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UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER I CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHÉ
MASTER II DROIT PRIVÉ ÉCONOMIQUE
Mémoire présenté et soutenu dans le cadre de l’obtention du Master II Professionnel Consommation et Concurrence
LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : CAS DE L’AFFAIRE RYANAIR / AER LINGUS
Sous la Direction de : Amine Mansour
Travail réalisé par : Esther BOU ANTOUN ANNÉE UNIVERSITAIRE 2013-2014
2
La faculté n’entend donner aucune approbation ni aucune improbation aux opinions émises dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.
3
REMERCIEMENTS
En préambule de ce mémoire, je souhaite adresser mes remerciements aux personnes qui m’ont aidée à le réaliser. En premier lieu, je remercie Monsieur Amine Mansour, pour sa disponibilité, ses conseils et l’aide à la recherche qu'il m’a apporté en qualité de Directeur de mémoire. Je remercie également Monsieur Malo Depincé, Maître de conférences HDR à la Faculté de Droit de Montpellier et Directeur du Master 2 Droit de la consommation et de la concurrence, pour la qualité des cours dispensés et du choix des intervenants professionnels. Monsieur Daniel Mainguy, Professeur à la Faculté de Droit de Montpellier, Directeur du Centre de Droit de la Consommation et du Marché, Directeur du Master 2 Droit privé économique, pour la qualité des cours dispensés et du choix des intervenants professionnels. Enfin, je remercie l’ensemble de l’Équipe doctorale du Centre de Droit de la Consommation et du Marché pour la qualité de ses enseignements.
4
SOMMAIRE
INTRODUCTION ……………………………………………………………………………7
PARTIE 1. LES DIFFICULTÉS SOULEVÉES PAR LE CONTRÔLE DES
CONCENTRATIONS EN DROIT POSITIF ......................................................................... 15
TITRE 1 – LA PLACE DES PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES DANS LE
DROIT DE LA CONCURRENCE FRANÇAIS ET COMMUNAUTAIRE ........................ 15
CHAPITRE 1 - LA CATÉGORISATION DES PRISES DE PARTICIPATIONS
MINORITAIRES PAR LE DROIT DE LA CONCURRENCE - ................................................ 16
SECTION 1 – LES DIFFÉRENTES FORMES DE PRISES DE PARTICIPATION - ............. 16
SECTION 2 - LES DIFFÉRENTS IMPACTS DES PRISES DE PARTICIPATION
MINORITAIRES SUR LE JEU DE LA CONCURRENCE - .................................................... 20
CHAPITRE II - L’ENJEU DE LA DISTINCTION ENTRE LES PRISES DE
PARTICIPATIONS MINORITAIRES SUR LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS ..... 24
SECTION 1 – LA PORTÉE DES PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES NON
CONTRÔLÉES - ......................................................................................................................... 24
SECTION 2 – UN CONTRÔLE DES PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES
INCOMPLET - ............................................................................................................................ 27
TITRE II – UNE NÉCESSAIRE EXTENSION DU CONTRÔLE DES
CONCENTRATIONS AUX PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES
EXCLUES DU CHAMP DU RÈGLEMENT .......................................................................... 29
CHAPITRE 1 - UNE CONCEPTION NON PARTAGÉE PAR LES CONTRÔLES DES
CONCENTRATIONS À L’ÉTRANGER - ................................................................................. 29
SECTION 1 – UNE LACUNE SPÉCIFIQUE AU DROIT DES CONCENTRATIONS
FRANÇAIS ET COMMUNAUTAIRE - .................................................................................... 29
SECTION 2 – L’APPARENT CONTOURNEMENT DE CETTE LACUNE PAR LE DROIT
FRANÇAIS ET COMMUNAUTAIRE ...................................................................................... 33
5
CHAPITRE II – DES ALTERNATIVES INSUFFISANTES À LA JUSTIFICATION D’UNE
FAILLE DANS LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS FRANÇAIS ET
COMMUNAUTAIRE ................................................................................................................. 37
SECTION 1 – LA TENTATIVE DE JUSTIFICATION DE L’ABSENCE DE CONTRÔLE EX
- ANTE PAR L’EXISTENCE DU CONTRÔLE EX - POST DES PRATIQUES
ANTICONCURRENTIELLES - ................................................................................................. 37
SECTION 2 – L’INADÉQUATION DU CONTRÔLE DES PRATIQUES
ANTICONCURRENTIELLES AUX PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES
EXCLUES DU CHAMP DU CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS .................................. 42
PARTIE 2. MISE EN LUMIÈRE DES PROBLÈMES SOULEVÉS PAR UN CONTRÔLE
DES CONCENTRATIONS RESTREINT : L’AFFAIRE RYANAIR / AER LINGUS ..... 46
TITRE 1 – L’INTERDICTION DE LA CONCENTRATION, UNE DÉCISION TROP
SÉVÈRE SELON RYANAIR ET TROP CLÉMENTE SELON AER LINGUS ................. 46
CHAPITRE 1 - UNE CONCENTRATION RISQUÉE AU REGARD DU CONTEXTE
ÉCONOMIQUE - ........................................................................................................................ 46
SECTION 1 – EXPOSITION DU CONTEXTE - ...................................................................... 46
SECTION 2 – UNE CONCENTRATION DANGEREUSE SUR LE PLAN
CONCURRENTIEL - ................................................................................................................. 49
CHAPITRE 2 – UNE DÉCISION DÉFAVORABLE AUX DEUX PARTIES EN PRÉSENCE –
..................................................................................................................................................... 53
SECTION 1 – L’INSUFFISANTE DÉFENSE DE RYANAIR – .............................................. 53
SECTION 2 – UNE DÉCISION PRÉSERVANT L’EFFICACITÉ DU MARCHÉ MAIS
DÉLAISSANT LES INTÉRÊTS DE L’ENTREPRISE CIBLE - .............................................. 56
6
TITRE 2 – UNE DÉCISION INCOMPLÈTE RELANÇANT LE DÉBAT SUR LA
RÉFORME DU CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS ................................................... 58
CHAPITRE 1 – UNE DÉCISION PARTIELLEMENT CRITIQUABLE MAIS SOUTENUE
PAR LE TRIBUNAL DE L’UNION EUROPÉENNE - .............................................................. 58
SECTION 1 – LA FRAGILITÉ DE LA JUSTIFICATION DU REFUS D’ORDONNER LA
RÉDUCTION DES PARTICIPATIONS DE RYANAIR DANS AER LINGUS - ................... 59
SECTION 2 – UNE SOLUTION REPRISE PAR LE TRIBUNAL DE L’UNION
EUROPÉENNE - ........................................................................................................................ 64
CHAPITRE 2 – LA LÉGITIMITÉ DE LA RÉFLEXION SUR UN PROJET DE RÉFORME DU
CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS - ................................................................................ 66
SECTION 1 – UN DÉBAT RELANCÉ PAR L’OFT – ............................................................ .66
SECTION 2 – UNE RÉFORME UTILE MAIS DIFFICILE À METTRE EN PLACE - .......... 68
7
INTRODUCTION
Le contrôle des concentrations a pour objectif d’appréhender l’impact concurrentiel
d’une opération et de vérifier si elle affecte ou non de façon substantielle l’équilibre
concurrentiel1. Il s’agit de déterminer si une concentration peut affecter la stratégie des
entreprises concernées et si cette modification de stratégie va réduire ou non la
concurrence2.
Le contrôle des concentrations est une branche du droit de la concurrence qui s’intéresse
aux structures des entreprises et à la conséquence que peuvent avoir certaines
modifications structurelles des entreprises sur le marché. En cela le contrôle des
concentrations se distingue de la matière des pratiques anticoncurrentielles qui
s’intéresse non pas aux structures mais aux comportements des entreprises. C’est une
différence importante.
Mais il y a également des points communs entre le contrôle des concentrations et le
contrôle des pratiques anticoncurrentielles et en particulier le contrôle des éventuels
abus de position dominante. La logique fondamentalement est la même : le contrôle des
concentrations est un contrôle ex ante, c’est – à – dire qu’il intervient avant la
réalisation de telle ou telle opération de concentration, qu'il s’agisse d’une acquisition,
d’une OPA, de la fondation d’une entreprise commune, afin de prévenir des
modifications structurelles sur le marché susceptibles d’entrainer des restrictions de
concurrence du fait de l’opération.
Il est assez proche, du contrôle des abus de position dominante dans la mesure où il
s’agit de s’assurer qu'une entreprise ne devienne pas, de par sa position, potentiellement
un obstacle sur le marché. Sa position dominante elle peut, soit l’acquérir par ses
propres mérites, auquel cas elle n’est pas critiquable, seuls éventuellement certains de
ses abus pourraient l’être. En revanche le contrôle des concentrations vise à éviter que
sans gagner une position particulière sur le marché du fait de ses mérites propres, une
entreprise devienne excessivement dominante sur un marché par le jeu d’acquisition ou
de fusion.
1 Laurent FLochel, participations minoritaires et concentrations 2 Michel Debroux, avocat spécialisé en droit de la concurrence
8
C’est un contrôle de nature administrative et non pas judiciaire, qui intervient avant la
réalisation de l’opération, c’est donc un contrôle administratif obligatoire. Si certaines
conditions sont remplies, c’est – à – dire, changement de contrôle sur une entreprise, de
plein exercice et si certains seuils sont atteints, des seuils la plupart du temps exprimés
en chiffre d’affaires, dans ce cas une opération doit être notifiée préalablement à sa
réalisation. Elle est notifiée aux autorités de concurrence compétentes, qu'il s’agisse des
autorités européennes, nationales, ou d’autres EM ou d’autres États dans le monde. Une
opération de taille significative peut très bien relever de la juridiction d’un grand
nombre d’autorités.
Ce contrôle administratif, a priori, est enfermé dans des délais relativement brefs. De
quelques semaines à quelques mois pour les opérations les plus complexes.
Lorsque une opération est dite notifiable, un dossier est déposé auprès de l’autorité
compétente, qui décrit le marché, les entreprises, l’opération, et surtout qui fait l’analyse
concurrentielle de l’opération de concentration, c’est – à – dire l’impact prévisible que
l’opération aura sur le marché. Il existe des seuils clairs en termes de chiffres d’affaires.
La loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 a introduit un système
de type communautaire, un système objectif fondé sur une notification obligatoire,
préalable et suspensive au delà de certains seuils, afin d’apporter plus de sécurité
juridique. De plus, une ordonnance du 25 mars 2004 a modifié les seuils nationaux de
contrôle. Le règlement communautaire n°139/2004 énumère des seuils en chiffres
d’affaires, en deçà de ces seuils, on applique le droit national, et au delà de ces seuils,
on applique le droit communautaire du contrôle des concentrations. Ce n’est plus une
application cumulative, mais exclusive du contrôle.
Le contrôle des concentrations nationales :
Le droit national des concentrations définit la notion de concentration de la même façon
que le droit communautaire 3 , et les lignes directrices relatives au contrôle des
3 Memento Pratique Francis Lefebvre, « Concurrence – Consommation », 2013/2014
9
concentrations publiées par l’Autorité en décembre 2009, renvoient explicitement sur
cette question à la communication consolidée de la Commission.
C’est l’article L 430-1 du Code de commerce qui régit le droit national des
concentrations. Il donne la définition de concentration. Celle – ci est réalisée :
- Lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes, fusionnent.
- Lorsque soit, une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’au moins
une entreprise, soit, une ou plusieurs entreprises acquièrent directement ou
indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat
d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou de
parties d’une ou de plusieurs autres entreprises.
- Lorsqu’il y a création d’une entreprise commune accomplissant de manière
durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome.
Le contrôle des concentrations s’applique à l’ensemble des activités de production, de
distribution et de services, y compris celles des entreprises publiques. Certains secteurs
comme la banque, les assurances et la grande distribution sont soumis à des règles
particulières, mais n’échappent pas pour autant au champ d’application du contrôle.
Une entreprise est une « entité exerçant une activité économique, indépendamment du
statut juridique de cette entité et de son mode de financement ». L’activité économique
étant entendue comme « consistant à offrir des biens et services sur le marché ». 4
Une entreprise contrôle une autre entreprise, dès lors qu'elle peut exercer une influence
déterminante sur ses activités5.
Comme en matière européenne, le contrôle résulte aux termes de l’article L 430 – 1, III
du Code de commerce, des droits, contrats, ou autres moyens qui confèrent, seuls ou
conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité
d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise. Notamment, des
droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d’une entreprise, des
4 Lignes directrices ADLC §17, citant CJCE 23-‐4-‐1991, affaire C-‐41/90 5 Lignes directrices ADLC, §25
10
droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les
délibérations ou les décisions des organes d’une entreprise.
La notion d’influence déterminante n’est pas définie par la loi. Il est possible de se
référer à l’interprétation de la Commission européenne, selon laquelle une telle
influence réside dans le « pouvoir d’adopter et/ou de bloquer les décisions qui
déterminent la stratégie commerciale d’une entreprise6 ».
Il y a un contrôle exclusif lorsqu’une entreprise peut exercer seule une influence
déterminante sur l’activité d’une autre entreprise.
Il y a un contrôle conjoint lorsque au moins deux entreprises peuvent exercer une
influence déterminante sur l’activité d’une autre entreprise.
Il y a absence de contrôle lorsque aucune entreprise ne dispose d’une influence
déterminante, ce peut être le cas par exemple en cas de « majorité fluctuante », c’est – à
- dire lorsque capital et droits de vote sont répartis entre actionnaires minoritaires.
Les droits conférés à certains actionnaires ou certaines relations contractuelles
permettent d’exercer un contrôle sur l’activité de l’entreprise.
La détention d’une majorité de droit de vote suffit généralement à établir l’influence
déterminante. Cependant dans certaines circonstances de droit ou de fait, un ou
plusieurs actionnaires minoritaires peuvent disposer d’une telle influence déterminante.
Il existe un faisceau d’indices de nature juridique et économique pour démontrer cette
influence. Il peut s’agir des éléments suivants :
- Le droit de veto, en particulier ceux portant sur le plan stratégique, la
nomination des principaux dirigeants, les investissements et le budget.
- Une possibilité de bénéficier de droits particuliers conférant immédiatement ou
dans le futur une part dans les décisions, supérieure à la part dans le capital.
- La possibilité de nommer des responsables au sein des organes dirigeants de
l’entreprise.
6 Memento Pratique Francis Lefebvre, « Concurrence – Consommation », 2013/2014
11
- La possibilité de monter dans le capital ultérieurement, spot du fait d’accords
particuliers, soit par la détention de titres convertibles en actions, soit de
l’existence d’options d’achat.
- Les droits de préemption ou de préférence.
Le contrôle des concentrations européennes :
Le contrôle des concentrations européennes est institué par le règlement du Conseil
n°139/2004 du 20 janvier 2004. Ce règlement est complété par le règlement de la
Commission n°802/2004 du 21 avril 2004, modifié par le règlement n°1003/2008 du 20
octobre 2008 précisant les règles de procédure.
Le contrôle s’applique aux entreprises de tous les secteurs économiques. Les entreprises
du secteur privé et du secteur public sont indistinctement concernées. Peu importe que
les entreprises soient situées à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union européenne.
Les concentrations sont soumises au contrôle communautaire lorsqu’elles remplissent
deux conditions : elles constituent une « concentration » au sens du règlement
n°139/2004, et elles réunissent des entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse certains
seuils permettant d’atteindre la dimension européenne. Ensuite, la Commission examine
si l’opération notifiée est compatible ou non avec le Marché intérieur.
Comme cela a été expliqué pour le droit national, une concentration est réputée exister
lorsqu’un changement durable du contrôle résulte :
- de la fusion de deux ou de plusieurs entreprises ou parties de telles entreprises
- de l’acquisition, par une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’une
entreprise au moins ou par une ou plusieurs entreprises, du contrôle direct ou
indirect de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises, que
ce soit par prise de participations au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat
ou tout autre moyen.
- De la création d’une filiale commune
12
L’influence déterminante n’est pas définie par le règlement n°139/2004, mais comme
cela a été vu pour le droit national qui s’inspire de l’interprétation de la Commission
européenne, elle est caractérisée par le « pouvoir d’adopter ou de bloquer les décisions
qui déterminent la stratégie commerciale d’une entreprise ». Elle souligne également
qu'il n’est pas nécessaire de démontrer que l’influence déterminante est ou sera
effectivement exercée, la seule possibilité d’exercer cette influence suffit mais doit être
réelle.
Les liens entre les règlementations européenne et nationale :
Le contrôle des concentrations qui n’entrent pas dans le champ d’application du
règlement communautaire relève de la compétence des États membres. Toutefois deux
procédures de renvoi à la Commission sont possibles.
Le principe du « Guichet unique7 » permet, lorsque l’opération de concentration est
susceptible d’être examinée en vertu du droit national de la concurrence d’au moins
trois États membres, et alors même qu'elle est dépourvue de dimension européenne, les
entreprises peuvent demander à la Commission avant toute notification aux autorités des
États membres, d’examiner l’opération. Informés par la Commission, les États membres
disposent d’un délai de quinze jours pour exprimer leur désaccord, il suffit de
l’opposition d’un seul d’entre eux pour que l’opération ne soit pas examinée par la
Commission.
Une deuxième possibilité est offerte par l’article 22 du règlement aux États membres, de
demander à la Commission d’examiner toute concentration qui n’est pas de dimension
européenne mais qui affecte le commerce entre États membres et menace d’affecter de
manière significative la concurrence sur le territoire du ou des États membres qui
formulent cette demande.
7 Lamy Droit économique « Code concurrence – Distribution – Consommation », Lamy Droit des
Affaires, 2011
13
En vertu de l’article 9 du règlement, la Commission peut également faire usage de son
pouvoir de renvoyer des affaires aux États membres, lorsqu’elle estime que l’État
membre en question est mieux placée qu'elle pour mener l’enquête. Par exemple
lorsqu’une concentration de dimension communautaire affecte la concurrence sur des
marchés nationaux ou infranationaux.
L’Union européenne a déjà conclu différents accords avec certains États tiers en vue
d’une meilleure coopération entre leurs autorités respectives de concurrence,
notamment en matière d’échange d’informations. Ces types d’accords ont notamment
été conclus avec les États – Unis, le Japon et le Canada8.
Plusieurs stratégies s’offrent aux entreprises pour la maximisation de leurs profits. Une
croissance interne, une croissance externe, des rapprochements entre entreprises afin de
faire face et de s’adapter à la concurrence internationale. Les critères de détermination
des concentrations qui suivent une technique de faisceau d’indices ont donc leur
importance. Il est important que les entreprises soient assurées d’une sécurité juridique
dans les opérations qu'elles mènent, notamment lorsqu’elles ont l’intention de s’associer
avec une entreprise concurrente.
