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// ÉPOQUE // FIPF REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS N° 375 MAI-JUIN 2011 le français le monde dans Mahamat-Saleh Haroun, un homme qui filme le Tchad En Chine, vaincre la crainte de parler des étudiants Le français, tremplin pour un Brésil en marche // MÉTIER // Diane Kruger, actrice polyglotte, entre Paris et Hollywood // DOSSIER // // MÉMO //

le français dans le monde 375

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DESCRIPTION

Numéro de mai / juin 2011 de la revue Le français dans le monde. Le numéro du cinquantième anniversaire du Français dans le monde.

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// ÉPOQUE //

FIP

FREVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

N° 375 MAI-JUIN 2011

lefrançaisle mondedans

ISSN 0015-9395ISBN 978-2-090-37066-9

www.fdlm.orgMahamat-Saleh Haroun, un homme qui filme le Tchad

En Chine, vaincre la crainte de parler des étudiants

Le français, tremplinpour un Brésil enmarche

// MÉTIER //

Diane Kruger, actrice polyglotte,entre Paris et Hollywood

// DOSSIER //

// MÉMO //

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Le français dans le monde sur Internet : http://www.fdlm.org

Le français dans le monde //n° 375 //mai-juin 2011 1

Sommaire

32Du bon usage des dictionnaires en classe

Nouvelles ruralités.Habiter les champs,cultiver les villes

Métier / Zoom

34. Expérience Le professeur à la caméra au service de l’apprentissage

36. GastronomieLe monde à tour de plats

38. InnovationVizaFLE : l’ère des profs 2.0

40. EnquêteLe français, tremplin pour un Brésil en marche

42. Savoir-faireEn finir avec la crainte de parler

44. Ressources« Julie a écrit sur ton mur »

Les fiches pédagogiques à télécharger

Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des Professeurs de français - www.fipf.org, éditée par CLE International – 9 bis, rue Abel Hovelacque – 75 013 Paris Tél. : 33 (0) 1 72 36 30 67 – Fax. 33 (0) 1 45 87 43 18 – Service abonnements : 33 (0) 1 40 94 22 22 – Fax. 33 (0) 1 40 94 22 32 – Directeur de la publication Jean-Pierre Cuq (FIPF) Directeur de la rédaction Jacques Pécheur (ministère de l’Éducation nationale – FIPF) Secrétaire général de la rédaction Sébastien Langevin Relecture/correction Marie-Lou Morin Relations commerciales Sophie Ferrand Conception graphique Miz’enpage - www.mizenpage.com – Commission paritaire : 0412T81661. 51e année.Comité de rédaction Dominique Abry, Isabelle Gruca, Valérie Drake, Pascale de Schuyter Hualpa, Chantal Parpette, Jacques Pécheur, Florence Pellegrini, Nathalie Spanghero-Gaillard.Conseil d’orientation sous la présidence d’honneur de M. Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie : Jean-Pierre Cuq (FIPF), Pascale de Schuyter Hualpa (Alliance française), Raymond Gevaert (FIPF), Michèle Jacobs-Hermès (TV5), Xavier North (DGLFLF), Soungalo Ouedraogo (OIF), Nadine Prost (MEN), Jean-Paul Rebaud (MAEE), Madeleine Rolle-Boumlic (FIPF), Vicky Sommet (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).

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MÉMO62. À voir

64. À lire

68. À écouter

INTERLUDES6. Graphe « Jeunesse »

20. Poésie Amina Saïd : « Les saisons ont passé »

46. Nouvelle Christian Jacq : « Le dernier singe »

60. BD Martin Vidberg : Les devoirs à la maison

70. Jeux À quoi tu joues ?

Dossier

● Économie : La France réorganise sa filière nucléaire

● Poésie : Les saisons ont passé

● Une journée dans la vie de… :Adeline, Sage-femme

●Clés : La notion de compétence● Reportage :

Le monde à tour de plats● Dossier : La plus grande

ferme de France tient salon● BD : Les devoirs à la maison● Tests et jeux

fiches pédagogiques à télécharger sur :www.fdlm.org

2. Le français dans le monde a 50 ans

ÉPOQUE8. PortraitDiane Kruger, actrice curieuse de tout et des autres

10. TendanceUn macaron sinon rien

11. SportLe Flash, plus que du football américain

12. ÉconomieLa France réorganise sa filière nucléaire

14. Regard« Internet est le royaume des autodidactes »

16. ÉvènementStéphane Hessel au miroir de la presse

17. ExpositionGallimard, une mythologie centenaire

18. Une journée dans la vie de…Adeline, sage-femme

MÉTIER22. L’actuLe billet du président de la FIPF

24. FocusDégager un modèle cohérent de formation des enseignants

26. Mot à motDites-moi Professeur…

28. ClésLa notion de compétence

30. InitiativesLe Delf pro : une réponse au développement de la mobilité professionnelle

32. ZoomDu bon usage des dictionnaires en classe

numéro 375

La plus grande ferme de France tient Salon..........52Les nouveaux combats de l’agriculture................54Une vie après la ville.......................................56Du producteur des champs aux « consom’acteurs » des villes......................................................58 50

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50e anniversaire //

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Il avait beaucoup neigé cethiver-là. Nous étions en 1985et le boulevard Saint-Michel,soudain silencieux, n’étaitpraticable qu’à ski ou pour les

joies de la luge. Cet hiver-là, Jean-Marie, Jean-Marie Gautherot, alorsrédacteur en chef de la revue, m’avaitlaissé les clés du Français dans lemonde comme on laisse les clés de

montre d’empathie, il n’y avait qu’àprendre, ou plutôt à reprendre, et àréinterpréter. C’est ce que j’ai sou-vent répété à André Reboullet, lefondateur de la revue quand, tou-jours attentif à son évolution, il vou-lait bien me gratifier de quelque ap-probations pour les initiatives que jeprenais afin de poursuivre l’aven-ture commencée par lui, en 1961.

« Prenez-y garde, nous assurait-on, une revue n’est pas une course de vitesse, c’est une course de fond. »

son appartement à un ami, et j’enprofitais pour remonter, aventurierincertain, aux origines de la revue. Découvertes, surprises, étonnement,je suis ressorti de cette lecture descommencements avec quelques cer-titudes et surtout une conviction :tout est là. Il suffisait d’écouter at-tentivement ce que ces premièrespages, ces premiers numéros di-saient, et pour peu qu’on y fasse

C’est précisément là où je veux envenir, à ce premier numéro du moisde mai 1961. Trois sections pour unsommaire et trois entrées qui sontautant d’objectifs : former – infor-mer – documenter. On aura beau,au fil du temps, réorganiser le som-maire, modifier les intitulés, passerl’un devant ou l’autre après, divisertelle entrée en deux, les objectifs,eux, ne varieront pas. Parcourez le

Décision dudirecteur généraldes Affairesculturelles ettechniques, RogerSeydoux, de créerLe français dans lemonde.

1960 1961 Septembre 1961 1962-1963 1964 1966

Parution en mai 1961 dupremier numéro de larevue éditée par Hachetteet Larousse. Élaborationgrâce aux servicesculturels d’un fichier de 71 000 adresses. Lefrançais dans le mondeest rattaché au BELC et à l’INRP puis au CIEP.

Mise en place d’un réseau de 80correspondants ; créationd’un service diversifié derenseignements.

Parution du premiernuméro spécial surl’enseignement de lacivilisation ; livraison avecla revue d’un disquesouple, Sonofrance, éditéavec l’appui de la RTF(Radio Télévisionfrançaise).

Parution du magazinescolaire pour les élèves,Passe Partout, publié parLe français dans le monde.

Le français dans le monde en quelques dates

// ÉPOQUE //

FIP

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REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

N° 375 MAI-JUIN 2011

lefrançaisle mondedans

Mahamat-Saleh Haroun, un homme qui filme le Tchad

En Chine, vaincre la crainte de parler des étudiants

Le français, tremplinpour un Brésil enmarche

// MÉTIER //

Diane Kruger, actrice polyglotte,entre Paris et Hollywood

// DOSSIER //

// MÉMO //

Commençons par le cLe français dans le monde a 50 ans

Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

Création de l’Aupelf(Association desUniversitéspartiellement etentièrement de Languefrançaise). Aujourd’huiAUF (Agenceuniversitaire de lafrancophonie).

