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L’autonomisation des juridictions financières dans l’espace UEMOA. Étude sur l’évolution des Cours des comptes Page 1 sur 672 UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV ÉCOLE DOCTORALE DE DROIT ED 041 L’AUTONOMISATION DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES DANS L’ESPACE UEMOA ÉTUDE SUR L’ÉVOLUTION DES COURS DES COMPTES Thèse pour le doctorat en droit présentée et soutenue publiquement le 29 novembre 2013 par Monsieur Djibrihina OUEDRAOGO DIRECTEUR DE RECHERCHE Jean du Bois de GAUDUSSON Professeur émérite de droit public, Président honoraire de l’Université Montesquieu-Bordeaux IV CODIRECTEUR DE RECHERCHE Salif YONABA Professeur de droit public, Université OUAGA II (Burkina Faso) RAPPORTEURS Eloi DIARRA Professeur de droit public, Université de Rouen Vincent DUSSART Professeur de droit public, Université de Toulouse I Capitole SUFFRAGANTS Danièle LAMARQUE Conseiller maître à la Cour des comptes de France, Présidente de la Chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur Alioune Badara FALL Professeur de droit public, Université Montesquieu- Bordeaux IV, Directeur du CERDRADI

L'autonomisation des juridictions financières dans l'espace UEMOA

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  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 1 sur 672

    UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV

    COLE DOCTORALE DE DROIT ED 041

    LAUTONOMISATION DES JURIDICTIONS FINANCIRES DANS

    LESPACE UEMOA

    TUDE SUR LVOLUTION DES COURS DES COMPTES

    Thse pour le doctorat en droit

    prsente et soutenue publiquement le 29 novembre 2013

    par

    Monsieur Djibrihina OUEDRAOGO

    DIRECTEUR DE RECHERCHE

    Jean du Bois de GAUDUSSON

    Professeur mrite de droit public,

    Prsident honoraire de lUniversit Montesquieu-Bordeaux IV

    CODIRECTEUR DE RECHERCHE

    Salif YONABA

    Professeur de droit public, Universit OUAGA II (Burkina Faso)

    RAPPORTEURS

    Eloi DIARRA

    Professeur de droit public, Universit de Rouen

    Vincent DUSSART

    Professeur de droit public, Universit de Toulouse I Capitole

    SUFFRAGANTS

    Danile LAMARQUE

    Conseiller matre la Cour des comptes de France,

    Prsidente de la Chambre rgionale des comptes Provence-Alpes-Cte dAzur

    Alioune Badara FALL

    Professeur de droit public, Universit Montesquieu- Bordeaux IV,

    Directeur du CERDRADI

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  • Avertissement

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    Page 5 sur 672

    L'universit Montesquieu-Bordeaux IV n'entend donner aucune approbation ni

    improbation aux opinions mises dans les thses ; ces opinions doivent tre

    considres comme propres leurs auteurs.

  • Ddicace

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

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    Page 7 sur 672

    Ddicaces

    ma trs chre mre KABOR Awa, femme de bont et de courage, qui na

    cess de se battre pour le succs de ses enfants,

    mon pre OUEDRAOGO Sibnoaga, pour avoir inculqu lamour du travail

    bien fait,

    mes frres ( Karim, Sni, Moussa et Oumar) et surs (Sali et Ami), pour leur

    constant soutien et leur affection continue,

    notre frre ain feu Youssouf, pour avoir inculqu une passion universitaire

    dans la famille,

    notre matre Cheikh Hassan Aliou Ciss, un modle de sagesse et de vertu,

    tous les guides spirituels rencontrs, pour la science et la morale religieuses

    enseignes.

  • Remerciements

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

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    Page 9 sur 672

    Remerciements

    Les premiers mots de remerciement vont tout naturellement nos deux directeurs, dont les

    contributions t de taille dans llaboration de ce travail. Leurs disponibilits furent sans

    faille malgr que leurs calendriers ne fussent pas des plus allgs. Nous leur prsentons nos

    excuses dans la mesure o nous sommes conscients que la qualit de ce document nest pas

    la hauteur de leur dvouement nous amener un travail parfait et bien fait.

    Au professeur de GAUDUSSON, nous lui sommes reconnaissant davoir accept de diriger

    cette thse et de nous avoir ainsi permis de la mener au sein de la prestigieuse Universit

    Montesquieu-Bordeaux IV et dans son clbre centre de recherche sur le droit africain

    (CERDRADI).

    Au professeur YONABA, nous prsentons toute notre gratitude pour avoir accept le

    principe de cette codirection et davoir su imposer sa rigueur afin que nous puissions

    effectuer un travail acceptable. Malgr la distance qui nous sparait, il a toujours t proche

    de nous pour effectuer un suivi minutieux et pointilleux de ce travail.

    Nous remercions les membres du jury qui ont bien voulu distraire leurs prcieux temps pour

    nous apporter leurs observations lamlioration de ce travail.

    Nous remercions toute lquipe du CERDRADI, ses doctorants et particulirement son trs

    chaleureux directeur, le professeur Alioune B. FALL, pour sa marque de confiance et sa

    sympathie.

    Nous remercions les secrtaires du CERDRADI. Mme DUBOS qui nous aura, comme une

    mre, facilit lintgration au centre. Nous lui prsentons nos excuses pour lavoir bien

    souvent prive de ses desserts. Mme ARQUEY pour sa gnrosit et son souci de nous voir

    arriver la fin de ce travail.

    Nous remercions la Cour des comptes du Burkina Faso pour son ouverture.

    Particulirement, la prsidente de Chambre Mme Sabine OUILMA, le Commissaire du

    Gouvernement, M. Christophe COMPAOR, le Procureur gnral M. Emile Badou TOE et

    le greffier en chef.

    Nous remercions galement M. Boubacar BA, Conseiller la Cour des comptes du Sngal.

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    Page 10 sur 672

    Nous remercions M. Luc Marius IBRIGA, qui nous a guids au cours de cette aventure

    universitaire en France.

    John, Hamad, au Procureur Kafando et tous nos lecteurs anonymes qui ont accept de

    nous lire et relire.

    Adama DAO, pour sa gnrosit et ses encouragements continus.

    Me Daouda DIALLO, dont la gnrosit a permis damliorer le style de ce travail.

    nos frres des diffrentes Zawiyas que nous avons eues frquenter.

    toutes ces personnes qui nous ont apports leur soutien directement et indirectement.

    Quelles nous pardonnent de ne pas pouvoir les numrer toutes ici.

    Je remercie tous les membres de ma famille, notamment mes pre et mre qui mont permis

    deffectuer les tudes, malgr la modestie de leurs moyens.

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

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    Page 11 sur 672

    RESUME ET MOTS-CLES SUMMARY AND KEYWORDS

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    Rsum en franais

    Au lendemain de laccession lindpendance, les tats dAfrique francophone ont repris

    le dispositif de contrle des finances publiques inspir de lordonnance organique franaise

    du 2 janvier 1959. Le dispositif mis en place na pas produit les effets escompts. En effet,

    la plupart des institutions de contrle ont t inefficaces ou alors ineffectives. Les

    Chambres des comptes des Cours suprmes, qui devaient remplir le rle dvolu la Cour

    des comptes franaise, nont connu quune existence thorique et textuelle.

    Ainsi, dans le souci de dynamiser les structures de contrle et notamment la juridiction

    financire, le trait UEMOA sign en 1994 oblige les tats membres la cration dune

    Cour des comptes indpendante la place des Chambres des comptes des Cours suprmes.

    Cette autonomisation organique de linstitution juridictionnelle de contrle devait lui

    permettre de bnficier dun statut et de moyens adquats pour remplir sa mission de

    contrle juridictionnel des finances publiques.

    Une dcennie aprs linstallation des premires Cours des comptes, la prsente tude se

    propose de faire un tat des lieux des retombes de la rforme.

    Mots-cls en franais : Cour des comptes, juridiction des comptes, juridiction financire,

    comptable, comptabilit publique, contrle des comptes, gestion de fait, faute de gestion,

    dclaration de bien, loi de finance, ordonnateurs.

    Summary

    After the access in their independence, the French-speaking African states have taken the

    device of control of public finances inspired by the French organic ordinance of January 2,

    1959. But, The system implemented has not produced the expected results. In fact, most

    institutions of control have been ineffective or inefficient.The Chambers of Auditors of

    Supreme Courts, which had to fulfill the functions of the French Court of Auditors, have

    had a theoretical and textual existence.

    To boost financial jurisdiction, the WAEMU treaty signed in 1994 obliges the Members

    States to the creation of an independent Court of Auditors instead of the Chambers of

    Auditors of the Supreme Courts. This organic empowerment of the judicial institution of

    control would allow him to get a status and adequate resources to fulfill its mission of

    judicial control of public finances.

    A decade after creation of the first Courts of Auditors, the aim of this study is to get an

    overview of the reform.

    Mots-cls en anglais : Court of Auditors, financial jurisdiction, public accountant, public

    accounting, audit, budget.

