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Le baiser sirène...Ferraro m’aime bien. Tout le reste pourrait aussi bien être un cours avancé de physique nucléaire. Par ailleurs, dernièrement, nous avons tous été préoc-cupés

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Le ba i s e r de la s irène

Traduit de l’anglais par Noémie Grenier

tera lynn childs

Le ba iser de la s irène

Copyright © 2010 Tera Lynn ChildsTitre original anglais : Forgive my FinsCopyright © 2014 Éditions AdA Inc. pour la traduction françaiseCette publication est publiée en accord avec HarperCollins Publishers, New York, NYTous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

Éditeur : François DoucetTraduction : Noémie GrenierRévision linguistique : Féminin plurielCorrection d’épreuves : Nancy Coulombe, Katherine LacombeConception de la couverture : Matthieu FortinPhoto de la couverture : © 2010 Leslie Ann O’DellMise en pages : Sébastien MichaudISBN papier 978-2-89733-849-7ISBN PDF numérique 978-2-89733-850-3ISBN ePub 978-2-89733-851-0Première impression : 2014Dépôt légal : 2014Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque Nationale du Canada

Éditions AdA Inc.1385, boul. Lionel-BouletVarennes, Québec, Canada, J3X 1P7Téléphone : 450-929-0296Télécopieur : [email protected]

DiffusionCanada : Éditions AdA Inc.France : D.G. Diffusion Z.I. des Bogues 31750 Escalquens — France Téléphone : 05.61.00.09.99Suisse : Transat — 23.42.77.40Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

Imprimé au Canada

Participation de la SODEC.Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Childs, Tera Lynn

[Forgive my fins. Français] Le baiser de la sirène (Le baiser de la sirène ; t. 1) Traduction de : Forgive my fins. Pour les jeunes de 13 ans et plus. ISBN 978-2-89733-849-7 I. Grenier, Noémie. II. Titre. III. Titre : Forgive my fins. Français.

PZ23.C44Ba 2014 j813’.6 C2014-940726-2

Pour Sarah, parce qu’elle m’a prise avec elle.

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L ’eau me calme. C’est comme du chocolat ou du thé chaud ou de la crème glacée au dulce de leche. Après une

journée pourrie, je verrouille la porte de la salle de bain, je remplis la vieille baignoire rétro de tante Rachel d’eau fumante et de sels de bain, puis je m’enfonce dans un monde où tous mes problèmes s’évaporent.

Certains jours, ça ne suffit pas.— Le lui as-tu demandé ?Serrant le téléphone contre mon épaule, je prends une

poignée de mousse et souffle dessus, la laissant atterrir sur mon ventre. Je peux choisir d’ignorer la question, n’est-ce pas ? Surtout si ni elle ni moi n’aimerons la réponse.

— Lily… insiste Shannen.Lorsque la mousse s’échoue dans l’eau et se dissout en

une mince couche écumeuse, je soupire.L’objectif même de mon bain consiste à me faire oublier

ma journée désastreuse, y compris le sujet de la question de Shannen, mais il me semble maintenant impossible de l’at-teindre. Même si je me sens légèrement plus détendue que

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lorsque j’ai glissé dans l’eau, il y a 20 minutes, rien ne peut balayer complètement ce souvenir.

Dommage que les sels ne puissent changer le passé.— Non, j’admets dans un grognement de frustration. Je

ne le lui ai pas demandé.— Je croyais que nous nous étions mises d’accord,

rétorque-t-elle sur un ton exaspéré. Tu allais le lui demander en trigo lorsque Kingsley vous aurait fait échanger vos papiers.

— Je sais, nous nous étions mises d’accord, avoué-je, mais…

— Mais quoi, Lily ? m’interrompt-elle. Tu n’as plus beaucoup de temps devant toi.

