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Document Wolters Kluwer France soumis aux conditions d’utilisation définies par la Charte d’Utilisation et les Conditions Générales d’Abonnement UNIVERSITE PANTHEON ASSAS PARIS II Page 1 sur 60 Le Lamy sociétés commerciales - 2015 Division 1Introduction au droit des sociétés Chapitre 1La notion de société 2 - Définition de la société La définition de la société est donnée par l' article 1832 du code civil (Réd. L. n o 85-697, 11 juill. 1985), qui précise : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes ». Cette définition, introduite en 1985 et donc nouvelle par rapport à celle de 1804, a renforcé le caractère institutionnel de la société, sans pour autant cependant négliger l' acte de volonté qui est à son origine. Sur la base de l'article 1832 du code civil, la société peut donc être créée : soit par un contrat en vertu duquel deux personnes au moins décident de mettre en commun des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Dans cette situation, les éléments caractéristiques du contrat de société : pluralité d'associés, réalisation d'apports, participation aux résultats de l'exploitation et « affectio societatis » (c'est-à-dire intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun) doivent être réunis (voir n os 249 et s.) ; soit, dans les SARL, les sociétés par actions simplifiées et les sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée, par un acte unilatéral de volonté qui aboutit à l'affectation à son entreprise par l'associé unique de certains de ses biens ou de son industrie pour profiter des résultats. Ici, il n'y a ni « affectio societatis » ni pluralité d'associés. Toutefois, l'associé unique doit se comporter véritablement comme le membre d'une personne morale et doit s'abstenir de confondre le patrimoine de l'entreprise avec ses biens personnels. En effet, dans ce cadre, une société a bien été créée, distincte de son associé unique. Ce qui est naturellement très différent de l'hypothèse récemment instituée par la loi n o 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée puisqu'ici, aucune société n'est créée et qu'un patrimoine d'affectation voit simplement le jour à l'initiative et dans l'intérêt de l'entrepreneur individuel (cf.G. Notté, JCP E 2010, 346). Actuellement, seules les SARL, les SAS, les SELAS et les SELARL peuvent être constituées par une seule personne (pour un plaidoyer en faveur d'une future société en nom collectif unipersonnelle, cf.A. Reygrobellet, D. 2003, p. 679). La société, groupement de personnes, est en outre dotée de la personnalité morale.

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Le Lamy sociétés commerciales - 2015

Division 1Introduction au droit des sociétés

Chapitre 1La notion de société

2 - Définition de la société

La définition de la société est donnée par l'article 1832 du code civil (Réd. L. no 85-697, 11 juill. 1985), qui précise :

« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une

entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui

pourra en résulter.

Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.

Les associés s'engagent à contribuer aux pertes ».

Cette définition, introduite en 1985 et donc nouvelle par rapport à celle de 1804, a renforcé le caractère institutionnel de la

société, sans pour autant cependant négliger l'acte de volonté qui est à son origine.

Sur la base de l'article 1832 du code civil, la société peut donc être créée :

— soit par un contrat en vertu duquel deux personnes au moins décident de mettre en commun des biens ou leur industrie en

vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Dans cette situation, les éléments

caractéristiques du contrat de société : pluralité d'associés, réalisation d'apports, participation aux résultats de l'exploitation et «

affectio societatis » (c'est-à-dire intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun) doivent être

réunis (voir nos249 et s.) ;

— soit, dans les SARL, les sociétés par actions simplifiées et les sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée, par un acte

unilatéral de volonté qui aboutit à l'affectation à son entreprise par l'associé unique de certains de ses biens ou de son

industrie pour profiter des résultats. Ici, il n'y a ni « affectio societatis » ni pluralité d'associés. Toutefois, l'associé unique doit se

comporter véritablement comme le membre d'une personne morale et doit s'abstenir de confondre le patrimoine de l'entreprise

avec ses biens personnels. En effet, dans ce cadre, une société a bien été créée, distincte de son associé unique. Ce qui est

naturellement très différent de l'hypothèse récemment instituée par la loi no 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur

individuel à responsabilité limitée puisqu'ici, aucune société n'est créée et qu'un patrimoine d'affectation voit simplement le jour

à l'initiative et dans l'intérêt de l'entrepreneur individuel (cf.G. Notté, JCP E 2010, 346).

Actuellement, seules les SARL, les SAS, les SELAS et les SELARL peuvent être constituées par une seule personne (pour un

plaidoyer en faveur d'une future société en nom collectif unipersonnelle, cf.A. Reygrobellet, D. 2003, p. 679).

La société, groupement de personnes, est en outre dotée de la personnalité morale.

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L'article 1842 du code civil attribue en effet la personnalité morale aux sociétés autres que les sociétés en participation. Les

sociétés jouissent de cette personnalité morale à compter de leur immatriculation (l'article L. 210-6 du code de commerce précise

que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des

sociétés).

La société est instituée par un contrat qui permet le regroupement de personnes. Il convient donc de mieux cerner les traits

caractéristiques du contrat de société en le distinguant d'autres contrats et de comparer la société avec d'autres groupements

(Sections 1 et 2).

Mais, le contrat de société donne naissance à une personne juridique autonome, distincte de ceux qui ont participé à la constitution

de la société. On peut s'interroger sur les deux aspects de la société : contrat et institution (Section 3).

Section 1 Contrat de société et autres contrats

3 - Position du problème

La distinction du contrat de société et des autres contrats ne devrait normalement pas soulever de difficultés particulières dans la

mesure où les sociétés commerciales supposent, pour être valablement constituées, des formalités qui ne laissent aucun doute sur

les intentions des associés. Pourtant, l'opération de qualification peut se révéler délicate dans trois séries d'hypothèses :

— d'abord, même si les formalités constitutives d'une société ont bien été accomplies, les parties ont pu vouloir ainsi déguiser

sous l'apparence d'une société un autre contrat ;

— ensuite, les sociétés en participation ne requièrent pas, pour leur constitution, de formalités particulières et se caractérisent

même par cette absence de publicité (C. civ., art. 1871) ;

— enfin, les difficultés surgissent lorsqu'on se demande si les parties ont constitué une société créée de fait ou conclu un autre

contrat, puisque, par hypothèse, aucun acte juridique n'est venu matérialiser leur accord.

Or, les intérêts qui s'attachent à la qualification peuvent être nombreux et divers : en particulier, validité même de l'acte réalisé ;

application de règles supplétives de volonté ; droits des créanciers envers les parties contractantes ; règles de compétence

juridictionnelle ; droits d'enregistrement d'importance variable. Dès lors, avant d'envisager les principales distinctions (§ 3),

convient-il de préciser les critères de qualification (§ 1) et les pouvoirs des juges dans l'opération de qualification (§ 2).

§ 1. Critères de la qualification de société

4 - Éléments caractéristiques du contrat de société

Deux séries de critères guideront la qualification.

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En premier lieu, de façon générale, le contrat de société se présente comme un contrat synallagmatique, à titre onéreux,

commutatif et translatif de propriété. C'est dire que la convention qui ne présentera pas l'ensemble de ces caractères ne pourra

recevoir la qualification de société. Mais ce premier critère demeure insuffisant, dans la mesure où bien d'autres conventions que la

société le satisfont : vente, prêt, etc.

Aussi, de façon plus précise et cette fois décisive, il convient de rechercher si l'acte à qualifier présente on non les éléments

spécifiques du contrat de société, tels qu'ils sont déterminés par l'article 1832 du code civil : apports, vocation aux bénéfices ou aux

économies, contribution aux pertes, affectio societatis.

La position des juges est, à cet égard, constante (cf., encore, Cass. com., 9 oct. 2001, no 98-20.394, Bull. civ. IV, no 165, RJDA

2002, no 152 ; Cass. com., 29 janv. 2008, no 06-15.698, JCP E 2008, no 1550, note A. Viandier) et a été notamment affirmée

maintes fois à propos des sociétés créées de fait : le contrat de société ne peut exister dès lors que l'un de ces éléments fait défaut

(cf., pour l'absence d'apports, Cass. civ., 20 juill. 1908, DP 1909, I, p. 93 ; Cass. 1re civ., 20 janv. 2010, no 08-16.105, Bull. civ. I, no

15, JCP E 2010, no 1237, D. 2010, p. 323, RJDA 2010, no 363 ; pour l'absence de vocation aux bénéfices et aux pertes, Cass.

com., 28 janv. 1974, no 72-13.611, Bull. civ. IV, no 34 ; Cass. com., 21 avr. 1992, no 90-20.451, Bull. Joly Sociétés 1992, p. 666,

note Cuisance ; Cass. com., 30 mai 2000, no 97-21.276, Bull. Joly Sociétés 2000, p. 1094 ; Cass. com., 13 janv. 2009, no 07-

20.097, RJDA 2009, no 339 ; CA Colmar, 9 oct. 2013, no RG : 12/03877, Bull. Joly Sociétés 2014, p. 226, JCP E 2013, 1646, RJDA

2014, no 113 ; pour l'absence d'affectio societatis, Cass. com., 12 févr. 1973, no 71-13.615, Bull. civ. IV, no 70 ; CA Paris, 25e ch. B,

21 juill. 2002, Richarme c/Mascart, RTD com. 2002, p. 678, obs. Champaud et Danet ; Cass. 1re civ., 12 mai 2004, no 01-03.909,

Bull. civ. I, no 131, RJDA 2004, no 978 ; Cass. 1re civ., 28 févr. 2006, no 04-15.116, RJDA 2006, no 647 ; Cass. 1re civ., 3 déc. 2008,

no 07-13.043, RJDA 2009, no 741 ; Cass. com.,15 déc. 2009, no 08-18.301, RJDA 2010, no 244, 1re esp.).

Et la Cour de cassation précise aujourd'hui expressément que les éléments constitutifs du contrat de société doivent être établis

séparément et qu'ils ne peuvent se déduire les uns des autres (Cass. com., 3 avr. 2012, no 11-15.671, RJDA 2012, no 677). Ainsi,

l'intention de s'associer ne saurait se déduire de la participation financière à la réalisation d'un projet immobilier et, plus

généralement, cette intention est distincte de la mise en commun d'intérêts inhérents au concubinage (Cass. com., 23 juin 2004, no

01-14.275, Bull. Joly Sociétés 2005, p. 295, note J. Vallanson, Dr. sociétés 2004, no 163, obs. F.-G. Trébulle, JCP E 2004, no 1041,

p. 1132, JCP E 2004, no 1510, p. 1636, obs. Caussain, Deboissy et Wicker, Rev. sociétés 2005, p. 131, note F.-X. Lucas ; Cass.

com., 15 déc. 2009, no 08-18.303, RJDA 2010, no 244, 2e esp. ; Cass. 1re civ., 20 janv. 2010, no 08-13.200, Bull. civ. I, no 11, JCP E

2010, no 1236, D. 2010, p. 323, Bull. Joly Sociétés 2010, p. 448, note J. Vallanson, RJDA 2010, no 362 ; Cass. com., 3 avr. 2012,

no 11-15.671, Bull. Joly Sociétés 2012, p. 557 ; cf. également CA Versailles, 3e ch., 27 sept. 2007, Parisi c/Piter, RJDA 2008, no

131).

Dans la société unipersonnelle, l'affectio societatis n'existe pas, mais l'associé unique doit avoir la volonté réelle de constituer une

société.

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Enfin, on notera que, nécessaire dans la société pluripersonnelle, l'affectio societatis n'est pas, en revanche, une condition requise

pour la formation d'un acte emportant cession de droits sociaux (Cass. com., 11 juin 2013, no 12-22.296, Gaz. Pal. 15-17 sept.

2013, p. 17, note A. Zattara-Gros).

§ 2. Pouvoirs des juges dans l'opération de qualification

5 - Disqualification et requalification — Éventuelle novation

D'une part, les juges, s'ils doivent tenir compte de la volonté des parties (cf.Cass. soc., 1er juin 1972, no 71-40.404, Bull. civ. V,

no 399, relevant, notamment, que les époux demandeurs, qui invoquaient l'existence d'un contrat de travail, « avaient été informés,

de façon très nette, que S... n'envisageait nullement le recrutement de subordonnés sous contrat de travail et que c'est en parfaite

connaissance de cause qu'ils avaient accepté ce contrat d'association en participation » en vue de l'exploitation d'un fonds de

commerce), ne sont toutefois pas liés par son expression.

En d'autres termes, les juges peuvent parfaitement écarter la qualification que les parties ont donnée à l'acte, et qui peut être le

résultat d'une fraude ou d'une erreur (cf.Cass. com., 8 janv. 1973, no 71-14.155, Bull. civ. IV, no 14 ; Cass. com., 15 mai 2007, no

06-14.262, D. 2007, p. 1603 ; CA Paris, 22e ch., 13 oct. 1960, JCP G 1961, II, no 11954, note B. P., et, de façon générale, Terré,

L'influence de la volonté individuelle sur les qualifications, Paris, 1957, no 220).

D'autre part, les juges peuvent également requalifier. S'ils constatent que l'acte litigieux n'est pas un contrat de société, ils peuvent

ne pas se limiter à cette décision négative et valider l'acte en tant que prêt (cf.Cass. com., 12 déc. 1978, no 77-11.742, Bull. civ. IV,

no 306 ; CA Paris, 11 mars 1967, D. 1967, p. 474), bail (cf.Cass. 3e civ., 8 mai 1973, no 72-10.991, Bull. civ. III, no 324) ou encore,

par exemple, vente (cf.Cass. com., 10 juin 1953, JCP G 1954, II, no 7908, note Bastian).

On ajoutera que, dans cette opération de qualification, les juges peuvent parfaitement se fonder sur le comportement des

prétendus associés postérieurement aux accords existants (cf.Cass. com., 12 oct. 1993, no 91-13.966, Bull. civ. IV, no 330, Dr.

sociétés 1994, no 1, Bull. Joly Sociétés 1993, p. 1265, note Jeantin, RTD civ. 1994, p. 595, obs. Mestre).

Enfin, les juges peuvent constater une éventuelle novation du contrat originaire (cf., par exemple, CA Paris, 15e ch. A, 13 sept.

1989, Bull. Joly Sociétés 1989, p. 957, estimant qu'au prêt initialement prévu a été substituée par novation une société en

participation, le « prêteur » déclarant apporter à la société la somme déjà fournie).

Section 2 Société et autres groupements

13 - Position du problème

Jusqu'à la loi no 78-9 du 4 janvier 1978, la distinction de la société avec les groupements voisins, et en particulier l'association, n'a

pas été trop difficile à opérer. La loi définissait la société comme le contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de

mettre quelque chose en commun en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter, et la jurisprudence interprétait strictement

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cette notion de bénéfice, caractéristique de ce groupement. En particulier, les chambres réunies de la Cour de cassation, dans le

célèbre arrêt Caisse rurale de la commune de Manigod (Cass. ch. réunies, 11 mars 1914, DP 1914, I, p. 257, S. 1918-19, I, p. 103,

Les grands arrêts de la jurisprudence commerciale, t. 1, no 44), définirent le bénéfice comme « tout gain pécuniaire ou gain

matériel qui ajouterait à la fortune des associés ». Le bénéfice devant donc consister en un enrichissement positif, et non pas

simplement en une économie, tous les groupements constitués en vue de permettre à leurs membres de réaliser des économies

se trouvaient donc exclus de la qualification de société, dont les contours étaient ainsi assez nets (cf.Kayser, Société et

association, Th. Nancy, 1928).

Cette définition stricte de la société devait ultérieurement provoquer une double intervention du législateur :

— dans certains cas, le législateur, souhaitant doter de nouveaux groupements du statut préférentiel de la société, dut venir

expressément leur conférer cette qualification, dans la mesure où ces groupements, ayant pour but l'obtention d'un service à

moindre coût, risquaient sans cette intervention de se voir dénommés associations par l'administration ou les juges ; cf.,

notamment, les sociétés immobilières (L. 28 juin 1938, puis L. no 71-579, 16 juill. 1971), les sociétés coopératives (L. no 47-

1775, 10 sept. 1947), la société interprofessionnelle pour la compensation des valeurs mobilières (D. no 49-1105, 4 août 1949),

les sociétés d'intérêt collectif agricole, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (L. no 60-808, 5 août 1960),

les sociétés civiles professionnelles de moyens (L. no 66-879, 29 nov. 1966) ;

— par ailleurs, le législateur, souhaitant donner aux entreprises le moyen juridique de se réunir au sein d'un organisme doté de

la personnalité morale mais ne poursuivant pas un objectif de bénéfices, dut créer une nouvelle structure : le groupement

d'intérêt économique, institué par l'ordonnance no 67-821 du 23 septembre 1967, aujourd'hui codifiée dans le Code de

commerce.

Or, la loi no 78-9 du 4 janvier 1978 a quelque peu obscurci les frontières qui existaient entre ces trois groupements. En effet,

l'article 1832 du code civil précise depuis lors que la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un

contrat d'affecter à une entreprise commune « des biens ou leur industrie, en vue de partager le bénéfice ou de profiter de

l'économie qui pourra en résulter ». Ce nouvel objectif alternatif de la société rend évidemment plus délicate la distinction entre

société, association (§ 1), et groupement d'intérêt économique (§ 2). Au demeurant, d'autres interventions législatives ont

également compliqué l'opération de qualification et doivent conduire à distinguer la société de l'indivision (§ 3), de la fondation (§

4), du syndicat (§ 5), et d'autres groupements divers (§ 6).

§ 1. Société et association

14 - Intérêts de la distinction

Ces intérêts sont nombreux dans la mesure où société et association obéissent à des régimes différents, notamment quant à :

— leurs conditions de constitution ;

— leur capacité ;

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— leur fiscalité ;

— leurs dissolution et liquidation ;

— la liberté d'établissement que l'article 48 du traité CE (devenu l'article 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union

européenne) refuse aux associations et accorde aux sociétés, civiles, commerciales ou coopératives, relevant du droit privé ou

du droit public ;

— ou encore le droit de retrait des membres, très ouvert dans les associations, tout particulièrement au lendemain de la loi no

2012-387 du 22 mars 2012 (JO 23 mars) qui le prévoit même lorsque l'association a été formée pour un temps déterminé (L. 1er

juill. 1901, art. 4 modifié).

Sur toutes ces règles particulières aux associations, cf.Le Lamy associations. On notera toutefois que la Cour de cassation tend

souvent, dans le fonctionnement de l'association, à transposer des règles du droit des sociétés, perçu en quelque sorte comme un

modèle juridique (cf.Cass. 1re civ., 29 nov. 1994, no 92-18.018, Rev. sociétés 1995, p. 318, obs. Y. Guyon, RTD com. 1996, p. 86,

obs. E. Alfanderi, Dr. sociétés 1995, no 48, obs. T. Bonneau ; Cass. 1re civ., 3 mai 2006, no 03-18.229, D. 2006, p. 1456, obs. A.

Lienhard).

Au surplus, société et association se rapprochent sur le terrain de la prévention et du traitement de leurs difficultés, puisque les

textes applicables visent, de façon générale, les personnes morales de droit privé, tout au moins celles ayant une activité

économique (voir nos2490 et s.).

15 - Éléments de la distinction

Les nombreux intérêts qui s'y attachent rendent évidemment la distinction juridique entre la société et l'association capitale, et on

ne peut donc que regretter le trouble qu'a pu jeter ici la loi no 78-9 du 4 janvier 1978 (cf.Guyon, De la distinction des sociétés et des

associations depuis la loi du 4 janvier 1978, Mélanges Kayser, 1979, t. 1, p. 483). Mais dans l'attente d'une nouvelle redistribution

de structures (souhaitée par certains : cf.Guyon, Droit des affaires, p. 117, suggérant l'adoption d'une classification distinguant

personnes morales à but non économique ou à but altruiste et personnes morales à but lucratif), cette distinction demeure dans

notre droit, et doit donc être précisée.

L'association restant toujours définie, par l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901, comme « la convention par laquelle deux ou

plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de

partager des bénéfices », il semble qu'on soit amené, au terme d'une comparaison avec l'article 1832 du code civil, à distinguer

trois domaines : le domaine réservé de la société, le domaine réservé de l'association, enfin celui où ces deux groupements

peuvent, en quelque sorte, apparaître concurrents.

16 - Domaine réservé de la société

Le groupement constitué par ses membres en vue de partager le bénéfice pouvant provenir de l'action commune est assurément

une société. La loi du 1er juillet 1901 est très nette à cet égard : la qualification d'association est inconcevable (cf.Guyon, J.-Cl.

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Sociétés Traité, Fasc. 20, no 114 ; F. Lefebvre, MSC, 2015, no 31 ; CA Paris, 23e ch. A, 10 mai 1995, Pioceau c/Baquet, Bull. Joly

Sociétés 1995, p. 742, note Jeantin), et le groupement dénommé association qui distribuerait des bénéfices à ses membres

s'exposerait donc à une disqualification (voir no19 ; cf. également Daigre, Les associations d'avocats : associations ou sociétés,

personnes morales ou groupements de fait ?, JCP E 1997, I, no 671).

La recherche de bénéfices en vue de leur partage entre les membres du groupement doit conduire ainsi à la qualification de

société, même si les membres du groupement poursuivent également, de façon accessoire, des visées d'ordre moral. La poursuite

de bénéfices n'a pas, en effet, à être exclusive dans le cadre d'une société, il suffit qu'elle ait inspiré la constitution de groupement

et qu'elle reste prioritaire dans l'esprit de ses membres (cf.Viandier, J.-Cl. Sociétés Traité, Fasc. 16, Théorie des bénéfices et des

pertes, no 7).

Pourtant, toute obscurité ne se trouve pas dissipée dans ce premier domaine, dans la mesure où il n'existe pas de définition

unanimement admise du bénéfice (cf.Guyon, précité, no 114). Faut-il s'en tenir aux termes de l'article L. 123-13 du code de

commerce qui précise que le compte de résultat (qui récapitule les produits et les charges de l'exercice) fait apparaître, par

différence après déduction des amortissements et des provisions, le bénéfice ou la perte de l'exercice, ou à ceux voisins de

l'article 38 du code général des impôts, ou bien considérer que la jurisprudence Caisse rurale de Manigod (Cass. ch. réunies, 11

mars 1914, DP 1914, I, p. 257, S. 1918-19, I, p. 103, Les grands arrêts de la jurisprudence commerciale, t. 1, no 44 ; voir no13)

conserve encore son actualité ?

La question est d'importance dès lors que certains groupements procurent à leurs membres, non des gains pécuniaires, mais des

avantages d'ordre matériel ou intellectuel (par exemple, participation à des clubs sportifs, à des restaurants, informations, formation

professionnelle, etc.). Est-on encore en présence de bénéfices, au sens de l'article 1832 du code civil ? On peut légitimement en

douter. Au surplus, on doit observer que ce texte ne se contente pas de parler de bénéfices, mais encore évoque leur partage

(sinon leur partage effectif – car la qualification de société demeure en dépit d'une exploitation déficitaire – qui se traduit

uniquement pour les associés par une contribution aux pertes, Cass. com., 11 juill. 1977, no 76-10.040, Bull. civ. IV, no 202, et plus

généralement, voir no352) du moins leur partage concevable. Or, le plus souvent, ces avantages non pécuniaires procurés aux

membres du groupement ne seront pas partageables, et donc n'entraîneront pas la qualification de société (cf.Guyon, De la

distinction des sociétés et des associations depuis la loi du 4 janvier 1978, Mélanges Kayser, 1979, t. 1, p. 491).

17 - Domaine réservé de l'association

Le groupement constitué par ses membres dans un but entièrement désintéressé, exclusif de toute recherche d'un avantage

matériel quel qu'il soit (profit ou économie), est sans conteste une association (cf.F. Lefebvre, MSC, 2015, no 32 ; du Pontavice et

Dupichot, Les sociétés, no 411-1 ; Guyon, De la distinction des sociétés et des associations depuis la loi du 4 janvier 1978,

Mélanges Kayser, 1979, t. 1, p. 496). C'est notamment le cas des groupements philanthropiques, culturels, religieux ou

philosophiques.

Cette qualification d'association est liée au but désintéressé que poursuit le groupement. Il en résulte qu'elle doit demeurer :

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— même si le groupement réalise des économies, accessoirement à son objectif principal (sur l'hypothèse où la recherche

d'économies passerait au premier plan, voir no18) ;

— même si le groupement réalise des bénéfices, dès lors que ces derniers ne sont qu'accessoires à la poursuite de l'objectif

désintéressé et uniquement destinés à mieux servir celui-ci (par exemple des ventes de charité permettant à l'association de

venir en aide à ceux qu'elle a pour objet social d'assister). Cette possibilité pour une association, sans encourir de

disqualification, de réaliser accessoirement des bénéfices a été nettement affirmée par la jurisprudence (cf.T. com. Rennes, 13

janv. 1978, Rev. sociétés 1978, p. 778, observant qu'« il n'est pas interdit à une association de faire des bénéfices, il est même

nécessaire qu'elle en fasse pour subsister » ; CA Reims, 19 févr. 1980, JCP G 1981, II, no 19496, note Guyon, considérant qu'«

une association sportive ou pas est en droit d'accomplir de façon répétée des actes onéreux dans une intention spéculative dès

lors que ceci est conforme au caractère désintéressé de l'objet social et nécessaire à la poursuite d'une activité dont il ne

constitue que l'accessoire »).

