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Thom Latulipe Le Délire humain Essai

Le Délire humain

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A l’heure où on l’accuse de détruire la planète, l’Humanité saura-t-elle luttercontre sa nature, et saisir sa chance ou plutôt son destin ?Dans cet essai métaphysique, il est proposé de nouveaux scenarios quant auxtraditionnelles questions de l’origine de l’Homme et de son Univers, desscénarios dignes de romans de science-fiction.

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Thom Latulipe

Le Délire humain

Essai

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A ma moitié qui, par une nuit d’hiver, m’a réinitié à la physique des référentiels. A l’heure où on l’accuse de détruire la planète, l’Humanité saura-t-elle lutter contre sa nature, et saisir sa chance ou plutôt son destin ? Dans cet essai métaphysique, il est proposé de nouveaux scenarios quant aux traditionnelles questions de l’origine de l’Homme et de son Univers, des scénarios dignes de romans de science-fiction.

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Introduction : Du délire d’un homme à la réalité de tous « Imposer au monde des structures qu’il n’a jamais réclamées et qui n’existaient jusque-là que comme projets nébuleux dans le cerveau de leurs créateurs », telle est la définition que R. Koolhaas propose pour l’architecture dans son essai New York Délire. La phrase est élégante, et sans doute qu’on peut la généraliser à toutes activités humaines de création, que ce soit de l’ingénierie, des recherches scientifiques, des activités artistiques, ou des réflexions philosophiques, etc. Ainsi, il naît tout d’abord dans le cerveau d’un homme des idées originelles, perçues comme délirantes par le cerveau des autres hommes, puis rarement, mais en quantité toutefois suffisante, quelques idées se diffusent vers la réalité, s’imposant à des hommes qui ne les avaient non seulement jamais réclamées, mais même jamais imaginées. Enfin, cette réalité s’efface pour évoluer vers d’autres réalités générées par de nouvelles idées délirantes. Le communisme né dans l’esprit de K. Marx est un exemple frappant d’un délire humain du 19ème siècle qui devenu réalité au 20ème, s’est imposé à des millions d’hommes, pour le meilleur comme pour le pire. Internet est autre type de délire humain, né dans les années 1960 de l’imagination de quelques chercheurs américains, aujourd’hui pratiquement accessible en tout point de la planète, pour le pire comme pour le meilleur. Ces idées et ces structures qu’on nous impose font d’ailleurs partie intégrante de notre vie, elle aussi imposée de l’extérieur, sans nous demander notre avis. Face à ces impositions multiples, il nous est néanmoins possible d’imposer à d’autres nos créations, ou même la vie. Cela nous suffit d’ailleurs presque pour accepter celle-ci. Malgré l’inquiétude légitime que l’on peut partager pour certains délires humains, ce petit essai est une apologie des ces délires humains et de leurs créateurs, nous tous, créatures lancées dans un monde dont nous ignorons tout, des origines et du destin. Ensemble, partons maintenant explorer certains de ces délires humains qui sont déjà réalité, ou qui peut-être le deviendront.

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Partie I Délires sur la nature du Temps

I.1 Les délires d’A. Einstein sur le Temps et la Lumière

En 1916, alors que certains perdaient leur vie dans la Matière boueuse des tranchés, d’autre délirait et imaginait des théories audacieuses et géniales, permettant de calculer la déviation de la Lumière autour du soleil. Il s’agissait d’A. Einstein et de sa théorie de la Relativité. Dans cette théorie, A. Einstein développait ou liait nouvellement de nombreuses idées physiques. Une première idée était celle d’un Temps déformable dont l’écoulement serait fonction de la vitesse. Une deuxième idée laissait imaginer la Matière comme des déformations de l’Espace Temps. Cette deuxième idée apparaissait particulièrement pertinente pour éclairer certains mystères de l’Univers, notamment celui de l’attraction gravitationnelle, et de la déviation de la Lumière par la Matière. En complément à ces idées physiques, A. Einstein utilisait nombres d’outils mathématiques, tels les tenseurs : des tableaux de données à quatre lignes et quatre colonnes (cause l’Espace Temps a quatre dimensions), et décrivant localement une propriété physique de l’Espace Temps. Pour A. Einstein, le tenseur fondamental, celui des g

ji ,

, permettait de décrire les déformations de

l’Espace Temps. Il imaginait ce tenseur fondamental comme équivalent au champ gravitationnel. Pourtant, il savait que sa théorie n’était pas achevée. Il manquait quelque chose. Il y avait inclus toutes les lois de la gravitation, il rêvait d’y ajouter les lois de l’électromagnétisme. Tout le reste de sa vie, pendant plus de quarante ans, il a cherché un tenseur fondamental, équivalent à la fois au champ gravitationnel et au champ électromagnétique. Pour cela, il a suivi une voie essentiellement mathématique. Il a ajouté des dimensions. Il a transformé les g

ji ,

en

complexe (ce qui équivaut, en partie, à ajouter des dimensions). Il a rendu le tenseur fondamental asymétrique. Et il est mort, sans résoudre ce mystère. Depuis A. Einstein, de nombreux physiciens et mathématiciens se sont succédés, et ont proposé des délires les plus élégants, pour inclure non seulement le champ électromagnétique, mais aussi deux autres interactions, forte et faible, découvertes ultérieurement à la théorie de la Relativité.

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On verra que certains physiciens ont proposé de restreindre l’explication du champ gravitationnel aux simples déformations de l’Espace, et d’expliquer les phénomènes électriques par les simples déformations du Temps. Rapprocher électricité et déformations du Temps implique alors, on y reviendra, des conséquences importantes, quant à la nature même du Temps. Mais commençons par montrer que dans la notion, imaginée par A. Einstein, de déformations du Temps, notion que l’on peut interpréter comme une avancée dans le Temps, l’idée d’un Temps à deux sens s’y trouve implicitement présente. I.2 Les délires (ou les délices ?) d’un Temps à deux sens

Téléportons-nous sur un ferry navigant sur la mer Egée, cette magnifique mère des philosophes et des physiciens de la Grèce antique. C’est l’été, la mer est calme, un léger vent rafraichit l’atmosphère. Le ciel est bleu, pas un nuage à l’horizon. Quelques îlots découpés, aux falaises dorées, surgissent de la mer. Autour de nous, des éclats de rires et de bonheurs, des jeunes gens, des filles et des garçons, souriants et beaux, au teint bronzé, jouent de la guitare. Ils chantent des mélodies, dans toutes les langues de cette tour de Babel, qu’est l’Europe. A l’arrière du bateau, nous sommes attablés, buvant un délicieux raki Amorgou, au parfum miellé, accompagné de quelques loukoums. En face, l’être aimé. Il sourit malicieusement et ses yeux brillent. Heureux celui qui est contemplé avec autant d’amour. C’est le plaisir, intense, que nous offre parfois la vie, des instants que nous serions prêts à revivre, pour l’éternité. Parti ce matin du Pirée, notre ferry vogue vers Santorin, la mystérieuse île de l’Atlantide. Notre ferry, pourtant un peu vieillot, en dépasse un autre. Ce dernier n’est, il est vrai, qu’une coquille de noix. Il vogue lui aussi dans la même direction, vers l’Atlantide. Pour nous, quel est le mouvement de cette coquille de noix, qui avance sur la mer en direction de l’Atlantide, moins vite que notre ferry ? La réponse est simple, nous voyons reculer la coquille de noix. Nous nous considérons en effet immobile dans l’Espace ; un corps qui avance moins

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vite que nous dans l’Espace, dans la même direction, est perçu comme reculant dans l’Espace. Par analogie avec l’Espace, un corps qui avance « moins vite » que nous dans le Temps, peut être perçu comme reculant, c’est-à-dire comme remontant le Temps, avec un Temps qui a alors implicitement deux sens. Un Temps à deux sens ! Cela peut surprendre, tellement nous sommes habitués, dans notre vie, à avancer dans une seule direction temporelle, à ne pouvoir revivre nos instants, même les plus délicieux. Toutefois, il faut savoir qu’en physique, la plupart des lois sont réversibles dans le Temps. D’ailleurs, certains physiciens comme R. Feynman ont exploré cette caractéristique temporelle. Voyons alors, de plus près, quelques idées de R. Feynman. I.3 Les délires de R. Feynman : une antimatière qui remonte le

Temps

Dans les années 1950, on doit au physicien R. Feynman, inspiré par son ancien professeur J. A. Wheeler, l’idée géniale suivante : le positron (ou l’antiélectron) s’apparente tout simplement à un électron remontant le Temps. R. Feynman associe le suffixe anti et la propriété de remonter le Temps. Dans son discours de réception du prix Nobel de physique en 1965, R. Feynman raconte la genèse de l’idée d’un l’électron remontant le Temps, particule identique à l’antiparticule positron. Rapportons ici l’anecdote, particulièrement croustillante. Un matin, son collègue et ancien professeur J. A. Wheeler, tout excité, appelle R. Feynman par téléphone, il lui annonce une hypothèse audacieuse, permettant de résoudre l’existence d’une même charge et d’une même masse partagées par tous les électrons. R. Feynman l’écoute intrigué. Pour J. A. Wheeler, c’est l’évidence, il s’agit de la même particule effectuant des allers retours dans le Temps, autant de fois qu’il existe d’électrons dans l’Univers. Lorsque cette particule avance par exemple vers le futur, elle génère tous les électrons de l’Univers, lorsqu’elle avance vers le passé, elle génère tous les positrons. A un instant t quelconque, il est possible de trouver

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une multitude d’électrons et de positrons, en fait la même particule oscillant dans le Temps. _Mais, Monsieur, s’exclame R. Feynman, il n’y a pas autant de positrons que d’électrons ! _Oh ! Mais peut-être sont-ils cachés dans les protons ou quelque chose de ce genre, lui rétorque J. A. Wheeler. R. Feynman ne retient pas l’idée d’un unique électron, ni celle des positrons cachés dans les protons. Par contre, il conserve celle de l’électron remontant le temps, le positron. Il généralise ensuite l’idée de remonter le Temps aux autres antiparticules, l’antiparticule remontant le Temps par rapport à sa particule. Par exemples, l’antiproton remonte le Temps par rapport au proton, l’antiquark par rapport au quark, etc. En fait, proton et antiproton, quark et antiquark, etc. ont toujours des charges électriques opposées. Revenons alors sur cette idée de rapprocher électricité (ou charge électrique) et remontée dans le Temps. I.4 Les délires de rapprocher déformations du Temps et

électricité

On a vu que certains physiciens ont proposé de rapprocher déformations du Temps et électricité. Ces physiciens ont en particulier réfléchi sur les raisons de l’existence de deux natures de charges, attractive ou répulsive, et d’une seule nature de masse gravitationnelle, toujours attractive. Pour tenter de comprendre pourquoi deux charges de nature identique se repoussent, et deux charges de nature opposée s’attirent, ils ont cherché tout naturellement des exemples analogues dans notre vie quotidienne. Rapidement, ils ont pensé au schéma classique des sexes. Par exemple, deux êtres humains de même sexe généralement se repoussent, et deux êtres humains de sexe opposé généralement s’attirent. La première idée qui leur est venue à l’esprit, est l’existence de deux critères distinctifs d’attirance, par exemple un critère de force physique et un autre de beauté.