Lorsqu’il n’y a pas de notification parce que ce l’opération concernée n’est pas une
concentration, les entreprises se trouvent dans une zone plus incertaine.
Si l’objectif du contrôle des concentrations est de s’intéresser aux risques d’atteinte à la
concurrence, le système de seuil de chiffres d’affaires n’est pas évident. Ce n’est pas
parce qu'on dépasse des seuils plus ou moins élevés qu'il y a effectivement un risque
d’atteinte à la concurrence. La loi sur les nouvelles régulations économiques a ouvert
un débat sur le niveau approprié des seuils. Les premiers seuils étaient fixés à 15
millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés en France pour au moins deux des
entreprises concernées et 150 millions pour l’ensemble. La pratique a montré que ces
seuils entraînaient énormément de notifications, et que dans la plupart des cas, à ce
8 Lamy Droit économique « Code concurrence – Distribution – Consommation », Lamy Droit des
Affaires, 2011
14
niveau là il n’y avait aucun problème de concurrence. En 2004 les seuils sont passés à
50 millions d’euros de chiffre d’affaires pour le premier critère9.
Un débat s’est ouvert en Europe sur l’intérêt d’un contrôle a priori des prises de
participations minoritaires par les autorités de concurrence. Le critère de contrôlabilité
d’une opération de concentration est au niveau communautaire ainsi que dans de
nombreuses juridictions, la modification du contrôle de l’entreprise, celui – ci pouvant
être exercé seul ou de façon conjointe.
Le critère du contrôle de l’entreprise est complexe et dépend de la structure de
l’actionnariat de chaque entreprise et de ses règles de gouvernance.
En droit de la concurrence, les problématiques liées à l’impact concurrentiel d’une
participation minoritaire en matière de contrôle des concentrations viennent de la
distinction entre les participations minoritaires contrôlantes et les participations
minoritaires non contrôlantes.
La question qui se pose est celle de savoir si il faut ou non étendre le contrôle des
concentrations aux prises de participations minoritaires.
Cette question en soulève plusieurs autres. Quel est l’impact des prises de participations
minoritaires sur la concurrence ? Comment évaluer les restrictions de concurrence
pouvant résulter de l’acquisition ou de la détention d’une participation minoritaire ? Un
contrôle ex ante des participations minoritaires est – il nécessaire, ou du moins
souhaitable, en France et en droit de l’Union européenne ?
Pour tenter de répondre à ces questions, il est nécessaire de commencer par relever les
difficultés soulevées par le contrôle des concentrations dans le droit positif (PARTIE 1).
Ces difficultés liées à l’étendue du contrôle des concentrations, posent des problèmes
dans le contrôle d’affaires concrètes, notamment l’affaire Ryanair / Aer Lingus qui a
mis en lumière la nécessité de surveiller les prises de participations minoritaires
(PARTIE 2).
9 Loi relative aux nouvelles régulations économiques, 15 mai 2001
15
PARTIE 1. LES DIFFICULTÉS SOULEVÉES PAR LE CONTRÔLE
DES CONCENTRATIONS EN DROIT POSITIF
Quelle est la place des prises de participations minoritaires dans le droit de la
concurrence français et communautaire ? (Titre 1)
Une extension du contrôle des concentrations aux prises de participations minoritaires
actuellement exclues du champ du règlement est – elle nécessaire ? (Titre 2).
TITRE 1 – LA PLACE DES PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES DANS LE DROIT DE LA CONCURRENCE FRANÇAIS ET COMMUNAUTAIRE
Toutes les prises de participations ne sont pas soumises au contrôle des concentrations,
ce dernier n’en appréhende que certaines formes. Le droit de la concurrence classifie les
prises de participations (chapitre 1). La principale distinction est celle qui est établie
entre prise de participation majoritaire et prise de participation minoritaire, la prise de
participation majoritaire est contrôlée car elle est réputée présenter des risques quant au
bon fonctionnement de la concurrence, alors que les participations minoritaires sont
plus aisément réalisables (chapitre 2). Cette distinction n’est pas sans nuance, la
frontière entre les prises de participation majoritaires et minoritaires a été assouplie,
toutefois, elle ne l’a peut être pas été assez au regard des potentiels effets
anticoncurrentiels qui peuvent résulter d’une prise de participation minoritaire exclue du
domaine d’application du contrôle des concentrations.
16
CHAPITRE 1 - LA CATÉGORISATION DES PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES PAR LE DROIT DE LA CONCURRENCE -
Il existe différentes formes de prises de participation (section 1) les distinctions entre les
participations permettent de présumer de leur dangerosité pour le marché, et pour le bon
déroulement d’une concurrence effective (section 2).
SECTION 1 – LES DIFFÉRENTES FORMES DE PRISES DE PARTICIPATION -
Traditionnellement le droit de la concurrence distingue les prises participations en
plusieurs catégories, selon leurs mode d’acquisition, le nombre de parts acquises, ou
encore leurs effets (§1). Une des catégories, celle des participations minoritaires, est elle
– même composée de sous – catégories (§2).
§1. Les prises de participations : distinctions générales
Distinction unilatérale / bilatérale : Une première distinction entre les prises de
participation est à noter, celles – ci peuvent être :
• soit unilatérales
• soit bilatérales
Les prises de participation unilatérales concernent le cas où une seule entreprise
acquiert des parts d’une autre.
Les prises de participation bilatérales sont celles dans lesquelles chaque entreprise
récupère une partie des bénéfices de l’autre. Évidemment les potentiels effets
anticoncurrentiels sont plus importants dans le cas de prises de participation bilatérales,
puisque chaque entreprise sera intéressée, non seulement à élever ses propres profits,
mais également à élever ceux de sa rivale dans laquelle elle détient des participations, et
de laquelle elle tirera une partie des bénéfices.
17
Distinction majoritaire / minoritaire : La prise de participation peut être de deux sortes :
• majoritaire
• minoritaire
À une prise de participation, qu'elle soit majoritaire ou minoritaire, sont associés deux
types de droits qui ne vont pas forcément de paire :
• des droits de contrôle sur la stratégie de l’entreprise
• des droits à revenus, c’est – à – dire qu'une participation de X% du capital
donnera droit à X% des profits, et à X% de la valeur de l’entreprise.
Les prises de participation majoritaires s’accompagnent le plus souvent d’une
modification du contrôle de l’entreprise acquise. Ce qui n’est pas nécessairement le cas
des prises de participation minoritaires10.
Distinction par leurs effets : Ces différentes catégories prises en compte, il faut y ajouter
que les prises de participations peuvent être qualifiées de trois façons :
• les prises de participation silencieuses
• les prises de participation influentes
• les prises de participation contrôlantes
Ces trois types d’acquisition de participation donnent droit à une part des bénéfices,
elles se distinguent sur d’autres points. Les prises de participations silencieuses ne
confèrent aucun droit de contrôle ni aucune influence. Les prises de participation
influentes offrent un siège au conseil d’administration et les prises de participation
contrôlantes sont les seules qui peuvent donner lieu à l’exercice d’un contrôle des
concentrations par une autorité de concurrence.
Une prise de participation, quelle qu'elle soit, peut affecter le comportement de
l’entreprise acquérante. C’est – à – dire celle qui acquiert des parts d’une ou plusieurs
10 Revue Lamy de la concurrence, octobre – décembre 2012, n°33
18
de ses rivales. En revanche, seules les prises de participation contrôlantes, et dans une
moindre mesure celles influentes, peuvent affecter directement le comportement de
l’entreprise acquise11.
§2. Les différents types de prise de participation minoritaires
Il existe trois types de prises de participations minoritaires : Dans certains cas une prise
de participation minoritaire peut constituer en elle même une prise de contrôle. Cela
signifie que l’entreprise actionnaire qui acquiert une partie d’une autre entreprise se voit
conférer le contrôle de ses décisions. Par exemple, l’entreprise actionnaire aura le
pouvoir de modifier les prix, les quantités ou les capacités de l’entreprise partiellement
acquise. Elle prendra ses décisions en fonction des droits qu'elle a sur les profits de
l’entreprise partiellement acquise, de manière à maximiser son profit total.
Dans ce cas, la situation est en fait similaire à celle d’une prise de contrôle majoritaire.
Ce type de prise de participation minoritaire est qualifié de prise de participation
« contrôlante ».
Dans d’autres cas une prise de participation minoritaire n’offre aucun contrôle sur les
décisions de l’entreprise, elle ne donne droit qu'à une partie des profits. Il sera démontré
par la suite, que cela n’empêche pas pour autant l’apparition d’effets anticoncurrentiels,
notamment si l’opération a lieu dans un secteur concentré. Ces prises de participations
sont qualifiées de « non contrôlantes ».
Enfin, la prise de participation minoritaire peut conférer un contrôle partiel et une partie
des profits de l’entreprise partiellement acquise. Dans ce cas les effets sur la
concurrence sont étudiés au cas par cas.
Si il existe des prises de participations minoritaires contrôlantes, on comprend que
lorsque l’article 3 du règlement n°139/2004 sur le contrôle des concentrations,
mentionne la notion de prise de participation, il ne recouvre pas uniquement celle de
participation majoritaire. Certes, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur
11 Revue Lamy de la concurrence, octobre – décembre 2012, n°33
19
l’activité de l ‘entreprise contrôlée repose dans la plupart des cas sur les droits conférés
à l’actionnaire majoritaire. Mais il arrive également qu'une influence déterminante soit
exercée par un actionnaire minoritaire, soit seul soit conjointement à l’actionnaire
majoritaire ou à un ou plusieurs autres actionnaires minoritaires.
La possibilité de prendre des décisions stratégiques pour l’entreprise peut être offerte à
un actionnaire minoritaire directement dans les statuts ou dans les pactes d’actionnaires.
Cependant elle peut également résulter de circonstances de fait12. Par exemple, une
participation minoritaire peut être considérée comme contrôlante lorsque le reste de
l’actionnariat est très éparpillé et que l’actionnaire minoritaire est assuré de fait, d’avoir
la majorité en assemblée générale des actionnaires. Un autre exemple est celui dans
lequel les autres actionnaires sont économiquement dépendants de l’actionnaire
minoritaire parce qu'il est leur principal créancier ou leur principal client ou fournisseur.
Le premier exemple connaît une illustration pratique dans une affaire datant de 2006. La
SNCF avait effectué différents rachats portant sa participation à 49,01% du capital de
Novatrans. Le ministre de l’économie compétent à l’époque, avait considéré que ces
rachats d’actions avaient conféré à la SNCF un contrôle exclusif de fait sur Novatrans,
sans notification préalable de l’opération. Le 28 janvier 2008 un arrêté de sanction a été
porté à l’encontre de la SNCF l’obligeant à réduire sa participation au capital de
Novatrans pour revenir au niveau antérieur13. (Note de bas de page)
Un faisceau d’indices permettant d’identifier une prise de participation minoritaire
contrôlante, a pu être établi par la pratique jurisprudentielle. Ce faisceau d’indices est
composé d’éléments de droit et d’éléments de fait. Les éléments de droit peuvent être le
droit de véto ou encore le droit de préemption14. Alors que les éléments de fait peuvent
être constitués par la qualité de salarié dans le groupe acquis, du co-contrôlant, ou de sa
qualité de principal client, ou encore de l’éparpillement du reste de l’actionnariat ou de 12 Revue des droits de la concurrence, Concurrences – Droit et Économie, Competition Law Journal, n°1-
2012 13 Revue Lamy de la concurrence, octobre – décembre 2012, n°33
14 Lamy Droit économique « Code concurrence – Distribution – Consommation », Lamy Droit des
Affaires, 2011
20
la dépendance économique. Ces indices sont notamment issus de l’affaire Air France
KLM et Air Linair (note de bas de page). Air France KLM détenait 39,86% du capital
de la société de tête du groupe Air Linair. L’Autorité de la concurrence a considéré que
cette participation lui donnait un contrôle conjoint sur le groupe Air Linair. En l’espèce,
concernant les éléments de fait, Air France KLM était le principal client du groupe Air
Linair.
La diversité des cas de figure de prises de participations montre que celles – ci n’ont pas
d’effets uniformes. Les lignes de partage entre celles qui n’entrainent aucun effet sur la
concurrence et celles qui peuvent restreindre la vivacité de la compétition, sont difficiles
à établir.
SECTION 2 - LES DIFFÉRENTS IMPACTS DES PRISES DE PARTICIPATION MINORITAIRES SUR LE JEU DE LA CONCURRENCE -
Les effets sur la concurrence d’une prise de participation minoritaire sont ambigus. La
théorie économique donne un cadre pour étudier au cas par cas les effets sur la
concurrence des prises de participation minoritaires.
Ils dépendent comme on l’a décrit, du degré de contrôle effectif de l’actionnaire
minoritaire, de la part de capital détenue dans l’entreprise acquise ainsi que des
caractéristiques des entreprises et des secteurs concernés.
Alors que les effets anticoncurrentiels des prises de participations minoritaires
contrôlantes sont reconnus (§1), les effets des prises de participations minoritaires non
contrôlantes n’éveillent pas assez de méfiance (§2).
§1. Les effets anticoncurrentiels des prises de participations minoritaires contrôlantes
La prise de participation minoritaire contrôlante est contrôlable au titre du contrôle des
concentrations alors que la prise de participation minoritaire non contrôlante ne l’est
pas.
L’examen au titre du contrôle des concentrations, des acquisitions de participations
minoritaires qualifiables de « prise de contrôle » démontre que la notion de contrôle,
21
fondée sur celle « d’influence déterminante15 » fait l’objet d’une interprétation extensive
de la part des autorités. En pratique, en présence d’une prise de participation
minoritaire, les autorités se penchent sur la participation aux assemblées générales
d’actionnaires pour en déduire la potentielle existence d’un contrôle. Elles interprètent
également les pactes d’actionnaires, si besoin à la lumière d’autres accords contractuels,
et du contexte économique général de l’opération.
Ainsi, une catégorie de prises de participations minoritaires, les « contrôlantes », fait
quand même l’objet d’un examen ex ante, au titre du contrôle des concentrations.
Il est nécessaire que le contrôle des concentrations vérifie l’impact concurrentiel des
prises de participations, même minoritaires, qui aboutissent à une modification du
contrôle de l’entreprise. Le risque étant que lorsque la concentration conduit à ce que
deux entreprises, auparavant concurrentes, soient contrôlées par un même actionnaire,
ce dernier va pouvoir influencer les stratégies de chacune d’elles. Cet actionnaire sera
intéressé par le profit de chacune des deux entreprises qu'il contrôle. Il va alors faire en
sorte que la stratégie des deux entreprises permette de maximiser leurs profits joints16.
Puisque la participation permet de contrôler, ou d’avoir une influence sur le
comportement de l’entreprise partiellement acquise, l’entreprise acquérante encouragera
l’entreprise concurrente à être moins agressive à son égard. Il en résultera une
concurrence moins rude au détriment des consommateurs. Une telle prise de
participation permet également à l’entreprise acquérante d’avoir accès à des
informations sensibles sur l’entreprise acquise, ce qui a pour conséquence le
découragement de cette dernière à développer des projets car elle ne bénéficie plus de
l’effet de surprise et s’expose au risque de duplication17. C’est cet impact négatif sur
15 Virginie BEAUMEUNIER, sous – directrice de la politique de la concurrence à la direction générale
de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes 16 Allen & Overy, « Participations minoritaires : quel effet sur l’analyse de concurrence ? », 27 mars
2013 17 Patrick REY, « participations minoritaires et alliances fluctuantes : enjeux économiques », actes des
ateliers de la concurrence
22
leur comportement qui induira l’élimination de la concurrence qui s’exerçait auparavant
entre ces entreprises et qui explique que ces opérations doivent être contrôlées.
§2. Les potentiels effets anticoncurrentiels des prises de participations minoritaires non contrôlantes
Une opération de concentration peut affecter la stratégie d’une entreprise, même
lorsqu’elle ne conduit pas à ce qu'un même actionnaire exerce le contrôle sur les deux
entreprises dans lesquelles il détient des participations. Ceci est précisément le cas des
prises de participations minoritaires non contrôlantes.
Dans cette situation, l’objectif de l’actionnaire rationnel est de maximiser le revenu qu'il
retire des actions qu'il détient dans plusieurs entreprises à la fois. En pratique, un
actionnaire qui contrôle une entreprise et qui acquiert une participation dans une ou
plusieurs autres entreprises concurrentes, aura intérêt à modifier la stratégie de
l’entreprise qu'il contrôle de façon à maximiser les revenus de toutes ses actions. Et cela
est envisageable sans même que la participation ne lui confère un droit de contrôle sur
l’entreprise acquise.
De cette modification de stratégie, résultera une atténuation de la concurrence entre les
entreprises.
Afin d’être plus explicite quant aux effets anticoncurrentiels que peut induire une prise
de participation minoritaire sans droit de contrôle ni influence, il faut en venir à l’aspect
économique et à ce qu'est le moteur de la concurrence : l’incitation qu'a une entreprise à
baisser ou au contraire à augmenter ses prix.
L’incitation à augmenter les prix dépend de la baisse de demande qui en découlerait.
Une partie de cette demande se reporterait alors vers les concurrents, ce qui accroîtrait
les profits des concurrents18. Réciproquement, l’incitation à baisser les prix dépend de la
hausse de la demande qui en résulterait. Une partie de la nouvelle demande proviendrait
des concurrents et réduirait leurs profits.
18 Revue des droits de la concurrence, Concurrences – Droit et Économie, Competition Law Journal, n°1-
2012
23
La concurrence nait du fait qu'une entreprise se comporte de façon non coopérative. Elle
ne tient pas compte de l’effet négatif induit pour ses concurrents lorsqu’elle baisse ses
prix et qu'elle maximise ses propres profits. « Elle n’internalise pas l’externalité de
l’interaction concurrentielle19 ».
C’est sur ce point que la concurrence est affectée lorsque des prises de participations,
même minoritaires et non contrôlantes, entrent en jeu. Si une entreprise, ou l’actionnaire
qui la contrôle, détient une participation dans une entreprise concurrente, « l’externalité
de la concurrence sera partiellement internalisée20 ».
Si les autorités de concurrence réalisent les potentiels effets anticoncurrentiels des prises
de participations minoritaires contrôlantes et que celles – ci sont appréhendées par le
droit des concentrations, les prises de participations minoritaires non contrôlantes ne
suscitent pas assez de vigilance aux yeux des autorités. Elles leur semblent inoffensives
alors que certaines portent des risques d’atteinte au bon fonctionnement du marché, et
l’absence de contrôle ne permet pas de les éviter.