Cette possibilité de réaliser des bénéfices a, au demeurant, logiquement conduit les magistrats à admettre la commercialité de

l'activité de certaines associations avec, notamment, des conséquences d'ordre probatoire ou procédural (cf.Le Lamy

associations).

18 - Domaine de concurrence de la société et de l'association

Depuis la nouvelle définition de la société introduite en 1978 dans l'article 1832 du code civil, la frontière entre cette dernière et

l'association est devenue imprécise dans tout le domaine dominé par la recherche de l'économie.

Certes, comme l'a observé le Pr Guyon, l'adjonction de l'économie au bénéfice dans l'article 1832 du code civil a eu une certaine

logique (Guyon Y., De la distinction des sociétés et des associations depuis la loi du 4 janvier 1978, Mélanges Kayser, 1979, t. 1,

p. 495). D'une part, en matière pécuniaire, notre droit assimile souvent le bénéfice à l'absence de perte ou la perte à l'absence de

gain (cf., de manière très révélatrice, C. civ., art. 1149, en matière de responsabilité contractuelle) ; d'autre part, le nouveau critère

a permis d'englober indiscutablement dans la catégorie des sociétés, des personnes morales dont la qualification pouvait jusque-là

donner lieu à discussion, telles que les coopératives, certaines sociétés immobilières ou les sociétés civiles de moyens.

Mais, même si on peut la justifier, l'innovation législative de 1978 s'est révélée source de quelques incertitudes. Une probabilité

toutefois : l'économie, qui peut entraîner la qualification de société, doit s'entendre d'une économie en numéraire. Le groupement

qui se constituerait pour diminuer, par exemple, la pollution serait, sans doute, une association (cf.Guyon, précité, p. 496).

Reste alors tout le domaine des économies d'ordre pécuniaire : acheter ou emprunter moins cher, voyager ou pratiquer le sport à

moindres frais, utiliser des installations à moindre coût (CA Paris, 23e ch. A, 10 mai 1995, Pioceau c/Baquet et Simon, Defrénois

1995, art. 36139, p. 954, obs. Le Cannu), etc. À partir des textes légaux, deux positions sont soutenues en doctrine.

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Pour les uns (cf.Guyon, J.-Cl. Sociétés traité, Fasc. 20, no 116), le groupement se constituant avec cet objectif est, semble-t-il, une

société.

Pour d'autres (cf.Hamel, Lagarde et Jauffret, Droit commercial, no 404-1 ; F. Lefebvre, MSC, 2015, no 33 ; Le Cannu, D. 1983, p.

299), en revanche, on doit admettre ici une libre concurrence. Le groupement qui se constitue en vue de permettre à ses membres

de réaliser des économies peut indifféremment, et tout aussi variablement, recourir au cadre de la société ou à celui de

l'association (avec les avantages et les inconvénients de chacun, sur lesquels voir no14).

Cette dernière position nous paraît la plus conforme aux textes législatifs actuels. C'est dire que le groupement sportif qui se

créerait pour offrir une utilisation à frais réduits des équipements mis à la disposition de ses membres pourrait se constituer en

association et devrait demeurer à l'abri d'une disqualification judiciaire ou fiscale (sous réserve, évidemment, du cas où il se

caractériserait ultérieurement, dans un détournement de sa vocation première, par une recherche principale de bénéfices, voir

no19).

On doit toutefois ajouter que l'option entre l'association et la société pour un groupement destiné à réaliser des économies n'est

quand même pas complète dans la mesure où la forme de la société passera, pour être valable, par le respect des autres éléments

constitutifs du contrat. Ainsi, par exemple, devra-t-on exclure la qualification sociétaire lorsqu'il n'existe pas d'apports (les

cotisations n'en sont pas) ou que les adhérents ne contribuent pas aux pertes.

19 - Disqualification

Conformément aux principes généraux de notre droit, la nature du groupement ne saurait dépendre de la qualification juridique

donnée par les parties elles-mêmes, c'est-à-dire de leur seule volonté.

Que la qualification donnée l'ait été de façon simplement erronée ou carrément frauduleuse, les juges conservent le pouvoir de

l'écarter si elle se révèle contraire à la définition légale. Ils peuvent donc, en notre domaine, qualifier de société un groupement que

ses membres ont dénommé association, et inversement.

La position de notre jurisprudence est ici très nette. Affirmée dès le siècle dernier (cf., notamment, Cass. req., 2 janv. 1894, S.

1894, I, p. 129 et Cass. req., 29 nov. 1897, S. 1902, I, p. 15), elle ne s'est jamais démentie (cf., par exemple, Cass. com., 2 mars

1982, no 80-13.790, Bull. civ. IV, no 85, considérant que justifie légalement sa décision la cour d'appel qui, « restituant aux

conventions des parties leur véritable qualification juridique », a décidé que le contrat litigieux était un contrat de société et non

d'association, comme l'avaient dénommé les parties, dès lors que coexistaient le but lucratif de l'opération, la participation aux

bénéfices et aux pertes des parties, les apports et l'affectio societatis ; Cass. 1re civ., 21 mai 1974, no 73-12.529, Bull. civ. I, no 152

; TGI Paris, 26 févr. 1973, JCP G 1974, II, no 17821, note Lindon ; T. com. Rennes, 31 janv. 1978, Rev. sociétés 1978, p. 779, note

Plaisant, et T. com. Marseille, 8 avr. 1980, Rev. sociétés 1982, p. 339, note Plaisant, qualifiant de sociétés de fait des clubs de

football constitués sous forme d'associations).

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20 - Transformation des sociétés en associations

À plusieurs reprises, il est apparu opportun au législateur de permettre à des sociétés n'ayant en fait aucun but lucratif (et qui sont,

semble-t-il, très nombreuses) de se transformer en associations régies par la loi du 1er juillet 1901, afin d'échapper à la rigueur des

obligations auxquelles sont astreintes les sociétés qui recherchent des bénéfices (notamment contrôle et sanctions pénales ; cf.du

Pontavice et Dupichot, no 412).

Une première loi no 69-717 du 8 juillet 1969 a ainsi permis aux sociétés par actions, SARL et sociétés civiles ayant pour activité

principale la gestion d'immeubles qui leur appartiennent, qu'elles louent et affectent à des fins charitables, éducatives, sociales et

sanitaires ou culturelles, de se transformer en associations, sans qu'il y ait création d'une personne morale nouvelle (sur les

avantages fiscaux en résultant, cf.Richard, La transformation en association ou la dissolution de certaines sociétés affectant leurs

immeubles à des fins désintéressées, JCP CI 1970, no 88302). Mais cette faculté de transformation n'a été ouverte que jusqu'au 31

décembre 1974.

Une seconde loi no 77-574 du 7 juin 1977 a de même prévu, dans son article 43 (L. no 77-574, 7 juin 1977, art. 43), que « tout

actionnaire ou associé d'une personne morale constituée sous la forme d'une société civile ou commerciale, dépourvue de fait de

tout caractère lucratif, même dissoute, mais non encore liquidée, est recevable à demander en justice que soit restituée à cette

personne morale la qualification d'association », et a en outre précisé que « s'il est fait droit à cette demande, la personne morale

est soumise au droit des associations du jour où sa déclaration, effectuée dans le délai d'un mois après que la décision judiciaire

sera devenue définitive, est rendue publique conformément à l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901. L'action prévue au premier

alinéa ci-dessus doit être exercée dans les six mois de la publication de la présente loi ».

Mais ici encore, cette loi n'a eu qu'un effet temporaire puisqu'elle n'a ouvert cette procédure originale de requalification judiciaire

que pendant simplement six mois, afin de « permettre à de fausses sociétés de changer de vêtement juridique pour endosser celui

qui leur convient en réalité, le statut d'association » (Daigre, Rev. sociétés 1982, p. 70), sans pour autant devoir passer par la

phase d'une dissolution (d'où l'impossibilité pour les associés de reprendre leurs apports : Cass. 1re civ., 15 mars 1988, no 85-

17.998, Dr. sociétés 1988, no 231). C'est dire que cette loi n'est plus aujourd'hui en vigueur. Cela étant, on relèvera qu'elle a

suscité un intéressant contentieux. Ainsi il a été jugé qu'une société ayant un but non lucratif pouvait, en application de l 'article 43

de la loi no 77-574 du 7 juin 1977, demander sa requalification en association si elle restait dépourvue de fait de tout but lucratif.

Une modification des statuts, au demeurant valable, ne conférait pas à elle seule ce but lucratif (Cass. com., 15 nov. 1983, no 82-

11.253, Bull. civ. IV, no 309).

Cf., également, sur le contentieux d'application de l'article 43 précité, Cass. com., 20 déc. 1983, nos 83-13.168 et 83-13.169, Bull.

Joly Sociétés 1984, p. 310.

21 - Transformation d'associations en sociétés

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Dans leur majorité, les groupements sportifs poursuivent leurs activités sous la forme d'associations de la loi du 1er juillet 1901.

Mais cette formule s'est cependant, à l'usage, de moins en moins adaptée à l'administration de groupements tournés vers le «

sport-spectacle » et gérant des sommes souvent considérables dans une optique et avec des méthodes commerciales. Il s'agit

notamment des « clubs professionnels » de football et, à un moindre degré, de basket-ball ou de rugby.

Aussi, la loi relative à l'organisation et à la promotion des activités sportives a imposé à certaines associations sportives soit de se

transformer en sociétés anonymes, soit d'adapter leur statut associatif à certaines règles plus contraignantes (L. no 84-610, 16

juill. 1984 ; cf.Le Lamy droit du sport).

§ 2. Société et groupement d'intérêt économique

22 - Difficulté éventuelle de la distinction

L'importante différence de régimes juridiques (sur celui du GIE, voir nos1771 et s.) justifie que soit nettement précisée la distinction

entre ces deux groupements, investis l'un comme l'autre de la personnalité morale à compter de leur immatriculation au registre du

commerce et des sociétés (C. civ., art. 1842 et Ord. no 67-821, 23 sept. 1967, codifiée dans le Code de commerce).

Or, ici encore, la loi no 78-9 du 4 janvier 1978, en élargissant la définition de la société, a rendu cette distinction délicate. Elle ne l'a

cependant pas fait disparaître, même si un domaine nouveau de concurrence en est sans doute résulté.

23 - Critère de la distinction

L'autonomie juridique du GIE trouve sa source dans l'originalité de son objet telle qu'elle résulte de l'article L. 251-3 du code de

commerce.

Le GIE doit être un prolongement de l'activité économique de ses membres (ce qui réduit nécessairement l'étendue de son objet,

et donc, par application du principe de spécialité des personnes morales, sa capacité), alors que la société peut, au contraire, se

donner un objet extrêmement large (voir nos226 et s.), sans rapport avec l'activité de ses membres. C'est là, dans ce lien

nécessaire entre l'objet du GIE et l'activité économique de ceux qui le constituent, que repose l'originalité maintenue du GIE, ainsi

conçu comme « une structure d'appoint, de transition ou de réconfort » (Le Fol, Possibilités et limites du GIE, dans Bilan, objectifs

et stratégies des GIE, Paris, 1970, p. 44).

Le GIE ne peut donc ni créer de toutes pièces des activités qui n'existaient pas auparavant chez ses membres, ni regrouper toute

l'activité de ses membres qui disparaîtrait à compter de sa constitution (cf.Guyon, D. 1975, p. 367). En ce sens, on peut d'ailleurs

citer un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 février 1970 (TGI Paris, 23 févr. 1970, Rev. sociétés 1970, p. 310,

note J.G., JCP G 1970, II, no 16335, note Guyon), considérant qu'un GIE a dégénéré en société de fait lorsque ses membres

personnes physiques n'ont pas ou plus d'activité, et ses autres membres, des sociétés, sont, l'une, de façade, et l'autre, pas encore

constituée.

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En revanche, la référence à l'absence du but spéculatif du GIE paraît assez discutable, d'autant plus que, depuis la loi no 89-377

du 13 juin 1989, désormais codifiée dans le Code de commerce et l'ordonnance no 67-821 du 23 septembre 1967, également

codifiée dans le Code de commerce, laissent entendre que le GIE peut accessoirement réaliser des bénéfices (voir no1779).

24 - Domaine possible de concurrence

Il reste que, comme dans le cas des rapports entre la société et l'association (voir no18), il faut admettre que, depuis 1978, existe

entre la société et le GIE une sorte de zone de libre concurrence entre ces groupements, un domaine où l'un ou l'autre de ces

cadres peut être adopté indifféremment de façon valable, sans risque de disqualification ultérieure (à supposer encore que le

groupement constitué remplisse les autres conditions de la qualification qu'il a choisie : par exemple, les apports dans le cas d'une

société). Rien n'empêche, en effet, une société de se constituer avec l'objectif de faire profiter ses membres des économies qui

vont pouvoir résulter de la nouvelle action commune, elle-même liée par ailleurs à celle préexistante et maintenue de ses

membres.

Ainsi, comme l'a justement observé le Pr Guyon, « il n'y a pratiquement pas de différence entre les GIE et les sociétés de moyens

constituées entre membres des professions libérales. Ces deux formes permettent la mise en commun de moyens, tels que des

locaux, du matériel, de la documentation, voire du personnel d'exécution ».

25 - Conséquences de l'autonomie juridique des GIE

Le GIE demeurant un groupement juridiquement autonome, distinct de la société même après la loi no 78-9 du 4 janvier 1978, on

doit en tirer deux conséquences :

— d'une part, l'ordonnance no 67-821 du 23 septembre 1967, codifiée dans le Code de commerce, ne doit pas s'interpréter au

moyen des règles générales applicables aux sociétés, et notamment des articles 1832 et suivants du code civildéfinissant les

principes communs à l'ensemble des sociétés (sauf cas de renvoi exprès ; pour les nullités, voir no1821). En cas de silence ou

d'obscurité de l'ordonnance, l'interprète doit se référer à la théorie générale de la personnalité morale ou, à défaut, à celle des

obligations ; voir no1859, pour le cas où un GIE se trouverait subitement réduit à un seul membre ;

— d'autre part, la transformation du GIE en société entraîne en principe perte de la personnalité morale, mais des exceptions

ont cependant été apportées par la loi à cette règle ; voir no1854.

26 Difficulté éventuelle de la distinction — Lois du 31 décembre 1976 et du 23 juin 2006

26 - Difficulté éventuelle de la distinction — Lois du 31 décembre 1976 et du 23 juin 2006

La loi no 76-1286 du 31 décembre 1976, en modifiant l'article 815 du code civil (devenu, par éclatement, les articles 815 à 815-18

(C. civ., art. 815 à 815-18), et en ajoutant, après le titre IX (sociétés), un titre IX bis (C. civ., art. 1873-1 à 1873-18) intitulé « Des

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conventions relatives à l'exercice des droits indivis », a singulièrement atténué l'opposition traditionnellement forte entre la société,

groupement organisé et stable, et l'indivision, état semi-anarchique et précaire. Certes, la portée de la distinction s'en est trouvée

elle-même d'autant réduite (sur le rapprochement des régimes, voir no27), mais l'opération préalable et toujours nécessaire de

qualification s'est également vue sensiblement compliquée, dans la mesure où plusieurs critères, jusque-là utilisables pour

l'effectuer, sont devenus subitement inopérants (cf., sur l'ensemble de la question, Saint-Alary-Houin, Les critères distinctifs de la

société et de l'indivision depuis les réformes récentes du Code civil, RTD com. 1979, p. 645 ; Caporale, Société et indivision, Rev.

sociétés 1979, p. 265 ; Deboissy et Wicker, La distinction de l'indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ. 2000, p.

225 ; Bézard, nos 129 et s. ; B. Dondero, Les groupements dépourvus de personnalité juridique en droit privé, préf. Le Nabasque,

PUAM, 2006).

On ajoutera que la réforme de l'indivision opérée par la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 a encore, d'une certaine façon, « aggravé »

les choses en accentuant le caractère institutionnel de l'indivision (cf.P. Puig, Société et indivision, Journ. sociétés avr. 2008, p.

53).

§ 3. Société et indivision

27 - Critères devenus inopérants

En particulier, ne permettent plus désormais de distinguer l'indivision de la société :

— le critère de la source : traditionnellement, on opposait la société, née d'un accord de volonté, à l'indivision, état subi.

Désormais, à côté de l'indivision dite primaire (C. civ., art. 815 et s.), existe une indivision conventionnelle (C. civ., art. 1873-1 et

s.), procédant d'un acte de volonté commune ;

— le critère de l'organisation du groupement : de la société, dotée d'une structure précise et d'organes désignés, se

distinguait nettement l'indivision, sans organisation interne et inéluctablement soumise à la lourde règle de l'unanimité. Cette

opposition, peut-être déjà un peu exagérée dans le passé (cf.Delhay, La nature juridique de l'indivision, Bibl. dr. privé, LGDJ,

1968), a volé en éclats en 1976, puis en 2006, et encore en 2009, par la volonté d'un législateur qui a entendu doter l'indivision

d'un régime économiquement adapté. D'où un rapprochement sensible de l'organisation de l'indivision et de celle de la société.

Le point est déjà sensible dans le cadre du régime primaire fixé par le Code civil : à l'article ;815-3 (C. civ., art. 815-3 ; depuis la

loi no 2006-728 du 23 juin 2006, possibilité pour le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis de

décider, à cette majorité, d'effectuer notamment les actes d'administration relatifs aux biens indivis, ou encore de donner à l'un

ou plusieurs d'entre eux ou à un tiers un mandat général d'administration), à l'article 815-5-1 (C. civ., art. 815-5-1 ; né de la loi no

2009-526 du 12 mai 2009 et prévoyant que l'aliénation d'un bien indivis peut, sous certaines conditions, être autorisée par le

tribunal de grande instance à la demande de l'un ou des indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis), à l'article

815-11 (C. civ., art. 815-11 ; droit de chaque indivisaire aux bénéfices provenant des biens indivis et participation aux pertes

proportionnellement à ses droits dans l'indivision) et à l'article 815-12 (C. civ., art. 815-12 ; droit à rémunération de l'indivisaire

ayant géré l'exploitation indivise).

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Mais il est surtout frappant dans le cadre du régime de l'indivision secondaire : s'agissant de l'article 1873-2 (C. civ., art. 1873-2

; convention devant être établie par écrit), de l'article 1873-4 (C. civ., art. 1873-4 ; convention supposant la capacité ou le

pouvoir de disposer des biens indivis), de l'article 1873-5 (C. civ., art. 1873-5 ; possibilité de nommer un ou plusieurs gérants,

choisis ou non parmi les indivisaires), de l'article 1873-6 (C. civ., art. 1873-6 ; reconnaissant au gérant un véritable pouvoir légal,

et précisant que « toute clause extensive des pouvoirs du gérant est réputée non écrite »), de l'article 1873-8 (C. civ., art. 1873-

8 ; unanimité pour les décisions excédant les pouvoirs du gérant), de l'article 1873-10 (C. civ., art. 1873-10 ; rémunération du

gérant), de l'article 1873-11 (C. civ., art. 1873-11 ; droit de chaque indivisaire d'« exiger la communication de tous les

documents relatifs à la gestion », et obligation pour le gérant de rendre compte, une fois par an, de sa gestion aux indivisaires),

de l'article 1873-12 (C. civ., art. 1873-12 ; droit de préemption et de substitution des coïndivisaires en cas d'aliénation de tout ou

partie des droits d'un indivisaire dans les droits indivis), et de l'article 1873-15 (C. civ., art. 1873-15 ; impossibilité pour les

créanciers personnels des indivisaires de provoquer le partage, hors les cas où leur débiteur pourrait lui-même le faire) ;

— le critère de la durée : l'indivision, par essence temporaire (cf.C. civ., art. 815 ancien), s'opposait à la société, dont la durée

peut atteindre 99 ans (voir no559). Or, d'une part, dans le cadre de l'indivision primaire, si l'article 815 du code civil continue à

dire que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision », il apporte à ce principe d'importantes exceptions à travers la

possibilité d'un sursis à la demande de partage par jugement ou par convention. D'autre part, et surtout, dans le cadre

précisément de l'indivision conventionnelle, l'article 1873-3 du code civil prévoit que la convention peut être conclue pour une

durée déterminée, au maximum de cinq ans, et renouvelable, ou pour une durée indéterminée. C'est dire que le souhait du

législateur contemporain a été d'assurer la stabilité de l'indivision, tout en optant pour un régime très souple (plus souple que

celui de la société, où la durée doit être déterminée ; voir no559) ;

— le critère de la personnalité morale : ici encore s'opposaient la société, dotée de la personnalité, et l'indivision, qui en était

privée. Or, la loi no 76-1286 du 31 décembre 1976, confortée d'ailleurs sur ce point par la loi no 78-9 du 4 janvier 1978, a atténué

l'opposition. D'une part, cette dernière loi a rénové et développé le statut des sociétés non personnalisées : sociétés non encore

immatriculées (qui, par le jeu de l'article 1842, alinéa 2, du code civil, ne sont « ni un néant juridique, ni une société de fait, mais

un contrat qui produit tous ses effets dans les relations entre les associés », Houin, RTD com. 1978, p. 114), sociétés en

participation et sociétés créées de fait. D'autre part, l'indivision présente, de son côté, les traits d'un groupement personnalisé :

possibilité d'expression collective (C. civ., art. 815-3 et 1873-6), intérêt propre (C. civ., art. 815-6 et 1873-5), autonomie

patrimoniale (C. civ., art. 815-10, 815-17 et 1873-15).

28 - Critère proposé

Pourtant, en dépit de ce rapprochement sensible des régimes juridiques, la distinction entre la société et l'indivision continue à

produire des effets non négligeables : de façon générale, plus grande précarité de l'indivision qui demeure exposée au risque,

simplement atténué, du partage ; menace pesant sur la société d'une procédure collective, avec d'éventuelles répercussions sur

les associés ; gestion plus souple de la société, où les pouvoirs des dirigeants sont très larges ; fiscalité différente (cf., de façon

plus détaillée, Saint-Alary-Houin, Les critères distinctifs de la société et de l'indivision depuis les réformes récentes du Code civil,

RTD com. 1979, p. 652-653 ; Deboissy et Wicker, La distinction de l'indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ. 2000,

p. 242).

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Dès lors, se pose le problème du critère actuel de la distinction. La doctrine discerne très généralement celui-ci dans la volonté

des membres du groupement.

Comme l'a précisé un auteur : « Dans la recherche de bénéfices, tout est question de degrés. La réalisation de bénéfices ou la

recherche d'une économie, constitue le but principal et exclusif qui anime les personnes qui s'associent [...] Dans l'indivision, on

peut, comme le prévoit l'article 815-10, partager les bénéfices qui proviennent des biens indivis ; on peut même, pourquoi pas,

rechercher la réalisation de tels bénéfices. Mais cette finalité ne peut – et ne doit – jamais être le but principal et exclusif de

l'indivision ; sinon, on serait en présence d'une société. Les bénéfices qui résultent de l'exploitation de la masse indivise ne sont

poursuivis et réalisés qu'à titre accessoire. Car l'indivision, à la différence de la société, n'est pas destinée à faire fructifier la chose

indivise en lui donnant un emploi déterminé, une activité productive. Elle permet, avant tout, de conserver la consistance et la

valeur des biens communs, en vue de les affecter à la jouissance d'un ou plusieurs "communistes", ou d'attendre un jour propice

pour le partage » (Caporale, Rev. sociétés 1979, p. 274).

C'est d'ailleurs à travers ce critère de « la dynamique donnée aux biens dans une finalité collective » (Viandier, La notion d'associé,

Bibl. Dr. privé, T. 156, LGDJ, 1978, no 49, p. 51) et plus généralement donc, de l'intention des parties que la jurisprudence

distingue habituellement l'associé de l'indivisaire (cf.Cass. com., 12 févr. 1973, no 71-13.615, Bull. civ. IV, no 70, considérant

implicitement que les indivisaires passent de l'indivision à la société à partir du moment où, ne se contentant plus d'une gestion

conservatoire et massive de leurs biens, ils affectent ceux-ci à une œuvre commune ; cf. aussi Cass. com., 18 nov. 1997, no 96-

10.999, Bull. Joly Sociétés 1998, p. 145, Dr. fisc. 1998, no 11, comm. 195, RTD com. 1998, p. 710, obs. Deboissy ; T. com. Paris,

27 sept. 1994, Gaz. Pal. 1994, I, som., p. 224).