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    Page 14 sur 672

    SOMMAIRE

  • Sommaire

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

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    Page 15 sur 672

    RESUME ET MOTS-CLES SUMMARY AND KEYWORDS ................................................ 11

    SOMMAIRE ........................................................................................................................ 14

    TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISES ............................................................ 17

    INTRODUCTION GNRALE ............................................................................................. 23

    PARTIE I LE RENOUVEAU INSTITUTIONNEL DES JURIDICTIONS

    FINANCIRES ......................................................................................................... 81

    TITRE I LVOLUTION ORGANIQUE ET STATUTAIRE DES JURIDICTIONS FINANCIERES. UNE

    COUR DES COMPTES EN LIEU ET PLACE DE LA CHAMBRE DES COMPTES. ........................... 85

    Chapitre I Lenjeu dune volution. La construction dune juridiction financire

    autonome et indpendante ................................................................................................. 89

    Chapitre II La problmatique de la dfinition du statut du juge financier ....................... 161

    TITRE II LE POSITIONNEMENT INSTITUTIONNEL DE LA COUR DES COMPTES ......................... 217

    Chapitre I Le positionnement par rapport aux pouvoirs publics constitutionnels ........... 221

    Chapitre II Le positionnement par rapport aux autorits administratives de contrle .. 283

    PARTIE II LE RENOUVEAU FONCTIONNEL DE LA JURIDICTION FINANCIRE. UN BILAN

    CONTRAST DE LA MISE EN UVRE DES COMPTENCES ....................................... 335

    TITRE I LES VICISSITUDES DE LEXERCICE DES COMPTENCES JURIDICTIONNELLES ............ 339

    Chapitre I Des obstacles rels la mise en uvre des comptences juridictionnelles ...... 343

    Chapitre II Linadaptation des procdures juridictionnelles aux droits fondamentaux du

    procs................................................................................................................................. 425

    TITRE II LA RELATIVE COMMODIT DE LEXERCICE DES COMPTENCES NON

    JURIDICTIONNELLES : LE CONTROLE BUDGETAIRE ET DE GESTION .................................. 471

    Chapitre I Le contrle administratif de la gestion publique et de lutilisation des

    financements publics ........................................................................................................ 475

    Chapitre II La contribution du contrle administratif la bonne gestion financire ...... 527

    CONCLUSION GNRALE ............................................................................................... 591

    ANNEXES ......................................................................................................................... 603

    BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 621

    INDEX .............................................................................................................................. 661

    TABLE DES MATIRES .................................................................................................... 665 .

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

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    TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISES

  • Table des sigles et abrviations utilises

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

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    I- Institutions administratives

    AAI ................................ Autorit administrative indpendante

    ASCE ............................. Autorit suprieure de contrle dtat

    BVG .............................. Bureau du Vrificateur gnral

    CERDRADI .................. Centre de recherche sur les droits africains et le dveloppement

    institutionnel des pays en voie de dveloppement

    CNSS ............................. Caisse nationale de scurit sociale

    CVCCEP ........................ Commission de vrification et de contrle des comptes des entreprises

    publiques

    CSM .............................. Conseil suprieur de la magistrature

    GAO .............................. General Accounting office (Etats-Unis dAmrique)

    IGE ................................. Inspection gnrale dtat

    IGF ................................ Inspection gnrale des finances

    LONAB ......................... Loterie nationale du Burkina

    MINEFI ......................... Ministre de lEconomie et des Finances

    NAO .............................. National Audit office (Grande-Bretagne)

    Vegal ............................. Vrificateur gnral (Mali)

    TPG ............................... Trsorier payeur gnral

    II- Institutions juridictionnelles

    CC ................................. Conseil constitutionnel

    C. Cass ........................... Cour de cassation

    CDBF ............................ Cour de discipline budgtaire et financire

    CE .................................. Conseil dtat

    CJCEDEAO .................. Cour de justice de la CEDEAO

    CJUEMOA .................... Cour de justice de lUEMOA

    Cour EDH ...................... Cour europenne des droits de lHomme

    et des liberts fondamentales

    CRTC ............................ Chambres rgionales et territoriales des comptes

    III- Organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales

    AA-AHJ ......................... Association africaine des Hautes juridictions francophones

    AFROSAI ...................... Organisation Africaine des Institutions Suprieures de Contrle des

    Finances Publiques

    AHJUCAF ..................... Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en

    commun lusage du franais

    AISCCUF ...................... Association des institutions suprieures de contrle ayant en commun

    lusage du franais

    CEAO ............................ Communaut conomique ouest-africaine

    CEDEAO........................ Communaut conomique des tats de lAfrique de lOuest

    CEMAC.......................... Communaut conomique et montaire de lAfrique centrale

  • Table des sigles et abrviations utiliss

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

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    CREFIAF ...................... Centre rgional de formation des Institutions suprieures de contrle des

    finances publiques de lAfrique francophone subsaharienne

    EUROSAI ...................... Organisation europenne des institutions suprieures de contrle

    FIGE .............................. Forum des Inspections gnrales dtat dAfrique

    FMI ................................ Fonds montaire international

    INTOSAI ....................... Organisation internationale des institutions suprieures de contrle

    OCDE ............................ Organisation de coopration et de dveloppement conomique

    OIF ................................. Organisation internationale de la francophonie

    PTF ................................. Partenaire technique et financier

    REN-LAC ....................... Rseau national de lutte anti-corruption (Burkina Faso)

    UA ................................. Union africaine

    UE .................................. Union europenne

    UEMOA ........................ Union conomique et montaire ouest-africaine

    IV- Outils budgtaires

    PEFA .............................. Public expenditure and financial accountability

    CSLP ............................. Cadre stratgique de lutte contre la pauvret

    OMD .............................. Objectif du millnaire pour le dveloppement

    PAP ................................ Projet annuel de performance

    RAP ............................... Rapport annuel de performance

    V- Revues scientifiques

    AJDA ............................. Actualit juridique de droit administratif

    BJCL .............................. Bulletin juridique des collectivits territoriales

    DA ................................. (Revue) Droit administratif

    EDJA ............................. Revue des ditions juridiques africaines

    GAJF ............................. Grands arrts de la jurisprudence financire

    JCP A ............................. La Semaine juridique- Administrations et collectivits territoriales

    NEA ............................... Nouvelles ditions africaines

    Penant/RDPA ............... Revue des droits des pays dAfrique

    PA .................................. Petites affiches

    PUAM ........................... Presse universitaire dAix Marseille

    RA ................................. Revue administrative

    RBD ............................... Revue burkinab de droit

    RBSJA ............................ Revue bninoise des sciences juridiques et administratives

    RDP ............................... Revue de droit public et de la science politique en France et ltranger

    RFAP ............................. Revue franaise dadministration publique

    RFDA ............................. Revue franaise de droit administratif

    RFFP............................... Revue franaise de finances publiques

    RID ................................ Revue ivoirienne de droit

    RIDC ............................. Revue internationale de droit compar

    RIVCP ........................... Revue internationale de la vrification des comptes publics (INTOSAI)

    RJPAF ........................... Revue juridique et politique dAfrique francophone

    RSLF ............................. Revue de sciences et de la lgislation financire

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 21 sur 672

    RSF ................................ Revue de sciences financires

    VI- Textes juridiques

    CADHP ......................... Charte africaine des droits de lHomme et des peuples

    CEDH ............................ Convention europenne de sauvegarde des droits de lHomme

    et des liberts fondamentales

    Const. ............................ Constitution

    Conv. EDH .................... Convention europenne de sauvegarde des droits de lHomme

    et des liberts fondamentales

    JO .................................. Journal officiel

    LO ................................. Loi organique

    LOLF ............................. Loi organique relative aux lois de finances

    DRSP ............................. Document de stratgie de rduction de la pauvret

    PPTE ............................. Pays pauvre trs endett

    VII- Autres sigles

    Al .................................... Alina

    Art. ................................. Article

    Op.cit. ............................ Opere citato

    p. .................................... Page

    t. ..................................... Tome

    V. ................................... Voir

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

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    Page 23 sur 672

    INTRODUCTION GNRALE

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 25 sur 672

    Lorigine de la Cour est aussi confuse que sa ncessit est claire : tout pouvoir

    exige un trsor, tout trsor exige un compte et tout compte exige un juge

    dsintress 1.

    1 Pierre MOINOT, Procureur gnral prs la Cour des comptes franaise de 1983 1986. Cit par Serge

    MOATI, in Bicentenaire de la Cour des comptes, La Cour, un pass, un destin, RFFP, nhors-srie,

    2009, p.305.

  • Introduction gnrale

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 27 sur 672

    Limportance de la bonne gestion des finances publiques2 pour un tat nest plus

    dmontrer. Comme lcrivait Jean BODIN en 1576 dans La Rpublique, les finances

    publiques sont le nerf de ltat 3. Aussi, un contrle efficace est-il ncessaire, compte

    tenu de limportance des sommes dargent public en cause. La bonne gestion des deniers

    publics est un facteur de progrs dans tous les pays, quels que soient les richesses et le

    niveau de dveloppement. Cest pourquoi, le contrle des deniers publics est une

    proccupation majeure pour tous les tats, dvelopps ou non. Cela explique lexistence,

    dans chaque tat, dune panoplie de mcanismes et dinstitutions de contrle charge de

    garantir le bon usage des deniers publics.

    Malgr la trs grande diversit de ces instruments de contrle, il y a des opinions

    convergentes pour considrer que la transparence et, plus gnralement, la bonne

    gouvernance financire appellent lexistence dun contrle suprieur exerc par un

    organisme dit Institution suprieure de contrle des finances publiques (ISC) prsentant

    dans chaque pays des garanties dindpendance et dot de moyens adquats. Dans ce sens,

    lOrganisation internationale des institutions suprieures de contrle (INTOSAI), dans sa

    dclaration de Lima sur les lignes directives du contrle des finances publiques, prcise

    quil est indispensable que chaquetat possde une institution suprieure de contrle

    des finances publiques dont lindpendance est garantie par un texte de loi 4.

    Dans les pays ouest-africains francophones, si au lendemain des indpendances il a t

    institu, au sein de la Cour suprme une Chambre des comptes charge du contrle des

    deniers publics devant assumer ce rle, les volutions rcentes tendent plutt la mise en

    2 En raison de lincertitude lie la dfinition et aux domaines des finances publiques, nous avons prfr ne

    pas y revenir ici, par crainte de devoir nous y attarder. On peut nanmoins retenir la dfinition lato

    sensu de Luc SAIDJ selon laquelle les finances publiques sont considres comme les finances des

    personnes morales de droit public, les finances de nature publique ou encore les finances de lconomie

    publique , V. Luc SAIDJ, Finances publiques (notions gnrales) , in Loc PHILIP (sous dir.),

    Dictionnaire encyclopdique de finances publiques, Paris, Economica, 1991, p.807.

