Le Lamy sociétés commerciales - 2015 Division 1 Chapitre
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Document Wolters Kluwer France soumis aux conditions d’utilisation définies par la Charte d’Utilisation et les Conditions Générales d’Abonnement UNIVERSITE PANTHEON ASSAS PARIS II Page 1 sur 60 Le Lamy sociétés commerciales - 2015 Division 1Introduction au droit des sociétés Chapitre 1La notion de société 2 - Définition de la société La définition de la société est donnée par l' article 1832 du code civil (Réd. L. n o 85-697, 11 juill. 1985), qui précise : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes ». Cette définition, introduite en 1985 et donc nouvelle par rapport à celle de 1804, a renforcé le caractère institutionnel de la société, sans pour autant cependant négliger l' acte de volonté qui est à son origine. Sur la base de l'article 1832 du code civil, la société peut donc être créée : — soit par un contrat en vertu duquel deux personnes au moins décident de mettre en commun des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Dans cette situation, les éléments caractéristiques du contrat de société : pluralité d'associés, réalisation d'apports, participation aux résultats de l'exploitation et « affectio societatis » (c'est-à-dire intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun) doivent être réunis (voir n os 249 et s.) ; — soit, dans les SARL, les sociétés par actions simplifiées et les sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée, par un acte unilatéral de volonté qui aboutit à l'affectation à son entreprise par l'associé unique de certains de ses biens ou de son industrie pour profiter des résultats. Ici, il n'y a ni « affectio societatis » ni pluralité d'associés. Toutefois, l'associé unique doit se comporter véritablement comme le membre d'une personne morale et doit s'abstenir de confondre le patrimoine de l'entreprise avec ses biens personnels. En effet, dans ce cadre, une société a bien été créée, distincte de son associé unique. Ce qui est naturellement très différent de l'hypothèse récemment instituée par la loi n o 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée puisqu'ici, aucune société n'est créée et qu'un patrimoine d'affectation voit simplement le jour à l'initiative et dans l'intérêt de l'entrepreneur individuel (cf.G. Notté, JCP E 2010, 346). Actuellement, seules les SARL, les SAS, les SELAS et les SELARL peuvent être constituées par une seule personne (pour un plaidoyer en faveur d'une future société en nom collectif unipersonnelle, cf.A. Reygrobellet, D. 2003, p. 679). La société, groupement de personnes, est en outre dotée de la personnalité morale.
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Division 1Introduction au droit des sociétés
Chapitre 1La notion de société
2 - Définition de la société
La définition de la société est donnée par l'article 1832 du code
civil (Réd. L. no 85-697, 11 juill. 1985), qui précise :
« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui
conviennent par un contrat d'affecter à une
entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager
le bénéfice ou de profiter de l'économie qui
pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par
l'acte de volonté d'une seule personne.
Les associés s'engagent à contribuer aux pertes ».
Cette définition, introduite en 1985 et donc nouvelle par rapport à
celle de 1804, a renforcé le caractère institutionnel de la
société, sans pour autant cependant négliger l'acte de volonté qui
est à son origine.
Sur la base de l'article 1832 du code civil, la société peut donc
être créée :
— soit par un contrat en vertu duquel deux personnes au moins
décident de mettre en commun des biens ou leur industrie en
vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra
en résulter. Dans cette situation, les éléments
caractéristiques du contrat de société : pluralité d'associés,
réalisation d'apports, participation aux résultats de
l'exploitation et «
affectio societatis » (c'est-à-dire intention de collaborer sur un
pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun) doivent
être
réunis (voir nos249 et s.) ;
— soit, dans les SARL, les sociétés par actions simplifiées et les
sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée, par un
acte
unilatéral de volonté qui aboutit à l'affectation à son entreprise
par l'associé unique de certains de ses biens ou de son
industrie pour profiter des résultats. Ici, il n'y a ni « affectio
societatis » ni pluralité d'associés. Toutefois, l'associé unique
doit se
comporter véritablement comme le membre d'une personne morale et
doit s'abstenir de confondre le patrimoine de l'entreprise
avec ses biens personnels. En effet, dans ce cadre, une société a
bien été créée, distincte de son associé unique. Ce qui est
naturellement très différent de l'hypothèse récemment instituée par
la loi no 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur
individuel à responsabilité limitée puisqu'ici, aucune société
n'est créée et qu'un patrimoine d'affectation voit simplement le
jour
à l'initiative et dans l'intérêt de l'entrepreneur individuel
(cf.G. Notté, JCP E 2010, 346).
Actuellement, seules les SARL, les SAS, les SELAS et les SELARL
peuvent être constituées par une seule personne (pour un
plaidoyer en faveur d'une future société en nom collectif
unipersonnelle, cf.A. Reygrobellet, D. 2003, p. 679).
La société, groupement de personnes, est en outre dotée de la
personnalité morale.
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L'article 1842 du code civil attribue en effet la personnalité
morale aux sociétés autres que les sociétés en participation.
Les
sociétés jouissent de cette personnalité morale à compter de leur
immatriculation (l'article L. 210-6 du code de commerce
précise
que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à
dater de leur immatriculation au registre du commerce et des
sociétés).
La société est instituée par un contrat qui permet le regroupement
de personnes. Il convient donc de mieux cerner les traits
caractéristiques du contrat de société en le distinguant d'autres
contrats et de comparer la société avec d'autres groupements
(Sections 1 et 2).
Mais, le contrat de société donne naissance à une personne
juridique autonome, distincte de ceux qui ont participé à la
constitution
de la société. On peut s'interroger sur les deux aspects de la
société : contrat et institution (Section 3).
Section 1 Contrat de société et autres contrats
3 - Position du problème
La distinction du contrat de société et des autres contrats ne
devrait normalement pas soulever de difficultés particulières dans
la
mesure où les sociétés commerciales supposent, pour être
valablement constituées, des formalités qui ne laissent aucun doute
sur
les intentions des associés. Pourtant, l'opération de qualification
peut se révéler délicate dans trois séries d'hypothèses :
— d'abord, même si les formalités constitutives d'une société ont
bien été accomplies, les parties ont pu vouloir ainsi
déguiser
sous l'apparence d'une société un autre contrat ;
— ensuite, les sociétés en participation ne requièrent pas, pour
leur constitution, de formalités particulières et se
caractérisent
même par cette absence de publicité (C. civ., art. 1871) ;
— enfin, les difficultés surgissent lorsqu'on se demande si les
parties ont constitué une société créée de fait ou conclu un
autre
contrat, puisque, par hypothèse, aucun acte juridique n'est venu
matérialiser leur accord.
Or, les intérêts qui s'attachent à la qualification peuvent être
nombreux et divers : en particulier, validité même de l'acte
réalisé ;
application de règles supplétives de volonté ; droits des
créanciers envers les parties contractantes ; règles de
compétence
juridictionnelle ; droits d'enregistrement d'importance variable.
Dès lors, avant d'envisager les principales distinctions (§
3),
convient-il de préciser les critères de qualification (§ 1) et les
pouvoirs des juges dans l'opération de qualification (§ 2).
§ 1. Critères de la qualification de société
4 - Éléments caractéristiques du contrat de société
Deux séries de critères guideront la qualification.
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En premier lieu, de façon générale, le contrat de société se
présente comme un contrat synallagmatique, à titre onéreux,
commutatif et translatif de propriété. C'est dire que la convention
qui ne présentera pas l'ensemble de ces caractères ne pourra
recevoir la qualification de société. Mais ce premier critère
demeure insuffisant, dans la mesure où bien d'autres conventions
que la
société le satisfont : vente, prêt, etc.
Aussi, de façon plus précise et cette fois décisive, il convient de
rechercher si l'acte à qualifier présente on non les éléments
spécifiques du contrat de société, tels qu'ils sont déterminés par
l'article 1832 du code civil : apports, vocation aux bénéfices ou
aux
économies, contribution aux pertes, affectio societatis.
La position des juges est, à cet égard, constante (cf., encore,
Cass. com., 9 oct. 2001, no 98-20.394, Bull. civ. IV, no 165,
RJDA
2002, no 152 ; Cass. com., 29 janv. 2008, no 06-15.698, JCP E 2008,
no 1550, note A. Viandier) et a été notamment affirmée
maintes fois à propos des sociétés créées de fait : le contrat de
société ne peut exister dès lors que l'un de ces éléments fait
défaut
(cf., pour l'absence d'apports, Cass. civ., 20 juill. 1908, DP
1909, I, p. 93 ; Cass. 1re civ., 20 janv. 2010, no 08-16.105, Bull.
civ. I, no
15, JCP E 2010, no 1237, D. 2010, p. 323, RJDA 2010, no 363 ; pour
l'absence de vocation aux bénéfices et aux pertes, Cass.
com., 28 janv. 1974, no 72-13.611, Bull. civ. IV, no 34 ; Cass.
com., 21 avr. 1992, no 90-20.451, Bull. Joly Sociétés 1992, p.