— Je le sais bien.Purée, comme je le sais ! Le sable s’écoule rapidement

dans mon sablier ; le bal des étudiants arrive à grands pas.En renversant la tête contre le rebord courbe et gracieux

de la baignoire, je laisse mes cheveux traîner sur le plan-cher. Une longue étendue de blond indiscipliné qui défie toutes les méthodes de dressage. Je pourrais aussi bien avoir une éponge de mer sur la tête, puisque même des quantités colossales de revitalisant ou de sérum antifrisottis n’ar-rivent pas à dompter les effets de l’humidité floridienne.

— Mais Kingsley ne nous a pas fait faire le troc habi-tuel, expliqué-je. Il nous a demandé d’échanger nos copies vers l’arrière plutôt qu’avec notre voisin d’à côté.

Shannen émet un grognement, et j’arrive à imaginer l’air de dédain sur son visage.

— Je déteste lorsqu’il participe à un atelier de dévelop-pement professionnel, commente-t-elle. Chaque fois qu’il en revient, il essaie quelque chose qui ne fonctionne jamais.

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— Je sais, agréé-je, m’accrochant à ce fil de pensées divergent dans l’espoir naïf qu’il nous fera toutes les deux oublier notre sujet initial.

Je ne lève pas le nez sur les tactiques d’évitement. Je jetterais tellement Kingsley aux fauves pour me sauver d’un autre discours sur le thème du bonheur quotidien.

— C’était un vrai fiasco, continué-je en me redressant légèrement, un peu plus confiante en ma stratégie de dis-traction. Les cousins Danfield ont interchangé leurs places, et la plupart des étudiants ont fini par évaluer leur propre copie. Kingsley nous a félicités de nos bonnes notes.

Les bonnes notes ne sont pas chose courante dans ma vie. Shannen, qui a de bonnes chances de prononcer le dis-cours d’adieu de la promotion, essaie de m’aider, mais je n’apprends manifestement rien par osmose ou association ou quoi que ce soit d’autre. Est-ce ma faute si toutes ces matières sont comme une langue étrangère pour moi ? Mon cerveau n’est tout simplement pas conçu pour l’étude sco-laire. Le seul cours que j’ai presque la certitude de réussir est le cours d’art. Et c’est seulement parce que madame Ferraro m’aime bien. Tout le reste pourrait aussi bien être un cours avancé de physique nucléaire.

Par ailleurs, dernièrement, nous avons tous été préoc-cupés par la danse de La folie du printemps, et non par les travaux à rendre la semaine prochaine. Avec la danse qui aura lieu dans quelques jours (c’est-à-dire trois), il semble beaucoup plus urgent de s’y préparer que d’écrire un essai sur La ferme des animaux.

Ce soir, par contre, je préférerais parler de travaux sco-laires. Ou de produits de beauté. Ou de nuées de méduses meurtrières. De n’importe quoi, sauf du sujet qu’elle aborde.

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J’ai chamboulé le plan… une fois de plus. La dernière chose dont j’ai besoin en ce moment, c’est de Shannen qui me dit encore…

— Tu es une poule mouillée, Lily Sanderson.— Je suis une poule mouillée.Fils de perche.Je remue brièvement ma nageoire caudale, aspergeant

mes épaules des sels de bain à la lime. Il s’agit de la même accusation que j’entends chaque semaine depuis trois ans. On pourrait croire que je me lasserais de l’entendre, que je rassemblerais mon courage et que je passerais enfin à l’acte. Le problème, c’est que… elle a raison. Je suis une poule mouillée.

Surtout en ce qui concerne Brody Bennett.Nous, les sirènes, sommes une bande de lâches. Le fait

de garder notre existence totalement secrète rend la lâcheté une quasi-nécessité. Si nous ne fuyons pas assez rapidement au premier signe de l’approche d’un navire, nous pourrions nous retrouver sur la couverture du journal L’Éclair de la semaine suivante. Nous sommes une espèce du genre « fuyons maintenant et discutons plus tard ».

