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- 1 - DOCTEUR L. MOUTIN LE MAGNETISME HUMAIN L’HYPNOTISME ET LE SPIRITUALISME MODERNE Considérés aux points de vue théorique et pratique

Le magnétisme humain - Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec · 2013. 12. 1. · Le magnétisme humain, l'hypnotisme, le spiritualisme moderne sont ici passés en revue sans parti

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DOCTEUR L. MOUTIN

LE MAGNETISME HUMAIN

L’HYPNOTISME

ET

LE SPIRITUALISME MODERNE

Considérés aux points de vue théorique et pratique

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PREFACE

Le but de ce livre est de mettre au courant des phénomènes psychiques les personnes qui n'ont

eu ni le temps, ni l'occasion de les étudier.

Nous l'avons écrit sans prétention, nous avons voulu essayer de compléter ce qui a été fait, en

restant le plus possible sur le terrain scientifique, tout en faisant une large part à la

philosophie.

Un très grand nombre d'ouvrages traitent ces abstraites questions, mais ils sont rares ceux qui

contiennent tous les phénomènes étudiés par les chercheurs depuis une centaine d'années.

Le magnétisme humain, l'hypnotisme, le spiritualisme moderne sont ici passés en revue sans

parti pris.

Si nous ne sommes pas toujours du même avis que les chefs d'écoles, cela ne forcera pas le

lecteur à admettre notre manière de voir ; il sera libre lui-même de se faire une opinion exacte

sur le problème, lorsqu'il aura lu ce qui suit.

Il y a trente ans que nous étudions ce qu'on est convenu d'appeler aujourd'hui le Psychisme.

Nous avons, de 1885 à 1890 par de nombreuses démonstrations privées ou publiques -

démonstrations qui eurent le plus grand succès dans la haute presse et même leur heure de

célébrité - prouvé l'existence de faits niés alors par le plus grand nombre. Nous avions créé un

mode nouveau d'expérimentation, qui nous donnait des résultats curieux, inédits et captivants.

Notre procédé neuroscopique a été admis par tous les expérimentateurs, tous ou presque tous

l'emploient, mais ils ont oublié le nom du créateur de ce système si simple, à la portée de tous,

supprimant le ridicule des anciens procédés et permettant d'obtenir rapidement des effets.

Cela a toujours été ainsi !... Nil novi sub sole.

Dans notre travail nous débutons par le Mesmérisme. Nous passons rapidement sur les

théories émises par les auteurs, mais nous faisons connaître les procédés employés par chacun

d'eux.

Nous nous croyons autorisé par nos études spéciales et par notre pratique à faire, de ci de là,

quelques critiques dans l'intérêt de la science et de la vérité.

Chacun pourra vérifier nos assertions, les réfuter, les combattre, mais jamais nous ne nous

écarterons de la discussion courtoise.

L'hypnotisme qu'on appelle scientifique (Pourquoi ?) est ici, comme nous l'avons toujours fait

dans nos conférences, le sujet de quelques diatribes. Mais, en le comparant au magnétisme

animal, la différence apparaîtra évidente.

La question du spiritualisme moderne, par sa complexité, est plus délicate à traiter et nous

faisons notre possible pour l'exposer clairement. Nous essayons de répondre par avance aux

comment et aux pourquoi des sceptiques. Nous pensons, par la multiplicité des faits acquis et

nettement décrits, convaincre plus d'un incrédule.

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INTRODUCTION

Il y a longtemps que nous sommes sollicités d'écrire un livre théorique et pratique pour

compléter le « Nouvel hypnotisme » et le « Diagnostic de la suggestibilité ». Nous voulions

auparavant recueillir de nouveaux matériaux, afin de mettre sous les yeux du lecteur les

documents propres à former sa conviction.

Quoique nous ayons encore de nombreuses lacunes à combler, le moment nous paraît

opportun pour présenter au public le résultat de nos observations ainsi que les travaux des

auteurs qui étudient ces intéressantes questions.

Le magnétisme humain, l'hypnotisme, la suggestion n'ont point progressé. Il semblerait

vraiment que tout a été dit sur ces matières.

Les quelques médecins qui pratiquent l'hypnotisme se tiennent dans un cercle trop restreint,

malgré leurs promesses au congrès de 1900, et leurs travaux publiés depuis sont sans

importance.

Les magnétiseurs n'ont pas fait davantage ; ils sont, il est vrai, étrangers à la médecine et,

malgré le réel talent de deux ou trois, malgré le savoir très étendu de quelques-uns, ils n'ont

pas l'autorité que confère, à tort ou à raison, un diplôme de médecin.

Nous donnerons des indications précises et, malgré les partisans de la seule suggestion, nous

pensons pouvoir amener ceux qui voudront nous suivre à éliminer la trop fameuse suggestion

et à produire des faits que les hypnotiseurs n'ont jamais pu obtenir avec leur méthode

d'expérimentation.

Le somnambulisme provoqué présente des analogies avec la transe médianimique, mais il a

l'avantage d'être sous la dépendance de l'expérimentateur et, par conséquent, si ce dernier sait

développer les facultés latentes de son sujet, il obtiendra des effets supérieurs à ceux produits

par la généralité des médiums.

Un homme éminent, le baron du Potet, a dit : « Le magnétisme, par le somnambulisme, nous

ouvre une porte sur l'inconnu. » Cet auteur avait approfondi la question.

Le magnétiseur Cahagnet, imbu des idées de du Potet, obtint, par l'intermédiaire de son sujet,

Adèle, en présence d'un prêtre érudit et chercheur, un si grand nombre de faits concluants que,

s'il avait eu une autorité plus grande, ses livres auraient attiré l'attention, autant, sinon plus,

que ceux des spirites.

Ce mode d'expérimentation a été délaissé, et c'est pourtant, à notre sens du moins, le meilleur.

Pourquoi n'y reviendrions-nous pas ?

Procédons par ordre, apprenons le simple avant de passer ou composé, marchons lentement,

progressivement et, par la force même des choses, nous arriverons à savoir ce que nous

désirons connaître.

Etudions méthodiquement et froidement les faits qui se présentent à notre observation. Ne

nous enthousiasmons pas, si nous voulons voir clairement, n'affirmons ce que nous avons vu,

contrôlé, disséqué, que lorsque nous serons sûr, très sûr de son existence réelle.

Répétons plusieurs fois le même essai, observons méticuleusement nos expériences, et quand

nous serons certain de l'authenticité d'un phénomène, n'hésitons pas à le faire connaître. Nous

ferons alors œuvre utile.

L'étude que nous faisons a une importance plus grande qu'on ne se l'imagine, parce que non

seulement elle nous apprendra des choses ignorées, mais encore elle nous donnera le moyen

de faire le bien.

La connaissance des matières contenues dans ce travail permettra même, à ceux qui restent

indifférents aux choses abstraites, de s'orienter dans la vie, de comprendre des faits restés

obscurs, de saisir la raison d'être des phénomènes supra-naturels, de pénétrer enfin les arcanes

d'une science encore en enfance, mais qui grandira vite, lorsqu'on voudra bien lui réserver

l'attention qu'elle mérite... Si, malgré notre apparent scepticisme - il est toujours plus apparent

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que réel - nous acquérons un jour, par des études spéciales, non enseignées dans les écoles, la

preuve mathématique que nous parcourons un cycle, que nous évoluons sans cesse, que la

transformation qu'on appelle la mort n'est qu'un changement d'état, que le « rien ne se perd,

rien ne se crée » de Lavoisier n'est pas un mythe et que notre entité suit la même loi, en se

conservant intacte, regretterons-nous les heures passées à ces études ?

Nous engageons vivement les amants de la vérité à faire quelques efforts, à nous suivre, et

ceux qui voudront bien nous entendre ne tarderont pas à reconnaître l'exactitude de nos

affirmations - ils acquerront une conviction personnelle, basée sur des faits et partant

inébranlable, car, a dit le célèbre Broussais : « Rien n'est plus écrasant qu'un fait. »

Parce que les savants officiels nient les phénomènes psychiques et se refusent à les étudier,

devons-nous nous en tenir au magister dixit ?

Nous admirons les savants, lorsqu'ils ne sortent pas de leurs attributions et nous font connaître

leurs découvertes. En dehors de leur champ d'action spécial et dans les questions qu'ils

ignorent, devons-nous les suivre aveuglément? Nous avons le plus grand respect pour ces

messieurs, mais nous ne croyons pas que leur nom suffise à justifier leur veto obstiné sur des

faits qui se heurtent à leur incompétence.

Le vrai parait souvent invraisemblable. Cherchons donc avec patience et persévérance, sans

idée préconçue.

Toutes les vérités ont eu, à leur naissance, des partisans et des détracteurs, ce qui n'a point

arrêté leur marche. Qu'on se rappelle les déboires de Fulton, appliquant la découverte de

Papin. Lorsque Galvani, surnommé par ses contemporains le maître de danse des grenouilles,

fit connaître certaines propriétés de l'électricité, pouvait-on supposer alors ce que cette force

réaliserait de merveilleux cent ans plus tard ?

Galilée subit la torture pour avoir affirmé la rotondité de la terre et établi scientifiquement son

mouvement diurne ; Harvey fut vilipendé pour avoir trouvé la circulation du sang et Jenner

méconnu, tourné en ridicule pendant plus de trente ans. Et Jeanne d'Arc, brûlée comme

sorcière et qu'on veut béatifier aujourd'hui ? Très longue serait encore la liste des novateurs

insultés, pourchassés, honnis d'abord et réhabilités ensuite.

Ces faits historiques doivent nous rendre circonspect, et de nos jours, moins que jamais, on ne

doit nier ce qui est inconnu. Le mot impossible, comme on l'a dit, n'est pas français et ne doit

pas être employé par un savant digne de ce nom.

Les empiriques, comme on qualifie les chercheurs non officiels, ont eu, de tout temps, le

mérite de forcer les hommes de science à s'intéresser à leurs découvertes. L'alchimie n'a-t-elle

pas été la mère de la chimie et l'astrologie celle de l'astronomie ? Les premiers étaient trop

croyants et manquaient de précision dans leurs recherches ; les seconds, trop sceptiques, ont

voulu presque tout élaguer. Essayons de procéder autrement et prenons le bien, le beau, le vrai

partout où ils se trouvent.

Le magnétisme et l'hypnotisme, au point de vue thérapeutique, peuvent nous rendre de grands

services.

Combien de maux, en dehors des affections nerveuses, la plupart curables par ces agents

seulement, seraient atténués et parfois guéris par l'emploi immédiat de ces méthodes

inoffensives, à la portée de tous.

Il n'est pas nécessaire d'être médecin, d'avoir fait de longues études, pour soulager son

semblable : le premier venu peut accomplir cette tâche ; il n'a qu'à employer les procédés que

nous indiquons.

Lorsque nous nous blessons, instinctivement nous portons les mains sur la partie lésée et nous

éprouvons du soulagement. Nous faisons inconsciemment du magnétisme.

Qu'une personne bienveillante, connaissant nos pratiques, remplace nos mains par les siennes,

immédiatement la douleur cessera. Ce que nous avançons pourra paraître paradoxal, rien n'est

plus exact pourtant, et l'essai en est facile. Nous pensons, dans le cours de cet ouvrage,

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convaincre les plus rebelles, en leur apprenant à se servir de forces peu connues, émanant de

nous-même.

Qu'on sache bien qu'il y a de l'électricité partout, que tous les corps en sont imprégnés et que

si l'homme est moins doué que la torpille ou la gymnote, il a, également une dose de cette

énergie.

Partout où il y a chaleur (et l'homme sain en possède 37°) il y a électricité, d'où nous devons

conclure que cette force existe en nous, et ce sont probablement l'émanation, les ondulations

de cette électricité qui sont la cause première de tous les phénomènes que nous étudions ici.

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PREMIÈRE PARTIE - MAGNÉTISME HUMAIN

Chapitre I - Procédés des magnétiseurs

Dans nos ouvrages précédents, nous avons fait l'historique du magnétisme humain, nous

avons parlé des procédés des pseudo-sorciers du moyen âge, nous avons exposé les théories

des anciens sur ces matières ; donc, inutile de revenir aux sibylles, aux augures, aux aruspices

; d'indiquer le modus operandi des prêtres des anciennes religions, nous sortirions de notre

plan. Nous voulons simplement mettre à la portée du lecteur les moyens pratiques de se

renseigner expérimentalement sur ce que nous avançons.

Procédés du docteur Mesmer

Mesmer (Frédéric-Antoine), né à Iznang (Souabe), en 1733, mort à Meesbourg en 1815

(certains auteurs le font naître à Stein sur le Rhin), étudia la médecine à Vienne. Reçu docteur,

il s'établit dans cette ville. Au bout de quelques années de pratique, trouvant les remèdes de

son temps absurdes, il cessa de les employer et traita ses malades par les aimants. Quelques

succès l'encouragèrent à poursuivre ses recherches et, s'appuyant sur les travaux de ses

prédécesseurs, il innova le magnétisme animal.

Des cures nombreuses et remarquables attirèrent l'attention des Viennois, qui vinrent en foule

chez lui, mais la jalousie de ses confrères lui suscita tant d'ennemis qu'il quitta la capitale de

l'Autriche pour venir à Paris (1777), où sa réputation l'avait précédé.

Chez nous, il trouva un accueil sympathique et il eut alors tous les succès qu'un homme

ambitieux peut désirer. Mais ne sachant borner son ambition, il s'attira, par sa manière d'agir,

de nombreux déboires. Des guérisons éclatantes obtenues sur des personnages hauts placés

portèrent Mesmer au pinacle ; aussi Louis XVI dut nommer une commission (1784) pour

étudier les théories et les procédés du médecin allemand. Des hommes éminents : Barie,

Sallin, Darcet, Guillotin, Franklin, Bailly, Lavoisier et de Jussieu composèrent cette

commission. Ils reconnurent les phénomènes affirmés par Mesmer, mais ils refusèrent d'en

admettre la cause : le fluide des magnétiseurs. A ce sujet, voici ce que nous lisons à la page 7

du rapport de la commission :

« Rien n'est plus étonnant que le spectacle de ces convulsions ; quand on ne l'a pas vu, on ne

peut s'en faire une idée, et en le voyant on est également surpris et du repos profond d'une

partie de ces malades et, de l'agitation qui anime les autres ; des accidents variés qui se

répètent et des sympathies qui s'établissent. On voit des malades se chercher exclusivement, et

en se précipitant l'un vers l'autre se sourire, se parler avec affection et adoucir mutuellement

leurs crises. Tous sont soumis à celui qui magnétise ; ils ont beau être dans un assoupissement

apparent, sa voix, un regard, un signe les en retire. On ne peut s'empêcher de reconnaître à ces

effets constants une grande puissance qui agite les malades, les maîtrise et dont celui qui

magnétise semble être dépositaire. »

Nous avons ici la reconnaissance absolue des faits avancés par Mesmer. Nous verrons plus

loin si les savants de cette époque ne se trompaient pas en niant l'existence d'une force

quelconque, car, depuis, bien des choses nouvelles se sont produites.

Voici comment procédait Mesmer :

Dans une salle se trouvait un baquet spécial dans lequel était placé un certain nombre de

bouteilles contenant de l'eau magnétisée. (On magnétise l'eau soit en faisant des passes

dessus, soit en plongeant les mains dedans.) Les espaces vides, entre les bouteilles, étaient

garnis de limailles de fer, de verre pilé, de soufre, de manganèse ou de toute autre substance à

laquelle Mesmer attribuait des propriétés magnétiques. Le couvercle du baquet était percé de

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trous par lesquels passaient des tiges de fer recourbées et mobiles. Au bout de ces tiges étaient

adaptés des cerceaux que les malades se passaient autour du corps. Réunis en cercle, autour

du baquet, ils se donnaient la main et formaient la chaîne.

L'opérateur, armé d'une baguette en fer, magnétisait le baquet et les malades, en les touchant

sur diverses parties du corps. Pendant l'opération, Mesmer faisait jouer du piano ou de

l'harmonica ; il croyait que le fluide magnétique se propageait par le son.

Nous verrons plus loin, lorsque nous nous occuperons des phénomènes psychiques, que le son

joue un certain rôle.

Mesmer croyait à la polarité humaine ; il pensait que le fluide magnétique était répandu

partout et qu'il n'était pas besoin de la volonté pour produire des effets.

Nous voyons, par ce qui précède, que les modernes praticiens qui affirment avoir trouvé la

polarité humaine n'ont donc rien inventé... et que la paternité de cette hypothèse revient à

Mesmer.

Les malades groupés autour du baquet ne tardaient pas (du moins les plus sensibles) à

éprouver des crises nerveuses plus ou moins violentes. Mesmer les faisait alors transporter

dans une pièce spéciale appelée salle des crises, où il les laissait se débattre jusqu'à ce qu'ils

fussent calmés. Il croyait ces crises salutaires et pensait que la nature se débarrassait, pendant

cet instant, du principe morbide.

Nous ne partageons pas entièrement les idées de Mesmer, et nous croyons que si ses élèves,

au lieu de bâtir des théories inacceptables, s'étaient appliqués à produire des faits, sans vouloir

au préalable en expliquer les causes, chose d'ailleurs impossible, ils auraient peut-être réussi à

faire admettre le magnétisme comme science physique.

Les disciples de Mesmer ne furent pas d'accord sur les opinions du maître. Les uns

partageaient entièrement sa manière de voir sur l'ubiquité de la force magnétique et sur sa

transmissibilité naturelle et croyaient, comme lui, que la volonté était étrangère à la

manifestation des phénomènes ; les autres pensaient que la volonté était absolument

nécessaire, qu'elle commandait cette force qui est en nous et permettait de la communiquer.

Plusieurs docteurs régents partagèrent les idées de Mesmer, notamment le docteur Deslong,

premier médecin du comte d'Artois.

Le docteur Mesmer n'avait fait que remettre au point des théories qu'il n'avait pas trouvées,

comme on le croit généralement. Le fluide universel transmissible qui se dégage de notre

corps, qui traverse l'espace, était admis par quelques-uns avant lui. Voici ce qu'il dit dans un

mémoire publié en 1779 : « J'ai annoncé les réflexions que j'avais faites depuis plusieurs

années sur l'universalité de certaines opinions populaires qui, selon moi, étaient le résultat

d'observations les plus générales et les plus constantes. Je disais à ce sujet que je m'étais

imposé la tâche de rechercher ce que les anciennes erreurs pouvaient renfermer d'utile et de

vrai ; et j'ai cru pouvoir avancer que, parmi les opinions vulgaires de tous les temps :

imposition des mains, visions et oracles, influence de certains métaux, action mystique de

l'homme sur l'homme, les jeteurs de sort, les dompteurs, les communications à distance, les

pressentiments, les sensations simultanées, l'influence des vœux et de la prière, la

transmission de la pensée, etc., etc., il en était peu, quelque ridicules et même extravagantes

qu'elles paraissent, qui ne pussent être considérées comme le reste d'une vérité primitivement

reconnue.

Et comme certains de ces procédés, par une observation trop scrupuleuse, par une application

aveugle, semblaient rappeler d'anciennes opinions, d'anciennes pratiques justement regardées

comme des erreurs, la plupart des hommes consacrés aux sciences et à l'art de guérir n'ont

considéré ma doctrine que sous ce point de vue : entraînés par ces premières impressions, ils

ont négligé de l'approfondir ; d'autres, excités par des motifs personnels, par l'intérêt de corps,

n'ont voulu voir dans ma personne qu'un adversaire qu'ils devaient abattre. Pour y parvenir ils

ont d'abord employé l'arme si puissante du ridicule, celle non moins active et plus odieuse de

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la calomnie ; enfin, la publicité immodérée d'un rapport qui sera dans tous les temps un

monument peu honorable pour ceux qui ont osé le signer ; d'autres personnes, enfin,

convaincues, soit par leur propre expérience, soit par celle d'autrui, se sont exaltées et livrées

à de telles exagérations qu'elles ont rendu tous les faits incroyables. Il en est résulté pour la

multitude faible et sans instruction des illusions et des craintes sans fondement. Voilà qu'elles

ont été jusqu'à présent les sources de l'opinion publique contre ma doctrine.

J'abandonne volontiers ma théorie à la critique, déclarant que je n'ai ni le temps ni la volonté

de répondre. Je n'aurais rien à dire à ceux qui, incapables de me supposer de la droiture et de

la générosité, s'attacheraient à me combattre avec des dispositions particulièrement hostiles,

ou sans rien substituer de mieux à ce qu'ils voudraient détruire ; et je verrais avec plaisir de

meilleurs génies remonter à des principes plus solides, plus lumineux, des talents plus érudits

que les miens découvrir de nouveaux faits et rendre, par leurs conceptions et leurs travaux, ma

découverte plus intéressante. Il suffira toujours à ma gloire d'avoir pu ouvrir un vaste champ

aux calculs de la science et d'avoir en quelque sorte tracé la route de cette nouvelle carrière. »

Afin de faire mieux connaître le novateur du magnétisme animal, nous empruntons au si

savant ouvrage la Suggestion mentale, du docteur Ochorowicz, les passages ci-dessous1. »

« On s'imagine généralement que c'est Mesmer qui était le promoteur de la théorie du fluide

nerveux, vital ou magnétique, qui se dégage de notre corps, se projette au dehors, se

transporte, en cas de besoin, à travers, l'espace, etc., etc. C'est une erreur propagée par ceux

qui n'ont pas lu Mesmer, ou qui n'ont pas pu le comprendre. Sa théorie, très ancienne du reste,

a été élaborée par un travail collectif de plusieurs de ses élèves indiscrets et surtout par les

révélations des somnambules qui s'expliquaient comme ils pouvaient. Enfin, l'autorité de

Deleuze qui, lui-même, indique cette source, décida facilement la popularité d'une théorie

palpable, compréhensible pour des imaginations grossières, et qui semblait tout expliquer.

Mais elle était en opposition complète avec la doctrine de Mesmer, connue seulement de ses

élèves directs. Son cours n'a jamais été publié, mais les extraits qu'en donne Puységur, aussi

bien que ses aphorismes, ses mémoires et certains fragments longtemps inédits, prouvent

suffisamment combien est inexact tout ce qu'on raconte de lui. Ils prouvent que c'était un

esprit aussi profond qu'original, qui pouvait bien perdre les qualités de modestie et de

désintéressement qui caractérisaient ses premiers pas, devant cette risée universelle et

vraiment inouïe qu'on lui opposa. Mesmer connaissait le somnambulisme mieux que Puységur

(nous traiterons longuement cette question intéressante) qui, par enthousiasme, avait exagéré

sa valeur ; il le connaissait, sous certains rapports, mieux que les hypnotiseurs d'aujourd'hui,

qui ne connaissent même pas ses élèves. Tout d'abord on se contenta de l'appeler un charlatan,

puis, peu à peu, on commença à découvrir ce qu'il avait découvert, changeant seulement les

noms, pour ne pas se compromettre, mais en lui conservant le titre de charlatan. C'est bête,

mais c'est comme cela. »

J'exposerai ici la théorie de Mesmer en tant qu'elle a trait à notre problème :

« Tout ce qui est accessible à l'investigation peut se résumer en deux mots : matière et

mouvement. Mais, pour arriver à cette conclusion, il faut dégager nos connaissances de cette

empreinte superficielle que leur donnent nos sens. Nous acquérons toutes nos idées par les

sens ; les sens ne nous transmettent que des propriétés, des caractères, des accidents, des

attributs ; les idées de toutes ses sensations s'expriment par un adjectif ou épithète, comme

chaud, froid, fluide, solide, pesant, léger, luisant, sonore, coloré, etc. On substitue à ces

épithètes, pour la commodité de la langue, des substantifs ; bientôt on substantifiera la

propriété : on dit la chaleur, la gravité, la lumière, le son, la couleur, et voilà l'origine des

abstractions métaphysiques.

1 De la suggestion mentale, par le Dr Z. Ochorowicz, ex-professeur agrégé de psychologie et de philosophie de la

nature à l'Université de Lamberg avec préface du professeur Ch. Richet

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On multiplia ces substantifs, on les personnifia, de là les esprits, les divinités, les démons, les

génies, les archées, etc. Il nous reste encore un certain nombre de ces entités qu'il faut

éliminer pour arriver à une vue nette du phénomène. C'est, en général, dit Mesmer, le but que

je me propose d'atteindre.

La matière présente plusieurs degrés de fluidité. L'eau est plus fluide que le sable, puisqu'elle

peut remplir les interstices de ses grains ; l'air plus fluide que l'eau puisqu'il peut se dissoudre

dans celle-ci ; l'éther est plus fluide que l’air..., il est difficile de déterminer où cette

divisibilité finit, mais on peut supposer qu'il y a encore plusieurs degrés de ce genre et qu'il

existe une matière primitive universelle - les découvertes récentes semblent le justifier - dont

la condensation graduée constitue tous les états de la matière. Quoi qu'il en soit, il faut

admettre, suivant Mesmer, que tout espace du monde est rempli, et on peut bien nommer ce

fluide qui remplit tout fluide universel.

Quelques physiciens ont déjà reconnu l'existence d'un fluide universel, mais ils ont eu tort de

préciser les caractères de ce fluide, de le surcharger de vertus et de propriétés spécifiques, que

nous ne pouvons pas connaître. Ce fluide existe, quoique nous ne sentions pas sa présence.

Nous sommes, vis-à-vis de lui, à peu près dans la situation des poissons qui seraient sans

doute fort étonnés si l'un d'eux leur annonçait que l'espace, entre le fond et la surface de la

mer, est rempli d'un fluide qu'ils habitent ; que ce n'est qu'en ce milieu qu'ils se rapprochent,

qu'ils s'éloignent, et qu'il est le seul moyen de leurs relations réciproques. Le fluide universel

n'est que l'ensemble de toutes les séries de la matière la plus divisée, par le mouvement de ses

particules.

Par lui l'univers est fondu et réduit en une seule masse. Tout ce qu'on peut dire de lui, c'est

qu'il est fluide par excellence et, par conséquent, qu'il doit présider surtout à des transmissions

de mouvements plus subtiles que ne le sont celles effectuées par d'autres fluides plus connus.

L'eau peut transmettre le mouvement à un moulin, l’air transmet les vibrations du son, l'éther

celles de la lumière, le fluide universel les vibrations de la vie. Chacune de ces séries

correspond à un degré des phénomènes, et les vibrations de chacune de ces séries ne peuvent

être perçues que dans un degré correspondant de l'organisation (de l'agrégation en général) de

la matière.

Ni la chaleur, ni la lumière, ni l'électricité, ni le magnétisme ne sont des substances, mais bien

des effets du mouvement dans les diverses séries du fluide universel. Sans être pesant ou

élastique, ce fluide détermine les phénomènes de la pesanteur, de la cohésion, de l'attraction,

etc.... à la suite des réactions du mouvement communiqué.

L'attraction, à proprement parler, n'existe pas dans la nature ; elle n'est qu'un effet apparent

des mouvements communiqués, et en général toutes les propriétés et toutes les prétendues

forces ne sont qu'un résultat combiné de l'organisation des corps, et du mouvement du fluide

dans lequel ils sont plongés. C'est ce fluide qui préside aux influences mutuelles de tous les

corps ; et comme ces actions et réactions sont pour ainsi dire symbolisées dans l'influence

mutuelle de l'aimant et du fer, on peut bien donner le nom de magnétisme universel à cette

influence mutuelle générale. Rien n'est soustrait à cette influence, qui peut être plus ou moins

inappréciable, mais qui, théoriquement, n'a pas de bornes. Les corps célestes agissent sur nous

et nous réagissons sur les corps célestes, aussi bien que sur ceux qui nous entourent. C'est

cette propriété du corps animal qui le rend susceptible d'une pareille action et réaction qui, à

cause d'une analogie avec l'aimant, peut être surnommé le magnétisme animal. Par conséquent

le magnétisme, aussi bien universel qu'animal, n'est pas un fluide, mais une action, un

mouvement et non une matière, une transmission du mouvement, et non une émanation

quelconque. Un déplacement quelconque ne peut pas se faire sans remplacement, car tout

l'espace est rempli, ce qui suppose que si un mouvement de la matière subtile est provoqué

dans un corps, il se produit aussitôt un mouvement semblable dans un autre, susceptible de le

recevoir, quelle que soit la distance entre les corps ; que l'aimant nous représente le modèle de

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cette loi universelle et que le corps animal soit susceptible de propriétés analogues à celles de

l'aimant, je crois assez justifier la dénomination de magnétisme animal que j'ai adoptée... Je

vois avec regret qu'on abuse légèrement de cette dénomination ; dès qu'on s'est familiarisé

avec le mot, on se flatte d'avoir l'idée de la chose, tandis qu'on n'a que l'idée du mot. Tant que

mes découvertes ont été mises au rang des chimères, l'incrédulité de quelques savants me

laissait toute la gloire de l'invention ; mais depuis qu'ils ont été forcés d'en reconnaître

l'existence, ils ont affecté de m'opposer les ouvrages de l'antiquité, où se trouvent les mots

fluide universel, magnétisme, influence, etc. Ce n'est pas des mots qu'il s'agit, c'est de la

chose, et surtout de l'utilité de son application.

La vie n'est que la manifestation d'un mouvement subtil, dont la cessation constitue la mort.

Parmi ces mouvements subtils, les sensations occupent une place principale : toutes les

actions sont les résultats de sensations. Les organes des sens correspondent à différents degrés

de subtilité des vibrations qui nous influencent et ne sont susceptibles d'être influencés que

par un genre spécial de vibrations. Mais la matière nerveuse elle-même, comme le produit

suprême de l'organisation, est capable d'être influencée directement par les vibrations les plus

subtiles, c'est-à-dire du fluide universel, et cette faculté, jusqu'ici négligée ou méconnue,

Mesmer l'appelle le sens intérieur. »

Comme nous venons de le voir, les théories de Mesmer ont été mal interprétées par ses

commentateurs, ce qui a fait croire aux magnétiseurs qu'ils disposaient d'une sorte de force

semi-matérielle qui contournait certains corps pour pénétrer dans d'autres plus aptes à la

recevoir et à l'emmagasiner...

Nous aurons l'occasion de revenir aux idées du créateur du magnétisme animal, lorsque nous

nous occuperons du somnambulisme provoqué.

Procédés de Puységur

Le marquis de Puységur (Armand-Marc-Jacques de Chastenet), né à Paris en 1751, mort à

Buzancy (Aisne) en 1825, maréchal de camp sous Louis XVI et nommé lieutenant général par

Louis XVIII, fut un ardent disciple de Mesmer. En 1811, il reprit les expériences de son

maître, que la Révolution française avait interrompues, mais au lieu d'employer la cuve

magnétique, il lui substitua un gros arbre de sa propriété de Buzancy. Des cordes étaient

passées autour des branches et du tronc de cet arbre et les malades en faisaient de même

autour de leur corps ; l'opérateur magnétisait l'arbre... et des guérisons se produisaient...

comme en d'autres lieux du reste, sans magnétisme animal. On conçoit aisément que les

sceptiques avaient beau jeu...

De Puységur modifia et simplifia bientôt sa méthode. Il faisait asseoir le malade à côté de lui

et l'invitait à être calme ; puis, après s'être recueilli un instant, il lui appliquait une main sur la

tête et l'autre sur l'épigastre. Il obtenait ainsi, après un laps de temps plus ou moins long, le

sommeil ou l'engourdissement, suivant l'impressionnabilité du sujet. Plus tard, il modifia

encore son procédé et ne magnétisa plus qu'à distance. Voici le fait qui l'amena à cette

modification : un jour qu'il endormait un jeune homme, il s'aperçut, au bout d'un temps assez

long, que le patient n'éprouvait aucun effet. Machinalement, il retira ses mains et, aussitôt, le

malade se plaignit d'une douleur dans la région épigastrique et d'une gêne dans la respiration.

Il appliqua de nouveau ses mains et les effets cessèrent subitement. Il enleva une seconde fois

ses mains, recula un peu et les dirigea, les doigts en pointe, vers le jeune homme, qui ne tarda

pas à s'endormir d'un profond sommeil, ce qui indique que, parfois, suivant

l'impressionnabilité du sujet, la façon d'opérer a son importance.

On attribue communément au marquis de Puységur la découverte du somnambulisme

provoqué. Tous ceux qui ont étudié la question savent que cela n'est pas exact et que, bien

avant lui et Mesmer, ce phénomène était connu ; néanmoins, il eut le grand mérite d'indiquer

les procédés pour l'obtenir, ce que son maître n'avait pas voulu faire.

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Le somnambulisme donna un grand attrait à l'étude du magnétisme, mais faussa les idées sur

l'importance de cette science naissante, parce que les expérimentateurs cherchèrent

uniquement à obtenir ce phénomène et négligèrent l'action curative du Mesmérisme.

Procédés de l'abbé Faria

Faria (Joseph-Custodi de), né à Goa (Indes Orientales) vers 1755, mort à paris en 1819, rentra

dans les ordres à Rome. Il vint à Paris pendant la Révolution et se mêla activement au

mouvement.

Ce mulâtre, au regard vif et pénétrant, doué de beaucoup de sang-froid, avait tous les attributs

pour faire un excellent magnétiseur2.

Il ouvrit un cours public de magnétisme (1813), qui fut suivi par un certain nombre de

savants.

L'abbé Faria opérait de la manière suivante : il appliquait pendant quelques instants ses mains

sur la tête et sur les épaules du sujet et, quand il jugeait le moment opportun, d'une voix

vibrante et impérieuse il lui commandait de dormir. Il réussissait assez souvent à produire, par

ce moyen, le sommeil nerveux. Quand une personne se montrait deux ou trois fois réfractaire

à sa méthode, il l'abandonnait et la déclarait insensible à l'action magnétique.

Comme on le voit, Faria agissait plutôt par la suggestion verbale, et nous aurions dû placer

son nom parmi ceux des hypnotiseurs ; d'ailleurs, pas plus que ces derniers, il ne croyait à la

transmission de la volonté ; il était, par conséquent, en opposition avec les autres

magnétiseurs mais quoiqu'il soit le père des suggestionnistes, nous le mettons avec les

Mesmériens, ne devant, en bonne logique, commencer l'étude de l'hypnotisme qu'avec Braid.

L'abbé Faria ne s'attachait qu'à produire des effets en public ; il n'eut peut-être pas le temps ni

la patience de rechercher les phénomènes affirmés par les magnétiseurs, ce qui demande de la

persévérance, et c'est pourquoi il soutint des idées erronées.

Procédés de Deleuze

Deleuze (Jean-Philippe-François), naturaliste, né à Sisteron (Basses-Alpes) en 1753 mort à

Paris en 1835, fut aide-naturaliste au Muséum, dont il devint bibliothécaire. Ce savant, outre

ses importants travaux sur le magnétisme animal, publia de nombreux ouvrages sur les

sciences, les lettres, la philosophie, etc.

Deleuze est d'une grande minutie et d'une extrême délicatesse dans ses procédés.

« Lorsqu'un malade désire, dit-il, que vous essayiez de le guérir par le magnétisme, et que sa

famille et son médecin n'y mettent aucune opposition ; lorsque vous vous sentez le désir de

seconder ses vœux et que vous êtes bien résolu de continuer le traitement autant qu'il sera

nécessaire, fixez avec lui l'heure des séances, faites-lui promettre d'être exact, de ne pas se

borner à un essai de quelques jours, de se conformer à vos conseils pour son régime, de ne

parler du parti qu'il a pris qu'aux personnes qui doivent naturellement en être informées

Une fois que vous serez ainsi d'accord et bien convenu de traiter gravement la chose, éloignez

du malade toutes les personnes qui pourraient vous gêner, ne gardez auprès de vous que les

témoins nécessaires, un seul, s'il se peut, demandez-lui de ne s'occuper nullement des

procédés que vous employez et des effets qui en sont la suite, mais de s'unir d'intention avec

vous pour faire du bien au malade. Arrangez-vous de manière à n'avoir ni trop chaud, ni trop

froid, à ce que rien ne gêne la liberté de vos mouvements, et prenez des précautions pour ne

pas être interrompu pendant la séance.

Faites ensuite asseoir votre malade le plus commodément possible, et placez-vous vis-à-vis de

lui, sur un siège un peu plus élevé et de manière que ses genoux soient entre les vôtres et que

vos pieds soient à côté des siens. Demandez-lui de s'abandonner, de ne penser à rien, de ne

2Alexandre Dumas en fit un des principaux personnages de son Monte Cristo.

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pas se distraire pour examiner les effets qu'il éprouvera, d'écarter toute crainte, de se livrer à

l'espérance et de ne pas s'inquiéter ni se décourager, si l'action du magnétisme produit chez lui

des douleurs momentanées.

Après vous être recueilli, prenez ses pouces entre vos doigts de manière que l'intérieur de vos

pouces touche l'intérieur des siens, et fixez vos yeux sur lui. Vous resterez de deux à cinq

minutes dans cette situation ou jusqu'à ce que vous sentiez qu'il s'est établi une chaleur égale

entre ses pouces et les vôtres.

Cela fait, vous retirez vos mains en les écartant à droite et à gauche, et les tournant de manière

que les surfaces intérieures soient en dehors, et vous les élèverez jusqu'à la hauteur de la tête ;

alors vous les poserez sur les deux épaules, vous les y laisserez environ une minute, et vous

les ramènerez le long des bras jusqu'à l'extrémité des doigts, en touchant légèrement. Vous

recommencerez cette passe cinq ou six fois, toujours en détournant vos mains et les éloignant

un peu du corps pour remonter. Vous placerez ensuite vos mains au-dessus de la tête, vous les

y tiendrez un moment et vous les descendrez en passant au devant du visage, à distance d'un

ou deux pouces, jusqu'au creux de l'estomac. Là, vous vous arrêterez un moment, environ

deux minutes, en posant les pouces sur le creux de l'estomac et les autres doigts au-dessous

des côtes, puis vous descendrez lentement le long du corps jusqu'aux genoux. Vous répéterez

les mêmes procédés pendant la plus grande partie de la séance. Vous vous rapprocherez aussi,

quelquefois du malade, de manière à poser vos mains derrière ses épaules, pour descendre

lentement le long de l'épine du dos, et, de là, sur les hanches et le long des cuisses, jusqu'aux

genoux ou jusqu'aux pieds.

Lorsque vous voudrez terminer la séance, vous aurez soin d'attirer vers l'extrémité des mains

et vers l'extrémité des pieds, en prolongeant vos passes au delà de ces extrémités, en secouant

vos doigts à chaque passe. Enfin vous ferez devant le visage et même devant la poitrine

quelques passes en travers, à la distance de trois ou quatre pouces.

Il est essentiel de magnétiser toujours en descendant de la tête aux extrémités, et jamais en

remontant des extrémités à la tête.

Les passes qu'on fait en descendant sont magnétiques, c'est-à-dire qu'elles sont accompagnées

de l'intention de magnétiser. Les mouvements que l'on fait en remontant ne le sont pas.

Lorsque le magnétiseur agit sur le magnétisé, on dit qu'ils sont en rapport, c'est-à-dire qu'on

entend par le mot rapport une disposition particulière et acquise, qui fait que le magnétiseur

exerce une influence sur le magnétisé, qu'il y a entre eux une communication du principe

vital.

Une fois que le rapport est bien établi, l'action magnétique se renouvelle dans les séances

suivantes à l'instant où l'on commence à magnétiser. »

Cette méthode, un peu compliquée, absorbe trop l'attention, qui devrait plutôt être portée sur

les effets à produire. Il est plus rationnel de diriger convenablement sa pensée, et de faire le

moins possible, de gestes car, si les passes absorbent toute l'attention, on a fort peu de chance

de réussir. Or, comme il est rare qu'un insuccès n'amène pas le découragement, l'incrédulité a

la partie belle.

Procédés du baron du Potet

Du Potet (Jules-Denis de Sennevoy, baron), né en 1796 à la Chapelle (Yonne), mort à Paris en

1881, fut le plus ardent propagateur du magnétisme. A peine âgé de 20 ans, il se passionna

pour cette doctrine et, afin d'approfondir plus complètement le sujet, il commença ses études

médicales, qu'il cessa pour se vouer exclusivement à sa science de prédilection, comme il le

dit lui-même.

« Du moment, dit-il, qu'on adopte l'hypothèse d'un agent, les procédés doivent avoir pour but

unique sa transmission rapide. Les magnétistes ont compliqué ce qui doit être extrêmement

simple ; ils ont cherché plutôt dans leur imagination que dans la nature et se sont, de plus en

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plus, éloignés de celle-ci ; il faut donc y revenir et suivre, autant que possible, les leçons

qu'elle nous donne.

Mon premier soin, je puis dire ma première étude, fut de comparer les méthodes enseignées

par tous les auteurs, de varier l'expérimentation afin d'obtenir des résultats comparatifs, et d'en

tirer de justes indications. Ce fut un travail laborieux et difficile, mais il me donna une

supériorité marquée sur les magnétistes, mes contemporains, en me permettant d'agir là où ils

n'obtenaient rien, et de suivre une opération magnétique dans son développement successif.

Ma marche étant éclairée, je savais où j'allais et le magnétisme dès lors n'était plus pour moi

une chose vague autant qu'incertaine, mais, au contraire, un principe fixe, un levier d'une

puissance incommensurable qu'un enfant cependant pouvait faire mouvoir.

J'étudiai particulièrement les propriétés de l'agent magnétique, le dégageant lui-même des

attributs de convention, car, s'il est le véhicule naturel qui transmet nos idées et nos

sentiments, il a un mode d'action qui lui est propre. Je reconnus les erreurs commises, les

fausses idées admises et les phénomènes qu'il m'arrivait de produire avaient dès lors un

caractère déterminé et indélébile.

Voici, sans autre préambule, les procédés qui me sont personnels :

Lorsque le patient peut s'asseoir nous le mettons sur un siège et nous nous plaçons en face de

lui sans le toucher. Nous restons debout, autant que possible, et lorsque nous nous asseyons,

nous tâchons toujours d'être sur un siège un peu plus élevé que le sien de manière que les

mouvements des bras que nous avons à exécuter ne deviennent par trop fatigants.

Lorsque le malade est couché, nous nous tenons debout près de son lit et l'engageons à

s'approcher de nous le plus possible. Ces conditions remplies, nous nous recueillons un instant

et nous considérons le malade avec attention. Lorsque nous jugeons que nous avons la

tranquillité, le calme d'esprit désirables, nous portons une de nos mains, les doigts légèrement

écartés et sans être tendus ni raides, vers la tête du malade ; puis, suivant à peu près une ligne

droite, nous la descendons ainsi jusqu'au bassin en répétant ces mouvements (passes) d'une

manière uniforme pendant un quart d'heure environ, en examinant avec soin les phénomènes

qui se développent.

Notre pensée est active, mais n'a encore qu'un but, celui de pénétrer l'ensemble des organes,

surtout la région où gît le mal que nous voulons attaquer et détruire. Quand un bras est fatigué

par cet exercice, nous nous servons de l'autre et notre pensée, notre volonté, constamment

actives, déterminent de plus en plus l'émission d'un fluide que nous supposons partir des

centres nerveux et suivre le trajet des conducteurs naturels, les bras, et par suite les doigts. Je

dis supposons, quoique pour nous ce ne soit pas une hypothèse. Notre volonté met bien

évidemment en mouvement un fluide d'une subtilité extrême ; il se dirige et descend en

suivant la direction des nerfs jusqu'à l'extrémité des mains, franchit la limite de la peau et va

frapper le corps sur lequel on le dirige.

Lorsque la volonté ne sait pas le régler, il se porte par irradiation d'une partie sur une autre qui

lui convient ou qui l'attire ; dans le cas contraire, il obéit à la direction qui lui est imprimée et

produit ce que vous exigez de lui, quand toutefois ce que vous voulez est dans le domaine du

possible.

Nous considérant donc comme une machine physique, et agissant en vertu de propriétés que

nous possédons, comme nous l'avons dit, nous promenons, sur les trois cavités splanchniques,

nos membres supérieurs, comme conducteurs de l'agent dont le cerveau parait être le réservoir

ou tout au moins le point de départ, en ayant soin que des actes de volonté accompagnent nos

mouvements.

Voici une comparaison qui rendra notre pensée plus compréhensible. Lorsqu'on a l'intention

de lever un fardeau, on envoie la volonté, la force nécessaire aux extrémités, et cette force, ce

principe de mouvement obéit, car si elle ne s'y transportait point nous ne pourrions de même

pour magnétiser.

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Les effets, dont le développement plus ou moins rapide est le fruit ordinaire de toute

magnétisation, apparaissent dès lors en raison de l'énergie, de la volonté, de la force émise, de

la durée de l'action et surtout de la pénétration de l'agent à travers les tissus humains.

Nous avons toujours l'intention que les émissions magnétiques soient régulières et jamais nos

bras, nos mains ne sont en état de contraction ; ils doivent avoir toute souplesse pour

accomplir sans fatigue leur fonction de conducteur de l'agent.

Si les effets qui résultent ordinairement de cette pratique n'ont pas eu lieu promptement, nous

nous reposons un peu, car nous avons remarqué que la machine magnétique humaine ne

fournit pas d'une manière continue, et selon notre désir ou notre volonté, la puissance que

nous exigeons d'elle. Après 5 ou 10 minutes de repos, nous recommençons les mouvements

de nos mains (passes) comme précédemment pendant un nouveau quart d'heure et nous

cessons tout à fait, pensant que le corps du patient est saturé du fluide que nous supposons

avoir émis. »

Tels sont les procédés qu'employait du Potet dans le traitement des maladies. Voici

maintenant celui au moyen duquel il obtenait le sommeil magnétique :

Il s'asseyait en face de la personne qu'il voulait endormir. Il portait une main à la hauteur de la

racine du nez du patient et la descendait lentement jusqu'au creux épigastrique; puis il la

remontait et continuait ainsi ses passes jusqu'à l'obtention du sommeil. Quand un bras était

fatigué, il se servait de l'autre.

Procédés de Lafontaine

Lafontaine (Charles-Léonard), né à Vendôme en 1803, mort à Genève en 1892, fut un

puissant expérimentateur. C'est lui qui, en 1841, donnant des séances publiques de

magnétisme à Manchester, incita Braid à créer l'hypnotisme.

Lafontaine dit : « Pour produire les phénomènes magnétiques, il n'est pas nécessaire de croire

au magnétisme, il suffit d'agir comme si l'on y croyait. La cause étant une propriété physique

de l'homme, elle agit parfois à son insu ; il ne faut qu'un éclair de volonté pour la mettre en

mouvement. C'est ce qui explique comment les incrédules ont souvent produit ces

phénomènes ; de même que, pour être magnétisé, il n'est pas nécessaire de croire et de vouloir

l'être, comme l'ont écrit plusieurs magnétiseurs.

Bien plus, nous préférons magnétiser les personnes qui y mettent de la résistance ; celles-ci,

ignorantes des lois magnétiques, jettent au dehors en un instant tout le fluide qu'elles

possèdent, et, bientôt fatiguées, épuisées, elles succombent promptement au moindre effet

qu'elles ressentent de l'action raisonnée d'un magnétiseur expérimenté.

Avant de commencer l'opération, il faut prier les personnes présentes de s'asseoir et de garder

le silence car il est essentiel que, pendant l'opération, le magnétisé et le magnétiseur ne soient

pas distraits, et que celui-ci observe avec attention toutes les sensations qui pourraient se

peindre sur le visage du magnétisé.

Le magnétiseur en commençant, se concentrera en lui-même et réunira toute sa volonté sur

une seule idée, celle d'agir sur le sujet.

Le patient et le magnétiseur s'assiéront en face l'un de l'autre, les genoux du sujet entre ceux

du magnétiseur, mais sans les toucher, le magnétiseur sur un siège plus élevé, afin de pouvoir

atteindre, facilement et sans fatigue le sommet de la tête du sujet ; puis il touchera l'extrémité

des pouces du patient avec l'extrémité des siens sans les serrer ; ce contact des pouces mettra

en rapport direct le cerveau du magnétiseur avec celui du sujet, les filets nerveux de celui-ci

formant un prolongement aux nerfs du magnétiseur, serviront de conducteur au fluide, et

rendront plus prompt et plus complet l'envahissement du système nerveux du patient.

Le magnétiseur fixera ses yeux sur ceux du sujet qui, de son côté, fera tout son possible pour

le regarder ; il continuera ainsi pendant quinze ou vingt minutes. Il est probable que, pendant

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ce temps, la pupille des yeux du sujet se contractera ou se dilatera d'une manière démesurée,

et que ses paupières s'abaisseront pour ne plus se relever, malgré ses efforts.

Après l'occlusion des yeux, le magnétiseur continuera à tenir les pouces jusqu'au moment où

l'œil ne roulera plus sous les paupières et où la déglutition ne se fera plus ; alors il pourra

lâcher les pouces et, éloignant lentement les mains en les fermant, il les élèvera de chaque

côté du patient jusqu'au sommet de la tête ; puis il imposera les mains au-dessus du cerveau

du sujet, et il les y laissera de dix à quinze secondes ; ensuite, il les descendra lentement vers

les oreilles et le long des bras jusqu'au bout des doigts.

Il fera huit à dix passes semblables, chacune devra durer à peu près une minute.

Après avoir imposé les mains de la même manière il les descendra devant la face, la poitrine

et tout le buste, s'arrêtant de temps en temps à la hauteur de l'épigastre, en présentant la pointe

des doigts. Il continuera ainsi pendant une demi-heure, une heure.

Les impositions et les passes seront faites à quelques pouces de distance sans attouchement.

Chaque fois que le magnétiseur relèvera les mains, elles seront fermées ; il le fera lentement,

de côté et non en face du sujet, et cela afin de ne pas produire dans la circulation un va-et-

vient qui pourrait provoquer une congestion au cerveau, si l'on agissait en face.

Le magnétiseur fera aussi quelques passes en imposant les mains au-dessus du cervelet, et en

les descendant derrière les oreilles et les épaules pour revenir sur les bras.

Depuis le commencement jusqu'à la fin de l'opération, il ne s'occupera que de ce qu'il veut

produire afin que, par la concentration de sa volonté, il provoque l'émission du fluide et le

transmette au sujet.

Le magnétiseur reconnaîtra le sommeil magnétique à une impassibilité cadavérique du visage

et au manque total de déglutition.

Après avoir ainsi opéré pendant un certain temps, si le sujet paraît plongé dans le sommeil, le

magnétiseur pourra lui adresser quelques questions.

Si le sujet est seulement dans un état d'engourdissement ou de sommeil naturel, il se

réveillera. Il faudra alors cesser l'opération et dégager fortement, car il pourrait arriver que,

bien que le patient n'ait point été endormi, il ait été assez envahi par le fluide pour ne pouvoir

ouvrir les yeux.

Mais si le sujet est plongé dans le sommeil magnétique, sommeil profond dont aucun bruit,

aucune sensation ne peuvent le faire sortir, il restera muet. Si le magnétiseur n'est pas trop

fatigué, il continuera à magnétiser pour obtenir le somnambulisme, sinon il réveillera.

Mais si le sujet a passé par le sommeil magnétique et qu'il soit arrivé au somnambulisme, il

entendra le magnétiseur, lorsqu'il lui parlera et il pourra lui répondre. Le magnétiseur pourra

alors continuer les questions pendant quelques instants, car il ne faut pas la première fois

fatiguer les sujets par des expériences ; puis il réveillera.

Lorsque le magnétiseur voudra réveiller, il fera quelques passes des épaules aux pieds, afin de

dégager la tête en entraînant le fluide en bas ; puis, en y mettant un peu de force musculaire, il

fera vivement, devant les yeux et le visage, des passes longues, en les descendant de côté

jusqu'à ce que le sujet donne signe qu'il revient à lui, puis il continuera les mêmes passes

devant la poitrine et le corps entier alors le sujet devra être réveillé, mais non encore dans son

état normal. Le magnétiseur fera une insufflation froide sur les yeux, il touchera les sourcils

depuis leur naissance, afin de dégager entièrement les yeux ; il faudra continuer sans s'arrêter

les mêmes passes sur tout le corps, jusqu'au moment où le sujet sera complètement dégagé. Le

magnétiseur pourra faire aussi quelques passes transversales devant l'estomac.

Il est fort essentiel de bien dégager après avoir réveillé, car souvent il arrive que le sujet qui

ne s'est point laissé débarrasser entièrement éprouve, dans la journée, un peu de lourdeur dans

la tête ou d'engourdissement dans les jambes, ce qui pourrait dégénérer en un malaise général.

Voilà exactement ce qu'il faut faire pour endormir et réveiller sans provoquer d'accident ;

mais il se peut que, tandis qu'on agit ainsi, le sujet, par sa nature même, éprouve divers

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malaises qui pourraient occasionner des accidents, si on ne les faisait pas cesser

immédiatement.

Par exemple, si le sujet avait la respiration gênée et qu'elle le devînt de plus en plus, il faudrait

exécuter vivement des passes transversales devant l'épigastre, afin de dégager les plexus du

fluide qui s'y accumule.

Si le sujet suffoquait, il faudrait poser les doigts d'une main sur l'épigastre, les y laisser et

poser les doigts de l'autre main à la naissance du cou, en les descendant ensuite sur la trachée-

artère et sur les bronches, afin de rétablir la circulation, puis faire quelques passes

transversales devant l'épigastre.

Si le sujet avait des mouvements convulsifs dans les membres, des soubresauts du corps, il

faudrait poser le bout du doigt d'une main sur l'épigastre, pour empêcher les contractions du

diaphragme, puis faire quelques passes transversales devant l'estomac, et enfin quelques

passes longues et lentes, les mains renversées, devant tout le corps pour calmer tout

l'organisme.

Si le sang montait avec violence à la tête, que la face devînt rouge et qu'il y eût danger d'une

congestion, il faudrait attaquer les carotides, en appuyant les doigts dessus et en les

descendant devant la poitrine, et y joindre quelques passes longues et lentes.

Si, après avoir endormi, il ne pouvait pas réveiller, le magnétiseur se reposerait un instant

pour retrouver tout le calme ; il plongerait ses mains dans l'eau fraîche, et après les avoir

essuyées il exécuterait les passes indiquées pour réveiller et il réveillerait.

Depuis le commencement jusqu'à la fin de l'opération, qu'il y ait eu petits malaises ou non, il

est important, très important, que le magnétiseur soit calme et conserve tout son sang-froid. Il

faut qu'il soit bien convaincu que, s'il a eu le pouvoir d'endormir, il a aussi le pouvoir de

réveiller et de faire cesser tous les accidents. Il est d'autant plus essentiel que le magnétiseur

conserve tout son sang-froid que, si malheureusement il se trouble et s'inquiète, il perd toute

sa puissance, et que les plus grands malheurs peuvent en être la conséquence.

Nous ne croyons pas aux grands malheurs que redoute Lafontaine ; nous indiquerons des

procédés plus simples, qui permettront d'éviter tout accident.

Si l'on veut suivre attentivement ces indications, nous pouvons assurer qu'on n'aura point

d'accident à déplorer, et que l'on produira facilement les phénomènes magnétiques.

Par la méthode que nous avons indiquée, nous demandons le contact préalable des pouces,

contrairement à plusieurs magnétiseurs, dont nous reconnaissons le savoir ; mais nous

insistons avec d'autant plus de force et de raison sur ce procédé que l'action par le contact des

pouces est plus puissante et plus complète, que l'envahissement du système nerveux est plus

direct, plus intérieur, puisque ce sont les nerfs mêmes du sujet qui servent de conducteur au

fluide vital jusqu'aux centres nerveux, qui sont mis en rapport exact, par ce moyen, avec ceux

du magnétiseur.