29 - Imbrications possibles de la société et de l'indivision

Même juridiquement distinctes, la société et l'indivision peuvent faire l'objet d'imbrications, que la loi no 76-1286 du 31 décembre

1976 et la loi no 78-627 du 10 juin 1978 (abrogeant C. civ., art. 1873-4, al. 3, qui interdisait jusque-là à une société d'appartenir à

une indivision conventionnelle) ont rendu sensiblement plus fréquentes. Quatre hypothèses sont concevables :

— la société dans l'indivision : soit, en qualité de membre (il est ainsi très fréquent, notamment dans les secteurs de la

pétrochimie et des charbonnages, de voir des sociétés exploiter une unité de production en indivision conventionnelle :

cf.Chapin, L'indivision industrielle, Th. dact., Rennes, 1977), soit, en qualité de gérant (l'article 1873-5 du code civil permet de

choisir le gérant de l'indivision conventionnelle de manière libre, parmi ou non les coïndivisaires. Voir no32, pour la gestion des

fonds communs de placement ou des groupements de quirataires) ;

— l'indivision dans la société : avec les hypothèses de parts sociales indivises (voir no257) et de l'indivision dans la société en

participation (cf.Dekeuwer-Défossez, JCP G 1980, I, no 2970, et voir no5189 et no5193) ; à noter ici que, pour la désignation du

mandataire unique des indivisaires de parts sociales en cas de désaccord entre eux, la disposition de l'article 1844 du code civil

prévoyant le recours à justice exclut, de par son impérativité, le jeu de l'article 815-3 du code civil et donc une désignation à la

majorité des deux tiers, cf.Cass. 1re civ., 15 déc. 2010, no 09-10.140, Bull. civ. I, no 268, Bull. Joly Sociétés 2011, p. 373, note F.-

X. Lucas, D. 2011, p. 73, obs. A. Lienhard, JCP E 2011, 1826, obs. F. Deboissy et G. Wicker ; à noter également que, même

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s'ils désignent un mandataire unique pour les représenter et voter à l'assemblée générale, tous les indivisaires de parts sociales

ont la qualité d'associé et, à ce titre, peuvent participer individuellement aux décisions collectives, cf. Cass. com., 21 janv. 2014,

no 13-10.151, Bull. Joly Sociétés 2014, p. 212, note D. Poracchia et H. Barbier, RLDA 2014/92, no 5026, note B. Dondero ;

— la société d'indivision, dont la jurisprudence a depuis longtemps reconnu la validité (cf.Cass. civ., 5 juill. 1922, S. 1924, I, p.

353, note Solus), et qui est la société formée par des indivisaires qui, dans un but lucratif, font apport à la personne morale des

biens jusque-là indivis (avec, en conséquence, comme le précise l'arrêt précité, la mise à l'écart pour l'avenir de l'article 815 du

code civil) ;

— la société après l'indivision, lorsque, après l'arrivée du terme d'une convention d'indivision, les ex-indivisaires se

comportent comme associés, avec tous les éléments constitutifs du contrat de société (cf.CA Paris, 3e ch. C, 16 juin 1995,

Madore c/Pichot, JCP E 1995, I, no 505, no 6, obs. Viandier et Caussain).

Ainsi, on le voit, les imbrications entre société et indivision sont en pratique fréquentes (cf. en ce sens Aberkane, L'étalon, la

société en participation et la convention d'indivision, Mélanges Breton-Derrida, Dalloz, 1991, p. 11), et nos collègues Deboissy et

Wicker (Deboissy et Wicker, La distinction de l'indivision et de la société et ses enjeux, RTD civ. 2000, p. 241) considèrent même

aujourd'hui qu'on doit admettre qu'il existe un domaine commun aux deux institutions pour ce qui concerne l'exploitation d'un bien

ou d'un ensemble de biens à des fins économiques, dans lequel les parties ont une liberté de choix opposable à l'administration

fiscale.

Section 3La société : contrat et institution

33 - Intérêt de la question

C'est un débat très classique de savoir si la société est avant tout un contrat, abandonné en tant que tel à la volonté de ceux qui lui

donnent naissance, ou si elle n'est pas plutôt une institution, c'est-à-dire « un corps social dépassant les volontés individuelles »

(Weill, Droit civil, t. 1, p. 619).

La société a été également qualifiée d'« organisation juridique de l'entreprise » (Paillusseau, Les fondements du droit moderne des

sociétés, JCP E 1984, II, no 14193).

La question présente toujours un intérêt même si la rédaction de l'article 1832 du code civil, issue de la loi no 85-697 du 11 juillet

1985 (voir no2), a renforcé le caractère institutionnel de la société : « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui

conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune [...] » et même si pour les sociétés unipersonnelles désormais

admises par notre droit – EURL, SASU et SELARL unipersonnelle – la qualification contractuelle n'a évidemment pas de sens et

doit céder devant celle d'acte unilatéral de volonté (cf.J. Paillusseau, L'EURL ou des intérêts pratiques et des conséquences

théoriques de la société unipersonnelle, JCP G 1986, I, no 3242 ; C. Cutajar, De l'EURL à la SASU ou du big bang à la

transfiguration du concept de société par l'unipersonnalité, LPA 2000, no 185, p. 48).

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Sur le plan pratique, l'opposition des conceptions contractuelle et institutionnelle a pu revêtir diverses illustrations jurisprudentielles.

À titre d'illustration, on peut ainsi évoquer l'affaire soumise à une juridiction consulaire, en l'occurrence le tribunal de commerce de

Poitiers (T. com. Poitiers, 30 juin 1975, RTD com. 1976, p. 373, obs. Champaud).

Deux photographes avaient constitué une société en nom collectif. L'un et l'autre conservaient cependant, semble-t-il, une assez

grande indépendance professionnelle, de telle sorte que l'affectio societatis ne fut jamais très fort. Quelque temps plus tard, la

mésintelligence fut si manifeste que l'un des associés l'invoqua pour demander la dissolution de la société sur le fondement des

articles 1184 et 1871 anciens du code civil. Mais le défendeur, pour échapper à la dissolution et tout en reconnaissant la

mésentente, proposa le rachat des parts du demandeur évaluées à dire d'expert.

Or, le tribunal a admis cette proposition, non prévue par les textes (l'article L. 235-6 du code de commerce envisage uniquement

une action en nullité), sur la base de la motivation suivante, manifestement très inspirée de la conception institutionnelle de la

société :

« Attendu que, dans le cas présent, la mésintelligence des coassociés ne compromet pas en la paralysant la marche de

l'entreprise, qu'aucune poursuite n'est inscrite au rôle du tribunal de commerce et que le demandeur ne fait pas état de faits graves

pouvant compromettre le fonctionnement normal de la société ; attendu qu'il est préférable, l'affectio societatis ayant disparu,

d'imposer au demandeur d'accepter l'offre de rachat de ses parts plutôt que de prononcer la dissolution de la société car on ne

peut permettre que, bien que mécontent, le demandeur profite de cette situation pour obtenir la liquidation de l'entreprise sociale au

mépris de l'intérêt propre de celle-ci et des intérêts de son associé, que cette notion de prospérité et de rentabilité s'impose même

aux sociétés de personnes ».

Sur la place, cependant aujourd'hui marginale, de cette décision dans la jurisprudence relative à cette question, voir cependant

no1574.

34 - Nature hybride de la société

L'article 1832 du code civil, nous l'avons vu, penche désormais pour une conception institutionnelle de la société qui demeure

toutefois créée par un contrat, sauf dans le cas des SARL unipersonnelles (voir no2, no33 et nos3335 et s.). D'autres textes donnent

également la préférence à la conception institutionnelle : ainsi, l'article 1844-5 (C. civ., art. 1844-5), en indiquant que la réunion de

toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de la société, ou l'article 1844-7 (C. civ., art. 1844-7), en

prévoyant que la mésentente entre associés ne provoque la dissolution anticipée de la société que si elle en paralyse le

fonctionnement.

Mais d'autres dispositions soulignent, en revanche, la dimension contractuelle de la société : ainsi, l'article 1843-3 du code civil

relatif aux apports de chaque associé ou encore l'article 1844-1 (C. civ., art. 1844-1) imposant sa participation aux résultats de

l'exploitation.

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D'autres, enfin, mettent bien en lumière le caractère hybride de la société. C'est le cas de l'article 1842 du code civil à travers ses

deux alinéas : le premier prévoit l'acquisition de la personnalité morale par la société lors de l'immatriculation au registre du

commerce, tandis que le second ajoute que, jusqu'à cette immatriculation, « les rapports entre les associés sont régis par le contrat

de société et par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations ». C'est bien là, tout à la fois, souligner le

rôle de la volonté individuelle dans la phase créatrice de la société et l'avènement d'une personne juridique autonome, distincte des

volontés qui lui ont donné naissance.

35 - Attitude des juges — Tendances générales

Les juges n'ont jamais vraiment tranché entre les deux conceptions de la société, et ils ont eu raison de ne pas le faire. À la vérité,

ils ont adopté des solutions qui s'inspirent parfois de la conception contractuelle de la société et parfois de sa conception

institutionnelle (cf., par exemple, pour la consécration expresse de cette dernière, CA Paris, 26 mars 1966, RTD com. 1966, p. 349,

obs. Houin ; CA Reims, 24 avr. 1989, Consorts Blan c/Consorts Gasperini, BRDA 1989, no 18, p. 20). Certes, une impression

générale de flou pourrait alors sembler en résulter. Mais, même s'il est difficile en ce domaine de schématiser à partir de décisions

ponctuelles, on peut discerner deux tendances générales :

— d'une part, la conception contractuelle paraît dominer s'agissant de la naissance de la société et de la définition des

engagements des associés, tandis que la conception institutionnelle semble l'emporter, s'agissant de la préservation de

l'intérêt et de l'instrument sociétaires ;

— d'autre part, la conception contractuelle trouve son terrain d'élection dans les sociétés de personnes, et la conception

institutionnelle dans les sociétés par actions.

36 - Première tendance

Favorables à la conception contractuelle pour résoudre des problèmes liés à la naissance de la société et à la définition des

engagements des associés, il faut citer la jurisprudence de droit transitoire, soumettant le contrat de société à la loi sous l'empire

de laquelle il a été constitué, conformément au principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle, et les arrêts su ivants :

— Cass. 1re civ., 8 juin 1977, no 76-11.377, Bull. civ. I, no 271, décidant qu'une clause claire et précise des statuts s'impose au

juge sous peine du grief de dénaturation, et CA aud. sol., Orléans, 23 juin 1977, cité par du Pontavice et Dupichot, no 362-12,

décidant qu'il est impossible aux juges de modifier les statuts en partie, si l'ensemble est indivisible et encourt la nullité dans sa

totalité ;

— Cass. com., 20 févr. 1979, no 77-13.653, Bull. civ. IV, no 70, validant une clause de non-concurrence, clause usuelle des

contrats, insérée dans les statuts d'une société commerciale et s'appliquant aux associés, du moment que les restrictions

qu'apportaient la clause à la liberté du commerce et du travail étaient limitées dans le temps et dans l'espace ;

— Cass. 3e civ., 23 janv. 1974, no 72-14.299, Bull. civ. III, no 36, décidant que la dissimulation par le propriétaire d'un domaine à

son associé, avec lequel il a conclu une société pour réaliser à un certain prix la vente de ce bien et sa mise en exploitation

éventuelle, des hypothèques grevant l'immeuble constitue un manquement aux obligations contractuelles de ce propriéta ire, et

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que les juges du fond ont pu, en raison de la gravité de cette inexécution contractuelle, prononcer la résolution du contrat de

société ;

— Cass. com., 11 juin 1979, no 77-14.100, Bull. civ. IV, no 193, approuvant les juges du fond d'avoir retenu l'existence d'une

promesse synallagmatique de contrat de société après avoir constaté que les parties avaient eu l'intention de s'associer, que

l'objet de la société était précisé, que l'engagement était définitif et qu'il comportait l'obligation pour les parties de participer aux

dettes sociales ;

— Cass. com., 12 oct. 1993, no 91-13.966, Bull. civ. IV, no 330, indiquant que les conditions de validité d'une société doivent

s'apprécier lors de sa constitution ;

— Cass. com., 13 févr. 1996, no 93-19.654, Rev. sociétés 1996, p. 781, note Daigre, donnant plein effet à un pacte fondamental

sur la base duquel les associés s'étaient à l'origine engagés pour créer la société, et ce en dépit d'une modification de ce pacte

inséré dans les statuts, décidée par l'AGE (voir no401) ;

— Cass. com., 26 mars 1996, no 93-21.250, Bull. civ. IV, no 94, faisant application de l'article 1836, alinéa 2, du code civil à

l'insertion, dans les statuts en cours de vie sociale, d'une clause de non-concurrence à l'ensemble des associés et exigeant

donc que cette décision d'insertion soit prise à l'unanimité (voir, plus généralement, sur le jeu de ce texte d'inspiration

contractuelle, nos854 et s.) ;

— Cass. com., 18 avr. 2000, no 97-21.569, Bull. Joly Sociétés 2000, p. 920, décidant que, si la loi n'attache pas un droit

préférentiel de souscription aux parts de SARL, ce droit peut être créé par les statuts ou par une décision collective des

associés ;

— Cass. com., 13 nov. 2013, no 12-25.675, D. 2014, p. 183, note B. Dondero, donnant plein effet à l'égard des tiers à une

clause statutaire indiquant que la limitation, à titre de règlement intérieur, des pouvoirs du gérant pour l'accomplissement de

certains actes ne pouvait être opposée aux tiers (ici, c'est la solution légale elle-même) ni invoquée par eux (là, c'est le souhait

des associés qui, exprimé dans les statuts, reçoit effet aux termes de cet arrêt de la Cour de cassation).

Favorables à la conception institutionnelle pour assurer la préservation de l'intérêt et de l'instrument sociétaires, on citera :

— la jurisprudence qui, dans le silence du législateur, a admis la nomination d'un administrateur provisoire pour résoudre une

crise sociale compromettant l'intérêt ou l'avenir de l'institution (voir nos810 et s.) ;

— celle qui, dans ce même silence de la loi, se reconnaît le droit d'annuler les délibérations sociales prises contrairement à

l'intérêt général de la société, et dans l'unique dessein de favoriser les majoritaires au détriment des minoritaires (cf.Cass. com.,

18 avr. 1961, no 59-11.394, Gaz. Pal. 1961, II, p. 15 ; Cass. com., 30 mai 1980, no 78-13.836, Rev. sociétés 1981, p. 311, note

Schmidt), et réciproquement celles qui, toujours en considération de l'intérêt social, viennent sanctionner un abus de minorité

(Cass. com., 9 mars 1993, no 91-14.685, Bull. civ. IV, no 101 ; Cass. com., 5 mai 1998, no 96-15.383, Bull. civ. IV, no 149) ;

— les décisions validant les conventions de vote s'autorisant de l'intérêt social (T. com. Paris, 1er août 1974, Rev. sociétés 1974,

p. 685, note Oppetit ; T. com. Paris, 4 mars 1981, RJ com. 1982, p. 7, note de Fontbressin) ;

— la jurisprudence qui, dans le silence de la loi et avant que le nouvel article 1844-7, 5o, du code civil ne le précise

expressément depuis 1978, ne prononçait la dissolution anticipée de la société pour mésintelligence entre les associés que si

celle-ci paralysait le fonctionnement de l'institution (cf., par exemple, Cass. com., 27 avr. 1971, no 70-10.853, Bull. civ. IV, no 116

; Cass. com., 28 févr. 1977, no 75-14.163, Bull. civ. IV, no 65 et, de manière plus générale, cf. ci-après).

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37 - Seconde tendance

L'autre tendance perceptible dans l'attitude des magistrats est de s'inspirer davantage de la conception contractuelle dans les

sociétés de personnes et de la conception institutionnelle dans les sociétés de capitaux.

L'observation ne saurait évidemment surprendre, et peut être diversement illustrée :

— dans les sociétés de personnes, les juges respectent davantage les volontés individuelles des associés. Aux décisions

précitées (voir no36), et concernant toutes de telles sociétés, on ajoutera, par exemple, Cass. com., 12 févr. 1973, no 71-12.760,

Bull. civ. IV, no 68, accordant des dommages-intérêts à l'un des deux associés d'une petite SARL en réparation du préjudice que

lui a causé la dissolution de la société, imputable aux agissements de son coassocié, qui n'a pas tenu ses engagements initiaux

;

— dans les sociétés de capitaux, les juges n'hésitent pas à limiter le jeu des volontés individuelles. L'exemple le plus

caractéristique en est cette jurisprudence inaugurée en 1946 (cf.Cass. civ., 4 juin 1946, JCP G 1947, II, no 3518, note Bastian,

S. 1947, I, p. 153, note Barbry) et toujours maintenue (cf. notamment Cass. civ., 11 juin 1965, no 63-10.240, Bull. civ. III, no 361,

RTD com. 1965, p. 861, obs. Houin ; CA Aix, 28 sept. 1982, Rev. sociétés 1983, p. 773, note Mestre), considérant que les

volontés individuelles ne peuvent pas modifier la répartition des pouvoirs que la loi a instituée entre les différents organes de la

société anonyme. Le moule légal est un cadre à prendre tel quel ou à laisser, il n'appartient ni aux statuts ni à un quelconque

montage contractuel de l'altérer.

Cependant, on précisera que ce n'est là qu'une tendance des juges, qui n'est donc aucunement systématique. Le jugement du

tribunal de commerce de Poitiers (voir no33) en est l'éclatante preuve, puisqu'en l'espèce la thèse institutionnelle a prévalu dans le

cadre d'une SNC, ne comptant, au surplus, que deux associés. Et, à l'inverse, on doit souligner le renouveau contractuel qui

anime aujourd'hui la pratique des sociétés par actions (cf., par exemple, B. Dondero, Le pacte d'actionnaires : le contrat dans la

société, Journ. sociétés avr. 2008, p. 42). La lutte contre les OPA sauvages a été, en effet, le point de départ de diverses

stipulations extrastatutaires que la jurisprudence a généralement vues avec faveur, et qui lient aujourd'hui fréquemment des

actionnaires : promesses de rachat, clauses d'exclusion, pactes de préférence, etc. Ainsi, aujourd'hu i, la position de la

jurisprudence est très clairement de valider les pactes d'actionnaires dès lors qu'ils ne sont pas contraire à l'ordre public ou à une

disposition impérative des statuts (Cass. com., 7 janv. 2004, no 00-11.692, RJDA 2004, no 840, Bull. Joly Sociétés 2004, p. 544,

note P. Le Cannu ; Cass. com., 27 sept. 2005, no 04-12.168, RJDA 2005, no 1359). Par ailleurs, depuis la loi no 94-1 du 3 janvier

1994, notre droit dispose d'une nouvelle forme sociétaire, la société par actions simplifiée, qui laisse une large part à la liberté

contractuelle, encore renforcée par une loi no 99-587 du 12 juillet 1999 (voir nos4200 et s.). Et l'ordonnance no 2004-604 du 24 juin

2004 sur les valeurs mobilières a encore conforté ce sentiment de liberté, avec en particulier l'avènement des actions dites de

préférence (voir nos4799 et s.).

Mais, symétriquement, la théorie institutionnelle de la société peut elle-même connaître demain un certain renouveau avec

l'avènement du concept de l'entreprise citoyenne (cf., à ce sujet, l'article de notre collègue F.-G. Trébulle, Personnalité morale

et citoyenneté, considérations sur « l'entreprise citoyenne », Rev. sociétés 2006, p. 41) ou encore de celui des droits de la

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personnalité de la personne morale (sur lequel, cf. l'article de L. Dumoulin, Les droits de la personnalité des personnes morales,

Rev. sociétés 2006, p. 1). Sur la responsabilité sociale de l'entreprise (ou RSE), voir nos126 et s.

Chapitre 2Le choix de la société

39 - Questions soulevées par le choix de la société

Le choix de la société soulève deux questions : en premier lieu, quelle en est l'exacte ampleur ? (Section 1) ; ensuite, comment

l'exercer concrètement ? (Section 2).

40 - Éléments à considérer

Pour déterminer l'ampleur du choix qui s'offre effectivement à ceux qui ont décidé de constituer une société, il convient, d'une part,

de préciser les différentes composantes du choix (§ 1) et, d'autre part, de rappeler les quelques limites apportées à la liberté des

fondateurs (§ 2).

§ 1. Les différentes composantes du choix

41 - Typologie des sociétés

Préciser les différentes composantes du choix revient à indiquer les divers types de sociétés admis par notre droit. Or, ces divers

types peuvent eux-mêmes être présentés autour de différents points de vue, et donc s'ordonner selon plusieurs classifications.

Nous présenterons ces dernières successivement, étant entendu que certaines d'entre elles peuvent s'imbriquer mais que, toutes,

par leur originalité propre, contribuent à enrichir le choix ouvert aux fondateurs d'une société. Ainsi, nous examinerons tour à tour

sociétés types et sociétés particulières (A), sociétés commerciales et sociétés civiles (B), sociétés de personnes ou de capitaux

(C), sociétés faisant ou non publiquement appel à l'épargne (D), sociétés cotées ou non en bourse (E), et enfin d'autres

classifications particulières (F).

A. — Sociétés types et sociétés particulières

42 - Critère de la distinction — Sociétés types

Certaines formes sociales ont une vocation générale alors que d'autres sont liées à une situation déterminée.

Les premières, qu'on peut qualifier de sociétés types (cf.F. Lefebvre, MSC, 2015, nos 11 et s.) ou de formes fondamentales (Guyon,

J.-Cl. Sociétés Traité, Fasc. 27 A, Constitution des sociétés, no 18), s'ordonnent elles-mêmes en deux catégories, selon qu'elles

bénéficient ou non de la personnalité morale. Sont ainsi dotées de l'aptitude personnelle à être titulaires de droits et d'obligations

les sociétés civiles (régies par les articles 1845 et suivants du code civil), et les sociétés commerciales suivantes :

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— la société en nom collectif (définie par C. com., art. L. 221-1 par rapport à ses associés qui « ont tous la qualité de

commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales ») ;

— la société en commandite simple (définie, de manière semblable, par C. com., art. L. 222-1, précisant que « les associés

commandités ont le statut des associés en nom collectif » et que « les associés commanditaires répondent des dettes sociales

seulement à concurrence du montant de leur apport ») ;

— la société à responsabilité limitée (« instituée [aux termes de C. com., art. L. 223-1] par une ou plusieurs personnes qui ne

supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports ») ;

— la société anonyme (définie, elle, directement par C. com., art. L. 225-1, qui la présente comme « la société dont le capital

est divisé en actions et qui est constituée entre des associés qui ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports ») ;

— la société en commandite par actions (« dont le capital (C. com., art. L. 226-1) est divisé en actions », et qui « est

constituée entre un ou plusieurs commandités, qui ont la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des

dettes sociales, et des commanditaires, qui ont la qualité d'actionnaires et ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs

apports ») ;

— la société par actions simplifiée (instituée par la loi no 94-1 du 3 janvier 1994 dans le souci d'offrir aux sociétés un nouvel

instrument juridique de coopération, et ouverte ensuite par la loi no 99-587 du 12 juillet 1999 à tout actionnaire personne

physique ; forme sociétaire régie par les articles L. 227-1 à L. 227-20 du code de commerce).

Sont également des sociétés types, eu égard à leur vocation générale, mais ne bénéficient pas de la personnalité morale :

— la société en participation, présentée par l'article 1871 du code civil comme celle que les associés sont convenus de ne

point immatriculer, mais qui peut, depuis la loi no 78-9 du 4 janvier 1978, être aussi bien occulte qu'ostensible (C. civ., art. 1872-

1) ;

— la société créée de fait, dont les juges consacrent l'existence entre des personnes qui se sont, en fait, comportées comme

de véritables associés, et qui est désormais soumise au régime de la société en participation (C. civ., art. 1873).

43 - Sociétés particulières

D'autres types sociaux correspondent à des situations spécifiques, pour lesquelles les formes fondamentales précédemment

exposées ne sont pas apparues satisfaisantes.

On peut distinguer ces sociétés particulières elles-mêmes en deux grands types :

— certaines sont particulières par leur statut juridique. On citera notamment les sociétés coopératives, les sociétés à

participation ouvrière, les sociétés d'économie mixte et les sociétés contrôlées par l'État ;

— d'autres le sont par leur objet. Ces sociétés sont très nombreuses et touchent les domaines d'activité les plus divers : crédit,

assurance, agriculture, professions libérales, immobilier, presse, pharmacie, développement régional, travail temporaire,

investissement à capital variable, transport, etc.

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B. — Sociétés civiles et sociétés commerciales

44 - Critère de la distinction

L'article 1845 du code civil précise qu'« ont le caractère civil toutes les sociétés auxquelles la loi n'attribue pas un autre caractère à

raison de leur forme, de leur nature, ou de leur objet ». C'est dire que, dans notre droit, la société civile est le principe , mais un

principe au domaine sensiblement réduit par la taille de l'exception.