    Sur la controverse relative la dfinition et au domaine des finances publiques, V. Eric OLIVA, Essai de

    dfinition normative du domaine des finances publiques , in Constitution et finances publiques : Etudes en

    lhonneur de Loc PHILIP, Paris, Economica, 2005, p.494-514 et Luc SAIDJ, Recherche sur la notion de

    finances publiques en droit constitutionnel et financier positif , RDP, 1982, pp.1297-1342.

    3 Cit par Jacques BUISSON, Finances publiques, Dalloz, 15e d., 2012, p.3.

    4 INTOSAI, Dclaration de Lima sur les lignes directives du contrle. Disponible sur www.intosai.org.

    http://www.intosai.org/

  • Introduction gnrale

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 28 sur 672

    place dune Cour des comptes indpendante. Cette dernire devra garantir une gestion

    saine, efficace et efficiente des deniers publics, ncessaire pour relever les nombreux dfis5

    auxquels ils sont confronts en tant que pays en voie de dveloppement.

    Le principe du contrle des finances publiques trouve son fondement premier dans la

    grande Charte de 1215 (Magna Carta) o il apparat comme un corollaire du principe du

    consentement limpt. En effet, lautorisation de prlever les impts donne par les

    reprsentants du peuple implique le contrle de leur utilisation par ceux-ci. Ainsi lart.14

    de la DDHC de 1789 prcise-t-il que tout citoyen a le droit de constater la ncessit de la

    contribution publique et den suivre le bon emploi . Lart.15 ajoute que la socit a le

    droit de demander compte tout agent public de son administration . A cette exigence

    dmocratique sajoute une exigence qui se veut davantage raliste pour les tats

    nouvellement indpendants : ceux-ci sont appels capitaliser les maigres ressources dont

    ils disposent, en vue dassurer leur dveloppement conomique, rduire le nombre de la

    population sous-employe et contenir la pauprisation de la socit. Le contrle des

    finances publiques entendu comme la chasse aux gaspillages et la recherche dune

    dpense plus efficace peut tre peru comme le moyen dobtenir cette rduction 6.

    Face ces multiples dfis dordre prioritaire, les premiers dirigeants africains reconnatront

    la ncessit dun contrle efficace des finances publiques. Cest ainsi que les premiers

    auteurs sur le contrle des finances publiques en Afrique nont pas manqu de relever

    une stimulation politique au dveloppement du contrle 7. A telle enseigne que Jean-

    Marie BRETON en est arriv crire que les dirigeants africains, peu diligents, sagissant

    5 Ces dfis lis la problmatique du dveloppement conomique et la rduction de la pauvret sont bien

    rsums dans les OMD (Objectifs du Millnaire pour le dveloppement) dfinis par le PNUD, lesquels

    sont au nombre de 8, Objectif 1 : Rduire de moiti lextrme pauvret et la faim; Objectif 2 : Assurer

    une ducation primaire pour tous; Objectif 3 : Promouvoir lgalit des sexes et lautonomisation des

    femmes ; Objectif 4 : Rduire la mortalit des enfants de moins de 5 ans; Objectif 5 : Amliorer la sant

    maternelle; Objectif 6 : Combattre le VIH/sida, le paludisme et dautres maladies; Objectif 7 : Assurer

    un environnement durable ; Objectif 8 :Mettre en place un partenariat mondial pour le dveloppement.

    Pour une dernire analyse des performances de lAfrique dans la ralisation des OMD, V. Rapport OMD,

    2012. valuation des progrs accomplis en Afrique dans la ralisation des objectifs du Millnaire pour

    le dveloppement, p.161 et s. Disponible sur http://www.undp.org.

    6 Andr BARILARI, Les contrles financiers comptables, administratifs et juridictionnels des finances

    publiques, Paris, LGDJ, 2003, p.12

    7 Jean-Pierre DUPRAT, Lactivit des cours et chambres des comptes , in Grard CONAC (sous dir.), Les

    Cours suprmes en Afrique, Paris, Economica, 1989, Tome 2, p.195.

    http://www.undp.org/

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 29 sur 672

    des rgles du jeu dmocratique, apportaient tout leur soutien aux mcanismes de contrle

    financier existants, dans la mesure o lensemble des problmes lis la fonction de

    contrle sont donc au centre des proccupations des dirigeants des tats en voie de

    dveloppement 8. Pour illustrer ce constat de prise de conscience des dirigeants politiques

    africains de la ncessit dun contrle des finances publiques, il a t rgulirement cit les

    propos du prsident HOUPHOUET Boigny : Le contrle des finances publiques sous

    toutes ses formesest indispensable une gestion saine et rationnelle des ressources de

    ltat et des collectivits secondaires 9.

    Pourtant, une analyse rtrospective met en lumire le contraste avec ce constat. Car, les

    intentions que certains dirigeants ont pu manifester et exprimer ici et l, le plus souvent en

    engageant certaines rformes institutionnelles, nont pas eu de rels succs. Bien au

    contraire ! La crise de lexportation des matires premires ne du choc ptrolier, qui a

    gagn la quasi-totalit des tats africains au milieu des annes 80, et lapplication

    subsquente des austres et dcris Programmes dajustement structurel (PAS)10 ont t

    rvlatrice de ce que cet espace constituait en ralit une zone de non-droit financier 11.

    Si plusieurs raisons12 viennent dmontrer ce dernier tat dun espace de non-droit

    financier , la part de lineffectivit et de linefficacit des mcanismes de contrle

    8 Jean-Marie BRETON, Le contrle dtat sur le continent africain, Paris, LGDJ et Abidjan, NEA, 1978,

    p.21.

    9 Annexe 1 du rapport pour 1980 de la Chambre des comptes ivoirienne. Cit par Jean-Pierre DUPRAT,

    Lactivit des cours et chambres des comptes , in Les cours suprmes en Afrique, Op.cit., p.195.

    10 Banque mondiale, LAfrique subsaharienne. De la crise la croissance durable. tude prospective long

    terme, Washington, 1989.

    11 Nicaise MD, La juridiction financire dhier demain et aprs-demain , in Le contrle des

    finances publiques dans les pays membres de lUEMOA : quelle contribution pour la juridiction

    financire ?, RBSJA n24, 2011, p.8.

    12 Outre labsence dun rel contrle financier, certaines rgles budgtaires nont pas permis dapporter une

    clart et une transparence dans la gestion des finances publiques. Cest par exemple le cas avec le

    principe de la dualit budgtaire. Le budget de ltat tait alors scind en deux budgets autonomes : le

    budget de fonctionnement et le budget dinvestissement. Pour une tude sur le passage de la dualit

    lunit budgtaire ainsi que des diffrentes consquences, on se reportera utilement larticle des

    professeurs Jeannie Elisabeth Badjo DJEKOURI-DAGBO, Le principe de lunit budgtaire dans le

    droit budgtaire ivoirien , Revue ivoirienne de droit, n41, 2010, p.116, et Jean-Pierre DUPRAT, La

    formation et lvolution du droit financier en Afrique francophone subsaharienne , in Dominique

    DARBON et Jean du Bois de GAUDUSSON (sous dir.), La cration du droit en Afrique, Paris,

    Karthala, 1997, p.444.

  • Introduction gnrale

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 30 sur 672

    financier ne peut non plus tre occulte. Un tel contexte justifiait une rformation du

    systme de contrle et notamment des juridictions financires.

    SECTION I

    CONTEXTE DE LA CRATION DES COURS DES COMPTES

    La cration des Cours des comptes dans lespace UEMOA la place des anciennes

    Chambres des comptes des Cours suprmes tire ses fondements dans le droit

    communautaire UEMOA et dans la pression des partenaires techniques et financiers (PTF)

    ( II). Cette rformation des juridictions financires se prsentait comme une ncessit ds

    lors que le dispositif de contrle des finances publiques en vigueur dans les tats membres,

    depuis leur accession lindpendance, sest rvl ineffectif et inefficace (I).

    1. LES MSAVENTURES DU CONTROLE DES FINANCES PUBLIQUES DANS LES

    PAYS MEMBRES DE LUEMOA

    Selon J.F. FABRE, la notion de contrle en matire de finances publiques renvoie lide

    de vrification, c'est--dire le fait de sassurer quune chose est bien telle quon la

    dclare ou telle quelle doit tre par rapport une norme donne 13. Au lendemain de

    leur accession lindpendance, les tats ouest-africains ont hrit du systme franais de

    contrle des finances publiques. Ce systme de contrle reposait sur lordonnance

    organique du 2 janvier 1959 qui a t reprise dans lensemble des tats. Cette ordonnance

    dfinit un triple contrle (administratif, juridictionnel et politique). Malheureusement, ce

    mimtisme institutionnel et structurel na pas t suivi dun mimtisme fonctionnel14.

    Ainsi, quand bien mme cette triple dimension du contrle aurait obtenu des rsultats

    probants en France, ce mcanisme tait ds lors vou lchec dans les nouveaux tats. Et,

    pour reprendre les termes du professeur DUPRAT, quand le mcanisme du contrle ntait

    13 Jean-Francis FABRE, Le contrle des finances publiques, PUF, 1968, p.8.

    14 Jean du Bois de GAUDUSSON, Le mimtisme postcolonial, et aprs ? , Pouvoirs, n129, 2009, p.45-

    55.

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 31 sur 672

    pas notoirement insuffisant , il tait totalement inoprant 15. Cest dire finalement

    que chacune des trois dimensions du contrle comportait des insuffisances qui

    compromettaient son effectivit et son efficacit.