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Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011 3

alors est encore employée précau-tionneusement –, dont Le françaisdans le monde est l’incontournable,l’irremplaçable lieu de mémoire.Wagner, lui, fixe le cap : il donne lesraisons intangibles d’apprendre unelangue et singulièrement le français :le lieu où s’élabore une pensée ; lapromesse et le moyen d’accéder à uneculture ; la possibilité de s’approprierun système de valeurs ; l’accès à un

système inconnu de pensée et de vie.D’autres après lui, pêle-mêle, poli-tiques, militants d’association, admi-nistrateurs, intellectuels, linguistes,artistes viendront enrichir, préciser,éclairer toutes ces raisons. La géogra-phie, l’histoire, les relations diploma-tiques y jouent aussi leur rôle : qu’onlise dans ce numéro 375 en quoi lefrançais a bel et bien sa place au-jourd’hui dans un Brésil en marche.

du royaume », qu’il précède l’articled’Albérès « Cadres pour l’étude duroman français de 1945 à nos jours »qui cède, lui, la place à Michaudpour une analyse sur « Paris, micro-cosme de civilisation ».Ici, Gougenheim et Rivenc ouvrent laporte à toutes celles, tous ceux qui,au fil des numéros, écriront l’histoirede cette didactique du « françaislangue étrangère » – l’expression

sommaire de ce numéro 375, ilssont toujours là.J’aime que le premier numéro ouvresur quatre articles qui donnent le ton :un accord en majeur riche de tous lesdéveloppements à venir. J’aime quele premier numéro ouvre sur cet ar-ticle de Gougenheim et Rivenc sur «L’état actuel du français fondamen-tal », que lui fasse suite l’article deWagner au titre référencié « Les clés

1967 1969 1974 1978 1981 1983

Appui décisif du Françaisdans le monde à lacréation de la FIPF : il luiapporte son secrétariat,ses fichiers, son réseaude correspondants etd’amis.

Parution du Guidepédagogique pour leprofesseur de français(90 000 exemplaires).

Parution duCarnet duprofesseur defrançais(50 000exemplaires).

Publication du numérospécial destiné auxassistants de français.

Création de Réponses, supplémentAfrique et Océan indien du Français dans le monde.Parution de Reflet, revue de françaislangue étrangère, à l’initiative de l’Alliancefrançaise, du Crédif et des Éditions Hatier. Création de la sous-direction du français au ministère desAffaires étrangères.

Réorganisationrédactionnelle.

commencement…

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50e anniversaire //

4 Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

Ouverture du siteInternet hébergé auxÉtats-Unis sur leserveur de l’AATF(American Associationof Teachers of French) :www.fdlm.org

Édition duCarnet devoyage del’opération Allons enFrance 1998.

Convergences 85 : réuniondu réseau mondial desattachés linguistiques. Lefrançais dans le mondeest partenaire de cetteconvention.

1985 19981987 1989 1991 1993 1994 1994

Refonte éditoriale duFrançais dans le monde.Création de la collectionRecherches et applicationset de Diagonales.

Parution du « Kit Révolution » (35 000exemplaires).

Création dumagazinesonoreFréquenceFDM.

Parution du kitchansons :Nouvellegénérationfrançaise 1.

Création dumagazinevidéo, Vidéo Classe.

Le français dans le monde en quelques dates1985

n° 368

Il revient à Albérès, à propos duroman, de nous rappeler qu’unelangue n’est rien sans la modernitéqui la porte, je veux dire qu’elle estmenacée si elle n’est pas porteused’une culture en train de s’écrire. EtLe français dans le monde peut s’en-orgueillir d’avoir été et de rester laboussole d’une modernité par na-ture dérangeante. Qui peut encoreavoir le désir de prêter attention àune langue si elle n’a plus rien à diresur le monde qui advient ? Confiercette parole proprement inouïe aucinéaste tchadien Mahamat-SalehHaroun, comme ce numéro princepsl’avait laissé au cinéaste de L’Annéedernière à Marienbad, au talentd’une nouvelle auteure, DominiqueConil, comme il avait alors renducompte d’un inconnu prometteur quivenait de publier Le Parc, PhilippeSollers, aux rythmes rock, folk etchaâbi de Souad Massi… Comme au

premier jour, ce numéro 375 conti-nue d’assurer aux centaines de mil-liers d’enseignants que la languequ’ils enseignent conserve entier sonpouvoir de création, une créationaujourd’hui démultipliée, somp-tueusement enrichie par les apportsd’un espace francophone déjà pré-sent, avec Ramuz, dans ce premiernuméro.Faire comprendre aussi ce qui struc-ture comme on voudra une culture,une société, une civilisation, mettreen contact le lecteur avec les réalitésqui les constituent, c’est à Michaudque revenait cette tâche dans notrenuméro 1. Au fil du temps, Le fran-çais dans le monde n’a cessé d’opérerce va-et-vient, persuadé qu’un ap-prentissage de la civilisation « allaitde pair avec un enseignement de lalangue et de la littérature ». Et puis lepremier numéro spécial de la revuen’est-il pas consacré à l’enseigne-

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5Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

1999 2000 2001/2004 2010

Le français dans lemonde adopte un formatmagazine, change demaquette et réorganiseses contenus.

Le français dans le mondeest confié à la FIPF.

Clé International devientl’éditeur de la revue.

Création de Francophonies du Sud avecl’appui de l’Organisation internationale de laFrancophonie. Suivront Francophoniesd’Europe, Francophonies arabes (2007), etFrancophonies d’Amérique du Nord (2008).

Refonte éditoriale etrédactionnelle complètede la revue et de son site :changement de format, demaquette, d’organisationet de contenusrédactionnels ; nouvellestructure, nouvellesfonctionnalités et nouvelhabillage du site.

ment de la civilisation ? Pas d’anni-versaire sans gâteau du même nom :« Un macaron sinon rien » com-mande ce numéro 375. Signe destemps, au moment où la gastrono-mie française entre au patrimoineimmatériel de l’humanité, nos mythologies deviendraient-ellesgourmandes ?Ici, pas d’icône qui renvoie sur le siteInternet de la revue à une fiche ac-compagnant cet article, mais la ficheest bien là, page 44, la revue n’encomptant alors que 48. Pratique, auplus près au service des enseignantset cherchant déjà dans ce premiernuméro à faire en sorte que la revuesoit directement utilisable en classe.Nous restons résolument au-jourd’hui attachés à cette volonté età l’illustrer au fil des fiches qui ac-compagnent non pas un, mais huitarticles de ce numéro anniversairede mai-juin 2011.

Reste pour conclure très provisoire-ment cette phrase OVNI, retrouvée àla fin de cet été sicilien 2009, dansl’éditorial de ce premier numéro etdevenue la raison d’être de ce quinous occupe au jour le jour sur le pa-pier et plus que jamais sur la Toile : « Constituer le lien entre tous ceux quienseignent le français dans le mondeet dont beaucoup, dans leur activitéprofessionnelle, se sentent isolés. »J’aime croire qu’en écrivant cettephrase, André Reboullet avait laissésa pensée vagabondée par-delà lesAndes, vers ce Chili de sa jeunesseauquel il restait très attaché, vers cesenseignants si loin, là-bas, qui sont laraison d’être de la revue. Que chacun, lecteur, lectrice, lesache : Le français dans le monde nese sent vraiment chez lui quelorsqu’il est chez vous. n

André Reboullet, Jean-Marie Gautherot, Jacques Pécheur,Françoise Ploquin, Alice Tillier.

François Pradal, Isabelle Morin.

Raphaël Nataf, Jean-Jacques Frèche,Jacques Verdol, Jean-Claude Demari,Cécile Rouquette, Sébastien Langevin.

