 20 000

Source : M.A.N Media

Pourquoi s’autoproduire ?

Page 8: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

• Pour le moment, le contrat avec une maison de disques reste une denrée trèsrecherchée que peu d’artistes, sauf les plus capés, semblent disposés à refuserpourvu que les conditions soient correctes.

• Dans les motivations des associés de l’Adami3 pour réaliser une autoproduction, lecontrôle de sa production arrive en tête - critère cité comme « important » ou « assezimportant » par 86% des répondants - devant l’impossibilité de trouver une maisonde disques (74,4%) et être indépendant (72,9%). Le désir de gagner plus d’argentrassemble 64% de réponses positives.

***

• L’autoproduction est probablement en train de se professionnaliser, avec des artistesde mieux en mieux entourés qui auraient sans doute été produits par une maison dedisques il y a encore quelques années.

• La fabrication de disque et une distribution professionnelle restent quasimentobligatoires pour exister dans les circuits professionnels aujourd’hui. Sans elles,pas de presse, de tournées, d’aides, de prêts, etc.

• Si la distribution est essentielle, elle est difficile à obtenir. Elle concerne environla moitié des artistes de la musique de l’Adami en autoproduction.

• Les difficultés à trouver des places en distribution risquent de s’accroître : lesdemandes d’autorisation en autoproduction à la SDRM montrent une nette baisse desprojets distribués depuis 2003.

Distribution des œuvres déclarées en autoproduction à la SDRM

9

Phonogrammes faisantl’objet d’une distribution

2007

28,1%

2003

37,7%

Source : M.A.N Media à partir de données Sacem

3 Cf. note 2 p. 7

ABSTRACT, PARTIE 2 – LES PARTENAIRES DES ARTISTES PRODUCTEURS

Page 9: L'artiste producteur en France en 2008

• Au niveau des détaillants également, les places se raréfient. La Fnac poursuit parexemple sa politique envers l’autoproduction, mais encourage les artistes à passerpar le distributeur spécialisé Musicast plutôt que de faire du dépôt-vente en direct.

• Pour la majorité des artistes, l’autoproduction dépasse la seule étape de production.Si l’on se fie aux types de contrats signés avec leur partenaires, 69,5% prennenten charge la fabrication de disques (et donc très probablement les frais SDRMassociés) et 73,5% assument le travail de promotion et de marketing.

• Toutefois, la lecture de ce type de pratiques se brouille : l’importance croissance del’autoproduction entraîne de nouvelles formes de collaboration. Un certain nombred’artistes producteurs signent ainsi des contrats hybrides entre la distribution et lalicence avec un partenaire, label ou distributeur. Desmaisons de disques commePIASproposent des services de promotion / marketing adaptés à l’artiste producteur.

• D’autres partenaires se trouvent de fait impliqués : les éditeurs, notamment. Environ 15%des associés de l’Adami4 ayant eu un projet d’autoproduction dans les trois dernièresannées travaillent ainsi avec un éditeur tiers.Mais de même qu’ils s’autoproduisent,de nombreux artistes s’autoéditent, illustrant une tendance de certains artistesà vouloir contrôler l’ensemble de leurs droits dans un environnement instable.

• En termes purement pratiques, ce sont bien souvent lesmanagers qui gèrent dans lesfaits l’autoproduction de l’artiste. Certaines sociétés fournissent également ce service.

• La disparition du filtre que constitue le producteur et le manque de partenaires profes-sionnels pour un grand nombre d’artistes posent la question d’une autoproduction quan-titativement supérieure aux capacités d’absorption du marché. Les filtres s’adaptentet se déplacent, notamment avec l’expansion du numérique.

• Par la multiplicité des canaux qu’il propose, Internet peut être vu comme une réponseaux problèmes d’accès au marché physique de nombreux artistes. L’existence deservices permettant à des artistes de toucher directement leur public a facilitécertaines pratiques, mais n'a semble-t-il pas encore vraiment chamboulé le pay-sage professionnel de la musique.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin10

Pourquoi s’autoproduire ?

4 Cf. note 2 p. 7

Page 10: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

• Seuls 4,4% des associés de l’Adami5 en autoproduction se passent de fabricationphysique.

• Les ventes en ligne représentent en effet des revenus anecdotiques pourl’immense majorité des artistes autoproduits,même si quelques succès en montrentle potentiel.

• De nouveaux intermédiaires vivent du numérique, tels les distributeurs dédiés,qui ont tendance à diversifier leurs opérations pour peu à peu devenir des labelsnumériques. Le web collaboratif est en train de montrer son potentiel, mais il fautl’envisager avec mesure.

• Le numérique prenant de l’ampleur, et surtout les difficultés de la distribution physiquese faisant croissantes, l’ensemble des acteurs professionnels sont en train de sepositionner sur le numérique : on peut donc envisager des évolutions significativesdans un futur proche.

• L’analyse des structures juridiques portant les projets en autoproduction montreune envergure globalement limitée : 31,3% des projets des associés de l’Adami6,pourtant professionnels de la musique, sont montés en dehors de toute structure.L’association se taille la part du lion, avec 49,8% des autoproductions. Les sociétés,porteuses a priori de projets de plus grande envergure, ne sont utilisées que dans 14,3%des cas.

• Le montant moyen des budgets en autoproduction s’élève à 17 400 € au total. Pourles artistes aidés par l’Adami, le budget est d’environ 34 200 €.

• Les budgets d’autoproduction auxquels nous avons pu avoir accès montraient le plussouvent un déséquilibre structurel pénalisant la diffusion de l’œuvre. Ainsi, pour lesartistes en contrat de distribution, la part du budget consacrée à la promotionn’était que de 13,5% en moyenne, s’élevant le plus souvent à quelques milliersd’euros. Cette somme est insuffisante pour une campagne de promotion d’envergure.

11

5 Cf. note 2 p. 76 Cf. note 2 p. 7

ABSTRACT, PARTIE 3 – L’ARTISTE ENTREPRENEUR

Page 11: L'artiste producteur en France en 2008

• Un certain nombre de budgets incluent le paiement des musiciens, mais ils ne sontpas majoritaires. Les musiciens, quand ils ne réalisent pas l’enregistrement à titregracieux, sont souvent « rémunérés » via des royalties ou des paiements rétroactifs.Les aides provenant de la profession ou de la sphère publique imposant le respect dela loi, les projets aidés incluent le paiement des séances d’enregistrement des musicienscomme de l’artiste interprète.

• 87% des associés de l’Adami concernés ont financé leur autoproduction au moinsen partie sur fonds propres. Les aides et l’échange de services sont ensuite les deuxmodes de financement les plus représentés : ils ont concerné chacun un peu plus de20% des projets.

• Parmi les aides délivrées par la profession, celles de la Sacem et de l’Adami se portenten nombre sur les artistes autoproduits. Les aides à l’autoproduction de la Sacem, quiconcerne 30 à 50 dossiers par an, se montent à 3 000 €max. Les aides de l’Adami ontconcerné 70 artistes en 2007, pour un montant moyen que l’on peut estimer à environ5 600 €.

• Les avances de la part des maisons de disques se font plus rares et souvent moinsélevées qu’il y a quelques années ; elles interviennent souvent après l’enregistrementde l’album, obligeant donc l’artiste producteur à trouver d’autres sources de finance-ment.

• Les conditions proposées en contrat de licence ont tendance à se durcir ; un certainnombre d’artistes trouvent finalement plus d’intérêt à signer un contrat de distri-bution, qui serait financièrement plus intéressant pour des artistes vendant quelquesdizaines de milliers d’exemplaires de chaque album.

• Les ventes en concert, tolérées jusqu’à un certain niveau par les distributeurs,permettent de générer des revenus significatifs pour les artistes en distribution,en raison de marges très confortables.

• Les ventes moyennes des disques autoproduits sont de plus de 12 000 exem-plaires. Ce chiffre cache une très grande disparité selon les artistes, la moyenne étanttirée par quelques très grosses ventes.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin12

ABSTRACT, PARTIE 4 – LES REVENUS DES ARTISTES PRODUCTEURS

Page 12: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Nombre d’exemplaires vendus (sous forme de CD) par les associés de l’Adami7

ayant effectué une autoproduction au cours des trois dernières années

• Le croisement des diverses données recueillies, s’il ne permet pas de produire dechiffre fiable, permet de constater l’importance très significative des ventes envolume de disques d’artistes producteurs sur le marché global.

• Environ un tiers (34,7%) des autoproductions sont rentabilisées.Mais bien souvent,ce n’est pas le but : l’autoproduction sert de carte de visite pour ce qui fait vivrel’artiste (scène, illustration sonore, etc.)

• Les artistes producteurs sont bien plus nombreux à percevoir des droits d’auteursque des droits voisins, qui ne génèrent que peu de revenus dans la majorité des cas.Ils peuvent néanmoins constituer le bénéfice d’un projet de production d’un artiste.

• En outre, les producteurs doivent souvent partager les droits voisins avec leur licenciéou leur distributeur, généralement à hauteur de 50%.

• Seuls 21,5% sont membres d’une société civile de producteur.

13

0

De 1 à 499

De 500 à 999

De 1 000 à 4 999

De 5 000 à 9 999

De 10 000 à 49 999

De 50 000 à 99 999

Plus de 100 000

3,5%

18,1%

19,2%

38,5%

11,9%

6,9%

0,8%

1,2%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

7 Cf. note 2 p. 7

Page 13: L'artiste producteur en France en 2008

• La masse des artistes concernés par l’autoproduction telle que nous l’avons définie n’apas nécessairement augmenté ces dernières années, mais est probablement appeléeà le faire à court terme. Elle est en revanche déjà en pleine évolution qualitative, avecun professionnalisme moyen en hausse.

• La majorité des projets en autoproduction semble fonctionner avec des budgetsdéséquilibrés, très axés sur la production, au détriment de l’effort de promotion et demarketing nécessaire pour accéder au public. En outre, l’accès à la distributionprofessionnelle physique se restreint. Or, cette distribution reste nécessaire pourvendre sa musique, mais aussi tout simplement pour exister auprès des médias ou desorganisateurs de concert.

• Ces deux barrières à l’accès au marché expliquent sans doute pourquoi, aujourd’huicomme hier, l’attrait des maisons de disques n’a pas faibli.

• Les outils Internet sont d’ores et déjà largement plébiscités par les artistes producteursen termes de communication. Ils sont en revanche pour l’instant anecdotiques pourla très grande majorité des artistes producteurs en termes de revenus.

• Avec le déclin de la distribution physique à grande échelle, on peut imaginer queles pratiques des artistes producteurs vont se modifier profondément. On devrait voirapparaître ou se renforcer de nouveaux partenaires, issus du monde numérique maiségalement de la filière traditionnelle (manager, éditeur, etc.)

• Aujourd’hui, les deux tiers environ des projets d’autoproduction menés par desprofessionnels de la musique ne sont pas rentables, mais ils constituent le cœurd’un métier qui cherche ses revenus ailleurs (scène, réalisation sonore, etc.) Demain,l’enregistrement restera au centre des carrières musicales et les artistes seront peut-êtreplus libres d’en contrôler la commercialisation à travers des partenaires variés.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin14

ABSTRACT, CONCLUSION

Page 14: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Introduction

L’autoproduction est un phénomène bien connu de l’industrie de la musique, en particulierdepuis l’adoption à grande échelle des technologies numériques amorcée il y a plus de20 ans. De nombreux outils et services pour l’enregistrement, puis la diffusion de musique,ont vu le jour et sont rapidement devenus accessibles au plus grand nombre. On évoquefacilement une explosion de l’autoproduction liée à ces évolutions technologiqueset l’auteur de cette étude a même eu l’heur de coécrire un guide sur l’autoproductionà la fin des années 90. Pourtant, il est aujourd’hui encore difficile de saisir, ou au moinsde décrire l’ampleur de ce phénomène et ses mécanismes.

L’actualité récente du disque rend plus que jamais nécessaire une meilleure compré-hension de l’autoproduction telle qu’elle se pratique sur le terrain. Avec un marchédu disque quasiment divisé par deux depuis 2002 et la remise en cause des modèleséconomiques traditionnels de la filière musicale, les débouchés offerts par les labelsse font plus rares. Les artistes décidant de se produire eux-mêmes en sont-ils mécani-quement plus nombreux ?

C’est à cette question, parmi beaucoup d’autres, que cette étude cherchera à répondre.Nous nous attacherons globalement à déterminer comment les artistes producteursorganisent leur projet phonographique, dans quelle mesure la production d’un enregis-trement sert un projet global, comment les artistes s’entourent pour le réaliser, quelles sontleurs sources de financement et quels revenus ils tirent de leur production.

Préalablement à ces questions complexes se pose une interrogation tout aussi délicate :qu’est-ce que l’autoproduction ?

Le terme recouvre en effet bien des réalités : « star » en contrat de licence8 avec une major,artiste en tout début de carrière gérant son autoproduction de A à Z, patron de labelproduisant ses œuvres et celle d’autrui… la liste est longue ! Certains crieront au loupdevant cette largeur de champ, l’autoproduction étant un terme souvent connoté idéo-logiquement, revendication d’un ‘Do It Yourself’ intégral, d’une indépendance affirméepour les uns, ou d’un total dénuement pour d’autres.

Cette étude s’intéresse aux artistes qui produisent leur phonogramme, quelle que soitleur situation, leurs motivations et quel que soit le genre musical. Elle n’entend doncpas donner une définition de l’autoproduction, mais bien étudier un phénomène plusgénéral : celui de l’artiste-producteur.

15

8 Voir glossaire.

Page 15: L'artiste producteur en France en 2008

Il nous faut malgré tout définir aussi précisément que possible les limites de notre champde recherche. Nous l’avons retenu aussi large que possible.

On définit couramment le producteur comme la personne physique ou morale qui financel’enregistrement de la bande master9. L’artiste producteur serait donc celui qui financeson propre enregistrement. Il nous semble que le critère le plus pertinent porte sur le faitde posséder la bande master, quelle que soit la manière dont elle a été financée.Cela permet par exemple d'inclure sans ambigüité les avances des maisons de disques,courantes pour les artistes de forte notoriété, le financement par souscription, voire lesnouveaux modes de coproduction en ligne – pour ceux qui laisse la propriété du masterà l’artiste.

L’artiste producteur est donc celui qui possède le master de son enregistrement.Le débat porte alors sur les modalités qui lui permettent de le détenir. L’artiste peut leposséder en propre ou via une personne morale, association ou société par exemple.Notre propos n’étant pas de débattre sur la nature de l’autoproduction, notre champ derecherche inclura les artistes qui ne sont que partiellement propriétaires de leur bandemaster, en tant que coactionnaire d’une société par exemple.

Les degrés d’implication de l’artiste dans la production de ses propres œuvresregroupent des réalités très différentes, beaucoup d’artistes allant au-delà de la seuleproduction en prenant en charge la promotion, le marketing ou la distribution de leurphonogramme10. Certains délèguent tout ou partie de ces activités à des partenaires,d’autres s‘en occupent de leur mieux par eux-mêmes.Ces artistes producteurs exercent des métiers finalement très disparates, nous considé-rons qu’ils rentrent tous dans le champ de notre enquête.

Nous avons en revanche restreint la recherche aux artistes professionnels ou visantune professionnalisation, c’est-à-dire cherchant à vivre de leur musique, même si cettedéfinition est relativement vague. Nous avons également exclu les productions à butexclusivement promotionnel.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin16

L’ARTISTE-PRODUCTEUR, UN PROFIL MOUVANT

9 Voir glossaire.10 Rappelons que nous entendons ici par phonogramme la fixation sur support d’un ensemble de titresenregistrés. Il peut donc s’agir par exemple d’un titre seul ou d’un album.

Page 16: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Pour résumer, notre étude s’intéresse à des profils d’artistes producteurs extrêmementvariés, de par leur implication entrepreneuriale, leur genre musical, l’importance de leurmarché potentiel ou le stade de leur carrière. La définition de notre champ de recherchen’est pas parfaite et a évidemment ses failles, à notre sens inévitables étant donné ladiversité des formes d’autoproduction que l’on trouve sur le terrain.

Notre travail repose sur une double approche :

Approche qualitative, avec plus de trente interviews de professionnels de la musique :artistes, managers, éditeurs, maisons de disques, distributeurs, détaillants physiques etnumériques, représentants de sociétés collectives ou d’organismes de financement11.

Approche statistique : une des forces de cette étude est peut-être d’avoir pu obtenirun certain nombre de chiffres d’organismes concernés de près ou de loin parl’autoproduction. Nous tenons à remercier chaleureusement l’Adami, la Fnac, la Sacem,la SCPP, la SPPF et la Bibliothèque nationale de France pour le temps qu’ils ont bien voulunous consacrer.

Lorsque c’était possible, nous avons analysé l’évolution des chiffres sur la période2003-2007, soit les cinq années qui ont suivi le pic du marché du disque en 2002,à la suite duquel le marché français s’est enfoncé dans une décroissance régulière.On essaiera ainsi d’analyser l’impact de cette crise du disque sur l’autoproduction.

Nous avons notamment effectué une analyse détaillée de dossiers d’artistes ayant reçudes aides de l’Adami en 2007, sur la base d’une présélection d’artistes autoproduitseffectuée par l’action artistique de l’Adami12.

17

MÉTHODOLOGIE

11 Voir la liste en annexe.12 Les dossiers étaient issus des deux commissions d’attribution d’aides de l’Adami : la commission Variétéset la commission Chefs d’orchestre et solistes, qui traite du classique et du jazz. Nous avons restreint notreanalyse aux dossiers « soldés », portant sur des productions exécutées à la date de notre enquête. Cela nousa permis d’étudier les budgets réels et non prévisionnels.

Page 17: L'artiste producteur en France en 2008

Nous avons enfin collaboré avec le Cnam (Conservatoire national des Arts et Métiers)et Telecom Paris Tech, qui ont conjointement réalisé une enquête par questionnaireauprès de plus de 4 000 artistes de la musique associés de l’Adami. Nous avonsinséré un ensemble de questions spécifiques à l’artiste producteur dans cette enquête,dont la cible entrait en parfait adéquation avec le cadre de notre travail. Les critèresd’admission à l’Adami délimitent en effet une population d’artistes se plaçant dans unelogique professionnelle. L’analyse des réponses apporte donc un éclairage précieuxsur la situation réelle des artistes producteurs en 200813. Nous remercions vivement leCnam et Telecom Paris Tech pour leur précieux concours.

***

L’autoproduction est un phénomène difficile à cerner, tant les barrières à l’entrée sontfaibles et tant sont nombreuses les productions qui passent sous les différents radarsde la filière phonographique.

Nous n’avons pas la prétention d’en donner une photographie exacte, mais nous avonspu mettre des chiffres sur un certain nombre de points clé et ainsi donner quelques pistessur l’ampleur du phénomène, ce qui nous semble constituer une première. Plus quedes valeurs absolues, ces chiffres sont à prendre comme des indicateurs qui viennentnourrir une analyse globale.

L’étude présente se concentre sur la réalité des artistes producteurs en 2008, qui passeencore, on le verra, essentiellement par la production de disque physique.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin18

13 Pour des raisons de délai, nous n’avons eu accès qu’aux résultats préliminaires de l’enquête, dont n’ontpas été exclues les réponses incohérentes. Les pourcentages que nous indiquons pourront donc être affinés,mais les grandes tendances énoncées demeurent valides. Par ailleurs, il ne nous a pas été possibled’obtenir des statistiques croisées pour les mêmes raisons d’agenda. Certaines d’entre elles pourront êtreutilisées dans le deuxième volet de notre travail sur l’autoproduction.

Page 18: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

SYRANO, l’autoproduction bénéficiaire

Premier disque autoproduit vendu à 10 000 exemplaires en distribution14 chezL’Autre Distribution.

Structure juridique - association

Genre - « Syrano, c’est Jacques Brel qui fait du rap » - J.L. Foulquier

Budget - de l’ordre de 8 000 €

Financement - Par les prix en numéraires ou en heures de studio gagnés dans denombreux tremplins.

Ventes - 10 000 albums vendus, dont la moitié en concert.

Bénéfices - 14 000 € de bénéfice sur la vente des albums. 12 000 € de droits d’au-teur, dont Syrano dit reverser une partie à ses musiciens : « Je leur cède des droitsde composition à la Sacem pour leur montrer que leur implication n’est pas vaine. »

Pourquoi l’autoproduction ?« Je n’ai jamais vraiment cherché de label, ça s’est fait par la force des choses.Je faisais beaucoup de concerts et j’avais besoin d’une carte de visite, de laisser unetrace pour les programmateurs, les tourneurs, pour trouver un manager. J’ai fait lesdécouvertes du printemps de Bourges puis les Francofolies, gagné 6 ou 7 tremplins,ce qui m’a permis de financer le 1er album, avec des bouts de ficelle. »

Envisagez-vous de vous faire produire ?« L’autoproduction, c’est une masse de travail très importante, donc si ça peut êtrefait par quelqu’un d’autre, tant mieux ! Après si ça me retire de l’autonomie, que jene peux plus faire ma pochette ou mettre les chansons que je veux sur le disque,je préfère continuer à le faire tout seul. On est dans une démarche créative et artis-tique avant d’être dans le commercial. »

Et ensuite ?Deuxième autoproduction prévue, avec financement par souscription.

19

14 Voir glossaire.

Page 19: L'artiste producteur en France en 2008

1. Évolution du phénomène

Cette première partie de l’étude a pour but d’appréhender l’ampleur du phénomèned’autoproduction en France et son évolution dans les cinq dernières années, aussi bienen termes quantitatifs que qualitatifs.