En effet, une société est commerciale :

— soit parce qu'elle a pour objet l'accomplissement d'actes de commerce (cf.Cass. com., 5 mai 2009, no 08-17.599, JCP E

2009, no 1637, RTD com. 2009, p. 583, obs. M.-H. Monsérié-Bon) ;

— soit parce qu'elle revêt une forme qui lui confère de plein droit la commercialité : sont ainsi « commerciales à raison de leur

forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité

limitée et les sociétés par actions » (C. com., art. L. 210-1).

Le domaine des sociétés civiles est cependant loin d'être négligeable : sociétés pour l'exercice en commun des professions

libérales, sociétés agricoles, sociétés immobilières, etc. (cf.du Pontavice et Dupichot, Les sociétés, nos 346 et s. ; sur une

comparaison, cf. J. Foyer, Sociétés agricoles et sociétés commerciales, Dr. sociétés juill. 2009, p. 7).

On notera que la distinction entre sociétés civiles et commerciales n'est pas absolument générale dans la mesure où les

coopératives agricoles constituent une catégorie spéciale de sociétés qui, aux termes mêmes de la loi, ne sont ni civiles ni

commerciales.

45 - Intérêts de la distinction

De façon générale, les différences profondes qui opposaient sociétés civiles et sociétés commerciales se sont très fortement

réduites à l'époque contemporaine.

Certes, la société civile continue d'être assimilée à un simple particulier tandis que la société commerciale est soumise au statut

dérogatoire des commerçants (cf.Guyon, Droit des affaires, no 216). C'est dire que doivent jouer ici toutes les différences qui

séparent les simples particuliers des commerçants en matière de compétence juridictionnelle, de preuve, de prescription, de

solidarité, notamment (pour une présentation exhaustive, cf.Guyon, Droit des affaires, nos 76 et s.). Mais, déjà à ce stade, la

distinction est délicate à mettre en œuvre pour les sociétés qui puisent leur commercialité uniquement dans la forme, et qui, par

ailleurs, ont des activités purement civiles. La jurisprudence hésite parfois, en effet, à tirer la conséquence logique de leur

commercialité et à décider que les actes civils qu'elles accomplissent deviennent des actes de commerce par accessoire (voir

no566).

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En outre, depuis 1967, et plus précisément une loi no 67-563 du 13 juillet 1967 qui a ici marqué une rupture dans notre droit, une

importante différence subsistant, au moins pour l'essentiel, pour les personnes physiques a disparu au stade des personnes

morales : celle de la possibilité d'ouvrir une procédure collective. Autrement dit, les sociétés civiles peuvent connaître des mêmes

procédures collectives que les sociétés commerciales, en leur qualité de personnes morales de droit privé.

Mais, surtout, la très importante loi no 78-9 du 4 janvier 1978 (sur sa genèse et ses références, voir no74) a, tout à la fois, édicté

des dispositions générales à toutes les sociétés (C. civ., art. 1832 à 1844-17) et remanié le régime particulier des sociétés civiles

(C. civ., art. 1845 à 1870-1) dans le sens d'un alignement sur celui des sociétés commerciales (cf.Chartier, La société dans le

Code civil après la loi du 4 janvier 1978, JCP G 1978, I, no 2917, nos 31 et s. ; Jeantin, La réforme du droit des sociétés civiles par

la loi du 4 janvier 1978, D. 1978, chr., p. 173).

La société civile immatriculée ressemble ainsi sensiblement à la société en nom collectif.

Sans vouloir entrer dans le détail d'une étude qui excéderait l'objet de cet ouvrage consacré aux sociétés commerciales, on

mentionnera les principaux traits de la société civile :

— acquisition de la personnalité morale à compter de l'immatriculation au RCS (C. civ., art. 1842, al. 1er) ;

— renforcement de l'organisation de la gérance (C. civ., art. 1848 et 1849, sur les pouvoirs du gérant ; C. civ., art. 1846 et 1851,

sur la nomination et la révocation des gérants) ;

— accroissement des droits individuels des associés (C. civ., art. 1836, al. 2, art. 1852, 1855 et 1856) ;

— modification du régime et de l'étendue de leur obligation aux dettes sociales (C. civ., art. 1857) ;

— atténuation des conséquences de l'intuitus personae s'agissant des cessions de parts et de la dissolution (C. civ., art. 1861 et

s.).

Sur la place actuelle des sociétés civiles, cf. le numéro thématique du Bulletin Joly Sociétés de décembre 2008 (Bull. Joly Sociétés,

numéro thématique, déc. 2008, La société civile aujourd'hui, quel intérêt ?).

46 - Problème de frontières

On notera que si une société dont l'objet statutaire est civil (en l'espèce, agricole) développe progressivement une activité

commerciale (ici, une affectation hôtelière donnée au dernier bâtiment de ferme non exploité), il y a lieu de considérer qu'est nulle

la décision prise par l'assemblée générale ordinaire des associés qui opterait pour cette affectation commerciale. En effet, une telle

décision est contraire aux statuts, et ne peut dès lors être valablement prise que selon les conditions requises pour les

modifications statutaires (Cass. com., 13 juill. 2010, no 09-16.100, Bull. civ. IV, no 128, Bull. Joly Sociétés 2010, p. 885, note L.

Godon).

Le Comité de coordination du registre du commerce et des sociétés a rendu, le 1er juillet 2014, un avis no 2014-018 (JCP E 2014,

no 739), concernant la demande d'immatriculation d'une société qui, bien que qualifiée de civile dans les statuts et la demande

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d'immatriculation, se présente comme ayant un objet commercial ou exerçant une activité commerciale. Le Comité conclut en ce

cas à un rejet de la demande d'immatriculation par le greffier.

C. — Sociétés de personnes et sociétés de capitaux

47 - Présentation de la distinction

Cette distinction a longtemps joué un rôle fondamental dans notre droit. Les sociétés de personnes, dites parfois encore « sociétés

par intérêts », sont celles où les associés s'unissent en considération de leur personnalité, parce qu'ils se font mutuellement

confiance. L'intuitus personae est donc prédominant. Dès lors, les parts d'un associé ne peuvent être cédées qu'avec le

consentement unanime des autres, et les événements graves affectant la personne de l'un d'eux, tels qu'un décès, une incapacité

ou la liquidation judiciaire, mettent en principe fin à la société elle-même.

Les sociétés de capitaux sont, au contraire, celles où la personne de l'associé est indifférente. Les associés ne se connaissent

généralement pas, et, par conséquent, peuvent céder librement leurs parts. Par ailleurs, les événements graves les affectant

demeurent sans incidence sur le sort de la société.

48 - Affaiblissement contemporain de la distinction

Cette distinction des sociétés de personnes et des sociétés de capitaux a longtemps joué un rôle fondamental dans notre droit. Elle

permettait, en effet, de bien classer tous les types sociaux existants (hormis, simplement, la commandite par actions), et

d'expliquer les oppositions très marquées de leurs régimes juridiques.

Or, à l'époque contemporaine, par l'effet de réformes législatives successives, cette distinction a perdu une bonne partie de sa

force, et ce pour une double raison :

— d'abord, les types sociaux qu'elle permet toujours de classer (d'un côté, dans les sociétés de personnes, la société en nom

collectif, la société en commandite simple, la société civile et la société en participation, et de l'autre, dans les sociétés de

capitaux, la société anonyme) ne sont plus aussi contrastés qu'ils l'étaient. Dans les sociétés de personnes, parce que

l'institution sociétaire prend de l'importance, l'acte de société peut écarter la dissolution pour cause de décès ou d'incapacité de

l'un des associés (cf.C. com., art. L. 221-15 ; C. civ., art. 1870). Dans les sociétés de capitaux, parce que la considération de la

personne peut revêtir une grande importance, les statuts peuvent prévoir la nécessité d'agrément pour une cession d'actions à

un tiers (C. com., art. L. 228-23) et des pactes extrastatutaires assurent même souvent, en outre, un renforcement du contrôle

de l'actionnariat ;

— ensuite, certains types sociaux peuvent difficilement être classés selon cette distinction. C'est le cas de :

– la société en commandite par actions, où l'aspect de société de personnes prévaut chez les commandités, et celui de

société de capitaux, chez les commanditaires,

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– la SARL, dont la nature est incontestablement hybride. Un certain intuitus personae explique le régime de cession de parts

(cf. C. com., art. L. 223-14), mais ses règles de fonctionnement empruntent beaucoup à la société anonyme, et plus encore

depuis l'ordonnance no 2004-274 du 25 mars 2004 (cf. A. Lienhard, Les assouplissements du régime de la SARL, D. 2004, p.

930). Ainsi, selon l'expression du doyen Roblot (Ripert et Roblot, Traité élémentaire de droit commercial, LGDJ, no 903),

apparaît-elle « comme un maillon intermédiaire entre les deux catégories ». Le fait que la SARL, comme d'ailleurs la

commandite par actions, soit (sauf option des SARL de famille pour l'IR et cas de l'EURL) assujettie à l'impôt sur les sociétés

conduit cependant à la rapprocher plutôt des sociétés de capitaux,

– la société par actions simplifiée, où l'intuitus personae est particulièrement fort et où les moyens juridiques de contrôler les

mouvements de l'actionnariat sont donc importants.

49 - Maintien de certains intérêts à la distinction

Outre sa vertu explicative de certaines différences de régime juridique maintenues, la distinction entre sociétés de personnes et

sociétés de capitaux conserve, de nos jours, deux intérêts majeurs :

— en premier lieu, cette distinction peut éclairer le juge ou le praticien lorsqu'ils doivent dégager une solution que la loi ne

donne pas elle-même : par exemple, pour déterminer le sort des parts de SARL appartenant à un époux marié sous le régime

de la communauté (voir no3271) ;

— par ailleurs, sur le plan fiscal, elle conduit à une différence fondamentale de systèmes d'imposition. Les sociétés de capitaux

sont soumises à l'impôt sur les sociétés. Les sociétés de personnes (sociétés en nom collectif, en commandite simple, civiles,

en participation et créées de fait) bénéficient, en revanche, d'un système de transparence fiscale en matière d'impôts directs.

Comme le dit l'article 8 du code général des impôts, « les associés [...] sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour

la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ».

Toutefois, cet intérêt fiscal de la distinction s'est lui-même récemment atténué puisque, depuis la loi no 2008-776 du 4 août 2008 de

modernisation de l'économie, les sociétés anonymes, les sociétés par actions simplifiées et les SARL peuvent elles-mêmes opter

pour le régime de transparence fiscale des sociétés de personnes, sous, il est vrai, certaines conditions que précise l'article 30 de

cette loi (L. no 2008-776, 4 août 2008), qui a introduit dans le Code général des impôts un article 239bis AB (CGI, art. 239 bis AB).

De cet article, il ressort notamment en effet que :

— les sociétés anonymes, les sociétés par actions simplifiées et les sociétés à responsabilité limitée dont les titres ne sont pas

admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers, dont le capital et les droits de vote sont détenus à hauteur de

50 % au moins par une ou des personnes physiques et à hauteur de 34 % au moins par une ou plusieurs personnes ayant, au

sein desdites sociétés, la qualité de président, directeur général, président du conseil de surveillance, membre du directoire ou

gérant, ainsi que par les membres de leur foyer fiscal au sens de l'article 6, peuvent opter pour le régime fiscal des sociétés de

personnes mentionné à l'article 8,

— cette option suppose que la société exerce à titre principal une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou

libérale, à l'exclusion de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier, qu'elle emploie moins de cinquante salariés

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et réalise un chiffre d'affaires annuel ou a un total de bilan inférieur à 10 millions d'euros au cours de l'exercice et, enfin, qu'elle

soit créée depuis moins de cinq ans.

Ce nouveau dispositif, applicable aux impositions dues au titre des exercices ouverts depuis le 6 août 2008, a été précisé par le

décret no 2009-116 du 30 janvier 2009, qui a notamment inséré un nouvel article 46 terdecies DA au sein de l'annexe III du code

général des impôts (CGI, ann. III, art. 46 terdecies DA).

D. — Sociétés faisant ou non publiquement appel à l'épargne, ou Sociétés offrant ou non des titres financiers au public

50 - Distinction contemporaine

Notre droit contemporain des sociétés a retenu une distinction qui n'a cessé de se renforcer progressivement entre les sociétés

faisant publiquement appel à l'épargne et celles ne le faisant pas. De façon générale, sollicitant l'épargne publique et donc faisant

courir un risque à celle-ci, les premières ont fait l'objet d'une réglementation particulière, notamment caractérisée par des

exigences renforcées de constitution (par exemple, pour la SA, un capital minimum de 225 000 euros contre 37 000 euros pour les

autres), des obligations spéciales de publicité et une surveillance par l'Autorité des marchés financiers.

Sans remettre en cause cette distinction, l'ordonnance no 2009-80 du 22 janvier 2009 l'a édulcorée. Substituant, pour faire écho à

la directive européenne dite « Prospectus » (Dir. Cons. CE no 2003/71, 4 nov. 2003, JOUE 31 déc., no L 345), la notion d'offre au

public de titres financiers à celle d'appel public à l'épargne, elle précise ainsi par exemple que le capital social minimum d'une

société par actions sera en toute hypothèse de 37 000 euros. Mais un régime particulier continue cependant de découler, non p lus

désormais de l'appel public à l'épargne, mais – notion naturellement proche – de l'offre au public de titres financiers ; il sera exposé

aux nos4455 et s.

E. — Sociétés admises ou non aux négociations sur un marché réglementé

51 - Distinction au sein des sociétés sollicitant le public

Au sein même des sociétés qui s'adressent au public, une nouvelle distinction fondamentale s'est aujourd'hui fait jour dans notre

droit : celle entre les sociétés cotées en bourse ou, plus exactement aujourd'hui, dont les titres sont admis aux négociations sur un

marché réglementé, et celles qui ne le sont pas. En effet, la sollicitation du public ou l'admission sur un marché boursier justifie,

aux yeux du législateur contemporain, des dispositions spéciales, qui se veulent encore plus protectrices des épargnants (cf.P.-H.

Conac, La distinction des sociétés cotées et non cotées, Rev. sociétés 2005, p. 67).

Ces dispositions sont ainsi, pour l'essentiel, constitutives d'obligations ou de prohibitions. On citera notamment l'obligation de

réévaluer le bilan, la soumission à toute une série de publications au BALO, la prohibition adressée aux dirigeants et aux

personnes disposant, à l'occasion de l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions, d'informations privilégiées de les mettre à

profit pour spéculer personnellement sur les titres de la société.

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Cependant, les sociétés cotées ont, en revanche, désormais une liberté propre, qui est refusée à celles qui ne le sont pas : celle

d'émettre des titres au porteur (L. no 81-1160, 30 déc. 1981, art. 94) ; voir no4352.

F. — Autres distinctions

52 - Sociétés à risques illimités ou à risques limités

La distinction entre les sociétés à risques illimités et celles à risques limités, selon MM. Oppetit et Sayag (Oppetit et Sayag, Les

structures juridiques de l'entreprise, Librairie technique, no 59), « recoupe celle entre sociétés de personnes et sociétés de capitaux

sans se confondre avec elle, même si en principe la notion de responsabilité illimitée des dettes sociales implique que le crédit

personnel, donc la personnalité des associés, entrent en ligne de compte dans la création, puis le fonctionnement de la société ».

Dans cette distinction qui met ainsi l'accent sur l'engagement des associés (cf.Chartier, L'évolution de l'engagement des associés,

Rev. sociétés 1980, p. 1), et que certains estiment essentielle (cf.Bardoul, Droit des sociétés et régime de communauté entre

époux, Rev. sociétés 1976, p. 629), s'opposeront donc, d'une part, les sociétés en nom collectif, les sociétés en participation et, en

principe, les sociétés civiles, et, d'autre part, les sociétés anonymes, les SARL et les sociétés civiles faisant publiquement appel à

l'épargne, que la loi no 70-1300 du 31 décembre 1970 (aujourd'hui codifiée dans le Code monétaire et financier) a doté d'un régime

calqué sur celui des sociétés anonymes (cf.C. mon. fin., art. L. 214-55: « la responsabilité de chaque associé à l'égard des tiers est

engagée en fonction de sa part dans le capital et dans la limite de deux fois le montant de cette part »).

Quant aux sociétés en commandite, simples ou par actions, elles se présentent comme une variété intermédiaire, dans la mesure

où les commandités ont une responsabilité illimitée, et les commanditaires une responsabilité limitée à la mesure de leur apport.

53 - Sociétés de famille ou non

La distinction entre les sociétés de famille et celles qui n'ont pas de caractère familial n'est pas, en réalité, une véritable

distinction de notre droit des sociétés.

En effet, hormis le problème particulier des sociétés entre époux (voir nos211 et s.), la loi commerciale ne prend pas ouvertement

en considération la parenté entre associés qui est, au demeurant, un phénomène fréquent (hypothèse du père s'associant en nom

collectif avec son fils ou bien des frères faisant de même entre eux pour continuer l'exploitation paternelle ; SARL constituées entre

proches parents ; SA gérées par un président et des administrateurs unis par des liens de parenté : cf.Lamarre, Expansion

économique et sociétés de famille, Rev. sociétés 1955, p. 323).

Mais, d'une part, la jurisprudence tient parfois compte de ces liens familiaux, par exemple pour déceler une éventuelle fictivité de la

société (voir no498) ou la cause illicite de sa création (voir no244).

Et, d'autre part, le droit fiscal prend parfois en considération ces liens de parenté, soit pour faire bénéficier la société d'une mesure

de faveur (CGI, art. 151 octies, relatif aux transmissions à titre gratuit d'entreprises individuelles à des sociétés de famille ; de

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même, l'option ouverte depuis 1981 aux SARL de famille en faveur du régime fiscal des sociétés de personnes), soit, au contra ire,

pour éviter les fraudes par interposition de personnes (cf.CSS, art. L. 311-3, 11o, pour la détermination du gérant minoritaire de

SARL).

Sur cet aspect fiscal, cf. l'étude de M. Cozian (Cozian, Et pourquoi ne pas penser à la SARL de famille ?, JCP E 2006, no 2423, p.

1652).

54 - Sociétés pluripersonnelles et unipersonnelles

La distinction entre sociétés pluripersonnelles et unipersonnelles instituée par la loi no 85-697 du 11 juillet 1985 se manifeste dans

les SARL, les entreprises agricoles à responsabilité limitée (voir nos3335 et s.), les SELARL, les SELAS (voir no5620), ainsi que,

depuis la loi no 99-587 du 12 juillet 1999, dans les sociétés par actions simplifiées.

55 - Sociétés nationales et sociétés européennes

Dans la majorité des cas, la société sera nationale, c'est-à-dire juridiquement rattachée à un État dont elle aura en quelque sorte la

nationalité, à l'instar d'une personne physique (sur le critère déterminant de ce rattachement, et donc cette nationalité, voir no545).

Mais, après bien des tergiversations, une société européenne est à présent apparue, dont les entreprises peuvent adopter la

structure juridique. Sur cette société, voir nos5641 et s.

§ 2. Les limites apportées à la liberté des fondateurs

56 - Principe de liberté de choix — Présentation générale des limites

Les fondateurs d'une société jouissent, en principe, d'une grande liberté. Ils peuvent, en effet, choisir n'importe laquelle des formes

sociales que leur offre notre droit et qui sont donc : la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société à

responsabilité limitée (unipersonnelle ou pluripersonnelle), la société anonyme, la société en commandite par actions, la société en

participation et la société civile.

Dans cette liste figurent tout à la fois l'ampleur et la mesure de leur choix, puisque ce dernier doit nécessairement s'y exercer, notre

droit ignorant les sociétés innomées, dont l'organisation reposerait uniquement sur les statuts (cf.Guyon, J.-Cl. Sociétés Traité,

Fasc. 27 A).

Cependant, cette liberté de principe peut connaître d'exceptionnelles limites. Dans certains cas, la forme sociale est imposée aux

fondateurs (A) ; dans d'autres, sans être entièrement supprimé, le choix entre les formes sociales est restreint (B) ; enfin, la forme

sociale choisie par les fondateurs demeure toujours sous le coup d'une possible disqualification judiciaire (C).

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A. — Cas où la forme sociale est imposée

57 - L'objet social dicte la forme sociale

Dans certains cas, l'adoption d'un certain objet social impose automatiquement celle de telle forme sociale. C'est bien évidemment

la loi qui édicte cette corrélation. Ainsi, par exemple, les sociétés d'investissement à capital variable (C. mon. fin., art. L. 214-15)

doivent obligatoirement revêtir la forme de la société anonyme.

B. — Cas où le choix de la forme sociale est restreint

58 - L'objet social limite le choix de la forme sociale

Dans d'autres cas, l'adoption d'un certain objet social a pour effet de réduire la liberté des fondateurs. La loi ne leur ouvre, en effet,

qu'une option limitée, prohibant implicitement le recours à certaines formes sociales.

Ainsi, par exemple, les sociétés exploitant une officine de pharmacie doivent revêtir la forme de la société en nom collectif ou celle

de la SARL (C. santé publ., art. L. 5125-17 ; voir no5570). En revanche, depuis l'ordonnance no 2008-556 du 13 juin 2008 modifiant

l'article L. 310-6 du code des assurances, les sociétés d'assurance ne sont plus confrontées au choix entre société anonyme,

société en commandite par actions et société d'assurance mutuelle.

C. — Disqualification éventuelle de la forme sociale choisie

59 - Modification par le juge de la qualification donnée par les fondateurs de la société

Une fois qu'ils ont opéré leur choix, les fondateurs de la société vont évidemment rédiger les statuts correspondant à la forme

sociale adoptée.

À cette occasion, une certaine souplesse d'aménagement leur est parfois concédée par la loi (cf., pour la continuation de la société

en cas de décès d'un associé, C. com., art. L. 221-15, ou de cession de parts sociales, C. com., art. L. 223-16 et L. 228-23).

Mais, au-delà de la marge de manœuvre ainsi ouverte par la loi, des fondateurs qui s'évaderaient du cadre légal courent le risque

de voir les juges :

— soit annuler leur innovation statutaire (cf., par exemple, pour le caractère impératif de la limitation de responsabilité des

actionnaires, Cass. com., 26 juin 1984, no 83-11.062, Dr. sociétés 1984, no 262, obs. Sizaire) ;

— soit, si un tiers (par exemple le fisc ou un créancier social) le leur demande, disqualifier leur groupement et,

éventuellement, le requalifier en un autre type social (ou même en un autre type de groupement : voir no19, pour une

disqualification en association).

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Même si ce risque est rarement signalé (cf. cependant Houin, observations au RTD com. 1969, p. 97 ; Rép. min. à QE 4 janv.

1969, JOAN Q. 1969, p. 26), il est juridiquement incontestable dans la mesure où il découle directement des principes généraux de

notre droit de la qualification (sur lesquels, cf. l'ouvrage fondamental de Terré, L'influence de la volonté individuelle sur la

qualification, Bibl. Dr. privé, t. 2, 1957), et a d'ailleurs été déjà illustré par deux décisions de la Cour de cassation, il est vrai peu

connues.

L'une, de la chambre civile (Cass. civ., 7 janv. 1908, DP 1908, I, p. 126), a débaptisé une société que ses fondateurs avaient

dénommée civile, et, la requalifiant de société anonyme en se fondant sur la division statutaire du capital en de véritables actions

et la limitation statutaire de la responsabilité des associés au montant de leurs parts, l'a annulée pour inobservation des formalités

prescrites par la loi du 24 juillet 1867. L'autre, relativement plus récente, de la chambre commerciale (Cass. com., 31 janv. 1950,

Bull. civ. III, no 39), indique de façon générale que « le type juridique d'une collectivité doit s'apprécier d'après l'intention manifestée

par les parties dans leurs conventions et les caractéristiques de celles-ci », et approuve, en conséquence, les juges du fond

d'avoir, en se fondant « sur les signes distinctifs qu'elle offrait », disqualifié une société anonyme en société en commandite par

actions.

Cette faculté judiciaire étant ainsi affirmée, il reste à dire concrètement dans quel ou quel cas le type social retenu et aménagé par

les fondateurs ne correspond plus au moule légal et se rapproche, en réalité, davantage d'un autre. Ce problème est évidemmen t

particulièrement difficile à résoudre dans la mesure où il amène à s'interroger sur l'essence, la structure fondamentale de chaque

type social. Il est cependant permis de penser, à la suite du doyen Houin (RTD com. 1969, p. 97), et en dépit des rapprochements

opérés en ce domaine par la loi no 66-537 du 24 juillet 1966, codifiée dans le Code de commerce, que « si des parts » de

prétendues sociétés civiles ou en nom collectif pouvaient être cédées par leur titulaire nonobstant le défaut d'agrément des

coassociés, on se trouverait en réalité en présence d'une société par actions et, par suite, d'une société commerciale ; inversement

d'ailleurs, si des « actions » d'une prétendue société anonyme ne pouvaient pas être négociées ou cédées sans l'agrément

discrétionnaire des coassociés, il s'agirait en réalité d'une société en nom collectif, ce qui entraînerait la responsabilité indéfinie et

solidaire de chaque associé. La limitation de la responsabilité doit être, en effet, aussi bien une conséquence qu'un critère de la

qualification donnée à la société.