666,
note Cuisance ; Cass. com., 30 mai 2000, no 97-21.276, Bull. Joly
Sociétés 2000, p. 1094 ; Cass. com., 13 janv. 2009, no 07-
20.097, RJDA 2009, no 339 ; CA Colmar, 9 oct. 2013, no RG :
12/03877, Bull. Joly Sociétés 2014, p. 226, JCP E 2013, 1646,
RJDA
2014, no 113 ; pour l'absence d'affectio societatis, Cass. com., 12
févr. 1973, no 71-13.615, Bull. civ. IV, no 70 ; CA Paris, 25e ch.
B,
21 juill. 2002, Richarme c/Mascart, RTD com. 2002, p. 678, obs.
Champaud et Danet ; Cass. 1re civ., 12 mai 2004, no
01-03.909,
Bull. civ. I, no 131, RJDA 2004, no 978 ; Cass. 1re civ., 28 févr.
2006, no 04-15.116, RJDA 2006, no 647 ; Cass. 1re civ., 3 déc.
2008,
no 07-13.043, RJDA 2009, no 741 ; Cass. com.,15 déc. 2009, no
08-18.301, RJDA 2010, no 244, 1re esp.).
Et la Cour de cassation précise aujourd'hui expressément que les
éléments constitutifs du contrat de société doivent être
établis
séparément et qu'ils ne peuvent se déduire les uns des autres
(Cass. com., 3 avr. 2012, no 11-15.671, RJDA 2012, no 677).
Ainsi,
l'intention de s'associer ne saurait se déduire de la participation
financière à la réalisation d'un projet immobilier et, plus
généralement, cette intention est distincte de la mise en commun
d'intérêts inhérents au concubinage (Cass. com., 23 juin 2004,
no
01-14.275, Bull. Joly Sociétés 2005, p. 295, note J. Vallanson, Dr.
sociétés 2004, no 163, obs. F.-G. Trébulle, JCP E 2004, no
1041,
p. 1132, JCP E 2004, no 1510, p. 1636, obs. Caussain, Deboissy et
Wicker, Rev. sociétés 2005, p. 131, note F.-X. Lucas ; Cass.
com., 15 déc. 2009, no 08-18.303, RJDA 2010, no 244, 2e esp. ;
Cass. 1re civ., 20 janv. 2010, no 08-13.200, Bull. civ. I, no 11,
JCP E
2010, no 1236, D. 2010, p. 323, Bull. Joly Sociétés 2010, p. 448,
note J. Vallanson, RJDA 2010, no 362 ; Cass. com., 3 avr.
2012,
no 11-15.671, Bull. Joly Sociétés 2012, p. 557 ; cf. également CA
Versailles, 3e ch., 27 sept. 2007, Parisi c/Piter, RJDA 2008,
no
131).
société.
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Enfin, on notera que, nécessaire dans la société pluripersonnelle,
l'affectio societatis n'est pas, en revanche, une condition
requise
pour la formation d'un acte emportant cession de droits sociaux
(Cass. com., 11 juin 2013, no 12-22.296, Gaz. Pal. 15-17
sept.
2013, p. 17, note A. Zattara-Gros).
§ 2. Pouvoirs des juges dans l'opération de qualification
5 - Disqualification et requalification — Éventuelle novation
D'une part, les juges, s'ils doivent tenir compte de la volonté des
parties (cf.Cass. soc., 1er juin 1972, no 71-40.404, Bull. civ.
V,
no 399, relevant, notamment, que les époux demandeurs, qui
invoquaient l'existence d'un contrat de travail, « avaient été
informés,
de façon très nette, que S... n'envisageait nullement le
recrutement de subordonnés sous contrat de travail et que c'est en
parfaite
connaissance de cause qu'ils avaient accepté ce contrat
d'association en participation » en vue de l'exploitation d'un
fonds de
commerce), ne sont toutefois pas liés par son expression.
En d'autres termes, les juges peuvent parfaitement écarter la
qualification que les parties ont donnée à l'acte, et qui peut être
le
résultat d'une fraude ou d'une erreur (cf.Cass. com., 8 janv. 1973,
no 71-14.155, Bull. civ. IV, no 14 ; Cass. com., 15 mai 2007,
no
06-14.262, D. 2007, p. 1603 ; CA Paris, 22e ch., 13 oct. 1960, JCP
G 1961, II, no 11954, note B. P., et, de façon générale,
Terré,
L'influence de la volonté individuelle sur les qualifications,
Paris, 1957, no 220).
D'autre part, les juges peuvent également requalifier. S'ils
constatent que l'acte litigieux n'est pas un contrat de société,
ils peuvent
ne pas se limiter à cette décision négative et valider l'acte en
tant que prêt (cf.Cass. com., 12 déc. 1978, no 77-11.742, Bull.
civ. IV,
no 306 ; CA Paris, 11 mars 1967, D. 1967, p. 474), bail (cf.Cass.
3e civ., 8 mai 1973, no 72-10.991, Bull. civ. III, no 324) ou
encore,
par exemple, vente (cf.Cass. com., 10 juin 1953, JCP G 1954, II, no
7908, note Bastian).
On ajoutera que, dans cette opération de qualification, les juges
peuvent parfaitement se fonder sur le comportement des
prétendus associés postérieurement aux accords existants (cf.Cass.
com., 12 oct. 1993, no 91-13.966, Bull. civ. IV, no 330, Dr.
sociétés 1994, no 1, Bull. Joly Sociétés 1993, p. 1265, note
Jeantin, RTD civ. 1994, p. 595, obs. Mestre).
Enfin, les juges peuvent constater une éventuelle novation du
contrat originaire (cf., par exemple, CA Paris, 15e ch. A, 13
sept.
1989, Bull. Joly Sociétés 1989, p. 957, estimant qu'au prêt
initialement prévu a été substituée par novation une société
en
participation, le « prêteur » déclarant apporter à la société la
somme déjà fournie).
Section 2 Société et autres groupements
13 - Position du problème
Jusqu'à la loi no 78-9 du 4 janvier 1978, la distinction de la
société avec les groupements voisins, et en particulier
l'association, n'a
pas été trop difficile à opérer. La loi définissait la société
comme le contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent
de
mettre quelque chose en commun en vue de partager le bénéfice qui
pourra en résulter, et la jurisprudence interprétait
strictement
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cette notion de bénéfice, caractéristique de ce groupement. En
particulier, les chambres réunies de la Cour de cassation, dans
le
célèbre arrêt Caisse rurale de la commune de Manigod (Cass. ch.
réunies, 11 mars 1914, DP 1914, I, p. 257, S. 1918-19, I, p.
103,
Les grands arrêts de la jurisprudence commerciale, t. 1, no 44),
définirent le bénéfice comme « tout gain pécuniaire ou gain
matériel qui ajouterait à la fortune des associés ». Le bénéfice
devant donc consister en un enrichissement positif, et non
pas
simplement en une économie, tous les groupements constitués en vue
de permettre à leurs membres de réaliser des économies
se trouvaient donc exclus de la qualification de société, dont les
contours étaient ainsi assez nets (cf.Kayser, Société et
association, Th. Nancy, 1928).
Cette définition stricte de la société devait ultérieurement
provoquer une double intervention du législateur :
— dans certains cas, le législateur, souhaitant doter de nouveaux
groupements du statut préférentiel de la société, dut venir
expressément leur conférer cette qualification, dans la mesure où
ces groupements, ayant pour but l'obtention d'un service à
moindre coût, risquaient sans cette intervention de se voir
dénommés associations par l'administration ou les juges ;
cf.,
notamment, les sociétés immobilières (L. 28 juin 1938, puis L. no
71-579, 16 juill. 1971), les sociétés coopératives (L. no 47-
1775, 10 sept. 1947), la société interprofessionnelle pour la
compensation des valeurs mobilières (D. no 49-1105, 4 août
1949),
les sociétés d'intérêt collectif agricole, les sociétés
d'aménagement foncier et d'établissement rural (L. no 60-808, 5
août 1960),
les sociétés civiles professionnelles de moyens (L. no 66-879, 29
nov. 1966) ;
— par ailleurs, le législateur, souhaitant donner aux entreprises
le moyen juridique de se réunir au sein d'un organisme doté
de
la personnalité morale mais ne poursuivant pas un objectif de
bénéfices, dut créer une nouvelle structure : le groupement
d'intérêt économique, institué par l'ordonnance no 67-821 du 23
septembre 1967, aujourd'hui codifiée dans le Code de
commerce.