19 Laurent Flochel, Participations minoritaires et concentrations, Droit et Économie. 20 Laurent Flochel, Participations minoritaires et concentrations, Droit et Économie
24
CHAPITRE II - L’ENJEU DE LA DISTINCTION ENTRE LES PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES SUR LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS
Les prises de participations minoritaires non contrôlées ne présentent pas aucun risque
pour la concurrence, au contraire, des analyses économiques ont prouvé qu'elles
présentaient, des risques d’effets anticoncurrentiels qui pouvaient être aussi bien
unilatéraux que coordonnés (section 1). Le contrôle des concentrations qui s’est déjà
efforcé d’étendre son contrôle, n’a pas abouti son projet puisque il existe encore des
participations minoritaires induisant des conséquences allant à l’encontre d’une
concurrence effective, qui échappent à son contrôle (section 2).
SECTION 1 – LA PORTÉE DES PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES NON CONTRÔLÉES -
Une participation minoritaire, qui n’entre pas dans le cadre du contrôle des
concentrations, est tout de même susceptible de créer des effets unilatéraux (§1). Elles
peuvent également être à l’origine d’effets coordonnés (§2).
§1. De possibles effets anticoncurrentiels unilatéraux
Certes, la participation minoritaire n’a aucun impact direct sur le comportement de
l’entreprise partiellement acquise. C’est précisément le caractère asymétrique de
l’incitation à être plus ou moins agressif qui distingue une participation contrôlante de
d’une participation minoritaire unilatérale silencieuse.
Toutefois, on comprend qu'une participation minoritaire silencieuse puisse avoir un
impact sur l’incitation de l’entreprise à concurrencer l’entreprise rivale dont il détient
une partie du capital. Plus la participation est importante et moins cette entreprise sera
agressive. Or, l’agressivité amoindrie de l’entreprise acquérante aura un effet indirect
sur la stratégie de l’entreprise acquise.
25
Par exemple, si une entreprise A détient une participation silencieuse de 20% d’une
entreprise concurrente B, l’actionnaire minoritaire tiendra compte de l’impact de sa
politique de concurrence sur l’entreprise B. Si pour des produits substituables, A baisse
ses prix, cela induira un report de la demande de B vers l’entreprise A. Or l’actionnaire
retire des revenus de sa participation dans B, si B perd une partie de sa demande, cela
aura un effet négatif à la fois sur B et sur A. L’actionnaire rationnel sera par conséquent
moins incité à conquérir les clients de B puisque chaque client de sa concurrente
participe au revenu des actions détenues par le biais des participations minoritaires.
L’entreprise A aura donc moins intérêt à baisser son prix. Au contraire, pour être moins
agressif et maximiser son profit total, son intuition sera d’augmenter ses prix. Cette
atténuation de la pression concurrentielle par l’entreprise A encouragera l’entreprise
acquise B à augmenter également son prix21.
Cette influence sur l’incitation concurrentielle se fait évidemment au détriment du
consommateur final.
Le potentiel effet anticoncurrentiel est encore plus important dans le cas d’une prise de
participation minoritaire silencieuse mais cette fois bilatérale. Les deux entreprises
chercheront à maximiser à la fois leurs propres revenus et les revenus de leur
concurrente, à hauteur de leur participation dans l’entreprise concurrente. L’effet est ici
symétrique. Pour aller plus loin, si la participation bilatérale atteint 50% les deux
entreprises se comporteront comme si elles fusionnaient complètement. Chacune des
deux entreprises maximisera 50% de son propre profit et 50% du profit de l’entreprise
rivale.
§2. De potentiels effets anticoncurrentiels coordonnés
Les effets coordonnés engendrés dans cette situation sont les situations de collusion,
tacite ou explicite. Une prise de participation peut favoriser la pratique collusive entre
les deux entreprises. Les liens structurels facilitent l’échange d’informations sensibles et
peuvent aller jusqu’à des accords. Les cartels, qui sont illégaux, sont soutenus par
l’intérêt de chacun à respecter l’accord. Or, une prise de participation d’une entreprise 21 Revue des droits de la concurrence, Concurrences – Droit et Économie, Competition Law Journal, n°1-
2012
26
chez une de ses concurrentes, limite les gains à dévier de l’accord, ce qui rend la
collusion plus solide.
L’accès à des informations sensibles permet également de détecter plus facilement les
déviations et donc de mettre en œuvre des représailles afin de contrôler le respect de la
ligne d’action commune et de maintenir le cartel22.
Ces effets coordonnés seront d’autant plus présents dans le cas de participations
minoritaires croisées.
Bien sûr, l’importance de tels effets dépend notamment de la structure du marché ainsi
que de la place qu'y prennent l’acquéreur minoritaire et sa cible.
Pour finir, il convient de préciser que des effets verticaux sont possibles23 : l’acquéreur
d’une participation minoritaire peut favoriser sa cible de deux manières, si sa cible est
un fournisseur, l’entreprise acquérante effectuera ses achats auprès d’elle. Si sa cible est
une cliente, l’entreprise acquérante lui offrira des conditions de vente privilégiées.
Certes, les effets anticoncurrentiels peuvent dans certains cas être contrebalancés par
des gains d’efficacité. Dans le cadre de concentrations, les gains d’efficacité pouvant
résulter de prises de participations minoritaires sont liés à la gouvernance d’entreprise.
Les prises de participations minoritaires engendrent des efficiences significatives de
synergie ou de coordination. Par exemple, elles permettent de s’assurer du partage
d’objectifs communs lors de projets menés en coopération. Toutefois ces effets ne
suffisent pas toujours à justifier l’absence de contrôle des prises de participations
minoritaires silencieuses, qui comme cela a été démontré, ne sont pas sans
conséquences nuisibles.
22 Patrick REY, « participations minoritaires et alliances fluctuantes : enjeux économiques », actes des
ateliers de la concurrence 23 Patrick REY, « participations minoritaires et alliances fluctuantes : enjeux économiques », actes des
ateliers de la concurrence
27
SECTION 2 – UN CONTRÔLE DES PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES INCOMPLET -
Le critère actuel du contrôle des concentrations ne permet pas d’appréhender cet effet
des participations minoritaires, qui repose sur les incitations d’un actionnaire qui détient
des parts dans plusieurs entreprises concurrentes à être plus ou moins agressives envers
elles (§2), et non pas sur le fait qu'il prenne le contrôle de plusieurs d’entre elles (§1).
§1. Une extension du contrôle incluant le critère de « notion de contrôle »
Une refonte du règlement a été adoptée en 2004 par le législateur de l’Union, elle avait
pour objet de permettre à la commission d’examiner certaines atteintes à la concurrence
qui n’étaient pas couvertes jusqu’alors. Le règlement n°139/2004 a fait entrer dans son
champ d’application les concentrations qui, sur un marché oligopolistique, impliquent
« l’élimination des fortes contraintes concurrentielles que les parties à la concentration
exerçaient l’une sur l’autre, ainsi qu'une réduction des pressions concurrentielles sur
les autres concurrents (…) même en l’absence de probabilité de coordination entre les
membres de l’oligopole ». 24
La législation française et celle de l’Union Européenne relatives au contrôle des
concentrations définissent les compétences de la Commission et de l’Autorité à partir de
la « notion de contrôle ». Cette notion est inscrite à l’article 3 du règlement
n°139/2004 : « changement durable du contrôle exercé sur une entreprise ».
§2. Une avancée incomplète du contrôle des concentrations
Certes cette notion de contrôle a déjà été assouplie puisqu’elle peut comprendre des
prises de participation minoritaires, toutefois elle ne couvre encore que les
participations qui permettent l’exercice d’une influence déterminante. C’est – à – dire
que le contrôle des concentrations ex ante n’appréhende les effets restrictifs de
24 Vingt-‐cinquième considérant du règlement CE n°139/2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises.
28
concurrence que des prises de participations minoritaires qui confèrent un contrôle,
exclusif ou conjoint, sur l’entreprise dans laquelle l’acquisition de participation a lieu.
Cette avancée s’avère toutefois inachevée, une lacune demeure dans le contrôle des
concentrations. Celui-ci ne prend pas en compte les participations les participations ne
donnant pas lieu à un changement de contrôle.
Les problèmes de concurrence que peuvent poser les participations minoritaires ont été
démontrés ci-dessus, tant des effets unilatéraux que par des effets coordonnés.
Cette mise à l’écart de certaines prises de participations minoritaires par le droit de la
concurrence s’avère être une faille dans le contrôle des concentrations. Cette conception
des prises de participations minoritaires n’est pas partagée par de nombreux pays
étrangers, tant au sein de l’Union Européenne qu'en dehors. Ces pays envisagent ces
prises de participations comme des opérations contrôlables, ce qui renforce l’idée selon
laquelle il y aurait un intérêt à les prendre en considération également en France et au
niveau communautaire.
CONCLUSION DU TITRE 1
Ce premier titre a permis de présenter l’impact que pouvaient avoir les prises de
participations minoritaires, qu'elles soient unilatérales ou bilatérales, silencieuses,
influentes ou contrôlantes, sur l’incitation de chaque entreprise à être plus ou moins
agressive vis – à – vis de ses rivales. Une prise de participation dans le capital d’une
entreprise rivale conduit l’entreprise acquérante, et ce quel que soit le type de prise de
participation, « à internaliser l’externalité de la concurrence » à hauteur de sa
participation.
Plus sa participation sera importante, moins elle sera incitée à être agressive envers
l’entreprise acquise. Or cet effet est indépendant du type de participation et du fait que
la participation induise ou pas une modification du contrôle de l’entreprise acquise.
C’est la raison pour laquelle il est opportun de réfléchir à une extension du contrôle des
concentrations aux prises de participations minoritaires dans le système actuel.
29
TITRE II – UNE NÉCESSAIRE EXTENSION DU CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS AUX PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES EXCLUES DU CHAMP DU RÈGLEMENT
L’absence de contrôle des participations minoritaires non contrôlantes est une
spécificité française et communautaire notamment (chapitre 1). À l’étranger, de
nombreux pays ont considéré qu'il était nécessaire de les appréhender comme les autres
dans l’intérêt de préserver une concurrence effective. Les droits français et
communautaire justifient cette lacune par l’existence d’autres moyens de contrôle qui
pourraient permettre de ne pas les laisser passer à travers le filet. Or, ces moyens
secondaires ne s’avèrent pas être d’une efficacité remarquable (chapitre 2).
CHAPITRE 1 - UNE CONCEPTION NON PARTAGÉE PAR LES CONTRÔLES DES CONCENTRATIONS À L’ÉTRANGER -
La France et le droit communautaire commencent à prendre conscience que leur
conception des prises de participation minoritaire pourrait constituer une faille dans le
contrôle des concentrations (chapitre 1) et que celle - ci pourrait induire des
conséquences indésirables sur la concurrence. Ces droits ont jusqu’alors essayé de
compenser cette défaillance par l’application de contrôles existants dans d’autres
domaines de la concurrence, au domaine des concentrations (chapitre 2).
SECTION 1 – UNE LACUNE SPÉCIFIQUE AU DROIT DES CONCENTRATIONS FRANÇAIS ET COMMUNAUTAIRE -
Le droit français et le droit communautaire de la concurrence laissent de côté les
acquisitions de participations minoritaires en l’absence d’influence déterminante sur la
stratégie de l’entreprise, ce désintéressement suscite l’inquiétude de nombreux juristes
et économistes qui trouvent un relais en la personne du Commissaire en charge des
affaires de concurrence (§1).
En revanche, d’autres juridictions nationales, en Europe et hors de l’Europe, ont
compris l’importance de ces opérations et se sont dotées de règlementations qui
permettent d’appréhender plus facilement les prises de participation minoritaires (§2).
30
§1. L’émergence d’une inquiétude face à cette déficience
Des participations minoritaires ne peuvent toujours pas donner lieu à un examen ex ante
au titre du contrôle des concentrations par la commission ou l’Autorité. Les
modifications des droits à revenus ne sont pas contrôlées. Alors que de nombreuses
participations minoritaires n’offrant pas le contrôle d’une entreprise, donnent tout de
même des possibilités : soit celle d’exercer une influence significative indirecte sur celle
– ci, soit celle de modifier le comportement concurrentiel de l’entité qui prend les
participations.
Il manque un outil à l’arsenal juridique, certaines opérations échappant au contrôle des
concentrations, français et communautaire, alors que comme le démontre l’analyse
économique qui est un élément central du droit de la concurrence, elles portent atteinte à
la concurrence.
L’inquiétude relative à ces participations minoritaires a trouvé comme représentant le
Commissaire en charge des affaires de concurrence, Monsieur Joaquin Almunia25, qui
s’est interrogé notamment sur la nécessité d’une extension du contrôle des
concentrations à certaines participations minoritaires ne donnant pas lieu à contrôle. Il a
d’ailleurs commandé une étude à ce sujet qui permettra de mesurer l’étendue et la
gravité de ce vide juridique. En d’autres termes, elle permettra d’identifier et de
quantifier les participations minoritaires qui engendrent des effets anticoncurrentiels
sensibles et qui ne rentrent pas dans le cadre du contrôle des concentrations.
§2. La conception du contrôle des prises de participations minoritaires à l’étranger
Alors qu'en 1990 il y avait environ une douzaine de contrôles des concentrations dans le
monde, dix ans plus tard, en 2000, soixante en ont été identifiés26. Dans de nombreux
pays, les règles sont différentes, il existe des obligations de notification pour lesquelles
25 Intervention du Commissaire à la concurrence, Joaquim Almunia, conférence IBA, 10 mars 2011 26 White & Case, « Survey of Worldwide Merger Notification Requirements »
31
la question de la participation minoritaire est déconnectée de la notion de prise de
contrôle au sens du droit communautaire et français.
I / Les divergences avec les autres pays de l’Union Européenne
Au sein de l’Union européenne, certains États membres retiennent une définition plus
large des opérations susceptibles d’être soumises au contrôle des concentrations et
prévoient le contrôle des participations minoritaires ne donnant pas matière à contrôle.
Le contrôle des concentrations du Royaume – Uni pour commencer, prévoit la
possibilité d’un examen en cas d’influence significative, c’est – à – dire lorsque la prise
de participation minoritaire non contrôlante, permet d’influencer matériellement la
politique d’une entreprise « material influence27 ». Ce contrôle n’est pas nécessairement
effectué ex ante.
Pour illustrer, l’affaire BSkyB/ITV mettait en jeu une prise de participation minoritaire
de 17,9% de BSkyB, leader de la télévision payante, dans ITV, leader de la télévision
gratuite. Après avis de l’OFT l’opération a été renvoyée devant la « Competition
commission ». Celle – ci a conclu que BSkyB était en mesure d’exercer une influence
sur la politique d’ITV, ce qui aboutirait à une réduction de la concurrence sur le marché
de la télévision. Le secrétaire d’État, suivant les conclusions de la Competition
commision, a demandé à BSkyB de réduire sa participation en dessous de 7,5%.
La législation allemande, comme la législation autrichienne établissent un contrôle ex
ante des participations minoritaires, supérieures à 25%, ou donnant des droits
équivalents, et ce sans la nécessité qu'elle confère un contrôle exclusif ou conjoint.
Ainsi de nombreuses opérations sont notifiées sur cette base au « Bundeskartellamt » en
Allemagne. Ce dernier peut être très strict avec ces prises de participations minoritaires,
plus d’une dizaine d’interdictions de ce type d’opérations ont été prononcées.
27 P. FREEMAN, « Creeping Mergers : the UK perspective », Concurrences n°3-2011
32
Parfois même, un contrôle est possible pour les participations minoritaires de moins de
25%, ainsi celles qui donnent la possibilité d’exercer une « influence concurrentielle
significative » peuvent être interdites en Allemagne.
II / Les divergences avec les pays hors de l’Union Européenne
Le droit des États – Unis impose la notification de la prise de participations aboutissant
à la détention d’une participation d’une valeur totale supérieure à 66 millions de dollars,
et ce même si ce montant ne correspond qu'à un très faible pourcentage de participation.
Toutefois la procédure de notification est exclue par le « Clayton Act » pour les
acquisitions réalisées uniquement à titre de placement.
Les lignes directrices du droit japonais applicables au contrôle des concentrations,
prévoient la notification de prises de participations conférant à l’acquéreur des droits de
votes excédant 50%. Ce seuil est abaissé à 20% si l’acquéreur devient le premier
actionnaire. Et il est abaissé à 10% si l’acquéreur fait partie des trois actionnaires
disposant des droits de vote les plus importants, et qu'une coordination s’effectue entre
ces trois actionnaires. De plus, pour les participations minoritaires excédant 10%, la
FTC japonaise examinera quand même si il est nécessaire qu'elle exerce son contrôle.
En Corée du Sud, le « Monopoly Regulation and Fair Trade Act » impose la notification
dans plusieurs cas : Pour l’acquisition de plus de 20% d’actions. Pour l’acquisition de
15% d’actions si la société cible est cotée en bourse. Pour l’acquisition de toutes actions
supplémentaires par une entité détenant déjà 20% des actions, et devenant l’actionnaire
le plus important. Pour la participation à la création d’une entreprise commune en tant
qu'actionnaire le plus important. Enfin, pour l’installation d’administrateurs ou de
dirigeants communs à deux sociétés.
Les prises de participations minoritaires sont également appréhendées au Brésil, au
Canada, en Inde, en Israël, en Russie ou encore en Afrique du Sud.
La prise en compte de ces participations par de nombreux autres pays démontre bien
l’intérêt qu'il y a à les contrôler.
33
On constate une divergence entre les droits nationaux d’une part, et entre les droits
nationaux et le droit communautaire d’autre part. Cette divergence soulève la question
de l’inégalité des armes entre les entreprises puisque les règles auxquelles elles sont
soumises dépendent de leur implantation géographique. Le droit français ainsi que le
droit communautaire proposent une alternative à l’absence de prise en compte directe
des acquisitions de participations minoritaires.
SECTION 2 – L’APPARENT CONTOURNEMENT DE CETTE LACUNE PAR LE DROIT FRANÇAIS ET COMMUNAUTAIRE
Une réponse apportée par le droit de la concurrence lorsqu’il lui est reproché d’être
lacunaire est que le contrôle des concentrations peut s’intéresser à la détention d’une
participation minoritaire. La commission et l’Autorité prennent parfois en compte
certaines prises de participations minoritaires accessoires et préexistantes à une
opération de concentration notifiable.
§1. L’examen des prises de participations accessoires
Les effets anticoncurrentiels d’une participation minoritaire, qui en soi n’induit pas de
changement de contrôle, peuvent être appréhendés par les autorités de concurrence
lorsque cette prise de participation minoritaire s’inscrit dans le cadre d’une opération de
concentration plus large ou lorsqu’elle préexiste à une opération de concentration qui
elle implique un changement de contrôle28.
En d’autres termes, il peut arriver qu'un acquéreur, un vendeur, ou un tiers à la
concentration, détienne une participation minoritaire et que l’occasion d’un
rapprochement oblige la Commission à examiner cette participation minoritaire au delà
de l’opération principale.
