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« LE JUGE ADMINISTRATIF ET LE CONTENTIEUX
DE LA RESPONSABILITE EXTRA CONTRACTUELLE
DE L’ADMINISTRATION IVOIRIENNE»
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE
Union - Discipline - Travail
2
I. PREFACE …………..……………………………………………………..……………..….….page 3
II. INTRODUCTION ……………………………………………………………………………… page 5
III. Communications ……………………………………………………………………….……. page 8
a. Leçon inaugurale…….…………………………………………………………….…. Page 9
« Le Conseil d’Etat français et le contentieux
de la responsabilité administrative »
b. « Le juge ivoirien et le contentieux
de la responsabilité extra contractuelle
de l’administration ivoirienne ».………………………………………….. Page 16
c. « Responsabilité du fonctionnaire
et sanctions disciplinaires :
évolution de la jurisprudence »……………………………………….... page 23
d. « Droits et obligations du fonctionnaire
ivoirien : modalités de mise en œuvre
des sanctions disciplinaires
et des voies de recours »…………………………………………………….. Page 33
IV. RAPPORT DE SYNTHESE …………………………………………………………….. page 55
V. CONCLUSION ………………………………………………………………………..…….. page 60
VI. RECOMMANDATIONS…………………………………………………………………… page 62
VII. ANNEXES ……………………………………………………………………..………………. Page 64
1. Allocutions ……………………………………………………………………………. Page 65
2. Sommaire de quelques arrêts en matière
de responsabilité administrative …………………………………….…….. page 72
4
PREFACE
Le droit administratif ivoirien cherche encore sa voie ; la reprise du modèle
français doit être considérée comme une première démarche, conservatoire qui ne peut
cependant le confiner ni le limiter. Il apparaît inévitable que peu à peu, l’écart se creuse
entre le modèle et son application en Côte d’Ivoire en fonction de la réalité historique et
sociologique. Cela doit conduire à un autre équilibre de la construction de l’ensemble de
l’édifice juridique pour le rendre cohérent.
L’apport de la Côte d’Ivoire à la jurisprudence administrative française est
éloquemment illustré par un arrêt célèbre qui éclaire encore aujourd’hui, l’œuvre
architecturale accomplie.
C’est l’arrêt Société Commerciale de l’Ouest Africain, dit arrêt du Bac d’Eloka en
Côte d’Ivoire, rendu par le Tribunal des Conflits le 21 janvier 1921 qui a introduit la
notion de service public à caractère industriel et commercial. Cet arrêt a considéré qu’un
bac n’était pas un ouvrage public et a exclu la compétence de la juridiction administrative
pour connaître du contentieux de la responsabilité en découlant.
Rompant avec cet arrêt et affirmant sa spécificité, la Chambre Administrative dans
l’arrêt du bac de Moossou ou arrêt Société des Centaures Routiers C/ Etat de Côte
d’Ivoire du 14 janvier 1970, a considéré le bac de Moossou comme un ouvrage public
dont le mauvais entretien engage la responsabilité de l’Etat.
Si elle s’est bien inspirée et ne manque pas de le faire, à l’occasion, du modèle
français, force est d’admettre que la Chambre Administrative affirme et affine de plus en
plus, les principes d’une jurisprudence déliée plus encline à fonder son emprise sur les
réalités socioéconomiques propres.
Sans prétendre avoir atteint la perfection dans cette entreprise, elle n’entend pas
moins progresser pour l’avènement d’une jurisprudence administrative conforme aux
aspirations des gouvernants et qui répond pleinement à l’attente des administrés. La
Chambre Administrative vise, par ce séminaire, à montrer certains aspects de l’œuvre
réalisée afin de s’inscrire dans le débat, toujours d’actualité, d’une autonomie plus
grande de cette juridiction administrative dans l’environnement institutionnel de la Côte
d’Ivoire.
Le Président de la Chambre Administrative
AMANGOUA Georges
6
INTRODUCTION
Dans le cadre des sessions internes de perfectionnement de ses membres, la
Chambre Administrative de la Cour Suprême, a organisé, à l’initiative de son Président
Monsieur AMANGOUA Georges et sous la présidence effective de Monsieur TIA KONE
Président de la Cour Suprême, un atelier de renforcement des capacités sur le thème :
« Le juge administratif et le contentieux de la responsabilité extra contractuelle
de l’administration ivoirienne », les 12 et 13 février 2009 à Grand-Bassam
(N’SAHOTEL) après le séminaire interne des 30 et 31 juillet 2008 à Grand-Bassam sur le
cadre juridique de la gestion foncière en Côte d’Ivoire.
Après les mots de bienvenue à l’adresse des personnalités, invités et participants,
le Président de la Chambre Administrative a justifié ce séminaire à un double niveau :
D’une part, il était nécessaire, comme le précédent, de marquer une pause dans
le tumulte du traitement des dossiers pour convier les conseillers à la réflexion sur un
thème saillant de leurs activités afin de mieux le maîtriser. D’autre part, le choix du
thème s’est imposé en ce que l’administration, comme une entité regroupant des
hommes, peut voir sa responsabilité engagée lorsque, dans ses activités quotidiennes,
elle commet des fautes ou pose des actes qui causent des préjudices à des tiers.
Faire le point de la jurisprudence ivoirienne et de l’expérience française sur cette
matière importante qui contribue à garantir l’Etat de droit, était indispensable pour
déterminer les règles applicables afin de mieux les appliquer.
A la suite, le Président de la Cour Suprême a relevé l’intérêt et l’actualité du
thème, salué l’initiative d’organiser ce séminaire et souhaité, compte tenu de
l’importance du sujet, que le champ des participants fût élargi.
Après l’ouverture des travaux par le Président de la Cour Suprême, les
contributions ont été apportées successivement par :
- Monsieur TERRY OLSON Conseiller d’Etat français sur « Le Conseil d’Etat
français et le contentieux de la responsabilité administrative ».
- Monsieur AMANGOUA Georges, Vice-président de la Cour Suprême sur « Le juge
ivoirien et le contentieux de la responsabilité extra contractuelle de
l’Administration ».
- Monsieur BOBBY GBAZA sur « La responsabilité du fonctionnaire et
sanctions disciplinaires ».
- Monsieur SANOGO Mamadou sur « Les droits et obligations du fonctionnaire
ivoirien modalités de mise en œuvre des sanctions et voies de recours ».
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Les travaux, commencés dans la matinée du 12 février 2009, se sont bien
achevés le 13 février 2009 après une visite faite aux autorités de l’administration
traditionnelle royale de Moossou et la lecture du rapport final par Monsieur GAUDJI
KOUDOU Désiré.
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Le Conseil d’Etat français et le contentieux de la responsabilité administrative
Je souhaiterais tout d’abord souligner qu’en France la reconnaissance de la
responsabilité administrative est intervenue dès 1873 par l’arrêt Blanco du Tribunal des
Conflits, soit au cours de l’année ayant suivi la loi Gambetta instaurant la « justice
déléguée » et faisant du Conseil d’Etat non plus seulement le conseiller écouté et le plus
souvent suivi de l’Exécutif, mais bien un juge souverain rendant ses décisions « Au nom
du Peuple français » selon la formule consacrée. Cette concomitance n’est, à mes yeux,
nullement une coïncidence.
Le passage à la justice déléguée et l’affirmation de la responsabilité de la puissance
publique ont mis fin à deux postulats séculaires :
- le premier selon lequel les actes pris en application de prérogatives de puissance
publique sont par essence inséparables de la souveraineté qui, elle-même, doit
échapper à tout contrôle du juge ;
- le second selon lequel « le Roi ne peut mal faire », la puissance publique ne
pouvant par construction porter tort à qui que ce soit.
Depuis près de 140 ans toute la jurisprudence administrative française s’emploie pour
une bonne part à creuser ces deux sillons pour améliorer le contrôle de légalité des actes
administratifs et améliorer les conditions d’indemnisation des personnes pouvant à juste
titre rechercher l’indemnisation de préjudices que l’action de la puissance publique a pu
leur causer.
Toujours dans le cadre de ces quelques remarques introductives, il me semble
intéressant de souligner que la manière dont la responsabilité de la puissance publique
est conçue et organisée constitue à certains égards une exception française. En effet,
dans certains pays, il y a bien dualisme juridictionnel, ou tout au moins, il existe un ordre
juridictionnel administratif autonome, mais ce juge-là n’est précisément pas le juge de la
responsabilité de la puissance publique. On peut à cet égard mentionner l’exemple
allemand : le juge administratif est un juge de la légalité des actes administratif – un
juge réputé et respecté – mais il est juge de la légalité et non juge de la responsabilité.
Dans ces pays, lorsqu’on poursuit la réparation du préjudice qu’un acte administratif a pu
vous causer, il convient normalement d’obtenir dans un premier temps du juge
administratif qu’il annule l’acte litigieux avant, dans un deuxième temps, d’aller devant le
juge civil.
A cette division des compétences est souvent associée une absence de spécificité de
la responsabilité administrative. Ainsi, lorsque la responsabilité de la puissance publique
est recherchée, elle est mise en œuvre dans les conditions du droit commun. En d’autres
termes, la question est traitée par le juge comme si la responsabilité de la personne
publique pouvait être recherchée dans les conditions du droit commun, en réalité comme
si la personne publique devait être traitée dans les mêmes conditions que celles qui
seraient observées s’il s’agissait d’une personne privée. Le juge civil a la plénitude de
compétence en matière de responsabilité, et il fait tout naturellement application des
règles dont il est le plus familier. La conséquence en est que l’existence même d’une
responsabilité administrative en tant que corpus juridique autonome est d’une certaine
façon niée.
Telle n’est clairement pas la conception du juge administratif français. S’il admet que,
pour des raisons tenant à la simplification de certaines instances, des blocs de
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compétence soient constitués et qu’ils soient dévolus notamment au juge judiciaire, le
juge administratif souhaite tout particulièrement, d’une part, demeurer le juge de droit
commun de la responsabilité de l’Etat et des autres personnes publiques et, d’autre part,
accomplir cet office en faisant application de règles propres et se voulant adaptées qui
ont été forgées avec le temps par la jurisprudence.
Sans prétendre vous livrer un panorama exhaustif, je souhaite appeler votre attention
sur la manière dont le juge administratif français appréhende la mission qui lui incombe
dans le contentieux de la responsabilité extracontractuelle, tenter d’identifier la spécificité
de son intervention et mentionner quelques unes des difficultés auxquelles il est
confronté.
En effet, si on tente d’identifier les différents volets de l’action du juge administratif
en matière de contentieux de la responsabilité, il me semble que le juge fait plus
particulièrement porter son attention sur trois points-clés. Il lui appartient à cet égard de
veiller plus spécialement à :
1 – Identifier le droit applicable et fixer le champ de la responsabilité administrative.
2 – Mettre en œuvre le régime de responsabilité administrative applicable.
3 – Surmonter les difficultés propres à ce contentieux.
1. Identifier le droit applicable et fixer le champ de la responsabilité
administrative
1.1 Employons-nous tout d’abord à tenter de préciser les sources de la responsabilité
administrative.
L’idée qu’il convient de garder à l’esprit est que la jurisprudence revêt certes une
importance capitale, mais elle n’est que d’application subsidiaire. La jurisprudence doit
en effet céder devant la loi, à moins que soit en cause l’application d’un traité
international d’effet direct en droit interne – ce qui est somme toute assez rare – ou
bien l’application d’un acte de droit communautaire dérivé. Cette hypothèse peut être
fréquemment rencontrée mais je n’en traiterai pas en détail ici, dès lors qu’elle ne me
semble pas être au cœur de vos préoccupations.
Cette primauté de la loi est logique à plusieurs titres. Tout d’abord le juge doit
statuer, il est obligé de trancher le litige qui lui est soumis à moins de se livrer à un
déni de justice. Le législateur est dans une position tout à fait différente car il
intervient s’il le veut, quand il le veut et comme il le veut. Ainsi, le juge et le
législateur ont des responsabilités différentes et interviennent dans des séquences de
temps elles aussi différentes. Toutefois, le législateur est, de par la Constitution, le
représentant de la souveraineté nationale et le juge, dont la légitimité n’est pas du
même ordre, doit, le cas échéant, adapter voire remettre en cause sa jurisprudence en
fonction des évolutions que le législateur décide.
Si le juge remet en cause voire renverse sa jurisprudence du fait d’évolutions de
la loi, ce n’est pas un secret qu’il ne le fait parfois qu’avec réticence, notamment
lorsqu’une jurisprudence audacieuse a fait naître des espérances qui se trouvent
abruptement mises à mal par l’intervention de la loi. L’exemple le plus classique est
celui de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades et la qualité du système de
santé qui a mis en cause des droits de créance détenus sur certains établissements
hospitaliers par les parents d’enfants nés lourdement handicapés à la suite d’erreurs
dans le diagnostic prénatal réalisé au moyen d’échographies ou d’analyse de
caryotype, erreurs non décelées pendant la grossesse de la mère.
Sur le premier point, l’on note que le droit applicable a connu une évolution.
D’abord prétorien, il fait de plus en plus place à la loi et aux conventions
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internationales. La jurisprudence est d’application subsidiaire car elle cède devant la
loi.
1.2 Quant à la fixation du champ de la responsabilité, deux terrains sont à prendre en
compte, à savoir la responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute.
La responsabilité pour faute constitue le mode de droit commun de mise en œuvre
de la responsabilité des personnes publiques. Elle renvoie elle-même à deux
hypothèses, celle de la faute prouvée et celle de la faute présumée. Elle conduit
fréquemment à opérer une ligne de partage entre ce qui relève de la faute de service
et ce qui relève de la faute personnelle commise par le fonctionnaire ou l’agent public.
La responsabilité sans faute est le régime le plus innovant du droit de la
responsabilité administrative. Ce régime trouve à s’appliquer lorsque l’on considère
qu’il y a lieu de « socialiser » la réparation d’un préjudice découlant d’un risque qui
s’est réalisé. Le risque doit alors peser sur la société et la collectivité doit indemniser
en se fondant sur le principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques. La
responsabilité sans faute est d’application d’ordre public ; elle est prioritaire lorsqu’elle
assure un niveau d’indemnisation plus favorable que la responsabilité pour faute.
2. Mettre en œuvre le régime de responsabilité administrative applicable
2.1 La mise en œuvre du régime de responsabilité applicable renvoie tout d’abord à
une exigence commune.
Il s’agit dans toutes les hypothèses de vérifier que certaines conditions
incontournables sont satisfaites. Il faut que soient présents – et simultanément
présents – trois éléments fondamentaux :
- un fait générateur ;
- un préjudice ;
- un lien de causalité certain, direct et déterminant entre le fait générateur et le
préjudice.
Ces conditions – je le dis quitte à me répéter – sont bien cumulatives et non
alternatives. Toute action en réparation suppose de la part du juge qu’il vérifie la
présence et la cohérence de ces trois éléments.
Dès lors que cette première étape est franchie, le juge doit affiner son appréciation et
se livrer à un raisonnement différencié, au moins dans une certaine mesure.
Le lien de causalité est toujours nécessaire et même indispensable. Rappelons que le
juge administratif français retient le raisonnement dit de la causalité adéquate et non de
l’équivalence des conditions.
Les différences apparaissent au regard du préjudice et du fait générateur. Le fait
générateur est évidemment toujours une faute, qualifiée comme telle, dans le cas de la
responsabilité fautive ; dans le cas de la responsabilité sans faute un simple fait suffit.
S’agissant du préjudice, la responsabilité pour faute ouvre en principe droit à une
réparation intégrale, tandis que la responsabilité sans faute n’ouvre droit – également en
principe – qu’à la réparation de la part du préjudice que l’on peut considérer comme
étant grave, anormale et spéciale.
2.2 Le juge doit observer des règles procédurales précises.
Quatre conditions doivent être mentionnées : l’exigence d’une décision préalable,
l’inscription dans le délai limité par la prescription quadriennale, l’obligation du
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ministère d’avocat et le recours direct en cassation pour les instances d’un montant
inférieur à 8000 euros car en ce cas le juge statue en premier et dernier ressort.
Il convient de souligner l’importance pratique pour le justiciable de la procédure
de référé-provision : lorsque la créance n’est pas sérieusement contestée par la
personne publique dont la responsabilité est recherchée, cette procédure permet à la
victime d’être très rapidement indemnisée. Un grand nombre de litiges sont clos de
cette manière en quelques semaines ou quelques mois. En outre, il est possible de
recourir à des techniques telles que le mandatement d’office, l’astreinte et l’injonction
afin d’assurer l’exécution des décisions que le juge rend.
3. Surmonter les difficultés propres à ce contentieux
Enfin dans sa méthode d’analyse, le juge doit faire preuve de prudence et de
discernement à plusieurs niveaux.
3.1 Tout d’abord l’admission des deux champs de la responsabilité, la responsabilité
pour faute et la responsabilité sans faute, présente des difficultés.
Lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre un régime de responsabilité sans faute, le juge
doit faire preuve d’un discernement particulier. Un tel régime ne doit jouer que dans le
cas où ne pas indemniser engendrerait une rupture d’équité qui mettrait à mal le lien
social. Pour autant, l’Etat ne doit pas devenir une sorte d’énorme compagnie
d’assurances qui, au demeurant, remplirait cet office sans percevoir des primes de ses
clients et dont le financement ne pourrait se faire que par l’impôt ou la dette.
Ainsi, ce régime joue seulement dans certains cas et je n’en citerai que quelques
exemples :
- les dommages subis par les collaborateurs occasionnels et bénévoles du service
public ;
- les dommages subis du fait du refus d’accorder le concours de la force publique
pour la mise à exécution des décisions de justice ;
- l’indemnisation du risque vaccinal ;
- l’indemnisation de certains risques thérapeutiques ;
- les dommages causés par les prisonniers en permission de sortie en vue de leur
réinsertion.
En matière de responsabilité pour faute, le juge est également confronté à un
problème délicat lorsqu’il doit qualifier certains faits de fautifs, lorsque sont en cause
des activités publiques revêtant un haut degré de difficulté : citons, parmi maints
exemples, les activités médicales ou les activités de secours ou de sauvetage. Une
évolution jurisprudentielle remontant à une vingtaine d’années a conduit à abandonner
de plus en plus l’exigence de la faute lourde et à s’en tenir à la mise en œuvre de la
responsabilité des services publics sur le terrain de la faute simple. Cette évolution
s’explique par le fait que l’opinion publique ne comprenait pas toujours bien pourquoi
on maintenait l’exigence d’une faute lourde dans certains domaines plutôt que dans
d’autres. Pour autant, cette évolution n’a pas conduit à accentuer fortement la
pression qui s’exerce sur les services publics en cause. En effet, via la qualification
juridique qui lui incombe, le juge peut et doit faire le tri entre ce qui relève de la
simple erreur – qui peut être comprise voire excusée s’agissant d’une activité
spécialement difficile ou dangereuse – de la véritable faute. Ainsi, le juge s’emploie à
identifier toute une gradation entre l’action « optimale », efficace et diligente, l’erreur
qui n’est pas obligatoirement fautive et la faute stricto sensu.
3.2 Une autre difficulté surgit lorsque le juge doit apprécier la part respective de la
faute personnelle et de la faute de service, ou bien évaluer certains préjudices.
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Pour faire la part de la faute personnelle et de la faute de service, le juge doit en
réalité concilier deux exigences contradictoires :
- responsabiliser les agents et prévenir tout laxisme ;
- assurer aux victimes le meilleur niveau d’indemnisation possible.
La frontière s’est avec le temps nettement décalée dans le sens d’une extension
de la faute de service. Désormais, la faute personnelle est réduite à son minimum
incompressible :
- une faute commise pendant le service mais qui est intentionnelle et ne peut
engager que son auteur ;
- la faute dépourvue de tout lien avec le service.