Elisa Chappey, Gisèle Kahn, Marcella di Giura, Pierre-Alain Le Cheviller.

Simone Aubert, Jacqueline Dodeman,Anne-Marie Mercadier, Lydie Malo,Anne-Sophie Balaÿ et Sophie Ferrand.

Ils et Elles l’ont fait :

Merci aux partenairesinstitutionnels, éditeurs,membres des comités derédaction et d’orientation,annonceurs qui ont soutenu la revue. Merci aux auteur(e)s,chroniqueurs et chroniqueuses,journalistes, coordinateurs etcoordinatrices de numérosspéciaux, maquettistes, dessina-teurs, photographes, relectrices,opératrices de saisie, fabricants,présentateurs, metteurs enondes, réalisateurs, webmaîtres,gestionnaires des abonnements,responsables commerciaux quiont contribué au cours de ces cinquante années à « faire », mois après mois, Le français dans le monde.

// MÉMO //// ÉPOQUE //

L’Orchestre national de Barbès en fusion entre Paris et Maghreb

Michel Houellebecq, l’évènement de la rentrée littéraire

FIP

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REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

N° 371 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010

lefrançais

// DOSSIER //

De la page à l’écranL’édition numérique

De Saint-Malo à Bamako, un lecteur public pour donnerle goût du livre

Enseignement en immersion à l’université américaine de Middlebury

// MÉTIER //

le mondedans

Jacques Pécheur

REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

N° 368 MARS-AVRIL 2010le mondelefrançaisdans

// MÉMO //

// MÉTIER //

// ÉPOQUE //

Toute l'actualité dessorties livres, CD, DVD

En Iran, le français fait de la haute montagneLe Brésil et les plaisirsde l’échange scolaire

Joann Sfar, quand un auteur de BD passe derrière la caméra pour raconter Gainsbourg

// DOSSIER //

Les îles de l’outre-mer dépendantes, ouvertes, métissées

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Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

JEUNESSE

« Les voyages forment la jeunesse, a dit un sage,

mais ils déforment les chapeaux. »Alphonse Allais, Œuvres posthumes

«Ça fait partie de la condition d'acteur detoujours rejouer sa jeunesse.»Philippe Caubère

« Donnez-vous des rendez-vous partout,Dans les champs, dans les choux,Faites-vous des baisers tout de suite,Des serments sur le grand huit.Le temps passe à toute vitesse,Roulez jeunesse. »Louis Chedid, « Roulez, roulez jeunesse »

«C'est le propre de la jeunesse de couperles liens, d'ouvrir des chemins nouveaux,de rêver de liberté.»Reine Malouin, « Où chante la vie »

interlude //©

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«Un beau soir l'avenirs'appelle le passé. C'est alors qu'on setourne et qu'on voit

sa jeunesse. »Louis Aragon, Le Nouveau Crève-cœur

« La jeunesse est courte. C'est la vie qui est

longue… »Françoise Giroud,

Journal d'une Parisienne

« La jeunesse est le sourire de l'avenirdevant un inconnu qui est lui-même. »Victor Hugo, Les Misérables

« Réaliser dansl'âge d'hommeles rêves de lajeunesse, c'estainsi qu'unpoète a défini le bonheur. »Léon Blum, Stendhal et le beylisme

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« Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait. »Henri Estienne, Les Prémices« Hélas ! C'est la fièvre de la jeunesse qui maintient

le reste du monde à la température normale. Quand lajeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents. »Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune

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époque // Portrait

8 Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

Diane Kruger,

Elle est née en Allemagne, a étudié en Angleterre et en

France, elle vit avec unCanadien et tourne aussi bien

en Europe qu’aux États-Unis… Diane Kruger,

polyglotte, a plus d’une languedans son sac et bien d’autres

atouts que sa beauté.

Pour rester dans l’esprit deJuvénal et de sa célèbrecitation « mens sana incorpore sano », on peutaffirmer que Diane Kru-

ger a un corps de rêve, mais égale-ment une tête bien faite. La conjugai-son de ces deux caractéristiques l’ontamenée en haut de l’affiche avec unegrande lucidité, «  la beauté ouvrebeaucoup de portes et vous permet demettre un pied dans le show-business.Par contre, si vous voulez durer dans le milieu, mieux vaut faire preuve de ténacité et être capable d’exprimer desémotions ». De fait, la jeune femmen’a eu de cesse de multiplier les ex-

périences et les metteurs en scène de-puis sa sortie du Cours Florent et ladistinction obtenue dans cette célè-bre école d’art dramatique pari-sienne, le prix Classe libre de la meil-leure comédienne. Pour autant, savie n’a pas totalement commencé àcet instant précis.

Allers-retours Paris-HollywoodJeune femme déterminée, née DianeHeidkrüger en Basse-Saxe le 15 juil-let 1976, elle quitte le nid familial à15 ans pour étudier la danse au RoyalBallet de Londres où, trois ans plustard, une vilaine blessure mettra finà sa carrière de ballerine. Revenue en

Allemagne, elle entame avec succèssa carrière de mannequin. Mais par-courir l’Europe pour faire des photos,des publicités et des défilés n’est paspour suffire à la jeune Diane. Luc Besson, qui passait par là, lui sug-gère le Cours Florent, la suite, on laconnaît… 2002 marquera ses débutssur le grand écran. C’est un Français(Jean-Pierre Roux) qui lui offre sonpremier rôle dans The Piano Player,

actrice curieuse de tout et des autresPar Bérénice Balta

Une véritable ambassadricede la planète chez qui leplaisir des yeux le dispute à l’élégance de la tête.

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9Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

inédit en salle, malgré la présence àses côtés de Dennis Hopper et Chris-tophe Lambert. Suivent la mêmeannée, Ni pour ni contre (bien aucontraire) de Cédric Klapisch et, sur-tout, Mon idole de Guillaume Canet,avec lequel elle s’est mariée un an plustôt. Elle y joue Clara, épouse d’un influent producteur de télévision interprété par François Berléand, quila pousse dans les bras d’un jeuneidéaliste, Guillaume Canet. Mari etfemme (divorcés en 2006) jouerontde nouveau ensemble, trois ans plustard, dans Joyeux Noël de Christian Carion, une histoire de fraternisationentre ennemis qui se déroule sur fondde Première Guerre mondiale.Entre temps, Hollywood fait saconnaissance et Diane Kruger se retrouve en 2004 dans une super-

production comme les États-Unis savent en faire : Troie. La Grèce an-tique y est revisitée par son compa-triote Wolfgang Petersen et elle-même donne la réplique, dans lalangue de Shakespeare, à un Améri-cain (Brad Pitt), un Anglais (OrlandoBloom) et un Australien (Éric Bana).On se cantonnera, volontairement,aux acteurs principaux pour ne pas àavoir à dérouler un atlas mondial.