Or, la loi no 78-9 du 4 janvier 1978 a quelque peu obscurci les
frontières qui existaient entre ces trois groupements. En
effet,
l'article 1832 du code civil précise depuis lors que la société est
instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par
un
contrat d'affecter à une entreprise commune « des biens ou leur
industrie, en vue de partager le bénéfice ou de profiter de
l'économie qui pourra en résulter ». Ce nouvel objectif alternatif
de la société rend évidemment plus délicate la distinction
entre
société, association (§ 1), et groupement d'intérêt économique (§
2). Au demeurant, d'autres interventions législatives ont
également compliqué l'opération de qualification et doivent
conduire à distinguer la société de l'indivision (§ 3), de la
fondation (§
4), du syndicat (§ 5), et d'autres groupements divers (§ 6).
§ 1. Société et association
14 - Intérêts de la distinction
Ces intérêts sont nombreux dans la mesure où société et association
obéissent à des régimes différents, notamment quant à :
— leurs conditions de constitution ;
— leur capacité ;
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— leurs dissolution et liquidation ;
— la liberté d'établissement que l'article 48 du traité CE (devenu
l'article 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne) refuse aux associations et accorde aux sociétés,
civiles, commerciales ou coopératives, relevant du droit privé
ou
du droit public ;
— ou encore le droit de retrait des membres, très ouvert dans les
associations, tout particulièrement au lendemain de la loi no
2012-387 du 22 mars 2012 (JO 23 mars) qui le prévoit même lorsque
l'association a été formée pour un temps déterminé (L. 1er
juill. 1901, art. 4 modifié).
Sur toutes ces règles particulières aux associations, cf.Le Lamy
associations. On notera toutefois que la Cour de cassation
tend
souvent, dans le fonctionnement de l'association, à transposer des
règles du droit des sociétés, perçu en quelque sorte comme un
modèle juridique (cf.Cass. 1re civ., 29 nov. 1994, no 92-18.018,
Rev. sociétés 1995, p. 318, obs. Y. Guyon, RTD com. 1996, p.
86,
obs. E. Alfanderi, Dr. sociétés 1995, no 48, obs. T. Bonneau ;
Cass. 1re civ., 3 mai 2006, no 03-18.229, D. 2006, p. 1456, obs.
A.
Lienhard).
Au surplus, société et association se rapprochent sur le terrain de
la prévention et du traitement de leurs difficultés, puisque
les
textes applicables visent, de façon générale, les personnes morales
de droit privé, tout au moins celles ayant une activité
économique (voir nos2490 et s.).
15 - Éléments de la distinction
Les nombreux intérêts qui s'y attachent rendent évidemment la
distinction juridique entre la société et l'association capitale,
et on
ne peut donc que regretter le trouble qu'a pu jeter ici la loi no
78-9 du 4 janvier 1978 (cf.Guyon, De la distinction des sociétés et
des
associations depuis la loi du 4 janvier 1978, Mélanges Kayser,
1979, t. 1, p. 483). Mais dans l'attente d'une nouvelle
redistribution
de structures (souhaitée par certains : cf.Guyon, Droit des
affaires, p. 117, suggérant l'adoption d'une classification
distinguant
personnes morales à but non économique ou à but altruiste et
personnes morales à but lucratif), cette distinction demeure
dans
notre droit, et doit donc être précisée.
L'association restant toujours définie, par l'article 1er de la loi
du 1er juillet 1901, comme « la convention par laquelle deux
ou
plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente,
leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de
partager des bénéfices », il semble qu'on soit amené, au terme
d'une comparaison avec l'article 1832 du code civil, à
distinguer
trois domaines : le domaine réservé de la société, le domaine
réservé de l'association, enfin celui où ces deux groupements
peuvent, en quelque sorte, apparaître concurrents.
16 - Domaine réservé de la société
Le groupement constitué par ses membres en vue de partager le
bénéfice pouvant provenir de l'action commune est assurément
une société. La loi du 1er juillet 1901 est très nette à cet égard
: la qualification d'association est inconcevable (cf.Guyon,
J.-Cl.
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Sociétés Traité, Fasc. 20, no 114 ; F. Lefebvre, MSC, 2015, no 31 ;
CA Paris, 23e ch. A, 10 mai 1995, Pioceau c/Baquet, Bull.
Joly
Sociétés 1995, p. 742, note Jeantin), et le groupement dénommé
association qui distribuerait des bénéfices à ses membres
s'exposerait donc à une disqualification (voir no19 ; cf. également
Daigre, Les associations d'avocats : associations ou
sociétés,
personnes morales ou groupements de fait ?, JCP E 1997, I, no
671).
La recherche de bénéfices en vue de leur partage entre les membres
du groupement doit conduire ainsi à la qualification de
société, même si les membres du groupement poursuivent également,
de façon accessoire, des visées d'ordre moral. La poursuite
de bénéfices n'a pas, en effet, à être exclusive dans le cadre
d'une société, il suffit qu'elle ait inspiré la constitution de
groupement
et qu'elle reste prioritaire dans l'esprit de ses membres
(cf.Viandier, J.-Cl. Sociétés Traité, Fasc. 16, Théorie des
bénéfices et des
pertes, no 7).
Pourtant, toute obscurité ne se trouve pas dissipée dans ce premier
domaine, dans la mesure où il n'existe pas de définition
unanimement admise du bénéfice (cf.Guyon, précité, no 114). Faut-il
s'en tenir aux termes de l'article L. 123-13 du code de
commerce qui précise que le compte de résultat (qui récapitule les
produits et les charges de l'exercice) fait apparaître, par
différence après déduction des amortissements et des provisions, le
bénéfice ou la perte de l'exercice, ou à ceux voisins de
l'article 38 du code général des impôts, ou bien considérer que la
jurisprudence Caisse rurale de Manigod (Cass. ch. réunies, 11
mars 1914, DP 1914, I, p. 257, S. 1918-19, I, p. 103, Les grands
arrêts de la jurisprudence commerciale, t. 1, no 44 ; voir
no13)
conserve encore son actualité ?
La question est d'importance dès lors que certains groupements
procurent à leurs membres, non des gains pécuniaires, mais
des
avantages d'ordre matériel ou intellectuel (par exemple,
participation à des clubs sportifs, à des restaurants,
informations, formation
professionnelle, etc.). Est-on encore en présence de bénéfices, au
sens de l'article 1832 du code civil ? On peut légitimement
en
douter. Au surplus, on doit observer que ce texte ne se contente
pas de parler de bénéfices, mais encore évoque leur partage
(sinon leur partage effectif – car la qualification de société
demeure en dépit d'une exploitation déficitaire – qui se
traduit
uniquement pour les associés par une contribution aux pertes, Cass.
com., 11 juill. 1977, no 76-10.040, Bull. civ. IV, no 202, et
plus
généralement, voir no352) du moins leur partage concevable. Or, le
plus souvent, ces avantages non pécuniaires procurés aux
membres du groupement ne seront pas partageables, et donc
n'entraîneront pas la qualification de société (cf.Guyon, De
la
distinction des sociétés et des associations depuis la loi du 4
janvier 1978, Mélanges Kayser, 1979, t. 1, p. 491).
17 - Domaine réservé de l'association
Le groupement constitué par ses membres dans un but entièrement
désintéressé, exclusif de toute recherche d'un avantage
matériel quel qu'il soit (profit ou économie), est sans conteste
une association (cf.F. Lefebvre, MSC, 2015, no 32 ; du Pontavice
et
Dupichot, Les sociétés, no 411-1 ; Guyon, De la distinction des
sociétés et des associations depuis la loi du 4 janvier 1978,
Mélanges Kayser, 1979, t. 1, p. 496). C'est notamment le cas des
groupements philanthropiques, culturels, religieux ou
philosophiques.
Cette qualification d'association est liée au but désintéressé que
poursuit le groupement. Il en résulte qu'elle doit demeurer :
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— même si le groupement réalise des économies, accessoirement à son
objectif principal (sur l'hypothèse où la recherche
d'économies passerait au premier plan, voir no18) ;
— même si le groupement réalise des bénéfices, dès lors que ces
derniers ne sont qu'accessoires à la poursuite de l'objectif
désintéressé et uniquement destinés à mieux servir celui-ci (par
exemple des ventes de charité permettant à l'association de
venir en aide à ceux qu'elle a pour objet social d'assister). Cette
possibilité pour une association, sans encourir de
disqualification, de réaliser accessoirement des bénéfices a été
nettement affirmée par la jurisprudence (cf.T. com. Rennes,
13
janv. 1978, Rev. sociétés 1978, p. 778, observant qu'« il n'est pas
interdit à une association de faire des bénéfices, il est
même
nécessaire qu'elle en fasse pour subsister » ; CA Reims, 19 févr.
1980, JCP G 1981, II, no 19496, note Guyon, considérant qu'«
une association sportive ou pas est en droit d'accomplir de façon
répétée des actes onéreux dans une intention spéculative dès
lors que ceci est conforme au caractère désintéressé de l'objet
social et nécessaire à la poursuite d'une activité dont il ne
constitue que l'accessoire »).