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Si tout homme est plus fort que toute femme, et si le critère d’attirance de la femme, c’est la force ; alors toute femme sera toujours plus attirée par un homme que par une femme. De même, si toute femme est plus belle que tout homme, et si le critère d’attirance de l’homme, c’est la beauté ; alors tout homme sera toujours plus attiré par une femme que par un homme. Partant de cette première idée, ils ont cherché pour la charge électrique les deux critères distinctifs d’attirance. Par analogie avec l’Espace, ils n’en ont trouvé qu’un, celui des déformations du Temps. Quel pouvait bien être l’autre ? Après de longues réflexions, ils ont alors eu l’idée suivante : un seul critère peut suffire s’il fonctionne dans les deux sens. Par exemple, on remplace les critères de force physique et de beauté, par celui de force et de faiblesse physique. Si tout homme est plus fort que toute femme, et si le critère d’attirance de la femme, c’est la force ; alors toute femme sera toujours plus attirée par un homme que par une femme. De même, si toute femme est plus faible que tout homme, et si le critère d’attirance de l’homme, c’est la faiblesse ; alors tout homme sera toujours plus attiré par une femme que par un homme. Appliquant cette idée à la charge électrique, ils ont retenu une déformation du Temps fonctionnant dans les deux sens. Cela permet l’existence d’une charge + qui déforme les durées dans un sens, par exemple identique à notre temps, et l’existence d’une charge - qui déforme les durées dans un sens opposé à notre temps, une charge - qui remonte notre temps. De prime abord, cette idée peut sembler délirante. Mais ces physiciens l’ont retenu, car elle apparaissait comme la plus simple et la plus efficace, permettant d’expliquer l’attraction et la répulsion des charges électriques. D’ailleurs, suite à cette anecdote soulignant l’analogie entre sexes et charges, la question suivante se pose déjà avec insistance : l’analogie entre sexes et charges, est-elle due à l’incapacité pour l’Homme d’expliquer l’Univers autrement que par sa propre expérience, ou à une mystérieuse ressemblance entre l’Homme et l’Univers ?

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C’est bien sûr une question passionnante, sur laquelle nous reviendrons, lorsque nous nous interrogerons sur l’origine de l’Univers, et celle de l’Homme. I.5 Une nouvelle vision du Temps

Au 17ème siècle, inspiré par le phénomène de diffraction, le physicien C. Huygens imagine la Lumière comme une onde de déformations se propageant telle une vague dans l’Espace. Comme milieu des déformations de la Lumière, il suggère l’existence d’un milieu hypothétique : l’Ether, que lui et ses successeurs vont longuement chercher pendant des siècles. Suite aux nombreux échecs expérimentaux cherchant à confirmer l’existence de ce milieu, l’hypothèse de l’Ether est aujourd’hui quasiment abandonnée, conduisant pour l’instant à l’absurdité suivante : des ondulations de la Lumière dans du rien. En 1930, le physicien L. de Broglie propose que la quantification de l’énergie lumineuse soit due à l’existence de conditions aux limites du milieu de déformations de l’onde lumineuse. L’hypothèse d’un Temps à deux sens permet d’imaginer des déformations du Temps dans les deux sens, et donc des ondulations dans le Temps. On rapproche alors les ondulations de la Lumière de ces ondulations dans le Temps, celui-ci apparaissant tel un Ether qui nous enveloppe de partout. Pour les conditions aux limites du milieu de déformations, elles sont fixées par nos propres instants, synchronisés sur ceux des corps observés. L’hypothèse d’un Temps à deux sens, finalement invérifiable directement (quoiqu’il arrive nous avançons dans un seul sens du Temps), gagne en légitimité par les solutions qu’elle apporte sur le milieu d’ondulations de la Lumière et sur les conditions aux limites de ce milieu. L’une des idées développée par A. Einstein, dans la notion d’un continuum Espace Temps, c’est un Temps identique aux trois dimensions de l’Espace. On peut être surpris par une telle idée, tellement le Temps nous apparait différent des trois dimensions de l’Espace. On peut alors suggérer que nous sujets, différencions Temps et Espace, un peu comme nous différencions les ondes électromagnétiques, visibles et invisibles. Pourquoi alors un Temps identique aux trois dimensions de l’Espace ? Le seul intérêt qu’on y voit, c’est qu’il est plus simple de réaliser deux choses identiques que deux différentes.

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Dans les années 1900, certains physiciens précurseurs comme H. Poincaré ou A. Einstein ne se sont d’ailleurs pas trompé en rapprochant Temps et Espace, ils n’ont cependant pas osé avancer un Temps à deux sens, identiquement aux trois dimensions spatiales. L’étape est franchie par R. Feynman, dans les années 1950, avec la proposition d’un électron remontant le Temps. L’objet de ce délire humain, c’est en fait d’examiner les conséquences de cette nouvelle vision du Temps, à deux sens et identique aux trois autres dimensions de l’Espace, sur l’une des interrogations métaphysiques fondamentales, celle de l’origine de l’Homme et de son Univers. Et suivant des voies détournées, réfléchissons à ce qui se trame dans le cerveau de l’Homme.

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Partie II Les Hommes du futur

II.1 La parabole de Bohr de la baleine et du voilier

Dans les années 1920 et 1930, l’Europe occidentale connaît l’une de ses périodes les plus créatrices en idées nouvelles, pertinentes et audacieuses, dans de nombreux domaines, en particulier dans celui de la physique théorique. Les raisons à cette explosion d’idées sont sûrement à rapprocher des conséquences d’une terrible première guerre mondiale qui a ravagé l’Europe. En effet, d’une part en décimant une partie de l’ancienne élite intellectuelle européenne, la guerre a favorisé la montée d’une nouvelle élite, jeune et audacieuse, qui n’a pas eu à subir le conservatisme de ses aînés, d’autre part, suite à cette boucherie collective et volontaire, les valeurs traditionnelles à l’origine de cette guerre, se sont trouvées discréditées, encourageant alors de nouvelles idées, alternatives et critiques. Cela a permis en particulier l’épanouissement intellectuel de jeunes physiciens comme L. de Broglie, E. Schrödinger ou W. Heisenberg, ce dernier à l’origine du fameux principe d’incertitude. Dans son essai à la fois scientifique et philosophique, La partie et le tout, W. Heisenberg rapporte des années 1930, ses virées en voilier dans la mer Baltique, en compagnie de son ainé physicien N. Bohr et d’un ami médecin. Lors de l’une de ces virées, les trois hommes aperçoivent au loin des baleines, craignant alors une collision avec leur voilier. Le médecin fait remarquer qu’en cas de collision, à la fois le voilier et la baleine seront troués, mais alors que pour la baleine, la force interne et mystérieuse de la Nature assurera la réparation de son corps, ne laissant subsister qu’une légère cicatrice, pour le voilier, au contraire, il sombrera au fond de la mer baltique. Suite à cette remarque, N. Bohr souligne que l’analogie entre baleine et voilier est bien plus forte qu’on ne pourrait le croire, à priori. En effet, comme pour la baleine, il existe pour le voilier une force qui peut le repêcher, puis réparer sa coque, ne laissant également subsister qu’une légère cicatrice. Cette force, c’est bien sûr celle de l’esprit de l’Homme.

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Pourquoi donc, comme le souligne N. Bohr, tant de ressemblance entre la force de la Nature et celle de l’esprit de l’Homme, capables dans les deux cas, de ressusciter la baleine ou le voilier ? II.2 Pourquoi l’esprit de l’Homme a la capacité de comprendre

l’Univers, peu à peu ?

Ces derniers siècles, le progrès scientifique a été si fulgurent qu’on peut s’interroger sur l’extraordinaire capacité humaine à comprendre l’Univers, peu à peu. Un début de réponse réside sans doute dans l’existence d’une intelligence innée, partagée par tous les Hommes, créant une ressemblance mentale entre eux. Cette affirmation a d’ailleurs souvent été énoncée par des linguistes, comme N. Chomsky, car le langage en est l’une des meilleures et principales illustrations. Entre nous, Hommes, nous parvenons à nous parler, à nous comprendre, parce que nous possédons une logique commune, parce que nous partageons une même intelligence innée. De nombreux autres domaines peuvent illustrer cette affirmation. On peut citer la capacité intuitive de l’Homme à se repérer dans l’Espace, ou à utiliser un logiciel informatique. Intéressons-nous par exemple à l’ergonomie des logiciels informatiques, et posons-nous les questions suivantes : pourquoi tel logiciel est-il plus facile d’utilisation que d’autres ? Pourquoi nous semble-t-il meilleur ? Selon moi, en tant que condition nécessaire, l’utilisation de tel logiciel est intuitivement accessible à nous-mêmes, mais aussi à tous les autres Hommes, justement grâce au partage par tous les Hommes d’une même intelligence innée. Récemment, j’ai été confronté à un logiciel d’utilisation quelque peu ardue. Un problème, par exemple, était de comprendre comment faire disparaître des petits bonhommes qui souriaient ou des petits bonhommes qui faisaient la moue. Je suis parti du principe que ce logiciel avait été conçu par des informaticiens humains partageant avec moi une même intelligence innée. Je n’ai donc pas abandonné. J’ai réfléchi, et j’ai fini par trouver.

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Pour faire disparaître les petits bonhommes, il fallait en fait supprimer les textes qui leurs étaient attribués, et alors automatiquement, les petits bonhommes disparaissaient.

J’étais apte à comprendre ce logiciel, justement parce que les créateurs de ce logiciel partageaient avec moi une même intelligence innée, justement parce qu’ils me ressemblaient mentalement. L’une des réponses plausibles à la capacité de compréhension de l’Univers par le cerveau de l’Homme, c’est justement la ressemblance entre le cerveau de l’Homme et le Créateur (ou les Créateurs) de l’Univers. Je ne fais ici que formuler une vieille idée intuitive, présente dans la plupart des religions ou philosophies, l’affirmation d’une ressemblance entre Dieu (ou les Dieux) créateur de l’Univers et des Hommes. II.3 L’Horloger

Rappelons ici le début du très beau texte Maintenant pour l’éternité de Jean Dutertre. « L'étang est lisse, miroir gris sous le ciel gris. Près de la rive, un petit monde, sable, brins d'herbes diverses, et de minuscules bestioles qui vont à leurs affaires. Vus d'ici, les gestes de ces bestioles paraissent désordonnés. Que l'on fixe son attention sur l'une d'elles, ne serait-ce que quelques instants, et l'on soupçonne volontiers le projet : on cherche, on amasse ou collectionne, on s'active en vue de quelque chose de délicieusement vague ou de méticuleusement précis. Tout évoque l'expression de Jacques Monod qui définit ainsi la vie : un objet muni d'un projet. - C'est une vue de l'esprit. En biologie, pas plus qu'en physique, il n'existe rien qui soit véritablement un projet. Des réactions physiques, ou physico-chimiques, s'entraînent nécessairement les unes les autres... c'est tout. - Vous voulez dire que ces événements sont corrélés? C'est un point de vue déterministe, je vois! - Ce n'est pas un point de vue, c'est de la logique solide et sûre. Les projets, autrement dit les "causes finales", cela n'existe plus depuis le seizième siècle. - C'est dommage, vraiment. Aristote, parmi les cinq "causes" qu'il décrit, conçoit sans hésitation la cause finale. L'idée de Dieu, par exemple, est inséparable de celle de projet. Pour Bernard d'Espagnat : « On ne remarque pas toujours assez qu'à l'époque de Dante la notion que les personnes instruites avaient de Dieu était beaucoup moins celle d'un

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Dieu créateur, ou « horloger » (notion qui bien entendu était présente elle aussi à leur esprit, mais en retrait) que celle d'un Dieu, cause finale (entendons: un Dieu tel que la finalité la plus haute de l'homme et du monde fut de parvenir « un jour » à s'unir à lui pour l'éternité). C'est à cette notion là, extrêmement motivante pour la vie intérieure que nous devons en grande partie, sans doute, les trésors, par exemple, de l'art primitif italien. Et ce n'est qu'après Galilée que, la propagation d'une vision mécanistique du réel ayant rendu paradoxale la notion dont il s'agit, les penseurs durent se contenter d'une conception jusqu'alors tenue, d'après Burtt, pour plus grossière et populaire, à savoir celle d'un Dieu créateur. Ils ne pouvaient en effet, sans contradiction avec leur savoir, guère attribuer d'autre rôle à Dieu que celui d'avoir donné la « chiquenaude initiale » à l'univers. Mais il est clair que même le zèle théologique d'un Newton ou d'un Maxwell ne pouvait réussir à conférer à cette conception nouvelle d'un Dieu essentiellement « horloger » le caractère d'une vision qui, pour l'esprit, fut aussi « porteuse » que la précédente. » II.4 Pourquoi les idées scientifiques naissent dans l’esprit de

l’Homme, et qu’incroyablement, elles se retrouvent dans la Nature ?