On notera qu’en droit administratif français un dispositif existe pour concilier au
mieux indemnisation des victimes et responsabilisation des agents publics au travers
du mécanisme de l’action récursoire que la personne publique peut engager contre son
agent pour lui imposer de lui rembourser la part de l’indemnisation correspondant à sa
faute personnelle. En cas de négligence particulièrement grave et inexcusable, cette
part peut atteindre 100% comme on l’a vu à l’occasion de l’arrêt du Conseil d’Etat
Moine du 17 décembre 1999 (n°199598 – Lebon p.425).
Je crois aussi utile de mentionner aussi certaines difficultés particulières
auxquelles le juge est confronté et qui renvoient au problème de l’évaluation du
préjudice. Certains éléments de préjudice sont faciles à évaluer et d’autres le sont
moins. Parmi les éléments de préjudice dont l’évaluation est délicate, je
mentionnerai :
- la douleur morale ;
- les conséquences de l’invalidité et en particulier le handicap fonctionnel,
l’incapacité à exercer un emploi. Des référentiels indicatifs existent, mais ne sont
que des outils imparfaits ;
- les frais futurs qui ne sont remboursables que s’ils sont certains, mais la limite
entre le certain et l’incertain est souvent difficile à définir ;
- la perte de chance qui, en principe, donne lieu à réparation intégrale, mais qui
dans les faits ne se prête qu’à une réparation plus ou moins forfaitaire.
Il est assez clair, à mon sens, que dans ces domaines le juge ne doit pas se
départir d’un respect scrupuleux des principes tout en reconnaissant que l’application
de ces principes à une instance donnée l’obligera à faire preuve d’un très grand
pragmatisme.
Il est temps pour moi de conclure.
Je voudrais faire deux remarques à ce stade de mon exposé.
Tout d’abord, il faut garder à l’esprit que toute l’action du juge procède d’une
démarche de moralisation de l’action publique. Ainsi lorsque le juge qualifie un fait de
l’administration de fautif, le jugement qu’il porte n’est pas uniquement juridique et
revêt une dimension morale. Qu’il le veuille ou non, cette qualification comportera une
forme de stigmatisation du comportement d’une personne publique.
Le rôle du juge est avant tout de définir, instance après instance, un juste
équilibre entre indemnisation des victimes et respect de l’intérêt légitime des
personnes publiques, cet intérêt général renvoyant à deux éléments au moins :
- ne pas interdire aux personnes publiques de faire fonctionner les services publics
dont elles ont la charge avec toute l’efficacité requise ;
- ne pas faire peser sur ceux qui les financent – usagers, contribuables – une
charge indue ou excessive.
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Quitte à me répéter, je pense que la clé de voûte du système reste l’intérêt
général, qui est un peu au juge administratif ce que l’étoile du Berger est au récit
évangélique…
Et en conclusion de la conclusion, qu’il me soit permis de former à l’intention des
collègues ici présents des vœux chaleureux pour le succès de leur délicate mission. Je
leur souhaite de pouvoir la conduire en manifestant les deux qualités jadis si bien
énoncées par l’Italien Antonio Gramsci : « le pessimisme de l’intelligence et
l’optimisme de la volonté ».
Je vous remercie
17
LE JUGE IVOIRIEN ET LE CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITE
EXTRA CONTRACTUELLE DE L’ADMINISTRATION IVOIRIENNE
La responsabilité consiste généralement en une obligation pour une personne de
réparer un préjudice qu’elle a causé.
Les personnes publiques, l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements
publics n’échappent pas à cette responsabilité.
Apparue plus récemment, cette responsabilité présente une spécificité en ce
qu’elle est soustraite des règles générales de responsabilité prévues par le Code Civil.
C’est le Tribunal des Conflits, par arrêt du 8 Février 1873, dit Blanco, qui en a
précisé le régime général en France. Il pose que la responsabilité, qui peut incomber à
l’Etat pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie
dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code
Civil pour les rapports de particulier à particulier.
Le Tribunal des Conflits précise que cette responsabilité a ses règles générales qui
varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec
les droits privés.
C’est à partir de cet arrêt que la jurisprudence va dégager les principes et règles
qui vont s’appliquer à cette responsabilité particulière.
Ces principes et règles, rendus applicables en Côte d’Ivoire indépendante par
l’article 76 de la constitution du 3 Novembre 1960, connaissent cependant certains
aménagements et fléchissements issus des textes nouveaux qui permettent de les
distinguer dans leur application du modèle initial et cela en deux étapes.
Tout d’abord, le code de l’organisation judiciaire du 18 Mai 1961 a créé un
système juridictionnel unique habilité à connaître indistinctement les contentieux. Cette
loi pose que « la justice est rendue en matière civile, commerciale, pénale et
administrative par la Cour Suprême, les Cours d’Appel, les Tribunaux de Première
Instance et leurs sections détachées ». En conséquence de cette loi, un seul code de
procédure civile, commerciale et administrative a été prévu pour aménager la manière de
procéder. L’article 5 de ce code dispose à cet effet que « les Tribunaux de Première
Instance et leurs sections détachées connaissent de toutes les affaires civiles,
commerciales, administratives et fiscales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée
expressément à une autre juridiction en raison de la nature de l’affaire ».
La deuxième étape est apparue avec la loi n° 94-440 du 16 Août 1994
déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la
Cour Suprême modifiée et complétée par la loi n° 97-243 du 25 Avril 1997 (après les lois
n° 61-201 du 2 Mai 1961 et n° 78-663 du 5 Août 1978).
L’article 54 de cette loi donne compétence à la Chambre Administrative de la Cour
Suprême pour connaître des pourvois en cassation dirigés contre les décisions rendues
en dernier ressort dans les procédures où une personne morale de droit public est partie,
à l’exclusion des décisions rendues par les juridictions répressives dévolues à la Chambre
Judiciaire.
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Si, la loi portant organisation judiciaire met en place un système juridictionnel
unique avec pour conséquence un corps unique de magistrats recrutés, formés
conformément au statut de la magistrature, habilité à connaître indistinctement tous les
litiges, la loi sur la Cour Suprême, qui réserve à la Chambre Administrative un type
particulier de litiges, lié essentiellement à l’organe en cause, ne signifie-t-il pas qu’un
droit spécifique doit être appliqué ? Sinon pourquoi singulariser à la Chambre
Administrative l’existence d’un contentieux expressément soustrait à la Chambre
Judiciaire compétente pour traiter les pourvois impliquant les personnes privées, morales
ou physiques ?
L’analyse traditionnelle de la responsabilité administrative se noue autour du
diptyque responsabilité pour faute (faute de service, faute personnelle, cumul de fautes,
fautes non détachable du service) et responsabilité sans faute (responsabilité fondée sur
le risque, responsabilité fondée sur la rupture de l’égalité des citoyens devant les charges
publiques).
Toutefois, l’examen de quelques décisions rendues par la Chambre Administrative
permet de reconnaître qu’elle applique, dans le contentieux de la responsabilité ou de
pleine juridiction, généralement, un droit échappant aux règles classiques prévues par le
code civil.
Il a été aussi examiné des hypothèses dans lesquelles elle a recouru à ces règles
de droit privé pour trancher un litige lié à la responsabilité. Dans quels cas applique-t-elle
ces règles de droit et dans quels domaines précis de la responsabilité administrative
intervient-elle ? Ces deux questions constituent les deux pôles sur lesquels repose
l’ossature de cette réflexion.
I - LE DROIT APPLIQUE PAR LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
On pouvait penser que la Chambre Administrative, s’appuyant sur l’article 54 de la
loi sur la Cour Suprême, allait, d’emblée, afficher l’autonomie du droit administratif dans
l’examen des litiges liés à la responsabilité de la puissance publique qui lui sont soumis
selon les distinctions affirmées dans l’arrêt Blanco du 8 Février 1873.
De fait, elle a agi d’abord en utilisant le droit privé avant d’affirmer l’autonomie du
droit administratif.
A – L’application du Droit Civil
La Chambre Administrative, à l’occasion d’une espèce dont elle était saisie en
1968, a eu recours pour sa solution, au droit privé.
A la suite d’une collision survenue entre un véhicule de transport urbain de
personnes, appelé taxi et un véhicule administratif, la Cour d’Appel, saisie, avait
condamné l’Etat à réparer le préjudice subi par le propriétaire du taxi sur la base de
l’article 1384 alinéa 1 du Code Civil.
Pour rejeter le pourvoi formé par l’Etat contre cet arrêt, la Chambre
Administrative avait énoncé que « la Cour d’Appel n’a pas entendu faire reposer la
responsabilité de l’Etat sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil, mais seulement
répondre au moyen de l’Etat qui prétendait que l’accident avait été provoqué par le fait
imprévisible d’un cycliste. Que dès lors, l’Etat n’est pas fondé à soutenir qu’en faisant
état à la fois de la présomption pesant sur l’Etat et la faute du chauffeur, la Cour d’Appel
s’est fondée sur des motifs contradictoires ».
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Saisie sur le fondement des articles du code civil, la Chambre Administrative n’est
pas sortie de ce cadre textuel pour rendre une décision dans laquelle était recherchée la
responsabilité administrative de l’Etat à l’occasion des dommages causés par un véhicule
administratif.
La référence à la loi du 31 Décembre 1957, transférant à l’ordre judiciaire la
connaissance du contentieux de la responsabilité pour les dommages causés par les
véhicules, était de nature à aboutir à ce résultat.
Dans une affaire plus récente du 23 février 2005, la Chambre Administrative a
appliqué les règles du code civil dans une procédure dans laquelle était recherchée la
responsabilité de la Direction et Contrôle des Grands Travaux (D.C.G.TX).
Monsieur FANNY Hamidou, employé à la D.C.G.TX comme enquêteur immobilier
avait perçu, au moyen des documents et cachets de la D.C.G.TX, de l’argent pour son
propre compte auprès d’un particulier désireux d’acquérir une maison. Pour dégager la
responsabilité de la D.C.G.TX pour les fautes commises par son employé, la Chambre
Administrative, après s’être référé à l’article 1384 alinéa 5 du Code Civil, a estimé que
FANNY Hamidou a agi à des fins étrangères à ses attributions et s’est placé hors des
fonctions auxquelles il était employé.
Il importe, dans cette espèce, de noter d’une part, que la D.C.G.TX, personne
morale de droit public, accomplissait pour le compte de l’Etat des activités de cession à
titre onéreux de terrains et logements aux particuliers, activités similaires à celles que les
personnes privées pratiquent habituellement sous la qualification juridique de vente.
D’autre part, les personnes qui y travaillent peuvent être pour certaines régies par
le statut de la fonction publique, pour d’autres par les dispositions du code du travail
lorsqu’ils sont recrutés par le service comme l’était FANNY Hamidou. Faut-il y voir
l’explication au recours au droit privé dans cette affaire qui parait en fin de compte
isolée ?
En outre, le recours éventuel au droit administratif n’aboutirait-il pas au même
résultat quand on sait que les fautes commises par un agent public dans l’exercice de ses
activités, mais détachables des fonctions, exonèrent la puissance publique de toute
responsabilité?
B - L’application du droit administratif
Si la Chambre Administrative a été amenée à recourir au droit privé dans les
litiges relatifs à la responsabilité de la puissance publique, cela s’est fait de manière
ponctuelle et casuelle. Généralement, elle fonde cette responsabilité sur les principes
tirés du droit administratif.
Pour ce faire, elle a dû, comme le Tribunal des conflits l’avait fait en 1873 en
France, poser le principe et indiquer le régime de cette responsabilité dans un important
arrêt dit Arrêt SOCIETE DES CENTAURES ROUTIERS. Les faits de l’espèce paraissaient
simples.
L’un des véhicules de la société CENTAURES ROUTIERS était tombé dans la lagune
en débarquant du lac de Moossou le 17 Août 1961. La responsabilité de l’Etat a été
recherchée pour réparer le préjudice subi par cette société.
La Chambre Administrative, sur pourvoi, a eu, par une démarche en deux phases,
l’occasion, d’une part de déterminer la juridiction compétente pour apprécier la
responsabilité de l’Etat en cassant l’arrêt de la Cour d’Appel d’Abidjan qui s’était déclarée
incompétente, et d’autre part, de poser les règles applicables à la détermination de la
20
responsabilité administrative. Elle affirme alors, dans cet arrêt du 14 Janvier 1970, « que
la responsabilité, qui peut incomber à l’Etat pour les dommages causés aux usagers d’un
service public administratif ne peut être régie par les principes qui sont établis par le
code civil pour les rapports de particulier à particulier ; que cette responsabilité n’est ni
générale, ni absolue ; qu’elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du
service et la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droits privés ».
Cette décision affirme clairement la spécificité du principe de la responsabilité
administrative qui est dérogatoire du droit commun régi par le code civil.
Mais, au-delà de ce premier enseignement, cette décision dégage d’autres
principes de grand intérêt et qui seront énumérés.
1 - L’ouvrage public
Le bac constitue comme les sections de route qu’il relie et dont il est l’accessoire
nécessaire un ouvrage public.
2 - Le service public administratif
L’exploitation du bac présente le caractère d’un service public administratif. Même
s’ils doivent acquitter un péage, les usagers ne sont pas liés à l’Etat par un contrat de
transport de droit privé.
3 – La présomption de faute
La responsabilité de l’Etat est engagée en cas de dommages causés à un usager
de l’ouvrage public sur le fondement du défaut d’entretien. La preuve contraire, en
l’occurrence l’entretien normal de l’ouvrage à la charge de l’Etat, l’exonère de sa
responsabilité.
S’il ne pose pas expressément le principe d’une dualité de juridictions, cet arrêt
n’en constitue pas moins l’amorce.
L’application des principes énoncés par l’arrêt serait assurément mieux réalisée
par l’existence d’une juridiction empruntant elle aussi les mêmes spécificités que ce droit.
En 1986, quelques principes de cet arrêt ont été appliqués dans l’affaire DJAN
ZIAGO Joseph. La Chambre Administrative avait admis que la piste reliant Yamoussoukro
à Gogokro constituait un ouvrage public. Elle a retenu la responsabilité de l’Etat pour
défaut d’entretien. Puis, elle a caractérisé le défaut d’entretien par les circonstances de
l’espèce : la saison des grandes pluies, leur fréquence, les chutes d’arbres sur la
chaussée des routes rurales. Ce sont des évènements courants qui ne sont pas
imprévisibles ni irrésistibles en sorte que la responsabilité de l’Etat a été retenue lorsque
sur cette route rurale, DJAN ZIAGO Joseph a été victime de la chute d’un arbre au
moment où le taxi qui le transportait s’était arrêté en présence d’un premier arbre tombé
en travers de la chaussée.
II - LES DOMAINES DE RESPONSABILITE RETENUS
Le champ d’application de la responsabilité administrative est vaste et assurément la
Chambre Administrative n’a pas eu encore à le parcourir totalement. Les principaux
litiges portés devant elle par les justiciables sont relatives aux dommages nés du
mauvais fonctionnement des services publics, les dommages causés par les agents de
l’administration.
21
A- Le fonctionnement des services publics
dysfonctionnement du service public de la douane.
L’affaire Direction générale des Douanes contre NIANGADOU Mamadou a donné lieu
à l’arrêt du 27 Février 2002 dans lequel, la Chambre Administrative a considéré comme
une faute lourde, révélant un dysfonctionnement du service public de la douane, la
disparition des marchandises entreposées dans les locaux de l’administration des
douanes.
Mauvais fonctionnement du service public de la santé.
L’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 28 Janvier 1988, Docteur SOUME BI KACOU
BRICE contre Ministre de la Fonction Publique, est topique de la manière dont la Chambre
Administrative, saisie d’un recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du
Ministre de la Fonction Publique sanctionnant le docteur SOUME BI KACOU pour
négligence professionnelle notoire à six (6) mois d’exclusion temporaire, a procédé à
l’annulation de la décision en estimant que les faits reprochés au médecin étaient en
réalité imputables au mauvais fonctionnement du service public de la santé qui se devait
en tout temps de disposer des médicaments nécessaires dans les urgences.
Elle ajoute qu’en faisant porter au praticien la responsabilité des conséquences de
l’absence de médicaments et en lui infligeant une sanction disciplinaire pour ce motif, le
Ministre de la Fonction Publique n’a pas justifié sa décision.
Au détour d’un recours pour excès de pouvoir, elle a saisi l’occasion de cette affaire
pour affirmer les conditions dans lesquelles l’Etat peut être déclaré responsable du
mauvais fonctionnement des services de santé publique.
B - Les actes des agents de l’administration
Faute non détachable des fonctions
Dans l’affaire AKA Ettien, Etat de Côte d’Ivoire contre DAO Mamadou du 26 Mai
2005, la Chambre Administrative a donné une illustration de la faute de service.
Pour indemniser les paysans dont les cultures avaient été dévastées par des
bœufs, le Sous-préfet de Tienengboué avait fixé la part contributive de chaque éleveur.
Estimant que ses bœufs vendus étaient au nombre de quatre vingt cinq (85) et non
trente trois (33) comme indiqué par le Sous-préfet, DAO Mamadou a demandé à l’Etat
réparation du préjudice subi.
La Chambre Administrative a estimé, en cassant la décision de la Cour d’appel, que la
faute du Sous-préfet ayant été commise dans le cadre strict de ses fonctions, seul l’Etat
devait en réparer les conséquences.
X X
X
Les arrêts qui résultent de ce contentieux ont dégagé des principes fondateurs du
régime de la responsabilité administrative et du droit applicable.
Le droit administratif applicable, en concurrence avec le droit privé, reprendrait
une prééminence si la compétence de la juridiction déterminait le droit applicable, ce qui
devra conduire à l’avènement du Conseil d’Etat.
L’unité juridictionnelle présente certes des avantages économiques indéniables. Mais, elle
ne devrait pas constituer une entrave à la pleine expression des principes fondateurs de
la spécificité de la responsabilité administrative dégagée par la Chambre Administrative
de la Cour Suprême.
22
La Chambre Administrative a été érigée en Conseil d’Etat depuis la constitution du
1er Août 2000. Il importe de permettre à ce Conseil d’Etat, véritable Juridiction Suprême
Administrative autonome, de fonctionner effectivement avec l’avènement rapide de la loi
organique. En effet, la Chambre Administrative qui joue actuellement un rôle essentiel
dans la régulation des pouvoirs publics, la promotion et la consolidation de l’Etat de droit,
et qui est à l’origine d’un droit prétorien qui a vocation à encadrer rigoureusement, mais
sans y faire entrave, l’activité administrative, ne dispose pas encore de pouvoirs propres
pour être le conseiller de l’Etat afin de donner ses avis sur les projets de textes
réglementaires avant leur adoption.
Même s’il apparaît à première vue que la ligne de démarcation entre droit privé et
droit public ne parait pas très nette, c’est tout simplement parce que toutes les richesses
créatives et la finesse des raisonnements de cette branche du droit n’ont pas encore été
entièrement et totalement dévoilées, loin s’en faut.
La tendance doit consister alors à en épuiser toutes ses ressources.
Le domaine de la responsabilité de la puissance publique conduit à s’interroger sur
l’effectivité des décisions de la juridiction administrative.
Si l’administration pratique l’inertie en matière de recours pour excès de pouvoir,
que dire alors lorsqu’il s’agira de lui demander de réparer pécuniairement les dommages
causés de son fait ?
L’impossibilité d’exécuter par la force les biens des personnes morales de droit
public, sans l’intervention des textes pour en limiter la portée, constitue un abri très
longtemps encore assuré qui amène les pouvoirs publics à rendre sans effet les décisions
rendues.
Au moment où l’Etat de droit s’affirme et irradie le corps social, le temps ne
parait-il pas venu d’organiser les règles permettant au particulier, ayant obtenu la
condamnation de l’Etat à réparer son préjudice, de recevoir effectivement le montant des
sommes prononcées par la Chambre Administrative ?
Ce faisant l’Etat gagnerait, en donnant un contenu au principe de la bonne
gouvernance, à la sécurité juridique, indispensables soutiens de l’Etat de droit.