28 Revue des droits de la concurrence, Concurrences – Droit et Économie, Competition Law Journal, n°1-
2012
34
L’approche des effets anticoncurrentiels qui pourraient en découler est fondée sur une
analyse au cas par cas. La Commission a identifié les éléments pertinents constituant un
faisceau d’indices : les divers liens structurels susceptible d’établir une influence
déterminante d’une entreprise sur une autre, les droits de vote et notamment le droit de
véto, la coopération commerciale, ou encore la possibilité d’échanges d’informations
stratégiques. Les difficultés se posent surtout sur des marchés concentrés voire
oligopolistiques.
Il est nécessaire de préciser que les décisions que peuvent prendre la Commission
européenne ou l’Autorité de la concurrence dans le cadre de ce contrôle de
concentrations, ne s’appliquent pas à la participation minoritaire. C’est – à – dire que la
participation minoritaire ne peut être ni interdite ni faire l’objet d’injonctions. Seule la
cession de cette participation peut être proposée par les entreprises concernées, en tant
que remède aux effets restrictifs de concurrence posés par l’opération de concentration
qui fait l’objet du contrôle.
Dans de nombreuses affaires, la participation minoritaire accessoire à la transaction
principale, a fait l’objet soit d’une cession soit d’un aménagement.
Lorsque cela est nécessaire, les entreprises concernées peuvent proposer un remède, le
plus souvent une cession de la participation minoritaire détenue dans les entreprises
concurrentes, pour résoudre les problèmes de concurrence résultants de l’opération de
concentration contrôlée.
De plus, au niveau communautaire lorsque l’opération a été réalisée puis déclarée
incompatible, la Commission peut ordonner des injonctions ou également proposer des
remèdes. « La Commission peut prendre toute autre mesure appropriée pour rétablir,
dans la mesure du possible, la situation antérieure à la réalisation de la
concentration29 ».
C’est – à – dire que la Commission peut imposer la cession de participations pour les
faire parvenir à un niveau à un niveau bien inférieur à celui requis pour effectuer un
contrôle.
29 Article 8, paragraphe 4 du règlement n°139/2004
35
Cette faculté existait déjà avant la refonte du règlement en 2004, l’ancien article 8,
paragraphe 4 du règlement CEE portait également des mesures destinées à rétablir une
concurrence effective.
Cette proposition de mesures correctrices est illustrée par plusieurs affaires, notamment
l’affaire Schneider / Legrand du 30 janvier 2002, dans laquelle la Commission n’a
autorisé Schneider à détenir qu'une participation de 5% dans Legrand. Participation qu'il
avait acquise avant l’interdiction de l’opération principale contrôlée. La Commission
avait justifié cette décision en relevant que « les effets négatifs sur la concurrence
perdureraient si Schneider continuait à bénéficier d’une participation significative dans
le capital de Legrand même si celle – ci ne conduisait pas à un contrôle sur ce dernier,
en raison de la modification des incitations économiques qui résulte d’une telle prise de
participation significative et durable ». Le 22 octobre 2002 un arrêt du TPICE a annulé
la décision d’incompatibilité de l’opération.
§2. Une alternative soumise à de fortes contraintes
La solution alternative apportée à travers le contrôle des participations minoritaires
accessoires, détenues dans des entreprises concurrentes sans pour autant conférer un
contrôle sur elles au sens de l’article 3 du règlement 139/2004 ou de l’article L.430-3 du
code de commerce, est soumise à une forte contrainte puisque le remède relatif à la
participation minoritaire doit résoudre un problème de concurrence généré par une autre
opération qui est l’opération principale.
De plus pour pouvoir les contrôler, encore faut – il que les autorités soient informées de
l’existence de ces participations minoritaires. Or toutes les participations minoritaires ne
doivent pas être signalées.
D’une part en droit communautaire, c’est le formulaire CO qui prévoit que doit être
fournie « une liste de toutes les autres entreprises qui opèrent sur les marchés affectés
dans lesquelles les entreprises ou des personnes du groupe détiennent individuellement
36
ou collectivement 10% ou plus des droits de vote, du capital souscrit ou d’autres
titres30 ».
En droit national d’autre part, le formulaire de notification mentionne « la liste des
principaux actionnaires, les pactes d’actionnaire, ainsi que la liste et le montant des
participations détenues par l’entreprise ou ses actionnaires dans d’autres entreprises,
si cette participation confère directement ou indirectement au moins une minorité de
blocage ou la faculté de nommer au moins un membre du conseil d’administration31 ».
Le formulaire CO de la Commission, fixe un seuil plus simple et moins limitatif que les
conditions décrites par le formulaire de notification français. Celles-ci restreignent trop
la liste des participations minoritaires qui doivent être signalées à l’Autorité. Elles
visent la capacité d’influencer la politique de l’entreprise et non les incitations liées à la
seule détention de la participation minoritaire.
Le contrôle des concentrations accessoires n’apparaît pas complètement adapté, mais le
droit des concentrations justifie son état lacunaire par la possibilité de contrôler a
postériori les prises de participations minoritaires non couvertes par le contrôle a priori.
30 Formulaire CO point 4.2.1 31 Formulaire de notification annexe 4.3 de la partie règlementaire du code de commerce
37
CHAPITRE II – DES ALTERNATIVES INSUFFISANTES À LA JUSTIFICATION D’UNE FAILLE DANS LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS FRANÇAIS ET COMMUNAUTAIRE
Le contrôle ex - post des pratiques anticoncurrentielles a été l’alternative proposée par
les autorités de concurrence face aux critiques de l’absence de contrôle de certaines
opérations (section 1). Si cette alternative a pu trouver à s’appliquer dans quelques
affaires, elle n’est plus la solution attendue aujourd’hui (section 2).
SECTION 1 – LA TENTATIVE DE JUSTIFICATION DE L’ABSENCE DE CONTRÔLE EX - ANTE PAR L’EXISTENCE DU CONTRÔLE EX - POST DES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES -
Depuis les années 1980, les effets anticoncurrentiels des participations minoritaires non
prises en compte par le contrôle des concentrations peuvent être appréhendées par des
outils de contrôle ex post. Ces outils sont les articles 101 et 102 TFUE en droit
communautaire et les articles 420 – 1 et 420 – 2 du Code de commerce. Même si il est
rare de regarder des affaires datées des années 1980, étant donné qu'en droit de la
concurrence le droit évolue rapidement, ces affaires sont encore d’une certaine actualité,
et on peut en tirer des enseignements (§1 et §2).
§1. L’examen des participations minoritaires à travers le contrôle des ententes
Les prises de participations minoritaires dans des entreprises du même secteur ou sur
des marchés amont / aval peuvent conduire à des échanges d’informations
commercialement sensibles ou à des pratiques concertées. Les échanges d’informations
peuvent être facilités par la présence aux organes de direction. Une prise de
participation minoritaire peut également constituer un moyen de s’assurer que la ligne
d’action commune fixée dans le cadre d’une concertation est bien respectée32. Enfin les
32 Eric Morgan de Rivery, Avocat Jones Day, Participations minoritaires et concentrations, Revue Concurrences n°1-‐2012
38
participations croisées et filiales communes peuvent accentuer l’effet de verrouillage du
marché atténuant ainsi l’incitation des entreprises à se faire concurrence.
Parallèlement, en cas de détention d’une position dominante, la prise d’une participation
minoritaire peut, dans certaines conditions, être appréhendée sous l’angle de l’article
102 TFUE.
« Si le fait pour une entreprise de prendre une participation dans le capital d’une
entreprise concurrente ne constitue pas en soi un comportement restrictif de
concurrence, une telle prise de participation peut néanmoins constituer un moyen apte
à influer sur le comportement commercial des entreprises en cause, de manière à
restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence sur le marché33 ».
Des affaires innervent l’analyse des participations minoritaires et illustrent l’utilisation
de ces articles pour cette problématique. Concernant les ententes de l’article 101, dans
l’affaire Enichem / ICI34, la Commission a autorisé la création d’une entreprise
commune de production, à condition que ni les sociétés mères ni l’entreprise commune
ne détiennent de participation dans des entreprises concurrentes qui puissent être
utilisées aux fins d’influencer leurs comportements.
Dans une autre affaire Olivetti/Digital35, la Commission a validé la détention par Digital
de 8% dans Olivetti. Détention accompagnée de la nomination de dirigeants communs
aux deux sociétés. La Commission avait constaté que Digital n’avait aucune influence
dans le conseil d’administration d’Olivetti, que Digital ne disposait pas de droit de véto,
que Digital s’était engagé à ce que la participation ne dépasse pas 10% pour les dix
années à venir et enfin qu'il n’y avait pas eu d’échanges d’informations préalables à
l’opération. Ces éléments lui ont permis de décider que cette opération n’affectait pas la
concurrence.
L’affaire Philip Morris notamment, pose le principe selon lequel une prise de
participation ne pourrait constituer un abus que si « la participation minoritaire en
33 CJUE, arrêt du 17 novembre 1987, British American Tobacco 34 Décision de la Commission du 22 décembre 1987, Enichem / ICI , 31.846, point 53 35 Décision de la Commission du 11 novembre 1994, Digital / Olivetti, 34.410, point 26
39
question se traduit en un contrôle effectif de l’autre entreprise ou, à tout le moins, en
une influence sur la politique commerciale de celle – ci36 ».
Dans les faits, il s’agit de deux sociétés Philip Morris et Rothmans concurrentes dans le
secteur de la cigarette. En 1984 Philip Morris a acquis une participation minoritaire de
25% dans le capital de Rothmans. Cette participation ne donnait pas lieu à une
représentation de Philip Morris au sein du conseil d’administration de Rothmans et des
précautions avaient été prises pour éviter la communication d’informations sensibles
entre les deux sociétés. Ce rapprochement a soulevé des plaintes de la part des
concurrents de BAT et de Reynlods. Ces derniers avançaient que la participation
minoritaire de Philip Morris dans Rothmans allait les inciter à prendre en compte les
intérêts de l’autre dans la mise en œuvre de leurs politiques commerciales respectives.
La question était donc de savoir si la prise de participation minoritaire aboutissait ou
non à une forme de coordination des comportements commerciaux.
Dans cette affaire, la Commission a rejeté les plaintes des concurrents de Philip Morris
et Rothmans et le contentieux a été porté devant la Cour de Justice qui a estimé qu'une
participation minoritaire « pouvait être utilisée comme un instrument pour influencer la
politique commerciale des sociétés concernées, en particulier si la société prenant des
participations acquiert par ce biais le contrôle, en droit ou en fait, du comportement
commercial de l’autre société, ou si l’accord prévoit une coopération commerciales, ou
encore s’il crée une structure propice à être utilisée pour une telle opération. À cet
égard il convient de tenir compte non seulement des effets immédiats de l’accord, mais
également des effets potentiels et de la possibilité que cet accord fasse partie d’un plan
à plus long terme37. »
Ce qu'a indiqué la CJUE en 1987 dans cette affaire reste valable actuellement, même si
la CJUE a conclu dans le même sens que la Commission en raison de l’absence de droit
de véto attaché à la participation minoritaire de Philip Morris, de l’absence de
représentation au conseil d’administration de Rothmans, de l’absence de coopération
36 CJUE, BAT et Reynolds c/ Commission, 17 novembre 1987, 142/84, point 65 37 CJUE, BAT et Reynolds c/ Commission, 17 novembre 1987, 142/84, point 65
40
commerciale, de l’absence d’échange d’informations de nature à influencer le
comportement concurrentiel des entreprises. La Cour a constaté que la préoccupation
principale de Philip Morris était sa propre part de marché et pas sa participation
minoritaire dans Rothmans. Il en était de même pour Rothmans. Pour qui la
participation minoritaire ne jouait pas de rôle déterminant dans sa politique
commerciale, qui continuait à être déterminée par l’actionnaire principal détenant les
75% restants du capital. Finalement cette affaire permet de retrouver l’ensemble des
critères qu'il convient d’analyser lors de l’examen d’une prise de participation
minoritaire.
§2. L’examen des prises de participations minoritaires à travers le contrôle des abus de positions dominantes
Il existe des affaires relatives à la prohibition des abus de position dominante de l’article
102 TFUE. La Commission a analysé la participation minoritaire de 22% détenue par
Gillette dans Eemland propriétaire de Wilkinson. Gillette était présent au niveau de
Wilkinson à deux titres : en tant que principal actionnaire et que principal créancier
d’Eemland. Ces rôles lui permettaient de bénéficier d’une position dans la direction
d’Eemland qui était de nature à influencer le comportement commercial de cette
dernière. De plus Gillette était en position dominante sur le marché des rasoirs
mécaniques, ce qui mettait « l’avenir commercial d’Emland, à moyen et à long terme,
dans une certaine mesure, dans les mains de Gillette38 ». Gillette pouvait également elle
même prendre en compte la politique commerciale de Wilkinson avant de prendre ses
propres décisions.
Par ailleurs une barrière à toute nouvelle entrée sur le marché était constituée du fait du
droit de préemption dont Gillette bénéficiait. Par sa prise de position, Gillette empêchait
l’acquisition de Wilkinson par des concurrents.
Enfin, la segmentation géographique pour l’exploitation d’une marque prévue par
l’accord avec Gillette, empêchait Eemland de vendre les produits de cette marque hors
de la CEE et des États – Unis, autrement dit les marchés dans lesquels les perspectives
de croissance étaient les plus grandes. 38 Décision de la Commission du 10 novembre 1992, Warner Lambert / Gillette et autres, 33/440, point 26
41
La Commission a considéré au vu de ces éléments, que la prise de participation de
Gillette « faisait partie d’une stratégie destinée à affaiblir la position concurrentielle
d’Eemland et donc à renforcer la sienne39 ». La capacité concurrentielle de Eemland se
trouvait diminuée du fait de sa dépendance financière, du montant de la participation de
Gillette et du droit de préemption de Gillette.
« Une entreprise en position dominante a une responsabilité particulière de ne pas
porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le
marché commun. En participant au rachat des activités de Wilkinson Sword, Gillette
n’a pas assumé cette responsabilité particulière et a abusé de sa position dominante ».
La participation de Gillette à l’accord global a modifié la structure du marché des
produits de rasage mécanique, ce qui a affecté la concurrence. La Commission a
ordonné à Gillette de céder ses différents droits au sein d’Eemland. Cette affaire
représente un exemple où un abus a fait l’objet de mesures de désinvestissement.
Un dernier exemple de la prise en compte des participations minoritaires dans le cadre
de l’analyse d’effets coordonnés est celui de l’affaire Norddeutsche Afineriel Cumerio,
dans laquelle la Commission a décidé que la participation minoritaire d’A-TEC pourrait
renforcer l’incitation économique à faire preuve de compréhension mutuelle pour
renforcer leurs stratégies commerciales sur le marché des formes en cuivre. L’existence
d’une participation minoritaire impliquerait également un flux d’informations minimal
sur les activités de la nouvelle entité vers A-TEC, ce qui pourrait faciliter une meilleure
compréhension des modalités de la coordination. Dans le cadre d’une certaine
transparence de marché, cela permettrait des mécanismes de dissuasion crédibles en cas
de déviance, et l’impossibilité pour les concurrents et les clients de compromettre les
résultats attendus de la coordination.
Le contrôle a posteriori que les autorités opèrent à travers les pratiques
anticoncurrentielles trouve ses limites. Que ce soit les articles 101 et 102 TFUE ou les
39 Décision de la Commission du 10 novembre 1992, Warner Lambert /Gillette et autres, 33/440, point 28
42
dispositions équivalentes en droit national, ils ne peuvent pas être plaqués à des effets
anticoncurrentiels provoqués par d’autres comportements.
SECTION 2 – L’INADÉQUATION DU CONTRÔLE DES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES AUX PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES EXCLUES DU CHAMP DU CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS
Le contrôle des pratiques anticoncurrentielles ne peut pas être plaqué aux opérations de
prises de participations sans rencontrer d’obstacles (§1). Cette imparfaite adaptation à
ce type d’opération est la preuve que l’extension du contrôle des concentrations aux
prises de participations minoritaires non contrôlantes serait justifié.
§1. Les obstacles à l’efficacité du contrôle ex – post
L’application de l’article 101 TFUE suppose un accord entre entreprises qui n’est pas
nécessaire pour que la participation minoritaire produise des effets anticoncurrentiels,
on pense notamment aux prises de participations minoritaires hostiles40. Lorsque la
cible et l’acquéreur sont en profond désaccord, l’article 101 ne trouve pas aisément son
application. Cela restreint les capacités d’action des autorités.
L’application de l’article 102 TFUE suppose l’existence d’une position dominante. Or,
celle – ci n’est pas non plus nécessaire pour que se manifestent certains des effets
anticoncurrentiels liés aux participations minoritaires comme les risques de
coordinations accrus entre la cible et le détenteur de participations.
Des restrictions de concurrence peuvent être engendrées sans contrôle effectif ou
influence sur la politique commerciale. Les droits à revenu ont un rôle suffisamment
important pour restreindre la concurrence41.
40 O. Guersent, actes des ateliers de la concurrence, « rapprochements d’entreprises non notifiables : les zone grise du droit de la concurrence » 41 F. Caronna, « Article 81 as a tool for controling minority cross shareholdings between competitors », 2004
43
Il faut admettre que ces outils de contrôle traditionnels ne sont pas un parfaitement
efficaces pour appréhender la modification des incitations des actionnaires influençant
la stratégie des entreprises. Les critères permettant de sanctionner des pratiques
anticoncurrentielles comme l’abus de position dominante ou les ententes, ne sont pas
adaptés pour les effets anticoncurrentiels que pourraient engendrer les prises de
participations minoritaires ne donnant pas lieu à contrôle.
§2. La nécessité d’une extension du contrôle des concentrations aux prises de participations minoritaires jusqu’alors exclues
L’inadaptation du contrôle ex post est la raison pour laquelle il n’y a plus eu depuis les
années 1990 beaucoup de prises de participations qui ont fait l’objet d’un examen par la
Commission au titre des articles 101 et 102 TFUE. Ce contrôle semble révolu aux yeux
des régulateurs.
À cela s’ajoute surtout qu'en 2004 le législateur de l’Union a mis fin au système de
notification des accords à la Commission.
L’extension du champ du contrôle des concentrations serait justifiée puisque le contrôle
a priori pourrait être plus efficace et plus adapté que le contrôle a posteriori. Cette
efficacité est d’autant plus vérifiée que les le contrôle ex-post suppose des délais
d’instruction, la spécificité des standards de preuve à réunir concernant les ententes et
les positions dominantes, et parfois le caractère irréversible des dommages subis par la
concurrence.
