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Encadré par : Mr JOUIDI Driss Présenté par : AIT BRIK Chaimae MARGHICH Younes YAACOUBI SOUHLI Ismail

Le Contentieux Des Vices Caches

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La garantie des vices cachés protège l’acheteur contre les vices qui dégradent totalement ou de façon si importante les qualités de la chose vendue qu’il n’aurait pas contractée. Le vice caché est un défaut rendant la chose impropre à l’usage, il a un caractère pathologique dans la chose –qui reste celle prévue au contrat mais est en mauvais état. La garantie des vices cachés dans la vente a subi une évolution importante dans le sens de l’extension, afin de protéger l’acheteur, et de la diversification, en ce qui est une marque de tous les contrats spéciaux.

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Encadré par : Mr JOUIDI Driss

Présenté par : AIT BRIK Chaimae

MARGHICH Younes

YAACOUBI SOUHLI Ismail

HARTI Omar

RJAFIALLAH Hatim

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Plan

Introduction Partie1 : Aspect général du contentieux des vices cachés

Chapitre1 : La qualification jurisprudentielle des vices cachés

Section1 : la notion du vice

Section2 : Illustrations

Chapitre2 : La procédure judiciaire relative au contentieux des vices cachés

Section1 : Les différents types d’actions judiciaires en matière des vices cachés

Section2 : la décision des juges et l’exécution du jugement

Partie2 : Etude du contentieux en matière de la garantie des vices cachés

Chapitre1 : Les procédures

Section 1 - Des procédures généralement en deux temps

Section 2 - Des procédures relativement longues

Chapitre2 : Les réponses des juges

Section1 : Les juges face aux règles sur la garantie

Section2 : Les juges face aux combinaisons des règles sur la garantie

Cas pratique

Bibliographie et webographie

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Introduction   :

La garantie des vices cachés protège l’acheteur contre les vices qui dégradent totalement ou de façon si importante les qualités de la chose vendue qu’il n’aurait pas contractée. Le vice caché est un défaut rendant la chose impropre à l’usage, il a un caractère pathologique dans la chose –qui reste celle prévue au contrat mais est en mauvais état. La garantie des vices cachés dans la vente a subi une évolution importante dans le sens de l’extension, afin de protéger l’acheteur, et de la diversification, en ce qui est une marque de tous les contrats spéciaux.

L’origine est romaine et il s’agissait de vente d’esclaves, ce qui a pour toujours imprimé certains traits à la théorie : Les vendeurs étaient d’une malhonnêteté proverbiale «  Il faut moraliser la vente », et étrangers, tandis que les acquéreurs étaient des romains qu’il fallait protéger. Cette garantie a, ensuite, eu pour objet les animaux, et au fil du temps, on assiste à une extension sur d’autres domaines.

Selon le code civil, reprenant la tradition romaine, la garantie avait pour objet le vice caché qui compromet l’utilité de la chose ; elle avait pour conséquence essentielle de permettre à l’acheteur d’obtenir, soir une résolution de la vente soit une diminution du prix.

Dans la pratique contemporaine des affaires, la garantie est devenue un élément de la politique commerciale, qu’on appelle parfois le Marketing. Les commerçants multiplient dans leurs contrats des clauses de garantie, qui constituent souvent un système de garantie différent de la garantie légale. Lorsqu’elles sont conclues entre un professionnel et un consommateur, ces clauses sont dépourvues d’effets dans la mesure où elles restreignent la garantie légale.

Depuis des années, les tribunaux ont élaboré un important droit prétorien tendant à conférer une sécurité presque absolue au consommateur. Les raisons en sont claires : La civilisation industrielle multiplie les dangers. Alors la jurisprudence veut, une fois de plus, concilier les besoins de la justice et ceux de l’utilité ; aussi entend elle protéger le consommateur contre le professionnel sans pour autant en faire un incapable, et moraliser la vente sans paralyser les procédés normaux du commerce.

Dans les rapports entre vendeur professionnel et consommateur, la garantie des vices cachés a connu trois transformations :

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1- Sont entrés dans le vice caché l’ensemble des dommages causés par la chose ;

2- Sont interdites les clauses limitant ou écartant les obligations légales de garantie, sauf à informer l’acquéreur des vices et des dangers de la chose ou à limiter l’obligation de délivrance.

3- La responsabilité du fait des vices cachés ne garantit pas seulement le contractant, mais un certain nombre d’usagers de la chose ; c’est sur ce point que l’évolution est la plus inachevée.

En se limitant au droit marocain actuel, l’efficacité de tout ce grand corps prétorien demeure limitée, Il faut préciser toutefois qu’il n’existe aucune législation précise ou qui définit avec exactitude la nature des vices cachés, à part le dahir des obligations et des contrats (DOC) et la loi 31-08 sur la protection du consommateur. L’article 542 du DOC stipule que «le vendeur garantit les vices de la chose qui en diminuent sensiblement la valeur, ou la rendent impropre à l’usage auquel elle est destinée d’après sa nature ou d’après le contrat (…). Il garantit également l’existence des qualités par lui déclarées, ou qui ont été stipulées par l’acheteur».

Néanmoins, le vendeur n’est pas responsable des vices apparents au moment de la vente car il est considéré que l’acheteur les a pris en compte avec toute conscience avant la conclusion de la transaction.

En tout cas, le DOC a fixé pour l’acquéreur un délai d’un an pour découvrir le vice caché et remettre en cause le contrat de vente. Pour sa part, la loi sur la protection du consommateur a apporté des précisions en la matière selon la nature de l’acquéreur. En effet, si le client est une personne physique qui utilise le bien pour son habitation personnelle, le délai de prescription est portée à 2 années à partir de la date de la conclusion du contrat. Par contre, si l’usage du bien est à titre commercial, le délai est maintenu à une année.

En France, c’est l’article 1641 du code civil qui règlement la garantie des vices cachés et qui énonce que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ». Il convient de signaler qu’en France depuis 1985 environ, vice caché et défaut de conformité sont clairement distingués par la jurisprudence.

Compte tenu du rôle important que joue la jurisprudence au niveau de la garantie des vices cachés, il nous convient de nous questionner : quel est le rôle des tribunaux et du juge particulièrement dans la constatation et l’appréciation du vice caché ? Aussi de nous demander de quoi s’agit-il au niveau de la procédure ?