Il n’existe pas de source permettant de déterminer de manière fiable le nombre d’artistesproducteurs en France. Nous avons cherché à en obtenir un ordre de grandeur enrecoupant des statistiques obtenues auprès de plusieurs structures, points de passageincontournables pour une majorité d’artistes producteurs. Les approches choisies nepeuvent rendre compte de l’ensemble de la réalité ; elles permettent d’en avoir une idéeun peu plus concrète.

Sacem-SDRM : 4 500 demandes d’autorisation en autoproduction par an

La SDRM est un point de passage obligé de la musique enregistrée : un producteur doitdemander son autorisation avant de presser un phonogramme physique, afin d’obtenirle droit d’exploiter le catalogue concerné. Le disque physique restant encore presqueindispensable à toute démarche d’autoproduction professionnelle – ce dont nousdiscuterons plus loin - la mesure des dépôts SDRM est un outil pertinent, pourvu que l’onparvienne à isoler les demandes relevant strictement de l’autoproduction.

La SDRM propose trois types de contrat pour délivrer cette autorisation. En schématisant,les deux premiers concernent les majors et les labels indépendants ayant une activitésignificative, avec lesquels la SDRM a des échanges réguliers. Le troisième, appelé« œuvre par œuvre » (OPO), régit les relations entre la SDRM et des structures déposantoccasionnellement des demandes d’autorisation ; il inclut également certaines demandesspéciales des maisons de disques.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin20

UN PHÉNOMÈNE STABLE… EN APPARENCE

Des chiffres à l‘étal

Page 20: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

On peut donc légitimement penser que la majorité des artistes producteurs demandantune autorisation à la SDRM utilise ce type de contrat, à l’exception de ceux qui sonten contrat de licence15. Dans ce contrat, la SDRM a prévu une case « Autoproduction »que le déposant peut cocher, à des fins de traitement plus rapide.

Le nombre total de demandes en OPO est resté relativement stable entre 2003 et 2007,à environ 23 000 par an. La possibilité d’effectuer cette demande par Internet est offertedepuis 2002.

À notre demande, le Drim (Département du Droit de Reproduction, Internet, Medias)a aimablement compté le nombre de demandes déposées par Internet en « OPO »comportant la case « Autoproduction » cochée en 2003 et en 2007.

En 2007, le nombre de demandes en ligne était 18 184, dont 3 652 - soit 20% - avaientla case « Autoproduction » cochée. Le calcul d’extrapolation porte le nombre de disquesautoproduits déposés en 2007, en ligne et hors ligne, à environ 4 50016.

En 2003, le nombre de demandes en ligne était de 5 859, dont 1 099 avec la case« Autoproduction », soit un pourcentage de 18,8%.

On constate donc un pourcentage d’œuvres déclarées en autoproduction très procheentre 2003 et 2007. Le nombre total de dépôt en œuvre par œuvre ayant lui-même peuévolué, on peut estimer – en tenant compte de la marge d’erreur inhérente à ce typede calcul - que le nombre d’œuvres autoproduites déposées en œuvre par œuvreà la SDRM est resté relativement stable à environ 4 500 œuvres par an.

Nombre approximatif de demandes en OPO « Autoproduction »déposées à la SDRM

21

15 Les demandes d’autorisation étant normalement déposées par l’éditeur phonographique.16 Selon la SDRM, la nature des demandes en ligne et celle effectué sous forme papier ne diffère pas, on peutdonc extrapoler les résultats obtenus pour Internet au total de demandes d’autorisation, déduction faite d’unmillier de dépôts correspondant à des projets spéciaux hors champ selon la SDRM. Le calcul d’extrapolationest donc le suivant : (23000-1000)*20% = 4500.

2003

2007

4 500

4 500

Source : M.A.N Media, à partir de données fournies par la Sacem

Page 21: L'artiste producteur en France en 2008

Ce chiffre appelle toutefois plusieurs commentaires :

• Le critère de définition d’une autoproduction n’est pas défini par la SDRM ; le résultatdonné dépend donc de l’appréciation du déposant.

• Les autorisations délivrées pour des artistes autoproduits en contrat de licence –voire de distribution – ne sont a priori pas incluses dans ces chiffres, la maisonde disques se chargeant le plus souvent du dépôt SDRM en dehors du cadre « œuvrepar œuvre ».

• Les œuvres d’artistes gravant « manuellement » leurs CDs ne sont évidemment pasnon plus comptabilisées. Notre étude s’intéressant avant tout à l’autoproductionprofessionnelle ou « professionnalisante », on peut considérer que la fabrication manuellede CD est hors champ.

• Ces chiffres n’incluent pas les œuvres publiées exclusivement en numérique - sans doncde fabrication physique - qui ne sont pas comptabilisées dans les dépôts SDRM.

Le chiffre de 4 500 autoproductions par an est donc probablement sous-estimé –nous l’affinerons d’ailleurs plus loin - mais il donne un premier ordre de grandeur pour desprojets pouvant s’insérer dans une logique professionnelle.

Il est intéressant de constater que ce nombre a peu évolué entre 2003 et 2007,ce qui peut paraître surprenant au vu de la dégradation du marché du disque et de lamultiplication des outils Internet mis à disposition des artistes durant cette période.

On peut déjà supposer que l’autoproduction à vocation professionnelle, si elle aprobablement évolué dans sa structure, n’a pas fondamentalement changé en termesde nombre d’artistes concernés.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin22

Page 22: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Plus de 4 000 associés de l’Adami en autoproduction sur 3 ans… et 5 000 à venir !

Les dépôts à la SDRM permettent d’avoir une première approche du nombre d’œuvresdéposées en autoproduction par an. L’enquête menée auprès des associés de l’Adamidonne des indications sur la proportion d’artistes concernés.

Artistes de la musique associés de l’Adami ayant recours à l’autoproduction

Notons que, comme pour le formulaire SDRM, le questionnaire d’enquête ne donnait pasde définition précise de l’autoproduction.

Ainsi, près de la moitié des artistes de la musique associés de l’Adami ont eu recoursà l’autoproduction au cours des trois dernières années et plus encore ont un projeten ce sens dans les deux ans à venir. Même si du projet à la réalisation, il y a un pas,la différence laisse augurer d’une hausse du phénomène dans les années à venir.

Ces résultats montrent à quel point l’autoproduction a une importance cruciale dansla filière musicale à un niveau professionnel.

23

Autoproduction au coursdes trois dernières années

Projet d’autoproduction dansles deux années à venir

Extrapolation à lapopulation d’artistes

de la musique associésde l’Adami17

4 050

5166

En Pourcentage

45%

57,4%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

17 9 000 associés artistes de la musique qualifiés pour cette enquête.

Page 23: L'artiste producteur en France en 2008

***

Recouper les données obtenues via la SDRM et l’Adami est un exercice délicat, puisqueles déposants SDRM non membres de l’Adami sont probablement nombreux. Retironspour l’instant de ces deux statistiques que la pratique de produire son disque estextrêmement courante pour un artiste et qu’elle va probablement s’intensifier dansles années à venir.

Ces statistiques forment toutefois un compte-rendu tout à fait imparfait du phénomènedes artistes producteurs, qui regroupent des cas disparates. L’enquête de terrain permetd’affiner l’analyse.

Si les chiffres que nous venons de voir annonce une hausse de l’autoproduction,nombreux sont les professionnels de la musique à l’avoir déjà perçue dans leur activité,notamment dans le domaine de la distribution.

« Je n’ai jamais vu autant d’autoproductions » confie Guy Messina, alors directeurdu disque et de la vidéo de la Fnac. « C’est en phase avec le marché et avec les outilsqui facilitent la mise à disposition. »

Côté distributeur, les échos sont plus partagés. Annie Benoid directrice du distributeurindépendant L’Autre Distribution, partage le sentiment de Guy Messina : « Le nombred’autoproductions est évidemment en hausse ! Il y a deux ans, je recevais dix albums parsemaine, maintenant c’est cent par jour, dont les trois-quarts sont autoproduits ! »

Ce n’est pas la perception de Julien Kertudo, DG du distributeur spécialisé sur l’auto-production Musicast, qui ne constate pas d’évolution en nombre significative. Soulignonsles approches très différentes de L’Autre Distribution et de Musicast. Le premier travailleavec un nombre réduit d’artistes pour un accompagnement plus en profondeur, tandis queMusicast travaille sur un nombre de références significativement plus élevé porté par desartistes sans doute moins avancés dans leur développement.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin24

« Je n’ai jamais vu autant d’autoproductions ! »

Page 24: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Peut-être donc la demande s’est elle récemment renforcée sur les canaux de distributionles plus sophistiqués : l’autoproduction serait en train d’évoluer vers une plus forteprofessionnalisation. C’est en tous cas l’analyse de Lilian Goldstein, responsable desmusiques actuelles de l’action culturelle de la Sacem, qui propose des aides à l’auto-production : « On constate une professionnalisation de plus en plus élevée à tous pointsde vue, y compris artistique. »

Les sociétés civiles de producteurs SCPP et SPPF ont ainsi vu s’élever le nombred'adhésions d’artistes autoproduits ces dernières années. « Cela a beaucoupaugmenté » explique Jacques Chesnais, directeur administratif et financier de la SCPP,« à la suite de ruptures de contrat ou de difficultés à trouver un producteur. »

Tout en haut de l’échelle, du côté des stars, la vague autoproduction n’a peut-être pasencore frappé : de l’avis de nombreux acteurs interrogés, il n’y a pas significativementplus de démarches entrepreneuriales de leur part aujourd’hui. Odile Renaud, directrice del’action artistique de l’Adami estime que « le nombre et le type de projets accompagnéssont assez stables depuis 2 ou 3 ans : il n’y a pas plus de « gros » artistes qui viennentdemander des aides. »

L’examen du Top 10 albums de ces dernières années montre une forte majorité d’artistesen contrat de production avec leur maison de disques pour les artistes signés en France.En 2007, un seul artiste était en contrat de licence parmi les sept artistes concernés(Top 10 hors artistes étrangers et compilations), pour quatre sur neuf en 2006, et un sursix en 2005. Difficile donc de tirer des conclusions.

Nombre d’artistes-producteurs signés en France dans le top 10 albums

25

2005

1

2007

1

2006

4

Source : M.A.N Media

Page 25: L'artiste producteur en France en 2008

La description que nous venons de faire d’un phénomène d’autoproduction en mutationplus qu’en croissance peut paraître surprenante au vu de la multiplication récente desoutils Internet permettant à chacun de publier ses œuvres sans intermédiaire. Portépar Myspace depuis 2003, ce phénomène permet à de nouveaux profils d’artistes dediffuser leur musique.

Myspace a connu le succès fulgurant que l’on sait auprès des musiciens, au point dedevenir la carte de visite d’un très grand nombre d’entre eux. Le service a offert lapossibilité à tout un chacun de mettre sa musique à disposition du monde de manièretrès simple dans un environnement centralisé. Il est loin d’être le seul à dispositiondes musiciens sur la toile.

Jamendo, qui diffuse depuis 2005 les oeuvres d’artistes exclusivement sous licencelibre18, proposait 13 271 albums en octobre 2008, pour 10,000 artistes, tous autoproduitsselon le directeur de Jamendo Laurent Kratz, qui précise : « Un certain nombre utilisentJamendo pour se faire connaître et lancer leur carrière, mais la grande majorité font çapour le fun : ils ont un métier qu’ils n’entendent pas quitter. »

De son côté, Denis Ladegaillerie, président du distributeur numérique français Believe,déclare recevoir 20 000 maquettes par an – toutes des autoproductions - un chiffreen constante augmentation. Là encore, une grande majorité des artistes concernés ontune activité professionnelle hors musique, confirme D. Ladegaillerie.

De l’importance du numérique en autoproduction

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin26

Les artistes numériques

Nombre d’associés Adami19 en autoproduction

Nombre d’artistes présentant une œuvreautoproduite sur le service Jamendo

2005-2008

Environ 4 000

Environ 10 000

Source : M.A.N Media

18 Licence par laquelle l'auteur cède tout ou partie des droits cessibles que lui confère le droit d'auteur.19 Cf. note 2 p. 7

Page 26: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

La comparaison de ces chiffres, tirés de deux services musicaux parmi une offre plétho-rique sur Internet, le montre : il est plus que probable que les œuvres autoproduitesà disposition du public via Internet soient en nombre considérablement supérieurà ce que les filtres traditionnels de la filière musicale nous permettent de constater.L’autoproduction au sens large serait donc un phénomène en forte croissance d’unpoint de vue purement statistique.

Ces chiffres permettent de souligner l’émergence massive d’une catégorie d’artistesautoproduits : les amateurs, voire une nouvelle forme de semi-professionnels. Ceux-cireprésentent un poids économique croissant, qui sera analysé dans le volet à venir denotre étude, dédié au numérique.

***

Ces premiers éléments d’analyse nous ont fourni de premières indications quant à uneévolution des pratiques liées d’autoproduction, avec un professionnalisme plus marquéet une concurrence accrue pour accéder aux portes d’entrée de la filière que sont lesdistributeurs ou les détaillants. Nous allons dans ce qui suit nous intéresser aux motiva-tions des artistes menant à bien un projet d’autoproduction et voir comment ce projets’insère dans un plan de carrière global.

27

Nombre de demandes en autoproductiondéposées à la SDRM

Nombre de maquettes en autoproductionproposées au distributeur numérique Believe

2007

Environ 4 500

Environ 20 000

Source : M.A.N Media

Page 27: L'artiste producteur en France en 2008

En quoi un artiste a-t-il intérêt à produire l’enregistrement de ses œuvres en 2008 ?Les motivations n’ont pas forcément fondamentalement évolué depuis 1996, date où nouscoécrivions la première version du guide « Autoproduire son Disque », mais elles sontexacerbées par le rétrécissement du marché du disque.

La violence de la crise du disque a obligé les maisons de disques à adapter leurstratégie et leurs investissements. Globalement, on constate une baisse significativedu dépôt légal à la Bibliothèque Nationale de France (BNF), où il est obligatoire dedéposer un exemplaire de tout phonogramme physique fabriqué.

Le nombre de dépôts est passé de 15 709 en 2003 à 9 885 en 2007, à assiettecomparable selon Pierre Pichon, responsable du dépôt légal des documents sonoresde la BnF. Ce dernier attribue 90% de la baisse aux principales maisons de disques,l’obligation de dépôt étant mieux respectée par ces dernières que par les artistesautoproduits.

Le constat se retrouve au niveau de la politique de signatures des majors : d’après le Snep,le nombre de nouvelles signatures de contrat d’artistes en major est passé de 171 en 2002à 99 en 2007. Le différentiel entre le nombre de contrats signés et le nombre de contratsrendus, encore largement positif aujourd’hui, pourrait s’inverser prochainement seloncertaines sources. Nous ne disposons pas de statistiques de ce type concernant leslabels indépendants.

Les majors sont très loin de représenter l’ensemble du marché en terme de volumede signatures et de gros labels indépendants comme Wagram ou Naïve revendiquentune politique de signature active. Pourtant, la tendance illustrée est largement ressentiesur le terrain : « Il y a de moins en moins de labels et de signatures, donc de fait, de plusen plus d'artistes en viennent à l'autoproduction » résume Luc Natali, co-fondateur de lasociété Open Bar et manager de la Rue Ketanou, Karpatt, Syrano ou P18.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin28

POURQUOI S’AUTOPRODUIRE ?

Moins de contrat d’artistes20

20 Voir glossaire.

Page 28: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Quelques indices d’évolution du catalogue en maison de disques

Nous avons également cherché à savoir si la baisse probable du nombre de contratsd’artistes pouvait avoir engendré un report vers des contrats de licence, les labelsprivilégiant des dépenses réduites à un investissement à plus long terme. « Dans lecontexte actuel, les producteurs ont intérêt à être propriétaires du master sur le longterme » résume Jérôme Roger, directeur général de la SPPF. « À court terme, ils peuventtrouver un intérêt en signant en licence ».

Nous avons interrogé un certain nombre de maisons de disques sur le sujet et il sembledifficile de dégager un consensus. Avec l’incertitude qui pèse sur les modes futurs decommercialisation de la musique, certains parient sur la valeur de l’actif, d’autres sur lavaleur du service. Et chacun fait surtout en fonction de ses moyens. La crise du disquen’a donc pas forcément un impact d’ensemble sur la stratégie des maisons de disques,qui continuent à proposer contrats de licence ou contrats d’artistes au cas par cas.

Globalement, le marché offre moins de débouchés qu’auparavant. Le filtre que constituentles maisons de disques, déjà sélectif en période de croissance, devient drastique,et ne laisse d’autre choix à de nombreux artistes que de se produire eux-mêmes.

29

21 Source Snep.22 Source BNF (Bibliothèque Nationale de France).

Nombre de signatures en contratd’artistes en major21

Nombre de dépôtsde phonogrammes à la BNF22

2007

99

9 885

2003

132 (171 en 2002)

15 709

Page 29: L'artiste producteur en France en 2008

Exister

En début de carrière en particulier, les jeunes artistes s’autoproduisent très souvent pourpouvoir exister en l’absence de contrat proposé par un producteur. « L’autoproductionest avant tout un moyen de se faire connaître pour pouvoir faire des concerts » souligneDavid Godevais, producteur et président du Calif23. Une assertion confirmée parun membre du réseau Zone Franche, représentant des artistes de musiques du monde :« L’enregistrement reste LE vecteur d'un projet artistique, quitte à ce que nous l'accom-pagnions pour le faire. »

Les coûts d’enregistrement et de fabrication étant aujourd’hui abordables, cette catégo-rie concerne un grand nombre d’artistes. Le phénomène n’est pas nouveau : les artistesfrappant à la porte de maisons de disques ont toujours été bien plus nombreux queles capacités d’absorption du marché.

La crise du disque a en revanche crûment mis en lumière une autre catégorie d’artistesautoproduits : ceux à qui on a rendu leur contrat.

Licence contre licenciement

Un certain nombre d’artistes ayant connu le succès, mais désormais considérés commeinsuffisamment rentables par leur producteur n’ont eu d’autre choix que de se produireeux-mêmes. Les exemples sont très nombreux ; on se souvient d’Alain Chamfort, remerciépar son label, dont le clip Les Beaux Yeux de Laure incluait une demande ironique demaison de disques en 2004.

Mano Solo, qui, après des années en contrat d’artiste chez Warner, a tenté l’autopro-duction de A à Z en 2007 avant de signer en licence chez Wagram, a tiré des conclusionsde ses diverses expériences.Pour lui, « les maisons de disques ne signent des contrats d’artiste que pour des talentsen développement dont le potentiel est inconnu, donc pour lequel il peuvent potentielle-ment toucher le jackpot. Une valeur sûre à quelques dizaines de milliers d’exemplaires,cela ne les intéresse pas, sauf en licence. »

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin30

23 Club Action des Labels Indépendants, dont le but est de favoriser la création de points de vente de disquessur le territoire français.

Page 30: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Les marchés autoporteurs

Dans un certain nombre de genres musicaux, l’autoproduction est extrêmement répan-due, soit parce que le marché est de taille réduite, soit parce que le genre lui-mêmedécoule quasiment de la production directe par l’artiste.

Les musiques dont l’enregistrement repose massivement sur l’utilisation de machinessemblent ainsi plus propices que les musiques reposant essentiellement sur l’enregis-trement plus onéreux de voix ou d’instruments analogiques. Les artistes de musiquesélectroniques fonctionnent traditionnellement en autoproduction, à l’instar de MartinSolveig, David Guetta, Laurent Wolf, Kid Loco ou d’autres, même si certaines pratiquesde signature de contrat d’artistes – avec rachat de la bande master – ont pu nous êtrerapportées.

Mais les techniques d’enregistrement permettent aujourd’hui à l’autoproduction d’êtreprésente dans tous les genres musicaux, même dans la variété, secteur longtemps plusfermé.

Les formes d’autoproduction peuvent varier selon les genres musicaux : de nombreuxrappeurs ont recours à des mixtapes pour se faire connaître ou pour donner libre coursà leur créativité entre deux albums. Dans les musiques du monde ou dans le jazz, il estcourant que des artistes se groupent de manière plus ou moins formelle pour faciliter lesautoproductions de chacun d’entre eux. Jean-Jacques Birgé a ainsi fondé le label de jazzGRRR, qui compte sept artistes à son catalogue. « GRRR n’est pas un label d’accueil »explique-t-il. « On est vraiment dans une logique d’autoproducteurs car même les artistesque GRRR produit s’autogèrent. Tous les artistes du label ont leur propre studio, chacunest complètement indépendant. Il s’agit plutôt d’entraide entre artistes, de solidaritéfamiliale. »

D’une manière générale, on peut également supposer que l’autoproduction est présentesur les genres musicaux où la scène est prépondérante : les concerts restent en effetun excellent vecteur de ventes de disques.

***

31

Page 31: L'artiste producteur en France en 2008

Si elle est souvent choisie par défaut, l’autoproduction présente de nombreux avantagespour l’artiste, qui jouit d’une liberté bien plus forte dans ses choix, en particulier dansses choix artistiques.« C’est après plusieurs expériences malheureuses avec des producteurs que j’ai décidéque, finalement, je me débrouillerais mieux tout seul » explique Jean Jacques Birgé.« Cela permet aussi d’être totalement libre, de tout maîtriser jusqu’à la pochette, de fairevraiment ce que l’on veut et de garder le droit sur ses œuvres. Mais je me considèrecomme un autoproduit, pas comme un producteur. »

Le principe d’autoproduction comporte aussi évidemment une composante économiquenon négligeable, qui amène de plus en plus d’artistes à le considérer d’un œil positif.

Plus l’artiste joue de rôles, plus la part qui lui revient sur chaque vente de disque estimportante. Le taux de royalties en contrat de licence est significativement plus élevéque celui d’un contrat d’artiste, moins que celui d’un contrat de distribution.