Les empiristes ont tendance à présenter la démarche scientifique comme un processus ascendant de l’expérience vers la théorie. Néanmoins, une telle description de la démarche scientifique ne me semble pas celle se déroulant usuellement. Le plus souvent, la théorie scientifique se forge à partir d’une idée née dans l’esprit de l’Homme, l’expérimentation venant par la ensuite, comme une simple vérification de l’utilisation de cette idée dans la fabrication de l’Univers, par un éventuel Créateur (on reviendra ultérieurement sur le déroulement de la démarche scientifique). Par exemple, l’idée des déformations de l’Espace (Temps) équivalentes à la gravitation est d’abord née dans le cerveau A. Einstein. Cette idée n’a été confirmée que par la suite, en particulier pour expliquer les mouvements mystérieux de Mercure. Ainsi, parfois, le scientifique peut avoir le plaisir de retrouver dans le ciel, certaines idées qui ont germé dans son esprit. Et là, évidemment, la satisfaction est intense. Certains scientifiques ont d’ailleurs dû ressentir une prédestination, ce qui leur a donné une confiance folle.

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La question suivante se pose alors intensément : pourquoi les idées scientifiques naissent dans l’esprit de l’Homme, et qu’incroyablement, elles se retrouvent dans la Nature ? II.5 Les Hommes du futur, destin et origine de l’espèce ?

La belle maxime des philosophes l’affirme, la liberté de chacun s’arrête là où commence celle des autres. Néanmoins, qui ou que peuvent être exactement ces autres : les plantes ? Les animaux ? Les Hommes du présent, ceux du passé, ou également ceux du futur ? Dans son essai Le principe responsabilité, le philosophe H. Jonas s’intéresse notamment aux Hommes du futur, et à la responsabilité que nous leurs devons, nous les Hommes du présent. H. Jonas en reste d’ailleurs aux questions des Hommes, puisque sur la Nature, les plantes et les animaux, il préfère ne pas se prononcer. Toutefois, ces Hommes du futur n’existent pas encore, alors comment peut-on leur accorder dans la pratique des droits ? La réponse n’est évidemment pas facile. De plus, nous les Hommes du présent, sommes à juste titre angoissés que les contraintes qu’on nous impose pour ces Hommes du futur, soient en fait quelques prétextes qui favorisent non pas nos descendants, mais un petit groupe d’Hommes du présent. Les contraintes imposées de l’extérieur sont souvent ressenties à juste titre comme dangereuses, favorisant bien plus ceux qui les imposent, que ceux qui les subissent. Surtout, ne plus accepter sans révolte une vie de trime pour les promesses d’un paradis, soit pour ses descendants, soit pour soi-même après la mort. Pourtant, indéniablement, et la théorie de l’Evolution a encore accentué cette idée, il existe un lien fort, quasi mystique, entre les Hommes, ceux du passé, ceux du présent et ceux du futur. Nous apparaissons tous comme les maillons d’une grande chaîne. Et même si les Hommes du passé ne sont plus là, on constate qu’ils ont encore des droits très forts. Détruire les œuvres du passé passe souvent comme un sacrilège. Quant à leur corps et à leur cimetière, il est souvent bien difficile d’y toucher, fut-ce pour un fort bénéfice des Hommes du présent.

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Nous vivons donc dans un monde réel, où le droit des Hommes du présent est assurément primordial, mais avec une prise en compte, quasi mystique et au-delà de la simple raison, des Hommes du passé et de ceux du futur. Regardant nos chères petites têtes blondes, brunes ou rousses, nous aimerions savoir ce qu’elles deviendront en grandissant. Est-ce que ces enfants, devenus grands, seront plus sages ? En contemplant la turbulence de notre jeune descendance, nous pourrions en douter. Mais comme toute prévision de l’histoire future, fondée sur une continuité linéaire du présent, se trompe couramment, tout reste heureusement ouvert. Nous projetant dans un futur lointain, nous aimerions aussi savoir comment seront les enfants, de nos enfants, …, de nos enfants ? Comment seront ces Hommes du futur, enfants, de nos enfants, …, de nos enfants ? Est-ce que ces Hommes du futur seront plus sages et auront des pouvoirs aujourd’hui hors de notre portée, comme par exemple celui de remonter le Temps ? II.6 La parabole de l’œuf et de la poule

Nous connaissons tous la petite histoire de l’œuf et de la poule, soulevant l’une des questions les plus profonde de l’Univers : de la poule ou de l’œuf, lequel des deux est apparu le premier ? Le problème est en gros le suivant : pour pondre un œuf, il faut une poule, et pour faire une poule, il fallut un œuf. Comment faire ? Pour répondre à cette question profonde, imaginons la petite parabole suivante. Une belle poule A se balade dans sa basse-cour. Un jour, elle rencontre un beau coq et s’unit avec lui. Quelques jours plus tard, elle pond un œuf, et un matin, un poussin tout mignon, éclot. Il grandit, se ballade dans sa basse-cour, et devient la belle poule Z (notons le changement de sexe). Un jour, cette poule Z rencontre un beau coq. Amour toujours ou amour d’un jour ? Choisissant la deuxième solution, la poule Z quitte sa basse-cour, décide de se balader dans le Temps, et de le remonter1. Revenue quelques années en arrière, la poule Z pond un œuf, donne naissance à un poussin qui en grandissant deviendra par un hasard des plus incroyable, la poule A, c’est-à-dire la maman de la poule Z.

1 Evidemment, la difficulté fondamentale pour les êtres vivants, c’est l’existence de cette flèche du Temps au quotidien. Arriverons-nous un jour à vaincre cette difficulté fondamentale ? Heureusement, ce n’est pas pour tout de suite, car alors ce beau jeu cessera.

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On aura compris que la question de la poule et de l’œuf est ici résolue par une nouvelle approche de la notion du Temps, infirmant le principe de causalité, tel qu’on le conçoit habituellement. Avouons néanmoins que cette histoire de paradoxe temporel nous trouble, tellement nous sommes habitués à vivre dans un temps orienté dans un seul sens. Notre Créateur, sont-ils (ou sont-elles), les enfants, de nos enfants, …, de nos enfants ? II.7 Multivers ou Hommes du futur ? Hasard ou cogitations ?

II.7.1 Scénario des Multivers2 et des Hommes du futur (ou Eega Beeva) ?

Une autre façon d’aborder la question de l’œuf et de la poule, c’est de s’interroger sur le comment de notre présence, plutôt que rien. Pour y répondre, proposons deux scénarios, acceptables dans l’état actuel de nos connaissances et de notre imagination. Le premier scénario, que l’on peut baptiser les Multivers, est fondé sur les principes de hasard et de nécessité. Ses idées se sont diffusées à partir des années 1970 dans de prestigieuses universités américaines comme Harvard. Il adapte en fait à la création de l’Univers les thèses néo-darwiniennes de l’évolution, celles sur l’apparition et la propagation des mutations des espèces. Dans ces thèses, les mutations naissent d’abord du hasard, elles subsistent ensuite et même se propagent si elles répondent à une nécessité, en particulier celle de résister aux contraintes du milieu naturel. De même, le scénario des Multivers imagine l’apparition au hasard de toutes les combinaisons possibles d’Univers. Dans cette infinité d’Univers, au moins un répond aux nécessités d’existence de l’Homme, notre Univers. On relie d’ailleurs souvent ce scénario des Multivers au principe anthropique qui suggère les caractéristiques de notre Univers, devant être adaptées aux conditions d’appariation et de développement de la Vie, en particulier celle de l’Homme.

2 Le terme de Multivers recouvre en physique des concepts assez différents suivant les auteurs, il faut voir ici le concept de Multivers comme des univers parallèles.

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Le deuxième scénario, évoqué précédemment, est baptisé Hommes du futur ou scénario Eega Beeva, en référence à ce personnage de bandes dessinés, imaginé dans les années 1950 par A. F. Gottfredson, Eega Beeva étant un homme du futur, ami de la souris Mickey Mousse. Ce scénario reprend l’idée que toute création ne peut découler entièrement du hasard. Elle est le résultat d’une cogitation et d’expériences toujours longues et laborieuses, de la part d’un système dit intelligent. La tradition culturelle d’une réflexion précédant l’action se retrouve dans toutes les cultures humaines, en particulier chez les Grecs et dans la Bible avec le Verbe (ou le Logos), à l’origine de tout. Dans les années 1980, s’est développée aux Etats-Unis la théorie d’une Conception Intelligente, Intelligent Design en anglais (on utilise aussi le terme de Dessein Intelligent, design correspondant toutefois en français plutôt à conception). L’exemple abondamment cité est celui de l’œil, système complexe, qui n’a pu être développé par le simple hasard. Même si les thèses de la Conception Intelligente ont le mérite de soulever quelques questions fondamentales, elles sont sûrement aujourd’hui trop utilisées pour prouver l’existence de Dieu. Suivant le scénario Hommes du futur ou Eega Beeva, passons à la recherche de ces systèmes dits intelligents, et proposons quelques alternatives.

II.7.2 A la recherche de systèmes intelligents Ces systèmes intelligents peuvent d’abord être une espèce lignée de notre Vie, c’est-à-dire non pas nos descendants mais de lointains cousins, tels les fourmis ou les dauphins. Ceux-ci ou ceux-là auraient évolué favorablement, après une éventuelle disparition de notre espèce humaine (avec alors une petite préférence pour les dauphins plus proches cousins de notre espèce). Ce peut être une autre Vie, indépendante de la nôtre, par exemple des extraterrestres vivant sur une autre planète, ou même dans un autre Univers. On tend quand même à croire que ces extraterrestres auraient bien lu et assimilé les œuvres d’A. Einstein et d’autres physiciens humains. Enfin, ces systèmes intelligents peuvent être nous-mêmes, les Hommes, nos ancêtres, et nos descendants, les Hommes du futur, qui auront peut-être un jour les moyens de construire physiquement l’Univers. Un argument notable est le suivant : pourquoi y aurait-il un autre Créateur, véritable doublon, alors que nous autres, Hommes, sommes en train d’imaginer l’Univers ?

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Cette dernière hypothèse se positionne dans la tradition humaniste, avec la conviction profonde des possibilités d’action de l’Homme. Celui-ci a la capacité, à l’aide de son intelligence, de prendre en main son destin. Comme argument à l’existence de Dieu, celui-ci est souvent présenté comme explication à de nombreux mystères : origine de l’Homme, de la Vie, de l’Univers, etc. Dieu apparaît comme une causalité ultime permettant de tout expliquer. A priori, cette explication ou cette de cause de tout ne fait que reculer ces mystères. On reste sur sa faim sur la cause de Dieu lui-même. Les philosophes religieux ont habilement résolu le problème en proposant que Dieu est cause de tout, dont de lui-même. Le scénario des Homme du futur permet de transposer à l’Homme cette habile formule l’Homme est cause de tout, dont de lui-même. On retrouve cette idée d’un destin de Créateurs pour l’humanité, en particulier chez les philosophes de la transition du 19ème au 20ème siècle, fortement influencés par les idées évolutionnistes alors récemment développées par C. Darwin, et par encore traumatisés comme les intellectuels de la 2ème moitié du 20ème siècles par les dégâts des deux guerres mondiales, en particulier par Hiroshima, par cette Homme Créateur devenu Destructeur. Dans l’essai Ainsi parlait Zarathoustra (1885), le philosophe F. Nietzsche parle dans le Prologue de Zarathoustra paragraphe 3, d’un cheminement de l’être humain, du ver de terre vers le surhomme, celui se définissant en particulier comme un créateur3 : « Je vous enseigne le surhomme. L’homme est quelque chose qui se doit surmonter. Pour le surmonter que fîtes-vous ? (…) Du ver de terre vous cheminâtes jusques à l’homme, et grandement encore avez en vous du ver de terre. Jadis vous fûtes singes et maintenant encore plus singe est l’homme que n’importe quel singe. (…) Voyez, je vous enseigne le surhomme ! » Dans l’essai Les deux sources de la morale et de la religion (1934), le philosophe H. Bergson conclut ainsi son ouvrage : « L'humanité gémit, à demi écrasée sous le poids des progrès qu'elle a faits. Elle ne sait pas assez que son avenir dépend d'elle. À elle de voir d'abord si elle veut continuer à vivre. À elle de se demander ensuite si elle veut vivre seulement, ou fournir en outre l'effort nécessaire pour que s'accomplisse, jusque sur notre planète

3 Toutefois, on peut objecter que F. Nietzsche ne peut pas promettre l’amélioration de l’humanité, souhaitant au contraire combattre toutes formes d’idéaux. La récupération de F. Nietzsche en faveur du scénario Hommes du futur restera donc polémique.