Pour répondre à ce problème de droit posé, nous allons traiter dans un premier temps l’aspect du contentieux de la garantie des vices cachés puis nous nous pencherons

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dans un deuxième temps sur une étude de contentieux de la garantie des vices cachés afin d’approcher le problème d’une manière pratique.

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Partie1   : Aspect général du contentieux des vices cachés

Chapitre1   : La qualification jurisprudentielle des vices cachés

Pour que puisse être mise en jeu la garantie due par le vendeur, il faut que la chose soit affectée d’un vice, que celui paraisse d’une certaine gravité, que de surcroît il ait été caché lors de la vente et que le vice soit antérieure à la vente.

Section1   : L’existence du vice

Les juges du fond sont souverains pour opérer les constatations d’où l’on peut déduire le défaut de la chose. Mais la qualification de vice caché relève du contrôle de la cour de cassation, qui assure une certaine uniformité à cette notion

Le vice de la chose consiste dans le fait qu’elle n’est pas à même de rendre les services qu’on en attend. Pour des produits naturels, cela pourra s’expliquer par la présence d’éléments nocifs, pour un produit manufacturé cela résultera parfois de difficultés d’utilisation anormales. Généralement, le défaut est interne à la chose, mais il n’est pas exclu qu’il se révèle dans des conditions extérieures d’utilisation d’où résulte l’impossibilité de s’en servir de manière satisfaisante. Les cas de figure sont infiniment variés.

L’existence d’un vice peut être constatée aussi bien dans une chose d’occasion que dans un objet neuf. Le fait que la garantie contre les vices cachés trouve à jouer dans la vente d’immeuble existant le montre clairement. En ce qui concerne les bien mobiliers, il est vrai, le caractère d’occasion vient influer sur la manière dont on apprécie l’existence du vice : l’usure de la chose, qui est connue de l’acquéreur d’ailleurs, ne saurait en elle-même constituer un défaut, dans la mesure où elle est normale.1

En ce qui concerne les choses neuves, une usure trop rapide et donc prématurée survenant au cours de l’utilisation qu’en fait l’acquéreur sera constitutif de vice. Les juges peuvent tenir compte de la durée de vie moyenne d’un appareil tel que celui vendu et considérer que le vice est établi si la défaillance est apparue dans un temps beaucoup plus court. En revanche n’est pas atteinte de vice la chose qui s’use dans des conditions normales.

Les médicaments constituent un cas particulier. Hormis dans des hypothèses de violation patente des règles de l’art, les tribunaux admettent difficilement qu’ils soient affectés d’un vice, Bien qu’il s’agisse de produits dangereux et de haute technicité, vendus à des profanes, les juges hésitent à retenir la responsabilité du laboratoire pharmaceutique en présence d’effets indésirables d’un médicament, considérant qu’on

1 PH. Malaurie L. Aynès, les contrats spéciaux 4 ème édition 1990

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ne saurait mettre à sa charge l’obligation de prévoir tous les risques qui peuvent se présenter.

Alors que dans un domaine proche, qui est celui de la fourniture de sang, on a pu voir la responsabilité du vendeur engagée sur une base objective alors même qu’il était impossible de prévoir le dommage causé.

L'existence d'un vice a été admise :

En matière d'immeubles :

pour la non-constructibilité de terrains, pour des défauts de construction de nature à échapper à un examen ordinaire, pour la difficulté d'accès à un garage, pour une servitude non apparente que le vendeur avait l'obligation de révéler, pour la présence d'insectes affectant la solidité de la construction ou sa

salubrité, pour l'humidité et le défaut d'étanchéité, pour a présence de bruits excessifs, pour la pollution d'un terrain.

En matière de matériaux :

pour des tuiles, pour du bois non soumis à un traitement insecticide, pour un matériau acquis en vue du revêtement de sièges qui s'était révélé

impropre à cet usage sous l'action conjuguée de la lumière et de la chaleur, pour un béton défectueux, pour un revêtement pour bassin, pour de l'acier, pour un produit de nettoyage, pour des médicaments ou préparations pharmaceutiques

En matière de produits naturels :

pour du blé charançonné, pour de la farine avariée ayant provoqué une intoxication pour des poissons

qui devaient être spécialement salés et fumés en vue de leur conservation pour des fromages porteurs de bactéries les rendant impropres à la

consommation, pour des graines de mauvaise qualité,

En matière d'animaux

pour une vache atteinte de bronchite chronique, pour un chien destiné à la reproduction et atteint de dysplasie, pour des truites ayant contaminé un élevage, pour des génisses vendues en état de gestation et dont l'une était morte en

vêlant,

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pour de la viande provenant d'une vache fiévreuse.

En matière d'objets manufacturés (appareils, engins, véhicules) :

pour les indications fausses de type et de séries relatives à un tracteur et une semi-remorque,

pour des vibrations par suite du défaut de montage, pour l'usure anormale d'un véhicule d'occasion le rendant impropre à son

usage, pour un véhicule dont les caractéristiques ne sont pas conformes à celles

indiquées sur la carte grise, pour l'excès de consommation d'essence d'un véhicule, pour l'implosion d'un téléviseur, pour la défectuosité d'un système d'alarme fonctionnant de manière

intempestive, pour un véhicule neuf dont plusieurs mises au point sont restées sans effet,

En matière de biens incorporels :

pour des titres de société, pour un fonds de commerce, pour des inventions brevetables

Section2   : Les caractères constitutifs du vice

A- La gravité du vice

Il ne suffit pas que la chose soit atteinte dans une des qualités qu’on est en droit d’en attendre, il faut encore, pour menacer le contrat passé, que le vice présente une gravité suffisante ? Souvent, le défaut de la chose sera tel que les deux exigences seront satisfaites en même temps : dès sa constatation, le vice apparaitra comme étant rédhibitoire. Aucune discussion ne s’élèvera sur le second point.

Cependant, la gravité du vice peut être discutée en elle-même devant les tribunaux. On se trouve alors dans une situation comparable à celle où le juge apprécie le degré d’inexécution d’un contrat avant de décider d’en prononcer la résolution ou d’appliquer d’autres solutions, notamment l’allocation de seuls dommages- intérêts.

Les juges de fond semblent disposer d’un pouvoir souverain pour apprécier si la gravité de l’inexécution justifie la résolution. Mais il faut penser que le vice doit être considéré suffisamment grave s’il empêche l’utilisation normale de la chose, et a fortiori s’il la rend dangereuse.