Mais les coûts varient également en proportion. L’artiste doit donc résoudre une équationmêlant gain unitaire, volume de ventes et dépenses nécessaire pour atteindre ce volume.

De nombreux artistes à succès décident d’investir dans la production de leur enregistre-ment, en considérant sans doute que les ventes minimum auxquelles ils peuvents’attendre permettront de rentabiliser leur mise - même si on ne peut systématiquementleur prêter cette seule motivation pour se produire. D’autres artistes moins vendeursprivilégient le contrat de distribution, suivant un calcul que nous présentons dans laquatrième partie de cette étude.

Mais le fait de se produire n’a pas qu’une incidence financière immédiate : l’opération estégalement intéressante à long terme, l’artiste producteur se constituant un catalogue quiprendra de la valeur si sa carrière fonctionne. C’est ainsi que Charles Aznavour a vendul’ensemble des masters enregistrés en licence depuis le début de sa carrière au momentde signer un contrat d’artiste avec EMI en 1993. C’est également le calcul que fontThomas Bonardi et David Barat, fondateurs de la société de management Bellevue, pourdeux de leurs artistes - Soko, dont la réputation a décollé grâce à Internet, et Peter VanPoehl. « Financièrement, ils gagnent plus à se produire. À court terme, mais aussià long terme, car ils se créent de l’actif ! »

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin32

L’autoproduction, un calcul économique ?

Page 32: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Il est courant pour un artiste de démarrer en contrat de production avec une maisonde disques et, si le succès est au rendez-vous, de passer en licence à un moment ouà un autre de sa carrière. C’est le parcours de Jean-Jacques Goldman, qui a monté JRGaprès avoir longtemps été en contrat d’artiste. Renaud ou Patrick Bruel, parmi d’autresexemples connus, sont aujourd’hui en autoproduction.

Il y a toujours des contre-exemples : Johnny Hallyday ou Michel Sardou sont par exem-ple, à notre connaissance, toujours en contrat d’artistes. Mais on se rappelle égalementque Johnny avait vainement essayé en 2005 de récupérer la propriété de l’ensemblede ses enregistrements, pourtant produits par Universal depuis le début de sa carrière.

La question de la propriété des masters pour les artistes est d’ailleurs centrale dansles revendications de la Featured artists coalition, une coalition née en 2008 en Grande-Bretagne pour défendre les droits des artistes dans le paysage musical qui se dessine.

« Ce qui est nouveau, c’est l’autoproduction comme mode de gestion de carrière »

Hors marché de niche, l’autoproduction concerne historiquement les deux extrémités del’échelle, avec les artistes en début de carrière qui ne trouvent pas de producteur et ceuxau contraire qui on atteint ou dépassé le pic de leur succès.

Le « milieu » de l’échelle est-il aujourd’hui concerné ? Les artistes débutants à fort po-tentiel commercial, ou les artistes établis qui ne trustent pas nécessairement les toutespremières places des tops, ont-ils aujourd’hui plus qu’hier tendance à s’autoproduire ?

« Jusqu’à présent, les exemples de type Tryo, qui ont fait l’ensemble de leur carrièreen autoproduction, sont plutôt rares » témoigne Luc Natali. Pourtant, selon lui, « pourdes artistes dont les ventes ne sont pas énormes, c’est le meilleur choix économique. »

La période actuelle est propice au changement. Selon Hervé Rony, directeur du Snep :« L’artiste qui s’autoproduit en début de carrière, c’est classique. Ce qui est nouveau,c’est l’autoproduction comme mode de gestion de carrière, phénomène rendu plusaigu par la crise du disque. » Jérôme Roger confirme : « Il y a une tendance lourdepour les artistes confirmés à avoir leur propre structure de production et d’édition.Pas seulement chez les artistes établis : ceux qui arrivent le font de plus en vite. Zoé Avril[dont le premier album est sorti en 2008] a sa structure, Lorie, d’abord en contratd’artiste, est maintenant en licence, etc. »

33

Page 33: L'artiste producteur en France en 2008

On l’a vu, la société de management Bellevue a fait le pari de l’autoproduction pourSoko dès son premier album, alors que sa reconnaissance prometteuse sur Internet avaitsuscité l’intérêt de nombreuses maisons de disques. David Barat n’en fait cependantpas une règle, et seuls deux artistes sont en autoproduction parmi les huit artistesmanagés par Bellevue. « Nous parlons d’artistes avec un certain niveau d’audience,dont le développement va nécessiter des investissements lourds pour essayer depasser au stade supérieur. Ces investissements peuvent être rentabilisés uniquementpour des artistes au potentiel international. »

Passer au niveau supérieur, l’idée est lâchée, celle qui rattache encore nombre d’artistesà leur maison de disques…

Si un certain nombre d’artistes choisissent l’autoproduction, il semble que fondamenta-lement, la perspective d’être produit par une maison de disques reste très attractive,en particulier pour les artistes en développement.

La grande majorité des artistes et managers à qui nous avons parlé seraient prêtsà abandonner leur entreprise d’autoproduction pour un bon contrat d’artiste.

La raison primordiale tient dans leur savoir faire artistique… et économique ! Les inves-tissements nécessaires pour toucher le grand public sont importants : « Le producteurdoit aussi payer le clip, les EPK24, etc. Cela coûte très cher et ils n’ont pas souvent lesmoyens ! » explique David Barat. Sans compter les investissements marketing massifsnécessaires pour amener un artiste à un succès massif, investissements qu’une maisonde disques sera sans doute plus encline à effectuer si elle produit l’artiste. Si l’on reprendle Top 10 albums en France de 2005 à 2007, on peut d’ailleurs remarquer que tousles artistes en début de carrière étaient produits par un tiers.

Au-delà de l’aspect financier, l’artiste multi-casquettes est une espèce rare. « L'artisteveut avant tout s'occuper de sa musique » considère Rodolphe Dardalhon, manageret co-fondateur du label Roy Music. « L'administratif, c'est quasiment un plein tempssi tu as les éditions avec ! En dehors des Radiohead and co, je constate que les artistess'autoproduisent toujours par défaut. »

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin34

Le graal demeure la maison de disques !

24 Voir glossaire.

Page 34: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Etre artiste producteur requiert des compétences multiples, un investissement en tempsconsidérable, et une gymnastique difficile entre des occupations d’ordre commercialet la disponibilité d’esprit nécessaire à la création. S’il parvient à triompher de tous cesobstacles, l’artiste risque encore apparemment de se trouver confronté au regard deses pairs… « Tous les musiciens rêvent d’avoir un producteur ! » renchérit Mano Solo.« L’autoproduction est vue comme un échec : tu n’es pas crédible ! »

***

On le voit, les raisons qui peuvent pousser un artiste à s’autoproduire sont très variableset souvent multiples.

Le tableau suivant résume les motivations des associés de l’Adami ayant réalisé unenregistrement autoproduit au cours des trois dernières années. On constate que l’indé-pendance et le contrôle sur sa production figurent dans le tiercé de tête des raisonsinvoquées, avec l’impossibilité de trouver une maison de disques. Le désir de gagnerplus d’argent, s’il reste cité par 64% des personnes sondées, arrive loin derrière.

Critères de décision pour les artistes de la musique associés de l’Adami ayantréalisé une autoproduction au cours des trois dernières années25

35

25 Pourcentage des artistes ayant répondu « important » ou « assez important » pour chaque réponse.

Meilleur contrôle sur sa production musicale

Impossibilité de trouver une maison de disques

Etre indépendant

Autoproduction est la règle dans mon univers musical

Désir de gagner plus d’argent

Bénéficier d’une plus grande libertédans la promotion / marketing

86%

74,4%

72,9%

66%

64%

51,4%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

Page 35: L'artiste producteur en France en 2008

***

En terme quantitatif, l’autoproduction au sens large représente probablement une im-mense majorité des phonogrammes commercialisés en France, les contrats d’artistesétant relativement limités. L’autoproduction est appelée à continuer à se développer,en témoignent les projets foisonnants des associés de l’Adami pour les deux annéesà venir.

Un certain nombre de professionnels anticipent en effet une accélération du phénomèned’autoproduction, qui sera selon eux poussée par des choix de plus en plus assumés parles artistes. « Je pense qu’on arrive à un recul du nombre de signatures dans les contratsd’artistes » note Jérôme Roger. « Les artistes sont de mieux en mieux conseillés. »

Pour Annie Benoid, la force des artistes vient de leur entourage, toujours plusprofessionnel : « Il n’y a pas forcément d’intérêt à céder ses droits à un producteur, alorsqu’aujourd’hui, se produire nécessite un investissement réduit et d’être bien entouré »résume-t-elle.

C’est donc des partenaires de l’artiste producteur que dépend le succès de son projet.C’est l’objet de notre seconde partie.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin36

Page 36: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin 37

FELOCHE, l’autoproduction en contrat d’artiste

CD 5 titres autoproduit, enregistré dans le home studio de l’artiste. Sélection auxDécouvertes du Printemps de Bourges, programmé à Fnac Indétendances. Signatureen 2008 en contrat d’artiste avec un label indépendant, avec rachat du 5 titres.

Genre musical - « électro-cajun »

Structure juridique - « Pas de structure ! on passe par une asso de copains »

Genre - Seule la photographe a été rémunérée pour la pochette.750 € pour les 500 premiers disques chez MPO, dont 100 étaient destinés à la vente.Deuxième tirage de 500, essentiellement destinés aux professionnels.

Pourquoi l’autoproduction ?« Parce que je n’avais pas de proposition de maison de disques ! Mais tu ne peux pasfaire un disque seul, sinon tu ne le finis jamais : il faut t’entourer ! »

Pourquoi ne pas rester en autoproduction ?« Pour aller vite : je n’ai pas 20 ans, et cela ne fait pas 10 ans que je tourne ! Si tu aston public, tu peux y arriver seul, mais ce n’est pas mon cas, donc ce serait trèslong. Mais si j’avais commencé plus tôt, je pense que j’aurais monté un label.Je gagnerais sans doute plus par disque vendu, mais peut-être pas au total. De toutesmanières l’argent n’est pas la motivation première ! »

Et ensuite ?Premier album à sortir en 2009.

Page 37: L'artiste producteur en France en 2008

2. Les partenaires des artistesproducteurs

L’étape de production n’est peut-être pas la plus compliquée pour l’artiste producteur.Il faut ensuite entrer dans le processus de commercialisation de l’œuvre, qui impliquede nombreux métiers. Si ce n’est pas forcément de son ressort de s’en occuper, l’artisteproducteur doit s’assurer que les différentes étapes de ce processus seront assuméesau mieux de ses intérêts.

Certains artistes prennent en charge l’ensemble des ces étapes, d’autres s’entourentde partenaires pour le faire. D’une manière générale, il est rare que l’artiste soit complè-tement seul, l’entraide et le système D étant presque toujours de mise.

Les partenaires les plus visibles des artistes producteurs concernent les modes dedistribution de leur phonogramme ; même si chaque contrat est unique, le typede contrat signé – contrat de licence ou contrat de distribution par exemple – donneune idée des implications de chacune des parties, c’est pourquoi nous avons cherchéà en évaluer la teneur. Nous nous sommes ensuite intéressés aux autres professionnelsentourant traditionnellement l’artiste, avant d’aborder les intermédiaires numériquesqui se positionnent pour, peut-être, prendre une place prépondérante.

Même si ce critère pourrait devenir moins déterminant à l’avenir, l’autoproduction à butprofessionnel reste encore très liée au disque physique. Le disque assure encorel’essentiel des ventes de musique enregistrée en France et l’autoproduction n’estpas moins concernée. Certes, l’érosion très rapide des ventes de disques, associéeà une croissance réelle des ventes numériques, pourrait changer cet état de fait dansles années à venir. Mais les artistes vivent dans le temps présent et cherchent doncà tirer parti au mieux des conditions du moment.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin38

LES PARTENAIRES HISTORIQUES

Une distribution indispensable

Page 38: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Le pourcentage d’artistes membres de l’Adami réalisant une autoproduction purementnumérique est ainsi très faible :

Ce chiffre corrobore les échos que nous avons recueillis auprès d’artistes et de managers,qui sans exception nous ont confirmé que le CD était aujourd’hui indispensablepour mener à bien un projet d’autoproduction à vocation professionnelle.

« Sans distribution, pas de presse, et sans presse, pas de tournée ! »

Au-delà de la fabrication du disque, une distribution professionnelle constitue le sésamepour passer les étapes du développement en autoproduction. « Tout le monde est encoreun peu formaté à l'ancienne » admet Luc Natali, « Il ne se passe rien sans distribution :sans elle, pas de presse, et sans presse, pas de tournée ! »

L’absence de distribution prive donc l’artiste d’une bonne partie de ce qui fait sonmétier, en particulier les concerts. Mais ce n’est pas son seul intérêt : en amont, il le privede ressources potentielles pour financer sa création : « Sans distribution, vous n’avez pasde subvention, ni de prêt bancaire » explique Annie Benoid.

Avoir une distribution physique est en effet une condition nécessaire pour obtenir desaides de l’Adami, de la SCPP, de la SPPF et du FCM. Seule la Sacem ne l’exige pas.

« Il faut qu'il y ait un distributeur, sinon ce n'est pas la peine de produire ! » s’exclameMathieu de Seauve, directeur crédit aux entreprises de l’IFCIC (Institut pour le Finance-ment du Cinéma et des Industries Culturelles), qui a soutenu le financement de plusieursprojets musicaux en autoproduction. « La vente en direct plus un distributeur numériquene sont pas encore suffisants, en tous cas, je n'ai pas d'exemples le démontrant. »

39

Pourcentage d’associés de l’Adami26

ayant produit un enregistrement sans fabricationphysique au cours des trois dernières années

4,4%

26 Cf. note 2 p. 7

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

Page 39: L'artiste producteur en France en 2008

Tout est cependant une question d’échelle : pour beaucoup d’artistes autoproduits,les ventes se font essentiellement en concert. « Actuellement, les ventes en magasin sontridicules » témoigne Jean-Jacques Birgé. « On a des exemples d’artistes chez GRRRqui font 90% de leurs ventes à la sortie des concerts. » D’un point de vue purementcommercial, une distribution n’est peut-être pas systématiquement indispensable endessous d’un certain potentiel de ventes, ce dont convient d’ailleurs Mathieu de Seauve :« C'est vrai qu'en dessous de 1 000 ou 500 exemplaires, une distribution ne sert peut-être à rien: pour vendre 1 000 albums, vous devez être présent sur toute la France, doncen presser 2 ou 3 000, sur lesquels vous payez la SDRM, et vous allez prendre beaucoupde retours. »

La distribution physique ne se justifie donc pas toujours d’un point de vuecommercial. Elle est pourtant nécessaire pour être crédible aux yeux de la filièremusicale et donc pouvoir travailler avec des partenaires. Point noir : une distribu-tion digne de ce nom est toujours plus difficile à obtenir, avec la fermeture deplusieurs distributeurs indépendants ces dernières années.

Les chiffres communiqués par la SDRM témoignent d’un net fléchissement du nombred’œuvres autoproduites en distribution physique depuis le début de la crise du disque.Seul un gros quart des œuvres autoproduites traitées en « OPO » par la SDRM ont faitl’objet d’une distribution professionnelle en 2007. Rappelons que cette statistiquene concerne pas l’ensemble des œuvres autoproduites en France, et exclut notammentla grande majorité des artistes en contrat de licence.

Distribution des autoproductions déclarées en « opo » à la SDRM27

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin40

Phonogrammes faisant l’objetd’une distribution

2007

28,1%

2003

37,7%

Source : M.A.N Media à partir de données Sacem

27 Lors de la demande d’autorisation de pressage des œuvres, les artistes en autoproduction sont invitésà déclarer si le phonogramme fera l’objet d’une distribution, entendue par la SDRM comme professionnelle,sans qu’il soit précisé si la distribution est nationale ou régionale.

Page 40: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Les chiffres obtenus auprès de la population de l’Adami offrent une vision plus complète.En additionnant les artistes autoproduits en contrat de distribution, de licence et d’artiste,pour lesquels on peut considérer qu’il y a une distribution professionnelle, on aboutità un taux de distribution de 49,5% pour des autoproductions effectuées « au cours destrois dernières années ».

Les associés de l’Adami28 s’étant autoproduits ces trois dernières annéesont eu recours pour la distribution physique29

Environ la moitié des œuvres autoproduites par des musiciens professionnels feraientdonc l’objet d’une distribution physique.

Au-delà de la distribution se pose la question du partenaire qui la prend en charge et desautres services qu’il assure. L’artiste producteur peut signer un contrat de licence avecune maison de disques, et ainsi s’en tenir strictement à son rôle de producteur. Il peut aucontraire assumer en sus la fabrication, la promotion et le marketing et signer un contratde distribution simple.Paradoxalement, un nombre significatif d’artistes ayant répondu à cette enquête a déclaréavoir signé un contrat d’artiste, transmettant finalement la fonction de producteur qu’ilsavaient initialement. Nous avons interviewé Féloche, qui se trouve dans ce cas, et dontl’histoire est décrite ailleurs dans cette étude.

Si elles montrent une plus forte représentation du contrat de distribution, les statistiquesci-dessous montrent que la licence et le contrat d’artiste sont utilisés de manièresignificative par les artistes producteurs.

41

contrat d’artiste + contrat de licence+ contrat de distribution

49,5%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

28 Cf. note 2 p.729 En considérant que les contrats d’artistes incluent systématiquement une distribution physique.

Des partenaires panachés

Page 41: L'artiste producteur en France en 2008

Les associés de l’Adami30 s’étant autoproduits ces trois dernières annéesont eu recours pour se distribuer :

Ces chiffres nous permettent d’affiner l’estimation du phénomène d’autoproductionque nous avons effectuée en première partie de cette étude.

Nous l’avons vu, 28,1% des œuvres autoproduites recensées par la SDRM en 2007 ontfait l’objet d’une distribution professionnelle, soit 1 265 phonogrammes distribués.

Ce chiffre n’inclut cependant pas les œuvres en licence, voire en contrat d’artistes. Pouravoir une idée plus globale du nombre d’œuvres autoproduites par an, on peut s’appuyersur les proportions indiquées par l’enquête Adami.

La population des associés de l’Adami n’est certes pas la même que celle des déposantsà la SDRM ; on peut supposer qu’elle est globalement plus professionnelle. En effet, alorsque la demande d’autorisation à la SDRM est obligatoire pour tout pressage légal de pho-nogrammes en France, l’adhésion à l’Adami n’est possible que sur certains critèresmontrant une démarche poussée (contrat de distribution pour un artiste autoproduit parexemple).

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin42

contrat d’artiste

contrat de licence

contrat de distribution

Se débrouillent seul

Pas de disque physique

8%31

18,1%

23,5%

46%

4,4%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

Estimation globale de l’autoproduction en France

30 Cf. note 2 p.731 Rappelons que les résultats exposés ici n’ont pas encore été finalisés ; le chiffre de 8% pour les contratsd’artistes est probablement surestimé, certains artistes en contrat de production ayant coché cette casepar erreur.

Page 42: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Nous avons appliqué les taux de pratiques contractuelles des associés de l’Adamiau nombre d’autoproductions en distribution recensé par la SDRM.

Nombre d’œuvres sorties en autoproduction en France en 2007par type d’exploitation

ORDRES DE GRANDEURS

43

Avec la marge d’erreur liée à cette différence de population, on peut utiliserles pratiques relevées chez les associés Adami et les croiser avec les donnéesrecueillies auprès de la SDRM. Ceci nous permet d’évaluer grossièrement lenombre total de disques autoproduits en France en 2007.

Type d’exploitation

contrat d’artiste

contrat de licence

contrat de distribution

se débrouillent seul

Pas de disque physique(mais approcheprofessionnelle)

TOTAL

Nombre de phonogrammesconcernés

43032

96933

1 265

3 23534

21535

6 114

Pourcentage

7%

15,8%

20,7%

52,9%

3,5%

100%

Source : M.A.N Media

32 8/23.5*1265 = 430,6433 18/23.5*1265 = 968,9434 (100-28.1)%*4500 = 3235,535 4/23.5*1265 = 215,32

Page 43: L'artiste producteur en France en 2008

Pour valider l’échelle de cette estimation, on peut la comparer avec le nombrede références sorties en France en 2007. L’institut GfK nous a plus précisémentcommuniqué le nombre de références vendues à plus d’un exemplaire, dont la datede première vente était en 200736. Ce chiffre s’élève à 57 000, catalogue internationalinclus. Avec le seul catalogue de variétés locales, nous comprenons que l’on aboutità un montant beaucoup plus faible. L’ordre de grandeur de 6 000 références autoproduitesen France paraît donc compatible. Il l’est également avec le nombre de dépôts dephonogrammes à la BnF, qui était de 9 885 en 200737.

Avec toutes les réserves que nous avons émises sur la marge d’erreur de ce calcul,on peut estimer le nombre de phonogrammes autoproduits - hors démarcheamateur - à environ 6 000 par an en France, dont une grosse moitié ne bénéficiepas de distribution.

Si les chiffres obtenus manquent de précision, ils nous semblent utiles pour donnerune mesure du phénomène d’autoproduction en France. Ils n’ont toutefois pas la fiabilitésuffisante pour nous servir de base à la suite de notre étude. Nous continuerons doncà nous apppuyer sur les statistiques plus solides que nous avons utilisées jusqu’ici.

On peut également vérifier que les artistes producteurs vont en général bien au-delàde la seule production dans leur projet.