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réfractaire, la fonction essentielle de l'univers qui est machine à faire des dieux. » Aujourd’hui en Europe, ce genre de phrase est impensable de la part d’un intellectuel, vu le discrédit subit par l’Homme européen, suite à ses actes de destructions, commis tout au long du 20ème siècle. Dans une Europe vieillissante, la confiance en soi décline, la croyance en l’Homme et en l’humanisme se délite. On se réfugie vers Dieu, vers une Nature vengeresse, voire pire vers l’argent en tant que finalité. Néanmoins, l’humanisme n’a pas dit son dernier mot ; un jour, la confiance en soi et en l’Homme, reviendra de nouveau.

II.7.3 Hasard ou cogitations ? Les différences entre scénario des Hommes du futur (ou Eega Beeva) et scénario des Multivers ne sont pas seulement pour l’un, l’existence de créateurs intelligents, et pour l’autre non (l’hypothèse de Dieu, supposant également un Créateur, se rattachant sur ce point au scénario des Hommes du futur). Ces différences sont surtout, pour l’un, un Homme (quitte à se faire taxer de mégalomanie) qui prend son destin en main, et pour l’autre, un Homme qui laisse faire la fatalité, le hasard ou les autres : des Dieux, des extraterrestres, des fourmis, ou on ne sait quoi (l’hypothèse de Dieu, d’un créateur autre que l’Homme, se rattachant sur ce point au scénario des Multivers). C’est ce que souligne très bien la phase de H. Bergson, montrant qu’il s’agit d’abord d’un choix : de vivre seulement ou de fournir l'effort nécessaire pour que s'accomplisse (…) la fonction essentielle de l'univers qui est machine à faire des dieux. Le lecteur aura sûrement l’impression de ma nette préférence pour le scénario des Hommes du futur. C’est sans doute vrai, car je crois en la vertu de l’action. Cependant, ces deux scénarios ne me semblent pas totalement incompatibles. On peut en effet avoir un peu des deux. Dans ma vie quotidienne, je constate qu’une partie de mon évolution relève de mes propres actions. Souvent cette partie est celle qui m’intéresse le plus, celle où mes marges de manœuvres restent heureusement fortes. Je constate qu’une autre partie relève de l’action des autres ou du hasard. Cette partie est celle qui m’intéresse le moins, celle où j’ai moins de pouvoir, celle aussi où j’ai la modestie d’avouer qu’un autre fera mieux que moi, enfin celle qui me demande trop d’effort, et que par paresse j’abandonne aux autres.

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En fait, le choix entre ces deux scénarios ne peut relever de la science, il relève d’un acte de désir de l’Homme. C’est à chacun de décider de sa vie, de parfois laisser le hasard et les autres faire, ou de parfois agir pour transformer son destin. Je crois que c’est par l’action désirée (et également par l’action réactive à une imposition) qu’on obtient les meilleurs résultats d’un Homme. Si les Hommes, ou un petit groupe d’Hommes, par désir ont envie de créer l’Univers, ils le feront, mais le hasard fera peut-être tout aussi bien les choses. Tel que j’observe les Hommes, leur soif de puissance, de gloire, leur envie de reconnaissance, et leur absence de modestie, je gagerai que ce sont eux qui finiront par créer l’Univers. Sûrement pas tous les Hommes, d’autres s’adonneront à des tâches ou plaisirs qui les excitent davantage, mais un petit groupe d’Hommes y parviendra.

II.8 Replacer l’Homme au centre de l’Univers

Il y a un peu moins de cinq siècles, N. Copernic imagine tournant autour du Soleil notre Terre, perdant ainsi sa place centrale dans l’Univers. Il y a un peu plus d’un siècle, C. Darwin imagine que les parents, de nos parents, .., de nos parents sont l’origine de la Vie. L’Homme n’est plus qu’un maillon parmi tant d’autres de la chaîne d’évolution des espèces. Néanmoins, ces idées ont indirectement plus contribué à retirer à Dieu qu’à l’Homme, sa place centrale dans l’Univers. Depuis la Renaissance, un véritable humanisme s’est développé, qui a trouvé toute sa force au 18ème siècle, en particulier dans la déclaration des droits de l’Homme. Cet humanisme cherche à positionner l’Homme au cœur de la morale et du salut, avec des lois qui ne sont plus d’inspiration divine, mais réfléchies en accord mutuel par les Hommes. De plus, alors que ces idées scientifiques de N. Copernic et C. Darwin, du 16ème et 19ème impliquaient une remise en cause du centralisme humain, les idées scientifiques du 20ème siècle lui ont réaccordé une place prédominante : aussi bien dans la pensée phénoménologique, que dans la physique quantique, on trouve la nécessité d’une relation objet sujet, replaçant le sujet au cœur des préoccupations des scientifiques.

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Au 20ème siècle, la science n’est plus simplement objective, elle s’intéresse surtout à la relation sujet objet, voire essentiellement au sujet comme dans la psychologie freudienne. Le scénario Hommes du futur s’inscrit lui aussi dans ce repositionnement de l’Homme ou du sujet au centre de l’Univers, ou tout du moins de nos préoccupations. Examinons maintenant les moyens à mettre en œuvre, par nous sujets, pour comprendre, concevoir et réaliser cet Univers. Ce qu’on appelle classiquement la démarche scientifique.

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Partie III La démarche scientifique, ou voir le divin

On propose une démarche scientifique, qui s’inspire de celle de l’ingénieur ou de l’architecte, construisant une machine ou un abri pour l’Homme.

III.1 Apprendre à vivre

Dans son très bel essai Apprendre à vivre, traité de philosophie à l’usage des jeunes générations, le philosophe L. Ferry distingue trois tâches pour la philosophie. La première tâche est de réfléchir à ce qui est, c’est-à-dire acquérir des connaissances sur notre Univers, mais également chercher les moyens d’acquisition de ces connaissances. L. Ferry qualifie cette tâche de théorie, dont il propose l’étymologie voir le devin (theion orao). La deuxième tâche est de réfléchir sur ce qui devrait être, et à ce que nous devons faire en conséquence. En particulier, comment vivre avec les autres ? L. Ferry appelle cette tâche la morale ou l’éthique. Enfin, la troisième tâche, celle qui semble à L. Ferry la plus importante, et que la philosophie contemporaine, à son grand regret, n’a que trop délaissée au profit des deux précédentes, c’est celle du salut, celle de l’amour de la sagesse suivant l’étymologie du mot philosophie. L. Ferry qualifie le salut, comme ce qui va nous sauver de la mort, ce qui va donner sens à notre vie. A travers cinq grands épisodes clés de l’histoire la pensée humaine : la philosophie antique et les stoïcismes, le christianisme, l’humanisme et les modernes, le cas Nietzche, la philosophie contemporaine, épisodes clés durant lesquels évolue la vision qu’a l’Homme, de lui-même et de son environnement, L. Ferry retrace la théorie, la morale et enfin le salut proposés par chaque épisode clé. L’essai de L. Ferry est passionnant, car à chaque fois, il tente de comprendre les raisons qui ont poussé l’Homme (en fait surtout les Européens) à abandonner une vision d’eux-mêmes et de leur environnement, pour passer à une nouvelle. Sur les trois tâches de la philosophie, la théorie, la morale et le salut, on va examiner, dans les trois prochains chapitres de ce délire, en quoi le scénario Hommes du futur (ou scénario Eega Beeva) peut se rapprocher ou se différencier de ces épisodes clés de la pensée humaine.

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III.2 Machines et débats, pré-requis à la démarche scientifiques

III.2.1 La machine Univers On peut dégager dans la démarche scientifique deux grands pré-requis, qui se sont développés à des époques différentes. Le premier grand pré-requis peut être rapproché du premier épisode clé proposé par L. Ferry, celui de la philosophie antique. C’est idée que l’Univers est une machine (harmonieuse), de laquelle on peut dégager des principes compréhensibles par l’Homme, principes qui peuvent lui être utiles, puisque l’Homme construit lui-même des machines intégrées, comme lui, dans cette vaste machine Univers. Cette idée se retrouve au tout début de la science grecque, au 7ème siècle avant JC. On peut voir sa naissance dans les chantiers de construction navale de la Grèce archaïque, ces chantiers requérant concomitamment de la science théorique et une haute technicité. On peut également voir une naissance plus précoce, dans quelques civilisations prédécesseurs des Grecs : chez les Egyptiens bâtisseurs de pyramides et de canaux d’irrigation, ou chez les Mésopotamiens bâtisseurs de ziggourats, etc. Cette idée de machine Univers va traverser les siècles jusqu’à aujourd’hui. Par exemple, on la retrouve à l’époque romaine de façon archétypale dans le livre de Lucrèce, le De Natura Rerum, où il est présenté un univers matérialiste, harmonieux et fonctionnel. Elle réapparaît au 17ème siècle dans l’idée de R. Descartes, d’une machine Univers, telle un grand mécanisme d’horlogerie. Tout doit avoir une explication, tout doit fonctionner. On la retrouve au 20ème siècle dans le concept de machine à habiter de l’architecte le Corbusier. L’habitat est conçu comme une entité fonctionnelle, qui doit avant tout répondre aux besoins de l’Homme moderne, en l’occurrence pour le Corbusier l’homme d’affaires. Enfin, mâtiné de quelques considérations physiques, voire métaphysique, et de d’envolées lyriques, certaines études scientifiques sont essentiellement des travaux d’ingénierie sur la Nature, c’est-à-dire suivant l’étymologie du mot ingénieur, des approches prescriptives de la Nature, comme un engin ou une machine.

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III.2.2 Un débat fondé sur la raison humaine Le deuxième grand pré-requis peut être rapproché du troisième épisode clé proposé par L. Ferry, celui de l’humanisme et des modernes, qui jaillit au 16ème siècle dans l’Italie de la Renaissance. Ce pré-requis est le développement de la connaissance scientifique sous la forme d’un débat fondé sur la raison humaine, où ce qui a de la valeur, ce ne sont pas les dogmes, mais l’argumentation intellectuelle des protagonistes participant à ce débat. Si ce débat est un peu présent chez les Grecs du 7ème siècle avant J. C., on le trouve particulièrement développé chez les Italiens du 17ème siècle, en particulier chez les mathématiciens S. del Ferro, N. Tartaglia ou chez le physicien G. Galilée, etc. (on peut d’ailleurs constater que l’Empire romain n’avait pas fait grand-chose de la science grecque, au contraire des états morcelés de l’Italie de la Renaissance, morcellement politique et démocratique qui favorise sans doute le débat, en particulier celui scientifique). Par exemple, dans le livre le De Natura Rerum, livre de référence de la philosophie antique, le débat et les argumentations proposés restent faibles. En lisant le livre, on se dit que ça peut être cela, mais pourquoi pas autre chose ? Lorsqu’on évoque cet épisode clé de l’humanisme, on insiste souvent sur l’introduction du fait expérimental dans la démarche scientifique. C’est vrai que l’expérience intervient, grâce en particulier aux travaux de G. Galilée, comme un argument de vérification essentiel au débat. Néanmoins, je crois que le principal pré-requis à la science, c’est ici la possibilité d’un débat logique dont les idées sont bien issues de l’esprit des Hommes. L’humanisme de la Renaissance a permis ainsi de débattre à la fois des lois de l’Etat et de celles de l’Univers, toutes deux faîtes pour et par les Hommes. III.3 La science est-elle la réalité ?

III.3.1 Une réalité construite par les idées et les actions des Hommes Selon la tradition platonicienne, la seule réalité est dans l’idée de la chose et pas dans la chose elle-même, tellement nos sens nous trompent. Le sujet étant à l’origine de l’idée, la réalité apparaît donc comme uniquement subjective.