Une affaire a mis en lumière le fait que les outils de contrôle à la disposition des
autorités peuvent présenter des imperfections.
L’affaire Ryanair / Aer Lingus relance les interrogations sur un renforcement dans la
mise en œuvre du règlement communautaire en matière de concentrations42, au regard
du pouvoir de l’OFT d’examiner « la capacité d’influence matérielle ».
42 Nadine Mouy, chef du service des concentrations, autorités de la concurrence
44
CONCLUSION DU TITRE 2
Le critère actuel retenu par le droit de la concurrence en matière de contrôle des
concentrations et qui limite l’examen par les autorités de concurrence aux opérations
pour lesquelles il existe une modification du contrôle, n’apparaît pas adapté. De plus il a
été démontré que l’intervention possible par le contrôle a posteriori des comportements
anticoncurrentiels n’est pas non plus ni adapté, ni efficace. Le droit des pratiques
anticoncurrentielles n’appréhende que de façon imparfaite les participations
minoritaires ne donnant pas lieu à contrôle. Cela explique d’ailleurs l’inutilisation de cet
instrument depuis de nombreuses années.
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE
L’application potentielle des articles 101 et 102 TFUE aux participations minoritaires a
amené le Président du Tribunal dans l’affaire Ryanair contre Aer Lingus à écarter
l’allégation selon laquelle le dispositif européen de protection de la concurrence est
affecté d’une lacune règlementaire tenant à l’absence d’appréhension des participations
minoritaires ne donnant pas lieu à contrôle.
Or dans l’hypothèse d’une OPA hostile telle que celle lancée par Ryanair sur Aer
Lingus, il manque l’accord de volonté des parties qui doit être établi afin de qualifier
une entente.
Le débat est renouvelé quant à l’adaptation de la notion de « contrôle » pour
appréhender une prise de participation minoritaire suivie d’une OPA. Le comportement
d’un minoritaire échappant au contrôle des concentrations, l’idée de contrôler les prises
de participations minoritaires ex ante émerge. Aujourd’hui l’état du droit ne permet pas
de se préoccuper de ce genre d’affaires, dans la mesure où il ne s’agit ni d’une entente,
ni d’un abus de position dominante, ni d’une concentration.
Une affaire a mis en lumière le fait que les outils de contrôle à la disposition des
autorités peuvent présenter des imperfections.
45
L’affaire Ryanair / Aer Lingus relance les interrogations dans la mise en œuvre du
règlement communautaire en matière de concentrations, au regard du pouvoir de l’OFT
d’examiner « la capacité d’influence matérielle »43.
La Commission européenne a décidé d’interdire le lancement par Ryanair d’une OPA
visant à acquérir le contrôle d’Aer Lingus, sans remettre en cause la participation
minoritaire de 29,8% acquise au préalable par Ryanair. La participation minoritaire de
Ryanair au capital d’Aer Lingus ne lui donnant pas le contrôle de cette entreprise, et ne
pouvant pas être considérée comme constituant avec l’OPA une opération unique, elle
ne relevait pas du contrôle des concentrations.
43 UK Competition Appeal Tribunal, 28 juillet 2011, décision n01174/1/11, Ryanair Holdings plc v. OFT
46
PARTIE 2. MISE EN LUMIÈRE DES PROBLÈMES SOULEVÉS
PAR UN CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS RESTREINT :
L’AFFAIRE RYANAIR / AER LINGUS
TITRE 1 – L’INTERDICTION DE LA CONCENTRATION, UNE DÉCISION TROP SÉVÈRE SELON RYANAIR ET TROP CLÉMENTE SELON AER LINGUS
L’OPA lancée par Ryanair sur Aer Lingus est assurément risquée eu égard au contexte
économique dans lequel elle aurait lieu, ce qui explique son interdiction (Chapitre 1). Il
reste la question de savoir quel est le bon test pour les opérations hostiles, celui des
concentrations. Notamment, l’élargissement du champ du contrôle est – il une question
d’actualité pour le régulateur ? (Chapitre 2)
CHAPITRE 1 - UNE CONCENTRATION RISQUÉE AU REGARD DU CONTEXTE ÉCONOMIQUE -
L’identité des compagnies en présence est en l’espèce cruciale pour comprendre le
risque qu'’induirait l’opération initiée par Ryanair. Après avoir exposé le contexte dans
lequel l’opération de concentration aurait eu lieu (section 1) il sera plus évident de voir
les problèmes concurrentiels qu'induirait l’opération (section 2).
SECTION 1 – EXPOSITION DU CONTEXTE -
Les compagnies en présence sont les deux principales compagnies aériennes opérant en
Irlande (§1) et sont logiquement deux grandes rivales (§2).
47
§1. Présentation des compagnies concernées
Ryanair est une compagnie aérienne irlandaise à bas coût exploitant des services aériens
réguliers de point à point, principalement en Europe. Elle possède une flotte de 305
appareils et dispose de 51 bases à travers l’Europe, dont les plus importantes sont
London Stansted, Bruxelles Charleroi, Milan Bergame et Dublin. Pendant la saison
d’été IATA 2012, elle exploitait 62 liaisons court – courriers à partir de Dublin44.
Aer Lingus est une compagnie aérienne irlandaise. Elle propose essentiellement des
services de transport aérien régulier de point à point et est basée principalement à
l’aéroport de Dublin à partir duquel elle exploite une part substantielle de ses vols
réguliers. Pendant la saison d’été 2012, Aer Lingus (y compris Aer Arann) exploitait 66
liaisons court – courriers à partir de Dublin.
Elle n’est membre d’aucune alliance de compagnies aériennes et développe un concept
d’architecture de réseaux ouverts »45. Sa neutralité lui permet de s’associer à diverses
alliances et de proposer, outre ses liaisons de point à point, des correspondances vers
des destinations internationales via de grandes plateformes aéroportuaires.
Ryanair détient une part minoritaire d’Aer Lingus correspondant à 29,8% du capital –
actions émis de cette dernière, dont elle est le premier actionnaire. Cette participation
minoritaire fait actuellement l’objet d’un examen par la commission de la concurrence
du Royaume – Uni.
Le gouvernement irlandais est le deuxième actionnaire d’Aer Lingus, dont il détient
25,1%.
44 Commission européenne, communiqué de presse, « Concentrations : la Commission interdit à Ryanair
de prendre le contrôle de Aer Lingus », Bruxelles le 27 février 2013 45http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/
48
§2. Les relations entre les deux compagnies
Après la privatisation d’Aer Lingus par le gouvernement irlandais en 2006, Ryanair a
acquis une participation de 19,16% dans le capital de cette société. Le 23 octobre 2006,
Ryanair a lancé une offre publique d’achat pour la totalité du capital d’Aer Lingus et a
notifié une semaine plus tard à la Commission l’acquisition envisagée, conformément
au règlement n°139/2004 sur les concentrations. Pendant la durée de l’offre publique
d’achat, Ryanair a acheté d’autres actions, et le 26 novembre 2006, elle détenait 25,17%
du capital d’Aer Lingus.
Ryanair et Aer Lingus sont les deux principales compagnies qui opèrent à partir
d’Irlande.
La nouvelle entité aurait de très fortes parts de marché sur 35 lignes, dont 22 en
monopole et 13 avec plus de 60% de parts de marché dont Londres – Dublin avec 70 à
80% de parts de marché. Cette opération créerait des barrières à l’entrée en raison de
l’encombrement de l’aéroport de Dublin46.
Une procédure d’enquête approfondie a été ouverte par la Commission, eu égard à des
doutes sérieux de concurrence.
Le 27 juin 2007, la Commission a adopté une décision47 déclarant que le projet
d’acquisition d’Aer Lingus par Ryanair était incompatible avec le marché commun.
Ryanair a introduit un recours contre cette décision devant le Tribunal. Après la
décision de la Commission, Ryanair a acheté d’autres actions, portant sa participation
au capital d’Aer Lingus à 29,8%.
46 OLIVIER GUERSENT, directeur des transports, de la poste et autres services, DG concurrence,
Commission européenne, « rapprochements d’entreprises non notifiables : les zones grises du droit de la
concurrence » 47 C 2007. 3104 du 27 juin 2007, Affaire Ryanair / Aer Lingus
49
Six ans après l'échec d'un premier raid sur Aer Lingus, la compagnie « low cost »
Ryanair propose 694 millions d'euros pour l'acquisition de son rival dont il détient déjà
29,82%48.
Aujourd'hui, Ryanair estime qu'il y a des raisons impérieuses pour que les actionnaires
et l'Autorité européenne de la concurrence acceptent cette offre. « Cette offre représente
une occasion importante de réunir Aer Lingus et Ryanair, en vue de former une forte
compagnie aérienne irlandaise capable de concurrencer les principales compagnies
aériennes européennes telles que Air France, British Airways et Lufthansa", a déclaré
Michael O'Leary, actuel dirigeant de la compagnie. L’opération a été notifiée à la
Commission le 24 juillet 2012 en vue d’être autorisée conformément au règlement de
l’Union européenne sur les concentrations. La Commission a ouvert une enquête
approfondie le 29 août 2012. Le délai fixé pour statuer a été prorogé afin de permettre
l’appréciation des mesures correctives présentées le 7 décembre 2012 par Ryanair. Par
la communication des griefs qui leur a été envoyée en novembre 2012, les parties ont
été averties que l’opération envisagée suscitait de sérieuses inquiétudes et risquait d’être
interdite.
La présentation du contexte dans lequel s’opèrerait l’opération de concentration permet
d’identifier les problèmes concurrentiels qui en résulteraient sur ce marché.
SECTION 2 – UNE CONCENTRATION DANGEREUSE SUR LE PLAN CONCURRENTIEL -
Les deux compagnies ont des « business models » très comparables et sont attachés au
même aéroport à Dublin (§1). Pour ces deux entreprises, un rapprochement ne pourrait
être réalisé qu'au détriment de la concurrence (§2).
48 http://www.latribune.fr/entreprises-‐finance/services/transport-‐
50
§1. Deux modèles d’entreprises similaires et partageant une même base à Dublin
Lorsqu’elle apprécie une concentration entre compagnies aériennes, la Commission
analyse dans un premier temps les effets de l’opération envisagée sur les liaisons
exploitées par les deux parties. Elle tient également compte des effets que l’opération
pourrait avoir sur la possibilité qu'une compagnie discipline l’autre en commençant à
exploiter une liaison donnée à un quelconque moment. Ces deux questions exigent une
attention particulière lorsque les parties disposent de bases importantes dans le même
aéroport d’attache.
Ryanair et Aer Lingus sont de loin les plus gros transporteurs opérant à partir de
l’Irlande. Elles sont en concurrence directe sur 46 liaisons aériennes. C’était la troisième
fois que le projet d’acquisition d’Aer Lingus par Ryanair était notifié à la Commission.
En 2007, cette dernière avait interdit la première tentative de rachat d’Aer Lingus par
Ryanair. Décision qui a été confirmée par le Tribunal de l’Union européenne.
Le rachat de Aer Lingus par Ryanair ce serait la fusion de deux compagnies qui ont des
« business models » assez comparables et la même base à Dublin49. C’est une des
spécificités non négligeables du cas et une des raisons qui expliquent son interdiction.
Une autre caractéristique de ce cas est liée au « business model » des deux entreprises.
Elles ne faisaient pas la distinction traditionnelle entre les passagers sensibles au temps
et non sensibles au temps puisque ce sont toutes les deux des sociétés « low cost ».
Compte tenu de la situation géographique de Dublin, la question du TGV et autres
problématiques intermodales ne se posaient pas puisqu’il n’y a pas beaucoup
d’alternatives à l’avion pour entrer et sortir d’Irlande. La commission a identifié 35
routes intra – européennes à présence conjointe et parts de marché élevées, ainsi que
plusieurs autres routes qui n’étaient servies que par l’une des deux compagnies mais
pour lesquelles l’autre compagnie était l’entrant potentiel le plus crédible50.
49 OLIVIER GUERSENT, directeur des transports, de la poste et autres services, DG concurrence, Commission européenne, « rapprochements d’entreprises non notifiables : les zones grises du droit de la concurrence » 50 Jacques - Philippe GUNTHER, « Affaire Ryanair / Aer Lingus », 5 novembre 2010
51
L’analyse concurrentielle menée par la Commission aboutit à la conclusion que la très
grande proximité des « business models » et par conséquent l’important effet unilatéral
escompté a été confirmé par l’analyse économétrique menée par la Commission, qui a
établi que sur toutes les routes où Ryanair était présent en concurrence avec Aer Lingus,
les tarifs étaient substantiellement plus bas que ceux sur lesquels seul Aer Lingus était
présent. Si les deux entreprises avaient fusionné, elles auraient eu une base extrêmement
importante à Dublin. Cette situation serait renforcée par le fait que Dublin étant en
Irlande, des problèmes particuliers de localisation des avions se posaient pour les
services de nuit, pour les vols entrants et les vols sortants du matin. Il aurait été
nécessaire pour un nouvel entrant d’avoir à Dublin une base installée d’avions
particulièrement importante, ce qui aurait constitué une barrière à l’entrée
supplémentaire sur cet aéroport. Cette barrière n’aurait peut être pas existée dans un
aéroport plus central51.
§2. Un rapprochement irréalisable sans un risque d’atteinte à la concurrence
Ces éléments ont conduit la Commission à considérer, sur la base de son enquête de
marché, que les barrières à l’entrée étaient importantes. De plus, aucune autre entreprise
de transport aérien ne manifestait d’intérêt pour venir s’implanter à Dublin et supporter
les coûts d’entrée nécessaires, avec pour perspective d’être confronté à Ryanair
compagnie particulièrement agressive et donc avoir une faible probabilité de rentabilité.
La Commission a conclu que l’opération affaiblirait significativement la concurrence
existant sur 35 routes où les deux parties étaient actives, et sur 15 routes pour lesquelles
l’une des deux parties était l’entrant potentiel le plus probable52.
Depuis 2004, la Commission a examiné 15 concentrations et plusieurs alliances dans le
secteur du transport aérien. La présente décision est la troisième interdiction qu'elle
prononce. La première concernait la tentative initiale de rachat d’Aer Lingus par
51 Jacques - Philippe GUNTHER, « Affaire Ryanair / Aer Lingus », 5 novembre 2010 52 Décision de la Commission européenne COMP/M. 4439 du 27 juin 2007, Ryanair / Aer Lingus
52
Ryanair en 2007. La deuxième, le projet de rachat d’Aegan Airlines par Olympic Air en
2011. Toutes les décisions d’interdiction ont été prises à l’encontre d’opérations
impliquant deux compagnies aériennes possédant des bases importantes dans le même
aéroport d’attache.
Le risque anticoncurrentiel que pourrait entraîner une telle concentration a poussé la
Commission a interdire l’opération. Mais celle – ci n’est pas allée plus loin que
l’interdiction de la concentration, elle n’a pas pris en compte les risques
anticoncurrentiels induits par la participation détenue par Ryanair dans Aer Lingus.
53
CHAPITRE 2 – UNE DÉCISION DÉFAVORABLE AUX DEUX PARTIES EN PRÉSENCE –
Suite à l’interdiction de la Commission, Ryanair a soulevé plusieurs arguments mais n’a
pas réussi à convaincre des gains d’efficacité que pourrait apporter son opération
(section 1). Au contraire Aer Lingus approuve la décision d’interdiction mais
souhaiterait que la décision aille plus loin en ordonnant la réduction de la prise de
participation de Ryanair dans son entreprise (section 2).
SECTION 1 – L’INSUFFISANTE DÉFENSE DE RYANAIR –
Ryanair a tenté de proposer des mesures correctives et de convaincre des gains
d’efficacité de son opération (§1). Mais ces arguments n’ont pas trouvé grâce aux yeux
de la Commission (§2).
§1. Les mesures correctives proposées par Ryanair
Ryanair argumentait sur la combinaison des forces de ces deux entreprises avec un
certain nationalisme. Ryanair et Aer Lingus étaient présentés comme deux petits joueurs
de rugby contre les trois gros joueurs que sont Air France, Lufthansa et British
Airways53. La Commission avait défini les marchés comme dans tous les cas aériens,
d’une manière que l’on appelle O&D, c’est – à – dire de ville à ville et non pas
d’aéroport à aéroport. Il y avait d’ailleurs eu toute une question relative à la définition
des aéroports substituables, dans la mesure où Ryanair ne vole que vers des aéroports
secondaires, qui selon les cas étaient ou non substituables.
Ryanair avait mis en avant des gains d’efficacité par le transfert de son modèle à bas
coût à Aer Lingus.
53 OLIVIER GUERSENT, directeur des transports, de la poste et autres services, DG concurrence,
Commission européenne
54
Par ailleurs, Ryanair a proposé plusieurs paquets de mesures correctives durant la
procédure. Il a notamment proposé des remèdes sous forme de cession d’un certain
nombre de créneaux. Un « up - front buyer limité 54» avait également été proposé, c’est
le fait de ne pas conclure définitivement la transaction avant que les remèdes n’aient été
effectivement mis en œuvre. Ryanair suggérait également de prendre des engagements
comportementaux comme la réduction des prix court- courriers de 10%, l’élimination
de la surcharge sur le fioul, et le maintien de la marque Aer Lingus.
Dans le paquet final, Ryanair s’engageait principalement à céder à Flybe les activités
d’Aer Lingus sur 43 des liaisons aériennes que toutes deux exploitent et à renoncer au
profit d’IAG/British Airways, aux créneaux de décollage et d’atterrissage sur les
aéroports londoniens, de sorte qu'IAG/British Airways aurait opéré sur trois liaisons
(Dublin – Londres, Shannon – Londres, et Cork – Londres). Flybe et IAG s’engageaient
à exploiter les liaisons concernées pendant trois ans. Des cessions supplémentaires de
créneaux sur les liaisons entre Londres et l’Irlande ont également été proposées.
§2. Des arguments insuffisants aux yeux de la Commission
(Les gains d’efficacité ont été identifiés par des économistes, ce qui a permis de
conclure qu'ils n’étaient pas d’une amplitude suffisante pour contrecarrer les effets
négatifs attendus de la fusion, qui sont ceux d’un quasi – monopole.
Les remèdes ont été jugés insuffisants. Leur flou posait des problèmes de fond et de
forme. La réduction des prix court – courriers est un engagement flou, sans durée et
difficile à quantifier de manière effective. Donner des créneaux sur chacune des 35
routes en situation de monopole ou de quasi – monopole ne réglait pas la question des
barrières à l’entrée pour installer une base à Dublin. Il aurait fallu ouvrir et fermer des
routes en fonction du comportement de l’opérateur leader afin de le contraindre sur les
routes où il est en situation de monopole et où, par hypothèse, les prix augmentent. La
Commission considère qu'il est crucial que le nouvel entrant dispose de cette flexibilité
54 OLIVIER GUERSENT, directeur des transports, de la poste et autres services, DG concurrence,
Commission européenne, actes des ateliers de la concurrence
55
qui permet de faire peser une menace d’entrée à tout moment, sur toutes les routes. Pour
cela, il faut un opérateur d’une taille minimum.