    A. LA QUASI-ABSENCE DU CONTROLE PARLEMENTAIRE

    En raison du principe du consentement limpt, cest au Parlement, en tant que

    reprsentant du peuple, quil revient la lgitimit dassurer le suivi de lemploi rgulier des

    deniers publics par lexcutif. Cette mission sinscrit largement dans la fonction de

    contrle de laction gouvernementale. Ce contrle parlementaire ne prsente un rel intrt

    que dans un rgime de sparation des pouvoirs. Pourtant, mme que dans les tats connus

    pour respecter ces exigences dmocratiques, le contrle parlementaire a connu et continue

    de connatre un tiolement. Dans le contexte africain du rgime prsidentialiste amplifi

    par le parti unique, et plus tard par le parti largement majoritaire ou dominant, le contrle

    parlementaire de lutilisation des finances publiques est vite apparu illusoire. En effet, le

    Parlement sestimait lui-mme confondu au pouvoir excutif, comme en tmoignent les

    propos du tout premier Prsident de lAssemble nationale ivoirienne16. De ce fait, le

    contrle parlementaire tait effectu dans une complaisance absolue quand les

    parlementaires se dcidaient lexercer. Dans ce contexte, la loi de rglement, acte par

    excellence du contrle financier parlementaire sur lexcutif, na t que trs souvent

    ignore.

    Ainsi, aprs avoir vot pour la premire fois en 1978 (soit 18 ans aprs sa cration) la loi

    de rglement pour lexercice budgtaire 1976, il a fallu attendre pratiquement en 1997

    pour que le Parlement ivoirien vote une nouvelle fois la loi de rglement. Le Parlement

    burkinab la votera pour la premire fois en 2000 (soit 40 ans aprs laccession

    lindpendance) avec le sentiment davoir t la premire Assemble ouest-africaine

    15 Jean-Pierre DUPRAT, La formation et lvolution du droit financier en Afrique francophone

    subsaharienne , Op.cit., p.464.

    16 Le prsident Philippe Grgoire YAC affirmait en 1965 dans le contexte du parti unique ivoirien qu Il

    nexiste pas de diffrence de nature entre Gouvernement et Assemble ; la diffrence est de degr.

    Cest que ces deux institutions ne constituent que deux manifestations dun mme processus

    densemble qui trouve sa source dans le parti . Cit par J-M BRETON, Le contrle de ltat sur le

    continent africain, Op.cit., p.409.

  • Introduction gnrale

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 32 sur 672

    avoir rempli cette obligation constitutionnelle17. Cette croyance errone des dputs

    burkinab a le mrite de souligner que le dsintrt des parlementaires pour la loi de

    rglement ispso facto pour le contrle budgtaire et financier concernait lensemble des

    tats de la sous-rgion. Le Sngal faisait lexception. Ds 1967, lon avait commenc

    voter dans ce pays les lois de rglement. Cependant, certains spcialistes y ont vu des actes

    de complaisance dune Assemble nationale la solde dun excutif confort par une large

    majorit lgislative et une discipline de parti indfectible18.

    Le contrle politique des finances publiques na eu, en fin de compte, aucune porte

    significative, en dehors de celle symbolique, en raison du contexte de parti unique ou de

    parti dominant. Ds lors, cest lexcutif et notamment au chef de ltat quil est revenu

    empiriquement le pouvoir ultime du contrle financier, ce qui va se traduire par une

    prolifration des instances administratives de contrle dont linfluence sur lutilisation

    rgulire des finances publiques sera in fine limite.

    B. UN CONTROLE ADMINISTRATIF SURABONDANT ET INEFFICIENT

    Inspir du systme franais et notamment de lordonnance organique du 2 janvier 1959, le

    contrle administratif dans les tats africains francophones a t bti sur plusieurs

    chelons. Il a t men par des organes intgrs aux administrations et aux ministres.

    Ctait notamment le cas du contrle opr par le contrleur financier ainsi que du contrle

    opr par le comptable public sur lordonnateur dans le cadre de lapplication du principe

    de la sparation des ordonnateurs et des comptables. A ceux-l sajoutent les contrles

    effectus dans chaque ministre par des inspections techniques dites ministrielles dont la

    plus prestigieuse est lInspection gnrale des finances (IGF), rattache au ministre des

    Finances. Mais la surpolitisation au sommet et la sous administration la base , pour

    reprendre les mots de J-M BRETON, devaient rendre presque sans intrt tous ces

    mcanismes de contrle.

    17 Salif YONABA, Les finances de ltat burkinab, Ouagadougou, Collection prcis de droit burkinab,

    dcembre 2006, p.278.

    18 Abdoulaye BALD, Le contrle des finances publiques au Sngal, Thse, Facult de droit de Perpignan,

    1996, p.37.

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 33 sur 672

    Conscients nanmoins de limprieuse ncessit dun contrle de leurs maigres finances

    publiques, les chefs dtat africains vont mettre en place une superstructure administrative

    charge de veiller au bon fonctionnement des administrations publiques et lutilisation

    rgulire des finances publiques. Ce contrle administratif bnficiant de lautorit du chef

    de ltat, cl de vote de linstitution tatique, prendra les airs dun vritable contrle

    externe, hors hirarchie administrative. Cette modalit de contrle par un super corps

    administratif rattach au chef de ltat sera incarne par lInspection gnrale dtat (IGE)

    dans la plupart des tats africains francophones. Ces diffrentes IGE ont, elles-mmes, t

    cres sur une ancienne institution coloniale charge doprer le contrle des

    administrations coloniales, savoir lInspection gnrale des affaires administratives

    (lIGAA).

    Si lonction du Chef de ltat a t perue par J-M BRETON comme un lment

    fondamental pour assurer une effectivit et une efficacit ce contrle administratif, il

    apparat que le bilan de ces corps a t bien modeste et parfois difficile faire. Ainsi, au

    Sngal, on sest finalement tonn que la multiplication des corps de contrle ait produit

    des rsultats largement en de des esprances places en eux 19. Alors que le

    professeur YONABA estimait quil apparaissait difficile et alatoire de pouvoir dresser le

    bilan de lIGE burkinab20.

    Le contrle administratif na pas davantage t salvateur pour lancrage des pratiques de

    bonne gestion financire. Or, celui-ci, dans un rgime politique domin par le chef de

    ltat, devait constituer le pionnier dun systme de contrle o le Parlement et le juge des

    comptes ont t relgus au second plan. Plus encore, le juge des comptes, commis aux

    fonctions de contrleur financier externe, nexistait que thoriquement dans ce dispositif de

    contrle.

    19 Abdoulaye BALD, Le contrle des finances publiques au Sngal, Op.cit., p.36.

    20 Salif YONABA, Les finances de ltat burkinab, Op.cit., p.278.

  • Introduction gnrale

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 34 sur 672

    C. LA CHAMBRE DES COMPTES DE LA COUR SUPREME : LA BELLE AU BOIS

    DORMANT DU DISPOSITIF DE CONTROLE DES FINANCES PUBLIQUES

    Lhistoire des Chambres des comptes dans les pays africains francophones rappelle bien le

    conte de La Belle au bois dormant . Telle cette princesse plonge dans un sommeil

    sculaire par la jettatura, lexistence des Chambres des comptes charges doprer le

    contrle juridictionnel des finances publiques, au lendemain de laccession des tats

    lindpendance, a t thorique et, pour ainsi dire, textuelle. Intgre comme quatrime

    Chambre de la Cour suprme, la juridiction financire na pas connu une effectivit

    comparable celle des trois autres Chambres. Il nest pas exagr daffirmer quelle a t

    marginalise et sacrifie au profit des Chambres constitutionnelle, judiciaire et

    administrative de la Cour suprme. Lorsquelle nest pas reste longtemps sans avoir t

    installe, elle a fonctionn, soit avec des annes de retard, soit de manire intermittente et

    rudimentaire, et dans tous les cas, avec de maigres moyens.

    Au Bnin, aucune activit notable na t enregistre lactif de la Chambre des comptes

    de 1960 1991. Il a fallu attendre lanne 1995 pour que la Chambre des comptes produise

    ce qui reste ce jour son seul et unique rapport public, savoir le rapport public pour

    199421.

    Au Burkina Faso, la Chambre des comptes, prvue depuis 1962 dans les diffrents textes

    constitutionnels, a d attendre lanne 1984 pour passer de lexistence thorique et

    textuelle celle effective22. Si elle a russi produire un rapport public en 199123 et un

    arrt unique en 1989 dapurement des comptes de la gestion de ltat des annes 1963

    1984, elle a d rapidement replong dans son sommeil cause dun manque de moyens

    humains caractris notamment par une quipe squelettique de trois membres, dont deux

    provenaient de lAdministration financire nationale.

    21 Maxime B. AKAKPO, Une Cour des comptes au Bnin pour quoi faire ? , Quotidien bninois

    dinformations, Le Matinal n830 du 04 novembre 2000, pp.7-8.

    22 Pour une tude exhaustive sur la Chambre des comptes burkinab, V. Salif YONABA, La Chambre des

    comptes dhier demain et aprs-demain , RBD, n9, janvier 1986, pp.17-34 ; et Ph.

    QUERTAINMONT, La Chambre des comptes burkinab , RBD, n5, 1984, p.15.

    23 Salif YONABA, Le premier rapport public de la chambre des comptes de la Haute Cour dtat , RBD,

    n, 1992, pp.51-59 et La Revue du Trsor, n8-9, septembre 1992, p.558.

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 35 sur 672

    Au Mali, aprs la Constitution de la Rpublique de lex-Soudan franais, la Section des

    comptes prvue dans les diffrentes lois constitutionnelles et lois portant organisation

    judiciaire, a d attendre la loi de novembre 1990 pour fonctionner compter de lanne

    1991. La Section des comptes semble mme avoir t ignore comme composante de la

    Cour suprme. Il aura fallu attendre lanne judiciaire 2007-2008 pour quelle prsente

    pour la premire fois le thme de la rentre judiciaire24.

    Au Niger, aprs son institution en 1960, la Chambre des comptes de la Cour suprme na

    t effective qu partir du second semestre de lanne 199025. Jusquau moins en 1999,

    elle navait, selon Moussa ZAKI, rendu aucun arrt sur les comptes des comptables

    publics26. Au Togo, la Chambre na jamais connu dexistence effective. La Cour des

    comptes, institue en 1998 la place de cette Chambre, attendra lanne 2009 pour tre

    installe.