Et l’action rédhibitoire peut encore être rejetée s’il apparait que le défaut est facilement réparable. Ainsi, voit-on une cour d’appel par exemple qui déboute de sa demande en résolution l’acquéreur d’une machine dès lors que celle-ci ne comporte que des malfaçons sans gravité, auxquelles il était possible de remédier et qui ne la rendaient pas impropre à son usage. Mais il n’en va pas de même si les défectuosités,

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auxquelles des réparations et des mises au point n’ont pas pu porte remède, empêchent une utilisation normale de par leur importance et leur caractère dangereux.2

Dans les rapports entre commerçants, en particulier entre fournisseur et revendeur, il peut être entendu qu’on devra faire preuve d’une certaine tolérance quant à la qualité de la chose, et que des défauts d’importance mineure seront admis, éventuellement moyennant une réfaction du prix.

La question de la gravité du vice surgit en particulier pour des équipements de haute technicité : ainsi, lorsque la chose présente des défauts de fonctionnement qui affectent indiscutablement son usage, mais dont il n’y a pas lieu de s’étonner dans un premier temps qui est une période de démarrage, ou auxquels il est facile de porter remède.

B- Le vice doit être caché

Pour que le vendeur soit tenu responsable, le vice doit être caché et donc pas de ceux que l'on peut qualifier d'apparent, eu égard à la nature de la chose, aux conditions de la vente ou à la compétence de l'acheteur et si, ce dernier ne l'avait pas connu pour quelque raison de fait, ou parce qu'il lui aurait été révélé.

Or, cela ne signifie pas que le vice apparent n'engage pas la responsabilité du vendeur, bien au contraire car en pareille circonstance, l'acheteur pourra refuser la prestation et exiger que lui soit fournie une autre chose sans défaut. Le vendeur est donc responsable du vice, apparent ou caché.3

De manière générale, pour déterminer si le vice était apparent ou caché, les tribunaux tiennent compte avant tout de la compétence technique de l'acquéreur, ce qui amène à distinguer selon qu'il est ou non professionnel.

 L'existence du vice s’établie :

soit à partir d'indices comme la correspondance échangée entre les parties ou toute autre circonstance de fait

soit à l'aide d'une expertise contradictoire qui s'avérera indispensable dans beaucoup de situations étant donnée la technique de l'objet du litige.

C- Le vice doit être inconnu de l'acheteur au moment de la vente

Il est essentiel que l'acheteur n'ait pas eu connaissance du vice avant la vente. Il appartiendra au vendeur de prouver qu'il avait dénoncé le vice lors de la vente à l'acheteur ou que l'acheteur en avait par ailleurs connaissance. Notons que la dénonciation incomplète ou erronée du vice n'emporte pas connaissance du vice par l'acheteur. 4

2 Jérôme Huer, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, 19963 http://www.legavox.fr/blog/maitre-anthony-bem/vices-caches-definition-sanctions-1169.htm#.VGCIp2c7Hyo4 https://www.avocat.qc.ca/public/iivicescaches.htm#3

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D- Antériorité du vice

Pour être couvert par la garantie le vice doit être antérieur à la vente. Et la lecture des décisions de jurisprudence le montre, un des obstacles majeurs auquel se heurte l’acquéreur est de devoir prouver que le défaut constaté existait dès l’origine.

Les juges du fond apprécient souverainement su le vice préexistait à la vente, mais ils doivent relever les circonstances établissant cette antériorité. Et la cour de cassation contrôle qu’ils ne se fondent pas sur des motifs dubitatifs ou sur des faits qui ne révéleraient pas avec certitude de l’existence d’un vice originaire.

Il se peut que la difficulté d’établir l’antériorité du vice se présente en l’absence d’intervention du phénomène postérieur à la vente qui crée l’incertitude : le mauvais fonctionnement de la chose, en particulier, est un phénomène dont il est malaisé parfois de dire à partir de quand et comment il est apparu. Faute de pouvoir démontrer l’antériorité du vice, l’acheteur échouera dans son action contre le vendeur dans le cas, notamment où d’autres personnes sont intervenues sur la chose et qu’il n’est pas possible de déterminer dans le temps d’origine du mauvais état ou du défaut de fonctionnement.

Chapitre2   : La procédure judiciaire relative au contentieux des vices cachés

On sait que l’originalité essentielle de l’obligation légale de garantie des vices cachés prévue et organisée par notre Code civil, c’est qu’elle est due par tout vendeur d’une chose quelconque, sans que ce dernier n’ait eu à souscrire un engagement particulier, contrairement aux garanties dites “conventionnelles” ou “contractuelles”.5

L’article 549 du D.O.C dispose : Le vendeur garantit les vices de la chose qui en diminuent sensiblement la valeur, ou la rendent impropre à l'usage auquel elle est destinée d'après sa nature ou d'après le contrat. Les défauts qui diminuent légèrement la valeur ou la jouissance, et ceux tolérés par l'usage, ne donnent pas ouverture à garantie.

Il s’impose alors à l’acheteur qui veut invoquer la garantie d’intenter une action en justice contre le vendeur, pour interrompre le cours de délai qui lui ai imparti

L’action en garantie peut déboucher sur divers résultats. L’article 556 et 560 du D.O.C prévoient, au choix de l’acquéreur, la possibilité d’obtenir la résolution du contrats (actions rédhibitoire) ou une diminution du prix (action estimatoire).

Section 1   : l’action rédhibitoire.

Elle aboutit à l’anéantissement du contrat, l’acheteur devant rendre la chose et le vendeur le prix. C’est une action en résolution. C’est la sanction la plus privilégiée de

5 http://www.ejuris.be/garantie-vice-cache.shtml le 07/11/2014 , 20h

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la garantie dans la pratique judiciaire, même si elle ne constitue la solution la plus juste économiquement notamment lorsque la remise en état de la chose est possible. Cette action a toutefois le mérite de protéger l’acquéreur, notamment lorsqu’il est un simple particulier6.

a- Restitution de la chose.

L’anéantissement du contrat suppose que l’acquéreur puisse rendre la chose, et qu’il soit en possibilité de le faire. Cette possibilité conditionne le succès de l’action rédhibitoire. En effet si l’acquéreur n’est pas en mesure de rendre la chose en contre partie du rembourrement du prix, seule l’action estimatoire lui sera ouverte. Il en est ainsi en cas de perte ou de détérioration de la chose.