On comprend, on doit comprendre que l'envahissement de l'organisme du patient doit être

d'autant plus prompt et d'autant plus entier que l'action est plus continue et plus directe. Le

magnétiseur est un réservoir dont la soupape est ouverte, et dont le contenu parcourt les

canaux qui lui sont ouverts intérieurement. Rien ne se perd, rien ne peut se perdre ; le fluide

suit le trajet des nerfs, comme le fluide électrique suit le fil de fer qui lui sert de conducteur

dans le télégraphe électrique.

Les effets viennent à l'appui de ce que nous avançons : la torpeur, l'engourdissement,

l'insensibilité, le sommeil se présentent bien plus souvent et d'une manière bien plus complète,

plus exacte et plus prompte, avec le contact des pouces qu'avec la méthode des passes

seulement. Avec celles-ci, vous n'obtenez que des effets superficiels, et avec les pouces vous

agissez promptement et intérieurement sans secousses, vous ne produisez pas l'ébranlement

subit, votre action, continue et douce, s'infiltre insensiblement.

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Quant à la fascination, elle est utile quoiqu'on la blâme ; elle frappe l'imagination et

prédispose le système nerveux à recevoir le fluide qui lui est communiqué.

Nous maintenons donc que la méthode du contact des pouces, et ensuite des passes faites à la

distance de quelques centimètres, est la plus rationnelle et la plus efficace pour produire le

sommeil et pour toute magnétisation généralement. »

Polarité du corps humain

Avant d'indiquer les procédés qui nous sont personnels, pour être complet, nous devons dire

un mot des assertions de Dècle, Sazarain et Durville sur la polarité humaine, dont chacun de

ces Messieurs revendique la paternité.

D'après ces expérimentateurs, le côté droit du corps est positif et le côté gauche négatif ; chez

les gauchers, les rôles sont renversés. Mais une petite complication existe : le côté négatif est

également positif, et vice versa.

Le bras positif, par exemple le droit, a aussi son pôle négatif ; les doigts d'une main possèdent

les deux polarités : c'est légèrement compliqué...

Pour produire le sommeil, il ne s'agit que de présenter ou d'appliquer la main droite, pour les

droitiers, sur la tête du sujet; la main gauche réveille.

Nous avons tenté de nombreuses expériences, pour nous rendre compte de la valeur de ce

procédé, mais nous devons reconnaître que, si le somnambule n'est pas éduqué et si la

suggestion de la parole ou du geste n'est pas saisie, le résultat est nul.

Nous avons assisté, il y a environ trois ans, à une démonstration du docteur Sazarain avec son

sujet favori qui servait à ses études depuis de longues années. Les expériences eurent lieu

chez un de ses amis, artiste peintre bien connu, et en présence d'autres artistes, d'ingénieurs et

de médecins. Chaque fois que des précautions, pour éviter la suggestion, furent prises, le

phénomène annoncé par l'opérateur échoua.

À notre point de vue - il est vrai que nous pouvons nous tromper- les effets obtenus par les

créateurs de cette méthode ne sont dus qu'à l'éducation des sujets.

Sommeil provoqué par la compression des artères carotides

Cet état, quoique ayant quelque analogie avec le sommeil nerveux produit par le magnétisme

ou l'hypnotisme, n'est qu'une espèce de coma occasionné par de l'anémie cérébrale passagère.

En comprimant les carotides, on empêche le sang d'affluer au cerveau et une sorte de sommeil

se déclare. Cet état dure plus ou moins longtemps, et le patient se réveille tout seul. On a pu,

pendant ce coma, pratiquer sans douleurs de petites opérations chirurgicales.

Le docteur Steiner a connu cette pratique à l'île de Java, et voici comment il l'a décrite :

On place les mains sur le cou du sujet, les doigts se rencontrant sur le haut du cou. L'artère

carotide est comprimée avec les pouces en arrière et un peu au-dessous du maxillaire inférieur

; la pression de l'artère est dirigée vers l'épine dorsale. Aussitôt la tête s'incline, et le sujet

semble plongé dans un profond sommeil duquel il se réveille seul, presque subitement, au

bout de quelques instants.

L'effet n'est pas dû à la suggestion, car l'emploi de ce même procédé, sans la compression des

artères ne donne aucun résultat.

Ce procédé a, en Javanais, un nom qui signifie compression des vaisseaux du sommeil.

D'ailleurs, en Russie, le nom populaire de l'artère carotide est : l’artère du sommeil, et carotide

ne vient-il pas du mot grec sommeil ? »

Le docteur Steiner recommande à la chirurgie ; pour les petites opérations, cette méthode, à

cause de sa brièveté, de sa simplicité d'exécution et de la rapidité du réveil. Il n'a jamais

entendu parler d'accidents provenant de cette application. Les patients ne vomissent pas et ils

n'ont ni incontinence d'urine, ni fécale3. 3 Nous avons pu ouvrir des abcès, sans provoquer la moindre douleur.

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Les migraines les plus violentes, d'après Steiner, cessent instantanément durant ce sommeil.

Nous engageons les médecins, mais les médecins seuls, à essayer ce système qui, comme on

le voit, n'a rien de commun avec le magnétisme ou l'hypnotisme, mais qui, cependant, trouve

sa place ici.

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Chapitre II – Nos procédés

Nous donnons ici notre façon d'opérer, pour obtenir le sommeil nerveux et le

somnambulisme.

On verra que nous avons seulement modifié les procédés qui précèdent.

Quand nous voulons produire le sommeil magnétique et le somnambulisme, nous opérons de

préférence dans une pièce plutôt chaude que froide. Nous faisons asseoir commodément la

personne qui veut bien se prêter à nos essais, nous l'engageons à rester passive et à ne pas

s'occuper de ce que nous allons faire.

Nous nous asseyons en face du sujet et nous nous plaçons de façon que les mouvements que

nous sommes obligés de faire ne nous fatiguent pas trop.

Nous prenons les mains de la personne qui veut bien tenter l'expérience ; nous appliquons nos

pouces contre les siens, de telle sorte que le contact ait lieu par la face palmaire, et nous la

fixons dans les yeux, en l'invitant à nous regarder de même.

Nous restons ainsi pendant 10 minutes ou un quart d'heure, et nous observons attentivement

les effets physiologiques - que nous décrirons plus loin - qui se manifestent, ce qui nous

permet de suivre la marche de l'opération.

Si nous avons affaire à une personne impressionnable, ce laps de temps suffit pour obtenir la

clôture des paupières, mais pas toujours le sommeil.

Nous lâchons alors les mains du sujet, et nous nous mettons debout, toujours en face de lui,

afin de pouvoir faire nos mouvements plus librement. Nous élevons nos mains au niveau de sa

tête et nous les plaçons à quelques centimètres au-dessus de celle-ci. Nous les y laissons

environ pendant une vingtaine de secondes, pour les descendre ensuite latéralement à la

hauteur des oreilles, la pointe des doigts tournée vers le cervelet, où nous les arrêtons

également pendant quelques secondes.

Nous faisons ces passes pendant cinq ou six minutes ; puis nous appliquons nos mains : une

sur le front et l'autre sur le cervelet, où nous les laissons aussi cinq ou six minutes.

Pour l'imposition des mains, nous nous plaçons au côté droit ou au côté gauche du sujet;

après, nous nous asseyons de nouveau en face de lui, et nous élevons, à la hauteur de la racine

de son nez, une main que nous descendons lentement jusqu'au sommet de sa poitrine. Nous la

remontons ensuite et nous continuons ainsi jusqu'à ce que nous ayons obtenu l'immobilité et

l'insensibilité absolues. Quand une de nos mains est fatiguée, nous employons l'autre. Nous

avons soin que nos bras conservent toujours leur souplesse, car, s'il n'en était ainsi, nous nous

fatiguerions en pure perte.

De temps à autre, nous nous rendons compte du degré auquel est arrivée la magnétisation, en

prenant un des bras du sujet, en l'élevant à une certaine hauteur et en le lâchant brusquement.

Si le bras conserve la position que nous lui avons donnée, c'est que nous avons déjà produit le

sommeil nerveux.

Cette règle n'est pourtant pas absolue ; mais, quand une sorte de catalepsie se manifeste et

qu'il y a insensibilité, on est sûr du sommeil, mais pas toujours du somnambulisme. Pour

arriver à ce dernier état, il ne reste plus qu'à avoir un peu de patience.

Nous adressons alors la parole au sujet, qui nous fait souvent connaître lui-même le degré de

sommeil dans lequel il se trouve et le nombre de minutes que nous devons encore employer à

la magnétisation.

Parfois les mâchoires du sujet se contractent, et il est dans l'impossibilité de nous répondre.

Pour faire cesser cette contracture, nous pratiquons un léger massage sur les masseters.

La paralysie de la langue peut également se produire : de légères frictions sous le menton et

sur la partie antérieure du cou la font promptement disparaître.

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Si le patient éprouve de la fatigue, s'il souffre d'une douleur quelconque, pour mettre fin à ces

malaises sans importance, il suffit de promener les mains sur la partie affectée.

Enfin, si l'on avait affaire à une indisposition plus sérieuse, il faudrait réveiller le sujet.

Réveil

Il est beaucoup plus facile de réveiller un sujet que de l'endormir et, en suivant nos

indications, on ne rencontrera plus les accidents signalés par quelques auteurs.

Avant tout, il faut pratiquer un malaxement général sur les épaules, les bras et les jambes, en

commençant toujours de haut en bas, Après quelques minutes de cette pratique, faire quelques

frictions, dans le même sens et sur les mêmes parties ; ensuite, des passes transversales

rapides devant le visage, la poitrine et, au besoin, sur le sommet du crâne, et enfin souffler

fortement et à plusieurs reprises sur le front. Si, malgré cela, le patient restait en état de

somnolence, il suffirait de masser légèrement les membres inférieurs pour le dégager

entièrement.

Prodromes du sommeil magnétique

Le sommeil nerveux est toujours précédé de certains symptômes, en assez grand nombre, et

qui varient avec les tempéraments. Ainsi, une personne lymphatique n'éprouve pas les mêmes

effets ressentis par une personne nerveuse ou sanguine ; d'autre part, la violence et la rapidité

des phénomènes produits est en rapport direct avec l'impressionnabilité des sujets.

L'opérateur doit toujours être attentif, de façon à ne pas laisser passer inaperçus les effets qui

se manifestent, car ils échappent facilement à l'observation et se succèdent avec rapidité.

Voici l'énumération des plus fréquents :

Sensation de chaleur, légers frissons, déglutition répétée, titillations nerveuses, secousses

nerveuses légères ou fortes, pesanteur du corps, lourdeur de la tête, spasmes musculaires,

fatigue des paupières, strabisme, clignotement des paupières, larmoiement, engourdissement

général, légère suffocation, accélération ou ralentissement de la respiration, transpiration,

pâleur ou rougeur du visage, bâillement, tremblements nerveux, et, enfin, clôture des

paupières.

Une profonde inspiration indique que le patient est endormi.

Fréquemment, après la clôture des paupières, le sujet ne peut, malgré de grands efforts, ouvrir

les yeux qui, dès lors, roulent dans leur orbite, avec un mouvement de droite à gauche ou de

gauche à droite, de haut en bas ou de bas en haut.

Parfois le corps est pris de convulsions : ce sont probablement celles qui constituaient les

crises de Mesmer. Mais, de nos jours, elles ne sont considérées que comme le résultat de

causes accidentelles qu'il faut faire cesser.

Nous avons rencontré, chez quelques personnes indemnes d'affections nerveuses quelconques,

sans tare héréditaire, un phénomène bizarre qui fatigue beaucoup le patient : une hilarité

étrange et communicative qui dégénérerait facilement en crise de nerf, si on n'y portait

immédiatement remède.

Il est de la plus haute importance, pour l'expérimentateur, de conserver, quoi qu'il arrive, tout

son sang-froid, afin qu'il soit apte à faire cesser promptement tout ce qui peut se passer

d'anormal pendant une opération.

Quand nous endormons une personne pour la première fois, nous ne la laissons pas plus d'une

demi-heure dans cet état ; mais, après plusieurs séances, nous pouvons sans crainte faire durer

plus longtemps le sommeil.

Nous engageons les débutants à ne pas se laisser décourager par un ou plusieurs insuccès.

Quand ils rencontreront un sujet qui éprouvera une partie des effets que nous avons énumérés,

ils pourront répéter la magnétisation le lendemain et les jours suivants, avec la certitude de

l'endormir, après un nombre plus ou moins grand de séances.

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Les signes précurseurs du sommeil, que nous indiquons, se manifestent presque toujours, mais

tous ne se produisent pas à la même séance et sur le même sujet. Aussi, ce que nous avons de

mieux à faire, c'est de recommander aux expérimentateurs novices d'observer ce dont ils

seront témoins, et ils ne tarderont pas à acquérir une expérience qui leur permettra de marcher

plus sûrement dans cette voie qu'ils ne le feraient en suivant la théorie la plus minutieuse.

Accidents qui peuvent se produire pendant la magnétisation

Ces accidents se rencontrent rarement, et ils ne se produisent généralement que chez les

personnes prédisposées.

Chez certains sujets à tempéraments spéciaux, des crises, plus ou moins violentes, se

déclarent assez souvent et laissent après elles une courbature assez forte qui dure parfois

plusieurs jours. Avec les précautions indiquées, on évitera aisément ces petits inconvénients.

Avant de procéder à l'opération, interrogez la personne qui veut s'y soumettre, et si elle a une

affection cardiaque, si elle a eu des crises nerveuses ou des évanouissements, abstenez-vous

d'agir sur elle, car, cinq fois sur dix, vous produiriez ces accidents.

Evitez, autant que possible, les crisiaques, car ils peuvent vous donner un spectacle peu

agréable ; néanmoins, une crise de plus ou de moins ne tire pas à conséquence.

Il peut arriver pourtant que des personnes qui n'ont pas, jusque-là, éprouvé les indispositions

dont nous venons de parler soient prises, pendant la magnétisation de spasmes nerveux, qui se

transforment rapidement en crise nerveuse violente.

Voici les symptômes ordinaires de ces crises : soubresauts nerveux plus ou moins précipités,

grincements des dents, raideur cataleptique des bras et des jambes, rires convulsifs, gaieté

inusitée, larmes abondantes, pâleur brusque du visage avec transpiration abondante, rougeur

du visage avec oppression, etc.

Tous ces symptômes peuvent se produire après quelques minutes de magnétisation, ou encore

lorsque le sujet est à la limite du sommeil. Toutes les fois que l'on essaye d'endormir une

personne, si l'on remarque des secousses nerveuses intenses, appliquer une main sur le front et

l'autre sur la poitrine, exercer une légère pression et avoir le désir ferme de la calmer ;

pratiquer un léger massage sur la partie affectée et dire à la personne de ne pas se troubler de

ne pas avoir peur, de se calmer, qu'elle ne risque rien.

Si, par ce moyen, on n'a pas réussi à obtenir le calme après deux ou trois minutes la dégager -

qu'elle soit endormie ou seulement assoupie - en employant les procédés que nous avons

indiqués.

Avant d'énumérer les principaux accidents qui peuvent se produire dans le cours d'une

opération magnétique nous devons répéter, afin de rassurer les esprits timides, que ces

accidents, très rares d'ailleurs, n'ont jamais eu une issue funeste. Néanmoins, si on agissait sur

un cardiaque aortique, par exemple, une réaction nerveuse, un choc psychique, si nous

pouvons employer ce mot, pourrait occasionner la mort subite, à laquelle prédispose cette

affection : voilà pourquoi il est prudent d'éliminer ces malades des expériences magnétiques.

En suivant scrupuleusement nos conseils, il sera toujours facile de combattre, à leur début, des

accidents qui pourraient fatiguer non seulement le sujet, mais aussi et surtout l'opérateur.

Outre les accidents nerveux qui se déclarent chez les névropathes, et les syncopes qui

s'observent chez certains cardiaques, des effets ennuyeux peuvent se présenter chez certains

sensitifs : contractures musculaires, dyspnée, hébétude, paralysies diverses, énervement

considérable et forte lourdeur de tête au réveil.

Pour dissiper ces malaises, il suffit de pratiquer un massage général, de la tête aux pieds ; de

souffler froid sur le front et le cœur ; de faire des passes transversales rapides devant le visage

et la poitrine, et de terminer l'opération par des frictions sur les membres inférieurs,

accompagnées de tapotements, et toujours de haut en bas. Parfois un sommeil profond,

léthargique, se déclare ; on éprouve quelquefois, dans ce cas, de la difficulté pour réveiller le

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sujet. Certains praticiens affirment avoir été obligés de laisser dormir pendant plusieurs jours

des sujets, parce qu'ils ne parvenaient pas à les réveiller. Jamais nous n'avons rencontré

pareille résistance.

En procédant comme nous l'indiquons, on se rendra facilement maître de ce tenace sommeil ;

d'ailleurs qu'on se rassure, cet état n'a rien de dangereux pour le dormeur, car nous sommes

convaincus qu'il cesserait de lui-même. Néanmoins, ne fut-ce qu'à cause des parents où des

amis du sujet, il faut se hâter de le réveiller. Pour cela, comme nous l'avons dit, on aurait

recours aux grandes frictions, au massage énergique de tout le corps, en même temps qu'on

soufflerait froid sur le front et sur le cervelet. Enfin, si, malgré tous ces soins, le sommeil

persistait, on placerait le patient dans un courant d'air, on frapperait ses tempes avec une

serviette mouillée, on tremperait ses mains dans une cuvette d'eau froide, jusqu'à ce qu'on ait

obtenu le réveil, ce qui ne saurait tarder.

Procédé neuroscopique

Notre procédé repose sur un fait physiologique inconnu avant nous, très curieux, très

intéressant à étudier et dont l'explication nous paraît difficile ; nous essayerons cependant de

la donner à la partie théorique.

Nous prions la personne que nous voulons soumettre à ce procédé de se tenir debout devant

nous ; nous plaçant alors derrière elle, nous lui appliquons légèrement les deux mains ouvertes

sur les omoplates, le plus près possible de leur bord spinal, les doigts aboutissant vers le tiers

interne de la fosse sus-épineuse. Le plus souvent, après 30 ou 40 secondes d'imposition, le

patient, que nous n'avons nullement prévenu des effets que nous cherchons à produire,

éprouve une sensation de chaleur plus ou moins vive, qui ne tarde pas à se propager dans tout

le dos. D'autres fois, ce sont des frissons qu'il ressent dans la même région avec une sorte de

pesanteur sur les épaules, ou d'autres fois encore une impression de froid glacial.

Parfois enfin, aucune impression ne se produit, tant que les mains restent appliquées. Mais,

dans tous les cas, du moins lorsque nous avons affaire à un sujet impressionnable, au moment

même où nous retirons nos mains, il se sent fortement attiré en arrière, et cette attraction est

souvent si soudaine et si irrésistible qu'il en perd l'équilibre et qu'il tomberait tout d'une pièce

si nous ne le soutenions pas. Ce qui est plus surprenant, c'est que ce même phénomène

d'attraction se produit aussi sans contact, lorsque nous présentons nos mains vis-à-vis des

omoplates, à une distance qui peut varier de quelques centimètres à plusieurs mètres.

Malgré la distance, le sujet croit sentir la chaleur rayonnée de nos mains, et chaque fois que

nous nous déplaçons lentement en arrière, il a l'illusion que des fils le tirent dans notre

direction.

Nous n'avons pas besoin de dire que tous ces effets s'obtiennent à travers les vêtements, et par

conséquent sans faire déshabiller le sujet.

Comme on le voit, ce procédé n'a rien de ridicule et peut s'appliquer à toute personne sans

qu'elle se doute de la source des effets qu'elle ressent et de l'intention de celui qui recherche

son degré de suggestibilité.

Comment avons-nous été amené à découvrir ce fait physiologique qui sert de base à notre

procédé ?

Il faut bien le dire, cette découverte, nous la devons au hasard ; qu'on nous permette ici de

raconter le détail suivant :

Un jour de l'année 1878, nous nous promenions dans les environs d'Orange (Vaucluse) avec

un de nos amis, M. A de M..., âgé d'une cinquantaine d'années. Nous étions arrêtés au bord

d'une route pour observer les allées et venues d'un insecte. Comme notre ami était penché

devant nous, un mouvement involontaire nous fit appliquer la main droite sur ses épaules,

près de la nuque. Aussitôt il se retourna brusquement en disant: Retirez votre main, vous me

brûlez avec votre cigarette. » Il nous fut facile de lui prouver que nous n'avions aucune

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cigarette à la main et pour mieux le convaincre de son erreur, nous appliquâmes la main de la

même façon une seconde fois. Il se plaignit encore d'avoir éprouvé une sensation de brûlure,

et au moment où notre main quitta ses épaules nous le vîmes, avec surprise, chanceler et

tomber presque en arrière. Curieux de vérifier un fait qui nous paraissait si étrange, nous

demandâmes au frère de M. A. de M..., qui dirigeait une grande fabrique, l'autorisation

d'essayer cette singulière action de la main sur ses ouvriers. Près de deux cents sujets,

hommes et femmes, furent mis à notre disposition. Sur une cinquantaine environ que nous

expérimentâmes, 30 présentèrent, à des degrés divers, les mêmes phénomènes que M. A. de

M...

Des recherches ultérieures nous apprirent que toutes les personnes qui réagissaient ainsi sous

l'influence de l'application de la main étaient magnétisables à différents degrés.

La première utilité de ce procédé, c'est de pouvoir diagnostiquer la plus ou moins grande

impressionnabilité des individus ; la seconde, qui n'est pas moins importante, c'est de

développer les phénomènes d'une façon très rapide et efficace.

Il suffit, pour obtenir la deuxième série d'effets, de continuer l'application de la main à peu

près dans les mêmes conditions, en prolongeant simplement la durée et en variant les points

d'application. Tout se passe alors comme si on magnétisait le sujet, mais avec cette différence

capitale qu'on ne l'endort pas en réalité, car il garde toute sa conscience, toute sa raison, toute

sa volonté et, une fois sorti de cet état, il se souvient de tout ce qu'il a pu faire ou ressentir.

Une autre supériorité de ce procédé sur les procédés classiques c'est, en quelque sorte, son

élégante simplicité. Nul besoin ici de fatiguer le sujet, par la fixation du regard, de l'astreindre

à une position incommode ou ridicule et, ce qui n'est pas moins précieux, nulle conséquence

pénible ou dangereuse à redouter, pour la suite de l'expérimentation.

L'état particulier qu'on peut déterminer chez un grand nombre d'individus, par l'emploi de

cette méthode, peut être envisagé à deux points de vue distincts : d'abord au point de vue

expérimental, ensuite au point de vue thérapeutique.

Voici la série d'expériences qu'on peut réussir, en modifiant plus ou moins notre procédé

fondamental.

Une fois qu'on a reconnu l'impressionnabilité du sujet, s'il oppose consciemment ou

inconsciemment une certaine résistance, il est bon alors, pour développer sa sensibilité, de

titiller rapidement avec le pointe des doigts et de malaxer ensuite les muscles trapèze et sus-

épineux ; à ce moment, si on retire lentement les mains, le sujet ne tarde pas à reculer, comme

attiré par l'opérateur. Pour l'entraîner tout à fait, il suffit d'appliquer les mains à plusieurs

reprisses et de recommencer à titiller et malaxer les muscles de cette région.

On pratique ensuite une légère friction sur l'épine dorsale, et on arrête la main sur la région

sacrée où on la laisse une ou deux minutes. Les personnes un peu sensibles ne tardent pas à

accuser des fourmillements dans les membres inférieurs, de la faiblesse dans l'articulation du

genou, des tremblements nerveux plus ou moins apparents se transformant, chez ceux qui

résistent beaucoup, en trépidations épileptoïdes et finissant, bon gré mal gré, par les faire

tomber sur les genoux.

Pour combattre plus efficacement toute résistance, on peut pratiquer une sorte de massage sur

les muscles fessiers, en comprimant légèrement les nerfs sciatiques à leurs points

d'émergence.

Quand, par ces manœuvres on est arrivé à développer la sensibilité d'un sujet, et cela demande

quelquefois trois ou quatre minutes seulement, on n'a plus besoin du moindre contact pour

produire la plus grande partie des phénomènes considérés jusqu'ici comme nécessairement

liés au sommeil nerveux, à savoir : contractures, paralysies, mouvements involontaires,

anesthésie, hyperesthésie et suggestions diverses. Et toutefois, insistons sur ce point très

important : le sujet ne dort nullement, il répond à toutes les interpellations, résiste de son

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mieux, se rend parfaitement compte de tout ce qu'il est obligé de faire ; mais, malgré tous ses

efforts, il ne peut se soustraire à l'influence de l'opérateur.

Nous ne croyons pas utile d'énumérer ici toutes les expériences qu'on peut réussir à ce

moment-là ; elles sont tombées d'ailleurs dans le domaine public et tout le monde les connaît :

qu'on sache seulement qu'elles sont très nombreuses et identiques à celles que pratiquent tous

les expérimentateurs, sauf qu'on les produit, dans ce cas, chez des sujets entièrement éveillés

et n'ayant encore jamais été endormis ou fascinés, ce qui ne se faisait pas avant nous. Notons

cependant que si on voulait produire le sommeil, rien ne serait plus facile. Le sujet étant

amené à ce point de sensibilité, il suffirait de lui appliquer une main sur le front et l'autre sur

l'occiput, pour le plonger dans un sommeil profond.

Nous avons nommé neuroscopie le procédé que nous employons pour rechercher les aptitudes

au sommeil nerveux, pour reconnaître les personnes susceptibles d'éprouver rapidement les

effets magnétiques ou hypnotiques.

Le mot plus exact serait assurément neurexioscopie, des mots grecs : neuron, nerf ; exis,

manière d'être habituelle, et scopein, examiner. De même qu'on appelle stéthoscopie,

laryngoscopie, rhinoscopie, otoscopie, etc., l'exploration de la poitrine, du larynx, du nez, des

oreilles, etc., il nous est permis, ce nous semble, quoi qu'il ne soit guère possible d'explorer

directement le système nerveux comme on explore ces différents organes, d'employer le mot

neuroscopie ; car, en définitive, c'est bien à l'état du système nerveux qu'il faut rattacher cette

impressionnabilité particulière que l'on rencontre chez les sujets magnétiques ou hypnotiques

? Par conséquent, la recherche du degré d'impressionnabilité est bien une exploration indirecte

de ce système.

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Chapitre III – Théories des magnétiseurs

Nous avons parlé des théories de Mesmer sur le fluide universel, lorsque nous avons décrit ses

procédés, et nous avons pu constater que ce savant, si bafoué, avait des conceptions autrement

élevées et scientifiques que ses détracteurs. Nous aurons l'occasion, dans la suite de ce travail,

de comprendre la portée des enseignements de ce Maître.

Avant lui, des hommes éminents avaient avancé à peu près les mêmes hypothèses, lesquelles,

de nos jours et pour nous, sont des réalités incontestables.

Le docteur Lecot, professeur de Physiologie, en 1767, soutenait, en quelque sorte, la théorie

du fluide magnétique, qu'il nommait fluide animal. Ce fluide, dit-il, affecté du caractère

particulier d'une passion, en porte l'impression jusque dans le fluide animal des autres

individus, car les sensations et les passions consistent dans des modifications du fluide

animal, et ces caractères se communiquent aux fluides de même espèce, et sont susceptibles

de changement à tout instant.

Dès qu'on se rendra aux faits évidents qui prouvent que les différents caractères du fluide

animal et des fluides végétaux produisent dans les fluides des autres individus des émotions,

des changements de caractères, des révolutions considérables, suivant leur consonnance ou

dissonnance, on n'aura pas de peine à concevoir tous les effets qui résultent de leur concours

naturel ou de leur conflit, de quelque genre que ce soit, intellectuel, animal ou animo-végétal.

Dans son Histoire critique du magnétisme, Deleuze dit :

Un somnambule saisit la volonté de son magnétiseur. Il exécute une chose qui lui est

demandée mentalement. Pour se rendre raison de ce phénomène, il faut considérer les

somnambules comme des aimants infiniment mobiles : il ne se fait pas un mouvement dans le

cerveau de leur magnétiseur sans que le mouvement ne se répète chez eux, ou du moins sans

qu'ils ne le sentent. »

On sait, dit cet auteur, que si l'on place à côté l'un de l'autre deux instruments à l'unisson, et

qu'on pince les cordes du premier, les cordes correspondantes du second résonnent d'elles-

mêmes. Ce phénomène physique est semblable à celui qui a lieu dans le magnétisme. » La

logique nous porte à supposer cependant que l'influence du magnétiseur sur le magnétisé ne

peut naître que d'une différence de potentiel fluidique.

Nombre de personnes qui ont étudié et pratiqué le magnétisme affirment avoir produit des

effets à distance et tout à fait à l'insu des magnétisés.

Voici ce que Deleuze dit à ce sujet :

Quoi qu'il soit très difficile d'expliquer comment le fluide magnétique peut agir d'un

appartement à l'autre la plupart des magnétiseurs en sont convaincus. J'ai moi-même fait des

expériences qui tendent à le prouver. Cependant, ce phénomène étant du nombre de ceux qui

me paraissent inconcevables, j'invite les magnétiseurs à l'examiner de nouveau et à ne le

croire vrai qu'après l'avoir constaté par leur propre expérience. Au reste, la lumière et le son se

portent à de très grandes distances sans qu'on puisse concevoir, dans le mobile qui les envoie,

une force assez grande pour les pousser rapidement, même au travers des corps. Que la

lumière soit une émanation des corps lumineux, ou un ébranlement imprimé à l'éther, il n'est

pas plus aisé de comprendre comment l'éclat d'un charbon ou d'une bougie se fait apercevoir

instantanément à une grande distance, au travers des corps transparents, ni comment la

lumière d'une étoile arrive jusqu'à nous. Peut-être des phénomènes que nous refusons de

croire parce que nous ne les avons point observés, ne sont-ils pas plus incompréhensibles que

d'autres, qui ne nous étonnent point parce que nous les voyons tous les jours. »

Pour que le fluide qui part de moi agisse sur celui de l'homme que je magnétise, il faut que les

deux fluides s'unissent, qu'ils aient le même ton de mouvement. Si je magnétise avec volonté

et avec attention et que celui sur lequel je veux agir soit dans un état passif ou d'inaction, ce

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sera mon fluide qui déterminera le mouvement du sien. Il se passe alors quelque chose de

semblable à ce qui a lieu entre un fer aimanté et un qui ne l'est pas : lorsqu'on passe plusieurs

fois et dans le même sens l'un sur l'autre, le premier communique à l'autre son mouvement ou

sa vertu. Ceci n'est point une explication, mais une comparaison. »

Une fois que les nerfs sont abreuvés d'une certaine quantité de fluide, ils acquièrent une

susceptibilité dont nous n'avons aucune idée dans l'état ordinaire. Considérez l'individu

magnétisé comme faisant en quelque sorte partie de son magnétiseur, et vous ne serez plus

étonné que la volonté de celui-ci agisse sur lui et détermine un mouvement. Voilà tout ce que

je puis dire sur le principe de l'action magnétique et sur l'influence de la volonté. »

De Puységur avait une théorie particulière et personnelle. Connaissait-il celle de son maître ?

Il est probable que non, ou bien il ne l'avait pas comprise. Pour lui, tout était transmission du

mouvement. Mais ce qu'il avait surtout retenu des leçons de Mesmer, c'étaient les faits.

Je me garderai donc bien, dit-il, de préférer à une certitude acquise par l'expérience,

l'hypothétique probabilité d'un fluide magnétique, dont aucun physicien n'a pu constater

l'existence. »

Nous verrons, lorsque nous étudierons les phénomènes psychiques, que les savants

contemporains ont constaté une force qui a de grandes analogies avec le fluide des

magnétiseurs.

Tous les magnétiseurs du siècle dernier n'admettaient pas absolument les théories du médecin

viennois et de ses principaux continuateurs. Les uns, comme l'abbé Faria, ne croyaient pas à

l'action d'un fluide transmissible de l'opérateur à l'opéré ; d'autres pensaient que la volonté

n'émettait pas de fluide, qu'elle agissait seulement sur l'opérateur, en provoquant dans son

organisme un état d'exaltation propre à produire un ébranlement dans son système nerveux,

lequel se communiquait à l'air ambiant et provoquait des vibrations ou des ondulations qui

atteignaient le patient ; d'autres admettaient que la volonté provoquait une onde fluidique

allant frapper le sujet.

Les spiritualistes, ne voyaient dans la production des phénomènes magnétiques que les

manifestations de l'âme ou de l'esprit.

A ce sujet le docteur Billot dit :

L'influence que l'homme exerce sur l'homme par l'action du magnétisme vient d'un auxiliaire

ou inconnu ou méconnu et dont la présence peut seule donner la solution des phénomènes

magnétiques. »

Le marquis de Mirvilie fait intervenir le démon, les mauvais esprits.

Du Potet était volontiste et croyait à l'émission d'un fluide.

Lafontaine soutenait la théorie du fluide vital.

Les partisans de la volonté, dit-il, semblent s'appuyer sur un autre exemple pour défendre leur

cause. Lorsqu'un magnétiseur endort à distance, sans faire un mouvement, un sujet qu'il a

l'habitude de magnétiser, ou même qu'il magnétise pour la première fois, ils prétendent que la

volonté agit seule. C'est une erreur. Le magnétiseur, en se concentrant en lui-même, provoque

l'émission d'un fluide qui va frapper le sujet et l'endort. Là, comme partout, il y a une simple

projection du fluide vital. »

Le docteur Baretti appelle le fluide vital de Lafontaine force neurique rayonnante ; d’autres

médecins : influx nerveux, etc... Le docteur Despine, fils, dans un travail publié en 1880,

Etude scientifique sur le somnambulisme, émet une théorie qui se rapproche beaucoup de

celle de Mesmer : une action à distance, dit Despine, sur les phénomènes psychiques des

somnambules, ne pouvant plus être mise en doute, cherchons à l'expliquer au moyen des

agents naturels. Disons en premier lieu que l'expression action à distance est issue de la

croyance qu'il y a du vide dans la nature. Or, il n'en est point ainsi. » Qu'en sait-il ?

Les recherches des physiciens modernes confirment la manière de voir de Newton, en ce sens

qu'elles prouvent que le vide n'existe pas, que l'espace est plein de la matière éminemment

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subtile appelée éther, dont les attributions sont non seulement la transmission de l'électricité et

du magnétisme terrestre, mais encore celle de la lumière et de la chaleur. Les vastes régions

interstellaires ne sont donc pas des régions de vide et d'isolement. Nous les trouvons remplies

de ce milieu qui s'étend partout, si bien que quand une molécule d'hydrogène vibre dans

Sirius, le milieu en reçoit une impulsion ; mais la distance de cette étoile est si grande que

cette impulsion reste trois années pour arriver à la terre. Et cependant cette distance n'altère en

rien les vibrations transmises. »

Pourquoi n'aurait-il pas une égale importance dans la nature organique ? Ne peut-on pas

supposer avec raison que ce qui, dans ce milieu universel, est le principe de la lumière, de

l'électricité et de la chaleur, peut bien, uni à la substance nerveuse, être le principe de la vie

chez l'animal doué du système nerveux, et par conséquent le principe de l'activité de ce

système et de ses diverses fonctions ? Quand on songe que ce système n'est pas absolument

nécessaire à la vie, puisque les végétaux et les animaux les plus inférieurs en sont dénués ;

quand on songe que la lumière, la chaleur et l'électricité, c'est-à-dire les principales

manifestations de l'éther, sont nécessaires à la vie, puisque partout où elles sont insuffisantes

la vie végétale et la vie animale sont impossibles, et que la vie est d'autant plus active que ses

manifestations sont plus puissantes, quand on songe à tout cela, disons-nous, n'est-on pas en

droit de supposer que le principe de la vie dans les corps organisés réside réellement dans ces

trois manifestations de l'éther et que le système nerveux n'est nécessaire que pour présider à la

spécialité de chaque fonction, alors que l'éther le met en activité ? Cette hypothèse nous paraît

assez rationnelle pour que nous nous permettions de la soumettre à l'appréciation des

savants.»

D'après ces données, on conçoit comment l'activité cérébrale qui préside aux manifestations

psychiques puisse, sous certaines conditions d'impressionnabilité, retentir d'une façon efficace

sur le cerveau d'un autre individu au moyen de l'éther, y déterminer une activité de même

nature, et y faire surgir des éléments instinctifs, des pensées, des représentations mentales et

des volontés semblables. Tout acte psychique a incontestablement pour cause une

modification cérébrale des vibrations, un mode particulier d'activité dans les cellules de la

substance grise du cerveau. Ces vibrations ne sont pas, il est vrai, susceptibles d'imprimer, par

l'intermédiaire de l'éther, des vibrations semblables dans les cerveaux sains environnants.

Cependant, quelques faibles que soient ces vibrations, elles ne se propagent pas moins en

dehors, frappant ces cerveaux sans effet. Mais supposons que, parmi ces cerveaux, il s'en

rencontre un qui soit dans un état d'impressionnabilité telle qu'il soit influencé par les

vibrations éthérées, provoquées par l'activité d'un cerveau sain, et que ces vibrations

produisent dans ce cerveau impressionnable des vibrations identiques, l'activité de cet organe

donnera certainement lieu à des idées semblables. Ainsi s'explique naturellement la

transmission de la pensée, de la volonté d'un individu à un autre, sans signes extérieurs. Si

cette action est rare, cela ne tient ni au mode d'action du fluide éther, ni aux lois qui dirigent

ce mode d'action, deux choses qui ne changent pas ; cela tient à l'état particulier dans lequel le

système nerveux peut être influencé par cette action si faible, état qui réside surtout dans une

sensibilité extrême, anormale, pathologique (pas toujours) et heureusement rare de ce

système. L'action de l'agent est toujours la même ; ce qui varie et rend le phénomène rare,

c'est l'état des organes nerveux qui reçoivent l'action de l'agent. »

Au moyen de cette cause de transmission qui n'est pas douteuse, et qui ne peut tenir sur la

réserve, pour le cas présent, que parce qu'elle n'est pas encore rentrée dans le domaine de nos

connaissances vulgaires, s'explique non seulement la transmission de la pensée chez les

somnambules, mais encore la raison par laquelle les personnes dont la constitution nerveuse

est puissante, dont l'activité cérébrale est énergique et dont la volonté est forte, sont plus

aptes, à magnétiser que les personnes à constitution faible. On s'explique aussi la contagion

nerveuse, admise par M. Bouchut, contagion qui propage à distance, dans certaines

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conditions, les phénomènes somatiques et psychiques, qui caractérisent les diverses folies

épidémiques ; on s'explique l'ascendant que les âmes fortes exercent sur les âmes faibles ; on

s'explique organiquement la contagion des éléments instinctifs, la contagion morale ; on

s'explique pourquoi des procédés magnétiques, des passes soit au contact, soit à distance,

peuvent produire les divers phénomènes dits magnétiques ; on s'explique pourquoi les organes

rendus très impressionnables par une maladie et les organes les plus fournis de ganglions et de

nerfs, tels que la tête, l'épigastre, le trajet des cordons nerveux, le cou, les bras, les extrémités

digitales, sont les parties les plus impressionnées par les passes; on s'explique enfin cette

action si remarquable de la volonté de certains individus sur d'autres individus, sans signe

extérieur... effet que nous avons vu se produire d'une façon si remarquable par Castellan,

condamné pour viol aux assises de Draguignan. »

S'il n'intervient ni fluide nerveux ni fluide magnétique dans les phénomènes dits de

magnétisme animal, ainsi que le supposait l'ancienne théorie, le fluide universel y intervient

positivement, si ce n'est comme cause directe des phénomènes, du moins comme agent de

transmission du mode d'activité du système nerveux d'une personne au système nerveux d'une

autre personne. »

Dans son travail du magnétisme animal, paru en 1884, le Dr Perronet émet la théorie suivante,

qu'il nomme ondulationisme.

La suggestion, dit-il, est un phénomène par lequel un individu transmet à un ou plusieurs

autres individus ses propres pensées, conscientes ou inconscientes, en les matérialisant dans

les formes des objets représentés par elles, et en passant par une série de phénomènes

intermédiaires :

1° Ondulations nerveuses d'origine centrale et à directions centrifuges, lesquelles ondulations

sont provoquées par un mécanisme inconnu, dans les organes qui servent de support à ses

facultés psychiques ;

2° Ondulations à la périphérie de son corps, de contractions fibrillaires ou autres phénomènes

kinésiques, le plus souvent inconscients ;

3° Ondulations déterminées dans le milieu cosmique par les mouvements précédents ;

4°Chocs des extrémités nerveuses des individus récepteurs par ces ondulations cosmiques qui

produisent dans les centres psychiques de ceux-ci le dernier phénomène ondulatoire, traduit

par la perception réelle de l'objet signifié par l'idée. »

Le Dr J. Ochorowicz dit au chapitre VII de son livre la Suggestion mentale: Que veut dire

expliquer ? »

Expliquer ne veut dire autre chose que réduire l'inconnu au connu, et il n'y a qu'un seul moyen

d'effectuer cette réduction : en indiquant les conditions dans lesquelles le phénomène se

manifeste, et sans lesquelles il ne peut pas se manifester. C'est tout ce qu'on peut faire, et c'est

aussi tout ce qu'il faut. On ne doit pas se faire l'illusion d'une connaissance adéquate de

n'importe quoi. On détermine les conditions des phénomènes, on les résume, autant qu'on

peut, dans les lois qui ne sont qu'une généralisation de l'observation, et c'est tout. Toute la

science est là.

Avant de pouvoir préciser les conditions d'un phénomène, il faut le décrire, il faut l'analyser,

afin de bien circonscrire son contenu et lui assigner une place équitable parmi d'autres

phénomènes. C'est ce que nous avons essayé de faire, en traitant les diverses transmissions

psycho-physiques. Il en est résulté que la suggestion mentale proprement dite doit être

considérée en connexions avec plusieurs phénomènes de transmission physique ou mentale,

ne constituant qu'une transmission apparente.

Cette transmission apparente peut être expliquée suivant les cas ;

1° Par une harmonie préétablie entre deux mécanismes associationistes, indépendants l'un de

l'autre, mais dépendant tous les deux d'un milieu psychique ;

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2° Par une présomption basée sur les sensations ordinaires de la vue, de l'ouïe, de l'odorat et

du toucher.

Ces sensations, qui trahissent notre état organique ou psychique, peuvent être comprises ou

même réalisées par le sujet en raison :

1°De l'expérience inconsciente, qui nous est propre, et qui se fait valoir surtout en l'absence de

la réflexion consciente ;

2° Des associations idéo-organiques, qui peuvent dévoiler la signification des influences, plus

ou moins inaperçues à l'état norma l;

3° De l'idéoplastie, qui réalise chez le sujet l'idée suggérée par l'expérience inconsciente et par

des associations idéo-organiques ;

4° De l'éducation hypnotique et magnétique, qui facilite le concours de tous les agents

précités.

Il en résulte que la transmission apparente doit être favorisée :

1° Par l'exaltation des sens ;

2° Par l'exaltation de l'intelligence ;

3° Par l'isolement des sens et de l'intelligence qui permet de concentrer toute l’attention dans

une direction voulue.

Mais toute cette théorie devient insuffisante dès qu'il s'agit d'expliquer les faits, ou les indices

involontaires, fournis par le principe d'extérioration expressive de tout état psychique ou

organique, ne pouvant plus entrer en action. À moins d'étendre la perceptivité sensorielle à

des limites tout à fait invraisemblables et aussi incompréhensibles que le phénomène lui-

même, il faut recourir à un autre principe qui, cette fois-ci, devra nous expliquer, non plus la

transmission apparente, mais la transmission vraie.

La transmission vraie embrasse les faits dans lesquels un état a du cerveau A est reproduit par

le cerveau B, sans l'intermédiaire des signes visuels, auditifs, olfactifs ou tactiles.

On devinera facilement qu'en pratique ces deux catégories de transmission doivent se

confondre le plus souvent, et que ce n'est que dans des expériences faites exprès, et à une

certaine distance, qu'on peut être sûr que la transmission vraie agit toute seule.

Si la pensée est un phénomène purement cérébral, en ce sens qu'elle ne peut être engendrée

par aucun autre organe, elle n'est jamais limitée au cerveau tout seul, quant aux manifestations

qui l'accompagnent. Il n'y a pas de pensée sans expression; on pourrait même dire (avec

Sietchénoff) qu'il n'y a pas de pensée sans une contraction musculaire ; mais je préfère la

première formule, plus générale, puisqu'elle embrasse aussi les sécrétions, les émanations, la

production directe de la chaleur et de l'électricité. On peut bien rester absolument immobile et

penser à toutes sortes de choses ; mais en analysant notre attitude soigneusement on trouve :

1° Que si la réflexion est un peu intense, il y a toujours un commencement de la parole ; le

larynx, la langue, la mâchoire même exécutent de petits mouvements ;

2° Que si la pensée présente un caractère plutôt visuel qu'auditif, l'œil, malgré l'occlusion, suit

les mouvements des objets imaginaires et la pupille se dilate ou se rétrécit, suivant l'état et

l'éloignement de l'objet imaginaire ;

3° Que la respiration se règle, s'accélère ou s'arrête, suivant les cours de nos idées ;

4° Que, dans les muscles des membres, il y a toujours une contraction interne, correspondante

aux mouvements inachevés auxquels on pense, ou qui se rattachent aux images de nos

pensées ;

5° Que tous les états émotifs s'accompagnent d'un changement correspondant dans la

circulation ;

6° Qu'une concentration de volonté se reflète dans une contraction correspondante du

diaphragme ;

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7° Que tous ces phénomènes, en général, doivent déterminer une modification dans les

fonctions de la vie végétale, dans l'échange de matière et, par conséquent, dans la production

des sécrétions et émanations diverses ;

8° Qu'il est certain que tout travail psychique détermine une production de chaleur, et il est

probable qu'il existe même une transformation directe du travail psychique en chaleur

rayonnante.

L'effet de ces actions ne peut pas être limité à la surface de notre corps et, par conséquent,

encore à une certaine distance ; ces changements peuvent influencer imperceptiblement les

sens d'un organisme quelconque et se faire sentir, d'une façon plus ou moins distincte, par un

organisme exceptionnellement impressionnable.

En s'appuyant sur une seule catégorie de sensations, on peut arriver aux explications

partielles, imparfaites, en disant, par exemple :

1° Que le sujet déchiffre la pensée dans les signes pathognomoniques visuels et que, par

conséquent, la théorie de la suggestion mentale se ramène à une théorie de vision exaltée ;

2° Que la pensée étant habituellement parlée, et le sujet pouvant présenter une hyperacousie

extraordinaire (soit dit entre parenthèses, que cette hyperacousie ne dépasse jamais une

distance de plusieurs mètres pour les paroles réellement prononcées), on peut envisager la

suggestion mentale comme une audition exaltée de la parole interne et des bruits de la

respiration ;

3° Qu'étant prouvé que les émotions s'accompagnent d'une senteur cutanée, modifiée, on peut

exagérer la valeur de ces indices en admettant que même chaque pensée, un peu concentrée et

persistante, surtout celles d'approbation ou de négation (qui peuvent beaucoup aider un sujet

qui cherche à exécuter l'ordre donné) se caractérise par une modification olfactive perceptible.

4° Que la chaleur dégagée à la suite d'un effort mental, modifiée par l'approche du corps et les

gestes (courants d'air), peut guider le sujet, lui faire sentir surtout le commencement et la

direction de l'action, et donner ainsi lieu à une explication purement calorique de certaines

influences dites mentales ;

5° Que dans les expériences avec contact immédiat, toutes les vibrations et tensions,

expressions des muscles, peuvent servir de signe palpable, pour une interprétation de nos

pensées, et donner lieu à une théorie mécanique de la suggestion ;

6° Que le phénomène de l'attraction réflexe, basé sur une sensibilité cutanée, exaltée, pouvant

être développé considérablement de sorte que le sujet est attiré par des gestes à peine

exécutés, on pourrait imaginer une théorie purement attractive de la suggestion, et dire que

tous les mouvements commandés mentalement sont exécutés en raison d'une attraction

physique réflexe ;

7° Que le phénomène de l'imitation des mouvements étant assez commun et également

susceptible d'un perfectionnement considérable, on pourrait dire que, si, même ayant les yeux

fermés, le sujet peut reproduire les mouvements de l'opérateur, ce phénomène, à un degré un

peu plus élevé, pourrait se manifester même par des mouvements inachevés, et donner lieu à

une théorie exclusivement imitative.

Toutes ces considérations prises séparément et même collectivement, ne peuvent s'appliquer

qu'à un certain nombre de faits, mais nous devons en tenir compte partout où, suivant les cas,

l'un des principes énoncés ou quelques-uns d'entre eux peuvent être évoqués, sans une

exagération évidente.

Quelques expériences de contrôle peuvent seules préciser la justesse ou l'incompatibilité de

leur application.

En général, pour les expériences faites de près, il paraît certain qu'il existe une graduation de

facilité, et qu'elle peut être résumée dans les catégories suivantes :

1° Avec contact, gestes et regards ;

2° Sans contact, avec gestes et regards ;

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3° Sans contact, sans gestes, avec regards ;

4° Sans contact, sans gestes et sans regards.

A partir de ce dernier degré, l'influence ne diminue plus avec la distance jusqu'à une limite

inconnue. Si l'action a pu être exercée du fond d'une chambre à l'insu du sujet, elle pourra

l'être également d'une autre chambre, d'une autre maison, etc.

Le fait d'une graduation souvent sensible à petite distance, et d'une différence imperceptible à

grande distance, prouve :

1° Que, dans certains cas, le contact, les gestes et le regard ont leur part dans l'action ;

2° Que cette action, aussi bien que celle des sensations olfactives ne suffit pas pour expliquer

certains autres cas.

D'ailleurs, le contact est très souvent indifférent ; les gestes deviennent inutiles et le regard

n'exerce pas une action palpable ; par conséquent, si ces agents ont une action quelconque à

distance, cette action doit être subjective, c'est-à-dire qu'elle facilite simplement la

concentration de la pensée chez l'opérateur.

De la part de l'opérateur, les conditions ont été très peu étudiées, mais il est probable:

1° Qu'il y a des différences personnelles ;

2° Que ces différences peuvent tenir non seulement à un degré d'intensité de la pensée, mais

aussi à la nature de cette pensée, plutôt visuelle, plutôt auditive ou motrice ;

3° Qu'il faut réserver une certaine part à une sorte d'accord, de concordance, entre les natures

des deux intelligences ;

4° Que les efforts excessifs de la volonté nuisent plutôt à la netteté, de la transmission, sans

augmenter considérablement son intensité ;

5° Qu'une pensée ferme, persistante, prolongée ou répétée plus ou moins longtemps, constitue

une condition éminemment favorable ;

6° Qu'une distraction quelconque, qui fait que la pensée s'évanouit momentanément ou cesse

d'être isolée, cesse d'être monoïdéïque, paraît éminemment défavorable à l'action ;

7° Que, néanmoins, les pensées faibles, et même les pensées momentanément inconscientes,

peuvent être transmises involontairement ;

8° Que les efforts musculaires qui accompagnent toujours un effort de volonté sont plus ou

moins indifférents ; mais que l'expression musculaire chez l'opérateur peut être utile

subjectivement, en raison de l'habitude qui unit la pensée à ses signes expressifs. »

Il résulte de ces considérations que l'opérateur doit insister moins sur le je le veux » que sur

le contenu même de cette volonté, et il devient dès lors probable qu'à proprement parler ce

n'est pas la volonté forte qui favorise la suggestion, mais bien la pensée nette.

De la part du sujet, pour bien s'orienter dans la question, nous pouvons considérer

successivement les quatre états principaux :

1° Dans l'état aïdéïque profond », la transmission n'est jamais immédiate, mais elle petit être

quelquefois latente ;

2° Dans l'état du monoïdéisme naissant, elle peut être immédiate et parfaite ;

3° Dans l'état du polyidéisme passif, elle peut être médiate ou immédiate, mais toujours plus

faible ;

4° Dans l'état du polyidéisme actif, les conditions se compliquent, et il faut les considérer

séparément.

a) Elle peut être directe, si le sujet nous aide en s'absorbant volontairement dans une

concentration plus ou moins monoïdéique, il s'y prête, il écoute mentalement, il cherche, et

quelquefois il trouve ;

b) Elle peut être indirecte, c'est-à-dire latente, également avec un certain ajustement de la part

du sujet, et ce cas paraît plus fréquent ;

c) Enfin elle peut être, par exception, médiate ou immédiate, même sans que le sujet soit

prévenu de l'action. Et ici nous touchons à la question de l'action mentale à l'état de veille, qui

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demande quelques explications: l'état somnambulique de polyidéie active ne diffère de l'état

de veille que par deux caractères, dont le premier est absolu, le second relatif.

1° La différence absolue, c'est-à-dire constante, nécessaire, n'est que quantitative; la veille est

un état plus polyidéique que le somnambulisme, Dans le dernier il y a toujours un

rétrécissement du champ psychique. A l'état de veille, malgré le monoïdéisme apparent qui a

séduit plusieurs psychologistes (Bain, Wundt, Morell, Horwiez, etc.), notre pensée est

toujours très compliquée ; nous avons simultanément une foule de sensations qui luttent entre

elles, et une foule de souvenirs qui cherchent à se débarrasser de la pression des idées

dominantes (Herbart). En somnambulisme leur nombre général est beaucoup moindre ; la

plupart des sensations ordinaires font défaut (anesthésie) ; la plupart des souvenirs restent

paralysés, mais ce qui peut induire en erreur et ce qui, en même temps (sans contredire le

rétrécissement général), constitue un caractère particulier : c'est que les sensations ou les

souvenirs, appartenant à une idée donnée, peuvent y être plus nombreux qu'à l'état de veille ;

la perception est plus détaillée, quoique uniquement par rapport à une seule idée, et la

reproduction associationiste plus complète, quoique toujours uniquement dans une seule

direction. D'où il résulte que l'état polyidéique somnambulique est plus favorable à la

suggestion mentale, le sujet étant prévenu de l'action ; mais s'il ne l'est pas, c'est plutôt l'état

de veille qui aura la préférence. Il est plus facile d'influencer à son insu un sujet éveillé qu'un

sujet qui se trouve dans l'état somnambulique nettement actif. Dans ce dernier cas, le sujet est

plus absorbé et, par conséquent, moins abordable. L'état normal est en général moins sensible

à cause de l'opposition d'un grand nombre d'idées, qui luttent pour l'existence, mais il est

moins concentré, plus élastique, plus varié et, par suite, plus accessible. Ce que je voulais

exprimer en disant qu'il est plus élastique, c'est que, à l'état normal, notre pensée se projette

plus facilement à droite et à gauche, sans quitter le fil qui la guide; mais je le disais surtout à

cause de cette particularité, autrement importante pour nous, c'est que, à vrai dire, l'état

normal n'est pas un état tout bonnement polyidéique; il consiste plutôt en un agrégat mobile

de tous les états possibles, avec prépondérance de la polyidéie. Il y a indubitablement des

mouvements monoïdéiques de toute forme, et même des intervalles franchement

monoïdéiques. Seulement tout cela se mêle, se succède avec une rapidité très grande, le plus

souvent insaisissable. Mais c'est cela qui rend cet état accessible à de faibles influences

surtout chez des sujets hypnotisables, dont l'esprit, en général, se caractérise par une tendance

constante au monoïdéisme.

