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« LE JUGE ADMINISTRATIF ET LE CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITE EXTRA CONTRACTUELLE DE L’ADMINISTRATION IVOIRIENNE» COUR SUPREME CHAMBRE ADMINISTRATIVE REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE Union - Discipline - Travail

LE JUGE ADMINISTRATIF ET LE CONTENTIEUX DE LA ... · Chambre Administrative de la Cour Suprême, a organisé, à l‘initiative de son Président ... (N‘SAHOTEL) après le séminaire

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« LE JUGE ADMINISTRATIF ET LE CONTENTIEUX

DE LA RESPONSABILITE EXTRA CONTRACTUELLE

DE L’ADMINISTRATION IVOIRIENNE»

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE

Union - Discipline - Travail

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I. PREFACE …………..……………………………………………………..……………..….….page 3

II. INTRODUCTION ……………………………………………………………………………… page 5

III. Communications ……………………………………………………………………….……. page 8

a. Leçon inaugurale…….…………………………………………………………….…. Page 9

« Le Conseil d’Etat français et le contentieux

de la responsabilité administrative »

b. « Le juge ivoirien et le contentieux

de la responsabilité extra contractuelle

de l’administration ivoirienne ».………………………………………….. Page 16

c. « Responsabilité du fonctionnaire

et sanctions disciplinaires :

évolution de la jurisprudence »……………………………………….... page 23

d. « Droits et obligations du fonctionnaire

ivoirien : modalités de mise en œuvre

des sanctions disciplinaires

et des voies de recours »…………………………………………………….. Page 33

IV. RAPPORT DE SYNTHESE …………………………………………………………….. page 55

V. CONCLUSION ………………………………………………………………………..…….. page 60

VI. RECOMMANDATIONS…………………………………………………………………… page 62

VII. ANNEXES ……………………………………………………………………..………………. Page 64

1. Allocutions ……………………………………………………………………………. Page 65

2. Sommaire de quelques arrêts en matière

de responsabilité administrative …………………………………….…….. page 72

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PREFACE

Le droit administratif ivoirien cherche encore sa voie ; la reprise du modèle

français doit être considérée comme une première démarche, conservatoire qui ne peut

cependant le confiner ni le limiter. Il apparaît inévitable que peu à peu, l’écart se creuse

entre le modèle et son application en Côte d’Ivoire en fonction de la réalité historique et

sociologique. Cela doit conduire à un autre équilibre de la construction de l’ensemble de

l’édifice juridique pour le rendre cohérent.

L’apport de la Côte d’Ivoire à la jurisprudence administrative française est

éloquemment illustré par un arrêt célèbre qui éclaire encore aujourd’hui, l’œuvre

architecturale accomplie.

C’est l’arrêt Société Commerciale de l’Ouest Africain, dit arrêt du Bac d’Eloka en

Côte d’Ivoire, rendu par le Tribunal des Conflits le 21 janvier 1921 qui a introduit la

notion de service public à caractère industriel et commercial. Cet arrêt a considéré qu’un

bac n’était pas un ouvrage public et a exclu la compétence de la juridiction administrative

pour connaître du contentieux de la responsabilité en découlant.

Rompant avec cet arrêt et affirmant sa spécificité, la Chambre Administrative dans

l’arrêt du bac de Moossou ou arrêt Société des Centaures Routiers C/ Etat de Côte

d’Ivoire du 14 janvier 1970, a considéré le bac de Moossou comme un ouvrage public

dont le mauvais entretien engage la responsabilité de l’Etat.

Si elle s’est bien inspirée et ne manque pas de le faire, à l’occasion, du modèle

français, force est d’admettre que la Chambre Administrative affirme et affine de plus en

plus, les principes d’une jurisprudence déliée plus encline à fonder son emprise sur les

réalités socioéconomiques propres.

Sans prétendre avoir atteint la perfection dans cette entreprise, elle n’entend pas

moins progresser pour l’avènement d’une jurisprudence administrative conforme aux

aspirations des gouvernants et qui répond pleinement à l’attente des administrés. La

Chambre Administrative vise, par ce séminaire, à montrer certains aspects de l’œuvre

réalisée afin de s’inscrire dans le débat, toujours d’actualité, d’une autonomie plus

grande de cette juridiction administrative dans l’environnement institutionnel de la Côte

d’Ivoire.

Le Président de la Chambre Administrative

AMANGOUA Georges

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INTRODUCTION

Dans le cadre des sessions internes de perfectionnement de ses membres, la

Chambre Administrative de la Cour Suprême, a organisé, à l’initiative de son Président

Monsieur AMANGOUA Georges et sous la présidence effective de Monsieur TIA KONE

Président de la Cour Suprême, un atelier de renforcement des capacités sur le thème :

« Le juge administratif et le contentieux de la responsabilité extra contractuelle

de l’administration ivoirienne », les 12 et 13 février 2009 à Grand-Bassam

(N’SAHOTEL) après le séminaire interne des 30 et 31 juillet 2008 à Grand-Bassam sur le

cadre juridique de la gestion foncière en Côte d’Ivoire.

Après les mots de bienvenue à l’adresse des personnalités, invités et participants,

le Président de la Chambre Administrative a justifié ce séminaire à un double niveau :

D’une part, il était nécessaire, comme le précédent, de marquer une pause dans

le tumulte du traitement des dossiers pour convier les conseillers à la réflexion sur un

thème saillant de leurs activités afin de mieux le maîtriser. D’autre part, le choix du

thème s’est imposé en ce que l’administration, comme une entité regroupant des

hommes, peut voir sa responsabilité engagée lorsque, dans ses activités quotidiennes,

elle commet des fautes ou pose des actes qui causent des préjudices à des tiers.

Faire le point de la jurisprudence ivoirienne et de l’expérience française sur cette

matière importante qui contribue à garantir l’Etat de droit, était indispensable pour

déterminer les règles applicables afin de mieux les appliquer.

A la suite, le Président de la Cour Suprême a relevé l’intérêt et l’actualité du

thème, salué l’initiative d’organiser ce séminaire et souhaité, compte tenu de

l’importance du sujet, que le champ des participants fût élargi.

Après l’ouverture des travaux par le Président de la Cour Suprême, les

contributions ont été apportées successivement par :

- Monsieur TERRY OLSON Conseiller d’Etat français sur « Le Conseil d’Etat

français et le contentieux de la responsabilité administrative ».

- Monsieur AMANGOUA Georges, Vice-président de la Cour Suprême sur « Le juge

ivoirien et le contentieux de la responsabilité extra contractuelle de

l’Administration ».

- Monsieur BOBBY GBAZA sur « La responsabilité du fonctionnaire et

sanctions disciplinaires ».

- Monsieur SANOGO Mamadou sur « Les droits et obligations du fonctionnaire

ivoirien modalités de mise en œuvre des sanctions et voies de recours ».

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Les travaux, commencés dans la matinée du 12 février 2009, se sont bien

achevés le 13 février 2009 après une visite faite aux autorités de l’administration

traditionnelle royale de Moossou et la lecture du rapport final par Monsieur GAUDJI

KOUDOU Désiré.

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Intervenant : Monsieur le Conseiller d’Etat TERRY OLSON

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Le Conseil d’Etat français et le contentieux de la responsabilité administrative

Je souhaiterais tout d’abord souligner qu’en France la reconnaissance de la

responsabilité administrative est intervenue dès 1873 par l’arrêt Blanco du Tribunal des

Conflits, soit au cours de l’année ayant suivi la loi Gambetta instaurant la « justice

déléguée » et faisant du Conseil d’Etat non plus seulement le conseiller écouté et le plus

souvent suivi de l’Exécutif, mais bien un juge souverain rendant ses décisions « Au nom

du Peuple français » selon la formule consacrée. Cette concomitance n’est, à mes yeux,

nullement une coïncidence.

Le passage à la justice déléguée et l’affirmation de la responsabilité de la puissance

publique ont mis fin à deux postulats séculaires :

- le premier selon lequel les actes pris en application de prérogatives de puissance

publique sont par essence inséparables de la souveraineté qui, elle-même, doit

échapper à tout contrôle du juge ;

- le second selon lequel « le Roi ne peut mal faire », la puissance publique ne

pouvant par construction porter tort à qui que ce soit.

Depuis près de 140 ans toute la jurisprudence administrative française s’emploie pour

une bonne part à creuser ces deux sillons pour améliorer le contrôle de légalité des actes

administratifs et améliorer les conditions d’indemnisation des personnes pouvant à juste

titre rechercher l’indemnisation de préjudices que l’action de la puissance publique a pu

leur causer.

Toujours dans le cadre de ces quelques remarques introductives, il me semble

intéressant de souligner que la manière dont la responsabilité de la puissance publique

est conçue et organisée constitue à certains égards une exception française. En effet,

dans certains pays, il y a bien dualisme juridictionnel, ou tout au moins, il existe un ordre

juridictionnel administratif autonome, mais ce juge-là n’est précisément pas le juge de la

responsabilité de la puissance publique. On peut à cet égard mentionner l’exemple

allemand : le juge administratif est un juge de la légalité des actes administratif – un

juge réputé et respecté – mais il est juge de la légalité et non juge de la responsabilité.

Dans ces pays, lorsqu’on poursuit la réparation du préjudice qu’un acte administratif a pu

vous causer, il convient normalement d’obtenir dans un premier temps du juge

administratif qu’il annule l’acte litigieux avant, dans un deuxième temps, d’aller devant le

juge civil.

A cette division des compétences est souvent associée une absence de spécificité de

la responsabilité administrative. Ainsi, lorsque la responsabilité de la puissance publique

est recherchée, elle est mise en œuvre dans les conditions du droit commun. En d’autres

termes, la question est traitée par le juge comme si la responsabilité de la personne

publique pouvait être recherchée dans les conditions du droit commun, en réalité comme

si la personne publique devait être traitée dans les mêmes conditions que celles qui

seraient observées s’il s’agissait d’une personne privée. Le juge civil a la plénitude de

compétence en matière de responsabilité, et il fait tout naturellement application des

règles dont il est le plus familier. La conséquence en est que l’existence même d’une

responsabilité administrative en tant que corpus juridique autonome est d’une certaine

façon niée.

Telle n’est clairement pas la conception du juge administratif français. S’il admet que,

pour des raisons tenant à la simplification de certaines instances, des blocs de

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compétence soient constitués et qu’ils soient dévolus notamment au juge judiciaire, le

juge administratif souhaite tout particulièrement, d’une part, demeurer le juge de droit

commun de la responsabilité de l’Etat et des autres personnes publiques et, d’autre part,

accomplir cet office en faisant application de règles propres et se voulant adaptées qui

ont été forgées avec le temps par la jurisprudence.

Sans prétendre vous livrer un panorama exhaustif, je souhaite appeler votre attention

sur la manière dont le juge administratif français appréhende la mission qui lui incombe

dans le contentieux de la responsabilité extracontractuelle, tenter d’identifier la spécificité

de son intervention et mentionner quelques unes des difficultés auxquelles il est

confronté.

En effet, si on tente d’identifier les différents volets de l’action du juge administratif

en matière de contentieux de la responsabilité, il me semble que le juge fait plus

particulièrement porter son attention sur trois points-clés. Il lui appartient à cet égard de

veiller plus spécialement à :

1 – Identifier le droit applicable et fixer le champ de la responsabilité administrative.

2 – Mettre en œuvre le régime de responsabilité administrative applicable.

3 – Surmonter les difficultés propres à ce contentieux.

1. Identifier le droit applicable et fixer le champ de la responsabilité

administrative

1.1 Employons-nous tout d’abord à tenter de préciser les sources de la responsabilité

administrative.

L’idée qu’il convient de garder à l’esprit est que la jurisprudence revêt certes une

importance capitale, mais elle n’est que d’application subsidiaire. La jurisprudence doit

en effet céder devant la loi, à moins que soit en cause l’application d’un traité

international d’effet direct en droit interne – ce qui est somme toute assez rare – ou

bien l’application d’un acte de droit communautaire dérivé. Cette hypothèse peut être

fréquemment rencontrée mais je n’en traiterai pas en détail ici, dès lors qu’elle ne me

semble pas être au cœur de vos préoccupations.

Cette primauté de la loi est logique à plusieurs titres. Tout d’abord le juge doit

statuer, il est obligé de trancher le litige qui lui est soumis à moins de se livrer à un

déni de justice. Le législateur est dans une position tout à fait différente car il

intervient s’il le veut, quand il le veut et comme il le veut. Ainsi, le juge et le

législateur ont des responsabilités différentes et interviennent dans des séquences de

temps elles aussi différentes. Toutefois, le législateur est, de par la Constitution, le

représentant de la souveraineté nationale et le juge, dont la légitimité n’est pas du

même ordre, doit, le cas échéant, adapter voire remettre en cause sa jurisprudence en

fonction des évolutions que le législateur décide.

Si le juge remet en cause voire renverse sa jurisprudence du fait d’évolutions de

la loi, ce n’est pas un secret qu’il ne le fait parfois qu’avec réticence, notamment

lorsqu’une jurisprudence audacieuse a fait naître des espérances qui se trouvent

abruptement mises à mal par l’intervention de la loi. L’exemple le plus classique est

celui de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades et la qualité du système de

santé qui a mis en cause des droits de créance détenus sur certains établissements

hospitaliers par les parents d’enfants nés lourdement handicapés à la suite d’erreurs

dans le diagnostic prénatal réalisé au moyen d’échographies ou d’analyse de

caryotype, erreurs non décelées pendant la grossesse de la mère.

Sur le premier point, l’on note que le droit applicable a connu une évolution.

D’abord prétorien, il fait de plus en plus place à la loi et aux conventions

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internationales. La jurisprudence est d’application subsidiaire car elle cède devant la

loi.

1.2 Quant à la fixation du champ de la responsabilité, deux terrains sont à prendre en

compte, à savoir la responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute.

La responsabilité pour faute constitue le mode de droit commun de mise en œuvre

de la responsabilité des personnes publiques. Elle renvoie elle-même à deux

hypothèses, celle de la faute prouvée et celle de la faute présumée. Elle conduit

fréquemment à opérer une ligne de partage entre ce qui relève de la faute de service

et ce qui relève de la faute personnelle commise par le fonctionnaire ou l’agent public.

La responsabilité sans faute est le régime le plus innovant du droit de la

responsabilité administrative. Ce régime trouve à s’appliquer lorsque l’on considère

qu’il y a lieu de « socialiser » la réparation d’un préjudice découlant d’un risque qui

s’est réalisé. Le risque doit alors peser sur la société et la collectivité doit indemniser

en se fondant sur le principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques. La

responsabilité sans faute est d’application d’ordre public ; elle est prioritaire lorsqu’elle

assure un niveau d’indemnisation plus favorable que la responsabilité pour faute.

2. Mettre en œuvre le régime de responsabilité administrative applicable

2.1 La mise en œuvre du régime de responsabilité applicable renvoie tout d’abord à

une exigence commune.

Il s’agit dans toutes les hypothèses de vérifier que certaines conditions

incontournables sont satisfaites. Il faut que soient présents – et simultanément

présents – trois éléments fondamentaux :

- un fait générateur ;

- un préjudice ;

- un lien de causalité certain, direct et déterminant entre le fait générateur et le

préjudice.

Ces conditions – je le dis quitte à me répéter – sont bien cumulatives et non

alternatives. Toute action en réparation suppose de la part du juge qu’il vérifie la

présence et la cohérence de ces trois éléments.

Dès lors que cette première étape est franchie, le juge doit affiner son appréciation et

se livrer à un raisonnement différencié, au moins dans une certaine mesure.

Le lien de causalité est toujours nécessaire et même indispensable. Rappelons que le

juge administratif français retient le raisonnement dit de la causalité adéquate et non de

l’équivalence des conditions.

Les différences apparaissent au regard du préjudice et du fait générateur. Le fait

générateur est évidemment toujours une faute, qualifiée comme telle, dans le cas de la

responsabilité fautive ; dans le cas de la responsabilité sans faute un simple fait suffit.

S’agissant du préjudice, la responsabilité pour faute ouvre en principe droit à une

réparation intégrale, tandis que la responsabilité sans faute n’ouvre droit – également en

principe – qu’à la réparation de la part du préjudice que l’on peut considérer comme

étant grave, anormale et spéciale.

2.2 Le juge doit observer des règles procédurales précises.

Quatre conditions doivent être mentionnées : l’exigence d’une décision préalable,

l’inscription dans le délai limité par la prescription quadriennale, l’obligation du

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ministère d’avocat et le recours direct en cassation pour les instances d’un montant

inférieur à 8000 euros car en ce cas le juge statue en premier et dernier ressort.

Il convient de souligner l’importance pratique pour le justiciable de la procédure

de référé-provision : lorsque la créance n’est pas sérieusement contestée par la

personne publique dont la responsabilité est recherchée, cette procédure permet à la

victime d’être très rapidement indemnisée. Un grand nombre de litiges sont clos de

cette manière en quelques semaines ou quelques mois. En outre, il est possible de

recourir à des techniques telles que le mandatement d’office, l’astreinte et l’injonction

afin d’assurer l’exécution des décisions que le juge rend.

3. Surmonter les difficultés propres à ce contentieux

Enfin dans sa méthode d’analyse, le juge doit faire preuve de prudence et de

discernement à plusieurs niveaux.

3.1 Tout d’abord l’admission des deux champs de la responsabilité, la responsabilité

pour faute et la responsabilité sans faute, présente des difficultés.

Lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre un régime de responsabilité sans faute, le juge

doit faire preuve d’un discernement particulier. Un tel régime ne doit jouer que dans le

cas où ne pas indemniser engendrerait une rupture d’équité qui mettrait à mal le lien

social. Pour autant, l’Etat ne doit pas devenir une sorte d’énorme compagnie

d’assurances qui, au demeurant, remplirait cet office sans percevoir des primes de ses

clients et dont le financement ne pourrait se faire que par l’impôt ou la dette.

Ainsi, ce régime joue seulement dans certains cas et je n’en citerai que quelques

exemples :

- les dommages subis par les collaborateurs occasionnels et bénévoles du service

public ;

- les dommages subis du fait du refus d’accorder le concours de la force publique

pour la mise à exécution des décisions de justice ;

- l’indemnisation du risque vaccinal ;

- l’indemnisation de certains risques thérapeutiques ;

- les dommages causés par les prisonniers en permission de sortie en vue de leur

réinsertion.

En matière de responsabilité pour faute, le juge est également confronté à un

problème délicat lorsqu’il doit qualifier certains faits de fautifs, lorsque sont en cause

des activités publiques revêtant un haut degré de difficulté : citons, parmi maints

exemples, les activités médicales ou les activités de secours ou de sauvetage. Une

évolution jurisprudentielle remontant à une vingtaine d’années a conduit à abandonner

de plus en plus l’exigence de la faute lourde et à s’en tenir à la mise en œuvre de la

responsabilité des services publics sur le terrain de la faute simple. Cette évolution

s’explique par le fait que l’opinion publique ne comprenait pas toujours bien pourquoi

on maintenait l’exigence d’une faute lourde dans certains domaines plutôt que dans

d’autres. Pour autant, cette évolution n’a pas conduit à accentuer fortement la

pression qui s’exerce sur les services publics en cause. En effet, via la qualification

juridique qui lui incombe, le juge peut et doit faire le tri entre ce qui relève de la

simple erreur – qui peut être comprise voire excusée s’agissant d’une activité

spécialement difficile ou dangereuse – de la véritable faute. Ainsi, le juge s’emploie à

identifier toute une gradation entre l’action « optimale », efficace et diligente, l’erreur

qui n’est pas obligatoirement fautive et la faute stricto sensu.

3.2 Une autre difficulté surgit lorsque le juge doit apprécier la part respective de la

faute personnelle et de la faute de service, ou bien évaluer certains préjudices.

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Pour faire la part de la faute personnelle et de la faute de service, le juge doit en

réalité concilier deux exigences contradictoires :

- responsabiliser les agents et prévenir tout laxisme ;

- assurer aux victimes le meilleur niveau d’indemnisation possible.