24
RESPONSABILITE DU FONCTIONNAIRE ET SANCTIONS DISCIPLINAIRES : EVOLUTION DE LA JURISPRUDENCE
La mission de service public est assurée en Côte d’Ivoire par des personnels
estimés à plus de 150 000 personnes qui, à des degrés divers, occupent à titre
professionnel un emploi salarié dans les services des personnes publiques et sont soumis
à un statut de droit public.
Ces personnels qui, en principe sont ceux des services administratifs des
personnes publiques et que l’on désigne comme étant des «agents publics» se
distinguent des salariés du secteur privé régis par le droit du travail. Ils se distinguent
aussi, tant des personnels des organismes de droit privé associés à l’action des
personnes publiques, que de ceux des services industriels et commerciaux et des
entreprises publiques qui sont également les uns et les autres régis soit par le droit du
travail, soit par des statuts qui leur sont propres, mais qui sont des statuts de droit privé.
Parce que, selon un dicton populaire universel, « nul n’est infaillible », il peut
arriver à chaque agent public de commettre une erreur ou une faute dans l’exercice de
ses fonctions.
En raison des conséquences liées à cette erreur, un phénomène de société, qui
prend de l’ampleur au fil des années sous l’impulsion des médias et des associations, plus
que des citoyens, conduit à refuser la fatalité, l’imprévisibilité, le risque inhérent à toute
activité humaine.
Désormais, à l’occasion d’une catastrophe, d’un accident ou d’un évènement
dommageable, l’on recherchera un responsable à qui demander des comptes. D’où la
mise en cause de plus en plus fréquente des élus et surtout des agents publics et le
recours au juge pour assurer la discipline de l’action administrative, mais surtout,
réclamer réparation du préjudice qui en est résulté.
Parce qu’il peut être appelé à garantir la réparation du préjudice né des actes de
l’agent public, l’Etat met à la charge de ce dernier des obligations le rendant responsable
de ses actes.
Aussi, nous proposons dans le cadre de cette réflexion, d’évoquer en premier lieu
les fondements de cette responsabilité, la seconde étape devant être consacrée à la mise
en œuvre de la responsabilité.
PREMIERE PARTIE : LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE
DISCIPLINAIRE DU FONCTIONNAIRE
L’évocation des fondements de la responsabilité disciplinaire des agents publics
rend nécessaire l’analyse des valeurs du service public (A) telles qu’elles sont énoncées
par la Constitution du 1er août 2000 et la loi n° 92-570 du 11 septembre 1992 portant
statut général de la fonction publique (qui ne manque pas de se référer à la loi pénale).
Elle nous donne également l’occasion de nous rendre compte combien il est difficile de
trouver une définition précise de la faute disciplinaire (B).
25
A Ŕ LES VALEURS DU SERVICE PUBLIC
L’analyse des différentes dispositions légales relatives au régime disciplinaire des
agents publics laisse penser que le fonctionnement du service public repose
essentiellement sur des valeurs d’un ordre plus moral que juridique. Ce sont ces valeurs
qui constituent la déontologie de la fonction publique.
Ainsi, la Constitution du 1er août 2000 dispose en son article 26 que « nul ne peut
être nommé à un emploi public s’il n’est de bonne moralité ».
Les articles 23 à 28 du Statut Général de la Fonction Publique relatifs aux obligations
du fonctionnaire constituent la suite logique de l’article 26 de la Constitution. Certaines
de ces obligations se rattachent à la personne du fonctionnaire. Il s’agit de :
- l’obligation de déférence à l’égard des supérieurs hiérarchiques contenue dans la
subordination hiérarchique ;
- l’obligation de loyauté envers les institutions ;
- l’obligation de réserve et de retenue dans l’expression des opinions politiques et
dans le comportement général.
D’autres obligations se rattachent à la profession. Il s’agit de :
- l’obligation de garder le secret professionnel ;
- l’obligation de se consacrer à son emploi ;
- l’interdiction du cumul d’emplois lucratifs.
En disposant que « tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est
responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées », l’article 28 du Statut
Général de la Fonction Publique fait appel au sens de la responsabilité de l’agent public.
On le voit, les articles 23 à 28 ne font aucune référence à la faute, comme si la seule
évocation des valeurs que nous venons d’énumérer peut suffire à assurer le
fonctionnement régulier et cohérent du service public.
En réalité, bien souvent, il arrive que les animateurs du service public s’éloignent des
principes que nous venons d’évoquer. L’on parle alors de fautes disciplinaires.
B Ŕ LA FAUTE DISCIPLINAIRE
Le Statut Général de la Fonction Publique dispose en son article 73 « que toute
faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions l’expose à une
sanction disciplinaire, sans préjudice le cas échéant, des peines prévues par la loi
pénale ».
Nous retrouvons ici le couple faute-sanction.
S’il est en droit pénal un principe essentiel suivant lequel il n’y a d’infractions
qu’instituées par la loi ou le règlement (« nullum crimen sine lege »), la faute
disciplinaire n’a pas de définition au contour précis tout au plus, peut-on dire que la
responsabilité disciplinaire concerne l’ensemble des agents publics, et elle sanctionne les
manquements à la loi « interne du service ». Cette expression désigne l’ensemble des
règles régissant l’organisation et le fonctionnement du service, même si elles n’ont été
formulées dans aucun texte.
Ainsi, les fautes disciplinaires pourraient être regroupées en deux catégories : les
fautes professionnelles et les fautes non professionnelles.
26
1° - Les fautes professionnelles
Dans cette catégorie, l’on retrouverait tous les manquements aux obligations
contenues dans les dispositions des articles 23 à 28 du Statut Général de la Fonction
Publique, puisqu’il s’agit d’obligations d’exercer le métier ou la profession d’une certaine
façon.
2° - Les fautes non professionnelles
Il s’agit en général de fautes personnelles, non professionnelles commises dans le
service ou à l’occasion du service, ce qui leur donne un caractère disciplinaire. Elles sont
définies en tenant compte des considérations de moralité.
La faute commise dans le service. Il s’agit de la faute incompatible avec l’exercice
des fonctions telles que le manquement à l’honneur ou à la probité.
La faute personnelle ayant une incidence sur le service en raison du discrédit qui
en résulte pour l’administration, ce qui lui confère un caractère de gravité.
La faute de nature à mettre en cause la considération due à l’administration. Cette
faute sera appréciée en tenant compte de l’importance ou de la nature des
fonctions occupées par l’agent mis en cause.
La faute rendant impossible le maintien du fonctionnaire dans ses fonctions.
Exemple : les cas de vols, viols, meurtres par des fonctionnaires de police.
La faute commise à l’occasion du service. Pour être sanctionnée, une telle faute
doit avoir un lien avec le service ou avec la personne de l’agent.
La faute liée au service. Cette faute est liée au service parce qu’elle est commise
avec les moyens du service. L’exemple le plus fréquent étant l’accident de la
circulation occasionné par le véhicule automobile de l’administration utilisé à des
fins personnelles ; il s’agit également de la faute inadmissible : tel est le cas de
l’agent qui commet des excès de langage ou tient des propos outrageants à
l’égard des usagers.
La faute liée à la personne de l’agent. De façon générale, la détermination de la
faute disciplinaire fait une place importante à des considérations subjectives, car
selon le professeur DEGNI SEGUI, « il ne convient pas de lier le pouvoir
disciplinaire par un catalogue objet d’infractions disciplinaires ». Il s’agit, ici, de
règles de comportement à adapter à chaque métier, à chaque situation.
Ainsi, pour l’autorité administrative, il n’y a pas lieu d’apprécier si un
comportement répond à la définition d’une infraction disciplinaire. La question posée est
de savoir s’il y a un manquement à l’une des obligations dont le statut général de la
fonction publique impose le respect.
Pour répondre à cette question, il faut procéder à l’appréciation de la réalité des
faits et l’appréciation de la qualification juridique des faits.
Relativement à l’appréciation de la réalité matérielle des faits, nous voudrions
soumettre à votre appréciation un exemple type de la jurisprudence de notre juridiction.
Il s’agit de l’arrêt n° 7 du 26 février 1992/ Affaire KORE GBOAGNON Raphaël.
27
Un article de presse signé K.G.R. avait affirmé que les hauts cadres de
l’administration des douanes dispensaient certaines sociétés de transit du paiement
d’amendes douanières en raison des intérêts qu’ils avaient pris dans ces sociétés, alors
que les cadres subalternes s’emploieraient à soulager leurs chefs pour obtenir des postes
leur offrant des possibilités de gains illicites.
Parallèlement à une plainte contre X avec constitution de partie civile, la Direction
Générale des Douanes avait déclenché une enquête au cours de laquelle le nommé KORE
GBOAGNON Raphaël était mis en cause par une secrétaire qui affirmait avoir eu à
dactylographier le texte publié dans la presse à la demande de celui-ci.
Malgré ses dénégations, KORE GBOAGNON Raphaël était révoqué le 4 février
1989, alors que la procédure judiciaire se terminait par une ordonnance de non-lieu du
30 juin 1989. Suite à un recours de KORE GBOAGNON Raphaël, la Chambre
Administrative de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a annulé la décision de révocation
pour les motifs suivants :
- Les seules lettres K.G.R. inscrites au bas de l’article ne suffisent pas à mettre
KORE GBOAGNON Raphaël en cause, alors qu’il n’est pas contesté que ces mêmes
lettres peuvent être imputées à d’autres personnes ;
- L’Administration s’est rendue compte de la fragilité de ses preuves, puisque sa
plainte a été dirigée contre X alors que les résultats de l’enquête administrative
étaient déjà connus.
Sur l’appréciation de la qualification juridique des faits, nous voudrions vous proposer
l’exemple tiré de l’arrêt n° 6 du 15 mars 1989 de la juridiction : il s’agit de l’affaire NEA
GAHOU Maurice contre le Ministre de la Fonction Publique.
NEA GAHOU Maurice avait sollicité du Ministre des Eaux et Forêts le sursis à
l’exécution jusqu’aux vacances scolaires de la décision du 29 décembre 1987 par laquelle
celui-ci l’avait muté de LAKOTA à KORHOGO, deux villes séparées l’une de l’autre
d’environ 400 kilomètres. Il voulait épargner à ses enfants, qui étaient en classe
d’examen, les désagréments d’un brusque déménagement. Sa demande ayant été
rejetée, il avait cessé le service à son ancien poste le 2 février 1988 pour rejoindre le
nouveau le 16 du même mois. Entre temps, le Ministre de tutelle avait fait suspendre sa
solde le 9 février et dès le 17 février demandé au Ministre de la Fonction Publique de le
traduire devant le Conseil de discipline pour refus de rejoindre son poste.
Passant outre l’avis du Conseil de Discipline qui préconisait une sanction de
rétrogradation au motif que le fonctionnaire avait rejoint son poste avec 14 jours de
retard, le Ministre de la Fonction Publique avait décidé de révoquer NEA GAHOU Maurice.
Saisie du recours en annulation pour excès de pouvoir de cette décision, la
Chambre Administrative a posé le principe suivant : « le refus de rejoindre le poste
assigné doit s’entendre d’un refus déterminé et catégorique opposé par le fonctionnaire à
l’exécution d’une décision l’affectant dans un poste ; que le retard mis par le
fonctionnaire à rejoindre son nouveau poste ne peut être vu comme le refus de rejoindre
son poste ; que si le retard mis par NEA GAHOU Maurice pour rejoindre son poste
d’affectation constitue une faute disciplinaire, celle-ci ne peut justifier le licenciement
pour refus de rejoindre son poste ».
Sur la base de cette motivation, la Chambre Administrative a annulé la décision de
révocation prise par le Ministre de la Fonction Publique.
Quels enseignements peut-on tirer de ces arrêts ?
Ces deux arrêts sont le reflet d’une intéressante évolution de la jurisprudence.
28
La position initiale consistait à vérifier la légalité de la décision attaquée. Elle se
contentait de vérifier l’existence ou non d’une faute sanctionnée par la loi en s’assurant
de la matérialité des faits imputables au fonctionnaire mis en cause.
Ainsi dans le premier cas d’espèce, la Chambre Administrative de la Cour Suprême
a annulé la sanction frappant KORE GBOAGNON Raphaël tout simplement parce que la
matérialité des faits mis à sa charge n’est pas démontrée.
Dans le second cas d’espèce, pour annuler la décision de révocation de NEA
GAHOU Maurice, la Cour a franchi une étape supplémentaire en procédant de façon fort
heureuse à un triple contrôle :
1°) Elle reconnaît certes l’existence d’une faute imputable au fonctionnaire ;
2°) Elle estime toutefois que l’appréciation faite par l’administration est erronée
et précise ce qu’il faut entendre par « refus de rejoindre son poste » ;
3°) Elle se prononce sur le caractère de la faute (le degré de gravité) pour estimer
que la sanction prise par le Ministre de la Fonction Publique n’est pas en
adéquation avec la faute commise par NEA Gahou Maurice.
Les fondements de la responsabilité disciplinaire ayant été évoqués, il convient à
présent de s’intéresser à la mise en œuvre.
DEUXIEME PARTIE : LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE DU
FONCTIONNAIRE
Il est évident que lorsque la matérialité des faits mis à la charge du fonctionnaire
est établie, il y a lieu de prononcer une sanction. Si la faute a eu des conséquences
dommageables pour autrui, il faut envisager la réparation de ces dommages.
Nous évoquerons donc la répression de la faute (A) et la réparation des
dommages résultant de la faute (B).
A Ŕ LA REPRESSION DE LA FAUTE DISCIPLINAIRE
La répression de la faute disciplinaire est prévue par l’article 73 du statut général
de la Fonction Publique qui dispose que « toute faute commise par un fonctionnaire dans
l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire, sans préjudice le cas
échéant, des peines prévues par la loi pénale ».
L’examen de cette disposition légale appelle les remarques suivantes :
1°) - Il peut arriver que des faits reprochés à un fonctionnaire soient à l’origine à la fois
de poursuites pénales et de poursuites disciplinaires. Ce qui justifie que la répression de
la faute pénale fasse appel à deux types de sanctions : la sanction pénale et la sanction
disciplinaire à proprement parler ;
2°) – La répression disciplinaire est indépendante de la répression pénale. L’autorité
administrative peut déclencher des poursuites disciplinaires ou s’abstenir de le faire sans
que l’existence, l’absence ou l’éventualité de poursuites pénales soient de nature à
exercer une incidence sur la liberté de décision. Ainsi, l’autorité administrative peut
renoncer, temporairement ou non, à exercer des poursuites, alors que des poursuites
pénales sont engagées. Elle peut exercer des poursuites disciplinaires en l’absence de
poursuites pénales.
29
Il peut, enfin y avoir exercice parallèle des deux sortes de poursuites qui pourront
être menées à leur terme en toute indépendance. Le disciplinaire ne tient pas le pénal en
état. Le pénal ne tient pas le disciplinaire en état.
3°) – La répression pénale et la répression disciplinaire ont cependant un lien.
Conformément aux principes généraux du droit, une mesure disciplinaire est illégale en
cas d’inexistence matérielle des faits sur lesquels elle est fondée, établie par le juge
pénal.
Le principe est consacré que les constatations de fait contenues dans les décisions
rendues par les juridictions répressives sur l’action publique et qui sont le support
nécessaire de ces décisions ont l’autorité de la chose jugée à l’égard de l’administration
et du juge administratif. En conséquence, si le jugement a reconnu la réalité des faits en
cause, il ne pourra pas être contredit et cette réalité devra être tenue pour établie. S’il
l’a niée, c’est l’inexistence matérielle des faits qui sera tenue pour établie. Dans un tel
cas, si le jugement a été rendu avant que la sanction disciplinaire ne soit prononcée, elle
ne pourra plus l’être. Si elle l’était, elle serait annulée sur recours pour excès de pouvoir.
Telle était, l’hypothèse de l’Affaire KORE GBOAGNON Raphaël que nous avons
évoquée ci-dessus. Cette affaire, rappelons-le, a été jugée par arrêt n° 7 du 26 février
1992.
A la suite de ces trois remarques, il convient de souligner, qu’autant la définition
de la sanction disciplinaire est difficile, autant le législateur a organisé les peines
disciplinaires avec beaucoup de précision en les classant en deux ordres : les sanctions
du premier degré et les sanctions du second degré. Sans m’étendre sur ces questions qui
feront l’objet de l’exposé suivant, je me bornerai à les énumérer.
Les sanctions du premier degré sont les suivantes :
- L’avertissement,
- Le blâme,
- Le déplacement d’office.
Elles peuvent être prononcées par le Ministre technique dont relève le
fonctionnaire poursuivi, le Préfet ou le Directeur de l’établissement public employeur
dudit fonctionnaire.
Les sanctions du second degré sont :
La radiation du tableau d’avancement ;
La réduction du traitement dans la proportion de 25% pour une durée ne pouvant
excéder trente jours ;
L’exclusion temporaire pour une durée ne pouvant excéder six mois ;
L’abaissement d’échelon ;
L’abaissement de classe ;
La révocation avec ou sans suspension des droits à pension.
Ces sanctions du second degré sont proposées par le Conseil de discipline, suivant
la procédure qui fera l’objet de la prochaine communication.
La faute disciplinaire peut avoir occasionné à autrui des dommages nécessitant
une réparation qu’il faut à présent analyser.
30
B Ŕ LA REPARATION DU PREJUDICE NE DE LA FAUTE DISCIPLINAIRE
Le statut général de la Fonction Publique nous laisse lire en son article 19 que
« les fonctionnaires bénéficient, dans l’exercice de leurs fonctions, d’une protection
assurée par la collectivité publique dont ils dépendent conformément aux règles fixées
par le Code Pénal et les lois spéciales. Lorsqu’un fonctionnaire est poursuivi par un tiers
pour faute de service, la collectivité publique est responsable des condamnations civiles
prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne
lui est pas imputable».
Le problème posé est celui de la charge de la réparation due à la victime de la
faute du fonctionnaire.
La faute commise par un agent public dans l’exercice de ses fonctions est
susceptible de recevoir deux qualifications exclusives l’une de l’autre : elle sera
considérée comme une faute de service lorsque l’action dommageable, quoique
imputable à un agent déterminé, reste néanmoins impersonnelle ou selon l’expression de
LAFERRIERE, « révèle un administrateur de l’Etat plus ou moins sujet à erreur mais non
l’homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences ». Elle sera à l’inverse
considérée comme une faute personnelle lorsqu’elle se détache des fonctions et traduit la
défaillance d’un individu ou, pour reprendre là encore l’expression de LAFERRIERE,
lorsqu’elle est imputable « au fonctionnaire, non à la fonction ».
L’appréciation portée sur la nature de la faute commise par un agent tient donc
uniquement au caractère détachable ou non de cette faute par rapport aux fonctions qui
sont celles de l’agent.
La distinction entre la notion de faute de service et la notion de faute personnelle
emporte deux séries de conséquences.
Elle constitue d’abord un critère de répartition de compétence entre les deux
ordres de juridictions. Seul le juge administratif a compétence pour se prononcer sur les
conséquences dommageables d’une faute de service, puisque celle-ci met en cause, à
travers un agent déterminé, le fonctionnement de l’administration ; en revanche, il
revient au juge civil de connaître des actions en responsabilité engagées en raison d’une
faute personnelle.
Elle constitue ensuite un critère de réparation en ce qui concerne la charge de
l’indemnité due aux victimes. Lorsqu’il y a faute de service, c’est à l’administration et à
elle seule qu’incombe la charge de l’indemnité. A l’inverse, lorsqu’il y a faute personnelle,
c’est à l’agent de réparer les conséquences dommageables de son acte sur son propre
patrimoine conformément aux règles de droit commun posées par le Code Civil.