    Les Chambres des comptes ivoirienne et sngalaise ont toutefois constitu une exception

    notoire dans cet environnement peu propice lexpression et lpanouissement du juge

    financier. Elles ont notamment connu un rythme dactivit particulirement soutenu. Au

    dbut des annes 1990, la Chambre des comptes ivoirienne avait rendu environ six cents

    (600) arrts (provisoires et dfinitifs) soit une moyenne de vingt (20) arrts par an27. Ce

    bilan particulirement remarquable avait fait dire un spcialiste que la Chambre des

    comptes ivoirienne pouvait utilement servir de modle bon nombre dautres pays

    africains pour son organisation et le travail accompli 28. La jurisprudence de la Chambre

    24 Mamadou M. DIARRA, Rapport sur le thme de la rentre judiciaire 2007-2008 sur le : rle du juge des

    comptes dans la bonne gouvernance , in Cour suprme du Mali, Bulletin dinformation, juin 2011,

    pp.6-24.

    25 Rpublique du Niger, Cour des comptes, Rapport public 2010-2011, p.6.

    26 Moussa ZAKI, Le contrle des finances publiques en Afrique : exemple du Sngal et du Niger, Universit

    des sciences sociales de Toulouse I, 1999, p.272.

    27 Christiane DJE-BI-DJE, Les attributions juridictionnelles de la Chambre des comptes de la Cour

    suprme de Cte dIvoire , in Grard CONAC, Les Cours suprmes en Afrique, Tome II, Paris,

    Economica, 1989, p.234 et Revue ivoirienne de droit, n hors srie, 1986, 150, p.

    28 Robert LUDWIG, La Chambre des comptes ivoirienne , La Revue du Trsor, n2, fvrier 1991, p.97.

  • Introduction gnrale

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 36 sur 672

    des comptes sngalaise tait relativement bien fournie pour faire lobjet dune analyse

    synthtique29.

    Mais ces deux juridictions ivoirienne et sngalaise allaient finir par subir le mme sort

    que les autres de la sous-rgion, pour connatre aussi leur temps de sommeil. Ainsi le

    professeur de GAUDUSSON faisait-il remarquer que le nombre de magistrats la

    Chambre des comptes ivoirienne est pass entre 1975 et 1978, de trois zro, une situation

    qui lempchait ipso facto de fonctionner30. Cela explique quen cette priode, le

    professeur Jacqueline de la ROCHRE ait constat que les dossiers saccumul(ai)ent

    dans les locaux de la Chambre des comptes qui, faute de personnel comptent en nombre

    suffisant nglige(ait) les comptes des socits dtat 31. Par la suite de 1978 1999,

    malgr un effort de recrutement, les effectifs ont t rduits cinq (05) magistrats et deux

    (02) vrificateurs32. Au Sngal, la Chambre des comptes de la Cour suprme, qui a t

    transforme en Section des comptes du Conseil dtat en 1992, restera sans relle activit

    jusqu la cration et linstallation de la Cour des comptes en 2000. La Cour de discipline

    budgtaire qui existait au Sngal est elle aussi reste sans relle activit, au point o la

    situation de ces magistrats a t assimile celle de magistrats en chmage technique

    ou constamment en vacances prolonges 33.

    En attendant que nous revenions plus longuement dans les dveloppements qui suivront sur

    le bilan bien insignifiant de ces Chambres des comptes des anciennes Cours suprmes (2e

    Partie-Chapitre IV), il faut prciser que la situation lthargique de la juridiction financire

    jusqu au dbut des annes 1990 a t bien rsume par Robert LUDWIG : Un grand

    nombre de Chambres des comptes du continent devait connatre par la suite la mme

    29 Bocar Sy YORO, La jurisprudence financire de la Cour suprme du Sngal et droit financier , in

    CONAC Grard, Les Cours suprmes en Afrique, Op.cit., p.240.

    30 Jean du Bois de GAUDUSSON, Ltat et les entreprises publiques en Afrique noire , RFAP 1984,

    p.617.

    31 Jacqueline DUTHEIL de la ROCHRE, Ltat et le dveloppement conomique de la Cte dIvoire, Paris,

    Pedone, 1976, p.80.

    32 Rpublique de Cte dIvoire, Cour suprme, Chambre des comptes, Rapport spcial dactivits 1998-

    2009, p.5.

    33 Moussa ZAKI, Le contrle des finances publiques en Afrique : exemple du Sngal et du Niger, Op.cit.,

    p.272.

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 37 sur 672

    destine : celle dune existence purement textuelle ou au mieux, dans lhypothse o leurs

    membres avaient t effectivement nomms, dune structure marginalise, non

    oprationnelle, au profit de police politiques (au sens non ncessairement pjoratif) des

    comptes relevant troitement de lexcutif suprme que lon vit rapidement prolifrer 34.

    Le caractre inoprant des mcanismes de contrle dfinis par les tats membres appelait

    une ncessaire remise en ordre, comme devait faire remarquer Moussa ZAKI la

    conclusion de sa thse35. La cration de lUEMOA36 et laction des partenaires financiers

    au dveloppement vont constituer le facteur dclencheur de la redynamisation du contrle

    des finances publiques. Laxe majeur de cette rforme va donner lieu la substitution des

    Chambres des comptes, longtemps endormies au sein de la Cour suprme, par une

    Cour des comptes dite autonome.

    2. LIMPULSION A LA CRATION D'UNE COUR DES COMPTES AUTONOME

    Les tats francophones dAfrique avaient fait le choix de constituer une Cour suprme,

    incarnant le pouvoir judiciaire, avec quatre Chambres charges respectivement dexercer,

    des nuances prs, le rle dvolu, en France, au Conseil constitutionnel, la Cour de

    cassation, au Conseil dtat et la Cour des comptes. Dune manire gnrale, cette

    architecture, qui rpondait des raisons matrielles et financires, na pas permis un bon

    fonctionnement de linstitution judiciaire. Ce faisant, la faveur de lair dmocratique qui

    a souffl sur laire francophone africaine, au dbut des annes 1990, on a assist une

    autonomisation des instances charges de garantir le respect des rgles du jeu

    34 Robert LUDWIG, Sur le systme de contrle des finances publiques burkinab , La Revue du Trsor,

    n8-9, septembre 1992, p.555.

    35 En dfinitive, le contrle des finances publiques dans les tats d'Afrique noire francophone, aussi bien

    dans sa dimension statique classique (contrle de rgularit, contrle des budgets et des comptes,

    contrle des deniers) que dans sa dimension dynamique (contrle de la qualit du document budgtaire,

    contrle de la drive des dficits publics et de la qualit des gestions), reste encore, concrtement,

    construire et installer . Moussa ZAKI, Le contrle des finances publiques en Afrique : exemple du

    Sngal et du Niger, Op.cit., p.388.

    36 LUEMOA (Union conomique et montaire ouest-africaine) a t cre par le Trait de Dakar, sign le

    10 janvier 1994 par sept pays francophones dAfrique de lOuest ayant le FCFA pour monnaie

    commune. Ces tats sont le Bnin, le Burkina Faso, la Cte dIvoire, le Mali, le Niger, le Sngal et le

    Togo. Ils sont rejoints le 2 mai 1997 par la Guine Bissau, qui a la particularit dtre le seul tat

    lusophone de lUnion. LUnion se fixe comme objectif principal la cration dun march commun et

    lharmonisation des politiques budgtaires des tats membres.

  • Introduction gnrale

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 38 sur 672

    dmocratique. Cest ainsi que furent cres des Commissions lectorales nationales dites

    indpendantes ou autonomes, charges dorganiser des lections libres et transparentes, en

    lieu et place du ministre de lIntrieur ou du ministre de lAdministration territoriale. Au

    plan juridictionnel, les Chambres constitutionnelles des Cours suprmes sont extirpes de

    cette dernire et lon assiste la cration de Cours et Conseils constitutionnels autonomes.

    Cette autonomisation de la Chambre constitutionnelle a permis, nen point douter, un

    dveloppement de la justice constitutionnelle en Afrique noire francophone 37. Ce qui a

    dmontr que lautonomisation organique tait le moyen indiqu pour permettre aux

    diffrentes composantes du pouvoir judiciaire de bnficier des moyens adquats pour leur

    fonctionnement. On assiste ainsi, au dbut des annes 2000, dans plusieurs tats africains

    francophones, une rforme judiciaire en vue de lclatement dfinitif de la Cour suprme

    en plusieurs juridictions suprmes et autonomes : Cour de cassation, Conseil dtat et Cour

    des comptes38.

    Tirant, pour sa part, les leons de lautonomisation organique de la juridiction

    constitutionnelle, lUEMOA a vu, dans lautonomisation de la juridiction financire le

    baiser princier pouvant sortir cette belle endormie dun sommeil qui navait peut-tre

    que trop dur. Le trait dUnion sign en janvier 1994 oblige alors les tats membres la

    cration dune Cour des comptes indpendante (A). Toutefois, lUEMOA na peut tre fait

    que traduire en obligation juridique lincitation des partenaires financiers la cration de

    structures performantes et crdibles de contrle des finances publiques (B). Tout compte

    fait, la cration des Cours des comptes autonomes dans les tats membres sexplique par

    lintervention combine de lUEMOA et des partenaires au dveloppement. Ce quattestent

    37 Papa Mamour SY, Le dveloppement de la justice constitutionnelle en Afrique noire francophone : les

    exemples du Bnin, du Gabon et du Sngal, Thse Universit Cheikh Anta Diop de Dakar, 1998.

    38 V. Les actes du colloque de Cotonou 14-16 mai 2002 sur lopportunit de lclatement de Cours suprmes,

    in Les cahiers de lassociation ouest-africaine des Hautes juridictions francophones, 2002.

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 39 sur 672

    bien les premiers rapports publics de la Cour des comptes, au Burkina Faso39 et au

    Niger40.