Cette possibilité de réaliser des bénéfices a, au demeurant,
logiquement conduit les magistrats à admettre la commercialité
de
l'activité de certaines associations avec, notamment, des
conséquences d'ordre probatoire ou procédural (cf.Le Lamy
associations).
18 - Domaine de concurrence de la société et de l'association
Depuis la nouvelle définition de la société introduite en 1978 dans
l'article 1832 du code civil, la frontière entre cette dernière
et
l'association est devenue imprécise dans tout le domaine dominé par
la recherche de l'économie.
Certes, comme l'a observé le Pr Guyon, l'adjonction de l'économie
au bénéfice dans l'article 1832 du code civil a eu une
certaine
logique (Guyon Y., De la distinction des sociétés et des
associations depuis la loi du 4 janvier 1978, Mélanges Kayser,
1979, t. 1,
p. 495). D'une part, en matière pécuniaire, notre droit assimile
souvent le bénéfice à l'absence de perte ou la perte à l'absence
de
gain (cf., de manière très révélatrice, C. civ., art. 1149, en
matière de responsabilité contractuelle) ; d'autre part, le nouveau
critère
a permis d'englober indiscutablement dans la catégorie des
sociétés, des personnes morales dont la qualification pouvait
jusque-là
donner lieu à discussion, telles que les coopératives, certaines
sociétés immobilières ou les sociétés civiles de moyens.
Mais, même si on peut la justifier, l'innovation législative de
1978 s'est révélée source de quelques incertitudes. Une
probabilité
toutefois : l'économie, qui peut entraîner la qualification de
société, doit s'entendre d'une économie en numéraire. Le
groupement
qui se constituerait pour diminuer, par exemple, la pollution
serait, sans doute, une association (cf.Guyon, précité, p.
496).
Reste alors tout le domaine des économies d'ordre pécuniaire :
acheter ou emprunter moins cher, voyager ou pratiquer le sport
à
moindres frais, utiliser des installations à moindre coût (CA
Paris, 23e ch. A, 10 mai 1995, Pioceau c/Baquet et Simon,
Defrénois
1995, art. 36139, p. 954, obs. Le Cannu), etc. À partir des textes
légaux, deux positions sont soutenues en doctrine.
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Pour les uns (cf.Guyon, J.-Cl. Sociétés traité, Fasc. 20, no 116),
le groupement se constituant avec cet objectif est, semble-t-il,
une
société.
Pour d'autres (cf.Hamel, Lagarde et Jauffret, Droit commercial, no
404-1 ; F. Lefebvre, MSC, 2015, no 33 ; Le Cannu, D. 1983, p.
299), en revanche, on doit admettre ici une libre concurrence. Le
groupement qui se constitue en vue de permettre à ses membres
de réaliser des économies peut indifféremment, et tout aussi
variablement, recourir au cadre de la société ou à celui de
l'association (avec les avantages et les inconvénients de chacun,
sur lesquels voir no14).
Cette dernière position nous paraît la plus conforme aux textes
législatifs actuels. C'est dire que le groupement sportif qui
se
créerait pour offrir une utilisation à frais réduits des
équipements mis à la disposition de ses membres pourrait se
constituer en
association et devrait demeurer à l'abri d'une disqualification
judiciaire ou fiscale (sous réserve, évidemment, du cas où il
se
caractériserait ultérieurement, dans un détournement de sa vocation
première, par une recherche principale de bénéfices, voir
no19).
On doit toutefois ajouter que l'option entre l'association et la
société pour un groupement destiné à réaliser des économies
n'est
quand même pas complète dans la mesure où la forme de la société
passera, pour être valable, par le respect des autres
éléments
constitutifs du contrat. Ainsi, par exemple, devra-t-on exclure la
qualification sociétaire lorsqu'il n'existe pas d'apports
(les
cotisations n'en sont pas) ou que les adhérents ne contribuent pas
aux pertes.
19 - Disqualification
Conformément aux principes généraux de notre droit, la nature du
groupement ne saurait dépendre de la qualification juridique
donnée par les parties elles-mêmes, c'est-à-dire de leur seule
volonté.
Que la qualification donnée l'ait été de façon simplement erronée
ou carrément frauduleuse, les juges conservent le pouvoir de
l'écarter si elle se révèle contraire à la définition légale. Ils
peuvent donc, en notre domaine, qualifier de société un groupement
que
ses membres ont dénommé association, et inversement.
La position de notre jurisprudence est ici très nette. Affirmée dès
le siècle dernier (cf., notamment, Cass. req., 2 janv. 1894,
S.
1894, I, p. 129 et Cass. req., 29 nov. 1897, S. 1902, I, p. 15),
elle ne s'est jamais démentie (cf., par exemple, Cass. com., 2
mars
1982, no 80-13.790, Bull. civ. IV, no 85, considérant que justifie
légalement sa décision la cour d'appel qui, « restituant aux
conventions des parties leur véritable qualification juridique », a
décidé que le contrat litigieux était un contrat de société et
non
d'association, comme l'avaient dénommé les parties, dès lors que
coexistaient le but lucratif de l'opération, la participation
aux
bénéfices et aux pertes des parties, les apports et l'affectio
societatis ; Cass. 1re civ., 21 mai 1974, no 73-12.529, Bull. civ.
I, no 152
; TGI Paris, 26 févr. 1973, JCP G 1974, II, no 17821, note Lindon ;
T. com. Rennes, 31 janv. 1978, Rev. sociétés 1978, p. 779,
note
Plaisant, et T. com. Marseille, 8 avr. 1980, Rev. sociétés 1982, p.
339, note Plaisant, qualifiant de sociétés de fait des clubs
de
football constitués sous forme d'associations).
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20 - Transformation des sociétés en associations
À plusieurs reprises, il est apparu opportun au législateur de
permettre à des sociétés n'ayant en fait aucun but lucratif (et qui
sont,
semble-t-il, très nombreuses) de se transformer en associations
régies par la loi du 1er juillet 1901, afin d'échapper à la rigueur
des
obligations auxquelles sont astreintes les sociétés qui recherchent
des bénéfices (notamment contrôle et sanctions pénales ;
cf.du
Pontavice et Dupichot, no 412).
Une première loi no 69-717 du 8 juillet 1969 a ainsi permis aux
sociétés par actions, SARL et sociétés civiles ayant pour
activité
principale la gestion d'immeubles qui leur appartiennent, qu'elles
louent et affectent à des fins charitables, éducatives, sociales
et
sanitaires ou culturelles, de se transformer en associations, sans
qu'il y ait création d'une personne morale nouvelle (sur les
avantages fiscaux en résultant, cf.Richard, La transformation en
association ou la dissolution de certaines sociétés affectant
leurs
immeubles à des fins désintéressées, JCP CI 1970, no 88302). Mais
cette faculté de transformation n'a été ouverte que jusqu'au
31
décembre 1974.
Une seconde loi no 77-574 du 7 juin 1977 a de même prévu, dans son
article 43 (L. no 77-574, 7 juin 1977, art. 43), que « tout
actionnaire ou associé d'une personne morale constituée sous la
forme d'une société civile ou commerciale, dépourvue de fait
de
tout caractère lucratif, même dissoute, mais non encore liquidée,
est recevable à demander en justice que soit restituée à
cette
personne morale la qualification d'association », et a en outre
précisé que « s'il est fait droit à cette demande, la personne
morale
est soumise au droit des associations du jour où sa déclaration,
effectuée dans le délai d'un mois après que la décision
judiciaire
sera devenue définitive, est rendue publique conformément à
l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901. L'action prévue au
premier
alinéa ci-dessus doit être exercée dans les six mois de la
publication de la présente loi ».
Mais ici encore, cette loi n'a eu qu'un effet temporaire
puisqu'elle n'a ouvert cette procédure originale de requalification
judiciaire
que pendant simplement six mois, afin de « permettre à de fausses
sociétés de changer de vêtement juridique pour endosser celui
qui leur convient en réalité, le statut d'association » (Daigre,
Rev. sociétés 1982, p. 70), sans pour autant devoir passer par
la
phase d'une dissolution (d'où l'impossibilité pour les associés de
reprendre leurs apports : Cass. 1re civ., 15 mars 1988, no
85-
17.998, Dr. sociétés 1988, no 231). C'est dire que cette loi n'est
plus aujourd'hui en vigueur. Cela étant, on relèvera qu'elle
a
suscité un intéressant contentieux. Ainsi il a été jugé qu'une
société ayant un but non lucratif pouvait, en application de l
'article 43
de la loi no 77-574 du 7 juin 1977, demander sa requalification en
association si elle restait dépourvue de fait de tout but
lucratif.