2° La seconde différence entre l'état somnambulique et l'état normal n'est que relative, mais

elle est encore plus importante pour notre sujet. Elle est relative, parce qu'elle n'existe pas

chez les hypnotisés. Un hypnotisé n'est en rapport avec personne. Elle est relative encore à un

autre point de vue, parce que, quoique dans le somnambulisme magnétique l’isolement existe,

cet isolement ne présente qu'une différence de degré avec l'état normal, dans lequel la

suggestion peut réussir. En vérité, elle ne réussit jamais (du moins la suggestion immédiate)

dans un état normal sans trace de rapport. Il faut que ce rapport soit établi tantôt par des

magnétisations ultérieures, tantôt par un lien de sang, de sympathie d'un commerce journalier,

enfin, par une influence exceptionnelle instantanée.

Ce détail nous ramène dans le fond même de la question.

Le rapport, étant une condition sine qua non, d'une action nette, tâchons de préciser ce que

c'est.

Nous avons déjà signalé, au commencement de cette étude et puis surtout à l'occasion

d'expériences de Despine, que la nature de ce phénomène est essentiellement double :

psychique et physique. Nous connaissons déjà les éléments psychiques (prépondérants quant à

la fréquence de leur manifestation palpable), mais il nous reste à analyser la cause physique

de ces phénomènes.

Voici l'écueil.

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Avons-nous le droit d'admettre une cause physique dans le magnétisme animal » ?

Faisons remarquer, en passant, que, conformément à l'aspect général des phénomènes, jusqu'à

ce moment confondus sous un seul nom des phénomènes hypnotiques », cette cause ne nous

est nécessaire que pour certaines catégories de faits. Les autres peuvent s'en passer. Mais cela

ne supprime pas la difficulté ; elle reste, quoique dans l'ombre. Et ce qui choque les esprits

légitimistes, c'est que cette action physique paraît renverser toutes les notions de la

physiologie ».

Je n'ai jamais compris, dit M. Brown-Séquard, comment un homme intelligent et connaissant

les principes fondamentaux de la physiologie peut admettre une telle transmission (une

transmission de force neurique d'un individu à un autre), alors que l'étudiant le moins instruit

sait combien sont vains, après la section d'un nerf moteur, les efforts, les désirs, la volonté de

mouvoir la partie paralysée... » (Préface de Braid.)

Je ne voudrais pas passer pour un étudiant moins instruit, et encore moins voudrais-je donner

des leçons à mon honorable maître, auquel je dois plus d'une idée excellente, mais - amicus

Plato, magis amica veritas, - j'oserais dire que j'ai compris, moi, comment c'est possible.

La volonté, dit M. Brown-Séquard, ne peut pas atteindre un muscle dont le nerf moteur est

coupé, tandis qu'il lui paraît très naturel qu'elle peut atteindre un muscle dont le nerf moteur

n'est pas coupé. » Eh bien ! Pour moi, cela ne me paraît pas naturel du tout. Je conviens

qu'elle ne peut atteindre un muscle dont le nerf est coupé, mais je n'admets pas non plus

qu'elle puisse atteindre un muscle dont le nerf moteur reste intact. La volonté est un

phénomène cérébral, qui n'a jamais été constaté en dehors du cerveau et qui ne peut pas

dépasser le cerveau. Elle ne se transmet même pas dans le nerf moteur qui sort de ce cerveau,

pour aboutir dans un muscle. Pareillement, le mouvement mécanique d'un muscle ne se

transmet pas dans le nerf sensitif pour arriver au cerveau, mais il peut, il doit nécessairement

provoquer un courant moléculaire qui, lui, se transmet au cerveau, et y réveille un autre

phénomène dynamique d'une nature inconnue, mais que nous distinguons bien intérieurement

comme sensation ou idée. La volonté est dans le même cas. Pour atteindre le muscle, elle a

absolument besoin d'un intermédiaire moléculaire qui parcoure le nerf, et il est parfaitement

vrai que cet intermédiaire ne saurait sauter une coupure. Un courant téléphonique, lui aussi,

quoique moins capricieux, ne peut traverser un fil cassé. Le téléphone restera muet. Et si on

s'arrêtait à cette expérience, on aurait tout le droit de dire par rapport au téléphone ce que

Brown-Séquard dit par rapport au muscle.

Heureusement notre science ne s'arrête pas là. M. Brown-Séquard, en proclamant deux vérités

incontestables, s'est trompé deux fois. Les deux vérités, les voici :

1° La force nerveuse ne peut pas traverser un nerf coupé ;

2° La force nerveuse ne peut pas passer dans un autre système nerveux.

C'est très vrai, aussi je n'admets pas un passage quelconque d'un fluide nerveux quelconque.

Mais est-ce à dire que la force nerveuse, ou une autre, n'importe laquelle, n'agisse que là où

elle se trouve et que son action soit absolument limitée au corps dans lequel elle se manifeste

visiblement ?

C'est ici que commence l'erreur. Elle est double, car :

1° Une pareille force, absolument limitée à un point matériel quelconque, n'existe pas ;

2° S'il en était ainsi, les principes de l'inhibition et de dynamogénie, de M. Brown-Séquard,

seraient renversés.

L'action téléphonique normale cesse dès que le fil est cassé. Elle est également nulle pour

nous, si le fil n'est pas cassé, mais lorsque le circuit ne contient qu'un seul téléphone. Est-il

possible de transmettre la parole avec un seul téléphone ? Non, et cependant il fonctionne.

Toute la longueur du fil est parcourue par un courant qui n'est pas la parole elle-même, mais

qui en est le corrélatif, tout en restant muet.

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Prenons un autre téléphone, qui a également un circuit fermé, et qui reste également muet;

approchons-le du premier, ou bien seulement du fil du premier téléphone, ou bien simplement

le fil du premier téléphone du fil du second, ce dernier va parler, il va reproduire la parole,

malgré qu'il n'y ait aucun contact matériel entre les deux systèmes. Il va parler par induction.

C'est cette transmission-là qui correspond à une transmission mentale, et non celle qui existe

entre un muscle et un cerveau. Mon cerveau n'agit pas sur les muscles du sujet, mais il peut

agir sur son cerveau. Si, au lieu d'un second téléphone, on mettait à côté un autre instrument,

un électroscope, par exemple, on n'obtiendrait rien, mais on devrait se bien garder d'en

conclure qu'il n'y a aucune action électrique tout autour du téléphone, car, pour constater une

action analogue, il faut un instrument analogue, un téléphone pour un téléphone, un cerveau

pour un cerveau.

Je n'ai nullement l'intention d'abuser de cette analogie. Comparaison n'est pas raison ; et s'il

n'y avait pas d'autres preuves qu'une action physique inductive, celle-ci ne nous servirait à

rien.

Mais il n'en est pas ainsi. Indépendamment de toute théorie, les faits nous contraignent à

admettre une action physique. Nous serions obligés de le faire même si aucun autre

phénomène analogue n'existait.

Les faits les voici en deux mots. Bien entendu, je ne peux pas prouver ici leur réalité, je ne

pourrai que les mentionner: Croira qui voudra !

Il y a des cas où le magnétisé distingue la présence de son magnétiseur, en dehors des

sensations ordinaires. Il distingue son attouchement entre plusieurs autres, même par

l'intermédiaire d'un corps inerte (une tige en bois, par exemple), qui ne peut pas l'influencer

différemment par elle-même. Par conséquent, si le sujet distingue aussi bien l'attouchement de

son magnétiseur à travers une tige que directement, il faut bien qu'il existe un courant

moléculaire quelconque, propre à l'organisme du magnétiseur et qui dénote sa présence, à peu

près comme un courant galvanique dénote la présence d'une pile, par l'intermédiaire d'un fil

qui nous touche. L'objection, que la majorité des sujets n'éprouvent rien, est sans valeur,

puisque également on ne sentira rien avec un courant d'un faible élément, galvanique, quoique

la boussole manifestera nettement sa présence, et que, pour un courant encore plus faible,

celui d'un téléphone ou d'une grenouille, vous n'obtiendrez rien du tout dans une boussole ; il

vous faudrait pour cela un galvanomètre exceptionnellement sensible. Supposez qu'il y a

quarante ans, lorsque M. Du Bois Raymond publiait ses découvertes sur l'électricité animale,

on lui eût contesté ses assertions, en disant qu'aucun galvanomètre n’avait révélé la présence

des courants qu'il annonçait. Cela aurait été vrai, et cependant injuste, parce que, à cette

époque, Du Bois-Raymond possédait seul un multiplicateur, capable de révéler leur présence.

2° On peut obtenir des effets marqués au point de vue thérapeutique en agissant sans contact

et à l'insu des malades, par exemple chez des enfants endormis. Il y a donc une action

inductive qui dépasse la surface du corps ;

3° On constate des différences nettes dans l'action dite magnétique de différentes personnes,

sans que l'influence morale puisse les expliquer. Une main agit autrement qu'une autre main,

il y a donc une action physique personnelle ;

4° Enfin, dès que les faits nous obligent à admettre une action de loin, il faut bien admettre

une action réelle de près.

Ne pouvant pas préciser la nature de cette action, on peut pourtant dire ce qui suit :

1° Tout être vivant est un foyer dynamique ;

2° Un foyer dynamique cherche toujours à propager le mouvement qui lui est propre;

3° Un mouvement propagé se transforme, suivant le milieu qu'il traverse.

Entrons un peu dans quelques détails :

Je ne sais pas si les forces, comme telles, existent dans la nature ; et a fortiori, je ne sais pas si

elles existent en dehors de la nature ; mais ce que je sais, c'est qu'en tant que connaissable la

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force n'est qu'un mouvement. On dit mouvement » quand on voit du mouvement ; on dit

force » quand le mouvement est invisible. Un animal qui dort à bien la force » de se lever,

puisqu'il existe en lui un mouvement moléculaire latent, caché, qui peut se transformer en un

mouvement mécanique visible. Une fois mort, l'animal n'aura plus cette force, parce que le

mouvement moléculaire interne qui constitue l'échange biologique des matières a vécu.

On peut donc, sans inconvénient, considérer cette force comme un mouvement dérobé, c'est-

à-dire moléculaire.

Un mouvement tend toujours à se propager.

Pourquoi semble-t-il quelquefois disparaître ? Peut-il s'annuler ? Non. Si le mouvement ne se

crée pas, il ne se perd pas non plus. Par conséquent, lorsqu'on voit un travail quelconque :

mécanique, électrique, nerveux ou psychique, disparaître sans effet visible, on ne peut en

inférer que de deux choses l'une ;

1° Soit une transmission ;

2° Soit une transformation.

Dans un milieu qui n'opposerait aucune résistance, un mouvement se transmettrait

indéfiniment. Imaginez l'univers formé d'un milieu immobile, mais capable d'être ému, et ne

présentant aucune résistance, il suffirait de pousser du doigt un seul atome pour mettre tout

I'univers en mouvement. Et si cet atome était seul au monde, il avancerait toute l'éternité. Il

avancerait en une ligne droite, d'après l'ancienne mécanique ; en un cercle infini, d'après la

nouvelle, et c'est, ici que commencent les farces scientifiques. Bornons-nous à dire qu'il n'y

aurait plus alors aucune raison pour que ce mouvement cesse.

Mais tel n'est pas l'univers ; il y a de la résistance. Que veut dire cette résistance ? Peur

l'expliquer, on a fait comme les sauvages, on a prêté à la matière les qualités qui nous sont

propres à nous. Après avoir objectivé un sentiment subjectif musculaire dans la notion de la

force », on a procédé pareillement pour ce qui s'oppose à la force, en prêtant à la matière

notre paresse sous le nom d'inertie ». L'inertie n'existe pas plus que la force, pas plus que le

repos absolu. Mais ce qui existe certainement c'est le mouvement, qui, s'il n'est pas de même

nature, s'oppose à un autre mouvement.

Qu'arrive-t-il alors ? Il arrive que le mouvement initial se transforme.

Tel est le grand principe de l'univers.

Non pas seulement transmission », comme disait Puységur, mais transformation.

Où finit la première et où commence la seconde ?

La philosophie physique nous donne là dessus une idée très claire :

a) Dans un milieu identique, il n'y aurait que transmission ;

b) Dans un milieu différent, il y a transformation.

Un noyau dynamique, en propageant son mouvement, le propage tout autour ; mais cette

transmission ne devient visible que sur les routes de moindre résistance. C'est pourquoi on dit

que le magnétisme choisit le fer ; que la chaleur choisit les bons conducteurs, comme le son;

qu'un courant galvanique donne la préférence à un fil gros parmi plusieurs fins, comme la

foudre choisit les lignes de sa route, comme l'impression de la lumière choisit le nerf qui lui

convient, comme la volonté choisit la fibre qui fait son affaire, etc., etc.

Mais, en réalité, rien ne choisit rien. C'est nous qui faisons le choix subjectivement, par

incapacité de voir les choses invisibles. La pression qu'exerce un liquide enfermé dans un

vase est la même sur sa paroi intacte que sur sa paroi trouée. Mais le liquide ne s'échappe que

par cette dernière, et alors l'autre pression ne nous intéresse guère. Au lieu d'une substance

prenons une force. Jetons une pierre dans un lac, non loin de ses bords, le choc provoquera

une série d'ondes. Elles sont visibles sur la surface de l'eau. Finissent-elles au bord ? Non. La

terre subit le choc comme l'eau, et le propage ; seulement, elle le propage à sa manière,

invisiblement. Que fait une force qui rencontre un milieu impropre à son genre de mouvement

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? Elle se transforme, voilà tout. Il en est toujours ainsi, et il n'y a pas d'autres causes de

transformation.

Transformation suppose résistance. Vous lancez un courant électrique dans un fil gros. Vous

avez le courant, vous ne percevez aucune autre force. Mais, coupez le fil gros, et réunissez les

bouts à l'aide d'un fil fin ; ce fil fin s'échauffera, il y aura transformation d'une partie du

courant en chaleur. Poussons plus loin l'expérience : prenez un courant assez fort et

interceptez un fil encore plus résistant ou une baguette de charbon très mince. La baguette

éclatera de lumière, et la lumière sera encore plus intense, si vous coupez le charbon en deux,

introduisant un conducteur encore plus résistant : l'air. Une partie du courant se transforme

alors en en chaleur et en lumière. Croyez vous que cette lumière n'agisse que comme lumière

seulement, dans la lampe qui brille ? Erreur. Elle agit tout autour, d'abord visiblement comme

lumière puis invisiblement comme chaleur et comme courant électrique. Approchez un

aimant. S'il est faible et mobile, sous forme d'une aiguille, le faisceau de lumière le fera dévier

; s'il est fort et immobile, c'est lui qui fera dévier le faisceau de lumière. Les rayons lumineux

qui frappent les ailes non transparentes d'un radiomètre de Crookes font tourner le moulinet.

Et tout cela à distance, sans contact, sans conducteurs spéciaux. Et tout cela, parce que, loin

de là, on tourne une manivelle, ou qu'un processus chimique presque imperceptible travaille

dans une pile !

Un processus chimique, physique et psychique à la fois s'accomplit dans un cerveau. Un acte

compliqué de ce genre se propage dans la substance grise, comme les ondes se propagent dans

l'eau. Ce sont là des phénomènes autrement intenses ; leur intensité n'est pas mécanique, elle

est plus subtile et plus concentrée. Ce qu'on nomme une idée est un phénomène très localisé.

Mais n'oublions pas que, pour faire naître une idée, il a fallu des milliers d'impressions

répétées, qui toutes représentent une force. Cette force s'est accumulée, condensée, pour ainsi

dire, dans une idée. Vue de son côté physiologique, une idée n'est qu'une vibration, vibration

qui se propage, sans pourtant dépasser le milieu où elle peut exister, comme telle. Elle se

propage autant que le permettent d'autres vibrations semblables. Elle se propage davantage, si

elle prend un caractère que, subjectivement, nous nommons émotif. Une émotion est plus

expansive qu'une idée indifférente ; elle peut occuper tout le cerveau au détriment des autres

idées, Mais elle ne peut pas aller au delà, sous peine d'être transformée. Néanmoins, comme

toute force, elle ne peut rester isolée, comme toute force elle s'échappe, elle s'échappe en

déguisement. La science officielle ne lui accorde qu'une seule route les nerfs moteurs. Ce sont

les trous d'une lanterne sourde que traversent les rayons lumineux. Seulement la pensée ne

rayonne pas comme une flamme, même pas comme la chaleur d'une flamme, qui ne se moque

pas mal des parois opaques, infranchissables pour la lumière.

La pensée reste chez elle, comme l'action chimique d'une pile reste dans la pile ; elle se fait

représenter au dehors par son corrélatif dynamique, qui s'appelle courant pour les piles et qui

s'appelle... je ne sais comment pour le cerveau. En tout cas, c'en est aussi un corrélatif

dynamique. Ce dernier n'est pas et ne peut pas être limité aux courants nerveux des fibres

moteurs. Il représente toutes les transformations du mouvement cérébral, transformations

d'autant plus subtiles et d'autant plus radicales qu'il y a plus de différence entre le milieu

anatomique de la pensée et les milieux environnants : corps solides, liquides ou gazeux sans

en excepter l'éther, con sidéré comme le quatrième état de la matière et qui, relativement,

remplit tout.

Arrêtons-nous là un moment. Nous sommes arrivés à cette conclusion que le mouvement qui

correspond à la pensée ne peut pas faire exception dans la nature, et qu'il se transforme aussi

en d'autres formes de mouvement, nécessaires, quoique, pour la plupart, inconnues.

Il ne s'opère pas, dit M. de Parville, un déplacement de matières dans la nature morte, un acte

volontaire ou inconscient dans la nature vivante, sans qu'il y ait production d'électricité en

rapport exact avec l'énergie du travail dépensé. Outre l'électricité, il y a production de la

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chaleur, il y a production du mouvement mécanique, peut-être de la lumière ; mais mon

intention n'est pas de préciser, je crois que nous ne connaissons pas la millième partie des

changements moléculaires que peut produire une pensée en plus ou en moins et nous devons

nous contenter d'une simple constatation de faits : l'énergie se transmet et se transforme ici

comme ailleurs.

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Chapitre IV – Théorie du procédé neuroscopique

Nous avons décrit le procédé par lequel on peut mettre à l'épreuve et même développer la

suggestibilité des malades. Mais si cette description peut suffire au point de vue technique, il

est sans doute indispensable, au point de vue scientifique, de chercher à comprendre le mode

d'action de ce procédé, de le rattacher aux données de la physiologie, en un mot d'en faire la

théorie. Nous ne nous dissimulons pas que c'est une très difficile entreprise : aussi ne

proposons nous les considérations qui vont suivre que comme des hypothèses plus ou moins

appuyées par les faits et qui demandent à être vérifiées plus complètement par une nouvelle

série de recherches expérimentales.

L'explication la plus simple paraît être tout d'abord d'attribuer l'effet produit à la suggestion.

En général, lorsque nous avons employé nous-même notre procédé, nous nous sommes

abstenus de faire connaître au sujet notre intention par la parole, mais ne pouvait-il la

deviner ? En appliquant les mains sur son dos, l'opérateur, dira-t-on, suggère au sujet l'idée

qu'il est en équilibre ; quand les mains se retirent, le sujet se suggère à lui-même la perte

d'équilibre et l'attraction.

Il se peut qu'en effet cette explication suffise dans certains cas, mais il ne nous semble pas

possible qu'elle rende compte de tous les cas. Tout d'abord, il nous est souvent arrivé d'attirer

des sujets à distance sans que nos mains eussent pris contact avec leurs omoplates. Comment,

dans ces conditions, auraient-ils pu deviner que nous voulions les attirer ? On dira peut-être

qu'ils connaissaient, en tout cas, notre présence derrière leur dos, mais nous pouvons certifier

que nous avons plusieurs fois obtenu ce même effet à l'insu des personnes sur lesquelles nous

agissions ainsi.

Ne pourrait-on tirer une preuve des faits d'attraction exercés au travers d'intermédiaires ? Soit,

par exemple, deux individus, A et B. L'un, A, qui réagit avec force sous l'influence de notre

procédé; l'autre, B, qui ne réagit pas. Nous prions A d'appliquer ses mains sur les omoplates

de B, et nous appliquons nous-même nos mains sur les épaules de A.

Chaque fois que nous les retirons, A reste immobile, B est attiré. L'expérience peut ne pas

toujours réussir, en ce sens que l'influence ne se transmet pas chaque fois du premier au

second individu ; mais elle réussit assez souvent pour qu'il n'y ait pas de doute sur la réalité du

phénomène.

Donc nous croyons pouvoir conclure que la suggestion n'est pas la cause suffisante des effets

produits par ce procédé.

Quel que soit le rôle que le cerveau du sujet peut jouer dans tous ces phénomènes, il y a

certainement une action périphérique exercée par l'opérateur.

Ici deux problèmes se posent, qu'il nous faut examiner successivement :

1° Sur quoi s'exerce cette action ?

2° Quel est l'agent qui l'exerce ?

La région sur laquelle on peut, par l'application des mains, produire les effets que nous avons

décrits s'étend depuis la nuque jusqu'au bas de la colonne vertébrale, mais les trois points

principaux d'application sont situés : 1° sur la nuque, immédiatement au-dessous du cervelet ;

2° à la hauteur de la troisième vertèbre lombaire, et 3° sur les omoplates, à égale distance de

la deuxième dorsale.

La main de l'opérateur, au travers des vêtements, exerce sur la peau, dans les points indiqués,

une très légère pression et il se fait un échange de chaleur entre les deux surfaces mises en

contact. Il ne paraît pas douteux que si la peau du sujet subit une influence, c'est grâce aux

papilles nerveuses sensitives qui viennent s'épanouir dans toutes les cellules épidermiques.

Toutes ces ramifications nerveuses se rattachent aux nerfs rachidiens. Nous savons que ces

nerfs sont mixtes ; les racines antérieures sont motrices ou centrifuges, les racines postérieures

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sont sensitives ou centripètes. Les fonctions de ces troncs mixtes formés par l'union des deux

sortes de racines ne consistent pas seulement dans la répartition de la sensibilité et du

mouvement aux diverses parties du corps. Les fibres à conduction centripète transmettent, en

plus des sensations générales, les impressions tactiles et excito-motrices. Les fibres à

conduction centrifuge sont non seulement motrices, mais encore vasomotrices, sécrétoires,

trophiques. Mais quoique, dans ces nerfs, la conductibilité existe dans les deux genres de

fibres il n'en est pas moins certain que l'excitation quelle qu'elle soit, produite par l'application

de nos mains - la chaleur peut-être - provoque chez les personnes hypnotisables une action

réflexe suffisante pour l'obtention des phénomènes neuroscopiques. C'est par l'intermédiaire

de ces nerfs que l'expérimentateur développe deux sortes d'effets : 1° des sensations ; 2° des

mouvements.

On rencontre, il est vrai, quelques sujets qui prétendent n'éprouver aucune sensation spéciale

et qui ne semblent avertis de l'action exercée sur eux - surtout quand on agit à distance - que

par les mouvements involontaires qu'on leur imprime, mais c'est là un cas exceptionnel. Il est

d'ailleurs permis de supposer que les mouvements observés s'accompagnaient chez eux de

sensations inconscientes. En règle générale, les premiers effets produits consistent tantôt en

sensations de chaleur plus ou moins intense, parfois intolérable, plus rarement en sensations

de froid glacial, etc., etc. Mais l'effet le plus intéressant peut-être, parce qu'il est objectif et

que tout le monde peut le constater, c'est le mouvement d'attraction, souvent irrésistible, par

lequel le sujet se porte en arrière, dans la direction des mains de l'opérateur.

Faut-il y voir un simple réflexe, déterminé par les sensations propres du sujet, ou serait-ce,

plutôt, un effet direct de quelque force émanée des mains de l'opérateur ? Il nous est

impossible de répondre à la question tant que nous n'aurons pas examiné le second problème

que nous énoncions tout à l'heure, à savoir : quel est l'agent qui produit l'ensemble des effets

obtenus par le procédé neuroscopique.

Nous touchons ici un point bien délicat.

Trois hypothèses se présentent à nous :

1° La cause inconnue réside dans la pression que les mains de l'opérateur exercent sur les

terminaisons nerveuses ; 2° elle réside dans la chaleur rayonnée par la main ; 3° enfin elle

réside dans l'influx nerveux qui, par une sorte d'induction, influencerait les nerfs du sujet.

Nous ne nierons pas que la pression ne puisse contribuer dans une certaine mesure aux

phénomènes, soit parce qu'elle suggestionne indirectement le sujet en l'incitant à prendre un

point d'appui sur les mains de l'opérateur, soit aussi parce qu'elle produit une sorte

d'énervement local dans la région touchée.

Nous avons, en effet, remarqué qu'en malaxant et percutant légèrement cette région pendant

quelques instants, on rend l'attraction plus rapide et plus forte. Mais cette hypothèse n'est plus

applicable lorsqu'on agit sans contact, en présentant simplement les mains à quelques

centimètres de distance. La pression peut donc être une cause adjuvante ou concourante; elle

n'est certainement pas la cause principale et déterminante.

Il nous paraît plus difficile d'apprécier l'action de la chaleur. D'une part, nous avons cru

observer que l'opérateur agissait d'autant mieux que la température de ses mains était plus

élevée. On sait aussi que la chaleur a une influence hypnotique ; on s'endort plus facilement

en été dans les journées chaudes. Un expérimentateur allemand a pu transformer le sommeil

ordinaire de certaines personnes par la présentation, à quelques centimètres du front, de

plaques métalliques chauffées.

Mais, d'autre part, certains expérimentateurs, nous avons pu le constater nous-mêmes

produisent des effets très marqués, quoique leurs mains soient habituellement froides. En

outre, lorsque les mains n'entrent pas en contact avec le dos, qu'elles en sont séparées par un

intervalle qui peut varier de quelques centimètres à plusieurs mètres, comment la chaleur

agirait-elle ? Il faudrait supposer dans les nerfs de la région une sensibilité thermique

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vraiment extraordinaire. Cette hyperesthésie serait peut-être vraisemblable si le sujet était en

état d'hypnose, mais à cette première phase de l'expérimentation, il est absolument dans son

état normal. Ajoutons que si l'on fait agir sur le même sujet, dans les mêmes conditions, deux

opérateurs différents, il arrive souvent que l'un exerce une action très forte, tandis que

l'influence de l'autre est nulle ou à peu près nulle. Or, cette différence ne paraît point liée à

une inégalité de température. Enfin, lorsque celui de ces deux opérateurs qui est efficace

ajoute son action à celle de l'autre, le sujet se sent immédiatement attiré par celui-ci. On ne

peut guère supposer que la chaleur du premier expérimentateur se transmet au second et de

celui-ci au sujet.

Il semble donc bien que, dans tous ces phénomènes, la chaleur, comme la pression, ne fasse

que recouvrir ou accompagner une autre force susceptible d'agir à distance avec une extrême

rapidité.

Nous sommes ainsi amenés à poser et à discuter une troisième hypothèse. Ne serait-ce pas

l'influx nerveux qui, s'échappant des extrémités digitales de l'opérateur, envahirait les nerfs du

sujet et y déterminerait, soit directement, soit plutôt en provoquant une action réflexe, les

différents phénomènes que nous avons signalés ?

Mais cette hypothèse implique un fait que la physiologie actuelle du système nerveux ne nous

autorise pas, ce semble, à admettre, à savoir : que la force nerveuse peut agir à distance d'un

individu sur un autre, soit par un rayonnement analogue à celui de la chaleur et de la lumière,

soit par une sorte d'influence ou d'induction analogue à celle de l'électricité statique ou

dynamique.

En vérité, nous savons que l'électricité est partout, que tous les corps en sont imprégnés ; or, le

corps humain ne peut échapper à cette loi ; aussi, pouvons-nous penser que l'énergie

emmagasinée dans le corps de l'opérateur peut, par un effort de la volonté de ce dernier,

franchir les limites de son corps et, de même que les ondes hertziennes, aller influencer une

personne impressionnable ; ce que deux appareils de physique peuvent produire, deux

systèmes nerveux peuvent le réaliser, l'éther devant tout aussi facilement servir de véhicule à

cette force qu'aux autres.

Donc, il faut bien avoir le courage de le reconnaître, l'hypothèse qui nous est suggérée par

l'analyse du procédé neuroscopique ressemble singulièrement à l'hypothèse mesmérienne du

magnétisme animal.

La science a pendant longtemps écarté cette hypothèse avec une sorte de mépris systématique,

et encore à l'heure présente, le mot même de magnétisme animal sonne désagréablement aux

oreilles de la plupart des savants. Et cependant, s'il fallait citer de grandes autorités

scientifiques qui n'ont pas craint d'admettre la possibilité ou même la réalité du magnétisme

animal, nous pourrions invoquer ici les noms des Laplace4, des Cuvier, des Arago, etc.

Laplace dit :

De tous les instruments que nous pouvons employer pour connaître les agents imperceptibles

de la nature, les plus sensibles sont les nerfs, surtout lorsque des causes particulières exaltent

leur sensibilité. C'est par leur moyen qu'on a découvert la faible électricité que développe le

contact de deux métaux hétérogènes, ce qui a ouvert un champ vaste aux recherches des

physiciens et des chimistes. Les phénomènes singuliers qui résultent de l'extrême sensibilité

des nerfs dans quelques individus ont donné naissance à diverses opinions sur l'existence d'un

nouvel agent, que l'on a nommé Magnétisme animal, sur l'action du magnétisme ordinaire, sur

l'influence du soleil et de la lune dans quelques affections nerveuses ; enfin, sur les

impressions que peut faire éprouver la proximité des métaux ou d'une eau courante. Il est très

naturel de penser que l'action de ces causes est très faible et qu'elle peut être facilement

4 Essai philosophique sur les probabilités, p. 121

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troublée par des circonstances accidentelles. Ainsi, parce que dans quelques cas elle ne s'est

pas manifestée, il ne faut pas rejeter son existence.

Nous sommes si loin de connaître tous les agents de la nature et leurs divers modes d'action

qu'il serait peu philosophique de nier des phénomènes uniquement parce qu'ils sont

inexplicables dans l'état actuel de nos connaissances; seulement nous devons les examiner

avec une attention d'autant plus scrupuleuse qu'il parait plus difficile de les admettre.

Cuvier5 s'exprime ainsi :

Les effets obtenus sur des personnes déjà sans connaissance, avant que l'opération magnétique

commençât, ceux qui ont lieu sur les autres personnes après que l'opération même leur a fait

perdre connaissance, et ceux que présentent les animaux ne permettent guère de douter que la

proximité des deux corps animés, dans certaines positions et avec certains mouvements, n'ait

un effet réel, indépendant de toute participation de l'imagination. Il parait assez clairement

aussi que ces effets sont dus à une communication quelconque qui s'établit entre deux

systèmes nerveux.

Je ne saurais, dit Arago, approuver le mystère dont s'enveloppent les savants sérieux qui vont

assister aujourd'hui à des expériences de somnambulisme. Le doute est une preuve de

modestie, et il a rarement nui au progrès des sciences. On n'en pourrait dire autant de

l'incrédulité. Celui qui, en dehors des mathématiques pures, prononce le mot impossible

manque de prudence. La réserve est surtout un devoir quand il s'agit de l'organisation animale.

Jusqu'ici sans doute la physiologie a enseigné que la force nerveuse, quelle qu'en soit

d'ailleurs la nature intime, ne peut que circuler le long de ses conducteurs naturels, qui sont les

nerfs, sans pouvoir se répandre en dehors du réseau nerveux. Mais les récentes découvertes de

Golgi et de Ramon y Cajal, ainsi que les théories histologiques déduites de ces découvertes,

par notre éminent maître M. le professeur Mathias Duval, et si magistralement exposées par

M. le docteur Charles Pupin dans sa thèse inaugurale le Neurone6, ont profondément modifié

les idées des physiologistes contemporains sur la structure et, par conséquent, aussi sur les

fonctions du système nerveux.

On croyait autrefois à la continuité absolue du système nerveux, en ce sens qu'on supposait les

différents centres reliés les uns aux autres par des fibres ramifiées et anastomosées sans

solution de continuité. On sait aujourd'hui que les éléments histologiques du système nerveux,

c'est-à-dire les neurones ou cellules nerveuses, avec l'ensemble de leurs prolongements, sont

indépendants les uns des autres, non solidaires, non continus, et qu'ils ne communiquent entre

eux qu'en établissant une contiguïté temporaire et purement fonctionnelle entre leurs

ramifications terminales. Par conséquent, si, pour fixer les idées, on compare l'influx nerveux

à une sorte de courant, il n'est pas vrai que, même dans l'intérieur du corps d'un individu, ce

courant circule d'une façon continue à travers une partie plus ou moins considérable du réseau

nerveux ; pour passer d'un neurone à un autre, il doit forcément franchir l'intervalle qui les

sépare.

Donc, si nous nous trompons, la nouvelle théorie de la cellule nerveuse et de l'influx nerveux

semble plutôt favoriser que contredire expressément l'hypothèse du magnétisme animal.

Celle-ci n'est, en quelque sorte, que l'extension de celle-là, puisqu'elle ne fait qu'étendre à

deux cellules nerveuses, appartenant à deux organismes distincts, la loi que la première établit

pour deux cellules nerveuses appartenant au même organisme.

Il est vrai que cette action de la force nerveuse hors d'un organisme sur un autre demande à

être prouvée directement, car elle a contre elle, au point de vue physiologique, cette objection

que la peau est une barrière et que l'épiderme est, comme le prouve l'expérience célèbre de

Dubois-Reymond, un assez mauvais conducteur de l'électricité et par conséquent presque un 5 Leçons d'anatomie comparée, II, p. 118

6 Paris, Steinheil, 1896.

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isolateur. Cependant les contractions musculaires forment un courant léger capable de dévier

de quelques degrés l'aiguille du galvanomètre (Dubois-Reymond).

Il est vrai aussi que rien ne prouve l'identité de la force nerveuse et de l'électricité ; elles ont

certainement de grandes analogies et, comme toutes les forces de la nature, elles doivent être

des manifestations corrélatives de l'énergie. Mais leurs différences sont trop nombreuses et

trop importantes pour qu'on ait le droit de les identifier absolument. Donc, de ce que

l'épiderme conduit mal l'électricité, il ne s'ensuit point qu'il ne puisse, sous certaines

conditions, être perméable à la force nerveuse.

Quelles preuves pourrait-on donner en faveur de cette hypothèse ?

La preuve décisive consisterait à produire, au moyen de la force nerveuse, des modifications

matérielles, des mouvements visibles dans un objet extérieur au corps humain, par exemple,

dans un appareil tel que la boussole ou le galvanomètre.

On a un certain nombre d'observations qui sembleraient prouver que des individus, plus ou

moins atteints d'affection nerveuse, ont en effet produit des phénomènes de cet ordre.

La jeune Angélique Cottin, par exemple, si bien observée par plusieurs médecins, fut, pendant

quelque temps, une vraie bouteille de Leyde.

Cette jeune fille, âgée de 14 ans, habitait le village de Bouvigny, près de Perrières (Orne), et

était, d'après les observateurs qui l'ont étudiée, petite de taille, robuste de corps, d'une apathie

extrême.

Voici ce qu'en dit le docteur Verger, le premier médecin qui ait observé Angélique Cottin :

Tout ce que j'ai vu a été vu par un grand nombre de personnes dignes de foi, par des

notabilités du pays et plusieurs ecclésiastiques, et qui ont la conviction profonde d'avoir bien

vu. Peu de jours après l'invasion de cette propriété singulière j'étais avec M. Fromage,

pharmacien, M. Vacher, M. le curé de la Perrière, quand on m'en parla. L'incrédulité fut ma

première pensée, la négation ma première réponse : je ne supposais pas de mauvaise foi aux

personnes qui me racontaient des effets aussi extraordinaires, mais je pensais qu'elles s'étaient

trompées dans leurs observations. Je me rendis donc à la Muzerie, avec une forte prévention

contre tout ce que j'entendais dire d'Angélique Cottin, que je connais d'ailleurs depuis

longtemps, ainsi que toute sa famille ; j'y trouvai beaucoup de monde, car ces événements

faisaient déjà beaucoup de bruit. Les choses se passèrent, comme on vous l'a dit, en notre

présence.

Nous prîmes toutes les précautions possibles pour n'être pas trompé : nous vîmes bien, très

bien, des effets à distance, c'est-à-dire par le simple contact, soit d'un fil de soie ou du tablier

d'Angélique, soit du bas de sa jupe ; le guéridon auquel son fil était accroché a été

brusquement renversé, malgré ma résistance. La jeune fille paraissait entraînée

irrésistiblement vers les objets qui fuyaient devant elle. Nous expérimentâmes sur la chaise,

l'effet eut lieu. Nous répétâmes deux fois l'expérience du panier avec succès.

J'appris de M. de Farémont tout ce qu'il avait observé chez la fille Cottin ; il la voit tous les

jours ; son humble chaumière est au pied de son château. Il donna beaucoup de soins et de

consolations à cette famille pauvre et désolée, qui attribuait au sortilège la position de la jeune

fille, devenue incapable de travailler.

Je fis part de tous ces phénomènes à M. Hébert, dont on ne saurait trop louer la capacité et le

zèle pour la science.

Le docteur Lemonier, médecin à Saint-Maurice (Orne), et le docteur Beaumont-Chardon,

médecin à Mortagne, ont observé Angélique Cottin et affirment la réalité des phénomènes7.

Louis Figuier dit, au sujet d'Angélique Cottin, faisant allusion au rapport de la commission de

l’Académie des sciences chargée d'examiner la jeune fille :

7 Voir, pour plus de détails, les Mystères de la Science, par Louis Figuier.

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Malgré toute l'autorité des savants qui ont signé ce rapport, nous ne croyons pas que la jeune

villageoise de Bouvigny ne fut qu'une adroite faiseuse de tours d'adresse, qui aurait

sciemment trompé le public. Si les phénomènes d'attraction et de déplacement mécanique ne

se produisirent point dans les deux séances de la commission académique tenues au Jardin des

Plantes, ce résultat négatif ne peut infirmer le témoignage de milliers de personnes qui avaient

constaté ce fait dans le département de l'Orne. Nous ne pouvons admettre que tant

d'observateurs, dont on a lu les récits consciencieux et détaillés, aient été dupes de la rouerie

d'une fille dont l'intelligence était fort bornée. Il est plus simple d'admettre que le phénomène

anormal qui s'était produit dans son économie, après s'être manifesté au début avec une

certaine violence, avait perdu peu à peu de son intensité, et avait fini par disparaître. »

Le docteur G. Pineau, médecin aux Peluies (Cher), observa, en 1857, sur une jeune fille

nommée Honorine Seguin, les mêmes phénomènes produits par Angélique Cottin.

Une autre jeune fille8, Adolphine Benoît, servante à Guillonville, fit assez de bruit par les

phénomènes étranges qui se produisaient à son approche, phénomènes analogues à ceux

produits par la jeune Cottin.

En 1880, les journaux américains faisaient mention d'une nouvelle fille électrique, observée

au Canada9.

Mais des observations sont toujours plus obscures et moins probantes que des expériences.

Nous attribuons donc une plus grande valeur aux expériences faites par Lafontaine et de

Humboldt, quoique la commission de l'Académie des sciences n'ait pas réussi à les reproduire.

Il faut sans doute, pour que le phénomène se produise, des appareils d'une sensibilité

extraordinaire. Nous savons qu'il existe à Paris, chez M. le comte de P…, un galvanomètre

construit par Rhumkorff, qui remplit cette condition. La bobine intercalée entre les deux

aiguilles astatiques est assez volumineuse pour supporter l'enroulement de 80 kilomètres de fil

d'argent.

Il a été d'ailleurs décrit dans I'Encyclopédie populaire de Cornil (librairie Poussielgue, article

Magnétisme animal).

L'organisme humain agit sur ce galvanomètre comme le ferait une source d'électricité, c'est-à-

dire qu'il fait dévier l'aiguille plus ou moins rapidement à gauche ou à droite, d'un certain

nombre de degrés. Seulement il faut remarquer que ces déviations n'ont ni le même sens ni la

même amplitude pour les différentes personnes, et ce qu'il y a surtout d'extraordinaire, c'est

qu'on peut, par un effort de volonté, du moins avec un certain entraînement, faire mouvoir

l'aiguille dans le sens que l'on désire, accélérer ou retarder son mouvement, l'arrêter enfin sur

tel degré fixé d'avance. Il faut, pour obtenir cet effet, s'abstenir de tout effort moteur, de toute

contraction musculaire, mais concentrer toute son attention sur la partie du corps, droite ou

gauche, vers laquelle on veut diriger l'aiguille. En tout cas, dans ces curieuses expériences

dont nous avons été témoin, l'homme agit sur l'appareil comme le ferait une pile douée de

volonté. Il serait bien désirable que des expériences méthodiques fussent instituées pour

vérifier et déterminer les propriétés du magnétisme animal au moyen de ce galvanomètre.

On pourrait encore prouver le rayonnement de la force nerveuse par la vision des sujets qui

prétendent percevoir les effluves magnétiques dans l'obscurité la plus complète, si les

affirmations des sujets n'étaient pas toujours entachées de suggestion et d'auto-suggestion. Il

nous semble bien pourtant que, dans les trois premières séries d'expériences rapportées par M.

de Rochas dans son livre sur l'Extériorisation de la sensibilité, toutes les précautions ont été

prises pour éliminer cette cause d'erreur. Mais le véritable moyen de lever tous les doutes, ce

serait de photographier les effluves. Nul ne pourrait plus douter du magnétisme animal, le jour

8 V. le Constitutionnel du 5 mars 1849

9 Phrénological Magazine, juin 1880.

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où l'on pourrait en montrer le spectre sur une plaque sensible. Nous ne désespérons pas de

voir ce problème résolu.

Dans l'état actuel de nos expériences et de nos connaissances, nous devons nous contenter de

tirer nos preuves de l'action exercée sur les êtres vivants. Or, c'est surtout ici que l'objection

de la suggestion et de l'auto-suggestion devient redoutable.

Les premiers magnétiseurs attribuaient indistinctement au magnétisme animal tous les

phénomènes qu'ils observaient sur leurs sujets. Or, nous savons aujourd'hui, après les travaux

de Faria et de Braid, après ceux de l'école de Paris et de l'école de Nancy, que ces

phénomènes peuvent être, pour la plupart, produits en dehors de toute influence magnétique,

par l'hypnotisme ou la suggestion.

Il ne suffirait donc pas, pour prouver l'action à distance de la force nerveuse, de dire qu'on a

endormi des sujets soit par le regard, soit par des passes, car il se peut que le regard n'agisse

que par l'hypnotisme et que les passes doivent à la suggestion toute leur efficacité.

Les seules expériences probantes, au point de vue particulier où nous nous plaçons ici, sont

donc celles d'où toute suggestion, toute hypnotisation proprement dites sont rigoureusement

exclues, et où le seul agent employé ne peut être que la force nerveuse présumée, opérant à

plus ou moins grande distance. Ces conditions ne sont-elles pas remplies dans les expériences

qui ont pour sujets les animaux, comme celles dont nous trouvons le récit dans Lafontaine10 ?

J'ai fait des essais sur plusieurs animaux, et j'ai obtenu un plein succès. Le public de Paris se

rappelle sans doute le chien que je présentai, le 20 janvier 1843, dans une séance publique,

salle Valentino.

C'était un petit lévrier qui m'avait été donné depuis huit jours ; quinze cents personnes se

trouvaient dans la salle, parmi lesquelles beaucoup d'incrédules et de malveillants.

Dès les premières passes que je fis pour endormir le chien, ce fut une explosion de railleries et

de sifflets. On appelait l'animal, on cherchait à détourner son attention et à empêcher l'effet de

se produire.

Je le tenais sur mes genoux : d'une main, je lui prenais une patte, et de l'autre je faisais des

passes de la tête au milieu du corps. Après quelques minutes, le silence le plus profond régnait

dans la salle ; on avait vu la tête du chien tomber de côté et s'endormir profondément. Je lui

cataleptisai les pattes, je le piquai, et le chien ne donna aucun signe de sensation. Je me levai

et le jetai sur un fauteuil ; il resta sans faire le plus petit mouvement : C'était un chien mort

pour tous. On lui tira un coup de pistolet à l'oreille : rien n'indiqua qu'il eût entendu.

Plusieurs personnes vinrent lui enfoncer des épingles par tout le corps : c'était un vrai cadavre.

Je le réveillai, et aussitôt il redevint vif, gai, comme il était auparavant, le nez en l'air, tournant

la tête à chaque bruit, à chaque appel.

Ici on ne pouvait plus douter, on ne pouvait plus croire au compérage ; il fallait admettre le

fait, le fait physique, l'action sur les animaux. »

Lafontaine affirme avoir agi ainsi sur des lions, des chats, des lézards. Si ses dires sont exacts,

et nous n'avons pas de raison d'en douter, puisque les expériences de Lafontaine eurent

beaucoup de témoins, nous ne pouvons guère attribuer ces faits à la suggestion.

Ces conditions paraissent aussi suffisamment remplies dans les expériences d'action à

distance faites par le baron du Potet et rapportées par lui dans son Cours de magnétisme en

douze leçons. Nous donnerons plus loin ces preuves irréfutables.

Ces expériences ont été reprises de nos jours avec un dispositif expérimental très méthodique

et très précis par M. le professeur Boirac, auquel nous emprunterons quelques citations.

Comment expliquer, dans les hypothèses classiques de l'hypnotisme et de la suggestion,

l'action des passes sur des personnes déjà endormies du sommeil naturel, dont voici un

10

L'Art de magnétiser, chez Félix Alcan.

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exemple très significatif, emprunté aux Bulletins de la Société de psychologie (Revue

Philosophique, no 21, 1886, p. 674) :

Pendant l'été de 1854, à Paris, plusieurs étudiants en médecine se trouvaient réunis dans un

appartement de la rue de l'Est, habité par l'un d'eux. Les étudiants travaillaient à une table, ne

prêtant nulle attention à une femme, profondément assoupie, non loin de là, sur un fauteuil.

A ce moment entra T... (le docteur Tainturier, qui fut maire de Dijon, et mort il y a quelques

années).

A cette époque, T... avait un peu la manie de magnétiser toutes les femmes qu'il rencontrait. Il

vit celle-ci endormie, et commença à pratiquer sur elle des passes magnétiques, d'une seule

main, d'après la méthode dite de Deleuze, ou de Puységur.

Au bout d'un très court instant, on remarqua les contractions du bras, chaque fois que la main

de T... frôlait le membre.

La femme parut avoir passé du sommeil naturel au sommeil magnétique.

Les symptômes physiologiques étaient très nettement accusés : convulsion des pupilles en

haut, hyperesthésie, immobilité cataleptique des membres dans la situation où on les plaçait.

Les manifestations psychologiques ne furent pas moins remarquables.

Exaltation de la mémoire, acuité des sens augmentée ; rien n'y manqua.

Après une séance assez prolongée, T... fit les passes du réveil sur la partie supérieure du

corps. La femme ouvrit les yeux et étendit les bras. Mais lorsqu'on lui donna ordre de se lever

pour partir, elle sembla paralysée des jambes. Enfin T... la réveilla complètement et elle put se

lever.

La femme avait été bien réellement endormie inconsciemment. Elle avait perdu la mémoire de

ce qui s'était passé, et, faisant allusion aux dernières passes pratiquées sur les jambes, elle

demandait : Qu'est-ce qu'il me voulait celui-là ? » Depuis cette époque, et à plusieurs

reprises, la femme fut endormie par les mêmes procédés. Elle ne voulait pas consentir à être

magnétisée, se refusant de servir de jouet aux étudiants. On prenait alors le parti de la laisser

livrée à elle-même sans lui adresser la parole. Comme elle était fort illettrée, et n'avait aucun

goût pour aucune occupation, elle s'endormait sur son fauteuil. Lorsqu'elle était enfin plongée

dans un sommeil naturel, on pratiquait les passes, et on la faisait entrer dans un sommeil

somnambulique, parfaitement caractérisé ». (Dr Bonnassier).

On a, il est vrai, objecté à plusieurs de ces expériences quelles prouvaient non le magnétisme

animal, mais la suggestion mentale. Il nous semble que cette objection repose sur une étrange

confusion d'idées. Que peut être en effet la suggestion mentale sinon un cas particulier du

magnétisme animal ? Il ne faut pas nous laisser tromper ici par le mot de suggestion, ce qu'il y

a de remarquable dans ce phénomène, ce n'est pas que l'individu réalise la suggestion, c'est

qu'il la reçoive à distance, en dehors de tous les signes habituels du langage ou de la

physionomie, par la seule vertu de la volonté ou de la pensée. Or, ceci ne peut se comprendre

qu'en supposant que le cerveau de l'opérateur agit par une sorte de rayonnement ou

d'induction sur le cerveau du sujet. Donc, à nos yeux, tout ce qui prouve la suggestion

mentale, la transmission de pensée, etc., prouve à fortiori le magnétisme animal.

Or, malgré les dénégations systématiques des écoles de Paris et de Nancy, rien ne nous paraît

moins douteux que cette possibilité de l'action à distance d'un cerveau sur un autre. Nous en

trouverons des preuves d'abord dans les célèbres expériences de du Potet à l'Hôtel-Dieu,

ensuite dans celles faites au Havre par MM. le Dr Gibert et Pierre Janet, dont nous en citerons

quelques-unes11.

11

Revue Philosophique, 1886, p. 192 Notes sur quelques phénomènes de somnambulisme. Les mêmes

expériences sont rapportées parle Dr Ochorowicz, dans son ouvrage la Suggestion mentale. Paris, 1887. Octave

Doin, éditeur

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Les premiers partisans du magnétisme animal, qui lui donnèrent son nom, imbus des idées

scientifiques de leur temps, se représentaient un fluide plus ou moins subtil, de nature

spéciale, qui émanerait des mains, des yeux, du cerveau de certains individus : c'était l'époque

où la physique admettait un grand nombre de fluides, autant qu'il en fallait pour expliquer les

différentes catégories de phénomènes naturels : lumière, chaleur électricité, magnétisme, etc.

Entendue en ce sens, l'hypothèse du magnétisme animal est en contradiction formelle avec

toutes les théories de la science actuelle et nous n'avons nullement l'intention de la soutenir.

La physique contemporaine a fait bon marché de tous les fluides imaginaires admis par la

physique du siècle dernier ; elle explique tous les phénomènes naturels en les rapportant à une

seule et même cause : l'énergie ou la force soit actuelle, soit potentielle, dont la somme reste

constante, mais qui peut revêtir un très grand nombre de formes différentes. Ce sont ces

modalités de l'énergie, toutes convertibles entre elles, qui, se manifestant à nos sens par des

effets plus ou moins dissemblables, constituent la chaleur, la lumière, l'électricité, l'affinité

chimique, etc.

Si donc on tient à conserver le nom de magnétisme animal, pour désigner l'action que des

êtres vivants peuvent exercer les uns sur les autres, à distance, par une sorte de rayonnement

ou d'influence réciproque de leurs organismes, il ne peut évidemment être lui aussi qu'un

mode particulier de l'énergie, intimement lié à tous les autres, pouvant se convertir en eux

comme ils peuvent se convertir en lui ; et il ne saurait nullement être question ici d'un soi-

disant fluide spécial qui serait exclusivement propre aux êtres humains ou même à certains

individus exceptionnels de l'espèce humaine.

Il est vrai que, pour rendre compte de toutes les transformations et équivalences des forces de

la nature, nos physiciens contemporains se croient obligés de supposer, outre la matière

pesante, que nos sens perçoivent plus ou moins directement, une matière impondérable qu'ils

conçoivent à l'image des fluides les plus subtils et qu'ils appellent l'éther. C'est le fluide éthéré

qui, selon eux, sert de récipient et de véhicule aux vibrations, ondulations et en général aux

mouvements de toutes sortes par lesquels se produisent tous les phénomènes de la nature. À

ce point de vue, la force bio-magnétique ne peut être, elle aussi, qu'un mode particulier des

mouvements de l'éther. Or nul ne peut prétendre que toutes les espèces de mouvements dont

l'éther est susceptible soient d'ores et déjà connus et déterminés à priori ni, à plus forte raison,

qu'elles aient été observées et analysées à posteriori. À côté des forces que nous connaissons

déjà, il en existe certainement beaucoup d'autres qui ont encore échappé à nos conceptions et

à notre expérience et que la science de l'avenir découvrira sans doute.

La découverte des rayons Roentgen, celle plus récente du radium et d'autres corps radio-

actifs, montrent assez clairement combien il serait téméraire de vouloir borner à jamais, par

des négations de parti pris, le champ des explorations scientifiques de nos arrière-neveux.

Cependant, il faut bien l'avouer, presque tous les savants se sont montrés jusqu'ici résolument

hostiles à l'hypothèse du magnétisme animal, et une résistance aussi générale, aussi tenace,

tient sans doute à des causes profondes qu'il n'est pas sans intérêt de rechercher ici.

La première, sinon la plus importante de ces causes, est en somme étrangère à la science, mais

pour être savant on n'en est pas moins homme ».Dès son apparition, le magnétisme animal a

été surtout prôné, soit par des savants plus ou moins honorés, comme Mesmer, soit par des

amateurs, soit même, hélas ! Par des charlatans. On l'a présenté comme une sorte de panacée

universelle, ou, ce qui est pire, comme une sorte de magie, de sorcellerie dont les secrets

violeraient toutes les lois de la nature. Au lieu de le soumettre à l'épreuve d'une

expérimentation méthodique et prolongée, on s'est hâté de le rédiger en un corps de doctrines,

et on en a tiré, sans plus ample examen, toute une médecine nouvelle qu'on a prétendu

substituer d'emblée à la médecine traditionnelle, œuvre de plusieurs siècles de travaux.

On comprend que les savants aient été médiocrement attirés par une hypothèse qui se

présentait à eux sous de si mauvais auspices. Il a fallu un véritable courage à ceux d'entre eux

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qui, comme Broussais, Husson, Bertrand, Teste, Charpignon, etc., ont osé la regarder de près

et reconnaître qu'elle contenait une vérité.

Nous ne devons pas avoir moins de reconnaissance et moins d'admiration pour Charcot,

Mathias-Duval, Dumontpallier, Charles Richet, Luys, Liebeault, Bernheim, etc., qui, au

moment où le magnétisme animal paraissait complètement discrédité, où le nom même en

était proscrit, ont de nouveau appelé l'attention du monde savant sur les phénomènes étudiés

par les anciens magnétiseurs, et ont définitivement forcé le public à admettre la réalité,

jusqu'alors contestée, du somnambulisme artificiel.

Mais à cette raison de sentiment s'ajoutent des raisons d'ordre véritablement scientifique.