En reprenant l’enquête auprès des associés Adami et en se basant sur les partenairesde distribution annoncés, on constate que 69,5% des artistes producteurs prennenta priori en charge la fabrication de disques (contrat de distribution plus pas dedistribution), et donc très probablement les frais SDRM associés.

73,5% assumeraient le travail de promotion et de marketing, en considérant que seulsles contrats de licence et d’artistes peuvent les décharger de ces tâches, ce qui corres-pond à la pratique générale, même si nous avons pu relever des contre-exemples.

On mesure donc à quel point l’autoproduction constitue une démarche globale, impliquantle plus souvent des compétences et un financement lourds pour l’artiste.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin44

36 Dans son panel de 1800 magasins.37 Rappelons que ces dépôts ne comprennent sans doute pas un nombre significatif d’autoproductions.

Autoproduction, autopromotion, autodistribution

Page 44: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Le contrat de distribution est le plus utilisé par les artistes associés de l’Adami38 et pro-bablement par l’ensemble des artistes ayant recours à une distribution professionnelle.

Mais les distributeurs les plus établis ne signeraient plus que rarement des contrats dedistribution avec des artistes seuls, privilégiant la signature de catalogues. Les artistesautoproduits qui trouvent malgré tout une distribution fonctionnent le plus souventsous forme de dépôt-vente avec leur distributeur, notamment sur les marchésde niche. Ainsi Jean-Jacques Birgé, qui presse entre 1 000 et 2 000 exemplaires pardisque, distribués nationalement par Orchestra, fonctionne-t-il sous ce mode contractuel,Orchestra réglant les artistes une fois par an.

Quelques distributeurs se sont spécialisés sur la distribution d’artistes autoproduits.Nous avons interviewé les fondateurs de Musicast et de L’Autre Distribution, qui ont deuxapproches très différentes.

Musicast, dont le catalogue est exclusivement tourné vers l’autoproduction, propose« des milliers de références, dont 1 000 à 1 500 sont actives » estime Julien Kertudo, songérant. En fonction des projets, la société est capable de distribuer un disque sur unerégion comme sur l’ensemble du territoire national. « Si un artiste nous tient informé,nous pouvons mettre des disques dans les bacs au moment où il passe dans une région.Nous vendons aussi sur Fnac.com et Amazon ».

Musicast fonctionne sous forme de dépôt-vente avec les artistes, ce que justifie JulienKertudo : « Un distributeur peut prendre 1 000 disques à un label et les payer - moinsles provisions pour retour.

Moi je ne peux pas : je sais que je ne reverrai jamais l’artiste si ses disques ne sevendent pas ! » Musicast prend 30% des ventes et paye ses artistes tous les deux mois.Le distributeur prend 5 à 6 nouveaux disques en distribution par semaine.

L’Autre Distribution, compte un catalogue de 1 200 références, dont 95% proviennentd’artistes autoproduits.Si la société ne signe pas de contrat de licence, son service inclut souvent des presta-tions normalement plus attendues en licence, à commencer par la fabrication desdisques, qui est avancée par l’Autre Distribution.

45

Contrat de distribution, contrat de licence

38 Cf. note 2 p.7

Page 45: L'artiste producteur en France en 2008

« C’est à l’avantage des artistes pour deux raisons », explique Annie Benoid. « D’une part,ils bénéficient de prix de pressage qu’ils ne pourraient pas avoir seuls, d’autant que jele leur refacture avec 10% de réduction. D’autre part, ils n’ont pas à avancer cet argent,qui est recoupé [sur les ventes]. Le but est qu’ils puissent consacrer plus de moyensà la promotion en s’offrant les services d’un attaché de presse par exemple. De mon côté,l’avantage, c’est que je maîtrise les stocks. Mais ce sont toujours leurs disques : c’estun contrat de distribution ! » C’est d’ailleurs l’artiste autoproduit qui paye la SDRM.

L’Autre Distribution s’investit dans le travail commercial (PLV, stickage, etc.), voire mêmedans le travail de promotion. La société est très impliquée dans le projet de l’artiste :« C’est nous qui faisons l’ordre des pistes sur le CD, on peut demander de raccourcircertaines intros, on a notre mot à dire sur la pochette, sur les dates de concerts, etc.Nous sommes envahissants ! » s’amuse Annie Benoid.

Cette implication a un prix, puisque le distributeur conserve 45% des ventes, un tauxsupérieur aux 40% généralement évoqués dans la distribution traditionnelle. À la sortiedu deuxième album, L’Autre Distribution ne retient plus que 40% sur les ventes dupremier.

Cette implication signifie également que le distributeur travaille simultanément sur unnombre de disques limités, de l’ordre de 7 à 8 par mois en moyenne. Selon Annie Benoid,la plupart des artistes n’ont jamais été signés, mais certains viennent de maisonsde disques (Mano Solo, Pigalle, etc.)

Même si L’Autre Distribution propose clairement des contrats de distribution,son implication multiple représente une voie hybride pour les artistes autoproduitsen leur donnant plus de moyens pour mener à bien le travail. Cette approche n’estpas isolée : le groupe de hip-hop Nouvel R décrit lui aussi un arrangement complexe avecun label distribué par Discograph. « Le disque était déjà prêt donc on a trouvé un labelavec qui on a un mélange contrat de licence/ contrat de distribution. Ils nous ont avancéle pressage et les droits SDRM, les achats d’encarts de pub, et ont investi 4 000 €. »

Ces accords sont précieux pour l’artiste, pour qui le contrat de distribution traditionnellerisque d’être lourd à porter. Comme le rappelle Rodolphe Dardalhon : « La distributionest évidement plus intéressante financièrement, mais encore faut-il en avoir lesmoyens ! Un artiste autoproduit ne les a pas. »

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin46

Page 46: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

La distribution laisse en effet à l’artiste autoproduit la charge du marketing et de lapromotion, extrêmement preneurs en temps et en argent. Pour atteindre le grand public,le contrat de licence avec une maison de disques possédant le savoir-faire et la surfacefinancière suffisante semble presque incontournable.

« Il n’y a quasiment plus de bons contrats de licence. »

Tout dépend de ce que le label est prêt à investir dans le cadre d’un contrat de licence.Or, les conditions moyennes ont nécessairement tendance à se durcir en temps decrise. « Wagram va moins investir sur mon album en licence que ce que j’ai mis sur leprécédent, alors que j’avais tout payé moi-même ! » s’exclame Mano Solo.

« Mieux vaut une distribution qu'une mauvaise licence », recommande Luc Natali.« Or, sauf quand il y a surenchère sur l'artiste, il n'y a quasiment plus de bons contratsde licence en ce moment : 20% de royalties, pas d'avance, pas de garantie marketing,pas de tour support, etc. » Selon Thomas Bonardi, un taux acceptable de licence sesitue entre 24 à 28% en moyenne, même si les abattements consentis peuvent modifierconsidérablement les conditions réelles.

Même si les conditions se sont durcies, la licence reste toutefois très utilisée :environ 18% des artistes de l’Adami en autoproduction y ont eu recours.

Nous l’avons dit, un certain nombre d’artistes producteur ont finalement signé un contratavec un producteur, lui transférant ainsi la propriété de leur master. La pratique est tout-à-fait acceptable d’un point de vue éthique lorsque la maison de disques achète le mas-ter de l’artiste.

C’est ce qui est arrivé à Féloche, artiste dont le parcours est décrit ailleurs dans cetteétude, qui a signé un contrat d’artiste avec un label indépendant reconnu, en lui vendantsa bande 5 titres. « Ils aiment les défauts de ma musique et veulent que j’enregistrel’album chez moi », explique Féloche. « Mais ils ne voulaient pas de licence. Ils m’ontdit : si tu veux une licence, tu peux aller chez une major ! »

47

Contrat d’artiste

Page 47: L'artiste producteur en France en 2008

David Godevais témoigne de pratiques plus douteuses, au moins en Angleterre, dansle domaine de l’électro ou des musiques du monde : « Une grande partie de l’autopro-duction est récupérée par les labels, qui font signer un contrat d’artiste ou obligentà céder l’exploitation de la bande sur des périodes pouvant aller jusqu’à douze ans, avecdes conditions très éloignées d’un contrat de licence : en electro, on va laisser 6 à 7%à l’artiste, même si c’est lui qui a payé l’enregistrement ! »

Notons enfin que la coproduction semble avoir une place significative dans le mondede l’autoproduction. Les seules statistiques générales dont nous disposons sur ce sujetproviennent des projets en autoproduction aidés par l’Adami en 2007 :

Projets d’autoproduction aidés par l’Adami (sur 24 dossiers étudiés)

Il est toutefois impossible d’en tirer des statistiques plus globales, l’Adami ayant puprivilégier les projets en coproduction en raison de leur plus grande solidité.

Les motivations et types d’accord derrière une coproduction sont extrêmement variables.Ils peuvent être financiers, mais ils peuvent également être justifiés par un partenariat.Dans le cas de dossiers de l’Adami que nous avons pu examiner, le coproducteurétait fréquemment un éditeur, ce qui atteste a priori d’un véritable partenariat avecl’artiste-producteur.

La coproduction comme forme de rémunération d’un service est également courante.Ainsi, environ 11% des associés de l’Adami en autoproduction ont signé un contrat decoproduction avec un studio d’enregistrement. Dans d’autres cas, ce sont les musiciensqui sont coproducteurs, pour compenser une rémunération faible pour leurs services.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin48

Coproduction

taux de coproduction 41,7%

Source : M.A.N Media à partir de données fournies par l’Adami

Page 48: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Autoproductions réalisées dans les trois dernières annéespar des associés de l’Adami39

Si ces pratiques de coproduction semblent légitimes, elles peuvent elles aussi cachercertaines dérives. « Il y a souvent des dossiers compliqués dans le classique, avec desproducteurs qui laissent tout faire à des ensembles – qui sont donc de fait producteurs- et se mettent coproducteurs », souligne un responsable de l’action artistique de l’Adami.

Chez les disquaires eux-mêmes, la situation des artistes autoproduits pâtit forcémentdu durcissement du marché.

« Il n’y a plus de vendeur motivé en magasin, les STARTER40 ferment un par un », déploreJulien Kertudo. « Un magasin comme Rennes Musique41 nous vendait 20 vinyles sur untirage de 200 ! En plus, on doit être très prudents : lorsqu’un disquaire ferme, je dois payerà l’artiste pour ses disques en dépôt ! »

Les places se font donc rares, même si les disquaires aidés par le Calif continuentà prendre de l’autoproduction, eux aussi en dépôt vente.

La Fnac, qui a un temps fait de l’autoproduction un fer de lance de sa communication,continue d’accueillir des disques d’artistes autoproduits dans ses bacs. Hors numérique,elle annonce ainsi avoir vendu 2 882 références d’artistes autoproduits en 2007,la plupart n’ayant pas de distributeur. Ce chiffre est en augmentation, puisque la Fnacavait distribué 2 600 références autoproduites en 2006.

49

Les disquaires partenaires

taux de coproduction avec un studio 11,2%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

39 Cf. note 2 p.740 Réseau de disquaires indépendants.41 Fermé en 2008.

Page 49: L'artiste producteur en France en 2008

Guy Messina détaille le fonctionnement de la Fnac : « Les disques en autoproduction quenous proposons sont dans 90% des cas en vente magasin par magasin : c’est du dépôt-vente en région. Certains remontent du disquaire local jusqu’à notre système centralisé- c’est arrivé par exemple avec les Freebeez. Mais d’un autre côté, beaucoup d’artistesnous déposent les disques et ne reviennent jamais ! »

Selon Guy Messina, la Fnac ne gagne pas d’argent sur l’autoproduction, d’autant que -et cela nous a été confirmé – qu’elle baisse ses marges sur ces produits. « C’est plus unservice, pour l’image », explique-t-il.

Prendre une autoproduction est laissé à la libre appréciation des vendeurs, pour quicela constitue une surcharge de travail. La Fnac reconnaît que le nombre de vendeursacceptant les autoproductions décroît. La chaîne entend désormais pousser lesartistes autoproduits à se faire distribuer par Musicast plutôt que de passer endirect, ce qui allègera le travail de ses disquaires tout en permettant à un artisteautoproduit d’être mieux référencé dans ses magasins.

Ventes de disques autoproduits dans les magasins physiques Fnac en 2007

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin50

nombre deréférencesvendues

nombred’exemplaires

vendusau total

Distibuéspar

Musicast

860

23 000

TotalAutoprod.

3 742

44 000

HorsMusicast

2 882

21 000

VentesensemblecatalogueFnac

208 000

20,4 millions

RapportAutoprod. /catalogueglobal

1,8%

0,2%

Source : M.A.N Media à partir de données Fnac

Page 50: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Ces chiffres ne concernent qu’une partie de l’autoproduction, faite par des artistes sedistribuant seuls ou via Musicast. La Fnac vend également de nombreuses autres réfé-rences d’artistes-producteurs qui passent par l’ensemble des distributeurs du secteur,pour lesquelles elle ne dispose pas de chiffres.

Les artistes producteurs concernés par le tableau ci-dessus sont donc ceux qui,sauf exception, génèrent de faibles montants de vente. On constate qu’ils représen-tent 1,8% des références Fnac, pour seulement 0,2% de son chiffre d’affaires.

Si la Fnac se désengage de la distribution en direct d’artistes autoproduits, elle prolongeson action autour de l’autoproduction via les CD Fnac Indétendances, compilationsde titres issus de labels indépendants publiés tous les deux mois. Un titre autoproduitest intégré dans chaque volume, désormais sélectionné par le Music Manager Forumen France. « C'est un gage de garantie pour la Fnac », déclare R. Dardalhon. « C'est mieuxd'avoir au moins un manager pour pouvoir bosser efficacement avec elle. »

Certains des artistes autoproduits présents sur Fnac Indétendances sont ensuitesélectionnés pour les découvertes du printemps de Bourges, ou programmés au festivalFnac Indétendances qui se déroule l’été à Paris. La Fnac peut ainsi s’enorgueillird’avoir poussé des artistes comme Tété en début de carrière, ou récemment Félocheet Philomène, tous les deux sur le point de signer un contrat en maison de disque aumoment où nous réalisions cette enquête.

***

Au-delà des partenaires purement issus de la filière discographique, les artistes produc-teurs s’appuient fréquemment sur des professionnels extérieurs, à commencer parle fidèle partenaire de l’auteur-compositeur : l’éditeur.

51

Page 51: L'artiste producteur en France en 2008

L’éditeur est un partenaire privilégié de l’artiste producteur lorsque celui-ci écrit et/oucompose les œuvres qu’il interprète. L’éditeur a un rôle financier – nous avons vu qu’il étaitsouvent impliqué dans des coproductions – mais aussi un rôle de conseil.

Ainsi, Bruno Lion, directeur de Peer Music France, qui travaille avec l’artiste en autopro-duction Mr Lab, détaille-t-il le rôle de Peer Music : « On l’a signé à la sortie du festivalLes Autoproduits de la Sacem, il avait vendu 7 000 exemplaires de son premier albumvia Codaex. Nous lui avons trouvé un vrai réalisateur artistique (Pedro de Tahiti 80).Les autres moyens de production, il les avait. Nous lui avons donné une avance, bien sûr,mais elle est confidentielle.»

Pour Kassav, continue Lion, le rôle de Peer Music était différent : « Ils en sont à leurquinzième album, le troisième en autoproduction. Ils sont très bien organisés. Nous leurdonnons des moyens financiers et réalisons des tâches administratives pour eux. »

« Plus de marketing, moins de préparation »

Travailler avec des artistes autoproduits modifie la nature des investissements de PeerMusic, explique Bruno Lion : « On va là où les partenaires n’investissent pas. [En l’absencede maison de disques,] nous allons peut-être dépenser plus sur du marketing que surla préparation du projet (formation, résidence, etc.) » Le fait que les éditeurs puissentmoins investir dans la préparation du projet implique presque mécaniquement que leséditeurs travaillent plus avec des artistes confirmés, reconnaît-il.

Avec la perte de puissance du disque, la place de l’éditeur est en train d’évoluer dansla filière musicale. Le rôle de l’éditeur comme partenaire de l’artiste autoproduit est doncprobablement appelé à se renforcer. « Potentiellement, on sera peut-être plus souventamenés à recommander l’autoproduction à nos artistes », anticipe Bruno Lion. Environ15% des associés de l’Adami ayant eu un projet d’autoproduction dans les troisdernières années travaillent ainsi avec un éditeur tiers.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin52

L’éditeur musical

Page 52: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Mais de même qu’ils s’autoproduisent, de nombreux artistes s’autoéditent. C’est le casde Nouvel R, qui cherche ainsi à maximiser le retour financier, selon son manager VivienGouery. Le choix est à double tranchant, l’autoproducteur se privant d’un partenaire cléqui pourrait lui permettre de développer son activité. Il illustre une tendance de certainsartistes à vouloir contrôler l’ensemble de leurs droits dans un environnementinstable.

Gestion des éditions des disques autoproduits par des associés de l’Adami42

au cours des trois dernières années

On peut en revanche s’étonner que plus de la moitié des artistes producteurs n’aitpas d’éditeur, ce qui semble paradoxal à l’heure où les droits éditoriaux prennentune importance cruciale dans la nouvelle économie de la musique. Cela montre sansdoute à quel point l’autoproduction reste pour une bonne partie des créateurs une initiativehors des circuits traditionnels de la musique.

On l’a vu, l’éditeur pourrait être amené à accompagner plus d’artistes dans une démarched’autoproduction, tant les contrats se raréfient en maison de disques. Un autre partenairetraditionnel de l’artiste se retrouve bon gré mal gré impliqué dans cette démarche : lemanager.

53

Éditeur tiers

Société d’édition de l’artiste autoproduit

Pas d’éditeur

Décision non encore tranchée

15,2%

15,5%

52,3%

17%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

42 Cf. note 2 p.7

Page 53: L'artiste producteur en France en 2008

L’enquête nous l’a montré : les managers, lorsqu’il y en a, se trouvent souvent de faità gérer l’autoproduction de leur poulain. Certaines sociétés de management se sontstructurées pour pouvoir gérer la production de leurs artistes, comme V.M.A., quis’occupe, entre autres, de l’autoproduction d’artistes renommés comme Renaud.

Bellevue est également très impliqué dans l’autoproduction de ses artistes : « On leur mâchele boulot », expliquent David Barat et Thomas Bonardi. « On leur présente divers scénarios,ils choisissent. On leur amène des partenaires, on supervise la création de la société,le fiscal, etc. On peut être gérant, ou l’artiste l’est, mais c’est compliqué pour lui d’avoiren plus le statut d’intermittent. Nous nous rémunérons sur les revenus des sociétés. »

Luc Natali agit de la même manière, avec une limite ferme : « Je refuse d'avoir la signa-ture [de la structure de production de ses artistes] : c’est trop dangereux pour euxque quelqu’un qui connaît toutes les ficelles du métier puisse signer ! Je ne fais pasles démarches, mais je les conseille, je passe les coups de fils. Je fais aussi les comptes,le budget prévisionnel, l’aide à la recherche de subventions ou de partenariats, je leurtrouve un attaché de presse, etc. »

Un artiste producteur représente finalement beaucoup de travail pour le manager ! « C'estsûr que c’est beaucoup plus de boulot pour moi » concède Luc Natali, « mais c’est aussiplus de rentrées d’argent puisque je touche un pourcentage sur tous ses revenus ! »

Notons enfin que des services spécialisés dans l’aide aux artistes se sont créés pourles aider dans leurs démarches. Ainsi, la société Supercalifragilistic, qui se définit commeun service d’assistance aux artistes, gère-t-elle l'administration des labels d’Etiennede Crécy (Pixadelic) et d’Alex Gopher (go4music).

La démarche récente de PIAS est sans doute plus symbolique des évolutions en cours.La maison de disques a récemment lancé un nouveau service, baptisé Integral, destinéà répondre aux besoins des managers, des artistes et des micro-labels. Integral proposedu conseil en promotion et en marketing, voire même des avances, mais sans signerde licence43.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin54

Le manager

Des services spécialisés

43 Source : Musique Info Hebdo n°500, p. 7.

Page 54: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Nous l’avons dit, l’autoproduction est bien souvent le fait d’artistes qui ne trouvent pasde producteur prêt à miser sur eux – pour quelque raison que ce soit. Nous venonsde voir une liste non exhaustive de partenaires qui peuvent aider l’artiste à inscrire sonautoproduction dans un vrai projet de carrière, mais beaucoup d’artistes restent trèsisolés dans leur démarche.

On peut alors se demander dans quelle mesure le marché est prêt à accueillir autantd’artistes. En termes provocateurs, l’autoproduction nourrit-elle la créativité musicaleou la parasite-t-elle ?

Avec l’élimination du producteur de la chaîne de production, c’est un oeil externe sur letravail d’un artiste qui disparaît, donc une forme de conseil et de régulation. Yves Riesel,président du distributeur Abeille Musique et de LyraMediaGroup, n’y va pas par quatrechemins : « L’autoproduction empêche les filtres que sont les professionnels d’exister.Cela veut-il dire qu’on laisse passer la nullité ? »

Dans la distribution, les places se font rares, avec une réduction globale des linéaireset un nombre de distributeurs réduits. On a vu comment la Fnac est en train d’adaptersa politique vis-à-vis de l’autoproduction, notamment en s’appuyant sur Musicast etsur l’organisation de managers MMF. Guy Messina le justifie : « La hausse de l’autopro-duction commence à devenir problématique pour nous : il faut sélectionner. Donc on esten train de reconstruire quelque chose de plus professionnel. »

« La Fnac a récupéré des paquets de disques dont ils ne savaient pas quoi faire caril n’y avait pas de boulot de fait derrière » renchérit David Godevais. « La plupart sontcohérents en vente en sortie de concert, mais pas dans les circuits de distribution. »

« L’autoproduction pénalise la diversité »

Pour Mano Solo, le constat va au-delà : l’autoproduction n’embouteille pas le marché,il l’empêche de se renouveler. « Si une major cartonne sur un disque » raisonne-t-il, « ellepeut investir sur un Mano Solo. J’ai signé chez Carrère pour 2 millions de Francs,grâce au pognon [généré par] Adamo ! Mais si tout le monde s’autoproduit, personnene produit son voisin, on va être des millions à faire la manche ! »

55

Une autoproduction trop abondante ?