Mais avec Brody, c’est comme si mes réactions de fuite s’apparentaient à une toute nouvelle espèce d’invertébrés. Je peux élaborer tous les plans du monde et me préparer soli-dement à les exécuter, dès qu’il entre dans mon champ de vision, je me ferme comme une huître. J’ai de la chance si j’arrive encore à respirer, imaginez si je lui faisais part de mes sentiments ! Les hormones sont cruelles à ce point, voyez-vous.

Malgré tout, le rappel constant de sa lâcheté peut pousser une fille au bord de la folie. Pendant une seconde

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(une demi-seconde, en réalité), j’envisage de déballer la seule chose qui ferait sans aucun doute dérailler le sermon de Shannen une fois pour toutes.

Mais j’ai entendu les histoires.Je sais ce qui se produit lorsqu’un humain apprend

qu’une sirène est une sirène. J’aime Shannen comme une sœur, mais je ne peux prendre ce risque. Je ne peux me mettre en péril, ainsi que toute ma famille et tout mon règne, seulement pour éviter une conversation désagréable. Même si j’ai affreusement envie de lui confier la vérité, mon devoir passe avant notre amitié.

Shannen comprendrait.Alors, au lieu de déballer mon sombre secret — qui n’est

pas si sombre en ce moment, car mes nageoires émeraude et doré reluisent sous l’eau salée —, je ressasse la vérité pathétique.

— J’ai essayé, Shan.Ma tête se renverse de nouveau contre la baignoire de

porcelaine avec un grand toc bien mérité.— J’ai vraiment essayé. Cette fois, j’étais à un poil de le

faire. J’ai pris une grande respiration, j’ai dit son nom, puis…— Puis, quoi ?— Quince Fletcher m’a lancé une boule de papier sur la

tête.J’ai dû faire appel à chaque once de ma volonté, de même

que la cloche de fin de cours, pour me retenir de bondir de ma chaise, présenter mes excuses à Brody en sautant par-dessus lui, et réduire Quince en bouillie d’algues à force de coups de poing. Les Océaniens forment un peuple pacifique, mais ce garçon me fait regretter de ne pas avoir carte blanche sur le trident de papa pour cinq bonnes minutes.

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J’ai imaginé des moyens plutôt créatifs de fermer le clapet de Quince.

— Le chien, opine Shannen, c’est croire qu’il s’est auto-proclamé l’emmerdeur de ta vie.

— Tu l’as dit.Je frotte lestement l’éponge de bain sur mes écailles.— Pourquoi se donne-t-il même la peine de m’ennuyer ?

Ses deux passe-temps consistent à travailler sur ce désastre de motocyclette et à me tourmenter.

Le truc, c’est que je ne comprends même pas pourquoi il est si dévoué à m’irriter constamment. Ce n’est pas comme si je lui avais fait quoi que ce soit, à part déménager dans la maison d’à côté. Au début, nous sommes presque devenus amis… jusqu’à ce qu’il se mette à me traiter comme son ennemie.

Les garçons sont loin d’être aussi déroutants dans l’océan.

— Il devrait — un bip-bip interrompt Shannen — diversifier.

— Attends une minute.Je me trémousse pour me redresser à demi dans la

baignoire.— J’ai un autre appel.Tante Rachel s’est lassée de mes bains qui noient les cir-

cuits du téléphone du deuxième étage après lui avoir ruiné trois téléphones. Le dernier remplacement n’offre même pas l’affichage de l’appelant, et elle a juré que c’était le dernier qu’elle achèterait. Si je brise celui-ci, il n’y a plus de télé-phone dans la baignoire. Aussi, je fais très attention de ne pas lâcher prise sur le récepteur en appuyant sur la touche.

— Oui, allô ?

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— Tu devrais fermer les rideaux avant de prendre un bain, princesse, annonce une voix grave et moqueuse.