Tout d'abord, dans toutes les sciences, c'est une règle fondamentale qu'il ne faut supposer une

nouvelle force que lorsqu'il est absolument impossible de faire autrement ; c'est là ce qu'on a

appelé la loi d'économie ». Il est inutile de peupler la nature d'une multitude d'entités

imaginaires, comme le faisait l'ancienne philosophie, principalement au Moyen âge. Nous

avons des preuves directes de l'existence de la chaleur, de la lumière, de l'électricité, etc., car

toutes ces forces tombent plus ou moins complètement sous notre observation : donc ce n'est

pas faire des hypothèses gratuites que d'admettre leur réalité. Mais il n'en est pas ainsi du

magnétisme animal. Cette force ne peut se conclure qu'indirectement d'un certain nombre

d'effets qu'il serait impossible d'expliquer par toute autre cause. Donc, avant de recourir à

cette hypothèse, on doit essayer toutes les autres issues. On doit, par conséquent, rechercher si

les propriétés déjà connues de la chaleur, de l'électricité, de la force nerveuse, de

l'imagination, de l'imitation, de la sympathie, etc., etc., ne suffiraient pas à rendre compte des

phénomènes qu'on attribue à tort à une force nouvelle, non définie, non classée, telle que le

magnétisme animal. Ce raisonnement nous paraît, en effet, légitime. Si l’on peut se passer de

cette hypothèse, il est inutile de la faire. Mais justement toute la question est de savoir si l'on

peut s'en passer. Or, il nous semble bien que les faits l'imposent. Aucune des forces,

actuellement connues, ne peut rendre vraiment compte de ces phénomènes d'attraction et

d'action à distance que nous signalerons et qui se multiplieront encore, nous n'en doutons pas,

à mesure qu'ils seront étudiés par un plus grand nombre d'expérimentateurs.

Une seconde raison fait encore hésiter les savants qui seraient tentés d'admettre cette nouvelle

force, ou plutôt cette nouvelle modalité de la force. Sans en avoir peut-être bien clairement

conscience, ils se font, en quelque sorte, le raisonnement que voici : supposez que le

magnétisme animal existe, il doit faire partie de la nature d'une façon normale et constante.

Ainsi, chaque organisme doit rayonner perpétuellement cette influence particulière, et par

conséquent aussi la recevoir des organismes voisins.

Comment alors se fait-il que le magnétisme animal se manifeste d'une façon si irrégulière, si

intermittente, dans des cas aussi peu fréquents et toujours plus ou moins exceptionnels ?

Vous nous prouvez, pourrait-on dire, aux partisans de cette hypothèse, l'existence et l'action

de cette force au moyen d'expériences qu'on ne peut réussir qu'avec certains sujets

particuliers, que vous avez en quelque sorte dressés pour cela, et cependant, encore une fois,

si la force est réelle, elle doit exister et agir partout et toujours. » Voilà bien en effet la

principale difficulté de l'hypothèse du magnétisme animal, mais nous ne croyons pas qu'elle

constitue une objection insurmontable.

Il n'est peut-être pas une seule force dans la nature dont l'action ne puisse être contrebalancée

par celle des autres forces, et qui, par conséquent, n'ait besoin de certaines conditions

spéciales pour devenir pleinement accessible à notre observation.

Faites agir l'aimant le plus puissant sur l'or, l’argent, le cuivre, le plomb, l'étain, etc., vous

n'aurez pas le moindre soupçon de ses propriétés attractives. Mettez-le devant le fer, aussitôt

la force magnétique se révélera.

Sans le dispositif expérimental imaginé par le Professeur Roentgen, avec la collaboration du

hasard, les physiciens seraient passés éternellement à côté des rayons X, sans se douter de leur

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existence. Avant que Pasteur eût montré le rôle immense des microbes dans la nature, qui en

connaissait seulement le nom ? Mais c'est surtout l'électricité, qui, à notre avis, nous aidera à

comprendre comment une force peut être à la fois absolument constante dans ses effets réels,

dans ceux qu'elle produits au sein de la nature, et absolument inconstante dans ses effets

apparents, dans ceux qu'elle laisse arriver jusqu'à nos sens, aussi longtemps du moins que

nous n'avons pas réussi à la capter et à l'emprisonner dans nos appareils. En effet, l'ancienne

physique ignorait à peu près entièrement l'électricité : Galilée, Descartes n'en avaient pas la

moindre idée ; ils s'en passaient parfaitement pour l'explication des phénomènes naturels, et

on les aurait certainement beaucoup surpris si on leur avait dit qu'il existait dans la nature une

force aussi universellement répandue et aussi importante par ses effets que la pesanteur ou la

lumière.

On avait bien remarqué depuis Thalès qu'un morceau d'ambre frotté acquiert momentanément

la propriété d'attirer des corps légers, mais ce phénomène paraissait un simple jeu de la nature,

une expérience curieuse, amusante, dont il n'y avait pas grande conséquence à tirer. On peut

d'ailleurs concevoir un état de choses où l'électricité, tout en étant partout présente et partout

agissante, aurait été éternellement dérobée à la connaissance humaine. Il suffit pour cela de

supposer que les corps mauvais conducteurs auraient pu être sur notre planète beaucoup plus

rares qu'ils ne le sont, ou même simplement que l'air atmosphérique sec aussi bien qu'humide

aurait pu être un bon conducteur. Dans cette hypothèse, l'électricité à chaque instant produite

par toutes sortes de causes : frottement, action chimique, etc., aurait été à chaque instant

répandue et perdue, sans produire d'effets sensibles, dans l'ensemble de la masse terrestre.

Voilà donc un exemple d'une force qui existe et agit partout et toujours, et dont cependant les

effets peuvent fort bien ne se manifester nulle part ni jamais.

C'est seulement à partir du jour où les savants ont pu construire et manier les machines et les

piles électriques qu'ils ont pu se convaincre que l'électricité, en apparence irrégulière et

capricieuse, obéit en réalité à des lois constantes et générales. Il n'en saurait être autrement, à

notre avis, du magnétisme animal. Un jour viendra aussi, nous en avons la ferme espérance,

où l'on pourra montrer expérimentalement que son action s'exerce toujours, quoique à des

degrés divers, sur tous les organismes, et qu'il y provoque toujours des réactions

nécessairement proportionnées à leurs divers degrés de réceptivité.

Théorie de M. C. Achard.

Nous croyons devoir placer ici une théorie des plus intéressantes, celle d'un jeune et déjà

profond philosophe, M. C. Achard, professeur, qui se rapporte aussi bien aux phénomènes

physiques du magnétisme qu'aux manifestations psychiques. Le lecteur pourra mieux

l'apprécier lorsqu'il aura lu la 3° partie de notre travail.

L'univers est un laboratoire où, selon le mot de Lavoisier, rien ne se perd, rien ne se crée, tout

se transforme... Les corps qui nous entourent, tous ceux qui occupent l'espace peuvent être

soumis aux lois de l'analyse et de la synthèse. A toute transformation correspond une

reconstitution qui ne s'opère que sous l'influence négative de la force qui a produit le

changement d'état et non sous l'action d'une force opposée sans quoi ce dernier serait

impossible. Donc, si, par une synthèse universelle, l'élément transformé revenait à son essence

primitive, il n'y aurait dans la nature que deux principes : l'un - principe actif - serait une force

qui agirait sur l'autre - essentiellement passif - et le modifierait. Les propriétés particulières à

chaque corps seraient dues à des actions différentes de cette force ou principe vital qui agirait

même sur les plus infimes parties de l'élément transformable. Toutes propriétés égales

seraient le résultat d'une même action sur des parties égales de celui-ci. On sait, d'ailleurs, que

les êtres de constitution organique à peu près semblable ont des facultés communes. L'homme

et les animaux dits supérieurs », qui ont une étroite parenté anatomique, se ressemblent

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énormément par les sens. D'autre part, l'intelligence, qui est le propre de la forme matérielle

humaine suppose conséquemment quelque différence physiologique.

Le principe actif universel imprime un mouvement général à notre organisme et donne à

toutes ses parties, si petites qu'on puisse les concevoir, un pouvoir particulier. Etant dirigés

par la même puissance, les êtres humains ne différeraient pas, dans l'étendue de leurs facultés,

s'ils étaient organisés d'une façon absolument identique. La dissemblance de leur constitution

physique ne crée pas une dissemblance dans la nature de ces facultés, mais elle modifie leur

intensité. Ainsi nous avons tous les mêmes sens qui s'émeuvent sous les mêmes influences,

mais leur impressionnabilité comporte des degrés. Cela tient à ce que les organes doués de ce

pouvoir ne sont pas rigoureusement égaux dans leur état pondérable ; leurs molécules, si ce

mot désigne l'infiniment petit matériel, ont le même caractère et la même destination, mais

elles ne sont pas en même nombre.

En admettant cette hypothèse, on s'explique pourquoi certaines personnes, par exemple, ont la

vue plus perçante que celle d'autres personnes, l'ouïe plus fine ou l'odorat plus subtil, etc. ;

pourquoi également, à la suite d'une maladie, d'un choc, d'une lésion qui provoquent un

changement d'état moléculaire organique, nos sens ou nos facultés s'affaiblissent, perdent tout

ou partie de leur pouvoir ; on ne s'étonne point enfin que ce pouvoir soit restauré ou

développé, par une nourriture profitable, par des remèdes convenablement administrés, par

des soins opportuns donnés à notre corps, toutes choses qui favorisent notre reconstitution ou

notre accroissement physiologiques.

Par le principe vital qui pénètre tout, les êtres sont toujours en communication ; on peut le

considérer comme le véhicule prédestiné de toutes nos influences réciproques.

Le rôle de nos sens et de nos facultés est objectif si l'on considère leur affectation organique et

subjectif par rapport au principe qui les anime. On doit tenir compte de ce double caractère, si

l'on veut expliquer l'action magnétique.

Lorsque le magnétiseur agit efficacement sur le magnétisé, leur état subjectif étant commun,

la prépondérance objective appartient à la plus grande masse objectivée. En d'autres termes, le

premier se trouve en supériorité moléculaire organique sur le second. S'il y avait équilibre

moléculaire entre l'opérateur et le sujet, celui-ci ne serait nullement subordonné à celui-là.

Évidemment nous ne considérons pas, dans cette assertion, le poids effectif du corps humain,

mais seulement la partie essentielle des organes qui remplissent les principales fonctions et

nous mettent en relation avec tout ce qui nous entoure.

Si le magnétisé est dans un état d'infériorité moléculaire nerveuse, il se trouve sous la

dépendance sensorielle du magnétiseur ; il voit, entend, se meut, sent et souffre au gré de

l'influence qu'il subit. Pour la même raison, la suprématie de la volonté, des facultés

intellectuelles ou morales sera le privilège de celui qui aura la supériorité moléculaire de

l'organe doué de ces facultés. Une volonté, si ferme qu'elle soit, ne suffit donc pas pour

obtenir des résultats; il faut avant tout être matériellement capable de magnétiser. Ces données

justifient les actions inégales des opérateurs sur des sujets différents ou leur action nulle sur

certains sujets.

1° Lorsqu'un expérimentateur n'a aucune influence sur une personne, il y a entre eux équilibre

moléculaire nerveux et cérébral (nous faisons cette distinction en considérant le cerveau

comme étant le siège de la volonté, des facultés intellectuelles et morales) ;

2° L'action n'est pas la même sur tous les sujets parce qu'ils ne présentent pas tous le même

état moléculaire nerveux ou cérébral ;

3° Un même sujet peut ne pas avoir toujours la même subordination, qui varie avec son état

physiologique ;

4° Les sujets endormis qui n'obéissent que par les sens se trouvent dans un état d'infériorité

moléculaire nerveuse;

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5° Certains sujets sont en dépendance complète par les sens, la volonté et les facultés de l'âme

à cause d'une infériorité moléculaire générale, nerveuse et cérébrale (somnambulisme) ;

6° Certains sujets éveillés cèdent particulièrement à l'influence psychique de l'opérateur, par

suite d'une infériorité moléculaire cérébrale exclusive.

Si nous considérons les différentes parties de notre corps ou plus exactement comment notre

être se manifeste vivant, nous remarquons qu'il y a une réelle hiérarchie dans les attributions

de nos organes. Ainsi, certains tissus ne nous paraissent jouer qu'un rôle protecteur ; les os ne

sont que des supports de notre chair ; les muscles n'ont qu'une action mécanique ; mais les

nerfs ont des propriétés supérieures, ils nous permettent de voir, de sentir, d'entendre, de

goûter, de toucher, de nous mouvoir ; enfin le cerveau remplit les plus importantes fonctions,

les fonctions psychiques. Notre organisme n'étant que l'instrument de notre volonté guidée par

notre pouvoir intellectuel et moral, on doit admettre que le principe directeur de nos actes se

confond avec cette puissance indéfinissable qui commande l'infini, mais qu'elle est limitée

pour l'homme aux conditions vitales de son corps. Lorsque nous subissons la grande

transformation qu'on appelle la mort, la vie psychique ne s'éteint pas et la vie matérielle se

poursuit sous d'autres états et sous d'autres actions. Les vivants sont troublés par ce

changement parce qu'ils n'ont plus le spectacle d'une vie semblable à celle qui se révèle par

leurs organes et leurs sens.

Il est facile également, par notre hypothèse de la dualité des éléments, de justifier chez

l'homme le fonds d'idéal moral qui le caractérise et sa croyance à la perfection. Comme être

organisé, il vit par les sens qui lui procurent selon la nature des impressions qu'ils reçoivent, le

plaisir ou la douleur, et qui constituent la vie spécifique de l'homme sur la terre. Mais par

notre personnalité morale, par l'âme qui paraît être, pour nous, la plus haute manifestation du

principe supérieur universel, nous avons conscience d'une existence idéale, pure,

indépendante de la chair. La vie organique n'est qu'une partie de la vie universelle et ne peut

être parfaite, étant incomplète ; elle est une source : 1° de l'erreur qui naît de l'incapacité de

nos sens pour la découverte et l'analyse exacte des impressions qu'ils reçoivent ; un appareil

de physique mis à leur service corrige parfois leurs appréciations, ce qui montre combien

l'immuabilité des lois scientifiques est subordonnée aux progrès de la science elle-même; 2°

de la souffrance, qui est provoquée par toute relation désagréable de notre organisme avec le

monde extérieur, ou parfois par la lutte de notre pouvoir psychologique avec les appétits de

nos sens. Aussi, la pierre de touche de la vertu n'est-elle pas, dans une certaine mesure, le

triomphe de l'âme sur le corps ? Résister à nos instincts égoïstes, n'est-ce pas, en quelque

sorte, chercher à nous détacher le plus possible de notre destination corporelle trop spéciale ?

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DEUXIÈME PARTIE - HYPNOTISME ET SUGGESTION

Chapitre V - L'hypnotisme et la suggestion

Braid James, chirurgien anglais, né à Rylaw-House (Ecosse) en 1795, mort à Manchester en

1860.

En 1841, notre compatriote Charles Lafontaine faisait des démonstrations magnétiques à

Manchester. Ses séances étaient suivies par la bonne société de cette ville et avaient le plus

grand succès.

Le docteur Braid, après avoir suivi, avec grande attention, les expériences de Lafontaine,

voulut démontrer que le fluide vital de l'expérimentateur n'existait pas et il produisit une sorte

de sommeil nerveux - par d'autres procédés - identique, pour lui, à celui obtenu par les

procédés des magnétiseurs.

Il attribua d'abord les phénomènes magnétiques à l'innervation ou à l'imagination des sujets,

mais un fait l'avait cependant frappé : il avait remarqué qu'un sujet endormi ne parvenait pas,

malgré de grands efforts, à ouvrir les yeux, et il en conclut qu'il y avait là quelque chose de

réel, mais que cet effet était certainement dû à une cause autre que le magnétisme animal ou à

l'action d'un fluide quelconque émanant de l'opérateur pour pénétrer dans l'opéré.

Il reconnut le premier qu'en plaçant un objet brillant à une distance de 0 m. 25 à 0 m. 45 des

yeux d'un sujet, celui-ci s'endormait au bout d'un quart d'heure environ, mais à la condition

qu'il le voulût fermement et fût parfaitement docile aux injonctions de l'expérimentateur. Il

créa ainsi la neurypnologie ou l'hypnotisme.

Braid a publié plusieurs ouvrages sur ces questions : Neurypnologie ou le sommeil nerveux

considéré dans ses rapports avec le magnétisme animal ; magie, sorcellerie, magnétisme

animal, hypnotisme et électrobiologie, observations sur l'extase.

Au début de ses expériences, ce médecin attachait un bouton en métal sur le front du sujet et

lui recommandait de le fixer attentivement ; mais il ne tarda pas à s'apercevoir que son

procédé fatiguait énormément ceux qui s'y soumettaient : ces derniers se trouvaient au bout

d'un instant incapables de continuer à fixer le bouton. Le seul résultat obtenu était une fatigue

excessive dans les yeux, accompagnée de maux de tête.

Pour obvier à cet inconvénient, il changea sa méthode et plaça un objet brillant au-dessus du

front du patient à la distance que nous avons indiquée plus haut, de manière que ce dernier fût

obliger de faire des efforts assez grands pour fixer l'objet.

Il faut faire entendre au patient, dit Braid, qu'il doit tenir constamment les yeux fixés sur

l'objet, et l'esprit uniquement attaché à l'idée de ce seul objet. »

Cet expérimentateur rapporte dans ses écrits une foule d'expériences en tout semblables à

celles obtenues par les magnétiseurs, mais il avoue qu'avec sa méthode il n'a jamais pu

produire certains phénomènes avancés par ces derniers. Il dit encore qu'il a essayé les

procédés des mesmériens et que ces procédés ne lui ont pas donné d'autres résultats que ceux

qu'il a l'habitude d'obtenir avec les siens.

Pendant longtemps, dit-il, je crus à l'identité des phénomènes produits par ma façon d'opérer

et par celle des partisans du mesmérisme ; d'après les constatations encore actuelles, je crois

tout au moins à l'analogie des actions exercées sur le système nerveux. Toutefois, et à en juger

par ce que les magnétiseurs déclarent produire dans certains cas, il semble y avoir assez de

différence pour considérer l'hypnotisme et le mesmérisme comme deux agents distincts. »

Si M. Bottey et d'autres médecins hynoptiseurs avaient lu attentivement la Neurypnologie de

Braid, ils n'auraient pas avancé et soutenu de graves erreurs ; car le créateur de l'hypnotisme

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n'a nullement porté un coup décisif au mesmérisme et au fluidisme et, quoique tués, ils ne s'en

portent pas plus mal, comme nous le verrons dans la suite.

Braid était un ardent partisan du système de Gall, et on voit, par ses écrits, combien était

grande sa passion pour la Phrénologie. Il revient fréquemment sur ce sujet et il est à la fois

enthousiasmé et embarrassé par l'étrangeté de ces phénomènes, phénomènes que la plupart

des mesmériseurs admettaient et que le Dr P. Sollier, dans les Phénomènes d'Autoscopie,

définit d'une autre façon et semble justifier.

Nous pensons pouvoir démontrer, dans le cours de notre ouvrage, aux esprits non prévenus

tout au moins, que Braid se trompait en disant :

Quant à la prétention qu'ont certains opérateurs d'influencer les sujets de près ou de loin, par

la seule force de la volonté, j'affirme que je n'ai jamais réussi à exercer la moindre influence

sur les patients par ma seule volonté, mais les patients semblaient comprendre rapidement et

subtilement les manières, la voix, le regard, les gestes même de l'opérateur, et devenaient

affectés dans le sens qu'ils leur prêtaient. L'opérateur, cependant, pouvait avoir voulu

absolument le contraire.

Je soutiens que l'opérateur agit comme un mécanicien qui mettrait en action les forces dans

l'organisme même du patient, les dirigeant, les contrôlant d'après des lois qui gouvernent le

commerce de l'esprit et de la matière pendant notre existence actuelle. »

Que veut dire Braid par le commerce de l'esprit et de la matière pendant notre existence

actuelle ? C'est assez confus.

Et il ajoute : La vraie cause de ces phénomènes de veille-illusions et hallucinations n'est pas

une influence extérieure : c'est une illusion interne et intellectuelle, qui survient souvent à la

suite d'affirmations positives que fait une autre personne. » Ce n'est pas aussi vrai que le dit

l'auteur de la Neurypnologie.

La méthode du chirurgien de Manchester resta dans l'oubli jusqu'en 1860. Le professeur

Azam, de Bordeaux, qui avait lu une analyse élogieuse du livre de Braid, par le physiologiste

Carpenter, dans l'Encyclopédie anglaise de Tuod, eut l'occasion de l'expérimenter sur une de

ses malades, qui présentait des analogies avec les cas publiés par Braid, et voici l'observation

d'Azam publiée en 1860, dans les Archives générales de médecine.

Marie X..., âgée de 23 ans, ouvrière en orfèvrerie, est grande et bien constituée, d'un

tempérament nerveux, mais n'a jamais eu d'attaques de nerfs ; sa santé a toujours été bonne ;

elle porte sur le visage les traces peu apparentes d'une ancienne paralysie faciale. Assise sur

une chaise ordinaire, je la prie de regarder une clef, un lancetier, un objet brillant quelconque

placé à 15 ou 20 centimètres au-dessus de ses yeux. Après un temps qui varie d'une minute et

demie à trois minutes, jamais plus, ses pupilles ont des mouvements oscillatoires, son pouls

s'abaisse, ses yeux se ferment, son visage exprime le repos; immédiatement après ses

membres gardent la position donnée, et cela avec une extrême facilité, pendant un temps que

j'ai fait durer jusqu'à 20 minutes, sans la moindre fatigue. Elle a gardé plusieurs fois les bras

en avant, les pieds élevés au-dessus du sol, assise seulement sur le bord de la chaise, et je ne

cessais l'expérience que lorsque j'y étais engagé par l'extrême accroissement du pouls. Chez

elle l'anesthésie dura de quatre à cinq minutes ; j'ai rarement vu, chez les autres, cette période

aussi courte. »

Voici les moyens que j'ai employés pour m'assurer de l'insensibilité : pincements violents,

ammoniaque sous le nez, barbes de plume dans les narines, chatouillement de la plante des

pieds, transpersion d'un pli de la peau avec une aiguille, piqûre subite dans les épaules, etc.

Pendant cette période d'anesthésie, survient celle d'hyperesthésie (exaltation de la: sensibilité).

Je m'aperçois de son invasion par ceci : Mlle X... se rejette la tête en arrière, son visage

exprime la douleur. Interrogée, elle répond, que l'odeur du tabac que je porte sur moi lui est

insupportable. Le bruit de ma voix ou de celle des assistants, celui de la rue, le moindre son

enfin paraît affecter cruellement la sensibilité de l'ouïe un contact ordinaire amène une

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certaine douleur, puis deux doigts placés l'un sur la tête, l'autre sur la main, amènent comme

une forte commotion très douloureuse ; ma montre est entendue à une distance de huit à neuf

mètres, ainsi qu'une conversation à voix très basse.

Quelquefois, la parole est impossible ; une simple friction sur le larynx la rappelle

immédiatement, et MIle X... parle, mais seulement quand elle est interrogée, et d'une voix

plus faible qu'à l'état naturel et comme voilée. Une main nue est-elle placée à quarante

centimètres derrière son dos, Mlle X... se penche en avant et se plaint de la chaleur qu'elle

éprouve ; de même pour un objet froid et à la même distance, et tout cela sans que je ne lui

eusse jamais parlé de ces phénomènes décrits par Braid. »

Dans ces expériences de chaleur et de froid à distance, la suggestion était-elle enjeu ?

Il est vrai qu'à cette époque on ignorait les phénomènes d'extériorisation de la sensibilité

décrits par le colonel de Rochas.

Un souffle d'air, une friction font cesser la catalepsie sur un membre, sur un doigt ; cet état

revient en replaçant doucement le membre à sa place. Si, pendant la résolution, je l'invite à me

serrer la main, et, si en même temps, je malaxe les muscles de l'avant bras, ceux-ci se

contractent, se durcissent, et la force développée est au moins d'un tiers plus considérable qu'à

l'état ordinaire.

Mlle X... enfile rapidement une aiguille très fine, et écrit très correctement, un gros livre étant

placé entre ses yeux fermés et l'objet. Elle marche dans sa chambre sans se heurter. En un

mot, le sens d'activité musculaire est hyperesthésié (?) »

Ah ! C’est joli... Les sens hyperesthésies pour expliquer que Mlle X... enfile une aiguille,

qu'elle écrit, qu'elle voit les yeux fermés !...

Si pendant la période de catalepsie, je place les bras de Mlle X... dans la position de la prière

et les y laisse pendant un certain temps, elle répond qu'elle ne pense qu'à prier, qu'elle se croit

dans une cérémonie religieuse ; la tète penchée en avant, les bras fléchis, elle sent son esprit

envahi par toute une série d'idées d'humilité, de contrition ; la tête haute, ce sont des idées

d'orgueil ; en un mot, je suis témoin des principaux phénomènes de suggestion racontés par

Braid, et attestés par l'éminent physiologiste Carpenter. »

Ces expériences, répétées un grand nombre de fois et sur d'autres personnes, arrivent

ordinairement au même résultat. »

Nous avons donné cette observation d'Azam pour montrer que la plupart des phénomènes

hypnotiques sont identiques à ceux du mesmérisme, ce qui a certainement fait penser aux

partisans de Braid que tout était absolument semblable et que certains faits affirmés par les

magnétiseurs, non rencontrés et surtout non cherchés par les hypnotiseurs, n'existaient pas.

L'anesthésie obtenue par les deux procédés est la même. Cloquet pratiqua une amputation sur

un magnétisé du baron du Potet. Broca, assisté de Follin, fit la même opération à une

hypnotisée. Velpeau présenta à l'Académie des sciences une note d'Azam intitulée : De

l'Anesthésie chirurgicale hypnotique, ce qui n'étendit pas le mouvement essayé.

D'autres expérimentateurs, comme les docteurs Giraud-Teulon et Demarquai, pour éviter la

suggestion éventuelle et toujours possible, modifièrent les procédés de Braid. Ils

construisirent une sorte de diadème, sur lequel était fixée une boule brillante en acier, qu'on

plaçait sur la tête du patient. GigotSicard supprima l'objet brillant, qu'il ne trouvait pas

nécessaire, et il imita les omphalo-psychiens, moines du Mont-Athos, qui rentraient dans l'état

extatique en fixant leur nombril. Cet opérateur engageait le sujet à regarder fixement le bout

de son nez. On le voit, tout chemin mène à Rome... et avec des procédés différents on peut

obtenir les mêmes résultats.

Il paraît pourtant, d'après le docteur J.-S. Morand, qu'avant Braid il n'existait aucun procédé

pour produire le sommeil nerveux. Voici la perle que nous cueillons à la page 101 de son livre

: Etude historique et critique du magnétisme animal, paru en 1889.

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La tentative d'Azan eut, du moins, ce résultat que la question du magnétisme, proscrite par

l'Académie de Médecine en 1835, se trouva remise à l'ordre du jour ; on ne niait plus la réalité

du sommeil nerveux et l'on savait les moyens de le produire. » Il serait sage, ce nous semble,

avant de critiquer une chose quelconque, de l'étudier. L'auteur que nous citons a très mal lu le

rapport de 1835, s'il l'a lu, ce qui n'est pas probable, car il aurait vu que la commission

nommée pour étudier ce pseudo-magnétisme animal concluait à la réalité des phénomènes

magnétiques. Et si le même auteur s'était donné la peine de parcourir seulement les ouvrages

parus avant la Neurypnologie, il aurait connu les procédés employés pour l'obtention d'un

sommeil nerveux plus profond, plus complet que celui prôné par les partisans du Braidisme.

De 1860 jusqu'à 1879, époque où M. le Professeur Charcot commença ses conférences à la

Salpêtrière, l'hypnotisme avait été délaissé.

Cet illustre neurologiste a magistralement décrit les trois états principaux de l'hypnotisme :

catalepsie, léthargie et somnambulisme. Il est hors de doute que ce maître a

consciencieusement étudié ces divers états de l'hypnose, mais, n'expérimentant que sur les

malades de son service, il a cru devoir classer tous les êtres susceptibles d'hypnotisme dans la

catégorie des hystériques, ce qui n'est certes pas exact, puisque nous avons rencontré de

nombreuses personnes indemnes d'affections nerveuses, de tempérament tout à fait

lymphatique, et facilement endormables. D'autres expérimentateurs affirment également ce

que nous avançons. Mais nous reconnaissons volontiers que les effets hypnotiques s'observent

plus fréquemment chez les névropathes. Nous avons pourtant rencontré souvent des nerveux,

des hystériques - d'après Charcot, toutes les personnes atteintes de désordres nerveux, sans

lésion, sont des hystériques - qui n'éprouvaient aucune sensation aux divers modes

d'excitations hypnotiques.

Charcot ne dédaignait pas d'employer parfois les procédés des anciens magnétiseurs et de les

conseiller même. Toutes les fois, disait-il dans ses conférences de la Salpêtrière, qu'en

regardant fixement une personne pendant quelques instants, vous voyez celle-ci se troubler

visiblement, ouvrir et fermer convulsivement les yeux, battre, en un mot, des paupières, vous

pouvez être assuré que vous avez affaire à un sujet hypnotisable. »

Le professeur, comme le dit un de ses admirateurs, ne s'égara point dans la poursuite des faits

extraordinaires et dépassant la raison humaine : il s'attacha à déterminer les signes physiques

et facilement appréciables des diverses phases de l'hypnose.

Le médecin auquel nous faisons allusion, quoique systématiquement opposé aux dires des

magnétiseurs, reconnaîtrait-il par hasard des faits extraordinaires ? Dans ses leçons, M.

Charcot a méticuleusement décrit tous les phénomènes manifestés par ses sujets dans les trois

degrés ou les trois états hypnotiques, phénomènes que les magnétiseurs avaient signalés bien

avant lui.

Tous les faits observés à la Salpêtrière pendant la catalepsie, la léthargie, sont identiques à

ceux indiqués par les partisans du Mesmérisme, mais quelques-uns seulement du

somnambulisme sont semblables ; les plus importants, ceux sans doute qui dépassent la raison

humaine, n'ont pas été étudiés, ce qui n'empêche pas les hypnotiseurs de nier ces faits,

affirmés par les magnétiseurs.

Ces faits, que nous étudierons plus loin, - somnambulisme lucide, prévision, vue à distance

sans le secours des yeux, etc., - sont présentés par certains hypnotiseurs, qui se rapprochent de

la vérité, d'une si bizarre façon, pour éviter de tomber dans les aberrations des magnétiseurs,

que ces chercheurs de bonne foi nous voulons bien le croire - se torturent l'esprit pour trouver

des interprétations scientifiques, afin d'expliquer ce qui est on ne peut plus simple. Il est vrai

aussi que, comme les autres, ils ne veulent admettre la cause réelle de ces phénomènes, la

matière la plus grossière bornant leurs conceptions.

La catalepsie, disent les élèves de Charcot, est la première manifestation de l'hypnotisme ; elle

s'obtient par la fixation d'un objet brillant, par les vibrations d'un fort diapason, par un coup de

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tam-tam, par un jet de lumière électrique, ou par un appareil à projections optiques dirigé sur

les yeux d'un sujet hypnotisable placé dans l'obscurité. Ce dernier sera illico cataleptisé...

Croient-ils vraiment qu'il en sera ainsi, si le patient n'a pas été éduqué ? Nous en doutons fort.

Donc, voilà un être pétrifié, immobile, les yeux grands ouverts, ses membres d'une légèreté

extraordinaire conservent indéfiniment, la position qu'on leur donne (indéfiniment c'est

beaucoup ; assez longtemps aussi ; trop longtemps, une crise nerveuse pourrait se produire).

Dans cet état, le sujet n'éprouve aucune fatigue et on peut le placer sur deux chaises : l'une

supportant les pieds, l'autre la tête ; l'opérateur peut même s'asseoir sur le corps du sujet, et le

laisser dans cette position une demi-heure sans inconvénient, mais pas indéfiniment.

On pourra lui faire prendre les poses les plus fatigantes, sans qu'il manifeste la moindre gêne.

On pourra le piquer, le brûler, lui tenir un flacon d'ammoniaque sous le nez, sans qu'il en soit

impressionné. Si on donne par exemple un mouvement de rotation à un bras, ce membre

continuera automatiquement à tourner, etc. Cette rotation automatique n'est plus de la

catalepsie, puisque, dans cet état, les membres doivent conserver la position donnée.

Les cataleptiques présentent l'anesthésie la plus complète. On peut les brûler profondément,

enfoncer de longues aiguilles dans leur chair, leur chatouiller les narines, le blanc des yeux

avec les barbes d'une plume, sans qu'ils manifestent la moindre sensation. On peut leur

suggérer toutes sortes d'hallucinations, car ils sont d'une passivité absolue.

Entre les mains d'un opérateur, le cataleptique est un véritable automate.

Pour le réveiller, il suffit de lui souffler légèrement sur les yeux. M. Dumontpallier réveille

ses sujets avec un vulgaire soufflet de cuisine, ce qui, à notre point de vue, manque un peu

d'esthétique.

Le docteur Morand dit, en parlant des expériences de Dumontpallier : Nous avons vu naguère

cet habile expérimentateur (où diable a-t-il vu que le docteur Dumontpallier était un habile

expérimentateur ?) réveiller ainsi une de ses malades cataleptisée, et remettre cette femme en

catalepsie, rien qu'en laissant tomber brusquement l'instrument qui avait produit le réveil :

preuve singulière du détraquement absolu auquel aboutissent fatalement les personnes vouées

aux fréquentes pratiques du magnétisme (de l'hypnotisme, devrait-il dire). C'est parmi ces

dernières qu'on retrouve ces déséquilibrés qu'un bruit inattendu, un coup de gong ou de tam-

tam, la simple vibration d'un diapason, l'apparition soudaine d'un éclair d'orage ou celle d'un

flambeau qu'on allume à l'improviste suffisent à jeter en catalepsie. »

Nous reconnaissons volontiers, que certaine méthode de fascination, de même que les

pratiques hypnotiques, détraquent aisément les personnes qui se livrent aux opérateurs qui les

emploient inconsidérément. Ces opérateurs, quoi qu'on en dise, sont des plus inexpérimentés.

Nous affirmons, par contre, qu'un magnétiseur, même novice, s'il applique strictement les

procédés de Deleuze, de Du Potet ou de Lafontaine, s'il suit exactement les données de ces

Maîtres du Magnétisme, il ne détraquera jamais ses sujets, jamais même il ne les fatiguera et

que, au contraire, ces derniers se trouveront fort bien des magnétisations souvent répétées.

La léthargie au deuxième état de l'école de la Salpêtrière diffère totalement du premier, de la

catalepsie. Voici ce qui la caractérise :

Le léthargique parait dormir d'un sommeil profond, ses yeux sont fermés ou demi-clos, les

globes convulsés en haut et en dedans. Les membres du patient sont inertes et flasques, la

résolution musculaire est donc complète. La douleur n’est point perçue, et on peut

impunément pincer fortement, brûler et piquer profondément le sujet.

D'après les hypnotiseurs, ce qui caractérise surtout la léthargie, c'est l'hyperexcitabilité neuro-

musculaire bien étudiée jadis à la Salpètrière, qui se traduit par une très grande

impressionnabilité des nerfs moteurs et par la tendance des muscles à se contracturer.

Voici la description qu'en fait M. le Professeur Dieulafoy dans son Manuel de Pathologie

interne, tome II.

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Après avoir indiqué les prodromes que nous donnons, il ajoute : ... Il suffit de toucher avec

un crayon les points cutanés correspondant au trajet des nerfs (cubital, facial), pour voir tous

les muscles innervés par ces nerfs se contracter, comme on l'observe sous l'influence du

passage d'un courant électrique. En continuant cette excitation, on détermine des contractures

qui persistent alors même que le sujet a été réveillé. Il suffit alors de frotter légèrement la

peau sur le trajet des muscles antagonistes pour les faire cesser. Ch. Richet et Brissaut ont

montré que, dans les membres anémiés à l'aide de la compression par la bande d'Esmark,

l'hyperexcitabilité musculaire disparaît. Certains excitants peuvent, au contraire, agir pour

ainsi dire à distance ; ainsi l'application d'un courant électrique sur un des côtés du crâne

détermine parfois des secousses musculaires dans le côté opposé du corps, ce qui n'a pas lieu

à l'état de veille. La lumière vient-elle à frapper l'un des globes oculaires, on peut voir tout le

côté correspondant entrer en catalepsie ; de telle sorte que le sujet est à la fois hémiléthargique

et hémicataleptique. Si c'est l'œil qui a été ouvert, on peut constater de l'aphasie. Aussitôt la

paupière baissée, la flaccidité des membres reparaît. »

Pour faire passer un cataleptique dans l'état léthargique, rien n'est plus facile : il suffit de

fermer les yeux du sujet, habituellement ouverts dans la catalepsie, et de maintenir les

paupières closes plus ou moins longtemps. On peut aussi d'emblée obtenir la léthargie en

prolongeant la fixation du regard ou l'action d'un objet brillant, ou encore la pression des

doigts sur le vertex, sommet de la tête.

Le réveil s'obtient en soufflant sur les yeux.

Les mêmes manœuvres, plus ou moins prolongées, font également passer le sujet léthargique

au somnambulisme.

Le phénomène du transfert se produit en approchant un aimant d'un membre non contracturé.

Par exemple, la jambe gauche étant contracturée, si l'on agit avec l'aimant sur la jambe droite,

c'est sur celle-ci que se porte la contracture, et vice versa.

Somnambulisme. - Le somnambulisme est celui des trois états hypnotiques qui, d'après l'école

de la Salpêtrière, remplit les meilleures conditions d'expérience et où le sujet est plus

complètement en rapport avec l'expérimentateur.

Le somnambulisme peut se produire d'emblée, mais il est ordinairement consécutif à la

catalepsie et à la léthargie. Un sujet en léthargie passe assez aisément en somnambulisme.

Pour produire cet état, il suffit de répéter les manœuvres déjà indiquées : action du regard,

d'un objet brillant, pression sur le vertex, passes, etc. On peut aussi l'obtenir par suggestion.

Dormez, dit-on au sujet, vous allez dormir, vos paupières se ferment, vous ne pouvez les

ouvrir, vous dormez !... » Et le sujet hypnotisable s'endort.

Ce sommeil est ordinairement précédé et annoncé par une inspiration plus ou moins profonde.

Le sujet entraîné, habitué aux hypnotisations, entre en somnambulisme à la moindre

injonction. Il est facile donc de lui suggérer une foule de choses auxquelles il obéit

automatiquement. Il offre à peu près les, mêmes phénomènes physiques que dans les états

précédents.

Le professeur Charcot a différencié ces trois états en donnant à chacun ses caractères propres.

Notre expérience personnelle nous permet d'avancer que ces trois états ne sont, en somme,

que des degrés du sommeil magnétique. D'autres expérimentateurs ont décrit des états

intermédiaires même assez nombreux, ce qui appuie notre thèse.

Nous savons parfaitement qu'en actionnant longtemps une personne hypnotisable nous la

faisons passer progressivement d'un sommeil léger dans un sommeil profond, et que, pour

faire cesser ce sommeil, un simple souffle sur les yeux ne suffit pas, alors même qu'il est

accompagné de l'injonction de se réveiller.

Il faut dégager longtemps aussi, en malaxant les bras et les jambes, les jambes surtout, en

frictionnant légèrement les paupières et en soufflant fréquemment sur le front, pour remettre

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la personne dans son état normal. Et si parfois de petits accidents se produisent, ils sont dus à

l'inexpérience de l'hypnotiseur, mais surtout à la défectuosité de sa méthode.

En somnambulisme, la force musculaire du sujet est considérablement accrue : un être faible

peut renverser un homme vigoureux qui tenterait de s'opposer à l'exécution d'un ordre donné.

Les sens de la vue, de l'ouïe et de l'odorat, disent les élèves de Charcot, acquièrent une acuité

extraordinaire.

Il suffit au somnambule, dit le docteur Morand, d'un écartement imperceptible des paupières

pour lire les caractères les plus fins et distinguer des objets qui échappent aux regards de tout

l'entourage. »

À ce sujet, le Dr Bottey, dans le Magnétisme animal, etc..., rapporte l'expérience suivante :

On prépare plusieurs petits carrés de papier blanc, huit ou dix, par exemple, et l'on marque

l'un d'eux d'un signe imperceptible, seul reconnaissable pour l'expérimentateur. On donne ce

carré au sujet, en lui suggérant que c'est une photographie, et on le mélange avec les autres

morceaux de papier; malgré tout ce qu'on pourra faire pour dérouter le somnambule, celui-ci

saura toujours distinguer le premier, ou portrait imaginaire, des autres. Ce fait ne peut

s'expliquer que par une excitabilité de la vue telle que le sujet reconnaîtra certains défauts du

papier absolument inappréciables pour l'œil normal et qui, pour lui, deviendraient des points

de repaire facilement reconnaissables. »

Le même médecin a fait reconnaître à certains sujets divers parfums, en leur faisant flairer une

feuille de papier passée seulement au-dessus du flacon contenant le parfum.

Le docteur Bremond avait un sujet qui, placé dans son cabinet, portes et fenêtres fermées,

entendait un dialogue à voix basse qui avait lieu de l'autre côté de la rue, entre un ouvrier et

une femme.

Une expérience très curieuse du docteur Bottey est la suivante :

On met, sous les yeux du sujet en somnambulisme, une série de feuilles de papier

superposées, et on lui commande d'écrire sous la dictée. Lorsqu'il a écrit quelques lignes sur

la première feuille, on la retire subitement ; celui-ci continue sur la seconde feuille, puis la

troisième et la quatrième lorsqu'une série de lignes a été écrite sur chacune de ces feuilles, à

chaque fois le sujet reprenant son écriture au point exact où il en est resté sur la feuille

précédente. Enfin, la quatrième feuille étant épuisée, on lui remet la cinquième entre les

mains, en lui disant de relire à haute voix tout ce qu'il a écrit, et de ponctuer aux endroits

nécessaires : c'est ce qu'il fait avec une exactitude et une régularité vraiment surprenantes,

aucun mot n'étant omis, et chaque correction correspondant exactement aux points divers des

quatre feuilles nécessaires enlevées. »

Les faits qui précèdent sont très simplement expliqués par messieurs les hypnotiseurs : acuité

des organes des sens, hyperacuité de la mémoire. Ils avouent bien que ces faits sont

extraordinaires, mais leur conception s'arrête là et ils se gardent bien de faire un pas dans la

psychologie.

Nous prouverons par A+ B, dans le cours de ce travail, qu'ils sont dans l'erreur la plus entière.

Les documents ne nous manquent pas.

En passant, disons que le mot magnétisme ne sonne pas trop mal aux oreilles du docteur

Morand. Voici ce qu'il dit à la page 151 de son livre le Magnétisme animal, etc., etc. :

On remarquera que le mot sommeil et le nom d'hypnotisme, qui signifie également sommeil,

sont, au fond, absolument impropres, puisque l'état qu'ils représentent diffère sensiblement du

sommeil tel qu'on l'entend généralement. »

Le mot sommeil nerveux et même celui de sommeil magnétique - magnétisme, en somme,

signifiant attraction - répondent mieux à la réalité des faits. »

Le même médecin dit que Durnontpallier assure que tout le monde peut hypnotiser

(assurément, nous sommes du même avis : nous avons toujours affirmé, et nous l'avons écrit il

y a longtemps, que tout le monde pouvait magnétiser), mais ce maître de l'hypnotisme indique

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quelques conditions pour la bonne réussite des opérations : certaines qualités de conviction,

de volonté, de persévérance et de patience qui sont assez rares. (Nous avons dit, dans le

Nouvel Hypnotisme, que, de même que tout le monde pouvait chanter mal ou bien, tout le

monde pouvait magnétiser, mais qu'avec de l'entraînement et de la patience on arrive à

d'excellents résultats.) Mais le nœud de la question, d'après les hypnotiseurs, c'est l'aptitude du

sujet à être influencé. Les magnétiseurs n'ont jamais avancé autre chose : on ne peut, par un

procédé ou par un autre, changer le tempérament d'un individu.

Tous les hypnotiseurs n'admettent pas les trois états classiques de Charcot. L'école de Nancy

tout entière ne reconnaît que des degrés divers dans l'hypnotisme ; bien plus, elle fait peu de

cas de l'hypnotisme proprement dit ; elle n'admet que la seule suggestion.

Pierre Janet établit la classification ci-dessous :

l° Catalepsie ; 2° catalepsie léthargique ; 3° catalepsie somnambulique ; 4° léthargie

cataleptique ; 5° somnambulisme léthargique. »

On voit combien cet auteur complique une question fort simple en elle-même.

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Chapitre VI - L’école de Nancy et la suggestion

L'Ecole de Nancy, pas plus que celle de Paris, n'admet une action quelconque de l'hypnotiseur

sur l'hypnotisé. Les deux écoles repoussent absolument l'hypothèse d'un agent transmissible.

Mais avant de nous occuper des idées et théories de M. le professeur Bernheim et de ses

élèves, mentionnons ce qu'a écrit le Dr Liébeault, dans un ouvrage paru en 1883 : Etude sur le

zoomagnétisme.

Le père de l'Ecole de Nancy, le grand apôtre de la suggestion, écrit ce qui suit :

Nous cherchâmes à répéter nos expériences sur un enfant encore plus jeune, d'après le conseil

que nous donne M. le professeur Bernheim. Et, en principe, c'est ce même mode

d'expérimenter que du Potet et M. Dumont avaient employé déjà avec avantage sur de très

jeunes sujets, dans un but exclusivement physiologique, mais, au contraire de nous, en

agissant à distance. Aussi, frappé de cette idée juste, nous nous mîmes à l'affût d'une occasion

d'expérimenter ainsi, et nous ne tardâmes pas à la rencontrer. Une petite, nommée Louise

Meyer, âgée de un an, nous fut présentée dans la condition que nous désirions. Depuis quatre

semaines, cette enfant pleurait nuit et jour, et malgré les soins d'un fort bon médecin, aucun

mieux n'était encore survenu. Elle nous parut avoir des coliques continues, effet d'une

constipation opiniâtre. A peine si elle dormait de temps à autre cinq à six minutes de suite.

Pendant un de ces courts sommeils, et par conséquent à son insu, nous prolongeâmes cet état

et nous la tînmes vingt minutes sous nos mains, jusqu'à ce qu'il y eût signe de réveil. De ce

moment, comme par enchantement, elle ne pleura plus, dormit même une grande partie de la

nuit, et nous revint le lendemain, tranquille et commençant à avoir des selles. Trois séances

faites les jours suivants, mais sans qu'elle dormît, achevèrent sa guérison. »

Le Dr Liébeault cite quarante-cinq observations semblables, et, en homme sincère qui sait

observer, il conclut :

D'après les effets curatifs que nous venons de relater, nous sommes conduit à admettre une

action directe de la neurilité se transmettant d'homme à homme, et à ce caractère essentiel,

irréductible et sui generis, celui de rétablir le fonctionnement physiologique des organes. Un

ébranlement nerveux, chez tous nos malades, s'est transmis de nous à leurs systèmes nerveux

et, par suite, nous ne savons trop de quelle manière, a excité les organes lésés, dans un sens

bienfaisant. »

Quoique magnétiste psychologiste et longtemps adversaire de la théorie du fluide par

externation, il ne m'est plus possible de soutenir que certains phénomènes ne soient pas dus à

l'action d'un organisme sur un autre, sans aucune intervention consciente du sujet mis en

expérimentation.

Ce ne serait pas un mince progrès, si ces deux différentes manières de voir étaient enfin

acceptées l'une et l'autre ; car elles permettent de rendre raison de faits nombreux qui,

auparavant, paraissaient inexplicables par l'une seule...

En attendant, nous invitons les vrais amis de la science, ceux qui, indépendants, ne

reconnaissent pas l'infaillibilité des académiciens, nous les invitons à vérifier nos expériences

; le travail en est facile, et nous sommes sûr qu'ils confirmeront nos conclusions, de même que

nous avons confirme, celles du magnétiseur de Liège M. Langpretz... »

L'invitation de M. Liébeault n'a pas été acceptée par les hypnotiseurs officiels, même par ceux

qui le glorifient aujourd'hui en inaugurant son buste, et... cela est navrant !...

Nous savons parfaitement que la suggestion joue un très grand rôle dans notre existence ;

nous partageons donc, jusqu'à un certain point, les théories du professeur Bernheim. Mais,

contrairement à lui, nous admettons des forces, des agents, comme on voudra les nommer, qui

n'ont rien de commun avec la suggestion.

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La suggestion, dit M. Bernheim, est toute idée suggérée et acceptée par le cerveau, qui tend à

se faire acte. »

C'est un phénomène Centripète, auquel succède un phénomène centrifuge.

Toute cellule cérébrale actionnée par une idée, dit encore ce Maître, actionne les fibres

nerveuses qui doivent réaliser cette idée.

Toute idée arrive au cerveau par nos sens. Chacun des cinq sens : l'ouïe, la vue, l'odorat, le

goût, le tact, peut envoyer au sensorium des impressions qui deviennent idées et constituent

des suggestions.

L'auto-suggestion est la suggestion née spontanément chez une personne, en dehors de toute

influence étrangère appréciable. En réalité, l'auto-suggestion ne résulte pas d'une génération

spontanée, elle est toujours liée à une impression sensorielle qui donne naissance à une idée

ou à une association d'idées en rapport avec des souvenirs accumulés par suggestions

antérieures. »

M. Bernheim, cite une foule de cas à l'appui de sa thèse, cas qui, certes, ne sont pas

contestables, du moins la plupart. Mais où nous trouvons qu'il pousse cependant un peu loin la

suggestion c'est lorsqu'il affirme que les effets obtenus par l'électrothérapie, la balnéothérapie,

l'hydrothérapie, le massage, etc., ne sont dus qu'à la suggestion. Cependant, au sujet de la

métallothérapie et de la magnétothérapie, il dit ceci : Je ne nie pas qu'il y ait autre chose, mais

je ne l'ai pas constaté. »

Parlant des pratiques hypnotiques, le même auteur cite les moines du mont Athos, les fakirs et

les yoguis des Indes, les mandebs d'Egypte, les gzanes arabes de l'Afrique Française, les

Aïaoussas, etc. ; il indique leurs procédés, mais garde le silence – silence prudent - sur leurs

expériences, sur les phénomènes extraordinaires qu'ils produisent. Est-ce que M. le professeur

Bernheim ignore ces faits ?... Assurément non, mais il veut sans doute les laisser ignorer... Et

si jamais l'hypnotisme et la suggestion n'ont donné des résultats approchants, est-ce suffisant

pour les nier, pour mettre en doute les affirmations de savants voyageurs qui ont relaté ces

faits merveilleux ?

Pourquoi aussi faire table rase des expérimentateurs qui ont précédé l'abbé Faria ou qui lui ont

succédé et qui soutenaient d'autres théories que celle de ce prêtre bizarre, de cet aventurier,

pourrions-nous dire ?

Le remarquable rapport de Husson, dit-il, lu en 1831 à l'Académie de médecine, confirma la

réalité de presque tous les phénomènes que l'abbé Faria attribuait franchement à la seule

conviction des sujets. »

Que M. Bernheim relise très attentivement ce rapport ; il y trouvera des faits qui infirment

totalement ses assertions et qui, au contraire, sont tout en faveur du magnétisme animal.

C'est le docteur Liébeault (de Nancy), dit-il encore, qui a ramené la question sur son véritable

terrain. Mieux que Braid, comme nous le verrons, il a saisi la nature du phénomène.

Revenant à la doctrine de l'abbé Faria, il a montré que l'hypnose est un fait purement

psychologique, dont la suggestion est la clef ; il a décrit d'une façon plus précise les divers

degrés de l'état hypnotique, et créé la psychothérapeutique suggestive, mal interprétée encore

par Braid.

Mais le livre du docteur Liébeault, publié en 1866 : Du sommeil et des états analogues

considérés surtout au point de vue de l'action du moral sur le physique, et sa pratique restèrent

absolument inconnus du monde médical jusqu'en 1883, époque où je les fis connaître par des

articles publiés dans la Revue médicale de l'Est et dans ma brochure : la Suggestion dans l'état

hypnotique et dans l'état de veille.

Dans l'intervalle, en 1875, Charles Richet avait appelé l'attention sur le somnambulisme

provoqué par une méthode analogue à celle de Braid, sans en déduire d'application

thérapeutique ; puis Charcot et ses élèves, en 1878, étudiant l'hypnotisme chez les hystériques,

crurent voir dans ces phénomènes une névrose analogue à l'hystérie elle-même, toujours

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greffée sur un terrain hystérique, avec les trois phases caractéristiques. Ce n'était plus, comme

l'avaient établi Faria, Braid et Liébeault, un état physiologique ou psycho-physiologique

procédant d'une loi générale de l'économie animale, c'était un état pathologique susceptible

d'être provoqué chez les hystériques, comparable à la crise d'hystérie elle-même. Personne ne

songe aux applications thérapeutiques possibles. L'expérimentation continue sur ce terrain,

déraillée, si je puis dire, dans une voie qui ne pouvait aboutir qu'à des résultats erronés, de

1878 à 1884. (C'est peu aimable pour ses confrères de la Salpêtrière.) La publication de ma

brochure et de mon livre et les travaux de l'école de Nancy ramenèrent la question sur son

véritable terrain (Quelle modestie !...) et les nombreux travaux de tous les pays, qui sont

venus confirmer notre doctrine et ses applications thérapeutiques, doivent leur origine à notre

initiative, éclairée par la pratique de M. Liébeault. »

Le livre du professeur de Nancy ne contient pas qu'une erreur... Bien des médecins et des

hommes instruits traitaient les malades par le magnétisme, par la suggestion, si l'on veut,

avant Liébeault et son élève.

Après de nombreuses digressions pour démontrer que la suggestion est tout dans les

phénomènes qui nous occupent et que l'hypnotisme n'est qu'un adjuvant de la suggestion, M.

Bernbeim dit :

Si l'on veut conserver le mot hypnose, état hypnotique, nous le définissons ainsi : état

psychique particulier susceptible d'être provoqué, qui met en activité ou exalte à des degrés

divers la suggestibilité, c'est-à-dire l'aptitude à être influencé par une idée acceptée par le

cerveau et à la réaliser. »

Dans son livre, M. Bernheim indique les procédés des principaux magnétiseurs, procédés que

nous connaissons déjà ; il indique également ceux des hypnotiseurs de l'école de la

Salpêtrière, mais, à ses yeux, les uns comme les autres n'ont aucune valeur ou du moins sont

absolument inutiles, puisque la suggestion seule est la cause de tous les phénomènes, et voici

ce qu'il dit, à la suite du procédé de Braid :

On voit que, pour Braid, il y avait deux choses : la concentration fixe de l'œil visuel amenant

un phénomène physique ou physiologique et la concentration de l'œil mental, de l'attention sur

un objet. Ce n'est pas la conception nette de la suggestion pure telle que Faria l'avait formulée,

telle que Liébeault devait la retrouver.

Aussi les successeurs de Braid, mal éclairés sur la doctrine suggestive de l'hypnotisme,

continuèrent-ils à procéder empiriquement, soit par fixation des yeux, soit par des passes. »

Et... il donne immédiatement le modus faciendi de son collègue de Paris, du professeur Ch.

Richet :

Je prends, dit Richet, chacun des pouces du sujet dans une main et je les serre fortement, mais

d'une manière uniforme. Je prolonge cette manœuvre pendant trois ou quatre minutes ; en

général, les personnes nerveuses ressentent déjà une pesanteur dans les bras, aux coudes et

surtout aux poignets. Puis je fais des passes, en portant les mains étendues sur la tête, le front,

les épaules, mais surtout les paupières. Les passes consistent à faire des mouvements

uniformes de haut en bas, ou devant les yeux, comme si, en abaissant les mains, on pouvait

faire fermer les paupières. Au début de mes tentatives, je pensais qu'il était nécessaire de faire

fixer un objet quelconque par le patient, mais il m'a semblé que c'était là une complication

inutile. La fixation du regard a peut-être quelque influence, mais elle n'est pas indispensable.