La Commission a rejeté la proposition du « up-front buyer ». D’une part parce cet
engagement était peu clair, et d’autre part parce qu'à la suite d’une enquête de marché
approfondie, elle a pu être convaincue qu'aucun opérateur n’était prêt à rentrer. La
Commission se trouvait face à un engagement flou de la part de Ryanair de ne pas
consommer la transaction avant que les remèdes n’aient été remplis, quand par ailleurs
ces remèdes n’étaient pas d’une magnitude suffisante.
Ces mesures correctives étaient insuffisantes pour écarter tout risque de préjudice pour
la clientèle. La Commission a plus particulièrement constaté que Flybe n’était pas un
acquéreur satisfaisant, capable d’exercer une concurrence suffisante face à l’entité issue
de la concentration. L’enquête a également montré qu'IAG/British Airways n’exercerait
pas une contrainte suffisante sur cette entité et aurait peu de raisons de continuer
d’exploiter les liaisons aériennes concernées au delà de trois ans55.
De plus, la Commission n’a pas été à même de conclure, avec le degré de certitude
voulu, que les engagements proposés pouvaient effectivement être mis en place en
temps utile. Il n’était pas non plus certain qu'ils fonctionnent dans la pratique et sur une
période prolongée. Au cours de l’enquête, la Commission a recueilli l’avis d’un grand
nombre d’acteurs du marché en Irlande et ailleurs, notamment des concurrents, des
clients, des agents de voyage, d’associations de consommateurs, des pouvoirs publics et
d’opérateurs aéroportuaires. Elle a procédé à ces consultations à trois reprises, c’est – à
- dire pour chaque paquet de mesures correctives proposées par Ryanair.
Ces éléments ont conduit la Commission à interdire l’opération, sans pour autant la
persuader des risques de la participation minoritaire détenue par Ryanair.
55 Décision de la Commission européenne COMP/M. 4439 du 27 juin 2007, Ryanair / Aer Lingus
56
SECTION 2 – UNE DÉCISION PRÉSERVANT L’EFFICACITÉ DU MARCHÉ MAIS DÉLAISSANT LES INTÉRÊTS DE L’ENTREPRISE CIBLE -
La décision d’interdiction de la concentration a le mérite de préserver une concurrence
effective et de protéger les consommateurs sur qui les effets anticoncurrentiels qui se
seraient directement répercutés (§1). Toutefois, cette interdiction n’est pas suffisante
pour l’entreprise cible Aer Lingus, qui aurait souhaité que Ryanair se défasse des parts
qu'elle détient dans Aer Lingus (§2).
§1. Une interdiction protectrice du marché et des consommateurs
La Commission a refusé le projet de rachat de la compagnie Aer Lingus par la
compagnie Ryanair car ce rachat aurait pu aboutir au rapprochement des deux
principales compagnies aériennes opérant au départ de l’Irlande. Cette situation aurait
eu un effet négatif direct sur les consommateurs en éliminant la concurrence acharnée
existante entre les deux compagnies, au profit d’une situation de monopole ou de
position dominante. Le choix proposé à la clientèle aurait été réduit, alors que les prix
au contraire auraient augmenté. Les concurrents n’auraient pas constitué une contrainte
suffisante sur le comportement de l’entité née de la concentration56.
De plus, en raison des barrières élevées à l’entrée que cette opération aurait engendré, il
n’y aurait eu aucune chance qu'une nouvelle compagnie entre sur le marché irlandais.
Monsieur Joaquin Almunia, Vice – Président de la Commission européenne et
Commissaire chargé de la concurrence, a déclaré à ce sujet que « la décision de la
Commission protège les quelque 11 millions et plus de passagers irlandais et européens
qui voyagent chaque année à destination ou au départ de Dublin, Cork, Knock et
Shannon et pour qui le rachat d’Aer Lingus par Ryanair aurait plus que probablement
été synonyme de hausse des prix. Au cours de la procédure, Ryanair a eu maintes
occasions de proposer des mesures correctives et de les améliorer. Néanmoins, ses
56 Jacques - Philippe GUNTHER, « Affaire Ryanair / Aer Lingus », 5 novembre 2010
57
propositions ne permettaient tout simplement pas de remédier aux très graves
problèmes de concurrence que l’opération aurait posés sur pas moins de 46 liaisons
aériennes. »57.
§2. Une décision négligeant les intérêts de l’entreprise cible
Pendant la procédure qui a conduit à la décision d’interdiction et à la suite de cette
décision, Aer Lingus a demandé à la Commission, sur le fondement du droit des
concentrations, articles 8.458 et 8.559, d’enjoindre à Ryanair de se défaire de la totalité
de ses actions d’Aer Lingus. La Commission a refusé de faire droit à cette demande
dans une décision du 11 octobre 2007, en indiquant qu'il n’était pas en son pouvoir dans
le cadre d’un règlement sur les concentrations, d’ordonner à Ryanair de se défaire de sa
participation alors que l’acquisition prévue n’avait pas été réalisée et que Ryanair ne
détenait qu'une participation minoritaire qui ne lui permettait pas d’exercer un contrôle,
de jure ou de facto, sur Aer Lingus. Sa participation ne lui conférant pas une influence
déterminante sur Aer Lingus, aucune décision de désinvestissement n’a été imposé à
Ryanair.
Aer Lingus a introduit un recours contre cette décision devant le Tribunal. Par
ordonnance du Tribunal du 18 mars 2008, le Président du Tribunal a rejeté la demande
présentée en parallèle par Aer Lingus afin d’obtenir des mesures provisoires pour
empêcher Ryanair d’exercer ses droits de vote.
57 Commission européenne, communiqué de presse, « Concentrations : la Commission interdit à Ryanair
de prendre le contrôle de Aer Lingus », Bruxelles le 27 février 2013 58 Si la Commission constate qu'une concentration déclarée incompatible a déjà été réalisée, la Commission peut imposer la « déconcentration » et « toute mesure appropriée ». 59 La Commission peut adopter des mesures provisoires pour rétablir une concurrence effective lorsqu’une opération a déjà été réalisée et qu'elle est incompatible.
58
CONCLUSION TITRE 1
Au regard des risques anticoncurrentiels qui seraient engendrés par la concentration,
Ryanair n’a pas su apporter des éléments suffisamment rassurant pour la Commission,
cette dernière a interdit à juste titre cette opération, protégeant ainsi la concurrence
effective et les consommateurs. Néanmoins elle n’a pas pris en compte les intérêts de
l’entreprise visée par l’OPA, en particulier les dangers que peut comporter l’importante
prise de participation minoritaire détenue par Ryanair dans l’entreprise cible.
Pour ces raisons, la décision de la Commission n’est satisfaisante ni pour l’entreprise
offensive Ryanair, ni pour l’entreprise cible Aer Lingus.
TITRE 2 – UNE DÉCISION INCOMPLÈTE RELANÇANT LE DÉBAT SUR LA RÉFORME DU CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS
La décision d’interdiction de la Commission est louable, mais le fait qu'elle ne se
déclare pas compétente pour trancher sur la participation minoritaire au titre du contrôle
des concentrations est regrettable et pourtant soutenue par le Tribunal de l’Union
européenne (chapitre 1). Cette critique relance le débat quant à une réforme du contrôle
des concentrations pour l’étendre aux participations minoritaires (chapitre 2).
CHAPITRE 1 – UNE DÉCISION PARTIELLEMENT CRITIQUABLE MAIS SOUTENUE PAR LE TRIBUNAL DE L’UNION EUROPÉENNE -
La décision de la Commission est critiquable en raison de la fragilité de la justification
de son refus d’ordonner la réduction des participations de Ryanair dans Aer Lingus
(section 1). Cette solution est d’autant plus regrettable qu'elle a été reprise par le
Tribunal de l’Union européenne (section 2).
59
SECTION 1 – LA FRAGILITÉ DE LA JUSTIFICATION DU REFUS D’ORDONNER LA RÉDUCTION DES PARTICIPATIONS DE RYANAIR DANS AER LINGUS -
La Commission refuse d’ordonner la réduction de la prise de participation minoritaire
de Ryanair dans sa principale concurrente Aer Lingus (§1). Elle justifie sa décision par
la possibilité de prendre en compte ces participations à travers les pratiques
anticoncurrentielles notamment l’article 101 TFUE, ce qui n’est pas une justification
convaincante (§2).
§1. Le refus de la Commission d’ordonner la réduction de la participation minoritaire de Ryanair dans Aer Lingus
La Commission a rappelé que la prise de participation minoritaire préexistait à
l’opération de concentration et que en tant que telle, elle ne pouvait pas être examinée
sous l’angle du règlement de concentration. Mais dès lors que Ryanair avait lancé une
offre sur l’ensemble du capital, ces premières actions étaient appelées à faire partie du
bloc de contrôle.
La décision d’interdiction ayant eu pour effet d’empêcher Ryanair de réaliser son OPA,
elle a également eu pour effet de déconnecter la prise de participation minoritaire du
contrôle. Les parties se retrouvant dans la même situation qu'avant que Ryanair ne lance
l’opération.
La Commission en a conclu, que si elle devait adopter un autre raisonnement, ce serait
celui d’étendre le champ d’application du règlement sur le contrôle des concentrations à
toutes les prises de participations minoritaires ayant été liée à un moment ou un autre à
une tentative de prise de contrôle60.
Aux termes du règlement sur les concentrations, l’acquisition d’une participation qui ne
confère pas, en tant que telle, le contrôle d’une société, c’est – à – dire donnant la
possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité de l’entreprise, ne
60 Actes des ateliers de la concurrence, « rapprochements d’entreprises non notifiables : les zones grises
du droit de la concurrence », 9 décembre 2008
60
constitue pas une concentration réputée réalisée et visée par le règlement.
En l’absence de prise de contrôle effective d’Aer Lingus par Ryanair, la participation de
cette dernière ne peut être assimilée à une concentration déjà réalisée qui donnerait le
droit à la Commission d’agir. Le Tribunal en conclut que la Commission a justifié sa
décision de ne pas ordonner à Ryanair de se défaire de sa participation dans Aer Lingus.
Ryanair détenait une participation minoritaire de 25,17% dans Aer Lingus avant de
lancer son offre. Or dans sa décision, la Commission a considéré que l’ensemble des
actions détenues par Ryanair était susceptible de constituer le bloc de contrôle. La
Commission ne fait donc pas de distinction entre les actions acquises avant et celles
acquises après.
La question se pose alors de savoir si Ryanair détient suffisamment d’actions pour
exercer un contrôle effectif sur Aer Lingus.
En prenant cette décision, la Commission a indiqué de manière informelle à Ryanair et à
Aer Lingus, qu'elle estime ne pas disposer des pouvoirs d’enjoindre à Ryanair de
désinvestir les 25,17% que Ryanair détenait dans Aer Lingus avant de lancer son offre.
Ryanair a profité de cette interprétation pour monter dans l’actionnariat de Aer Lingus
jusqu’à 29,44%. La situation juridique ne changeant qu'à partir de 30% d’actionnariat,
cela a permis à Ryanair de bénéficier de différents pouvoirs supplémentaires en tant
qu'actionnaire minoritaire offerts par le droit des sociétés irlandais61.
À partir de cette décision d’interdiction, Ryanair est devenu un actionnaire minoritaire
très actif dans Aer Lingus. Il a notamment demandé la convocation de l’Assemblée
Générale et s’est opposé à des résolutions proposées par le conseil d’administration62.
En tant qu'entreprise concurrente, Aer Lingus perçoit la prise de participation de
Ryanair comme une immixtion suivant la stratégie du « cheval de Troie ».
61 Actes des ateliers de la concurrence, « rapprochements d’entreprises non notifiables : les zones grises du droit de la concurrence », 9 décembre 2008 62 Allen & Overy, « Participations minoritaires : quel effet sur l’analyse de concurrence ? », 27 mars
2013
61
C’est dans ce contexte que Aer Lingus a demandé à la Commission d’ouvrir une
procédure sur le fondement de l’article 8.4 du règlement concentration, d’adopter les
mesures intérimaires prévues par l’article 8.5 de ce même règlement.
Le 10 novembre 2007, la Commission rejette toutes les requêtes d’Aer Lingus, qui a
interjeté appel de cette décision et qui a demandé des mesures provisoires au président
du Tribunal de première instance.
L’article 8.4 du règlement est habituellement utilisé pour permettre à la Commission de
dissoudre des concentrations effectivement mises en œuvre. L’article 8.5 permet à la
Commission d’ordonner des mesures intérimaires, mais là encore, lorsque la
concentration a déjà été réalisée.
Aer Lingus soutient que l’achat des 25,17% par Ryanair constituait une mise en œuvre
partielle de la concentration et que c’était sur cette base qu'était lancée l’offre en bourse.
De plus, comme la Commission a considéré que cet actionnariat minoritaire faisait
partie du bloc de contrôle potentiel, elle devrait considérer que l’achat était une mise en
œuvre partielle, et que par conséquent, elle a le pouvoir d’ordonner son
désinvestissement63.
Par ailleurs, Aer Lingus soutient que l’actionnariat minoritaire de Ryanair a une
influence négative sur la concurrence. Si la Commission continuait de constater qu'elle
n’est pas en mesure d’enjoindre des désinvestissements de la participation minoritaire, il
y aurait une lacune dans le système communautaire de contrôle des concentrations.
Enfin, Aer Lingus s’est inspiré d’une autre affaire relative à la question de savoir si les
positions dominantes oligopolistiques64 étaient ou non couvertes par l’article 2 du
règlement concentration. Dans cette affaire Nestlé, la Cour avait estimé que prendre une
63 Actes des ateliers de la concurrence, « rapprochements d’entreprises non notifiables : les zones grises du droit de la concurrence », 9 décembre 2008 64 Actes des ateliers de la concurrence, « rapprochements d’entreprises non notifiables : les zones grises du droit de la concurrence », 9 décembre 2008
62
interprétation trop étroite du règlement de concentration reviendrait à mettre en danger
l’efficacité du contrôle communautaire.
Sur la notion de « mise en œuvre partielle », la Commission estime qu'en matière
répressive, les principes généraux du droit communautaire conduisent à une
interprétation restrictive65. Les articles 8.4 et 8.5 du règlement concentration, impliquent
la nécessaire mise en œuvre de la concentration. En d’autres termes, il faut que le
contrôle ait été effectivement acquis.
La Commission affirme qu'il n’y a pas de lacune dans le système communautaire de
concurrence, car selon elle, les effets négatifs éventuels de la prise de participation
minoritaire seraient toujours susceptibles d’être appréhendés sous l’angle des articles
101 et 102 TFUE.
§2. L’inadaptation du contrôle des pratiques anticoncurrentielles à l’espèce
Comme cela a été expliqué, les pratiques anticoncurrentielles ne sont pas toujours un
biais approprié pour appréhender les participations minoritaires et cette affaire est
l’exemple pratique de l’inadaptation du contrôle des pratiques anticoncurrentielles aux
prises de participation minoritaires.
Cette affaire est différente de l’affaire Philip Morris dans laquelle le juge avait
considéré que sur la base de la participation minoritaire, les deux entreprises avaient mis
en place des éléments de stratégie commune, sur lesquels il y avait un accord. Ce n’est
pas le cas entre Ryanair et Aer Lingus, au contraire, ils ne sont d’accord sur rien. Si la
prise de participation minoritaire était contrôlée au titre de l’article 101 TFUE, il serait
constaté que Ryanair utilise sa participation minoritaire pour entraver autant que
possible les mécanismes d’Aer Lingus. Il existe alors un antagonisme, une concurrence
65 Décision de la Commission du 30 janvier 2002, portant mesures destinées à rétablir une concurrence
effective conformément à l’article 8 paragraphe 4 du règlement CEE n°4064/89 du Conseil
63
acharnée, et des désaccords entre les deux parties. Ceci poserait une difficulté majeure à
contrôler la participation minoritaire sous l’angle des ententes.
Ainsi, si une situation de la vie des affaires ne tombe ni sous le coup de l’article 101, ni
sous celui de l’article 102, ni sous celui du règlement sur le contrôle des concentrations,
il est possible de dire que le droit de la concurrence comporte une lacune.
Un autre élément aurait pu être soulevé par Aer Lingus, celui de la politique de la
Commission lorsqu’elle traite des remèdes à une opération de concentration66. Dans ce
genre d’hypothèse, elle conditionne son autorisation au désinvestissement des actifs qui
génèrent les activités constituant le chevauchement de parts de marché qui créent le
problème de concurrence. La Commission n’admet pas que l’entreprise venderesse
conserve une marge de manœuvre dans l’entreprise concurrente en conservant une
participation minoritaire. Le remède doit « restituer une concurrence effective viable et
de long terme67 ». Or, si la Commission autorise la conservation d’une participation
minoritaire importante alors que les parties fusionnantes doivent désinvestir pour régler
les problèmes de concurrence, il y a des doutes sur la viabilité de ce nouvel entrant
comme concurrent effectif, susceptible de remplacer la pression concurrentielle perdue
à travers l’opération de concentration.
L’état du droit communautaire actuel ne permet pas de se préoccuper de ce genre
d’affaires dans la mesure où il ne s’agit ni d’une entente, ni d’un abus de position
dominante, ni d’une question de concentration.
Le refus de la Commission de remettre en cause les participations minoritaires est
soutenu par le Tribunal de l’Union européenne68.
66 Olivier Guersent, DG concurrence, Commission européenne 67 Olivier Guersent, DG concurrence, Commission européenne 68 Tribunal UE, 6 juillet 2010, Aer Lingus Group contre Commission, T-411/07
64
SECTION 2 – UNE SOLUTION REPRISE PAR LE TRIBUNAL DE L’UNION EUROPÉENNE -
Le raisonnement du Tribunal de l’Union européenne est en adéquation avec celui de la
Commission (§1) ce qui explique que sa décision soit confortée par ce dernier (§2).
§1. Le raisonnement du Tribunal de l’Union européenne
Le 6 juillet 2010, le Tribunal de l’Union européenne confirme les deux décisions de la
Commission. Il rejette les recours introduits par Ryanair et par Aer Lingus.
En ce qui concerne la décision d’interdiction, le Tribunal rejette la thèse de l’erreur
manifeste d’appréciation, et constate qu'aucun argument présenté par Ryanair n’est
susceptible de remettre en cause les constatations effectuées par la Commission dans
cette décision, aux termes desquels la réalisation de la concentration entraverait
considérablement une concurrence effective du fait de la création d’une position
dominante sur plusieurs marchés à partir ou à destination de Dublin, de Cork et de
Shannon69. Ces positions dominantes sont soit monopolistiques soit très importantes et
suffisent en tant que telles, à valider la conclusion de la Commission selon laquelle la
réalisation de la concentration doit être déclarée incompatible avec le marché commun.