Mais la perte n’est pas toujours un obstacle à la résolution. L’article 563 du D.O.C prévoit que si la perte résulte du vice lui-même, c’est le vendeur qui en répond, l’action rédhibitoire développant ses effets comme si la chose pouvait être restituée. La garantie contre les vices doit s’étendre à toute perte de la chose consécutive au vice. En cas de perte partielle l’acquéreur devra restituer ce qui reste de la chose.

b- Perte par cas fortuit et la revente de la chose.

La perte par cas fortuit qui n’est imputable ni au vice de la chose ni à la faute de l’acquéreur, est mise à la charge de ce dernier. C’est l’application du droit commun puisque le transfert de propriété s’effectue avec la vente et qu’il emporte transfert des risques.

En cas de revente de la chose, bien qu’elle mette à première vue l’impossibilité de l’acquéreur de restituer celle-ci, n’est pas non plus un obstacle à l’action rédhibitoire. En particulier si l’acheteur, ayant cédé la chose, est lui-même l’objet d’une demande en résolution exercée par le sous acquéreur.

c- Effets de la résolution.

Si la vente a eu pour objet une chose unique ou plusieurs choses indivisibles, la résolution du contrat sera globale et la restitution portera sur la totalité.

S’il s’agit de marchandises négociées au poids et à la mesure, l’objet de la vente est divisible et la résolution ne peut avoir lieu que pour les parties viciées, à moins que l’intention des parties n’ait été de considérer l’ensemble de l’opération comme un tout indivisible. En ce qui concerne les matériels d’équipement, à l’inverse, il sera rarement admis que diverses parties composantes soient dissociables. Et, de manière générale, pour apprécier la divisibilité de la chose on tiendra compte de l’usage auquel elle est destinée.

6 Jérôme Huer, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, 1996, p287

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L’acquéreur du bien vicié dispose à côté de l’action rédhibitoire, d’une action estimatoire lui ouvrant le droit à diminution du prix de la chose.

En plus de la résolution de la vente, l’acquéreur est en droit de demander l’indemnisation du préjudice qu’il a souffert, et que l’anéantissement du contrat ne suffit pas à effacer. Ainsi qu’il soit de mauvaise ou de bonne fois il doit aussi rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par le contrat.

Section 2   : l’action estimatoire.

Elle a pour objet la réduction du prix. L’acheteur réclame la restitution d’une partie de ce qu’il a versé et qui correspond à la perte de qualité que le vice imprime à la chose. Il peut en effet préféré conserver la chose malgré sa valeur inferieure à celle envisagée ou sa moindre utilité c’est une solution plus satisfaisante dans le cas ou le vice n’est pas d’une particulière gravité.

La restitution d’une partie du prix, néanmoins, ne doit pas être assimilée à une allocation de dommages intérêts. Bien que le résultat atteint puisse être souvent comparable. La réduction du prix est proportionnelle à la diminution de valeur de la chose, et trouve sa limite extrême dans le montant total de ce qu’a payé l’acquéreur, alors que les dommages-intérêts pourront être alloués à raison de pertes complémentaires, et ils ont dus jusqu'à réparation intégrale du préjudice subi si le vendeur est un professionnel ou de mauvaise fois7.

L’action estimatoire, en tant que telle, peut être rapprochée de la rescision pour lésion.

Concernant sa mise en œuvre, l’acheteur ne peut pas exercer l’action estimatoire lorsque la voie de la résolution lui est seule ouverte par la loi. Mais parfois à l’inverse, il n’a que la possibilité de demander une diminution du prix : ainsi dans le cas ou il ne peut pas rendre ce que le vendeur lui a fourni.

Contrairement à ce qui se passe pour la rédhibition, la revente de la chose par l’acquéreur ne le met pas hors d’état de critiquer le prix, puisqu’il n’a pas à la restituer. Mais encore faut-il qu’il soit possible, de contrôler la qualité de la chose et donc de la présenter au besoin pour expertise à des fins de preuve.

Et peu importe aussi que la chose ait péri par cas fortuit ou par la faute de l’acquéreur ; que ce dernier doive en supporter les conséquences n’empêche pas qu’il aura payé la chose trop cher compte tenu du vice qui l’affecte. La difficulté là aussi demeure seulement à démontrer l’existence d’un défaut.

A coté de ces deux options il peut être de l’intérêt d’une des parties d’obtenir l’exécution en nature de la garantie : concrètement la remise en état ou le remplacement de la chose.

7 Jérôme Huer, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, 1996, p290

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Partie2   : Etude du contentieux en matière de la garantie des vices cachés

La présente étude se propose d’explorer, à travers une analyse de contentieux, un aspect beaucoup plus mal connu de la garantie des vices cachés, à savoir son application dans la vente immobilière. Commandée à une époque où le gouvernement n’avait pas encore pris parti sur l’étendue et les modalités de la transposition, et où on envisageait encore la possibilité d’une réforme complète de la garantie des vices dans le Code civil, tant en matière immobilière qu’en matière mobilière, cette étude n’a pas, on l’espère, perdu tout intérêt avec la décision finalement prise de ne transposer la directive qu’ a minima dans le seul Code de la consommation, car elle peut offrir des indications utiles dans la perspective.

Si la garantie des vices cachés due par le vendeur, telle qu’elle est réglementée, a vocation à s’appliquer aussi bien aux ventes d’immeubles qu’aux ventes de meubles, la manière dont elle joue effectivement en matière immobilière apparaît comme assez mal connue. Or cette connaissance apparaît utile dans toute réflexion sur une éventuelle réforme de la matière.