»

Après une petite pointe sur les procédés et les théories de l'École de la Salpêtrière, M.

Bernheim ajoute :

Tous ces procédés, si variables, si bizarres, les uns simples, les autres complexes, n'ont

absolument rien de commun, ni comme manipulation, ni comme excitation sensorielles.

Chose singulière !

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La même impression brusque, lumineuse, auditive, ou la même impression lente et monotone,

ou les mêmes passes, ont pu fortuitement affecter souvent les sujets hypnotisables, sans

déterminer l'hypnose : elles ne l'ont produite que lorsqu'elles étaient spécialement faites dans

ce but. Tout peut réussir chez un sujet, pourvu qu'il soit prévenu. C'est qu'un seul élément

intervient en réalité dans tous ces procédés divers : c'est la suggestion. Le sujet s'endort (ou

est hypnosé) lorsqu'il sait qu'il doit dormir, lorsqu'il a une sensation qui l'invite au sommeil.

C'est sa propre foi, son impressionnabilité psychique qui l'endort. Cette vérité a été nettement

établie par l'abbé Faria et surtout par le docteur Liébeault. »

Le médecin de Nancy, revenant à la simple méthode de Faria, hypnotise par suggestion

verbale. Voici comment il expose son modus faciendi :

Pendant que le sujet immobilise ses yeux sur ceux de l'opérateur, il isole ses sens des

impressions extérieures et même intérieures ; on lui affirme de ne songer qu'à dormir et à

guérir ; on lui annonce les phénomènes initiaux du sommeil, engourdissement du corps,

besoin de dormir, lourdeur des paupières, insensibilité.

Quand on aperçoit que les paupières clignotent, s'alourdissent, que l'œil prend un aspect

étonné, que la pupille oscille ou se dilate on dit : Dormez. » Et si les paupières ne se ferment

pas, on répète plusieurs fois la même série d'affirmations ; puis les pouces, placés de chaque

côté des yeux, sont appliqués sur les paupières abaissées, pendant qu'on continue la

suggestion. Si, au bout d'une minute, rien ne se manifeste, on remet la chose au lendemain. »

M. Bernheim ne nie pas précisément qu'on puisse produire le sommeil nerveux avec un objet

brillant, sans prévenir le sujet qu'il va dormir ; mais, dit-il, la fatigue éprouvée par les yeux, la

pesanteur des paupières prédisposent au sommeil et, naturellement, le patient s'auto-

suggestionne et le sommeil a lieu. Donc, pour lui, ce n'est qu'affaire de suggestion, et il ajoute:

Mais la plupart des personnes peuvent fixer indéfiniment un objet brillant : l'hypnose ne vient

pas. J'ai maintes fois essayé ce procédé chez des sujets nouveaux, sans rien obtenir au bout de

dix minutes ou plus. Et alors, en quelques secondes, par suggestion verbale, quelquefois un

simple mot: Dormez ! L’hypnose est là plus ou moins profonde. »

Les passes, les attouchements, les excitations sensorielles ne réussissent, je le répète, que

lorsqu'elles sont associées à l'idée donnée au sujet ou devinée par lui qu'il doit dormir. Les

prétendues zones hypnogènes n'existent pas, en dehors de la suggestion. On peut les créer

artificiellement chez tout sujet habitué à l'hypnose : je touche un point quelconque de son

corps et il s'endort, ou bien je crée certains points déterminés dont seul l'attouchement l'endort

; j'en crée d'autres dont l'attouchement le réveille. Tout est, je le répète, dans la suggestion.

Les passes, la fixation des yeux ou d'un objet brillant, l'attouchement ne sont nullement

nécessaires, la parole seule suffit. »

Les gestes ne sont utiles que pour renforcer la suggestion, en l'incarnant dans une pratique

matérielle propre à concentrer l'attention du sujet. »

Tous ces procédés se réduisent donc, en réalité, à un seul : la suggestion. Impressionner le

sujet et faire pénétrer l'idée du sommeil dans son cerveau, tel est le problème.

L'expérience apprend (la sienne seulement et non celle des autres, car : hors de son église

point de salut) que le moyen le plus simple et le meilleur, pour impressionner le sujet, est la

parole. Certains, et ils ne sont pas rares, sont si faciles à impressionner qu'un simple mot suffit

à provoquer chacun des phénomènes de l'hypnose avec ou sans sommeil. Comme nous l'avons

dit antérieurement, sans les endormir, par simple affirmation, je produis chez eux de la

catalepsie, de l'analgésie, des hallucinations. Ce sont là des suggestibles, des somnambules,

sans artifice de préparation. Chez eux, toute idée déposée dans le cerveau se traduit

immédiatement en acte. L'assimilation de l’idée et sa transformation en sensation,

mouvement, image, etc., sont si instantanées que l'initiative cérébrale n'a pas le temps

d'intervenir pour les empêcher.

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Chez la plupart, l'impressionnabilité est moindre : l'hypnose ne s'obtient qu'en renforçant

l'impression par une parole répétée avec insinuation ou force, aidée de certains moyens

destinés à capter l'esprit.

Il est bon que la personne à hypnotiser en ait vu d'autres hypnotisées devant elle ; il est bon

qu'elle ait vécu pendant quelques jours dans une atmosphère suggestive, qu'elle se soit ainsi

pénétrée de l'idée que tout le monde est suggestible, qu'elle ait vu les phénomènes de

catalepsie, d'anesthésie, d'obéissance passive, de guérison. À ceux qui sont craintifs, il est bon

d'épargner le spectacle d'hallucinations ou d'autres phénomènes émotifs, avant qu'on n'ait déjà

opéré sur eux-mêmes, car il importe en général d'éloigner de l'esprit tout ce qui peut l'effrayer,

le troubler et provoquer une certaine résistance. Ils ne doivent avoir vu que les effets

bienfaisants de l'hypnotisme. Quand j'ai affaire à un pusillanime ou à une personne prévenue

contre l'hypnotisme, j'attends en général sans la violenter ; je lui insinue simplement que la

suggestion lui serait utile, je lui montre des effets heureux et j'attends qu'elle me les demande

elle-même. On trouve en ville beaucoup de personnes terrorisées par des médecins

incompétents, sur les dangers de l'hypnotisme ; dans les hôpitaux, on trouve des malades

défiants qui se figurent qu'on veut en faire des sujets d'expérience. On se heurte alors à

quelque résistance. La personne qu'on a l'intention d'hypnotiser doit être, si possible, dans un

milieu dévoué et confiant en l'opérateur. Alors, en peu de temps, le terrain est préparé : le

sujet se livre sans arrière pensée.

L'hypnose est en général facile : le sujet est couché ou commodément assis sur un fauteuil ; je

le laisse se recueillir quelques instants, tout en disant que je vais l'endormir très facilement

d'un sommeil doux, calme comme le sommeil naturel. J'approche une main doucement de ses

yeux et je dis : Dormez. » Quelques-uns ferment les yeux instantanément et sont pris.

D'autres, sans fermer les yeux, sont pris le regard fixe et avec tous les phénomènes de

l'hypnose. D'autres présentent quelques clignements des paupières : les yeux s'ouvrent et se

ferment alternativement. En général, je ne les laisse pas longtemps ouvert s; s'ils ne se ferment

pas spontanément, je les maintiens clos quelque temps, et si je surprends quelque résistance,

j'ajoute - Laissez-vous aller ; vos paupières sont lourdes, vos membres s'engourdissent, le

sommeil vient. Dormez. » Il est rare qu'une ou deux minutes se passent sans que l'hypnose

soit arrivée. (Merveilleux, mais pas exact.) Quelques-uns restent d'emblée immobiles et

inertes ; d'autres cherchent à se ressaisir, rouvrent les yeux, se réveillent à chaque instant. (Ce

n'est pas surprenant, ils ne dorment pas, mais ils veulent être agréables au Professeur.)

J'insiste, je maintiens les paupières closes, je dis - Continuez à dormir. » (C'est admirable !)

Dans la pratique hospitalière, où l'imitation joue un rôle considérable, où l'autorité du

médecin est plus grande (c'est surtout là où Bernheim a du succès...) où les sujets les plus

dociles, moins raffinés, sont plus aisés à être impressionnés, cela se passe le plus souvent

ainsi.

Les quatre cinquièmes au moins de nos sujets tombent ainsi dans un sommeil profond avec

amnésie au réveil. (Merveilleux encore... mais l'école de la Salpêtrière admet à peine une

proportion de quinze pour cent).

D'autres, moins bien préparés, moins dociles, surtout dans la clientèle de la ville, se laissent

aller plus difficilement. L'hypnose étant moins profonde, ils n'ont pas conscience qu'ils sont

influencés. (Assurément, car, avec cette méthode, et quoi qu'en dise le Professeur de Nancy,

huit sur dix de ses pseudo-influencés n'éprouvent absolument rien : ceci nous a été affirmé par

maints sujets s'étant prêtés à ses expériences.) L'opérateur surprend dans l'attitude du sujet une

certaine inquiétude ; quelquefois le sujet dit qu'il ne dort pas, qu'il ne peut dormir. J'insiste, je

lui dis : Je sais que vous m'entendez. Vous devez m'entendre : vous pouvez être hypnotisé,

tout en m'entendant. Le sommeil complet n'est pas nécessaire. Ne parlez pas, tenez les yeux

clos. Écoutez bien, etc. » Je tâche ainsi de capter son esprit soit par insinuation douce, soit par

autorité, suivant l'individualité psychique du sujet. Et je lève doucement le bras en l’air.

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J'obtiens souvent alors, même quand le sujet ne croit pas être influencé, une catalepsie

suggestive plus ou moins irrésistible, parfois des mouvements automatiques, puis de la

contracture. J'arrive à un degré plus ou moins avancé de l'hypnose sans sommeil proprement

dit, ou du moins sans que le sujet ait conscience du sommeil. Quelquefois, dans la même

séance, j'arrive graduellement chez lui à réaliser toute la série des phénomènes. Chez certains,

qui paraissent récalcitrants, il m'est arrivé d'obtenir ainsi par suggestion de l'amnésie au réveil.

D'autres ne franchissent pas les premiers degrés dans la première séance; dans les suivantes ils

peuvent arriver à l'hypnose complète, mais tous n'y arrivent pas.

L'opérateur doit avoir une assurance calme et froide. S'il hésite ou à l'air d'hésiter, le sujet peut

suivre cette hésitation et en subir l'influence contre-suggestive ; il ne s'endort pas ou se

réveille. Si l'opérateur a l'air de se donner beaucoup de peine, s'il sue sang et eau pour

endormir son sujet, celui-ci peut se pénétrer de l'idée qu'il est difficile à hypnotiser ; plus on

s'acharne après lui moins il se sent influencé. Calme, assurance, simplicité dans le procédé,

voilà ce qui réussit le mieux.

Quelques opérateurs qui n'ont pas encore l'expérience suffisante se laissent influencer par les

signes de conscience que présente le sujet, tels que rire, geste, ouverture des yeux, paroles

prononcées ; ils le croient réfractaire parce qu'il rit ou manifeste. Ils oublient que l'hypnotisé

est un être conscient qui entend, se rend compte et subit toutes les impressions du milieu qui

l'entoure. (Ce qui démontre que les hypnotisés de Bornholm n'ont rien de commun avec les

hypnotisés de la Salpêtrière, et encore moins avec les magnétisés.) Je montre tous les jours à

mes élèves des hypnotisés qui rient quand on dit quelque chose qui prête à rire ; il en est qui

ressemblent à s'y méprendre à des simulateurs, que des observateurs non expérimentés

prennent pour des complaisants. (En vérité, il faut avoir une grande dose de crédulité, une

bien singulière confiance en soi, pour prendre ces farceurs » pour des sujets

impressionnables, et si ce maître de la suggestion avait essayé d'expérimenter coram populo,

il aurait obtenu un immense succès... de fou rire : c'est vraiment pitoyable de voir un agrégé

de médecine soutenir de pareilles balivernes.)

La plupart des hypnotisés, toutefois, quand on ne les sort pas de leur torpeur, restent inertes,

impassibles, le masque sérieux, le front plissé avec une expression caractéristique ; mais la

conscience survit toujours sous ce masque inerte. Chez quelques-uns cependant qui prennent

dès le début la chose en riant et qui résistent, j'interviens avec brusquerie, je prononce des

paroles sévères, je les impressionne avec autorité ; je réprime ainsi leur velléité de gouaillerie

et de résistance, et souvent j'obtiens l'effet. (Dans son service d'hôpital, où il réussit si bien,

c'est probable, ses malades ne voulant pas se mettre mal avec le chef, mais en ville ?...)

Il en est aussi qui, tout en se laissant aller, ne savent réaliser qu'un engourdissement douteux

qui ne les satisfait pas. J'arrive parfois à transformer cet état en sommeil profond, en disant au

sujet : Je vous laisse vous rendormir seul, gardez les yeux fermés. Le sommeil va venir. » Et

je le laisse. Au bout d'un certain temps, au bout d'un quart d'heure, par exemple, je retourne à

lui et je dis : Continuez à dormir. » Quelquefois (pas toujours, sans doute) je constate alors

que la catalepsie existe, que les phénomènes de l'hypnose sont bien accentués, même avec

amnésie au réveil chez quelques-uns. (Quels sont ses moyens de contrôle ? Le professeur ne

les indique pas, pourtant il en existe : il est vrai que sa perspicacité est si grande qu'il ne peut

se tromper et, partant, se laisser duper ...)

Voilà dans ses grands traits notre procédé d'hypnotisation. Chaque opérateur arrivera, par

habitude, à varier les procédés et à les adaptera l'individualité psychique de chacun.

L'insinuation donc convient mieux pour les uns, la brusquerie pour les autres. L'occlusion des

yeux, quelques frictions sur les globes oculaires, l'exhortation prolongée, continue, grisant et

berçant graduellement chez ceux-ci, l'affirmation sur un ton d'autorité sans réplique chez

ceux-là, une suggestion matérielle telle que la chaleur, engourdissant, concentrant l'attention

sur une sensation et captivant le sensorisme pour l'empêcher de se diffuser sur d'autres objets,

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tout cela n'est pas susceptible de règle fixe. Chaque opérateur arrivera par habitude à se faire

son modus faciendi.

À Nancy, M. Liébeault, M. Beaunis, M. Liégeois et moi, nous opérons chacun à notre

manière par suggestion. C'est aussi une question de sagacité personnelle et d'observation

psychique L'hypnotisme s'apprend à la besogne, sous une bonne direction, comme

l'auscultation, la laryngoscopie, l'ophtalmoscopie. On n'est pas hypnotiseur quand on a

hypnotisé deux ou trois sujets qui s'hypnotisent tout seuls. (Mais il nous semble que c'est bien

le cas de ses sujets, de s'hypnotiser tout seuls ? ...) On l'est quand, dans un service d'hôpital où

l'on a de l'autorité sur les malades (c'est bien ce que nous soutenons), on influence huit à neuf

sujets sur dix. (Admirable !) Tant que ce résultat n'est pas obtenu, on doit être réservé dans ses

appréciations (il devrait, le premier, suivre son conseil) et se dire que son éducation sur le

sujet n'est pas achevée.

Un mot sur le réveil des hypnotisés. - Il se fait de la façon la plus simple du monde par

suggestion. Je dis ordinairement : C'est fini ! Réveillez-vous ! » La plupart se réveillent.

Quelques-uns paraissent avoir de la peine à le faire, au moins dans les premières séances. Ils

semblent ne pas entendre. Ils n'ont pas assez d'initiative pour sortir spontanément de l'état

hypnotique. J'accentue, je dis : Vos yeux s'ouvrent ! Vous êtes réveillé ! » Ou bien, renforçant

la suggestion par une pratique matérielle, je dis aux assistants, en montrant un point arbitraire

de la tête ou du corps : Il suffit que je touche ce point pour qu'immédiatement les yeux

s'ouvrent. » Ce moyen n'échoue presque jamais ; je touche ou je presse quelque peu cette

région, pour que le réveil se fasse. Je n'emploie jamais ni frictions, ni insufflation sur les yeux.

Le réveil est on ne peut plus facile, quand on est bien pénétré de cette vérité que tout est dans

la suggestion. »

Voilà, au complet, le procédé de M. le professeur Bernheïm, procédé qui, comme on le voit,

doit réussir sur les neuf dixièmes des sujets. Que les amateurs l'essayent... !

Afin de renseigner plus complètement le lecteur sur l'accord qui existe actuellement entre les

hynoptiseurs de l'école de Paris et les suggestionneurs de l'école de Nancy, nous allons puiser

dans les rapports du Deuxième congrès international de l'hypnotisme.

Dans son discours d'ouverture, M. le professeur Raymond, président d'honneur de ce congrès,

dit : Personne ne s'étonnera aujourd'hui de voir, à la tête de cette réunion, un représentant de

la Faculté de Médecine de Paris, celui qui est chargé de l'enseignement officiel des maladies

du système nerveux. À quelles appréciations désobligeantes il se fût exposé, il y a seulement

un quart de siècle, s'il avait été appelé à présider un congrès consacré à l'étude des

phénomènes du Magnétisme animal.

À cette époque, il était presque nécessaire de se cacher, pour se livrer à de pareilles

recherches, et les jugements, sans appel, des académies, avaient décrété la disparition des

somnambules et de leurs crises. Un changement considérable s'est donc produit dans l'opinion

du monde savant ; il a ouvert la voie à des recherches innombrables et fructueuses ; il a rendu

possible une réunion scientifique comme la nôtre »

Les premiers hypnotiseurs avaient été aussi malmenés que les magnétiseurs.

Après avoir indiqué la classification de Charcot et parlé des idées opposées de Bernheim, le

professeur Raymond ajoute :

On peut dire, en un mot, que si le mérite de l'Ecole (le la Salpêtrière a été de rechercher le

déterminisme dans ces phénomènes de l'hypnotisme, le mérite de l'école de Nancy a été de

chercher la pensée, les faits psychologiques dans ces mêmes phénomènes. »

La classification méthodique des phénomènes qui ressortissent au somnambulisme,

classification fondée sur des caractères objectifs, avait déjà été tentée bien des fois par des

magnétiseurs. Mon collaborateur Pierre Janet a signalé un point d'histoire peu connu. (Peu ou

pas connu des hypnotiseurs, mais bien connu des magnétiseurs.) On retrouve, dans certains

écrits consacrés à l'étude de l'ancien magnétisme animal, dans des livres qui datent de 1840

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(antérieurement, il y en a qui traitent la question qui nous occupe en ce moment) la fameuse

division du sommeil hypnotique en trois états ou phases. (Charcot n'a donc rien inventé.)

Despine disait déjà : catalepsie, somnambulisme mort et somnambulisme vivant. D'autres

auteurs groupaient de la même manière les manifestations du somnambulisme.

Je vous rappelle aussi que la recherche des caractères matériels somatiques, des

manifestations du somnambulisme avait été poursuivie par ceux qui s'intitulaient fluidistes.

Ceux-là représentaient les contractures comme les marques matérielles de l'action de leur

fluide.

Il n'y a rien de nouveau sous le soleil ; la querelle qui s'est élevée entre l'école de la

Salpêtrière et l'école de Nancy n'est que le renouvellement de celle qui divisait autrefois les

fluidistes et les animistes et qui remplissait les colonnes des journaux de l'époque consacrés à

l'étude du Magnétisme animal.

Soyons éclectiques, Messieurs, et nous serons justes...

On ne pouvait admettre, jadis, qu'un fait pût être déterminé scientifiquement, du moment qu'il

était d'ordre psychologique. Expliquer un phénomène, en faisant intervenir la pensée,

l'imagination, c'était, disait-on, s'abandonner à l'arbitraire. Les fluidistes ne se lassaient point

d'opposer semblable objection aux théories des animistes. »

On devrait suivre les excellents conseils de cet éminent Maître, mais on ne les suit pas.

Le docteur Bérillon, dans son rapport : Histoire de l'hypnotisme expérimental, dit :

Liébeault a formulé une ingénieuse théorie sur la production du sommeil provoqué.

Il place tous les phénomènes de l'hypnotisme sous la dépendance de l'attention qu'il envisage

comme une force nerveuse, rayonnante, circulante et susceptible de la suggestion dans des

rayons déterminés de l'organisme. »

Dans le même travail, nous trouvons ce qui suit, au sujet du professeur Richet, qui est loin de

partager les idées de l'auteur :

M. Richet, un des premiers, a reconnu le rôle que l'hypnotisme est appelé à jouer comme

procédé d'investigation psychologique, et il l'a fait dans les termes suivants :

L'hypnotisme est un véritable appareil de vivisection psychologique. Grâce aux travaux des

médecins et des physiologistes qui ont étudié l'hypnotisme, nous connaissons l'inconscient,

nous savons que cet inconscient accomplit silencieusement des opérations intellectuelles

merveilleuses, et il est évident que l'étude approfondie de l'écriture automatique amènera à

connaître cet inconscient surprenant qui est en nous, et qu'on avait jusqu'ici à peine

soupçonné... »

Nous trouvons une opinion de Dumontpallier, sur les recherches métalloscopiques de Burq,

que nous croyons utiles de faire connaître pour montrer l'énorme divergence de vue qui

existait entre cet expérimentateur et Bernheim.

Dans le cours ce ses expériences, Dumontpallier avait été successivement conduit à étudier le

rôle joué par les agents physiques dans la production des phénomènes de l'hypnotisme. Il

arriva à cette conclusion que les manifestations observées dans les états profonds de

l'hypnotisme procédaient des modifications périphériques déterminées sur la peau et les

organes des sens par les agents physiques. Il en fit la démonstration dans un grand nombre

d'expériences où il agissait avec le vent d'un soufflet ordinaire, la chaleur, le froid, les

courants électriques, la lumière solaire directe ou réfléchie, les raies du spectre, le son, etc.,

etc. Toutes ces expériences mettaient en évidence l'extrême impressionnabilité réflexe des

hystériques en état d'hypnotisme. C'est ce qu'il exprimait de la façon la plus expressive, dans

un mémoire à l'Académie des sciences, en disant : Il ressort de tous ces faits que les

hystériques, en état d'hypnotisme, offrent une hyperexcitabilité nerveuse telle qu'il n'est pas

d'instrument de physique qui puisse arriver à un même degré d'actions aussi infinitésimales

déterminées par les divers agents physiques. »

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M. le professeur Jamin, de la Sorbonne, ayant assisté aux expériences de la Pitié, dit : Dans

nos laboratoires, nous n'avons pas de réactifs plus sensibles que ne le sont nos hystériques. »

Les élèves de Damontpallier pourraient bien admettre que, si les agents physiques indiqués

plus haut impressionnent les sensitifs, l'électricité animale émanant de notre corps peut tout

aussi bien influencer les hystériques ; il n'y aurait là rien d'antiscientifique.

On le voit, nous sommes déjà loin des théories du professeur Bernheim.

Lors d'une communication de Dumontpallier à la Société de Biologie, Paul Bert, qui présidait

la séance, avança ceci : Depuis plus de trente ans, je suis avec le plus vif intérêt tous les

progrès de ce qu'on appelait autrefois le magnétisme animal, et que l'on appelle maintenant

l'hypnotisme. Eh bien, je ne vois dans les découvertes auxquelles on arrive actuellement rien

d'absolument nouveau. »

Les observateurs anciens ont vu, plus ou moins, tous les faits qu'on donne aujourd'hui comme

nouveaux et les ont décrits.

Le seul fait réellement nouveau, qui m'a le plus frappé, et que les anciens magnétiseurs

n'avaient jamais réalisé, c'est celui de diviser l'homme hypnotisé en deux et d'en faire un

individu double. » Et les phénomènes de somnambulisme lucide, de double vue et d'autres

encore étudiés par les magnétiseurs, phénomènes qui n'arrêtèrent sans doute point l'attention

de Paul Bert, ne prouvent-ils pas la dualité du magnétisé ?

Nos nombreuses expériences nous ont toujours démontré que l'hypnotisme proprement dit

avait une grande supériorité sur la suggestion verbale ou écrite.

Quelque théorie que l'on veuille donner de l'état du cerveau dans l'hypnotisme, dit

Dumontpallier, quelque doctrine que l'on veuille soutenir sur la suggestion, restons sur le

terrain pratique, et si l'on obtient du succès par la suggestion verbale ou écrite, parce que la foi

guérit » J'ai obtenu des succès plus remarquables et plus concluants avec la suggestion

hypnotique. C'est donc un devoir pour moi de rester fidèle à l'hypnotisme dans la pratique de

certains cas déterminés où la suggestion à l'état de veille se trouve insuffisante. »

A la deuxième séance du Congrès, dans une discussion entre les docteurs Félix Regnault,

Crocq fils de Bruxelles, Bérillon, etc., M. Regnault, parlant des phénomènes observés chez les

fakirs et chez certains animaux, est réfuté par M. Crocq.

Pour ma part, dit ce dernier, je ne crois pas aux prétendus exploits des fakirs, et je n'y croirai

pas tant que je ne les aurai point constatés de mes yeux. »

Notre collègue Félix Regnault, répliqua Bérillon, est allé dans l'Inde et il a assisté à des

expériences réalisées par des fakirs. Il a vu, dans ces expériences, une analogie avec les faits

d'hypnotisme Je connais trop sa sagacité et son esprit scientifique pour douter de ses

affirmations. D'ailleurs, le procédé de discussion qui consiste à nier un fait parce qu'on n'a pas

eu l'occasion d'en être témoin n'a rien de commun avec le doute scientifique. Un médecin

français ne serait pas fondé à nier l'existence de la lèpre ou de la pellagre parce qu'il n'en a

jamais observé dans sa clientèle. Il en est de même en ce qui concerne certaines expériences

d'hypnotisme. »

Voilà de bien bonnes et justes paroles, que nous devrions mettre en pratique.

M. Crocq ajoute: Contrairement à ce que vient de nous dire M. Bérillon, je vous pose le

principe suivant : Si vous voulez vous tromper, expérimentez sur des hystériques ».

Cette hypersensibilité et cette tendance à réaliser les désirs de l'hypnotiseur existent au plus

haut point chez les hystériques, dont l'intellectualité complexe se prête peu à une analyse

psychologique exacte. Voilà pourquoi, lorsqu'on veut étudier les phénomènes hypnotiques

purs, sans mélange de phénomènes névrosiques, il est préférable d'expérimenter sur des sujets

normaux qui réalisent parfaitement des états appartenant en propre à l'hypnose, sans y ajouter

des particularités pathologiques qui embrouillent singulièrement les choses. Si Charcot avait

étudié l'hypnotisme sur des personnes saines, au lieu de se servir de sujets hystériques

simulateurs et auto-suggestibles à l'excès, il n'aurait pas édifié une théorie dont il ne reste rien

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ou presque rien aujourd'hui. Et si un homme de la valeur de Charcot a pu se tromper, quels

dangers ne courons-nous pas en nous mettant dans des conditions analogues ? Je conclus en

disant que si l'on veut observer sainement les phénomènes de l'hypnose, on doit, de toute

rigueur, exclure de ses expériences des sujets hystériques. »

Comment !... Charcot pouvait se tromper !... Nous pensions que les savants ou les hommes

réputés tels ne pouvaient errer... Mais puisque un savant belge l'affirme, nous sommes obligé

de nous incliner, étant mieux que nous compétent pour juger ses pairs.

Un médecin, qui fut bien critiqué par ses collègues, le docteur Luys, avait imaginé divers

appareils qu'il employait, dans son service de la Charité, pour fasciner et endormir ses

malades. Il coiffait ses sujets d'un casque spécial ou il leur faisait fixer un miroir identique à

ceux qui servent à la chasse aux alouettes. M. Luys obtenait ainsi des effets en tout

semblables à ceux dus à l'hypnotisme ou à la suggestion.

Malgré ses procédés, trouvés bizarres, cet expérimentateur contribua, dans une large mesure,

à la diffusion de l'hypnotisme. On doit lui en savoir gré.

Nous reconnaissons, avec les hypnotiseurs, que la suggestion joue un grand rôle dans les

phénomènes du magnétisme animal. Nous admettons ce qu'ils soutiennent sur la plupart des

phénomènes observés par eux, mais nous différons totalement, lorsqu'ils veulent identifier

certains faits du magnétisme, qu'ils n'ont pas voulu étudier ou qu'ils n'ont point rencontrés,

avec des effets hypnotiques ayant quelque similitude.

Nous affirmons que le somnambulisme magnétique n'a que des rapports éloignés avec le

somnambulisme hypnotique et que, contrairement aux assertions des neuf dixièmes des

hypnotiseurs ou suggestionneurs, nous soutenons qu'un agent transmissible existe réellement,

et que c'est lui qui provoque les cas profonds d'hypnose : nous espérons prouver ce que nous

avançons dans les chapitres suivants.

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Chapitre VII – Preuves de l’existence d’un agent transmissible

Plusieurs des faits que nous allons citer seront sans doute, par certains, classés parmi les

phénomènes de suggestion mentale ou de transmission de pensée. C'est ce que nous ne

pensons pas ; d'ailleurs, la transmission de pensée implique un agent cause du phénomène. Et

alors, le principe des ondes hertziennes doit être applicable.

En effet, pourquoi des organes plus parfaits que deux appareils de physique, deux cerveaux,

l'un transmetteur et l'autre récepteur, ne rempliraient-ils pas le rôle de la télégraphie sans fil ?

Dans l'état actuel de nos connaissances, rien n'infirme cette hypothèse. Mais si nous voulions,

même succinctement, indiquer nos expériences personnelles, qui prouvent par A + B

l'existence d'un agent transmissible, nous devrions, considérablement agrandir le cadre de ce

livre, cependant nous donnerons suffisamment de faits pour prouver le bien fondé de nos

assertions.

Dans le chapitre suivant, nous étudierons spécialement ceux qui sont réellement du domaine

de la suggestion mentale.

Voyons d'abord les preuves que donnent le baron du Polet et Charles Lafontaine.

Du Potet dit, dans son Manuel de l'Étudiant magnétiseur :

Action sur des enfants. - Il n'est aucun enfant endormi qui, magnétisé cinq ou dix minutes au

plus, ne manifeste suffisamment le changement qui s'opère dans l'état habituel de son

existence.

Pour obtenir cette modification dans sa manière d'être, voici comment je procède :

Me plaçant à un pied de distance de l'être que je veux impressionner, je promène mes mains

successivement sur toute la surface du corps, sans déranger les couvertures ; puis, cessant ces

mouvements ou passes au bout du temps plus haut fixé, j'approche un doigt d'une surface nue

ou couverte, et, sans contact aucun, j'y détermine de légères contractions musculaires.

De petits mouvements convulsifs se manifestent dans les doigts, si c'est la main que

j'actionne, et souvent même tout le corps participe à ce commencement de magnétisation.

Si je dirige sur la tête la force que je suppose en moi, le sommeil devient plus intense.

Si j'ai choisi la poitrine comme point d'expérience, la respiration devient laborieuse, et la gêne

commence sans que les contractions que je viens de signaler cessent de se manifester par

instants.

En insistant davantage sur la surface totale du corps, de légères secousses, simulant de faibles

décharges électriques, ne tardent pas à se produire visiblement, ostensiblement, et l'enfant est

éveillé indubitablement par l'agitation qu'il éprouve.

Si, ceci fait, je le laisse tomber dans son état primitif, à cinq ou dix pas de distance, je

reproduis la même chose en me servant des mêmes procédés.

Enfin si, pour détruire toute incertitude, lever tout doute, je place un corps quelconque entre

moi et l'enfant, l'effet n'est en rien modifié.

Cette force, ainsi mise à jour, ne peut plus être contestée. Néanmoins, voyons d'autres

preuves.

Action sur des hommes. - Le système nerveux d'un enfant pouvant être impressionné par des

agents d'une faible puissance, essayons sur des hommes faits, placés dans les mêmes

circonstances, c'est-à-dire en état de sommeil naturel.

Je trouve qu'il n'en est encore aucun qui n'éprouve, presque dans le même laps de temps, des

effets absolument identiques, c'est-à-dire trismus des muscles, secousses, gêne dans la

respiration, sommeil plus profond, ou réveil subit, selon l'organe actionné.

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J'ai rarement rencontré quelque être humain endormi sans essayer sur lui l'action du

magnétisme et, dans plus de mille expériences de ce genre que j'ai faites en ma vie, les

phénomènes nerveux ont toujours apparu de la même manière.

Dans l'ivresse, la syncope, où tout se passe à l’insu du patient comme dans le sommeil, les

phénomènes se manifestent aussi de la même manière et avec le même caractère. Cela ne

suffit pas encore, poursuivons.

Action sur des animaux. - Le chien, le chat, le singe et quelques autres animaux ont été

magnétisés ; soit endormis soit éveillés, on observe sur eux les mêmes effets que sur les

hommes dans les cas qui précèdent.

Le cheval même, qu'on pourrait supposer difficile à émouvoir à cause de sa masse relative, est

sensible, et son système nerveux s'émeut au bout d'un instant.

Je suppose ici que ceux qui voudront s'assurer du fait, en cherchant à le produire eux-mêmes,

sauront magnétiser, ou qu'ils connaîtront au moins les résultats des expériences auxquelles M.

le marquis de Larochejacquelin s'est livré sur ce point.

Action sur des magnétisés. - Souvent, pour m'assurer de la réalité du sommeil magnétique de

personnes qu'on me disait être en cet état, il m'est arrivé de diriger sur elles une de mes

extrémités sans but apparent, mais intérieurement animé du désir d'exciter leur système

nerveux.

Eh bien, elles sentaient mon action, m'avertissaient que je les magnétisais, et éprouvaient des

secousses qui, du reste, ne laissaient aucun doute.

Il en était encore absolument de même, lorsque, me tournant le dos et causant avec les

personnes qui les entouraient, j'agissais avec la même intention, et que, par ma volonté, je

chassais au dehors la force agissante de mes organes.

Voici, au reste, une expérience qui les résume toutes ; je la tire du rapport de M. Husson à

l'Académie de médecine :

C'est principalement sur M. Petit, âgé de trente deux ans, instituteur à Athis, que les

mouvements convulsifs ont été déterminés avec le plus de précision par l'approche des doigts

du magnétiseur. M. du Potet le présenta à la Commission le 16 août 1826, en lui annonçant

que M. Petit était très susceptible d'entrer en somnambulisme, et que, dans cet état, lui, M. du

Potet, pouvait, à sa volonté, et sans l'exprimer par la parole, par la seule approche de ses

doigts, déterminer des mouvements convulsifs apparents. Il fut endormi très promptement, et

c'est alors que la Commission, pour prévenir tout soupçon d'intelligence, remit à M. du Potet

une note rédigée en silence à l'instant même, et dans laquelle elle avait indiqué par écrit les

parties qu'elle désirait qui entrassent en convulsion ; il se plaça ensuite derrière le magnétisé,

et dirigea son doigt en premier lieu sur la cuisse gauche, puis vers le coude gauche et enfin

vers la tête, les trois parties furent presque aussitôt prises de mouvements convulsifs.

M du Potet dirigea sa jambe vers celle du magnétisé ; celui-ci s'agita de manière qu'il fut sur

le point de tomber. M du Potet dirigea ensuite son pied vers le coude droit de M. Petit, et ce

coude s'agita ; puis il porta son pied vers le coude et la main gauches, et des mouvements

convulsifs très forts se développèrent dans tous les membres supérieurs.

Un des commissaires, M. Marc, dans l'intention de prévenir davantage encore toute espèce de

supercherie, lui mit un bandeau sur les yeux, et les expériences furent répétées avec une légère

différence dans les résultats !... MM. Thillaye et Marc dirigèrent les doigts sur diverses parties

du corps, et provoquèrent quelques mouvements convulsifs. Ainsi M. Petit a toujours eu, par

l'approche des doigts, des mouvements convulsifs, soit qu'il ait ou qu'il n'ait pas eu de

bandeau sur les yeux. »

Ces démonstrations de l'existence de la force magnétique reprises dans une autre séance pour

obéir aux désirs des commissaires, eurent lieu dans le local même de l'Académie, rue de

Poitiers. M. le rapporteur, en laissant de côté tout ce qui a trait à la vision, s'exprime ainsi à

leur sujet :

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Pendant que M. Petit faisait une deuxième partie de piquet (en somnambulisme), M. du Potet,

sur l'invitation de M. Ribes, dirigea par derrière la main sur son coude ; la contraction

précédemment observée eut lieu de nouveau. Puis, sur la proposition de M. Bourdois, il le

magnétisa par derrière, et toujours à un pied de distance, dans l'intention de l'éveiller. L'ardeur

que le somnambule portait au jeu combattait cette action, et faisait que, sans le réveiller, elle

le gênait et le contrariait. Il porta plusieurs fois la main derrière la tête, comme s'il y souffrait.

Il tomba enfin dans un assoupissement qui paraissait être un sommeil naturel assez léger, et

quelqu'un lui ayant parlé dans cet état, il s'éveilla comme en sursaut.

Peu d'instants après, M. du Potet, toujours placé derrière lui, et à quelque distance, le plongea

de nouveau dans le sommeil magnétique, et les expériences recommencèrent. M. du Potet,

désirant qu'il ne restât aucune ombre de doute sur la nature d'une action physique exercée à

volonté sur les somnambules, proposa de mettre à M. Petit tel nombre de bandeaux que l'on

voudrait et d'agir sur lui dans cet état. On lui couvrit, en effet, la figure jusqu'aux narines, de

plusieurs cravates ; on tamponna avec des gants la cavité formée par la proéminence du nez,

et on recouvrit le tout d'une cravate noire descendant en forme de voile jusqu'au cou. Alors on

recommença de nouveau, et de toutes les manières, les essais d'action à distance, et

constamment les mêmes mouvements se manifestèrent dans les parties vers lesquelles la main

ou le pied étaient dirigés. »

Voici ce que nous trouvons dans l'Art de magnétiser, de Lafontaine :

Sommeil sur des idiots. - A Nantes, le docteur Bouchet, médecin en chef de l'hôpital Saint-

Jacques, voulant avoir des preuves positives de l'action physique du magnétisme me proposa

de magnétiser des idiots.

Je me transportai à l'hôpital, et là, devant une douzaine de personnes, parmi lesquelles se

trouvait le prince de la Moskowa, j'essayai de magnétiser une femme idiote.

Je lui pris les pouces ; mais bientôt elle retira ses mains et me donna des coups de poing. Je

pris alors un seul pouce, et, de mon autre main, je parai les coups qu'elle cherchait à me

donner, me faisant en outre les plus laides grimaces imaginables.

Après quarante minutes de combat, pendant lesquelles j'avais continué à envahir son

organisme, ses yeux se fermèrent, et bientôt après elle était plongée dans un sommeil profond,

dont elle ne sortit que lorsque je la démagnétisai.

On avait pu la piquer impunément sans qu'elle donnât signe de sensation.

Certes, ici il n'y avait ni influence de l'imagination ni effet d'imitation. On n'avait pas même

prononcé le mot magnétisme.

Sommeil sur des animaux, lion, hyène, chien, chat, écureuil, lézard, etc. - L'expérience faite

sur un chien a été donnée dans un chapitre précédent. Nous ajoutons celles qui ont réussi aussi

parfaitement sur d'autres animaux :

A Tours, dans une ménagerie, à l'époque de la foire, en 1840, j'essayai d'agir sur un. lion, sans

en prévenir personne.

Je me plaçai près de sa cage, et je fixai mes regards sur les siens. Bientôt ses yeux ne purent

soutenir ma vue, ils se fermèrent ; alors je lançai le fluide d'une main sur la tête, et j'obtins,

après vingt minutes, un sommeil profond.

Je me hasardai alors à toucher avec toutes les précautions possibles sa patte qui se trouvait

près des barreaux. M'enhardissant, je le piquai ; il ne remua pas. Convaincu que j'avais produit

l'effet voulu, je lui pris la patte et la soulevai ; puis je touchai la tête, et j'introduisis la main

dans sa gueule. Le lion resta endormi; je le piquai sur le nez et le lion ne bougea pas, au

grand étonnement des personnes présentes, qui n'osaient en croire leurs yeux.

Je le réveillai : aussitôt le lion ouvrit les yeux et reprit ses allures, qui ne donnaient

certainement pas la tentation de renouveler les attouchements.

Pendant mon séjour à Tours, je fis plusieurs fois la même expérience, et toujours avec le

même succès.

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À Nantes, je tentai le même effet sur un lion, et j'obtins les mêmes résultats.

J'essayai l'action sur une hyène ; mais j'obtins des effets tout différents. Aussitôt que la hyène

sentit le fluide, elle donna des signes d'inquiétude ; elle n'eut plus un moment de repos, et

enfin elle arriva au paroxysme de la fureur. Si la cage n'avait pas été solide, elle l'aurait brisée

pour fondre sur moi. Toutes les fois que j'essayais sur cette bête, toujours la même fureur se

manifesta ; et même après deux ou trois fois j'entrais à peine dans la ménagerie qu'aussitôt elle

s'élançait sur moi. Ce fut au point que le propriétaire me pria instamment de ne plus venir,

craignant, malgré la solidité de la cage, qu'elle ne la brisât et qu'il n'arrivât un accident.

Les chats sont très impressionnables au fluide. J'en ai endormi plusieurs, un entre autres chez

M. Badier, à Belfort. Il était monté sur la table, où le thé était servi. Je lui fis quelques passes,

et il tomba aussitôt le nez sur la table, ne pouvant plus se relever. En doublant l'action, je

l'endormis complètement, et je pus le piquer. Je le réveillai, et je recommençai plusieurs fois

l'expérience dans la même soirée.

À Paris, je produisis aussi le sommeil sur un écureuil, et je le tins une heure sans qu'il donnât

signe de vie.

Chez tous ces animaux il faut bien le reconnaître, c'était le résultat du fluide communiqué.

C'était bien l'émanation physique de l'homme : la volonté ne pouvait y être pour rien.

En voici une autre preuve : j'étais à Livourne pendant l'été de 1849 ; je pris beaucoup de

lézards, et je les mis séparément dans des bocaux. Je cherchai à en magnétiser plusieurs, et j'y

parvins sur deux que je plongeai dans un sommeil profond. Dans cet état, je pouvais remuer le

bocal, le mettre de haut en bas, les lézards ne donnaient aucun signe de vie. Après vingt

quatre heures, je les réveillai, en faisant quelques passes pour les dégager ; aussitôt ils se

mirent en mouvement, tournèrent et s'agitèrent dans les bocaux.

Je m'attachai à deux principalement, et quelquefois je les laissai plusieurs jours sans les

réveiller. Lorsque je les dégageais du fluide, je leur laissais la liberté seulement une heure et

je les replongeais aussitôt dans le sommeil ; quelquefois, au contraire, j'étais plusieurs jours

sans les endormir.

Quant aux autres, que je ne magnétisais pas, je faisais une autre expérience sur eux je voulais

savoir combien de temps ils pourraient vivre sans manger.

Je les laissais seuls dans les bocaux, ne leur donnant rien à manger : le papier qui couvrait les

bocaux était percé de petits trous pour qu'ils eussent un peu d'air. Tous ceux que je ne

magnétisais pas moururent après neuf, onze, treize jours ; il y en eut un qui vécut dix-huit

jours.

Les deux qui étaient magnétisés moururent par accident, l'un après quarante-deux jours, l'autre

après soixante-quinze jours.

Le premier, je l'avais réveillé, j'étais à la croisée ; je penchai maladroitement le bocal, qui

tomba avec le lézard sur la dalle.

Quant à l'autre, j'avais posé le bocal sur la croisée au soleil, il était très gai, très frétillant. Par

malheur je fus obligé de sortir, oubliant mon lézard ; lorsque, trois heures après, je rentrai, je

trouvai mon pauvre lézard cuit ; il était entièrement desséché par le soleil. Le verre s'était

échauffé ; comme il y avait peu d'air dans le bocal, mon pauvre lézard fut grillé après

soixante-quinze jours de diète et de sommeil magnétique.

Par ces expériences, j'ai acquis la certitude que, dans le sommeil magnétique, on pouvait faire

vivre longtemps, sans nourriture, non seulement des animaux, mais des êtres humains.

Les expériences faites sur ces deux lézards en sont la preuve convaincante, surtout si on les

rapproche de celles faites sur les autres lézards qui mis dans les mêmes conditions, sont morts

après dix et quinze jours, tandis que ceux qui ont été magnétisés ont vécu quarante-deux et

soixante-quinze jours, et ne sont morts que par accident. »

Voici maintenant ce que M. Picard, médecin-hortiticulteur à Saint-Quentin, a obtenu en

agissant sur des végétaux, par le magnétisme animal.

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Frappé de l'unité du principe vital chez tous les êtres organisés auxquels revenaient sans cesse

mes somnambules passés à l'état d'extase, je résolus, dit-il, de faire l'application du

magnétisme animal sur les végétaux et d'étudier ses effets.

Le 5 avril, je greffai en fente six rosiers sur six beaux et vigoureux églantiers.

J'en abandonnai cinq à leur marche naturelle, et je magnétisai le sixième (un rosier de la

Reine), matin et soir, environ cinq minutes seulement ; le 10, le magnétisé, que je désignerai

sous le n°1, avait déjà développé deux jets d'un centimètre de long ; et le 20, les cinq autres

entraient à peine en végétation.

Au 10 mai, le n°1 avait deux jets de quarante centimètres de haut, surmontés de dix boutons,

les autres avaient de cinq à dix centimètres, et les boutons étaient loin de paraître. Enfin, le

premier fleurit le 20 mai, et donna successivement dix belles roses... Ses feuilles avaient

environ le double d'étendue de celles des autres rosiers.

Voici leur mesure : dix-huit centimètres de longueur à partir de la tige à l'extrémité de la

foliole terminale, huit centimètres de longueur sur six de largeur.

Je le rabattis aussitôt la fleur passée, et en juillet il avait acquis quarante-deux centimètres, et

me donnait 25, huit nouvelles roses. Je le rabattis de nouveau à quinze centimètres et,

aujourd'hui, 26 août, il forme une belle tête, par douze rameaux florifères de soixante-quatre

centimètres de haut.

Ainsi, cette greffe, faite le 5 avril, ayant donné en deux floraisons dix-huit belles roses, est sur

le point de fleurir une troisième fois, et j'ai tiré des rameaux que j'ai rabattus trente-huit

écussons, dont plusieurs ont déjà donné des fleurs depuis trois semaines, tandis que les autres

n'ont fleuri qu'à la fin de juin, et les rameaux n'avaient acquis que quinze à vingt centimètres,

un seul en avait acquis vingt !… »

D'autres expériences aussi concluantes furent faites par M. Picard, qui réussit également à agir

seulement sur une partie d'un végétal.

Si nous voulions allonger cette partie de notre ouvrage, nous pourrions indiquer les

phénomènes étranges provoqués par certains fakirs : action à distance sur les animaux, sur les

corps inertes, graines semées qui germent et deviennent arbustes en l'espace de quelques

heures, etc., etc.

Ces phénomènes ont été rapportés par des voyageurs sérieux, instruits et sincères qui, certes

n'avaient aucune raison de tromper, ayant employé eux-mêmes tous les moyens pour ne pas

l'être.

Mais le lecteur qui voudra posséder des données exactes et complètes sur ces cas

extraordinaires n'aura qu'à lire : Voyage au pays des Fakirs charmeurs, par Louis Jacolliot,

ancien magistrat à Chandernagor, et l'article paru dans le Supplément littéraire du Figaro du 4

juillet 1891 : Fakirisme par L. Boussenard.

Il n'est pas déplacé, ce nous semble, de rappeler dans ce chapitre les cas de : Henriette Coltin,

Honorine Seguin, Adolphine Benoit, et de la fille électrique observée au Canada.

M. Boirac, alors professeur au lycée C..., publia dans la Nouvelle Revue, n° du 1er octobre

1895, une série d'expériences qui justifient l'hypothèse du magnétisme animal.

Après avoir parlé de l'hypnotisme et de la suggestion, M. Boirac s'exprime ainsi :

... Lorsque je commençai à expérimenter personnellement, - seul moyen de se former des

convictions précises dans cet ordre d'études, - je fus frappé à plusieurs reprises, dans le cours

de mes expériences, de certains phénomènes où ce quelque chose (D'autre que la suggestion

et l’hypnotisme) » semblait se laisser entrevoir, mais sans qu'il me fût jamais possible de le

saisir définitivement.

Un des premiers sujets avec lesquels j'expérimentai, Robert C..., ouvrier mécanicien, âgé de

dix-neuf ans, accusait, lorsque je présentais ma main droite au-dessus de la sienne,

préalablement mise en contracture, une sensation de chaleur cuisante et, dès que je soulevais

ma main, la sienne montait en même temps, comme attirée ; mais, lui ayant fait fermer les

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yeux, le phénomène ne se produisit plus, de sorte que ce prétendu effet magnétique me parut

visiblement dû à l'auto-suggestion. »

Parlant ensuite de notre procédé et des phénomènes d'attraction obtenus sur des personnes

vierges » de tout sommeil nerveux, alors que M. Boirac exerçait son action à leur insu, il dit :

Mon doute persistait encore, même après avoir observé des phénomènes bien plus

extraordinaires précisément, si je puis dire, parce qu'ils étaient trop extraordinaires.

J'avais eu pour domestique, pendant six mois, un jeune Pyrénéen de quinze ans, Jean M...,

d'une extrême sensibilité hypnotique, et voici les notes que je retrouve dans le registre des

expériences faites avec ce sujet :

Je n'ai qu'à présenter ma main ouverte derrière son coude ou une partie quelconque de son

corps, pour y déterminer rapidement des secousses, des mouvements, etc., et cela sans que

rien, autant que j'en puisse juger, l'informe de mon action, tandis qu'il me tourne le dos, est

occupé à lire, à causer, etc. Plusieurs fois, alors qu'il était endormi de son sommeil naturel, il

m'a suffi d'étendre ma main au-dessus, à huit ou dix centimètres, pour voir son ventre se

gonfler, monter, en quelque sorte comme aspiré par ma main, à mesure que celle-ci montait,

et retomber quand la distance devenait trop grande : influence magnétique peut-être, mais

peut-être aussi simple phénomène d'hyperesthésie du toucher.

La seconde hypothèse devenait plus difficile à admettre pour le fait suivant, tellement étrange

que, si quelqu'un me le racontait, je le taxerais vraisemblablement de mensonge ou d'illusion,

et dont je reproduis le récit tel que je le retrouve dans mes notes :

Un dimanche, après-midi de janvier 1893, rentrant chez moi, vers trois heures, après une

courte absence, j'appris que Jean, ayant achevé son service et se sentant fatigué, était allé se

coucher. Sans entrer dans sa chambre, dont la porte était ouverte, je restai sur le palier à le

regarder dormir. Il s'était étendu sur son lit, la tête dans l'angle oppose à la porte, les bras

croisés sur la poitrine, les jambes posées l'une sur l'autre, les pieds pendant légèrement hors

du lit. J'avais assisté la veille à une discussion sur la réalité de l'action magnétique. J'eus l'idée

de faire une expérience. Toujours debout sur le palier, à une distance d'environ trois mètres,

j'étendis ma main droite dans la direction et à la hauteur de ses pieds. Après une ou deux

minutes (probablement moins, quelques secondes), je levai lentement la main, et, à ma

profonde stupéfaction, je vis les pieds du dormeur se soulever d'un seul bloc et suivre en l'air

le mouvement ascensionnel de ma main. Trois fois je recommençai l'expérience, trois fois le

phénomène se reproduisit avec la même régularité et la précision d'un phénomène physique.

Emerveillé, j'allais chercher Mme B..., en lui recommandant de faire le moins de bruit

possible. Le dormeur n'avait pas bougé. De nouveau, à deux ou trois reprises, ses pieds

parurent attirés et soulevés par ma main. Essayez, me dit tout bas Mme R..., d'agir par la

pensée » j'essayai, en effet ; mais mon action, je m'en rendis compte ensuite, pouvait aussi

bien être attribuée au regard qu'à la pensée. Je fixai les yeux sur les pieds du dormeur et les

levai lentement : chose incroyable ! Les pieds suivirent les mouvements de mes yeux,

montant, s'arrêtant, descendant avec eux. Mme B... me prit la main gauche et, de la main

restée libre, fit comme j'avais fait moi-même ; elle réussit comme moi, mais dès qu'elle cessa

de me toucher, elle n'exerça plus aucune action. Elle voulait continuer ces expériences, mais

j'étais si troublé par ce que je venais de voir que je m'y refusais, craignant surtout de fatiguer

le sujet. En effet, Jean se réveilla environ une demi-heure après, et il se plaignit de vives

douleurs dans les jambes, de mouvements convulsifs dans les genoux, que je calmai à grande

peine par des frictions et des suggestions. »

Avec un autre sujet, M. Boirac a obtenu les effets suivants :

... Il y avait à peu près deux mois que ce sujet se rendait chez moi environ deux fois par

semaine pour se prêter à des expériences. Un dimanche matin, il venait d'entrer dans mon

cabinet et s'était assis à côté de ma table de travail, sur laquelle son coude gauche était

appuyé. Tandis que j'achevais d'écrire une lettre, il causait avec une troisième personne, vers

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laquelle il était à demi-tourné. J'avais posé ma plume, et mon bras étendu sur la table, les

doigts allongés, se trouvait, par hasard, dans la direction de son coude. À ma grande surprise,

je crus m'apercevoir que son coude glissait, comme attiré par ma main. Sans dire un mot, le

sujet continuant à causer et paraissant tout à fait étranger à ce qui se passait là, je soulevai

légèrement mon bras, et le bras du sujet se souleva en même temps. Mais comme si

l'attraction, en devenant plus forte, avait éveillé la conscience, Gustave P... s'interrompit tout à

coup, porta sa main droite à son coude gauche, qu'il retira vivement en arrière, et, se

retournant vers moi : Qu'est-ce que vous me faites donc ? » s'écria-t-il :

Depuis lors, au début des séances qui suivirent ou dans les intervalles des expériences de

somnambulisme, je m'ingéniais à détourner l'attention du sujet pour présenter à son insu ma

main droite vis-à-vis l'un ou l'autre de ses coudes, de ses genoux, de ses pieds, etc., et toujours

j'observerais le même phénomène : attraction du membre visé, qui semblait cesser

d'appartenir au sujet pour tomber sous l'empire de ma volonté jusqu'au moment où, par une

sorte de brusque secousse, le sujet était informé de ces mouvements involontaires et se

dérobait à mon influence. Oui, pensais-je, voilà bien le fait qui pourrait servir de preuve à la

réalité d'une action personnelle, d'un rayonnement nerveux de l'opérateur, qu'on l'appelle,

d'ailleurs, magnétisme animal ou autrement, le nom n'importe guère à la chose ; mais

comment savoir si le sujet, quelque distrait qu'il paraisse, ne guette pas du coin de l'œil la

main sournoisement tournée vers sa jambe ou son bras, et s'il ne simule pas, ou du moins

comment savoir s'il ne la voit pas inconsciemment et s'il ne s'auto-suggestionne pas ?

Comment supprimer jusqu'à la possibilité de la simulation et de l'autosuggestion?