La frontière s’est avec le temps nettement décalée dans le sens d’une extension

de la faute de service. Désormais, la faute personnelle est réduite à son minimum

incompressible :

- une faute commise pendant le service mais qui est intentionnelle et ne peut

engager que son auteur ;

- la faute dépourvue de tout lien avec le service.

On notera qu’en droit administratif français un dispositif existe pour concilier au

mieux indemnisation des victimes et responsabilisation des agents publics au travers

du mécanisme de l’action récursoire que la personne publique peut engager contre son

agent pour lui imposer de lui rembourser la part de l’indemnisation correspondant à sa

faute personnelle. En cas de négligence particulièrement grave et inexcusable, cette

part peut atteindre 100% comme on l’a vu à l’occasion de l’arrêt du Conseil d’Etat

Moine du 17 décembre 1999 (n°199598 – Lebon p.425).

Je crois aussi utile de mentionner aussi certaines difficultés particulières

auxquelles le juge est confronté et qui renvoient au problème de l’évaluation du

préjudice. Certains éléments de préjudice sont faciles à évaluer et d’autres le sont

moins. Parmi les éléments de préjudice dont l’évaluation est délicate, je

mentionnerai :

- la douleur morale ;

- les conséquences de l’invalidité et en particulier le handicap fonctionnel,

l’incapacité à exercer un emploi. Des référentiels indicatifs existent, mais ne sont

que des outils imparfaits ;

- les frais futurs qui ne sont remboursables que s’ils sont certains, mais la limite

entre le certain et l’incertain est souvent difficile à définir ;

- la perte de chance qui, en principe, donne lieu à réparation intégrale, mais qui

dans les faits ne se prête qu’à une réparation plus ou moins forfaitaire.

Il est assez clair, à mon sens, que dans ces domaines le juge ne doit pas se

départir d’un respect scrupuleux des principes tout en reconnaissant que l’application

de ces principes à une instance donnée l’obligera à faire preuve d’un très grand

pragmatisme.

Il est temps pour moi de conclure.

Je voudrais faire deux remarques à ce stade de mon exposé.

Tout d’abord, il faut garder à l’esprit que toute l’action du juge procède d’une

démarche de moralisation de l’action publique. Ainsi lorsque le juge qualifie un fait de

l’administration de fautif, le jugement qu’il porte n’est pas uniquement juridique et

revêt une dimension morale. Qu’il le veuille ou non, cette qualification comportera une

forme de stigmatisation du comportement d’une personne publique.

Le rôle du juge est avant tout de définir, instance après instance, un juste

équilibre entre indemnisation des victimes et respect de l’intérêt légitime des

personnes publiques, cet intérêt général renvoyant à deux éléments au moins :

- ne pas interdire aux personnes publiques de faire fonctionner les services publics

dont elles ont la charge avec toute l’efficacité requise ;

- ne pas faire peser sur ceux qui les financent – usagers, contribuables – une

charge indue ou excessive.

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Quitte à me répéter, je pense que la clé de voûte du système reste l’intérêt

général, qui est un peu au juge administratif ce que l’étoile du Berger est au récit

évangélique…

Et en conclusion de la conclusion, qu’il me soit permis de former à l’intention des

collègues ici présents des vœux chaleureux pour le succès de leur délicate mission. Je

leur souhaite de pouvoir la conduire en manifestant les deux qualités jadis si bien

énoncées par l’Italien Antonio Gramsci : « le pessimisme de l’intelligence et

l’optimisme de la volonté ».

Je vous remercie

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Intervenant : Monsieur le Président AMANGOUA Georges

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LE JUGE IVOIRIEN ET LE CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITE

EXTRA CONTRACTUELLE DE L’ADMINISTRATION IVOIRIENNE

La responsabilité consiste généralement en une obligation pour une personne de

réparer un préjudice qu’elle a causé.

Les personnes publiques, l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements

publics n’échappent pas à cette responsabilité.

Apparue plus récemment, cette responsabilité présente une spécificité en ce

qu’elle est soustraite des règles générales de responsabilité prévues par le Code Civil.

C’est le Tribunal des Conflits, par arrêt du 8 Février 1873, dit Blanco, qui en a

précisé le régime général en France. Il pose que la responsabilité, qui peut incomber à

l’Etat pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie

dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code

Civil pour les rapports de particulier à particulier.

Le Tribunal des Conflits précise que cette responsabilité a ses règles générales qui

varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec

les droits privés.

C’est à partir de cet arrêt que la jurisprudence va dégager les principes et règles

qui vont s’appliquer à cette responsabilité particulière.

Ces principes et règles, rendus applicables en Côte d’Ivoire indépendante par

l’article 76 de la constitution du 3 Novembre 1960, connaissent cependant certains

aménagements et fléchissements issus des textes nouveaux qui permettent de les

distinguer dans leur application du modèle initial et cela en deux étapes.

Tout d’abord, le code de l’organisation judiciaire du 18 Mai 1961 a créé un

système juridictionnel unique habilité à connaître indistinctement les contentieux. Cette

loi pose que « la justice est rendue en matière civile, commerciale, pénale et

administrative par la Cour Suprême, les Cours d’Appel, les Tribunaux de Première

Instance et leurs sections détachées ». En conséquence de cette loi, un seul code de

procédure civile, commerciale et administrative a été prévu pour aménager la manière de

procéder. L’article 5 de ce code dispose à cet effet que « les Tribunaux de Première

Instance et leurs sections détachées connaissent de toutes les affaires civiles,

commerciales, administratives et fiscales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée

expressément à une autre juridiction en raison de la nature de l’affaire ».

La deuxième étape est apparue avec la loi n° 94-440 du 16 Août 1994

déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la

Cour Suprême modifiée et complétée par la loi n° 97-243 du 25 Avril 1997 (après les lois

n° 61-201 du 2 Mai 1961 et n° 78-663 du 5 Août 1978).

L’article 54 de cette loi donne compétence à la Chambre Administrative de la Cour

Suprême pour connaître des pourvois en cassation dirigés contre les décisions rendues

en dernier ressort dans les procédures où une personne morale de droit public est partie,

à l’exclusion des décisions rendues par les juridictions répressives dévolues à la Chambre

Judiciaire.

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Si, la loi portant organisation judiciaire met en place un système juridictionnel

unique avec pour conséquence un corps unique de magistrats recrutés, formés

conformément au statut de la magistrature, habilité à connaître indistinctement tous les

litiges, la loi sur la Cour Suprême, qui réserve à la Chambre Administrative un type

particulier de litiges, lié essentiellement à l’organe en cause, ne signifie-t-il pas qu’un

droit spécifique doit être appliqué ? Sinon pourquoi singulariser à la Chambre

Administrative l’existence d’un contentieux expressément soustrait à la Chambre

Judiciaire compétente pour traiter les pourvois impliquant les personnes privées, morales

ou physiques ?

L’analyse traditionnelle de la responsabilité administrative se noue autour du

diptyque responsabilité pour faute (faute de service, faute personnelle, cumul de fautes,

fautes non détachable du service) et responsabilité sans faute (responsabilité fondée sur

le risque, responsabilité fondée sur la rupture de l’égalité des citoyens devant les charges

publiques).

Toutefois, l’examen de quelques décisions rendues par la Chambre Administrative

permet de reconnaître qu’elle applique, dans le contentieux de la responsabilité ou de

pleine juridiction, généralement, un droit échappant aux règles classiques prévues par le

code civil.

Il a été aussi examiné des hypothèses dans lesquelles elle a recouru à ces règles

de droit privé pour trancher un litige lié à la responsabilité. Dans quels cas applique-t-elle

ces règles de droit et dans quels domaines précis de la responsabilité administrative

intervient-elle ? Ces deux questions constituent les deux pôles sur lesquels repose

l’ossature de cette réflexion.

I - LE DROIT APPLIQUE PAR LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

On pouvait penser que la Chambre Administrative, s’appuyant sur l’article 54 de la

loi sur la Cour Suprême, allait, d’emblée, afficher l’autonomie du droit administratif dans

l’examen des litiges liés à la responsabilité de la puissance publique qui lui sont soumis

selon les distinctions affirmées dans l’arrêt Blanco du 8 Février 1873.

De fait, elle a agi d’abord en utilisant le droit privé avant d’affirmer l’autonomie du

droit administratif.

A – L’application du Droit Civil

La Chambre Administrative, à l’occasion d’une espèce dont elle était saisie en

1968, a eu recours pour sa solution, au droit privé.

A la suite d’une collision survenue entre un véhicule de transport urbain de

personnes, appelé taxi et un véhicule administratif, la Cour d’Appel, saisie, avait

condamné l’Etat à réparer le préjudice subi par le propriétaire du taxi sur la base de

l’article 1384 alinéa 1 du Code Civil.

Pour rejeter le pourvoi formé par l’Etat contre cet arrêt, la Chambre

Administrative avait énoncé que « la Cour d’Appel n’a pas entendu faire reposer la

responsabilité de l’Etat sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil, mais seulement

répondre au moyen de l’Etat qui prétendait que l’accident avait été provoqué par le fait

imprévisible d’un cycliste. Que dès lors, l’Etat n’est pas fondé à soutenir qu’en faisant

état à la fois de la présomption pesant sur l’Etat et la faute du chauffeur, la Cour d’Appel

s’est fondée sur des motifs contradictoires ».

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Saisie sur le fondement des articles du code civil, la Chambre Administrative n’est

pas sortie de ce cadre textuel pour rendre une décision dans laquelle était recherchée la

responsabilité administrative de l’Etat à l’occasion des dommages causés par un véhicule

administratif.

La référence à la loi du 31 Décembre 1957, transférant à l’ordre judiciaire la

connaissance du contentieux de la responsabilité pour les dommages causés par les

véhicules, était de nature à aboutir à ce résultat.

Dans une affaire plus récente du 23 février 2005, la Chambre Administrative a

appliqué les règles du code civil dans une procédure dans laquelle était recherchée la

responsabilité de la Direction et Contrôle des Grands Travaux (D.C.G.TX).

Monsieur FANNY Hamidou, employé à la D.C.G.TX comme enquêteur immobilier

avait perçu, au moyen des documents et cachets de la D.C.G.TX, de l’argent pour son

propre compte auprès d’un particulier désireux d’acquérir une maison. Pour dégager la

responsabilité de la D.C.G.TX pour les fautes commises par son employé, la Chambre

Administrative, après s’être référé à l’article 1384 alinéa 5 du Code Civil, a estimé que

FANNY Hamidou a agi à des fins étrangères à ses attributions et s’est placé hors des

fonctions auxquelles il était employé.

Il importe, dans cette espèce, de noter d’une part, que la D.C.G.TX, personne

morale de droit public, accomplissait pour le compte de l’Etat des activités de cession à

titre onéreux de terrains et logements aux particuliers, activités similaires à celles que les

personnes privées pratiquent habituellement sous la qualification juridique de vente.

D’autre part, les personnes qui y travaillent peuvent être pour certaines régies par

le statut de la fonction publique, pour d’autres par les dispositions du code du travail

lorsqu’ils sont recrutés par le service comme l’était FANNY Hamidou. Faut-il y voir

l’explication au recours au droit privé dans cette affaire qui parait en fin de compte

isolée ?

En outre, le recours éventuel au droit administratif n’aboutirait-il pas au même

résultat quand on sait que les fautes commises par un agent public dans l’exercice de ses

activités, mais détachables des fonctions, exonèrent la puissance publique de toute

responsabilité?

B - L’application du droit administratif

Si la Chambre Administrative a été amenée à recourir au droit privé dans les

litiges relatifs à la responsabilité de la puissance publique, cela s’est fait de manière

ponctuelle et casuelle. Généralement, elle fonde cette responsabilité sur les principes

tirés du droit administratif.

Pour ce faire, elle a dû, comme le Tribunal des conflits l’avait fait en 1873 en

France, poser le principe et indiquer le régime de cette responsabilité dans un important

arrêt dit Arrêt SOCIETE DES CENTAURES ROUTIERS. Les faits de l’espèce paraissaient

simples.

L’un des véhicules de la société CENTAURES ROUTIERS était tombé dans la lagune

en débarquant du lac de Moossou le 17 Août 1961. La responsabilité de l’Etat a été

recherchée pour réparer le préjudice subi par cette société.

La Chambre Administrative, sur pourvoi, a eu, par une démarche en deux phases,

l’occasion, d’une part de déterminer la juridiction compétente pour apprécier la

responsabilité de l’Etat en cassant l’arrêt de la Cour d’Appel d’Abidjan qui s’était déclarée

incompétente, et d’autre part, de poser les règles applicables à la détermination de la

20

responsabilité administrative. Elle affirme alors, dans cet arrêt du 14 Janvier 1970, « que

la responsabilité, qui peut incomber à l’Etat pour les dommages causés aux usagers d’un

service public administratif ne peut être régie par les principes qui sont établis par le

code civil pour les rapports de particulier à particulier ; que cette responsabilité n’est ni

générale, ni absolue ; qu’elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du

service et la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droits privés ».

Cette décision affirme clairement la spécificité du principe de la responsabilité

administrative qui est dérogatoire du droit commun régi par le code civil.

Mais, au-delà de ce premier enseignement, cette décision dégage d’autres

principes de grand intérêt et qui seront énumérés.

1 - L’ouvrage public

Le bac constitue comme les sections de route qu’il relie et dont il est l’accessoire

nécessaire un ouvrage public.

2 - Le service public administratif

L’exploitation du bac présente le caractère d’un service public administratif. Même

s’ils doivent acquitter un péage, les usagers ne sont pas liés à l’Etat par un contrat de

transport de droit privé.

3 – La présomption de faute

La responsabilité de l’Etat est engagée en cas de dommages causés à un usager

de l’ouvrage public sur le fondement du défaut d’entretien. La preuve contraire, en

l’occurrence l’entretien normal de l’ouvrage à la charge de l’Etat, l’exonère de sa

responsabilité.

S’il ne pose pas expressément le principe d’une dualité de juridictions, cet arrêt

n’en constitue pas moins l’amorce.

L’application des principes énoncés par l’arrêt serait assurément mieux réalisée

par l’existence d’une juridiction empruntant elle aussi les mêmes spécificités que ce droit.

En 1986, quelques principes de cet arrêt ont été appliqués dans l’affaire DJAN

ZIAGO Joseph. La Chambre Administrative avait admis que la piste reliant Yamoussoukro

à Gogokro constituait un ouvrage public. Elle a retenu la responsabilité de l’Etat pour

défaut d’entretien. Puis, elle a caractérisé le défaut d’entretien par les circonstances de

l’espèce : la saison des grandes pluies, leur fréquence, les chutes d’arbres sur la

chaussée des routes rurales. Ce sont des évènements courants qui ne sont pas

imprévisibles ni irrésistibles en sorte que la responsabilité de l’Etat a été retenue lorsque

sur cette route rurale, DJAN ZIAGO Joseph a été victime de la chute d’un arbre au

moment où le taxi qui le transportait s’était arrêté en présence d’un premier arbre tombé

en travers de la chaussée.

II - LES DOMAINES DE RESPONSABILITE RETENUS

Le champ d’application de la responsabilité administrative est vaste et assurément la

Chambre Administrative n’a pas eu encore à le parcourir totalement. Les principaux

litiges portés devant elle par les justiciables sont relatives aux dommages nés du

mauvais fonctionnement des services publics, les dommages causés par les agents de

l’administration.

21

A- Le fonctionnement des services publics

dysfonctionnement du service public de la douane.

L’affaire Direction générale des Douanes contre NIANGADOU Mamadou a donné lieu

à l’arrêt du 27 Février 2002 dans lequel, la Chambre Administrative a considéré comme

une faute lourde, révélant un dysfonctionnement du service public de la douane, la

disparition des marchandises entreposées dans les locaux de l’administration des

douanes.

Mauvais fonctionnement du service public de la santé.

L’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 28 Janvier 1988, Docteur SOUME BI KACOU

BRICE contre Ministre de la Fonction Publique, est topique de la manière dont la Chambre

Administrative, saisie d’un recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du

Ministre de la Fonction Publique sanctionnant le docteur SOUME BI KACOU pour

négligence professionnelle notoire à six (6) mois d’exclusion temporaire, a procédé à

l’annulation de la décision en estimant que les faits reprochés au médecin étaient en

réalité imputables au mauvais fonctionnement du service public de la santé qui se devait

en tout temps de disposer des médicaments nécessaires dans les urgences.

Elle ajoute qu’en faisant porter au praticien la responsabilité des conséquences de

l’absence de médicaments et en lui infligeant une sanction disciplinaire pour ce motif, le

Ministre de la Fonction Publique n’a pas justifié sa décision.

Au détour d’un recours pour excès de pouvoir, elle a saisi l’occasion de cette affaire

pour affirmer les conditions dans lesquelles l’Etat peut être déclaré responsable du

mauvais fonctionnement des services de santé publique.

B - Les actes des agents de l’administration

Faute non détachable des fonctions

Dans l’affaire AKA Ettien, Etat de Côte d’Ivoire contre DAO Mamadou du 26 Mai

2005, la Chambre Administrative a donné une illustration de la faute de service.

Pour indemniser les paysans dont les cultures avaient été dévastées par des

bœufs, le Sous-préfet de Tienengboué avait fixé la part contributive de chaque éleveur.

Estimant que ses bœufs vendus étaient au nombre de quatre vingt cinq (85) et non

trente trois (33) comme indiqué par le Sous-préfet, DAO Mamadou a demandé à l’Etat

réparation du préjudice subi.

La Chambre Administrative a estimé, en cassant la décision de la Cour d’appel, que la

faute du Sous-préfet ayant été commise dans le cadre strict de ses fonctions, seul l’Etat

devait en réparer les conséquences.

X X

X

Les arrêts qui résultent de ce contentieux ont dégagé des principes fondateurs du

régime de la responsabilité administrative et du droit applicable.

Le droit administratif applicable, en concurrence avec le droit privé, reprendrait

une prééminence si la compétence de la juridiction déterminait le droit applicable, ce qui

devra conduire à l’avènement du Conseil d’Etat.

L’unité juridictionnelle présente certes des avantages économiques indéniables. Mais, elle

ne devrait pas constituer une entrave à la pleine expression des principes fondateurs de

la spécificité de la responsabilité administrative dégagée par la Chambre Administrative

de la Cour Suprême.

22

La Chambre Administrative a été érigée en Conseil d’Etat depuis la constitution du

1er Août 2000. Il importe de permettre à ce Conseil d’Etat, véritable Juridiction Suprême

Administrative autonome, de fonctionner effectivement avec l’avènement rapide de la loi

organique. En effet, la Chambre Administrative qui joue actuellement un rôle essentiel

dans la régulation des pouvoirs publics, la promotion et la consolidation de l’Etat de droit,

et qui est à l’origine d’un droit prétorien qui a vocation à encadrer rigoureusement, mais

sans y faire entrave, l’activité administrative, ne dispose pas encore de pouvoirs propres

pour être le conseiller de l’Etat afin de donner ses avis sur les projets de textes

réglementaires avant leur adoption.

Même s’il apparaît à première vue que la ligne de démarcation entre droit privé et

droit public ne parait pas très nette, c’est tout simplement parce que toutes les richesses

créatives et la finesse des raisonnements de cette branche du droit n’ont pas encore été

entièrement et totalement dévoilées, loin s’en faut.

La tendance doit consister alors à en épuiser toutes ses ressources.

Le domaine de la responsabilité de la puissance publique conduit à s’interroger sur

l’effectivité des décisions de la juridiction administrative.

Si l’administration pratique l’inertie en matière de recours pour excès de pouvoir,

que dire alors lorsqu’il s’agira de lui demander de réparer pécuniairement les dommages

causés de son fait ?

L’impossibilité d’exécuter par la force les biens des personnes morales de droit

public, sans l’intervention des textes pour en limiter la portée, constitue un abri très

longtemps encore assuré qui amène les pouvoirs publics à rendre sans effet les décisions

rendues.