A ce sujet, il nous vient à l’esprit l’arrêt rendu le 26 mai 2005 par la Chambre
Administrative de la Cour Suprême. Il s’agit de l’affaire AKA ETTIEN, ETAT DE COTE
D’IVOIRE contre DAO MAMADOU. Pour indemniser les paysans dont les cultures avaient
été dévastées par des bœufs, le Sous-Préfet AKA ETTIEN avait fait capturer et vendre
des bœufs appartenant à des éleveurs dont monsieur DAO MAMADOU. La Cour d’Appel,
qui estimait que la saisie et la vente pratiquées par le Sous-Préfet étaient illégales, avait
condamné solidairement AKA ETTIEN et l’ETAT DE COTE D’IVOIRE à payer des
dommages et intérêts à monsieur DAO MAMADOU. La Chambre Administrative a cassé
l’arrêt de la Cour d’Appel au motif que la faute commise par AKA ETTIEN n’était pas
détachable de ses fonctions de Sous-préfet, et sur évocation, elle a condamné l’Etat seul,
estimant que la faute du sous-préfet avait été commise dans le cadre strict de ses
fonctions.
31
Il importe de souligner qu’il est difficile de déterminer à priori si la faute d’un
agent public revêt le caractère d’une faute de service ou d’une faute personnelle.
Pour en tenir compte, la jurisprudence a atténué les principes en admettant que
les victimes puissent directement demander réparation à une collectivité publique pour
l’ensemble des dommages causés par ses agents dans le cadre du service ou avec les
moyens du service et ce, quelle que soit la nature de la faute imputable à ces agents.
Cette jurisprudence était d’abord relative à des hypothèses simples où les
dommages résultaient en réalité de la conjonction d’une faute personnelle et une faute
de service (Arrêt ANGUET). Elle s’est ensuite étendue aux cas où la faute unique à
l’origine du dommage n’était pas dépourvue de tout lien avec le service, soit qu’elle ait
été commise à l’occasion du service (arrêt époux Lemonnier), soit même qu’elle ait été
commise en dehors du service, mais avec les moyens de celui-ci. Alors que cette
jurisprudence avait l’avantage de faciliter l’indemnisation et de limiter les effets de la
dualité des ordres de juridiction, elle présentait le risque de favoriser une irresponsabilité
de fait des agents publics à raison des fautes commises dans l’exercice de leurs
fonctions. Il est en effet plus commode pour la victime de mettre en cause la
responsabilité de l’employeur toujours plus solvable, plutôt que d’engager une action à
l’issue aléatoire devant le juge civil.
Alors, par un arrêt d’assemblée du 28 juillet 1951 (LARUELLE) il a été jugé
qu’après avoir été condamnée à indemniser la victime des conséquences dommageables
d’une faute personnelle imputable à l’un de ses agents, l’administration puisse se
retourner contre ce dernier et de mettre à sa charge tout ou partie des sommes versées,
à raison de la part qu’il avait personnellement prise dans la réalisation du dommage.
Ainsi, était réaffirmé le principe fondamental selon lequel il appartient à l’agent qui
a commis une faute personnelle détachable du service de supporter seul sur le plan
financier les conséquences de son acte.
« Symétriquement », un agent condamné par le juge judiciaire à indemniser les
victimes d’une faute de service peut exercer une action récursoire contre son employeur
afin que celui-ci supporte la charge finale de cette indemnisation. Tel fut le cas de
l’affaire jugée par l’arrêt d’Assemblée du 12 avril 2002, affaire Maurice PAPON.
Pendant la seconde guerre mondiale, à la demande et sous l’autorité des forces
d’occupation allemandes, des personnes d’origine juive ont été internées dans la région
de la Gironde avant d’être déportées dans les camps de concentration en Allemagne. A
cet effet, un service spécialement chargé des questions juives était établi au sein de la
Préfecture avec pour mission de tenir un fichier de recensement. Maurice PAPON qui était
alors Secrétaire Général de la Préfecture de Gironde a accepté que ce service soit placé
sous son autorité directe et a veillé personnellement à donner le maximum d’ampleur à
cette opération.
Jugé le 03 avril 1998 par la Cour d’Assises de Gironde, il a été condamné d’une
part à 10 ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité, et
d’autre part, au payement de dommages intérêts. Estimant avoir agi dans l’exercice de
ses fonctions, il a saisi la juridiction administrative à l’effet d’obtenir que l’Etat soit
condamné à le garantir et à le relever de la somme de 4 720 000 francs mise à sa charge
au titre des condamnations.
Dans cette affaire, il a été jugé que les actes posés par Maurice PAPON étaient
constitutifs d’une faute détachable de l’exercice de ses fonctions en raison de leur gravité
exceptionnelle et de leur caractère inexcusable ; il a été toutefois relevé que
l’administration a également commis une faute en facilitant la déportation des juifs par la
mise en place de dispositions spéciales et en donnant des instructions précises à la police
32
en vue de rechercher les personnes d’origine juive ou de confession israélite. Pour ces
motifs, la Cour a décidé d’un partage, entre Maurice PAPON et l’Etat, des condamnations
civiles prononcées.
Etant ainsi au terme de ma modeste contribution aux travaux de ce séminaire, je
voudrais saluer la patience avec laquelle vous m’avez écouté. Je vous remercie.
34
DROITS ET OBLIGATIONS DU FONCTIONNAIRE IVOIRIEN : MODALITES DE MISE EN ŒUVRE DES SANCTIONS DISCIPLINAIRES ET DES VOIES DE RECOURS
Les termes de référence de notre Atelier indiquent que notre pays compte
aujourd’hui un peu plus de 150 000 fonctionnaires et agents publics.
Le personnel utilisé par l’administration comprend d’une part, des agents publics et,
d’autre part, des salariés de droit privé soumis au code du travail et aux conventions
collectives.
Que faut-il entendre par fonctionnaire et agent public ? Tous les agents publics ne
sont pas des fonctionnaires.
Selon l’article 1er de la loi n° 92-570 du 11 novembre 1992 portant statut général
de la Fonction Publique, les fonctionnaires, ce sont les agents publics nommés dans un
emploi permanent et qui ont été titularisés dans un grade de la hiérarchie de
l’administration.
Ils sont soumis au statut général de la Fonction Publique (article 2 du statut
général).
Le fonctionnaire est, vis-à-vis de l’Administration, dans une situation statutaire et
réglementaire, précise l’article 6 du statut général.
Indiquons que certains fonctionnaires ne sont cependant pas soumis au statut général
de la Fonction Publique ; ils font l’objet de statuts particuliers. Ce sont :
- Les magistrats de l’ordre judiciaire ;
- Les personnels militaires ;
- Les personnels de la sûreté nationale ;
- Les membres du corps préfectoral ;
- Les membres du corps diplomatique.
Le thème sera traité à travers, principalement, les dispositions de la loi n° 92-570 du
11 novembre 1992 portant statut général de la Fonction Publique.
Après la présentation des droits et obligations du fonctionnaire ivoirien (1ère Partie)
nous essaierons de relever les modalités de mise en œuvre des sanctions disciplinaires et
des voies de recours (2e Partie).
35
1ère partie
La loi n° 92-590 du 11 novembre 1992 portant statut général de la Fonction
Publique traite en son chapitre V des droits et obligations du fonctionnaire et fait mention
de la liberté d’opinion et d’expression.
La Constitution reconnaît aux fonctionnaires la jouissance de l’ensemble des droits
et libertés accordés à tous les citoyens, sans que la participation au service public n’ait
par principe, à cet égard, d’effet réducteur ou discriminatoire.
Investi d’une fonction publique, le fonctionnaire est titulaire de droits spécifiques
qui lui procurent des avantages et lui assurent une protection dans le cadre de ses
activités.
Il n’en demeure pas moins que le fonctionnaire est tenu par les exigences
supérieures de l’intérêt général, exprimées au niveau des missions du service public ; ces
exigences justifient en fonction du grade et de l’emploi les aménagements apportés à
l’exercice concret de ces droits pour rendre les uns et les autres compatibles. Autrement
dit, le fonctionnaire est tenu d’apporter à leur exercice la mesure que lui impose son
statut.
Le principe généralement admis est qu’il appartient à l’agent public de faire
preuve d’une stricte neutralité dans l’exercice de ses fonctions.
Après l’examen des droits individuels et collectifs et des libertés reconnus au
fonctionnaire ivoirien et des conditions de leur exercice, une place sera réservée au droit
syndical et au droit de grève du fonctionnaire.
I-1 LES DROITS DU FONCTIONNAIRE
I-1.1 Les libertés individuelles du fonctionnaire
Hormis la mesure qu’il est tenu d’apporter à leur exercice, compte tenu de son
statut, le fonctionnaire jouit de l’ensemble des libertés reconnues à tous les citoyens.
Rappelons-les brièvement :
I-1.1.1 La liberté d’opinion :
Son principe est affirmé par l’article 16 du statut général de la fonction publique :
« la liberté d’opinion est reconnue aux fonctionnaires. Aucune distinction ne peut être
faite entre ceux-ci en raison de leurs opinions politiques, philosophiques et religieuses ».
L’opinion politique
Libre de ses opinions politiques, le fonctionnaire peut adhérer au parti de son
choix et y militer. Il ne doit pas en être fait état dans son dossier individuel ou dans des
documents administratifs.
Le fonctionnaire est cependant tenu dans l’exercice de ses fonctions de garder ses
opinions et d’exécuter les directives politiques qu’il reçoit des autorités politiques même
s’il est d’opinion contraire.
LES DROITS ET OBLIGATIONS DU FONCTIONNAIRE
36
L’opinion philosophique et religieuse :
Le fonctionnaire jouit de la liberté de conscience, il ne peut lui être opposé sa
religion ou ses croyances.
I-1.1.2 La liberté d’expression
Libre de ses opinions, le fonctionnaire ne bénéficie du libre exercice des libertés
qui lui sont reconnues en ce domaine qu’en dehors du service et avec la réserve
appropriée du fait qu’il demeure, même dans ce cas, un agent de la fonction publique.
Précisons qu’en matière politique, le fonctionnaire peut s’inscrire dans le parti de
son choix, prendre la parole dans les réunions, participer aux élections comme électeur
ou comme candidat.
Sa carrière de fonctionnaire ne peut être affectée par les opinions exprimées
pendant la campagne électorale.
Si le fonctionnaire est élu à l’occasion d’élections nationales, il est placé d’office en
position de détachement.
En dehors du service, la liberté d’expression du fonctionnaire est limitée par certaines
obligations auxquelles il est tenu :
- Obligation de loyalisme envers les Institutions ;
- Secret professionnel ;
- Devoir de réserve.
Dans le service le fonctionnaire doit s’abstenir de tout acte propre à faire douter de sa
neutralité et de son impartialité.
I-1.1.3 La liberté d’aller et venir ou liberté de circulation
Un des éléments de la liberté individuelle permet à chacun de se déplacer et de se
fixer à son gré au lieu de son choix. Le fonctionnaire est libre de résider où il veut,
pourvu qu’il se présente à l’heure au travail. Cette liberté est toutefois limitée pour
certains fonctionnaires par l’obligation de résidence ; les Préfets, les Sous-préfets, les
Chefs de juridiction sont tenus de résider au lieu où ils exercent leurs fonctions.
Les personnels militaires et paramilitaires astreints à la même obligation ne
peuvent quitter leur garnison sans autorisation.
Les fonctionnaires d’autorité, même en congé, ne peuvent, sans autorisation,
quitter le territoire national.
I-1.1.4 La liberté de la vie privée
Le comportement privé du fonctionnaire ou de son épouse peut avoir des
répercussions fâcheuses sur le service. En cas d’inconduite ou d’exercice d’activités non
compatibles avec les fonctions, l’autorité hiérarchique peut demander au fonctionnaire de
changer de comportement ou de cesser ou faire cesser l’activité sous peine de sanction.
I-1.1.5 La liberté du commerce et de l’industrie
Cette liberté est très limitée pour le fonctionnaire en raison du principe du non
cumul des fonctions.
37
L’article 23 du statut général de la Fonction Publique interdit au fonctionnaire
d’exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce
soit sauf dérogation accordée par décret.
Par dérogation (cf. article 89 décret d’application) à cette règle le fonctionnaire a
le droit de produire des œuvres scientifiques, littéraires et artistiques, et de donner, avec
l’autorisation du Ministre dont il révèle, des enseignements, des consultations ou des avis
en qualité d’expert.
Pour préserver l’indépendance du fonctionnaire, l’article 24 du statut général de la
Fonction Publique lui interdit toute prise d’intérêt, même par personne interposée, dans
les entreprises privées qu’il contrôle ou qui sont en relation avec lui. Cela vaut même
après la sortie du service.
Le statut général de la Fonction Publique reconnaît au fonctionnaire des droits
professionnels, des droits collectifs.
I-1.2 Les droits professionnels
Dans le cadre de ses activités des droits spécifiques sont reconnus au
fonctionnaire.
I-1.2.1 Droit à une protection dans l’exercice des fonctions (art. 19 et 20 du st.gl.)
Dans l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire peut être l’objet d’infractions de
la part des usagers du service (menaces, chantages, violences).
Il lui arrive aussi de causer des dommages à des particuliers.
Les articles 19 et 20 du statut général de la Fonction Publique accordent une
protection particulière aux agents publics et font obligation à l’administration de réparer
le préjudice qui pourrait leur être causé et de répondre de leur action. Ils bénéficient
d’une protection civile et pénale.
I-1.2.2 Droit à des congés et autorisations d’absence
Ce sont pour le fonctionnaire en activité :
Le congé annuel avec traitement d’une durée de 30 jours consécutifs pour une année de
service accompli.
Le fonctionnaire peut souhaiter la date de départ, mais c’est l’Administration qui
fixe librement cette date en tenant compte, dans l’échelonnement des départs, des
nécessités du service.
Les congés de maladies de courte ou de longue durée
En congé de maladie de courte durée le fonctionnaire a droit à l’intégralité de sa
rémunération. (congé maladie de longue durée après six (06) mois avec traitement
intégral pendant six (06) autres mois, puis demi traitement et déclaration d’invalidité
après 36 mois et mise à la retraite d’office avec avis du conseil de santé).
Les congés pour couches et allaitement
Les autorisations spéciales d’absence : avec traitement ou sans traitement.
Représentation syndicale, comité consultatif de la Fonction Publique, Fonction
Publique élective compatible avec l’exercice de l’emploi.
38
Les permissions d’absence pour événements familiaux, à savoir :
Décès d’un ascendant ou d’un descendant en ligne directe (5 jours)
Mariage du fonctionnaire ou de son enfant (2 jours)
Naissance survenue au foyer du fonctionnaire (3 jours)
Le bénéficiaire d’une permission d’absence conserve son traitement. Il faut noter que
l’absence ou le congé court du jour du départ zéro heure au jour du retour à vingt quatre
heures.
I-1.2.3 Droit à la notation, à l’avancement et à la promotion (art. 52 à 59 du st gl)
Le fonctionnaire en activité ou en service détaché a droit à être noté annuellement
par le Ministre ou par le Directeur de l’établissement dont il relève. Il reçoit
communication de la notation et peut former un recours.
Il bénéficie d’avancements et de promotions conformément aux règles fixées par
le statut général, ses décrets d’application et les statuts particuliers.
I-1.2.4 -Droit à la rémunération et certains avantages (art.61 à 63 du st. gl)
Dans le cadre de ses activités, le fonctionnaire perçoit en contrepartie du service
fait une rémunération et bénéficie de divers avantages.
I-1.2.5 -Droit aux garanties disciplinaires (art.75 du st. gl)
Le fonctionnaire qui encourt une sanction disciplinaire a droit à ce que soient
respectées les procédures prescrites en matière disciplinaire par le statut général de la
Fonction Publique.
I-1.2.6 - Droit aux distinctions honorifiques (art.60 st.gl.)
Le fonctionnaire méritant peut recevoir une distinction soit dans les ordres
nationaux soit dans l’ordre du mérite de la Fonction Publique. Il peut se voir décerner le
diplôme d’honneur de la Fonction Publique.
I-1.2.7 - Droit à une pension de retraite (art.84 du statut général)
Lorsqu’il est admis à la retraite le fonctionnaire a droit à une pension de retraite.
I-1.3 Les droits collectifs (art.17 et 18 st.gl.)
Ils résident dans l’exercice du droit syndical (qui constitue un prolongement de la
liberté d’association ou de groupement) et du droit de grève.
Le statut général de la Fonction Publique ivoirien les reconnaît au fonctionnaire en
ses articles 17 (droit syndical) et 18 (droit de grève).
I-1.3.1 Le droit syndical
En raison de la nature de l’activité du fonctionnaire qui participe à l’exécution
d’un service public et de la nécessité de ne pas porter atteinte au bon fonctionnement du
service, il peut paraître plus difficile d’admettre dans la Fonction Publique ce que le Code
du Travail et les Conventions Collectives consacrent pour le privé : le droit des
travailleurs à s’organiser sur le plan syndical et à mener toutes actions et manifestations
y compris la grève pour appuyer leurs revendications.
39
Le statut général de la Fonction Publique reconnaît cependant aux fonctionnaires
le droit de créer librement des organisations syndicales, d’adhérer ou non à un syndicat,
d’y exercer des mandats et de se retirer du syndicat. C’est la liberté syndicale depuis la
disparition du parti unique.
Les syndicats professionnels de fonctionnaires sont soumis au droit commun
syndical tel qu’il est régi pour les travailleurs du secteur privé par le Code du Travail avec
toutefois des particularités quant à leur régime :
- conditions de constitution et composition (fonctionnaires) ;
- objet du syndicat (exclusivement défense des intérêts professionnels) ;
- formalités de constitution (dépôt des statuts et listes des administrateurs ; pas
d’autorisation préalable) ;
- droits reconnus aux syndicats et à leurs représentants : il s’agit du droit de
représenter leurs membres dans la défense de leurs intérêts collectifs et de
certaines facilités accordées à leurs dirigeants pour leur permettre de mener à
bien leur mission ;
- droit d’ester en justice : ils peuvent se pourvoir contre les actes réglementaires
concernant le statut du personnel et contre les décisions individuelles et
collectives portant atteinte aux intérêts collectifs des fonctionnaires ;
- participation à la désignation des membres des organes consultatifs de la Fonction
Publique ;
- facilité pour l’organisation des réunions, autorisations spéciales pour assister aux
congrès syndicaux ou aux réunions des organes directeurs.
I-1.3.2 Le droit de grève des fonctionnaires
Liberté fondamentale, le statut général de la Fonction Publique reconnaît en son
article 18 le droit de grève aux fonctionnaires pour la défense de leurs intérêts individuels
et collectifs.
Ce droit s’exerce dans le cadre défini par la loi n°92-571 du 11 Septembre 1992
relative aux modalités de la grève dans les services publics.
Rappelons que la grève est l’interruption partielle ou complète du travail, de
manière concertée, motivée par la volonté d’un groupe de fonctionnaires de porter
atteinte à l’exécution d’un service public pour la satisfaction de revendications
professionnelles.
Retenons la licéité du droit de grève depuis l’Arrêt Dehaene (CE. 7 juillet 1950),
mais notons que sont illicites les grèves poursuivies dans un but politique ou en signe de
solidarité avec d’autres fonctionnaires en grève.
La procédure à suivre en cas de grève dans les services publics est définie par la
loi :
- préliminaire de conciliation ;
- préavis de grève (6 jours ouvrables avant) ;
- obligation des grévistes d’assurer un service minimum, d’observer l’obligation de
réserve et de libérer les locaux.
Il faut relever que des limitations peuvent être apportées au droit de grève du fait
de la loi ou du Gouvernement.
Des dispositions légales interdisent le droit de grève à certaines catégories de
fonctionnaires en raison de la nature particulière de leurs fonctions. Il en est ainsi :
- des magistrats - art.16 de la loi n°78.662 du 4 Septembre 1978;
- des personnels de la Sûreté Nationale ;
40
- des personnels de l’Administration Pénitentiaire.
La violation de cette interdiction constitue une faute justifiant une sanction
disciplinaire pouvant aller jusqu’à la révocation du fonctionnaire.
Le Gouvernement est en droit, non seulement de limiter par avance, mais encore
d’interdire une grève lorsque celle-ci risque de porter une atteinte grave à l’ordre public,
à la sécurité des personnes ou à l’action gouvernementale.