La limitation du champ de l’étude aux immeubles suffit à expliquer l’absence de diversité des affaires quant aux biens objet de procès. La qualification de meuble est susceptible de s’appliquer à toutes sortes de biens, tant corporels (une voiture, une machine, un produit alimentaire, un vêtement …) qu’incorporels (un fonds de commerce, une créance, un droit de propriété intellectuelle), qui, du point de vue de la protection de l’acheteur contre les défauts, peuvent générer des problématiques très différentes. Les immeubles, au contraire, constituent une catégorie fermée qui ne peut recouvrir que deux types de biens : le sol, et ce qui y est attaché. Ces deux types de biens se retrouvent dans l’échantillon, dans des proportions très inégales. Les terrains non construits ne sont en cause que dans 34 affaires, soit 11%, alors que les immeubles construits représentent 89% de l’échantillon (274 affaires). Cette disproportion s’explique évidemment par le fait que les causes de défectuosité sont infiniment plus nombreuses pour les immeubles construits que pour les terrains (où, nous le verrons, ils se limitent pratiquement aux problèmes de constructibilité). Les immeubles construits peuvent être, soit des immeubles entiers (maisons individuelles, bâtiments industriels), soit des parties d’immeubles (appartements), mais il n’est pas apparu nécessaire d’en faire la comptabilisation, les questions juridiques soulevées ne paraissant pas différentes dans l’un et l’autre cas. Un échantillon plus important permettrait peut-être de faire apparaître les incidences sur le contentieux des ventes d’appartements du statut de la copropriété (personne qualifiée pour agir, intervention du syndicat de copropriétaires etc.), mais ces incidences ne sont pas apparues dans les dossiers analysés.

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Compte tenu de ce qui vient d’être observé, il n’est pas étonnant que, dans l’immense majorité des cas, les contrats de vente donnant lieu à contentieux, portant sur des immeubles à usage d’habitation, soient passés entre deux particuliers. Parce que la plupart des immeubles en cause sont des immeubles à usage d’habitation, il est normal que, l’acheteur soit un particulier dans 92% des cas (290 dossiers), un professionnel dans 18 affaires seulement.

Quant au vendeur, c’est lui aussi un particulier dans 246 dossiers, soit 79% des cas. Lorsqu’il s’agit d’un professionnel, c’est le plus souvent un professionnel de la vente d’immeubles (41 cas, 13% de l’échantillon), plus rarement (20 cas, 6%) un professionnel d’une autre branche (ces cas correspondent exactement à ceux où l’immeuble vendu a un usage professionnel ou mixte). Cette très nette prédominance des vendeurs particuliers s’explique bien sûr parce que, en matière immobilière, les professionnels sont surtout actifs sur le marché de la construction, qui, on l’a vu, a échappé à nos investigations. Le marché des immeubles anciens est, lui, très largement un marché entre vendeurs occasionnels, où les marchands de biens (ceux qui achètent pour revendre des immeubles existants) n’occupent qu’une place limitée par rapport au nombre de transactions. Cela ne veut pas dire, évidemment, qu’on ne rencontre pas de professionnels dans le marché de l’immobilier ancien, mais il s’agit alors, non de vendeurs, mais d’intermédiaires : agents immobiliers, experts et bien sûr notaires. Ces intermédiaires sont présents dans les dossiers, nous le verrons, à travers les actions en responsabilité que les acquéreurs exercent parfois contre eux, mais ce ne sont pas eux qui sont défendeurs à l’action en garantie contre les vices cachés.

Chapitre1   : Les procédures

Il y a peu à dire sur le déroulement des procès, et cet aspect n’a guère retenu notre attention dans le dépouillement des dossiers. On signalera seulement deux points : le premier est que les procès en matière de garantie des vices dans la vente d’immeuble se déroulent souvent en deux temps, en raison du recours préalable à une expertise ; le second est la longueur des procédures.

Section 1 - Des procédures généralement en deux temps

Dans la mesure où il était possible de le savoir à la lecture des dossiers (16 dossiers ne contenaient pas ce type d’information), nous avons pu constater que dans un peu moins de la moitié des affaires (134 cas, soit 43,50% des dossiers dans le champ), l’assignation au fond faite par l’acheteur était précédée d’une assignation en référé. Dans l’immense majorité des cas (131 sur les 134), l’acheteur cherche à obtenir la nomination d’un expert (dans les 3 autres cas, l’assignation en référé avait pour but l’obtention d’une provision). Cette pratique – qui n’est pas spécifique des ventes d’immeubles – a toute son utilité. On sait en effet que, depuis la promulgation du DOC, l’assignation en référé interrompt les « délais pour agir » quelle qu’en soit la nature (délai de prescription ou de forclusion) : l’acheteur qui découvre une défectuosité de l’immeuble et qui pense qu’il peut s’agir d’un vice donnant lieu à

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garantie à donc tout intérêt à demander immédiatement en référé la désignation d’un expert, ce qui lui laissera ensuite le temps d’agir au fond. Cet intérêt est d’autant plus grand aujourd’hui que la cour de cassation juge que l’interruption du bref délai opère interversion de prescription, et transforme le délai bref de l’article 1648 en délai de droit commun.

Indépendamment de cet intérêt procédural, l’expertise sera souvent nécessaire, en matière immobilière (comme sans doute en matière mobilière d’ailleurs), pour établir que les problèmes rencontrés par l’acheteur constituent bien un vice au sens de l’article 549 du DOC. Il faut en effet rappeler ici que tous les inconvénients rencontrés par l’acheteur dans son utilisation de la chose ne donnent pas lieu à garantie. L’acheteur doit établir que ces inconvénients sont dus à une défectuosité antérieure à la vente, et que cette défectuosité est suffisamment grave, c’est à dire qu’elle était de nature à dissuader l’acheteur d’acheter ou de l’amener à exiger un prix inférieur. Pour établir l’antériorité de la défectuosité et sa gravité, l’intervention d’un expert peut être d’une grande utilité. Aussi bien peut-on observer que même si elle n’a pas été demandée par l’acheteur en référé, une expertise peut avoir lieu dans d’autres contextes. Le juge peut, au cours de la mise en état de l’affaire, nommer un expert (5 cas), les parties peuvent se mettre d’accord sur une expertise avant l’ouverture de la procédure (12 cas). Surtout, une partie peut, de son propre chef, et en dehors de toute décision judiciaire, demander l’avis d’un expert (44 dossiers révèlent cette pratique). Il va de soi que, dans ce cas, l’acheteur ne peut prétendre à une interruption du bref délai, et court le risque, ensuite, de se voir reprocher d’avoir agi trop tard. Compte tenu des délais assez longs qui sont accordés aux acheteurs en matière de vente immobilière, le risque est cependant assez limité.

Section 2 - Des procédures relativement longues

L’expertise elle-même, lorsqu’il y en a une, peut durer assez longtemps. Sur les 195 cas d’expertise repérés (139 judiciaires, 12 amiables, 44 à l’initiative d’une partie), il a été possible de connaître la durée de l’expertise dans 137 cas seulement. La méthode d’analyse adoptée n’a pas permis de calculer une durée moyenne, sans grande signification d’ailleurs.