Section 2 L'exercice du choix

60 - Critères du choix de la forme sociale

Le choix d'une forme sociale constitue une réponse apportée aux différents besoins en organisation juridique des futurs associés et

de leur projet.

Il convient d'observer que les motivations qui incitent à choisir tel type de société plutôt que tel autre varient en fonction de la

situation actuelle des futurs associés d'une part (nombre, capacité, responsabilité, possibilités financières – apports et capital), de

leurs objectifs d'autre part (volonté de constituer une société familiale, ou d'assurer la transmission d'une entreprise, ou recherche

de capitaux, etc.).

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Les différents critères de choix d'une forme sociale sont listés dans le tableau comparatif des principales sociétés commerciales ci-

dessous, voir no62.

61 - Données statistiques

D'après les chiffres accessibles à partir du répertoire SIRENE et de la base de données DIANE (cf.Cl. Alexandre-Caselli, La

société à directoire en chiffres : état des lieux, RLDA 2007/18, suppl., no 1131), la forme sociétaire la plus répandue reste de très

loin la SARL puisque, en 2013, on comptait en France 1 429 933 SARL sur un total d'environ 1 700 000 sociétés commerciales.

Vient ensuite la société par actions simplifiée, avec 187 475 structures de ce type. Les autres chiffres sont les suivants :

— 44 174, pour la SA ;

— 28 428, pour la SNC ;

— 1 126, pour la société en commandite.

Enfin, au sein de la structure SA, la formule avec conseil d'administration demeure largement majoritaire : de l'ordre de 92 % contre

8 %, avec cependant un sensible resserrement de cet écart dans les sociétés cotées.

62 - Tableau comparatif des principales sociétés commerciales

Ce tableau présente les caractéristiques essentielles des sociétés commerciales. Voir PDF.

Chapitre 3Le droit des sociétés : normes, constitutionnalité et orientations générales

64 - Plan

Ce chapitre présente d'abord les sources du droit des sociétés (Section 1). Puis il évoque les éventuels conflits d'application entre

ces différentes sources (Section 2). Enfin, il dégage les orientations actuelles du droit des sociétés et la place qu'y tient désormais

l'éthique (Section 3).

65 - Diversité des sources

Les sources habituelles et principales du droit des sociétés sont les lois et les décrets (§ 1). Mais, à côté d'elles, sont apparues et

se sont considérablement développées à l'époque contemporaine des sources d'origine administrative (§ 2). Par ailleurs,

jurisprudence (§ 3) et doctrine (§ 4) jouent ici, comme dans la plupart des domaines juridiques, un rôle non négligeable. Enf in, on

doit souligner la forte influence communautaire qui s'exerce sur la formation de notre droit interne (§ 5).

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RemarquesCette liste des principales sources du droit des sociétés n'est pas absolument exhaustive. Ainsi peuvent jouer un rôle

certaines conventions internationales autres que le Traité de Rome, telles que, par exemple, la Convention européenne de

sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (à titre d'exemple, voir no550). Par ailleurs,

la Constitution représente naturellement une norme fondamentale que le législateur doit respecter. Certes, la Constitution actuelle

ne renferme pas de dispositions de droit des sociétés. Mais certains principes qu'elle pose peuvent être contrariés par des projets

de lois intervenant en cette matière, et le Conseil constitutionnel a donc vocation à en rappeler la primauté. Ainsi, dans une

décision du 16 mars 2006 (Cons. const., 16 mars 2006, no 2006-533 DC, RJDA 2006, no 796), le Conseil a précisé que sont

inconstitutionnelles les dispositions qui tendent à soumettre la composition des organes dirigeants ou consultatifs des personnes

morales de droit public ou privé à des règles contraignantes fondées sur le sexe des personnes. Il s'ensuit que sont contraires à la

Constitution les dispositions imposant le respect de proportions déterminées entre les femmes et les hommes au sein des conseils

d'administration et de surveillance des sociétés privées et des entreprises du secteur public. Dès lors, la loi no 2011-103 du 27

janvier 2011 s'est contentée de promouvoir une représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des conseils

d'administration.

§ 1. Les lois et les décrets — Constitutionnalité — QPC

66 - Rapports entre la loi et le décret

Aux termes de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, la loi a vocation à « déterminer les principes fondamentaux » pour

tout ce qui concerne « le régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ». C'est dire que, dans

le domaine du droit des sociétés, elle doit s'en tenir aux règles fondamentales, toutes les autres dispositions relevant du décret.

Toutefois, ce partage des compétences demeure délicat pour les raisons suivantes :

— d'abord, il est admis par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 30 juill. 1982, no 82-143, JO 31 juill., p. 2470) que la loi peut

valablement renfermer des dispositions qui ont pourtant, par nature, un caractère réglementaire. Simplement, ces dispositions

sont alors susceptibles d'être modifiées par décret pris après avis en Conseil d'État si le Conseil constitutionnel, saisi par le

gouvernement, reconnaît qu'elles ressortissent du pouvoir réglementaire (Const. 4 oct. 1958, art. 37, al. 2) ;

— ensuite, la détermination des « principes fondamentaux » relevant à ce titre du seul pouvoir législatif n'est pas toujours aisée,

pour preuve ces quatre décisions rendues par le Conseil constitutionnel. Dans l'une, du 14 octobre 1960, qui portait sur l'article

1er de l'ordonnance no 58-1137 du 28 novembre 1958 relative à la réalisation d'installations de production nucléaire d'électricité

dans le cadre des programmes de la Communauté européenne de l'énergie atomique, ce dernier a considéré que la création

d'un type particulier de société et l'interdiction faite à un actionnaire de céder ses titres touchaient aux principes fondamentaux

(Cons. const., 14 oct. 1960, no 60-9 L, D. 1961, jur., p. 109, note Hamon). Dans une autre, du 2 juillet 1965, relative aux articles

1er à 4 de l'ordonnance no 59-247 du 4 février 1959 sur le marché financier, il a estimé que ces textes, qui mettaient à la charge

des sociétés cotées et de leurs filiales dont le bilan ou le portefeuille de titres excédaient un certain montant l'obligation de

publier divers documents à l'intention des actionnaires, constituaient des dispositions réglementaires, quand bien même

d'ailleurs ils étaient assortis de sanctions correctionnelles (Cons. const., 2 juill. 1965, no 65-35 L, D. 1967, jur., p. 445, note

Hamon). Dans une troisième, des 19 et 20 juillet 1983, relative aux articles 5 et 6 de la loi no 83-675 du 26 juillet 1983 sur la

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démocratisation du secteur public, il a considéré que la détermination des conditions dans lesquelles est assurée la

représentation d'une personne privée pour l'exercice de ses droits patrimoniaux relève des principes fondamentaux visés à

l'article 34 (Constit., 4 oct. 1958, art. 34), de sorte que le Parlement ne pouvait pas conférer au gouvernement le pouvoir

discrétionnaire d'assigner des représentants à des actionnaires privés (Cons. const., 19 et 20 juill. 1983, no 83-162, Gaz. Pal.

1983, lég., p. 583). Enfin, dans une dernière rendue le 28 juillet 1989 à propos de l'article 15 de la loi no 89-531 du 2 août 1989

sur la sécurité et la transparence du marché financier, le Conseil constitutionnel a indiqué que la fixation des modalités de mise

en œuvre des procédures d'offre publique relevait de la compétence réglementaire et pouvait donc être valablement confiée au

Conseil des bourses de valeurs (Cons. const., 28 juill. 1989, no 89-260, JO 1er août, p. 9676).

En toute hypothèse, s'il y a contrariété entre le contenu d'une loi et celui d'un décret, le premier doit l'emporter car faire primer le

décret reviendrait à abroger implicitement la loi ; or, même si cette dernière est intervenue dans un domaine de nature

réglementaire, sa modification ou son abrogation suppose que le Conseil constitutionnel ait, au préalable, constaté cet

empiètement de compétence (Const. 4 oct. 1958, art. 37, al. 2).

69 - Loi générale du commerce

L'article 1873 ancien du code civil précisait que les dispositions générales des articles 1832 à 1872 (C. civ., art. 1832 à 1872)

réunies sous le titre « Du contrat de société » (C. civ., L. III, t. IX) régissaient les sociétés commerciales pour autant qu'elles

n'avaient « rien de contraire aux lois et usages du commerce ».

À cet égard, la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, couramment appelée « Loi de 1966 », était une « loi

du commerce » par excellence.

L'article 1834 du code civil déclare aujourd'hui que les dispositions générales du chapitre 1er du titre IX du livre III (C. civ., chapitre

1er, titre IX, livre III) sont applicables « à toutes les sociétés, s'il n'en est autrement disposé par la loi en raison de leur forme ou de

leur objet ».

Envers les sociétés commerciales, l'article 1834 (C. civ., art. 1834 ; issu de la loi no 78-9 du 4 janvier 1978) produit, à notre avis, un

effet analogue à celui de l'article 1873 ancien. Le changement de rédaction s'explique par la volonté d'écarter les dispositions

contraires de droit commun, également, pour les sociétés civiles soumises à des textes particuliers qui se sont multipliés, ainsi que

pour les coopératives agricoles, sociétés spécifiques ni civiles ni commerciales.

La loi de 1966, aujourd'hui codifiée dans le Code de commerce, demeure donc une « loi du commerce ».

Travaux préparatoires :

« Assemblée nationale : Projet de loi no 1003 ; Rapport de M. Le Douarec, au nom de la commission des lois (no 1368) ;

Discussion les 1er, 3, 8 et 11 juin 1965 ; Adoption le 11 juin 1965. — Sénat : Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, no 278

(1964-1965) ; Rapport de M. Molle (T. I, II et III), de M. Dailly (T. II), de M. Le Bellegou (T. III), au nom de la commission des lois, no

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81 (1965-1966) ; Discussion les 14, 20, 21, 22, 27 avril et 4 mai 1966 ; Adoption le 4 mai 1966. — Assemblée nationale : Projet de

loi, modifié par le Sénat, no 1812 ; Rapport de M. Le Douarec, au nom de la commission des lois (no 1886) ; Discussion et adoption

le 10 juin 1966. — Sénat : Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, no 202 (1965-

1966) ; Rapport de M. Molle, M. Dailly, M. Le Bellegou, au nom de la commission des lois, no 229 (1965-1966) ; Discussion et

adoption le 22 juin 1966. — Assemblée nationale : Projet de loi, modifié par le Sénat, no 1965 ; Rapport de M. Le Douarec, au nom

de la commission mixte paritaire (no 1982) ; Discussion et adoption le 27 juin 1966. — Sénat : Rapport de M. Molle, M. Dailly, M. Le

Bellegou, au nom de la commission mixte paritaire, no 255 (1965-1966) ; Discussion et adoption le 27 juin 1966 ».

Sur la genèse de la loi de 1966, on peut lire l'article de M. Foyer (J. Foyer, La genèse de la loi de 1966, Rev. sociétés 1996, p.

431).

A. — La loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et le décret du 23 mars 1967 codifiés dans le Code de commerce

70 - Entrée en vigueur de la loi de 1966 — Abrogation des lois antérieures — Exceptions

Promulguée le 24 juillet 1966, la loi no 66-537, à présent codifiée dans le Code de commerce (Ord. no 2000-912, 18 sept. 2000),

est devenue applicable aux sociétés constituées sur le territoire de la République française à compter du 1er avril 1967, date de

son entrée en vigueur. La loi de 1966 s'est appliquée progressivement aux sociétés créées avant cette date (voir no71).

La portée territoriale de son application englobe également les départements et les territoires d'outre-mer (DOM-TOM) mais des

règlements d'administration publique pourront apporter des adaptations nécessaires à cet effet.

La loi précitée a abrogé et remplacé les anciens articles du code de commerce sur les sociétés (c'est-à-dire les articles 18 à 46 de

l'ancien code de commerce), ainsi que certaines dispositions de la loi du 24 juillet 1867, et celles de la loi du 7 mars 1925 sur les

sociétés à responsabilité limitée. Cependant, cette abrogation n'a pas été totale dans la mesure où ont survécu dans la loi du 24

juillet 1867 :

— les articles 48 à 54 et 64, alinéa 1er (devenus les articles L. 231-1 à L. 231-8 du code de commerce) et l'article 64, alinéas 2 à

4 (devenus les articles L. 225-259, L. 231-2, L. 242-31 et L. 247-10 du code de commerce), qui régissent les sociétés à capital

variable. L'application de l'article 49 (devenu l'article L. 231-3 du code de commerce) a été rétablie par l'article 35 de la loi no 67-

559 du 12 juillet 1967, dans une nouvelle rédaction. De même, l'article 48 (devenu l'article L. 231-1 du code de commerce) a été

ultérieurement modifié par l'article 31 de la loi no 81-1162 du 30 décembre 1981, ne maintenant que pour les sociétés n'ayant

pas la forme anonyme et pour les sociétés anonymes coopératives la possibilité d'être à capital variable ;

— les articles 72 à 79-1 (devenus les articles L. 225-258 à L. 225-270 du code de commerce), qui régissent toujours les

sociétés anonymes à participation ouvrière sur différents points (notamment, les actions de travail et les droits pécuniaires qui y

sont attachés), avec cependant des modifications apportées par la loi no 77-748 du 8 juillet 1977.

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72 - Codification de la loi de 1966 dans le Code de commerce de 2000

La loi no 99-1071 du 16 décembre 1999 a habilité le Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie

législative de certains codes. Sur cette base, une ordonnance no 2000-912 du 18 septembre 2000 a ainsi adopté un nouveau Code

de commerce, dont le livre II a notamment rassemblé les dispositions applicables aux sociétés commerciales, telles qu'elles

découlaient précédemment de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 (cf., à cet égard, Y. Guyon, Le nouveau Code de commerce et le

droit des sociétés, Rev. sociétés 2000, p. 647).

De façon générale, cette codification de la loi de 1966 s'est effectuée à droit constant, et ne s'est donc pas accompagnée de

modifications de fond. Sur cette base d'ailleurs d'une codification à droit constant, la cour d'appel de Paris (CA Paris, 3e ch. A, 26

févr. 2002, SA K2 c/Baronnie ès qual., BRDA 2002, no 9, p. 4, D. 2002, p. 1208) s'est ainsi reconnue le pouvoir de corriger une

erreur manifeste commise lors de la codification dans la rédaction de l'article L. 251-5 du code de commerce, relatif au régime des

nullités applicables dans les groupements d'intérêt économique.

Toutefois, comme l'a indiqué l'exposé des motifs de l'ordonnance, la cohérence rédactionnelle des textes a pu imposer d'apporter

quelquefois aux dispositions codifiées des modifications de pure forme, et de mettre à jour les nombreux renvois à des lois ou

articles de loi désormais compris dans la codification (sur ce code, cf.Arrighi de Casanova et Dourreleur, La codification par

ordonnance : à propos du Code de commerce, JCP G 2001, I, no 285 ; Baranger, Le Code de commerce nouveau est arrivé !, Bull.

Joly Sociétés 2000, p. 883 ; Dom, La sécurité juridique à l'épreuve du droit constant : aspects de droit des sociétés, Bull. Joly

Sociétés 2001, p. 215 ; Guyon, Le nouveau Code de commerce et le droit des sociétés, Rev. sociétés 2000, p. 647).

Par ailleurs, l'objectif d'harmonisation entre Codes a également conduit à apporter aux différents textes pénaux figurant dans les

lois codifiées les modifications nécessaires à leur mise en conformité avec les principes, de portée générale, issus du nouveau

Code pénal (loi no 92-683 du 22 juillet 1992, portant réforme des dispositions générales du Code pénal) et de sa loi d'adoption (loi

no 92-1336 du 16 décembre 1992, relative à l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal et à la modification de certaines

dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur). C'est ainsi qu'ont été appliquées

les techniques, désormais en usage, de rédaction des incriminations pénales, lesquelles se caractérisent par l'emploi de la formule

: « le fait de... » et du présent de l'indicatif. Par ailleurs, l'adverbe « sciemment » a été retiré des incriminations où i l figurait dans la

mesure où il est devenu surabondant depuis que le nouveau Code pénal a consacré le principe général selon lequel « il n'y a point

de crime ou de délit sans intention de le commettre » (C. pén., art. 121-3). Enfin, s'agissant du montant des amendes, les seuils

minima ont été supprimés, tandis que les peines inférieures, en matière délictuelle, à 25 000 F (désormais 3 750 euros) ont été

portées à ce montant par application de l'article 329 de la loi no 92-1336 du 16 décembre 1992.

73 - Décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales — Structure générale — Entrée en vigueur

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Sans être une loi-cadre à proprement parler, la loi no 66-537 du 24 juillet 1966, codifiée dans le Code de commerce, n'en a pas

moins tracé les grandes lignes d'une réglementation, laissant le soin d'en organiser les détails d'application à des décrets

ultérieurs, pris en Conseil d'État (cf.L. no 66-537, 24 juill. 1966, art. 508, non codifié).

Le premier des textes réglementaires publiés à cet effet a été le décret no 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales.

Comme son intitulé l'indiquait, il a été pris pour l'application de la loi de 1966 dont les dispositions ont été développées dans ses

310 articles.

Son articulation a été calquée sur celle des dispositions de la loi de 1966.

Le décret no 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales est entré en vigueur le 1er avril 1967.

Plusieurs fois remanié, et en particulier très sensiblement par un décret no 2006-1566 du 11 décembre 2006 (JO 12 déc.), le décret

du 23 mars 1967 a finalement été codifié dans la partie réglementaire du Code de commerce par le décret du 25 mars 2007 (D.

no 2007-431, 25 mars 2007). Sur cette partie réglementaire, cf.G. Notté, JCP E 2007, no 163.

B. — La loi du 4 janvier 1978 réformant le Code civil et le décret du 3 juillet 1978

75 - Présentation d'ensemble

La loi no 78-9 du 4 janvier 1978 a profondément modifié le titre IX du livre III du code civil, intitulé à partir d'elle « De la société »

(cf.Foyer, La réforme du titre IX du livre III du code civil, Rev. sociétés 1978, p. 1 ; Chartier, La société dans le Code civil d'après la

loi du 4 janvier 1978, JCP G 1978, I, no 2917 ; Jeantin, La réforme du droit des sociétés par la loi du 4 janvier 1978, D. 1978, chr.,

p. 173 ; Guyon, Les dispositions générales de la loi no 78-9 du 4 janvier 1978 portant réforme des sociétés, Rev. sociétés 1979, p.

1).

Alors que le projet de loi gouvernemental traitait essentiellement des sociétés civiles, le nouveau titre IX du livre III du code civil

s'est trouvé structuré en trois chapitres présentant respectivement les dispositions générales à toutes les sociétés (C. civ., art.

1832 à 1844-17), les dispositions propres aux sociétés civiles (C. civ., art. 1845 à 1870-1), et celles concernant les sociétés en

participation (C. civ., art. 1871 à 1873).

Le Lamy sociétés étant consacré aux sociétés commerciales, il sera fait abstraction du chapitre II relatif aux sociétés civiles (pour

les principaux traits de leur nouveau régime, voir no44).

Le chapitre II a réformé le droit des sociétés en participation, et l'a fait de façon substantielle puisque, en particulier, ces sociétés

peuvent désormais être aussi bien ostensibles qu'occultes (voir nos5174 et s.).

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Quant au chapitre Ier, on soulignera qu'il est doté d'une vocation universelle. Suivant l'article 1834 du code civil, ses dispositions

sont applicables « à toutes les sociétés, s'il n'en est autrement disposé par la loi en raison de leur forme ou de leur objet ». En

conséquence, les articles 1832 et 1844-17 (C. civ., art. 1832 et 1844-17) qui forment ce chapitre s'appliquent aux sociétés

commerciales, dans la mesure où ils ne sont pas contredits par la loi no 66-537 du 24 juillet 1966, codifiée dans le Code de

commerce. Ces articles généralisent diverses règles du texte de 1966 ; ils apportent aussi des innovations au droit des sociétés

commerciales que nous ne manquerons pas de signaler et dont il faut tenir compte dans l'élaboration des statuts.

L'article 1844-2 (C. civ., art. 1844-2) relatif aux hypothèques et sûretés consenties par les sociétés a été modifié par l'article 64 de

la loi no 78-753 du 17 juillet 1978.

L'article 1844-5 (C. civ., art. 1844-5) concernant la réunion de toutes les parts sociales en une seule main a été modifié par la loi no

81-1162 du 30 décembre 1981.

La loi no 82-596 du 10 juillet 1982 relative aux conjoints d'artisans et de commerçants travaillant dans l'entreprise familiale,

partiellement codifiée dans le Code de commerce, a changé diverses dispositions du Code civil. Elle :

— a retouché l'article 1832-1 (C. civ., art. 1832-1) sur les sociétés entre époux ;

— a ajouté un article 1832-2 (C. civ., art. 1832-2) concernant les parts sociales non négociables qui font partie d'un régime de

communauté ;

— a complété l'article 1843-2 (C. civ., art. 1843-2) et abrogé l'article 1845-1 (C. civ., art. 1845-1) au sujet des apports en

industrie ;

— a, par ailleurs, aménagé l'article 832 (C. civ., art. 832) pour permettre l'attribution préférentielle par voie de partage de

certains droits sociaux.

La loi no 85-695 du 11 juillet 1985, relative à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et à l'exploitation agricole à

responsabilité limitée, apporte une modification fondamentale à l'article 1832 du code civil :

— en donnant une nouvelle définition de la société (voir nos1 et 174) ;

— en permettant la constitution de sociétés unipersonnelles (SARL et entreprise agricole à responsabilité limitée ; voir nos3335

et s.).

La loi no 85-1372 du 23 décembre 1985 a modifié l'article 1832-1 du code civil pour permettre à deux époux, même mariés sous un

régime de communauté, d'être ensemble associés de sociétés dans lesquelles ils sont indéfiniment et solidairement responsables

des dettes sociales (sociétés en nom collectif, associés commandités, sociétés en participation, sociétés de fait).

La loi no 88-15 du 5 janvier 1988 relative à la transmission des entreprises :

— a ajouté un article 1843-5 du code civil qui étend à toutes les sociétés, civiles et commerciales, l'action sociale « ut singuli » ;

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— a modifié l'article 1844-5 du code civil pour permettre la dissolution sans liquidation de toutes les sociétés créées ou

devenues unipersonnelles.

77 - Décret du 3 juillet 1978

Ce décret no 78-704 du 3 juillet 1978, pris pour l'application des nouvelles dispositions du Code civil issues de la loi no 78-9 du 4

janvier 1978, modifie l'article 29 du décret no 67-236 du 23 mars 1967 (devenu l'article R. 223-11 du code de commerce) en

remplaçant la référence faite à l'article 1868 ancien, alinéa 5, du code civil par celle à l'article 1843-4 nouveau de ce code (C. civ.,

art. 1843-4), l'un et l'autre concernant la détermination de la valeur de rachat des droits sociaux en cas de contestation.

Ce décret comporte un chapitre Ier, intitulé « Dispositions générales », applicable à toutes les sociétés dotées de la personnalité

morale, sauf dispositions expresses contraires régissant certaines d'entre elles (D. no 78-704, 3 juill. 1978, art. 1er) ; ce chapitre Ier

concerne donc aussi bien les sociétés civiles que les sociétés commerciales ; en dehors de l'article 29 du décret no 67-236 du 23

mars 1967 (devenu l'article R. 223-11 du code de commerce), le décret de 1978 ne modifie ni n'abroge aucun autre article du

décret de 1967 codifié dans la partie réglementaire du Code de commerce ; il reprend sur de nombreux points des dispositions de

celui-ci. Ces redites ne paraissent pas, à notre avis, provoquer de caducité. Les sociétés commerciales continuent à être

soumises au décret de 1967 aujourd'hui codifié dans le Code de commerce ; elles ne sont régies par le décret de 1978 que sur les

points non réglés par le texte de 1967 ; il en est de même lorsque le nouveau décret se montre plus précis sans qu'il y ait

contradiction, primauté devant rester par ailleurs au décret de 1967, aujourd'hui codifié dans la partie réglementaire du Code de

commerce. Les innovations à l'égard des sociétés commerciales sont relativement peu nombreuses ; nous les signalerons

évidemment.