L’interprétation et l’application du droit de grève au milieu de la Fonction Publique ont
donné lieu en France à des interventions jurisprudentielles abondantes et intéressantes
du Conseil d’Etat depuis l’arrêt Dehaene du 7 juillet 1950.
I.2 LES OBLIGATIONS DU FONCTIONNAIRE
En sa qualité d’agent public, le fonctionnaire est assujetti à de nombreuses
obligations qui forment la contrepartie des droits et libertés qui lui sont corrélativement
reconnus et garantis.
Ces obligations font partie intégrante de la situation statutaire et réglementaire
qui caractérise la fonction publique de carrière, et constitue un élément essentiel du
régime de droit public en ce qu’elles confèrent à l’administration, dans l’intérêt du
service, des prérogatives unilatérales (qui en sont la traduction juridique).
Que ce soit donc dans l’exercice de ses fonctions ou en dehors du service, le
fonctionnaire est tenu à un certain nombre d’obligations.
I-2.1 Les obligations dans le service
I-2.1.1 Obligation d’assurer le service. (art. 23 du st général de la F P)
La première obligation du fonctionnaire est d’assurer son service avec loyauté,
dignité, intégrité et dévouement, et de consacrer son activité à l’Administration.
Il doit occuper l’emploi dans lequel il a été nommé et remplir personnellement les
tâches qui en découlent.
Tout refus de rejoindre son poste d’affectation, toute absence prolongée de son
service sans autorisation constituent un abandon de poste et peut entraîner la
suspension du traitement et même le licenciement.
Le non respect de cette obligation a été sanctionné dans l’arrêt n°6 du 15 mars
1989, NEA Gahou Maurice contre Ministre de la fonction publique.
Le fonctionnaire ne peut cumuler son activité avec une activité privée lucrative.
I-2.1.2 Obligation d’obéissance hiérarchique (art. 28 statut général)
C’est la contrepartie du pouvoir d’orientation et d’instruction qui appartient aux
autorités compétentes aux différents niveaux de la pyramide administrative.
Elle fait obligation au fonctionnaire de se conformer aux instructions de celui qui
exerce dans son service le pouvoir hiérarchique.
Il est tenu d’obéir aux ordres de son supérieur hiérarchique, sauf si l’ordre donné
est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement le fonctionnement
41
d’un service public ou un intérêt public ou s’il porte atteinte aux droits légitimes du
fonctionnaire lui même, à son statut ou au bon déroulement de sa carrière.
I-2.1.3 Obligation de respecter les règles de la morale professionnelle
La fonction Publique a ses règles de déontologie que le fonctionnaire est tenu de
respecter.
I-2.1.4 Obligation de probité et de désintéressement
Cette obligation interdit au fonctionnaire d’utiliser sa fonction à des fins d’intérêt
personnel ; de prendre, par lui même ou par personne interposée dans une entreprise
soumise au contrôle ou en relation avec son Administration, des intérêts de nature à
compromettre son indépendance.
Le trafic d’influence, la corruption et la concussion sont sévèrement réprimés.
I-2.1.5 Obligation de secret professionnel (art. 26 statut général)
Le fonctionnaire est astreint au secret professionnel dans le cadre des règles
instituées par le code pénal.
Le secret concerne les faits et informations dont il a connaissance à l’occasion de
ses fonctions.
Les détournements de documents ou leur communication sont interdits.
I-2.2 Les obligations en dehors du service (art. 26 statut général)
En dehors du service le fonctionnaire est tenu à une obligation de discrétion
professionnelle et à une obligation de réserve.
I-2.2.1 L’obligation de discrétion consiste pour le fonctionnaire, lorsqu’il se trouve
hors du service, à ne pas divulguer des faits et informations dont il a eu connaissance à
l’occasion de l’exercice de ses fonctions.
En dehors des cas expressément prévus par les textes en vigueur, le fonctionnaire
ne peut être délié de cette obligation de discrétion professionnelle que par décision
expresse du Ministre dont il relève.
I-2.2.2 L’obligation de réserve impose au fonctionnaire d’avoir un comportement
qui ne soit pas de nature à jeter le discrédit sur la fonction, et de ne pas faire
publiquement des déclarations critiques à l’égard de son service.
En raison donc des responsabilités qu’il assume, de son rang dans la hiérarchie et
de la nature de ses fonctions, le fonctionnaire peut être astreint à cette obligation.
Notons toutefois qu’aux termes de l’article 27 du statut général de la Fonction
Publique, le fonctionnaire a le devoir de satisfaire aux demandes d’informations du public
dans le respect de ces règles.
La mise en jeu de la responsabilité des agents publics, permet conjointement, ou
alternativement (au gré de l’autorité hiérarchique), de faire supporter par ceux-ci les
conséquences dommageables que peut avoir leur comportement, fautif ou non, aussi
bien sur l’Administration que sur les tiers (sous réserve, dans la seconde hypothèse, de
la protection que le statut général impose à l’Administration d’assurer à l’agent, en cas
de responsabilité civile).
42
Le respect des obligations auxquelles le fonctionnaire est tenu est parallèlement
aménagé par un régime de sanctions disciplinaires prévu par le statut général de la
fonction publique.
Par les garanties qui s’y attachent pour le fonctionnaire, le régime disciplinaire
revêt une importance essentielle.
2ème partie
Le fondement légal du régime disciplinaire réside dans les dispositions du statut
général de la Fonction Publique qui en déterminent l’objet, le contenu et les modalités.
La notion de faute est au centre de l’action disciplinaire et justifie la mise en jeu
d’une forme de responsabilité du fonctionnaire vis-à-vis de l’Administration
principalement.
La répression disciplinaire est différente de la poursuite pénale qui vise à punir le
coupable d’une peine d’emprisonnement ou d’amende.
Il en résulte que pour certains faits, le fonctionnaire peut se voir infliger,
contrairement à la règle ‘‘non bis in idem’’, deux condamnations, l’une pénale, l’autre
disciplinaire.
En raison de son caractère particulier, la répression disciplinaire est assortie de
garanties spéciales qui profitent à tous les fonctionnaires quelle que soit leur fonction.
Le pouvoir disciplinaire fait notamment l’objet d’un contrôle juridictionnel.
Avant d’examiner comment s’exerce la répression disciplinaire(II) voyons d’abord
quelles sont les fautes disciplinaires et les sanctions qui peuvent leur être appliquées(I).
Il importera de se demander aussi de quels moyens dispose le fonctionnaire pour
obtenir l’annulation de la sanction disciplinaire prononcée contre lui, en d’autres termes
quelles sont ses voies de recours (III).
I Ŕ Faute disciplinaire et sanctions disciplinaires
I-1. La faute disciplinaire
Alors que le statut général de la fonction publique fait une détermination précise
et limitative des sanctions, il ne définit pas la faute disciplinaire, de même il ne procède
pas à une énumération des fautes qui exposent le fonctionnaire à une sanction
disciplinaire.
Selon l’article 73 de ce statut : « toute faute commise par un fonctionnaire
dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une
sanction disciplinaire, sans préjudice le cas échéant des peines prévues par la
loi pénale ».
L’appréciation de la faute disciplinaire est laissée à la seule autorité de
nomination.
LE REGIME DISCIPLINAIRE
43
Toutefois, la jurisprudence sanctionne l’erreur manifeste d’appréciation ou la
disproportion trop grande entre la faute et la sanction. (Confère : arrêt NEA Gahou
Maurice contre Ministre de la fonction publique du 15 mars 1989).
L’action disciplinaire se distingue ainsi de la répression pénale.
Contenu de la faute disciplinaire :
La faute disciplinaire consiste en des manquements aux obligations statutaires du
fonctionnaire :
- mauvais comportement général du fonctionnaire ;
- actes répréhensibles commis par le fonctionnaire ;
- comportement privé répréhensible du fonctionnaire.
constatation de la faute disciplinaire :
L’Administration apprécie librement les manquements qui constituent à ses
yeux des fautes professionnelles. Mais cette appréciation n’est pas discrétionnaire.
Elle est faite sous le contrôle de la Chambre Administrative de la Cour Suprême
qui, lorsqu’elle est saisie, vérifie s’il n’y a pas eu de détournement de pouvoir de
la part de l’autorité qui a prononcé la sanction. (Les agissements reprochés
étaient-ils ou non de nature à justifier la sanction. Exemple : faits matériellement
inexacts).
Il arrive que la faute disciplinaire commise par le fonctionnaire soit en
même temps une faute pénale relevant des tribunaux répressifs (ex. délits de
détournement de deniers publics).
La constatation par le juge pénal de l’existence ou de l’inexistence des faits
s’impose à l’Administration.
I-2 Les sanctions disciplinaires
I-2.1 Liste des sanctions disciplinaires
Le statut général de la Fonction Publique donne, en son article 74, la liste
précise des sanctions disciplinaires encourues par le fonctionnaire qui sont
classées dans un ordre de gravité croissant en deux catégories : sanctions du
premier degré et sanctions du second degré.
I-2.1.1 Les sanctions du premier degré sont :
- l’avertissement ;
- le blâme ;
- le déplacement d’office ;
Ce sont les moins graves.
I-2.1.2 Les sanctions du second degré, les plus graves, parce qu’elles peuvent
avoir des répercussions importantes sur la carrière du fonctionnaire.
Ce sont :
- la radiation du tableau d’avancement qui a pour objet de priver le
fonctionnaire d’une possibilité d’avancement. Sa durée est limitée à l’année
pour laquelle le tableau d’avancement est en vigueur ;
- la réduction du traitement dans la proportion de 25% et pour une durée ne
pouvant excéder 30 jours ;
- l’exclusion temporaire pour une durée ne pouvant excéder six mois.
44
Elle entraîne, pour la même durée, la privation du traitement, mais pas des
allocations familiales.
A l’expiration de la période d’exclusion le fonctionnaire est immédiatement
réintégré dans un emploi de son grade.
- L’abaissement d’échelon qui a pour effet de ralentir l’avancement du
fonctionnaire et de réduire sa rémunération ;
- L’abaissement de classe qui fait perdre au fonctionnaire le bénéfice de
l’avancement au choix déjà acquis et entraîne une baisse de sa rémunération ;
- La révocation avec ou sans suspension des droits à pension : c’est la sanction
extrême.
Deux principes essentiels gouvernent les sanctions disciplinaires :
- Pas de sanction disciplinaire sans texte ;
- Pas de double sanction pour une même faute ;
En vertu du premier principe, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire ne peut
infliger au fonctionnaire que les seules sanctions prévues par la loi.
Selon le second principe, les sanctions disciplinaires ne peuvent se cumuler. Les
mêmes faits ne peuvent donner lieu à plusieurs sanctions disciplinaires en même temps
ou successivement. La règle ‘‘non bis in idem’’ retrouve ici toute sa portée. La
jurisprudence de la Chambre administrative l’illustre avec notamment l’arrêt SAÏ Doua
Pascal du 30 juin 1999.
I-2.2 Autorité disciplinaire
Quelle est l’autorité administrative compétente pour prononcer une sanction
disciplinaire ?
C’est l’autorité investie du pouvoir de nomination qui doit avoir la qualité
d’autorité disciplinaire. Aux termes de l’article 46 de la Constitution « le Président de la
république est le chef de l’administration ». A ce titre, il a le pouvoir de nommer aux
emplois civils et militaires, mais peut, en vertu de l’article 53 alinéa 1, déléguer ce
pouvoir à un ministre.
C’est ce qui est fait au profit du Ministre de la Fonction Publique qui n’a pas de
pouvoir de nomination propre. Ainsi, selon l’article 75 du statut général de la Fonction
Publique, le pouvoir disciplinaire appartient au Ministre chargé de la Fonction Publique.
Toutefois, les sanctions du premier degré sont prononcées par le Ministre dont
relève le fonctionnaire, le Préfet ou le Directeur de l’Etablissement public qui l’emploie.
Le Ministre de la Fonction Publique a seul compétence pour prononcer les
sanctions du second degré sur saisine du Ministre Technique ou du Directeur de
l’établissement public.
Avant de prononcer la sanction, le Ministre de la Fonction Publique est tenu de
consulter le Conseil de discipline, organisme chargé de l’assister, mais dont l’avis ne le lie
pas.
Il convient d’observer l’absence de juridictionnalisation du régime disciplinaire.
45
Le fait de confier la répression disciplinaire à l’autorité hiérarchique exclut toute
idée de juridictionnalisation de celle-ci, comme ça peut être le cas dans d’autres
systèmes juridiques ; les juridictions de droit commun ou spécialisées n’ont pas à en
connaître à titre principal, et il n’appartient pas au juge de jouer un rôle dans le
déclenchement ou dans le déroulement de la procédure aboutissant au prononcé de la
sanction exclusivement administrative.
Le juge peut néanmoins retrouver son rôle à posteriori dans le cadre du contrôle
de la régularité du déroulement de la procédure et de celui de la sanction infligée.
L’agent est, à tout moment, normalement en mesure de déclencher un contrôle de
légalité de toutes décisions administratives intervenues dans le cadre ou au cours de
l’action disciplinaire.
I-2.3 Le conseil de discipline
Régi par les dispositions du titre IV (articles 120 à 135) du décret n° 93-607 du 2
juillet 1993 portant modalités communes d’application du statut général de la Fonction
Publique, le Conseil de Discipline a une compétence consultative pour :
- les sanctions disciplinaires du second degré ;
- l’examen des demandes de retrait de sanctions disciplinaires conformément
aux dispositions de l’article 30 alinéa 2 du statut général de la Fonction
Publique.
II Ŕ LA PROCEDURE DISCIPLINAIRE
La procédure de sanction des fautes obéit à des modalités particulières
caractéristiques du régime disciplinaire dont l’objet répond à la double exigence de la
satisfaction de l’intérêt du service et de la protection des droits des fonctionnaires.
II.1 Les garanties disciplinaires (art.75 du st.gl)
Garanties disciplinaires
La procédure qui conduit à la prise de la sanction disciplinaire se caractérise par
l’existence de règles obligatoires que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire doit
observer.
Ces règles sont l’application du principe général de respect des droits de la
défense.
En vertu de ce principe traduit dans l’article 75 du statut général, l’autorité
investie du pouvoir disciplinaire a l’obligation avant toute décision de sanction :
- de recueillir les explications écrites du fonctionnaire ;
- de lui communiquer son dossier individuel ;
- de consulter le Conseil de Discipline.
Mais ces garanties ne s’appliquent pas lorsque le fonctionnaire est considéré
comme s’étant placé lui-même en dehors des lois et règlements (abandon de poste, refus
de rejoindre son poste d’affectation, participation à une grève illicite).
Le déroulement, proprement dit de la procédure, peut faire intervenir des
mécanismes plus ou moins complexes.
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Elle peut conduire à la suspension du fonctionnaire qui ne constitue pas elle-même
une sanction, mais a un but essentiellement conservatoire.
Principes applicables au déroulement de la procédure disciplinaire
Au nombre des principes applicables à la procédure, il faut relever le caractère
contradictoire et dire qu’il s’agit :
- d’établir les éléments matériels d’une faute,
- d’en qualifier la portée,
- d’en déterminer l’imputabilité,
-
- de donner à son auteur les moyens de s’en expliquer et d’assurer sa défense,
- de rechercher l’influence que les circonstances ont pu avoir sur la nature et les
conséquences de la faute,
- enfin de la sanctionner en considération de sa gravité et en application des
pénalités mises à la disposition de l’autorité compétente.
II.2 – Procédure en cas de sanction du premier degré
Aux termes de l’article 75 alinéa 2 du statut général de la Fonction Publique, les
sanctions du premier degré, réputées les moins graves, sont prises :
- sans communication du dossier,
- sans consultation du conseil de discipline.
L’autorité disciplinaire, à savoir le Ministre Technique, le Préfet ou le Directeur de
l’Etablissement Public utilisateur, doit demander et obtenir de l’agent (à l’initiative du
supérieur hiérarchique) une explication écrite sur les faits qui lui sont reprochés avant le
prononcé de toute sanction disciplinaire du premier degré.
La demande d’explication doit être écrite ; la réponse de l’agent également. Et
cette formalité doit être faite avant la prise de la décision de sanction.
Si ces conditions ne sont pas remplies, la sanction est illégale et l’agent pourrait
saisir la Chambre Administrative de la Cour Suprême afin d’obtenir l’annulation de la
décision pour vice de forme et de procédure.
S’il a l’intention d’infliger une sanction du second degré, le Ministre Technique doit
saisir le Ministre de la Fonction Publique.
II-3 Procédure en cas de sanction du second degré
La procédure est engagée par la demande d’explication écrite adressée au
fonctionnaire par l’autorité hiérarchique.
Avant le prononcé d’une sanction du second degré, la loi oblige l’autorité
disciplinaire (le Ministre de la Fonction Publique) :
- à communiquer à l’agent incriminé son dossier individuel et tous documents
annexes ;
47
- à saisir le Conseil de Discipline pour lui demander son avis sur la sanction à
prendre.
II-3.1 Consultation du Conseil de Discipline
Composition du Conseil de Discipline
Le Conseil de discipline compte au minimum six membres, au maximum neuf dont
un Président et deux Vice-présidents.
Les membres sont nommés par décret en Conseil des ministres sur proposition du
Ministre chargé de la Fonction Publique.
Seuls peuvent être nommés membres du Conseil de Discipline les fonctionnaires
de la catégorie A classés dans les grades A3 à A7, qui n’ont jamais fait l’objet d’une
sanction disciplinaire et contre lesquels aucune procédure disciplinaire n’est en suspens.
La formation disciplinaire est composée d’un Président assisté de deux assesseurs
membres du Conseil de Discipline dont le conseiller rapporteur.
Elle est présidée soit par le Président lui-même, soit par l’un des vice-présidents et
assistée par le secrétariat du Conseil de Discipline.
Saisine du Conseil de Discipline
Dès qu’il est saisi, le Ministre de la Fonction Publique ouvre la procédure par un
arrêté déférant le fonctionnaire devant le Conseil de Discipline.
Le Conseil de Discipline est saisi sur la base du rapport du Ministre technique
indiquant clairement les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été
commis.
Le Président du Conseil de Discipline désigne les membres appelés à siéger ainsi que
le Conseiller rapporteur chargé de l’instruction du dossier.
Le Conseiller rapporteur dispose de tous pouvoirs d’investigations pour éclairer le
Conseil.
Le fonctionnaire peut récuser un membre de la formation disciplinaire qui peut être
modifiée, s’il y a lieu.
Un agent sanctionné sur la base d’un avis du Conseil de discipline dont l’un des
membres ne remplit pas les conditions requises peut en demander l’annulation pour vice
de forme.
La saisine du Conseil de discipline étant obligatoire avant le prononcé de toute
sanction du second degré, le non respect de cette formalité entraîne la nullité de la
sanction pour vice de forme et de procédure.
II-3.2 Communication du dossier individuel
Aussitôt l’action disciplinaire engagée devant le Conseil de Discipline, l’agent
poursuivi a droit d’obtenir la communication de l’intégralité de son dossier et de tous les
faits qui lui sont reprochés afin qu’il soit en situation de formuler toutes les observations
qu’il jugera utiles, et puisse organiser sa défense.
48
Si cette condition n’est pas remplie, la procédure est tenue pour irrégulière. Ce
qui est illustré par l’arrêt n°132 du 25 Juillet 2001, LOUA Zomi contre Ministère de
l’Emploi et de la Fonction Publique.
Le défaut de communication préalable du dossier à l’agent incriminé avant le
prononcé d’une sanction du second degré entraîne l’annulation de la sanction pour vice
de forme et de procédure.
La communication du dossier n’est pas exigée en cas d’abandon de poste (sauf si
l’abandon trouve son origine dans une maladie de l’agent) ou lorsque l’agent a été exclu
du service du fait d’une sanction pénale.
II-3.3 Procédure devant le Conseil de Discipline
Lorsqu’il estime ses investigations achevées, le Conseiller rapporteur établit un
rapport qui est présenté au cours de la réunion de la formation disciplinaire du Conseil
dont le Président fixe la date qui est portée à la connaissance du Ministre ou du Directeur
de l’Etablissement, du fonctionnaire et des témoins éventuels, huit jours au moins avant
le jour fixé.