Au moment où l’Etat de droit s’affirme et irradie le corps social, le temps ne

parait-il pas venu d’organiser les règles permettant au particulier, ayant obtenu la

condamnation de l’Etat à réparer son préjudice, de recevoir effectivement le montant des

sommes prononcées par la Chambre Administrative ?

Ce faisant l’Etat gagnerait, en donnant un contenu au principe de la bonne

gouvernance, à la sécurité juridique, indispensables soutiens de l’Etat de droit.

23

Intervenant : Monsieur le Conseiller BOBY GBAZA

24

RESPONSABILITE DU FONCTIONNAIRE ET SANCTIONS DISCIPLINAIRES : EVOLUTION DE LA JURISPRUDENCE

La mission de service public est assurée en Côte d’Ivoire par des personnels

estimés à plus de 150 000 personnes qui, à des degrés divers, occupent à titre

professionnel un emploi salarié dans les services des personnes publiques et sont soumis

à un statut de droit public.

Ces personnels qui, en principe sont ceux des services administratifs des

personnes publiques et que l’on désigne comme étant des «agents publics» se

distinguent des salariés du secteur privé régis par le droit du travail. Ils se distinguent

aussi, tant des personnels des organismes de droit privé associés à l’action des

personnes publiques, que de ceux des services industriels et commerciaux et des

entreprises publiques qui sont également les uns et les autres régis soit par le droit du

travail, soit par des statuts qui leur sont propres, mais qui sont des statuts de droit privé.

Parce que, selon un dicton populaire universel, « nul n’est infaillible », il peut

arriver à chaque agent public de commettre une erreur ou une faute dans l’exercice de

ses fonctions.

En raison des conséquences liées à cette erreur, un phénomène de société, qui

prend de l’ampleur au fil des années sous l’impulsion des médias et des associations, plus

que des citoyens, conduit à refuser la fatalité, l’imprévisibilité, le risque inhérent à toute

activité humaine.

Désormais, à l’occasion d’une catastrophe, d’un accident ou d’un évènement

dommageable, l’on recherchera un responsable à qui demander des comptes. D’où la

mise en cause de plus en plus fréquente des élus et surtout des agents publics et le

recours au juge pour assurer la discipline de l’action administrative, mais surtout,

réclamer réparation du préjudice qui en est résulté.

Parce qu’il peut être appelé à garantir la réparation du préjudice né des actes de

l’agent public, l’Etat met à la charge de ce dernier des obligations le rendant responsable

de ses actes.

Aussi, nous proposons dans le cadre de cette réflexion, d’évoquer en premier lieu

les fondements de cette responsabilité, la seconde étape devant être consacrée à la mise

en œuvre de la responsabilité.

PREMIERE PARTIE : LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE

DISCIPLINAIRE DU FONCTIONNAIRE

L’évocation des fondements de la responsabilité disciplinaire des agents publics

rend nécessaire l’analyse des valeurs du service public (A) telles qu’elles sont énoncées

par la Constitution du 1er août 2000 et la loi n° 92-570 du 11 septembre 1992 portant

statut général de la fonction publique (qui ne manque pas de se référer à la loi pénale).

Elle nous donne également l’occasion de nous rendre compte combien il est difficile de

trouver une définition précise de la faute disciplinaire (B).

25

A Ŕ LES VALEURS DU SERVICE PUBLIC

L’analyse des différentes dispositions légales relatives au régime disciplinaire des

agents publics laisse penser que le fonctionnement du service public repose

essentiellement sur des valeurs d’un ordre plus moral que juridique. Ce sont ces valeurs

qui constituent la déontologie de la fonction publique.

Ainsi, la Constitution du 1er août 2000 dispose en son article 26 que « nul ne peut

être nommé à un emploi public s’il n’est de bonne moralité ».

Les articles 23 à 28 du Statut Général de la Fonction Publique relatifs aux obligations

du fonctionnaire constituent la suite logique de l’article 26 de la Constitution. Certaines

de ces obligations se rattachent à la personne du fonctionnaire. Il s’agit de :

- l’obligation de déférence à l’égard des supérieurs hiérarchiques contenue dans la

subordination hiérarchique ;

- l’obligation de loyauté envers les institutions ;

- l’obligation de réserve et de retenue dans l’expression des opinions politiques et

dans le comportement général.

D’autres obligations se rattachent à la profession. Il s’agit de :

- l’obligation de garder le secret professionnel ;

- l’obligation de se consacrer à son emploi ;

- l’interdiction du cumul d’emplois lucratifs.

En disposant que « tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est

responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées », l’article 28 du Statut

Général de la Fonction Publique fait appel au sens de la responsabilité de l’agent public.

On le voit, les articles 23 à 28 ne font aucune référence à la faute, comme si la seule

évocation des valeurs que nous venons d’énumérer peut suffire à assurer le

fonctionnement régulier et cohérent du service public.

En réalité, bien souvent, il arrive que les animateurs du service public s’éloignent des

principes que nous venons d’évoquer. L’on parle alors de fautes disciplinaires.

B Ŕ LA FAUTE DISCIPLINAIRE

Le Statut Général de la Fonction Publique dispose en son article 73 « que toute

faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions l’expose à une

sanction disciplinaire, sans préjudice le cas échéant, des peines prévues par la loi

pénale ».

Nous retrouvons ici le couple faute-sanction.

S’il est en droit pénal un principe essentiel suivant lequel il n’y a d’infractions

qu’instituées par la loi ou le règlement (« nullum crimen sine lege »), la faute

disciplinaire n’a pas de définition au contour précis tout au plus, peut-on dire que la

responsabilité disciplinaire concerne l’ensemble des agents publics, et elle sanctionne les

manquements à la loi « interne du service ». Cette expression désigne l’ensemble des

règles régissant l’organisation et le fonctionnement du service, même si elles n’ont été

formulées dans aucun texte.

Ainsi, les fautes disciplinaires pourraient être regroupées en deux catégories : les

fautes professionnelles et les fautes non professionnelles.

26

1° - Les fautes professionnelles

Dans cette catégorie, l’on retrouverait tous les manquements aux obligations

contenues dans les dispositions des articles 23 à 28 du Statut Général de la Fonction

Publique, puisqu’il s’agit d’obligations d’exercer le métier ou la profession d’une certaine

façon.

2° - Les fautes non professionnelles

Il s’agit en général de fautes personnelles, non professionnelles commises dans le

service ou à l’occasion du service, ce qui leur donne un caractère disciplinaire. Elles sont

définies en tenant compte des considérations de moralité.

La faute commise dans le service. Il s’agit de la faute incompatible avec l’exercice

des fonctions telles que le manquement à l’honneur ou à la probité.

La faute personnelle ayant une incidence sur le service en raison du discrédit qui

en résulte pour l’administration, ce qui lui confère un caractère de gravité.

La faute de nature à mettre en cause la considération due à l’administration. Cette

faute sera appréciée en tenant compte de l’importance ou de la nature des

fonctions occupées par l’agent mis en cause.

La faute rendant impossible le maintien du fonctionnaire dans ses fonctions.

Exemple : les cas de vols, viols, meurtres par des fonctionnaires de police.

La faute commise à l’occasion du service. Pour être sanctionnée, une telle faute

doit avoir un lien avec le service ou avec la personne de l’agent.

La faute liée au service. Cette faute est liée au service parce qu’elle est commise

avec les moyens du service. L’exemple le plus fréquent étant l’accident de la

circulation occasionné par le véhicule automobile de l’administration utilisé à des

fins personnelles ; il s’agit également de la faute inadmissible : tel est le cas de

l’agent qui commet des excès de langage ou tient des propos outrageants à

l’égard des usagers.

La faute liée à la personne de l’agent. De façon générale, la détermination de la

faute disciplinaire fait une place importante à des considérations subjectives, car

selon le professeur DEGNI SEGUI, « il ne convient pas de lier le pouvoir

disciplinaire par un catalogue objet d’infractions disciplinaires ». Il s’agit, ici, de

règles de comportement à adapter à chaque métier, à chaque situation.

Ainsi, pour l’autorité administrative, il n’y a pas lieu d’apprécier si un

comportement répond à la définition d’une infraction disciplinaire. La question posée est

de savoir s’il y a un manquement à l’une des obligations dont le statut général de la

fonction publique impose le respect.

Pour répondre à cette question, il faut procéder à l’appréciation de la réalité des

faits et l’appréciation de la qualification juridique des faits.

Relativement à l’appréciation de la réalité matérielle des faits, nous voudrions

soumettre à votre appréciation un exemple type de la jurisprudence de notre juridiction.

Il s’agit de l’arrêt n° 7 du 26 février 1992/ Affaire KORE GBOAGNON Raphaël.

27

Un article de presse signé K.G.R. avait affirmé que les hauts cadres de

l’administration des douanes dispensaient certaines sociétés de transit du paiement

d’amendes douanières en raison des intérêts qu’ils avaient pris dans ces sociétés, alors

que les cadres subalternes s’emploieraient à soulager leurs chefs pour obtenir des postes

leur offrant des possibilités de gains illicites.

Parallèlement à une plainte contre X avec constitution de partie civile, la Direction

Générale des Douanes avait déclenché une enquête au cours de laquelle le nommé KORE

GBOAGNON Raphaël était mis en cause par une secrétaire qui affirmait avoir eu à

dactylographier le texte publié dans la presse à la demande de celui-ci.

Malgré ses dénégations, KORE GBOAGNON Raphaël était révoqué le 4 février

1989, alors que la procédure judiciaire se terminait par une ordonnance de non-lieu du

30 juin 1989. Suite à un recours de KORE GBOAGNON Raphaël, la Chambre

Administrative de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a annulé la décision de révocation

pour les motifs suivants :

- Les seules lettres K.G.R. inscrites au bas de l’article ne suffisent pas à mettre

KORE GBOAGNON Raphaël en cause, alors qu’il n’est pas contesté que ces mêmes

lettres peuvent être imputées à d’autres personnes ;

- L’Administration s’est rendue compte de la fragilité de ses preuves, puisque sa

plainte a été dirigée contre X alors que les résultats de l’enquête administrative

étaient déjà connus.

Sur l’appréciation de la qualification juridique des faits, nous voudrions vous proposer

l’exemple tiré de l’arrêt n° 6 du 15 mars 1989 de la juridiction : il s’agit de l’affaire NEA

GAHOU Maurice contre le Ministre de la Fonction Publique.

NEA GAHOU Maurice avait sollicité du Ministre des Eaux et Forêts le sursis à

l’exécution jusqu’aux vacances scolaires de la décision du 29 décembre 1987 par laquelle

celui-ci l’avait muté de LAKOTA à KORHOGO, deux villes séparées l’une de l’autre

d’environ 400 kilomètres. Il voulait épargner à ses enfants, qui étaient en classe

d’examen, les désagréments d’un brusque déménagement. Sa demande ayant été

rejetée, il avait cessé le service à son ancien poste le 2 février 1988 pour rejoindre le

nouveau le 16 du même mois. Entre temps, le Ministre de tutelle avait fait suspendre sa

solde le 9 février et dès le 17 février demandé au Ministre de la Fonction Publique de le

traduire devant le Conseil de discipline pour refus de rejoindre son poste.

Passant outre l’avis du Conseil de Discipline qui préconisait une sanction de

rétrogradation au motif que le fonctionnaire avait rejoint son poste avec 14 jours de

retard, le Ministre de la Fonction Publique avait décidé de révoquer NEA GAHOU Maurice.

Saisie du recours en annulation pour excès de pouvoir de cette décision, la

Chambre Administrative a posé le principe suivant : « le refus de rejoindre le poste

assigné doit s’entendre d’un refus déterminé et catégorique opposé par le fonctionnaire à

l’exécution d’une décision l’affectant dans un poste ; que le retard mis par le

fonctionnaire à rejoindre son nouveau poste ne peut être vu comme le refus de rejoindre

son poste ; que si le retard mis par NEA GAHOU Maurice pour rejoindre son poste

d’affectation constitue une faute disciplinaire, celle-ci ne peut justifier le licenciement

pour refus de rejoindre son poste ».

Sur la base de cette motivation, la Chambre Administrative a annulé la décision de

révocation prise par le Ministre de la Fonction Publique.

Quels enseignements peut-on tirer de ces arrêts ?

Ces deux arrêts sont le reflet d’une intéressante évolution de la jurisprudence.

28

La position initiale consistait à vérifier la légalité de la décision attaquée. Elle se

contentait de vérifier l’existence ou non d’une faute sanctionnée par la loi en s’assurant

de la matérialité des faits imputables au fonctionnaire mis en cause.

Ainsi dans le premier cas d’espèce, la Chambre Administrative de la Cour Suprême

a annulé la sanction frappant KORE GBOAGNON Raphaël tout simplement parce que la

matérialité des faits mis à sa charge n’est pas démontrée.

Dans le second cas d’espèce, pour annuler la décision de révocation de NEA

GAHOU Maurice, la Cour a franchi une étape supplémentaire en procédant de façon fort

heureuse à un triple contrôle :

1°) Elle reconnaît certes l’existence d’une faute imputable au fonctionnaire ;

2°) Elle estime toutefois que l’appréciation faite par l’administration est erronée

et précise ce qu’il faut entendre par « refus de rejoindre son poste » ;

3°) Elle se prononce sur le caractère de la faute (le degré de gravité) pour estimer

que la sanction prise par le Ministre de la Fonction Publique n’est pas en

adéquation avec la faute commise par NEA Gahou Maurice.

Les fondements de la responsabilité disciplinaire ayant été évoqués, il convient à

présent de s’intéresser à la mise en œuvre.

DEUXIEME PARTIE : LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE DU

FONCTIONNAIRE

Il est évident que lorsque la matérialité des faits mis à la charge du fonctionnaire

est établie, il y a lieu de prononcer une sanction. Si la faute a eu des conséquences

dommageables pour autrui, il faut envisager la réparation de ces dommages.

Nous évoquerons donc la répression de la faute (A) et la réparation des

dommages résultant de la faute (B).

A Ŕ LA REPRESSION DE LA FAUTE DISCIPLINAIRE

La répression de la faute disciplinaire est prévue par l’article 73 du statut général

de la Fonction Publique qui dispose que « toute faute commise par un fonctionnaire dans

l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire, sans préjudice le cas

échéant, des peines prévues par la loi pénale ».

L’examen de cette disposition légale appelle les remarques suivantes :

1°) - Il peut arriver que des faits reprochés à un fonctionnaire soient à l’origine à la fois

de poursuites pénales et de poursuites disciplinaires. Ce qui justifie que la répression de

la faute pénale fasse appel à deux types de sanctions : la sanction pénale et la sanction

disciplinaire à proprement parler ;

2°) – La répression disciplinaire est indépendante de la répression pénale. L’autorité

administrative peut déclencher des poursuites disciplinaires ou s’abstenir de le faire sans

que l’existence, l’absence ou l’éventualité de poursuites pénales soient de nature à

exercer une incidence sur la liberté de décision. Ainsi, l’autorité administrative peut

renoncer, temporairement ou non, à exercer des poursuites, alors que des poursuites

pénales sont engagées. Elle peut exercer des poursuites disciplinaires en l’absence de

poursuites pénales.

29

Il peut, enfin y avoir exercice parallèle des deux sortes de poursuites qui pourront

être menées à leur terme en toute indépendance. Le disciplinaire ne tient pas le pénal en

état. Le pénal ne tient pas le disciplinaire en état.

3°) – La répression pénale et la répression disciplinaire ont cependant un lien.

Conformément aux principes généraux du droit, une mesure disciplinaire est illégale en

cas d’inexistence matérielle des faits sur lesquels elle est fondée, établie par le juge

pénal.

Le principe est consacré que les constatations de fait contenues dans les décisions

rendues par les juridictions répressives sur l’action publique et qui sont le support

nécessaire de ces décisions ont l’autorité de la chose jugée à l’égard de l’administration

et du juge administratif. En conséquence, si le jugement a reconnu la réalité des faits en

cause, il ne pourra pas être contredit et cette réalité devra être tenue pour établie. S’il

l’a niée, c’est l’inexistence matérielle des faits qui sera tenue pour établie. Dans un tel

cas, si le jugement a été rendu avant que la sanction disciplinaire ne soit prononcée, elle

ne pourra plus l’être. Si elle l’était, elle serait annulée sur recours pour excès de pouvoir.

Telle était, l’hypothèse de l’Affaire KORE GBOAGNON Raphaël que nous avons

évoquée ci-dessus. Cette affaire, rappelons-le, a été jugée par arrêt n° 7 du 26 février

1992.

A la suite de ces trois remarques, il convient de souligner, qu’autant la définition

de la sanction disciplinaire est difficile, autant le législateur a organisé les peines

disciplinaires avec beaucoup de précision en les classant en deux ordres : les sanctions

du premier degré et les sanctions du second degré. Sans m’étendre sur ces questions qui

feront l’objet de l’exposé suivant, je me bornerai à les énumérer.

Les sanctions du premier degré sont les suivantes :

- L’avertissement,

- Le blâme,

- Le déplacement d’office.

Elles peuvent être prononcées par le Ministre technique dont relève le

fonctionnaire poursuivi, le Préfet ou le Directeur de l’établissement public employeur

dudit fonctionnaire.

Les sanctions du second degré sont :

La radiation du tableau d’avancement ;

La réduction du traitement dans la proportion de 25% pour une durée ne pouvant

excéder trente jours ;

L’exclusion temporaire pour une durée ne pouvant excéder six mois ;

L’abaissement d’échelon ;

L’abaissement de classe ;

La révocation avec ou sans suspension des droits à pension.

Ces sanctions du second degré sont proposées par le Conseil de discipline, suivant

la procédure qui fera l’objet de la prochaine communication.

La faute disciplinaire peut avoir occasionné à autrui des dommages nécessitant

une réparation qu’il faut à présent analyser.

30

B Ŕ LA REPARATION DU PREJUDICE NE DE LA FAUTE DISCIPLINAIRE

Le statut général de la Fonction Publique nous laisse lire en son article 19 que

« les fonctionnaires bénéficient, dans l’exercice de leurs fonctions, d’une protection

assurée par la collectivité publique dont ils dépendent conformément aux règles fixées

par le Code Pénal et les lois spéciales. Lorsqu’un fonctionnaire est poursuivi par un tiers

pour faute de service, la collectivité publique est responsable des condamnations civiles

prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne

lui est pas imputable».

Le problème posé est celui de la charge de la réparation due à la victime de la

faute du fonctionnaire.

La faute commise par un agent public dans l’exercice de ses fonctions est

susceptible de recevoir deux qualifications exclusives l’une de l’autre : elle sera

considérée comme une faute de service lorsque l’action dommageable, quoique

imputable à un agent déterminé, reste néanmoins impersonnelle ou selon l’expression de

LAFERRIERE, « révèle un administrateur de l’Etat plus ou moins sujet à erreur mais non

l’homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences ». Elle sera à l’inverse

considérée comme une faute personnelle lorsqu’elle se détache des fonctions et traduit la

défaillance d’un individu ou, pour reprendre là encore l’expression de LAFERRIERE,

lorsqu’elle est imputable « au fonctionnaire, non à la fonction ».

L’appréciation portée sur la nature de la faute commise par un agent tient donc

uniquement au caractère détachable ou non de cette faute par rapport aux fonctions qui

sont celles de l’agent.

La distinction entre la notion de faute de service et la notion de faute personnelle

emporte deux séries de conséquences.

Elle constitue d’abord un critère de répartition de compétence entre les deux

ordres de juridictions. Seul le juge administratif a compétence pour se prononcer sur les

conséquences dommageables d’une faute de service, puisque celle-ci met en cause, à

travers un agent déterminé, le fonctionnement de l’administration ; en revanche, il

revient au juge civil de connaître des actions en responsabilité engagées en raison d’une

faute personnelle.

Elle constitue ensuite un critère de réparation en ce qui concerne la charge de

l’indemnité due aux victimes. Lorsqu’il y a faute de service, c’est à l’administration et à

elle seule qu’incombe la charge de l’indemnité. A l’inverse, lorsqu’il y a faute personnelle,

c’est à l’agent de réparer les conséquences dommageables de son acte sur son propre

patrimoine conformément aux règles de droit commun posées par le Code Civil.