D’une langue à l’autreDepuis, la comédienne passe d’unelangue à l’autre (à noter qu’elle avaitfait du latin pendant huit ans et aégalement appris le russe pour LesBrigades du Tigre, 2006), d’un conti-nent à l’autre, d’un univers à l’autre< avec un naturel désarmant, mêmesi elle confesse que « cela me prend

toujours un peu de temps de converserdans une autre langue, mais depuismon plus jeune âge, mon rêve étaitd’être une actrice internationale, capable de tourner des films étran-gers ». Parfaitement trilingue, elle sedouble elle-même et du coup, ons’est habitué à son doux timbre devoix sans sursauter si on ne voit pasle film en version originale.Quant à son rêve de tourner des filmsétrangers… son vœu a été largementexaucé et avec brio. Car si elle tournedans des longs-métrages à gros bud-get, c’est pour mieux se concentrersur des projets plus modestes ou plus

engagés, choisir des auteurs dont lesexigences artistiques comblent sesattentes de « femme curieuse de tout etdes autres ». D’ailleurs, elle ne dé-daigne pas, quand son emploi dutemps le permet, partir sac au dosdans des contrées sauvages, avec sonamoureux, l’acteur canadien, JoshuaJackson qu’elle « n’épousera qu’à seu-lement 60 ans, si nous sommes tou-jours ensemble car, là, ça voudra vrai-ment dire que c’est pour la vie »…À bientôt 35 ans, Mademoiselle Kru-ger semble n’être qu’au début d’un –encore – long chemin. On va la dé cou vrir cette année dans des rôlesfort différents et plutôt musclés, jour-naliste ou femme de général, avant sacollaboration avec Benoît Jacquot, quiva adapter le roman historique, LesAdieux à la Reine, de Chantal Thomas. Quand elle ne tourne pas, ni ne va-drouille en amoureux, ni ne donneune « master class » dans son an-cienne école de théâtre, ni ne posepour une marque de parfum qui l’achoisie comme égérie, elle trouve,encore, le temps de s’investir pourl’Unicef en véritable ambassadrice dela planète chez qui le plaisir des yeuxle dispute à l’élégance de la tête. ■

« Cela me prend toujours unpeu de temps de converserdans une autre langue. »

À la suite d’un accident de voiture, unhomme (Liam Neeson), venu donné uneconférence à Berlin, se retrouve dans lecoma. Une fois réveillé, les choses segâtent. Son identité a été usurpée et oncherche à le tuer. Seule une jeunefemme (Diane Kruger) va l’aider à re-

trouver sa mémoire et prouver qui il est,vraiment ! Film d’action efficace, bienqu’assez prévisible, Sans identité estune œuvre de l’espagnol Jaume Collet-Serra, dans laquelle pas moins de sixpays ont investi, dont la France, le Canada et le Japon.

Sans identité, thriller de choc

Diane Kruger, au Festival de Cannes 2010. L’année d’avant, elle était venue avec l’équiped’« Inglourious Basterds » où son camarade ChristophWaltz avait reçu le prix d’Interprétation masculine.

Diane Kruger en six dates 1976 : naissance à Algermissen.1994 : blessure et arrêt de ses études de danse au Royal Ballet de Londres.2001 : mariage avec l’acteur-réalisateur Guillaume Canet.2004 : le magazine People l’inclut sur sa liste annuelle des « 50 plus bellespersonnalités du monde ».2007 : maîtresse de cérémonie au 60e Festival de Cannes.2010 : apparition dans la série Fringe,dans laquelle joue son compagnon.

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Par Jacques Pécheur

10 Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

sinon rien

Folie et bonne affaire du moment : cette pâtisserie

est de toutes les gourmandises.

Même Marie-Antoi-nette s’en gave  !Comme une pau-vre petite filleriche un jour de

spleen, placée, il est vrai, sous l’œilde la réalisatrice Sofia Coppola… Ily en a pour tous les goûts et ils vousen font voir de toutes les couleurs :violette, pistache, framboise, choco-lat, groseille, café, vanille, citronjaune ou vert, mûre, orange, ré-glisse… On se croirait sur un standde confiseur au temps des fêtes foraines de village. Et pourtant, rien

à voir. Ici, on est dans le royaume duluxe ou plutôt du goût, du produitsophistiqué comme les Français enont conservé le secret de fabrication.On est au royaume du macaron !

Mythologie gourmande du XXIe siècleen passe de devenir planétaire.Impossible de sortir ou de rentrersans son macaron ; le macaron vousguette partout, de la pâtisserie dequartier au corner d’aéroport et s’in-vite jusque chez vous, au hasard àNew York, Londres, Séoul, Tokyo ouMacao… Mais le macaron a son tem-ple où se pressent en rang serré,comme au temps de l’Occupationpour guigner un morceau de pain, lesgourmands du monde entier : Ladurée. La boutique est sise avenuedes Champs-Élysées, la maison-mère,plus discrète, rue Royale. C’est lepetit-fils du pâtissier Ladurée, PierreDesfontaines, l’auteur du délit degourmandise ; lui qui, il y a un peuplus d’un siècle, a mélangé amandespilées, sucre, blancs d’œufs et colo-rants, puis fourré le tout d’une ga-nache au choix pour en faire cettejoaillerie pâtissière vendue tel ce dia-mant, cette émeraude, ce rubis oucette topaze, « grosse comme le Ritz ».

Le macaron a ses collectionsÀ 1,40 € le petit macaron ou à 80 € lekilo, sachant qu’il s’en vend 40 mil-

lions d’unités par an chez les quatre« diamantaires » du marché (Ladu-rée, Dalloyau, Pierre Hermé et Fau-chon), c’est une vraie pépite. Alorspas question de laisser les accrocs aurepos : le macaron a ses collections,deux par an. Rêveur et voyageur, lebiscuit s’en va voir ailleurs et rappor-tent des saveurs qui viennent sur-prendre les palais les plus auda-cieux : thé vert, huile d’olive, haricotrouge azuki, mandarine… Là, lesprinces du marché débordent d’ima-gination. Sans parler des pâtissiersqui, fleurant la bonne affaire, lesfourrent de glace, façon pièce mon-tée, en couvrent les entremets, leséclatent pour les napper de crèmeChantilly ou font tenir le biscuit enéquilibre sur des fruits de saison.Les industriels de l’agroalimentairene sont pas non plus en reste, qui onteux aussi flairé le filon : la prépara-tion en poudre destinée à confection-ner soi-même les macarons s’arracheau point que les ventes réalisées dépassent de 50 % les prévisions. Unpeu de douceur dans un monde trou-blé, pour ne pas dire de brutes, c’esttoujours ça de pris ! ■

Rêveur et voyageur, le biscuit s’en va voirailleurs et rapporte des saveurs qui viennentsurprendre le palais. 

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Un macaron

époque // tendance

40 millions de macarons sont vendus chaque année chez les quatre plus grandspâtissiers parisiens.

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11Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

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époque //sport

Par Pierre Godfrin

du football américainFleuron de la Seine-Saint-

Denis, le club de footballaméricain de La Courneuve, le

Flash, promeut une vision dela société qui attire les jeunes.

‹‹J’aime plus le Flash quele foot américain.  »Julien Luneau, an-cien joueur et entraî-neur de l’équipe de

France, est un président de clubd’un nouveau genre. Responsablebénévole du Flash de La Courneuve,l’un des clubs les plus reconnus deFrance, il a le sens de la formule per-cutante et une simplicité déconcer-tante. Également enseignant, il est« chargé de former des citoyens res-ponsables et respectueux des lois ré-publicaines » dans sa classe de CM1.Ce communiste affirmé est fier d’en-seigner aux « 4 000 », la bien triste-ment célèbre cité de La Courneuveplantée à quelques mètres du siègedu club. « Les gamins sont las des JTde 20 heures qui leur renvoient uneimage négative d’eux-mêmes », af-firme-t-il, tout en pointant du doigtl’attirance des jeunes qu’il côtoiepour un sport à la « dimension phy-sique, guerrière et grégaire ».

Véritables gladiateurs adulés outre-Atlantique, les joueurs de footballaméricain sont devenus des modèlespour ces jeunes de banlieue qui ontgrandi avec l’attirance certaine quel’on connaît pour les États-Unis et sescodes. Cependant, « on ne mord pasdans l’american way of life, même s’il ya des choses très positives comme la liberté d’entreprendre. De plus, les liguesde basket et de foot américain sont trèséquitables car il y a une redistributiondes richesses, constate Julien Luneau.Au football, ceux qui ont de la thune lagardent et ne la partagent pas ».