Si le fonctionnaire ne répond pas à la convocation ou ne se fait pas représenter,
s’il néglige ou refuse de prendre connaissance de son dossier, le Conseil de discipline en
prend acte et délibère valablement.
Lors de l’évocation de l’affaire, le Conseil de discipline entend sur la matérialité
des faits :
- le Conseiller rapporteur ;
- le fonctionnaire avec ou sans l’assistance d’un défenseur de son choix ;
- le représentant de l’administration ;
- les témoins éventuels des parties ;
Le Conseil écoute ensuite les propositions de sanction du représentant de
l’autorité hiérarchique et l’intervention du fonctionnaire ou de son conseil.
Il peut ordonner une enquête complémentaire s’il y’a lieu.
Lorsque les débats sont clos, les membres du Conseil se retirent pour délibérer et
préparer l’avis à soumettre au Ministre chargé de la Fonction Publique.
II-3.4 La décision de sanction du second degré
L’avis du Conseil de Discipline ne lie pas le Ministre de la Fonction Publique. Il peut
en décider autrement, mais sa décision doit être motivée.
Il décide de la sanction du second degré à infliger au fonctionnaire.
S’il estime qu’une sanction du premier degré doit être appliquée aux faits
reprochés au fonctionnaire, il transmet en retour le dossier au Ministre technique ou au
Directeur de l’Etablissement public pour la prononcer.
Lorsque la procédure doit aboutir à une décision de révocation, eu égard à
l’importance et aux conséquences sociales qui s’y rattachent, le Ministre de la Fonction
Publique est tenu de soumettre le dossier personnellement au chef de l’Etat et avant
toute décision (cf. circulaire présidentielle n° 497/PR/CAB du 22 février 1978). La
49
décision de révocation n’est prise qu’après l’accord marqué par le Président de la
République.
Il est rare que la proposition du Ministre de la Fonction Publique ne soit pas
entérinée.
La décision de sanction du second degré est notifiée au fonctionnaire.
Il importe qu’au terme de la procédure, l’agent puisse disposer de recours lui
permettant de remettre en cause les sanctions qu’il estime irrégulières, surtout
lorsqu’elles ont des effets négatifs sur sa carrière.
II.4 – La suspension, mesure conservatoire (art.77 du st.gl.)
Selon l’article 77 de la loi portant statut général de la Fonction Publique, « en
cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un
manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit
commun, l’auteur de cette faute peut être immédiatement suspendu… ».
Conséquence d’une faute disciplinaire ou d’une faute pénale la décision de
suspension n’est pas une sanction disciplinaire. Il s’agit d’une mesure administrative
provisoire prise afin d’éviter les conséquences fâcheuses du maintien en fonction d’un
fonctionnaire sur lequel plane une suspicion.
La situation du fonctionnaire suspendu doit notamment être définitivement réglée
dans un délai de trois mois.
Le non respect des procédures applicables en matière de suspension en font
parfois une sanction déguisée.
En cas de violation grave des textes, le fonctionnaire n’est pas dépourvu de protection ni
de recours.
III - LES VOIES DE RECOURS
De quelles voies de recours dispose le fonctionnaire victime d’une sanction
disciplinaire qu’il juge injustifiée ou prise par une autorité incompétente ? A qui peut-il se
plaindre ? Que doit-il faire ?
L’agent dispose de deux possibilités pour obtenir l’annulation de la sanction dont il
est victime : le recours administratif et le recours juridictionnel ou recours contentieux.
III-1 Le recours administratif
Le fonctionnaire, qui estime avoir été injustement sanctionné par une autorité,
peut introduire un recours administratif auprès de l’auteur de la décision ou son supérieur
hiérarchique. Il doit demander par écrit :
- soit à l’auteur de la décision de sanction de la retirer ou de la reformer. C’est
le recours gracieux ;
- soit au supérieur hiérarchique de l’auteur de la décision de l’annuler, la
réformer, l’abroger, la suspendre ; c’est le recours hiérarchique.
Ce recours administratif préalable est obligatoire si l’agent souhaite porter l’affaire
devant la Chambre Administrative.
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III-1.1 Effets du recours administratif
Le recours administratif a pour effet :
1. soit d’obtenir le réexamen de la décision contestée et d’en obtenir le retrait ou
l’annulation ;
2. soit de faire prendre par l’auteur de la décision une décision de rejet des
prétentions du fonctionnaire, laquelle va permettre d’ouvrir la voie du recours
juridictionnel devant la juridiction administrative.
Le silence gardé pendant quatre mois après que soit formé un recours administratif
équivaut à un rejet implicite de la demande.
III.1.2 Conditions du recours administratif préalable
Le recours administratif n’est soumis à aucune forme spéciale (simple lettre
signée par l’intéressé), mais doit être précise et ne pas se contenter de formuler un
vague souhait.
La loi impose en outre au fonctionnaire un délai pour le faire : ce délai est de deux
mois à compter de la notification de la décision.
En cas de rejet ou de silence pendant 4 mois, le fonctionnaire sanctionné peut
décider soit d’arrêter les démarches et accepter la sanction, soit de saisir les juridictions
afin d’obtenir :
- Soit l’annulation de la décision ;
- Soit la réparation du préjudice, du dommage que lui a causé cette
sanction.
III-2 - Les recours contentieux ou juridictionnels
Les recours juridictionnels sont de deux ordres :
- le recours en annulation pour excès de pouvoir ;
- le recours de plein contentieux.
III-2.1 Le recours en annulation d’une sanction disciplinaire devant
la Chambre Administrative de la Cour Suprême
Avant de se prononcer sur le contrôle de la Chambre Administrative et ses limites,
il importe de présenter les obligations du requérant.
Obligations du requérant
Recours administratif préalable
Le requérant doit, comme on l’a vu, faire un recours administratif préalable.
Le non respect de cette formalité obligatoire entraîne automatiquement le
rejet de la requête de l’agent devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême.
51
De nombreuses requêtes ont fait l’objet de rejet dans ce sens, notamment dans
les affaires.
- IBRAHIM TIENE c/ MFP (15 décembre 1969)
- LATTE KOLASSE c/ MFP (27 février 1974)
- DACAUD OPELI c/ MFP (15 décembre 1969)
- DAME LLEVOT c/ MFP (30 juin 1974).
Respect des délais
Le délai de saisine de la Chambre Administrative par le requérant est de
deux mois. Le début de computation de ce délai peut présenter deux cas de
figure.
1e cas de figure :
L’auteur de la décision ou son supérieur hiérarchique répond, fait connaître
sa décision avant quatre mois et qu’elle ne satisfait pas l’agent, ce dernier dispose
de deux mois à partir du jour où la décision négative lui a été notifiée pour saisir
la Chambre Administrative de la Cour Suprême.
Passé ce délai de deux mois, la sanction sera considérée comme définitive
et l’agent ne pourra plus la contester.
2e cas de figure :
L’auteur de la décision ou son supérieur hiérarchique ne répond pas à la
demande, garde silence pendant quatre mois (à compter du jour de la réception
de la demande de l’agent), le droit administratif ivoirien considère qu’il s’agit d’un
rejet implicite de leur part : ce silence équivaut à une décision de rejet. L’agent a,
à nouveau, à la fin de ce quatrième mois, un autre délai de deux mois pour saisir
la Chambre Administrative de la Cour Suprême.
Passé ce délai, il est forclos c'est-à-dire qu’il ne pourra plus contester la
légalité de la sanction dont il est victime. (cf. affaire BOGUI AKA Antoine contre
Ministre de la Fonction Publique – 24 avril 1974).
Au delà de ces deux cas de figure, si avant la réponse de l’auteur de la
sanction ou du supérieur hiérarchique dans le délai de quatre mois, l’agent forme
sa requête, celle-ci sera rejetée par la Chambre Administrative pour recours
prématuré. (cf. affaire N’SAN YAPI Celestin contre Ministre des PTT- 1er avril
1964).
- Forme et contenu de la requête
L’agent doit produire à l’appui de sa requête :
- La décision de sanction qu’il conteste ;
- La preuve du recours administratif préalable (réponse ou preuve de
dépôt) ;
La requête de l’agent doit contenir en outre :
- Ses nom, profession et domicile ;
- L’objet de sa demande ;
- L’exposé sommaire des moyens qu’il invoque (textes sur lesquels il se fonde) ;
- La liste des pièces dont il entend se servir ;
52
- L’indication de la décision attaquée ;
- Sa signature.
- Moyens d’annulation
L’agent peut invoquer comme moyens d’annulation :
- L’incompétence de l’auteur de la sanction,
- Le vice de forme et de procédure,
- La violation de la loi et le détournement de pouvoir.
Contrôle de la Chambre Administrative et ses limites
La Chambre Administrative va vérifier :
1. si l’auteur de la sanction a bien compétence pour le faire;
(affaire SAÏ DOUA PASCAL C/MEFP-arrêt n°17 du 30 juin 1999)
2. si la demande d’explication écrite a bel et bien été adressée à l’agent avant
le prononcé de la sanction : (affaire LOUA ZOMI C/MEFP-arrêt n°132 du
25 juillet 2001)
La Chambre Administrative considère que l’absence d’une demande
d’explication écrite peut être suppléée par l’audition du fonctionnaire
devant le Conseil de Discipline. (arrêt KOUAKOU N’GUESSAN n° 8 du 28
avril 1999).
3. si le fonctionnaire a eu communication de son dossier individuel en cas de
sanction du second degré :
La Chambre Administrative considère qu’il s’agit d’une formalité
substantielle qui permet à tout fonctionnaire de connaître les raisons pour
lesquelles il est poursuivi et présenter sa défense (arrêt DIGBEU GOZE
Albert n° 16 du 4 novembre 2000)
4. si les faits reprochés à l’agent ont matériellement existé et s’ils constituent
juridiquement une faute disciplinaire, c'est-à-dire un manquement de
l’agent à ses obligations professionnelles (affaire Docteur SOUME BI
KACOU MAURICE C/MFPE arrêt n°13 du 28 janvier 1998).
L’abondance du contentieux disciplinaire conduit à se demander, en l’absence d’un
barème de fautes et de sanctions, si toute faute peut entraîner n’importe qu’elle
sanction.
Dans sa position initiale la Chambre ne contrôlait pas le caractère excessif de la
sanction prise par rapport à la gravité de la faute commise par l’agent. Elle considérait en
effet que l’autorité disciplinaire dispose dans ce domaine d’un pouvoir discrétionnaire
pour apprécier si un fait donné présente un caractère suffisamment répréhensible pour
justifier une sanction disciplinaire. Elle se contentait de vérifier l’existence d’une faute
sanctionnée par la loi.
La Chambre Administrative se réservait seulement le droit de vérifier si les faits
reprochés à l’agent ont réellement existé, s’ils sont établis (affaire ‘‘BY Jules c/ Ministre
des Travaux publics’’ – 20 février 1963 ; Affaire KORE GBOAGNON Raphaël arrêt n° 7 du
26 février 1992).
Dans l’arrêt NEA GAHOU Maurice c/ MFP (arrêt n° 6 du 15 mars 1989), la Cour a
procédé à un triple contrôle :
- l’existence de la faute ;
53
- l’appréciation faite par l’administration en précisant ce qu’il faut
entendre par ‘‘refus de rejoindre son poste ’’ ;
- l’adéquation de la sanction avec le degré de gravité de la faute.
Après la vérification de la légalité de la décision attaquée la Chambre
Administrative peut prendre une des décisions suivantes :
- déclarer la requête irrecevable, pour des motifs de procédure (absence de
recours administratif préalable, non respect des délais) :
l’agent peut intenter un nouveau recours si les conditions de recevabilité sont
réunies ;
- rejeter la requête comme non fondée : aucun nouveau recours ne pourra être
exercé.
- faire droit à la requête et annuler la décision de sanction :
La Cour peut décider d’annuler l’acte soit en totalité soit en partie. Si elle le fait,
elle doit se borner à l’annulation. Elle ne peut décider d’autres mesures ou ordonner à
l’administration de les prendre (ex. réintégrer le fonctionnaire dans son emploi).
Il existe de nombreux exemples de décisions dans lesquelles la Chambre
Administrative de la Cour Suprême a annulé des sanctions disciplinaires :
- Affaire DIBI YAO Georges -1er avril 1964.
- Affaire TAPE ZAGBRE c/ MFP – 15 décembre 1969.
- Affaire DIGBEU GOZE Albert n° 16 du 4 novembre 2000
- Affaire GOA OHOUSSOU BENJAMIN c/Ministère de la sécurité n° 22 du 31 mai
2006.
Une décision de sanction annulée est supposée n’avoir jamais été prise et ne peut
produire aucun effet.
Elle ne peut plus être exécutée. L’administration et les supérieurs hiérarchiques de
l’agent sont obligés d’en tenir compte et, de leur propre initiative, prendre les mesures
administratives nécessaires pour faire disparaître la sanction et ses effets passés et à
venir (ex. : supprimer la mention de blâme du dossier, réintégrer le fonctionnaire évincé
à son poste etc.).
III -2.2 Le recours en réparation ou en dommages et intérêts devant le Tribunal de
Première Instance
L’Administration est, en principe, tenue de réparer le préjudice qu’elle cause par
sa faute à un quelconque de ses agents.
Le fonctionnaire, qui a subi un préjudice du fait d’une sanction qu’il estime
illégale, peut exercer un recours ordinaire de pleine juridiction devant le Tribunal de
Première Instance ou la Section de Tribunal de son lieu d’affectation, en appel devant la
Cour d’Appel et en cassation devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême.
Dans cette hypothèse l’agent doit se faire assister par un avocat en demandant au
besoin une assistance judiciaire.
Mais, la question se pose de savoir si ces décisions juridictionnelles sont
exécutées. Autrement dit, y a-t-il des limites au contrôle juridictionnel des décisions de
sanctions disciplinaires ?
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III -2.3 Les limites du contrôle juridictionnel des décisions de sanctions
disciplinaires en Côte d’Ivoire
Le juge administratif n’a pas de pouvoir d’injonction. L’exécution des décisions de
justice par l’Administration ivoirienne relève souvent de la ‘‘croix et de la bannière’’.
Leur efficacité demeure donc souvent incertaine, d’où la gravité de la question
surtout en matière de contentieux disciplinaire.
La question des limites du contrôle juridictionnel et notamment de l’exécution des
décisions de justice mérite attention et même, au regard de son importance pour
l’instauration de l’Etat de Droit, qu’un sujet de réflexion lui soit consacré.
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RAPPORT DE SYNTHESE
Ce rapport de synthèse vise à présenter de façon succincte les différents thèmes
développés.
S’agissant du premier thème «le Conseil d’Etat français et le contentieux de la
responsabilité administrative », Monsieur le Conseiller d’Etat Terry OLSON, dans le cadre
du « dialogue des juges », s’est attaché à faire une présentation générale des modalités
d’intervention du juge administratif sur les questions de la responsabilité administrative
extra contractuelle en France.
Trois points ont été successivement examinés :
1 – Identifier le droit applicable et fixer le champ de la responsabilité administrative ;
2 – Mettre en œuvre le régime applicable de la responsabilité administrative;
3 – Surmonter les difficultés propres à ce contentieux.
Sur le premier point, l’on note que le droit applicable a connu une évolution.
D’abord prétorien, il fait de plus en plus place à la loi et aux conventions internationales.
La jurisprudence est désormais d’application subsidiaire, car elle cède devant la loi.
Quant au champ de la responsabilité, deux terrains sont à prendre en compte à savoir la
responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute. La responsabilité pour faute est
le droit commun de la responsabilité. Elle présente deux hypothèses, d’une part la faute
prouvée, et d’autre part la faute présumée. La responsabilité sans faute est le régime le
plus innovant du droit de la responsabilité administrative. Elle est d’application d’ordre
public et est prioritaire lorsqu’elle assure un niveau d’indemnisation plus favorable que la
responsabilité pour faute.
Sur le deuxième point relatif à la mise en œuvre du régime applicable, il y a
d’abord une exigence commune et des règles procédurales précises. La mise en œuvre
de la responsabilité nécessite trois conditions cumulatives que sont le fait générateur, le
préjudice et le lien de causalité. Hormis le lien de causalité, les conditions tenant au
préjudice et au fait générateur varient selon qu’il s’agit de la responsabilité pour faute ou
sans faute. Concernant le respect des règles procédurales quatre (4) conditions doivent
être respectées : l’exigence d’une décision préalable, l’inscription dans le délai
quadriennal, l’obligation du ministère d’avocat et le recours direct en cassation pour le
contentieux inférieur à 8000 euros après la décision du juge qui statue en premier et
dernier ressort. Il est également institué une procédure de référé-provision lorsque la
créance n’est pas sérieusement contestée. En outre, le juge bénéficie de techniques
telles le mandatement, l’astreinte et l’injonction afin d’assurer l’exécution de ses
décisions.
Enfin dans la méthode d’analyse, le juge doit faire preuve de prudence et de
discernement, car l’admission des deux champs de la responsabilité, la responsabilité
pour faute et la responsabilité sans faute, présente des difficultés. Si pour la
responsabilité sans faute, le juge doit éviter que l’Etat ne devienne une énorme
compagnie d’assurances et en même temps indemniser les risques, la responsabilité pour
faute quant à elle fait ressortir des problèmes tenant à la qualification des fautes, à la
gradation de celles-ci et à la distinction entre faute de service et faute personnelle. Par
ailleurs, l’accent a été mis sur les contraintes de l’évaluation du préjudice. Si aucune
difficulté n’est à noter pour les préjudices matériels, il n’en est pas de même pour les
préjudices moraux, les préjudices nés d’incapacité physique, les préjudices nés de la
perte de chance.
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En conclusion, il est à noter que l’action du juge vise la moralisation de
l’administration, car il prononce des décisions d’exemplarité afin de réaliser l’équilibre
entre les droits des particuliers victimes et l’intérêt général.
S’agissant du second thème, « le juge ivoirien et le contentieux de la
responsabilité extra contractuelle de l’administration ivoirienne », le Président
AMANGOUA Georges, prenant en son compte ce qui a été développé supra et n’occultant
pas la distinction traditionnelle de la responsabilité pour faute et la responsabilité sans
faute, l’a traité à travers les deux grands axes suivants qui mettent en exergue la
jurisprudence de la Chambre Administrative de la Cour Suprême:
1 – le droit appliqué par la Chambre Administrative de la Cour Suprême ;
2 – les domaines de la responsabilité retenus par la Chambre Administrative.
Pour ce qui concerne le premier axe, c’est-à-dire le droit appliqué par la Chambre
Administrative au contentieux de la responsabilité administrative, il est à observer que le
juge a souvent appliqué le droit privé avant d’affirmer l’application du droit administratif.
L’application du droit privé est illustrée à travers les décisions Etat de Côte d’Ivoire
contre Groupement Français d’assurances du 2O mars 1968 et Direction et
Contrôle des Grands Travaux contre Mamadou Kaba du 23 février 2005. Dans ces
affaires, la Chambre Administrative de la Cour Suprême a appliqué l’article 1384 du code
civil. Toutefois, le juge s’est gardé d’expliquer le fondement de l’application du droit privé
à ce contentieux.
Malgré cela, le juge de la Chambre Administrative de la Cour Suprême a affirmé
dans l’espèce non moins célèbre Société des Centaures Routiers contre Ministre des
affaires économiques et financières du 14 janvier 1970 « que la responsabilité qui
peut incomber à l’Etat a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et
la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droits privés ». Il a ainsi affirmé
l’application du droit administratif à la responsabilité administrative.
Au-delà de cette affirmation, cette décision dégage le principe suivant lequel : le
bac est un ouvrage public dont l’exploitation est un service public administratif et sur
lequel pèse une présomption simple de responsabilité en cas de dommages.