A ce sujet, il nous vient à l’esprit l’arrêt rendu le 26 mai 2005 par la Chambre

Administrative de la Cour Suprême. Il s’agit de l’affaire AKA ETTIEN, ETAT DE COTE

D’IVOIRE contre DAO MAMADOU. Pour indemniser les paysans dont les cultures avaient

été dévastées par des bœufs, le Sous-Préfet AKA ETTIEN avait fait capturer et vendre

des bœufs appartenant à des éleveurs dont monsieur DAO MAMADOU. La Cour d’Appel,

qui estimait que la saisie et la vente pratiquées par le Sous-Préfet étaient illégales, avait

condamné solidairement AKA ETTIEN et l’ETAT DE COTE D’IVOIRE à payer des

dommages et intérêts à monsieur DAO MAMADOU. La Chambre Administrative a cassé

l’arrêt de la Cour d’Appel au motif que la faute commise par AKA ETTIEN n’était pas

détachable de ses fonctions de Sous-préfet, et sur évocation, elle a condamné l’Etat seul,

estimant que la faute du sous-préfet avait été commise dans le cadre strict de ses

fonctions.

31

Il importe de souligner qu’il est difficile de déterminer à priori si la faute d’un

agent public revêt le caractère d’une faute de service ou d’une faute personnelle.

Pour en tenir compte, la jurisprudence a atténué les principes en admettant que

les victimes puissent directement demander réparation à une collectivité publique pour

l’ensemble des dommages causés par ses agents dans le cadre du service ou avec les

moyens du service et ce, quelle que soit la nature de la faute imputable à ces agents.

Cette jurisprudence était d’abord relative à des hypothèses simples où les

dommages résultaient en réalité de la conjonction d’une faute personnelle et une faute

de service (Arrêt ANGUET). Elle s’est ensuite étendue aux cas où la faute unique à

l’origine du dommage n’était pas dépourvue de tout lien avec le service, soit qu’elle ait

été commise à l’occasion du service (arrêt époux Lemonnier), soit même qu’elle ait été

commise en dehors du service, mais avec les moyens de celui-ci. Alors que cette

jurisprudence avait l’avantage de faciliter l’indemnisation et de limiter les effets de la

dualité des ordres de juridiction, elle présentait le risque de favoriser une irresponsabilité

de fait des agents publics à raison des fautes commises dans l’exercice de leurs

fonctions. Il est en effet plus commode pour la victime de mettre en cause la

responsabilité de l’employeur toujours plus solvable, plutôt que d’engager une action à

l’issue aléatoire devant le juge civil.

Alors, par un arrêt d’assemblée du 28 juillet 1951 (LARUELLE) il a été jugé

qu’après avoir été condamnée à indemniser la victime des conséquences dommageables

d’une faute personnelle imputable à l’un de ses agents, l’administration puisse se

retourner contre ce dernier et de mettre à sa charge tout ou partie des sommes versées,

à raison de la part qu’il avait personnellement prise dans la réalisation du dommage.

Ainsi, était réaffirmé le principe fondamental selon lequel il appartient à l’agent qui

a commis une faute personnelle détachable du service de supporter seul sur le plan

financier les conséquences de son acte.

« Symétriquement », un agent condamné par le juge judiciaire à indemniser les

victimes d’une faute de service peut exercer une action récursoire contre son employeur

afin que celui-ci supporte la charge finale de cette indemnisation. Tel fut le cas de

l’affaire jugée par l’arrêt d’Assemblée du 12 avril 2002, affaire Maurice PAPON.

Pendant la seconde guerre mondiale, à la demande et sous l’autorité des forces

d’occupation allemandes, des personnes d’origine juive ont été internées dans la région

de la Gironde avant d’être déportées dans les camps de concentration en Allemagne. A

cet effet, un service spécialement chargé des questions juives était établi au sein de la

Préfecture avec pour mission de tenir un fichier de recensement. Maurice PAPON qui était

alors Secrétaire Général de la Préfecture de Gironde a accepté que ce service soit placé

sous son autorité directe et a veillé personnellement à donner le maximum d’ampleur à

cette opération.

Jugé le 03 avril 1998 par la Cour d’Assises de Gironde, il a été condamné d’une

part à 10 ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité, et

d’autre part, au payement de dommages intérêts. Estimant avoir agi dans l’exercice de

ses fonctions, il a saisi la juridiction administrative à l’effet d’obtenir que l’Etat soit

condamné à le garantir et à le relever de la somme de 4 720 000 francs mise à sa charge

au titre des condamnations.

Dans cette affaire, il a été jugé que les actes posés par Maurice PAPON étaient

constitutifs d’une faute détachable de l’exercice de ses fonctions en raison de leur gravité

exceptionnelle et de leur caractère inexcusable ; il a été toutefois relevé que

l’administration a également commis une faute en facilitant la déportation des juifs par la

mise en place de dispositions spéciales et en donnant des instructions précises à la police

32

en vue de rechercher les personnes d’origine juive ou de confession israélite. Pour ces

motifs, la Cour a décidé d’un partage, entre Maurice PAPON et l’Etat, des condamnations

civiles prononcées.

Etant ainsi au terme de ma modeste contribution aux travaux de ce séminaire, je

voudrais saluer la patience avec laquelle vous m’avez écouté. Je vous remercie.

33

Intervenant : Monsieur le Conseiller SANOGO MAMADOU

34

DROITS ET OBLIGATIONS DU FONCTIONNAIRE IVOIRIEN : MODALITES DE MISE EN ŒUVRE DES SANCTIONS DISCIPLINAIRES ET DES VOIES DE RECOURS

Les termes de référence de notre Atelier indiquent que notre pays compte

aujourd’hui un peu plus de 150 000 fonctionnaires et agents publics.

Le personnel utilisé par l’administration comprend d’une part, des agents publics et,

d’autre part, des salariés de droit privé soumis au code du travail et aux conventions

collectives.

Que faut-il entendre par fonctionnaire et agent public ? Tous les agents publics ne

sont pas des fonctionnaires.

Selon l’article 1er de la loi n° 92-570 du 11 novembre 1992 portant statut général

de la Fonction Publique, les fonctionnaires, ce sont les agents publics nommés dans un

emploi permanent et qui ont été titularisés dans un grade de la hiérarchie de

l’administration.

Ils sont soumis au statut général de la Fonction Publique (article 2 du statut

général).

Le fonctionnaire est, vis-à-vis de l’Administration, dans une situation statutaire et

réglementaire, précise l’article 6 du statut général.

Indiquons que certains fonctionnaires ne sont cependant pas soumis au statut général

de la Fonction Publique ; ils font l’objet de statuts particuliers. Ce sont :

- Les magistrats de l’ordre judiciaire ;

- Les personnels militaires ;

- Les personnels de la sûreté nationale ;

- Les membres du corps préfectoral ;

- Les membres du corps diplomatique.

Le thème sera traité à travers, principalement, les dispositions de la loi n° 92-570 du

11 novembre 1992 portant statut général de la Fonction Publique.

Après la présentation des droits et obligations du fonctionnaire ivoirien (1ère Partie)

nous essaierons de relever les modalités de mise en œuvre des sanctions disciplinaires et

des voies de recours (2e Partie).

35

1ère partie

La loi n° 92-590 du 11 novembre 1992 portant statut général de la Fonction

Publique traite en son chapitre V des droits et obligations du fonctionnaire et fait mention

de la liberté d’opinion et d’expression.

La Constitution reconnaît aux fonctionnaires la jouissance de l’ensemble des droits

et libertés accordés à tous les citoyens, sans que la participation au service public n’ait

par principe, à cet égard, d’effet réducteur ou discriminatoire.

Investi d’une fonction publique, le fonctionnaire est titulaire de droits spécifiques

qui lui procurent des avantages et lui assurent une protection dans le cadre de ses

activités.

Il n’en demeure pas moins que le fonctionnaire est tenu par les exigences

supérieures de l’intérêt général, exprimées au niveau des missions du service public ; ces

exigences justifient en fonction du grade et de l’emploi les aménagements apportés à

l’exercice concret de ces droits pour rendre les uns et les autres compatibles. Autrement

dit, le fonctionnaire est tenu d’apporter à leur exercice la mesure que lui impose son

statut.

Le principe généralement admis est qu’il appartient à l’agent public de faire

preuve d’une stricte neutralité dans l’exercice de ses fonctions.

Après l’examen des droits individuels et collectifs et des libertés reconnus au

fonctionnaire ivoirien et des conditions de leur exercice, une place sera réservée au droit

syndical et au droit de grève du fonctionnaire.

I-1 LES DROITS DU FONCTIONNAIRE

I-1.1 Les libertés individuelles du fonctionnaire

Hormis la mesure qu’il est tenu d’apporter à leur exercice, compte tenu de son

statut, le fonctionnaire jouit de l’ensemble des libertés reconnues à tous les citoyens.

Rappelons-les brièvement :

I-1.1.1 La liberté d’opinion :

Son principe est affirmé par l’article 16 du statut général de la fonction publique :

« la liberté d’opinion est reconnue aux fonctionnaires. Aucune distinction ne peut être

faite entre ceux-ci en raison de leurs opinions politiques, philosophiques et religieuses ».

L’opinion politique

Libre de ses opinions politiques, le fonctionnaire peut adhérer au parti de son

choix et y militer. Il ne doit pas en être fait état dans son dossier individuel ou dans des

documents administratifs.

Le fonctionnaire est cependant tenu dans l’exercice de ses fonctions de garder ses

opinions et d’exécuter les directives politiques qu’il reçoit des autorités politiques même

s’il est d’opinion contraire.

LES DROITS ET OBLIGATIONS DU FONCTIONNAIRE

36

L’opinion philosophique et religieuse :

Le fonctionnaire jouit de la liberté de conscience, il ne peut lui être opposé sa

religion ou ses croyances.

I-1.1.2 La liberté d’expression

Libre de ses opinions, le fonctionnaire ne bénéficie du libre exercice des libertés

qui lui sont reconnues en ce domaine qu’en dehors du service et avec la réserve

appropriée du fait qu’il demeure, même dans ce cas, un agent de la fonction publique.

Précisons qu’en matière politique, le fonctionnaire peut s’inscrire dans le parti de

son choix, prendre la parole dans les réunions, participer aux élections comme électeur

ou comme candidat.

Sa carrière de fonctionnaire ne peut être affectée par les opinions exprimées

pendant la campagne électorale.

Si le fonctionnaire est élu à l’occasion d’élections nationales, il est placé d’office en

position de détachement.

En dehors du service, la liberté d’expression du fonctionnaire est limitée par certaines

obligations auxquelles il est tenu :

- Obligation de loyalisme envers les Institutions ;

- Secret professionnel ;

- Devoir de réserve.

Dans le service le fonctionnaire doit s’abstenir de tout acte propre à faire douter de sa

neutralité et de son impartialité.

I-1.1.3 La liberté d’aller et venir ou liberté de circulation

Un des éléments de la liberté individuelle permet à chacun de se déplacer et de se

fixer à son gré au lieu de son choix. Le fonctionnaire est libre de résider où il veut,

pourvu qu’il se présente à l’heure au travail. Cette liberté est toutefois limitée pour

certains fonctionnaires par l’obligation de résidence ; les Préfets, les Sous-préfets, les

Chefs de juridiction sont tenus de résider au lieu où ils exercent leurs fonctions.

Les personnels militaires et paramilitaires astreints à la même obligation ne

peuvent quitter leur garnison sans autorisation.

Les fonctionnaires d’autorité, même en congé, ne peuvent, sans autorisation,

quitter le territoire national.

I-1.1.4 La liberté de la vie privée

Le comportement privé du fonctionnaire ou de son épouse peut avoir des

répercussions fâcheuses sur le service. En cas d’inconduite ou d’exercice d’activités non

compatibles avec les fonctions, l’autorité hiérarchique peut demander au fonctionnaire de

changer de comportement ou de cesser ou faire cesser l’activité sous peine de sanction.

I-1.1.5 La liberté du commerce et de l’industrie

Cette liberté est très limitée pour le fonctionnaire en raison du principe du non

cumul des fonctions.

37

L’article 23 du statut général de la Fonction Publique interdit au fonctionnaire

d’exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce

soit sauf dérogation accordée par décret.

Par dérogation (cf. article 89 décret d’application) à cette règle le fonctionnaire a

le droit de produire des œuvres scientifiques, littéraires et artistiques, et de donner, avec

l’autorisation du Ministre dont il révèle, des enseignements, des consultations ou des avis

en qualité d’expert.

Pour préserver l’indépendance du fonctionnaire, l’article 24 du statut général de la

Fonction Publique lui interdit toute prise d’intérêt, même par personne interposée, dans

les entreprises privées qu’il contrôle ou qui sont en relation avec lui. Cela vaut même

après la sortie du service.

Le statut général de la Fonction Publique reconnaît au fonctionnaire des droits

professionnels, des droits collectifs.

I-1.2 Les droits professionnels

Dans le cadre de ses activités des droits spécifiques sont reconnus au

fonctionnaire.

I-1.2.1 Droit à une protection dans l’exercice des fonctions (art. 19 et 20 du st.gl.)

Dans l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire peut être l’objet d’infractions de

la part des usagers du service (menaces, chantages, violences).

Il lui arrive aussi de causer des dommages à des particuliers.

Les articles 19 et 20 du statut général de la Fonction Publique accordent une

protection particulière aux agents publics et font obligation à l’administration de réparer

le préjudice qui pourrait leur être causé et de répondre de leur action. Ils bénéficient

d’une protection civile et pénale.

I-1.2.2 Droit à des congés et autorisations d’absence

Ce sont pour le fonctionnaire en activité :

Le congé annuel avec traitement d’une durée de 30 jours consécutifs pour une année de

service accompli.

Le fonctionnaire peut souhaiter la date de départ, mais c’est l’Administration qui

fixe librement cette date en tenant compte, dans l’échelonnement des départs, des

nécessités du service.

Les congés de maladies de courte ou de longue durée

En congé de maladie de courte durée le fonctionnaire a droit à l’intégralité de sa

rémunération. (congé maladie de longue durée après six (06) mois avec traitement

intégral pendant six (06) autres mois, puis demi traitement et déclaration d’invalidité

après 36 mois et mise à la retraite d’office avec avis du conseil de santé).

Les congés pour couches et allaitement

Les autorisations spéciales d’absence : avec traitement ou sans traitement.

Représentation syndicale, comité consultatif de la Fonction Publique, Fonction

Publique élective compatible avec l’exercice de l’emploi.

38

Les permissions d’absence pour événements familiaux, à savoir :

Décès d’un ascendant ou d’un descendant en ligne directe (5 jours)

Mariage du fonctionnaire ou de son enfant (2 jours)

Naissance survenue au foyer du fonctionnaire (3 jours)

Le bénéficiaire d’une permission d’absence conserve son traitement. Il faut noter que

l’absence ou le congé court du jour du départ zéro heure au jour du retour à vingt quatre

heures.

I-1.2.3 Droit à la notation, à l’avancement et à la promotion (art. 52 à 59 du st gl)

Le fonctionnaire en activité ou en service détaché a droit à être noté annuellement

par le Ministre ou par le Directeur de l’établissement dont il relève. Il reçoit

communication de la notation et peut former un recours.

Il bénéficie d’avancements et de promotions conformément aux règles fixées par

le statut général, ses décrets d’application et les statuts particuliers.

I-1.2.4 -Droit à la rémunération et certains avantages (art.61 à 63 du st. gl)

Dans le cadre de ses activités, le fonctionnaire perçoit en contrepartie du service

fait une rémunération et bénéficie de divers avantages.

I-1.2.5 -Droit aux garanties disciplinaires (art.75 du st. gl)

Le fonctionnaire qui encourt une sanction disciplinaire a droit à ce que soient

respectées les procédures prescrites en matière disciplinaire par le statut général de la

Fonction Publique.

I-1.2.6 - Droit aux distinctions honorifiques (art.60 st.gl.)

Le fonctionnaire méritant peut recevoir une distinction soit dans les ordres

nationaux soit dans l’ordre du mérite de la Fonction Publique. Il peut se voir décerner le

diplôme d’honneur de la Fonction Publique.

I-1.2.7 - Droit à une pension de retraite (art.84 du statut général)

Lorsqu’il est admis à la retraite le fonctionnaire a droit à une pension de retraite.

I-1.3 Les droits collectifs (art.17 et 18 st.gl.)

Ils résident dans l’exercice du droit syndical (qui constitue un prolongement de la

liberté d’association ou de groupement) et du droit de grève.

Le statut général de la Fonction Publique ivoirien les reconnaît au fonctionnaire en

ses articles 17 (droit syndical) et 18 (droit de grève).

I-1.3.1 Le droit syndical

En raison de la nature de l’activité du fonctionnaire qui participe à l’exécution

d’un service public et de la nécessité de ne pas porter atteinte au bon fonctionnement du

service, il peut paraître plus difficile d’admettre dans la Fonction Publique ce que le Code

du Travail et les Conventions Collectives consacrent pour le privé : le droit des

travailleurs à s’organiser sur le plan syndical et à mener toutes actions et manifestations

y compris la grève pour appuyer leurs revendications.

39

Le statut général de la Fonction Publique reconnaît cependant aux fonctionnaires

le droit de créer librement des organisations syndicales, d’adhérer ou non à un syndicat,

d’y exercer des mandats et de se retirer du syndicat. C’est la liberté syndicale depuis la

disparition du parti unique.

Les syndicats professionnels de fonctionnaires sont soumis au droit commun

syndical tel qu’il est régi pour les travailleurs du secteur privé par le Code du Travail avec

toutefois des particularités quant à leur régime :

- conditions de constitution et composition (fonctionnaires) ;

- objet du syndicat (exclusivement défense des intérêts professionnels) ;

- formalités de constitution (dépôt des statuts et listes des administrateurs ; pas

d’autorisation préalable) ;

- droits reconnus aux syndicats et à leurs représentants : il s’agit du droit de

représenter leurs membres dans la défense de leurs intérêts collectifs et de

certaines facilités accordées à leurs dirigeants pour leur permettre de mener à

bien leur mission ;

- droit d’ester en justice : ils peuvent se pourvoir contre les actes réglementaires

concernant le statut du personnel et contre les décisions individuelles et

collectives portant atteinte aux intérêts collectifs des fonctionnaires ;

- participation à la désignation des membres des organes consultatifs de la Fonction

Publique ;

- facilité pour l’organisation des réunions, autorisations spéciales pour assister aux

congrès syndicaux ou aux réunions des organes directeurs.

I-1.3.2 Le droit de grève des fonctionnaires

Liberté fondamentale, le statut général de la Fonction Publique reconnaît en son

article 18 le droit de grève aux fonctionnaires pour la défense de leurs intérêts individuels

et collectifs.

Ce droit s’exerce dans le cadre défini par la loi n°92-571 du 11 Septembre 1992

relative aux modalités de la grève dans les services publics.

Rappelons que la grève est l’interruption partielle ou complète du travail, de

manière concertée, motivée par la volonté d’un groupe de fonctionnaires de porter

atteinte à l’exécution d’un service public pour la satisfaction de revendications

professionnelles.

Retenons la licéité du droit de grève depuis l’Arrêt Dehaene (CE. 7 juillet 1950),

mais notons que sont illicites les grèves poursuivies dans un but politique ou en signe de

solidarité avec d’autres fonctionnaires en grève.

La procédure à suivre en cas de grève dans les services publics est définie par la

loi :

- préliminaire de conciliation ;

- préavis de grève (6 jours ouvrables avant) ;

- obligation des grévistes d’assurer un service minimum, d’observer l’obligation de

réserve et de libérer les locaux.

Il faut relever que des limitations peuvent être apportées au droit de grève du fait

de la loi ou du Gouvernement.

Des dispositions légales interdisent le droit de grève à certaines catégories de

fonctionnaires en raison de la nature particulière de leurs fonctions. Il en est ainsi :

- des magistrats - art.16 de la loi n°78.662 du 4 Septembre 1978;

- des personnels de la Sûreté Nationale ;

40

- des personnels de l’Administration Pénitentiaire.