A force d'y rêver, je me dis que le plus sûr moyen pour cela c'était d'aveugler le sujet en lui

bandant hermétiquement les yeux. Je fis donc fabriquer un bandeau en drap noir, assez épais

pour intercepter complètement la lumière, et encapuchonnant à la fois les yeux et le nez. Puis,

sans dire au sujet quel genre d'expériences je voulais faire, je lui demandais de se laisser

appliquer ce bandeau et de rester seulement immobile quelques instants sur la chaise. M'étant

alors approché, je présentais, sans faire de bruit, ma main droite à environ huit ou dix

centimètres de sa main gauche, et bientôt, en moins d'une demi-minute, celle-ci fut attirée ;

même effet produit sur l'autre main, sur le coude droit et le coude gauche, le genou droit et le

genou gauche, le pied droit et le pied gauche, etc. Il va sans dire que je ne suivais aucun ordre,

mais que j'entremêlais ces actions de toutes les façons possibles pour que le sujet ne pût

deviner par aucun raisonnement quelle était la partie de son corps que je visais, et cependant il

y eut toujours concordance entre la direction de ma main et le mouvement obtenu. Du reste,

ce n'est pas dans une seule séance, c'est dans plus de dix séances que j'observai ces mêmes

phénomènes.

Je n'avais agi, dans la première séance, qu'avec la main droite ; dans une seconde séance,

après avoir reproduit et vérifié tous les résultats de la première, j'eus l'idée d'agir avec la main

gauche, toujours, bien entendu, sans ouvrir la bouche. Aussitôt, au lieu de l'attraction

attendue, je vis des tremblements, des secousses se produire dans le membre visé, et j'entendis

le sujet s'écrier : Vous ne m'avez pas encore fait cela ; je vous en prie, cessez ; cela est trop

énervant, on dirait que vous m'enfoncez un million d'aiguilles sous la peau. » Je cédai à sa

prière et lui demandai de me décrire, aussi exactement qu'il le pourrait, son impression. Après

y avoir réfléchi, il me dit que ce qu'il éprouvait lui rappelait tout à fait les sensations produites

par une pile de cinq ou six éléments. J'avais dès lors un nouveau moyen de varier mes

expériences en variant non seulement les parties du corps du sujet sur lesquelles j'agissais,

mais encore mon action même, selon que j'employais la main droite pour produire de

l'attraction, ou la main gauche pour produire des picotements.

Qu'arrivera-t-il, me demandai-je après cette seconde séance, si, appliquant mes deux mains

l'une sur l'autre, paume contre paume, je les présente ainsi au sujet ? Probablement leurs

actions se neutraliseront et leur effet sera nul. Mais lorsque, dans une troisième séance, après

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avoir expérimenté séparément avec la main droite et la main gauche, j'expérimentai tout à

coup avec les deux mains réunies, le résultat fut tout autre que celui que j'attendais. Cette fois

encore, le sujet s'écria : Que me faites-vous là ? C'est encore du nouveau mais plus énervant

que tout le reste. Je ne vois pas ce que c'est ; c'est un gâchis. Ah! Je comprends. Vous

m'attirez et vous me picotez en même temps. » De fait, le membre visé venait en effet dans la

direction de mes mains, tout en étant agité de tremblements presque convulsifs. Ainsi j'avais

une triple action, attractive avec la main droite, picotante avec la main gauche, simultanément

attractive et picotante avec les deux mains réunies ; et toujours, ou du moins quatre-vingt-dix-

neuf fois sur cent, dans toute cette première série d'expériences, cette action se produisait

régulièrement.

Je priai un de mes collègues, Louis B... (Professeur de physique à l'école M...), de bien

vouloir assister à une séance, et, après lui avoir montré sans explication verbale tous les faits

précédents, j'obtins avec son concours des faits nouveaux plus remarquables encore.

Sur un signe de moi, il présenta sa main droite au sujet dans les conditions où je la présentais

moi-même, et, au bout d'un moment, le sujet, s'adressant à moi, me dit : Où êtes-vous ? Vous

devez être loin ? Je sens quelque chose dans ma main comme si vous vouliez m'attirer, mais

c'est beaucoup plus faible qu'à l'ordinaire. »

Je constatai ainsi que le rayonnement nerveux est inégal chez les différents individus, ou peut-

être que la réceptivité des sujets est plus forte pour le rayonnement de certains individus que

pour celui de certains autres.

Mon collègue et moi nous primes alors - toujours silencieusement - un fil de cuivre isolé,

comme ceux qui servent pour les sonneries électriques d'appartement, je tins une des

extrémités dénudées du fil dans ma main droite et m'éloignai le plus possible du sujet ; mon

collègue lui présenta l'autre extrémité, après l'avoir enroulée autour d'une règle de bois qu'il

tenait à la main, et nous vîmes la pointe de cuivre produire le même effet qu'eût produit ma

main droite présentée à la même distance, c'est-à-dire attirer la partie du corps du sujet qu'elle

visait. Je remplaçai la main droite par la main gauche : le fil de cuivre transmit fidèlement

l'influence picotante comme il avait transmis l'influence attractive. Je greffai sur le fil unique

présenté au sujet un second fil, de manière à agir simultanément avec les deux mains, et le fil

unique conduisit sans les confondre les deux actions réunies, ce que le sujet appelait le gâchis

».

Je passai dans une autre pièce ; on ferma la porte, le fil seul dont je tenais un bout

communiquant par dessus la porte avec les personnes restées dans mon cabinet. L'action de

ma main se transmit encore, mais les expériences ne purent pas avoir le même degré de

précision, parce que nous ignorions ce que nous faisions de part et d'autre. Cependant, mon

collègue ayant présenté le bout de cuivre au front du sujet, toujours à 0 m. 10 ou 0 m. 12 de

distance, celui-ci très rapidement, donna des signes d'un grand malaise, dit qu'il sentait sa tête

s'échauffer et s'alourdir, et porta ses mains vers son front comme pour éloigner cette

influence, obligeant ainsi mon collègue à écarter le fil chaque fois. Je constatai, du reste, dans

un grand nombre de séances, qu'en prolongeant cette action de la main droite, soit

directement, soit par l'intermédiaire d'un fil de cuivre, le sujet, malgré le bandeau interposé,

s'endormait en passant successivement par les trois états habituels, et que de même l'action de

la main gauche, soit directe, soit conduite, provoquait à travers le bandeau les trois degrés du

réveil. »

M. Boirac cite encore un grand nombre d'expériences non moins intéressantes et concluantes,

faites sur beaucoup d'autres sujets éveillés ou endormis et que nous regrettons de ne pouvoir

rapporter ici.

Nous nous permettrons de citer quelques faits personnels.

En 1877, à Avignon, nous avons, plusieurs fois, sur la demande d'officiers de la garnison,

influencé un jeune capitaine d'Etat-major, aujourd'hui général de division, soit à la promenade

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des allées de l'Oulle, soit sur la place de l'Horloge, soit au café. Nous l'empêchions de marcher

; s'il était au café, il ne pouvait prendre son verre, etc., etc. Jamais cet officier n'avait été

endormi.

A l'hôpital Lariboisière, alors que nous étions stagiaires dans le service de M. le docteur

Gouguenheim, nous avons obtenu les mêmes effets sur M. I., externe du service ; M. I. les

yeux bandés et absolument éveillé, sentait très bien lorsque nous voulions le faire avancer ou

reculer, de même lorsque nous voulions le faire mettre à genoux ou le forcer à s'asseoir, et

cela sans la moindre suggestion verbale.

Au mois de janvier 1887, nous trouvant à Angers, où nous avions fait déjà de nombreuses

démonstrations, nous avons, dans un cercle de jeunes gens, fréquenté surtout par les étudiants,

en présence de plusieurs médecins, professeurs de l'Ecole de médecine de cette ville, fait sur

deux de ces messieurs les expériences suivantes :

En état complet de veille, sur des sujets n'ayant jamais été endormis, et après leur avoir bandé

les yeux, nous avons, à volonté, produit l'attraction ou la répulsion, la flexion des genoux, la

marche en avant ou en arrière, sur l'ordre écrit, - afin d'éviter toute suggestion - des médecins

présents : nos expériences réussirent chaque fois.

A Paris, la même année, nous fîmes, dans le cours d'une soirée donnée par un officier

supérieur, devenu généralissime, des expériences très curieuses sur plusieurs invités, entre

autres le docteur C..., médecin des hôpitaux, expériences qui convainquirent les plus

sceptiques.

L'épouse du général XXX... fut un sujet d'une rare impressionnabilité. Aussi, après une série

d'expériences des plus concluantes, nous eûmes l'idée de renouveler avec elle un fait que nous

avions déjà produit dans des circonstances analogues, fait qui, s'il réussissait, devait prouver à

tous les assistants l'existence de la force magnétique.

En conséquence, les plus minutieuses précautions ayant été prises, et au moment où Mme

XXX... était occupée à toute autre chose - elle prenait au buffet une coupe de champagne - on

vint me prier d'essayer mon action. On m'avait conduit dans un boudoir, fait traverser

plusieurs pièces, et je ne pouvais, d'où j'étais, me rendre compte de la direction du buffet. A

peine une minute après avoir reçu l'injonction d'agir, Mme XXX... fut entraînée

irrésistiblement vers moi. Elle ouvrit vivement les portes qui nous séparaient et vint se

précipiter sur un sofa sur lequel j'étais assis.

Interrogée après l'expérience, Mme XXX... dit qu'elle avait d'abord éprouvé une petite

secousse nerveuse, puis, qu'elle s'était sentie attirée comme avec une corde et que, malgré une

grande résistance, elle avait dû obéir sans savoir où elle allait.

Les effets magnétiques produits chez Mme XXX... et sur le docteur C... eurent un grand

nombre de témoins et nous regrettons, eu égard à la notoriété des personnages, de ne pouvoir

donner leurs noms. Mais qu'on sache bien que nous n'exagérons rien, au contraire.

Les faits qui précèdent ne seront sans doute pas suffisamment démonstratifs pour les partisans

de la suggestion, mais nous pensons que les suivants, à moins de nier de parti pris l'évidence

même, feront réfléchir ces sceptiques obstinés et les engageront peut-être à contrôler nos

affirmations.

Procédons toujours du simple au composé. Voici un appareil des plus faciles à construire et

nullement compliqué, que nous avons imaginé il y a fort longtemps et qui permet

instantanément de constater l'existence d'un courant émanant de nos doigts.

Il suffit simplement d'avoir sous la main une feuille de papier à cigarette, une aiguille de trois

ou quatre centimètres de longueur et un bouchon en liège.

On enfonce l'aiguille du côte du chas, à la partie médiane du bouchon, et, sur la pointe de

cette aiguille on place délicatement la feuille de papier pliée en angle plus an moins obtus, en

évitant de la trouer, et de façon qu'elle soit bien en équilibre sur l'aiguille qu'elle ne penche ni

d'un côté ni de l'autre.

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Cet appareil est d'une grande sensibilité : le moindre souffle peut faire vaciller la feuille, aussi

faut il éviter de respirer dessus et d'en approcher brusquement la ou les mains.

Pour ne pas agiter l'air ambiant, l'appareil étant placé au milieu d'une table, l'opérateur

avancera lentement sa main droite ou gauche, les doigts ployés de façon que celle-ci soit

courbée en arc, et l'amènera à deux ou trois centimètres de la feuille de papier, qui ne tardera

pas à tourner dans la direction de la pointe des doigts.

Si, avec les mêmes précautions, en change de main, la feuille tourne, entraînée dans le sens

opposé. Mais, pour obtenir un courant rapide et régulier, deux personnes peuvent concourir à

l'expérience. Il faut que les doigts de la main droite de l'une des personnes, par exemple,

soient en contact, par leur pointe, avec la naissance du poignet de l'autre expérimentateur,

l'appareil au centre des mains et, autant que possible, à égale distance.

Avec ce dispositif, la feuille tourne rapidement de droite à gauche ; en changeant les mains, le

mouvement se produit de gauche à droite, ce qui indique bien un influx s'échappant du bout

des doigts des expérimentateurs.

Une même personne, plaçant ses extrémités digitales contre ses poignets, obtient des résultats

identiques.

On a attribué ce phénomène à la chaleur des mains et à la différence de température de l'air

ambiant. Mais ceux qui ont avancé cette hypothèse, qui ont soutenu cette théorie ont oublié

d'expliquer le changement de rotation qui s'effectue toujours dans le sens des pointes et,

comme nous savons que, partout où il y a chaleur, il y a dégagement d'électricité, il est permis

d'admettre scientifiquement la force neurique rayonnante.

Notre appareil, nous le reconnaissons volontiers, est bien imparfait. Nous allons en étudier

d'autres qui corroboreront ce que nous admettons.

Ch. Lafontaine avait inventé une sorte de magnétomètre dont voici la description :

Un disque en papier, divisé en quatre angles droits et chaque angle en 900, formait le cadran

de son appareil. Ce cadran était collé sur une planchette et, par dessus, on plaçait un bocal en

verre mince, renverse, au fond duquel était fixé, avec un peu de cire à cacheter, un fil de soie

non tordu. Au bout du fil était adaptée une aiguille indicatrice de 5 à 6 centimètres de

longueur, faite avec un brin de paille.

L'opérateur n'avait qu'à présenter ses doigts en pointe vers un des bouts de cette aiguille et

après un laps de temps plus ou moins long, qui pouvait varier de 5 à 20 minutes, l'aiguille se

déplaçait de plusieurs degrés.

Nous avons dans maintes circonstances, pour prouver la réalité des expériences de Lafontaine,

simplifié son magnétomètre : chacun pourra en faire autant.

Il est facile de se procurer une feuille de papier pour y tracer le cadran, d'avoir à sa disposition

une table, un verre à boire, un cheveu de dame et une allumette en bois.

On coupe l'allumette en deux, on l'amincit le plus possible, on fixe le cheveu par ses

extrémités avec n'importe quoi au fond du verre et au milieu du tronçon d'allumette, et

l'appareil est construit ; on n'a plus qu'à tenter l'épreuve.

Avec ce simple dispositif, nous avons, des centaines de fois, démontré notre action

magnétique.

Un appareil plus sensible que le précédent est le magnétomètre de l'abbé Fortin. L'extrait

suivant d'un article du Figaro (no du 20 septembre 1890) donnera une idée générale de cet

appareil, que nous décrirons un peu plus loin :

L'abbé Fortin, pour étudier les variations magnétiques les moins apparentes, a imaginé un

appareil d'une extrême sensibilité, appelé magnétomètre, et qui est, en ce moment, soumis à

des expériences par l'Académie des Sciences.

D'après Fortin, le magnétomètre donne les marques non équivoques de la présence du

magnétisme dans le corps humain ; il en mesure même la force.

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Un homme en bonne santé, nerveux, sanguin, prêt à l'action, approche la main de l'instrument

à la distance d'un ou deux centimètres ; il la laisse reposer près du support, sans toucher le

globe de verre, pendant quelques minutes seulement ; il retire ensuite sa main. Après une ou

deux minutes, l'oscillation de l'aiguille se produit, avec une amplitude de 10, 15, 20 degrés ;

une vraie tempête magnétique s'est échappée du corps, de la main, au seul effort de l'attente.

Il n'en serait pas de même en cas d'épuisement. Le silence absolu de l'appareil constaterait,

avec le défaut intérieur de toute électricité et de toute chaleur, la mort.

D'après Fortin, le magnétisme agit dans les corps organisés et vivants ; il porte les ordres de la

volonté et il en est l'agent le plus direct. Le magnétisme humain est un puissant modificateur

de la santé, de l'énergie ; là où il fait défaut, la vie s'éteint. Il est l'intermédiaire physique en

perpétuelle action entre l'esprit et le corps. Il se propage dans tout le corps aux ordres de

l'esprit avec l'instantanéité de la pensée. »

Le magnétomètre de l'abbé Fortin se compose d'un fil de cocon de 0 m.25 environ de

longueur, très fin tordu, fixé en haut à un plateau de verre et terminé en bas par une aiguille de

fil de cuivre recuit, autour de laquelle le fil de coton vient s'enrouler sur la partie médiane sans

aucune ligature ou boucle à cet endroit. Le cadran, divisé en 360 degrés, surmonte une bobine

de fil fin, entourant un petit cylindre en verre. Le tout est contenu dans un cylindre en verre de

diamètre suffisant, destiné à isoler l'appareil de tout courant d'air et de la chaleur ; c'est à

travers ce cylindre que les phénomènes d'attraction et de répulsion ont lieu, sans qu'il y ait

contact par les doigts placés à 0 m.05 du cylindre. L'appareil est mis dans un coin, sur une

planchette triangulaire, fixée dans l'angle dièdre de deux murs épais qui ne peuvent être

ébranlés par la trépidation des voitures ; l'angle dièdre est dans une obscurité relative, de telle

façon que le radiomètre de Crookes ne soit pas impressionné et que la chaleur solaire n'y

arrive pas directement.

L'appareil est orienté dans la ligne sud-nord, de façon à ce que cette ligne passe par le plan

médian du corps de la personne observée ; ses bras sont appuyés contre le mur, ou, mieux,

soutenus par des accoudoirs, comme M. le professeur Richet en a fait installer dans son

laboratoire ; la personne présente l'extrémité digitale de la main, soit droite, soit gauche, à une

des extrémités de l'aiguille, de telle façon qu'à travers la convexité du verre le plan de la main

soit perpendiculaire au plan de l'extrémité de l'aiguille.

La durée de l'observation est de deux minutes ou cent vingt secondes ; on observe l'écart ou

l'angle chiffré par le nombre de divisions, dès que l'aiguille a décrit dans le sens attractif ou

répulsif tout son cours, et qu'elle s'est fixée dans un point différent de celui où on l'avait

observée avant l'expérience. Quel que soit le sens du mouvement produit, l'allure de ce

mouvement est différente suivant les personnes ; tantôt très lente à la fin des deux minutes,

tantôt très rapide au début, en présentant des oscillations, c'est-à-dire donnant, dans l'unité de

temps, une attraction et une répulsion ; tantôt restant, après l'opération plus ou moins fixée au

point obtenu, ou revenant de suite au point qu'elle occupait primitivement; l'aiguille reflète

d'une façon mathématique le mouvement qui se produit en nous, comme allure, comme

chiffrage, et donne une formule biométrique bien particulière à chaque personne. »

Pour que la force magnétique puisse se manifester, il faut incontestablement des appareils

d'une très grande sensibilité. Nous savons déjà qu'il existe à Paris, chez M. le comte de P..., un

galvanomètre construit par Rumkorff, qui remplit cette condition. La bobine, intercalée entre

les deux aiguilles astatiques, avons-nous dit, est assez volumineuse pour supporter

l'enroulement de 80 kilomètres de fil d'argent.

Le célèbre chimiste et physicien anglais sir William Crookes, membre de la Société royale de

Londres, après plusieurs années consacrées à l'étude des manifestations de la force psychique,

affirme et démontre, par une foule d'expériences faites avec divers sujets sur des appareils de

physique, la réalité mathématique de la force que nous étudions. Nous engageons le lecteur

désireux de s'instruire à lire son ouvrage Force psychique », Recherches sur les phénomènes

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du spiritualisme, traduit de l'anglais par J. Alidel ( Editeur : P.G. Leymarie, 42, rue Saint-

Jacques).

Pour appuyer notre thèse, nous croyons utile de donner un extrait d'un article du comte A. de

Gasparin, paru dans le Journal de Genève le 19 août 1853, et quelques pages d'un opuscule de

M. Thury, professeur à l'Académie de Genève, qui a pour titre : Trente ans après.

Voici ce que nous lisons dans le premier :

On va crier à la magie ! Au miracle ! Toute loi nouvelle semble être un prodige ! Or, je tiens à

rassurer ceux qui s'alarment ainsi. Nous ne sortons pas le moins du monde des faits naturels.

La meilleure preuve, c'est que notre sorcellerie ne résiste pas au contact d'un morceau de

verre. Au milieu de la rotation la plus énergique, pendant que tous les yeux sont fermés,

approchez un morceau de verre de la table, et elle se modérera comme gênée dans son

mouvement ; posez-le au milieu de la table, et elle s'arrêtera complètement ; posez-le sur un

des côtés de la table, et l'autre côté se soulèvera sur le champ comme si le fluide ne pouvant

plus circuler dans le voisinage du verre, refluait et s'accumulait avec puissance dans la région

opposée.

Ici encore, l'illusion n'est guère admissible ; car les yeux des expérimentateurs sont fermés, et,

en remplaçant à leur insu le verre par un morceau de carton ou par un livre, en le posant de la

même minière sur la table, on n'obtient ni arrêt ni soulèvement.

Je n'aurai garde de risquer une explication ; ce n'est pas mon affaire. Constater les faits et

maintenir une vérité qu'on veut étouffer, c'est toute ma prétention. Je ne résiste cependant pas

à la tentation de montrer à ceux qui nous traitent d'illuminés ou de sorciers que l'action dont il

s'agit comporte une interprétation très conforme aux lois ordinaires de la science.

Supposez un fluide, émis par quelques uns d'entre eux ; supposez que la volonté détermine la

direction du fluide; vous comprendrez déjà la rotation et le soulèvement de celui des pieds

vers lequel afflue à chaque acte de volonté un excès de fluide. Supposez que le verre fasse fuir

le fluide, vous comprendrez que le verre placé au milieu de la table interrompe la rotation, et

que le verre placé sur un des côtés amène l'accumulation du fluide dans l'autre côté, qui se

soulève alors.

Encore une fois, je n'affirme rien, je n'indique même rien ; mais je montre qu'il y a des

explications possibles en dehors du sortilège ou du miracle.

Le miracle, ai-je dit, serait-il réellement nécessaire de répondre à ceux qui prétendent

comparer l'obéissance des tables aux miracles de la Bible, qui ne voient pas d'abîme entre

l'action momentanée que j'exerce sur un meuble étranger à la pensée, mis en jeu par une sorte

de galvanisme, par une force qui va cesser en le laissant aussi inerte qu'il était auparavant, et

l'acte souverain de celui qui, communiquant la vie et la force, crie à Lazare : Lève -toi ! » au

paralytique : Charge ton petit lit et marche ! »

Je n'ai garde d'insister. Les tables ne comprennent pas ; les tables, ne devinent pas ; les tables

sont entièrement passives ; les tables frapperont indéfiniment (en dépit du nombre que vous

pensez), si votre volonté ne les arrête. Je ne sais pas ce que le charlatanisme prétend en tirer,

je sais que nos expériences, consciencieuses et répétées, ont constaté qu'elles ne dépassent en

aucune manière la limite des phénomènes naturels. Elles ne sont ni si admirables ni si

criminelles qu'on les a faites.

M. Thury s'exprime ainsi, dans les pages savantes qu'il a ajoutées à l'ouvrage de M. A. de

Gasparin :

Les trente trois années qui nous séparent du temps de l'épidémie des tables tournantes, et de la

première publication du livre sérieux de M. Agénor de Gasparin, n'ont amené aucun progrès

dans la connaissance des phénomènes sur lesquels l'auteur du livre s'était efforcé d'attirer

l'attention des physiciens.

Cependant la question n'est pas morte, nous en avons la certitude. Son heure n'est pas venue,

parce qu'il n'existe pas encore, dans la science actuelle, des faits qui l'appellent, l'éclairent et

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lui donnent sa valeur propre. Le temps viendra où un édifice sera construit sur les pierres

d'attente posées en 1854.

Trente années sont un court espace : bien d'autres découvertes ont attendu davantage, depuis

le moment où le fait capital sur lequel elles reposent est venu à la lumière jusqu'au jour où il a

reçu de quelque homme de génie l’impulsion du développement.

A notre époque de vulgarisation de la science, il était difficile que les premiers faits constatés

échappassent à l’appréciation des hommes qui se sont fait une spécialité de communiquer au

grand public le résultat des travaux journaliers des savants. M. L. Figuier a tenté cette

appréciation dans le second volume de son ouvrage intitulé : les Mystères de la Science, pages

571 à 579.

En reconnaissant les difficultés très grandes qu'offre la vulgarisation de tels sujets, il nous est

impossible d'accepter sans protestation le procédé de discussion suivant :

M. Figuier se débarrasse sommairement et dédaigneusement de tout ce qui la gêne en vue des

explications qu'il se propose de donner.

1° Il passe entièrement sous silence l'une des expériences fondamentales de Valleyres, décrite

par M. A. de Gasparin à la page 57 de notre opuscule sur les tables tournantes. Dans cette

expérience, le mouvement avec contact des mains avait lieu dans un sens où l'effort

musculaire ne pouvait absolument, pas le produire.

2° M. L. Figuier nie à priori le mouvement sans contact des mains et objecte qu'il pourrait y

avoir eu quelque fraude. Mais il se tait entièrement sur une expérience décrite avec détail (A.

de Gasparin, Tables tournantes. Introduction, page XX), et dans laquelle toute fraude était

manifestement impossible.

Il me sera permis de réparer quelque peu la double omission du savant français, en revenant

avec détail sur chacun des points fondamentaux qu'il néglige.

1. Action mécanique des mains, rendue impossible.

L'effet à produire consiste à soulever un corps lourd, en touchant seulement la face supérieure

horizontale.

Les phénomènes de cet ordre exigent une préparation de l'opérateur, qui doit être en état de

déterminer immédiatement la gyration ou le balancement d'une table. On a toujours mis en

œuvre plusieurs opérateurs à la fois, pour disposer d'une plus grande puissance.

L'appareil que j'avais fait construire pour ces expériences était une table ronde, ayant un

plateau de 84 centimètres de diamètre et un pied central bifurqué à sa partie inférieure. Cette

table pouvait tourner comme une table ordinaire, et servir ainsi pour la préparation nécessaire

des opérateurs. Mais la table était construite de telle manière qu'à un moment donné elle

pouvait se transformer instantanément dans l'appareil que je vais décrire.

Le sommet du trépied est devenu le point d'appui d'un levier semblable à une balance, et

pouvant osciller librement dans un plan vertical. L'une des extrémités du levier porte le

plateau circulaire de 0 m. 84 de diamètre ; l'autre extrémité, une caisse, pouvant recevoir des

poids destinés à équilibrer une fraction donnée du poids du plateau. - Le plateau porte un seul

pied central reposant sur le plancher, sur lequel il exerce une pression qui n'a jamais été plus

petite que 1/4 de kg mais que l'on peut augmenter à volonté jusqu'à 4 kg 27 en enlevant les

poids renfermés dans la caisse. Les chiffres ci-dessus expriment naturellement la force qui

serait nécessaire pour soulever verticalement le plateau.

On détermina premièrement la valeur de la force totale de soulèvement produite par

l'adhésion minime des doigts de tous les opérateurs sur le plateau poli non verni de la table

ronde. Cette force fut trouvée très inférieure à 1/4 de kilogramme. On essaya inutilement de

soulever le plateau presque équilibré, en mettant en jeu la réaction élastique du bois. Ces

essais préliminaires terminés, on procéda à l'expérience.

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Les opérateurs, convenablement préparés, comme il a été dit, posent délicatement leurs mains

sur la face supérieure du plateau, à quelque distance du bord ; puis, tous ensemble, ils

soulèvent les mains, et le plateau suit.

Six opérateurs, agissant ensemble, soulevèrent le poids maximum de 4 kg 27 ; cinq ne purent

y réussir. Ces expériences, faites le 19 novembre 1854, furent répétées à plusieurs reprises, le

même jour, avec les résultats mentionnés ci-dessus.

M. Edmond Boissier, le botaniste, ancien capitaine d'artillerie, assistait aux expériences et les

contrôlait avec soin. Selon la recommandation que je lui avais adressée, au moment où l'on

s'attendait à commencer une expérience, il procéda inopinément à l'inspection des mains, qui

furent trouvées nettes, comme on s'y attendait.

M. Figuier pensait-il instruire convenablement ses lecteurs à l'intelligence des phénomènes

dont il trace l'histoire, en décrivant ainsi les tables tournantes (Mystères, II, pages 503) : Cinq

ou six personnes, plus ou moins, sont assises devant une table de bois, ou de préférence un

guéridon très léger, dont les pieds sont garnis de roulettes, pour qu'il n'éprouve que la moindre

résistance possible dans son mouvement. Si le parquet de la salle est ciré, le frottement des

roulettes contre sa surface devient presque nul. Toutes les conditions sont alors réunies pour

assurer le succès de l'expérience, en raison de la très faible impulsion mécanique qui suffit

pour mettre en mouvement un guéridon léger, glissant sans obstacle sur une surface polie. »

Eh bien, non, ce n'est pas cela ; tout autre est le caractère vrai du phénomène. Les tables ne

marchent pas comme sur des roulettes ; souvent, dans les meilleures conditions possibles,

c'est-à-dire avec le minimum de résistance, elles refusent de marcher. C'est tout ou rien ; elles

demeurent passivement immobiles, ou bien elles s'emportent, non pas sans doute avec une

force indéfinie, mais avec une puissance telle que les inégalités du plancher, la présence ou

l'absence de roulettes jouent un rôle absolument secondaire..... Peut-être les roulettes nuisent-

elles plus qu'elles ne servent. A Valleyres, le plancher était très peu uni, et les tables n'avaient

point de roulettes, à l'exception d'une seule table à quatre pieds, dont on s'est rarement servi. »

2. Les mouvements sans contact.

M. Figuier se croit autoriser à nier à priori la possibilité du résultat principal des expériences

de Valleyres. Le mouvement des corps inertes sans le contact des mains est, suivant lui, une

impossibilité manifeste, dont il se débarrasse préalablement, ce qui facilite beaucoup

l'application de ses propres théories.

Quand l'impossibilité d'une chose est démontrée, on peut, il est vrai, se débarrasser de cette

chose, sans se donner la peine d'examiner les preuves à l'aide desquelles des hommes

ignorants pensent l'établir. Les preuves, dans ce cas, ne peuvent être qu'illusoires.

Mais comment M. Figuier, qui s'est beaucoup occupé de l'histoire des sciences, peut-il

oublier que les faits réellement nouveaux, c'est-à-dire sans connexion évidente avec ce qui

était connu auparavant, se montrent toujours avec le caractère d'impossibilités apparentes

manifestes ? On se demande alors quel est le vrai caractère à l'aide duquel on peut reconnaître

qu'une chose est impossible. Il ne saurait y en avoir d'autre que l'existence d'une

démonstration d'impossibilité. Quand cette démonstration n'existe pas, l'impossibilité est un

simple préjugé.

Dans le cas actuel, où serait la démonstration de l'impossibilité des mouvements sans contact

? Il y a des forces qui meuvent les corps à distance (ce qui ne veut pas dire sans

intermédiaires) ; tels sont l'électricité et le magnétisme. La volonté, qui est une force de

détermination, agit sur quelques parties du système nerveux, suivant un mode qui est

parfaitement inconnu.

Il résulte de l'ignorance où nous sommes de ce mode que personne ne peut affirmer

l'impossibilité d'une action de la volonté sur la matière en général, dans certaines conditions

spéciales. On peut seulement objecter que cela ne s'est jamais vu ou, du moins, n'a jamais été

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constaté d'une manière certaine. Sommes-nous donc requis de nier la possibilité de tout fait

qui n'a pas encore été sûrement observé ? Ce serait la fin de tout progrès scientifique.

Un semblant de démonstration de l'impossibilité des mouvements sans contact consisterait à

présenter ces mouvements comme un effet sans cause, en affirmant qu'il n'y a pas de force

dépensée. Mais il est facile de répondre que la fatigue des opérateurs, pour un même effet

produit, est bien plus grande dans le mouvement sans contact que par une action musculaire

produisant le même résultat. Il y a donc plus de force dépensée dans le premier cas, et il s'agit

seulement d'un emploi différent de la force. Les nerfs et les muscles qui, d'ailleurs, n'existent

pas chez les animaux très inférieurs, représentent seulement la matière spécialisée en vue de la

meilleure utilisation possible de la force.

J'admets pleinement que les faits nouveaux sortant des analogies connues doivent être, établis

de la manière la plus sûre, et sans équivoque possible.

Admettez que cette condition ne fût qu'à peu près remplie dans le cas actuel ; encore cela

serait-il suffisant pour justifier un examen attentif, plus scientifique et plus intelligent qu'un

sommaire dédain.

La recherche scientifique est, d'ailleurs, toujours progressive, ce n'est jamais du premier saut

que l'on atteint à la connaissance parfaite. Les conditions dans lesquelles se produit un

phénomène, les conditions précises, nécessaires et suffisantes pour qu'il se montre, souvent

complexes, peuvent n'être que le dernier résultat des investigations. Il n'est donc pas

raisonnable d'exiger, sous prétexte de déterminisme, que tout fait nouveau puisse être

constamment amené à volonté par l'expérimentation. Quand le fait se produit, on le constate et

on l'étudie. S'il fallait ne tenir aucun compte des premières observations, toute recherche

ultérieure deviendrait impossible, et les sciences d'observation n'existeraient pas.

C'est donc une exigence injustifiée que formule M. Figuier, lorsqu'il reproche à M. de

Gasparin de n'avoir pu, dans quelques circonstances, reproduire le phénomène du mouvement

des corps inertes sans le contact des mains. Deux facteurs pouvaient manquer, la connaissance

exacte des conditions du phénomène et la force nécessaire pour le produire. Mais ces résultats

négatifs laissent intacts les faits positifs antérieurement constatés.

Ceux-ci existent-ils réellement ?

Dans les expériences dont j'ai été témoin à Valleyres dans l'année 1854, je ne connaissais pas

toutes les personnes qui prêtaient leur concours à M. de Gasparin, c'est pourquoi j'ai

constamment exclu des résultats notés comme valables toute expérience dans laquelle la

fraude eût été seulement possible. Il me fut donc parfaitement indifférent, au point de vue de

la certitude des faits constatés, d'entendre dire plus tard à quelques personnes du dehors que

l'on soupçonnait des amis trop zélés d'avoir aidé au mouvement des tables.

On trouvera tout le détail des faits dont je fus témoin, dans le petit mémoire que j'ai publié en

1855 sous le titre indiqué plus haut.

Il me sera permis de rappeler seulement ici trois expériences, qui me semblent être

parfaitement suffisantes pour établir le fait du mouvement des corps inertes sans le contact

des mains.

J'ai été témoin des deux premières, et la troisième, que j'avais suggérée, a été faite sous les

yeux d'hommes de science bien connus.

Les expériences où l'action des mains s'exerce à distance et celles de soulèvement sont les

plus difficiles à réussir. Elles doivent toujours être précédées de celles avec contact, servant

comme exercice préparatoire propre à développer puissamment chez les expérimentateurs cet

état particulier qui est une des conditions essentielles de l'apparition des phénomènes. Il est,

du reste, indifférent que la préparation se fasse sur une autre table. Quand elle avait lieu sur le

même meuble, la période de préparation était séparée de celle de l'action finale par un

moment d'arrêt, pour éviter l'objection fondée sur l'existence d'un mouvement acquis.

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Première expérience. - Table ronde de 82 centimètres de diamètre à trépied, sans roulettes.

Plancher très peu lisse ; un effort de 2 à 3 kilogrammes appliqué tangentiellement sur le bord

du plateau est nécessaire pour donner au meuble un mouvement de rotation.

Action de 8 à 10 personnes réunies. Je place mon œil et le maintiens dans le prolongement du

plateau, pour m'assurer de l'absence de contact des doigts, qui se tiennent à deux ou trois

centimètres de la surface du meuble. - En même temps, M. Edmond Boissier surveille le

trépied et la surface inférieure du plateau. Puis nous répétons l'expérience en échangeant les

rôles. On ne surprend aucun contact des opérateurs avec la table qui tantôt se balance, tantôt

tourne autour d'elle-même, d'un demi-tour à un tour ou deux. Cependant la surveillance

complète est un peu difficile cause du grand nombre des opérateurs. Cet inconvénient n'existe

plus dans l'expérience suivante :

Deuxième expérience. - Deux personnes seulement, Mme de Gasparin et Mme Doxat,

entraînent, sans le toucher, un guéridon qui tourne et se balance sous leurs mains, tenues à

deux ou trois centimètres de distance du plateau. Ayant réussi à voir constamment l'espace

libre entre les mains et la surface du guéridon, je suis sûr qu'il n'y a pas eu de contact, pendant

quatre ou cinq révolutions du meuble.

Cette expérience m'a si vivement frappé qu'aujourd'hui encore, à trente-trois ans de distance,

je la revois comme au jour où j'en fus le témoin. Aucun doute n'était plus possible, le

mouvement des corps inertes par l'effet de la volonté humaine, et sans action mécanique

directe, était donc bien un fait réel. Et puisque ce fait existe, il est possible, malgré toutes les

objections que l'on peut faire a priori.

Troisième expérience. - Rapportée par M. de Gasparin dans son livre sur les tables (avant-

propos, p.21). - Une couche très légère de farine a été répandue sur la table en repos, presque

instantanément, à l'aide d'un soufflet à soufrer la vigne. L'action des mains placées à distance

a entraîné le meuble. Puis on a fait l'inspection de la couche de farine qui était demeurée

vierge de tout contact. On s'était assuré que le moindre attouchement laissait des traces

apparentes sur la couche de farine, et que les ébranlements et les secousses ne suffisaient pas

pour faire disparaître ces traces. Cette troisième expérience a eu pour témoin et pour

contrôleur scientifique le comte de Gasparin, membre de l'Académie des Sciences de Paris, et

ancien ministre. Répétée à plusieurs reprises et dans des jours différents, elle a toujours donné

les mêmes résultats.

En face des témoignages qui précèdent, pour nier le mouvement sans contact, il faudrait

admettre l'une ou l'autre des deux hypothèses suivantes :

1° - De la part des expérimentateurs scientifiques, MM. Agénor de Gasparin, Edmond

Boissier, le célèbre botaniste, M. Jaïn docteur en médecine, comte de Gasparin, de l'Académie

des Sciences, enfin l'auteur de ces lignes, - une dose d'aveuglement ou de bêtise dépassant

toute mesure !

2° - Ou bien, de la part des mêmes personnes, une mauvaise foi concertée, une entente

perfide, en vue de tromper le public !

J'aime mieux croire que c'est M. Figuier qui se trompe.

Il fait erreur aussi, mais involontaire, en disant que M. de Gasparin est le seul auteur sérieux

qui ait affirmé le mouvement des tables opéré sang contact matériel.

M. Frédéric de Rougemont, en mai ou juin 1853, obtenait des effets semblables. Au Valentin,

près d'Yverton, cinq personnes assises autour d'une table légère tenaient leurs mains à trois

quarts de pouce au-dessus du plateau. La table tourna, les opérateurs demeurant immobiles.

L'épreuve fut répétée à plusieurs reprises avec le même succès. On s'assurait avec la lumière

si aucun doigt ne reposait sur le plateau, et l'on surveillait aussi les pieds.

M. de Rougemont était un homme d'une grande valeur intellectuelle et morale, et l'une des

meilleures gloires de notre Suisse romande. »

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Un mot maintenant, et pour, terminer ce chapitre, sur l'action des aimants, de divers métaux

(système du docteur Burq) et des médicaments appliqués simplement sur la peau des sensitifs,

et même sans contact.

Quoique les avis soient encore très partagés sur l'efficacité et le mode d'action de l'aimant au

point de vue thérapeutique, d'une part on rapporte que les aimants artificiels du Père Hell

guérissaient des spasmes, des convulsions, des paralysies. Ceux de l'abbé Lenoble (1777),

d'après les rapports d'Andry et de Thouret, avaient guéri 48 malades traités en leur présence :

il s'agissait de maux de dents, de douleurs nerveuses de la tête, des reins, de douleurs

rhumatismales, de névralgies de la face, de tics douloureux, de spasmes de l'estomac, de

hoquets convulsifs , de palpitations, etc, Et ces effets ont été confirmés par d'autres

observateurs, parmi lesquels on cite Marcellin, Hallé, Laennec, Alibert, Cayol, Chomel,

Trousseau, Récamier, etc. En Italie, Maggiorani consacre à l'étude des effets thérapeutiques

de l'aimant la plus grande partie de son activité et publie de remarquables travaux.

Enfin, l'école de la Salpêtrière, avec Charcot, Babinski, etc., constate expérimentalement

l'influence de l'aimant sur le système nerveux des sujets en état d'hypnose, en particulier dans

les phénomènes de transfert.

D'autre part, le Dr Bernheim écrit ce que l'aimant produit, la simple suggestion le produit

toujours, et je me suis demandé si la vertu thérapeutique des aimants ne serait pas une vertu

simplement suggestive... si la médecine des aimants ne serait pas autre chose qu'une médecine

d'imagination ». Et après avoir énuméré des pratiques diverses et plus ou moins bizarres

employées jusqu'à nos jours pour guérir les maladies, il ne voit dans tout cela que la

suggestion.

On peut certainement, par la suggestion, obtenir à peu près tous les effets qu'on obtient avec

les aimants et, par suite, il est souvent bien difficile de dire, dans le traitement

magnétothérapique, comme dans beaucoup d'autres, quelle est la part de la suggestion et

quelle est aussi celle du traitement lui-même. Mais on n'a pas le droit d'en conclure, d'une

manière générale, que la suggestion seule opère dans tous les cas.

Avec cette façon de raisonner, on pourrait tout aussi bien prétendre que le sulfate de quinine

ne coupe pas la fièvre, que l'huile de ricin ne purge pas, que l'opium n'endort pas, attendu que

ces mêmes effets peuvent être produits par de l'eau claire accompagnée de suggestion.

Or, il y a, croyons-nous, des faits qui prouvent que l'aimant a une influence réelle,

indépendante de la suggestion, quoique identique en nature.

Voici une expérience dont nous empruntons le récit à W. Hamond (Annales de Psychiatrie,

novembre 1894), de New-York, et qui prouve, à ce qu'il nous semble, l'influence réelle de

l'aimant sur l'organisme.

Un monsieur âgé de 30 ans, et d'une nature nullement impressionnable, découvrit son bras

droit, à ma requête, relevant la manche de sa chemise jusqu'à l'épaule, et l'étendit de toute sa

longueur sur une table Je pris alors un mouchoir et lui bandai étroitement les yeux, lui

exprimant le désir qu'il voulût bien me dire quelles sensations il ressentait dans ce bras au

cours de l'expérience. L'ayant ainsi induit à concentrer son attention sur cette partie de sa

personne, je tins un fort aimant, en forme de fer à cheval en contact presque immédiat au-

dessus de sa nuque et à environ un pouce d'intervalle avec la peau.

Au bout de 32 secondes à ma montre, il dit : Je ne sens rien du tout au bras, mais j'éprouve

une étrange sensation d'engourdissement derrière le cou. » Dix secondes après, il s'écriait: il

semble maintenant que vous me promenez un verre ardent derrière le cou. J'enlevai l'aimant et

lui demandai s'il ne sentait rien au bras. Non, répliqua-t-il, je ne crois pas. »

Tandis qu'il parlait, j'amenai vivement l'aimant au-dessus de sa tête et en même temps je lui

frappai le bras avec un coupe-papier. Je sens que vous me frappez le bras avec quelque chose,

dit-il, mais l'engourdissement que je ressentais au cou a disparu et se trouve maintenant juste

au-dessus de ma tête. »

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J'éloignai alors l'aimant et je le fis mouvoir au-dessus du bras, de l'épaule, au bout des doigts,

à la distance d'un pouce ou à peu près de la surface de la peau. Après deux ou trois passes de

la sorte, il dit : Maintenant je sens quelque chose au bras : j'éprouve une sensation telle que si

vous me piquiez le bras avec des épingles, quoique cela ne me blesse nullement. Maintenant il

me semble que le verre ardent me brûle légèrement tout le long du bras. »

D'autres modifications de l'expérience furent faites, et toujours avec un résultat semblable. Il

était évident que l'aimant produisait des sensations irritantes sur les parties du corps où sa

proximité n'était pas soupçonnée.

La métallothérapie paraît avoir été étudiée la première fois méthodiquement par le Dr Burcq,

dont les expériences furent, pendant longtemps, contestées, jusqu'au jour où une commission

de la Société de Biologie, dont faisaient partie les docteurs Charcot, Luys et Dumontpallier,

les eût contrôlées et en eût proclamé publiquement la haute valeur scientifique. Elle repose sur

un ensemble de faits auxquels le Dr Burcq a donné le nom de métalloscopie. Ces faits

consistent en ceci que l'application d'un métal déterminé peut produire à la surface de la peau

chez certains sujets, le retour, la disparition ou le transfert de la sensibilité, et souvent aussi

des modifications correspondantes de la force musculaire et de la chaleur animale.

Le Dr Dumontpallier, qui devait se rallier plus tard aux doctrines de l'école de Nancy, n'en

affirme pas moins, dans deux conférences faites en 1879, à l'hôpital de la Pitié, que les

phénomènes métalloscopiques et métallothérapiques ne sont pas et ne peuvent pas être dus à

la suggestion, ou, comme il disait alors, d'après les Anglais , à l'attention expectante : Il est

arrivé quelquefois, dit-il, que l'on employait, sans le vouloir, du métal neutre au lieu d'un

métal actif. Dans ces conditions, le phénomène ne s'est pas produit, et aussitôt que nous

remplacions le métal neutre par le métal actif, le phénomène se produisait (La Métalloscopie,

la Métallothérapie ou le Burquisme, par le D, Dumontpallier, Paris, Delahaye, 1880. Voir,

pour le détail des expériences, les rapports faits à la Société de Biologie, années 1877-1878,)»

Les docteurs Bourru et Burot, de l'Ecole de médecine navale de Rochefort, firent, il y a une

vingtaine d'années, des expériences inédites sur deux sujets d'une rare impressionnabilité. Un

mémoire sur ce sujet fut présenté par ces Messieurs, en 1885, au Congrès de Grenoble, tenu

par l'Association française pour l'avancement des sciences.

Nous extrayons le passage suivant de ce Mémoire, publié par le Temps dans ses numéros des

22 et 23 août de la même année:

En présence de cette paralysie dont la nature hystérique n'était pas douteuse, le premier soin

qui s'imposait aux observateurs était d'essayer l'action des métaux. Le zinc, le cuivre, le

platine, le fer furent sensiblement actifs, quoique à des degrés inégaux ; mais l'action de l'or

fut particulièrement frappante, car non seulement un objet en or, au contact de la peau,

produisait une brûlure intolérable, mais encore à une distance de 10, 15 cm, la brûlure était

ressentie, même à travers les vêtements, même à travers la main fermée de l'expérimentateur.

Le mercure, dans la boule d'un thermomètre, approché de la peau, mais sans contact,

déterminait de la brûlure, des convulsions et une attraction du membre. On eut naturellement

l'idée d'essayer les composés métalliques. Le chlorure d'or, dans un flacon bouché à l'émeri,

approché à quelques centimètres, avait une action fort analogue à celle de l'or métallique.

Mais, en approchant du sujet un cristal d'iodure de potassium, il se produisit des bâillements

et des éternuements répétés. On avait dès lors l'action physiologique connue de l'iodure de

potassium irritant la muqueuse nasale. C'était un résultat bien imprévu, mais on fut encore

bien plus surpris quand on vit l'opium faire dormir, par simple voisinage.

Ces fait, étaient si surprenants que les observateurs eux-mêmes n'osaient pas tout d'abord les

affirmer, ils en croyaient à peine le témoignage de leurs sens, les expériences furent

multipliées dans les conditions les plus variées, en présence de leurs collègues, admis non

seulement à observer, mais encore à expérimenter eux-mêmes dans les contre-épreuves les

plus difficiles qu'ils pouvaient imaginer et qu'ils ont toutes acceptées.

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Après plusieurs mois de recherches ininterrompues et de prudente réserve, MM. Bourru et

Burot ont eu la bonne fortune de rencontrer un second sujet hystéro-épileptique, qui donnait

les mêmes réactions que le premier.

Le second malade est une femme âgée de vingt six ans. Née dans le département de l'Orne, et

élevée à Alençon, elle aurait eu des crises de nerfs vers l'âge de onze ans. Elle habite Paris

pendant plusieurs années, et, à l'âge de dix-huit à vingt ans, elle a de grandes crises qui la

forcent à entrer à la Salpêtrière, dans le service de M. Charcot, où elle passe dix-huit mois. Au

moment où on l'observe à Rochefort, elle est insensible de toute la moitié droite du corps et,

par contre d'une sensibilité excessive à gauche, où le contact ne peut être supporté. C'est,

comme le premier sujet, une hystérique de premier ordre et tout à fait déséquilibrée.

MM. Bourru et Burot avaient donc entre leurs mains deux sujets à peu près identiques et sur

lesquels ils pouvaient établir les expériences de contrôle les plus diverses. Les résultats ont été

les mêmes chez les deux malades, à quelques différences près que nous signalerons.

Ne craignant plus alors de se compromettre en donnant de la publicité à des expériences

hâtives incomplètes et douteuses, même pour eux, ces observateurs ont prié le directeur de

l'Ecole de médecine navale de Rochefort, M. le docteur Duplouy, de vouloir bien assister à

une expérience de contrôle. M. le docteur Duplouy, absolument incrédule et craignant un

entraînement irréfléchi pour son école, avait exigé les conditions les plus rigoureuses : toutes

les personnes susceptibles d'influencer le sujet devaient être écartées ; un silence absolu devait

être observé. L’expérience eut lieu en présence du directeur, des professeurs, des agrégés de

l'Ecole et d'un grand nombre de médecins et de pharmaciens de la marine. L'autorité

scientifique de cette assemblée avait pour eux la plus haute importance. L'expérience fut

décisive et concluante. Un flacon, contenant du jaborandi et apporté par un assistant, approché

du sujet par une autre personne, détermina presque immédiatement de la salivation et de la

sueur. Un expérimentateur, ayant dans sa poche deux flacons de même grandeur, enveloppés

de papier, et voulant mettre le sujet sous l'influence de la cantharide, le voit partir comme s'il

était influencé par la valériane. Tous les spectateurs sont partis convaincus, et M. le directeur

Duplouy a déclaré publiquement qu'il était convaincu malgré lui. »

Nous espérons qu'en présence des preuves qui précèdent, si on veut bien leur accorder la

créance qu'elles méritent, les négateurs de bonne foi reconnaîtront leur erreur.

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Chapitre VIII – Thérapeutique magnétique, hypnotisme et suggestive

Il n'y a pas que les maladies nerveuses qui soient justiciables du traitement magnétique,

hypnotique ou suggestif, comme beaucoup de médecins le croient encore : Toutes les

affections chroniques réfractaires aux agents ordinaires peuvent bénéficier de ce mode de

traitement.

Assurément, là où il y a solution de continuité, lésion, on ne peut espérer une guérison

complète ; néanmoins, dans bien des cas désespérés, on peut obtenir une amélioration, un

soulagement plus ou moins durable. Chez les tout petits enfants surtout, le magnétisme agit

puissamment, contrairement à l'hypnotisme et à la suggestion, qui n'ont aucune action sur ces

petits êtres, ce qui prouve encore que réellement la force vitale d'une personne en bonne santé

se transfuse dans le corps des malades et leur procure le plus souvent la guérison.

L'hypnotisme et la suggestion donnent, dans bien des cas, des résultats remarquables, mais

nous soutenons encore que, dans certaines circonstances, le magnétisme a une supériorité

indéniable là comme ailleurs. Le fait suivant en est un exemple. En 1887, nous fûmes appelé à

Digne (Basses-Alpes) par le docteur Romieu, pour nous soumettre une jeune hystérique, en

traitement à l'hôpital de cette ville depuis de longs mois.

La patiente était aveugle et paraplégique. Ces phénomènes morbides étaient simplement dus à

l'hystérie et, par conséquent, aisément curables par le magnétisme.

Le Dr Romieu avait essayé tous les procédés de suggestion sans le moindre résultat. Un

pèlerinage à Lourdes avait eu le même succès. On ne pouvait songer à endormir cette malade

avec un objet brillant, puisqu'elle n'y voyait pas, on eut donc, en désespoir de cause, recours à

nous. Après cinq ou six minutes d'imposition de nos mains : une appliquée sur le dos à la base

du cou, l'autre sur le front, sans dire à la malade que nous allions l'endormir (on le lui avait dit

tant de fois ! ...) elle était dans le sommeil nerveux le plus profond.

Nous la laissâmes dormir environ vingt minutes et, pendant ce sommeil, nous lui suggérâmes

verbalement qu'au réveil elle verrait et elle marcherait, ce qui se réalisa ponctuellement.

Le docteur Romieu, sur nos indications, continua le traitement, et la guérison fut bientôt

définitive.

Cette expérience eut lieu en présence de plusieurs médecins de la localité, de quelques

professeurs du Collège et des sœurs de l'établissement.

Les journaux du département firent même grand bruit autour de ce fait extraordinaire... pour

eux.

Le magnétisme peut rendre des services dans les familles. Personne n'ignore que, souvent, au

début d'une maladie, le médecin n'est pas appelé et que ce n'est que lorsque le mal s'aggrave

qu'il est mandé. Eh bien, en attendant l'arrivée de l'homme de l'art, un parent robuste peut

soulager le malade, le guérir même s'il connaît le magnétisme. Mais, voilà, on ne connaît pas

ce moyen curatif si simple et à la portée de tous.

Qu'on le sache bien, le magnétisme peut, dans la plupart des cas, arrêter le développement de

la maladie et donner ainsi au médecin la possibilité de la combattre plus efficacement.

Il n'est pas nécessaire que la personne possède des connaissances approfondies sur le

magnétisme ou sur l'hypnotisme, qu'elle soit au courant des symptômes d'une affection, pour

qu'elle puisse l'améliorer ou la guérir. Le diagnostic est l'affaire des médecins. Il serait certes

préférable que ces derniers seuls employassent ces méthodes ; mais, outre que le médecin

occupé ne peut consacrer le temps nécessaire à ces opérations, beaucoup ignorent l'action

bienfaisante du magnétisme humain, et ceux qui connaissent l'hypnotisme et la suggestion ne

croient pouvoir agir que sur les hystériques : on voit combien, dans ce siècle de progrès, la

routine a encore de partisans.

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Nous ne désespérons pourtant pas de voir un jour, et alors que ces connaissances feront partie

du programme des études médicales, les docteurs envoyer leurs clients aussi souvent chez le

magnétiseur ou chez l'hypnotiseur que chez le pharmacien, ce qui, bien certainement, ne sera

guère du goût de ces derniers ; mais en attendant cette transformation de la thérapeutique, qui

se réalisera sans doute dans un avenir plus ou moins éloigné, nous désirons voir entrer ces

pratiques dans les familles.

Le médecin consciencieux ne doit rejeter aucun moyen de guérison, et si ses loisirs ne lui

permettent pas de les appliquer tous, il doit indiquer aux gardes malades ceux qu'il juge

convenables ; c'est ce que nous faisons depuis longtemps et avec grand succès.

Nous tenons pour certain que la magnétisation pratiquée sur des enfants en bas âge, atteints

d'affections dont le diagnostic et le traitement sont particulièrement difficiles, assurerait la

guérison de soixante pour cent de ceux qui, avec les méthodes actuelles, sont fatalement

emportés.

Dans les névroses, la médecine officielle avoue sinon toujours, du moins très souvent, qu'elle

est impuissante. Eh bien ! Contre ces maladies aux aspects si variés, l'hypnotisme donnera

toujours les résultats les plus merveilleux.

Nous avons essayé le magnétisme dans presque toutes les maladies et, huit fois sur dix, le

succès a couronné nos efforts. Nous croyons fermement qu'on peut avoir, avec ce système,

une action favorable sur toutes les maladies, en faisant pourtant cette restriction, qu'on ne peut

guérir tous les malades.