L’application du droit administratif a été réaffirmée dans l’affaire Djan Ziago
Joseph du 31 juillet 1986.
S’agissant du second axe, outre le domaine des travaux publics illustré par les
arrêts Société des Centaures Routiers et Djan Ziago Joseph, deux autres domaines
ont été examinés par le juge de la Chambre Administrative de la Cour Suprême. Il s’agit
des dommages nés du mauvais fonctionnement des services publics et les dommages
causés par les agents de l’administration. Dans le cas du fonctionnement des services
publics, il est à noter que le dysfonctionnement du service public de la douane
(Direction générale des douanes contre Niangadou Mamadou, 27 février 2002) et
le mauvais fonctionnement du service public de la santé (Docteur Soumé bi Kacou
Brice contre Ministre de la Fonction Publique, 28 janvier 1988) ont entraîné la
responsabilité de l’administration. Par ailleurs, les actes des agents, constitutifs de fautes
non détachables de leurs fonctions, engagent également la responsabilité de
l’administration.
Le troisième thème, « Responsabilité du fonctionnaire et sanctions disciplinaires :
évolution de la jurisprudence administrative» a été présenté par le Conseiller BOBY
GBAZA suivant deux idées, d’une part les fondements de la responsabilité disciplinaire, et
d’autre part, la mise en œuvre de celle-ci.
58
Au niveau des fondements de la responsabilité, les valeurs sur lesquelles repose le
service public sont contenues dans deux textes à savoir la constitution du 1er août 2000
et la loi du 11 septembre 1992 portant statut général de la fonction publique. Ainsi au
regard des textes précités, ces valeurs de base tournent autour de l’éthique et de la
moralité, en règle générale de la déontologie de la fonction publique.
La faute disciplinaire n’est pas définie. Dès lors, l’on est en droit de considérer
qu’elle est un manquement aux obligations du fonctionnaire.
On distingue les fautes professionnelles des fautes non professionnelles. Plusieurs
arrêts on été ici cités pour corroborer cette distinction. Il s’agit entre autres des arrêts
KORE Gboagnon Raphael du 26 février 1992 et NEA Gahou maurice du 15 mars
1989. A travers ces deux arrêts, l’on constate que la Chambre Administrative opère un
contrôle à un triple niveau, d’abord au niveau de l’existence matérielle des faits, puis de
la qualification juridique des faits et enfin de l’appréciation de leur degré de gravité.
La faute personnelle s’observe dans plusieurs hypothèses qu’elle ait ou non un lien
avec le service. La faute disciplinaire est sanctionnée. La répression de la faute est
prévue par l’article 73 du statut général de la fonction publique.
Lorsque la faute disciplinaire est commise, elle peut donner lieu à des sanctions
disciplinaires et/ou pénales. Au contraire de la faute, les sanctions disciplinaires sont
définies. L’on distingue les sanctions du 1er degré ( l’avertissement, le blâme, le
déplacement d’office) et les sanctions du 2ème degré (la radiation du tableau
d’avancement , la réduction du traitement dans la proportion de 25% pour une durée
n’excédant pas trente jours, l’exclusion temporaire, l’abaissement d’échelon,
l’abaissement de classe et la révocation avec ou sans suspension des droits à pension).
Les fautes disciplinaires peuvent donner lieu à des réparations dont le régime est
gouverné par la distinction faite entre la faute personnelle, la faute du service et le cumul
de fautes. Dans la première hypothèse, la réparation est due par l’agent, dans la seconde
la réparation est due par l’administration et dans la dernière la réparation est partagée
entre l’agent et l’administration. Et dans ce dernier cas de figure, l’arrêt MAURICE
PAPON du 12 avril 2002 du Conseil d’Etat a servi d’illustration.
Enfin, à travers le dernier thème « Droits et obligations du fonctionnaire ivoirien :
modalités de mise en œuvre des sanctions disciplinaires et des voies de recours » le
Conseiller SANOGO Mamadou a mis en exergue les droits et obligations du fonctionnaire
ivoirien et le régime disciplinaire.
Le fonctionnaire ivoirien est détenteur de nombreux droits, mais est également
soumis à des obligations. Les droits se présentent en libertés individuelles, droits
professionnels et collectifs. Quant aux obligations, elles se divisent en obligations dans le
service et en obligations en dehors du service.
Le régime disciplinaire du fonctionnaire s’articule autour de la faute disciplinaire,
des sanctions disciplinaires, de la procédure disciplinaire et des voies de recours. La faute
disciplinaire, bien que non définie par le statut général de la fonction publique, consiste
en des manquements aux obligations statutaires. Son constat se fait librement par
l’administration qui, par la suite, sanctionne le fonctionnaire. Deux types de sanctions
sont prévus : les sanctions du 1er degré, d’une part, et d’autre part, les sanctions du 2ème
degré. Les premières sont de la compétence du ministre technique, le préfet ou le
directeur de l’établissement public, tandis que les secondes sont prononcées uniquement
par le ministre de la fonction publique dans le respect de la procédure en vigueur.
La procédure disciplinaire présente ainsi des garanties pour le fonctionnaire. Elles
tiennent du principe des droits de la défense précisé par l’article 75 du statut général de
la fonction publique qui spécifie la procédure à suivre dans le cas d’une sanction de 1er
59
degré ou de 2ème degré. Concernant la suspension, il s’agit d’une mesure administrative
provisoire prise afin d’éviter les conséquences fâcheuses du maintien en fonction d’un
fonctionnaire sur lequel plane une sanction. S’il est sanctionné à l’issue de sa suspension,
le fonctionnaire dispose de voies de recours.
Deux voies de recours sont ouvertes : le recours administratif et le recours
juridictionnel. Le recours administratif est exercé soit devant l’auteur de l’acte, soit
devant le supérieur hiérarchique et ce pour le réexamen de la décision contestée et
obtenir le retrait ou l’annulation. Le recours juridictionnel est exercé au travers du
recours en annulation (REP) ou du recours de plein contentieux.
L’exercice du contrôle juridictionnel des décisions de sanctions disciplinaires se
heurte à l’absence de pouvoir d’injonction du juge administratif ivoirien. Dès lors, se pose
la question de l’admission du pouvoir d’astreinte au profit du juge administratif ivoirien
afin de mettre fin à l’inexécution de certaines décisions de justice.
Au delà donc n’est-ce pas la question du pouvoir d’astreinte du juge administratif
quant à l’inexécution des décisions de justice qui reste ici posée ?
61
CONCLUSION
Le séminaire a été fortement apprécié par tous, participants et invités. La qualité
des interventions, l’intensité et la richesse des débats on révélé la justesse du thème qui
pose toute la problématique des relations avec l’administration. Les participants, avec la
présence du Conseiller d’Etat TERRY OLSON, ont pu, au travers des échanges, partager
les différentes expériences françaises et ivoiriennes.
A l’issue des travaux, le séminaire a fait des recommandations qui, mises
effectivement en application, sont de nature à mieux appréhender les règles et les
pratiques de ce contentieux, à assurer l’exécution effective des décisions rendues en la
matière par la Chambre administrative et à consolider l’autonomie du droit administratif.
63
RECOMMANDATIONS
1. L’information et la sensibilisation des populations sur le contentieux de la
responsabilité administrative par des outils d’éducation et de communication ;
2. La mise en œuvre des mécanismes permettant l’exécution effective par
l’administration des décisions de la Chambre Administrative ;
3. La multiplication des sessions de renforcement des capacités à l’endroit des
professionnels du droit, des usagers de l’administration et des justiciables ;
4. La création de tribunaux administratifs ou des formations administratives au sein
des juridictions de fond ;
5. La transformation dans des délais rapprochés de la Chambre Administrative de la
Cour Suprême en conseil d’Etat conformément à la Constitution afin de marquer
la promotion des juridictions administratives pour mieux affirmer l’autonomie du
droit administratif ;
6. Le renforcement du partenariat entre les juridictions administratives
internationales.
66
ALLOCUTION DU REPRESENTANT DU MAIRE DE GRAND-BASSAM
Monsieur le Président de la Cour Suprême,
Monsieur le Préfet du département de Grand-Bassam,
Monsieur le Président de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême,
Monsieur le Président de la Chambre Judiciaire,
Monsieur le Président de la Chambre Administrative de la Cour Suprême
Monsieur le représentant du Président du Conseil Général,
Mesdames et messieurs les Conseillers de la Cour Suprême,
Distingués invités, tous en vos qualités, titres et grades respectifs,
Chers amis de la presse,
Mesdames et messieurs,
Ayant l’insigne privilège de vous accueillir ce matin, en ma qualité de représentant
du premier magistrat de notre commune, je voudrais, avant toute chose, et avec votre
permission , m’acquitter d’un devoir, celui de vous exprimer le regret sincère du député-
maire, Jean Michel MOULOD, dont l’agenda, extrêmement chargé en urgence, ne lui a
pas permis d’être personnellement votre hôte.
Il m’a instruit de vous transmettre ses fraternelles salutations avec l’assurance
qu’il est de cœur avec vous. C’est donc en son nom, en celui de l’ensemble du conseil
municipal, au mien propre, qu’il m’est agréable de vous adresser, individuellement et
collectivement, nos souhaits de chaleureux Akwaba à Grand-Bassam.
Mesdames et messieurs, honorables invités, heureuse de vous ouvrir grandement
ses portes pour vous offrir son art d’accueil et d’hospitalité, notre cité éprouve une
légitime fierté d’abriter les assises de votre atelier dont la pertinence et l’actualité du
thème lui confèrent une haute importance.
En effet, dans le contexte actuel où notre pays cherche ardemment les voies et
moyens pour sortir de cette crise qui l’a fortement ébranlé et défiguré, nous pensons que
la justice devra jouer efficacement son rôle de régulateur du climat social.
A cet effet, il importe que les magistrats, notamment ceux qui ont la délicate
responsabilité de dire le droit, en dernière instance, soient imbus des règles et principes
du droit.
C’est donc à juste titre, qu’en saluant très chaleureusement l’avènement du
présent atelier, il me plaît, au nom du député-maire Jean Michel MOULOD, d’adresser nos
plus vives félicitations aux initiateurs de la plate-forme qui permettra certainement aux
Conseillers de la Cour Suprême d’être mieux outillés pour dire le droit dans les
contentieux où la responsabilité de l’Etat est engagée. Cela constitue, sans nul doute,
67
l’une des garanties essentielles, voire indispensables, pour la stabilité et la paix durable
pendant la période post-crise.
En vous souhaitant un excellent séjour de travail dans notre cité et un éclatant
succès à votre atelier, je voudrais, en ce début de la nouvelle année, formuler à l’endroit
de chacune et de chacun de vous, mes vœux fervents de santé sans faille, de bonheur
intense et partagé et de paix, paix dans les cœurs, paix dans les esprits, paix dans tout
votre entourage socioprofessionnel et paix sur toute l’étendue de la Côte d’Ivoire.
Bonne heureuse et sainte année 2009. Que Dieu vous bénisse.
Je vous remercie.
68
INTERVENTION DE MONSIEUR AMANGOUA GEORGES PRESIDENT DE LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME
Monsieur le Président de la Cour Suprême,
La Chambre Administrative de la Cour Suprême, l’une des Chambres composant la
Cour Suprême, avec tous ses membres se sentent particulièrement honorés de vous voir
occuper la présidence effective de la cérémonie d’ouverture de ce deuxième séminaire de
renforcement des capacités.
En acceptant de vous déplacer jusqu’à Grand-Bassam alors que les contraintes de
vos charges apparaissent très prenantes et pesantes, vous administrez la preuve de
l’intérêt particulier que vous portez au perfectionnement des animateurs de l’institution.
Je voudrais, en leur nom à tous, vous exprimer ma gratitude profonde.
- Monsieur le Président de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême,
- Monsieur le préfet de Grand Bassam,
- Monsieur l’Avocat Général représentant madame le Procureur Général près la Cour
Suprême,
- Monsieur le représentant du Président du Conseil Général de Grand-Bassam,
- Monsieur le représentant du Député-maire de Grand-Bassam,
- Monsieur l’Agent Judiciaire du trésor,
- Monsieur le Vice Doyen de l’U.F.R Droit Abidjan Cocody,
- Mesdames et messieurs, pris en vos éminentes qualités et fonctions,
La Chambre Administrative se réjouit de votre présence si distinguée à ce
séminaire.
Monsieur Terry Olson
Je voudrais vous dire combien votre présence nous procure un véritable
soulagement mêlé d’une joie intense.
Les épreuves, qui révèlent la trempe des grands et forgent les destins, n’ont pas
manqué en effet, à l’annonce de cette entreprise d’échanges et d’enrichissement
intellectuel mutuel entre la Chambre Administrative de la Cour Suprême et le Conseil
d’Etat.
Mais, avec ténacité, sérénité et une hardiesse intelligente, vous les avez
surmontées, une à une, depuis les contraintes du calendrier particulièrement chargé du
Conseil d’Etat jusqu’à l’accomplissement des dernières formalités pour Abidjan.
69
C’est un témoignage poignant du sens élevé du devoir, de l’honneur et de la
fidélité que vous avez ainsi administré en ces périodes d’intempéries si diversement
agitées. Vous méritez de recevoir l’hommage de notre profonde admiration et
l’expression de notre gratitude en permettant ainsi au partenariat entre la Chambre
Administrative et le Conseil d’Etat de transcender toutes les péripéties qu’il est convenu
d’appeler « l’actualité ».
Mesdames et Messieurs
Les 30 et 31 juillet 2008, se tenait dans cette belle cité, première capitale de la
Côte d’Ivoire, toujours propice à la réflexion sereine, une session de renforcement des
capacités de la Chambre Administrative dédiée au « cadre juridique de la gestion
foncière en Côte d’Ivoire », laquelle avait eu à examiner quelques aspects du plus
abondant contentieux de la Chambre Administrative.
Si le thème traité aujourd’hui, représente à l’inverse du premier, un volume de
contentieux moins important, il n’en présente pas moins un intérêt certain eu égard
notamment à la complexité liée au droit applicable en la matière et les perspectives de
développement de ce contentieux.
Les raisons qui ont motivé la tenue du séminaire précédent demeurent encore
d’actualité.
Une pause, au milieu des activités répétitives des délibérés et des audiences, pour
réfléchir sur un trait saillant de ses activités est très salutaire pour améliorer la qualité
des tâches.
A cela, il faut ajouter que la Côte d’Ivoire compte près de cent cinquante mille
fonctionnaires et agents publics qui, au quotidien, posent dans l’exercice de leurs
fonctions, des actes susceptibles d’amener l’Administration à répondre pécuniairement en
vue de réparer le préjudice en résultant. Quels sont les fondements de cette
responsabilité ? Comment s’apprécie-t-elle ? Ce sont là autant d’interrogations suscitées
par ce contentieux et qui appellent réponse et apaisement.
N’a-t-il pas été dit que l’effort de comprendre la solution étrangère d’un problème
est souvent récompensé par une compréhension plus nette de notre droit ? Monsieur le
Conseiller d’Etat Terry Olson, les participants sont dans l’attente, impatients, de
s’imprégner de votre savoir-faire pour approfondir notre droit afin que par la
confrontation des expériences et le partage, un éclairage de nos droits respectifs nous
procure un enrichissement mutuel.
Je vous remercie de les satisfaire.
70
ALLOCUTION DE MONSIEUR TIA KONE PRESIDENT DE LA COUR SUPREME
Monsieur le Président de la Chambre Administrative de la Cour Suprême,
Monsieur le Préfet du département de Grand-Bassam,
Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel,
Monsieur le Président de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême,
Monsieur le Conseiller d’Etat,
Messieurs les élus,
Madame et messieurs les Conseillers et Magistrats de la Chambre Administrative de la
Cour Suprême,
Honorables invités,
Mesdames et messieurs
Votre présence si distinguée rehausse la cérémonie de ce jour d’un éclat
particulier. Je voudrais vous dire simplement merci de votre soutien.
Nous sommes ce matin à Grand-Bassam, dans cette cité chargée d’histoire,
ancienne capitale de la Côte d’Ivoire, où continuent de s’écrire de belles pages de
l’histoire de notre pays, au rythme de grandes rencontres intellectuelles et scientifiques
qui s’y déroulent.
Evoquée d’une certaine façon la problématique de la responsabilité de la
puissance publique dans cette ville prend alors un relief particulier.
En effet, à l’initiative de la Chambre Administrative de la Cour Suprême, nous
sommes réunis pour réfléchir pendant deux jours sur un thème important « le juge
administratif et le contentieux de la responsabilité extra contractuelle de
l’administration ivoirienne ». Il s’agit d’un atelier de renforcement des capacités de la
Chambre Administrative.
C’est pourquoi, je suis particulièrement heureux de la présence parmi nous de
monsieur Terry OLSON, Conseiller au Conseil d’Etat français qui, à coup sûr, nous fera
partager la riche et longue expérience de cette haute et très respectée juridiction
française.
Cet atelier organisé par la Chambre Administrative est un témoignage de la
vitalité de la Cour Suprême qui est déterminée à ne ménager aucun effort pour savoir
répondre aux nombreux défis de l’heure, et contribuer efficacement à la consolidation de
l’Etat de droit en Côte d’Ivoire.
Au mois de juillet 2008, un séminaire interne à la Chambre Administrative avait
été organisé sur le thème du « domaine foncier urbain ». Ce séminaire a permis aux
magistrats de trouver des pistes de solutions cohérentes pour trancher les nombreux
litiges fonciers qui leur sont soumis.
71
La Chambre Judiciaire et la Chambre des Comptes sont toutes aussi actives. C’est
le lieu pour moi de saluer mes Vice-présidents et de les encourager à continuer de
prendre des initiatives aussi opportunes et judicieuses. Vous avez mon soutien et ma
bénédiction messieurs les Vice-présidents. A ces mots d’encouragements, j’associe
l’ensemble des magistrats et du personnel de la Cour Suprême.
Chers collègues, une telle rencontre constitue, à n’en point douter, une occasion
privilégiée pour les magistrats chevronnés que vous êtes de faire, sur un thème donné, le
point de l’application des règles de droit par le juge, d’en discuter et de convenir, le cas
échéant, des évolutions aussi bien textuelles que jurisprudentielles souhaitables. Le juge
est au cœur de l’évolution du droit, particulièrement du droit administratif.
Hier, nos compatriotes n’osaient pas attaquer l’Administration en justice. Attaquer
un acte d’une autorité administrative en justice était assimilé à une attaque personnelle
contre cette autorité. De sorte que sur plusieurs décennies, le recours pour excès de
pouvoir contre les actes administratifs, par exemple, se limitait quasiment au recours des
fonctionnaires contre les actes qui touchaient leur statut personnel (révocation,
suspension, blâme etc.…).
Aujourd’hui, les mentalités ont énormément évolué et les recours sont davantage
variés. Les justiciables n’hésitent plus à engager la responsabilité de l’administration.
Avec la mise en œuvre effective de la décentralisation, le contentieux de la responsabilité
va croître. D’où l’un des multiples intérêts de cet atelier.
Comme chacun le sait, c’est à l’occasion de la mise en jeu de la responsabilité de l’Etat
devant les tribunaux judiciaires, qu’a été affirmée, par le juge français, la spécificité des
règles devant régir la responsabilité de l’Etat pour tenir compte des nécessités du service
public.
Autonome depuis cet arrêt Blanco du tribunal des conflits français (1873), dont le
considérant essentiel a été confirmé en droit ivoirien dans l’arrêt centaures routiers de la
Chambre Administrative de la Cour Suprême, le régime de la responsabilité
administrative, largement prétorien, n’a cessé d’évoluer. On peut retenir de ce régime
juridique son caractère riche, complexe et difficilement saisissable.
Responsabilité pour faute, responsabilité sans faute, faute de service, faute
personnelle, cumul de fautes, responsabilité sans faute pour risque ou pour rupture de
l’égalité des citoyens devant les charges publiques.