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Cette tradition platonicienne a néanmoins posé problème à la science, car affirmant que ce que l’on observe ne correspond pas à une réalité objective, elle remet en cause la classique démarche scientifique, qui cherche justement à s’appuyer sur cette réalité objective. G. Galilée que l’on qualifie parfois de premier véritable scientifique, croit qu’il existe une seule réalité, et que les choses qu’il observe correspondent bien à cette même et seule réalité, qualifiée d’objective. Pour lui, un fondement à la science, c’est de postuler la réalité de la matière, de l’observer, de l’expérimenter, et d’en tirer des théories scientifiques. On a qualifié ce processus de début de la science moderne, l’expérience précédant toute théorie scientifique. Néanmoins, l’une des propositions de ce délire, c’est que l’expérience ne précède pas la théorie scientifique, au contraire, l’expérience vient après, servant seulement à conforter et à vérifier la théorie scientifique. L’expérience permet parfois de soulever un problème, par exemple l’expérience de Michelson montre une apparente incohérence entre une vitesse constante de la Lumière et le principe de Relativité. Cependant, la théorie de la Relativité, qui offre une solution à cette incohérence, n’est pas née de l’observation, mais bien dans le cerveau du sujet A. Einstein. Suivant cette proposition de théorie précédent l’expérience, la science, qui historiquement se fonde sur une approche objective de l’Univers, tente en fait de construire la réalité objective de l’Univers, à partir d’idées issues de sujets humains. En quelque sorte, la réalité objective que cherche la science est d’abord subjective, c’est-à-dire générée par des sujets. Pour pousser un peu plus loin le raisonnement sur une réalité construite par les sujets, soulignons que chacun d’entre nous, sujets, d’abord par nos idées, ensuite par notre action, avons la capacité de transformer la réalité quotidienne, et donc de participer également à la construction et à l’évolution de l’Univers. En effet, tous dans notre vie quotidienne, en s’occupant d’un enfant, en réparant une voiture, en faisant du sport, etc., nous apportons des solutions nouvelles, nous créons, et nous transformons la réalité. Le biologiste F. Varela propose par exemple le concept d’énaction, pour affirmer que l’action de la Vie, en particulier celle de l’Homme, transforme la réalité qui nous entoure. En définitive, si on distingue classiquement deux constructions de la réalité, celle qualifiée d’objective, étudié par les scientifiques, et celle qualifiée de

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subjective, construite par nous sujets, il est proposé dans ce paragraphe que cette distinction n’a pas lieu d’être. En avançant que tout est imagination de l’Homme, l’option n’est pas de rejoindre l’idée platonicienne affirmant une réalité subjective car nos sens nous trompent, c’est de faire valoir que par nos idées et nos actions, nous avons la possibilité de faire évoluer la réalité quotidienne, et peut-être même dans un futur lointain (qui rejoindrait un passé lointain) d’être les Créateurs de cette réalité.

III.3.2 Une réalité construite par les Hommes et dont la jouissance est offerte collectivement à tous

Dans un processus scientifique, des idées et des actions de l’Homme débouchent parfois sur une application pratique. Dans ce cas, la science participe à la concrétisation matérialiste et utilitaire d’une idée née dans un cerveau humain, qui se diffuse et s’impose à tous. Cette concrétisation matérialiste dans le monde réel permet ainsi de jouir universellement de cette idée. D’ailleurs, les scientifiques sont, à juste titre, très fiers de l’universalisme de la science. De plus, comme nous l’avons proposé dans le précédent paragraphe, il est donné à tous, à chaque instant, la capacité de transformer la réalité, en quelque sorte de faire de la science. Ainsi, chacun peut participer individuellement par ses idées et son action, à la transformation de l’Univers, dans le bien (comme dans le mal), et l’offrir à la jouissance (ou à la nuisance) collective des autres Hommes. Cette réalité construite par le Hommes, que l’ont peut appeler au sens large la science, apparaît ainsi comme une œuvre unique, fruit d’un effort collectif, et dont la jouissance est offerte universellement à tous. Par exemple, Internet en est à la fois une bonne illustration, intégré qu’il est dans la science, et une bonne analogie, avec sa réalité virtuelle, son unicité, sa création collective et sa jouissance universelle. On peut opposer science et technique, en qualifiant la première d’universelle et la seconde de circonscrite et réservée, pour au moins un temps, à quelques hommes. Une technique, maîtrisée par seulement quelques hommes, est souvent utilisée par ces mêmes hommes pour en asservir d’autres. Il est d’ailleurs remarquable que les 19ème et 20ème siècles, périodes de développements

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conséquents de nouvelles techniques, soient également des siècles conséquents d’asservissement d’une part de l’humanité par une autre. Le défit, qui restera néanmoins bien difficile à atteindre, c’est de récompenser ceux qui développent de nouvelles techniques tout en rendant ces techniques, telle la science, universelles. Ainsi, au lieu de l’asservissement d’une partie de l’humanité par l’autre, tous les Hommes seront libérés. III.4 Conséquences pour la démarche scientifique et ses acteurs

III.4.1 Proposition d’un phasage de la démarche Depuis les expériences de G. Galilée au 17ème siècle, il est coutume de présenter la démarche scientifique comme un processus ascendant et itératif à deux phases, une première phase expérimentale portant sur l’observation de phénomènes particuliers, une seconde phase théorique proposant une généralisation à plusieurs de ces observations. Les idées proposées dans ce délire remettent toutefois en cause ce processus ascendant en deux phases, de l’expérience vers la théorie, l’expérience n’apparaissant plus comme le point de départ, mais comme la confirmation de l’utilisation de la théorie scientifique dans la construction de l’Univers. Il semble alors pertinent de lui substituer le processus suivant, s’apparentant à la démarche classique de l’ingénieur ou de l’architecte, dans la conception d’une machine ou d’un bâtiment pour l’Homme. Une première phase est d’abord consacrée à l’élaboration du programme de l’Univers, ou plus couramment d’une partie seulement de ce programme. Que veut-on pour cet Univers, quels sont ses besoins ? Veut-on par exemple qu’il abrite un jour des sujets, en particulier des Hommes, qui auront alors la capacité d’auto-générer cet Univers, machine à faire des Dieux, comme le suggère H. Bergson ? Le principe anthropique qui conjecture notre Univers comme adapté à l’apparition de la Vie et de l’Homme, appartient évidemment à ce type de programme. La participation au programme de l’Univers est d’ailleurs ouverte à tous, et d’autres professions que les scientifiques, tels les philosophes ou les juristes y participent de fait déjà activement.

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Une deuxième phase est ensuite consacrée à la conception de la machine Univers. Suite aux exigences du programme, les scientifiques réfléchissent aux éléments à mettre en place pour concevoir peu à peu cette machine. Comme il faudra qu’elle devienne réalité, passant de la conception au chantier, on suppose que les grands principes méthodologiques qui guident le scientifique sont la simplicité, l’économie, la fiabilité, etc. Il faut en effet que la machine Univers reste simple à construire, que la richesse des fonctionnalités offertes n’implique pas l’utilisation d’éléments disparates et variés. Il faut surtout qu’elle ne tombe pas en panne. Enfin, vient la troisième phase, celle de l’expérience permettant de vérifier que la théorie physique a été ou non utilisée pour construire l’Univers. Même si la machine sur laquelle travaille le scientifique apparaît bien plus compliquée que celle sur laquelle travaille l’ingénieur, le scientifique possède le léger avantage d’avoir devant lui la machine à créer. L’expérience reste donc une phase fondamentale, indiquant aux scientifiques s’ils sont sur la bonne voie. A noter, que les critères de choix d’utiliser telles ou telles théories scientifiques, ne sont sûrement pas aussi lisibles que l’on peut l’espérer. En effet, peut-on s’attendre de la part des Hommes du futur à une totale objectivité dans le choix de telle ou telle théorie ? Je ne le crois pas, tout simplement déjà, parce que souvent plusieurs chemins se valent pour atteindre un même objectif. Ainsi, si certaines théories scientifiques sont falsifiées par l’expérience, cela n’indique pas explicitement leur faible intérêt, mais plutôt leur non utilisation dans la construction de l’Univers. Ces trois phases constituent également pour la démarche scientifique un processus ascendant et itératifs, et aujourd’hui les allers retours entre elles restent encore nombreux. Même si on peut déjà imaginer une quatrième phase correspondant à la phase chantier de la machine Univers, incluant alors des allers retours entre quatre phases, l’humanité en est encore loin. On peut qualifier la première phase de métaphysique, et les deux suivantes de physique, le tout pouvant être qualifié de science, celle-ci trouvant donc une acceptation plus large que celle qu’on lui accorde usuellement. On peut aussi parler tout simplement de philosophie, celle-ci englobant traditionnellement science et métaphysique.

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III.4.2 Le scientifique est-il un artiste créateur ? Qu’est-ce qui différencie alors le scientifique de l’artiste ? On avance souvent que l’artiste crée ses propres œuvres, alors que le scientifique ne fait que décrire les œuvres d’un Autre, Créateur de l’Univers. Néanmoins, comme on l’a proposé précédemment, scientifiques et artistes créateurs se confondent. Il y a en effet équivalence entre celui qui décrit l’Univers et celui qui le crée. Les scientifiques, tels G. Galilée, I. Newton, A. Einstein, etc., ont décri l’Univers, et c’est à l’aide de leur description que l’Univers sera créé. Et alors le cheminement intellectuel du scientifique s’inverse. Le scientifique ne part plus de l’observation de l’Univers pour ensuite en décrire les lois. Au contraire, à l’image du philosophe et du juriste qui imaginent le fonctionnement idéal de la République pour ensuite en déterminer les Lois, le scientifique imagine le fonctionnement idéal de l’Univers pour ensuite en déterminer les Lois. Le scientifique devient un artiste créateur. Bien sûr, la science est une œuvre d’art collective, alors que l’œuvre d’art, comme on se la représente traditionnellement, telle une peinture ou une musique, est souvent la création d’un seul homme. Cette caractéristique collective de la science impose aux scientifiques, sans doute plus de contraintes qu’à l’artiste solitaire. En effet, les créations du scientifique doivent finalement s’intégrer dans le travail des autres. En définitive, la science apparaît telle une œuvre d’art, à l’instar des cathédrales du Moyen-âge, œuvres d’art collectives, dont la conception et l’édification s’étalaient sur plusieurs siècles, avec des scientifiques qui en sont les grands architectes.

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Partie IV Quelle morale ?

On propose une morale à la fois relative mais absolue pour un groupe d’hommes vivant ensemble, débattue et à inventer au quotidien, responsable car sans la surveillance d’un père. IV.1 Le christianisme ou la naissance de l’humanisme

moderne : liberté, égalité, fraternité

Elevé dans une tradition plutôt chrétienne, j’ai reçu lors de mon enfance quelques bribes de pensées chrétiennes. A l’adolescence, puis jeune adulte, suivant une formation scientifique, les principes chrétiens me sont apparus comme des fadaises archaïques. Ayant comme valeur fondamentale, la connaissance scientifique, j’ai même eu vers vingt ans la conviction que le christianisme n’avait fait qu’immobiliser l’Europe, pendant plus de mille ans. Vers trente ans, en quête de davantage de sens, suivant un cheminement comparable à beaucoup, je me suis intéressé aux sagesses et philosophies anciennes et étrangères. J’ai lu le merveilleux livre de L. Ferry Apprendre à vivre qui proposait un christianisme développant des idées révolutionnaires, par rapport à l’idéal grec ou antique. Comme le soulignait très bien L. Ferry, on aurait pu craindre que la morale chrétienne, imposant le dogme d’un Dieu, soit une régression par rapport à la philosophie grecque ; tout au contraire, la morale chrétienne a permis la naissance de l’humanisme moderne et de ses trois caractéristiques majeures que sont la liberté, l’égalité et la fraternité. Suivant L. Ferry, reprenons succinctement les trois bouleversements principaux apportés par le christianisme vis-à-vis de la morale antique. Le premier bouleversement, c’est une liberté de choix ou un libre arbitre, devenu fondement de la morale. Le monde grec ou antique repose sur la conviction qu’il existe une hiérarchie naturelle des êtres. En effet, d’un point de vue naturel, nous avons tous des talents et des dons différents. Certains sont grands, intelligents, beaux, etc. D’autres possèdent moins ces caractéristiques. Or, pour la morale chrétienne, ce qui compte ce ne sont pas les talents dont on dispose naturellement, mais l’usage que l’on en fait, dans le bien ou dans le mal.