En outre, Ryanair n’a pas exposé d’arguments susceptibles de remettre en cause
l’appréciation de la Commission selon laquelle les engagements présentés lors de la
procédure administrative certains très tardivement ne seraient pas aptes à répondre
d’une manière viable et durable aux entraves à la concurrence résultant de la
concentration.
69 Tribunal UE, 6 juillet 2010, Aer Lingus Group contre Commission, T-411/07
65
§2. Le Tribunal de l’Union en accord avec la Commission
Sur le recours d’Aer Lingus visant à l’annulation de la décision du 11 octobre 2007
ayant refusé d’ordonner à Ryanair de céder sa participation dans Aer Lingus : le TUE
considère que seule la caractérisation d’une influence déterminante de Ryanair sur Aer
Lingus pourrait être considérer come une concentration.
Techniquement, il n’y a pas eu de « concentration » réalisée puisqu’il n’y a pas eu prise
de contrôle, une impossibilité d’exercer une influence déterminante. La Commission ne
peut donc pas imposer une mesure de « déconcentration ».
La Commission ne dispose pas, à l’inverse d’autres autorités, du droit de contrôler les
participations minoritaires sur la base du règlement relatif au contrôle des
concentrations.
Aer Lingus n’a fourni aucune preuve quant à un échange d’informations confidentielles,
sur le plan stratégique d’Aer Lingus avec Ryanair. Même si cette hypothèse était
vérifiée, elle relèverait de l’article 101 TFUE70.
Le Tribunal rejette l’argument selon lequel Ryanair aurait perdu toute incitation à
concurrencer Aer Lingus en en devenant actionnaire puisque selon lui, depuis sa prise
de participation, Ryanair est entré en concurrence avec Aer Lingus sur 4 nouvelles
zones et a augmenté la fréquence de ses vols sur 6 autres liaisons.
La remise en cause du refus d’ordonner la réduction des participations détenues par
Ryanair au sein de l’entreprise concurrente et la reprise de l’affaire par l’OFT relance la
discussion relative à un projet de réforme du contrôle qui permettrait d’appréhender
plus facilement les prises de participations minoritaires.
70 Tribunal UE, 6 juillet 2010, Aer Lingus Group contre Commission, T-411/07
66
CHAPITRE 2 – LA LÉGITIMITÉ DE LA RÉFLEXION SUR UN PROJET DE RÉFORME DU CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS -
La reprise de cette affaire par l’OFT démontre la lacune au sein le contrôle des
concentrations communautaire (section 1) et relance la réflexion sur un projet
d’extension du contrôle des concentrations aux prises de participations minoritaires
(section 2).
SECTION 1 – UN DÉBAT RELANCÉ PAR L’OFT –
L’OFT qui se saisit de l’affaire Ryanair / Aer Lingus souligne l’importance de surveiller
les prises de participations minoritaires (§1). Toutefois, l’importance de l’absence de
contrôle des prises de participations minoritaires dans le droit communautaire est à
relativiser.
§1. L’OFT repose la question de l’élargissement du contrôle des concentrations aux prises de participation minoritaires
Le 29 octobre 2010, l’OFT annonce qu'elle s’auto – saisit du dossier au titre des règles
sur le contrôle des concentrations, notamment en vertu du test de Material Influence »
sur les 29,82% toujours détenus par Ryanair.
Deux questions sont posées par l’OFT71 :
• Est ce que Ryanair dispose d’une « material influence » et si oui, l’OFT est – il
encore recevable à agir. Sachant que le délai qui est de 4 mois à compter de
l’annonce de l’opération, peut être écarté si l’OFT a été bloqué dans son action
par une circonstance relevant du règlement européen relatif au contrôle des
concentrations. En l’espèce le Tribunal de l’Union européenne venait de statuer
en juillet 2010, sur le rejet de deux moyens tirés d’articles du règlement
européen. 71 UK Competition Appeal Tribunal, 28 juillet 2011, décision n01174/1/11, Ryanair Holdings plc v. OFT
67
• En cas de réduction significative de concurrence, l’OFT pourra saisir la
Competition Commission anglaise.
Concernant la « material influence », l’OFT dispose d’un début de piste, Ryanair ayant
déjà fait usage de son droit de véto en Assemblée Générale grâce à ses 25%, il a bloqué
la possibilité pour Aer Lingus d’émettre des actions sans octroyer de droit de
préemption pour les actionnaires actuels.
Les solutions non formulées par la Commission, mais que pourrait préconiser l’OFT
seraient les suivantes72 :
• une diminution de la participation de Ryanair à un niveau très inférieur. Comme
cela avait été ordonné dans l’affaire BskyB qui a réduit sa participation à 7,5%
dans ITV.
• La cession des liaisons problématiques, pour autant que les acheteurs soient
intéressés, la Commission avait relevé l’absence d’intérêt des tiers pour
l’acquisition de ces liaisons.
L’OFT et l’OCDE ont donné un certain écho à ce débat en publiant des études
détaillées sur le sujet.
Aer Lingus dénonçant les effets anticoncurrentiels de la présence de Ryanair parmi
ses actionnaires, l’OFT a annoncé le 28 octobre 2010, l’ouverture d’une enquête.
« L’Enterprise Act » de 2002 lui donne la possibilité de soumettre au contrôle des
concentrations les participations non contrôlantes au sens du règlement
communautaire n°139/2004, dès lors qu'elles permettent d’influencer matériellement
la politique d’une entreprise. Quatre ans après l’acquisition de la participation,
l’OFT est toujours compétente puisque le contentieux communautaire a suspendu
les délais d’application du droit national.
72 Jacques - Philippe GUNTHER, « Affaire Ryanair / Aer Lingus », 5 novembre 2010
68
§2. La gravite du vide juridique à relativiser
Le droit de la concurrence n’appréhende les participations minoritaires non contrôlantes
que de façon limitée, toutefois cela n’implique pas qu'il soit opportun de rendre
systématique un contrôle ex ante de ces participations.
En dépit des lacunes du contrôle indirect qui ont été exposées, on peut s’interroger sur
l’opportunité pour les autorités de concurrence de contrôler préventivement les
participations minoritaires non contrôlantes au titre du contrôle des concentrations.
Une telle réforme pourrait substantiellement alourdir la charge administrative des
entreprises et des autorités de concurrences.
De plus il ne faut pas oublier que le contrôle ex ante est un outil exceptionnel et les
prises de participations minoritaires ne sont pas plus difficiles à détecter que d’autres
pratiques qui, elles non plus, ne sont pas saisies ex ante73.
Le droit des concentrations ne s’applique que lorsque les participations confèrent un
contrôle actif sur l’entreprise. L’indicateur principal est celui du droit de veto sur les
décisions stratégiques alors que la théorie économique montre que certaines prises de
participations minoritaires qui ne confèrent pas de contrôle sont susceptibles de produire
des effets anticoncurrentiels. L’élargissement du champ des opérations contrôlable est
donc économiquement justifié mais difficile à mettre en place.
SECTION 2 – UNE RÉFORME UTILE MAIS DIFFICILE À METTRE EN PLACE-
Certes l’élargissement d’un contrôle ex ante normalement exceptionnel emporterait des
complications d’ordre pratique (§1), toutefois il est possible de s’attacher à déterminer
des critères facilitant la sélection des prises de participations minoritaires qu'il serait
nécessaire d’appréhender (§2).
73 Éric Barbier de la Serre, faut – il contrôler ex ante les participations minoritaires ne donnant pas lieu à contrôle, quelques raisons d’être sceptique
69
§1. Les conséquences d’un élargissement d’un contrôle ex ante normalement exceptionnel
Il convient également de tenir compte de l’alourdissement du coût supporté par les
autorités de la concurrence pour mener leurs missions. Il faut arbitrer entre les résultats
attendus d’un contrôle élargi aux prises de participations minoritaires, et les coûts que
cela ferait peser tant du côté des autorités de la concurrence en termes de moyens
humains et financiers pour instruire ces dossiers, que du côté des entreprises.
Le contrôle ex ante au titre des concentrations constitue certes une contrainte en raison
de sa lourdeur. Mais c’est aussi un privilège, en raison de la sécurité juridique qu'il
apporte aux parties notifiantes74. Au sein du droit de la concurrence, un contrôle ex ante
apparaît d’autant plus exceptionnel depuis l’entrée en vigueur du règlement n°1/2003
qui a mis fin au régime de notification des accords.
Or, si les opérations de concentration bénéficient ou subissent un tel régime
exceptionnel, « c’est en raison de leur effet structurel sur le marché »75. La justification
première du contrôle a priori est la difficulté qu'il y a à défaire les modifications
structurelles de la situation concurrentielle. C’est ce que rappelle le règlement
n°139/2004 : « Il est utile de définir la notion de concentration de telle sorte qu'elle
couvre les opérations entraînant un changement durable du contrôle des entreprises
concernées et donc de la structure du marché ». Ou encore les lignes directrices de
l’Autorité de la concurrence : « Toute opération dès l’instant où elle constitue une
concentration économique, changeant la structure des marchés, doit être soumise au
contrôle ».
Certes, cela reste excessif d’assimiler les modifications de la structure du marché aux
seuls changements de contrôle. Toutefois on élargissait le contrôle, beaucoup d’autres
accords qui ne constituent pas non plus des concentrations, comme par exemple les
74 Éric Barbier de la Serre, faut – il contrôler ex ante les participations minoritaires ne donnant pas lieu à contrôle, quelques raisons d’être sceptique 75 Eric Morgan de Rivery, avocat Jones Day, Paris, Revue Concurrences n°1-‐2012
70
réseaux de distribution, devraient également être considérés comme entraînant une
modification de la structure du marché. Pour le moment on entend peu de voix s’élever
contre l’absence de contrôle ex ante à leur égard.
Il pourrait être également opposé le fait que souvent les participations minoritaires ne
donnant pas lieu à contrôle ne sont pas plus difficiles à défaire que certains accords
complexes qui ne donnent pas lieu à examen préalable des autorités de concurrence. Un
accord important comme celui d’un réseau de distribution européen, ne donne pas lieu à
notification est probablement plus compliqué à défaire que l’acquisition d’une
participation minoritaire.
Dans les autres hypothèses comme celle d’un réseau de distribution, seules les parties
désireuses de sécurité juridique demandent que ces accords fassent l’objet d’un contrôle
ex ante. Personne d’autre ne le fait car en pratique, contrairement à certaines prises de
participations minoritaires, ces autres accords ne donnent pas lieu à des batailles
boursières par lesquelles certaines parties peuvent instrumentaliser la procédure de
contrôle des concentrations pour bloquer ou retarder une opération76.
Les participations minoritaires ne sont pas plus difficiles à détecter que d’autres
pratiques, qui elles non plus ne sont pas saisies ex ante :
Il faut relativiser la difficulté de détection des infractions pouvant résulter des
participations minoritaires ne donnant pas lieu à contrôle. Elles ne sont pas moins
visibles que d’autres accords potentiellement problématiques qui eux non plus ne
donnent pas lieu à notification. Ces participations sont d’ailleurs plus exposées que
d’autres accords, elles peuvent être constatées dans les statuts des sociétés, voire pour
les sociétés cotées lorsqu’elles sont déclarées aux autorités boursières et donc au
marché.
76 76 Eric Morgan de Rivery, avocat Jones Day, Paris, Revue Concurrences n°1-‐2012
71
§2. De nouveaux critères de contrôle à définir
La question se pose de savoir quel contrôle serait adéquat. Faut – il fixer un seuil de
niveau de participation ? Un critère fondé sur l’influence matérielle que le détenteur
aurait sur la cible ? Un critère fondé sur le pourcentage de vote ? Faut – il un test
qualitatif des risques liés à la prise de participation ?
L’extension du contrôle aux prises de participation doit – il nécessairement être ex ante,
ou peut – il se faire ex post ? Un contrôle ex ante accroît le coût du contrôle.
Un contrôle ex post accroît l’incertitude, car il irait à l’encontre de la sécurité juridique
que recherchent les entreprises soucieuses de mener à bien leurs opérations.
Il est indispensable de définir des principes clairs avant de modifier les règles afin de
donner suffisamment de visibilité et de sécurité juridique aux opérateurs économiques.
I / Des critères de sélection difficiles à déterminer
Savoir si une prise de participation minoritaire confère ou non une influence
déterminante est sujette à des analyses divergentes entre les entreprises concernées et
les autorités de concurrence. Or cette question détermine l’obligation de notifier les
opérations concernées ou l’identification des personnes auxquelles incombe la
notification, il est donc souhaitable pour une question de sécurité juridique, qu'une
définition des opérations de concentrations notifiables soit aisément accessible et
compréhensible. Cela permettrait d’éviter des contestations. Cette définition pourrait
être apportée par la fixation d’un seuil de participation au-delà duquel les opérations
seraient contrôlables77.
Il serait difficile de déterminer un test adéquat pour la notification des prises de
participations minoritaires. Il serait possible d’établir un seuil quantitatif, en
pourcentages de participations, mais il risquerait de viser soit trop, soit trop peu de
77 Allen & Overy, « Participations minoritaires : quel effet sur l’analyse de concurrence ? », 27 mars
2013
72
prises de participations. La possibilité d’un test qualitatif est rendue difficile par le fait
qu'il est déjà délicat de saisir si une participation minoritaire donne lieu à contrôle, il
serait encore plus complexe de déterminer avec suffisamment de sécurité juridique ce
qu'est une participation minoritaire significative d’un point de vue concurrentiel.
Le test risquerait d’être trop lâche ou trop sévère. Il pourrait également s’avérer trop
flottant ou imprévisible. Le jeu en vaut – il la chandelle au regard de la charge
administrative que cela ajouterait aux entreprises et aux autorités de concurrence ?
II / Des critères de sélection envisageables
Il serait tout de même utile de réfléchir à la définition de critères plus larges que le
critère actuel du droit de veto pour déterminer si la prise de participation est contrôlante
ou non. Comme cela a été développé, une entreprise peut exercer une influence
importante sur les choix stratégiques de l’entreprise dans laquelle elle a une
participation minoritaire, même si elle ne dispose pas d’un droit de veto sur les
décisions.
Il existe un vide juridique, même si la pratique décisionnelle des autorités de
concurrence démontre que celles – ci interprètent largement la notion de contrôle, qui
peut saisir des participations minoritaires peu élevées. Les mailles du contrôle des
concentrations sont quand même serrées, et si des participations minoritaires passaient à
travers les mailles du filet, il serait opportun de poser des conditions afin de déterminer
celles qui mériteraient d’être examinées.
Un tel contrôle se justifie si il est basé sur des critères suffisamment précis.
Des conditions ont été proposées par des avocats et des économistes78, au regard de ce
qui a été développé, selon eux il faudrait :
78 Éric Barbier, avocat Jones Day, Paris, Revue Concurrences n°1-‐2012
73
-‐ Que la prise de participation pose un réel problème de concurrence
-‐ Que le droit des ententes soit difficilement applicable par exemple pour cause
d’absence d’accords entre les entreprises en raison de l’hostilité entre le
détenteur de la participation et la cible, comme c’est le cas dans l’affaire Ryanair
et Aer Lingus.
-‐ Que le contrôle résiduel ex ante comme celui exercé en Allemagne, et le
contrôle ex post par le biais des articles 101 et 102 ne soit pas opératoire.
Reste la question de savoir si ces hypothèses sont assez nombreuses pour utiliser le
contrôle ex ante sur les participations minoritaires non contrôlantes sans que cela ne soit
disproportionné.
Une dernière solution qui pourrait être proposée serait celle inspirée du modèle
britannique, fixer un pourcentage à partir duquel l’autorité de concurrence peut se
déclarer compétente ex post.
Il faudrait également établir un bilan coûts – avantages pour savoir si les problèmes de
concurrence qu'il n’est pas possible d’appréhender pourraient l’être par d’autres
moyens. Ce bilan pourrait également comporter un volet qui permettrait de mettre en
balance la gravité des problèmes de concurrence identifiés avec les coûts d’une
extension du contrôle des concentrations. En d’autres termes, il faut trouver l’équilibre
entre la charge administrative et le besoin de sécurité juridique79.
Si un renforcement du contrôle est nécessaire, la définition des opérations concernées
sera essentielle. Recourir à des notions telles que la capacité à influencer matériellement
la politique de l’entreprise, ou l’exercice d’une influence concurrentielle décisive, ne
permet toujours pas de prendre en compte les incitations du minoritaire liées à sa
participation aux bénéfices de l’entreprise. La définition d’un seuil de participation au-
delà duquel les opérations doivent être notifiées est délicate. Si ce seuil est trop élevé il
sera très proche des opérations déjà considérées comme contrôlables. Si ce seuil est trop
bas, le coût du renforcement du contrôle dans un système de notification obligatoire 79 Éric Barbier de la Serre, faut – il contrôler ex ante les participations minoritaires ne donnant pas lieu à contrôle, quelques raisons d’être sceptique
74
risque d’être trop élevé. Une sélection des opérations sur la base de critères
économiques tels que la présence sur des marchés concurrents ou connexes pourrait être
envisagé mais elle se voit habituellement reprocher un manque de simplicité.
Il reste possible d’imaginer des solutions combinant ces critères ou insérant des
dispositions dérogatoires pour les participations minoritaires dans un système de
notification obligatoire.
La marge de manœuvre est réduite. D’une part, sur la légitimité de l’examen en ante des
prises de participations minoritaires, celui – ci risque de se voir opposer la liberté
d’entreprendre. Le champ d’application d’une procédure d’autorisation doit rester
restreint. D’autre part, pour préserver une sécurité juridique, il est nécessaire d’adopter
des critères clairs pour étendre le contrôle des concentrations à ces prises de
participations. Or, comme l’a souligné l’économiste Gildas de Muizon, « l’analyse des
prises de participations minoritaires doit être effectuée au cas par cas, ce qui rend
particulièrement périlleux l’exercice de définition d’un critère économiquement
pertinent »80 . Le modèle allemand qui est fondé sur un niveau de participation
capitalistique ou en droits de vote semble le seul envisageable. Même si il garde comme
tout critère, une part d’arbitraire et d’incertitude.
Il est nécessaire de définir des règles claires pour éviter la multiplication des
consultations informelles de la part des entreprises à la recherche de sécurité juridique.
Enfin, il faudrait limiter l’extension des opérations contrôlables en tenant compte de la
structure des industries, en particulier de leur degré de concentration préalablement à la
prise de participation.