La violation de cette interdiction constitue une faute justifiant une sanction

disciplinaire pouvant aller jusqu’à la révocation du fonctionnaire.

Le Gouvernement est en droit, non seulement de limiter par avance, mais encore

d’interdire une grève lorsque celle-ci risque de porter une atteinte grave à l’ordre public,

à la sécurité des personnes ou à l’action gouvernementale.

L’interprétation et l’application du droit de grève au milieu de la Fonction Publique ont

donné lieu en France à des interventions jurisprudentielles abondantes et intéressantes

du Conseil d’Etat depuis l’arrêt Dehaene du 7 juillet 1950.

I.2 LES OBLIGATIONS DU FONCTIONNAIRE

En sa qualité d’agent public, le fonctionnaire est assujetti à de nombreuses

obligations qui forment la contrepartie des droits et libertés qui lui sont corrélativement

reconnus et garantis.

Ces obligations font partie intégrante de la situation statutaire et réglementaire

qui caractérise la fonction publique de carrière, et constitue un élément essentiel du

régime de droit public en ce qu’elles confèrent à l’administration, dans l’intérêt du

service, des prérogatives unilatérales (qui en sont la traduction juridique).

Que ce soit donc dans l’exercice de ses fonctions ou en dehors du service, le

fonctionnaire est tenu à un certain nombre d’obligations.

I-2.1 Les obligations dans le service

I-2.1.1 Obligation d’assurer le service. (art. 23 du st général de la F P)

La première obligation du fonctionnaire est d’assurer son service avec loyauté,

dignité, intégrité et dévouement, et de consacrer son activité à l’Administration.

Il doit occuper l’emploi dans lequel il a été nommé et remplir personnellement les

tâches qui en découlent.

Tout refus de rejoindre son poste d’affectation, toute absence prolongée de son

service sans autorisation constituent un abandon de poste et peut entraîner la

suspension du traitement et même le licenciement.

Le non respect de cette obligation a été sanctionné dans l’arrêt n°6 du 15 mars

1989, NEA Gahou Maurice contre Ministre de la fonction publique.

Le fonctionnaire ne peut cumuler son activité avec une activité privée lucrative.

I-2.1.2 Obligation d’obéissance hiérarchique (art. 28 statut général)

C’est la contrepartie du pouvoir d’orientation et d’instruction qui appartient aux

autorités compétentes aux différents niveaux de la pyramide administrative.

Elle fait obligation au fonctionnaire de se conformer aux instructions de celui qui

exerce dans son service le pouvoir hiérarchique.

Il est tenu d’obéir aux ordres de son supérieur hiérarchique, sauf si l’ordre donné

est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement le fonctionnement

41

d’un service public ou un intérêt public ou s’il porte atteinte aux droits légitimes du

fonctionnaire lui même, à son statut ou au bon déroulement de sa carrière.

I-2.1.3 Obligation de respecter les règles de la morale professionnelle

La fonction Publique a ses règles de déontologie que le fonctionnaire est tenu de

respecter.

I-2.1.4 Obligation de probité et de désintéressement

Cette obligation interdit au fonctionnaire d’utiliser sa fonction à des fins d’intérêt

personnel ; de prendre, par lui même ou par personne interposée dans une entreprise

soumise au contrôle ou en relation avec son Administration, des intérêts de nature à

compromettre son indépendance.

Le trafic d’influence, la corruption et la concussion sont sévèrement réprimés.

I-2.1.5 Obligation de secret professionnel (art. 26 statut général)

Le fonctionnaire est astreint au secret professionnel dans le cadre des règles

instituées par le code pénal.

Le secret concerne les faits et informations dont il a connaissance à l’occasion de

ses fonctions.

Les détournements de documents ou leur communication sont interdits.

I-2.2 Les obligations en dehors du service (art. 26 statut général)

En dehors du service le fonctionnaire est tenu à une obligation de discrétion

professionnelle et à une obligation de réserve.

I-2.2.1 L’obligation de discrétion consiste pour le fonctionnaire, lorsqu’il se trouve

hors du service, à ne pas divulguer des faits et informations dont il a eu connaissance à

l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

En dehors des cas expressément prévus par les textes en vigueur, le fonctionnaire

ne peut être délié de cette obligation de discrétion professionnelle que par décision

expresse du Ministre dont il relève.

I-2.2.2 L’obligation de réserve impose au fonctionnaire d’avoir un comportement

qui ne soit pas de nature à jeter le discrédit sur la fonction, et de ne pas faire

publiquement des déclarations critiques à l’égard de son service.

En raison donc des responsabilités qu’il assume, de son rang dans la hiérarchie et

de la nature de ses fonctions, le fonctionnaire peut être astreint à cette obligation.

Notons toutefois qu’aux termes de l’article 27 du statut général de la Fonction

Publique, le fonctionnaire a le devoir de satisfaire aux demandes d’informations du public

dans le respect de ces règles.

La mise en jeu de la responsabilité des agents publics, permet conjointement, ou

alternativement (au gré de l’autorité hiérarchique), de faire supporter par ceux-ci les

conséquences dommageables que peut avoir leur comportement, fautif ou non, aussi

bien sur l’Administration que sur les tiers (sous réserve, dans la seconde hypothèse, de

la protection que le statut général impose à l’Administration d’assurer à l’agent, en cas

de responsabilité civile).

42

Le respect des obligations auxquelles le fonctionnaire est tenu est parallèlement

aménagé par un régime de sanctions disciplinaires prévu par le statut général de la

fonction publique.

Par les garanties qui s’y attachent pour le fonctionnaire, le régime disciplinaire

revêt une importance essentielle.

2ème partie

Le fondement légal du régime disciplinaire réside dans les dispositions du statut

général de la Fonction Publique qui en déterminent l’objet, le contenu et les modalités.

La notion de faute est au centre de l’action disciplinaire et justifie la mise en jeu

d’une forme de responsabilité du fonctionnaire vis-à-vis de l’Administration

principalement.

La répression disciplinaire est différente de la poursuite pénale qui vise à punir le

coupable d’une peine d’emprisonnement ou d’amende.

Il en résulte que pour certains faits, le fonctionnaire peut se voir infliger,

contrairement à la règle ‘‘non bis in idem’’, deux condamnations, l’une pénale, l’autre

disciplinaire.

En raison de son caractère particulier, la répression disciplinaire est assortie de

garanties spéciales qui profitent à tous les fonctionnaires quelle que soit leur fonction.

Le pouvoir disciplinaire fait notamment l’objet d’un contrôle juridictionnel.

Avant d’examiner comment s’exerce la répression disciplinaire(II) voyons d’abord

quelles sont les fautes disciplinaires et les sanctions qui peuvent leur être appliquées(I).

Il importera de se demander aussi de quels moyens dispose le fonctionnaire pour

obtenir l’annulation de la sanction disciplinaire prononcée contre lui, en d’autres termes

quelles sont ses voies de recours (III).

I Ŕ Faute disciplinaire et sanctions disciplinaires

I-1. La faute disciplinaire

Alors que le statut général de la fonction publique fait une détermination précise

et limitative des sanctions, il ne définit pas la faute disciplinaire, de même il ne procède

pas à une énumération des fautes qui exposent le fonctionnaire à une sanction

disciplinaire.

Selon l’article 73 de ce statut : « toute faute commise par un fonctionnaire

dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une

sanction disciplinaire, sans préjudice le cas échéant des peines prévues par la

loi pénale ».

L’appréciation de la faute disciplinaire est laissée à la seule autorité de

nomination.

LE REGIME DISCIPLINAIRE

43

Toutefois, la jurisprudence sanctionne l’erreur manifeste d’appréciation ou la

disproportion trop grande entre la faute et la sanction. (Confère : arrêt NEA Gahou

Maurice contre Ministre de la fonction publique du 15 mars 1989).

L’action disciplinaire se distingue ainsi de la répression pénale.

Contenu de la faute disciplinaire :

La faute disciplinaire consiste en des manquements aux obligations statutaires du

fonctionnaire :

- mauvais comportement général du fonctionnaire ;

- actes répréhensibles commis par le fonctionnaire ;

- comportement privé répréhensible du fonctionnaire.

constatation de la faute disciplinaire :

L’Administration apprécie librement les manquements qui constituent à ses

yeux des fautes professionnelles. Mais cette appréciation n’est pas discrétionnaire.

Elle est faite sous le contrôle de la Chambre Administrative de la Cour Suprême

qui, lorsqu’elle est saisie, vérifie s’il n’y a pas eu de détournement de pouvoir de

la part de l’autorité qui a prononcé la sanction. (Les agissements reprochés

étaient-ils ou non de nature à justifier la sanction. Exemple : faits matériellement

inexacts).

Il arrive que la faute disciplinaire commise par le fonctionnaire soit en

même temps une faute pénale relevant des tribunaux répressifs (ex. délits de

détournement de deniers publics).

La constatation par le juge pénal de l’existence ou de l’inexistence des faits

s’impose à l’Administration.

I-2 Les sanctions disciplinaires

I-2.1 Liste des sanctions disciplinaires

Le statut général de la Fonction Publique donne, en son article 74, la liste

précise des sanctions disciplinaires encourues par le fonctionnaire qui sont

classées dans un ordre de gravité croissant en deux catégories : sanctions du

premier degré et sanctions du second degré.

I-2.1.1 Les sanctions du premier degré sont :

- l’avertissement ;

- le blâme ;

- le déplacement d’office ;

Ce sont les moins graves.

I-2.1.2 Les sanctions du second degré, les plus graves, parce qu’elles peuvent

avoir des répercussions importantes sur la carrière du fonctionnaire.

Ce sont :

- la radiation du tableau d’avancement qui a pour objet de priver le

fonctionnaire d’une possibilité d’avancement. Sa durée est limitée à l’année

pour laquelle le tableau d’avancement est en vigueur ;

- la réduction du traitement dans la proportion de 25% et pour une durée ne

pouvant excéder 30 jours ;

- l’exclusion temporaire pour une durée ne pouvant excéder six mois.

44

Elle entraîne, pour la même durée, la privation du traitement, mais pas des

allocations familiales.

A l’expiration de la période d’exclusion le fonctionnaire est immédiatement

réintégré dans un emploi de son grade.

- L’abaissement d’échelon qui a pour effet de ralentir l’avancement du

fonctionnaire et de réduire sa rémunération ;

- L’abaissement de classe qui fait perdre au fonctionnaire le bénéfice de

l’avancement au choix déjà acquis et entraîne une baisse de sa rémunération ;

- La révocation avec ou sans suspension des droits à pension : c’est la sanction

extrême.

Deux principes essentiels gouvernent les sanctions disciplinaires :

- Pas de sanction disciplinaire sans texte ;

- Pas de double sanction pour une même faute ;

En vertu du premier principe, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire ne peut

infliger au fonctionnaire que les seules sanctions prévues par la loi.

Selon le second principe, les sanctions disciplinaires ne peuvent se cumuler. Les

mêmes faits ne peuvent donner lieu à plusieurs sanctions disciplinaires en même temps

ou successivement. La règle ‘‘non bis in idem’’ retrouve ici toute sa portée. La

jurisprudence de la Chambre administrative l’illustre avec notamment l’arrêt SAÏ Doua

Pascal du 30 juin 1999.

I-2.2 Autorité disciplinaire

Quelle est l’autorité administrative compétente pour prononcer une sanction

disciplinaire ?

C’est l’autorité investie du pouvoir de nomination qui doit avoir la qualité

d’autorité disciplinaire. Aux termes de l’article 46 de la Constitution « le Président de la

république est le chef de l’administration ». A ce titre, il a le pouvoir de nommer aux

emplois civils et militaires, mais peut, en vertu de l’article 53 alinéa 1, déléguer ce

pouvoir à un ministre.

C’est ce qui est fait au profit du Ministre de la Fonction Publique qui n’a pas de

pouvoir de nomination propre. Ainsi, selon l’article 75 du statut général de la Fonction

Publique, le pouvoir disciplinaire appartient au Ministre chargé de la Fonction Publique.

Toutefois, les sanctions du premier degré sont prononcées par le Ministre dont

relève le fonctionnaire, le Préfet ou le Directeur de l’Etablissement public qui l’emploie.

Le Ministre de la Fonction Publique a seul compétence pour prononcer les

sanctions du second degré sur saisine du Ministre Technique ou du Directeur de

l’établissement public.

Avant de prononcer la sanction, le Ministre de la Fonction Publique est tenu de

consulter le Conseil de discipline, organisme chargé de l’assister, mais dont l’avis ne le lie

pas.

Il convient d’observer l’absence de juridictionnalisation du régime disciplinaire.

45

Le fait de confier la répression disciplinaire à l’autorité hiérarchique exclut toute

idée de juridictionnalisation de celle-ci, comme ça peut être le cas dans d’autres

systèmes juridiques ; les juridictions de droit commun ou spécialisées n’ont pas à en

connaître à titre principal, et il n’appartient pas au juge de jouer un rôle dans le

déclenchement ou dans le déroulement de la procédure aboutissant au prononcé de la

sanction exclusivement administrative.

Le juge peut néanmoins retrouver son rôle à posteriori dans le cadre du contrôle

de la régularité du déroulement de la procédure et de celui de la sanction infligée.

L’agent est, à tout moment, normalement en mesure de déclencher un contrôle de

légalité de toutes décisions administratives intervenues dans le cadre ou au cours de

l’action disciplinaire.

I-2.3 Le conseil de discipline

Régi par les dispositions du titre IV (articles 120 à 135) du décret n° 93-607 du 2

juillet 1993 portant modalités communes d’application du statut général de la Fonction

Publique, le Conseil de Discipline a une compétence consultative pour :

- les sanctions disciplinaires du second degré ;

- l’examen des demandes de retrait de sanctions disciplinaires conformément

aux dispositions de l’article 30 alinéa 2 du statut général de la Fonction

Publique.

II Ŕ LA PROCEDURE DISCIPLINAIRE

La procédure de sanction des fautes obéit à des modalités particulières

caractéristiques du régime disciplinaire dont l’objet répond à la double exigence de la

satisfaction de l’intérêt du service et de la protection des droits des fonctionnaires.

II.1 Les garanties disciplinaires (art.75 du st.gl)

Garanties disciplinaires

La procédure qui conduit à la prise de la sanction disciplinaire se caractérise par

l’existence de règles obligatoires que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire doit

observer.

Ces règles sont l’application du principe général de respect des droits de la

défense.

En vertu de ce principe traduit dans l’article 75 du statut général, l’autorité

investie du pouvoir disciplinaire a l’obligation avant toute décision de sanction :

- de recueillir les explications écrites du fonctionnaire ;

- de lui communiquer son dossier individuel ;

- de consulter le Conseil de Discipline.

Mais ces garanties ne s’appliquent pas lorsque le fonctionnaire est considéré

comme s’étant placé lui-même en dehors des lois et règlements (abandon de poste, refus

de rejoindre son poste d’affectation, participation à une grève illicite).

Le déroulement, proprement dit de la procédure, peut faire intervenir des

mécanismes plus ou moins complexes.

46

Elle peut conduire à la suspension du fonctionnaire qui ne constitue pas elle-même

une sanction, mais a un but essentiellement conservatoire.

Principes applicables au déroulement de la procédure disciplinaire

Au nombre des principes applicables à la procédure, il faut relever le caractère

contradictoire et dire qu’il s’agit :

- d’établir les éléments matériels d’une faute,

- d’en qualifier la portée,

- d’en déterminer l’imputabilité,

-

- de donner à son auteur les moyens de s’en expliquer et d’assurer sa défense,

- de rechercher l’influence que les circonstances ont pu avoir sur la nature et les

conséquences de la faute,

- enfin de la sanctionner en considération de sa gravité et en application des

pénalités mises à la disposition de l’autorité compétente.

II.2 – Procédure en cas de sanction du premier degré

Aux termes de l’article 75 alinéa 2 du statut général de la Fonction Publique, les

sanctions du premier degré, réputées les moins graves, sont prises :

- sans communication du dossier,

- sans consultation du conseil de discipline.

L’autorité disciplinaire, à savoir le Ministre Technique, le Préfet ou le Directeur de

l’Etablissement Public utilisateur, doit demander et obtenir de l’agent (à l’initiative du

supérieur hiérarchique) une explication écrite sur les faits qui lui sont reprochés avant le

prononcé de toute sanction disciplinaire du premier degré.

La demande d’explication doit être écrite ; la réponse de l’agent également. Et

cette formalité doit être faite avant la prise de la décision de sanction.

Si ces conditions ne sont pas remplies, la sanction est illégale et l’agent pourrait

saisir la Chambre Administrative de la Cour Suprême afin d’obtenir l’annulation de la

décision pour vice de forme et de procédure.

S’il a l’intention d’infliger une sanction du second degré, le Ministre Technique doit

saisir le Ministre de la Fonction Publique.

II-3 Procédure en cas de sanction du second degré

La procédure est engagée par la demande d’explication écrite adressée au

fonctionnaire par l’autorité hiérarchique.

Avant le prononcé d’une sanction du second degré, la loi oblige l’autorité

disciplinaire (le Ministre de la Fonction Publique) :

- à communiquer à l’agent incriminé son dossier individuel et tous documents

annexes ;

47

- à saisir le Conseil de Discipline pour lui demander son avis sur la sanction à

prendre.

II-3.1 Consultation du Conseil de Discipline

Composition du Conseil de Discipline

Le Conseil de discipline compte au minimum six membres, au maximum neuf dont

un Président et deux Vice-présidents.

Les membres sont nommés par décret en Conseil des ministres sur proposition du

Ministre chargé de la Fonction Publique.

Seuls peuvent être nommés membres du Conseil de Discipline les fonctionnaires

de la catégorie A classés dans les grades A3 à A7, qui n’ont jamais fait l’objet d’une

sanction disciplinaire et contre lesquels aucune procédure disciplinaire n’est en suspens.

La formation disciplinaire est composée d’un Président assisté de deux assesseurs

membres du Conseil de Discipline dont le conseiller rapporteur.

Elle est présidée soit par le Président lui-même, soit par l’un des vice-présidents et

assistée par le secrétariat du Conseil de Discipline.

Saisine du Conseil de Discipline

Dès qu’il est saisi, le Ministre de la Fonction Publique ouvre la procédure par un

arrêté déférant le fonctionnaire devant le Conseil de Discipline.

Le Conseil de Discipline est saisi sur la base du rapport du Ministre technique

indiquant clairement les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été

commis.

Le Président du Conseil de Discipline désigne les membres appelés à siéger ainsi que

le Conseiller rapporteur chargé de l’instruction du dossier.

Le Conseiller rapporteur dispose de tous pouvoirs d’investigations pour éclairer le

Conseil.

Le fonctionnaire peut récuser un membre de la formation disciplinaire qui peut être

modifiée, s’il y a lieu.

Un agent sanctionné sur la base d’un avis du Conseil de discipline dont l’un des

membres ne remplit pas les conditions requises peut en demander l’annulation pour vice

de forme.

La saisine du Conseil de discipline étant obligatoire avant le prononcé de toute

sanction du second degré, le non respect de cette formalité entraîne la nullité de la

sanction pour vice de forme et de procédure.

II-3.2 Communication du dossier individuel

Aussitôt l’action disciplinaire engagée devant le Conseil de Discipline, l’agent

poursuivi a droit d’obtenir la communication de l’intégralité de son dossier et de tous les

faits qui lui sont reprochés afin qu’il soit en situation de formuler toutes les observations

qu’il jugera utiles, et puisse organiser sa défense.

48

Si cette condition n’est pas remplie, la procédure est tenue pour irrégulière. Ce

qui est illustré par l’arrêt n°132 du 25 Juillet 2001, LOUA Zomi contre Ministère de

l’Emploi et de la Fonction Publique.

Le défaut de communication préalable du dossier à l’agent incriminé avant le

prononcé d’une sanction du second degré entraîne l’annulation de la sanction pour vice

de forme et de procédure.

La communication du dossier n’est pas exigée en cas d’abandon de poste (sauf si

l’abandon trouve son origine dans une maladie de l’agent) ou lorsque l’agent a été exclu

du service du fait d’une sanction pénale.