L’esprit américain et le rôle socialSa passion pour le football américainpeut ainsi surprendre. Pourtant, lerobuste trentenaire balaie ce constatd’un revers de main en saluant l’ama-teurisme d’un sport qui peine encoreà trouver son public : « Personnelle-ment, je fuis le professionnalisme. Celasous-entendrait que je serais chef d’en-treprise et cela ne m’intéresse pas. Si on perdait cette forme associative, onentrerait dans un délire où les gens se

retrouveraient ici pour des logiquesd’échange marchand et cela tueraitl’aventure. »En attendant, les résultats du cham-pionnat français, appelé le « casque dediamant », sont très peu médiatisésalors qu’en Autriche et en Allemagne,le mouvement est lancé. « Les Françaissont réfractaires à l’esprit américain, cequi est très gaullien, justifie le jeune dirigeant. Il y a une forme de méfiance,de logique d’indépendance et de fiertéculturelle, de latinisme. »Le club, où deux joueurs américains« défrayés » sont présents, comptaiten 2010 environ 1 100 licenciés demoins de 18 ans. Si un partenariatavec un lycée ou une université amé-ricaine est envisagé, la création d’uncentre de formation, en accord avecquatre autres clubs des environs,pourrait voir le jour dès septembre2011 à Bobigny : « Une forme desport-études dans lequel on intégrerades juniors et des cadets qui suivront unparcours scolaire tout en s’entraînanttous les jours. » Ou quand le sport joueà merveille son rôle social…■

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En 2010, le Flash recensait 1 110 licenciés de moins de 18 ans.

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Par Marie-Christine Simonet

12 Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

sa filière nucléaireL

a filière nucléaire fran-çaise doit partir à laconquête du marché mon-dial. Un Conseil de poli-tique nucléaire, réuni le

21 février 2011, a décidé de sa mise enordre de bataille. Une série de mesuresont été prises à cette fin. Il faut dire queParis s’est mal remis d’un échec cuisantessuyé en décembre 2009. Le groupefrançais Areva – leader mondial del’énergie nucléaire – avait vu les Sud-Coréens remporter un appel d’offrepour construire quatre EPR* à AbuDhabi et un contrat d’au moins 20 mil-liards de dollars lui passer sous le nez.

Pour que cette situation ne se repro-duise plus, l’Élysée a annoncé lacréation d’un comité stratégique,afin de « renforcer les relations et les partenariats entre les différents acteurs de l’industrie nucléaire » :Areva, EDF et GDF Suez.

Renforcer les coopérationsindustriellesDans cette optique, l’État procède audémantèlement progressif d’Areva.En décembre 2010, un fonds koweï-tien est autorisé à entrer dans le capital du groupe industriel. Il estégalement demandé à Anne Lauver-geon, qui dirige Areva, de « filialiser »son activité minière pour « en assurer

le développement ». Une deuxièmebrèche, dans laquelle s’est engouffréle fonds souverain du Qatar, se décla-rant plus intéressé par les minesd’uranium qu’Areva exploite, notam-ment au Niger, que par ses autres activités (EPR et autres centrales).Finalement, le 28 mars 2011, leconseil de surveillance d’Areva ap-prouve la privatisation du groupe etson entrée en Bourse. Y avait-il unautre choix ? Selon le quotidien éco-nomique La Tribune, « le fonds souve-rain du Koweït, entré au capital d’Arevaen décembre dernier à hauteur de4,8%, aurait donné à l’État jusqu’à lafin juin pour coter la valeur en Bourse »,faute de quoi ce dernier devrait

Pendant que la radioactivités’échappe de la centrale de

Fukushima et qu’un nuagede doutes plane sur le bien-

fondé du nucléaire, leprésident français poursuit àtravers le monde sa route de

VRP du nucléaire français,une filière qu’il vient tout

juste de remodeler.

La France réorganise

Les deux réacteurs de lacentrale de Saint-Laurent-Nouan,dans le Loir-et-Cher.

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époque // économie

La Loire constitue lasource froide de la centralede Belleville (Cher).

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La fiche pédagogique à télécharger sur :www.fdlm.org

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13Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

nariats entre les différents acteurs del’industrie nucléaire ». L’électricienfrançais se voit au passage nommé« chef de file de l’industrie nucléairefrançaise » lorsque la France sera sol-licitée « pour ses compétences d’archi-tecte-ensemblier ». Dans les autrescas, il sera désigné « en fonction desbesoins du pays demandeur duconcours des entreprises françaises ». Seulement voilà : le raz-de-maréequi a dévasté Fukushima a inondé lemonde d’un océan d’incertitudes.Aux États-Unis, en Allemagne, enFrance, où un contrôle des installa-tions françaises a été lancé (menépar les autorités nationales et noneuropéennes, comme le souhaitait lecommissaire européen chargé del’Énergie, Günther Oettinger, pourl’ensemble de l’Union).

« Des normes internationales de sécurité »Et… en Chine. Le Premier ministrechinois Wen Jiabao a non seulementordonné un audit approfondi detoutes les centrales déjà construites,mais aussi le gel du programme nu-cléaire qui devait faire du pays le pre-mier chantier mondial de centrales,à la hauteur de ses énormes besoinsen électricité. En visite éclair à Tokyo le 31 mars, leprésident français a vanté la compé-tence française en matière de nu-cléaire (un message subliminal auxautorités chinoises ?) et demandé lamise en place de « normes interna-tionales de sécurité », estimant que« le nucléaire n’est possible qu’avec desnormes de sûreté exceptionnelles ».Les Indiens, à qui la France a venduen décembre dernier deux EPR de-vant être édifiés sur une zone à fortrisque sismique, apprécieront. ■

* EPR : European Pressurized Reactor ou réacteur àeau sous pression.

La croissance de l’économie québé-coise en 2010 s’est élevée à 2,8 %contre 3,1 % pour l’ensemble du Canada. Cette même année, l’écono-mie du Québec a représenté 274,95milliards de dollars, qui correspondentà 20,7 % de l’économie canadienne.

en bref

Selon une enquête du Bureau inter-national du Travail, les salaires men-suels moyens en Afrique ont aug-menté d’environ 1,4%en 2007, avantde connaître une chute de 0,5 % en2008 et de rebondir à 2,4 % en 2009.

Selon un rapport commandé par Google, les entreprises du secteur Internet sont à l’origine de la créa-tion de 700 000 emplois en Franceet ont apporté un quart de la crois-sance du produit intérieur brut en2010. Ces sociétés devraient créer450 000 emplois d’ici à 2015.

La filière anacarde ivoirienne a décidéen février « l’interdiction des exporta-tions de cajou à l’instar de la filièrecafé-cacao afin que cette importanteproduction ne contribue pas au finan-cement d’un régime illégitime ». LaCôte-d’Ivoire est le deuxième produc-teur et le principal exportateur mon-dial de noix de cajou avec une récolteestimée à 400 000 tonnes par an.

En 2010, 200 000 Belges ont dûprendre un second emploi pour desraisons financières. Normalement, lenombre de Belges ayant un secondemploi augmente de 8 000 unitéspar an, mais l’an dernier, il a grimpéde 25 000 unités.

« débourser 600 millions d’euros pourracheter ses parts au fonds souverain ».Dans ce remodelage à visée exporta-trice, l’Élysée encourage les entre-prises françaises à mettre au point denouveaux réacteurs nucléaires. LeConseil a prié Areva, EDF et GDF Suezde « renforcer leur coopération indus-trielle pour poursuivre l’optimisation et certifier le réacteur de moyenne puissance Atmea 1 ». Ce réacteur de 1 100 mégawatts est développé par legroupe d’Anne Lauvergeon en coopé-ration avec la compagnie japonaiseMitsubishi Heavy Industries, et estdestiné à des pays dont le réseau nepermet pas la connexion de réacteursplus puissants. GDF Suez sera chargé de construire lepremier EPR de ce type dans la valléedu Rhône, avant d’être exporté. LaJordanie serait intéressée. Quant àEDF, il travaille déjà en Chine à unprojet d’EPR de moyenne puissanceavec son homologue chinois CGNPC.

Des certitudes ébranléesDe fait, la France met le cap à l’est. Leconseil a donc annoncé la volonté du

pays « de conduire des négociationsavec les autorités chinoises, en vued’un partenariat global entre laFrance et la Chine, portant sur l’en-semble des activités nucléaires civiles,

y compris la sûreté ». Une coopéra-tion qui inclurait le développementd’un réacteur de moyenne puissance(1 000 MW), « appartenant à la troi-sième génération » et qui sera pilotéepar « un comité stratégique de l’éner-gie nucléaire, réunissant l’ensembledes acteurs de la filière nucléaire ».Présidé par le ministre français del’Industrie et le président directeurgénéral d’EDF, il a pour but affichéde « renforcer les relations et les parte-

Le Premier ministre chinois a ordonné le geldu programme nucléaire qui devait faire du paysle premier chantier mondial de centrales.