    A. UNE OBLIGATION DERIVE DU DROIT COMMUNAUTAIRE

    A la fin de son ouvrage sur Le contrle dtat sur le continent africain, J-M BRETON

    suggrait que les organisations sous-rgionales puissent jouer un rle dans lancrage des

    principes du contrle. LUEMOA, ne sur les cendres de la CEAO41, semble avoir entendu

    cette suggestion. Elle fait de la cration dune Cour des comptes indpendante une

    exigence communautaire. Cette exigence trouve son fondement dans deux actes : elle est,

    dans un premier temps, prvue dans le trait constitutif (acte de droit primaire) et ; dans un

    second temps, confirme dans les directives (acte de droit driv) portant code de

    transparence.

    Le constat fait trs tt par certains auteurs dune fdralisation du droit financier 42 dans

    lespace UEMOA traduisait lamorce dun processus dharmonisation de ce droit dans les

    tats membres, comme annonc dans le prambule du trait dUnion43. Cette intention a

    t entrine dans le corps du trait par la mise en place dun cadre de surveillance

    multilatrale44 des politiques budgtaires nationales ; la surveillance tant perue comme

    le mcanisme communautaire de dfinition et de contrle des politiques conomiques entre

    les tats membres. Pour mener bien cette procdure de surveillance multilatrale, la mise

    39 Il convient de relever que ces innovations traduisent la volont des autorits burkinab dtre en phase

    tant avec lenvironnement institutionnel sous-rgional, en loccurrence les directives de lUEMOA,

    quavec les exigences des partenaires au dveloppement , Rapport public 2003-2004, p.19.

    40 Les autoritsdevaient dune part rpondre aux exigences des rformes qui tendent depuis quelque

    temps rendre indpendantes dans lespace francophone les juridictions financires du systme

    judiciaire classique, tel que prconis par le trait instituant lUEMOA , Rapport public 2010-2011,

    p.6.

    41 Eloi DIARRA, Les aspects financiers de la Communaut conomique de lAfrique de lOuest (CEAO),

    Thse ? Paris 2, 1982.

    42 Jean-Pierre DUPRAT, La formation et lvolution du droit financier en Afrique francophone

    subsaharienne , Op.cit., p. 445.

    43 Les Parties affirment dans ce prambule : la ncessit de lharmonisation de leurs lgislationsdans

    les secteurs essentiels de leurs conomies,.. et reconnaissent la ncessit d'assurer leur convergence .

    44 Larticle 67-1 du trait dispose que lUnion harmonise les lgislations et les procdures budgtaires afin

    dassurer notamment la synchronisation de ces dernires avec la procdure de surveillance multilatrale

    de lUnion

  • Introduction gnrale

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 40 sur 672

    en place dune structure de contrle apparaissait ncessaire. Pour ce faire, le trait enjoint

    chaque tat membre de prendre les dispositions ncessaires [afin que] lensemble de ses

    comptes puisse tre contrl selon des procdures offrant les garanties de transparence et

    dindpendances requises 45. Le trait laisse, dans ce sens, une alternative aux tats, qui

    consiste, soit recourir au contrle de la Cour des comptes de lUnion , soit

    instituer une Cour des comptes nationale 46.

    En ralit, cette alternative laisse aux tats pour le choix de lorgane de contrle de leurs

    finances publiques nen tait pas forcment une, y regarder de prs. En effet, il est de

    tradition que les tats sont peu enclins se soumettre aux contrles dorganismes

    internationaux, fussent-ils communautaires47, prfrant le contrle effectu par des

    instances nationales. Lalternative ainsi prvue par le lgislateur communautaire devait, en

    ralit, apparatre comme une forme de pression pour stimuler la mise en place dune Cour

    des comptes nationale, sous peine pour les tats qui ne se plieraient pas cette exigence,

    de se voir soumettre au contrle de la Cour des comptes de lUnion. Prenant en compte ces

    prescriptions, le lgislateur burkinab semble tre le seul dans lUnion navoir pas cart

    la possibilit de se rfrer la Cour des comptes de lUEMOA pour oprer le contrle

    juridictionnel de ses finances publiques, en cas notamment de dchance de la Cour des

    comptes nationale48.

    Lobligation de crer une Cour des comptes nationale est encore plus forte si lon

    considre quelle est assortie dune contrainte de temps. Larticle 68.1 enjoint, ce propos,

    aux tats, ladoption de ces dispositions pour qu'au plus tard un (1) an aprs l'entre

    en vigueur du prsent Trait l'ensemble de ses comptes puisse tre contrl . Dans la

    45 Art 68-1 Trait rvis UEMOA.

    46 Ibid.

    47 A ce propos, M. Jean ALOTOUNOU , ancien conseiller la Cour des comptes de lUEMOA, fait le

    constat qu Aucun tat na sollicit le concours de la Cour des comptes communautaire pour le contrle

    de ses comptes, en dpit des nombreuses difficults auxquelles sont confrontes les juridictions

    financires nationales , avant de conclure que Compte tenu de lexprience vcue, il ne semble pas que

    les tats soient disposs confier le contrle de leurs comptes la Cour communautaire. Il semble plus

    indiqu que chaque tat se dote dune Cour des comptes indpendante , V. Jean ALOTOUNOU,

    Prsentation de la Cour des comptes de lUEMOA , in Sminaire rgional sur les contrles et les

    audits des finances publiques organis par la Banque mondiale, Cotonou 29 mars-1er

    avril 2004.

    Disponible sur info.worldbank.org/etools/docs/Library. 48 Article 64 al.3 de la loi n 2003-06 du 24 janvier 2003 relative aux lois de finances.

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 41 sur 672

    mme optique, lart. 68.3 prcise que Les tats membres tiennent le Conseil et la

    Commission informs des dispositions qu'ils ont prises pour se conformer sans dlai

    cette obligation .

    Ces dispositions, issues du droit primaire, apparaissent comme la matrice de cette

    obligation qui pesait sur les tats membres de lUEMOA, en vue de linstitution dans les

    ordres juridiques internes dune Cour des comptes. Pour acclrer le processus de cration

    de Cour des comptes autonome dans les tats membres, le Conseil des ministres devait

    raffirmer cette obligation dans une directive de 200049. La directive de 2000, aprs avoir

    rappel qu il ny a pas de bonne gestion des finances publiques sans un contrle a

    posteriori efficace dvolu une juridiction financire indpendante et dote de pouvoirs et

    de capacits dinvestigation tendus 50, raffirme lobligation selon laquelle les tats

    membres devront crer des Cours des comptes autonomes au plus tard le 31 Dcembre

    2002 51.

    Plus dune dcennie aprs ladoption de cette directive, certains tats52 ne se sont toujours

    pas dots dune Cour des comptes autonome. Cet tat de chose est inquitant et force

    reconnatre, avec le professeur Alioune SALL, lexistence dune insuffisante culture du

    droit dans lordre communautaire ouest-africain. En tout tat de cause, cette situation vient

    encore souligner la difficile intgration des rgles budgtaires communautaires dans les

    tats membres53. Ce qui traduit aussi limpuissance des autorits communautaires

    amener les tats remplir leurs obligations. Ce constat allait tre malheureusement

    corrobor par le Conseil des ministres de lUnion. En effet, la directive de 200954,

    renforant la directive de 2000, souligne de nouveau lobligation de cration de la Cour

    des comptes dans chaque tat membre mais reste muette sur la question du dlai ventuel

    49 Directive n02/2000/CM/UEMOA du 29 juin 2000 portant Code de transparence dans la gestion des

    finances publiques dans lespace UEMOA. 50Point E-2-2 du Code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l'UEMOA

    51 Ibid.

    52 Le Bnin et le Mali tardent encore se conformer cette obligation. V. Chapitre I, Section I.

    53 Salif YONABA, La difficile intgration des rgles budgtaires et comptables des tats membres de

    lUEMOA , RFFP, n79, 2002, p.221 ; Les contraintes de lharmonisation dun droit budgtaire

    rnov dans la zone UEMOA , RFFP, n98, p.69.

    54 Directive n01/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009 portant Code de transparence dans la gestion des

    finances publiques dans lespace UEMOA. V. art.5.6 de lAnnexe.

  • Introduction gnrale

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 42 sur 672

    requis pour leur mise en place. Ce silence intrigant pourrait apparatre, finalement, comme

    une sorte dimpuissance du lgislateur communautaire.

    Avant de revenir sur les raisons de la survivance de certaines Chambres des comptes

    (Chapitre I, Section I), lon signalera que lexigence communautaire de la cration dune

    Cour des comptes va se trouver quelque peu consolide par linsistance des partenaires

    financiers au dveloppement.

    B. UNE INCITATION DES PARTENAIRES FINANCIERS INTERNATIONAUX

    La mutation des juridictions financires dans les pays africains en gnral et ceux de

    lUEMOA en particulier trouve son sens dans leur relation avec les partenaires au

    dveloppement, notamment les institutions de Brettons Wood et lUE.

    Aprs lchec des PAS, les institutions de Brettons Wood, principaux soutiens au

    dveloppement dans les pays pauvres, ont la faveur de linitiative PPTE, appel les tats

    ladoption dun Cadre stratgique de lutte contre la pauvret (CSLP) ou de Documents

    stratgiques de rduction de la pauvret (DSRP). Ces documents sanalysent comme des

    engagements par lesquels lesdits tats semploient mener des actions pour lutter contre

    la pauvret dune part, et mener des rformes institutionnelles pour favoriser lancrage de

    la culture de bonne gouvernance, dautre part. Ces documents labors par les tats

    ligibles linitiative PPTE sont soumis lapprobation des conseils dadministration du

    FMI et de la Banque mondiale. Le contenu de ces actes laisse alors entrevoir une

    incursiondes institutions financires internationaleslimite au renforcement de la

    transparence financire 55. Dune manire gnrale, laction des bailleurs de fonds est

    axe principalement sur la rforme des institutions budgtaires. Lobtention de laide

    financire de ces bailleurs se trouve alors lie la conduite de ces rformes.