II-3.3 Procédure devant le Conseil de Discipline

Lorsqu’il estime ses investigations achevées, le Conseiller rapporteur établit un

rapport qui est présenté au cours de la réunion de la formation disciplinaire du Conseil

dont le Président fixe la date qui est portée à la connaissance du Ministre ou du Directeur

de l’Etablissement, du fonctionnaire et des témoins éventuels, huit jours au moins avant

le jour fixé.

Si le fonctionnaire ne répond pas à la convocation ou ne se fait pas représenter,

s’il néglige ou refuse de prendre connaissance de son dossier, le Conseil de discipline en

prend acte et délibère valablement.

Lors de l’évocation de l’affaire, le Conseil de discipline entend sur la matérialité

des faits :

- le Conseiller rapporteur ;

- le fonctionnaire avec ou sans l’assistance d’un défenseur de son choix ;

- le représentant de l’administration ;

- les témoins éventuels des parties ;

Le Conseil écoute ensuite les propositions de sanction du représentant de

l’autorité hiérarchique et l’intervention du fonctionnaire ou de son conseil.

Il peut ordonner une enquête complémentaire s’il y’a lieu.

Lorsque les débats sont clos, les membres du Conseil se retirent pour délibérer et

préparer l’avis à soumettre au Ministre chargé de la Fonction Publique.

II-3.4 La décision de sanction du second degré

L’avis du Conseil de Discipline ne lie pas le Ministre de la Fonction Publique. Il peut

en décider autrement, mais sa décision doit être motivée.

Il décide de la sanction du second degré à infliger au fonctionnaire.

S’il estime qu’une sanction du premier degré doit être appliquée aux faits

reprochés au fonctionnaire, il transmet en retour le dossier au Ministre technique ou au

Directeur de l’Etablissement public pour la prononcer.

Lorsque la procédure doit aboutir à une décision de révocation, eu égard à

l’importance et aux conséquences sociales qui s’y rattachent, le Ministre de la Fonction

Publique est tenu de soumettre le dossier personnellement au chef de l’Etat et avant

toute décision (cf. circulaire présidentielle n° 497/PR/CAB du 22 février 1978). La

49

décision de révocation n’est prise qu’après l’accord marqué par le Président de la

République.

Il est rare que la proposition du Ministre de la Fonction Publique ne soit pas

entérinée.

La décision de sanction du second degré est notifiée au fonctionnaire.

Il importe qu’au terme de la procédure, l’agent puisse disposer de recours lui

permettant de remettre en cause les sanctions qu’il estime irrégulières, surtout

lorsqu’elles ont des effets négatifs sur sa carrière.

II.4 – La suspension, mesure conservatoire (art.77 du st.gl.)

Selon l’article 77 de la loi portant statut général de la Fonction Publique, « en

cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un

manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit

commun, l’auteur de cette faute peut être immédiatement suspendu… ».

Conséquence d’une faute disciplinaire ou d’une faute pénale la décision de

suspension n’est pas une sanction disciplinaire. Il s’agit d’une mesure administrative

provisoire prise afin d’éviter les conséquences fâcheuses du maintien en fonction d’un

fonctionnaire sur lequel plane une suspicion.

La situation du fonctionnaire suspendu doit notamment être définitivement réglée

dans un délai de trois mois.

Le non respect des procédures applicables en matière de suspension en font

parfois une sanction déguisée.

En cas de violation grave des textes, le fonctionnaire n’est pas dépourvu de protection ni

de recours.

III - LES VOIES DE RECOURS

De quelles voies de recours dispose le fonctionnaire victime d’une sanction

disciplinaire qu’il juge injustifiée ou prise par une autorité incompétente ? A qui peut-il se

plaindre ? Que doit-il faire ?

L’agent dispose de deux possibilités pour obtenir l’annulation de la sanction dont il

est victime : le recours administratif et le recours juridictionnel ou recours contentieux.

III-1 Le recours administratif

Le fonctionnaire, qui estime avoir été injustement sanctionné par une autorité,

peut introduire un recours administratif auprès de l’auteur de la décision ou son supérieur

hiérarchique. Il doit demander par écrit :

- soit à l’auteur de la décision de sanction de la retirer ou de la reformer. C’est

le recours gracieux ;

- soit au supérieur hiérarchique de l’auteur de la décision de l’annuler, la

réformer, l’abroger, la suspendre ; c’est le recours hiérarchique.

Ce recours administratif préalable est obligatoire si l’agent souhaite porter l’affaire

devant la Chambre Administrative.

50

III-1.1 Effets du recours administratif

Le recours administratif a pour effet :

1. soit d’obtenir le réexamen de la décision contestée et d’en obtenir le retrait ou

l’annulation ;

2. soit de faire prendre par l’auteur de la décision une décision de rejet des

prétentions du fonctionnaire, laquelle va permettre d’ouvrir la voie du recours

juridictionnel devant la juridiction administrative.

Le silence gardé pendant quatre mois après que soit formé un recours administratif

équivaut à un rejet implicite de la demande.

III.1.2 Conditions du recours administratif préalable

Le recours administratif n’est soumis à aucune forme spéciale (simple lettre

signée par l’intéressé), mais doit être précise et ne pas se contenter de formuler un

vague souhait.

La loi impose en outre au fonctionnaire un délai pour le faire : ce délai est de deux

mois à compter de la notification de la décision.

En cas de rejet ou de silence pendant 4 mois, le fonctionnaire sanctionné peut

décider soit d’arrêter les démarches et accepter la sanction, soit de saisir les juridictions

afin d’obtenir :

- Soit l’annulation de la décision ;

- Soit la réparation du préjudice, du dommage que lui a causé cette

sanction.

III-2 - Les recours contentieux ou juridictionnels

Les recours juridictionnels sont de deux ordres :

- le recours en annulation pour excès de pouvoir ;

- le recours de plein contentieux.

III-2.1 Le recours en annulation d’une sanction disciplinaire devant

la Chambre Administrative de la Cour Suprême

Avant de se prononcer sur le contrôle de la Chambre Administrative et ses limites,

il importe de présenter les obligations du requérant.

Obligations du requérant

Recours administratif préalable

Le requérant doit, comme on l’a vu, faire un recours administratif préalable.

Le non respect de cette formalité obligatoire entraîne automatiquement le

rejet de la requête de l’agent devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême.

51

De nombreuses requêtes ont fait l’objet de rejet dans ce sens, notamment dans

les affaires.

- IBRAHIM TIENE c/ MFP (15 décembre 1969)

- LATTE KOLASSE c/ MFP (27 février 1974)

- DACAUD OPELI c/ MFP (15 décembre 1969)

- DAME LLEVOT c/ MFP (30 juin 1974).

Respect des délais

Le délai de saisine de la Chambre Administrative par le requérant est de

deux mois. Le début de computation de ce délai peut présenter deux cas de

figure.

1e cas de figure :

L’auteur de la décision ou son supérieur hiérarchique répond, fait connaître

sa décision avant quatre mois et qu’elle ne satisfait pas l’agent, ce dernier dispose

de deux mois à partir du jour où la décision négative lui a été notifiée pour saisir

la Chambre Administrative de la Cour Suprême.

Passé ce délai de deux mois, la sanction sera considérée comme définitive

et l’agent ne pourra plus la contester.

2e cas de figure :

L’auteur de la décision ou son supérieur hiérarchique ne répond pas à la

demande, garde silence pendant quatre mois (à compter du jour de la réception

de la demande de l’agent), le droit administratif ivoirien considère qu’il s’agit d’un

rejet implicite de leur part : ce silence équivaut à une décision de rejet. L’agent a,

à nouveau, à la fin de ce quatrième mois, un autre délai de deux mois pour saisir

la Chambre Administrative de la Cour Suprême.

Passé ce délai, il est forclos c'est-à-dire qu’il ne pourra plus contester la

légalité de la sanction dont il est victime. (cf. affaire BOGUI AKA Antoine contre

Ministre de la Fonction Publique – 24 avril 1974).

Au delà de ces deux cas de figure, si avant la réponse de l’auteur de la

sanction ou du supérieur hiérarchique dans le délai de quatre mois, l’agent forme

sa requête, celle-ci sera rejetée par la Chambre Administrative pour recours

prématuré. (cf. affaire N’SAN YAPI Celestin contre Ministre des PTT- 1er avril

1964).

- Forme et contenu de la requête

L’agent doit produire à l’appui de sa requête :

- La décision de sanction qu’il conteste ;

- La preuve du recours administratif préalable (réponse ou preuve de

dépôt) ;

La requête de l’agent doit contenir en outre :

- Ses nom, profession et domicile ;

- L’objet de sa demande ;

- L’exposé sommaire des moyens qu’il invoque (textes sur lesquels il se fonde) ;

- La liste des pièces dont il entend se servir ;

52

- L’indication de la décision attaquée ;

- Sa signature.

- Moyens d’annulation

L’agent peut invoquer comme moyens d’annulation :

- L’incompétence de l’auteur de la sanction,

- Le vice de forme et de procédure,

- La violation de la loi et le détournement de pouvoir.

Contrôle de la Chambre Administrative et ses limites

La Chambre Administrative va vérifier :

1. si l’auteur de la sanction a bien compétence pour le faire;

(affaire SAÏ DOUA PASCAL C/MEFP-arrêt n°17 du 30 juin 1999)

2. si la demande d’explication écrite a bel et bien été adressée à l’agent avant

le prononcé de la sanction : (affaire LOUA ZOMI C/MEFP-arrêt n°132 du

25 juillet 2001)

La Chambre Administrative considère que l’absence d’une demande

d’explication écrite peut être suppléée par l’audition du fonctionnaire

devant le Conseil de Discipline. (arrêt KOUAKOU N’GUESSAN n° 8 du 28

avril 1999).

3. si le fonctionnaire a eu communication de son dossier individuel en cas de

sanction du second degré :

La Chambre Administrative considère qu’il s’agit d’une formalité

substantielle qui permet à tout fonctionnaire de connaître les raisons pour

lesquelles il est poursuivi et présenter sa défense (arrêt DIGBEU GOZE

Albert n° 16 du 4 novembre 2000)

4. si les faits reprochés à l’agent ont matériellement existé et s’ils constituent

juridiquement une faute disciplinaire, c'est-à-dire un manquement de

l’agent à ses obligations professionnelles (affaire Docteur SOUME BI

KACOU MAURICE C/MFPE arrêt n°13 du 28 janvier 1998).

L’abondance du contentieux disciplinaire conduit à se demander, en l’absence d’un

barème de fautes et de sanctions, si toute faute peut entraîner n’importe qu’elle

sanction.

Dans sa position initiale la Chambre ne contrôlait pas le caractère excessif de la

sanction prise par rapport à la gravité de la faute commise par l’agent. Elle considérait en

effet que l’autorité disciplinaire dispose dans ce domaine d’un pouvoir discrétionnaire

pour apprécier si un fait donné présente un caractère suffisamment répréhensible pour

justifier une sanction disciplinaire. Elle se contentait de vérifier l’existence d’une faute

sanctionnée par la loi.

La Chambre Administrative se réservait seulement le droit de vérifier si les faits

reprochés à l’agent ont réellement existé, s’ils sont établis (affaire ‘‘BY Jules c/ Ministre

des Travaux publics’’ – 20 février 1963 ; Affaire KORE GBOAGNON Raphaël arrêt n° 7 du

26 février 1992).

Dans l’arrêt NEA GAHOU Maurice c/ MFP (arrêt n° 6 du 15 mars 1989), la Cour a

procédé à un triple contrôle :

- l’existence de la faute ;

53

- l’appréciation faite par l’administration en précisant ce qu’il faut

entendre par ‘‘refus de rejoindre son poste ’’ ;

- l’adéquation de la sanction avec le degré de gravité de la faute.

Après la vérification de la légalité de la décision attaquée la Chambre

Administrative peut prendre une des décisions suivantes :

- déclarer la requête irrecevable, pour des motifs de procédure (absence de

recours administratif préalable, non respect des délais) :

l’agent peut intenter un nouveau recours si les conditions de recevabilité sont

réunies ;

- rejeter la requête comme non fondée : aucun nouveau recours ne pourra être

exercé.

- faire droit à la requête et annuler la décision de sanction :

La Cour peut décider d’annuler l’acte soit en totalité soit en partie. Si elle le fait,

elle doit se borner à l’annulation. Elle ne peut décider d’autres mesures ou ordonner à

l’administration de les prendre (ex. réintégrer le fonctionnaire dans son emploi).

Il existe de nombreux exemples de décisions dans lesquelles la Chambre

Administrative de la Cour Suprême a annulé des sanctions disciplinaires :

- Affaire DIBI YAO Georges -1er avril 1964.

- Affaire TAPE ZAGBRE c/ MFP – 15 décembre 1969.

- Affaire DIGBEU GOZE Albert n° 16 du 4 novembre 2000

- Affaire GOA OHOUSSOU BENJAMIN c/Ministère de la sécurité n° 22 du 31 mai

2006.

Une décision de sanction annulée est supposée n’avoir jamais été prise et ne peut

produire aucun effet.

Elle ne peut plus être exécutée. L’administration et les supérieurs hiérarchiques de

l’agent sont obligés d’en tenir compte et, de leur propre initiative, prendre les mesures

administratives nécessaires pour faire disparaître la sanction et ses effets passés et à

venir (ex. : supprimer la mention de blâme du dossier, réintégrer le fonctionnaire évincé

à son poste etc.).

III -2.2 Le recours en réparation ou en dommages et intérêts devant le Tribunal de

Première Instance

L’Administration est, en principe, tenue de réparer le préjudice qu’elle cause par

sa faute à un quelconque de ses agents.

Le fonctionnaire, qui a subi un préjudice du fait d’une sanction qu’il estime

illégale, peut exercer un recours ordinaire de pleine juridiction devant le Tribunal de

Première Instance ou la Section de Tribunal de son lieu d’affectation, en appel devant la

Cour d’Appel et en cassation devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême.

Dans cette hypothèse l’agent doit se faire assister par un avocat en demandant au

besoin une assistance judiciaire.

Mais, la question se pose de savoir si ces décisions juridictionnelles sont

exécutées. Autrement dit, y a-t-il des limites au contrôle juridictionnel des décisions de

sanctions disciplinaires ?

54

III -2.3 Les limites du contrôle juridictionnel des décisions de sanctions

disciplinaires en Côte d’Ivoire

Le juge administratif n’a pas de pouvoir d’injonction. L’exécution des décisions de

justice par l’Administration ivoirienne relève souvent de la ‘‘croix et de la bannière’’.

Leur efficacité demeure donc souvent incertaine, d’où la gravité de la question

surtout en matière de contentieux disciplinaire.

La question des limites du contrôle juridictionnel et notamment de l’exécution des

décisions de justice mérite attention et même, au regard de son importance pour

l’instauration de l’Etat de Droit, qu’un sujet de réflexion lui soit consacré.

55

55

56

RAPPORT DE SYNTHESE

Ce rapport de synthèse vise à présenter de façon succincte les différents thèmes

développés.

S’agissant du premier thème «le Conseil d’Etat français et le contentieux de la

responsabilité administrative », Monsieur le Conseiller d’Etat Terry OLSON, dans le cadre

du « dialogue des juges », s’est attaché à faire une présentation générale des modalités

d’intervention du juge administratif sur les questions de la responsabilité administrative

extra contractuelle en France.

Trois points ont été successivement examinés :

1 – Identifier le droit applicable et fixer le champ de la responsabilité administrative ;

2 – Mettre en œuvre le régime applicable de la responsabilité administrative;

3 – Surmonter les difficultés propres à ce contentieux.

Sur le premier point, l’on note que le droit applicable a connu une évolution.

D’abord prétorien, il fait de plus en plus place à la loi et aux conventions internationales.

La jurisprudence est désormais d’application subsidiaire, car elle cède devant la loi.

Quant au champ de la responsabilité, deux terrains sont à prendre en compte à savoir la

responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute. La responsabilité pour faute est

le droit commun de la responsabilité. Elle présente deux hypothèses, d’une part la faute

prouvée, et d’autre part la faute présumée. La responsabilité sans faute est le régime le

plus innovant du droit de la responsabilité administrative. Elle est d’application d’ordre

public et est prioritaire lorsqu’elle assure un niveau d’indemnisation plus favorable que la

responsabilité pour faute.

Sur le deuxième point relatif à la mise en œuvre du régime applicable, il y a

d’abord une exigence commune et des règles procédurales précises. La mise en œuvre

de la responsabilité nécessite trois conditions cumulatives que sont le fait générateur, le

préjudice et le lien de causalité. Hormis le lien de causalité, les conditions tenant au

préjudice et au fait générateur varient selon qu’il s’agit de la responsabilité pour faute ou

sans faute. Concernant le respect des règles procédurales quatre (4) conditions doivent

être respectées : l’exigence d’une décision préalable, l’inscription dans le délai

quadriennal, l’obligation du ministère d’avocat et le recours direct en cassation pour le

contentieux inférieur à 8000 euros après la décision du juge qui statue en premier et

dernier ressort. Il est également institué une procédure de référé-provision lorsque la

créance n’est pas sérieusement contestée. En outre, le juge bénéficie de techniques

telles le mandatement, l’astreinte et l’injonction afin d’assurer l’exécution de ses

décisions.

Enfin dans la méthode d’analyse, le juge doit faire preuve de prudence et de

discernement, car l’admission des deux champs de la responsabilité, la responsabilité

pour faute et la responsabilité sans faute, présente des difficultés. Si pour la

responsabilité sans faute, le juge doit éviter que l’Etat ne devienne une énorme

compagnie d’assurances et en même temps indemniser les risques, la responsabilité pour

faute quant à elle fait ressortir des problèmes tenant à la qualification des fautes, à la

gradation de celles-ci et à la distinction entre faute de service et faute personnelle. Par

ailleurs, l’accent a été mis sur les contraintes de l’évaluation du préjudice. Si aucune

difficulté n’est à noter pour les préjudices matériels, il n’en est pas de même pour les

préjudices moraux, les préjudices nés d’incapacité physique, les préjudices nés de la

perte de chance.

57

En conclusion, il est à noter que l’action du juge vise la moralisation de

l’administration, car il prononce des décisions d’exemplarité afin de réaliser l’équilibre

entre les droits des particuliers victimes et l’intérêt général.

S’agissant du second thème, « le juge ivoirien et le contentieux de la

responsabilité extra contractuelle de l’administration ivoirienne », le Président

AMANGOUA Georges, prenant en son compte ce qui a été développé supra et n’occultant

pas la distinction traditionnelle de la responsabilité pour faute et la responsabilité sans

faute, l’a traité à travers les deux grands axes suivants qui mettent en exergue la

jurisprudence de la Chambre Administrative de la Cour Suprême:

1 – le droit appliqué par la Chambre Administrative de la Cour Suprême ;

2 – les domaines de la responsabilité retenus par la Chambre Administrative.

Pour ce qui concerne le premier axe, c’est-à-dire le droit appliqué par la Chambre

Administrative au contentieux de la responsabilité administrative, il est à observer que le

juge a souvent appliqué le droit privé avant d’affirmer l’application du droit administratif.

L’application du droit privé est illustrée à travers les décisions Etat de Côte d’Ivoire

contre Groupement Français d’assurances du 2O mars 1968 et Direction et

Contrôle des Grands Travaux contre Mamadou Kaba du 23 février 2005. Dans ces

affaires, la Chambre Administrative de la Cour Suprême a appliqué l’article 1384 du code

civil. Toutefois, le juge s’est gardé d’expliquer le fondement de l’application du droit privé

à ce contentieux.

Malgré cela, le juge de la Chambre Administrative de la Cour Suprême a affirmé

dans l’espèce non moins célèbre Société des Centaures Routiers contre Ministre des

affaires économiques et financières du 14 janvier 1970 « que la responsabilité qui

peut incomber à l’Etat a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et

la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droits privés ». Il a ainsi affirmé

l’application du droit administratif à la responsabilité administrative.