§ 2. Les sources administratives et codes de déontologie

78 - Multiplication et diversité de ces sources

Comme l'a justement observé M. Oppetit, « le droit des sociétés offre un bon exemple à la fois de cette augmentation quantita tive

des règles et aussi de l'intervention croissante d'autorités ou d'organismes qui réglementent, recommandent, invitent, bref qui

concourent activement à l'élaboration d'un droit censé découler formellement d'autres sources ; en effet, outre les innombrab les

textes d'origine législative ou réglementaire, on ne saurait trop rappeler le rôle essentiel joué désormais en cette matière par ces

sources d'origine administrative, telles les réponses ministérielles, les notes ou instructions de la Direction générale des impôts, les

lettres du ministre de l'économie et des finances et, à un degré croissant, les décisions générales, les recommandations et les

instructions de la Commission des opérations de bourse » (Oppetit, La décodification du droit commercial français, Mélanges

Rodière, 1981, p. 200 ; cf. également Hémard, Droit des sociétés commerciales et sources du droit, dix ans de droit de l'entreprise,

1978, p. 47, ou encore Daigre, Une nouvelle source du droit, le Communiqué ?, à propos d'un communiqué de la COB du 4 mai

1999, JCP E 1999, p. 1261).

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Le problème essentiel soulevé par ces différents documents est celui de leur portée juridique, et il doit être envisagé pour chacun

d'eux de manière autonome.

79 - Réponses ministérielles

Théoriquement, les questions écrites s'analysent en un instrument de contrôle parlementaire, permettant aux députés et sénateurs

d'exercer leur droit de regard sur l'action du Gouvernement (cf.Ameller, Les questions, instrument du contrôle parlementaire, LGDJ,

1964, préface Burdeau).

Or, par un évident détournement de leur objet primitif, elles apparaissent comme le moyen pour un parlementaire, à la requête d'un

électeur, d'obtenir de l'administration une information intéressant un problème très précis et touchant de près l'instigateur de la

question (cf.Oppetit, Les réponses ministérielles aux questions écrites des parlementaires et l'interprétation des lois, D. 1974, chr.,

p. 107). Elles servent également, de plus en plus souvent, à provoquer une interprétation officielle du Gouvernement sur tel ou tel

point de législation, fréquemment d'ailleurs à des fins judiciaires.

Bien que publiées au Journal officiel, les réponses ministérielles à ces questions écrites ne possèdent par elles-mêmes aucune

valeur juridique et ne lient aucunement l'administration, ainsi d'ailleurs que le Conseil d'État l'a expressément précisé : « un

requérant ne peut utilement se prévaloir devant le juge administratif d'une réponse à une question écrite posée par un député pour

prétendre que l'administration a pris certains engagements, une réponse de cette nature ne pouvant produire par elle-même aucun

effet juridique » (CE, 2 nov. 1955, no 14.886, Casanovas et Soc. Casanovas, RPDA, 1955, no 420).

Dotées ainsi d'une valeur simplement indicative, les réponses ministérielles ne lient pas davantage le juge, et cela qu'elles

commencent par l'habituelle formule « sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux » ou non. On citera, à titre

d'exemple, le célèbre arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 10 mars 1976 (Cass. com., 10 mars 1976, no

74-14.681, Rev. sociétés 1976, p. 332, note J. H.) qui, en excluant le jeu des clauses d'agrément dans les cessions d'actions, est

allé expressément contre deux précédentes réponses ministérielles, données l'une par le ministre de la Justice (Rép. min. à QE,

JOAN Q. 10 oct. 1968, p. 3327, Rev. sociétés 1969, p. 413), et l'autre par celui de l'Économie et des Finances (Rép. min. à QE no

27065, JOAN Q. 30 déc. 1972, p. 6467, Rev. sociétés 1973, p. 388).

Pareillement, alors qu'une réponse ministérielle avait opté pour la solution inverse (Rép. min., no 64891, JOAN Q. 12 juill. 2005, p.

6933), la Cour de cassation (Cass. com., 8 avr. 2008, no 06-15.193, Bull. civ. IV, no 86, JCP E 2008, II, no 1783, note H. Hovasse)

est venue dire qu'un commissaire à la transformation n'avait pas à être désigné en cas de transformation d'une SA en SAS, le seul

rapport exigé étant celui du commissaire aux comptes. Là encore, le désaveu a donc été total.

Il reste que ces réponses, qui peuvent prendre parti sur des points importants (par exemple, la durée d'existence dont doit justifier

une SARL pour pouvoir se transformer, Rép. min. à QE no 14609, JOAN Q. 16 janv. 1971, p. 163, Rev. sociétés 1971, p. 459 ; la

possibilité pour les membres du conseil de surveillance de se faire assister par un comptable et l'exercice séparé de leur contrôle,

Rép. min. à QE no 15330, JOAN Q. 25 janv. 1975, p. 310, Rev. sociétés 1975, p. 332 ; la question d'une éventuelle dissociation

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entre droit de vote et répartition du capital au sein d'une SELARL, Rép. min. à QE no 110574, JOAN Q. 6 déc. 2011, p. 12856,

RLDA 2012/68, no 3852), demeurent des éléments qui peuvent influencer le débat judiciaire, et parfois même emporter la

conviction du juge (cf., de façon caractéristique, CA Limoges, 19 mars 1971, JCP G 1972, II, no 7029, note Burst, qui, devant

interpréter l'article L. 225-22 du code de commerce, a expressément invoqué l'autorité de réponses ministérielles).

En outre, on notera qu'il est un domaine où, exceptionnellement, ces réponses acquièrent une véritable valeur juridique. C'es t le

domaine fiscal, où la réponse ministérielle lie l'administration. En effet, pour permettre aux contribuables de se fier aux

interprétations que donne en cette matière le ministre des Finances, l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales les prémunit

contre les changements de doctrine de l'administration, en interdisant tout rehaussement d'impositions antérieures « s'il est

démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par

l'Administration » dans un document quelconque (lequel, pour le juge administratif, peut consister en une réponse ministérielle ;

cf.CE, 24 juin 1968, no 66.883, Rec. CE 1968, p. 384).

Sur la technique du rescrit fiscal, cf.P. Cocheteux, Le rescrit fiscal et la sécurité juridique, Gaz. Pal. 14-18 août 2009, doct., p. 2 et,

plus généralement, Le Lamy fiscal.

80 - Circulaires et instructions ministérielles

Le droit des sociétés est assez souvent concerné par la circulaire d'un ministre (notamment celui de l'Économie et des Finances),

ou par des instructions émanant de ses services (cf.Hémard, Droit des sociétés commerciales et sources du droit, dix ans de droit

de l'entreprise, 1978, p. 52).

En principe, ces textes, destinés aux subordonnés, sont considérés par la jurisprudence comme des documents internes à

l'administration et, par conséquent, comme des actes ne faisant pas grief aux tiers. Ceux-ci ne peuvent donc ni les attaquer par la

voie du recours pour excès de pouvoir, ni invoquer leur violation à l'appui d'un pourvoi. Mais, à côté de ces circulaires et

instructions, dont l'objet est uniquement de rappeler aux divers services les textes applicables ou de leur fournir une interprétation

officielle et uniforme, se glissent parfois des documents, pareillement dénommés, qui créent, de leur côté, de véritables droits et

obligations pour les tiers et posent ainsi une règle juridique nouvelle. Contre ces circulaires dites réglementaires (par opposition

aux précédentes, qualifiées de purement interprétatives), le recours en illégalité est alors exceptionnellement ouvert (cf.Long, Weil

et Braibant, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, LGDJ, obs. sous l'arrêt du CE, 29 janv. 1954, Institution Notre-

Dame du Kreisker, no 90 ; cf., par exemple, CE, 3 avr. 1981, no 11.973, JCP G 1982, II, no 19807, note Linotte, à propos d'une

circulaire du ministre de l'Économie dans le domaine du contrôle des concentrations économiques, et de façon plus générale,

Chartier et Mestre, L'application du droit des affaires par les juridictions administratives, dans le règlement des différends

commerciaux, Economica, 1984, p. 201).

Pour l'administration elle-même, les circulaires doivent être limitées aux points suivants :

— exposé d'une politique gouvernementale ;

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— commentaire des lois et des règlements précisant les droits et obligations des personnes concernées ;

— détermination des règles de fonctionnement des services (Circ. 15 juin 1987, JO 17 juin, p. 6457).

81 - Codes de déontologie — Code de déontologie des commissaires aux comptes — Code de gouvernement d'entreprise Afep-Medef

L'évolution du droit des sociétés s'est également exprimée par l'apparition de codes de déontologie, fixant des règles de conduite à

l'égard de certains professionnels.

À cet égard, l'illustration la plus remarquable de cette évolution est sans conteste fournie par le code de déontologie de la

profession de commissaire aux comptes, approuvé par le décret no 2005-1412 du 16 novembre 2005 et codifié à l'annexe 8-1 du

code de commerce (D. no 2007-431, 25 mars 2007).

Ce code, qui a été jugé conforme au droit communautaire et notamment au principe de la libre prestation de services (CE, 24 mars

2006, nos 288460, 288465, 288474 et 288485, KPMG, RJDA 2006, no 656, Rev. sociétés 2006, p. 583, note Ph. Merle, Bull. Joly

Sociétés 2006, p. 711, note J.-F. Barbièri), comprend sept titres :

— « Principes fondamentaux de comportement » : intégrité, impartialité, indépendance, évitement de conflit d'intérêts,

compétence, confraternité et discrétion sont les sept principes énumérés et qui doivent accompagner le commissaire aux

comptes dans ses missions ;

— « Interdictions, situations à risque et mesures de sauvegarde » : le code cite ainsi les conseils et prestations de services

n'entrant pas dans les diligences directement liées à la mission du commissaire aux comptes. De même, sont affirmés le rôle du

professionnel dans l'identification des risques susceptibles d'affecter son jugement ainsi que la possibilité pour lui de prendre

des mesures de sauvegarde appropriées ;

— « Acceptation, conduite et maintien de la mission du commissaire aux comptes » : le code revient sur les précautions que

doit prendre le professionnel dans un certain nombre de cas : acceptation d'une mission, conduite de la mission, organisation

interne de la structure d'exercice, recours à des collaborateurs et experts, exercice de la mission par plusieurs commissaires,

poursuite et renouvellement du mandat, démission, successions de missions, succession entre confrères ;

— « Exercice en réseau » ;

— « Liens personnels, financiers et professionnels » : ce titre V est particulièrement important puisqu'il revient sur les

incompatibilités d'exercice. Nous renvoyons d'ailleurs à l'énumération faite dans les articles 27, 28 et 29 du code de déonto logie

de la profession ;

— « Honoraires » : il est question d'une juste rémunération du commissaire aux comptes, en rapport avec l'importance de sa

mission ;

— « Publicité » : ce titre VII encadre la possibilité ou non pour le commissaire aux comptes de faire de la publicité. Le

démarchage demeure interdit.

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Sur ce code, on peut lire H. Alves, RLDA 2006/1, no 109 ; J.-F. Barbièri, Bull. Joly Sociétés 2006, p. 409 ; R. Dammann, D. 2006, p.

1226 ; D. Poracchia, Dr. & patr. 2006, no 149, p. 114.

Par ailleurs, on relèvera que, depuis une loi no 2008-649 du 3 juillet 2008, les présidents des conseils des sociétés dont les titres

financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé doivent fournir dans leur rapport annuel de gestion toute une

série d'informations pertinentes et que, dans ce cadre, le législateur leur offre une option :

— soit se référer volontairement à « un code de gouvernement d'entreprise élaboré par les organisations représentatives des

entreprises » ;

— soit ne pas se référer à un tel code, et en expliquer alors les raisons.

Ainsi, la loi a-t-elle fait ici le choix du principe « appliquer ou expliquer », ou encore « comply or explain ».

Dans ce cadre, un Code de gouvernement d'entreprise Afep-Medef a été élaboré à l'intention des sociétés cotées. Code qui

comprend toute une série de recommandations et qui fait l'objet de révisions régulières, destinées à le mettre à jour et à l'améliorer.

Ainsi, le 16 juin 2013, a été publiée une nouvelle version révisée de ce code qui s'efforce d'améliorer le contrôle de son application

par deux voies :

— le renforcement du principe « appliquer ou expliquer » dans la mesure où l'explication à fournir en cas de non-application

d'une recommandation doit être circonstanciée, adaptée à la situation particulière de la société et doit indiquer, le cas échéant,

les mesures alternatives adoptées ;

— la mise en place d'un Haut comité de gouvernement d'entreprise, composé de sept membres indépendants, et qui peut soit

être saisi par les conseils d'administration sur des sujets d'interprétation du code (à l'adresse suivante :

[email protected]), soit s'autosaisir lorsqu'une société n'applique pas une recommandation sans

explication suffisante. Ce Haut comité a tenu sa première réunion d'installation le 8 octobre 2013 ; présidé par M. Denis

Ranque, il réunit en outre Mmes Françoise Gri et Dominique de la Garanderie et MM. Pascal Colombani, Michel Rollier, Nicolas

Molfessis et Paul-Henri de la Porte du Theil.

Par ailleurs, cette nouvelle version du code retient deux nouvelles mesures à propos de la rémunération des dirigeants

(introduction d'un vote consultatif des actionnaires sur cette rémunération, soit le say on pay, et renforcement de l'encadrement des

éléments de la rémunération), limite le nombre des mandats des dirigeants sociaux et introduit un chapitre spécifique sur les

administrateurs salariés.

Sur ce Code Afep-Medef révisé, cf. notamment Y. Paclot, Bull. Joly Sociétés 2013, p. 556 ; B. Dondero, Rev. sociétés 2014, p. 7. ;

J. Simon, Gaz. Pal. 24-28 août 2014, p. 20 ; L.-D. Muka Tsbibende, Journ. sociétés janv. 2014, p. 45 ; B. François, Rev. sociétés

2014, p. 270.

On peut également relever le développement des codes de bonne conduite ou des chartes éthiques spontanément adoptés par les

sociétés dans le cadre de leur politique de RSE ; sur ces codes, voir no138.

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§ 3. La jurisprudence

82 - Importance de la jurisprudence judiciaire

La jurisprudence joue un rôle essentiel dans la construction du droit des sociétés (cf.Le Cannu, L'évolution de la loi du 24 juillet

1966 en elle-même, Rev. sociétés 1996, p. 494). Les codes ainsi que les textes législatifs et réglementaires, bien que très

nombreux, demeurent, en effet, souvent incomplets ou imprécis, et appellent donc une interprétation des magistrats (à titre

d'exemples, Cass. com., 28 oct. 1974, no 73-12.368, Rev. sociétés 1975, p. 251, note Randoux, pour l'interprétation de l'article L.

223-13 du code de commerce ou Cass. com., 10 mars 1976, no 74-14.681, Rev. sociétés 1976, p. 332, note J. H., pour celle de

l'article L. 228-23 du code de commerce).

Au surplus, les juges n'ont pas hésité en ce domaine à solliciter quelques textes très généraux pour fonder des solutions

importantes (voir nos2770 et s., sur l'utilisation de l'article 1382 du code civil pour sanctionner les abus de majorité), voire à

intervenir de manière purement prétorienne (voir nos810 et s. sur la nomination des administrateurs provisoires).

85 - Connaissance de la jurisprudence

La diffusion de cette jurisprudence est assurée par différentes revues où paraissent, généralement annotées, les principales

décisions rendues par les cours et tribunaux.

À côté des traditionnelles revues à vocation générale (Recueil Dalloz, Dalloz affaires, Droit & patrimoine, Revue Lamy Droit civil,

Semaine juridique, G et E, Gazette du Palais, etc.), on citera particulièrement celles où le droit des sociétés tient une part

importante, voire exclusive :

— Revue des sociétés ;

— Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique ;

— Revue Lamy droit des affaires ;

— Revue de jurisprudence commerciale ;

— Bulletin mensuel d'information des sociétés (Bull. Joly Sociétés) ;

— Droit des sociétés (Ed. Techn.) ;

— Bulletin du Conseil national des commissaires aux comptes (BCNCC) ;

— Revue du commissaire aux comptes ;

— Revue française de comptabilité ;

— Revue de jurisprudence de droit des affaires.

Il ne faut pas oublier le développement très régulier de l'informatique juridique qui contribue à une diffusion accrue de la

jurisprudence. Des décisions publiées ou inédites sont aujourd'hui accessibles en grand nombre sur les banques de données

juridiques.

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§ 4. La doctrine

87 - Principaux ouvrages et traités

Le droit des sociétés commerciales fait l'objet d'une présentation d'ensemble dans les ouvrages cités en tête du Lamy sociétés

commerciales.

88 - Études auxiliaires

Sans se substituer à la doctrine proprement dite, diverses instances apportent régulièrement des éclairages fort intéressants sur

des questions généralement pratiques : ainsi, l'Association nationale des sociétés par actions (ANSA), ou le Conseil national de la

comptabilité (CNC), à travers des opinions ou même des avis. Une réponse ministérielle (Rép. min. à QE, JOAN Q. 25 oct. 1972,

p. 4333) indique même que le CNC « émet et publie des avis sur des problèmes techniques ou d'interprétation qui, bien que ne

faisant pas l'objet d'un arrêté, dans la mesure où ils ne sont pas infirmés par la réglementation qu'ils ont précédée, sont comme le

Plan comptable une source de droit » (cf. l'étude BRDA 1991, no 2, p. 16).

§ 5.L'influence communautaire et européenne

89 - Perspective générale d'harmonisation des législations nationales

Le Traité de Rome, signé le 25 mars 1957 (publié en France par le décret no 58-84 du 28 janvier 1958, et entré en vigueur le 1er

janvier 1958), a prévu en son article 58 (devenu l'article 48 du traité CE, puis 54 TFUE) la liberté d'établissement pour les sociétés

commerciales constituées dans les États membres de l'UE. Mais cette libre concurrence entre les sociétés suppose qu'elles

puissent adopter au départ un statut juridique unique. Aussi il a été prévu la coordination « dans la mesure du nécessaire et en vue

de les rendre équivalentes (des) garanties qui sont exigées dans les États membres, des sociétés au sens de l'article 58, alinéa 2

[aujourd'hui l'article 54 TFUE], pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers » (art. 54, § 3 g, devenu l'article 44 du

traité CE, puis 50 TFUE).

Évidemment, la meilleure coordination possible des législations nationales est la mise sur pied d'une société de droit européen,

c'est-à-dire d'une véritable société supranationale de droit européen régie par une législation communautaire applicable à

l'ensemble des pays du Marché commun. Mais cet objectif, qui s'est finalement concrétisé après force tergiversations (voir nos5641

et s.), n'exclut pas que, en parallèle, le rapprochement des législations nationales emprunte actuellement des voies plus modestes

:

— l'une est l'élimination de certains obstacles par le biais de conventions signées entre les États membres. L'ancien article 220,

§ 3, du traité de Rome (et ex-article 293 du traité CE) prévoyait que des négociations seraient engagées entre ces derniers en

vue d'assurer « la reconnaissance mutuelle des sociétés au sens de l'article 58, alinéa 2 [devenu l'article 54 TFUE], le maintien

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de la personnalité juridique en cas de transfert du siège de pays à pays, la possibilité de fusion de sociétés relevant de

législations nationales différentes ». De fait, une convention sur la reconnaissance mutuelle des sociétés et des personnes

morales a été adoptée par les Gouvernements à Bruxelles le 29 février 1968, et sa ratification, pour la France, a été autorisée

par la loi no 69-1134 du 20 décembre 1969. Par ailleurs, une directive no 2005/56/CE du 26 octobre 2005 a été élaborée, en vue

de faciliter la réalisation de fusions transfrontalières entre sociétés de capitaux d'États membres différents. Enfin, les entreprises

membres de l'UE disposent d'une structure juridique destinée à faciliter leur coopération : le Groupement européen d'intérêt

économique (GEIE) institué par un règlement communautaire no 2137/85 du 25 juillet 1985, JOCE 31 juillet 1985, no L 199 (voir

nos1904 et s.) ;

— l'autre est l'uniformisation ponctuelle des législations nationales, par le biais de directives prises par le Conseil de l'Union

européenne. Ces directives constituent des normes qui lient les États destinataires quant au résultat à atteindre mais qui, à la

différence des règlements directement obligatoires dans tous leurs éléments, laissent aux États le choix des moyens (Traité de

Rome, art. 189, al. 3, devenu l'article 249 du traité CE, puis 288 TFUE). D'ores et déjà, l'uniformisation ainsi atteinte est très

importante, à raison notamment, comme l'observe justement le Pr Guyon (Guyon, La coordination communautaire du droit des

sociétés, RTD eur. 1990, p. 241), du caractère relativement autonome du droit des sociétés : « en effet, à la différence de

beaucoup d'autres branches du droit commercial, le droit des sociétés se suffit à lui-même dans une large mesure.

L'harmonisation peut commencer directement, sans qu'il faille au préalable tenter de rapprocher le droit des obligations, celui

des biens et celui des sûretés ». Sur l'influence communautaire, cf. aussi Béguin, L'évolution de l'environnement international et

communautaire de la loi du 24 juillet 1966, Rev. sociétés 1996, p. 513.

90 - Les directives adoptées

Le Conseil des Communautés européennes a d'ores et déjà adopté :

— une première directive (no 68/151), adoptée le 9 mars 1968 (Dir. Cons. CE no 68/151, 9 mars 1968, JOCE 14 mars, no L 65,

p. 8). Concernant uniquement les sociétés par actions et la SARL, elle réglemente la publicité de la constitution, les

engagements sociaux et les nullités de sociétés dans le souci général de protéger tant les tiers que les associés (cf.Sinay, La

première directive européenne sur les sociétés, Gaz. Pal. 1971, I, doct., p. 146). La loi de 1966 a pu en tenir compte par

anticipation, puisque la proposition de cette directive avait été élaborée dès avril 1964. Mais elle l'a fait de manière incomplète,

si bien qu'une ordonnance no 69-1176 du 20 décembre 1969 et un décret no 69-1177 du 24 décembre 1969 ont dû parachever

le travail d'harmonisation en ces domaines du pouvoir des dirigeants sociaux, du contrôle préalable de la constitution des

sociétés et du régime des nullités. La première directive a été modifiée plusieurs fois de façon substantielle, raison pour

laquelle, dans un souci de clarté et de rationalité, il a été procédé à sa codification dans le cadre de la directive no 2009/101

adoptée le 16 septembre 2009 (Dir. Parl. et Cons. UE no 2009/101, 16 sept. 2009, JOUE 1er oct., no L 258). En conséquence,

les références faites à la directive abrogée s'entendent comme faites à la directive no 2009/101 et sont à lire selon un tableau de

correspondance annexé au texte ;

— une deuxième directive (no 77/91), adoptée le 13 décembre 1976 (Dir. Cons. CE no 77/91, 13 déc. 1976, JOCE 31 janv.

1977, no L 26, p. 1). Elle concerne la constitution des sociétés anonymes, le maintien de l'intégrité de leur capital et les

modifications pouvant être apportées à celui-ci par suite d'augmentation ou de réduction (cf.Delmotte, J. Not. et Av. 1977, p. 863

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; Denecker, Rev. sociétés 1977, p. 661 ; Cordoliani, JCP CI 1978, no 12649). L'harmonisation a été réalisée dans notre droit par

une loi no 81-1162 du 30 décembre 1981, qui a notamment concerné le contrôle des opérations conclues, dans les deux

premières années de la constitution d'une SA, entre celle-ci et l'un de ses actionnaires, la conformité de l'actif avec le capital en

cas de transformation en SA d'une société d'une autre forme et la reconstitution de l'actif net en cas de pertes importantes (cf.,

sur l'ensemble de cette importante loi, les divisions de l'ouvrage consacrées aux SA, et Guyon, JCP G 1982, II, no 3067). Une

directive no 92/101/CEE du Conseil du 23 novembre 1992, JOCE 28 novembre, no L 347, p. 64, a modifié ponctuellement la

deuxième directive no 77/9 (Dir. Cons. CE no 77/91, 13 déc. 1976) quant aux limitations à l'acquisition par une société anonyme

de ses propres actions. Ce nouveau texte vise à éviter qu'une SA ne se serve d'une filiale (société dans laquelle elle dispose de

la majorité des droits de vote ou sur laquelle elle peut exercer une influence dominante) pour procéder à de telles acquisitions

sans respecter les limitations prévues à cet égard. Les États membres devaient transposer la directive no 92/101 précitée en

droit interne avant le 1er janvier 1994, ses dispositions n'entrant toutefois en vigueur que le 1er janvier 1995. On notera encore

que le Conseil a adopté, le 6 septembre 2006, une directive no 2006/68/CE, JOUE 25 sept., no L 264, qui modifie sur certains

points la directive no 77/91 : en particulier, sur l'évaluation des apports autres qu'en numéraire, le rachat par une société de ses

propres actions et les droits des créanciers en cas de réduction du capital (cf. le commentaire de cette directive de 2006 par B.