Une modification des statuts, au demeurant valable, ne conférait
pas à elle seule ce but lucratif (Cass. com., 15 nov. 1983, no
82-
11.253, Bull. civ. IV, no 309).
Cf., également, sur le contentieux d'application de l'article 43
précité, Cass. com., 20 déc. 1983, nos 83-13.168 et 83-13.169,
Bull.
Joly Sociétés 1984, p. 310.
21 - Transformation d'associations en sociétés
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Dans leur majorité, les groupements sportifs poursuivent leurs
activités sous la forme d'associations de la loi du 1er juillet
1901.
Mais cette formule s'est cependant, à l'usage, de moins en moins
adaptée à l'administration de groupements tournés vers le «
sport-spectacle » et gérant des sommes souvent considérables dans
une optique et avec des méthodes commerciales. Il s'agit
notamment des « clubs professionnels » de football et, à un moindre
degré, de basket-ball ou de rugby.
Aussi, la loi relative à l'organisation et à la promotion des
activités sportives a imposé à certaines associations sportives
soit de se
transformer en sociétés anonymes, soit d'adapter leur statut
associatif à certaines règles plus contraignantes (L. no 84-610,
16
juill. 1984 ; cf.Le Lamy droit du sport).
§ 2. Société et groupement d'intérêt économique
22 - Difficulté éventuelle de la distinction
L'importante différence de régimes juridiques (sur celui du GIE,
voir nos1771 et s.) justifie que soit nettement précisée la
distinction
entre ces deux groupements, investis l'un comme l'autre de la
personnalité morale à compter de leur immatriculation au registre
du
commerce et des sociétés (C. civ., art. 1842 et Ord. no 67-821, 23
sept. 1967, codifiée dans le Code de commerce).
Or, ici encore, la loi no 78-9 du 4 janvier 1978, en élargissant la
définition de la société, a rendu cette distinction délicate. Elle
ne l'a
cependant pas fait disparaître, même si un domaine nouveau de
concurrence en est sans doute résulté.
23 - Critère de la distinction
L'autonomie juridique du GIE trouve sa source dans l'originalité de
son objet telle qu'elle résulte de l'article L. 251-3 du code
de
commerce.
Le GIE doit être un prolongement de l'activité économique de ses
membres (ce qui réduit nécessairement l'étendue de son objet,
et donc, par application du principe de spécialité des personnes
morales, sa capacité), alors que la société peut, au contraire,
se
donner un objet extrêmement large (voir nos226 et s.), sans rapport
avec l'activité de ses membres. C'est là, dans ce lien
nécessaire entre l'objet du GIE et l'activité économique de ceux
qui le constituent, que repose l'originalité maintenue du GIE,
ainsi
conçu comme « une structure d'appoint, de transition ou de
réconfort » (Le Fol, Possibilités et limites du GIE, dans Bilan,
objectifs
et stratégies des GIE, Paris, 1970, p. 44).
Le GIE ne peut donc ni créer de toutes pièces des activités qui
n'existaient pas auparavant chez ses membres, ni regrouper
toute
l'activité de ses membres qui disparaîtrait à compter de sa
constitution (cf.Guyon, D. 1975, p. 367). En ce sens, on peut
d'ailleurs
citer un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23
février 1970 (TGI Paris, 23 févr. 1970, Rev. sociétés 1970, p.
310,
note J.G., JCP G 1970, II, no 16335, note Guyon), considérant qu'un
GIE a dégénéré en société de fait lorsque ses membres
personnes physiques n'ont pas ou plus d'activité, et ses autres
membres, des sociétés, sont, l'une, de façade, et l'autre, pas
encore
constituée.
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En revanche, la référence à l'absence du but spéculatif du GIE
paraît assez discutable, d'autant plus que, depuis la loi no
89-377
du 13 juin 1989, désormais codifiée dans le Code de commerce et
l'ordonnance no 67-821 du 23 septembre 1967, également
codifiée dans le Code de commerce, laissent entendre que le GIE
peut accessoirement réaliser des bénéfices (voir no1779).
24 - Domaine possible de concurrence
Il reste que, comme dans le cas des rapports entre la société et
l'association (voir no18), il faut admettre que, depuis 1978,
existe
entre la société et le GIE une sorte de zone de libre concurrence
entre ces groupements, un domaine où l'un ou l'autre de ces
cadres peut être adopté indifféremment de façon valable, sans
risque de disqualification ultérieure (à supposer encore que
le
groupement constitué remplisse les autres conditions de la
qualification qu'il a choisie : par exemple, les apports dans le
cas d'une
société). Rien n'empêche, en effet, une société de se constituer
avec l'objectif de faire profiter ses membres des économies
qui
vont pouvoir résulter de la nouvelle action commune, elle-même liée
par ailleurs à celle préexistante et maintenue de ses
membres.
Ainsi, comme l'a justement observé le Pr Guyon, « il n'y a
pratiquement pas de différence entre les GIE et les sociétés de
moyens
constituées entre membres des professions libérales. Ces deux
formes permettent la mise en commun de moyens, tels que des
locaux, du matériel, de la documentation, voire du personnel
d'exécution ».
25 - Conséquences de l'autonomie juridique des GIE
Le GIE demeurant un groupement juridiquement autonome, distinct de
la société même après la loi no 78-9 du 4 janvier 1978, on
doit en tirer deux conséquences :
— d'une part, l'ordonnance no 67-821 du 23 septembre 1967, codifiée
dans le Code de commerce, ne doit pas s'interpréter au
moyen des règles générales applicables aux sociétés, et notamment
des articles 1832 et suivants du code civildéfinissant les
principes communs à l'ensemble des sociétés (sauf cas de renvoi
exprès ; pour les nullités, voir no1821). En cas de silence
ou
d'obscurité de l'ordonnance, l'interprète doit se référer à la
théorie générale de la personnalité morale ou, à défaut, à celle
des
obligations ; voir no1859, pour le cas où un GIE se trouverait
subitement réduit à un seul membre ;
— d'autre part, la transformation du GIE en société entraîne en
principe perte de la personnalité morale, mais des exceptions
ont cependant été apportées par la loi à cette règle ; voir
no1854.
26 Difficulté éventuelle de la distinction — Lois du 31 décembre
1976 et du 23 juin 2006
26 - Difficulté éventuelle de la distinction — Lois du 31 décembre
1976 et du 23 juin 2006
La loi no 76-1286 du 31 décembre 1976, en modifiant l'article 815
du code civil (devenu, par éclatement, les articles 815 à
815-18
(C. civ., art. 815 à 815-18), et en ajoutant, après le titre IX
(sociétés), un titre IX bis (C. civ., art. 1873-1 à 1873-18)
intitulé « Des
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conventions relatives à l'exercice des droits indivis », a
singulièrement atténué l'opposition traditionnellement forte entre
la société,
groupement organisé et stable, et l'indivision, état
semi-anarchique et précaire. Certes, la portée de la distinction
s'en est trouvée
elle-même d'autant réduite (sur le rapprochement des régimes, voir
no27), mais l'opération préalable et toujours nécessaire de
qualification s'est également vue sensiblement compliquée, dans la
mesure où plusieurs critères, jusque-là utilisables pour
l'effectuer, sont devenus subitement inopérants (cf., sur
l'ensemble de la question, Saint-Alary-Houin, Les critères
distinctifs de la
société et de l'indivision depuis les réformes récentes du Code
civil, RTD com. 1979, p. 645 ; Caporale, Société et indivision,
Rev.
sociétés 1979, p. 265 ; Deboissy et Wicker, La distinction de
l'indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ. 2000,
p.
225 ; Bézard, nos 129 et s. ; B. Dondero, Les groupements dépourvus
de personnalité juridique en droit privé, préf. Le Nabasque,
PUAM, 2006).
On ajoutera que la réforme de l'indivision opérée par la loi no
2006-728 du 23 juin 2006 a encore, d'une certaine façon, « aggravé
»
les choses en accentuant le caractère institutionnel de
l'indivision (cf.P. Puig, Société et indivision, Journ. sociétés
avr. 2008, p.
53).
§ 3. Société et indivision
27 - Critères devenus inopérants
En particulier, ne permettent plus désormais de distinguer
l'indivision de la société :
— le critère de la source : traditionnellement, on opposait la
société, née d'un accord de volonté, à l'indivision, état
subi.
Désormais, à côté de l'indivision dite primaire (C. civ., art. 815
et s.), existe une indivision conventionnelle (C. civ., art. 1873-1
et
s.), procédant d'un acte de volonté commune ;
— le critère de l'organisation du groupement : de la société, dotée
d'une structure précise et d'organes désignés, se
distinguait nettement l'indivision, sans organisation interne et
inéluctablement soumise à la lourde règle de l'unanimité.