Au-delà de cette affirmation, cette décision dégage le principe suivant lequel : le

bac est un ouvrage public dont l’exploitation est un service public administratif et sur

lequel pèse une présomption simple de responsabilité en cas de dommages.

L’application du droit administratif a été réaffirmée dans l’affaire Djan Ziago

Joseph du 31 juillet 1986.

S’agissant du second axe, outre le domaine des travaux publics illustré par les

arrêts Société des Centaures Routiers et Djan Ziago Joseph, deux autres domaines

ont été examinés par le juge de la Chambre Administrative de la Cour Suprême. Il s’agit

des dommages nés du mauvais fonctionnement des services publics et les dommages

causés par les agents de l’administration. Dans le cas du fonctionnement des services

publics, il est à noter que le dysfonctionnement du service public de la douane

(Direction générale des douanes contre Niangadou Mamadou, 27 février 2002) et

le mauvais fonctionnement du service public de la santé (Docteur Soumé bi Kacou

Brice contre Ministre de la Fonction Publique, 28 janvier 1988) ont entraîné la

responsabilité de l’administration. Par ailleurs, les actes des agents, constitutifs de fautes

non détachables de leurs fonctions, engagent également la responsabilité de

l’administration.

Le troisième thème, « Responsabilité du fonctionnaire et sanctions disciplinaires :

évolution de la jurisprudence administrative» a été présenté par le Conseiller BOBY

GBAZA suivant deux idées, d’une part les fondements de la responsabilité disciplinaire, et

d’autre part, la mise en œuvre de celle-ci.

58

Au niveau des fondements de la responsabilité, les valeurs sur lesquelles repose le

service public sont contenues dans deux textes à savoir la constitution du 1er août 2000

et la loi du 11 septembre 1992 portant statut général de la fonction publique. Ainsi au

regard des textes précités, ces valeurs de base tournent autour de l’éthique et de la

moralité, en règle générale de la déontologie de la fonction publique.

La faute disciplinaire n’est pas définie. Dès lors, l’on est en droit de considérer

qu’elle est un manquement aux obligations du fonctionnaire.

On distingue les fautes professionnelles des fautes non professionnelles. Plusieurs

arrêts on été ici cités pour corroborer cette distinction. Il s’agit entre autres des arrêts

KORE Gboagnon Raphael du 26 février 1992 et NEA Gahou maurice du 15 mars

1989. A travers ces deux arrêts, l’on constate que la Chambre Administrative opère un

contrôle à un triple niveau, d’abord au niveau de l’existence matérielle des faits, puis de

la qualification juridique des faits et enfin de l’appréciation de leur degré de gravité.

La faute personnelle s’observe dans plusieurs hypothèses qu’elle ait ou non un lien

avec le service. La faute disciplinaire est sanctionnée. La répression de la faute est

prévue par l’article 73 du statut général de la fonction publique.

Lorsque la faute disciplinaire est commise, elle peut donner lieu à des sanctions

disciplinaires et/ou pénales. Au contraire de la faute, les sanctions disciplinaires sont

définies. L’on distingue les sanctions du 1er degré ( l’avertissement, le blâme, le

déplacement d’office) et les sanctions du 2ème degré (la radiation du tableau

d’avancement , la réduction du traitement dans la proportion de 25% pour une durée

n’excédant pas trente jours, l’exclusion temporaire, l’abaissement d’échelon,

l’abaissement de classe et la révocation avec ou sans suspension des droits à pension).

Les fautes disciplinaires peuvent donner lieu à des réparations dont le régime est

gouverné par la distinction faite entre la faute personnelle, la faute du service et le cumul

de fautes. Dans la première hypothèse, la réparation est due par l’agent, dans la seconde

la réparation est due par l’administration et dans la dernière la réparation est partagée

entre l’agent et l’administration. Et dans ce dernier cas de figure, l’arrêt MAURICE

PAPON du 12 avril 2002 du Conseil d’Etat a servi d’illustration.

Enfin, à travers le dernier thème « Droits et obligations du fonctionnaire ivoirien :

modalités de mise en œuvre des sanctions disciplinaires et des voies de recours » le

Conseiller SANOGO Mamadou a mis en exergue les droits et obligations du fonctionnaire

ivoirien et le régime disciplinaire.

Le fonctionnaire ivoirien est détenteur de nombreux droits, mais est également

soumis à des obligations. Les droits se présentent en libertés individuelles, droits

professionnels et collectifs. Quant aux obligations, elles se divisent en obligations dans le

service et en obligations en dehors du service.

Le régime disciplinaire du fonctionnaire s’articule autour de la faute disciplinaire,

des sanctions disciplinaires, de la procédure disciplinaire et des voies de recours. La faute

disciplinaire, bien que non définie par le statut général de la fonction publique, consiste

en des manquements aux obligations statutaires. Son constat se fait librement par

l’administration qui, par la suite, sanctionne le fonctionnaire. Deux types de sanctions

sont prévus : les sanctions du 1er degré, d’une part, et d’autre part, les sanctions du 2ème

degré. Les premières sont de la compétence du ministre technique, le préfet ou le

directeur de l’établissement public, tandis que les secondes sont prononcées uniquement

par le ministre de la fonction publique dans le respect de la procédure en vigueur.

La procédure disciplinaire présente ainsi des garanties pour le fonctionnaire. Elles

tiennent du principe des droits de la défense précisé par l’article 75 du statut général de

la fonction publique qui spécifie la procédure à suivre dans le cas d’une sanction de 1er

59

degré ou de 2ème degré. Concernant la suspension, il s’agit d’une mesure administrative

provisoire prise afin d’éviter les conséquences fâcheuses du maintien en fonction d’un

fonctionnaire sur lequel plane une sanction. S’il est sanctionné à l’issue de sa suspension,

le fonctionnaire dispose de voies de recours.

Deux voies de recours sont ouvertes : le recours administratif et le recours

juridictionnel. Le recours administratif est exercé soit devant l’auteur de l’acte, soit

devant le supérieur hiérarchique et ce pour le réexamen de la décision contestée et

obtenir le retrait ou l’annulation. Le recours juridictionnel est exercé au travers du

recours en annulation (REP) ou du recours de plein contentieux.

L’exercice du contrôle juridictionnel des décisions de sanctions disciplinaires se

heurte à l’absence de pouvoir d’injonction du juge administratif ivoirien. Dès lors, se pose

la question de l’admission du pouvoir d’astreinte au profit du juge administratif ivoirien

afin de mettre fin à l’inexécution de certaines décisions de justice.

Au delà donc n’est-ce pas la question du pouvoir d’astreinte du juge administratif

quant à l’inexécution des décisions de justice qui reste ici posée ?

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60

61

CONCLUSION

Le séminaire a été fortement apprécié par tous, participants et invités. La qualité

des interventions, l’intensité et la richesse des débats on révélé la justesse du thème qui

pose toute la problématique des relations avec l’administration. Les participants, avec la

présence du Conseiller d’Etat TERRY OLSON, ont pu, au travers des échanges, partager

les différentes expériences françaises et ivoiriennes.

A l’issue des travaux, le séminaire a fait des recommandations qui, mises

effectivement en application, sont de nature à mieux appréhender les règles et les

pratiques de ce contentieux, à assurer l’exécution effective des décisions rendues en la

matière par la Chambre administrative et à consolider l’autonomie du droit administratif.

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RECOMMANDATIONS

1. L’information et la sensibilisation des populations sur le contentieux de la

responsabilité administrative par des outils d’éducation et de communication ;

2. La mise en œuvre des mécanismes permettant l’exécution effective par

l’administration des décisions de la Chambre Administrative ;

3. La multiplication des sessions de renforcement des capacités à l’endroit des

professionnels du droit, des usagers de l’administration et des justiciables ;

4. La création de tribunaux administratifs ou des formations administratives au sein

des juridictions de fond ;

5. La transformation dans des délais rapprochés de la Chambre Administrative de la

Cour Suprême en conseil d’Etat conformément à la Constitution afin de marquer

la promotion des juridictions administratives pour mieux affirmer l’autonomie du

droit administratif ;

6. Le renforcement du partenariat entre les juridictions administratives

internationales.

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ALLOCUTION DU REPRESENTANT DU MAIRE DE GRAND-BASSAM

Monsieur le Président de la Cour Suprême,

Monsieur le Préfet du département de Grand-Bassam,

Monsieur le Président de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême,

Monsieur le Président de la Chambre Judiciaire,

Monsieur le Président de la Chambre Administrative de la Cour Suprême

Monsieur le représentant du Président du Conseil Général,

Mesdames et messieurs les Conseillers de la Cour Suprême,

Distingués invités, tous en vos qualités, titres et grades respectifs,

Chers amis de la presse,

Mesdames et messieurs,

Ayant l’insigne privilège de vous accueillir ce matin, en ma qualité de représentant

du premier magistrat de notre commune, je voudrais, avant toute chose, et avec votre

permission , m’acquitter d’un devoir, celui de vous exprimer le regret sincère du député-

maire, Jean Michel MOULOD, dont l’agenda, extrêmement chargé en urgence, ne lui a

pas permis d’être personnellement votre hôte.

Il m’a instruit de vous transmettre ses fraternelles salutations avec l’assurance

qu’il est de cœur avec vous. C’est donc en son nom, en celui de l’ensemble du conseil

municipal, au mien propre, qu’il m’est agréable de vous adresser, individuellement et

collectivement, nos souhaits de chaleureux Akwaba à Grand-Bassam.

Mesdames et messieurs, honorables invités, heureuse de vous ouvrir grandement

ses portes pour vous offrir son art d’accueil et d’hospitalité, notre cité éprouve une

légitime fierté d’abriter les assises de votre atelier dont la pertinence et l’actualité du

thème lui confèrent une haute importance.

En effet, dans le contexte actuel où notre pays cherche ardemment les voies et

moyens pour sortir de cette crise qui l’a fortement ébranlé et défiguré, nous pensons que

la justice devra jouer efficacement son rôle de régulateur du climat social.

A cet effet, il importe que les magistrats, notamment ceux qui ont la délicate

responsabilité de dire le droit, en dernière instance, soient imbus des règles et principes

du droit.

C’est donc à juste titre, qu’en saluant très chaleureusement l’avènement du

présent atelier, il me plaît, au nom du député-maire Jean Michel MOULOD, d’adresser nos

plus vives félicitations aux initiateurs de la plate-forme qui permettra certainement aux

Conseillers de la Cour Suprême d’être mieux outillés pour dire le droit dans les

contentieux où la responsabilité de l’Etat est engagée. Cela constitue, sans nul doute,

67

l’une des garanties essentielles, voire indispensables, pour la stabilité et la paix durable

pendant la période post-crise.

En vous souhaitant un excellent séjour de travail dans notre cité et un éclatant

succès à votre atelier, je voudrais, en ce début de la nouvelle année, formuler à l’endroit

de chacune et de chacun de vous, mes vœux fervents de santé sans faille, de bonheur

intense et partagé et de paix, paix dans les cœurs, paix dans les esprits, paix dans tout

votre entourage socioprofessionnel et paix sur toute l’étendue de la Côte d’Ivoire.

Bonne heureuse et sainte année 2009. Que Dieu vous bénisse.

Je vous remercie.

68

INTERVENTION DE MONSIEUR AMANGOUA GEORGES PRESIDENT DE LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME

Monsieur le Président de la Cour Suprême,

La Chambre Administrative de la Cour Suprême, l’une des Chambres composant la

Cour Suprême, avec tous ses membres se sentent particulièrement honorés de vous voir

occuper la présidence effective de la cérémonie d’ouverture de ce deuxième séminaire de

renforcement des capacités.

En acceptant de vous déplacer jusqu’à Grand-Bassam alors que les contraintes de

vos charges apparaissent très prenantes et pesantes, vous administrez la preuve de

l’intérêt particulier que vous portez au perfectionnement des animateurs de l’institution.

Je voudrais, en leur nom à tous, vous exprimer ma gratitude profonde.

- Monsieur le Président de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême,

- Monsieur le préfet de Grand Bassam,

- Monsieur l’Avocat Général représentant madame le Procureur Général près la Cour

Suprême,

- Monsieur le représentant du Président du Conseil Général de Grand-Bassam,

- Monsieur le représentant du Député-maire de Grand-Bassam,

- Monsieur l’Agent Judiciaire du trésor,

- Monsieur le Vice Doyen de l’U.F.R Droit Abidjan Cocody,

- Mesdames et messieurs, pris en vos éminentes qualités et fonctions,

La Chambre Administrative se réjouit de votre présence si distinguée à ce

séminaire.

Monsieur Terry Olson

Je voudrais vous dire combien votre présence nous procure un véritable

soulagement mêlé d’une joie intense.

Les épreuves, qui révèlent la trempe des grands et forgent les destins, n’ont pas

manqué en effet, à l’annonce de cette entreprise d’échanges et d’enrichissement

intellectuel mutuel entre la Chambre Administrative de la Cour Suprême et le Conseil

d’Etat.

Mais, avec ténacité, sérénité et une hardiesse intelligente, vous les avez

surmontées, une à une, depuis les contraintes du calendrier particulièrement chargé du

Conseil d’Etat jusqu’à l’accomplissement des dernières formalités pour Abidjan.

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C’est un témoignage poignant du sens élevé du devoir, de l’honneur et de la

fidélité que vous avez ainsi administré en ces périodes d’intempéries si diversement

agitées. Vous méritez de recevoir l’hommage de notre profonde admiration et

l’expression de notre gratitude en permettant ainsi au partenariat entre la Chambre

Administrative et le Conseil d’Etat de transcender toutes les péripéties qu’il est convenu

d’appeler « l’actualité ».

Mesdames et Messieurs

Les 30 et 31 juillet 2008, se tenait dans cette belle cité, première capitale de la

Côte d’Ivoire, toujours propice à la réflexion sereine, une session de renforcement des

capacités de la Chambre Administrative dédiée au « cadre juridique de la gestion

foncière en Côte d’Ivoire », laquelle avait eu à examiner quelques aspects du plus

abondant contentieux de la Chambre Administrative.

Si le thème traité aujourd’hui, représente à l’inverse du premier, un volume de

contentieux moins important, il n’en présente pas moins un intérêt certain eu égard

notamment à la complexité liée au droit applicable en la matière et les perspectives de

développement de ce contentieux.

Les raisons qui ont motivé la tenue du séminaire précédent demeurent encore

d’actualité.

Une pause, au milieu des activités répétitives des délibérés et des audiences, pour

réfléchir sur un trait saillant de ses activités est très salutaire pour améliorer la qualité

des tâches.

A cela, il faut ajouter que la Côte d’Ivoire compte près de cent cinquante mille

fonctionnaires et agents publics qui, au quotidien, posent dans l’exercice de leurs

fonctions, des actes susceptibles d’amener l’Administration à répondre pécuniairement en

vue de réparer le préjudice en résultant. Quels sont les fondements de cette

responsabilité ? Comment s’apprécie-t-elle ? Ce sont là autant d’interrogations suscitées

par ce contentieux et qui appellent réponse et apaisement.

N’a-t-il pas été dit que l’effort de comprendre la solution étrangère d’un problème

est souvent récompensé par une compréhension plus nette de notre droit ? Monsieur le

Conseiller d’Etat Terry Olson, les participants sont dans l’attente, impatients, de

s’imprégner de votre savoir-faire pour approfondir notre droit afin que par la

confrontation des expériences et le partage, un éclairage de nos droits respectifs nous

procure un enrichissement mutuel.

Je vous remercie de les satisfaire.

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ALLOCUTION DE MONSIEUR TIA KONE PRESIDENT DE LA COUR SUPREME

Monsieur le Président de la Chambre Administrative de la Cour Suprême,

Monsieur le Préfet du département de Grand-Bassam,

Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel,

Monsieur le Président de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême,

Monsieur le Conseiller d’Etat,

Messieurs les élus,

Madame et messieurs les Conseillers et Magistrats de la Chambre Administrative de la

Cour Suprême,

Honorables invités,

Mesdames et messieurs

Votre présence si distinguée rehausse la cérémonie de ce jour d’un éclat

particulier. Je voudrais vous dire simplement merci de votre soutien.

Nous sommes ce matin à Grand-Bassam, dans cette cité chargée d’histoire,

ancienne capitale de la Côte d’Ivoire, où continuent de s’écrire de belles pages de

l’histoire de notre pays, au rythme de grandes rencontres intellectuelles et scientifiques

qui s’y déroulent.

Evoquée d’une certaine façon la problématique de la responsabilité de la

puissance publique dans cette ville prend alors un relief particulier.

En effet, à l’initiative de la Chambre Administrative de la Cour Suprême, nous

sommes réunis pour réfléchir pendant deux jours sur un thème important « le juge

administratif et le contentieux de la responsabilité extra contractuelle de

l’administration ivoirienne ». Il s’agit d’un atelier de renforcement des capacités de la

Chambre Administrative.

C’est pourquoi, je suis particulièrement heureux de la présence parmi nous de

monsieur Terry OLSON, Conseiller au Conseil d’Etat français qui, à coup sûr, nous fera

partager la riche et longue expérience de cette haute et très respectée juridiction

française.

Cet atelier organisé par la Chambre Administrative est un témoignage de la

vitalité de la Cour Suprême qui est déterminée à ne ménager aucun effort pour savoir

répondre aux nombreux défis de l’heure, et contribuer efficacement à la consolidation de

l’Etat de droit en Côte d’Ivoire.

Au mois de juillet 2008, un séminaire interne à la Chambre Administrative avait

été organisé sur le thème du « domaine foncier urbain ». Ce séminaire a permis aux

magistrats de trouver des pistes de solutions cohérentes pour trancher les nombreux

litiges fonciers qui leur sont soumis.

71

La Chambre Judiciaire et la Chambre des Comptes sont toutes aussi actives. C’est

le lieu pour moi de saluer mes Vice-présidents et de les encourager à continuer de

prendre des initiatives aussi opportunes et judicieuses. Vous avez mon soutien et ma

bénédiction messieurs les Vice-présidents. A ces mots d’encouragements, j’associe

l’ensemble des magistrats et du personnel de la Cour Suprême.

Chers collègues, une telle rencontre constitue, à n’en point douter, une occasion

privilégiée pour les magistrats chevronnés que vous êtes de faire, sur un thème donné, le

point de l’application des règles de droit par le juge, d’en discuter et de convenir, le cas

échéant, des évolutions aussi bien textuelles que jurisprudentielles souhaitables. Le juge

est au cœur de l’évolution du droit, particulièrement du droit administratif.

Hier, nos compatriotes n’osaient pas attaquer l’Administration en justice. Attaquer

un acte d’une autorité administrative en justice était assimilé à une attaque personnelle

contre cette autorité. De sorte que sur plusieurs décennies, le recours pour excès de

pouvoir contre les actes administratifs, par exemple, se limitait quasiment au recours des

fonctionnaires contre les actes qui touchaient leur statut personnel (révocation,

suspension, blâme etc.…).

Aujourd’hui, les mentalités ont énormément évolué et les recours sont davantage

variés. Les justiciables n’hésitent plus à engager la responsabilité de l’administration.

Avec la mise en œuvre effective de la décentralisation, le contentieux de la responsabilité

va croître. D’où l’un des multiples intérêts de cet atelier.

Comme chacun le sait, c’est à l’occasion de la mise en jeu de la responsabilité de l’Etat

devant les tribunaux judiciaires, qu’a été affirmée, par le juge français, la spécificité des

règles devant régir la responsabilité de l’Etat pour tenir compte des nécessités du service

public.

Autonome depuis cet arrêt Blanco du tribunal des conflits français (1873), dont le

considérant essentiel a été confirmé en droit ivoirien dans l’arrêt centaures routiers de la

Chambre Administrative de la Cour Suprême, le régime de la responsabilité

administrative, largement prétorien, n’a cessé d’évoluer. On peut retenir de ce régime

juridique son caractère riche, complexe et difficilement saisissable.