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Un comité stratégique del’énergie nucléaire, présidépar le ministre de l’Industrieet le directeur d’EDF,permettrait à la Franced’être sollicitée « pour ses compétencesd’architecte-ensemblier » .

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Par Alice Tillier

époque // regard

Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

« Internet est le royau

L’amateur ? Ni un profane ni un expert, mais un

connaisseur, qui peut seconfronter aux spécialistes.

C’est à cette figure de l’amateur, en plein

développement à l’ère dunumérique, que se consacrele sociologue Patrice Flichy

dans son dernier livre, Le Sacre de l’amateur.

Vous écrivez dans votre ouvrage :« Le web contemporain est devenu le royaume des amateurs. »En quoi Internet a-t-il favorisé ledéveloppement de l’amateurisme ?Patrice Flichy : L’amateur n’est pasnouveau. Le mot existait déjà au XVIIIe

siècle, où l’on parlait de « cabinetsd’amateurs » – on dirait aujourd’huide collectionneurs. Mais Internetdonne toute sa place aux amateurs, à la différence des autres médias,tenus par des professionnels : tout le monde peut avoir sa page sur My -space, poster une vidéo sur YouTube,faire la critique d’un livre ou d’un filmsur un site culturel, contribuer à unarticle d’encyclopédie sur Wikipé-dia… Le web offre un formidable lieud’expression. Il donne aussi accès àdes informations, des savoirs qui

étaient jusque-là réservés à un petitnombre. Et du fait de l’élévation générale du niveau de la formationscolaire, les individus ont l’autono-mie nécessaire pour en profiter. Ilspeuvent donc se documenter et seformer eux-mêmes : Internet est leroyaume des autodidactes.

Quels sont les traitscaractéristiques de l’amateur ?P. F. : L’amateur, c’est, étymologique-ment, celui qui aime. Le terme fait, àl’origine, référence au goût : l’ama-teur de bon vin, l’amateur defemmes… C’est aussi celui qui saitchoisir, sélectionner et parler de cequ’il aime. Sa passion fait partie de laconstruction de son identité – d’où ledéveloppement particulièrement fortdes pratiques amateurs à l’adoles-cence, notamment dans l’univers nu-mérique, comme la tenue d’un blog.

L’intermittence est une autre carac-téristique importante  : l’amateur citoyen n’est pas le militant qui a sacarte au sein de tel ou tel parti poli-tique. Son engagement peut être trèsintense, mais il reste ponctuel. C’estaussi le cas le plus souvent quand onécrit un article pour Wikipédia.

La montée en puissance des amateurs aux côtés des spécialistes montre unedémocratisation. Les hiérarchiesont-elles pour autant disparu ?P. F.  : Internet est en réalité unmonde très hiérarchisé, qui fonc-tionne par classements. On poste, eton peut savoir si on a été lu, écouté.Les amateurs se laissent souventprendre au jeu. Les blogs se termi-nent souvent par un « Lâchez voscoms ! » – vos commentaires – qui feront du chiffre et donneront de la

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Patrice Flichy est professeur de sociologie àl’université de Marne-la-Vallée et chercheurau Laboratoire « Techniques, territoires etsociétés » (LATTS). Il dirige la revue Réseaux.

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extrait

« Alors que l’artiste amateur sesitue du côté de la production,l’activité du fan relève de la récep-tion. Sa consommation est impor-tante : il sélectionne, dans lechamp des cultures populaires,un domaine auquel il se consacreintensément. Il en devient le spé-cialiste. Il intègre l’écrivain, lechanteur, ainsi que le média, danssa vie quotidienne. Il y associe sesémotions et ses plaisirs. C’est doncun amateur de culture. Mais ilsouhaite aussi prolonger, s’appro-prier, détourner les productionsdont il est “fan”, c’est-à-dire fana-tique. C’est par le biais de cette activité seconde qu’il se rapprochede l’artiste amateur. […]Dans des médias où l’informatique

est un outil de création, les fanspeuvent plus facilement prolongerle produit culturel initial. Les “fan-fictions”, ces récits qui complètentou prolongent les romans à suc-cès, en constituent une premièreillustration. La saga Harry Potter afourni, dans les années 2000, lapremière source de fanfictions. Onpouvait ainsi recenser, fin 2008,375  000 “potterfictions”, dont20 000 en français, sachant quebeaucoup d’autres sont publiéesailleurs ou sur des blogs. Cettepratique, autrefois limitée par leformat du fanzine, devient avecInternet une activité de masse. »

Patrice Flichy, Le Sacre de l’amateur. Sociologiedes passions ordinaires à l’ère numérique, LaRépublique des idées, Seuil, 2010, p. 30-37.

15Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

u me des autodidactes »visibilité. La fonction « j’aime » deFacebook obéit à la même logique.Mais on a beau avoir une très bonneaudience, il existe en réalité un pla-fond de verre. Même si profession-nels et amateurs de musique sonttous sur Myspace, ce sont bien deuxmondes différents qui se côtoient :d’une part, ceux qui ont quelquesclics seulement, de l’autre ceux quien ont des millions. Le fossé s’est réduit mais il n’a pas disparu. Àquelques exceptions près, quand onest amateur, on le reste.

Mais l’amateur peut se confronteraux professionnels et lesaiguillonner…P. F. : L’amateur n’est pas un profane.Au contraire, c’est un connaisseur quis’est documenté et qui en sait souventbeaucoup. En ce sens, c’est lui aussi unexpert. Car si le terme « expert » dé-

signe le plus souvent le « spécialiste »,le mot a une autre signification : il ren-voie à celui qui a acquis des compé-tences par l’expérience. Je dirais quel’amateur est un « expert par en-bas ».

Cette « expertise par en-bas » nevient-elle pas remettre en causeles rapports d’autorité ?P. F. : Oui, l’autorité n’est plus atta-chée à un titre. Sur Wikipédia, lescontributeurs sont aussi bien desuniversitaires que de simples pas-sionnés de telle ou telle question. Etles premiers n’ont pas plus d’autoritéque les seconds. Dans le processusd’écriture et de corrections succes-sives, la capacité à argumenter estseule décisive. Les enseignantsconnaissent bien le phénomène  :leur savoir est concurrencé dans laclasse par les connaissances acquisessur Internet. n

Notre époque est celle du dévelop-pement de l’amateurisme, né au XIXe

siècle dans le contexte de l’indus-trialisation et de la professionnalisa-tion : à la télévision, les amateursont remplacé, dans les émissions detéléréalité, les comédiens et leschanteurs professionnels ; les pra-tiques artistiques amateurs desFrançais connaissent une croissancecontinue et Internet a décuplé lespossibilités offertes à l’amateur.C’est à cet amateurisme du web ques’intéresse Patrice Flichy dans sonouvrage. Il en décline les différentesfacettes : de l’amateur de la culture(musique électronique, photogra-

phie, vidéo et écriture numériques,mais aussi activités du « fan »), àl’amateur politique et citoyen (quiparticipe à des forums et se mobilisenotamment pour signer des péti-tions en ligne) et, enfin, à l’amateurde la connaissance (qu’il apportesimplement son témoignage sur dessites de partage d’expériences ouqu’il participe à la construction desavoirs collaboratifs sur Wikipédia).Dans tous ces domaines, l’amateurpeut désormais se confronter auxprofessionnels et aux experts, quiont perdu leur monopole mais nesont pas pour autant voués à dis-paraître. n