80 Revue Lamy de la concurrence, octobre – décembre 2012, n°33, dialogue avocat – économiste
75
CONCLUSION TITRE 2
Le refus de la Commission d’ordonner la réduction de la participation de Ryanair n’est
pas correctement justifié en raison de l’inadaptation du contrôle par le biais de l’article
101 TFUE aux prises de participations minoritaires. Le fait que le Tribunal de l’Union
européenne soit d’accord avec la Commission n’empêche pas à cette décision d’être
critiquable. D’ailleurs la reprise de l’affaire par l’OFT est la preuve de l’importance de
l’impact des prises de participations minoritaires sur le jeu de la concurrence, et redonne
une dimension au débat sur un projet de réforme du contrôle des concentrations afin de
l’étendre aux prises de participations minoritaires. Certes une telle réforme serait
difficile à mettre en place, mais elle ne serait pas impossible à condition de passer par
une réflexion sérieuse sur les critères à définir pour appréhender de manière claire les
participations minoritaires susceptibles de faire l’objet d’un contrôle.
CONCLUSION PARTIE 2
L’affaire Ryanair / Aer Lingus est l’illustration pratique des conséquences de la lacune
du contrôle des concentrations qui ne prend pas en compte les prises de participations
minoritaires, délaissant ainsi les entreprises mises en danger par leurs concurrentes qui
tout en prenant le soin de rester minoritaires, en détiennent d’importantes parts. En
s’insérant dans l’entreprise rivale, Ryanair a la possibilité de garder un œil sur la
stratégie d’Aer Lingus, et réussit à obtenir des informations ou à prendre des décisions
pour mieux bloquer le développement de sa rivale.
Si l’interdiction d’une opération offensive et hostile comme l’OPA paraît évidente,
Ryanair sait que sa prise de participation au sein d’Aer Lingus ne sera pas remise en
cause, et cela lui permet de continuer plus discrètement d’ajuster son propre
comportement et d’influencer sa concurrente.
C’est le manque de sévérité de la décision de la Commission, suivie par le Tribunal de
l’Union européenne sur les prises de participations minoritaires qui soulève
inévitablement la question de l’extension du contrôle des concentrations à ces dernières.
76
CONCLUSION GÉNÉRALE La multiplication considérable des opérations de fusions, de concentrations, est l’une
des conséquences les plus tangibles de la globalisation des échanges81. L’ouverture des
marchés nationaux a entraîné une explosion des regroupements dans tous les secteurs.
L’influence du droit de la concurrence sur le plan international est indéniable. « Le droit
de la concurrence est un exemple remarquable de la mondialisation du droit tant dans
ses normes que dans ses procédures82 ».
L’objectif de la question posée dans ce mémoire, à savoir si il faut ou non élargir le
contrôle des concentrations aux prises de participations minoritaires, est de soulever les
idées qui permettraient de préserver une concurrence effective.
La concurrence effective génère des avantages pour les consommateurs, comme des
prix moins élevés, des produits de qualité, un grand choix de biens et de services, et
l’innovation. Grâce au contrôle qu'elle exerce sur les opérations de concentration, la
Commission empêche la réalisation des opérations qui priveraient les clients de ces
avantages en augmentant significativement le pouvoir de marché de certaines
entreprises. Dans ce contexte, « augmentation du pouvoir de marché » renvoie à la
capacité d’une ou plusieurs entreprises à augmenter en leur faveur les prix, réduire la
production, le choix ou la qualité des biens et des services, diminuer l’innovation ou
exercer, d’une autre manière, une influence négative sur les facteurs de la concurrence.
Les concentrations horizontales sont les plus susceptibles de créer des problèmes sur la
concurrence. Elles sont susceptibles d’entraîner l’élimination de la concurrence directe
entre les parties à la concentration sur le même marché en cause. Elles risquent
également de créer ou de renforcer une position dominante.
Une concentration peut modifier la capacité et l’incitation des parties à la concentration
et de leurs concurrents à, justement, se concurrencer, portant en cela préjudice aux
consommateurs.
81 Laurence Idot, « Mondialisation, liberté et régulation de la concurrence, Le contrôle des concentrations» 82 G. Fargat, « Les pouvoirs privés économiques »
77
Une concentration peut créer des effets non coordonnés, en entraînant un verrouillage
anticoncurrentiel du marché. C’est – à – dire que la concentration entrave ou ferme
l’accès des entreprises rivales existantes ou potentielles aux sources
d’approvisionnement ou aux débouchés, réduisant ainsi leur capacité ou leur incitation à
animer la concurrence.
Une concentration peut également créer des effets coordonnés en changeant la nature de
la concurrence, les entreprises étant beaucoup plus susceptibles de coordonner leurs
comportements pour augmenter leurs prix ou porter atteinte à la concurrence.
Dans le cadre de l’appréciation des effets anticoncurrentiels d’une opération de
concentration, les autorités de concurrence comparent les conditions de concurrence
telles qu'elles résulteraient de l’opération notifiée avec celles que connaîtrait le marché
si la concentration n’avait pas lieu. Elles peuvent tenir compte de l’évolution future du
marché raisonnablement prévisible, notamment rechercher la probabilité que des
entreprises entrent sur le marché ou en sortent si l’opération n’avait pas lieu. Plus les
effets anticoncurrentiels de l’opération de concentration sont immédiats et directs, plus
il est probable que les autorités soulèvent des problèmes de concurrence.
Or comme cela a pu être démontré tout au long du développement, toutes ces
problématiques sont également soulevées par les participations minoritaires, ce qui
justifierait que les autorités de concurrence les surveillent de plus près.
Ce n’est pas un hasard si de nombreux pays à l’étranger ont plus de considération pour
les prises de participations minoritaires, elles ont indiscutablement un impact sur la
concurrence, et si l’OFT s’est auto – saisit de l’affaire Ryanair / Aer Lingus et s’est
substituée à la Commission afin de surveiller une éventuelle « material influence » c’est
en raison de l’incapacité actuelle du droit communautaire de s’en charger alors que ce
contrôle est légitime à exister.
78
BIBLIOGRAPHIE
I. Ouvrages généraux et manuels :
Memento Pratique Francis Lefebvre, « Concurrence – Consommation », 2013/2014
Lamy Droit économique « Code concurrence – Distribution – Consommation », Lamy
Droit des Affaires, 2011
II. Dictionnaires et Encyclopédies :
G.CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, 8e éd. PUF, Coll.
Quadrige, 2007
III. Ouvrages spéciaux, rapports et études :
Actes des ateliers de la concurrence, « rapprochements d’entreprises non notifiables :
les zones grises du droit de la concurrence », 9 décembre 2008
Rapport annuel de l’Autorité de la concurrence pour 2009
Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des
concentrations, 2009
Jacques - Philippe GUNTHER, « Affaire Ryanair / Aer Lingus », 5 novembre 2010
Revue Lamy de la concurrence, octobre – décembre 2012, n°33
Revue des droits de la concurrence, Concurrences – Droit et Économie, Competition
Law Journal, n°1-2012
79
Rectificatif à la communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant
le règlement CE n°139/2004 du conseil relatif au contrôle des opérations de
concentration entre entreprises
Allen & Overy, « Participations minoritaires : quel effet sur l’analyse de
concurrence ? », 27 mars 2013
IV. Articles, Interventions et Chroniques :
P. FREEMAN, « Creeping Mergers : the UK perspective », Concurrences n°3-2011
Alison KNIGHT, « The UK COmpetition Appeal Tribunal confirms that the OFT is not
time – barred from investigating the acquisition of a competitor’s minority
shareholding implemented five years previously under UK merger control rules
(Ryanair v.OFT supported by Aer Lingus »
David SPECTOR, Jacques Philippe GUNTHER, David BOSCO, Peter
KALBFLEISCH, Bernard VAN DE WALLE DE GHELCKE, Peter FREEMAN,
Andreas BARDONG, « Merger control and minority shareholdings : Time for a
change ? »
Tribunal de l’Union européenne, Communiqué de presse, Luxembourg le 06 juillet
2010
Commission européenne, communiqué de presse, « Concentrations : la Commission
interdit à Ryanair de prendre le contrôle de Aer Lingus », Bruxelles le 27 février 2013
Intervention du Commissaire à la concurrence, Joaquim Almunia, conférence IBA, 10
mars 2011
Laurence Idot, « Mondialisation, liberté et régulation de la concurrence, Le contrôle des concentrations»
80
V. Décisions, Arrêts, Jugements et Avis :
CJUE, Bat et Reynlods contre Commission, 17 novembre 1987, 142/84 et 156/84
Décision de la Commission du 22 décembre 1987, Enichem, 31.846
Décision de la Commission du 25 septembre 1992, CCIE / GTE
Décision de la Commission du 10 novembre 1992, Warner – Lambert / Gilette et autres
33.440, et BIC / Gilette et autres (33.486)
Décision de la Commission du 11 novembre 1994, Digital/Olivetti, 34.410
Décision de la Commission du 30 janvier 2002, portant mesures destinées à rétablir une
concurrence effective conformément à l’article 8 paragraphe 4 du règlement CEE
n°4064/89 du Conseil
Décision de la Commission européenne COMP/M. 4439 du 27 juin 2007, Ryanair / Aer
Lingus
Tribunal UE, 6 juillet 2010, Aer Lingus Group contre Commission, T-411/07
UK Competition Appeal Tribunal, 28 juillet 2011, décision n01174/1/11, Ryanair
Holdings plc v. OFT
VI. Lois et règlements :
Loi relative aux nouvelles régulations économiques, 15 mai 2001
Loi sur la modernisation de l’Économie, 4 août 2008
Article 3 du règlement n°139/2004
81
Article L 430-1 du Code de commerce
Enterprise Act, 2002
VII. Sites internet :
http://ec.europa.eu/competition
www.curiaeuropa.eu
http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-
logistique/20120620trib000704770/ryanair-relance-une-opa-sur-aer-lingus-malgre-l-
obstacle-etihad-.htmll
http://www.cairn.info/
http://www.kramerlevin.com/
http://www.autoritedelaconcurrence.fr
http://europa.eu/legislation_summaries/competition/firms/l26096_fr.htm
http://www.legifrance.gouv.fr/
82
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS ................................................................................................................... 3
SOMMAIRE ................................................................................................................................ 4
INTRODUCTION ....................................................................................................................... 7
PARTIE 1. LES DIFFICULTÉS SOULEVÉES PAR LE CONTRÔLE DES
CONCENTRATIONS EN DROIT POSITIF ......................................................................... 15
TITRE 1 – LA PLACE DES PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES DANS LE
DROIT DE LA CONCURRENCE FRANÇAIS ET COMMUNAUTAIRE ........................ 15 CHAPITRE 1 - LA CATÉGORISATION DES PRISES DE PARTICIPATIONS
MINORITAIRES PAR LE DROIT DE LA CONCURRENCE - ................................................ 16 SECTION 1 – LES DIFFÉRENTES FORMES DE PRISES DE PARTICIPATION - ............. 16 §1. Les prises de participations : distinctions générales .............................................................. 16 §2. Les différents types de prise de participation minoritaires .................................................... 18 SECTION 2 - LES DIFFÉRENTS IMPACTS DES PRISES DE PARTICIPATION
MINORITAIRES SUR LE JEU DE LA CONCURRENCE - .................................................... 20 §1. Les effets anticoncurrentiels des prises de participations minoritaires contrôlantes ............. 20 §2. Les potentiels effets anticoncurrentiels des prises de participations minoritaires non
contrôlantes ................................................................................................................................. 22 CHAPITRE II - L’ENJEU DE LA DISTINCTION ENTRE LES PRISES DE
PARTICIPATIONS MINORITAIRES SUR LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS ..... 24 SECTION 1 – LA PORTÉE DES PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES NON
CONTRÔLÉES - ......................................................................................................................... 24 §1. De possibles effets anticoncurrentiels unilatéraux ................................................................ 24 §2. De potentiels effets anticoncurrentiels coordonnés ............................................................... 25 SECTION 2 – UN CONTRÔLE DES PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES
INCOMPLET - ............................................................................................................................ 27 §1. Une extension du contrôle incluant le critère de « notion de contrôle » ............................... 27 §2. Une avancée incomplète du contrôle des concentrations ...................................................... 27
83
TITRE II – UNE NÉCESSAIRE EXTENSION DU CONTRÔLE DES
CONCENTRATIONS AUX PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES
EXCLUES DU CHAMP DU RÈGLEMENT .......................................................................... 29 CHAPITRE 1 - UNE CONCEPTION NON PARTAGÉE PAR LES CONTRÔLES DES
CONCENTRATIONS À L’ÉTRANGER - ................................................................................. 29 SECTION 1 – UNE LACUNE SPÉCIFIQUE AU DROIT DES CONCENTRATIONS
FRANÇAIS ET COMMUNAUTAIRE - .................................................................................... 29 §1. L’émergence d’une inquiétude face à cette déficience ......................................................... 30 §2. La conception du contrôle des prises de participations minoritaires à l’étranger ................. 30 SECTION 2 – L’APPARENT CONTOURNEMENT DE CETTE LACUNE PAR LE DROIT
FRANÇAIS ET COMMUNAUTAIRE ...................................................................................... 33 §1. L’examen des prises de participations accessoires ................................................................ 33 §2. Une alternative soumise à de fortes contraintes .................................................................... 35 CHAPITRE II – DES ALTERNATIVES INSUFFISANTES À LA JUSTIFICATION D’UNE
FAILLE DANS LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS FRANÇAIS ET
COMMUNAUTAIRE ................................................................................................................. 37 SECTION 1 – LA TENTATIVE DE JUSTIFICATION DE L’ABSENCE DE CONTRÔLE EX
- ANTE PAR L’EXISTENCE DU CONTRÔLE EX - POST DES PRATIQUES
ANTICONCURRENTIELLES - ................................................................................................. 37 §1. L’examen des participations minoritaires à travers le contrôle des ententes ........................ 37 §2. L’examen des prises de participations minoritaires à travers le contrôle des abus de positions
dominantes .................................................................................................................................. 40 SECTION 2 – L’INADÉQUATION DU CONTRÔLE DES PRATIQUES
ANTICONCURRENTIELLES AUX PRISES DE PARTICIPATIONS MINORITAIRES
EXCLUES DU CHAMP DU CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS .................................. 42 §1. Les obstacles à l’efficacité du contrôle ex – post .................................................................. 42 §2. La nécessité d’une extension du contrôle des concentrations aux prises de participations
minoritaires jusqu’alors exclues .................................................................................................. 43
CONCLUSION DU TITRE 2 .................................................................................................. 44
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE ................................................................................... 44
84
PARTIE 2. MISE EN LUMIÈRE DES PROBLÈMES SOULEVÉS PAR UN CONTRÔLE
DES CONCENTRATIONS RESTREINT : L’AFFAIRE RYANAIR / AER LINGUS ..... 46
TITRE 1 – L’INTERDICTION DE LA CONCENTRATION, UNE DÉCISION TROP
SÉVÈRE SELON RYANAIR ET TROP CLÉMENTE SELON AER LINGUS ................. 46 CHAPITRE 1 - UNE CONCENTRATION RISQUÉE AU REGARD DU CONTEXTE
ÉCONOMIQUE - ........................................................................................................................ 46 SECTION 1 – EXPOSITION DU CONTEXTE - ...................................................................... 46 §1. Présentation des compagnies concernées .............................................................................. 47 §2. Les relations entre les deux compagnies ............................................................................... 48 SECTION 2 – UNE CONCENTRATION DANGEREUSE SUR LE PLAN
CONCURRENTIEL - ................................................................................................................. 49 §1. Deux modèles d’entreprises similaires et partageant une même base à Dublin .................... 50 §2. Un rapprochement irréalisable sans un risque d’atteinte à la concurrence ........................... 51 CHAPITRE 2 – UNE DÉCISION DÉFAVORABLE AUX DEUX PARTIES EN PRÉSENCE –
..................................................................................................................................................... 53 SECTION 1 – L’INSUFFISANTE DÉFENSE DE RYANAIR – .............................................. 53 §1. Les mesures correctives proposées par Ryanair .................................................................... 53 §2. Des arguments insuffisants aux yeux de la Commission ...................................................... 54 SECTION 2 – UNE DÉCISION PRÉSERVANT L’EFFICACITÉ DU MARCHÉ MAIS
DÉLAISSANT LES INTÉRÊTS DE L’ENTREPRISE CIBLE - .............................................. 56 §1. Une interdiction protectrice du marché et des consommateurs ............................................. 56 §2. Une décision négligeant les intérêts de l’entreprise cible ..................................................... 57
CONCLUSION TITRE 1 ......................................................................................................... 58
TITRE 2 – UNE DÉCISION INCOMPLÈTE RELANÇANT LE DÉBAT SUR LA
RÉFORME DU CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS ................................................... 58 CHAPITRE 1 – UNE DÉCISION PARTIELLEMENT CRITIQUABLE MAIS SOUTENUE
PAR LE TRIBUNAL DE L’UNION EUROPÉENNE - .............................................................. 58 SECTION 1 – LA FRAGILITÉ DE LA JUSTIFICATION DU REFUS D’ORDONNER LA
RÉDUCTION DES PARTICIPATIONS DE RYANAIR DANS AER LINGUS - ................... 59 §1. Le refus de la Commission d’ordonner la réduction de la participation minoritaire de
Ryanair dans Aer Lingus ............................................................................................................. 59
85
§2. L’inadaptation du contrôle des pratiques anticoncurrentielles à l’espèce ............................. 62 SECTION 2 – UNE SOLUTION REPRISE PAR LE TRIBUNAL DE L’UNION
EUROPÉENNE - ........................................................................................................................ 64 §1. Le raisonnement du Tribunal de l’Union européenne ........................................................... 64 §2. Le Tribunal de l’Union en accord avec la Commission ........................................................ 65 CHAPITRE 2 – LA LÉGITIMITÉ DE LA RÉFLEXION SUR UN PROJET DE RÉFORME DU
CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS - ................................................................................ 66 SECTION 1 – UN DÉBAT RELANCÉ PAR L’OFT – ............................................................. 66 §1. L’OFT repose la question de l’élargissement du contrôle des concentrations aux prises de
participation minoritaires ............................................................................................................ 66 §2. La gravité du vide juridique à relativiser .............................................................................. 68 SECTION 2 – UNE RÉFORME UTILE MAIS DIFFICILE À METTRE EN PLACE - .......... 68 §1. Les conséquences d’un élargissement d’un contrôle ex ante normalement exceptionnel .... 69 §2. De nouveaux critères de contrôle à définir ............................................................................ 71
CONCLUSION TITRE 2 ......................................................................................................... 75
CONCLUSION PARTIE 2 ....................................................................................................... 75
CONCLUSION GÉNÉRALE .................................................................................................. 76
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................... 78
TABLE DES MATIÈRES ........................................................................................................ 82