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Il existe ainsi un pré-requis nécessaire à la morale chrétienne, ce que les philosophes appellent le libre arbitre : le choix laissé à chaque individu d’agir ou non dans tel sens. Libres, nous pouvons être jugés sur nos actes. Le deuxième bouleversement, c’est l’idée d’une conscience intérieure plus apte à évaluer le bien et le mal que les lois de la cité, des lois extérieures imposées à chacun d’entre nous. L. Ferry cite le fameux épisode de l’Evangile où Jésus prend la défense de la femme adultère que la foule s’apprête, selon la loi, à lapider. Jésus remet en cause cette loi, appelant à la fois à un débat public entre les hommes, et à un débat intérieur, en chacun d’entre nous. Il appelle à la question suivante : en votre for intérieur, êtes vous sûrs que ce que vous faîte là est bien ou mal ? Cette attitude va favoriser considérablement le passage à l’humanisme moderne : ce qui est bien ou mal n’est pas révélé par un Dieu, ou imposé par une tradition ancienne, mais peut être débattu à fois publiquement entre les hommes, et dans le for intérieur de chacun. Le troisième bouleversement, c’est l’idée d’une égale dignité des êtres humains, de leur fraternité, et d’une Humanité unique. On constate tous facilement l’existence d’une inégalité naturelle entre les hommes. Néanmoins, selon la morale chrétienne, ce qui compte ce ne sont pas les talents dont on dispose, mais l’usage qu’on en fait. Suivant cette approche, les hommes se valent, ils peuvent être considérés comme égaux, comme des frères et sœurs, menant à la conviction d’une Humanité unique. Ces trois bouleversements ont été des pré-requis indispensables menant peu à peu à la morale humaniste des modernes. On peut néanmoins s’étonner qu’il ait fallu attendre plus de mille ans, pour atteindre cette morale. Comme élément de réponse, le plus difficile a peut-être été de passer d’une notion de bien ou de mal, dont la légitimité était encore recherchée, pour la tradition chrétienne, dans la révélation divine, que ce soit en public ou dans la conscience intérieure de chacun, à une notion de bien ou de mal, débattue et à inventer, par l’Homme, publiquement ou en Lui-même. Il aura sûrement fallu les découvertes scientifiques des temps modernes, pour que l’Homme prenne confiance en Lui, qu’il estime que la légitimité des lois passe plus par un débat mené par Lui, que par une révélation divine.

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IV.2 Une morale relative mais absolue pour un groupe d’hommes vivant ensemble, débattue et responsable

Sur l’essentiel, le scénario des Hommes du futur ne se distingue pas de la morale humaniste des modernes. Comme eux, il repend l’idée d’une morale débattue et à inventer par les Hommes, plutôt qu’une morale révélée par un Dieu. Bien loin des bouleversements principaux du christianisme, abordons ici trois points pouvant caractériser, sur le plan moral, le scénario des Hommes du futur. Un morale relative mais absolue pour un groupe d’hommes vivant ensemble Au début du 20ème siècle, le physicien A. Einstein tente de concilier le principe de relativité des coordonnées, avec l’existence d’une vitesse absolue et constante de la Lumière. Récemment, il a été également évoqué le souci d’une conservation du principe de relativité d’échelle, avec l’existence d’une constante absolue de Planck. Transposons ces deux problèmes à la morale, et voyons comme concilier une morale, qu’on suppose ici relative et subjective, avec la nécessité d’une morale utilisée par un groupe d’hommes, afin de vivre ensemble. On peut développer l’idée que ce qui peut paraître absolu, ce sont quelques caractéristiques communes partagées par un groupe d’hommes vivant ensemble. Pour ce groupe d’hommes (en cet instant, tous les humains vivant sur notre planète), la vitesse de la Lumière ou la constante de Planck, lui sont des absolus. Suivant cette idée, on peut imaginer une morale, caractéristique commune à un groupe d’hommes vivant ensemble, une morale à la fois absolue et subjective. Une morale débattue et à inventer au quotidien Cette morale est alors le résultat d’un long débat entre les Hommes du présent, entre tradition et innovation, une morale à inventer au quotidien, qui va évoluer pour leurs descendants, les Hommes du futur. De fait, on constate qu’une grande part des activités intellectuelles de l’Homme porte sur l’invention de cette morale, qui à un instant donné, permet un à groupe d’hommes de vivre ensemble, dans la paix et la sérénité, mais qui à l’instant d’après, doit souvent être entièrement reprise. On ne s’ennuie pas chez les Hommes.

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Une morale où chacun est responsable, car sans la surveillance d’un père Dans la tradition chrétienne, on retrouve une surveillance continue des actes de tout homme et l’idée d’un jugement dernier, décidant de son sort pour l’éternité. Même s’il s’agit sûrement d’un des points les plus contestable de la morale chrétienne, et si celle-ci n’innove pas ou très peu par rapport aux morales antiques qui l’ont précédée, ce genre de dispositif a permis de canaliser, de manière nocive, les comportements humains pendant des millénaires. On verra d’ailleurs dans le prochain chapitre, que la morale chrétienne a surtout innové, comme condition d’accession à l’éternité, avec l’amour en Dieu des êtres chers. Dans le scénario des Hommes du futur, nos enfants sont tout à la fois nos Créateurs, notre Père est tout à la fois nos enfants, il n’y plus de hiérarchie possible, de punition ou de jugement dernier. Chaque être, à la fois créateur et créé, est son propre responsable et seul juge de ses actes. A l’instar de la morale chrétienne, on proposera dans le prochain chapitre un salut qui se cherche non pas dans un jugement dernier, mais dans l’amour des êtres chers : descendants, ascendants, frères, sœurs, cousins, amis, et amours. IV.3 Comment légitimer les lois permettant de vivre ensemble ?

Avec une morale relative, il faut trouver des moyens pour légitimer les lois permettant de vivre ensemble. Pour que notre monde fonctionne, il est important de chercher un acquiescement général, favorisant le bonheur et la liberté du plus grand nombre. Il est proposé ici trois voies pouvant être suivies concomitamment. Une première voie peut d’abord invoquer les Hommes du passé, la tradition. On estime que les lois sélectionnées par les Hommes du passé sont particulièrement sages, et encore bien souvent adaptées aux besoins d’aujourd’hui. L’objectif n’est pas évidement de faire table rase, mais par discernement, de savoir conserver ce qui est bon. C’est ce qu’invoquent bien des religions, en proposant une morale, souvent légitimée par un Dieu ou des Dieux, qui se confond en fait avec les règles établies par les Hommes du passée.

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Une deuxième voie peut ensuite invoquer les Hommes du futur. Souhaitant laisser à nos descendants un monde meilleur, les lois mises en place aujourd’hui seront à leur service. C’est ce que proposent nombres d’associations environnementales, une protection de la planète, pour nos enfants. Dans quelques siècles, il faudra sûrement également protéger notre système solaire, puis notre galaxie, peut-être un jour l’Univers, toujours pour nos enfants, les Hommes du futur. Bien que ce soit plus discutable, il peut également être invoqué la Vie, nous les Hommes, étant à la fois différents du reste du Vivant, mais partie intégrante, et en étant issus via l’Evolution. Enfin, et surtout, une troisième voie peut invoquer les Hommes du présent. Les stratégies de légitimation des lois sont alors multiples. Des lois peuvent être décidées par un petit groupe d’hommes parce que ceux-ci possèdent certaines richesses (ploutocratie), certains talents (aristocratie), certaines connaissances (expertocratie), ou certaines compétences (technocratie). On a des mandarins qui grâce à leur compétence, ayant réussi des concours ou des sélections, sont estimés aptes à légiférer. On a des experts, qui ayant des connaissances pointues dans certains domaines, sont également estimés aptes à légiférer. On a des hommes de pouvoir économique, artistique, politique, etc., qui le plus souvent par leur fonction (ou celle de leurs ancêtres), parfois par les actes exercés pendant leur vie (ou ceux de leurs ancêtres), sont estimées également aptes à légiférer. Bien que cette stratégie reste problématique, il sera toujours difficile d’empêcher les individus les plus dynamiques (ou les plus installés) d’une société, de s’emparer de la création de ses lois, souvent au bénéfice de ces individus. Les lois peuvent être débattues par l’ensemble de la société puis décidées par la majorité. En fait, il n’existe dans aucune société une telle stratégie. Peut-être l’Athènes antique, est l’exemple historique qui s’en rapproche le plus, avec des citoyens athéniens ayant droit de discuter les lois et de les voter. Ces citoyens représentaient toutefois une faible part de la population, les étrangers et les femmes en restaient exclus. De plus, le nombre de citoyens athéniens se comptaient en milliers, et pas en millions comme dans nos sociétés. Dans ces dernières, le système appelé démocratie est très différent de celui de l’Athènes antique. La majorité des habitants ont droit de vote (exceptées deux communautés importantes, les mineurs et les étrangers, qui auraient sûrement leur mot à dire). Néanmoins, ces habitants n’ont pas droit de participer à la création des lois ; ce pouvoir est délégué à quelques individus

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qui légifèrent pour l’ensemble. Le mode de délégation de ce pouvoir est sûrement une faiblesse du système, il est décidé par les déléguées eux-mêmes qui tendent évidemment à se coopter entre descendants et ascendants. Dans nos sociétés, dont les membres se comptent en millions, il reste néanmoins difficile de ne pas déléguer une partie du pouvoir de création des lois. C’est là qu’intervient l’intéressante idée de démocratie participative. Dans les domaines qui ne nous concernent pas, qui ne nous intéressent pas, où nous avouons notre méconnaissance, nous pouvons déléguer notre pouvoir de création des lois ; par contre, dans certains domaines qui nous intéressent, nous sommes incités à participer à la création des lois, avec toujours en final, un vote à la majorité. La mise en œuvre pratique de cette idée n’est sûrement pas facile, cela permet néanmoins une intéressante légitimation des lois débattues par les Hommes du présent.

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Partie V Le salut de l’Homme ?

A l’instar du Christianisme, le scénario des Hommes du futur ne va pas lésiner sur les promesses de salut pour l’Homme.

V.1 Quel salut ?

L. Ferry qualifie le salut, comme ce qui va nous sauver de la mort, ce qui va donner sens à notre vie. Il oppose d’ailleurs religion et philosophie sur cette question du salut. Si les religions fondent le salut sur un Autre, la philosophie cherche le salut par soi-même. Pour L. Ferry, c’est évidemment bien préférable de chercher à se sauver par soi-même, que de compter sur un Autre, hypothétique. Il fait parti de ces hommes fiers, qui n’acceptent pas toujours facilement l’aide d’un Autre, et qui croient en la possibilité de l’Homme, à créer son destin, sans doute à juste titre. Toutefois, on a envie de répliquer, que se faire aider par un Autre, c’est également très positif, si nous-mêmes, nous pouvons aider cet Autre, ou même un Autre autre, qui en aidera un autre, etc. (éventuellement, sans que ce soit négatif, contre de l’argent). C’est le début de la vie en société. Revenant ensuite longuement, à la fin de son ouvrage, sur cette question du salut, L. Ferry avoue son rejet des réponses proposées par les philosophies antiques, celles-ci préconisant un détachement de l’individu, un profit de l’instant : « carpe diem », et un tout dans lequel chaque individu se fondra, réponses toutes insatisfaisantes pour lui. Quant aux philosophies modernes ou contemporaines, il concède qu’elles n’ont pas ou peu réglé, de manière satisfaisante, la question du salut. Finalement, et cela semble un déchirement pour lui, tellement il y va à reculons, il s’avoue infiniment tenté par la solution du Christianisme, qui lui propose, tel Face Book le site de rencontres sociales sur Internet4, de retrouver ses proches, après la mort. Son seul problème, c’est qu’il ne croit pas en cet Autre : « Je trouve le dispositif chrétien infiniment plus tentant… à ce détail près que je n’y crois pas ». Et en effet, comme le remarque à juste titre l’écrivain M. Houellebecq

4 D’ailleurs le succès de ces sites de rencontres sociales manifeste sans doute l’un des désirs les plus profonds de l’Homme, celui de la réversibilité temporelle, afin de revenir dans son passé, de pouvoir revivre éternellement ces instants intenses, en définitive de pouvoir renoncer à la mort qui nous attend.