— Quoi ? glapis-je en me raidissant subitement dans la baignoire.

La serviette de bain la plus proche est soigneusement pliée sur la toilette… à l’autre bout de la pièce. D’un puis-sant battement de queue, je me lance sur le côté et j’atterris sur les carreaux froids du plancher, avant de m’élancer vers la serviette. Je viens tout juste de la jeter par-dessus mes nageoires lorsque j’entends un rire rugir dans le récepteur sur le plancher. Sourcillant, je le saisis brusquement.

— Hilarant, hurle-t-il, toujours en riant. Tu m’amuseras toujours, princesse.

« Argh ! » Je frappe violemment le plancher au moyen du téléphone, espérant que les coups endommagent les tym-pans de celui qui se trouve à l’autre bout du fil.

— Pourquoi ?Mon rythme cardiaque emporté par ma houle émotive

décline à un battement normal tandis que je considère le téléphone, qui a subi quelques ébréchures dans l’expression de ma colère, puis les rideaux complètement tirés devant la fenêtre de la salle de bain. Je porte le récepteur à mon oreille tout en ignorant le rire qui s’y reproduit inlassablement, et je demande :

— Pourquoi aimes-tu tant me torturer ?— Parce que, arrive à dire Quince entre ses glousse-

ments, tu rends la chose si facile.Empoignant la serviette maintenant imbibée, je la lance

contre le mur opposé et l’observe glisser lentement jusque dans le panier à linge sale. La chatte de tante Rachel, Prithi, miaule de mécontentement de l’autre côté de la porte.

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— Toi, dis-je en me hissant à la baignoire, tu n’es qu’un ignoble (me retournant, je plonge prudemment dans l’eau) et répugnant (même tiède, l’eau est paradisiaque) griffon hydrothermal visqueux.

Je presse le téléphone entre l’oreille et l’épaule avant d’ouvrir mes mains sous l’eau pour faire remonter la tempé-rature au degré presque bouillant qui m’est si apaisant.

Il ricane de nouveau avant de répondre.— C’est nouveau, ce genre de gag.— J’en ai des dizaines d’autres sous ma manche, lui

assuré-je en m’affaissant contre la paroi de la baignoire, les yeux fermés. Tu veux les entendre ?

L’eau salée m’enveloppe et calme mes nerfs tendus. Légèrement.

— Un jour, peut-être, répond-il, je te rappellerai ton offre.

— Moule mouillée, marmonné-je, les yeux toujours fermés, puis je m’imagine de retour à la maison, les cou-rants chauds du Gulf Stream tournoyant autour de moi alors que je flotte dans mon coin préféré de l’océan : la rive peu profonde juste à l’est de la Thalassinie, où une forêt de gorgones et de coraux en cornes d’élans m’offre le camou-flage idéal pour me prélasser pendant des heures et observer les bateaux de pêche colorés voguer au-dessus de ma tête.

C’est là où réside mon bonheur. Je n’y ai jamais emmené personne, pas même papa. Je préfère attendre d’y emmener quelqu’un de spécial. Un jour, j’y emmènerai Brody.

Lorsque j’ai le mal du pays, je nous y imagine, tous les deux.

— Admets-le, princesse, dit Quince d’une voix qu’il croit assurément railleuse, selon moi, tu serais morte d’ennui sans moi.

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— Sans toi, répliqué-je, souhaitant qu’il y ait plus que quatre mètres et deux carreaux de vitre me séparant de cette peste de voisin, j’aurais un cavalier pour aller à La folie du printemps.

Silence soudain. La base de ma nuque me picote.— Un cavalier ? répète-t-il.Mes yeux s’ouvrent subitement.Je n’ai pas voulu révéler ce bout d’information. L’eau

réchauffée m’a trop détendue. Je ne peux pas baisser ma garde une seule seconde lorsque je parle à Quince.

— Tu ne comptes pas courir la langue pendue derrière Benson le moron, non ?