Page 55: L'artiste producteur en France en 2008

Les filtres traditionnels du secteur musical sont en train d’évoluer. Certains artistesproducteurs sont extrêmement bien entourés par des professionnels de la musique. Maisbeaucoup sont « livrés à eux-mêmes » et l’arrivée du numérique ne fait que renforcerce phénomène.

L’irruption de l’Internet commercial a eu les conséquences que l’on sait sur les ventesde disques. Internet et la téléphonie mobile sont en train de modifier profondémentla manière dont fonctionne cette industrie. Les débuts ont laissé imaginer une èrede services qui permettraient à l’artiste de travailler en dehors des circuits traditionnels.En particulier, l’artiste pourrait être en contact direct avec ses fans pour promouvoir etvendre sa musique.

De fait, de très nombreux services ont vu le jour, certains connaissant un très grandsuccès, comme l’inévitable MySpace. Largement adopté par les musiciens, Internets’avère un formidable outil de communication. Pourtant, il ne semble pas avoir encorebouleversé les habitudes fondamentales des artistes autoproduits.

On a beaucoup écrit sur les innombrables options offertes par Internet pour magnifier lelien entre l’artiste et son public. La totalité des artistes que nous avons interviewés utilisentcertains de ces services numériques pour leur promotion, particulièrement MySpace.

Internet est désormais rentré dans les mœurs des artistes et des maisons de disquescomme mode de communication avec le public.

Opérations fanbase

La relation avec les fans s’en trouve renforcée et nous n’en sommes probablement qu’audébut d’un phénomène appelé à prendre de l’ampleur. C’est ce qu’ont bien comprisdes artistes comme Radiohead ou Barbara Hendricks, qui ont tous deux mis en placedes opérations de vente en téléchargement à un prix librement fixé par l’internaute.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin56

LES PARTENAIRES NUMÉRIQUES

Promotion en ligne

Page 56: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Au-delà de l’impact médiatique et des ventes générées, le profit de telles opérations estsans doute avant tout marketing. L’opération sur l’album baroque de Barbara Hendricks,menée en partenariat avec le distributeur numérique Believe en 2007, aurait permisde récupérer quelques 20 000 adresses de fans. Les résultats de l’opération menéepar Radiohead quelques semaines auparavant sont tenus confidentiels, mais on saitque le groupe a pu se constituer une base de données de fans colossale, à la valeurinestimable à l’heure du numérique.

Cette relation au fan, tout artiste autoproduit peut l’entretenir et l’exploiter à son échelle.Mais attention toutefois aux belles histoires que raconte l’Internet : si son pouvoir est réelet a permis à certains artistes d’émerger, il a toutefois ses limites, auxquelles s’est heurtéMano Solo.

« L’implication supposée des internautes n’a pas marché »

En 2007, l’artiste, qui vient de quitter Warner, décide d’autoproduire son nouvel album« In the Garden ». En complément du budget de production de 130 000 €, financé paremprunt bancaire, l’artiste lance une souscription sur Internet pour couvrir les frais depromotion.

« J’ai eu 1 800 souscriptions, à 17 € en moyenne » explique Mano Solo. « Ca nous apermis de payer les affichettes sur les portes du métro pendant une semaine. Maisl’implication supposée des internautes [dans la promotion de l’album] n’a pas marché.Il faut que cela vienne des canaux habituels, car le public ne va pas à l’info ! »

La participation du fan n’est pas simple à déclencher, même quand on dispose déjàd’un public fidèle. Au-delà de la promotion, la transformation de la notoriété enrevenus pour l’artiste est encore plus difficile à réaliser. Car même lorsque le buzzprend, que l‘information sur un album circule comme par magie via les internautes,les ventes suivent difficilement. Les quelques exemples archi-connus d’artistes ayantpercé par le net et vendu beaucoup de disques cachaient presque toujours un travailacharné d’une maison de disques avec des méthodes tout à fait traditionnelles.Nous avons entendu parler de plusieurs artistes qui, sur la base d’une audience fidèlesur MySpace, ont décidé de fabriquer leurs disques et n’en ont vendu quasiment aucun,bien qu’ils se soient produits en concert.

« Le numérique, ça marche comme carte de visite, comme canal de promo, mais commecanal de distribution, non, pas aujourd’hui du moins ! » résume ainsi Jérôme Roger,directeur général de la SPPF.

57

Page 57: L'artiste producteur en France en 2008

En termes pécuniaires, le numérique est encore loin d’être une réalité concrète pour unegrande majorité d’artistes. Rappelons que le marché du numérique ne représentait que7% du chiffre d’affaires des éditeurs phonographiques en France en 2007. Même s’il estappelé à croître, le phénomène ne touche pas tous les artistes de la même manière.

« Moi, je ne prépare pas l'avenir, je fais des comptes d'exploitation tous les mois ! »

Le consensus est net parmi les personnes que nous avons interrogées : sauf exception,Internet et la téléphonie mobile ne rapportent pas d’argent aux artistes autoproduits.

« Karpatt, c'est 17 000 à 18 000 albums vendus depuis 2006, pour 300 ventes numériques! » illustre Luc Natali, leur manager. « Et pourtant, il y avait eu une opération spéciale enligne via un distributeur numérique! Moi, je ne prépare pas l'avenir, je fais des comptesd'exploitation tous les mois, donc le numérique ne m’intéresse pas ! »

Selon Guy Messina, le téléchargement sur FnacMusic44 se fait avant tout sur des titresconnus. « 60% des ventes, c’est du top ! On peut avoir des coups de cœur et mettre enavant des autoproductions, mais cela génère très peu de ventes. »

Les contre exemples existent : selon Denis Ladegaillerie, Barbara Hendricks a vendu5 000 ou 6 000 albums de son album baroque en digital, à 7 €65 en moyenne. FabriceAbsil indique quant à lui que le Trio Joubran, qu’il édite, vend 40 à 50% de ses albumssous forme numérique45.

On peut remarquer que ces deux exemples portent sur des artistes au profilinternational. On touche ici à la grande force du numérique : il permet une expositionmondiale beaucoup plus facile. L’industrie de la musique étant de plus en plus dépendantede ventes à l’export, cet aspect du numérique offre des perspectives de développementintéressantes, mais encore floue pour beaucoup d’artistes autoproduits.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin58

Des ventes numériques négligeables

44 Plateforme de téléchargement de la Fnac.45 Déclaration faite lors des rencontres européennes des artistes de l’Adami à Cabourg le 28 novembre 2008.

Page 58: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

D’autres exemples de vente en ligne réussies par des artistes autoproduits concernentles ventes en exclusivité numérique. Ainsi, selon David Barat, « les ventes sur Internetont bien fonctionné pour Soko, car son disque est uniquement disponible en numériquepour l’instant. Nous avons vendu entre 60 000 et 70 000 fichiers dans le monde à ce jour,pour un 5 titres (via Believe). Mais Peter Von Poehl ne vend rien par exemple. »

Si son potentiel est réel, le numérique ne représente encore qu’un revenu marginal pourl’essentiel des artistes autoproduits. Les acteurs de la filière se préparent toutefois à uneévolution rapide, comme l’explique Julien Kertudo : « Pour l’instant, c’est vrai que celane représente rien en termes de revenus pour nos artistes, mais cela commence à mûriret le contexte change : il y a un vrai problème de place dans les bacs et de moins en moinsde distributeurs indépendants ! »

Le numérique permet en revanche à certaines sociétés qui agrègent les ventes deces autoproductions de prendre leur essor et de proposer des services de plus en plusadaptés, constituant de nouveaux partenariats avec les artistes.

La distribution numérique a engendré l’apparition de nouveaux acteurs dédiés, d’abordappelés agrégateurs, aujourd’hui plutôt distributeurs numériques, voire labels numériques.En France, on peut évoquer Believe et Wild Palms Music, qui se sont construits autourde l’autoproduction, ou Idol, un distributeur qui travaille essentiellement avec des maisonsde disques, mais qui a quelques artistes autoproduits à son catalogue.

Chez Believe, 100% des artistes sont en autoproduction. Le contrat-type prévoit 60% desrevenus pour l’artiste jusqu’à 25 000 € générés, 70% après. Les artistes plus reconnuscomme MC Solaar touchent eux jusqu’à 80%. Selon Denis Ladegaillerie, la moyenne desroyalties reversées est de 68%, versées de manière trimestrielle.

59

Les distributeurs numériques46

46 Nous parlons ici de distribution de musique dématérialisée, non de distribution sur Internet de supportsphysiques.

Page 59: L'artiste producteur en France en 2008

« Le numérique permet de donner sa chance à un nombre beaucoup plus significatifde projets ! »

En 2007, Believe annonce avoir signé entre 300 à 400 nouveaux contrats, dont« 15 à 20% sont des professionnels, 200 sont des semi-pros qui tentent leur chancesur 6 mois ou un an, et les autres ont une activité principale en dehors de la musique »explique Denis Ladegaillerie, président de Believe, avant d’ajouter : « Le numérique permetde donner sa chance à un nombre beaucoup plus significatif de projets ! »

Les distributeurs physiques, qui ont pour la plupart démarré leur activité numériqueavec retard, sont actuellement en train d’investir ce terrain au vu de la dégradation rapidedu marché physique. Musicast est ainsi en train de développer son activité de distribu-tion numérique, tandis que L’Autre Distribution la propose également, mais via les servicesde Believe.

Les distributeurs numériques sont aujourd’hui les plaques-tournantes du commercede musique en ligne et l’accès aux principales plateformes est quasiment impossiblepour un artiste autoproduit sans passer par l’un d’eux. FnacMusic ne prend pasd’autoproduction numérique en direct, mais recommande de passer par un distri-buteur numérique.

Bien que ces distributeurs soient, pour certains, moins sélectifs que les distributeursphysiques, la vente en ligne numérique ne semble pas encore être devenue une réalitépour de nombreux artistes autoproduits.

Mode de distribution numérique des autoproductions effectuéespar les associés de l’Adami47 dans les trois dernières années

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin60

Assurée par le même partenaire que la distribution physique

Assurée par un autre partenaire

Assurée par l’artiste

Pas de distribution numérique

19,6%

15,7%

33,5%

31,1%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

47 Cf. note 2 p.7

Page 60: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

On constate donc que seuls 35,3% des associés interviewés bénéficient d’une distributionnumérique via une société tierce. Nous avons vu qu’ils étaient 49,5% pour la distributionphysique. Cela montre comme le numérique reste à la traîne concernant l’autoproduction.

Il est également intéressant de constater que lorsqu’il y a distribution numérique, elleest plus le fait de sociétés assurant également une distribution physique (19,6%) que dedistributeurs purement numériques (15,7%), ce qui montre ici aussi une certaine inertiedans les modes de collaboration.

Enfin, notons que 37,5% des œuvres autoproduites sont disponibles sur au moins unedes grandes plateformes de vente de musique en téléchargement (iTunes, Virginmega,Fnacmusic, Orange music ou SFR music)48.

Malgré ses dix ans d’existence, l’Internet musical reste à construire ; on voit percer denouvelles pratiques, pour lesquelles les artistes vont avoir besoin d’intermédiaires.

Ainsi des distributeurs numériques comme Believe cherchent-ils à se positionner commepartenaire privilégié de l’artiste en élargissant la palette de leurs services, avec unepromotion web élargie, et désormais un travail de promotion vers les médias traditionnelset un travail marketing. En 2008, Believe a sorti en exclusivité le dernier album dePatricia Kaas, qui à ce jour n’a pas fait l’objet de distribution physique.

Au-delà de la promotion ou de la distribution, des services sont créés pour aider l’artisteà tous les niveaux. Le financement d’une production par les internautes, par exemple, faitparler de lui depuis quelques années dans le monde - depuis 2007 en France, avec desservices type Mymajorcompany, Nomajormusik, Spidart. Ces services ont en communde permettre aux internautes de miser de l’argent sur les artistes qu’ils aiment afin deleur permettre de produire un album. La communauté web se fait ainsi coproductricede l’album, même si la réalité juridique de la coproduction reste à valider et est d’ailleurstrès différente d’un service à l’autre.

61

48 Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires.

De nouveaux intermédiaires

Page 61: L'artiste producteur en France en 2008

Internet apporte des possibilités de mutualisation des moyens de production, de diffusionou de vente dont l’impact sur l’autoproduction devrait aller croissant, à mesure que lenumérique prendra sa place dans la filière musicale.

***

Le numérique, malgré tout son potentiel, n’a apparemment pas encore bouleversé ladonne pour les artistes autoproduits cherchant à s’insérer dans la filière professionnelle.Pourtant, il met à disposition de l’artiste des moyens peu onéreux d’enregistrementou de diffusion de musique et favorise de nouvelles formes d’interaction avec le public.À terme, il favorisera aussi la vente. Avec un marché numérique plus fort, on devrait voirde plus en plus d’artistes tenter le pari de l’autoproduction et de la vente en direct, maisle mythe de l’artiste gérant sa carrière sans intermédiaire reste improbable. En revanche,la nature et le rôle des intermédiaires pourraient évoluer.

« On aura toujours des artistes star et des experts qui les aideront à accéder à cestatut, mais le marketing va être plus adapté à chacun » estime Denis Ladegaillerie.« Le numérique peut remettre en cause des manières de travailler, mais pas le travail deprofessionnalisation de la carrière artistique » résumé Hervé Rony.

Le marché de l’autoproduction sera-t-il réellement plus accessible à l’arrivée ? PascalBittard, fondateur d’Idol, n’y croit pas : « L’autoproduction, c’est un miroir aux alouettesavec Internet : tout le monde croit qu’il peut vendre. Ce n’est pas parce que tu fais du painchez toi que tu peux être boulanger ! Tout le monde n’a pas droit au marché : commetoujours, il y a peu d’élus. »

Les théories sur ces questions s’affrontent, il nous semble inutile de rentrer dans cedébat ici. Quoi qu’il en soit, l’autoproduction à vocation amateur assumée comme telledevrait prendre une place plus importante à côté du monde professionnel, profitantdes facilités de partage du web. Rappelons que ces artistes amateurs commencentà représenter un poids économique, sur lequel se fonde entre autres le serviceJamendo, qui propose en écoute gratuite les albums autoproduits de 10 000 artistes,dont la majorité « font ça pour le fun ».

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin62

Page 62: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin 63

MANO SOLO, l’autoproduction de A à Z

Autoproduction en 2007 de l’album « In the Garden », en distribution chez L’AutreDistribution.Carrière antérieure : en contrat d’artiste chez Warner. Plusieurs disques d’or.

Budget d’autoproduction- Production, fabrication : 130 000 €, empruntés à une banque, avec la maison del’artiste en gage.

- Promotion : 30 000 €, via une souscription auprès d’internautes.- Séances d’enregistrement des musiciens payées. 2 points de royalties pour chaquemusicien, en compensation des répétitions non payées.

Répartition recettes- Royalties Mano Solo : 15% (« comme chez Warner, mais sans les abattements »)- Royalties musiciens : 8% (2% pour chacun des quatre musiciens)- Royalties manager : 10%

Rentabilité : « J’ai juste pu rembourser le prêt, avec 30 000 ventes »

Pourquoi l’autoproduction ?« Je n’étais pas content de l’attitude de Warner et des autres vis-à-vis du numérique.J’ai voulu remettre l’artiste dans un contexte social, montrer que je fais vivre dumonde ! »

Enseignements tirés de l’expérience« J’ai pris une tarte, je pensais que le public me suivrait plus ; pendant deux ans,j’ai bossé gratos. L’autoproduction, c’est pour les aigris ou les révoltés, qui n’arriventpas à en vivre. C’est comme quant tu publies un livre à compte d’auteur, les librairesn’en veulent pas. »

Lu dans la presse : « Pour sauver sa boutique, Manu part en tournée « permanente» avec son groupe, celui avec lequel il a réalisé In the Garden »49

Et ensuite ? Actuellement en licence chez Wagram.

49 Le Soir, Belgique, 15/04/08.

Page 63: L'artiste producteur en France en 2008

3. L’artiste entrepreneur

L’autoproduction requiert un savoir-faire multiple, en termes de production artistique,de technique de sons, de stratégie marketing ou commerciale, etc. Elle demandeégalement à l’artiste de se transformer en patron d’entreprise, de gérer une société,des budgets, des financements. Si tous ne le font pas en direct, ils en ont en revanchesouvent la responsabilité. Nous nous attacherons ici à évaluer les choix le plus couram-ment effectués par les artistes-producteurs.

L’activité d’autoproduction requiert avant tout une structure légale, dont la nature peutavoir des conséquences importantes sur le projet lui-même.

La plupart des aides de la profession, notamment, sont attribuées à des personnalitésmorales, sociétés ou associations. Pourtant, si l’on se réfère à l’enquête menée auprèsd’associés de l’Adami en autoproduction, on constate que près d’un tiers ont mené à bienun projet d’autoproduction sans aucune structure juridique. Ce chiffre peut paraîtreélevé, au vu de la population interrogée, qui est par définition à un stade relativementintégrée dans la sphère musicale professionnelle.

Notons toutefois que l’absence de structure ne signifie pas forcément un renoncementaux aides : Jean-Jacques Birgé relate ainsi que le label GRRR n’existe pas en tant questructure officielle, mais qu’il a créé dès 1982 une association qui permet au collectifd’artistes de demander des aides.

Quelle structure juridique choisie par les artistes de la musique associésde l’Adami ayant réalisé une autoproduction dans les trois dernières années

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin64

STRUCTURE JURIDIQUE : L’ASSOCIATION REINE

Association

SARL,EURL

SAS

Pas de structure

Autre

49,8%

14%

0,3%

31,3%

4,5%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

Page 64: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Pour les autres, c’est sans surprise l’association, beaucoup plus simple à créer et à gérer,qui constitue l’essentiel des structures choisies, dans 49,8% des cas.

« Je conseille l’association la plupart du temps » explique Luc Natali. « Monter une SARLpour 3 000 albums, c'est compliqué. Avec une asso, tu as un code APE, un numéro deSiret, la TVA, mais une gestion plus light et presque aucun risque de contrôle des impôts,très consommateur en temps ! »

Luc Natali prône même une production par l’artiste, qui signe ensuite en licence avec sapropre association. Cela évite d’avoir à gérer la question délicate de l’actif au moment dela liquidation d’une association.

Seules 14,3% des autoproductions ont été effectuées dans le cadre d’une société, signed’un degré de développement, ou au moins d’une ambition, supérieure.

Il n’y a évidemment pas de budget type pour une autoproduction. Tout est fonction dumatériel dont dispose déjà l’artiste ou son entourage, du genre de musique à enregistrer,d’un degré plus ou moins élevé de système D, d’un respect plus ou moins grand dela légalité et des ambitions liées au projet.Nous avons néanmoins pu obtenir des moyennes à partir de sources différentes.

L’étude des pratiques des membres de l’Adami en autoproduction montre un budgettotal moyen de 17 400 Euros, ce qui semble peu élevé, si l’on considère qu’entre lesdeux tiers et les trois quarts des artistes concernés doivent assumer la fabrication,la promotion et le marketing de leurs œuvres, comme nous l’avons vu dans la deuxièmepartie.

Budget total des artistes de la musique associés de l’Adami ayant réaliséune autoproduction au cours des trois dernières années

65

DES BUDGETS SERRÉS

Budget global moyen 17 400 €

Source : M.A.N Media – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

Page 65: L'artiste producteur en France en 2008

L’étude des dossiers aidés par l’Adami montre des investissements nettement plusélevés50, ce qui s’explique notamment par le fait que ces dossiers ont par définition reçuun apport financier supplémentaire via les aides. On peut également supposer que ledegré de professionnalisation moyen des projets d’autoproduction soutenus par l’Adamiest supérieur à celui de l’ensemble de ses associés.

Projets musicaux en autoproduction aidés par l’Adami en 2007 : budget moyen

Remarquons enfin que les budgets de production moyens sont moins élevés pour lesprojets de musique classique et jazz que pour les projets de variétés.

Ces moyennes cachent évidemment des réalités très disparates.

Ainsi, Syrano enregistre-t-il en studio après une préparation minutieuse chez lui poury passer le moins de temps possible. Selon son manager Luc Natali, il a dépensé 8 000 €pour son album, qui inclut pourtant de nombreux instruments « réels ».

Certains enregistrements ne coûtent rien ou presque. Selon Denis Ladegaillerie, seulle mastering est une dépense incontournable : « Un mastering professionnel, c’est 50à 100 € par titre, donc si tu connais des gens pour le reste - et tu en connais toujours -ton budget c’est 1 000 € à 1 500 € ! »

Tout dépend du résultat que l’on veut obtenir : Mano Solo a investi 160 000 € au totalpour son album « In the Garden ». « Je ne vois pas pourquoi l’autoproduction nuirait à laqualité » explique-t-il. « Le son, c’est un vrai métier, il te faut un ingénieur du son. »

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin66

50 Notons que pour l’Adami, la production inclut les processus d’enregistrement et de post-production.

Budget global moyen tous genres confondus

Budget moyen classique et jazz

Budget moyen variétés

34 228 €

30 304 €

37 032 €

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

Page 66: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

De fait, même si le home studio a pris une place importante dans l’autoproduction,on constate que les studios professionnels ont été utilisés dans plus de la moitié des caspour l’enregistrement et plus des deux tiers pour le mixage.