Cette
opposition, peut-être déjà un peu exagérée dans le passé
(cf.Delhay, La nature juridique de l'indivision, Bibl. dr. privé,
LGDJ,
1968), a volé en éclats en 1976, puis en 2006, et encore en 2009,
par la volonté d'un législateur qui a entendu doter
l'indivision
d'un régime économiquement adapté. D'où un rapprochement sensible
de l'organisation de l'indivision et de celle de la société.
Le point est déjà sensible dans le cadre du régime primaire fixé
par le Code civil : à l'article ;815-3 (C. civ., art. 815-3 ;
depuis la
loi no 2006-728 du 23 juin 2006, possibilité pour le ou les
indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis
de
décider, à cette majorité, d'effectuer notamment les actes
d'administration relatifs aux biens indivis, ou encore de donner à
l'un
ou plusieurs d'entre eux ou à un tiers un mandat général
d'administration), à l'article 815-5-1 (C. civ., art. 815-5-1 ; né
de la loi no
2009-526 du 12 mai 2009 et prévoyant que l'aliénation d'un bien
indivis peut, sous certaines conditions, être autorisée par
le
tribunal de grande instance à la demande de l'un ou des
indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis),
à l'article
815-11 (C. civ., art. 815-11 ; droit de chaque indivisaire aux
bénéfices provenant des biens indivis et participation aux
pertes
proportionnellement à ses droits dans l'indivision) et à l'article
815-12 (C. civ., art. 815-12 ; droit à rémunération de
l'indivisaire
ayant géré l'exploitation indivise).
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Mais il est surtout frappant dans le cadre du régime de
l'indivision secondaire : s'agissant de l'article 1873-2 (C. civ.,
art. 1873-2
; convention devant être établie par écrit), de l'article 1873-4
(C. civ., art. 1873-4 ; convention supposant la capacité ou
le
pouvoir de disposer des biens indivis), de l'article 1873-5 (C.
civ., art. 1873-5 ; possibilité de nommer un ou plusieurs
gérants,
choisis ou non parmi les indivisaires), de l'article 1873-6 (C.
civ., art. 1873-6 ; reconnaissant au gérant un véritable pouvoir
légal,
et précisant que « toute clause extensive des pouvoirs du gérant
est réputée non écrite »), de l'article 1873-8 (C. civ., art.
1873-
8 ; unanimité pour les décisions excédant les pouvoirs du gérant),
de l'article 1873-10 (C. civ., art. 1873-10 ; rémunération du
gérant), de l'article 1873-11 (C. civ., art. 1873-11 ; droit de
chaque indivisaire d'« exiger la communication de tous les
documents relatifs à la gestion », et obligation pour le gérant de
rendre compte, une fois par an, de sa gestion aux
indivisaires),
de l'article 1873-12 (C. civ., art. 1873-12 ; droit de préemption
et de substitution des coïndivisaires en cas d'aliénation de tout
ou
partie des droits d'un indivisaire dans les droits indivis), et de
l'article 1873-15 (C. civ., art. 1873-15 ; impossibilité pour
les
créanciers personnels des indivisaires de provoquer le partage,
hors les cas où leur débiteur pourrait lui-même le faire) ;
— le critère de la durée : l'indivision, par essence temporaire
(cf.C. civ., art. 815 ancien), s'opposait à la société, dont la
durée
peut atteindre 99 ans (voir no559). Or, d'une part, dans le cadre
de l'indivision primaire, si l'article 815 du code civil continue
à
dire que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision
», il apporte à ce principe d'importantes exceptions à travers
la
possibilité d'un sursis à la demande de partage par jugement ou par
convention. D'autre part, et surtout, dans le cadre
précisément de l'indivision conventionnelle, l'article 1873-3 du
code civil prévoit que la convention peut être conclue pour
une
durée déterminée, au maximum de cinq ans, et renouvelable, ou pour
une durée indéterminée. C'est dire que le souhait du
législateur contemporain a été d'assurer la stabilité de
l'indivision, tout en optant pour un régime très souple (plus
souple que
celui de la société, où la durée doit être déterminée ; voir no559)
;
— le critère de la personnalité morale : ici encore s'opposaient la
société, dotée de la personnalité, et l'indivision, qui en
était
privée. Or, la loi no 76-1286 du 31 décembre 1976, confortée
d'ailleurs sur ce point par la loi no 78-9 du 4 janvier 1978, a
atténué
l'opposition. D'une part, cette dernière loi a rénové et développé
le statut des sociétés non personnalisées : sociétés non
encore
immatriculées (qui, par le jeu de l'article 1842, alinéa 2, du code
civil, ne sont « ni un néant juridique, ni une société de fait,
mais
un contrat qui produit tous ses effets dans les relations entre les
associés », Houin, RTD com. 1978, p. 114), sociétés en
participation et sociétés créées de fait. D'autre part,
l'indivision présente, de son côté, les traits d'un groupement
personnalisé :
possibilité d'expression collective (C. civ., art. 815-3 et
1873-6), intérêt propre (C. civ., art. 815-6 et 1873-5),
autonomie
patrimoniale (C. civ., art. 815-10, 815-17 et 1873-15).
28 - Critère proposé
Pourtant, en dépit de ce rapprochement sensible des régimes
juridiques, la distinction entre la société et l'indivision
continue à
produire des effets non négligeables : de façon générale, plus
grande précarité de l'indivision qui demeure exposée au
risque,
simplement atténué, du partage ; menace pesant sur la société d'une
procédure collective, avec d'éventuelles répercussions sur
les associés ; gestion plus souple de la société, où les pouvoirs
des dirigeants sont très larges ; fiscalité différente (cf., de
façon
plus détaillée, Saint-Alary-Houin, Les critères distinctifs de la
société et de l'indivision depuis les réformes récentes du Code
civil,
RTD com. 1979, p. 652-653 ; Deboissy et Wicker, La distinction de
l'indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ.
2000,
p. 242).
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Dès lors, se pose le problème du critère actuel de la distinction.
La doctrine discerne très généralement celui-ci dans la
volonté
des membres du groupement.
Comme l'a précisé un auteur : « Dans la recherche de bénéfices,
tout est question de degrés. La réalisation de bénéfices ou
la
recherche d'une économie, constitue le but principal et exclusif
qui anime les personnes qui s'associent [...] Dans l'indivision,
on
peut, comme le prévoit l'article 815-10, partager les bénéfices qui
proviennent des biens indivis ; on peut même, pourquoi pas,
rechercher la réalisation de tels bénéfices. Mais cette finalité ne
peut – et ne doit – jamais être le but principal et exclusif
de
l'indivision ; sinon, on serait en présence d'une société. Les
bénéfices qui résultent de l'exploitation de la masse indivise ne
sont
poursuivis et réalisés qu'à titre accessoire. Car l'indivision, à
la différence de la société, n'est pas destinée à faire fructifier
la chose
indivise en lui donnant un emploi déterminé, une activité
productive. Elle permet, avant tout, de conserver la consistance et
la
valeur des biens communs, en vue de les affecter à la jouissance
d'un ou plusieurs "communistes", ou d'attendre un jour
propice
pour le partage » (Caporale, Rev. sociétés 1979, p. 274).
C'est d'ailleurs à travers ce critère de « la dynamique donnée aux
biens dans une finalité collective » (Viandier, La notion
d'associé,
Bibl. Dr. privé, T. 156, LGDJ, 1978, no 49, p. 51) et plus
généralement donc, de l'intention des parties que la
jurisprudence
distingue habituellement l'associé de l'indivisaire (cf.Cass. com.,
12 févr. 1973, no 71-13.615, Bull. civ. IV, no 70,
considérant
implicitement que les indivisaires passent de l'indivision à la
société à partir du moment où, ne se contentant plus d'une
gestion
conservatoire et massive de leurs biens, ils affectent ceux-ci à
une œuvre commune ; cf. aussi Cass. com., 18 nov. 1997, no
96-
10.999, Bull. Joly Sociétés 1998, p. 145, Dr. fisc. 1998, no 11,
comm. 195, RTD com. 1998, p. 710, obs. Deboissy ; T. com.
Paris,
27 sept. 1994, Gaz. Pal. 1994, I, som., p. 224).
29 - Imbrications possibles de la société et de l'indivision
Même juridiquement distinctes, la société et l'indivision peuvent
faire l'objet d'imbrications, que la loi no 76-1286 du 31
décembre
1976 et la loi no 78-627 du 10 juin 1978 (abrogeant C. civ., art.