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L’amateurisme du web

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époque // évènement

16 Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

Stéphane Hessel

Vingt-deux semainesaprès sa sortie, Indi-gnez-vous ! demeure la meilleure vente delivre en France rap-

porte Livre-Hebdo, magazine de ré-férence de l’édition. Et dans le mêmeclassement de cette dernière se-maine de mars, l’autre ouvrage deStéphane Hessel, Engagez-vous !,pointe à la douzième place… Dansun premier temps, Indignez-vous ! « connaît un succès foudroyant : en

deux mois, 500 000 exemplaires ven-dus, dix impressions et des demandesde traduction du monde entier, de laTurquie au Brésil, de la Pologne auJapon », rapporte le quotidien Libéra-tion fin décembre 2010. Puis, il estpassé au statut de véritable phéno-mène d’édition comme l’écrit le quo-tidien régional Le Télégramme du 24 mars 2011 : « Ce best-seller s'estdéjà vendu à près de deux millionsd'exemplaires en six mois. Le livre vaêtre traduit en 25 langues. »

Bonne conscience ?Comment ce livre de 32 pages(« C’est plutôt une brochure », admetlucidement son auteur StéphaneHessel, dans l’hebdomadaire Marianne), vendu 3 euros, a-t-il puatteindre ces sommets de popula-rité »? Certainement parce que sonauteur, « 93 ans, ancien résistant, an-cien déporté, y rappelle, sagement, en

quelques pages, quelques principes es-sentiels de notre démocratie auxquelsnous ne pouvons pas renoncer », selonTélérama, hebdomadaire culturel deréférence. Ancien ambassadeur asso-cié à la rédaction de la Déclaration desdroits de l’homme de 1948, qualifiéde « sage en colère » par Les Inrockup-tibles, le personnage Stéphane Hesselfait l’unanimité. Pas son livre, que lequotidien Le Figaro dénonce comme« une taxe “bonne conscience” ». Dans les pages du Monde, le neurop-sychiatre Boris Cyrulnik lui aussi exprime ses doutes su r la portée decet appel à l’indignation : « J’ai beau-coup de tendresse, d’admiration pourStéphane Hessel avec qui j’ai beaucoupde concordances de vie, mais je m’in-digne qu’on nous demande de nous indigner parce que l’indignation est lepremier temps de l’engagement aveu-gle. Il faut nous demander de raison-ner et non de nous indigner. » n

« Résister, ce n’estpas simplement réfléchir ou dé-crire. Il faut bienentreprendre uneaction. Or je suisrelativement pes-simiste sur cepoint : la jeune gé-nération manifestepeu de résistance par rapport à ce qui lascandalise et contre quoi elle devrait agir.Les jeunes sont aussi capables quemoi de reconnaître ce qu’il y a de scan-daleux dans l’injustice économique etsociale, dans la dégradation de la pla-nète, dans la violence non réprimée auDarfour, en Palestine, dans certaines ré-gions d’Afrique et du Moyen-Orient. Il estnormal qu’on y réfléchisse et qu’on enparle… Mais comment faire pour quecela aboutisse à un engagement pra-tique ? »

Stéphane Hessel, Engagez-vous !, entretiens avecGilles Vanderpooten, Éditions de l’Aube, p.18.

au miroir d e la presse

Par Sébastien Langevin

Un petit livre qui fait grandbruit, Indignez-vous !, atteint des records de vente. Revue dedétail des commentaires de lapresse française sur cephénomène d’édition.

« 93 ans, ancienrésistant, anciendéporté, il rappelle,sagement, quelquesprincipes essentiels de notre démocratieauxquels nous nepouvons pas renoncer. »

poches

Indignez-vous ! s’est vendu à 2 millionsd’exemplaires, en six mois.

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17Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

époque //exposition

Gide, Proust, Sartre, LeClézio, Muriel Bar-bery et son Élégancedu hérisson, JonathanLittell auteur des Bien-

veillantes ou encore Marie NDiaye,prix Goncourt 2009 pour Troisfemmes puissantes… Nom de famille :Gallimard. Adresse : 5, rue Sébastien-Bottin, Paris. Lieu de rendez-vous : lasobre couverture ivoire, bordée desfilets noir et rouge, de la collectionBlanche, collection emblématique dela maison d’édition, née en mêmetemps qu’elle, en 1911. Bien d’autrescollections sont venues s’ajouter de-puis, de la Série noire pour les polarsà la Bibliothèque de la Pléiade en pa-pier bible. Un catalogue qui compteaujourd’hui 40 000 titres. Gallimard,la plus grande maison d’édition fran-

çaise indépendante, fête cette annéeun siècle d’existence. L’occasion pourla Bibliothèque nationale de Francede revenir, à travers une très belle ex-position, sur son histoire. Histoire fa-miliale d’une entreprise aujourd’huidirigée par le petit-fils du fondateur,Antoine Gallimard, et histoire de laprofession d’éditeur – de la sélectiondes œuvres à leur commercialisation,en passant par les relations tantôtamicales tantôt conflictuelles entreauteurs et éditeur.

Classique et moderneL’histoire de la maison commence avecun modeste « comptoir d’édition », néd’une revue littéraire. La NRF (Nou-velle Revue française) a été fondéedeux ans plus tôt, en 1909, par AndréGide et cinq de ses amis écrivains, no-tamment Jean Schlumberger. Ils sou-haitent défendre un « classicisme mo-

Gallimard, le rêve de tout écrivain de voir son nom posédans la fameuse collection blanche… Un incontournablede l’histoire culturelle française qui fête ses 100 ans.

Gallimard, unemythologie centenaire

derne ». Pour l’édition des livres, ilsfont appel à une de leurs connais-sances, Gaston Gallimard, qui disposedes fonds nécessaires à l’entreprise.Les couvertures des trois premiers ro-mans publiés – L’Otage de Paul Clau-del, Isabelle d’André Gide et La Mère etl’Enfant de Charles-Louis Philippe –,s’ornent du monogramme « nrf », quidemeure encore aujourd’hui. Très vitepourtant, les éditions s’émancipent dela revue : en 1919, Gaston Gallimardcrée une nouvelle société, la LibrairieGallimard, à laquelle il associe sonfrère Raymond.

Du Petit Prince à Harry PotterL’entreprise se développe peu à peu,institue en 1925 un comité delecture associant cadres critiques dela maison et auteurs, s’ouvre dansles années 1930 aux grands auteursaméricains, continue à publierpendant la Seconde Guerremondiale malgré les pénuries depapier et la censure. Si, à partir desannées 1950, la Pléiade devient l’undes principaux piliers éditoriaux,Gallimard se tourne aussi vers lelivre de poche, en créant en 1972 lacollection Folio, et développe lesecteur jeunesse. Au fil de l’exposition, les documentsd’archives révèlent autant les petits se-crets de famille que de fabrication : Al-bert Cohen demandant un contratpour lui permettre de finir en sept ouhuit mois Belle du seigneur, qui paraî-tra finalement quinze ans plus tard ;Raymond Queneau commentant,dans une fiche de lecture, La Fermeafricainede Karen Blixen (« un joli livrede femme ») ; les recherches d’un titrepour Gone with the Wind de MargaretMitchell, mettant à contribution direc-teur commercial, secrétaires, maisaussi un auteur de passage, Irène Némi-rovsky ! Sans compter les dessins origi-naux d’Harry Potter ou du Petit Prince.C’est tout un pan de l’histoire littéraire,française et internationale, du XXe siè-cle qu’il est donné ici de parcourir. n

Jusqu’au 3 juillet 2011. Bnf François-Mitterrand, 11, quai François-Mauriac, 75013 Paris. Histoirefamiliale d’une entreprise et histoire de la professiond’éditeur.

© Archives Gallimard, Henri Manuel

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Siège des Éditions Gallimard, rue Sébastien-Bottin, Paris 7e.

Couverture deL’Étranger d’AlbertCamus, 1942.

Affiche promotionnelle duLocataire, premierouvrage deGeorges Simenon.

Cinquante-et-un an séparent les deux plus grandssuccès littéraires de jeunesse des Éditions GallimardHarry Potter (1997) et Le Petit Prince (1946).