— Bennett, corrigé-je sèchement avant de pouvoir me maîtriser.

Puis je rectifie :— Je ne sais pas de quoi tu parles.— Je crois que tu le sais…— En fait, dis-je résolument, je ne sais pas pourquoi je

suis toujours en train de te parler.— Tu es toujours en train de me parler, répond-il avant

que je ne puisse appuyer sur la touche d’appel en attente, parce que je peux t’aider à mettre le grappin sur ton amourette.

— Ha ! lancé-je brillamment, enchaînant d’un rire hystérique.

Comme si la peste de mon existence pourrait m’aider un jour. Comme s’il pourrait m’aider.

— Bel essai, Quince.— Tss-tss, fait-il comme si j’avais fait le mauvais choix.

Très bien, lorsque tu seras prête à accepter mon aide, tu sauras où me trouver.

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Ouais, dans la maison d’à côté, en train de m’épier dans la salle de bain.

— Je préférerais ne pas le savoir, avoué-je. Hé ! Comment savais-tu que j’étais dans la salle de bain, en passant ?

Silence du côté vicieux de la ligne.— Allô ?Purée d’espadon ! Je voulais être celle qui lui raccrocherait

au nez, cette fois !Un bip retentit dans le téléphone, me rappelant que

Shannen m’attend toujours. J’aurais dû savoir qu’elle n’aban-donnerait pas la partie. Nous n’avons pas clos le dossier « Demander à Brody de m’accompagner à la danse ». Elle ne rate jamais une occasion de me faire savoir que j’ai foiré et comment je peux faire mieux la prochaine fois.

Je me demanderais pourquoi je lui parle encore si elle n’était pas ma meilleure amie humaine.

Clic, je retourne vers elle.— Je suis de retour.— Qui était-ce ?— Personne, je réponds sincèrement.— Quince.Ce n’est pas une question.— Peu importe, dis-je tout en battant distraitement le

fond de la baignoire de la nageoire. Termine donc de me réprimander pour que je puisse aller dormir.

Shannen ignore mon commentaire boudeur.— Que voulait-il ?— La même chose que d’habitude : me pincer comme

un crabe araignée.Je ne vais tout de même pas lui parler de l’offre qu’il m’a

faite — ni du fait qu’il m’épie depuis sa salle de bain. Après

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avoir vécu trois ans à côté de ce pervers, j’ai arrêté de sup-plier ma tante de déménager. Dans quelques semaines à peine, je retournerai en Thalassinie pour terminer mes études et apprendre comment diriger le peuple aux côtés de mon père. Je ne verrai plus jamais ce mollusque dégoû-tant. Il ne sera plus qu’un souvenir lointain, voire cauchemardesque.

— Il devait bien vouloir quelque chose en partic…N’étant pas d’humeur à discuter de Quince, je reviens

au sujet qui la fera assurément déraper dans une digression.

— Je crois que je vais parler à Brody avant le début des cours, demain.

Elle change de direction instantanément.— Tu ferais mieux, avertit-elle. Le temps file. La danse

est vendredi.— Oui, je…— C’est dans trois jours.— Je le sais.Je m’assois, me tortillant et glissant sur la porcelaine

pour tirer le bouchon du drain.— Mais comme il vient tout juste de rompre avec

Courtney, je ne crois pas qu’il ait eu le temps de pêcher à la traîne et d’attraper une remplaçante.

Je peux presque sentir son lourd soupir.— Je suis trop fatiguée pour argumenter contre

tes phraséologies vagues, dit-elle. As-tu choisi ton déguisement ?

L’eau tourbillonne doucement dans le drain, laissant une fine pellicule de savon salé sur ma peau et mes écailles au fur et à mesure qu’elle s’écoule.