Des musiciens payés… d’une manière ou d’une autre

Les musiciens ne sont pas toujours payés pour leur prestation d’enregistrement d’uneautoproduction. « C’est sûr qu'à ce prix-là, il ne faut pas demander les fiches de salairedes musiciens ! » constate Luc Natali.

« Parfois, on s’arrange en les payant rétroactivement » indique Syrano, qui dit céder desdroits de composition Sacem à ses musiciens professionnels « pour leur montrer que leurimplication n’est pas vaine ». Un artiste nous a confié : « Je considère que les musiciensdoivent dans ce cas être coproducteurs, et non pas percevoir de minuscules cachetset de ridicules royalties sur des ventes dérisoires...»

Cependant, le non-paiement n’est pas la règle, d’autant que les aides consentiespar la profession sont bien souvent conditionnées par le respect de la rémunérationlégale des musiciens.

« La plupart du temps je ne me paye pas » explique Jean-Jacques Birgé. « Par contreje paye les musiciens ». Mano Solo a lui aussi payé ses musiciens pour l’enregistrementde son album, tout en cédant 2 points de royautés à chacun de ses quatre musiciens,en compensation des heures passées à répéter sans être payés.

67

Home Studio

Studio Professionnel

Autre

40,7%

52,4%

6,9%

Home Studio

Studio Professionnel

Autre

31,8%

66,8%

1,4%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

Lieu d’enregistrement Lieu de mixage

Page 67: L'artiste producteur en France en 2008

Le système d’aides à l’enregistrement mis en place par la profession, que nous détaillonsplus loin, est très incitatif pour le paiement des musiciens, puisqu’il pose commepréalable le respect du cadre légal. Notons d’ailleurs que 20,6% des artistes producteursmembres de l’Adami ont déclaré s’être payé un cachet d’enregistrement51… soitquasiment exactement le pourcentage de projets ayant reçu des aides (voir plus bas) !

« Dès qu’ils entendent le mot licence, ils se lâchent au niveau des tarifs ! »

Les coûts de production peuvent également dépendre des partenaires de l’artiste.plusieurs producteurs nous ont signalé une hausse des prix du côté des prestataires deservice, qui ont tendance à se montrer plus gourmands sur les projets en licence, du moinsavec de grosses maisons de disques. « Du côté des studios ou des autres prestataires »raconte R. Dardalhon, « ils se lâchent au niveau des tarifs dès qu’ils entendent le motlicence ! »

Notons enfin que, même en contrat de licence, le budget de l’artiste producteur ne selimite pas toujours à la production du seul master : « les maisons de disques veulentdes images pour le web, des captations de concerts, des bonus dvd, etc. » expliqueR. Dardalhon. « Et vu que ce ne sont pas elles qui payent, elles en réclament toujoursplus ! »

Sans parler du clip, souvent à la charge du producteur. Pour Thomas Bonardi, « Tout celacoûte très cher et ils [les artistes producteurs] n’ont pas souvent les moyens. »

Un budget d’autoproduction en contrat de distribution doit prévoir des dépensessupplémentaires, à commencer par la fabrication des supports physiques et le paiementde la SDRM, que l’on estime globalement à un Euro par CD chacun. Par ailleurs, l’artisteproducteur doit payer les frais de promotion et de marketing, très lourds dans lesbudgets des maisons de disques.

Nous avons analysé les dossiers d’autoproduction aidés par l’Adami en 2007 pourlesquels nous disposions du budget promotion / marketing (cette information n’est pasexigée par l’Adami).

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin68

Défaillance marketing

51 Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

Page 68: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Budget de productions des artistes autoproduits sous contrat de distributionaidés par l’Adami en 2007

Avec plus des deux tiers de l’investissement consacré à la production, on constateune structure budgétaire déséquilibrée par rapport aux habitudes des maisonsde disques dont nous avons pu avoir connaissance.

Les dépenses en promotion et marketing en sont mécaniquement affectées, plusparticulièrement encore pour les projets de musique classique et jazz. Dans la plupartdes cas, les budgets promo s’élèvent à quelques milliers d’euros maximum. Ce typed’enveloppe permet de réaliser un certain travail mais est le signe que la plupart desartistes autoproduits restent dans le système D, loin des clips ou attachés de presseprofessionnels.

Ces statistiques ne sont issues que d’un nombre limité de dossiers, mais ils illustrentles difficultés rencontrées par beaucoup d’artistes producteurs. Ainsi, Nouvel R a-t-ilconsacré 6 000 € de son budget de 20 000 € à la promotion de son premier albumautoproduit. Un montant manifestement insuffisant, puisque le manager Vivien Gouerynous a déclaré : « Pour le deuxième, on espère que ce sera 5 fois plus ! »

69

Part du budget totalconsacré à la production

Part du budget totalconsacré à la

promotion/marketing

Variétés

67,5%

17,5%

Classique et jazz

70,3%

10,5%

Total

69%

13,5%

Source : M.A.N Media à partir de données Adami

Page 69: L'artiste producteur en France en 2008

Nous avons vu que les artistes ont souvent recours à l’entraide ou à des systèmes depoints sur les ventes pour « financer » un certain nombre de services, tels que la locationde studio ou les séances d’enregistrement par des musiciens.

Ces arrangements concernent presque 22% des associés de l’Adami en autoproduction.Ils ne permettent pas de financer l’ensemble d’un budget d’autoproduction, et les artistesdoivent trouver des fonds pour mener à bien leur projet.

Le tableau ci-dessous montre que les artistes ont très souvent recours à des fondspropres (87% des associés Adami ayant répondu à l’enquête), complétés le plus souventpar des aides (20,5%) ou des souscriptions (14,2%).

Sources de financement des projets d’autoproduction par les associésde l’Adami52 (plusieurs sources possibles pour chaque projet)

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin70

FINANCEMENT

Fonds propres

Avances sur recettes dans le cas d'une licence

Souscriptions

Aides à l'autoproduction

Par échanges de services avec d'autres professionnelsde la musique

Autre

87%53

7,7%

14,2%

20,5%

21,9%

6,8%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

52 Cf. note 2 p.753 À lire ainsi : 87% des projets ont été financés au moins en partie par des fonds propres.

Page 70: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Par les temps qui courent, parler d’emprunt bancaire pour financer un disque peutsembler incongru. Au moment où nous avons réalisé notre enquête (avant l’explosion dela crise économique de fin 2008), cela restait envisageable… dans des cas rares.

On l’a vu, pour financer l’enregistrement de « In The Garden », Mano Solo a emprunté130 000 €, en hypothéquant sa maison. Mais tout le monde n’a pas la carrière de ManoSolo ni sa maison pour convaincre un banquier de prendre le risque de lui prêter desfonds. Le secteur de la musique dans son ensemble n’est pas considéré comme des plussûrs par les banques et les emprunts ne sont pas faciles à obtenir.

Pour pallier ce problème du secteur phonographique, les Ministère de la Culture et del'Economie et des Finances ont missionné l’IFCIC (Institut pour le Financement du Cinémaet des Industries Culturelles ) afin d’aider les entreprises auprès des banques engarantissant une partie de l’emprunt.

Si l’emprunt s’avère difficile pour une maison de disques établie, il relève de la perfor-mance pour l’artiste autoproduit. « Pour les banques, on ne peut pas prêter aux artistesautoproduits car, en caricaturant, le rôle de l'artiste est de créer, celui du producteur d'avoirles pieds sur terre » explique Mathieu de Seauve, directeur du crédit aux entreprisesde l’IFCIC.

Pourtant, en avril 2008, l’IFCIC avait cinq dossiers d'artistes autoproduits en cours, tousen contrat de distribution. « Ce sont des petits budgets » commente Mathieu de Seauve.« Les gros artistes n'ont pas forcément besoin de nous pour financer une production,d'autant que s'ils sont en contrat de licence : ils peuvent la financer avec l'avance. »

Les critères de sélection de l’IFICIC reposent avant tout sur un risque mesuré : « [Lesartistes sélectionnés] ne misent pas la réussite de leur entreprise uniquement sur lesuccès d'un album » détaille M. De Seauve. « Ce n'est pas parce que son disque ne sevend pas que l’artiste n'a pas de talent, donc il faut pouvoir tenir. Il faut pouvoir justifierd'une autre activité, plus stable - comme la création de bande son pour les radiospar exemple - ou montrer des ventes conséquentes sur un album précédent (quelquesmilliers d’exemplaires). » L’implication de partenaires est aussi importante, avec obliga-toirement un distributeur.

Selon M. De Seauve, les emprunts effectués par les artistes en autoproduction sontpresque systématiquement remboursés !

71

L’emprunt bancaire… un parfum de nostalgie ?

Page 71: L'artiste producteur en France en 2008

D’autres structures peuvent accompagner les artistes dans leur démarche d’empruntau niveau régional, en témoigne le manager de Nouvel R : « On a fait appel au centrede ressources Trempolino qui s’est porté garant auprès de la Société Générale. Maison a reçu les fonds alors que l’album était déjà pratiquement sorti, et au lieu d’un tauxbas, on a eu un taux à 4,8% + les frais de dossiers ! Donc j’aimerais éviter de réitérerl’expérience pour le 2me album, je préfèrerais faire appel au mécénat d’entreprise. »

L’emprunt bancaire a été relativement peu cité comme source de revenu dans les inter-views que nous avons effectuées. Hors système de garantie tels que ceux mis en placepar l’IFCIC, qui concerne bien peu d’artistes producteurs, il semble peu probable que cemode de financement puisse soutenir l’autoproduction musicale dans le contexte actuel.

Le système d’avances qui régit en partie les relations entre les différents acteurs de lamusique a de l’avis de tous perdu de son importance avec la crise du disque.Les avances sont moins nombreuses et moins élevées.

7,7% des artistes questionnés dans l’enquête auprès des associés de l’Adami54 ontutilisé une avance pour financer leur autoproduction dans le cadre d’un contrat de licence.Les montants d’avance sont évidemment extrêmement variables.

« Une avance typique d'artiste autoproduit en développement, c'est 50 000 € plus12 000 € de tour support » estime Rodolphe Dardalhon. Dans le marché actuel, ce typed’avances concerne essentiellement des artistes au fort potentiel de vente, pour lesquelsplusieurs maisons de disques entrent en concurrence.

Pour les autres, les montants sont bien plus réduits, quand avance il y a. Dans les musiquesdu monde, par exemple : « Quand je place une production de musique du mondeen licence chez une major, je suis content si j’ai 10 000 € d’avances » déclare DavidGodevais.

Remarquons également que, pour beaucoup d’artistes, les avances sont rarementversées avant l’enregistrement lui-même, ce qui les oblige à trouver une autre sourcede trésorerie. En haut de l’affiche, en revanche, « l’artiste ne finance jamais son autopro-duction : elle est toujours financée par avance » affirme Jacques Chesnais.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin72

Les avances

54 Cf. note 2 p.7

Page 72: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Même si c’est proportionnellement plus rare, le distributeur peut le cas échéant verserdes avances aux artistes autoproduits. Musicast a ainsi très exceptionnellement verséde l’argent pour le premier album de Hocus Pocus, qui s’est vendu à 10 000 exemplaires.« On leur a avancé de quoi fabriquer l’album, ce qui est très rare pour nous – on ne lefait que quand on sait qu’on va pouvoir récupérer notre mise » explique Julien Kertudo.L’Autre Distribution procède à une forme d’avance en prenant en charge le pressagedes disques de nombre de ses artistes. Le coût de fabrication est ensuite recoupé surles ventes.

Les éditeurs également, versent souvent des avances pour aider des projets d’autopro-duction. « Les avances vont de quelques milliers à 10 000 € pour des artistes en déve-loppement » explique Bruno Lion. « On investit en parallèle un budget non recoupablede 10 000 € maximum pour la création, que l’on peut dépenser nous-mêmes ou confierà l’artiste, selon les cas. »

Notons enfin que, dans des cas très rares, la SDRM effectue une avance sur répartitionpour ce qui concerne les droits mécaniques d’artistes autoproduits.

Le tableau précédent le montre : plus de 20% des projets réalisés par des associés del’Adami56 au cours des trois dernières années ont reçu une ou plusieurs aides. Ces aidesconstituent souvent un élément essentiel dans le montage budgétaire du projet, mêmesi elles sont conçues pour permettre de boucler un budget, non pour l'amorcer.

Leur rôle est souvent essentiel pour la rémunération légale des musiciens. « Si je veuxpayer les musiciens » explique Jean-Jacques Birgé, « je dois demander de l’aide, le plussouvent aux sociétés civiles, ou par exemple à une maison de la culture qui a produitun de mes spectacles. »

73

LES AIDES À L’AUTOPRODUCTION55

55 Précisons que nous nous intéressons ici uniquement aux aides financières.56 Cf. note 2 p.7

Page 73: L'artiste producteur en France en 2008

La profession dispose de plusieurs leviers pour aider la production musicale, essentiel-lement via les sociétés civiles (Sacem, Adami, SCPP, SPPF). Le FCM a également unprogramme d’aide à l’enregistrement. La plupart des programmes exigent un apport duproducteur au moins égal à la moitié du budget de production (hors coût de fabricationdes supports, mastering, et budget promotionnel).

Si la Sacem est la seule à proposer une aide spécifique à l’autoproduction, l’Adami aégalement une forte politique envers les artistes autoproduits. Tous genres confondus,l’Adami a accompagné 70 projets en autoproduction en 2007, sur un total de 220dossiers aidés. Sur les 24 dossiers soldés que nous avons analysés, la moyennede l’aide allouée est de 5 625 €.

Les autres programmes affichent un soutien à l’autoproduction sans doute moinsmarqué, mais attribuent néanmoins des aides à des artistes producteurs. À des degrésdivers, la plupart des aides à la production semblent destinées à soutenir des profes-sionnels plus que des artistes aspirant à le devenir. Ainsi, l’Adami ne soutient pas lepremier enregistrement d’un album de variétés (sauf pour les musiques traditionnelles).La Sacem aide les auteurs en début de carrière, mais a fait évoluer ses critères desélection pour l’aide à l’autoproduction afin de relever le niveau d’entrée : depuis 2006,les droits de reproduction mécanique doivent avoir été acquittés en amont et depuis 2007,il faut un minimum de 500 disques destinés à la vente. La Sacem attribue une aide de3 000 € à l’auteur.

Le programme d’aide à l’autoproduction de la Sacem a été créé en 2002. « Il y avaitun vrai problème discographique, avec des gens mis sur le côté, des contrats rendus »explique Lilian Goldstein, responsable des musiques actuelles de l’action culturelle.« On avait une aide à la maquette qui n’avait plus beaucoup de sens puisque les maisonsde disques n’avaient pas les moyens de développer des artistes. D’un autre côté,la technologie rendait facilement possible l’autoproduction.»

La Sacem reçoit 500 à 700 demandes par an pour son aide à l’autoproduction, pour33 à 53 dossiers retenus en moyenne entre 2003 et 2008.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin74

Les aides de la profession

Page 74: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Statistiques Aides à l’autoproduction Sacem depuis 200357

L’aide à l’autoproduction de la Sacem va au-delà de l’apport financier. « Le but estde favoriser le lancement de carrières » explique Lilian Goldstein. « Nous aidons doncles musiciens à se produire puis à se diffuser ». Les musiciens autoproduits aidés parla Sacem peuvent bénéficier, s’ils le souhaitent, des partenariats suivants :• Diffusion via Francophonie diffusion, organisme destiné à promouvoir la productionmusicale française et francophone sur les radios internationales.

• Distribution numérique via Believe.• La Sacem a enfin organisé en 2005 et 2007 le festival « Les Autres Prod », concertgratuit au Bataclan pour exposer les artistes autoproduits qu’elle soutient.

Les aides constituent un poumon essentiel à la vitalité discographique, tout en étant unepuissante incitation à rémunérer les musiciens participant au projet. Elles ne semblentpas à la portée de tous, du moins ne sont-elles pas perçues comme telles. Ainsitémoigne un membre du réseau les Allumés du Jazz : « Le problème c’est que quandon autoproduit, on ne peut obtenir à peu près aucune aide car les critères d’admissionsont basés sur des budgets trop importants, avec des contrats contraignants, etc. »

Une réflexion s’impose probablement sur les critères d’attribution de ces aides, enprenant en compte l’évolution rapide du marché du disque. Cette réflexion n’entre pasdans le cadre de cette étude, nous livrons ici quelques éléments qui sont apparus au coursde notre enquête.

75

Chanson

Pop rock

Mus. du Monde

Jazz

Electro

Hip Hop

Blues, Soul, funk

Enfants

TOTAL

95

32

31

28

16

13

9

1

225

Source M.A.N Media à partir de chiffres collectés auprès de la Sacem

57 Regroupement par genre effectué par M.A.N Media.

Page 75: L'artiste producteur en France en 2008

La distribution physique nationale, si elle fait sens pour de nombreuses autoproductions,peut laisser de côté des projets tout à fait valables, fondés sur la vente en concert et / ouune distribution numérique. Avec la fragilisation des réseaux de distribution physiqueet le renforcement des canaux numériques, ce constat risque de devenir récurrent.

« Le but du critère de distribution est de montrer que le projet d’autoproduction s’inscritdans le marché, mais il y a sans doute d’autres moyens » admet Bruno Lion, présidentdu FCM, qui prône des critères plus souples, incluant malgré tout une distribution,« qui reste importante à ce jour. »

Il faut également noter que ces aides portent sur la production de disque, non sur lemarketing ou la promotion, qui sont peut-être les secteurs nécessitant le plus de soutien.L’Adami justifie ce choix par l’impossibilité de vérifier la réalité des dépenses budgétéesen termes de promotion et de marketing.

Si les aides de la filière sont les plus visibles pour la production phonographique, desaides publiques existent également.

« Les premiers dispositifs ont plutôt été mis en place via des pôles régionaux, sousforme de soutien à la création » déclarait Frédéric Vilcoq, conseiller régional délégué auxcultures émergentes en Aquitaine et Vice-Président du Conseil Supérieur des MusiquesActuelles, lors des dernières rencontres européennes de l’Adami à Cabourg58. « Ellesfavorisaient l’autoproduction comme carte de visite pour démarcher les labels et les salles.Ce modèle existe encore dans certaines régions, mais il est désormais un peu obsolète :la difficulté n’est plus de produire, mais d’entrer dans un circuit de diffusion, de promo-tion et de distribution. Avec la crise du disque, on a en effet dû se poser des questions :Il y a des initiatives en faveur de la musique enregistrée depuis quelques années, maispas spécialement sur l’autoproduction. »

La région Bretagne a par exemple lancé en 2007 le site Labelmuzik.com destiné à mettreen avant des labels locaux. Le service, initialement réservé aux labels professionnelsprésents au Midem, est désormais ouvert aux artistes producteurs, sous réserve degaranties du respect de la légalité dans leur démarche.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin76

Les aides publiques

58 28 novembre 2008.

Page 76: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

D’autres régions se lancent dans la distribution, physique ou numérique. La régionRhônes-Alpes accompagne les labels indépendants sur la distribution physique etnumérique via sa propre plateforme, tandis que la région Aquitaine cherche à fédérerles régions et de travailler avec la plateforme privée Cd1d.

«Bientôt, nous aiderons à la distribution via des accords avec les librairies indépendants »explique Frédéric Vilcoq. « Cela fera 60 points de vente en Aquitaine. Cela s’adresse auxlabels, mais aussi aux artistes producteurs reconnus : nous travaillons pour voir commentles intégrer juridiquement. »

***

Les structures de financement des 24 projets d’autoproduction aidés par l’Adami quenous avons analysés montrent un nombre significatif de dossiers ayant bénéficié d’aidesmultiples, seuls 8 dossiers n’ayant pas obtenu d’aide complémentaire à celle de l’Adami.On constate que les aides proviennent aussi bien du secteur privé que du secteurpublic. Savoir-faire de l’artiste dans la recherche d’aides, ou intérêt commun desstructures pour les mêmes projets ? Le pourcentage moyen de financement par aidesest de 28%, avec un maximum constaté de 48%.

Sources de financement de 24 artistes autoproduits aidés par l’Adami en 2007

77

Environ 28% du budget d’une autoproduction provient d’aides,publiques ou privées

Montant total d’aide privée : 177 200 €

Montant total d’aide publique : 55 504 €

5 ont reçu une aide du FCM

3 ont reçu une aide de la SCPP

1 a reçu une aide de la SPPF

1 a reçu une aide de la SACEM

5 ont reçu une aide de la région

4 ont reçu une aide du département

2 ont reçu une aide de la ville

4 ont fait appel au mécénat

Source M.A.N Media à partir de l’analyse de données Adami

Page 77: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin78

NOUVEL R, l’autoproduction hybride

1er album en autoproduction et autoédition.Bénéficiaire du programme d’aide à l’autoproduction de la Sacem.

Genre musical - hip-hop

Forme juridique - association

Type de contrat - hybride distribution / licence.Répartition des ventes : 45% Nouvel R, 15% label, 40% distributeur (Discograph)

Budget - 20 000 € au total, dont 6 000 € pour la promotion.

Pourquoi l’autoproduction ?« On n’avait pas vraiment d’autre choix car on ne trouvait pas de label. Finalementla plupart des enregistrements étaient faits, le disque était déjà prêt donc on a trouvéun label avec qui on a un mélange contrat de licence/contrat de distribution. Ils nousont avancé le pressage et les droits SDRM, les achats d’encarts de pub, et ontinvesti 4 000 €. Pour nous c’est plus intéressant de fonctionner comme ça car leretour financier est bien plus conséquent pour les artistes en autoproduction.Les marges sont beaucoup plus grosses. Mais il faut un énorme budget promo pourque ça marche, sinon ça ne sert à rien. »

Et ensuite ?Deuxième album prévu dans les mêmes conditions d’autoproduction.