Par Alice Tillier

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18 Le français dans le monde // n°375 // mai-juin 2011

La maternité de l’hôpital de Rennes, en Bretagne, est l’une des plus

importantes de France. Dans les couloirspastel du troisième étage de l’hôpital,

dédié aux naissances, les blouses rosessont partout : ce sont les sages-femmes.

Parmi elles, Adeline Rault, 31 ans, dontsept passées à faire naître des enfants.

Il est 8h15. «Bon allez,on va accueillir ce petit gar-çon ? » Le ton est enjoué, lesourire bienveillant. À peinele temps d’enfiler sa blouse

rose et ses sabots de plastique tur-quoise, Adeline est déjà à l’œuvre.Dans la salle d’accouchement nu-méro 9, Sabrina, 23 ans, est sur lepoint de donner naissance à son pre-mier enfant. Adeline relève le drap etexamine la jeune femme. Elle estserbe, parle à peine français et semble

apeurée. « Tout va bien se passer, la ras-sure la sage-femme. Je vois ses che-veux ! Il est presque là votre bébé. » Ellepasse une blouse bleue par-dessus sablouse rose, attache ses bouclesblondes et met un masque. Adelinetravaille au CHU (centre hospitalieruniversitaire) de Rennes depuis2006, après être passée par Saint-Brieuc et la Nouvelle-Calédonie. Desenfants, elle en a vu naître des cen-taines. Dans la salle, baignée d’une lumière douce, l’atmosphère est pai-sible. Le monitoring laisse entendreles battements de cœur du bébé. Ade-line et Vanessa – l’aide-soignante etauxiliaire puéricultrice qui la seconde– expliquent à Sabrina quand et com-ment pousser. Les contractions se suc-cèdent : « C’est parfait comme ça ! Oncontinue Sabrina ! » l’encourage Ade-line. Le bébé progresse doucement.

9h25. Au terme d’une ultimepoussée, l’enfant naît et émet son pre-mier cri. Dans un coin de la pièce, la

petite femme brune qui s’est tenue enretrait pendant toute la durée de l’ac-couchement s’avance. C’est Fatima, lagrand-mère du nouveau-né. Le père,un Bulgare de 20 ans, n’arrivera quedans l’après-midi. Adeline pose lenourrisson sur la poitrine de Sabrina,qui pleure doucement, visiblementsoulagée. Le petit garçon s’appelleraSabri, « comme son grand-père », ex-plique Fatima en souriant.

9h40. Retour au bureau du per-sonnel, un QG grouillant au cœur dela zone de naissance. Adeline prendpart à une discussion. Le terme « fœ-ticide » claque dans l’air. « Là, on vientde faire un truc sympa, après on va enfaire un qui l’est beaucoup moins. »Une jeune femme, déjà mère d’un enfant, doit subir une interruptionmédicale de grossesse. Elle souffre deprééclampsie, une pathologie quipeut apparaître dans la deuxièmemoitié de la grossesse et se caractérisepar un excès de protéines dans les

Texte et photos par Sarah Nuyten

Au service de la vieAdeline, sage-femme

11 heures

avec

9 h 259 h 25

époque // Une journée dans la vie de… (2/6)

Adeline dispense les premiers soins à Sabri, un petit garçon qui vient de naître.

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urines, de l’hypertension artérielle etdes œdèmes. En cas de complicationsgraves, une extraction fœtale en urgence peut être nécessaire, poursauvetage maternel. C’est le cas cejour-là. Adeline disparaît dans la salled’accouchement 8, accompagnéed’une équipe médicale.

11 heures.La sage-femme re-vient dans le bureau, le visage fermé.« C’est fait. »Une injection dans le cor-don a arrêté le cœur du fœtus de 25 se-maines, trop petit pour être viable.L’accouchement aura lieu dans la nuit.

11h30. Adeline relève la tête etpousse sur un côté du bureau les dos-siers multicolores qu’elle vient deremplir. Il est temps d’examinerSabri, le bébé né deux heures plus tôtdans la salle 9. « Alors, comment il vale petit père ? » demande Adeline, ànouveau rayonnante. Elle saisit avecdouceur le nourrisson qui s’est en-dormi en tétant, teste ses réflexes. Lepetit râle, Sabrina le couve du regardet sourit. C’est ensuite vers elle que setourne la sage-femme. Elle vérifie quetout va bien, ôte la péridurale : « Etvoilà, c’est fini ! »

13 heures. Dans le bureaucentral, blouses bleues, blanches,vertes et roses vont et viennent. LeCHU de Rennes est une grande ma-ternité, de niveau 3  : 4 029 nais-sances en 2010, un service de réani-mation néonatale et une unité degrossesses pathologiques. Pour l’ins-tant, tout est calme dans le secteurque gère Adeline. C’est le moment des’accorder un quart d’heure, pourune pause déjeuner express.

14h15. « Adeline, travail en coursen salle 10. Col à 3 centimètres. » Lajeune sage-femme s’engage dans lecouloir, où des pleurs de bébés reten-tissent çà et là. Dans la salle d’accou-chement, un jeune couple est tran-quillement installé, l’air serein.Marina, 25 ans, et Jean-Philippe, 28 ans, attendent leur premier enfant, dont ils ignorent encore lesexe. « Depuis une semaine, je trépigneet j’ai hâte qu’il arrive, notre bébé-chou.Et là, ça ne va plus tarder et je ne réalisepas », confie la future maman à lasage-femme, un sourire aux lèvres.« Et bien si !, rétorque Adeline. Dansquelques heures, vous tiendrez un petit être contre vous. » « Pile pourl’apéro ! » plaisante le papa.

16h15. « Mais il est absolumentparfait mon tracé ! » fanfaronne Ade-line, au milieu du bureau central. Le« tracé » correspond à deux courbesdu monitoring, relié à un ordinateur :l’une indique la fréquence cardiaquedu bébé à naître, l’autre celle descontractions. Pour Marina et son

« bébé-chou », tout se présente bien.Adeline rend visite au jeune coupletoutes les heures. Entre-deux, commeses collègues, c’est paperasse et coupsde téléphone : le labo, le pédiatre, lescollègues des suites de couches…Une effervescence constante, tou-jours dans la bonne humeur. Ce jour-là, sept bébés sont déjà venus aumonde dans la maternité du CHU.

18 heures. Salle 10. Le col deMarina est totalement dilaté. D’ici àdeux heures, elle devrait avoir accou-ché. « J’ai hâte ! » s’impatiente-t-elle,tandis que son compagnon lui caresseles cheveux, l’air ravi. Lorsqu’elle res-sort de la salle, le regard bleu d’Ade-line pétille. « C’est vraiment l’endroitque je préfère. C’est là que ça bouge. Ony vit des choses fabuleuses, d’autres plustristes, parfois. Mais la plupart dutemps, c’est que du bonheur. Et là, ça vaaller comme sur des roulettes. » Le petitMaxim naîtra en début de soirée,juste avant qu’Adeline ne finisse sajournée. Au cours de ses douzeheures de garde, ce jeudi-là, la jeunesage-femme aura aidé deux bébés àvenir au monde.■

Prendre soin du nouveau-né et de sa mèreActuellement, 15 688 sages-femmesexercent en France, dont 1 % d’hommes,appelés eux aussi « sages-femmes » !Le métier de sage-femme est une pro-fession médicale, et non paramédicale.Son champ de compétence concerne lafemme enceinte et la naissance. Lasage-femme assure le suivi de la gros-sesse (examen clinique, échographie,surveillance du fœtus), ainsi que lesséances de préparation à l’accouche-ment, tout ceci en parfaite autonomie sila grossesse est dite « physiologique » –sans problème. Après la naissance,c’est également elle aussi qui dispenseles soins au nouveau-né et surveille lasanté de la mère. ■

La fiche pédagogique à télécharger sur :www.fdlm.org

13 heures

La sage-femme rend visite à Marina, 25 ans, toutes les heures.Pour Jean-Philippe, son compagnon, et elle, c’est leur premier enfant.

18 heures

18 heures

16 h 15

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