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dans son roman Plateforme, contre la mort, il est difficile de faire mieux que le Christianisme, puisqu’il s’agit carrément de sa négation. Néanmoins, si la solution proposée par le Christianisme est si tentante, pourquoi comme le dirait le philosophe B. Pascal, s’en priver, ne pas parier dessus ? Pourquoi ne pas se la fixer comme programme ? Examinons alors, pour notre espoir de salut, sa compatibilité, oui ou non, avec les idées humanistes développées dans ce délire. V.2 Recettes scientifiques

Voyons deux exemples de recettes scientifiques, qui ont pour objectif de souligner le potentiel de l’Homme dans l’obtention d’idéaux, traditionnellement réservés au domaine religieux ou divin, en particulier cet idéal qu’est le salut de l’Homme.

V.2.1 Pour l’immortalité ? Suite à l’hypothèse de déformations de l’Espace et du Temps dans les deux sens, il existe deux perspectives scientifiques extraordinaires. La première perspective scientifique, c’est celle de comprendre comment sont construites les déformations de l’Espace et du Temps propres à la Vie. C’est une perspective scientifique où l’Homme s’est déjà considérablement investi avec la biologie, la chimie organique, la médecine, la génétique, la linguistique, l’étude du cerveau, etc. La deuxième perspective scientifique, c’est de pouvoir intervertir pour un être vivant, l’une de ses dimensions spatiales avec sa dimension temporelle, que l’on a rapproché des phénomènes électriques. C’est également une perspective scientifique où l’Homme s’est considérablement investi avec l’électronique, le cinéma, la télévision, l’informatique, etc., et toutes les créations d’images virtuelles que nous nous coltinons aujourd’hui quotidiennement. Bien que ces images nous paraissent parfois désagréable, car perçues comme uniquement virtuelles, il n’est pas exclu qu’un jour, elles forment une même et seule réalité avec la nôtre. Nous en sommes encore loin, mais nous imaginons qu’en développant ces deux perspectives scientifiques, nous pourrons un jour transformer notre Vie. Cela voudra-t-il dire que nous serons immortelles ? Possible. Néanmoins, pour acquérir cette immortalité, jusqu’à aujourd’hui vainement cherchée,

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peut-être faudra-t-il davantage, par exemple des transformations alternatives dans l’Espace et dans le Temps, idée d’ailleurs proche de la réincarnation. Affaire à suivre.

V.2.2 Pour une évolution réfléchie par l’Homme ? Dans son essai Le principe responsabilité, le philosophe Hans Jonas souhaite conserver à l’identique l’image de l’Homme. Même si cet objectif semble difficilement tenable, l’humanité est appelée à évoluer naturellement, on en comprend mal l’intérêt. En effet, on peut imaginer que chaque instant existe pour l’éternité. Alors, où est l’intérêt de conserver une humanité éternellement (même si ses qualités sont indéniables) ? Celle-ci doit se transformer, sans la nécessité d’ailleurs d’introduire dans l’argumentation, un jugement de valeurs sur ces transformations. Je crois même en une évolution réfléchie et préméditée par l’Homme, avec cette conviction que l’intelligence humaine aura un jour plus de chance d’obtenir de « bons résultats » dans une procréation réfléchie que dans une simple procréation naturelle, en espérant néanmoins un maintien du plaisir charnelle. Ainsi, on peut d’abord espérer pour l’Homme, des caractéristiques réfléchies pour ses descendants. On peut ensuite lui souhaiter, lors de sa propre vie, la possibilité de métamorphoses réfléchies de son être, en particulier de son corps. Ce qui ne renforcera pas, bien sûr, le pouvoir du corps, mais celui de l’esprit. Vers quoi l’humanité tendra ? Nul ne le sait. Bien des sages, comme l’écrivain M. Houellebecq dans son roman Les particules élémentaires, ont suggéré que le destin de l’humanité soit de tendre vers des Créateurs, des Immortelles, ou même des Dieux. Même si ce destin signifie aussi une perte de l’humanité tel qu’elle est aujourd’hui, c’est néanmoins je crois, tout ce qu’on peut souhaiter de mieux à cette humanité attachante, en particulier par ses faiblesses, en définitive souvent bien seule, capable du pire mais aussi du meilleur, comme un enfant qui grandit. Affaire également à suivre.

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V.3 De Syros à Patmos

Eté 2010. Par une douce nuit cycladique, je déambule avec ma petite famille sur les quais du port, puis dans les ruelles animées de la capitale des Cyclades : Ermoúpolis. A côté de moi, ma femme, belle, grande, très élégante, le teint bronzé, l’estomac rassasié. Je la saisie par la taille, nous sommes heureux. Nos trois enfants courent joyeusement dans les ruelles piétonnes de la cité cycladique. Nous faisons quelques dernières emplettes : du nougat empaqueté dans un curieux emballage de camembert, quelques bouteilles d’alcool miellé, du raki Amorgos, joliment nommé Gaïa Amorgou, que le vendeur traduit par femmes d’Amorgos. Gaïa, ce mot me plait, cela me fait penser à la déesse de la Terre, et surtout à cette fascinante hypothèse développée par un médecin anglais dans les années 1970, présentant la Terre comme un être vivant, agissant et créant son environnement. J’en parle à ma femme et m’envole dans quelques rêveries. La constante de Planck est-elle aussi créée par le Vie ? Déjà 22 heures, il nous faut rejoindre notre voiture. Nous achetons quelques bouteilles de lait pour notre petite dernière, Mycènes, puis regagnons notre véhicule. Rapidement, nous trouvons l’entrée du port, et stationnons dans la file notre Peugeot 307, un break que j’ai malencontreusement pas mal cabossé lors de rêveries hivernales. 23 heures, dans la nuit noire, la foule attend dans une ambiance gaie et décontractée le bateau. Quelques jeunes s’embrassent langoureusement. Les gens conversent, seuls sur leur portable ou en petits groupes. Soudain une clameur, un point lumineux apparaît au loin sur la mer. Le point lumineux grossit rapidement, silencieusement. Bientôt, un gigantesque ferry, la gueule ouverte, irradiant de lumière dans la nuit noire, accoste le petit port. Cela semble irréel. Telles des créatures surnaturelles, quelques silhouettes de marins, à l’intérieur de la gueule de lumière, s’activent et lancent des cordages vers les quais. Ce sont des cris, des vrombissements. Rapidement, une foule de piétons, puis de véhicules s’introduisent précipitamment dans la gueule brillante du ferry. A peine, avec ma petite famille, avons-nous pénétré dans le ferry, que déjà, celui-ci repart vers sa prochaine destination. Il nous emmène vers une petite île, que ma femme a déjà visitée, et que je suis impatient de découvrir : Patmos. C’est dans l’une de ses grottes, il y a presque 2 000 ans, que le théologien Saint Jean a écrit l’Apocalypse, texte totalement illuminé, délire poétique, sur le devenir de l’humanité.

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V.4 L’apocalypse

Lisons encore Saint Jean (Ap 21, 1-4) : « Alors j'ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et il n'y avait plus de mer. Et j'ai vu descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, toute prête, comme une fiancée parée pour son époux. Et j'ai entendu la voix puissante qui venait du trône divin; elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes; il demeurera avec eux, et ils seront son peuple, Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort n'existera plus; et il n'y aura plus de pleurs, de cris ni de tristesse; car la première création aura disparu ». » Souvenons-nous de ce que disait Bernard d'Espagnat, cité précédemment dans ce délire, « Mais il est clair que même le zèle théologique d'un Newton ou d'un Maxwell ne pouvait réussir à conférer à cette conception nouvelle d'un Dieu essentiellement « horloger » le caractère d'une vision qui, pour l'esprit, fut aussi « porteuse » que la précédente. » Avec nos connaissances scientifiques d’aujourd’hui, peut-on imaginer un retour à cette vision porteuse ?

V.5 Allons à la plage

Avec ma petite famille, nous atteignons maintenant Patmos, une petite île fameuse aux rivages découpés, formée d’une succession de collines verdoyantes. Trois centres d’intérêts : le monastère Saint Jean, la grotte de l’Apocalypse et la plage de Psili Amos. Notre visite de l’île commence le matin, méthodiquement, par celle du monastère, perché sur la principale colline de l’île. La route qui y mène serpente à travers une abondante forêt de pins maritimes et de chênes. Cela change des Cyclades, à la végétation aride. L’ile de Patmos, à proximité des côtes turques bénéficie visiblement d’hivers plus arrosés, les collines servant de réservoir pendant l’été. Au détour d’un virage, le monastère apparaît. Noble et austère, il se dresse telle une forteresse. Sa couleur ocre et foncée contraste avec la blancheur du village qui s’étale à ses pieds. En haut de la colline, la vue est magnifique sur la baie et les maisons cubiques du port, dénommé l’escale. Séance photo obligatoire et pose de toute ma petite famille. A l’intérieur du monastère, nous visitons une petite cour fleurie,

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dans laquelle déambulent de nombreux touristes, souvent âgées, sous de jolis arcs boutants aux pierres massives. Le deuxième point d’intérêt de l’île, c’est la grotte de l’Apocalypse, à mi chemin entre le port et le monastère. Avant la visite, j’imagine évidemment une grotte, Saint Jean y dictant son célèbre texte à son sbire. C’est avec un brin de déception que je découvre une église adossée à une paroi rocheuse et sombre. Sûrement a-on placé trop d’artifices dans ce lieu que j’escomptais plus naturel. J’ai en effet du mal à imaginer Saint Jean dictant son texte… De toute façon, il est déjà trop tard, les enfants ont faim, il faut rapidement acheter du pain avant que la boulangerie ne ferme. Pas le temps de rêver à un destin prodigieux pour l’Humanité, il faut agir, vite, nourrir tout le monde, tout de suite. Le troisième centre d’intérêt, c’est la plage de Psili Amos, le lieu à visiter pour percevoir enfin, les vibrations spirituelles de l’île. Pour s’y rendre, nous empruntons un petit chemin caillouteux qui serpente en aplomb d’une vaste baie. Le chemin est agréable, quelques essences de plantes méditerranéennes se diffusent agréablement, le ciel est bleu, sans aucun nuage. Il fait surtout chaud, avec un soleil à son zénith qui cogne fort, et je porte péniblement sur mes épaules ma petite dernière, qui pèse son poids. En contrebas, nous apercevons quelques baies désertes, cela ne semble pas être encore la plage espérée. Enfin, au sommet d’une côte, nous la découvrons. De loin, elle parait belle, abritée par une petite crique. Nous y descendons alors avec empressement. En bas, nous pénétrons avec ravissement dans un lieu tenant ses promesses. D’abord, quelques arbres qui prodiguent une ombre généreuse, sous lesquels reposent de nombreux corps alanguis et dévêtus. Puis, une petite taverne, à ses tables mangent avec appétit, poissons, salades et vins résinés, de nombreux estivants. Enfin la plage, large, au sable fin et doré, s’offrant à la mer bleu. Des enfants s’y baignent avec joie, les cries et les rires fusent. Est-ce le paradis ? En tout cas, ça y ressemble. Je reconnais de jolies françaises, très dévêtues, à la peau dorée et aux longs cheveux blonds bouclées, parées pour leur époux. En ces lieux de joie, je songe au beau texte illuminé de Jean… Oui, peut-être que durant son exil sur cette île, lors de ballades jusqu’à cette petite crique, l’inspiration lui est venue … Nous nous installons sur la partie nord de la plage, celle sur laquelle débouche le sentier côtier. Mes enfants, au doux bronzage doré construisent bientôt, avec le sable et l’eau, des systèmes complexes et ingénieux de châteaux et de piscines. D’autres enfants viennent les aider, tentant dans ces langues variées parlées en Europe de se comprendre. Je décide alors de rejoindre le sud de la plage. C’est le domaine des corps nus, jeunes ou moins jeunes, femmes ou hommes, gouttant sur leur peau la seine lumière du Soleil, offrant leur corps à la vue des autres. L’ambiance est toujours

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sympathique, décontractée, j’admire de jolies jeunes filles nues, aux corps parfaits, pour encore quelques étés. Dans les broussailles, je distingue des tentes, dans lesquels ces naturistes s’unissent, s’aiment, puis se reposent, jours ou nuits… Je songe aux philosophes de la Grèce antique, à Diogène, à son tonneau, sous le soleil estivale, sur ces rivages méditerranéens, l’ambiance parait être la même, libre, légère et éternelle. V.6 Un salut individuel intimement lié au salut de tous ?