Il faut, pour réussir, avoir du dévouement et vouloir fermement guérir le malade ; il faut avoir

en quelque sorte le feu sacré et ne pas reculer devant la fatigue, parce que dans toutes les

maladies aiguës où le patient court le risque d'être enlevé à chaque instant, il faut actionner

longtemps : ce n'est qu'au prix de grands efforts que l'on peut arracher à la mort un être qui

périrait peut-être sans notre secours.

A diverses reprises, nous avons vu des malades revenir à la vie, après quelques bonnes

magnétisations. Combien de fois aussi avons-nous vu des symptômes alarmants disparaître,

après une seule séance. Là, où tous les remèdes pharmaceutiques avaient échoué, le

magnétisme avait réussi à apaiser la douleur, à équilibrer les forces médicatrices de la nature.

Par notre action, nous abrégions considérablement la convalescence, le malade oubliait

bientôt le danger couru et revenait à la vie comme par miracle.

Notre méthode de traitement est très simple et peut être employée par n'importe qui.

Dans les maladies aiguës, qu'elles soient bénignes ou graves, nous appliquons les mains, une

sur la nuque et l'autre sur le creux de l'estomac, pendant 1/4 d'heure ou 20 minutes ; puis nous

faisons des frictions légères sur tout le corps du malade, pendant le même laps de temps, en

insistant sur la partie la plus douloureuse.

Dans les cas graves, il ne faut pas craindre de répéter l'opération plusieurs fois par jour.

Il nous est arrivé souvent, après une dizaine de minutes d'imposition de nos mains, de

provoquer chez le patient une abondante exsudation. Mais le magnétisme agit de bien des

manières différentes, ce qui rend difficile une règle à établir. Chez les uns, il agit d'une façon

et détermine certains phénomènes ; chez les autres, il agit autrement et produit des

phénomènes contraires. Il agit tantôt comme émollient, tantôt comme excitant, tantôt comme

calmant, tantôt comme astringent, tantôt comme laxatif, tantôt comme soporifique, etc. ; en un

mot, ses effets varient avec les tempéraments, et nous croyons qu'il n'agit pas deux fois

pareillement.

Chez les personnes atteintes de maladies chroniques, l'action du magnétisme est beaucoup

plus lente et l'opérateur doit s'armer de patience, s'il veut réussir. N'oublions pas, qu’ici,

généralement, toutes les drogues ont été essayées sans résultats et que le malade est

ordinairement impatient, qu'il voudrait être guéri de suite, qu'un miracle, en un mot, se fît en

sa faveur. Nous devons déclarer que, s'il y a solution de continuité ou ankylose, le

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magnétisme est impuissant à produire la guérison. Inutile aussi d'ajouter que certaines

maladies chroniques ne sont point du ressort du magnétisme.

Les chroniques n'ont nul besoin d'être soignés plusieurs fois par jour, une magnétisation d'une

demi-heure, répétée chaque jour, est suffisante. Il faut prévenir les malades de la longueur du

traitement, car, s'ils doivent être guéris, ce ne sera qu'après des mois de soins journaliers.

Dans n'importe quel cas, on doit toujours essayer d'obtenir le sommeil nerveux, cet état

accélérant considérablement la marche de la guérison, mais il n'est pas indispensable.

Tout le monde sait combien les névralgies, les migraines sont douloureuses et tenaces. Or, que

fait d'efficace contre elles le médecin ? Rien ou presque rien, car les divers cachets

antinévralgiques ne calment qu'un moment ; il nous a été donné bien souvent de faire cesser

instantanément des douleurs violentes. Nous avons également réussi à guérir radicalement des

affections nerveuses qui duraient depuis plusieurs années, après une seule magnétisation.

Une névrose rebelle au magnétisme, comme aux autres agents, est l'épilepsie. Nous avons

cependant obtenu quelques succès sur des enfants; sur les adultes, une simple amélioration,

mais jamais la guérison.

Le fait suivant mérite d'être cité :

Au mois de juillet 1903, on nous amena un petit brésilien, âgé de huit ans, fils de M. D'A...,

établi à Manaos, mais d'origine portugaise.

Les D'A... sont très connus en Portugal et une des grandes rues de Lisbonne porte le nom d'un

des ancêtres du jeune malade.

Vers l'âge de quatre ans, le petit D'A... fut pris d'attaques d'épilepsie, et les parents, gens

fortunés, ne négligèrent rien pour guérir leur enfant.

On consulta d'abord tous les grands médecins de Rio-de-Janeiro ; mais, le mal continuant, on

vint le faire examiner et soigner par les célébrités médicales européennes, qui ne guérirent

point le malade.

Au moment où nous entreprîmes le traitement de cet enfant, il était soigné par un célèbre

spécialiste de Paris, professeur et membre de l'Académie de médecine.

Dire la quantité de drogues absorbées par cet enfant est impossible... Tous les traitements

imaginables avaient été essayés sans le moindre résultat.

La première fois que nous le vîmes, le pauvre petit était dans un état lamentable : depuis

plusieurs mois il ne pouvait marcher et même se tenir debout, et il avait de dix à quatorze

crises par 24 heures.

Un mois nous suffit pour faire disparaître entièrement tous les désordres nerveux. L'enfant

était alors méconnaissable.

Par précaution, nous continuâmes nos soins quinze jours encore.

Depuis lors, il y a quatre ans de cela, le petit D'A... se porte à merveille ; il n'a jamais eu de

rechute et il est devenu un superbe et intelligent garçonnet.

Nous savons fort bien que, dans nombre de cas, l'hypnotisme et la suggestion peuvent

remplacer le magnétisme, mais nous savons aussi que le magnétisme a son efficacité propre.

Comment expliquer ces effets curatifs ? Cela ne nous parait possible que par l'hypothèse

suivante :

Le système nerveux et l'organisme contiennent sans doute des forces dont un certain état

d'équilibre est la condition même de la santé. Toutes les fois que cet équilibre est rompu, soit

par la concentration ou la dispersion excessive de ces forces, il survient des désordres et la

maladie apparaît. Il faudrait donc, pour guérir, rétablir l'équilibre.

Le système nerveux, ce grand régulateur de toutes les fonctions, tend plus ou moins à opérer

ce rétablissement, mais il a besoin d'être aidé, et cette stimulation, cette action peuvent lui être

apportées soit du dedans par la suggestion, soit du dehors par le magnétisme. On ne peut, en

effet, comprendre l'influence de la suggestion, si on ne voit dans celle-ci qu'une pure idée

abstraite enfermée dans la conscience de l'individu ; elle doit correspondre objectivement à un

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processus cérébral et nerveux, par suite à une dépense de force qui se traduit finalement par

un phénomène de dynamogénie ou d'inhibition.

Mais lorsque l'organisme d'un individu est trop affaibli, trop perturbé pour que cette action

intérieure soit possible, pourquoi le secours ne viendrait-il pas d'un autre organisme ?

Il se produit alors d'un individu à un autre une sorte de transfusion nerveuse.

Bien des personnes sont portées à croire que les guérisons obtenues par ces moyens ne sont

pas durables, qu'elles ne sont qu'éphémères : c'est une profonde erreur.

Certains même, qui ignorent tout à fait la question, affirment qu'on reste toujours sous

l'influence de l'opérateur, qu'il faut se faire magnétiser indéfiniment.

Les faits ci-dessous vont servir de réponse.

M. S..., coiffeur, demeurant à Avignon, rue Philonarde, âgé de 53 ans, avait totalement perdu

la vue.

Les médecins qui l'avaient examiné hésitaient sur le diagnostic exact. Les uns attribuaient sa

cécité à une irido-choroïdite, les autres à une atrophie des nerfs optiques : nous n'étions pas

apte alors nous-même à diagnostiquer son cas. Quoi qu'il en soit, les divers traitements

essayés n'ayant point amélioré son état, il était aveugle depuis 4 mois - il s'adressa à nous en

désespoir de cause.

Nous essayâmes notre procédé, la première fois, le 10 mai 1879. À la première séance, il put

distinguer vaguement la couleur des rideaux qui ornaient les fenêtres de notre cabinet. Nous

continuâmes nos opérations les jours suivants, et l'amélioration se manifestait chaque fois.

Huit jours après, il pouvait venir chez nous, sans guide, et trois semaines nous suffirent pour

le guérir entièrement. Le malade put donc reprendre son métier et, l'ayant revu 5 ans après,

nous le trouvâmes en aussi bon état que lorsque nous l'avions quitté.

Chez M. S... le sommeil nerveux ne fut jamais produit et ce n'est pas la foi qu'il avait en notre

procédé ou à la suggestion qui le guérit, car sa confiance était plus que limitée.

M. Ch. C..., professeur au lycée de X.... 35 ans, atteint d'anémie cérébrale lente, ne pouvait

plus faire sa classe. S'il était obligé de lire un instant, il était aussitôt pris de vertiges violents

et si à ce moment il ne s'asseyait pas ou s'il ne se maintenait pas à un meuble quelconque, il

tombait par terre - cela lui était arrivé plusieurs fois. Il ressentait les principaux symptômes de

l'anémie cérébrale lente : vertiges, nausées, défaillance, trémulation musculaire, grande

impressionnabilité des sens, et surtout une torpeur physique et intellectuelle considérable. Cet

état de chose durant, il était obligé de quitter l'enseignement et par conséquent de perdre sa

position.

Après avoir en vain, pendant plusieurs mois, suivi diverses médications, il eut recours à

l'hypnotisme.

Nous le soumîmes à notre procédé, et, après deux mois de traitement, il était guéri.

M. Ch. C... put ainsi rester dans l'enseignement et faire ses cours sans la plus légère fatigue.

La suggestion ne paraissait pas avoir de prise sur lui ; il n'éprouvait, sauf une légère chaleur à

la nuque, aucune sensation bien déterminée : malgré cela la guérison fut durable et

aujourd'hui, après plus de 20 ans, M. Ch. C... continue à être dans un excellent état de santé.

A l'asile Saint-Robert, près de Grenoble, un jeune homme, âgé de 24 ans, le nommé T...,

interné depuis environ deux ans, était atteint d'une affection nerveuse mal déterminée avec

délire des grandeurs : il s'imaginait être colonel d'un régiment de ligne et, à ce titre, s'affublait

d'un grand nombre de décorations bizarres » faites, soit avec des sous troués, soit avec des

morceaux de carton. Ce malade avait été impliqué dans une affaire d'anarchisme et condamné

à quelques mois de prison : il était déjà déséquilibré.

Au point de vue physique, c'était un beau jeune homme, un Antinoüs doublé d'un athlète.

M. le docteur Dufour, médecin en chef de l'établissement, que nous connaissions déjà, nous

invita à essayer notre procédé sur quelques-uns de ses pensionnaires. A la première séance, le

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jeune T... éprouva tous les effets que présentent ordinairement les personnes très

impressionnables : attraction irrésistible, contracture musculaire et paralysies diverses, etc.

Pendant l'expérimentation, on voyait le sujet surpris, ahuri même, par les phénomènes que

nous produisions sur lui ; il résistait pourtant de toutes ses forces, mais il était forcé d'obéir à

toutes nos suggestions. Lui ayant, à un moment donné, appliqué une de ses mains sur le

bureau de M. Dufour et l'ayant immobilisée, fixée sur ce bureau, comme il ne pouvait, malgré

ses efforts, retirer sa main, d'un mouvement rapide de sa main libre il ouvrit le tiroir du

bureau, croyant qu'il y avait dedans une machine électrique et que la paralysie de sa main était

due à cette machine. Ne trouvant pas dans le tiroir ce qu'il cherchait, il resta un moment tout

pensif : il essayait de chercher la cause du phénomène nouveau et incompréhensible pour lui.

Le voyant ainsi préoccupé, nous voulûmes agir sur son esprit et lui rendre la raison. En

conséquence, nous lui suggérâmes de se rappeler ce qu'il était et de nous le dire. Après

quelques instants de réflexion, il parut sortir d'un rêve et il nous dit: Mais je m'appelle T... et

je suis mécanicien... » Mais, n'êtes-vous pas soldat, colonel même d'un régiment ? Il nous

regarda étonné et il nous demanda si notre question était sérieuse. Nous répondîmes

affirmativement et, lui désignant ses décorations » nous lui demandâmes ce qu'elles

signifiaient et où elles avaient été gagnées, s'il n'était pas colonel ? Il regarda sa poitrine et

vivement arracha ses pseudo-décorations », demandant pourquoi et comment ces choses »

étaient là ; il paraissait rêveur. Nous le tirâmes de sa rêverie par de nouvelles expériences.

M. le Dr Dufour continua les suggestions et, un mois après, le malade sortait guéri de la

maison dans laquelle il avait séjourné deux ans.

Ici encore, le sommeil nerveux ne fut jamais produit, et c'est avec notre simple procédé que la

malade recouvra sa raison.

Nous pourrions aisément multiplier les exemples, mais ces résultats sont trop connus - qu'ils

soient dus à un procédé ou à un autre - pour que nous en citions un plus grand nombre.

Toutefois, nous croyons devoir ajouter une lettre qui nous fut adressée et qui a quelque valeur

édifiante :

A l'occasion de votre séjour à Vichy, permettez moi de venir vous remercier de la guérison de

ma femme, en faisant l'historique le plus succinct possible de sa maladie. Si je suis un peu

long, malgré mon désir d'être bref, vous voudrez bien m'excuser et publier ma prose dans un

des numéros de votre intéressante revue. Or, comme chaque abonné a le droit d'y collaborer,

sans vouloir en abuser, je sollicite une petite place dans vos colonnes, parce que j'ai la ferme

conviction que ma narration pourra être de quelque utilité, en donnant l'espoir aux personnes

qui souffrent depuis longtemps et qui ont usé et abusé des drogues médicales sans résultat.

C'est donc un service à rendre à bien des malades, tout en vous rendant hommage, car

vraiment les hommes qui, comme vous, se consacrent au soulagement et à la guérison des

malades, avec un semblable dévouement, sont bien rares, et je ne saurais le dire assez.

Antérieurement à 1884, jamais ma femme n'avait souffert d'aucune affection ; elle n'avait

même jamais eu un malaise sérieux. Nous nous mariâmes en 1883 ; dix mois après elle eut

une fausse couche, et c'est de cette époque que date sa maladie. Cette fausse couche, à cause

des soins mal compris, occasionna une péritonite qu'on ne put soigner, ma femme se trouvant,

deux mois après, dans un nouvel état de grossesse. Pendant les neuf mois de cette deuxième

gestation, elle dut garder le lit. L'accouchement fut bon, mais tout de suite après la péritonite

se déclara à nouveau, accompagnée de fièvre puerpérale, compliquée d'une fluxion de

poitrine. Les médecins qui la soignaient, durent, pour dégager les poumons, provoquer des

vomissements de sang.

Il se déclara en outre un abcès dans le côté gauche de l'abdomen. À ce moment, les médecins

qui la voyaient désespérèrent de la sauver et pronostiquèrent même sa fin prochaine. Elle resta

environ six semaines sans connaissance et sans prendre le moindre aliment ; en un mot, entre

la vie et la mort.

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Pour comble de malheur, des phlébites se formèrent dans la jambe droite ; quinze jours après,

les phlébites envahirent la jambe gauche, et elle resta ainsi pendant trois mois sans pouvoir

faire le plus léger mouvement. Lorsqu'elle put supporter le voyage nous la transportâmes en

Bourgogne, à Avallon, chez ses parents, où elle resta six mois, marchant avec des béquilles.

Habitant Paris, où j'étais employé, comme typographe, au Moniteur universel, nous dûmes, de

l'avis des médecins, quitter la capitale, la campagne étant absolument nécessaire à ma femme,

pour venir habiter Vichy, mon pays natal. La première année que nous passâmes ici fut assez

bonne : ma femme pouvait avec peine vaquer à ses occupations, malgré cela les rechutes

furent fréquentes.

En 1888 nous eûmes la douleur de perdre la mère de ma femme ; la secousse morale qu'elle

en éprouva fit reparaître la péritonite avec toutes ses suites, mais cette fois la situation se

compliqua d'une métrite aiguë ; ma pauvre femme resta encore deux mois et demi entre la vie

et la mort, abandonnée à nouveau par plusieurs médecins.

A peine un peu rétablie que survint l'affection nerveuse qui devait la faire tant souffrir. Cette

affection se manifesta par des troubles cérébraux avec idée fixe et constante de suicide,

accompagnés de mouvements choréiformes, qualifiés par les médecins traitants de paralysie

agitante générale.

Cet état se prolongea pendant trois mois, agrémenté de violentes crises nerveuses, suivies de

faiblesse extrême et de douleurs dans les reins.

C'est à ce moment que j'eus la bonne fortune de vous connaître, monsieur Moutin ; mais

lorsque je vous parlai de l'état de ma femme, la réponse que vous me fîtes, après avoir dit

qu'elle était hydropique, qu'elle souffrait du cœur et qu'elle avait les jambes enflées, me fit

bien du mal, je vous l'assure. Le magnétisme, me dites-vous, ne peut avoir d'action sur ces

maladies. Mais voyant mon insistance, - on m'avait tant parlé de vous et des miracles, je

maintiens le mot, que vous accomplissiez, - que tout notre espoir était en vous, et dans le

magnétisme; n'avions nous pas tout essayé !... Aussi quel bonheur pour nous, le jour où, après

avoir vu ma femme, la trouvant assez impressionnable à votre action, vous nous dîtes que

vous vouliez bien tenter de la soulager, que vous aviez même quelque espoir de la guérir...

... Je dois cependant vous dire, en toute franchise, que, lorsqu'elle partit pour Paris, j'avais des

doutes sur l'efficacité de votre traitement ; elle était si malade et depuis si longtemps !... Et

puis, vous le savez, les uns me traitaient de naïf et cherchaient à me décourager ; les autres me

contaient un tas d'histoires plus impossibles les unes que les autres, etc. bref, après deux mois

de magnétisation, ma femme revint guérie, entièrement guérie, et, depuis lors, et il y a un an

de cela, elle n'a pas eu la plus petite rechute ; elle se porte à ravir, et tous nos amis s'extasient,

chaque jour, sur sa force et sa bonne mine. Ma femme, vous le savez bien, ne pouvait marcher

; aujourd'hui elle court et elle marche mieux que moi : tout dernièrement nous avons fait une

course de sept kilomètres ; elle était moins fatiguée que moi.

Vous voyez votre œuvre monsieur Moutin, vous pouvez en être fier, car je doute fort qu'il

vous soit arrivé souvent de guérir, en si peu de temps et si radicalement, des personnes aussi

malades que l'était ma femme. Ah ! Si vous aviez vu, lorsque ma femme revint de Paris... tout

le quartier était en émoi ; c'était une procession, et la maison ne désemplissait pas ! Tout le

monde voulait la voir, lui parler. Et si vous aviez entendu les réflexions de ces bonnes gens...

vous auriez certes ri de grand cœur pour plusieurs vous étiez sûrement le diable ; le diable

seul pouvant faire des tours semblables, pour masquer son jeu, etc., etc.

J'ai tenu à écrire tous ces détails, afin que, si cet article tombe sous les yeux de quelque pauvre

malade abandonné, il puisse espérer, car vous êtes là, et le magnétisme est le plus puissant et

le meilleur des remèdes.

Vichy, le 20 septembre 1890.

J. Andrieux

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Route de Cusset. »

Il nous est impossible de rapporter ici une foule de guérisons qui ont fait quelque bruit ; ce

travail exigerait un volume entier.

Nous donnons tous les procédés, et nous engageons les gens de bonne volonté à les essayer.

Nous sommes sûr de recruter ainsi de nombreux partisans au magnétisme et de ne plus voir

autant de monde hausser les épaules, quand nous affirmons que nous avons fait marcher des

paralytiques, rendu la vue à des aveugles, l'ouïe à des sourds, guéri et soulagé un très grand

nombre de malades par ces simples procédés.

Nous répétons que toutes les méthodes sont bonnes, que l'hypnotisme et la suggestion donnent

d'excellents résultats, exemple les remarquables expériences du Dr Bérillon sur les enfants

vicieux. Le lecteur n'a donc que l'embarras du choix et il adoptera le procédé qui lui donnera

le plus de satisfaction.

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TROISIÈME PARTIE - PSYCHISME

Chapitre IX – Suggestion mentale ou transmission de la pensée

Nous touchons maintenant à la partie la plus délicate de notre sujet ; aussi, sommes-nous

certain d'éveiller le scepticisme des personnes qui ne sont point au courant des phénomènes

que nous allons passer en revue, ce que, d'ailleurs, nous comprenons aisément.

En effet, notre éducation, ce qu'on nous a enseigné dans les écoles est si éloigné de ce que

prouvent les manifestations de forces insoupçonnées jusqu'ici que notre raison se refuse à

admettre ce que nous ne pouvons nous expliquer. Mais si nous réfléchissons pourtant à ce que

nos connaissances acquises valent par rapport à celles que nous réserve le progrès futur, nous

nous garderons de nous prononcer à priori, car toute loi scientifique énoncée aujourd'hui peut

être inadmissible demain à la suite d'une nouvelle découverte, et tout axiome évident à cette

heure peut devenir une hypothèse à justifier ou un problème à résoudre.

Jetons un coup d'œil en arrière et voyons ce que le concept humain a réalisé depuis un siècle.

Cette électricité, qui agitait les pattes des grenouilles de Galvani et que Volta produisait

faiblement avec sa pile, traîne aujourd'hui de lourdes voitures, voire des trains entiers de

chemin de fer. Les savants du temps de Galvani et de Volta étaient à cent lieues de se douter

de ce que réaliserait plus tard cette force, et, certes, elle n'a pas dévoilé encore tous ses secrets

merveilleux.

La découverte récente du radium nous laisse supposer encore ce que nos arrière-neveux

pourront en retirer de pratique : peut-être un jour cette énergie supplantera l'électricité, comme

cette dernière tend à supplanter la vapeur.

Les savants, interrogés sur ce que sont : la vapeur, la chaleur, la lumière, l'électricité, les

rayons X, l’uranium, le radium, etc., répondent, pour chacun d'eux : c'est de l'énergie. Nous

dirons, nous : ce sont des manifestations de la vie.

La vie est partout, la mort nulle part : tout se transforme, tout évolue, tout se perfectionne.

L'atome, dernière division de la matière, a une force propre incommensurable. On admet qu'il

jouit de propriétés électriques et qu'il sert de support à des particules électriques désignées

sous le nom d'ions ou d'électrons ; mais l'on est disposé à croire que les ions existent sans

support matériel, et que l'atome n'est qu'un agrégat de particules électriques, les unes

positives, les autres négatives. L'atome serait donc simplement un composé de tourbillons

électriques, et les radiations que nous connaissons, des particules provenant de la dissociation

de l'atome.

De l'observation de ces phénomènes, il résulte que l'atome est un réservoir d'énergie qui, dans

certaines conditions données, devient libre en amenant la destruction de l'atome.

On croyait jadis que la matière ne restituait que l'énergie reçue du dehors, mais on sait

maintenant qu'elle est une source de production d'énergie.

Libérera-t-on un jour la puissance que recèlent les atomes dans leur sein ? Peut-être...

Nous verrons plus loin que, dans certaines conditions favorables, ces phénomènes de

dissociation de la matière se sont produits en présence de savants autorisés, qui n'ont pu

expliquer ce fait que par l'intervention d'intelligences n'appartenant pas à notre plan physique.

Si nous n'admettions que la matière qui frappe nos sens, nous serions bien bornés ; soyons

persuadés qu'il existe des matières de moins en moins denses, des matières que non seulement

nos sens, mais même les appareils de physique les plus sensibles ne peuvent enregistrer que

dans certaines conditions accidentelles.

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Mais, comme les savants de tous les pays étudient ces énergies, ces puissances, nous ne

désespérons pas qu'ils arrivent, dans un avenir plus ou moins éloigné, à trouver le modus

operandi pour pouvoir, à volonté, produire des faits supranaturels qui déconcertent le

chercheur.

Le possible ne peut être borné.

La psychologie positive est née de la méthode expérimentale, et la science ne doit reculer

devant aucune investigation, lors même que les faits avancés sont en désaccord complet avec

les opinions régnantes.

Pour servir le progrès, on doit scrupuleusement et consciencieusement étudier tous les

phénomènes qui se présentent à l'observation, et ce serait agir anti-scientifiquement de laisser

de côté les plus troublants, les plus merveilleux.

Ne renonçons jamais à notre droit de contrôle, et prenons les plus méticuleuses précautions

pour ne pas être trompé, ne pas nous tromper et ne point tromper les autres.

La suggestion mentale est le premier stade des phénomènes psychiques : le sujet vaut la peine

d'être étudié.

Nier la transmission de la pensée est aussi peu logique que de nier la chaleur, la lumière,

l'électricité, et la cause qui la produit n'est pas plus mystérieuse que celle qui fait germer un

grain de blé.

Dans l'état actuel de nos connaissances, croit-on qu'on peut expliquer le pourquoi de toute

chose... On trouve des mots qui ne contiennent aucune explication. Le savant, dans bien des

cas, est aussi ignorant que l'enfant qui vient de naître : le fini ne pouvant concevoir et encore

moins expliquer l'infini.

Cherchons et tâchons de comprendre les vérités, et cette compréhension nous amènera à des

découvertes certaines qui élèveront nos idées et nous permettront d'entrevoir nos destinées

futures.

Le suggestion mentale ne s'établit pas avec tous les somnambules magnétiques ou hypnotique

s; mais si l'on veut bien se rappeler ce que nous avons dit dans la première partie de ce livre,

si on a la patience et la ténacité indispensables pour provoquer un sommeil profond chez les

sujets qui y sont prédisposés, ce phénomène se manifestera plus souvent. Néanmoins, on peut

le rencontrer chez des personnes éveillées douées d'une impressionnabilité particulière ; mais

alors les faits sont moins patents, moins concluants.

Le professeur Ochorowicz, dans son ouvrage la Suggestion mentale, dit:

Mais si je n'avais eu d'autres preuves que la témoignage du père Surin, de M. Poucet et de

Mme Guyon, croyez-vous que j'aurais publié un livre sur la suggestion mentale, ou même fait

une mention quelconque de l'existence de ce phénomène ? Jamais. Je ne l'aurais pas nié, non

plus, assurément, parce que je nie jamais une chose que je ne connais pas ; mais de là à une

déclaration scientifique d'un fait aussi étrange, il y a encore loin.

Voici pourquoi je me suis gardé de commencer, comme c'est la coutume, par l'histoire du

sujet, et par conséquent par des témoignages lointains ; mais maintenant les choses ont

changé. J'ai vu, bien vu, moi-même, je peux donc ajouter foi au témoignage de ceux qui ont

vu la même chose que moi, et il ne serait pas juste que je cache au lecteur les observations qui

ne me sont pas personnelles. Au contraire, je vais les citer toutes, c'est-à-dire toutes celles qui

ont un aspect véridique, qui ont été bien constatées, et qui présentent une analogie évidente

avec ce que j'ai observé moi-même. On excusera cette dernière réserve, car, sans cela, je

serais obligé de citer des choses incroyables, pour le moment au moins, et il est toujours

prudent d'avancer lentement sur un terrain obscur et inconnu. »

Pour donner une idée exacte du phénomène de la suggestion mentale, et pour appuyer ce que

nous avons déjà dit sur la façon d'endormir le sujet, nous ne saurions mieux faire qu'en

empruntant au docteur Ochorowicz l'observation suivante. Cette observation est assurément

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un peu longue, mais nous pensons que le lecteur saura en tirer tout l'enseignement qu'elle

comporte.

Je donnais mes soins à une dame atteinte d'hystéro-épilepsie, et dont la maladie, déjà

ancienne, fut aggravée par des accès de manie du suicide.

Mme M..., âgée de 27 ans, forte et bien constituée, a apparence d'une santé parfaite. (Exp. Hy

: insensibilité et contracture presque instantanée du bras entier.) Attaques convulsives de la

grande hystérie datant presque de l'enfance. Influences héréditaires très fortes. Depuis quelque

temps, outre les attaques classiques à plusieurs périodes, accès de folie avec congestions des

lobes antérieurs et anémie des lobes postérieurs ; évanouissement nerveux paralytique et accès

épileptique formes de courte durée. Contractures et amblyopie passagères, plus fortes du côté

gauche. Un seul point hystérogène au-dessous de la clavicule gauche. Un point délirogène à

l'occiput droit correspondant à la fosse occipitale supérieure. Pas d'anesthésie. La pression

ovarienne arrête l'attaque momentanément. Sensible à l'étain, mais aussi à d'autres métaux, à

des degrés différents et inconstants. Tempérament actif et gai uni à une extrême sensibilité

morale, intérieure, c'est-à-dire sans signes extérieurs. Caractère véridique par excellence,

bonté profonde, tendance au sacrifice. Intelligence remarquable, plusieurs talents, sens de

l'observation. Par moment, manque de volonté, indécision pénible, puis une fermeté

exceptionnelle. La moindre fatigue morale, une impression inattendue de peu d'importance,

aussi bien agréable que pénible, se répercute sur les vaso-moteurs, quoique lentement et

insensiblement, et amène une attaque, un accès ou un évanouissement nerveux.

Un jour, on plutôt une nuit, son attaque étant terminée (y compris la phase du délire), la

malade s'endort tranquillement. Subitement réveillée et nous voyant toujours auprès d'elle,

son amie et moi, elle nous prie de nous en aller, de ne pas nous fatiguer pour elle inutilement.

Elle insiste tellement que, pour éviter une crise nerveuse, nous partons. Je descends lentement

l'escalier (elle demeurait au troisième) et je m'arrête plusieurs fois en prêtent l'oreille, troublé

par un mauvais pressentiment (elle s'était blessée plusieurs fois quelques jours auparavant).

Déjà dans la cour, je m'arrête encore une fois, en réfléchissant si je dois partir ou non. Tout à

coup, la fenêtre s'ouvre avec fracas et j'aperçois le corps de la malade se pencher au dehors

dans un mouvement rapide. Je me précipite vers le point où elle pouvait tomber, et,

machinalement, sans y attacher aucune importance, je concentre ma volonté dans le but de

m'opposer à la chute. C'était insensé, et je ne faisais qu'imiter les joueurs de billard qui,

prévoyant un carambolage, essayent d'arrêter la bille par des gestes et des paroles.

Cependant, la malade, déjà penchée, s'arrête et recule lentement par saccades.

La même manœuvre recommence cinq fois de suite, et enfin la malade, comme fatiguée, reste

immobile, le dos appuyé contre le cadre de la fenêtre toujours ouverte.

Elle ne pouvait pas me voir, j'étais dans l'ombre et il faisait nuit. En ce moment Mlle X....

l'amie de la malade, accourt et l'attrape par les bras. Je les entends se débattre et je monte vite

l'escalier pour venir à son secours. Je trouve la malade dans un accès de folie. Elle ne nous

reconnaît pas ; elle nous prend pour des brigands. Je ne réussis à la détacher de la fenêtre

qu'en appliquant la pression ovarienne qui la fait tomber à genoux. A Plusieurs reprises, elle

essaye de me mordre, et ce n'est qu'avec grand'peine que je réussis enfin à la remettre dans

son lit. En continuant d'une main la pression ovarienne je provoque la contracture des bras et

je l'endors enfin.

Une fois en somnambulisme, son premier mot fut :

- Merci et pardon. »

Alors elle me raconta qu'elle voulait absolument se jeter par la fenêtre mais que, chaque fois,

elle se sentit soulevée par en bas ».

- Comment cela ?

- Je ne sais pas...

- Vous vous doutiez de ma présence ?

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- Non, c'est précisément parce que je vous croyais parti que je voulais accomplir mon

dessein. Cependant, il m'a semblé par moments que vous étiez à côté ou derrière moi, et que

vous ne vouliez pas que je tombasse. »

Cette expérience, ou plutôt cet accident, ne suffisait pas, évidemment, pour prouver une action

à distance. Mais il m'a suggéré l'idée d'une étude nouvelle de la question. Puisqu'il y avait une

apparence d'action, rien n'était plus simple que de la soumettre à un examen expérimental.

Mais pour rester dans les conditions nettes, je n'ai soufflé mot à personne de mes projets, et

j'ai même résolu d'attendre quelques jours pour bien préparer l'expérience.

J'avais l'habitude d'endormir la malade tous les deux jours et de la laisser dans un sommeil

profond (l'état aïdéique) pendant que je prenais mes notes. Je pouvais être certain, d'après une

expérience de deux mois, qu'elle ne bougerait pas avant que je m'approche d'elle, pour

provoquer le somnambulisme proprement dit. Mais ce jour-là, après avoir pris quelques notes

et sans changer d'attitude (je me tenais à plusieurs mètres de la malade, en dehors de son

champ visuel, mon cahier sur les genoux et la tête appuyée sur la main gauche), je feignis

d'écrire, en faisant crier la plume comme tout à l'heure, mais intérieurement, je concentrais ma

volonté sur un ordre donné.

Le 2 décembre

1) Lever la main droite.

Je regarde la malade à travers les doigts de ma

main gauche appuyée sur le front.

1re minute: action nulle.

2e minute : une agitation dans la main droite.

3e minute : agitation augmente, la malade

fronce les sourcils et lève la main droite.

J’avoue que l’expérience m’émut plus qu’aucune autre. Je recommence :

2) Se lever et venir à moi.

Je la reconduis à sa place sans rien dire.

3) Retirer le bracelet de la main gauche et me

le passer.

Je touche son bras droit et probablement je le

pousse un peu dans la direction de son bras

gauche, en concentrant ma pensée sur l’ordre

donné.

Elle fronce les sourcils, s'agite, se lève

lentement et avec difficulté, vient à moi la

main tendue.

Action nulle.

Elle étend sa main gauche, se lève et se dirige

vers Mlle X.... puis vers le piano.

Elle s'assied, épuisée.

Elle retire son bracelet (semble réfléchir).

Elle me le donne.

4) Se lever, approcher le fauteuil de la table et

s’asseoir à côté de nous.

J'arrête sa main qui faisait fausse route.

5) Donner la main gauche.

Elle fronce les sourcils, se lève et marche vers

moi.

Je dois faire quelque chose, dit-elle.

Elle cherche... touche le tabouret, déplace un

verre de thé.

Elle recule, prend le fauteuil, le pousse vers la

table, avec un sourire de satisfaction, et

s'assied en tombant de fatigue.

On me dit d'apporter et on ne me dit pas

quoi... pourquoi parle-t-on si indistinctement ?

Elle s'agite.

Donne la main droite.

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(Reste assise !)

(Donne la gauche !)

(Donne la gauche !)

(Pas celle-ci l'autre !)

Essaye de se lever.

Elle se rassied.

Agite la main gauche, mais ne me la donne

pas.

Se lève et passe sur le canapé.

Elle donne la main droite.

Elle donne la main gauche.

Il est à remarquer que la malade se trompe souvent de côté, même à l'état de veille.

Pendant cette dernière expérience, le somnambulisme actif s'est déclaré, elle cause avec nous

en plaisantant. Elle ne m'obéit plus. Je vais dormir maintenant », dit-elle.

Elle s'endort.

Quelques traces d'une attaque dans le sommeil, enfin elle paraît se réveiller.

- J'ai un tic-tac dans la tête qui ne me laisse pas dormir. Je ne veux plus dormir; asseyez-vous

auprès de moi.

- Etes-vous toujours en somnambulisme ?

- Oui. (Cette malade avait le sens assez rare de se rendre compte de chaque phase de son état

avec une exactitude étonnante. Je feignais souvent de ne pas reconnaître son état, pour qu'elle

me le décrivit elle-même.)

- Et si vous vous endormez dans cet état, est-ce la même chose qu'à l'état de veille ?

- Oh non ! car maintenant ce sont les jambes et le corps qui s'endorment les premiers, de sorte

que je peux bien savoir si j'ai bien dormi ou non, tandis qu'en m'endormant à l'état de veille, je

m'endors de la tête et je ne sais plus rien. Et puis, quand je cause étant magnétisée, je me

repose tout de même, et je peux causer ainsi toute la nuit tandis que si je causais à l'état de

veille, j'aurais la tête fatiguée et somnolente.

Le 3 décembre.

Mme M... est endormie par le regard et retombe dans un sommeil très profond (aïdéie

paralytique).

6) Réponds, si tu m'entends ! Action nulle.

Je pose la même question de vive voix. Elle n'entend pas. Un moment après, elle s'agite un

peu.

- Vous ne m'avez pas entendu tout à l'heure ? Non. - Pourquoi ? - Parce que mon sommeil

était trop profond. - Y aura-t-il une attaque ce soir ? Non. »

Je laisse donc la malade à elle-même et quelques minutes après, je recommence les

expériences.

7) Donne la main droite !

(Donne la main !)

(N'importe laquelle !)

Froncement des sourcils.

== 0.

Elle donne la main gauche.

Si je lui parle en ce moment en la touchant, elle me répond ; si je lui parle sans la toucher, elle

n'entend que des sons incompréhensibles.

Je lui dis que je suis obligé de m'absenter pour un quart d'heure, mais une fois, dehors j'essaye

de l'appeler mentalement.

Viens à moi ! Froncement des sourcils.

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Une agitation générale.

En ce moment l'expérience est interrompue par un accident curieux. L'action à distance

provoque chez elle une hyperesthésie générale et dans cet état elle se sent incommodée par

quelque chose à sa droite », une odeur insupportable l'épouvante », un bruit imaginaire,

provoqué par l'irritation et la congestion cérébrale, l'empêche de m'entendre ». Il m'a semblé,

dit-elle, que je devais me lever et circuler : mais cette atmosphère horrible m'étouffait. Cela

m'empêchait... cela ne vous aime pas, mais cela a honte de l’avouer.»

- Qu'est-ce donc ? - je ne sais pas, mais délivrez-moi de cela... »

Elle fait des gestes répulsifs à droite.

Mais nous ne voyons rien d'extraordinaire dans cette direction.

Enfin je remarque que, sur le guéridon des fleurs, se trouve une plante nouvelle. Je l'enlève.

- Ah ! Enfin, dit la malade, merci, j'ai failli avoir une attaque.

Cette plante a été apportée le jour même par une de ses amies qu'elle aime beaucoup à l'état

normal, mais qu'elle ne peut pas supporter en somnambulisme, même à une distance de

plusieurs mètres. Je le savais déjà, car j'ai assisté à une attaque épouvantable provoquée

uniquement par la présence de cette personne, mais je ne pouvais pas m'imaginer qu'un objet

lui ayant appartenu aurait la même influence. J'ai cru d'abord à l'action de l'odeur de cette

plante, mais elle n'en avait guère. Alors j'ai fait plusieurs expériences avec des objets

provenant de cette personne et mêlés aux autres. Je plaçai par exemple à côté de la malade,

mais assez loin, sur le canapé, un rouleau de musique apporté par cette, même personne. Dès

qu'elle l'eut effeuré de sa main, en faisant un geste, elle s'en éloigna vivement en demandant

qu'est-ce qui lui faisait tant de mal. De même pour tous les autres objets. Elle n'a jamais

deviné ce que c'était, mais elle ressentait toujours une influence antipathique. Même une carte,

provenant de cette personne et mêlée à plusieurs autres, fut rejetée comme désagréable ».

Je dois ajouter que cette jeune personne aimait beaucoup Mme M... et qu'elle était jalouse de

l'influence que j'exerçais sur mon sujet.

Le 5 décembre.

8) Un essai dans l'état de somnambulisme

actif gai.

Action nulle.

(Elle est à moitié réveillée.)

Où est-elle, Marie ?

Elle doit faire un travail ennuyeux. Je crois qu'elle ne pense à rien, car je ne la sens pas.

(Notre malade, en s'éveillant, passe momentanément par un état monoïdéique transitoire, et

alors elle sent toujours bien l'état mental des personnes qui l'entourent. Elle dit : Pourquoi

avez-vous plus de confiance aujourd'hui ? Pourquoi est-elle si inquiète - ou contente ? » Etc.

Une fois réveillée complètement, elle n'a plus cette sensation.)

En voulant m'asseoir derrière la table, je faillis tomber, à cause de la chaise, qui était plus

basse que je m'y attendais. La malade pousse un cri, je lui demande :

- Qu'y a-t-il ?

- Il m'a semblé que quelque chose s'effondre sous moi.

Si l'on me pince, elle s'en plaint, sans cependant savoir que c'est moi qui souffre. Je l'informe

que je désire lui poser quelques questions. - Alors, endormez-moi un peu plus », dit-elle. Je

fais quelques passes devant ses yeux. Elle est en ce moment dans le somnambulisme passif

c'est-à-dire qu'elle répond facilement et largement à toutes les- questions posées par moi (et

seulement par moi), mais ne parle pas d'elle-même.

- Pouvez-vous me dire à quel degré du sommeil très profond vous subissez l'action de mes

pensées (pour la malade, chaque partie du corps peut être endormie ou réveillée séparément)

et quand je ne puis penser par moi-même.

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- Mais alors, si je vous ordonne de vous lever, vous ne pourrez pas le faire ?

- Toute seule, non, mais si vous le voulez fortement, quelque chose va me soulever.

- Savez-vous par avance ce que j'exige de vous ?

- Non, mais ça me pousse, aussi j'aime mieux quand vous divisez votre pensée... Je ne peux

pas la saisir tout entière ; je n'entends pas les mots, je crois que vous pourriez penser dans

n'importe quelle langue, je sens seulement une impulsion qui m'envahit et finit par me

dominer.

En ce moment, je donne quelques explications à mlle Mar

Avez-vous entendu ce que je viens de dire ?

- Je vous ai entendu parler, mais je n'ai rien saisi, car vous n'avez pas en l'intention d'être

entendu par moi.

- Si je ne vous adresse pas la parole, que faites-vous mentalement ? Pensez-vous à quelque

chose ?

- Lorsque je dors légèrement comme à présent, je peux bien penser, si vous êtes près de moi ;

- mais si vous vous éloignez, il se fait un revirement dans ma tête, comme si vous me laissiez

dans une chambre obscure.

- Et si je vous endormais plus fort.

Alors je ne saurais plus rien et si vous me quittiez, je resterais comme cela, sans en souffrir.

- Quel est dont l’état dans lequel, d'après votre avis, l'action de la pensée est la plus facile ?

- Il faut pour cela que le sommeil soit très fort, mais que je vous entende tout de même.

- À vrai dire, je vous entends toujours, ou au moins je le crois (évidemment la somnambule

ne pouvait pas savoir si elle m'entendait dans l'état complet d'aïdéisme), seulement

quelquefois je n'entends que des mots détachés, par exemple : vous me posez la question :

M'entendez-vous en ce moment ? » Et je n'entends, moi, que : entendez... moment », ou bien

encore j'entends tous les mots, mais chaque mot isolé, de sorte que, quand vous êtes au bout

d'une phrase, j'en ai déjà oublié le commencement. Les premiers mots se sont enfuis

(monoïdéisme). Et puis aussi, quelquefois, je vous entends et vous comprends bien, mais je

n'ai pas la force de répondre.

Et dans l'état où vous êtes en ce moment, pourriez-vous saisir ma pensée ?

Non. (Expérience.)

Réveillez-vous ! Action nulle.

Mais, quelques minutes après, elle me dit d'elle-même : Réveillez-moi » - et alors j'ai pu la

réveiller à distance. (Une simple assertion ne lui a jamais suffi pour le réveil.)

Le 7 décembre.

La malade est dans l'état d'aïdéie en partie tétanique (les bras contracturés, les jambes un peu

raides).

Se lever, aller au piano, prendre une boîte

d'allumettes, me les apporter, allumer l'une

d'elles, retourner à sa place.

(Va au piano !)

(Retourne !)

(encore en arrière!)

Je l'arrête par la main.

(Plus bas !)

Elle se lève avec difficulté.

S'approche de moi.

Elle va au piano.

Mais passe devant.

Elle revient.

Elle s'avance vers la porte.

Elle revient au piano.

Cherche trop haut.

= 0.

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(Plus bas !)

(Prends la boîte !)

(Prends la boîte !)

(Viens à moi !)

(Allume !)

(Allume !)

(Allume !)

(Retourne à ta place !)

11) Rapprocher la main droite de mes lèvres.

(Lève-la!)

(Lève-la !)

(Donne à embrasser !)

(C'est pas çà ! à ma bouche !)

(Aux lèvres!)

Sa main s'abaisse.

Elle touche la boîte, puis recule.

Elle la touche de nouveau et la prend.

Elle vient à moi.

Elle veut me passer la boîte.

EIle retire une allumette.

Elle l'allume.

Elle retourne à sa place.

Sa main droite s'agite.

= 0.

Elle lève la main.

Elle rapproche sa main de son visage - retire

sa cravate.

Elle rapproche sa main droite de ma tête.

Elle l'approche de mes lèvres.

Le 9 décembre.

La malade dort bien ! l'état aïdéique avec tendances aux contractures.

12) Se coucher sur le côté droit.

Je supprime la contracture à l'aide d'un léger

massage. Je tiens sa main, et à un moment

donné j'essaye mentalement de :

13) Provoquer la contracture dans le bras

gauche.

14) Couche-toi !

= 0.

Elle se soulève et s'arrête contracturée de tout

le corps, peut-être sous l'influence du regard,

car je la regardais fixement.

Le bras gauche se raidit presque

instantanément.

Action nulle.

En ce moment il a y une hyperacousie, le moindre bruit l'irrite, puis elle retombe de nouveau

dans l'immobilité générale.

- Je n'entends pas bien vos pensées, dit-elle subitement, parce que je dors ou de trop, ou pas

assez.

L'ouverture de l'œil gauche provoque la catalepsie dans le bras droit, puis dans les deux.

L'ouverture de l'œil droit ne provoque rien du tout.

15) Se gratter les joues. Action nulle.

En ce moment, une allumette, allumée vivement devant un œil ouvert exprès, ne provoque

aucun réflexe. La contraction de la pupille même n'est pas aussi sensible que d'habitude,

tandis que, tout à l'heure, la contraction a été presque normale et la malade disait voir un peu

de clarté ». Maintenant elle affirme ne rien voir. Je la réveille, elle parait assez bien, mais peu

à peu une attaque se déclare. Je l'arrête en magnétisant de nouveau.

Le 11décembre.

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- 103 -

(Expériences en présence de M. l'ingénieur Sosnowski).

La malade se porte bien. Je l'endors en deux minutes et démontre les trois états principaux:

1° L'aïdéide (sans pensée, sommeil le plus profond) ;

2° La monoïdéie (une seule idée possible) ;

3° La polyïdéie (somnambulisme proprement dit).

Puis, à l'aide de quelques passes devant les yeux, j'approfondis le sommeil jusqu'au degré

transitoire entre l'aïdéie et le monoïdéisme. En ce moment, elle m'entend même sans

attouchement, mais elle reste tout à fait paralysée et insensible.

16) Viens à moi !

Je change de position et je me cache aussi loin

que possible.

17) Donne la main à M. S. (L'expérience

proposée par M. S.)

Elle se lève et vient directement à moi.

Elle étend la main droite et la donne à M. S...

En ce moment l'ouverture des yeux ne provoque pas la catalepsie.

L'attouchement de M. S., comme de toute autre personne étrangère, lui est très désagréable.

Elle ne permet même pas de s'approcher d'elle, à moins d'un demi-mètre de distance. Elle a

les yeux bandés. Mes mains provoquent toujours une attraction ; ayant les jambes

contracturées et étant attirées par moi, elle tombe en arrière, puis se lève, également attirée à

distance...

Le 18 décembre.

18) Un essai dans l'état de somnambulisme

actif, avant l'accès.

Action nulle.

Quelques minutes après l'accès éclate. Alors,

je l’endors fortement pour toute la nuit.

Elle se réveille tout à fait bien le lendemain.

Le 27 décembre.

En endormant la malade, je prolonge les passes plus longtemps que d'habitude, car sans les

passes elle s'endormait difficilement. Le sommeil devient très profond. Elle ne m'entend plus

du tout. Le pouls est faible et inégal, 80 pulsations. La respiration courte, intermittente. Je la

calme par l'imposition de la main sur le creux de l'estomac.

19) Aller à table prendre un gâteau et me le

passer.

(Voyant que le sommeil est trop profond, je

réveille » les bras et les oreilles, elle m'entend

alors sans que je la touche.)

Je l'arrête.

(Étends le bras !)

(Etends le bras!)

(Plus bas !)

(Prends et donne !)

= 0.

Elle se lève.

Vient à moi.

Reste hésitante au milieu de la chambre.

Elle s'approche de la table.

= 0.

Elle étend le bras.

Elle cherche à côté.

Elle touche les gâteaux et tressaille.

Elle prend un gâteau et me le donne.

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- 104 -

Elle est visiblement fatiguée ; ses paupières clignotent.

- Pourquoi avez-vous pris un gâteau et pas autre chose ?

- Parce que tous les autres objets étaient étrangers - tandis que les gâteaux m'ont paru bien

connus. Mais je ne savais pas que c'était des gâteaux ; je sentais seulement que c'était quelque

chose de moins repoussant que les autres objets étrangers... Je ne dormais pas assez

(somnambulisme actif), il ne faut pas me réveiller les oreilles.

Quelques minutes après a eu lieu une expérience d'autant plus curieuse qu'elle fut tout à fait

imprévue. J'étais absorbé dans une pensée personnelle qui m'inquiétait dans la journée.

Malgré son caractère intime, je suis obligé de la dévoiler ici, pour qu'on puisse comprendre

l'expérience.

Le traitement de Mme M..., absorbant mon temps, me fit négliger plusieurs affaires, de sorte

que ce jour-ci j'étais fort embarrassé pour une question d'argent. Le traitement était gratuit et

je ne voulais pas que Mme M... se doutât en quoi que ce soit de mon embarras. Ne pouvant

pas la quitter à cause de la gravité de son état (il y avait toujours des accès de manie de

suicide), ma pensée revenait tout le temps à cette affaire.

Je cause avec la malade en plaisantant, mais probablement ma voix trahit l'inquiétude et à un

moment donné, je vois qu'elle devine mes pensées. Elle s'arrête dans la conversation et

devient pensive. Une longue observation me permet de deviner à mon tour l'idée qui la

préoccupe.

Après avoir réfléchi, elle se dit intérieurement :

Il est embarrassé, il faut lui venir en aide, mais si on me réveille j'oublierai tout... Comment

faire ?...

Elle cherche et trouve le moyen. Elle s'ôte une bague du doigt (comme elle avait l'habitude de

le faire quand elle voulait se rappeler quelque chose) et son visage trahit l'intention de ne pas

oublier la signification de cette manœuvre.

- Il ne faut pas penser à cela, lui dis-je.

- Si je le veux, vous ne m'en empêcherez pas...» et elle simule l'indifférence pour m'échapper.

Quelques minutes après, j'aperçois un nouveau travail intérieur sur son visage. Le sommeil est

devenu moins profond, elle revient à son idée et essaye encore une fois d'esquiver mon

influence, en demandant que je la réveille le plus lentement possible pour éviter une attaque

».

Je la réveille tout doucement, en suggérant la gaîté au réveil.

Une fois remise, elle devient pensive, elle se frotte le front.

- Il me semble, dit-elle, que je devais me rappeler quelque chose mais je ne sais quoi. (Elle

examine sa bague à plusieurs reprises.) Non ! Je ne me souviens de rien...

Elle est gaie et cause librement avec nous.

Encore deux expériences à l'état de veille.

- 20) Qu'est-ce que je désire en ce moment ?

- C'est vrai, vous désirez quelque chose...

Elle cherche autour d'elle, puis me regardant dans les yeux :

- Vous voulez un peu de vin pour votre thé. (C'était juste.)

- 21) Et maintenant ? (Je voulais qu'elle prenne un gâteau.)

- Non, je ne sais plus rien, je ne sens rien.

Le 28 décembre.

Endormie le matin, elle retrouve son souvenir d'hier, et essaie encore une fois de le graver

dans sa mémoire ; elle trouve pour cela un nouveau moyen. Tout à coup, lorsque je ne m'y

attendais pas, elle s'écrie en prononçant une phrase, qui ne pouvait pas être comprise par nous,

mais qui, rappelée au réveil, devait lui susciter dans la pensée le projet conçu la veille ; puis,

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- 105 -

pour éviter mon influence, elle se bouche les oreilles et se met à marmotter pour ne pas

m'entendre.

22) Je lui ordonne mentalement d'oublier. Elle se croit victorieuse et demande à être réveillée

lentement.

Je la réveille. On lui répète la phrase mnémotechnique

- Qu'est-ce que cela veut dire ?

Je n'y comprends rien...

Et elle n'y pense plus.

Dans la soirée, un faible accès de délire se déclare... Elle a l'hallucination d'une personne

morte. L'accès se termine par une contracture générale. Je supprime la contracture. Elle

retombe sur les coussins et reste inerte.

23) Lève-toi et viens à moi ! Un peu d'agitation.

= 0.

Elle dormait en ce moment d'un sommeil très profond (aïdéie paralytique). Elle ne m'entend

pas sans attouchement.

24) Je veux que tu m'entendes !

25) Idem. J'excite un peu les oreilles par des

mouvements des doigts qui provoquent

habituellement une hyperacousie.

26) Faire entendre la voix de Mlle X... qu'elle

n'entend jamais d'elle-même. (Expérience de

Puységur.)

Je touche la main de Mlle X ..qui parle.

Elle entend le bruit » de ma voix, mais ne

comprend pas.

Même effet incomplet je ne pense pas arriver

à être compris.

Enfin, après plusieurs minutes, elle m'entend

bien.

= 0.

= 0.

Elle entend la voix, comme un chuchotement

ou plutôt un bruit assez fort, mais

incompréhensible.

Elle l'entend sans que je touche Mlle X

Elle n'entend rien malgré l’attouchement.

Ces expériences ont été probablement gênées par l'état inconstant et pathologique de la

malade. (Quelques minutes après.)

27) Donne l'autre main !

(Je tiens sa main gauche).

28) Demande ce que je veux

(sans attouchement).

- Qu'y a-t-il ? Que voulez-vous dire! (A haute

voix.)

29) Ouvre les yeux et réveille-toi !

Agitation dans la main droite, qui est

contracturée.

Elle se soulève un peu.

Elle dirige sa main droite vers moi, avec une

grande difficulté, car elle est raide.

Elle me la donne, puis retombe très fatiguée.

= 0.

- Hum...

Quelque chose me poussait à faire une

question... mais je ne sais laquelle... j'ai déjà

oublié... tout est embrouillé dans ma tête.

= 0.

Elle remue la tête à droite et à gauche, puis le

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bras droit, mais ne se réveille pas.

Elle était en ce moment absorbée par une rêverie somnambulique qui diminuait la sensibilité.

J'essaye de la réveiller par ordre verbal, mais je n'obtiens qu'une somnolence fatigante, et, au

bout, de plusieurs minutes, je suis obligé de recourir aux passes.

Le 31 décembre.

La malade se trouve bien. Je provoque facilement les états voulus, je m'arrête à une phase

intermédiaire entre la léthargie aïdéique et le monoïdéisme. Elle m'entend, mais moi

seulement, et elle est incapable de répondre autrement que par des signes ou des mots

détachés.

30) Lève-toi, va à ton frère et embrasse-le ! Elle se lève.

Elle s'avance vers moi puis recule vers son

frère.

Elle tâte en l'air en cherchant sa tête.

S'arrête devant lui en hésitant.

Elle se rapproche lentement et l’embrasse sur

le front, en tressaillant.

- Pourquoi tressaillez-vous ?

- Parce que c'est quelque chose d'étranger... (Elle aime beaucoup son frère.)