Responsabilité pour faute, responsabilité sans faute, faute de service, faute

personnelle, cumul de fautes, responsabilité sans faute pour risque ou pour rupture de

l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

Sur ces différents fondements, le régime de la responsabilité s’étend à toutes les

activités de l’administration : police, santé, travaux publics, justice, législation,

conventions internationales etc.… Ce régime, me semble-t-il, place au centre de ses

préoccupations l’indemnisation des victimes et cela est heureux. Durant ces deux jours

de travaux sans repos que vous aurez, je souhaite un approfondissement de ces

questions, afin qu’entre nous professionnels, nous ayons une lisibilité dont les principaux

bénéficiaires seront le justiciable et l’Etat de droit.

Sur ces mots, je déclare ouvert l’atelier de renforcement des capacités organisé

du 12 au 13 février 2009 à Grand-Bassam par la Chambre Administrative de la Cour

Suprême sur le thème « le juge administratif et le contentieux de la responsabilité

extracontractuelle de l’administration ivoirienne».

Je vous remercie.

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1 – Société des Centaures Routiers contre Etat de Côte de d’Ivoire, arrêt n°4 du 31

mai 1967 (Cassation et renvoi)

2 – Etat de Côte d’Ivoire contre Groupement Français d’Assurances, arrêt n° 1 du 20

mars 1968 (Rejet)

3 – Société des Centaures Routiers contre Ministre des Affaires Economiques et

Financières, arrêt n° 1 du 14 janvier 1970 (Cassation et renvoi)

4 – Djan Ziago Joseph contre Etat de Côte d’Ivoire, arrêt 44 du 31 juillet 1986

(Cassation)

5 – Direction Générale des Douanes contre Niangadou Mamadou, arrêt n° 07 du 27

février 2002 (Rejet)

6 – Etat de Côte d’Ivoire contre Dame Kokoré Emma-Paule, arrêt n° 30 du 17

décembre 2003 (Cassation – évocation)

7 – Mutuelle Centrale d’Assurances contre Koua Ama Agnès et autres, arrêt n° 04 du

25 février 2004 (Incompétence)

8 – Direction et Contrôle des Grands Travaux (DCGTX) contre Mamadou Kaba,

arrêt n° 10 du 23 février 2005 (Cassation – évocation)

9 – Aka Ettien, Etat de Côte d’Ivoire contre Dao Mamadou, arrêt n° 34 du 26

mai 2005 (Cassation – évocation)

10 – Madame Koua Ama Marie Agnès contre Etat de Côte d’Ivoire et Société

IGS, Agence France Immobilier, arrêt n° 50 du 20 décembre 2006

(Cassation –évocation)

11 – Mairie d’Attécoubé contre Société Jardins exotiques, arrêt n° 21 du 21

mars 2007 (Cassation- évocation)

12 – Dodo Monohin Paul contre Etat de Côte d’Ivoire, arrêt n° 16 du 21 mai 2008 (Rejet)

74

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

-------------------------------------------

Arrêt n° 4 Société des Centaures Routiers

du 31 mai 1967 contre

Etat de Côte d’Ivoire

(Cassation-renvoi)

Responsabilité de l’Etat

Dommages lors du débarquement d’un bac

Juridiction compétente

Tribunal en 1ère instance, Cour d’Appel en appel, Chambre Administrative de la

Cour Suprême en cassation

Faits et procédure

Suite à des dommages subis par un de ses véhicules lors du débarquement du bac

de Moossou, la Société des Centaures Routiers a saisi le tribunal de première instance qui

a retenu sa compétence et l’a déboutée de sa demande en paiement de dommages

intérêts.

La Cour d’Appel saisie, a, estimant que l’appréciation de la responsabilité de l’Etat

ne relève pas de la compétence de la juridiction civile, rejeté l’appel de la Société des

Centaures Routiers.

Sur le pourvoi de la Société des Centaures Routiers, la Chambre Administrative de

la Cour Suprême a, par arrêt n° 4 du 31 mai 1967, cassé la décision de la Cour d’Appel.

Solution retenue

La Chambre Administrative de la Cour Suprême est compétente en cassation pour

connaître du contentieux de la responsabilité de l’Etat, alors que le tribunal et la Cour

d’Appel sont compétents en 1ère instance et en appel.

75

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

-------------------------------------------

Arrêt n° 1 Etat de Côte d’Ivoire

du 20 mars 1968 contre

Groupement Français d’Assurances

(Rejet)

Responsabilité de l’Etat

Dommages causés par un véhicule administratif

Fondement : droit civil

Faits

A la suite de la collision entre un véhicule administratif et une voiture destinée au

transport public de personnes dite taxi dont il est l’assureur, le Groupement Français

d’Assurances (GFA), a attrait l’Etat de Côte d’Ivoire devant le tribunal de première

instance qui l’a débouté de sa demande en paiement des sommes destinées à réparer le

préjudice subi.

La Cour d’Appel saisie, a infirmé ce jugement et condamné l’Etat de Côte d’Ivoire

à réparer ce préjudice.

Le pourvoi en cassation formé par l’Etat de Côte d’Ivoire a été rejeté par l’arrêt

n°1 du 20 mars 1968 de la Chambre Administrative de la Cour Suprême.

Solution retenue

L’Etat est responsable, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er du code civil,

des dommages causés par des véhicules administratifs.

76

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

-------------------------------------------

Arrêt n ° 1 Société des Centaures Routiers

du 14 janvier 1970 contre

Ministère des Affaires

Economiques et Financières

(Cassation- renvoi)

Responsabilité de l’Etat

Dommages lors du débarquement d’un bac

Droit applicable : droit administratif

Bac : ouvrage public

Responsabilité pour défaut d’entretien

Faits et Procédure

Suite à des dommages subis par un de ses véhicules lors du débarquement du bac

de Moossou, la Société des Centaures Routiers a saisi le tribunal de première instance qui

a retenu sa compétence et l’a déboutée de sa demande en paiement de dommages

intérêts contre l’Etat.

La Cour d’Appel saisie, a, estimant que l’appréciation de la responsabilité de l’Etat

ne relève pas de la compétence de la juridiction civile, rejeté l’appel de la Société des

Centaures Routiers.

Sur le pourvoi de la Société des Centaures Routiers, la Chambre Administrative de

la Cour Suprême a, par arrêt n° 4 du 31 mai 1967, cassé La décision de la Cour d’Appel

au motif que la Chambre Administrative de la Cour Suprême est compétente en cassation

pour connaître du contentieux de la responsabilité de l’Etat, alors que le tribunal et la

Cour d’Appel sont compétents en 1ère instance et en appel. Elle a donc renvoyé l’affaire

devant la Cour d’Appel autrement composée.

Autrement composée, la Cour d’Appel a débouté la Société des Centaures Routiers

au motif qu’elle ne rapporte pas la preuve de la responsabilité de l’Etat.

Saisie une nouvelle fois sur pourvoi de la Société des Centaures Routiers, la

Chambre Administrative a cassé la décision de la Cour d’Appel par arrêt n°1 du 14

janvier 1970.

Solution retenue

Le droit applicable au contentieux de la responsabilité de l’Etat est le droit

administratif.

Le bac est un ouvrage public.

L’Etat est responsable, pour défaut d’entretien normal, des dommages subis par

un véhicule débarquant d’un bac.

77

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

-------------------------------------------

Arrêt n° 44 DJAN Ziago Joseph

du 31 juillet 1986 contre

Etat de Côte d’Ivoire

(Cassation - Evocation)

Responsabilité de l’Etat

Chute d’un arbre sur un véhicule

Fondement :défaut d’entretien normal de la piste

Faits et procédure

Monsieur DJAN Ziago Joseph, transporté dans un véhicule en commun dit taxi qui

circulait sur la piste Yamoussokro-Gogokro, a été blessé du fait de la chute d’un arbre

tombé sur ce taxi qui s’était arrêté en présence d’un premier arbre qui obstruait la

chaussée.

Le tribunal de Première instance, invité à condamner l’Etat de Côte d’Ivoire à

reparer le préjudice subi, a débouté monsieur DJAN Ziago Joseph au motif que n’est pas

rapportée la preuve que l’Etat était le gardien de l’arbre fautif.

Sur appel de monsieur DJAN Ziago, la Cour d’Appel a déclaré que la chute subite

par un violent coup de vent constituait une cause d’exonération de sa responsabilité.

La Chambre Administrative, saisie par le pourvoi de monsieur DJAN Ziago Joseph,

a, par arrêt n° 44 du 31 juillet 1986, cassé et annulé la décision de la Cour d’Appel qui

avait débouté la victime de sa demande en réparation formée contre l’Etat.

Solution retenue

La responsabilité de l’Etat est engagée pour défaut d’entretien normal de

l’ouvrage public que constitue la piste.

78

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

-------------------------------------------

Arrêt n° 07 Direction Générale des Douanes

du 27 février 2002 contre

NIANGADOU Mamadou

(Rejet)

Responsabilité de l’Etat

Disparition de marchandises enregistrées et mises en dépôt dans les locaux

de la douane

Fondement : Faute lourde

Faits et procédure

A la suite de la disparition de ses marchandises enregistrées et mises en dépôt

dans les locaux de la douane, monsieur NIANGADOU Mamadou a attrait la Direction

Générale des Douanes devant le tribunal de première instance d’Abidjan qui l’a

condamnée à lui payer des dommages-intérêts.

Sur appel de la Direction Générale des Douanes, la Cour d’Appel a confirmé le

jugement du tribunal au motif que l’administration des douanes qui reconnaît

implicitement avoir égaré les marchandises est mal fondée à invoquer la tentative de

fraude supposée de la victime pour se soustraire de l’obligation qui lui incombe de les

représenter.

Le pourvoi de la Direction Générale des Douanes a été rejeté par la Chambre

Administrative de la Cour Suprême par arrêt n° 07 du 27 février 2002.

Solution retenue

L’Etat est responsable, sur le fondement de la faute lourde, de la disparition de

marchandises enregistrées et mises en dépôt dans les locaux de la douane.

79

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

-------------------------------------------

Arrêt n° 30 Affaire Etat de Côte d’Ivoire

du 17 décembre 2003 contre

Dame KOKORE Emma-Paule

(Cassation –Evocation)

Responsabilité de l’Etat

Faute de la victime

Cause d’exonération

Faits et procédure

A la suite de la disparition de ses biens consécutifs au remplacement par le

Directeur des bâtiments administratifs des serrures du logement administratif,

réaménagé par ses soins, qu’elle refusait de libérer, madame KOKORE Emma-Paule a

attrait l’Etat de Côte d’Ivoire et le Directeur des bâtiments administratifs devant le

tribunal de première instance d’Abidjan en réparation du préjudice.

Infirmant le jugement qui l’avait déboutée de cette action, la Cour d’Appel a

condamné solidairement l’Etat de Côte d’Ivoire et le directeur des bâtiments

administratifs au motif que l’appelante a été dépossédée de cet appartement sans

aucune décision contraire de la Direction des logements administratifs.

Sur pourvoi de l’Etat de Côte d’Ivoire, la Chambre Administrative de la Cour

Suprême a, par arrêt n° 30 du 17 décembre 2003, cassé la décision de la Cour d’Appel.

Solution

La faute de la victime qui a refusé de prendre les nouvelles clés afin d’enlever ses

effets personnels exonère l’Etat de toute responsabilité.

80

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

-------------------------------------------

Arrêt n° 04 Mutuelle Centrale d’Assurances

du 25 février 2004 contre

KOUA Ama Agnes et autres

(Incompétence)

Recours en cassation devant la Chambre Administrative de la Cour

Suprême

Parties : personnes privées

Incompétence

Faits et procédure

A la suite du cambriolage de son magasin situé dans l’enceinte du Centre de

Commerce International d’Abidjan, madame KOUA Ama Agnès a attrait l’Etat de Côte

d’Ivoire, propriétaire de l’immeuble, l’agence immobilière France Immobilier gérante de

l’immeuble pour le compte de l’Etat et la société de gardiennage et surveillance dite IGS

et leurs assureurs respectifs, la CNA et la MCA, devant le tribunal de première instance

d’abidjan qui a condamné la société IGS et son assureur la MCA au paiement de diverses

sommes d’argent à madame KOUA Ama Agnès et mis hors de cause l’Etat de Côte

d’ivoire.

Sur appel de madame KOUA Ama Agnès, la Cour d’Appel a, par arrêt du 11 juillet

2003, déclaré l’action recevable mais mal fondée et condamné la société IGS au

paiement de 50.000.000 francs CFA et confirmé le jugement entrepris pour le surplus.

Sur le pourvoi en cassation de la MCA, la Chambre Administrative a rendu l’arrêt

n° 04 du 25 février 2004 par lequel elle se déclare incompétente.

Solution

La Chambre Administrative de la Cour Suprême n’est pas compétente en

cassation, en application de l’article 54 de la loi sur la Cour Suprême, lorsqu’une

personne morale de droit public n’est pas expressément mise en cause dans le pourvoi.

81

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

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Arrêt n° 10 Direction et Contrôle des Grands Travaux

Du 23 février 2005 (DCGTX)

contre

Mamadou KABA

(Cassation –Evocation)

Responsabilité de l’Etat

Faute personnelle de l’agent

Cause d’exonération

Faits et procédure

Après avoir remis, dans les locaux de la Direction et Contrôle des Grands Travaux

(DCGTX), de l’argent à titre d’acompte pour l’acquisition d’une maison, qu’il n’aura pas, à

monsieur FANNY Hamidou, enquêteur immobilier dans la struture précitée, monsieur

Mamadou KABA a assigné la Direction et Contrôle des Grands Travaux (DCGTX) devant le

tribunal de première instance d’Abidjan qui l’a condamnée au remboursement du

montant perçu par son agent et au paiement de dommages-intérêts.

Sur appel de la Direction et Contrôle des Grands Travaux (DCGTX), la Cour

d’Appel, adoptant les motifs du premier juge, a confirmé la décision du tribunal de

première instance en toutes ses dispositions.

Sur pourvoi de la Direction de Contrôle des Grands Travaux, la Chambre

Administrative de la Cour Suprême a, par arrêt n° 30 du 23 février 2005, cassé la

décision de la Cour d’Appel.

Solution

La faute personnelle de l’agent exonère l’administration de toute responsabilité.

82

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

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Arrêt n°34 AKA Ettien, Etat de Côte d’Ivoire

du 26 mai 2005 Contre

DAO Mamadou

(Cassation – Evocation)

Responsabilité de l’Etat

Faute de l’agent dans le cadre de ses fonctions

Faits et procédure

A la suite de la vente par le sous-préfet de Tienengboué de son cheptel bovin, en

vue d’indemniser des paysans victimes de dévastations de leurs cultures, monsieur DAO

Mamadou, estimant le nombre de bœufs vendus inexact, a attrait l’Etat et le Sous-préfet

devant le tribunal de Séguéla qui les a condamnés solidairement à lui payer des

dommages-intérêts.

Sur appel de l’Etat et du Sous-préfet de Tienengboué, la Cour d’Appel a confirmé

le jugement du tribunal de Séguela au motif que le Sous-préfet a, par son action

(capture et vente des bœufs de monsieur DAO Mamadou), commis une voie de fait.

Sur pourvoi de l’Etat et du Sous-préfet, la Chambre Administrative de la Cour

Suprême a, par arrêt n° 34 du 26 mai 2005, cassé la décision de la Cour d’Appel.

Solution retenue

La faute commise par l’agent administratif dans le cadre strict de ses fonctions est

une faute de service qui engage la responsabilité de l’Etat.

83

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

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Arrêt n° 50 KOUA Ama Marie Agnès

Du 20 décembre 2006 contre

Etat de Côte d’Ivoire et Société IGS

Agence FRANCE IMMOBILIER

(Cassation –Evocation)

Responsabilité

Réparation

Obligation pour le juge de préciser les préjudices réparés

Faits et procédure

A la suite du cambriolage de son magasin situé dans l’enceinte du Centre de

Commerce International d’abidjan, madame KOUA Ama Agnès a attrait l’Etat de Côte

d’Ivoire, propriétaire de l’immeuble, l’agence immobilière France Immobilier gérante de

l’immeuble pour le compte de l’Etat, la société de gardiennage et surveillance dite IGS et

leurs assureurs respectifs, la CNA et la MCA, devant le tribunal de première instance

d’abidjan qui a condamné la société IGS et son assureur la MCA au paiement de

75.000.000 de francs CFA à titre de dommages-intérêts à madame KOUA Ama Agnès et

mis hors de cause l’Etat de Côte d’Ivoire.

Sur appel de madame KOUA Ama Agnès, la Cour d’Appel, par arrêt du 11 juillet

2003, a reformé partiellement le jugement et condamné la société IGS au paiement de

50.000.000 francs CFA au motif que la victime ne justifie pas totalement son préjudice.

Sur pourvoi en cassation de madame KOUA Ama Marie Agnès, la Chambre

Administrative a, par arrêt n° 50 du 14 octobre 2003, cassé la décision de la Cour

d’appel.

Solution

Les juges du fond sont tenus de préciser les différents postes de préjudice

spécifiquement reparés. En l’absence de telles précisions leurs décisions manquent de

base légale.

84

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

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Arrêts n° 21 Mairie d’Attécoubé

du 21 mars2007 contre

Société Jardins Exotiques

(Cassation –Evocation)

Responsabilité d’une collectivité territoriale

Mairie et commune termes synonymes désignant la même collectivité publique

Accaparement indû des terrains des particuliers par la commune

Faits et procédure

A la suite de dommages causés à sa propriété par des opérations de lotissement

réalisées par la Commune d’Attécoubé, la Société Jardins Exotiques a attrait ladite

commune devant le tribunal de première instance d’Abidjan qui l’a condamnée à lui payer

la somme de 100.000.000 de francs CFA.

Sur appel de la Mairie d’Attécoubé, la Cour d’Appel a déclaré l’action irrecevable

au motif que la Mairie ne fait pas partie des organes de la Commune et qu’elle n’a pas

été partie au procès.

Sur pourvoi de la Mairie d’Attécoubé, la Chambre Administrative de la Cour

Suprême a, par arrêt n° 21 du 21 mars 2007, cassé la décision de la Cour d’Appel.

Solution retenue

La commune est un terme générique synonyme de mairie qui est à la fois

l’administration municipale et les locaux qui l’abritent.

L’accaparement par la mairie, sans indemnisation préalable, de terrains de

particuliers engage sa responsabilité.

85

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

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Arrêt n° 16 DODO Monohin Paul

du 21 mai 2008 contre

Etat de Côte d’Ivoire

(Rejet)

Responsabilité de l’Etat

Absence de preuves

Rejet

Faits

Monsieur DODO Monohin Paul, classé dans une catégorie professionnelle

inférieure, estimant que deux points avaient été retranchés sur sa moyenne durant sa

formation à l’ENA, a attrait l’Etat devant le tribunal de première instance qui l’a

condamné à lui payer la somme de 70.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts.

Sur appel de l’Etat, la Cour d’Appel a infirmé le jugement au motif que monsieur

DODO Monohin Paul n’a produit au dossier aucun élément à établir qu’il a obtenu une

moyenne dont auraient été retranchés deux points.

Le pourvoi formé par monsieur DODO Monohin a été rejeté par la Chambre

Administrative par arrêt n° 16 du 21 mai 2008.

Solution

La responsabilité de l’Etat suppose une faute prouvée.

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LISTE DES PARTICIPANTS

N° D’ORDRE NOM ET PRENOMS QUALITE

1 AMANGOUA Georges Président de la Chambre Administrative

2 TERRY OLSON Conseiller d’Etat de France

3 AKA Noba Denis Conseiller

4 N’GNAORE Kouadio Antoine Conseiller

5 YOH Gama Conseiller

6 KOBO Pierre-Claver Conseiller

7 BOBY Gbaza Conseiller

8 SANOGO Mamadou Conseiller

9 N’GORAN-THECKLY Yves Conseiller

10 TOBA Akayé Edouard Conseiller

11 GAUDJI Désiré Auditeur

Chef de Cabinet du Président

12 NIBE Lambert Secrétaire de Chambre

13 KISSIEDOU Sylvère Caporal Chargé d’études

14 KOUAME Michel Chargé d’études

15 WALEBO S. Fulgence Informaticien

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