Mais nous avons relevé que, dans 38 cas (soit 27,73 % des durées connues), l’expertise durait moins de 6 mois. Dans 55 cas (40,14%), sa durée se situait entre 6 mois et un an. Dans 44 cas (32,11%), elle était supérieure à un an.

La durée de la procédure au fond devant le tribunal de première instance nous a été inconnu dans 27 cas (il s’agit de dossiers où nous n’avions que l’arrêt d’appel, qui ne rappelle pas toujours la date de l’assignation initiale). Sur les 281 dossiers restants, on constate que dans la plupart des cas (131 dossiers, soit 46,61%), la durée est supérieure à un an et inférieure à deux ans. Les procédures plus longues (plus de deux ans) représentent 80 cas, soit 28,47%. Ce n’est que dans 70 cas (24,91%) que la procédure dure moins d’un an.

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De manière évidemment non surprenante, l’existence d’un appel augmente sensiblement la durée de la procédure : sur les 99 dossiers d’appel analysés, 57 révèlent une durée de plus de 3 ans entre l’assignation au fond et l’arrêt d’appel, 35 seulement descendent en dessous de deux ans, dont 11 en dessous d’un an – ce qui est exceptionnellement rapide.

Il existe évidemment de grandes disparités d’un tribunal à l’autre, d’une Cour d’appel à l’autre, mais aussi d’une affaire à l’autre. On relève ainsi que, dans tel tribunal de l’Ouest de la France, un acheteur mécontent put attendre plus de trois ans pour se voir débouter par un jugement de 2 pages. Dans le ressort d’une grosse cour d’appel du midi, il n’est pas rare d’attendre 7 ans pour avoir la solution d’un litige en matière de vente immobilière. On peut en revanche trouver extraordinaire que, pour obtenir la résolution de la vente d’un terrain acheté par le Conseil général d’un département, il ait fallu, moins d’un an entre l’assignation devant le tribunal de première instance et l’arrêt d’appel. Ces disparités, cependant, ne sont sans doute pas spécifiques du contentieux observé, et il n’est pas apparu utile de s’y attarder. Elles ne donnent aucun éclairage particulier sur la problématique de la garantie.

Il nous a paru plus utile de nous intéresser aux règles mobilisées devant et par les juges, dont l’étude va constituer la seconde partie de ce rapport.

Chapitre2   : Les réponses des juges   :

Les résultats globaux des demandes formées par les acheteurs, dans le cadre de l’échantillon observé, ont été présentées d’emblée. On rappellera ici que les décisions favorables et les décisions défavorables à l’acheteur apparaissent à peu près à égalité dans les affaires étudiées: la demande de l’acheteur est déclarée irrecevable dans 26 dossiers, rejetée au fond dans 129cas– soit un total de 155 décisions défavorables -, elle est acceptée en tout ou en partie dans 153 affaires.Le rejet ou l’acceptation d’une demande fondée sur la défectuosité d’un immeuble dépend au premier chef des circonstances de fait de l’affaire, et non d’une quelconque attitude générale des juges face à ce type de demandes. Il est évidemment beaucoup plus intéressant d’observer pourquoi les tribunaux acceptent ou rejettent les demandes, et la manière dont ils mettent en œuvre les règles de droit pertinentes. A cet égard, il convient d’abord de faire quelques observations sur la manière dont les juges appliquent les règles relatives à la garantie des vices cachés (section1), avant de voir comment ils se comportent face aux combinaisons de règles qui, on l’a vu, constituent la particularité de la matière (section2).

Section1   : LES JUGES FACE AUX REGLES SUR LA GARANTIE

Aux termes de l’article 1644du Code civil, « l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du

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prix ». Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, l’acheteur est ici totalement libre, son choix entre la résolution et la réduction du prix est discrétionnaire : dès lors que le vice est assez grave pour donner lieu à garantie, le juge ne peut pas imposer la réduction ou de simples dommages-intérêts, au motif que cette gravité serait insuffisante pour justifier la résolution du contrat.L’analyse des dossiers qui nous étaient soumis n’a révélé, sur ce point, aucune pratique dissidente des juges du fond. Nous n’avons rencontré aucune décision où le juge refusait la résolution au motif que le vice n’était pas suffisamment grave, et accordait néanmoins la réduction. Il apparaît que les juges procèdent d’une manière globale : ils recherchent si l’action en garantie est ou non fondée au regard de l’article 1641, et, si c’est le cas, ils accordent le remède qui est demandé. Leur pouvoir d’appréciation s’exerce en revanche sur le montant de la réduction du prix, lorsque celle-ci est demandée, et sur le montant des dommages-intérêts. Il ne nous est cependant pas apparu de faire une étude chiffrée des montants accordés, qui sont évidemment très liés à l’importance des dégâts générés par le vice, et qui ne paraissent pas susceptible de renseigner sur les spécificités de la garantie des vices en matière immobilière.

1) La durée   :

Il résulte de l’article 603 du DOC que les juges du fond ont un pouvoir souverain pour apprécier la durée du bref délai « suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite ». Les dossiers étudiés ont permis une approche assez sommaire de la manière dont les juges du fond font cette appréciation en matière de vente immobilière. On observera d’abord que, sur les 63cas où la question du bref délai a été soulevée, l’argument n’a été retenu que dans 21 décisions, soit exactement un tiers des affaires. Dans 18 de ces 21cas, l’acheteur avait attendu au moins un an pour agir (dont 8 affaires où l’inaction avait duré au-delà de 18 mois). Dans trois cas seulement, le bref délai a été considéré comme dépassé alors que l’acheteur avait attendu moins d’un an (2 entre 9 et 12 mois, 1 où l’action avait été exercée moins de 3 mois après la vente) Si on regarde les décisions où le bref délai n’a pas été considéré comme dépassé, on constate qu’il s’agit, dans l’immense majorité des cas (32 sur 33 décisions où la durée est connue), d’affaires où l’acheteur avait attendu moins de 18 mois ; dans un seul cas, un vendeur a été considéré comme pouvant encore agir au-delà de 18 mois suivant la découverte du vice.Même si l’échantillon est un peu trop limité pour qu’on puisse ici faire des statistiques parlantes, on peut noter que, dans la plupart des affaires, la « zone critique » se situe entre 12 et 18 mois. Jusqu’à un an, l’acheteur est encore dans les temps, sauf circonstances exceptionnelles, au-delà de 18 mois, il sera presque à coup sûr considéré comme forclos.