Sur ces différents fondements, le régime de la responsabilité s’étend à toutes les
activités de l’administration : police, santé, travaux publics, justice, législation,
conventions internationales etc.… Ce régime, me semble-t-il, place au centre de ses
préoccupations l’indemnisation des victimes et cela est heureux. Durant ces deux jours
de travaux sans repos que vous aurez, je souhaite un approfondissement de ces
questions, afin qu’entre nous professionnels, nous ayons une lisibilité dont les principaux
bénéficiaires seront le justiciable et l’Etat de droit.
Sur ces mots, je déclare ouvert l’atelier de renforcement des capacités organisé
du 12 au 13 février 2009 à Grand-Bassam par la Chambre Administrative de la Cour
Suprême sur le thème « le juge administratif et le contentieux de la responsabilité
extracontractuelle de l’administration ivoirienne».
Je vous remercie.
73
1 – Société des Centaures Routiers contre Etat de Côte de d’Ivoire, arrêt n°4 du 31
mai 1967 (Cassation et renvoi)
2 – Etat de Côte d’Ivoire contre Groupement Français d’Assurances, arrêt n° 1 du 20
mars 1968 (Rejet)
3 – Société des Centaures Routiers contre Ministre des Affaires Economiques et
Financières, arrêt n° 1 du 14 janvier 1970 (Cassation et renvoi)
4 – Djan Ziago Joseph contre Etat de Côte d’Ivoire, arrêt 44 du 31 juillet 1986
(Cassation)
5 – Direction Générale des Douanes contre Niangadou Mamadou, arrêt n° 07 du 27
février 2002 (Rejet)
6 – Etat de Côte d’Ivoire contre Dame Kokoré Emma-Paule, arrêt n° 30 du 17
décembre 2003 (Cassation – évocation)
7 – Mutuelle Centrale d’Assurances contre Koua Ama Agnès et autres, arrêt n° 04 du
25 février 2004 (Incompétence)
8 – Direction et Contrôle des Grands Travaux (DCGTX) contre Mamadou Kaba,
arrêt n° 10 du 23 février 2005 (Cassation – évocation)
9 – Aka Ettien, Etat de Côte d’Ivoire contre Dao Mamadou, arrêt n° 34 du 26
mai 2005 (Cassation – évocation)
10 – Madame Koua Ama Marie Agnès contre Etat de Côte d’Ivoire et Société
IGS, Agence France Immobilier, arrêt n° 50 du 20 décembre 2006
(Cassation –évocation)
11 – Mairie d’Attécoubé contre Société Jardins exotiques, arrêt n° 21 du 21
mars 2007 (Cassation- évocation)
12 – Dodo Monohin Paul contre Etat de Côte d’Ivoire, arrêt n° 16 du 21 mai 2008 (Rejet)
74
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
-------------------------------------------
Arrêt n° 4 Société des Centaures Routiers
du 31 mai 1967 contre
Etat de Côte d’Ivoire
(Cassation-renvoi)
Responsabilité de l’Etat
Dommages lors du débarquement d’un bac
Juridiction compétente
Tribunal en 1ère instance, Cour d’Appel en appel, Chambre Administrative de la
Cour Suprême en cassation
Faits et procédure
Suite à des dommages subis par un de ses véhicules lors du débarquement du bac
de Moossou, la Société des Centaures Routiers a saisi le tribunal de première instance qui
a retenu sa compétence et l’a déboutée de sa demande en paiement de dommages
intérêts.
La Cour d’Appel saisie, a, estimant que l’appréciation de la responsabilité de l’Etat
ne relève pas de la compétence de la juridiction civile, rejeté l’appel de la Société des
Centaures Routiers.
Sur le pourvoi de la Société des Centaures Routiers, la Chambre Administrative de
la Cour Suprême a, par arrêt n° 4 du 31 mai 1967, cassé la décision de la Cour d’Appel.
Solution retenue
La Chambre Administrative de la Cour Suprême est compétente en cassation pour
connaître du contentieux de la responsabilité de l’Etat, alors que le tribunal et la Cour
d’Appel sont compétents en 1ère instance et en appel.
75
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
-------------------------------------------
Arrêt n° 1 Etat de Côte d’Ivoire
du 20 mars 1968 contre
Groupement Français d’Assurances
(Rejet)
Responsabilité de l’Etat
Dommages causés par un véhicule administratif
Fondement : droit civil
Faits
A la suite de la collision entre un véhicule administratif et une voiture destinée au
transport public de personnes dite taxi dont il est l’assureur, le Groupement Français
d’Assurances (GFA), a attrait l’Etat de Côte d’Ivoire devant le tribunal de première
instance qui l’a débouté de sa demande en paiement des sommes destinées à réparer le
préjudice subi.
La Cour d’Appel saisie, a infirmé ce jugement et condamné l’Etat de Côte d’Ivoire
à réparer ce préjudice.
Le pourvoi en cassation formé par l’Etat de Côte d’Ivoire a été rejeté par l’arrêt
n°1 du 20 mars 1968 de la Chambre Administrative de la Cour Suprême.
Solution retenue
L’Etat est responsable, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er du code civil,
des dommages causés par des véhicules administratifs.
76
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
-------------------------------------------
Arrêt n ° 1 Société des Centaures Routiers
du 14 janvier 1970 contre
Ministère des Affaires
Economiques et Financières
(Cassation- renvoi)
Responsabilité de l’Etat
Dommages lors du débarquement d’un bac
Droit applicable : droit administratif
Bac : ouvrage public
Responsabilité pour défaut d’entretien
Faits et Procédure
Suite à des dommages subis par un de ses véhicules lors du débarquement du bac
de Moossou, la Société des Centaures Routiers a saisi le tribunal de première instance qui
a retenu sa compétence et l’a déboutée de sa demande en paiement de dommages
intérêts contre l’Etat.
La Cour d’Appel saisie, a, estimant que l’appréciation de la responsabilité de l’Etat
ne relève pas de la compétence de la juridiction civile, rejeté l’appel de la Société des
Centaures Routiers.
Sur le pourvoi de la Société des Centaures Routiers, la Chambre Administrative de
la Cour Suprême a, par arrêt n° 4 du 31 mai 1967, cassé La décision de la Cour d’Appel
au motif que la Chambre Administrative de la Cour Suprême est compétente en cassation
pour connaître du contentieux de la responsabilité de l’Etat, alors que le tribunal et la
Cour d’Appel sont compétents en 1ère instance et en appel. Elle a donc renvoyé l’affaire
devant la Cour d’Appel autrement composée.
Autrement composée, la Cour d’Appel a débouté la Société des Centaures Routiers
au motif qu’elle ne rapporte pas la preuve de la responsabilité de l’Etat.
Saisie une nouvelle fois sur pourvoi de la Société des Centaures Routiers, la
Chambre Administrative a cassé la décision de la Cour d’Appel par arrêt n°1 du 14
janvier 1970.
Solution retenue
Le droit applicable au contentieux de la responsabilité de l’Etat est le droit
administratif.
Le bac est un ouvrage public.
L’Etat est responsable, pour défaut d’entretien normal, des dommages subis par
un véhicule débarquant d’un bac.
77
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
-------------------------------------------
Arrêt n° 44 DJAN Ziago Joseph
du 31 juillet 1986 contre
Etat de Côte d’Ivoire
(Cassation - Evocation)
Responsabilité de l’Etat
Chute d’un arbre sur un véhicule
Fondement :défaut d’entretien normal de la piste
Faits et procédure
Monsieur DJAN Ziago Joseph, transporté dans un véhicule en commun dit taxi qui
circulait sur la piste Yamoussokro-Gogokro, a été blessé du fait de la chute d’un arbre
tombé sur ce taxi qui s’était arrêté en présence d’un premier arbre qui obstruait la
chaussée.
Le tribunal de Première instance, invité à condamner l’Etat de Côte d’Ivoire à
reparer le préjudice subi, a débouté monsieur DJAN Ziago Joseph au motif que n’est pas
rapportée la preuve que l’Etat était le gardien de l’arbre fautif.
Sur appel de monsieur DJAN Ziago, la Cour d’Appel a déclaré que la chute subite
par un violent coup de vent constituait une cause d’exonération de sa responsabilité.
La Chambre Administrative, saisie par le pourvoi de monsieur DJAN Ziago Joseph,
a, par arrêt n° 44 du 31 juillet 1986, cassé et annulé la décision de la Cour d’Appel qui
avait débouté la victime de sa demande en réparation formée contre l’Etat.
Solution retenue
La responsabilité de l’Etat est engagée pour défaut d’entretien normal de
l’ouvrage public que constitue la piste.
78
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
-------------------------------------------
Arrêt n° 07 Direction Générale des Douanes
du 27 février 2002 contre
NIANGADOU Mamadou
(Rejet)
Responsabilité de l’Etat
Disparition de marchandises enregistrées et mises en dépôt dans les locaux
de la douane
Fondement : Faute lourde
Faits et procédure
A la suite de la disparition de ses marchandises enregistrées et mises en dépôt
dans les locaux de la douane, monsieur NIANGADOU Mamadou a attrait la Direction
Générale des Douanes devant le tribunal de première instance d’Abidjan qui l’a
condamnée à lui payer des dommages-intérêts.
Sur appel de la Direction Générale des Douanes, la Cour d’Appel a confirmé le
jugement du tribunal au motif que l’administration des douanes qui reconnaît
implicitement avoir égaré les marchandises est mal fondée à invoquer la tentative de
fraude supposée de la victime pour se soustraire de l’obligation qui lui incombe de les
représenter.
Le pourvoi de la Direction Générale des Douanes a été rejeté par la Chambre
Administrative de la Cour Suprême par arrêt n° 07 du 27 février 2002.
Solution retenue
L’Etat est responsable, sur le fondement de la faute lourde, de la disparition de
marchandises enregistrées et mises en dépôt dans les locaux de la douane.
79
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
-------------------------------------------
Arrêt n° 30 Affaire Etat de Côte d’Ivoire
du 17 décembre 2003 contre
Dame KOKORE Emma-Paule
(Cassation –Evocation)
Responsabilité de l’Etat
Faute de la victime
Cause d’exonération
Faits et procédure
A la suite de la disparition de ses biens consécutifs au remplacement par le
Directeur des bâtiments administratifs des serrures du logement administratif,
réaménagé par ses soins, qu’elle refusait de libérer, madame KOKORE Emma-Paule a
attrait l’Etat de Côte d’Ivoire et le Directeur des bâtiments administratifs devant le
tribunal de première instance d’Abidjan en réparation du préjudice.
Infirmant le jugement qui l’avait déboutée de cette action, la Cour d’Appel a
condamné solidairement l’Etat de Côte d’Ivoire et le directeur des bâtiments
administratifs au motif que l’appelante a été dépossédée de cet appartement sans
aucune décision contraire de la Direction des logements administratifs.
Sur pourvoi de l’Etat de Côte d’Ivoire, la Chambre Administrative de la Cour
Suprême a, par arrêt n° 30 du 17 décembre 2003, cassé la décision de la Cour d’Appel.
Solution
La faute de la victime qui a refusé de prendre les nouvelles clés afin d’enlever ses
effets personnels exonère l’Etat de toute responsabilité.
80
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
-------------------------------------------
Arrêt n° 04 Mutuelle Centrale d’Assurances
du 25 février 2004 contre
KOUA Ama Agnes et autres
(Incompétence)
Recours en cassation devant la Chambre Administrative de la Cour
Suprême
Parties : personnes privées
Incompétence
Faits et procédure
A la suite du cambriolage de son magasin situé dans l’enceinte du Centre de
Commerce International d’Abidjan, madame KOUA Ama Agnès a attrait l’Etat de Côte
d’Ivoire, propriétaire de l’immeuble, l’agence immobilière France Immobilier gérante de
l’immeuble pour le compte de l’Etat et la société de gardiennage et surveillance dite IGS
et leurs assureurs respectifs, la CNA et la MCA, devant le tribunal de première instance
d’abidjan qui a condamné la société IGS et son assureur la MCA au paiement de diverses
sommes d’argent à madame KOUA Ama Agnès et mis hors de cause l’Etat de Côte
d’ivoire.
Sur appel de madame KOUA Ama Agnès, la Cour d’Appel a, par arrêt du 11 juillet
2003, déclaré l’action recevable mais mal fondée et condamné la société IGS au
paiement de 50.000.000 francs CFA et confirmé le jugement entrepris pour le surplus.
Sur le pourvoi en cassation de la MCA, la Chambre Administrative a rendu l’arrêt
n° 04 du 25 février 2004 par lequel elle se déclare incompétente.
Solution
La Chambre Administrative de la Cour Suprême n’est pas compétente en
cassation, en application de l’article 54 de la loi sur la Cour Suprême, lorsqu’une
personne morale de droit public n’est pas expressément mise en cause dans le pourvoi.
81
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
-------------------------------------------
Arrêt n° 10 Direction et Contrôle des Grands Travaux
Du 23 février 2005 (DCGTX)
contre
Mamadou KABA
(Cassation –Evocation)
Responsabilité de l’Etat
Faute personnelle de l’agent
Cause d’exonération
Faits et procédure
Après avoir remis, dans les locaux de la Direction et Contrôle des Grands Travaux
(DCGTX), de l’argent à titre d’acompte pour l’acquisition d’une maison, qu’il n’aura pas, à
monsieur FANNY Hamidou, enquêteur immobilier dans la struture précitée, monsieur
Mamadou KABA a assigné la Direction et Contrôle des Grands Travaux (DCGTX) devant le
tribunal de première instance d’Abidjan qui l’a condamnée au remboursement du
montant perçu par son agent et au paiement de dommages-intérêts.
Sur appel de la Direction et Contrôle des Grands Travaux (DCGTX), la Cour
d’Appel, adoptant les motifs du premier juge, a confirmé la décision du tribunal de
première instance en toutes ses dispositions.
Sur pourvoi de la Direction de Contrôle des Grands Travaux, la Chambre
Administrative de la Cour Suprême a, par arrêt n° 30 du 23 février 2005, cassé la
décision de la Cour d’Appel.
Solution
La faute personnelle de l’agent exonère l’administration de toute responsabilité.
82
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
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Arrêt n°34 AKA Ettien, Etat de Côte d’Ivoire
du 26 mai 2005 Contre
DAO Mamadou
(Cassation – Evocation)
Responsabilité de l’Etat
Faute de l’agent dans le cadre de ses fonctions
Faits et procédure
A la suite de la vente par le sous-préfet de Tienengboué de son cheptel bovin, en
vue d’indemniser des paysans victimes de dévastations de leurs cultures, monsieur DAO
Mamadou, estimant le nombre de bœufs vendus inexact, a attrait l’Etat et le Sous-préfet
devant le tribunal de Séguéla qui les a condamnés solidairement à lui payer des
dommages-intérêts.
Sur appel de l’Etat et du Sous-préfet de Tienengboué, la Cour d’Appel a confirmé
le jugement du tribunal de Séguela au motif que le Sous-préfet a, par son action
(capture et vente des bœufs de monsieur DAO Mamadou), commis une voie de fait.
Sur pourvoi de l’Etat et du Sous-préfet, la Chambre Administrative de la Cour
Suprême a, par arrêt n° 34 du 26 mai 2005, cassé la décision de la Cour d’Appel.
Solution retenue
La faute commise par l’agent administratif dans le cadre strict de ses fonctions est
une faute de service qui engage la responsabilité de l’Etat.
83
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
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Arrêt n° 50 KOUA Ama Marie Agnès
Du 20 décembre 2006 contre
Etat de Côte d’Ivoire et Société IGS
Agence FRANCE IMMOBILIER
(Cassation –Evocation)
Responsabilité
Réparation
Obligation pour le juge de préciser les préjudices réparés
Faits et procédure
A la suite du cambriolage de son magasin situé dans l’enceinte du Centre de
Commerce International d’abidjan, madame KOUA Ama Agnès a attrait l’Etat de Côte
d’Ivoire, propriétaire de l’immeuble, l’agence immobilière France Immobilier gérante de
l’immeuble pour le compte de l’Etat, la société de gardiennage et surveillance dite IGS et
leurs assureurs respectifs, la CNA et la MCA, devant le tribunal de première instance
d’abidjan qui a condamné la société IGS et son assureur la MCA au paiement de
75.000.000 de francs CFA à titre de dommages-intérêts à madame KOUA Ama Agnès et
mis hors de cause l’Etat de Côte d’Ivoire.
Sur appel de madame KOUA Ama Agnès, la Cour d’Appel, par arrêt du 11 juillet
2003, a reformé partiellement le jugement et condamné la société IGS au paiement de
50.000.000 francs CFA au motif que la victime ne justifie pas totalement son préjudice.
Sur pourvoi en cassation de madame KOUA Ama Marie Agnès, la Chambre
Administrative a, par arrêt n° 50 du 14 octobre 2003, cassé la décision de la Cour
d’appel.
Solution
Les juges du fond sont tenus de préciser les différents postes de préjudice
spécifiquement reparés. En l’absence de telles précisions leurs décisions manquent de
base légale.
84
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
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Arrêts n° 21 Mairie d’Attécoubé
du 21 mars2007 contre
Société Jardins Exotiques
(Cassation –Evocation)
Responsabilité d’une collectivité territoriale
Mairie et commune termes synonymes désignant la même collectivité publique
Accaparement indû des terrains des particuliers par la commune
Faits et procédure
A la suite de dommages causés à sa propriété par des opérations de lotissement
réalisées par la Commune d’Attécoubé, la Société Jardins Exotiques a attrait ladite
commune devant le tribunal de première instance d’Abidjan qui l’a condamnée à lui payer
la somme de 100.000.000 de francs CFA.
Sur appel de la Mairie d’Attécoubé, la Cour d’Appel a déclaré l’action irrecevable
au motif que la Mairie ne fait pas partie des organes de la Commune et qu’elle n’a pas
été partie au procès.
Sur pourvoi de la Mairie d’Attécoubé, la Chambre Administrative de la Cour
Suprême a, par arrêt n° 21 du 21 mars 2007, cassé la décision de la Cour d’Appel.
Solution retenue
La commune est un terme générique synonyme de mairie qui est à la fois
l’administration municipale et les locaux qui l’abritent.
L’accaparement par la mairie, sans indemnisation préalable, de terrains de
particuliers engage sa responsabilité.
85
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
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Arrêt n° 16 DODO Monohin Paul
du 21 mai 2008 contre
Etat de Côte d’Ivoire
(Rejet)
Responsabilité de l’Etat
Absence de preuves
Rejet
Faits
Monsieur DODO Monohin Paul, classé dans une catégorie professionnelle
inférieure, estimant que deux points avaient été retranchés sur sa moyenne durant sa
formation à l’ENA, a attrait l’Etat devant le tribunal de première instance qui l’a
condamné à lui payer la somme de 70.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts.
Sur appel de l’Etat, la Cour d’Appel a infirmé le jugement au motif que monsieur
DODO Monohin Paul n’a produit au dossier aucun élément à établir qu’il a obtenu une
moyenne dont auraient été retranchés deux points.
Le pourvoi formé par monsieur DODO Monohin a été rejeté par la Chambre
Administrative par arrêt n° 16 du 21 mai 2008.
Solution
La responsabilité de l’Etat suppose une faute prouvée.
86
LISTE DES PARTICIPANTS
N° D’ORDRE NOM ET PRENOMS QUALITE
1 AMANGOUA Georges Président de la Chambre Administrative
2 TERRY OLSON Conseiller d’Etat de France
3 AKA Noba Denis Conseiller
4 N’GNAORE Kouadio Antoine Conseiller
5 YOH Gama Conseiller
6 KOBO Pierre-Claver Conseiller
7 BOBY Gbaza Conseiller
8 SANOGO Mamadou Conseiller
9 N’GORAN-THECKLY Yves Conseiller
10 TOBA Akayé Edouard Conseiller
11 GAUDJI Désiré Auditeur
Chef de Cabinet du Président
12 NIBE Lambert Secrétaire de Chambre
13 KISSIEDOU Sylvère Caporal Chargé d’études
14 KOUAME Michel Chargé d’études
15 WALEBO S. Fulgence Informaticien