1873-4, al. 3, qui interdisait jusque-là à une société d'appartenir
à
une indivision conventionnelle) ont rendu sensiblement plus
fréquentes. Quatre hypothèses sont concevables :
— la société dans l'indivision : soit, en qualité de membre (il est
ainsi très fréquent, notamment dans les secteurs de la
pétrochimie et des charbonnages, de voir des sociétés exploiter une
unité de production en indivision conventionnelle :
cf.Chapin, L'indivision industrielle, Th. dact., Rennes, 1977),
soit, en qualité de gérant (l'article 1873-5 du code civil permet
de
choisir le gérant de l'indivision conventionnelle de manière libre,
parmi ou non les coïndivisaires. Voir no32, pour la gestion
des
fonds communs de placement ou des groupements de quirataires)
;
— l'indivision dans la société : avec les hypothèses de parts
sociales indivises (voir no257) et de l'indivision dans la société
en
participation (cf.Dekeuwer-Défossez, JCP G 1980, I, no 2970, et
voir no5189 et no5193) ; à noter ici que, pour la désignation
du
mandataire unique des indivisaires de parts sociales en cas de
désaccord entre eux, la disposition de l'article 1844 du code
civil
prévoyant le recours à justice exclut, de par son impérativité, le
jeu de l'article 815-3 du code civil et donc une désignation à
la
majorité des deux tiers, cf.Cass. 1re civ., 15 déc. 2010, no
09-10.140, Bull. civ. I, no 268, Bull. Joly Sociétés 2011, p. 373,
note F.-
X. Lucas, D. 2011, p. 73, obs. A. Lienhard, JCP E 2011, 1826, obs.
F. Deboissy et G. Wicker ; à noter également que, même
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s'ils désignent un mandataire unique pour les représenter et voter
à l'assemblée générale, tous les indivisaires de parts
sociales
ont la qualité d'associé et, à ce titre, peuvent participer
individuellement aux décisions collectives, cf. Cass. com., 21
janv. 2014,
no 13-10.151, Bull. Joly Sociétés 2014, p. 212, note D. Poracchia
et H. Barbier, RLDA 2014/92, no 5026, note B. Dondero ;
— la société d'indivision, dont la jurisprudence a depuis longtemps
reconnu la validité (cf.Cass. civ., 5 juill. 1922, S. 1924, I,
p.
353, note Solus), et qui est la société formée par des indivisaires
qui, dans un but lucratif, font apport à la personne morale
des
biens jusque-là indivis (avec, en conséquence, comme le précise
l'arrêt précité, la mise à l'écart pour l'avenir de l'article 815
du
code civil) ;
— la société après l'indivision, lorsque, après l'arrivée du terme
d'une convention d'indivision, les ex-indivisaires se
comportent comme associés, avec tous les éléments constitutifs du
contrat de société (cf.CA Paris, 3e ch. C, 16 juin 1995,
Madore c/Pichot, JCP E 1995, I, no 505, no 6, obs. Viandier et
Caussain).
Ainsi, on le voit, les imbrications entre société et indivision
sont en pratique fréquentes (cf. en ce sens Aberkane, L'étalon,
la
société en participation et la convention d'indivision, Mélanges
Breton-Derrida, Dalloz, 1991, p. 11), et nos collègues Deboissy
et
Wicker (Deboissy et Wicker, La distinction de l'indivision et de la
société et ses enjeux, RTD civ. 2000, p. 241) considèrent
même
aujourd'hui qu'on doit admettre qu'il existe un domaine commun aux
deux institutions pour ce qui concerne l'exploitation d'un
bien
ou d'un ensemble de biens à des fins économiques, dans lequel les
parties ont une liberté de choix opposable à l'administration
fiscale.
33 - Intérêt de la question
C'est un débat très classique de savoir si la société est avant
tout un contrat, abandonné en tant que tel à la volonté de ceux qui
lui
donnent naissance, ou si elle n'est pas plutôt une institution,
c'est-à-dire « un corps social dépassant les volontés individuelles
»
(Weill, Droit civil, t. 1, p. 619).
La société a été également qualifiée d'« organisation juridique de
l'entreprise » (Paillusseau, Les fondements du droit moderne
des
sociétés, JCP E 1984, II, no 14193).
La question présente toujours un intérêt même si la rédaction de
l'article 1832 du code civil, issue de la loi no 85-697 du 11
juillet
1985 (voir no2), a renforcé le caractère institutionnel de la
société : « la société est instituée par deux ou plusieurs
personnes qui
conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune
[...] » et même si pour les sociétés unipersonnelles
désormais
admises par notre droit – EURL, SASU et SELARL unipersonnelle – la
qualification contractuelle n'a évidemment pas de sens et
doit céder devant celle d'acte unilatéral de volonté (cf.J.
Paillusseau, L'EURL ou des intérêts pratiques et des
conséquences
théoriques de la société unipersonnelle, JCP G 1986, I, no 3242 ;
C. Cutajar, De l'EURL à la SASU ou du big bang à la
transfiguration du concept de société par l'unipersonnalité, LPA
2000, no 185, p. 48).
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Sur le plan pratique, l'opposition des conceptions contractuelle et
institutionnelle a pu revêtir diverses illustrations
jurisprudentielles.
À titre d'illustration, on peut ainsi évoquer l'affaire soumise à
une juridiction consulaire, en l'occurrence le tribunal de commerce
de
Poitiers (T. com. Poitiers, 30 juin 1975, RTD com. 1976, p. 373,
obs. Champaud).
Deux photographes avaient constitué une société en nom collectif.
L'un et l'autre conservaient cependant, semble-t-il, une
assez
grande indépendance professionnelle, de telle sorte que l'affectio
societatis ne fut jamais très fort. Quelque temps plus tard,
la
mésintelligence fut si manifeste que l'un des associés l'invoqua
pour demander la dissolution de la société sur le fondement
des
articles 1184 et 1871 anciens du code civil. Mais le défendeur,
pour échapper à la dissolution et tout en reconnaissant la
mésentente, proposa le rachat des parts du demandeur évaluées à
dire d'expert.
Or, le tribunal a admis cette proposition, non prévue par les
textes (l'article L. 235-6 du code de commerce envisage
uniquement
une action en nullité), sur la base de la motivation suivante,
manifestement très inspirée de la conception institutionnelle de
la
société :
« Attendu que, dans le cas présent, la mésintelligence des
coassociés ne compromet pas en la paralysant la marche de
l'entreprise, qu'aucune poursuite n'est inscrite au rôle du
tribunal de commerce et que le demandeur ne fait pas état de faits
graves
pouvant compromettre le fonctionnement normal de la société ;
attendu qu'il est préférable, l'affectio societatis ayant
disparu,
d'imposer au demandeur d'accepter l'offre de rachat de ses parts
plutôt que de prononcer la dissolution de la société car on
ne
peut permettre que, bien que mécontent, le demandeur profite de
cette situation pour obtenir la liquidation de l'entreprise sociale
au
mépris de l'intérêt propre de celle-ci et des intérêts de son
associé, que cette notion de prospérité et de rentabilité s'impose
même
aux sociétés de personnes ».
Sur la place, cependant aujourd'hui marginale, de cette décision
dans la jurisprudence relative à cette question, voir
cependant
no1574.
34 - Nature hybride de la société
L'article 1832 du code civil, nous l'avons vu, penche désormais
pour une conception institutionnelle de la société qui
demeure
toutefois créée par un contrat, sauf dans le cas des SARL
unipersonnelles (voir no2, no33 et nos3335 et s.). D'autres textes
donnent
également la préférence à la conception institutionnelle : ainsi,
l'article 1844-5 (C. civ., art. 1844-5), en indiquant que la
réunion de
toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la
dissolution de la société, ou l'article 1844-7 (C. civ., art.
1844-7), en
prévoyant que la mésentente entre associés ne provoque la
dissolution anticipée de la société que si elle en paralyse
le
fonctionnement.
Mais d'autres dispositions soulignent, en revanche, la dimension
contractuelle de la société : ainsi, l'article 1843-3 du code
civil
relatif aux apports de chaque associé ou encore l'article 1844-1
(C. civ., art. 1844-1) imposant sa participation aux résultats
de
l'exploitation.
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D'autres, enfin, mettent bien en lumière le caractère hybride de la
société. C'est le cas de l'article 1842 du code civil à travers
ses
deux alinéas : le premier prévoit l'acquisition de la personnalité
morale par la société lors de l'immatriculation au registre
du
commerce, tandis que le second ajoute que, jusqu'à cette
immatriculation, « les rapports entre les associés sont régis par
le contrat
de société et par les principes généraux du droit applicables aux
contrats et obligations ». C'est bien là, tout à la fois, souligner
le
rôle de la volonté individuelle dans la phase créatrice de la
société et l'avènement d'une personne juridique autonome, distincte
des
volontés qui lui ont donné naissance.
35 - Attitude des juges — Tendances générales
Les juges n'ont jamais vraiment tranché entre les deux conceptions
de la société, et ils ont eu raison de ne pas le faire. À la
vérité,
ils ont adopté des solutions qui s'inspirent parfois de la
conception contractuelle de la société et parfois de sa
conception
institutionnelle (cf., par exemple, pour la consécration expresse
de cette dernière, CA Paris, 26 mars 1966, RTD com. 1966, p.