Page 78: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

4. Les revenus des artistesproducteurs

Dernier volet de notre enquête, celui des revenus est peut-être le plus difficile à évaluer.Nous avons cherché à valoriser les revenus issus à la fois de la vente directe de l’auto-production, mais aussi les droits voisins et bien souvent les droits d’auteurs dans le casd’auteurs compositeurs interprètes producteurs.

L’autoproduction ayant une définition différente selon les détaillants, il est difficiled’obtenir des chiffres de marché. Par ailleurs, une partie des ventes s’effectue en dehorsdes circuits traditionnels de distribution, plus particulièrement en sortie de concert.

Nous commencerons par nous appuyer sur les chiffres de la Fnac, que nous avonsprésentés dans la deuxième partie et que nous complétons ici avec les moyennes deventes selon les produits.

Ventes de disques dans les magasins Fnac en 2007

79

VENTES DE DISQUES

nombre de référencesvendues

nombre d’exemplairesvendus au total

ventes moyennepar référence

Autoproductiondistibuée

par Musicast

860

23 000

26,7

TotalAutoprod.

3 742

44 000

11,8

Autoproductionhors distribution

Musicast

2 882

21 000

7,3

VentesTOTALESFnac

208 000

20,4 millions

96,6

Source : M.A.N Media à partir de données Fnac

Page 79: L'artiste producteur en France en 2008

Les ventes de disques autoproduits sont évidemment faibles par rapport au reste dumarché : un disque se vend en moyenne à 7,3 exemplaires pour les artistes passanten direct par la Fnac, dont le disque n’est souvent disponible que dans un magasin.Le distributeur Musicast, partenaire de la Fnac à l’importance croissante pour l’autopro-duction, génère des ventes supérieures, 26,7 par référence en moyenne. La distributionse fait alors généralement sur l’ensemble du réseau Fnac.S’il n’est pas communiqué, le chiffre d’affaires de la Fnac sur l’autoproduction estprobablement modeste, comme l’a d’ailleurs dit lui-même Guy Messina. En prenant unprix de vente moyen de 15 €, on aboutit à un chiffre d’affaires de 660 000 €.

Il faut toutefois considérer que ce chiffre est très loin d’englober l’ensemble de l’auto-production telle que nous l’avons définie, et concerne surtout les artistes les moinsvendeurs. Le chiffre d’affaires officiel de L’Autre Distribution, dont l’activité est égalementtrès axée sur l’autoproduction, mais avec des artistes non pris en compte dans lesautoproduits de la Fnac, montre une autre échelle, à 1,9 millions d’euros en 2006. Alorsque L’Autre Distribution travaille sur un nombre relativement faible de références, on endéduit que les ventes moyennes par phonogramme qu’elle distribue sont nettement plusélevées que pour celles considérées comme relevant de l’autoproduction par la Fnac.

Si l’on s’intéresse maintenant aux revenus des artistes, on peut s’appuyer sur les chiffressuivants :

Nombre d’exemplaires vendus (sous forme de CD) par les associés de l’Adami59

ayant effectué une autoproduction au cours des trois dernières années

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin80

0

De 1 à 499

De 500 à 999

De 1 000 à 4 999

De 5 000 à 9 999

De 10 000 à 49 999

De 50 000 à 99 999

Plus de 100 000

3,5%

18,1%

19,2%

38,5%

11,9%

6,9%

0,8%

1,2%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

59 Cf. note 2 p.7

Page 80: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Rappelons que les chiffres de ventes annoncés sont à pondérer avec un facteur tempsvariable selon les projets, puisque l’autoproduction peut avoir été réalisée un mois avantl’enquête et donc ne pas avoir encore donné lieu à une exploitation. Ce facteur expliquesans doute en partie les réponses indiquant 0 vente. Peut-être également les artistesont-ils privilégié un disque promotionnel afin de se faire connaître plutôt que de le vendre.

37,3% des autoproductions se sont vendues à moins de 1 000 exemplaires, et presqueautant (39,8%) entre 1 000 et 5 000 exemplaires.

Ces résultats sont cohérents avec le nombre moyen d’exemplaires pressés, que l’on peutestimer entre mille et deux milles exemplaires, si l’on se fie aux projets aidés par l’Adami.

Projets aidés par l’Adami en 2007 - nombre d’exemplaires pressés

Cette moyenne exclut les deux extrêmes de l’autoproduction, à qui les aides de l’Adamine sont pas destinées : l’artiste « star » et l’artiste en début de carrière ou au projetmal ficelé. Ces chiffres sont corroborés en termes d’échelle par ceux avancés par l’actionculturelle de la Sacem, même si ces derniers sont inférieurs : la moyenne de pressage desprojets autoproduits aidés par la Sacem – qui ne concerne que la variété oscilleentre 500 et 2 000 disques.60

Les ventes sont évidemment extrêmement disparates, entre les Gipsy King en licencechez Warner qui ont vendu plus de 200 000 exemplaires de l’album « Roots » aux seulsEtats-Unis61 et l’artiste dont les CDs remplissent la baignoire. La Rue Ketanou vend del’ordre de 75 000 exemplaires de chacun de ses albums, selon Luc Natali. Chez Musicast,les ventes exceptionnelles se situent à 10 000 exemplaires, comme pour l’albumd’Hocus Pocus, voire 20 000 pour la mixtape de Diam’s. Mais une bonne vente moyennese chiffre entre 800 à 1 200 exemplaires. « Notre cœur de métier, c’est vraiment demultiplier les petites ventes. »

81

Nombre d’exemplaires moyen pressés (variétés)

Nombre moyen d’exemplaires pressés (classique et jazz)

2 363 ex.

1 264 ex.

Source : M.A.N. Media à partir de données Adami

60 Source : Lilian Goldstein et Nathalie Bégaud, Sacem61 Source : Bruno Lion.

Page 81: L'artiste producteur en France en 2008

La moyenne des ventes pour les autoproductions réalisées par des artistes de l’Adamiayant répondu à l’enquête se situe à 12 194 exemplaires. Rappelons que ce chiffreconcerne les phonogrammes produits au cours des trois dernières années, soit unemoyenne d’exploitation de deux ans.

Le chiffre est en soi peu révélateur, puisqu’on vient de voir que quelques trèsgrosses ventes tirent une moyenne générale relativement basse. Il est toutefoisintéressant d’établir une estimation des ventes de disques autoproduits en France, ennous aidant sur l’évaluation faite précédemment du nombre d’œuvres sorties par an.

Estimation du volume de ventes de disques sortis en autoproduction entre septembre2006 - septembre 200762 : 6 114 * 12 194 = 74 554 116 ventes sur environ deux annéesd’exploitation.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin82

Ventes moyenne pour une autoproductionsur deux ans d’exploitation environ

12 194

Source : Enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

En extrapolant, on obtiendrait des ventes annuelles d’autoproductions en volumede 75 millions d’exemplaires, pour la période sept. 2006 - sept. 200763 en France.

Ce chiffre n’a pas de valeur en tant que tel, étant donné les biais liés à nosestimations. Il est d’ailleurs probablement largement surévalué, si on le compareavec le volume total des ventes de disques en France – productions étrangèrescomprises -, qui était de 83,1 millions d’unités physiques en 2007 et de 102,7 mil-lions en 200664. Les ventes d’autoproduction ne sont pas toutes prises en comptedans le panel GfK (notamment les ventes hors distribution professionnelle, en conceptpar exemple). Les données exposées ne nous permettent donc pas de calculer la partde l’autoproduction dans le marché global.

62 L’enquête auprès des associés de l’Adami a été effectuée en septembre 2008. Elle a relevé les autopro-ductions effectuées au cours des trois dernières années, soit en moyenne entre septembre 2006 et septem-bre 2007.63 Le chiffre de 75 millions concerne deux ans d’exploitation, soit 37,5 par an. Sur une année N, on a donc37,5 millions de vente pour des phonogrammes sortis en année N, plus 37,5 ventes pour des phonogrammessortis en année N-1.64 Source : GfK.

Page 82: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Avec 10 000 ventes annoncées, le premier album de Syrano a été largement rentabilisé.« J’ai touché environ 14 000 € de bénéfice sur la vente des albums, une fois tous les fraispayés » détaille l’artiste. « En plus, j’ai touché environ 12 000 € de droits d’auteur. »

La rentabilité est liée aux ventes, mais aussi à l’investissement : malgré 30 000 ventes de« In the Garden », Mano Solo n’a pu que rembourser son prêt de 130 000 € (une chance,puisqu’il avait hypothéqué sa maison !) « Il y a un effet bascule » déclare son managerFatiha. « Si cela avait un succès, alors on aurait gagné pas mal d’argent. »

Mano Solo avait investi lourdement dans la production, bien plus que la moyenne,nous avons pu le vérifier. Selon Luc Natali, une vente d’environ 10 000 exemplaires endistribution permet généralement de dégager un bénéfice. Elle génère en effet un revenude 40 000 €, SDRM et frais de fabrication déduits, ce qui permet de financer la production,le marketing, de payer le manager et un attaché de presse. Reste souvent un bénéfice dequelquesmilliers d'euros que Luc Natali recommande de réinvestir : « L’artiste peut le garderpour lui, mais il peut aussi l’investir dans du tour support par exemple, car c’est la scènequi le fait vivre : un artiste qui parvient faire 10 000 ventes, il fait 80 dates dans l'année. »

Dans les cas de licence également, la rentabilisation est difficile à atteindre. « Il me fautvendre au moins 8 000 albums pour recouper une avance de 10 000 € » explique DavidGodevais. « Avec les abattements BIEM, pub et compagnie, tu passes d’un prix degros de 10 € à 8 € ou 8,5 € ; avec un taux de 20% de royalties, il doit me rester 1,7 €par disque !65 »

Les ventes nécessaires pour rentabiliser l’investissement sont donc relativement élevées.Nous parlons ici bien sûr d’artistes producteurs adoptant une démarche très poussée,avec un contrat de licence ou incluant le financement d’un attaché de presse, ou demarketing dans le cadre d’un contrat de distribution.

83

Ces estimations nous permettent néanmoins de constater que l’autoproduction,telle que nous l’avons définie dans cette étude, représente une part très signifi-cative des ventes de disques en France en volume.

UNE RENTABILITÉ SUR LA DURÉE

65 Sur une base de 1,7 € par disque, le calcul exact donne environ 6 000 albums pour recouper une avancede 10 000 €.

Page 83: L'artiste producteur en France en 2008

Nous l’avons déjà dit, la vente d’autoproductions se fait très souvent en fin de concert,y compris pour les disques faisant l’objet d’une distribution.

« La plupart du temps, [les artistes distribués par Musicast] vendent aux copains eten sortie de concert » acquiesce Julien Kertudo. Le phénomène est particulièrementimportant pour les autoproductions à faibles niveau de diffusion, mais il concerneégalement les artistes les plus vendeurs : la moitié des 10 000 albums vendus parSyrano s’est effectuée en sortie de concert.

Il ne s’agit pas là d’une moyenne. La société L’Autre Distribution, qui distribue Syrano,autorise par contrat ses artistes producteurs à vendre leurs disques à leur compte en finde concert car elle considère que cela n’a pas d’impact sur les ventes en magasin.

En dehors des volumes écoulés, les ventes en concert sont particulièrement intéressantespour l’artiste producteur, qui profite a priori d’une marge très nettement supérieure.En effet, les artistes vendent généralement les disques à leur compte. Lorsqu’ils fabriquenteux-mêmes leurs disques (hors contrat de licence donc), un album vendu 15 € leurrapporte donc 13 € de marge, déduction faite de la SDRM et de la fabrication.

La vente de 1 000 CD en sortie de concert serait donc équivalente pour l’artiste produc-teur à la vente de 3 250 CD en distribution66. Autrement dit :

Nombre de ventes nécessaires pour 10 000 € de revenus (coûts fixes déduits)pour l’artiste en contrat de distribution

� �

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin84

La vente en concert

770 ventesen concert

2 500 ventesen distribution

10 000 €pour l’artisteproducteur

66 Sur la base de 4 € restant au producteur en contrat de distribution (voir plus haut).

Page 84: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Ces pratiques sont courantes jusqu’à un certain niveau de vente, mais elles sont moinsacceptées ensuite. « Nous ne occupons pas de la vente en concert, concert » expliqueJulien Kertudo. « Ce que nous disons aux artistes, c’est qu’à partir d’un certain niveau,s’ils tournent beaucoup, ils ont intérêt à limiter les ventes en concert pour qu’ellesapparaissent en distribution et puissent intéresser de plus gros distributeurs, ce qui estsouvent leur but. »

La vente en concert est moins avantageuse en contrat de licence, sous le régime duquell’artiste doit acheter ses disques à son label pour pouvoir les revendre en concert. SelonLuc Natali, le prix payé par l’artiste correspond au prix de gros HT avec un rabais de 10%à 20%, soit environ 9 €. Pour une vente en concert à 15 €, la marge n’est donc plus quede 6 euros (bien sûr, les coûts en contrat de licence sont également moins élevés).

La vente en concert contribue donc largement aux recettes de nombre d’autoproduction.Malgré cet apport précieux, les projets autoproductions sont majoritairement défici-taires. Chez les associés de l’Adami, la proportion serait d’un tiers de projets rentabiliséspour deux tiers effectués à perte.

Rentabilité des projets en autoproduction réalisés par des associésde l’Adami67 au cours des trois dernières années

Rodolphe Dardalhon est d’ailleurs sceptique quant à la viabilité de l’autoproduction :« Je demande à voir sur le long terme. Chez Roy Music, on dépense 10 000 € par mois,en se payant mal et sans loyer, pour 5 artistes! ça veut dire qu’un artiste producteur doitdépenser plus de 2 000 € / mois ! » Encore une fois, nous parlons ici d’autoproductionde niveau professionnel, R. Dardalhon comparant le travail d’un artiste producteur aveccelui d’une maison de disques comme la sienne.

85

Un investissement rarement rentable

67 Cf. note 2 p.7

Autoproduction rentable

Autoproduction non rentable

34,7%

65,3%

Source : Enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

Page 85: L'artiste producteur en France en 2008

En termes de ventes pures, l’autoproduction constitue malgré tout souvent un investis-sement à perte. Mais là n’est peut-être pas le but… Nous l’avons vu, l’autoproduction estsouvent le véhicule indispensable pour développer une carrière, plus qu’un investissementdestiné à générer du profit.

« Si je ne vends que pour 2 000 €, ça vaut quand même le coup ! »

« Je n’ai jamais gagné un sou avec les disques » explique Jean-Jacques Birgé, « maisgrâce aux disques j’ai fait des choses qui elles m’ont permis de gagner ma vie : concerts,musiques de films, d’événements, etc. Un disque c’est un investissement. Ma musiquese vend à tous petits volumes mais elle est passée à la télé, à la radio, c’est ce quim’a permis de me faire connaître. Avec 5 000 € de dépenses, si je ne vends que pour2 000 €, ça vaut quand même le coup ! »

Le disque demeure la carte de visite indispensable de l’artiste, et peu gagnentdirectement de l’argent dessus. On se rappelle le conseil de Luc Natali : les quelquesmilliers d’euros de bénéfices qu’un artiste peut éventuellement retirer de sonautoproduction seront peut-être mieux investis sur du marketing ou du tour support,afin de maximiser les activités qui le font réellement vivre.

En dehors des ventes, le disque génère d’autres formes de revenus via la gestioncollective.

Les artistes autoproduits touchent des droits voisins à double titre : celui d’artiste et deproducteur.

Par ailleurs, beaucoup d’artistes producteurs sont auteurs et/ou compositeurs des œu-vres qu’ils enregistrent. S’ils sont membres de la Sacem, ils percevront donc égalementles droits d’auteur liés à l’exploitation de leurs œuvres.

Notons que la Sacem a récemment mis en place un fonds spécial autoproduction (effectifen janvier 2009), alimenté par un pourcentage des versements des radios locales quine renseignent pas la Sacem sur leur programmation : « Ce sont de faibles montants »explique Claude Gaillard, directeur de la répartition de la Sacem. « Plutôt que de lesrépartir sur les gros pour qui ça ne change rien ou presque, autant les donner à desartistes autoproduits pour qui cela représente quelque chose ! »

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin86

DROITS D’AUTEURS, DROITS VOISINS

Page 86: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Dans les faits, les artistes producteurs sont apparemment nettement moins nombreuxà percevoir des droits voisins que des droits d’auteur.

Pourcentage d’artistes de la musique associés de l’Adami ayant perçudes droits dans le cadre de leur projet en autoproduction

Les pourcentages indiqués ci-dessus sont à prendre avec précaution en valeur absolueen raison du décalage de six mois à plus d’un an entre le moment où les droits sontgénérés et celui où ils sont répartis. La différence en valeur relative est néanmoinssignificative, les artistes étant trois fois plus nombreux à déclarer avoir perçu des droitsd’auteur que des droits voisins.

On peut d’ailleurs constater que les artistes-producteurs sont relativement peu nombreuxà avoir adhéré à une société civile de producteurs, seulement un cinquième d’entre euxl’ayant fait.

Nombre d’associés de l’Adami68 en autoproduction dont la structureest membre d'une société civile de producteurs

87

Droits d’auteur

Droits voisins

69,1%

28,2%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

Membres

Non membres

21,5%

78,5%

Source : M.A.N Media, à partir de l’enquête CNAM – Telecom Paris Tech, résultats préliminaires

68 Cf. note 2 p.7

Page 87: L'artiste producteur en France en 2008

L’importance de ce chiffre est toutefois à nuancer pour deux raisons :- Il n’est pas obligatoire d’adhérer à une société civile pour toucher des droits voisins- Dans beaucoup de cas, le label licencié ou même le distributeur perçoivent les droitsvoisins au nom du producteur.

En effet, si les droits voisins sont théoriquement destinés au producteur de l’œuvre,ils entrent souvent dans le cadre d’une négociation plus globale avec le licencié ou danscertains cas le distributeur.

En pratique, il semble très courant que le producteur – et donc l’artiste producteur –partage les droits voisins qui lui reviennent. « Nous touchons les droits voisins en tantqu’artistes interprètes mais pas en tant que producteurs » déclare Vivien Gouery, managerde Nouvel R. C’est notre label, qui est membre de la SPPF, qui le fait. Il nous en reverseensuite 85%. »Le pourcentage généralement conservé par le label ou le distributeur semble toutefoisplus élevé : le chiffre de 50% nous a souvent été rapporté. Dans certains cas,le producteur a cédé 100% de ses droits voisins.

Cette pratique est dénoncée par certains, qui jugent que le producteur n’est pas enmesure de refuser de céder ses droits voisins, fût-ce en partie. Elle semble pourtantlogique aux yeux de beaucoup des producteurs concernés, qui considèrent que le licenciéparticipe activement à la diffusion de l’œuvre, donc à générer plus de droits voisins.

« Un levier supplémentaire de négociation »

« Cela fait partie d’un tout et donne un levier supplémentaire de négociation, en permet-tant par exemple d'avoir un meilleur taux de royalties » explique Rodolphe Dardalhon. Celapermet également au producteur de se décharger de la gestion des droits voisins auprèsde la société civile.

Dans certains cas, le licencié perçoit l’ensemble des droits voisins et reverse sa partau producteur ; dans d’autres, la société civile fait la répartition elle-même.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin88

Des droits voisins à partager

Page 88: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Les droits voisins génèrent des revenus très inégalitaires selon les artistes, ce qui est dansla logique du marché, puisqu’ils sont calculés proportionnellement à la diffusion et auxventes de l’œuvre.

« L’Autoproduction est totalement marginale ! »

Du côté des droits des producteurs, la teneur est la même : « Il n'y a pas d'effet long tail69 »s’exclame Jacques Chesnais. « On reste à 90/10, si ce n'est 95/5! » Jérôme Roger,directeur général de la SPPF qui représente uniquement des labels indépendants,confirme : « Il y a un phénomène de concentration autour de 10 à 15 gros indépendants.L’autoproduction est totalement marginale ! »

Même pour les principaux producteurs, les droits voisins représentent des revenusrelativement faibles. En 2007, les producteurs ont perçu 74 millions d’euros au traversde la SCPP et de la SPPF, soit 9% de l’ensemble de leurs revenus70.

On peut donc comprendre pourquoi la question ne semble pas essentielle aux yeux desartistes que nous avons interrogés, dont la plupart ignoraient s’ils avaient perçu des droitsvoisins en tant que producteur. Cela explique aussi une certaine désaffection des artistesautoproduits membres des sociétés civiles de producteurs, selon Jacques Chesnais :« On en voit disparaître. Ils viennent en pensant récupérer beaucoup d'argent et serendent compte que mener l’artistique plus l’administratif, c'est lourd, et que le jeu n'envaut pas toujours la chandelle au regard des sommes récupérées. »

7 800 € pour les nantis

Des données collectées auprès de l’Adami nous permettent de conclure que les artistesbien lotis peuvent espérer 3 000 € de droits voisins par an environ, même si les artistesdu top se situent à des niveaux de rémunération bien plus élevés.