2) Sanction   :

Quelques dossiers révèlent un certain flottement de certains juges du fond quant à la sanction du dépassement du bref délai. Ce délai opère comme un délai préfix pour agir en justice, et son dépassement se traduit techniquement par une irrecevabilité de la demande. C’est effectivement ce qui apparaît dans la plupart des décisions, où les juges statuent d’abord sur l’irrecevabilité avant de se prononcer, le cas échéant, sur le fond de la demande. Mais on doit noter que, dans quelques affaires, le dépassement du bref délai se traduit, inexactement, par un rejet de la demande (4 cas). Plus

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généralement, on peut observer que, dans de nombreux jugements, la question du bref délai n’est pas examinée au début des motifs, mais au milieu des autres arguments relatifs au bien-fondé de la demande (caractère caché du vice, existence d’une clause, etc.)

Section2   : LES JUGES FACE AUX COMBINAISONS DE REGLES

En matière immobilière, le recoupement de la garantie des vices cachés et des vices du consentement est, on l’a vu, presque systématique, ce qui explique la fréquence du recours aux vices du consentement dans ce domaine. La question se pose de savoir s’il faut laisser l’acheteur user librement de l’une ou l’autre des deux voies, ou s’il faut lui fermer la voie de droit commun des vices du consentement au profit de la voie spéciale de la garantie.

Confrontée à cette question à différentes reprises à la suite de demandes d’acheteur essayant de se servir des articles 549 et 559 du DOC pour échapper à la contrainte du bref délai, la Cour de cassation a pris des positions qui n’ont pas paru toujours très claires, ce qui explique peut-être l’extrême confusion observée dans les pratiques des juges du fond.

1) Position de la cour de cassation   :

Sur cette question, la Cour de cassation a beaucoup fluctué et beaucoup divergé. Le premier arrêt connu de la Cour de cassation sur cette question refusait clairement à l’acquéreur le bénéfice de l’option entre la nullité pour erreur et l’action en garantie des vices cachés, ou plus exactement il retirait tout intérêt à cette option en décidant que l’action en nullité pour erreur substantielle est soumise au bref délai de l’article 559 du DOC. « L’acheteur, jugeait la première chambre civile en 1960, ne saurait se soustraire à l'obligation, imposée par l'article 559 du DOC, d'intenter dans un bref délai l'action en nullité de la vente pour vice caché de la chose "la rendant impropre à l'usage auquel on la destine", aux termes de l'article 549 du DOC, en invoquant cette conséquence du vice au titre d'une erreur sur la substance; que l'action fondée sur cette seule erreur est soumise au même bref délai » Mais cette position, qu’on retrouve en 1981 dans un arrêt de la troisième chambre civile, avait déjà été contredite en 1978 par la Chambre commerciale pour qui l’article 559 du DOC n’était applicable qu’à l’action rédhibitoire et non à l’action en nullité pour erreur. En 1988, la Première chambre civile se ralliait à cette position en affirmant qu’une action en nullité pour erreur « n'était pas soumise aux dispositions spéciales de l'article 559 du DOC, peu important à cet égard que l'erreur invoquée fût la conséquence d'un vice caché rendant la chose impropre à l'usage auquel elle était destinée » Par la suite, la Première chambre devait même affirmer que, saisi d’une action en garantie des vices cachés, le juge, tenu de donner aux faits leur exacte qualification , devait rechercher d’office si l’action n’aurait pas pu être fondée sur le dol, ce qui aurait permis à l’acquéreur d’échapper au bref délai.

2) Les pratiques judiciaires   :

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Les pratiques sont beaucoup moins uniformes lorsque l’acheteur invoque la nullité pour erreur sur la substance sur le fondement de l’article 559 du DOC. L’intérêt que peut avoir l’acheteur à se placer sur ce terrain est beaucoup plus grand : non seulement cela pourrait lui permettre d’échapper au bref délai, mais encore cela lui permettrait d’échapper à une clause exonératoire de garantie sans avoir à prouver la mauvaise foi du vendeur: une telle clause, en effet, quelle que soit la manière dont elle est rédigée, n’a aucune raison de jouer si le contrat est annulé, elle doit alors tomber avec le contrat. C’est ce que relève très justement une des décisions de l’échantillon, qui note que l’argumentation fondée sur un vice du consentement « atteint la formation même du contrat. Dès lors la présence dans l’acte de la clause de non-garantie des vices cachés, destinée à exclure ou limiter une obligation de garantie du vendeur et dont la mise en œuvre suppose un contrat valide, ne peut être invoquée utilement par le défendeur pour conclure à l’absence de vice du consentement »

On sait cependant que, dans la dernière jurisprudence de la Cour de cassation, la nullité pour erreur ne peut pas être invoquée lorsque l’erreur est la conséquence d’un vice caché. Les juges du fond suivent-ils cette directive ? Rien n’est moins sûr. On rencontre certes des décisions qui excluent par principe la nullité pour erreur dans un tel cas. On peut ainsi citer un arrêt de Cour d’appel qui s’inscrit parfaitement dans le cadre de la jurisprudence de la Cour de cassation. L’acheteur fondait à la fois sa demande sur le dol, sur l’erreur et sur les vices cachés. Dans un premier temps, le tribunal écarte le dol au motif que la mauvaise foi n’est pas prouvée (ce qui présuppose un cumul possible), puis dans un deuxième temps, il écarte l’erreur, mais au seul motif que celle-ci était la conséquence d’un vice caché (donc par application de la règle du non-cumul posée par la Cour de cassation), enfin il écarte la garantie des vices en se fondant sur la clause de non-garantie

Mais, dans d’autres décisions, on constate que le juge examine le bien-fondé de la nullité pour erreur sans s’arrêter au fait qu’elle est la conséquence d’un vice. Parfois l’erreur est écartée pour des motifs spécifiques aux vices du consentement.

Mais parfois aussi, elle est admise et le juge parvient ainsi à une solution différente de celle qu’aurait permise la garantie.Ainsi, dans une affaire d’insectes et de champignons, l’acheteur demande la résolution pour vice caché et subsidiairement la nullité pour erreur ; le vendeur rétorque que l’erreur n’est qu’une conséquence du vice et se prévaut d’une clause d’exclusion de garantie ; le tribunal, sans répondre à cet argument, annule la vente pour erreur.