Lecourt, Rev. sociétés 2006, p. 673). Enfin, de nouvelles modifications à la deuxième directive viennent d'être apportées, dans

le cadre d'une véritable refonte, par la directive UE no 2012/30 du 25 octobre 2012, tendant à coordonner, pour les rendre

équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés en vue de la protection des intérêts tant des

associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la SA ainsi que le maintien et les modifications de son capital

(cf.RLDA 2012/77, no 4340) ;

— une troisième directive (no 78/855), adoptée le 9 octobre 1978 (Dir. Cons. CE no 78/855, 9 oct. 1978, JOCE 20 oct., no L

295, p. 36). Cette directive, qui laissait aux États membres un délai de trois ans (JCP CI 1978, no 47777), a pour objet la

protection des intérêts des actionnaires et des tiers à l'occasion des fusions de sociétés anonymes, et impose des modifications

de la loi de 1966 (L. no 88-17, 5 janv. 1988) et du décret de 1967, aujourd'hui codifié dans le Code de commerce, en ce qui

concerne l'information des actionnaires, le régime des nullités et les opérations de fusion. Modifiée à plusieurs reprises, la

troisième directive a été codifiée par la directive UE no 2011/35 du 5 avril 2011 (JOUE, 24 avr., no L 110) ;

— une quatrième directive (no 78/660), adoptée le 25 juillet 1978 (Dir. Cons. CE no 78/660, 25 juill. 1978, JOCE 14 août, no L

222, p. 11). Elle concerne la structure et le contenu des comptes annuels et du rapport de gestion, les modes d'évaluation et la

publicité de ces documents dans les sociétés par actions et les SARL (cf.RF compt. mai-juin 1978, p. 227 ; Hamon, La

quatrième directive, Ed. Hommes et techniques, 1978). Elle s'est traduite en France par la loi no 83-353 du 30 avril 1983, dont

l'objet a d'ailleurs dépassé le cadre de la directive, puisque les nouvelles obligations comptables qu'elle prévoit concernent non

seulement les SA et les SARL, mais encore les commerçants, personnes physiques, et les sociétés civiles autorisées à faire

publiquement appel à l'épargne. Une directive no 90/605/CEE du Conseil du 8 novembre 1990, JOCE 16 novembre, no L 317, a

étendu le champ d'application de la quatrième directive aux SNC et aux sociétés en commandite simple lorsque tous leurs

associés indéfiniment responsables sont des sociétés par actions, des SARL, ou équivalents (même extension pour la septième

directive relative aux comptes consolidés), et une directive no 90/604 du même jour (Dir. Cons. CE no 90/604, 8 nov. 1990,

JOCE 16 nov., no L 317) concerne, pour sa part, les dérogations en faveur des petites et moyennes sociétés et la publication

des comptes en euros (cf.JCP E 1991, I, no 67, RF compt. 1991, no 220, p. 22, Bull. CNCC 1990, no 80, p. 437). Et, par ailleurs,

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une directive no 2006/46/CE du 14 juin 2006, JOUE 16 août, no L 224, modifie sur certains points la directive no 78/660 (cf.B.

Lecourt, Rev. sociétés 2006, p. 671). Cette dernière a finalement été abrogée par la directive no 2013/34/UE du 26 juin 2013,

JOUE 29 juin, no L 182 ;

— une sixième directive (no 82/891), adoptée le 17 décembre 1982 (Dir. Cons. CE no 82/891, 17 déc. 1982, JOCE 30 déc., no

L 378, p. 47). Elle est relative aux scissions de sociétés anonymes ressortissantes d'un État membre, et établit les règles

applicables aux scissions par absorption, aux scissions par constitution de nouvelles sociétés et aux scissions sous contrôle

judiciaire, dans le double souci de protéger les actionnaires et les tiers. Le droit français l'a intégrée par une loi no 88-17 du 5

janvier 1988. Cette directive a été récemment modifiée par la directive no 2009/109 du 16 septembre 2009 (Dir. Parl. et Cons.

UE no 2009/109, 16 sept. 2009, JOUE 2 oct., no L 259) en ce qui concerne les obligations en matière de rapports et de

documentation en cas de fusions ou de scissions ;

— une septième directive relative aux comptes consolidés (Dir. Cons. CE no 83/349, 13 juin 1983, JOCE 18 juill., no L 193, p.

1). Cette directive a été intégrée dans notre droit par la loi no 85-11 du 3 janvier 1985. Elle a récemment été abrogée par la

directive no 2013/34/UE du 26 juin 2013, JOUE 29 juin, no L 182 ;

— une huitième directive concernant l'agrément des personnes chargées du contrôle légal des documents comptables (Dir.

Cons. CE no 84/253, 10 avr. 1984, JOCE 12 mai, no L 126, p. 20), qui a ensuite été abrogée par une nouvelle huitièmedirective

no 2006/43/CE du 17 mai 2006, JOUE 9 juin, no L 157, relative aux contrôles légaux des comptes annuels et des comptes

consolidés (cf. son analyse par J.-F. Barbièri, Bull. Joly Sociétés 2006, p. 1183). Cette dernière a été récemment modifiée par la

directive no 2013/34/UE du 26 juin 2013, JOUE 29 juin, no L 182 ;

— une dixième directive concernant les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux : directive no 2005/56/CE du 26

octobre 2005, JOUE 25 novembre. Cette directive entend faciliter la fusion entre sociétés d'États membres différents. Elle a été

transposée dans notre droit par la loi no 2008-649 du 3 juillet 2008, JO 4 juillet, portant diverses dispositions d'adaptation du

droit des sociétés au droit communautaire (sur cette directive, cf.M. Menjucq, RLDA 2006/5, no 228 ; B. Lecourt, Rev. sociétés

2005, p. 923). Cette directive a récemment été retouchée dans le cadre de la directive no 2009/109 du 16 septembre 2009 (Dir.

Parl. et Cons. UE no 2009/109, 16 sept. 2009, JOUE 2 oct., no L 259) ;

— une onzième directive concernant la publicité des succursales créées dans un État membre par certaines formes de société

relevant du droit d'un autre État (Dir. Cons. CE no 89/666, 21 déc. 1989, JOCE 30 déc., no L 395, p. 36). Cette directive a été

transposée dans notre droit par un décret no 92-521 du 16 juin 1992 ;

— une douzième directive concernant les SARL à un seul associé (21 déc. 1989) qui a récemment été codifiée par la directive

no 2009/102 (Dir. Parl. et Cons. UE no 2009/102, 16 sept. 2009, JOUE 1er oct., no L 258), dans un souci de clarté et de

rationalité. Ainsi les références faites à la directive abrogée s'entendent comme faites à la directive no 2009/102 ;

— une treizième directive concernant les offres publiques d'acquisition : directive no 2004/25/CE du 21 avril 2004, JOCE 30

avril, no L 142, p. 12 (cf.M. Haschke-Dournaux, L'adoption de la directive européenne relative aux OPA, LPA 26 avr. 2004, p. 7);

— et une directive no 2007/36/CE du 11 juillet 2007, JOUE 14 juillet, no L 184, sur les droits des actionnaires des sociétés

cotées, issue de consultations publiques entamées fin 2004, et qui devra être transposée au plus tard le 3 août 2009 (sur

laquelle cf.A. Dethomas et N. Rontchevsky, RLDA 2007/19, no 1132). Cette directive a été transposée dans notre droit par

l'ordonnance no 2010-1511 du 9 décembre 2010, prise en application de l'article 56 de la loi no 2010-1249 de régulation

bancaire et financière du 22 octobre 2010, complétée par le décret no 2010-1619 du 23 décembre 2010. À noter que la

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Commission européenne a présenté, en 2014, une proposition de révision de cette directive sur les droits des actionnaires

(Prop. Dir. Parl. et Cons. UE, 9 avr. 2014, JCP E 2014, no 301).

Par ailleurs, plusieurs autres directives ont été adoptées en matière de valeurs mobilières :

— directive no 79/279/CEE du Conseil du 5 mars 1979, JOCE 16 mars, p. 21, portant coordination des conditions requises

pour l'admission à la cote officielle d'une bourse de valeurs (Dir. Cons. CE no 82/148, 3 mars 1982, JOCE 3 mars, et Dir.

Cons. CE no 88/627, 12 déc. 1988, JOCE 17 déc.). La mise en harmonie avec le droit français a été réalisée par les règlements

nos 88-04 et 90-02 de la COB ;

— directive no 80/390/CEE du Conseil du 17 mars 1980, JOCE 17 avril, p. 1, concernant les conditions d'établissement, de

contrôle et de diffusion du prospectus à publier pour l'admission de valeurs mobilières à la cote officielle d'une bourse

de valeurs (modifiée par la directive no 82/148/CEE du Conseil du 3 mars 1982, et complétée par les directives no 87/345 du 22

juin 1987, JOCE 4 juillet, p. 81, no 90/211 du 23 avril 1990, JOCE 3 mai, p. 24 et no 94/18 du 30 mai 1994, JOCE 31 mai). Mise

en harmonie par le règlement no 90-01 de la COB ;

— directive no 82/121/CEE du Conseil du 15 février 1982, JOCE 20 février, p. 26, relative à l'information périodique à publier

par toute société dont les actions sont admises à la cote officielle d'une bourse de valeurs. Mise en harmonie par une

modification du décret no 67-236 du 23 mars 1967, aujourd'hui codifié dans le Code de commerce, et le règlement no 87-04 de

la COB ;

— directive no 85/611/CEE du Conseil du 31 décembre 1985, JOCE 31 décembre, no L 375, p. 3, sur les organismes de

placement collectif en valeurs mobilières. Mise en harmonie par la loi no 88-1201 du 23 décembre 1988 ;

— directive no 88/627/CEE du Conseil du 12 décembre 1988, JOCE 17 décembre, p. 62, relative aux informations à publier

lors de l'acquisition et de la cession d'une participation importante dans une société cotée en bourse. Mise en harmonie

par la loi no 89-531 du 2 août 1989 ;

— directive no 89/298/CEE du Conseil du 17 avril 1989, JOCE 5 mai, p. 8, concernant les conditions d'établissement, de

contrôle et de diffusion du prospectus à publier en cas d'offre publique de valeurs mobilières. Mise en harmonie par le

règlement no 88-04 de la COB et l'instruction de la COB de 1982 (textes déjà conformes) ; puis directive no 2001/34/CE du 28

mai 2001, JOCE 6 juill. 2001, no L 184, p. 1, sur l'admission des valeurs mobilières à la cote officielle et l'information à

publier sur ces valeurs, modifiée par la directive no 2003/71/CE du 4 novembre 2003, JOUE 31 décembre, no L 345, p. 64 ;

elle-même modifiée par la directive no 2013/34/UE du 26 juin 2013, JOUE 29 juin, no L 182 ;

— directive no 89/592/CEE du Conseil du 13 novembre 1989, JOCE 18 novembre, p. 30, concernant la coordination des

réglementations relatives aux opérations d'initiés. Cette directive a été par la suite abrogée et remplacée par une directive

du Parlement et du Conseil no 2003/6 CE du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de cours, c'est-

à-dire sur les abus de marché (JOCE 12 avr. 2003, no L. 96/16, p. 16), laquelle a été complétée par une directive no

2003/125/CE du 22 décembre 2003, JOUE 24 décembre, no L 339, p. 73, concernant la présentation équitable des

recommandations d'investissement et la mention des conflits d'intérêts. Ces deux dernières directives ont été abrogées par le

règlement UE no 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (JOUE 12 juin, no L

173) ;

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— directive no 2004/39/CE du 21 avril 2004, JOUE 30 avril, no L 145, p. 1, concernant les marchés d'intérêt financier. Cette

directive a été transposée en France par la loi no 2005-811 du 20 juillet 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit

communautaire dans le domaine des marchés financiers, laquelle fait notamment peser sur les établissements de crédit et les

entreprises d'investissement l'obligation de déclarer sans délai à l'AMF toute opération sur des instruments financiers admis aux

négociations sur un marché réglementé dont ils ont des raisons de suspecter qu'elle pourrait constituer une opération d'initié ou

une manipulation de cours. Cela étant, on relèvera encore que cette directive dite MIF du 21 avril 2004 a été modifiée par une

directive dite MIF II qui a été adoptée par le Parlement européen le 15 avril 2014 (Dir. Parl. et Cons. UE no 2014/65, 15 mai

2014, JOUE 12 juin, no L173) ;

— directive no 2014/57/EU du 16 avril 2014, JOUE 12 juin, no L 173 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de

marché.

On ajoutera que, en présence de ces directives, la Cour de justice de l'Union européenne peut être amenée à dire ce qui relève de

leur cadre normatif et ce qui, en revanche, continue à relever de la compétence du législateur national. Ainsi, elle a précisé que le

régime d'opposabilité aux tiers des actes accomplis par des membres d'organes sociaux, dans la situation de conflit d'intérêt avec

la société représentée, échappait au cadre de la première directive et relevait donc du législateur national (CJCE, 16 déc. 1997, no

C-104/96, Bull. Joly Sociétés 1998, p. 213, note M. Luby).

91 - Simples propositions de directives

Des propositions de directives ont également été présentées par les autorités communautaires :

— proposition de cinquième directive, présentée le 9 octobre 1972 (JOCE 13 déc. 1972, no C 131), et modifiée d'abord en

1983 (JOCE 9 sept. 1983, no C 240), puis en 1990 (JOCE 11 janv. 1991, no C 7), et enfin en 1991 (JOCE 12 déc. 1991, no C

321), concernant la structure des sociétés anonymes et les pouvoirs et obligations de leurs organes et traitant aussi de la

participation des membres du personnel dans le contrôle de la gestion de ces sociétés (cf.Richard, L'organisation juridique

interne de la SA dans la proposition modifiée de cinquième directive, LPA 28 déc. 1994, p. 27). Cette proposition qui, à l'origine,

imposait la structure dualiste aux SA ainsi que la participation de représentants de travailleurs dans l'organe de surveillance, se

heurte toujours, même assouplie, à de sérieuses oppositions (cf., à son propos, l'étude de P. Le Cannu, Bull. Joly Sociétés

1991, p. 263 ; cf. aussi L'action de l'ANSA en droit communautaire, Communication ANSA, sept.-oct. 1993, no 2666). La

modification de 1990 vise à favoriser l'exercice du droit de vote par les actionnaires et, à cette fin, s'efforce de limiter l'émission

des actions privilégiées sans droit de vote et de ne pas réduire la liberté de l'AG de nommer des membres des organes soc iaux

en interdisant que le droit exclusif de faire des propositions de nomination soit réservé à certaines catégories d'actionnaires ;

— proposition de quatorzième directive relative au transfert de siège des sociétés de capitaux d'un État membre à un autre

(JOCE 5 mai 1999, no C 138 ; sur cette proposition de directive, voir les réflexions critiques de M. Menjucq, Bull. Joly Sociétés

2000, p. 137).

Enfin, une neuvième directive sur les groupes de sociétés est pour l'instant toujours à l'étude.

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Section 4Les orientations contemporaines du droit des sociétés

115 - Diversité des orientations

Le droit des sociétés commerciales poursuit un objectif principal : celui de donner à celles et ceux qui choisissent de condu ire

ensemble une entreprise économique les moyens juridiques d'y parvenir. Traditionnellement cependant, cet objectif conduisait à

une réglementation assez impérative et précise, destinée à éviter que les tiers amenés à contracter avec les sociétés ne puissent

en souffrir. Aujourd'hui, ce souci de protection des tiers n'a pas disparu (voir no118), mais il ne fait plus par lui-même obstacle à

une certaine dose, de plus en plus forte, de liberté contractuelle. Il est même possible d'évoquer, au vu de la loi no 2003-721 du 1er

août 2003 qui a par exemple supprimé l'exigence d'un capital social minimum dans les SARL, que la volonté de promouvoir

l'initiative économique est première dans notre droit des sociétés (voir no116).

Cela étant, en contrepoint et parallèlement au souci déjà évoqué de protéger les tiers, doivent être évoqués le souci de protéger

aussi les épargnants (voir no119) et surtout des considérations éthiques de plus en plus importantes (nos122 et s.).

On notera qu'une approche intéressante de l'évolution jurisprudentielle du droit des sociétés est donnée chaque année par le

Rapport de la Cour de cassation : cf. ainsi, pour 2009, le commentaire de ce rapport par A. Cerati-Gauthier, RLDA 2010/49, no

2841.

116 - Initiative économique et liberté contractuelle — Simplification du droit

Afin d'offrir aux entreprises françaises une structure juridique économiquement efficace, le législateur contemporain a adopté un

certain nombre de mesures importantes. On citera, en particulier, l'institution, dans notre droit, de la société anonyme avec

directoire et conseil de surveillance, inspirée du droit allemand, la simplification de la procédure de constitution des sociétés ne

faisant pas publiquement appel à l'épargne, la réglementation précise des fusions et des scissions, l'intéressement du personnel de

l'entreprise, les procédures de détection des difficultés, la possibilité de constituer des SARL unipersonnelles et l'avènement de la

société par actions simplifiée.

Ce souci des impératifs économiques a conduit aussi à une nécessaire « simplification » du droit des sociétés, notamment

amorcée par la loi no 88-15 du 5 janvier 1988 relative au développement et à la transmission des entreprises, puis continuée par la

loi no 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle (loi Madelin), par la loi no 94-679 du 8 août 1994, et

par la loi no 2003-721 du 1er août 2003, sur l'initiative économique et deux importantes ordonnances prises en 2004 : l'ordonnance

no 2004-274 du 25 mars 2004, assouplissant fortement le régime de la SARL, et l'ordonnance no 2004-604 du 24 juin 2004

réformant profondément le régime des valeurs mobilières. En 2005, on peut encore signaler la loi no 2005-842 du 26 juillet 2005

pour la confiance et la modernisation de l'économie, et la loi no 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des PME.

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Ultérieurement, une importante loi no 2008-776 du 4 août 2008, dite de modernisation de l'économie, est elle-même venue, au

bénéfice des PME, assouplir encore certains éléments de constitution ou de fonctionnement des SARL et des sociétés d'exercice

libéral. Et en 2012, la loi no 2012-387 du 22 mars 2012, dite de simplification du droit et d'allègement des formalités administratives,

a souhaité à son tour apporter d'intéressantes innovations, là encore pour faciliter la vie quotidienne des sociétés (cf., à son

propos, A. Lecourt, RLDA 2012/71, no 3993 ; A. Couret et B. Dondero, Bull. Joly Sociétés 2012, p. 360 ; B. Saintourens et Ph. Emy,

Rev. sociétés 2012, p. 335). Ce qui ne veut pas dire que tout soit encore simplicité ! Et que des efforts ne soient donc pas encore

concevables, ainsi que le révèle « le choc de simplification » voulu par le Gouvernement au printemps 2013 (sur lequel cf. RLDA

2013/82, no 4560 ; voir no124).

D'où, d'ailleurs, en 2014, l'adoption sur la base de la loi d'habilitation no 2014-1 du 2 janvier 2014 (cf. B. Saintourens, Rev. sociétés

2014, p. 147) d'une nouvelle ordonnance, l'ordonnance no 2014-863 du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés qui modifie de

manière assez substantielle différents points du droit des sociétés : conventions réglementées, expertise de l'article 1843-4 du

code civil, actions de préférence… (sur ce texte, cf. B. Dondero, D. 2014, p. 1885).

Plus généralement, ce souci a conduit la jurisprudence à reconnaître très largement la validité des pactes conclus entre des

actionnaires de sociétés anonymes (voir nos4306 et s.), puis le législateur à introduire, par la loi no 94-1 du 3 janvier 1994, la

société par actions simplifiée, caractérisée par une grande liberté statutaire, du moins dans les rapports internes (voir nos4278 et

s.). Et le législateur ne s'est pas arrêté là, puisque la loi no 99-587 du 12 juillet 1999 a encore assoupli cette nouvelle forme

sociétaire, en l'ouvrant aux personnes physiques, avant que la loi précitée no 2008-776 du 4 août 2008 ne vienne,

spectaculairement, la dispenser de tout capital minimum et ne lui permette d'accueillir des apports en industrie.

D'autres ouvertures pourraient, au demeurant, être encore citées : par exemple, celle opérée par la loi no 90-1258 du 31 décembre

1990 avec l'apparition des sociétés d'exercice libéral (voir nos5592 et s.), celle réalisée par la loi no 2001-420 du 15 mai 2001, qui a

ouvert dans la gestion des sociétés anonymes une nouvelle formule optionnelle, avec dissociation des fonctions du président du

conseil d'administration et de directeur général, ou encore celle résultant de la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 qui facilite la

transmission des entreprises (voir nos1195 et s.).

Ainsi, par toutes les évolutions, notre droit s'efforce de mieux répondre à l'attente des entreprises, et souvent de se faire l'écho de

certaines pratiques antérieures (sur ce point, cf. l'étude du Pr Michel Germain, Les manifestations de la pratique en droit des

sociétés, LPA 2003, no 237). Ou encore d'adopter des mesures très concrètes, pouvant se révéler particulièrement utiles sur le

terrain : voir ainsi, par exemple, en septembre 2013 le lancement d'un portail destiné à permettre la réalisation en ligne de

l'ensemble des formalités administratives relatives à la création d'entreprises (immatriculation, demandes d'autorisation, dépôt de

dossiers…). Cet espace est accessible sur le portail <www.guichet-entreprises.fr> (RLDA 2013/86, no 4757).

117 - Dépénalisation

Ce mouvement général favorable à la liberté d'entreprendre s'accompagne d'une dépénalisation du droit des sociétés, les

infractions conservées étant désormais peu nombreuses et logiquement centrées sur les comportements les plus graves. Il est vrai

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que beaucoup d'infractions précédemment prévues ne donnaient quasiment jamais lieu à poursuite : ainsi, en 2000, sur 566

condamnations pour des délits spécifiques au droit des sociétés, 452 concernaient le seul délit d'abus de biens sociaux (Annuaire

statistique de la Justice, La documentation française, 2003, p. 187). Sur cette dépénalisation, cf.J.-H. Robert, D. 2003, p. 9 ; B.

Bouloc, D. 2003, p. 2492 ; M. Haschke-Dournaux, L'accélération de la dépénalisation du droit des sociétés, Bulletin d'actualité

Lamy sociétés commerciales, 2004, no 168, p. 1.

Ce mouvement de dépénalisation a fait l'objet d'une réflexion approfondie puisque, sur l'invitation du garde des Sceaux, un groupe

de travail présidé par Jean-Marc Coulon a travaillé et fait de nouvelles propositions en ce sens en 2008 : cf. les commentaires d'H.

Matsopoulou, Rev. sociétés 2008, p. 1 et A. Faussurier, RLDA 2008/26, no 1547.

Ce qui a conduit le législateur à renforcer le mouvement de dépénalisation, notamment à travers l'importante loi no 2012-387 du 22

mars 2012 (JO 23 mars) de simplification du droit qui a abrogé de nombreuses incriminations en leur substituant des sanctions

civiles jugées plus adaptées : sur la liste de toutes les infractions ainsi supprimées, cf. B. Saintourens et Ph. Emy, Rev. sociétés

2012, p. 347.

118 - Sécurité des tiers

Le législateur contemporain a voulu assurer la sécurité de ceux qui choisissent de traiter avec la société. À cette fin, il s 'est efforcé

de les mettre à l'abri de mauvaises surprises ultérieures qui pourraient résulter d'une imperfection des statuts de la société ou de

leur insuffisante connaissance de ceux-ci (cf.B. Bouloc, L'objectif de sécurité dans la loi du 24 juillet 1966, Rev. sociétés 1996, p.

437).

Ainsi, les causes de nullité des sociétés elles-mêmes ou des modifications statutaires sont désormais très limitées (C. com., art. L.

235-1 à L. 235-14 et C. civ., art. 1844-10 à 1844-17) ; de même, les dirigeants dont les nominations ont été régulièrement publiées,

engagent la société, même si ces nominations sont elles-mêmes irrégulières (C. com., art. L. 210-9 et C. civ., art. 1846-2). Enfin et

surtout, la société ne peut pas se prévaloir du dépassement par les dirigeants de clauses statutaires limitant leurs pouvoirs , voire,

dans certains cas (SARL, SA et société en commandite par actions), d'un dépassement de l'objet social (Ord. no 69-1176, 20 déc.

1969, prise dans le cadre d'une harmonisation des législations européennes).

119 - Sécurité des investisseurs — Gouvernement d'entreprise — Conformité

La loi no 66-537 du 24 juillet 1966, codifiée dans le Code de commerce, a voulu renforcer la protection de ceux qui ont choisi

d'investir leur capital dans les sociétés commerciales. Elle l'a fait notamment par une augmentation du droit d'information des

associés (exemple : droit généralisé à la communication de certains documents : cf.Urbain-Parléani et Boizard, L'objectif

d'information dans la loi du 24 juillet 1966, Rev. sociétés 1996, p. 447), une extension du contrôle (par exemple de celui opéré par

les commissaires aux comptes), et un accroissement des responsabilités et des sanctions pénales venant assurer le respect

des prescriptions légales (cf. notamment les articles L. 241-1 à L. 247-9 du code de commerce, uniquement d'ordre répressif).