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— Non, je réponds tout en vidant un gobelet d’eau sur ma poitrine afin de me rincer. Je te l’ai déjà dit : je n’y vais pas costumée. C’est stupide. Je ne suis pas une g…

Je me retiens de dire « guppy qui suit le banc ». Même après trois ans, il m’est difficile de taire mon argot aquatique.

— Je ne suis pas une gamine.— Tu dois de déguiser, insiste Shannen. C’est une danse

costumée. Une tradition de Vue-sur-mer.— Je trouverai quelque chose, dis-je pour la contenter.L’eau glougloute tandis que les derniers centimètres

s’apprêtent à disparaître dans le drain.— Ton costume doit refléter le thème « Au fond des

mers ».— Non, il…— J’ai trouvé ! s’écrie Shannen, l’excitation perçant sa

voix. Je sais exactement ce que tu porteras.— Vraiment ? demandé-je futilement, attrapant un

carré éponge drapé sur le bord de la baignoire pour essuyer les traces de savon laissées sur mes écailles. Quoi ?

— Tu devrais te déguiser en… (elle marque une longue pause pleine de suspens) sirène !

Je laisse échapper le téléphone. Puis, je me remue pour le soulever avant que le dernier centimètre d’eau ne grille les circuits. Tante Rachel n’en achèterait pas un autre, cette fois, c’est certain.

— Non, dis-je, alors que l’eau dégoutte du téléphone, le crépitement de l’électricité me chatouillant l’oreille. Non, ce n’est pas une bonne idée.

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1

Le ba

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rène

l’amour non réciproque est suffisamment difficile à vivre pour une adolescente normale,

mais pour lily sanderson, impossible de connaître une simple amourette.

Lily a un secret, et ce n’est pas qu’elle rêve jour et nuit du beau Brody Bennett, un dieu de la natation qui fait chavirer son cœur. L’identité de sirène de Lily est un secret qui ne peut être

découvert, puisqu’elle n’est pas qu’une simple sirène ; elle est une princesse thalassinienne. Il y a trois ans, lorsque Lily a appris que sa mère était humaine, et non sirène, elle a finalement compris pourquoi elle ne se sentait pas tout à fait chez elle en Thalassinie. Elle est donc allée vivre sur terre, puis a commencé à fréquenter l’école secondaire de Vue-sur-mer, espérant trouver quel monde était vraiment le sien. Évidemment, la vie sur terre compte ses ennuis, comme le voisin de Lily, Quince Fletcher, un arrogant motard amateur, mais elle offre également un avantage inégalé : Brody. Le problème, c’est que les sirènes ne sont pas vraiment du type à fréquenter un garçon sans se poser de questions. Dès l’instant où elles se « lient » à quelqu’un, c’est pour la vie.

Lorsque Lily tente de gagner le cœur de Brody et s’enlise dans un cas d’erreur sur la personne de la taille d’un tsunami, elle vit un drame interpersonnel ayant la force d’un raz-de-marée. Elle découvre alors, entre deux battements de queue, qu’on ne vogue jamais dans les contes de sirènes comme on l’avait prévu, le vent dans les voiles.

TERA LYNN CHILDS (Auctor novellus) fait partie d’une espèce d’auteures aquatiques récemment découvertes qui ont toujours rêvé d’être une sirène, mais qui ont dû se contenter d’une carrière en natation sportive. Elle adore passer autant de temps que possible dans et autour de l’eau (jusqu’à ce que ses bouts de doigts ressemblent à des raisins secs), dans le vain espoir qu’un jour, ses jambes se transforment en nageoire. Lorsqu’elle est sur terre, Auctor novellus peut être vue en train d’écrire dans les cafés des quatre coins du pays, de naviguer sur Etsy à la recherche d’équipements de sirènes ingénieux ou de passer beaucoup trop de temps en ligne. Visitez Auctor novellus dans son habitat naturel au www.teralynnchilds.com.

PRIXDE

LANCEMENT

9,95 $

ISBN 978-2-89733-849-7TOME 2

[email protected]

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