    Dans le cadre de ces rformes conditionnant lobtention de laide financire et technique

    des partenaires au dveloppement, la promulgation de la loi organique fixant

    55 Gabriel NOUPOYO, Les nouvelles conditions de la politique budgtaire de sous-zones : tude des

    nouveaux instruments de rationalisation budgtaire, le poids des conditionnalits externes , RFFP,

    n98, juin 2007, p.83 et s.

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 43 sur 672

    lorganisation et le fonctionnement de la Cour des comptes constitue lun des principaux

    lments dclencheurs pour lapprobation par le FMI dune Facilit pour la rduction de la

    pauvret (FRPC) et pour laccession de la Cte dIvoire au point de dcision de linitiative

    PPTE 56. Au vu de ces diffrents actes, il est indniable que les partenaires financiers ont

    contribu ce mouvement de transformation des juridictions financires nationales,

    dautant que le manuel de transparence du FMI57 recommande aux tats doprer des

    rformes dans le sens des lignes directrices de lINTOSAI. Fort de ce constat, le professeur

    Loc PHILIP affirme logiquement que les bailleurs de fonds exercent dsormais de plus

    en plus de pression sur les pays bnficiaires afin quils intgrent, dans leur politique

    interne, les meilleures pratiques qui sont dj appliques dans certains pays. Dune manire

    gnrale, ils soutiennent activement les actions en faveur dun renforcement de la

    transparence financire et toutes les rformes de la gestion des finances publiques 58.

    Laide au dveloppement tant conditionne la concrtisation effective de ces injonctions,

    il ny a donc rien dtonnant que la plupart des rformes caractre budgtaire et

    financier, si ce ne sont toutes, soient davantage le rsultat de linitiative des partenaires au

    dveloppement que de la volont propre des tats 59. Ce que confirme le ministre togolais

    des Finances dans son discours tenu lors de la sance dinstallation de la Cour des

    comptes60.

    On peut galement justifier cette autonomisation des juridictions financires sur le

    continent par la volont dalignement sur les standards internationaux. Il en est ainsi de la

    56 V. Conclusion du Rapport PEMFAR pour la Cte dIvoire.

    57 Ce manuel recommande que chaque tat soumette lexamen de ses finances publiques une instance

    nationale appele institution suprieure daudit avant de renvoyer la dclaration de Lima pour

    prciser que Dans les pays francophones, cette instance est la Cour des comptes , V. FMI, Manuel

    sur la transparence des finances publiques, 2007, p.130.

    58 Loc PHILIP, Panorama du contrle des finances publiques dans le monde , RFFP, n101, mars 2001,

    p.23.

    59 Salif YONABA, Lexprience africaine du modle franais du contrle juridictionnel des finances

    publiques : traits communs et diversit , Op.cit, p.71-72.

    60 Aujourd'hui, vos efforts doivent s'orienter beaucoup plus vers la recherche de la fiabilit des donnes

    budgtaires ncessaires l'affermissement de la confiance entre nous et nos principaux

    partenaires techniques et financiers ; V. Les bons comptes font les bons amis ,

    www.republicoftogo.com, publi le 24/09/2009.

    http://www.republicoftogo.com/

  • Introduction gnrale

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 44 sur 672

    participation des instances de contrle des tats lINTOSAI. La dclaration de Lima61

    dispose que les ISC des finances publiques doivent pouvoir jouir de lindpendance

    fonctionnelle et organisationnelle ncessaire laccomplissement de leurs tches . Or,

    lon a pu constater que les Chambres et Sections des comptes des Cours suprmes ne

    disposaient pas des garanties de cette indpendance. Cela est dailleurs corrobor dans la

    conclusion du rapport 2008/2009 de la Chambre des comptes ivoirienne, qui exprimait son

    amertume, au vu du constat du manque denthousiasme des parlementaires adopter le

    projet de loi organique qui devait sanctionner sa transformation en une Cour des comptes

    autonome62.

    A la lumire de ces lments, on peut expliquer ce processus dautonomisation des

    juridictions financires dans lespace UEMOA par linfluence lie la participation des

    tats lINTOSAI ainsi que son dmembrement rgional, savoir lAFROSAI. Cette

    influence rpond dailleurs la devise de cette organisation : Lexprience mutuelle est au

    service de tous.

    Ce facteur dinfluence rciproque est aussi observable au sein des organisations

    francophones telles que lAISCCUF (Association des institutions suprieures de contrle

    ayant en commun lusage du franais) ou lAHJUCAF (Association des Hautes juridictions

    de cassation des pays ayant en commun lusage du franais). Cette dernire, lors du

    colloque international tenu en juillet 2002 au Bnin, appelait la transformation des

    Chambres des comptes des Cours suprmes en Cour des comptes63.

    Dans le cadre plus gnral de lOIF, on peut trouver, dans la dclaration adopte par les

    tats membres le 3 novembre 2000 Bamako, parmi les lments devant concourir la

    Consolidation de ltat de droit 4. 4-5. , un engagement des tats mettre en uvre

    le principe de transparence comme rgle de fonctionnement des institutions (et de)

    61 Dclaration de Lima doctobre 1977 sur les lignes directrices du contrle des finances publiques, II-2.

    62 La Chambre y affirme La loi organique dterminant les attributions, la composition, lorganisation et

    les modalits de fonctionnement de la Cour des Comptes, telle que prvue par la Constitution, nest

    toujours pas vote par le Parlement et le fait de rester encore une des Chambres de la Cour suprme

    constitue un facteur de dmotivation de tous les professionnels y exerant . V. Rpublique de Cte

    dIvoire, Cour suprme, Chambre des comptes, Rapport 2008/2009, p.10. Disponible sur

    www.courdescomptesci.com/loi/html.

    63Document disponible sur http://democratie.francophonie.org/IMG/pdf/22.pdf .

    http://www.courdescomptesci.com/loi/htmlhttp://democratie.francophonie.org/IMG/pdf/22.pdf

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 45 sur 672

    gnraliser et accrotre la porte du contrle, par des instances impartiales, sur tous les

    organes et institutions, ainsi que sur tous les tablissements, publics ou privs, maniant des

    fonds publics .

    Ce sont des facteurs externes aux tats membres de lUEMOA qui expliquent, pour une

    grande part, la mutation, amorce la fin des annes 90, des Chambres et Sections des

    comptes en Cours des comptes autonomes. Parmi ces facteurs, lexigence principale, sur le

    terrain juridique, dcoule du droit communautaire dont la supriorit sur les ordres

    juridiques nationaux est reconnue par les textes communautaires64. Pour sa part, la Cour de

    justice de lUEMOA devait confirmer pour la premire fois cette force contraignante,

    loccasion dune demande davis forme par la Commission de lUEMOA. Cette dernire

    reprenait une interrogation des autorits maliennes, qui se demandaient sil y avait une

    obligation pour ltat malien de crer une Cour des comptes autonome65. La force

    contraignante des actes communautaires est, du reste, reconnue dans lexpos des motifs,

    tant des lois constitutionnelles66 que des lois organiques relatives lorganisation et au

    fonctionnement de la Cour des comptes, notamment en Cte dIvoire67 et au Sngal68.

    64 Lart.6 du trait UEMOA dispose que Les actes arrts par les organes de l'Union pour la ralisation des

    objectifs du prsent Trait et conformment aux rgles et procdures institues par celui-ci, sont

    appliqus dans chaque Etat membre nonobstant toute lgislation nationale contraire, antrieure ou

    postrieure .

    65 Nous reviendrons plus en dtails dans le chapitre I du titre I de la premire partie sur cet avis n03/2003

    de la Cour de justice de lUEMOA et des questions qui taient souleves.

    66 Par exemple, au Sngal, lexpos des motifs de la loi n99-02 du 29 janvier 1999 (sur la Cour des

    comptes) portant rvision de la Constitution retient que Cette autonomie forte est dailleurs requise

    par les instances de lUEMOA , JO n5842 du 30/1/1999. Disponible sur

    http://www.courdescomptes.sn/index.php.

    67 le prsent projet de loi enrichit et remanie sur quelques points le dispositif antrieur, dans les

    directions suivantes : [] prendre en compte les standards internationaux telles les directives de

    lUEMOA ; le contenu du projet de loi organique soumis votre approbation rpond pleinement aux

    directives de lUEMOA, notamment de celle n02/2000/CM/UEMOA du 29 juin 20009 portant Code

    de Transparence qui demande la cration dune juridiction financire indpendante dote de pouvoirs et

    de capacits dinvestigation tendus et dont la date limite de cration avait t fixe au 31 dcembre

    2002. , Expos des motifs du Projet de loi organique dterminant les attributions, la composition,

    lorganisation et les modalits de fonctionnement de la Cour des comptes. Disponible sur

    www.courdescomptesci.com/loi/html.

    68 Le prsent projet de loi s'inscrit dans le cadre du respect des recommandations induites dans les

    directives de l'Union conomique et Montaire Ouest-Africaine (UEMOA) n05/97/CM/UEMOA du 16

    dcembre 1997 relative aux lois de finances et n06/97/CM/UEMOA du 16 dcembre 1997 portant

    http://www.courdescomptes.sn/index.phphttp://www.courdescomptesci.com/loi/html

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    comptes

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    Lautonomisation des juridictions financires, que lon peut bien rapprocher, avec un

    auteur69, de celle des juridictions constitutionnelles amorce au dbut des annes 90, vient

    confirmer lattrait des tats membres de lUEMOA pour le modle napolonien de

    contrle juridictionnel des finances publiques, qui avait dtermin, auparavant,

    lorganisation et le fonctionnement des Chambres et Sections des comptes.

    SECTION II

    LES COURS DES COMPTES DE LUEMOA AU CUR DU

    DBAT SUR LES MODLES DE CONTROLE

    Il existe une diversit dinstances reconnues universellement pour oprer le contrle

    suprieur des finances publiques. Traditionnellement, la typologie des ISC rpond un

    triptyque distinguant les modles anglo-saxon, allemand et franais de contrle des

    finances publiques. Il convient de prsenter et de distinguer ces diffrents modles (I)

    avant de montrer lattractivit du modle franais dans lespace UEMOA (II).