Dans son essai Apprendre à vivre, L. Ferry explique pourquoi selon lui les philosophes antiques, en particulier le stoïcisme, ont été submergées à la fin de l’antiquité par les religions monothéismes, comme le Christianisme. Face à l’inquiétude quasi insoutenable de l’individu face à la mort, le stoïcisme promet une immortalité, non pas individuelle, mais holiste, le moi devenant immortel se fondant dans le tout du cosmos. Cela constitue une faiblesse importante, chacun préférant évidemment l’immortalité de son propre moi. L. Ferry soutient, sans doute avec justesse, que contrairement au stoïcisme, le Christianisme n’a pas lésiné sur les moyens pour rassurer l’Homme. Il nous a tout promis, l’éternité du moi, et celle des êtres qui nous sont chers. Et pour l’obtenir, il nous suffit de croire en Dieu et en son amour. On notera que l’immortalité de l’âme se trouve déjà inscrite dans la religion des anciens Egyptiens, ainsi que dans celle des anciens Grecs. On relève par exemple dans l’œuvre de Platon, des allusions à l’immortalité de l’Homme, en particulier en fonction de sa conduite morale ; un platonisme qui a sans doute influencé profondément les pères fondateurs de l’Eglise chrétienne. Ce qui fait alors la nouveauté du Christianisme face aux religions antiques, c’est un critère dominant d’immortalité, devenu amour en Dieu des autres êtres humains. L’immortalité s’obtient de manière particulièrement agréable, il suffit d’aimer à travers Dieu, les êtres qui nous sont chers. A l’instar du Christianisme, on peut avancer que le scénario Hommes du futur ne va pas lésiner sur les promesses. Suivant le principe de savoir récupérer ce qui est bon, et au vu de l’adhésion des foules au Christianisme depuis des siècles, on peut sans doute présenter le programme chrétien pour l’au-delà comme pertinent, programme d’ailleurs imaginé par des humains, les pères fondateurs de l’Eglise chrétienne, et donc potentiellement récupérable par les Hommes du futur.

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La majorité d’entre nous espère qu’il y a quelque chose (ou quelques événements) après la mort, que celle-ci n’est qu’un passage. Au cours de notre Vie, la réponse à cette espérance restera hors de nos certitudes. Toutefois, si un jour, les Hommes du futur atteignent l’éternité, on peut présumer qu’ils tenteront de sauver les âmes de leurs ancêtres5. Alors, c’est l’éternité que nos âmes rejoindront. Par contre, si c’est le néant qui nous attend, alors sûrement, l’humanité, corps et âmes, aura sombré un jour ou l’autre. Suivant le beau message d’amour et d’inspiration chrétienne, le salut individuel de chacune de nos âmes est lié intimement au salut de toutes les âmes de notre humanité.

V.7 La religion de l’Humanisme

Il pourra apparaître à certains que le scénario Hommes du futur, se positionne en concurrent des religions monothéistes, en particulier du Christianisme. Cependant, ces deux « révélations », Christianisme et Hommes du futur se rapprochent par les fondements humanismes, qu’elles contiennent toutes deux6. Et si dans l’une, Dieu se fait Homme, dans l’autre, l’Homme devient Dieu, avec comme hypothèse supplémentaire : une réversibilité temporelle, et donc un Dieu qui redevient Homme. Quel autre nom alors donner au scénario des Hommes du futur ? Je crois qu’on peut simplement le baptiser la religion de l’Humanisme. Certains diront que le nom est déjà pris, que la notion d’humanisme a une toute autre signification. Je répondrais qu’au contraire, l’humanisme contient implicitement toutes les idées proposées dans ce délire, en particulier une confiance en l’Homme, en son esprit, en son possible dévouement pour l’autre sans nécessaire contrepartie, et surtout, et c’est là qu’Il est vraiment fort, en son aptitude formidable pour la création.

5 Le souci, dans ce cas là, c’est de savoir quelles âmes il va falloir sauver, les bons, les méchants, les hommes de Neandertal, les chiens, les marguerites ? Allons, soyons généreux et sauvons en le maximum ! « Tout le monde ira au paradis » selon le poète et chanteur M. Polnareff. 6 Mes connaissances sur les autres religions monothéistes comme le Judaïsme ou l’Islam, voire les autres religions d’Asie, ne sont pas assez profondes pour me prononcer sur leurs aspects humanistes. Néanmoins, à ce que j’en ai lu ou entendu, elles semblent également en contenir certains traits majeurs.

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J’achèverai ce chapitre par la devinette suivante : qui est le Créateur de l’Homme ? Personnellement, il m’a quand même fallu deux mpaternités pour le comprendre. En apothéose à ce délire humain, je propose les deux messages suivants : Nous sommes Dieu(x), créateurs de toutes créations et de toutes créatures, Et par Amour, tous mutuellement, nous nous sauverons.

C’est l’Homme.

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Conclusion : Un parricide L’écriture de ce délire ne m’a pas été facile, les idées développées m’ont semblé parfois particulièrement gênantes, voire douloureuses. Certaines s’apparentent en effet à un véritable parricide : le fils Homme doit finir par tuer Dieu son père, afin de prendre enfin en main son destin et acquérir sa liberté. Cette liberté n’est cependant pas sans contrepartie, l’Homme se retrouve orphelin et seul dans l’Univers. C’est parfois terrible d’être seul ! Heureusement, je crois en Lui, car Il possède des ressources infinies, en particulier celles de l’enfantement et de la création. Néanmoins, j’avoue ne pas croire (au sens du verbe croire chez un chrétien) à ce qui est proposé dans ce délire. Cela me semble simplement de l’ordre du plausible ; je l’admets, je suis finalement un homme du doute. Alors, pour tous ceux qui doutent mais qui imaginent que c’est possible ; et justement parce que ce doute insoutenable subsiste en nous, nous agissons ; clamons notre espérance en ce délire humain. Inéluctablement, Ils maîtrisent les secrets les plus profonds de la Matière et de la Lumière, et peuvent tout détruire et tout reconstruire. Ils sont les maîtres du Temps et de l’Espace, et essaiment à travers les galaxies. Ils modifient leur nature, ne naissent plus seulement dans le ventre de leur mère, et oublient qu’ils furent mortels. Leur combat, c’est la lutte incessante pour repousser les limites de ce que certains appellent hasard, d’autres Dieux, en fait ce qui leur échappe. Et, ils ont une arme redoutable et infinie, leur Esprit. ETRES HUMAINS DE TOUS LES SEXES, UNISSONS-NOUS ! Allons au-delà de tout, en deçà du rien ! Maintenant, demain, comme autrefois, imaginons l’Univers, et créons-le !

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Bibliographie du Délire humain

Ci-joint quelques œuvres, sources d’inspiration pour les réflexions menées dans ce délire. Essais ou romans métaphysiques : [1] Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion. Paris, 1932. [2] J. Dutertre, Maintenant pour l’éternité. Téléchargeable sur scribd en version pdf. [3] L. Ferry, Apprendre à vivre. Editions Plon, Paris, 2006. [4] L. Ferry, Familles je vous aime. XO Editions, Paris, 2007. [5] M. Houellebecq, Les particules élémentaires, Flammarion, Paris, 1998. [6] M. Houellebecq, Plateforme, Flammarion, Paris, 2001. [7] H. Jonas, Le principe responsabilité. Les Editions du Cerf, Paris, 1990 (pour la

traduction française). [8] J. Monod, Le hasard et la nécessité. Edition du seuil, Paris, 1970. Entre un univers

projectif, auquel on peut rattacher le scénario Hommes du futur, et un univers objectif, fondé sur le hasard et la nécessité, auquel on peut rattacher le scénario des Multivers, J. Monod tranche pour la deuxième solution.

[9] F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra. Editions Gallimard, Paris, 1971 (pour la traduction française).

[10] B. Russell, Science et religion. Editions Gallimard, Paris, 1971 (pour la traduction française).

Essais physiques : [11] A. Einstein, Physique, philosophie, politique, textes choisis et commentés par Françoise

Balibar. Seuil, Paris, 2002 (pour l’édition en livre de poche). [12] A. Einstein, La relativité. Payot et Rivages, Paris, 2001 (pour l’édition en livre de

poche). [13] B. d'Espagnat , Une Incertaine réalité, Gauthier-Villars, Paris (1985). [14] W. Heisenberg, La partie et le tout. Editions Albin Michel, Paris, 1972 (pour la

traduction française). [15] L. Smolin, Rien ne va plus en physique ! Dunod, Paris, 2007 (pour la traduction

française). [16] F. Varela, Invitation aux sciences cognitives. Editions du Seuil, Paris, 1996, pour la

traduction et l’édition françaises.

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Table des matières

Introduction : Du délire d’un homme à la réalité de tous.....................3

Partie I Délires sur la nature du Temps..............................................4 I.1 Les délires d’A. Einstein sur le Temps et la Lumière ...................4 I.2 Les délires (ou les délices ?) d’un Temps à deux sens ..................5 I.3 Les délires de R. Feynman : une antimatière qui remonte le Temps.....................................................................................................6 I.4 Les délires de rapprocher déformations du Temps et électricité ...7 I.5 Une nouvelle vision du Temps......................................................9

Partie II Les Hommes du futur.......................................................11 II.1 La parabole de Bohr de la baleine et du voilier...........................11 II.2 Pourquoi l’esprit de l’Homme a la capacité de comprendre l’Univers, peu à peu ?...........................................................................12 II.3 L’Horloger...................................................................................13 II.4 Pourquoi les idées scientifiques naissent dans l’esprit de l’Homme, et qu’incroyablement, elles se retrouvent dans la Nature ?.14 II.5 Les Hommes du futur, destin et origine de l’espèce ?.................15 II.6 La parabole de l’œuf et de la poule .............................................16 II.7 Multivers ou Hommes du futur ? Hasard ou cogitations ? ..........17 II.8 Replacer l’Homme au centre de l’Univers ..................................21

Partie III La démarche scientifique, ou voir le divin......................23 III.1 Apprendre à vivre........................................................................23 III.2 Machines et débats, pré-requis à la démarche scientifiques........24 III.3 La science est-elle la réalité ?......................................................25 III.4 Conséquences pour la démarche scientifique et ses acteurs........28

Partie IV Quelle morale ? .................................................................31 IV.1 Le christianisme ou la naissance de l’humanisme moderne : liberté, égalité, fraternité ......................................................................31 IV.2 Une morale relative mais absolue pour un groupe d’hommes vivant ensemble, débattue et responsable ............................................33 IV.3 Comment légitimer les lois permettant de vivre ensemble ?.......34

Partie V Le salut de l’Homme ?......................................................37 V.1 Quel salut ?..................................................................................37 V.2 Recettes scientifiques ..................................................................38

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V.3 De Syros à Patmos.......................................................................40 V.4 L’apocalypse ...............................................................................41 V.5 Allons à la plage ..........................................................................41 V.6 Un salut individuel intimement lié au salut de tous ?..................43 V.7 La religion de l’Humanisme........................................................44

Conclusion : Un parricide......................................................................46

Bibliographie du Délire humain............................................................47

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