89

Des montants modestes

69 Théorie économique qui appliquée dans le cas présent, voudrait schématiquement que l’ensemble desdroits générés par les titres faiblement diffusés représente collectivement une part égale ou supérieure auxdroits générés par les hits.70 Source Snep

Page 89: L'artiste producteur en France en 2008

La rémunération pour copie privée et la rémunération équitable étant réparties de manièreéquivalente au collège des artistes et au collège des producteurs, on peut grossièrementestimer que l’artiste producteur les percevra deux fois, au titre de producteur et d’artiste71.Les producteurs membres d’une société civile tirent toutefois d’autres revenus issus dela gestion collective, en faisant apport de leur droit exclusif concernant les vidéomusiquespar exemple. La part de la rémunération équitable et de la copie privée représentait 62%des 74 millions générés en 2007. Un artiste producteur membre de la SCPP ou de la SPPFqui toucherait 3 000 € de droits voisins via l’Adami pourrait donc, toujours en théorie,recevoir en tant que producteur environ 4 800 €72.

L’artiste producteur en réussite commerciale peut donc espérer toucher de l’ordrede 7 800 € de droits voisins par an, une somme probablement bien faible en regarddes revenus issus des ventes de disque que doit tirer un artiste de ce calibre.

Mais il y a une différence majeure avec les revenus du disque : les droits voisins consti-tuent une rémunération quasi nette pour le producteur, sans frais inhérents. Certainessources informées estiment ainsi la part de la gestion collective à la moitié du résultatd’exploitation pour une maison de disques! Le raisonnement peut se reproduire pourtous : « Les droits voisins ne représentent jamais beaucoup pour une autoproduc-tion, mais c'est de la marge nette, et c'est peut-être ça qui fait le bénéfice d'uneautoproduction » confirme Luc Natali.

Par ailleurs, les droits voisins prennent une place croissante – en valeur relative etabsolue - dans le financement de la musique enregistrée. Entre 2002 et 2007, les droitsperçus par les sociétés civiles ont progressé de 19% (de 61,9 millions d’euros à 74millions d’euros), pendant que les ventes de disques dégringolaient73. Les artistesproducteurs, au moins pour les plus diffusés d’entre eux, auront donc de plus en plusintérêt à s’y intéresser.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin90

71 Le calcul ne prend pas en compte le fait que les frais de gestion diffèrent d’une société civile à l’autre.72 3000/62%= 4838.73 Source Snep.

Page 90: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin 91

SOKO, l’internationale numérique

5 titres autoproduit en distribution numérique via Believe.

Album à venir, en licence pays par pays - Because pour la France.L’autoproduction est suivie de près par la structure de management Bellevue.

À ses propres éditions, en administration globale chez Universal

La belle histoire (racontée par Denis Ladegaillerie, Believe)« Il y a deux ans, nous signons avec Soko [i.e. pour une distribution numérique].Un programmateur d’NRJ Danemark tombe dessus et rentre son titre en playlist ;on a fait un relais promo, le titre a été n°1 des ventes sur iTunes Danemark unesemaine après, puis en Suède trois semaines après. Un peu plus tard, le titre esten playlist en radio en Belgique où Soko va jouer un concert et devient n°1 cheziTunes, puis il rentre dans le top 30 Allemagne, etc. C’est emblématique du numérique,infaisable en physique ! »

Soko a pris son temps pour la suite. Sur les conseils de son management Bellevue,elle s’autoproduit, et signe des licences pays par pays.

Résultats - 5 titres disponibles en exclusivité numérique ; 60 000 à 70 000 fichiersvendus dans le monde à ce jour.

Pourquoi l’autoproduction ?« Elle voulait être indépendante et s’affranchir de directeur artistique » expliqueDavid Barat. « C’est possible, mais avec beaucoup d’organisation » Financièrement,c’est également intéressant : « Les maisons de disques veulent peut-être créerde l’actif, mais les artistes aussi ! »

Et ensuite ?Sortie d’album prévue début 2009.

Page 91: L'artiste producteur en France en 2008

Conclusion

À l’instar d’un marché du disque en évolution rapide, la grande confrérie des artistesproducteurs est en train d’accompagner les changements économiques liés à la diffusionde musique.

Nous nous sommes concentrés dans cette étude sur les artistes dont le projet peutcadrer avec une perspective professionnelle. Nous avons constaté que le nombred’artistes concernés n’avait sans doute pas fondamentalement évolué depuis cinq ans,alors que dans le même temps, les maisons de disques étaient pour beaucoup obligéesde réduire la voilure.

Si la masse d’artistes concernés n’a pas nécessairement augmenté, elle est probablementen train d’évoluer de manière qualitative avec un professionnalisme moyen en hausse.De nombreux artistes en autoproduction aujourd’hui auraient été produits par un tiersil y a encore cinq ans.

Nous avons estimé le nombre de phonogrammes autoproduits sortis en 2007 à environ6 000 – hors démarche amateur. Plus de la moitié d’entre eux ne font toutefois pasl’objet d’une distribution tierce, ce qui les exclut quasiment de fait de la filière musicaleprofessionnelle.

Dans la majeure partie des cas, les artistes producteurs vont bien au-delà de la seuleproduction dans leur projet. Si l’on se réfère aux contrats passés par les associésde l’Adami en autoproduction, on constate qu’environ les deux tiers ont a priori assuméla fabrication de disques (et donc probablement les frais SDRM associés) et près des troisquarts assument la charge de promotion et de marketing.

Cette implication multiple entraîne des besoins en financement importants. Dansle contexte économique actuel, cela pose évidemment question, même si le système Dpermet de remplacer bien des investissements. Peut-être les artistes se tourneront-ils plusvers la souscription, déjà utilisée et mise en lumière par certains services participatifssur Internet. Les aides de la filière professionnelle, et dans une moindre mesure les aidespubliques, fournissent néanmoins un soutien important à l’autoproduction.Elles permettent aux musiciens de percevoir la rémunération qui leur est légalement duepour leurs séances d’enregistrement.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin92

Page 92: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Sans surprise, les budgets en autoproduction sont en majorité insuffisants en regard descanons professionnels. Le système D ne peut pas tout et les artistes autoproduits sontsouvent en fort déficit d’investissement pour la diffusion de leur travail.

Les goulets traditionnels

La majorité des projets en autoproduction semble fonctionner avec des budgetsdéséquilibrés, très axés sur la production, au détriment de l’effort de promotion et demarketing nécessaire pour accéder au public. En outre, l’accès à la distributionprofessionnelle physique se restreint. Or, cette distribution reste nécessaire pour vendresa musique, mais aussi tout simplement pour exister auprès des médias ou desorganisateurs de concert.

Ces deux barrières à l’accès au marché existent depuis longtemps et expliquentsans doute pourquoi, aujourd’hui comme hier, l’attrait des maisons de disques n’a pasfaibli. La hausse qualitative de l’autoproduction tient probablement plus à la raréfactiondes opportunités en maison de disques que d’une volonté des artistes de devenirindépendants.

Finalement, la production par les principales maisons de disques pourrait se concentrertoujours plus sur les artistes au fort potentiel de développement, ce potentiel étant de plusen plus calculé à l’aune internationale. Les autres, artistes au public fidèle mais stable,artistes de niche ou artistes débutants seraient alors destinés à se produire. Mais ilsle feront avec des armes inégales : il y a un monde entre un contrat de licence et uneautoproduction allant jusqu’à l’autodistribution.

Tous les artistes ne subiront pas ce choix. Dès aujourd’hui, un certain nombre d’entreeux vivent de leur musique avec un ou deux partenaires leur permettant de gérer leurentreprise de production. De nombreux musiciens, y compris parmi ceux qui vendentplusieurs dizaines de milliers d’exemplaires de leurs albums, privilégient des marges plusconfortables via des contrats de distribution.

93

Page 93: L'artiste producteur en France en 2008

Des perspectives d’évolution à court terme

La proportion d’associés de l’Adami porteurs d’un projet d’autoproduction dans lesdeux ans à venir montre que l’autoproduction devrait prendre de l’ampleur dans un futurproche.

Nombre d’artistes, et non des moindres, revendiquent aujourd’hui l’autoproduction,voire le droit de posséder le master de leurs enregistrements. L’expérience de venteen direct de Radiohead est encore fraîche et la coalition d’artistes ‘Future ArtistsCoalition’ récemment formée en Grande Bretagne traduit cette revendication d’artistesentrepreneurs.

Avec le déclin de la distribution physique à grande échelle, on peut imaginer que lespratiques des artistes producteurs vont se modifier profondément. On devrait voirapparaître ou se renforcer de nouveaux partenaires.

Les managers sont appelés à accompagner de plus en plus de projets d’autoproductions.Les éditeurs également, même si eux aussi pourraient avoir à s’adapter à une volontéde bon nombre d’artistes de contrôler l’ensemble de leurs droits.

Les maisons de disques et les distributeurs enfin, pourraient proposer des partenariatsplus variés, en parallèle des traditionnels contrats d’artiste ou de licence. Nous avonsvu comment certains artistes bénéficient de services hybrides entre le contrat dedistribution et le contrat de licence. On devrait également voir fleurir des initiativescomme celle de la maison de disques PIAS et de son service Integral, qui prend acte dubesoin d’un certain nombre d’artistes d’un accompagnement en promotion / marketing,plus que des services complets dune maison de disques.

Le numérique à contre courant

Le numérique devrait largement contribuer à faire émerger de nouveaux partenaires.Les outils Internet sont d’ores et déjà largement plébiscités par les artistes producteursen termes de communication. Ils sont en revanche pour l’instant anecdotiques pour latrès grande majorité des artistes producteurs en termes de revenus. Paradoxalement,alors que l’autoproduction souffre traditionnellement d’un accès restreint au marchéphysique, le numérique semble pour le moment favoriser essentiellement les artistesles plus vendeurs. Bien sûr, des contre-exemples existent, mais ils ne sont pas encoresuffisamment nombreux.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin94

Page 94: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

À mesure que le numérique prendra sa place sur le marché et que les artistes producteursseront plus organisés, on peut supposer qu’ils pourront bénéficier de revenus significa-tifs en provenance d’Internet. De nouveaux intermédiaires comme les distributeursnumériques - pour la plupart très ouverts à l’autoproduction - élargissent la palette deleurs services aux artistes et pourraient devenir des partenaires privilégiés au-delàdes frontières du numérique.

Les évolutions en cours poussent un certain nombre d’acteurs à s’interroger sur lapertinence d’une filière encore organisée autour d’une approche traditionnelle de l’auto-production, avec par exemple des soutiens à la seule production ou une omniprésencede la distribution physique, sans laquelle quasiment aucun projet d’autoproductiond’envergure ne peut exister. Certes, le secteur nécessite des filtres permettant de ne passubmerger le public avec des œuvres de qualités inégales. Mais ces filtres risquent dedevenir inadaptés au contexte de la musique tel qu’il se dessine.

Aujourd’hui, les deux tiers environ des projets d’autoproduction menés par des profes-sionnels de la musique ne sont pas rentables, mais ils constituent le cœur d’un métierqui cherche ses revenus ailleurs (scène, réalisation sonore, etc.) Demain, l’enregistrementrestera au centre des carrières musicales et les artistes seront peut-être plus libresd’en contrôler la commercialisation à travers des partenaires variés. Lors des rencontreseuropéennes des artistes organisées par l’Adami en novembre 2008, Frédéric Vilcoq,conseiller régional délégué aux cultures émergentes en Aquitaine et Vice-Présidentdu Conseil Supérieur des Musiques Actuelles, appelait tous les acteurs publics et privésà se mettre autour d’une table pour définir leur rôle vis-à-vis des artistes producteurs.Bruno Boutleux, directeur général de l’Adami, commanditaire de cette étude, avait acceptél’invitation. Le débat est lancé…

95

Page 95: L'artiste producteur en France en 2008

Glossaire

Master, bande master : original de l’enregistrement, qui servira de base à la duplicationphysique ou numérique des œuvres.

EPK (Electronic Press Kit) : kit numérique à destination de la presse, pour la promotiond’un album. L’EPK peut par exemple contenir des extraits vidéo de concert, une interviewde l’artiste, etc.

Contrat d’enregistrement exclusif, dit « contrat d’artiste »74 : le contrat d’enregistre-ment est conclu entre un artiste-interprète et un producteur phonographique. Leproducteur prend à sa charge l’intégralité des frais de production. S’il est aussi éditeurphonographique, il couvrira les frais de fabrication et assurera la distribution, directementou par le biais d’un distributeur. S’il est uniquement producteur, il négociera avec unéditeur un contrat de licence. L’artiste cède au producteur l’entière propriété desenregistrements et leurs diverses exploitations selon des rémunérations prévuesau contrat. La cession est assortie d’une clause d’exclusivité portant sur une période et/ ou un territoire défini par le contrat. Les redevances prévues pour chaque exploitation,les royalties, prennent la forme d’un intéressement de l’artiste ou du groupe aux recettesperçues par le producteur sur chacune des exploitations. Un pourcentage pour chaquetype d’exploitation sera prévu au contrat. Les redevances varient selon les contrats et lanotoriété de l’artiste.Selon l’article L.762-2 du Code du travail, elles ne prennent pas la forme de salaire,mais sont fiscalement considérées comme des bénéfices non commerciaux (BNC).Le paiement des redevances ne dispense pas le producteur de verser un salaired’enregistrement aux artistes signataires du contrat d’exclusivité ainsi qu’aux musiciensadditionnels engagés pour les séances de studio.Quoique revêtant une forme particulière, le contrat d’artiste est considéré commeun contrat de travail. L’absence de salaires d’enregistrement pourrait conduire, en casde recours des artistes, à la requalification des redevances en salaire. Le contratd’enregistrement exclusif représente la solution la plus simple et la moins onéreuse pourl’artiste et le groupe.On dira alors de ces derniers qu’ils sont « signés ».

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin96

74 Source : IRMA, fiche pratique « Les trois étapes du disque ». Extraits choisis par nos soins.

Page 96: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Contrat de licence75 : un contrat de licence est passé entre un producteur et un éditeurphonographique. Le producteur prend à sa charge la réalisation de la bande mère, ce quiinclut le paiement des frais d’enregistrement (studio, bandes, ingénieur du son, etc.)et celui de tous les artistes intervenant dans la production. Il prend aussi en comptela préparation du livret intérieur (rédaction des textes, fourniture des photographieset illustrations). Le producteur concède à l’éditeur, pour une durée prévue au contrat,un droit d’exploitation des enregistrements dont il demeure le propriétaire. On détermineaussi une exclusivité d’exploitation sur un ou plusieurs territoires dont la liste figurerasur le contrat. Le territoire concédé peut s’étendre d’un pays ou d’un ensemble de paysjusqu’au monde entier. Ainsi, le producteur peut parfaitement se réserver le droit detraiter en licence avec d’autres éditeurs pour d’autres territoires. Le producteur reçoitdes redevances sur les ventes réalisées par l’éditeur phonographique.Ce dernier paiera donc tous les frais de fabrication, et notamment la Société pourl’administration du droit de reproduction mécanique (SDRM). Il se chargera ensuited’assurer la distribution et la promotion. Cette solution permet donc au producteur delimiter ses investissements à la production de la bandemère et aux frais de packaging et depochette. Le reste est à la charge de l’éditeur. Le producteur ne faisant que céder pourun certain temps ses droits d’exploitation, il demeure le propriétaire de l’enregistrement.À l’échéance du contrat, il est libre de reconduire la licence ou de signer avec un autreéditeur, sous réserve des clauses de droit d’option et de droit de préférence. Si ce pro-ducteur est une émanation directe de l’artiste ou du groupe, cette solution permet à cesderniers de conserver la maîtrise de l’enregistrement. Toutefois, il convient d’être atten-tif aux conditions du retour sur investissement. Malgré des taux de redevances supérieursaux redevances d’artistes, ce retour peut s’avérer à long terme peu intéressant si la pro-duction a été onéreuse ou si les tirages pressentis sont faibles.

Contrat de distribution76 : le contrat de distribution lie un éditeur phonographique à undistributeur pour la distribution commerciale d’un disque. Cet éditeur peut être aussi unproducteur qui a décidé d’assumer la fabrication intégrale du disque. Le distributeurachète un produit manufacturé prêt à entrer dans le circuit de vente. Il prendra une margesur le prix de gros. Le contrat déterminera, entre autres, le prix d’achat, l’échelonnementdes livraisons et des paiements, et le territoire concédé. Les distributeurs ont en généraldes répertoires de prédilection ou des spécialités très précises dont il faudra tenir comptelors de la prospection. Ce contrat implique la prise en charge, le financement et le suivide la fabrication par l’éditeur ou le producteur-éditeur. L’éditeur ou le producteur-éditeurassume la responsabilité du paiement de la SDRM.

97

75 Source : IRMA, fiche pratique « Les trois étapes du disque ».76 Source : IRMA, fiche pratique « Les trois étapes du disque ».

Page 97: L'artiste producteur en France en 2008

Cette solution conduit donc au financement de la totalité du disque, depuis la séancede studio jusqu’à la livraison des disques fabriqués au distributeur. Mais, à la différencedu contrat de licence, on ne bénéficie pas de la légitimité et du soutien d’une maison dedisques ou d’un label. On doit aussi prendre en compte le fait que le paiement des ventespar le distributeur implique un délai entre la livraison et la facturation.Cette solution peut convenir aux artistes et aux groupes qui sont assurés, par ailleurs,de vendre une partie de leur production par d’autres circuits.

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin98

Page 98: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

Remerciements

De nombreuses personnes nous ont aidés pour cette enquête, nous souhaitons lesremercier chaleureusement ici, en commençant par l’ensemble des professionnels qui ontbien voulu répondre à nos questions.

Nous remercions également Thierry Huret (Sacem), Louis Diringer (Sacem), Pierre Pichon(BnF), François Moreau (Cnam), Marc Bourreau (Telecom Paris Tech), la SCPP, la SPPF,l’institut GfK, Zone France, les Allumés du Jazz et les nombreuses personnes de l’Adamiqui nous ont fourni leur soutien et permis de recueillir des données précieuses.

Remerciements particuliers enfin à Elisabeth Dien, stagiaire de haute volée, pour son aideefficace sur cette enquête.

99

Page 99: L'artiste producteur en France en 2008

Annexe

• David Barat et Thomas Bonardi, fondateurs de Bellevue (management de Soko, PeterVon Poehl, entre autres)

• Nathalie Bégaud et Lilian Goldstein, Action culturelle de la Sacem

• Annie Benoid, directrice, L’autre Distribution

• Jean-Jacques Birger, artiste

• Pascal Bittard, fondateur, Idol

• Jacques Chesnais, directeur administratif et financier, SCPP

• Rodolphe Dardalhon, manager et co-fondateur du label Roy Music

• Féloche, artiste

• David Godevais, producteur, président du CALIF (Club Action des Labels Français)

• Vivien Gouery, manager du groupe Nouvel R

• Sophie Guénebeau, directrice, Zone Franche

• Thierry Huret, Sacem – DRIM

• Julien Kertudo, gérant, Musicast

• Laurent Kratz, DG, Jamendo

• Denis Ladegaillerie, président Believe

• Bruno Lion, directeur, Peer Music France

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin100

LISTE DES PERSONNES INTERVIEWÉES

Page 100: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin

• Mano Solo, artiste

• Guy Messina, directeur disque et vidéo, Fnac

• Luc Natali, co-fondateur, Open Bar

• Pierre Pichon, responsable du dépôt légal des documents sonores, BibliothèqueNationale de France

• Odile Renault et Frédéric Campo, Action artistique de l’Adami

• Yves Riesel, président du distributeur Abeille Musique et de LyraMediaGroup

• Jérôme Roger, directeur général, SPPF

• Mathieu de Seauve, directeur du crédit aux entreprises, IFCIC

• Syrano, artiste

Nous avons également interviewé un certain nombre d’artistes et de responsables demaisons de disques de manière plus informelle – ils ne sont pas cités nommément danscette étude.

101

Page 101: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste producteur en France 2008 – Aymeric Pichevin102

Collection coordonnée par Jean Pelletier

Adami

14-16, rue Ballu, 75311 Paris Cedex 09

Tél. : 01 44 63 10 00

www.adami.fr

M.A.N Media

39, boulevard Diderot, 75012 Paris

Tél. : 01 43 40 25 00

E-mail : [email protected]

www.manmedia.fr

Achevé d’imprimé par Corlet Numérique (Condé-sur-Noireau)Dépôt légal : février 2009Numéro d’imprimeur : XXXXXX

Imprimé en France

© Tous droits réservés

les étudesdel’Adami

Page 102: L'artiste producteur en France en 2008

L’artiste-producteur en France en 2008

ÉTUDE RÉALISÉEPOUR LE COMPTE DE L’ADAMI PARAYMERIC PICHEVIN

MUSIC AUDIOVISUAL NEW MEDIA

janvier 2009

>les études de l’Adami

14-16, rue Ballu – 75311 Paris Cedex 09Tél. : 01 44 63 10 00 – www.adami.fr

Fin 2007, le groupe de rock britannique Radiohead vendait son nouvel album

« In Rainbows » en exclusivité sur son site Internet ; le groupe américain Nine Inch Nails,

en fin de contrat avec sa maison de disques, décidait quant à lui de voler de

ses propres ailes. Ces deux événements, portés par des artistes majeurs, ont braqué

les projecteurs sur un phénomène apparu massivement il y a plus de vingt ans :

l'autoproduction.

Avec la crise du disque et le déferlement d'outils numériques à sa disposition,

l'artiste est-il destiné à produire et diffuser son propre travail, remettant en cause

les fondamentaux de la filière musicale ?

L'étude présente a voulu évaluer pour la première fois la réalité du phénomène

en France, via une batterie d'indicateurs statistiques et une enquête approfondie sur

le terrain. Il en ressort que le phénomène est massif et monte en puissance, provoquant

d'ores et déjà des changements profonds dans le mode de fonctionnement du secteur.

Les relations entre les différents professionnels de la musique sont en pleine évolution

– l'artiste en sera probablement plus que jamais le pilote.