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Depuis lors, le législateur a complété son effort par toute une série de mesures destinées à attirer l'épargne vers les sociétés

commerciales : par exemple les actions à dividende prioritaire sans droit de vote instituées par la loi no 78-741 du 13 juillet 1978

relative à l'orientation de l'épargne dans le financement des entreprises, fonds communs de placement à vocation générale ou à

risques (L. no 79-594, 13 juill. 1979 et L. no 83-1, 3 janv. 1983).

Ces deux soucis parallèles de protéger l'épargne mais aussi – et d'abord – de la séduire se sont ensuite trouvés réunis dans une

loi no 83-1 du 3 janvier 1983, dont le titre Ier (L. no 83-1, 3 janv. 1983, titre 1er) est consacré au financement des investissements

des entreprises (titres participatifs, certificats d'investissement, fonds à risques, etc.), et le titre second, à la protection des

épargnants (réglementation des activités de placement et de gestion des biens divers : conteneurs, diamants, forêts, etc.), puis

dans une loi no 85-1321 du 13 décembre 1985, concernant l'émission de valeurs mobilières composées.

Le souci de sécurité financière est ensuite réapparu très fortement en législation, à la suite d'une chute spectaculaire des cours

boursiers en 2001-2002, et de quelques scandales qui, outre-Atlantique, ont révélé les limites de l'information financière donnée

aux épargnants en valeurs mobilières. Il s'est ainsi exprimé par une loi no 2003-706 du 1er août 2003, de sécurité financière, qui a

renforcé sensiblement le contrôle des comptes et la transparence des entreprises (cf.A. Couret, Les dispositions de la loi sécurité

financière intéressant le droit des sociétés, JCP E 2003, 1290 ; A. Lienhard, Loi de sécurité financière : quoi de neuf pour les

sociétés ?, D. 2003, p. 1996 ; sur la genèse de cette loi, cf. aussi J. Paillusseau, Corporate governance (rapport Bouton), D. 2002,

p. 2722 ; A. Guengant, La constitution du rapport Bouton pour un meilleur gouvernement des sociétés cotées, JCP E 2002, 1683 ;

M.-A. Frison-Roche, L'esprit de la future loi de sécurité financière comparée à la loi NRE, Les Échos, 24-25 janv. 2003). Parmi les

mesures introduites par cette loi, on citera notamment la création d'un Haut Conseil du commissariat aux comptes, plusieurs

dispositions renforçant l'indépendance des commissaires aux comptes (cf.A. Couret et M. Tudel, Le nouveau contrôle légal des

comptes, D. 2003, p. 2290), ainsi que l'obligation faite aux sociétés faisant appel public à l'épargne (la notion d'appel public à

l'épargne étant remplacée, depuis l'ordonnance no 2009-80 du 22 janvier 2009, par celle d'offre au public de titres financiers) de

communiquer à l'AMF et de rendre publics sans délai les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges de titres réalisés par

les dirigeants ou les personnes ayant avec eux des liens personnels étroits (cf.A. Couret, JCP E 2003, p. 1426).

Plus généralement, cette loi a représenté, dans l'intérêt des épargnants et investisseurs, une étape dans l'avènement progressif de

principes mettant en place ce qu'on appelle aujourd'hui couramment le gouvernement d'entreprise (par extension de la corporate

governance anglo-saxonne) : cf.J.-J. Caussain, Le gouvernement d'entreprise, Creda-Litec 2005 ; Ph. Bissara, Rev. sociétés 2003,

p. 51 ; J.-P. Mattout, Mélanges Didier, Economica 2008, p. 315 ; M. Vincent et A.-L. Legout, Origines et principes du gouvernement

d'entreprise, Journ. sociétés, mars 2009, p. 15 ; La gouvernance d'entreprise, 39e Colloque de l'Association Droit et Commerce,

Deauville, avr. 2014, avec notamment les rapports de B. Dondero, P. Servan-Schreiber, A. Couret et P. Le Cannu, Gaz. Pal. 24-28

août 2014, p. 6 ; sur l'implication européenne dans la promotion de ce processus, cf.B. Lecourt, La publication par la commission

européenne d'une étude sur les systèmes de contrôle et la mise en place des règles de gouvernement d'entreprise dans l'Union

européenne, Rev. sociétés 2010, p. 127.

Depuis, plusieurs textes législatifs et réglementaires, et aussi des codes internes de gouvernement d'entreprise, se sont efforcés

de promouvoir des principes de bon fonctionnement et de transparence propres à améliorer la gestion des sociétés admises sur un

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marché réglementé, et leur image auprès des investisseurs et du public : sur ces codes, et notamment le Code de gouvernance

Afep-Medef, voir no81 ; voir aussi nos 136, 3482 et 3955 ; sur l'apparition et le rôle de l'administrateur référent, cf. M.-A. Noury, JCP

E 2013, no 802 ; P. Le Cannu, RTD com. 2013, p. 625 ; B. Zabala, Option Finance, 9 déc. 2013, no 1248.

Enfin, on doit évoquer ici :

— la directive européenne sur les droits des actionnaires des sociétés cotées qui participe pareillement de la volonté de

renforcer les prérogatives des épargnants. Cette directive a été adoptée et publiée par la Commission européenne le 11 juillet

2007 (Dir. Comm. CE no 2007/36, 11 juill. 2007, JOUE 14 juill., no L 184 ; M. Storck, RTD com. 2007, p. 562 ; A. Dethomas et N.

Rontchevsky, RLDA 2007/19, no 1132) et transposée dans notre droit (cf.L. no 2010-1249, 22 oct. 2010, art. 56 ; Ord. no 2010-

151, 9 déc. 2010 et D. no 2010-1619, 23 déc. 2010) ;

— et la loi no 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des

conseils d'administration et de surveillance. Car la mixité s'inscrit elle-même dans le respect des principes européens de

gouvernance d'entreprise et répond aux attentes des investisseurs responsables (cf.V. Martineau-Bourgninaud, L'obligation de

mixité dans les conseils d'administration et de surveillance, D. 2010, p. 599). L'exemple initial paraît ici être venu de la Norvège

où, depuis 2006, est imposée la présence d'un minimum de 40 % de femmes dans les instances de gouvernance des

entreprises (cf.A. Astaix, D. 2010, p. 197 ; A. Faussurier, Bientôt une quasi-parité au sein des conseils d'administration et de

surveillance ?, RLDA 2011/58, no 3306). Sur la mise en œuvre de la loi, cf.A. Durez, L'entrée des femmes juristes dans les

conseils d'administration, Gaz. Pal. 22-24 juill. 2012, p. 13. À noter encore que la loi no 2011-103 du 27 janvier 2011 a été

quelque peu modifiée par la loi no 2014-873 du 4 août 2014 relative à l'égalité réelle entre les hommes et les femmes.

À travers toutes ces nouvelles exigences, en permanence précisées par les textes, et souvent reprises par les codes

professionnels et d'entreprise, se révèle un grand souci de conformité, auquel les entreprises sont très sensibles. Respect de la

conformité, mais aussi prévention des risques de non-conformité, voilà de nouveaux axes très féconds pour le travail des juristes,

tant dans l'entreprise elle-même qu'en dehors, dans une activité de conseil (cf.J.-P. Valuet, Conformité à la loi, conformité aux

codes, Les mérites de la prévention, JCP E 2012, no 1471).

120 - Responsabilité sociétale des sociétés — Renvoi

Depuis quelques années, l'idée s'est développée que les entreprises doivent adopter des pratiques sociétalement responsables à

l'égard de leurs divers partenaires : salariés, partenaires, consommateurs, citoyens, collectivités… Cette responsabilité dite RSE

(responsabilité sociétale ou encore sociale de l'entreprise), qui se traduit notamment par la promotion de normes ou de

comportements spontanément adoptés par les entreprises, constitue désormais un axe majeur de notre droit des sociétés. Elle est

examinée dans l'ouvrage : voir nos126 et s.

121 - Participation et information des salariés – Lois no 2013-504 du 14 juin 2013, no 2014-384 du 29 mars 2014 et no 2014-856 du 31 juillet 2014

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L'un des grands traits de l'évolution contemporaine de notre droit des sociétés est également le souci d'assurer une participation

des salariés, non seulement aux résultats de l'entreprise, mais aussi à sa gestion, au moins dans le cadre des sociétés par actions.

Les principales manifestations tangibles de ce souci législatif sont présentées infra, voir nos3742 et s.

On relèvera, au demeurant, que de nouvelles étapes ont été ici franchies récemment. D'abord par la loi no 2013-504 du 14 juin

2013 (JO 16 juin, p. 9958), relative à la sécurité de l'emploi. En effet, les articles 8 et 9 de cette loi, qui constituent une section

intitulée « De nouveaux droits collectifs en faveur de participation des salariés », prévoient que :

— le comité d'entreprise devra être consulté annuellement sur les orientations stratégiques de l'entreprise, définies par l'organe

chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, et sur leurs conséquences sur l'activité, l'évolution des métiers et

des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages

(C. trav., art. L. 2323-7-1, al. 1er, applicable dans toutes les sociétés ayant un comité d'entreprise, quelle que soit leur forme) ;

— les salariés bénéficieront d'une représentation obligatoire au conseil d'administration et de surveillance, et ce dans le cadre

des sociétés visées à l'article 9 de la loi (à noter que ne figurent pas dans ce cadre les SARL et SAS).

Sur le détail de ces dispositions, voir nos3742 et s., et cf. aussi B. Dondero, Loi de sécurisation de l'emploi : aspects de droit des

sociétés, Bull. Joly Sociétés 2013, p. 471 ; R. Vatinet, Représentation des salariés dans les conseils d'administration ou de

surveillance, Rev. sociétés 2014, p. 75 ; J.-P. Delmotte, La gouvernance au cœur de l'administration des entreprises, La

gouvernance et les salariés, Gaz. Pal. 24-28 août 2014, p. 41.

L'année suivante, en 2014, l'information et le rôle des salariés ont encore été accrus à travers deux importantes lois :

— la loi dite parfois loi Florange, no 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle. Cette loi aménage

l'obligation qu'a l'employeur de rechercher un repreneur en cas de projet de licenciement pour motif économique entraînant la

fermeture d'un site. Cette obligation de recherche est mise à la charge des entreprises d'au moins 1000 salariés, ou appartenant

à un groupe d'au moins 1000 salariés. L'employeur doit notamment mettre en place un processus d'offre de reprise, réaliser un

document de présentation de l'établissement destiné aux repreneurs potentiels, examiner les offres de reprise qu'il reçoit,

donner une réponse motivée sur chacune d'elles… Ces mesures s'opèrent sous le contrôle du comité d'entreprise, qui doit être

informé au plus tard lors de sa première réunion sur le projet de licenciement collectif, et qui peut se faire assister d'un expert de

son choix. On notera encore que cette même loi du 29 mars 2014 a porté de 10 % à 30 % du capital la quotité maximale

d'actions pouvant être attribuées gratuitement au personnel salarié à condition, toutefois, que cette attribution bénéficie à

l'ensemble du personnel salarié et que l'écart entre le nombre d'actions distribuées à chaque salarié ne soit pas supérieur à un

rapport de un à cinq. Sur cette loi, cf. F. Barrière et Ch. de Reals, Rev. sociétés 2014, p. 279 ; N. Rontchevsky et M. Storck,

RTD com. 2014, p. 363 ;

— et la loi no 2014-856 du 31 juillet 2014 sur l'économie sociale et solidaire qui a institué l'obligation pour le cédant d'entreprise

d'informer les salariés de sa volonté de céder le contrôle de son entreprise. En particulier, l'article 20 de cette loi concerne la

cession de parts sociales, d'actions ou de valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital, et prévoit que le défaut

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d'information des salariés sera sanctionné par la nullité de la cession. Sur cette importante innovation légale, cf. A. Couret et V.

Delage, JCP E 2014, no 1434 ; B. Dondero, D. 2014, p. 1946.

122 - Exigence de transparence — Maintien cependant d'un certain secret des affaires

La sécurité des épargnants implique, comme nous l'avons vu (voir no119), une réelle transparence dans la vie des sociétés cotées.

Mais l'exigence de transparence ne se cantonne plus aujourd'hui à ces sociétés, et irrigue aujourd'hui de plus en plus notre droit,

aussi bien d'ailleurs en législation qu'en jurisprudence. Les exemples de cette évolution par rapport à un principe de secret des

affaires qui a longtemps prévalu sont nombreux. On citera simplement ici :

— la promotion des expertises de gestion (voir nos1443 et s.) ;

— la publicité des conventions prévoyant des conditions préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions admises aux

négociations sur un marché réglementé (voir no4342) ;

— l'extension de l'obligation d'établir des comptes consolidés par la loi no 2003-706 du 1er août 2003 et, plus généralement, le

rôle central joué ici par le droit comptable (cf.J.-L. Navarro, Le droit comptable au centre de l'information sur les entreprises,

Journ. sociétés déc. 2011, p. 40) ;

— le droit à l'information des administrateurs, consacré par la Cour de cassation avant de l'être par la loi no 2001-420 du 15 mai

2001 ; droit qui est aujourd'hui reconnu par l'article L. 225-35 du code de commerce, l'administrateur reçoit « tous les documents

et informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission » (cf., pour une application de ce texte, Cass. com., 13 déc.

2005, no 04-12.135, Bull. Joly Sociétés 2006, p. 642 ; sur cette information des administrateurs de SA, cf. aussi l'étude du

professeur Deen Gibirila, Journ. sociétés déc. 2011, p. 19) ;

— ou encore la transparence qu'a instaurée la loi no 2005-842 du 26 juillet 2005 à l'égard de la rémunération des dirigeants des

sociétés anonymes. Ainsi, par exemple, cette loi prévoit que, dans les sociétés dont les titres sont cotés, doivent désormais être

approuvés par l'assemblée générale des actionnaires dans le cadre des conventions réglementées (C. com., art. L. 225-38 et s.

et L. 225-86 et s.) et doivent faire l'objet d'une information spécifique dans le rapport de gestion les engagements pris au

bénéfice des dirigeants et correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus à raison de la

cessation ou du changement de fonctions, ou postérieurement à celles-ci (cf., soulignant cette promotion de la transparence,

Rép. min. à QE no 48415, JOAN Q. 28 févr. 2006, p. 2137, Bull. Joly Sociétés 2006, p. 548). Cette transparence a, au

demeurant, été encore accrue dans le cadre des sociétés cotées par la loi no 2007-1223 du 21 août 2007 qui a rendu plus

exigeant le contrôle des indemnités de départ, des retraites complémentaires, des rémunérations différées et des avantages

accordés aux anciens dirigeants (cf.P. Le Cannu, Rev. sociétés 2007, p. 465 ; A. Viandier, JCP E 2007, 2129 ; J. Paclot et C.

Malecki, D. 2007, p. 2481 ; J.-J. Daigre et a., Bull. Joly Sociétés 2008, p. 513 ; J.-J. Uettwiller, Fixation et transparence des

rémunérations des dirigeants, Journ. sociétés mars 2009, p. 33).

Un fort mouvement s'est donc dessiné (cf.A. Faussurier, Rémunération des dirigeants : vers une moralisation des pratiques ?,

RLDA 2009/41, no 2445 ; Dossier sur l'information en droit de l'entreprise, Journ. sociétés déc. 2011, p. 12 et s.), même si

l'exigence de transparence reste parfois difficile à mettre en œuvre (cf.P. Salin et M. Laine, Le mythe de la transparence imposée,

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JCP E 2003, no 45-46, p. 1800 ; V. Martineau-Bourgninaud, Le mythe de la transparence en droit des sociétés, Réflexions sur les

stock-options accordées aux mandataires sociaux, D. 2004, p. 862), et même si, par ailleurs, l'ancien principe du secret des

affaires n'a pas perdu toute effectivité.

À cet égard, le cas du commissaire aux comptes est particulièrement révélateur puisque ce professionnel doit aujourd'hui

souvent signaler, révéler, renseigner (voir no1373), mais qu'il demeure aussi, en l'absence de dispositions spéciales, astreint à un

principe de secret (voir no1372 ; addeB. Bouloc, Le secret professionnel du commissaire aux comptes, Rev. sociétés 2008, p. 291 ;

sur l'information des commissaires aux comptes eux-mêmes, cf. l'étude de B. François, Journ. sociétés déc. 2011, p. 33).

Un principe dont la jurisprudence n'hésite pas en certains cas à faire directement application : ainsi, la Cour de cassation (Cass.

com., 29 janv. 2008, no 06-20.311, Bull. civ. IV, no 24, D. 2008, p. 482, RTD com. 2008, p. 363, obs. P. Le Cannu et B. Dondero,

Rev. sociétés 2008, p. 363, note J.-P. Mattout) a précisé que les administrateurs de SA, y compris ceux qui représentent les

salariés, sont tenus à la discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et présentées comme telles par

le président du conseil d'administration.

De même, la cour d'appel de Paris (CA Paris, 12 févr. 2013, no RG : 12/08903, Sté Aufrina Fondeur Affineur, Bull. Joly Sociétés

2013, p. 398, note H. Barbier, RJDA 2013, no 412) n'a pas hésité à décider que pour des motifs de sécurité, une société

s'immatriculant au registre du commerce et des sociétés et dont l'activité est la fonte d'or, pouvait exceptionnellement obtenir que

l'adresse de son établissement principal ne figure pas sur l'extrait K bis délivré aux tiers et que soit mentionnée en lieu et place

l'adresse du siège social qui serait celle de sa domiciliation commerciale. Pour faciliter l'obtention de cette solution, la société a pris

l'engagement, dont la décision lui donne acte, d'informer par courrier séparé les administrations fiscale, douanière et sociale

compétentes de l'existence de cet établissement et d'en justifier.

Cela étant, l'obligation de transparence apparaît aujourd'hui régulièrement dans la motivation des juges, tout particulièrement dans

le cadre des sociétés cotées : cf. par ex., à propos du droit qu'a tout actionnaire de poser des questions écrites, CA Paris, 19 déc.

2013, no RG : 12/22644, A. c/SA W., Rev. sociétés 2014, p. 306, note A. Viandier.

123 - Influence des principes généraux du droit — Renvoi

Une autre évolution notable du droit des sociétés contemporain est sans conteste liée à l'influence de plus en plus grande qu 'y

jouent les principes généraux du droit. Même s'il est en effet perçu comme un droit spécial, le droit des sociétés ne s'affranchit pas,

en effet, du respect de ces principes qui emportent souvent des conséquences très pratiques dans la vie des sociétés, les devoirs

des dirigeants, les relations entre associés ou encore le déroulement des procès qui peuvent les opposer.

Nous renvoyons sur ce point au chapitre suivant, voir nos142 et s., où se trouvent notamment évoqués les principes suivants :

prohibition de la fraude, sanction de l'abus de droit, exigence de bonne foi et de loyauté, notamment dans le traitement des conflits

d'intérêts, interdiction de se contredire au détriment d'autrui, exigence d'impartialité, exigence de contradictoire.

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124 - De nouvelles mesures de simplification du droit — Ordonnance no 2014-863 du 31 juillet 2014

Succédant aux dispositions de la loi du 22 mars 2012 (voir no116), de nouvelles mesures sont progressivement adoptées pour

simplifier la vie des entreprises. Le Gouvernement, qui a souhaité engager un « choc de simplification » au bénéfice de celles-ci, a

été habilité par le législateur (L. no 2014-1, 2 janv. 2014, JO 3 janv.) à prendre par ordonnance diverses mesures prioritaires en ce

sens.

Au sein de la loi d'habilitation du 2 janvier 2014, trois dispositions ont retenu l'attention.

L'article 1er tout d'abord, en ce qu'il autorise le Gouvernement à assouplir les obligations comptables des micro et petites

entreprises.

À ce sujet, une ordonnance no 2014-86 du 30 janvier 2014 a été adoptée. Celle-ci a introduit dans le Code de commerce la

catégorie des petites entreprises au sens comptable et précisé qu'elles peuvent adopter une présentation simplifiée de leurs

comptes annuels (Ord. no 2014-86, 30 janv. 2014, art. 1er). Elle a créé de la même façon la catégorie des micro-entreprises au

sens comptable et indiqué qu'elles ne sont pas tenues d'établir une annexe aux comptes (Ord. no 2014-86, 30 janv. 2014, art. 2).

Ces dernières pourront également demander lors du dépôt au greffe la confidentialité de leurs comptes annuels, l'Administration

conservant l'accès à l'intégralité du registre du commerce (Ord. no 2014-86, 30 janv. 2014, art. 5). Ces mesures s'appliquent aux

comptes afférents aux exercices clos à compter du 31 décembre 2013 et déposés après le 1er avril 2014 (Ord. no 2014-86, 30 janv.

2014, art. 6).

On doit mentionner également l'article 2 de la loi d'habilitation, qui traite des procédures collectives. Dans sa foulée, une

ordonnance no 2014-326 du 12 mars 2014 a été adoptée, qui a eu pour objet principal de renforcer l'attractivité des procédures, en

particulier de prévention du livre VI du code de commerce, notamment en favorisant en amont l'apport de crédits aux entreprises.

On doit enfin évoquer l'article 3 de la loi d'habilitation, qui a autorisé le Gouvernement à procéder à des simplifications ponctuelles

en droit des sociétés (cf. B. Saintourens, Rev. sociétés 2014, p. 147). Dans cette optique, l'ordonnance devait avoir notamment

pour objectif de :

— simplifier la réglementation applicable aux conventions réglementées :

– en excluant de leur champ d'application les conventions conclues entre une société et une filiale détenue, directement ou

indirectement, à 100 %. Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi d'habilitation, « ces dernières représentent la

très grande majorité des conventions présentées dans le rapport spécial du commissaire aux comptes de l'entité alors

qu'elles ne présentent pas de véritables conflits d'intérêts. L'allègement consécutif du rapport spécial du commissaire aux

comptes permettra ainsi aux actionnaires de se concentrer sur les conventions présentant de réels risques de conflits

d'intérêts »,

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– en incluant dans le rapport du conseil d'administration ou du directoire à l'assemblée générale des actionnaires une

information sur les conventions conclues par un dirigeant, un administrateur ou un actionnaire détenant plus de 10 % de la

société mère avec une filiale détenue directement ou indirectement. « Une telle information est nécessaire pour empêcher

d'éventuelles opérations dommageables pour les mères et leurs filiales » (exposé des motifs précité),

– en rendant obligatoire la motivation des décisions du conseil d'administration ou de surveillance autorisant ces

conventions,

– en soumettant chaque année au conseil d'administration ou de surveillance les conventions déjà autorisées dont l'effet

dure dans le temps ;

— sécuriser le régime du rachat des actions de préférence, en précisant « les conditions de ce rachat d'une part, et les

affectations possibles des actions rachetées d'autre part » (ibid.) ;

— simplifier et clarifier la législation applicable aux valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l'attribution de

titres de créance ainsi qu'à certains titres de créance, s'agissant de leur émission et de la protection de leurs porteurs, faciliter

l'identification des détenteurs de titres au porteur et adapter le régime des opérations sur titres et des droits de souscription ;

— permettre la prolongation du délai de tenue de l'assemblée des associés appelée à statuer sur les comptes annuels dans les

sociétés à responsabilité limitée ;

— permettre à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée d'être associée d'une autre entreprise unipersonnelle à

responsabilité limitée ;

— simplifier les formalités relatives à la cession des parts sociales de société en nom collectif et de société à responsabilité

limitée tout en maintenant sa publicité ;

— modifier l'article 1843-4 du code civil pour assurer le respect par l'expert des règles de valorisation des droits sociaux prévues

par les parties. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, « en l'absence de précision, les pouvoirs de cet expert posent des

difficultés pratiques importantes qui font peser une insécurité juridique sur les clauses statutaires ou extrastatutaires définissant

une méthodologie d'évaluation des droits sociaux ».

Sur la base de la loi d'habilitation no 2014-1 du 2 janvier 2014, cette ordonnance a finalement vu le jour au cours de l'été 2014. Il

s'agit de l'ordonnance no 2014-863 du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés. Ses principales dispositions, qui s'inscrivent

dans le sillage qui avait été souhaité par la loi d'habilitation, seront directement présentées dans les différents chapitres de

l'ouvrage concernés (conventions réglementées, évaluation des parties, actions de préférence, valeurs mobilières complexes…).

On notera simplement ici que cette ordonnance a fait l'objet d'une présentation approfondie dans la Revue Lamy droit des affaires

(G. Gaède, RLDA 2014/98, no 5321), ainsi que d'études parues dans d'autres revues : cf. par ex. B. Dondero, D. 2014, p. 1885 ; G.

Notté, JCP E 2014, no 581.