Cas pratique

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Chambre civile

Pays : Maroc

Juridiction : Cour suprême

Date de la décision : 17/01/1962

Numéro d'arrêt : C73

Numéro NOR : 67896

Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1962-01-17;c73

Analyses :

1° VENTE-Garantie des vices-Résolution non demandée-Droit à des dommages et intérêts. 2° VENTE-Garantie des vices-Mauvaise foi du vendeur-Clause de non-responsabilité sans effet.

1° Par application de l'article 556 du Code des obligations et contrats, l'acheteur qui n'exerce pas l'action rédhibitoire en vue de la résolution de la vente peut néanmoins obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi par la faute du vendeur.2° Les clauses limitatives de responsabilité n'exonèrent pas le vendeur de mauvaise foi de sa responsabilité contractuelle à raison des vices de la chose vendue ou de l'absence des qualités promises. L'existence d'une telle clause dans un contrat portant vente d'une voiture d'occasion, conclu entre un commerçant en automobiles et un particulier, ne met pas obstacle à la condamnation de ce vendeur à des dommages et intérêts, lorsque sa mauvaise foi résulte des constatations des juges du fait.

Texte :

Dossier n° 5194

73-61/62

Société Auto Marocaine c/ Lambert Reginald

Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d appel de Rabat du 6 janvier 1960.

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La Cour,

SUR LE PREMIER MOYEN

Attendu que Lambert ayant réclamé à la société «Auto-Marocaine» réparation du préjudice qu'il prétendait avoir subi du fait des vices cachés de l'automobile d'occasion qu'elle lui avait vendue, le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué (Rabat 6 janvier 1960) qui a partiellement accueilli la demande d'avoir, sans répondre au moyen tiré de l'article 556, alinéa 1er du dahir des obligations et contrats, ainsi reconnu à Lambert qui a conservé le véhicule litigieux le droit d'exercer une action qui «a abouti» à l'obtention d'une diminution du prix, alors que le texte précité interdit l'action en diminution du prix lorsque l'acheteur a préféré garder la chose vendue ;

Mais attendu que, même en ce cas, en vertu du 2e alinéa dudit article, l'acquéreur «a droit aux dommages» lorsque certaines circonstances se trouvent réalisées, et que la Cour d'appel en spécifiant que le montant de la condamnation correspondait au «préjudice souffert par Lambert» a implicitement mais nécessairement rejeté le moyen invoqué par l'appelante, que le grief n'est pas fondé.

SUR LE SECOND MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES:

Attendu que le pourvoi reproche encore à la décision déférée d'avoir, sans tenir compte de l'absence de garantie expressément stipulée par l'apposition sur la facture de la mention «vendue dans l'état où elle se trouve et reconnu», tiré du seul fait que le vendeur était un homme de l'art, la conséquence que ce dernier avait nécessairement connaissance des vices de la chose vendue, et, qu'à ce seul titre, il devait des dommages à l'acheteur, violant ainsi les dispositions des articles 571 et 556, alinéa 2, du dahir des obligations et contrats ;

Mais attendu que l'arrêt relève «que les premiers juges soulignent à bon droit que l'information pénale, bien qu'ayant abouti à une ordonnance de non-lieu, a établi l'exactitude des faits allégués par Lambert, à savoir qu'il ne s'était décidé à l'achat qu'en raison de l'état apparemment neuf du véhicule qui n'avait accompli, d'après l'indication portée au compteur, que 4280 km, que l'expert a constaté que le moteur avait beaucoup «travaillé» et parcouru de 30 à 35000 km, que la rupture du compteur n'a été signalée

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qu'après le démontage du moteur et après la conclusion de la vente» ; que de ces constatations souveraines, il appert clairement que les juges du fond ont entendu faire application en la cause des dispositions de l'article 574 du dahir des obligations et contrats selon lesquelles le vendeur de mauvaise foi ne peut se prévaloir d'aucune clause limitant sa garantie ;

D'où il suit qu'abstraction faite du motif critiqué qui peut être tenu pour surabondant, la Cour d'appel a donné une base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS

Rejette le pourvoi.

Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Zamouth-Avocat général: M Bocquet-Avocats: MM Raphael Benaroch, Bernaudat.

Observations

Le vendeur est tenu de garantir l'acheteur contre les vices de la chose vendue «qui en diminuent sensiblement la valeur ou la rendent impropre à l'usage auquel elle est destinée d'après sa nature ou d'après le contrat» ; il est également garant des «qualités par lui déclarées ou qui ont été stipulées par l'acheteur» (art 549 C obl Contr). Cette garantie produit un double effet: elle se traduit par la possibilité pour l'acheteur d'obtenir la résolution de la vente, c'est-à-dire le remboursement du prix contre la restitution de la chose (art 556, al 1er, C obl Contr) ; d'autre part, qu'il demande ou non cette résolution, l'acheteur a droit à des dommages et intérêts lorsqu'il a subi un préjudice et que le vendeur a commis l'une des fautes prévues à l'art 556, §§ a, b et c. Ces dispositions n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent librement limiter ou supprimer l'obligation de garantie du vendeur ; toutefois, aucune clause ne saurait exonérer le vendeur de sa mauvaise foi (art 574 C obl contr). L'arrêt rapporté fait application de ces règles à un litige qui opposait un commerçant en automobiles à son client, à propos de la vente d'une voiture d'occasion.

Sur le triple nécessité pour les tribunaux, de protéger les acquéreurs d'une voiture d'occasion contre les artifices ou manouvres déloyales, de renforcer cette protection lorsque, comme en l'espèce, l'acheteur est un particulier en face d'un professionnel, et enfin, de mettre un frein aux exigences inconsidérées des acquéreurs.

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Bibliographie

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PH. Malaurie L. Aynès, les contrats spéciaux 4 ème édition 1990

Jérôme Huer, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, 1996

Webographie

http://www.legavox.fr/blog/maitre-anthony-bem/vices-caches-definition-sanctions-1169.htm#.VGCIp2c7Hyo

https://www.avocat.qc.ca/public/iivicescaches.htm#3

http://www.ejuris.be/garantie-vice-cache https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00141820/document

http://www.juricaf.org/arret/MAROC-COURSUPREME-19620117-C73