349,
obs. Houin ; CA Reims, 24 avr. 1989, Consorts Blan c/Consorts
Gasperini, BRDA 1989, no 18, p. 20). Certes, une impression
générale de flou pourrait alors sembler en résulter. Mais, même
s'il est difficile en ce domaine de schématiser à partir de
décisions
ponctuelles, on peut discerner deux tendances générales :
— d'une part, la conception contractuelle paraît dominer s'agissant
de la naissance de la société et de la définition des
engagements des associés, tandis que la conception institutionnelle
semble l'emporter, s'agissant de la préservation de
l'intérêt et de l'instrument sociétaires ;
— d'autre part, la conception contractuelle trouve son terrain
d'élection dans les sociétés de personnes, et la conception
institutionnelle dans les sociétés par actions.
36 - Première tendance
Favorables à la conception contractuelle pour résoudre des
problèmes liés à la naissance de la société et à la définition
des
engagements des associés, il faut citer la jurisprudence de droit
transitoire, soumettant le contrat de société à la loi sous
l'empire
de laquelle il a été constitué, conformément au principe de survie
de la loi ancienne en matière contractuelle, et les arrêts su
ivants :
— Cass. 1re civ., 8 juin 1977, no 76-11.377, Bull. civ. I, no 271,
décidant qu'une clause claire et précise des statuts s'impose
au
juge sous peine du grief de dénaturation, et CA aud. sol., Orléans,
23 juin 1977, cité par du Pontavice et Dupichot, no 362-12,
décidant qu'il est impossible aux juges de modifier les statuts en
partie, si l'ensemble est indivisible et encourt la nullité dans
sa
totalité ;
— Cass. com., 20 févr. 1979, no 77-13.653, Bull. civ. IV, no 70,
validant une clause de non-concurrence, clause usuelle des
contrats, insérée dans les statuts d'une société commerciale et
s'appliquant aux associés, du moment que les restrictions
qu'apportaient la clause à la liberté du commerce et du travail
étaient limitées dans le temps et dans l'espace ;
— Cass. 3e civ., 23 janv. 1974, no 72-14.299, Bull. civ. III, no
36, décidant que la dissimulation par le propriétaire d'un domaine
à
son associé, avec lequel il a conclu une société pour réaliser à un
certain prix la vente de ce bien et sa mise en exploitation
éventuelle, des hypothèques grevant l'immeuble constitue un
manquement aux obligations contractuelles de ce propriéta ire,
et
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que les juges du fond ont pu, en raison de la gravité de cette
inexécution contractuelle, prononcer la résolution du contrat
de
société ;
— Cass. com., 11 juin 1979, no 77-14.100, Bull. civ. IV, no 193,
approuvant les juges du fond d'avoir retenu l'existence d'une
promesse synallagmatique de contrat de société après avoir constaté
que les parties avaient eu l'intention de s'associer, que
l'objet de la société était précisé, que l'engagement était
définitif et qu'il comportait l'obligation pour les parties de
participer aux
dettes sociales ;
— Cass. com., 12 oct. 1993, no 91-13.966, Bull. civ. IV, no 330,
indiquant que les conditions de validité d'une société
doivent
s'apprécier lors de sa constitution ;
— Cass. com., 13 févr. 1996, no 93-19.654, Rev. sociétés 1996, p.
781, note Daigre, donnant plein effet à un pacte fondamental
sur la base duquel les associés s'étaient à l'origine engagés pour
créer la société, et ce en dépit d'une modification de ce
pacte
inséré dans les statuts, décidée par l'AGE (voir no401) ;
— Cass. com., 26 mars 1996, no 93-21.250, Bull. civ. IV, no 94,
faisant application de l'article 1836, alinéa 2, du code civil
à
l'insertion, dans les statuts en cours de vie sociale, d'une clause
de non-concurrence à l'ensemble des associés et exigeant
donc que cette décision d'insertion soit prise à l'unanimité (voir,
plus généralement, sur le jeu de ce texte d'inspiration
contractuelle, nos854 et s.) ;
— Cass. com., 18 avr. 2000, no 97-21.569, Bull. Joly Sociétés 2000,
p. 920, décidant que, si la loi n'attache pas un droit
préférentiel de souscription aux parts de SARL, ce droit peut être
créé par les statuts ou par une décision collective des
associés ;
— Cass. com., 13 nov. 2013, no 12-25.675, D. 2014, p. 183, note B.
Dondero, donnant plein effet à l'égard des tiers à une
clause statutaire indiquant que la limitation, à titre de règlement
intérieur, des pouvoirs du gérant pour l'accomplissement de
certains actes ne pouvait être opposée aux tiers (ici, c'est la
solution légale elle-même) ni invoquée par eux (là, c'est le
souhait
des associés qui, exprimé dans les statuts, reçoit effet aux termes
de cet arrêt de la Cour de cassation).
Favorables à la conception institutionnelle pour assurer la
préservation de l'intérêt et de l'instrument sociétaires, on citera
:
— la jurisprudence qui, dans le silence du législateur, a admis la
nomination d'un administrateur provisoire pour résoudre une
crise sociale compromettant l'intérêt ou l'avenir de l'institution
(voir nos810 et s.) ;
— celle qui, dans ce même silence de la loi, se reconnaît le droit
d'annuler les délibérations sociales prises contrairement à
l'intérêt général de la société, et dans l'unique dessein de
favoriser les majoritaires au détriment des minoritaires (cf.Cass.
com.,
18 avr. 1961, no 59-11.394, Gaz. Pal. 1961, II, p. 15 ; Cass. com.,
30 mai 1980, no 78-13.836, Rev. sociétés 1981, p. 311, note
Schmidt), et réciproquement celles qui, toujours en considération
de l'intérêt social, viennent sanctionner un abus de minorité
(Cass. com., 9 mars 1993, no 91-14.685, Bull. civ. IV, no 101 ;
Cass. com., 5 mai 1998, no 96-15.383, Bull. civ. IV, no 149)
;
— les décisions validant les conventions de vote s'autorisant de
l'intérêt social (T. com. Paris, 1er août 1974, Rev. sociétés
1974,
p. 685, note Oppetit ; T. com. Paris, 4 mars 1981, RJ com. 1982, p.
7, note de Fontbressin) ;
— la jurisprudence qui, dans le silence de la loi et avant que le
nouvel article 1844-7, 5o, du code civil ne le précise
expressément depuis 1978, ne prononçait la dissolution anticipée de
la société pour mésintelligence entre les associés que si
celle-ci paralysait le fonctionnement de l'institution (cf., par
exemple, Cass. com., 27 avr. 1971, no 70-10.853, Bull. civ. IV, no
116
; Cass. com., 28 févr. 1977, no 75-14.163, Bull. civ. IV, no 65 et,
de manière plus générale, cf. ci-après).
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L'autre tendance perceptible dans l'attitude des magistrats est de
s'inspirer davantage de la conception contractuelle dans les
sociétés de personnes et de la conception institutionnelle dans les
sociétés de capitaux.
L'observation ne saurait évidemment surprendre, et peut être
diversement illustrée :
— dans les sociétés de personnes, les juges respectent davantage
les volontés individuelles des associés. Aux décisions
précitées (voir no36), et concernant toutes de telles sociétés, on
ajoutera, par exemple, Cass. com., 12 févr. 1973, no
71-12.760,
;
— dans les sociétés de capitaux, les juges n'hésitent pas à limiter
le jeu des volontés individuelles. L'exemple le plus
caractéristique en est cette jurisprudence inaugurée en 1946
(cf.Cass. civ., 4 juin 1946, JCP G 1947, II, no 3518, note
Bastian,
S. 1947, I, p. 153, note Barbry) et toujours maintenue (cf.
notamment Cass. civ., 11 juin 1965, no 63-10.240, Bull. civ. III,
no 361,
RTD com. 1965, p. 861, obs. Houin ; CA Aix, 28 sept. 1982, Rev.
sociétés 1983, p. 773, note Mestre), considérant que les
volontés individuelles ne peuvent pas modifier la répartition des
pouvoirs que la loi a instituée entre les différents organes de
la
société anonyme. Le moule légal est un cadre à prendre tel quel ou
à laisser, il n'appartient ni aux statuts ni à un quelconque
montage contractuel de l'altérer.
Cependant, on précisera que ce n'est là qu'une tendance des juges,
qui n'est donc aucunement systématique. Le jugement du
tribunal de commerce de Poitiers (voir no33) en est l'éclatante
preuve, puisqu'en l'espèce la thèse institutionnelle a prévalu dans
le
cadre d'une SNC, ne comptant, au surplus, que deux associés. Et, à
l'inverse, on doit souligner le renouveau contract