    1. LA DIVERSIT DES MODLES DE CONTROLE

    Sil est possible de faire une distinction des modles de contrle (A), force est de

    reconnatre que cette typologie a des limites, dans la mesure o la mission des ISC rpond

    un mme objet : celui dassurer le contrle de la bonne utilisation des ressources

    publiques (B).

    rglement gnral sur la comptabilit publique des tats membres... , Expos des motifs de la Loi

    organique n99-70 du 17 fvrier 1999 sur la Cour des comptes. JO n5845 du 20/2/1999. Disponible sur

    http://www.courdescomptes.sn/index.php. 69 LUEMOA a suscit et rendu possible la cration des Cours des comptes comme la renaissance

    dmocratique a provoqu la prolifration de Cours constitutionnelles dans les annes 1990 , V. Nicaise

    MD, LUEMOA et le dveloppement des Cours des comptes en Afrique de lOuest , Op.cit.,

    p.287.

    http://www.courdescomptes.sn/index.php

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

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    A. LA DISTINCTION DES MODLES DE CONTROLE

    Il existe une concurrence des modles de contrle70 qui nest pas trangre la

    concurrence des diffrents systmes juridiques, que lon observe travers lopposition

    classique entre les systmes de Common Law et de Civil Law ou de droit continental.

    Ainsi, bien que les ISC prsentent des formes trs diverses71, elles sont en gnral

    regroupes sur trois (3) catgories : le modle de Westminster72 ou anglo-saxon, le modle

    mixte ou du conseil (allemand73) et le modle napolonien ou franais. Elles ont au moins

    en commun, selon la dclaration de Lima sur les lignes directrices du contrle des finances

    publiques, de contrler la conformit aux lois et la rgularit de la gestion financire et la

    comptabilit 74.

    Le modle anglo-saxon est en usage dans les pays de culture anglophone, notamment

    membres du Commonwealth. Dans ce modle, lISC est un organe administratif

    indpendant plac sous la responsabilit du Parlement75. Il est gnralement connu sous le

    nom de Bureau national de Vrification, qui est un organe unipersonnel, en ce sens que la

    personne place la tte de linstitution76 dispose exclusivement des pouvoirs et que cest

    elle seule que bnficie la garantie de lindpendance, bien quelle soit assiste de

    vrificateurs adjoints. Cet organe ne dispose pas de pouvoirs juridictionnels, quoique les

    70 Sur la concurrence des modles de contrle, V. Jean Claude MARTINEZ, Pierre DI MALTA, Droit

    budgtaire, Op.cit., p.878-883.

    71 Sur la diversit des modles de contrle, V. Marine PORTAL, Les Institutions Suprieures de Contrle,

    une tude comparative internationale des pratiques , Gestion et Finances publiques n3, mars 2012,

    pp.118-123 ; Luc SAIDJ, Le modle des Cours des comptes : traits communs et diversit , RFFP

    n101, mars 2008, p.45 ; Jacques MAGNET, Classification des ISC financier , RFFP, 2002, p.8. ;

    Jean-Franois BERNICOT, Quelle diversit de concept de contrle en Europe ? , in Michel

    BOUVIER (sous dir.), Rforme des finances publiques : la conduite du changement, Actes de la IIIe

    Universit de printemps du GERFIP, Paris, LGDJ, 2007, p.143 ; et RFFP, n36, Les institutions de

    contrle des comptes publics ltranger, 1991. 72 Sur le modle anglo-saxon, V. Jean-Franois BERNICOT, Les bureaux de vrification et les auditeurs

    gnraux , RFFP n101, mars 2008, p.91.

    73V. Dr Hedda von WEDEL Le modle de lAllemagne , RFFP n101, mars 2008, p.81 ;

    Bundesrechnungshof, La Cour Fdrale des comptes et ses services rgionaux,

    www.bundesrechnungshof.de.

    74 Dclaration de Lima, Section 4-1 voir http://www.intosai.org . 75 Il est gnralement prsent comme un organe auxiliaire du Parlement. Sa nomination et sa destitution

    dpendent pour une large part, du Parlement. V. Jacques MAGNET, Classification des ISC

    financier , Op.cit., p.8.

    76 Jean-Franois BERNICOT, Les bureaux de vrification et les auditeurs gnraux , Op.cit., p.91.

    http://www.bundesrechnungshof.de/http://www.intosai.org/

  • Introduction gnrale

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

    Page 48 sur 672

    rsultats de ses contrles puissent tre transmis aux autorits judiciaires pour quelles

    engagent des poursuites en cas de besoin. Le Parlement reste le principal destinataire de

    ses rapports priodiques sur les tats financiers et les oprations gouvernementales. Dune

    manire gnrale, lon observe la prsence de ces bureaux de vrification dans les tats o

    le Parlement a une prpondrance dans le fonctionnement des institutions politiques

    nationales.

    Le modle du conseil ou modle allemand est celui dans lequel lorgane de contrle se

    prsente comme une Cour, en ce que ses dcisions sont collgiales77. Toutefois, cette Cour

    ne constitue pas une juridiction puisquelle ne dispose pas dattribution juridictionnelle.

    Elle sen approche par le fait quelle bnficie (ainsi que ses membres) du statut reconnu

    une juridiction ; afin de garantir son indpendance. Elle se prsente comme un organe

    quidistance du Parlement et de lexcutif : ses observations annuelles sont transmises au

    Parlement et lexcutif et le Parlement sappuie sur les observations de la Cour pour

    accorder ou non dcharge lexcutif. Parce que prsentant des traits qui rappellent le

    modle de Westminster et le modle napolonien, le modle allemand est souvent prsent

    comme un hybride78. M. de Marc rsume bien cette hybridit : La Cour et les Chambres

    (des Lnder) des comptes allemandes ne sont pas des Cours de justice puisque dpourvues

    des pouvoirs propres et ne pouvant rendre des arrts. Selon la formule, elles font des

    critiques et non des jugements. Elles critiquent les comptes pour le compte des autorits

    administratives. Elles critiquent la gestion ministrielle pour le compte du souverain 79.

    Enfin, il convient de prsenter le modle napolonien ou latin80, connu sous lappellation

    de Cour, qui a le statut de juridiction et est dot la fois dattributions juridictionnelles et

    non juridictionnelles. Il sagit, dans la plupart des cas, dune instance qui fait partie

    intgrante du pouvoir judiciaire. Son statut juridictionnel lui garantit une indpendance qui

    la situe quidistance des pouvoirs excutif et lgislatif. Ses dcisions sont prises de

    manire collgiale. Jean Claude MARTINEZ et Pierre Di MALTA font le constat dun

    77 Bundesrechnungshof, La Cour Fdrale des comptes et ses services rgionaux, Op.cit, p.8.

    78 Dr Hedda von WEDEL Le modle de lAllemagne , Op.cit., p.89.

    79 Jean-Claude MARTINEZ, Pierre DI MALTA, Droit budgtaire, Op.cit., p.876.

    80 Wemo-DJUNGA, Contrle externe des finances publiques, type latin, dit. Bruylant, Bruxelles, 1993.

  • Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

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    modle qui se trouve tre le plus diffus, au niveau international, et que lon a export

    comme un produit succs de la technologie financire franaise 81.

    Ce dernier modle peut se dcliner sous une forme embryonnaire, reprsente par une

    Chambre des comptes englobe dans une juridiction plus vaste dont elle constitue en

    quelque sorte une section. Tel fut le choix des pays dAfrique francophone, au lendemain

    des indpendances, avec la cration de juridictions des comptes intgres aux des Cours

    suprmes. Cette forme embryonnaire connat une forme acheve, qui rside dans la

    cration dune juridiction part entire. Ainsi on ne peut parler, dans le cadre dune

    Chambre des comptes intgre une Cour suprme, dune vritable juridiction financire

    ds lors que lautonomie et la spcialisation font dfaut. Cest, en effet, lexistence dune

    juridiction financire autonome et spcialise qui constitue la particularit du modle

    franais de contrle. Cela pourrait expliquer le choix de lUEMOA et des institutions

    financires internationales dimposer aux tats la cration dune Cour des comptes

    autonome et indpendante.

    La prsentation de cette distinction revt cependant un caractre sommaire dans la mesure

    o elle prsente des incertitudes et o, par ailleurs, les ISC poursuivent le mme objectif de

    la garantie de transparence dans la gestion de largent public.

    B. LES LIMITES DE LA DISTINCTION

    La distinction des modles de contrle comporte certaines incertitudes qui enlvent un peu

    de son intrt. En effet, la diversit des formes institutionnelles prises par les ISC cache

    en ralit une relle homognit de conception du contrle externe des finances

    publiques 82. Il apparat que sur un point de vue fonctionnel, chacun des modles

    prsents ne comporte pas de relle diffrence. Chaque ISC poursuit la mission de garant

    de la bonne gestion des fonds publics. Indpendamment de la structure organique, on peut

    remarquer que chaque ISC a une comptence juridictionnelle et administrative. Ainsi, la

    81 Jean Claude MARTINEZ, Pierre DI MALTA, Droit budgtaire, Op.cit., p.878.

    82 Jean-Franois BERNICOT, Quelle diversit de conception du contrle en Europe ? , in Michel

    BOUVIER (sous dir.), Rforme des finances publiques : la conduite du changement, Paris, LGDJ,

    2007, p.144.

  • Introduction gnrale

    Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des

    comptes

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    Cour des comptes franaise, qui organiquement se prsente comme une juridiction, exerce

    des comptences administratives dans le cadre du contrle de la bonne utilisation des fonds

    ou de contrle de qualit. La rvision constitutionnelle de 2008 lui reconnat par ailleurs un

    rle dvaluation des politiques publiques qui rejoint, bien des gards, laudit de

    performance qui est prsent comme la mission naturelle des ISC inspires du modle

    anglo-saxon.

    Par ailleurs, la Bundesrechnungshof allemande prsente comme un modle mixte, remet

    en cause la dichotomie juridiction /organisme daudit.