Il y a eu un accès très grave dans la soirée, elle s'est blessée plusieurs fois avec un couteau à la

tempe. J'arrive à temps pour prévenir le suicide et je l'endors avec beaucoup de difficultés,

sans qu'elle me reconnaisse. Elle me demande pardon en somnambulisme, tout en se plaignant

de ce que le couteau n'ait pas été assez tranchant.

L'état normal ne revient qu'après deux heures de sommeil. Les attaques hystéro-épileptiques

ne se renouvellent plus, mais les accès de folie et les évanouissements sont encore fréquents.

Le 6 janvier.

La malade reste sur le canapé et n'entend rien. Je sors tout doucement pour faire une

expérience à distance.

31) Lève-toi et reste assise en attendant mon

retour.

Elle fronce les sourcils, sa respiration devient

haletante, mais elle ne bouge pas.

J'agissais à peine depuis dix minutes, quand on est venu me déranger.

Elle n'est pas très bien ; par conséquent, j'interromps les expériences pour m'occuper de son

état.

Le 10 janvier.

J'endors Mme M... par des passes à distance, c'est à dire sans la toucher. Puis, j'essaye de :

32) Provoquer le sommeil naturel profond

dans Le somnambulisme artificiel

Quelques secondes après le commencement

de l'action mentale, j'entends un ronflement,

les lèvres s'ouvrent et restent ouvertes.

Quelques minutes après, cet état cesse. Je recommence :

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33) Idem.

(Ouvre la bouche !)

34) Ferme la bouche !

Mêmes signes, moins l'ouverture de la

bouche.

Elle ouvre la bouche et dort bien en soufflant.

Action nulle, probablement à cause de la

profondeur du sommeil.

Elle dort bien toute la nuit.

Le 11 janvier.

Etat de léthargie aïdéique (avec tendance aux contractures):

35) Etends le bras droit. Agitation dans le bras droit.

Même phénomène sept fois de suite.

Un petit mouvement du bras gauche

Le corps se soulève un peu. Retombe.

Elle étend le bras droit.

En ce moment, elle m'entend, mais elle éprouve de la difficulté à me répondre.

Elle reconnaît un objet m'appartenant parmi quatre semblables, en le désignant comme le

mieux connu. (Elle voit pour la première fois, mais c'est ainsi qu'elle nomme toujours ce qui

m'appartient, ce que j'ai touché, ou sur quoi j'ai concentré ma pensée.) Elle rejette un objet

parmi cinq semblables ; l'objet rejeté appartenait à Mlle X ..., dont la présence lui est

insupportable. Trois doigts différents la touchent, elle reconnaît le mien, etc. Elle demande à

boire, on lui approche un verre d'eau de ses lèvres, mais elle ne sent rien et demande toujours

à boire; si c'est moi qui tiens ce verre, elle le reconnaît tout de suite, et boit avec plaisir. (Ce

phénomène se répétait tous les jours.)

Le 14 janvier.

Mme M... s'endort difficilement, mais d'un sommeil excessivement profond. Elle ne m'entend

pas encore une demi-heure plus tard. Il n'y a pas de contracture. La tête n'est pas très chaude.

Les membres ne sont pas froids. Le pouls est assez régulier, 80 pulsations. De temps en

temps, quelques petits tremblements des doigts. L'hyperexcitabilité neuro-musculaire n'existe

pas. Les membres gardent l'attitude imprimée. Par conséquent, c'est un état d'aïdéie

cataleptique.

36) Je veux que tu m'entendes. Action nulle. Une minute après, plusieurs

évanouissements se déclarent.

A cause de l'état pathologique, on ne doit tirer aucune conclusion de cet échec dans l'état

d'aïdéie cataleptique. Peu à peu, elle passe d'elle-même dans le délire somnambulique. Une

heure après, agissant plus fort j'obtiens un somnambulisme calme.

37) Dors bien toute la nuit ! Elle dort bien toute la nuit.

Elle se réveille tout à fait bien, sauf une amblyopie passagère.

Le 18 janvier.

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- 108 -

L'amélioration de la santé de Mme M... me permet de faire quelques nouvelles expériences. Je

l'endors comme d'habitude. Ensuite, j'endors son frère, qui reste immobile dans un fauteuil au

milieu de la chambre. Il est dans un état d'aïdéie paralytique légère, facile à dissiper, mais d'où

il ne peut sortir par lui-même. Mme M... reste sur le canapé au fond de la chambre, en

somnambulisme passif. A l'aide de quelques passes, je rends le sommeil plus profond (un peu

trop profond même) et je m'éloigne pour commencer les expériences.

38) Se lever et puis se mettre à genoux au

milieu de la chambre.

Je la prends par la main,

Mets toi à genoux !

= 0

Elle s'agite. (Elle a constaté qu'elle dormait

très bien, lorsque quelque chose 1a réveilla.)

Elle se lève et marche vers le milieu de la

chambre, où elle rencontre son frère endormi.

Cette fois-ci, elle ne tressaille point, au

contraire, elle le tâte avec une certaine

satisfaction et un peu d'étonnement.

Puis elle retourne sur le canapé et s'assied.

Après deux minutes d'hésitation, elle

s'agenouille.

Elle raconte ensuite que c'est son frère endormi qui l'avait dépistée.

Je ne savais que faire, je vous sentais là et là. Ça m'a troublée... Il y avait un autre vous » au

milieu de la chambre.

- Comment, un autre moi ?

- Quelque chose qui était vous... Je ne sais pas... mais ça m'a troublée.

Le 24 janvier.

Elle est endormie sur le fauteuil (aïdéie puis monoïdéisme),

39) Souffler une bougie sur le piano.

Elle se tient si près de la bougie que je la

souffle moi-même de peur que sa robe ne

prenne feu.

(Donne la bougie !)

40) Donne la main gauche!

(Je la tiens par la main droite.)

41) Viens à moi !

Cette expérience a été faite avec beaucoup de

précaution ; la somnambule ne savait pas que

j'étais parti et j'agissais à distance de plusieurs

mètres, du fond du couloir.

Elle se lève. Se dirige vers moi, puis vers le

piano.

Touche la musique en tâtant.

Retire la bobêche.

Retire la bougie et me l'apporte.

Elle lève la main gauche et me la donne.

Froncement des sourcils.

Elle se lève.

Etend le bras droit, s'avance, ouvre la porte et

va directement dans le couloir, où je me

précipite à sa rencontre.

Elle manifeste une satisfaction en rencontrant ma main, puis retourne lentement au salon.

J'ai fait ce soir encore deux expériences, pour vérifier l'action magnétique personnelle. J'ai

déjà mentionné que, chaque fois que la malade touchait un objet ou une personne étrangère »,

c'est-à-dire en dehors de mon influence, il y avait un tressaillement et une répulsion

instinctive. C'est ce que j'ai voulu vérifier. J'ai invité son frère à s'asseoir insensiblement non

loin d'elle et un peu en arrière ; puis, en exerçant une action attractive sur un bras de la

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malade, je l'ai dirigé de façon à toucher par hasard le bras de son frère. Il y eut un

tressaillement répulsif, et cette expérience répétée a donné toujours le même résultat. Ensuite

j'ai endormi le frère à la même place, à l'insu du sujet, et j'ai recommencé l'attraction. Elle

était forcée de toucher son frère plusieurs fois, mais la répulsion ne se manifesta plus.

Le 4 février.

En se réveillant, elle manifeste, comme d'habitude, sa sensibilité vis-à-vis les états psychiques

des assistants.

- Je suis toute colère contre Marie.

- Pourquoi cela ?

Parce que tout le temps elle a cherché un moyen de m'arrêter encore, et il faut absolument

que je parte. (C'était exact.)

Le 5 février.

Le point hystérogène sous la clavicule gauche n'existe plus. Mais elle ne sent pas encore la

chaleur de ma main derrière la tête (point délirogène). Cependant, en somnambulisme, la

sensibilité est déjà normale. La magnétisation arrête un commencement d'accès de délire.

Aïdéie, 82 pulsations. Après trente minutes de cet état, la tête se refroidit. Quelques minutes

après, le somnambulisme passif se déclare, puis le somnambulisme actif. Alors elle demande

que je lui réveille tout le corps, sauf le devant de la tête ». Dans cet état, elle manifeste une

sensibilité très grande. Elle sent tout, mais éprouve une difficulté à réfléchir.

Si on me pince ou frappe, cela lui fait mal. Elle décrit parfaitement mon état mental, ou plutôt

mes sensations. L'attouchement d'une personne étrangère est encore désagréable. Je me pince

moi-même.

- Je n'aime pas cela, dit-elle.

En général, elle n'est pas obéissante dans cet état; malgré la transmission des sensations, elle

est pour cela trop irascible. Elle subit l'influence de mes sensations, mais non de ma volonté.

Le souvenir persiste ou à peu près.

Une heure après, cet état se dissipe, et elle s'endort de son sommeil normal.

Je m'arrête là. L'histoire de cette malade a été des plus instructives pour moi. J'ai sur elle un

volume entier de notes, prises sur le vif, et ayant trait à plusieurs autres questions, parmi

lesquelles la question thérapeutique occupe le premier rang.

Puis vient celle de la suggestion mentale, celle de l'action physique, celle des phases

hypnotiques et quelques autres de moindre importance.

J'ai omis à dessein tout ce qui n'avait pas de rapport direct avec la transmission psychique,

pour ne pas compliquer la tâche du lecteur, qui en aura assez s'il veut bien examiner les détails

donnés, avec l'attention nécessaire.

Je n'ai rien omis, au contraire, de ce qui avait trait à notre sujet principal. J'ai cité toutes les

expériences, même celles qui devaient manquer forcément ou qui ne pouvaient réussir qu'en

partie, à cause des circonstances accidentelles. Aussi l'aspect général de ce récit sera moins

concluant pour le lecteur qu'il ne l'est pour moi - J'ai enfin eu l'impression personnelle, si

longtemps recherchée, d'une action vraie, directe, indubitable. J'étais bien sûr qu'il n'y avait là

ni coïncidence fortuite, ni suggestion par attitude, ni autre cause d'erreur possible. Là où ces

influences s'ajoutaient momentanément, je les ai indiquées, et le lecteur saura les apprécier

lui-même, d'après les principes exposés ci-dessus. Mais ce qui a pu échapper au lecteur,

précisément à cause de la façon toute objective de cet exposé, c'est qu'à partir de la deuxième

semaine, j'étais déjà maître du phénomène, et que si, parmi les expériences postérieures, il y a

encore eu des échecs, c'est uniquement parce que j'ai voulu vérifier l'impossibilité ou la

difficulté de réussir dans certaines phases hypnotiques. Dès que j'avais provoqué par avance la

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phase du sommeil, favorable à ces essais, ils réussissaient toujours. Le lecteur ne sera pas

étonné de la satisfaction profonde que me procura cette découverte. Pour moi un phénomène

n'est pas un fait scientifique si on est obligé de l'accepter purement et simplement comme un

accident, bien vu, bien contrôlé, mais qui est venu on ne sait comment, et qui ne se renouvelle

pas, on ne sait pourquoi. »

Le vrai moment de la suggestion mentale, dit Ochorowicz, c'est la limite entre l'état aïdéique

et le monoïdéisme passif. »

Voici ce que cet auteur entend par ces mots :

Etat aïdéique : sommeil profond durant lequel le sujet se trouve dans une sorte d'inertie

psychique, c'est-à-dire sans aucune idée.

Monoïdéisme passif : sommeil moins profond dans lequel l'activité psychique n'est

caractérisée que par une seule idée suggérée.

En 1869, le docteur Dusart, ancien interne des hôpitaux de Paris, fit, sur une de ses clientes,

des expériences curieuses, publiées dans la Tribune médicale (nos des 16 et 30 mai 1875).

Il s'agit d'une jeune fille de quatorze ans, à laquelle M. Dusart fut appelé, en 1869, à donner

des soins pour des troubles hystériques graves ; paralysie de la vue et de l'odorat, perversion

du goût, abolition des mouvements et de la sensibilité dans le bras droit et dans les deux

jambes, œsophagisme, rachialgie, tendance au suicide. Voici comment M. Dusart eut l'idée

d'endormir sa malade : Le spasme de œsophage était tel qu'il fallait la nourrir à la sonde ;

mais dominée par des idées de suicide, elle engage, chaque fois avec nous, une lutte acharnée

pour s'opposer à l'introduction de tout aliment. Nous devons être trois, souvent quatre, pour

triompher de sa résistance. Les aliments introduits, la malade fait des haut-le-corps, des

efforts de vomissements, crache d'une façon continue et pousse des hurlements pendant

plusieurs heures. Les parents, dont l'intelligence est au-dessous de la moyenne et qui sont

imbus de préjugés, s'opposent à l'emploi des stupéfiants et de tout agent susceptible d'apporter

du calme. Dans de telles conditions, la malade dépérit rapidement et, nous donne de vives

inquiétudes. Cette lutte pour l'alimentation dure depuis les premiers jours de juin jusqu'à la fin

d'octobre. C'est alors que je proposai à la famille un moyen, auquel je songeais depuis quelque

temps, le sommeil magnétique. Toutes mes notions sur le magnétisme se bornaient aux

quelques souvenirs que j'avais conservés lors de mon passage comme interne dans le service

d'Azan. J'avais souvent vu ce médecin endormir une hystérique et je me disais que

j'améliorerais sans doute beaucoup la situation de Mle J. si je pouvais assurer sa digestion en

provoquant après chaque repas un état de sommeil, ou, tout au moins, de calme suffisant. » M.

Dusart essaya donc de l'endormir au moyen de passes, comme il avait vu faire Azan il réussit

et put facilement alimenter sa malade. C'est en se demandant comment se produisait ce

sommeil qu'il fût amené à observer les phénomènes suivants : J'ai observé que quand, en

faisant des passes, je me laissais distraire par la conversation des parents, je ne parvenais

jamais à produire un sommeil suffisant, même après un long espace de temps. Il fallut donc

faire une large part à l'intervention de ma volonté » (et de la distraction du sujet). Mais celle-

ci suffisait-elle sans le secours d'aucune manifestation extérieure ? Voilà ce que je voulus

savoir. À cet effet, j'arrive un jour avant l'heure fixée la veille pour le réveil et, sans regarder

la malade, sans faire un geste, je lui donne mentalement l'ordre de s'éveiller : je suis aussitôt

obéi. À ma volonté, le délire et les cris commencent. Je m'assieds alors devant le feu, le dos

au lit de la malade, laquelle avait la face tournée vers la porte de la chambre, je cause avec les

personnes présentes, sans paraître m'occuper des cris de Mlle J., puis, à un moment donné,

sans que personne se fût aperçu de ce qui se passait en moi, je donne l'ordre mental du

sommeil, et celui-ci se produit. Plus de cent fois l'expérience fut faite et variée de diverses

façons : l'ordre mental était donné sur un signe que me faisait le DrX... et toujours l'effet se

produisait. Un jour j'arrive lorsque la malade était éveillée et en plein délire ; elle continue,

malgré ma présence, à crier et à s'agiter, je m'assieds et j'attends que le Dr X... me donne le

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signal. Aussitôt celui-ci donné et l'ordre mental formulé, la malade se tait et s'endort. Vous

saviez que j'étais là depuis quelque temps ? Non, Monsieur, je ne me suis aperçue de votre

présence qu'en sentant le sommeil me gagner ; j'ai eu alors conscience que vous étiez devant

le feu. »

Je donnais chaque jour, avant de partir, l'ordre de dormir jusqu'au lendemain à une heure

déterminée. Un jour, je pars, oubliant cette précaution, j'étais à 700 mètres quand je m'en

aperçus. Ne pouvant retourner sur mes pas, je me dis que peut-être mon ordre serait entendu

malgré la distance, puisque, à un ou 2 mètres, un ordre mental était exécuté. En conséquence,

je formule l'ordre de dormir jusqu'au lendemain huit heures, et je poursuis mon chemin. Le

lendemain, j'arrive à 7 heures et demie, la malade dormait. Comment se fait-il que vous

dormiez encore ? - Mais, Monsieur, je vous obéis. - Vous vous trompez ; je suis parti sans

vous donner aucun ordre. C'est vrai ; mais, cinq minutes après, je vous ai parfaitement

entendu me dire de dormir jusqu'à 8 heures. Or, il n'est pas encore 8 heures. Cette dernière

heure était celle que j'indiquais ordinairement. Il était possible que l'habitude fût la cause

d'une illusion et qu'il n'y eût ici qu'une simple coïncidence. Pour en avoir le cœur net et ne

laisser prise à aucun doute, je commandai à la malade de dormir jusqu'à ce qu'elle reçût l'ordre

de s'éveiller. Dans la journée, ayant trouvé un intervalle libre, je résolus de compléter

l'expérience. Je pars de chez moi (7 kilomètres de distance) en donnant l'ordre du réveil. Je

constate qu'il est deux heures. J'arrive et trouve la malade éveillée ; les parents, sur ma

recommandation, avaient noté l'heure exacte du réveil. C'était rigoureusement celle à laquelle

j'avais donné l'ordre. Cette expérience, plusieurs fois renouvelée, à des heures différentes, eut

toujours le même résultat. »

Le ler janvier, je suspendis mes visites et cessai toute relation avec la famille. Je n'en avais

plus entendu parler, lorsque, le 12, faisant des courses dans une direction opposée et me

trouvant à 10 kilomètres de la malade, je me demandai si, malgré la distance, la cessation de

tous rapports et l'intervention d'une tierce personne (le père magnétisant désormais sa fille), il

me serait encore possible de me faire obéir.

Je défends à la malade de se laisser endormir; puis, une demi-heure après, réfléchissant que si,

par extraordinaire, j'étais obéi, cela pourrait causer préjudice à cette malheureuse fille, je lève

la défense et cesse d'y penser. Je fus fort surpris lorsque, le lendemain, à 6 heures du matin, je

vis arriver chez moi un exprès portant une lettre du père de Mlle J... Celui-ci me disait que la

veille, 12 à 10 heures du matin, il n'était arrivé à endormir sa fille qu'après une lutte prolongée

et très douloureuse. La malade, une fois endormie, avait, déclaré que, si elle avait résisté,

c'était sur mon ordre et qu'elle ne s'était endormie que quand je l'avais permis. Ces

déclarations avaient été faites vis-à-vis des témoins auxquels le père avait fait signer les notes

qui les contenaient. J'ai conservé cette lettre, dont M... me confirma plus tard le contenu, en

ajoutant quelques détails circonstanciés.

Voilà de remarquables expériences.

Le professeur Ch. Richet, pendant qu'il était interne à l'hôpital Beaujon, eut l'occasion

d'expérimenter un sujet apte à ces phénomènes.

Un jour, raconte M. Richet, étant avec mes collègues à la salle de garde, à déjeuner, notre

confrère M. Landouzy, alors interne comme moi à l'hôpital Beaujon, était présent ; j'assurai

que je pouvais endormir une malade à distance et que je la ferais venir à la salle de garde où

nous étions, rien que par un acte de ma volonté ! Mais, au bout de dix minutes, personne

n'étant venu, l'expérience fut considérée comme ayant échoué. En réalité, l'expérience n'avait

pas échoué, car, quelque temps après, on vint me prévenir que la malade se promenait dans les

couloirs endormie, cherchant à me parler et ne me trouvant pas ; et en effet, il en était ainsi,

sans que je puisse de sa part obtenir d'autre réponse pour expliquer son sommeil et cette

promenade vagabonde, sinon qu'elle désirait me parler.

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Une autre fois, dit encore le même auteur, j'ai répété cette expérience en la variant de la

manière suivante : je priai deux de mes collègues de se rendre dans la salle, sous le prétexte

d'examiner une malade quelconque ; en réalité, afin d'observer comment se comporterait le

no11, que j'aurais, à ce moment l'intention d'endormir. Quelque temps après, ils vinrent me

dire que l'expérience avait échoué. Cependant, cette fois encore, elle avait réussi, car on s'était

trompé en désignant à la place du no11 la malade voisine, qui naturellement était restée

éveillée, tandis que le n°11 s'était effectivement endormi. »

Le docteur Héricourt cite les faits ci-dessous :

L'observation que je rapporte ici (c'est M. le Dr Héricourt qui parle) date de l'année 1878,

époque à laquelle je l'ai communiquée à mon ami M. Charles Richet, qui l'a gardée fidèlement

et prudemment dans ses cartons, pour des raisons faciles à comprendre. Il s'agit d'une jeune

femme de vingt-quatre ans, d'origine espagnole, veuve et mère d'une petite fille de cinq ans.

Mme D... est petite, maigre, très brune, a le système pileux très développé. L'examen le plus

minutieux n'a pu faire découvrir chez elle aucune trace hystérique personnelle ou héréditaire.

Quand j'essayai de produire l'hypnotisme (il s'agit du magnétisme) chez Mme D..., elle n'avait

été soumise auparavant à aucune expérience de cette nature. La première tentative réussit

d'ailleurs pleinement, après une dizaine de minutes passées à la regarder fixement et à lui tenir

fortement les pouces à pleine main. Par la suite, le même résultat était obtenu, mais seulement

en la regardant ou en lui touchant la tête ou la main pendant quelques secondes à peine, et

puis, enfin, en faisant moins encore, comme on va voir tout à l'heure. L'état de Mme D... était

alors d'emblée celui du somnambulisme lucide ; la conversation était facile, l'intelligence du

sujet était vive, sa sensibilité paraissait exaltée, et sa mémoire remarquable, toute image

évoquée provoquait une hallucination, mais ce phénomène n'apparaissait jamais

spontanément. » (C'était donc un état polyïdéique, avec tendance au monoïdéisme passif.) En

même temps, il y avait une insensibilité complète à la douleur, et les membres, qui étaient le

siège d'une hyperexcitabilité musculaire très nette, étaient mis en catalepsie par le simple

attouchement sans que l'état psychique fût en rien modifié. »

C'est là un phénomène très commun en magnétisme et qui prouve : 1° qu'il n'est pas

nécessaire d'ouvrir les yeux du sujet pour provoquer la catalepsie, et 2° que la catalepsie peut

exister en somnambulisme, et que, par conséquent, il est impropre de considérer ces deux

états comme deux phases distinctes. En général, toutes les classifications basées uniquement

sur les caractères extérieurs doivent être nécessairement défectueuses, car tous les caractères

extérieurs peuvent être provoqués dans tous les états hypnotiques et même à l'état de veille. Il

n'y a que les caractères psychiques, qui peuvent servir de base pour une classification

sérieuse. Le somnambulisme est avant tout un phénomène cérébral et, par conséquent, il n'y a

pas lieu de chercher ailleurs les caractères différentiels de ses phases. On peut seulement dire

par exemple : aïdéie ou polyïdéie cataleptique ou simplement paralytique, suivant les deux cas

où les membres restent flasques ou conservent l'attitude imprimée.

Au réveil, que je provoquais en promenant les doigts sur les paupières supérieures, la

mémoire de ce qui venait de se passer était complètement perdue ; mais, dans l'état second,

elle faisait une chaîne ininterrompue des faits de son état de veille et de ceux de son état de

sommeil. J'ai dit que j'endormais Mme D... avec une facilité chaque jour plus grande. En effet,

après quinze jours environ de cet entraînement spécial, je n'avais plus besoin, pour obtenir ce

résultat, ni du contact, ni du regard ; il me suffisait de vouloir, tout en m'abstenant de toute

espèce de gestes qui pût trahir mon intention. Etait-elle en conversation animée au milieu de

plusieurs personnes, tandis que je me tenais dans quelque coin, dans l'attitude de la plus

complète indifférence, que je la voyais bientôt à mon gré, lutter contre le sommeil qui

l'envahissait, et le subir définitivement; ou reprendre le cours de ses idées, selon que moi-

même je continuais ou cessais d'appliquer ma pensée au résultat à obtenir. Et même je pouvais

regarder fixement mon sujet, lui serrer les pouces ou les poignets, et faire toutes les passes

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imaginables des magnétiseurs de profession, si ma volonté n'était pas de l'endormir, il restait

parfaitement éveillé, et convaincu de mon impuissance. »

Bientôt ce ne fut plus seulement d'une extrémité à l'autre d'une chambre que je songeai à

exercer mon action ; d'une pièce à une autre, d'une maison à une autre maison, située dans une

rue plus ou moins éloignée, le même résultat fut encore obtenu. Les circonstances dans

lesquelles j'exerçai ainsi pour la première fois cette action à longue distance méritent d'être

rapportées avec quelques détails. Étant un jour dans mon cabinet (j'habitais alors Perpignan)

l'idée me vint d'essayer d'endormir Mme D... , que j'avais tout lieu de croire chez elle, et qui

habitait dans une rue distante environ de 300 mètres de la mienne. J'étais d'ailleurs bien

éloigné de croire au succès d'une pareille expérience. Il était trois heures de l'après-midi, je

me mis à me promener de long en large, en pensant très vivement au résultat que je voulais

obtenir ; et j'étais absorbé par cet exercice, quand on vint me chercher pour voir des malades.

Le cas étant pressant, j'oubliai momentanément Mme D..., que je devais d'ailleurs rencontrer

vers quatre heures et demie sur une promenade publique. M'y étant rendu à cette heure, je fus

très étonné de ne l'y point voir, mais je pensai qu'après tout mon expérience avait bien pu

réussir ; aussi vers cinq heures, pour ne rien compromettre et rétablir les choses en leur état

normal, dans le cas où cet état eût été effectivement troublé, par acquit de conscience, je

songeai à réveiller mon sujet, aussi vigoureusement que tout à l'heure j'avais songé à

l'endormir. Or, ayant eu l'occasion de voir Mme D... dans la soirée, voici ce qu'elle me

raconta, d'une manière absolument spontanée, et sans que j'eusse fait la moindre allusion à son

absence de la promenade. Vers trois heures, comme elle était dans sa chambre à coucher, elle

avait été prise subitement d'une envie invincible de dormir, ses paupières se faisaient de

plomb, et ses jambes se dérobaient - jamais elle ne dormait dans la journée - au point qu'elle

avait eu à peine la force de passer dans son salon pour s’y laisser tomber sur un canapé. Sa

domestique, étant alors entrée pour lui parler, l'avait trouvée, comme elle le lui raconta plus

tard, pâle la peau froide, sans mouvement, comme morte, selon ses expressions. Justement

effrayée, elle s'était mise à la secouer vigoureusement, mais sans parvenir cependant à autre

chose qu'à lui faire ouvrir les yeux. A ce moment, Mme D... me dit qu'elle n’avait eu

conscience que d'éprouver un violent mal de tête qui, parait-il, avait subitement disparu vers

cinq heures. »

C'était précisément le moment où j'avais pensé à la réveiller. Ce récit ayant été spontané, je le

répète, il n'y avait plus de doute à conserver ; ma tentative avait certainement réussi. Afin de

pouvoir la renouveler dans des conditions aussi probantes que possible, je ne mis pas Mme

D... au courant de ce que j'avais fait, et j'entrepris toute une série d'expériences dont je rendis

témoins nombre de personnes, qui voulurent bien fixer les conditions et contrôler les résultats.

Parmi ces personnes je citerai le médecin-major et un capitaine de bataillon des chasseurs

dont j'étais alors l'aide-major. Toutes ces expériences se ramènent en somme au type suivant.

Etant au salon avec Mme D...., .je lui disais que j'allais essayer de l'endormir d'une pièce

voisine, les portes étant fermées. Je passais alors dans cette pièce, où je restais quelques

minutes avec la pensée bien nette de la laisser éveillée. Quand je revenais je trouvais en effet

Mne D... dans son état normal, et se moquant de mon insuccès. Un instant plus tard, ou un

autre jour, je passais dans la même pièce voisine sous un prétexte quelconque, mais cette fois

avec l'intention bien arrêtée de produire le sommeil et, après une minute à peine, le résultat le

plus complet était obtenu. On n'invoquera ici, aucune suggestion autre que la suggestion

mentale puisque l'attention expectante, mise en jeu dans toute sa force, lors de l'expérience

précédente, avait été absolument sans action. Les conditions de ces expériences, qui se

contrôlent réciproquement, sont d'une simplicité et d'une valeur sur lesquelles j'attire

l'attention, parce qu'elles constituent une sorte de schéma à suivre pour la démonstration. »

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Les expériences du Dr Gibert, du Havre, et de Pierre Janet, faites dans cette ville, appuient

nos affirmations sur l'action de la volonté de l'opérateur et prouvent encore la réalité de la

suggestion mentale.

Nous extrayons du travail du Dr Janet, paru en 1885, dans le Bulletin de la Soc. psych. phys.

et dans la Revue scientifique du 8 mai 1886, ce qui suit :

M. Gibert tenait un jour la main de Mme B... pour l'endormir ; mais il était visiblement

préoccupé et songeait à autre chose qu'à ce qu'il faisait : le sommeil ne se produisit pas du

tout. Cette expérience, répétée par moi de diverses manières, nous a prouvé que, pour

endormir Mme B..., il fallait concentrer fortement sa pensée sur l'ordre du sommeil qu'on lui

donnait, et que plus la pensée de l'opérateur était distraite, plus le sommeil était difficile à

provoquer. Cette influence de la pensée de l'opérateur, quelque extraordinaire que cela

paraisse, est ici tout à fait prépondérante, à un tel point qu'elle peut remplacer toutes les

autres. Si on presse la main de Mme B... sans songer à l'endormir, on n'arrive pas à provoquer

le sommeil; au contraire, si l'on songe à l'endormir sans lui presser la main, on y réussit

parfaitement. En effet nous laissâmes Mme B ... assise au bout de la chambre, puis, sans la

toucher et sans rien dire, M. Gibert, placé à l'autre bout, pensa qu'il voudrait la faire dormir;

après trois minutes le sommeil léthargique se produisit. J'ai répété la même expérience

plusieurs fois avec la plus grande facilité ; il me suffisait, en me tenant, il est vrai, dans la

même chambre, de penser fortement que je voulais l'endormir, un jour, malgré elle et

quoiqu'elle fût dans une grande agitation, mais il me fallut cinq minutes d'efforts.

Il m'est arrivé plusieurs fois, en attendant M. Gibert, de rester près de Mme B... dans la même

attitude méditative, dans le même silence, sans penser à l'endormir, et le sommeil ne

commençait pas du tout. Au contraire, dès que, sans changer d'attitude, je songeais au

commandement du sommeil, les yeux du sujet devenaient fixes, et la léthargie commençait

bientôt. En second lieu, si l'attitude des personnes présentes eût suggéré le sommeil, je ne

m'expliquerais pas pourquoi la personne seule qui avait provoqué le sommeil par la pensée

pouvait provoquer, pendant la léthargie, les phénomènes caractéristiques de la contracture et

de l'attraction. »

M. le professeur Ch. Richet12 cite un phénomène curieux, que d'autres opérateurs avaient et

ont produit depuis : il réveillait mentalement un sujet endormi hypnotiquement, alors qu'il

était interne dans le service de M. Le Fort, à l'hôpital Beaujon (1873). M. le professeur Boirac

a produit maintes fois, en notre présence et en présence d'un assez grand nombre d'autres

personnes, le sommeil et le réveil chez son sujet Gustave P..., par le seul effet de sa pensée et

de sa volonté. Nous-même avons produit assez souvent ce phénomène sur deux sujets.

Les expériences suivantes, faites à distance sur Mme B.... fortifient notre opinion. Écoutons

encore M. Pierre Janet.

a) Sans la prévenir de son intention, M. Gibert s'enferme dans une pièce voisine, à une

distance de six ou sept mètres, et là, essaie de lui donner mentalement l'ordre du sommeil.

J'étais resté, dit M. Janet, auprès du sujet et je constatai qu'au bout de quelques instants les

yeux se fermèrent et le sommeil commença mais ce qui me semble particulièrement curieux,

c'est que, dans la léthargie, elle n'est pas du tout sous mon influence. Je ne pus provoquer sur

elle ni contraction ni attraction, quoique je fusse resté auprès d'elle pendant qu'elle

s'endormait. Au contraire, elle obéissait entièrement à M. Gibert, qui n'avait pas été présent;

enfin, ce fut M. Gibert qui dut la réveiller, et cela prouve qu'il l'avait endormie. Cependant, ici

encore, un doute peut subsister, Mme B... n'ignorait certainement pas la présence de M. Gibert

dans la maison ; elle savait également qu'il était venu pour l'endormir ; aussi, quoique cela me

paraisse bien peu vraisemblable, on peut supposer qu'elle s'est endormie elle-même par

suggestion, au moment précis où M. Gibert le lui commandait de la salle voisine.

12

Bull. de la Soc. de psych. phys. 1885. Un fait de somnambulisme à distance, par Ch Richet.

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b) Le 3 octobre 1885, je suis entré chez M. Gibert à onze heures et demie du matin et je l'ai

prié d'endormir Mme B... par un commandement mental sans se déranger de son cabinet.

Cette femme n'était alors prévenue en aucune façon, car nous ne l'avions jamais endormie à

cette heure-là; elle se trouvait dans une autre maison, à 500 mètres au moins de distance. Je

me rendis aussitôt après auprès d'elle pour voir le résultat de ce singulier commandement.

Comme je m'y attendais bien, elle ne dormait pas du tout ; je l'endormis alors moi-même en la

touchant, et, dès qu'elle fut entrée en somnambulisme, avant que je lui aie fait aucune

question, elle se mit à parler ainsi : Je sais bien que M.. Gibert a voulu m'endormir …Mais,

quand je l'ai senti, j'ai cherché de l’eau et j'ai mis mes mains dans l'eau froide... Je ne veux pas

que l'on m'endorme ainsi... je puis être à causer... cela me dérange et me donne l'air bête. »

Vérification faite, elle avait réellement mis ses mains dans de l'eau froide avant mon arrivée.

J'ai rapporté cette expérience, quoiqu'elle ait échoué, parce qu'elle me semble curieuse à

différents points de vue. Mme B... semble donc avoir conscience, même à l'état de veille, de

cette influence qui s'empare d'elle : elle peut résister au sommeil en mettant ses mains dans

l'eau froide ; enfin, elle ne se prêtait pas complaisamment à ces expériences, ce qui peut être

considéré comme une garantie de sa sincérité.

c) Le 9 octobre, je passai encore chez M. Gibert et le priai d'endormir Mme B..., non pas

immédiatement, mais à midi moins vingt. Je me rendis immédiatement auprès d'elle, et sans

M. Gibert, qui ne peut, j'en suis sûr, avoir en aucune communication avec elle. Je comptais

l'empêcher de mettre ses mains dans l'eau froide si elle l'essayait encore. Je ne pus la

surveiller comme j'en avais l'intention, car elle était enfermée dans sa chambre depuis un

quart d'heure et je jugeai inutile de l'avertir en la faisant descendre. A midi moins un quart, je

montai chez elle avec quelques autres personnes qui m'accompagnaient : Mme B... était

renversée sur une chaise, dans une position fort pénible, et profondément endormie. Le

sommeil n'était pas un sommeil naturel ; car elle était complètement insensible et on ne

pouvait absolument pas la réveiller. Remarquons encore que ni moi ni aucune des personnes

présentes nous n'avions d'influence sur elle et que nous ne pouvions nullement provoquer la

contracture. Voici les premières paroles qu'elle prononça dès que le somnambulisme se

déclara spontanément : Pourquoi les avoir envoyés ainsi ? Je vous défends de me faire des

bêtises pareilles…

Ai-je l'air bête !... Pourquoi m'endort-il de chez lui, M. Gibert? Je n'ai pas eu le temps de

mettre mes mains dans ma cuvette. Je ne veux pas. » Comme je n'avais aucune influence sur

elle, il me fut impossible de la réveiller et comme on ne pouvait la laisser ainsi, il fallut aller

chercher M. Gibert. Dès qu'il fut arrivé, il provoqua tous les phénomènes que je ne pouvais

provoquer ce jour-là, et enfin il la réveilla très facilement. Peut-on croire que, dans cette

circonstance, ma présence dans la maison et la connaissance que j'avais de l'heure choisie par

moi où le sommeil devait se produire ait pu avoir quelque influence sur elle et l'endormir ? Je

ne le pense pas, mais enfin la supposition était encore possible. Nous résolûmes de faire

l'expérience d'une autre manière.

d) Le 14 octobre, M. Gibert me promit d'endormir Mme B... à distance, à une heure

quelconque de la journée qu'il choisirait lui-même ou qui lui serait désignée par une tierce

personne, mais que je devais ignorer. Je n'arrivai au pavillon où se trouvait Mme B... que vers

4 heures ½ ; elle dormait déjà depuis un quart d'heure et par conséquent je n'étais pour rien

dans ce sommeil, que je ne fis que constater. Même insensibilité et mêmes caractères que

précédemment, si ce n'est que la léthargie paraissait encore plus profonde, car il n'y eut pas du

tout d'accès de somnambulisme. Il se produisit cependant ce jour-là d'autres phénomènes,

mais ils se rattachent à un autre ordre d'idées dont je parlerai tout à l'heure. M. Gibert n'arriva

qu'à cinq heures ½ ; il me raconta alors que, sur la proposition de M. B..., il avait songé à

l'endormir vers 4 heures 1/4 et qu'il était alors à Graville, c'est-à-dire à deux kilomètres au

moins de Mme B... D'ailleurs il lui fut facile de provoquer la contracture et de réveiller le

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sujet. Il aurait été bon de répéter cette expérience plusieurs fois, et il est fâcheux que le départ

de Mme B... nous ait empêchés de recommencer. Cependant, elle me paraît décisive, si l'on

songe qu'elle ne fait que compléter les expériences précédentes et qu'elle se rattache à d'autres

faits du même genre qu'il nous reste à exposer.

e) Le 14 octobre, ce même jour où Mme B... avait été endormie depuis Graville, j'observais

pendant son sommeil, les phénomènes suivants : à 5 heures précises, Mme B.... tout en

dormant, se met à gémir et à trembler, puis murmure ces mots : Assez... assez... ne faites pas

cela... vous êtes méchant. » Elle se lève sur son séant et, tout en gémissant, se met debout et

fait quelques pas, puis, en éclatant de rire, elle se rejette en arrière sur le fauteuil et se rendort

profondément. À 5 h. 5, la même scène se reproduit exactement ; elle commence de nouveau

à être troublée, tremble et gémit ; elle se soulève, se met debout et semble vouloir marcher; au

bout de quelques instants, elle rit encore en disant : Vous ne pouvez pas... si peu, si peu que

vous soyez distrait je me rattrape » et de fait elle se recouche et se rendort. Même scène

encore à 5 h. 10. Quand M. Gibert arriva, à 5 h. 1/2, il me montra une carte qui lui avait été

remise par une tierce personne, M. D... ; il n'avait pu avoir aucune communication avec Mme

B... depuis l'instant où on lui avait remis la carte. On lui proposait de commander à Mme B...

différents actes assez compliqués de cinq en cinq minutes depuis 5 heures. Ces actes,

évidemment trop compliqués, n'avaient pas été exécutés ; mais, au moment même où M.

Gibert les ordonnait de Graville, j'avais vu sous mes yeux, à deux kilomètres de distance,

l'effet que ces commandements produisaient, et un véritable commencement d'exécution. Il

semble réellement que Mme B... ait senti ces ordres, qu'elle y ait résisté et qu'elle n'ait pu

désobéir que par une sorte de distraction de M. Gibert. Nous avons recommencé cette

expérience en nous mettant alors près d'elle pendant le sommeil léthargique. Il est singulier de

remarquer que le résultat n'a pas été plus considérable, comme on aurait pu s'y attendre. Par

un commandement mental, la personne qui a endormi Mme B... ne tarde pas, comme elle le

dit, à se rattraper » et à tomber en arrière. L'ordre donné mentalement a une influence qui

paraît immédiate ; mais, autant que nous avons pu le voir, cette influence ne semble pas plus

considérable de près que de loin.

Depuis, dans une nouvelle série d'expériences, après une assez longue éducation du sujet, je

suis parvenu à reproduire moi-même, à volonté, ce curieux phénomène. Huit fois de suite, j'ai

essayé d'endormir Mme B... de chez moi, en prenant toutes les précautions possibles, pour

que personne ne fût averti de mon intention, et en variant chaque fois l'heure de l'expérience,

et toutes les fois Mme B... s'est endormie du sommeil hypnotique quelques minutes après

l'heure où j'avais commencé à y penser. »

Voici des expériences plus anciennes, faites le 4 novembre 1820, à l'Hôtel-Dieu de Paris, par

le baron du Potet :

Nous étions tous rendus dans la salle ordinaire des séances, la malade exceptée. M. Husson,

médecin de cet hospice, me dit : Vous endormirez la malade sans la toucher, et cela très

promptement. Je voudrais que vous essayiez d'obtenir le sommeil sans qu'elle vous vit et sans

qu'elle fût prévenue de votre arrivée ici. » Je répondis que je voulais bien essayer, mais que je

ne garantissais pas le succès de l'expérience, parce que l'action à distance, à travers des corps

intermédiaires, dépendait de la susceptibilité particulière de l'individu. »

Nous convînmes d'un signal que je pourrais entendre. M. Husson, qui tenait alors des ciseaux

à la main, choisit le moment où il les jetterait sur la table. On m'offrit d'entrer dans un cabinet

séparé de la pièce par une forte cloison et dont la porte fermait solidement à clef. Je ne refusai

pas de m'y enfermer, ne voulant éluder nulle difficulté et ne laisser aucun doute aux hommes

de bonne foi, ni aucun prétexte à la malveillance.

On fit venir la malade, on la plaça le dos tourné à l'endroit qui me recélait, et à trois ou quatre

pieds environ. On s'étonna avec elle de ce que je n'étais pas encore venu. On conclut de ce

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retard que je ne viendrais peut-être pas ; que c'était mal à moi de me faire ainsi attendre ;

enfin, on donna à mon absence prétendue toutes les apparences de la vérité.

Au signal convenu, quoique je ne susse pas où et à quelle distance était placée Mlle Sanson, je

commençai à magnétiser en observant le plus profond silence, et évitant de faire le moindre

mouvement qui pût l'avertir de ma présence. Il était alors neuf heures trente-cinq minutes ;

trois minutes après, elle était endormie, et, dès le commencement de la direction de ma

volonté agissante, on vit la malade se frotter les yeux, éprouver les symptômes du sommeil et

finir par tomber dans son somnambulisme ordinaire.

Je répétai cette expérience le 7 novembre suivant devant M. le professeur Récamier. Celui-ci

prit toutes les précautions possibles, et le résultat fut en tout conforme à notre premier essai. »

Voici les détails de cette expérience : lors de mon arrivée, à neuf heures un quart, dans le lieu

de nos séances, M. Husson vint me prévenir que M. Récamier désirait être présent et me voir

endormir la malade à travers la cloison. Je m'empressai de consentir à ce qu'un témoin aussi

recommandable fût admis sur-le-champ. M. Récamier entra et m'entretint en particulier de sa

conviction touchant les phénomènes magnétiques. Nous convînmes d'un signal : je passai

dans le cabinet où l'on m'enferma. On fait venir la demoiselle Sanson ; M. Récamier la place à

plus de six pieds de distance du cabinet, ce que je ne savais pas, et y tournant le dos. Il cause

avec elle et la trouve mieux ; on dit que je ne viendrai pas, elle veut absolument se retirer.

Au moment où M. Récamier lui demande si elle digère la viande (c'était le mot du signal

convenu entre M. Récamier et moi), je commence de la magnétiser. Il est neuf heures trente-

deux minutes; trois minutes après, M. Récamier la touche, lui lève les paupières, la secoue par

les mains, la questionne, la pince, et nous acquérons la preuve qu'elle est complètement

endormie. »

Ces expériences étranges furent répétées plusieurs fois, en changeant les heures et les

circonstances accoutumées, afin de ne laisser aucun doute dans l'esprit de ces éminents

observateurs. Mais écoutons encore Du Potet :

Pour détruire toute espèce d'incertitude sur le résultat de cette action prodigieuse, voici ce

qu'on m'ordonna de faire:

M. Bertrand, docteur en médecine de la Faculté de Paris, avait assisté aux séances. Il avait dit

qu'il ne trouvait pas extraordinaire que la magnétisée s'endormit, le magnétiseur étant placé

dans le cabinet ; qu'il croyait que le concours particulier des mêmes circonstances

environnantes amènerait, sans ma présence, un semblable résultat ; que, du reste, la malade

pouvait y être prédisposée naturellement. Il proposa donc l'expérience que je vais décrire.

Il s'agissait de faire venir la malade dans le même lieu, de la faire asseoir sur le même siège

et à l'endroit habituel, de tenir les mêmes discours à son égard et avec elle ; il lui semblait

certain que le sommeil devait s'en suivre. Je convins, en conséquence, de n'arriver qu'une

demi-heure plus tard qu'à l'ordinaire. À neuf heures trois quarts, on commença à exécuter vis-

à-vis de la demoiselle Sanson ce que l'on s'était promis. On l'avait fait asseoir sur le même

fauteuil où elle se plaçait ordinairement et dans la même position ; on lui fit diverses

questions; puis on la laissa tranquille ; on simula les signaux employés précédemment,

comme de jeter des ciseaux sur la table, et l'on fit enfin une répétition exacte de ce qui se

pratiquait ordinairement. Mais on attendit vainement l'état magnétique qu'on espérait voir se

produire chez la malade ; celle-ci se plaignit de son côté, s'agita, se frotta le côté, changea de

place et ne donna aucun signe de besoin de sommeil, ni naturel, ni magnétique.

Le délai expiré, je me rends à l'Hôtel Dieu ; j'y entre à dix heures cinq minutes. La malade

déclare n'avoir aucune envie de dormir, elle remue la tète, et se trouve endormie dans l'espace

d'une minute et demie, mais ne répond qu'une minute après. »

Nous-même, nous avons, sur deux sujets, Casimir M.... d'Avignon, et Mme A.... de Vichy,

répété les expériences de Du Potet, de MM Gibert et Janet, de M. d'Héricourt, etc., avec le

plus grand succès. Nous avons nombre de témoins, lesquels ordonnaient les expériences, en

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indiquant le jour et l'heure et, toujours, nous le répétons, nous avons obtenu plein succès.

Nous devons ajouter que ces deux sujets avaient été souvent endormis par nous et que,

comme M. P. Janet, nous pensons qu'un long entraînement est nécessaire pour obtenir ces

phénomènes.

Les deux cas qui suivent ont été pourtant produits en dehors même de ces conditions.

Chez Mme la comtesse D ... dans son château de Rochegude (Drôme), nous avons fait venir,

d'une pièce dans l'autre, Mlle D..., alors qu'elle y pensait le moins. Il est vrai que Mlle D...

était un sujet hypnotique remarquable ; douée d'une grande sensibilité, nous l'avions mis en

somnambulisme souvent. Mais il n'en est pas moins certain que nous agissions toujours à son

insu et que le phénomène ne mettait que de quelques secondes à une minute à se produire.

Le fait suivant, comme le précédent, paraît plutôt être dû à la suggestion mentale, le sujet

ayant été endormi souvent.

Nous étions en villégiature à Nyons (Drôme) M. B., négociant bien connu, grand partisan du

magnétisme animal, nous pria de vouloir bien, afin de convaincre quelques incrédules, donner

une séance chez lui. Nous accédâmes à son désir et voici le fait étrange que nous produisîmes

ce soir-là sur Mlle E..., une de ses voisines.

Le sommeil nerveux se produisit rapidement chez cette jeune fille - jusque-là rien de

surprenant - mais, après avoir fait diverses expériences sur elle et l'ayant réveillée, elle quitta

furtivement la maison pour rentrer chez elle. Mme E.... une des invitées et tante de la jeune

fille, l'ayant vue s'enfuir, car elle s'enfuyait réellement, lui demanda pourquoi elle quittait

ainsi la société.

- Ce monsieur me fait peur, lui dit-elle, et je ne veux plus qu'il m'endorme. »

Pendant ce temps, la conversation roulait sur les expériences que nous venions de faire et,

sauf Mme E..., personne ne s'était aperçu du départ du sujet ; ce n'est qu'après une vingtaine

de minutes environ qu'on constata son absence.

La tante de la jeune fille, qui avait sans doute lu Alexandre Dumas père, nous demanda si

nous ne pourrions pas la forcer à revenir chez M. B... Curieux de tenter l'épreuve, nous

l'appelâmes mentalement pendant quelques minutes, pensant bien ne pas réussir. Mais,

stupéfaction générale ! Une dizaine de minutes environ après, Mlle E... arriva en courant dans

le salon où nous étions et, se précipitant vers nous, elle nous demanda ce que nous voulions !

Elle n'était pas endormie, mais elle paraissait être dans une sorte d'état hypnotique, l'état

second peut-être de l'Ecole de Nancy.

Cette expérience avait produit une certaine émotion dans l'assistance, aussi nous nous

empressâmes de dégager le sujet : Mlle E.... interrogée, nous dit que, à peine rentrée chez elle,

- la distance qui sépare sa maison de celle de M. B... est d'environ 300 mètres - elle était

rentrée dans sa chambre avec l'intention de se coucher, mais qu'au moment où elle allait

commencer à se déshabiller, elle avait éprouvé comme une sensation de chaleur lui monter à

la tête, sensation remplacée presque immédiatement par un quelque chose » qui lui disait de

venir vers nous et que malgré son ferme désir de rester chez elle, elle avait été forcée de venir

à nous.

Nous pourrions aisément multiplier les faits qui sont en faveur de la suggestion mentale, mais

nous pensons que notre énumération est suffisante pour éclairer et intéresser le lecteur.

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Chapitre X – Vue sans le secours des yeux

Nous avons déjà dit que, pour obtenir le phénomène de double-vue, il est indispensable

d'endormir profondément le sujet et de produire, en quelque sorte, le réveil dans le sommeil.

Nous avons vu également dans le chapitre précédent que, pour réussir dans la suggestion

mentale, il fallait placer le somnambule dans l'état intermédiaire d'aïdéisme et de

monoïdéisme. Avec un peu d'attention et de persévérance, il est facile d'obtenir cet état.

Lorsque le sommeil est profond, que le sujet n'entend plus les bruits extérieurs, que la voix

seule de l'opérateur est perçue, on peut interroger le somnambule et tenter les expériences. Si

elles réussissent, si l'effet cherché est manifeste, il ne faut pas fatiguer le dormeur, ne pas

abuser de ses facultés au début : on pourrait détraquer l'instrument.

Dans le cas contraire, il faut ou magnétiser encore ou dégager légèrement la tête du patient :

souvent il indiquera lui-même ce qu'il convient de faire : ne rien brusquer au début.

Il faut considérer l'être dans cet état comme un instrument d'une sensibilité extrême qu'un rien

peut déranger ; mais, avec du tact, de la douceur et de la patience, on arrive aisément à former

un sujet remarquable.

Mais si, comme les hypnotiseurs, on se contente d'un sommeil superficiel, si on, ne sait, en un

mot, préparer l'instrument, le mettre au point, rien ne se produit ; c'est ainsi que les

continuateurs de Braid repoussent une importante vérité.

Tous ceux qui ont fait du magnétisme ont pu observer cet état surprenant, bien propre à

troubler les idées de ceux qui le voient la première fois, car il paraît absolument surnaturel, si

l'on peut toutefois qualifier ainsi tout phénomène qui se produit en dehors des lois naturelles

connues. Ce qui est certain c'est que la vue sans le secours des yeux existe, que tout le monde

peut produire ce phénomène, et qu'il a été étudié par tous les magnétiseurs.

Nous engageons cependant les expérimentateurs à ne pas se fourvoyer, à ne pas faire comme

beaucoup de magnétiseurs.

Que l'expérimentation ait un but purement scientifique, et qu'on se garde bien de prendre un

voyant » pour un être infaillible.

Il est incontestable que, dans certains cas, un somnambule lucide peut rendre des services,

mais il ne faut pas toujours le suivre aveuglément.

Nous savons très bien qu'un sujet qui possède cette faculté (tous les sujets magnétiques ne la

possèdent pas, loin de là) mis en contact avec un malade peut, assez souvent, décrire sa

maladie et lui prescrire des remèdes appropriés ; nous conseillons pourtant, en ces matières,

une grande circonspection.

Nous avons connu des gens qui cherchaient des trésors ; d'autres qui comptaient faire fortune

au jeu ; d'autres, enfin, qui prétendaient pouvoir tout connaître avec leurs somnambules. Les

uns n'ont réussi qu'à se ruiner et les autres qu'à perdre la tête.

Du Potet a dit, qu'on nous permette une répétition : Le magnétisme, par le somnambulisme,

nous ouvre une porte sur l'inconnu. »

Eh bien, c'est à ce point de vue que nous devons étudier ce phénomène, c'est-à-dire

psychiquement, ce qui n'empêche pas de profiter des circonstances dans lesquelles il peut

physiquement rendre des services.

Les aptitudes psychiques des sujets sont très différentes, et nous ne pensons pas que, dans le

même état, deux somnambules aient des facultés absolument identiques. Les uns voient d'une

façon, les autres d'une autre, mais, dans les grandes lignes, on retrouve cependant chez tous

les effets du même ordre : il s'agit de développer ces effets.

Les observations qui suivent instruiront mieux le lecteur que toutes les considérations qui

pourraient être données.

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En 1888, nous avions à notre service une jeune hystérique, Mlle E.... qui, à la première

séance, présenta ce phénomène de double-vue.

Dans nos expériences, E... étant endormie, nous collions sur ses yeux des bandes de papier

gommé, de manière à les obturer entièrement : nous ne laissions pas le moindre interstice.

Par-dessus ces bandes, nous placions des tampons de ouate hydrophile, maintenus par un

épais bandeau sur lequel un observateur appliquait ses mains.

Nous pouvions alors présenter à la voyante n'importe quoi : la faire lire dans un livre, ouvert,

lui donner une carte de visite ou bien une écriture manuscrite ; elle lisait couramment, mieux

même qu'à l'état normal.

Mais, chose bizarre, si on lui présentait une carte de visite à l'envers, si on lui donnait un livre

fermé ou si on voulait lui faire lire une lettre retournée, elle ne voyait plus, les objets n'étant

pas présentés normalement.

- Comment, disait-elle, voulez-vous que je lise dans un livre fermé, ou que je traduise une

carte à l'envers, une lettre retournée ?... Est-ce que vous pourriez lire vous ?... Moi non plus...

»

Dans son sommeil magnétique, E... voyait exactement comme étant éveillée.

Il est curieux de remarquer que ce sujet voyait parfaitement le mode de présentation des

objets.

Beaucoup de nos amis ont connu cette jeune fille et ont fait des expériences avec elle.

Dernièrement, pour prouver à un de nos amis, très sceptique, la véracité du fait, nous avons

écrit à l'un de ces témoins, Y. Clovis Hugues, pour lui demander s'il se souvenait de ces

expériences. Voici le mot qu'il nous adressa le 19 janvier dernier :

Mon cher ami,

Excusez mon silence occasionné par la maladie. Mais je me rappelle fort bien et je vois

encore votre bonne possédant le don de double-vue.

Quand le diable y serait, elle lisait les veux hermétiquement fermés.

Bien à vous

Clovis Hugues »

En ce moment, un savant de nos amis, dont nous ne pouvons donner le nom, à cause de sa

situation officielle, possède un sensitif avec lequel il fait des expériences semblables. Son

sujet étant endormi, il lui adapte un masque qu'il a fait faire spécialement. Ce masque est

agencé de telle sorte que le sujet peut respirer librement, quoiqu'il encapuchonne toute la tête.

Ce somnambule voit, par les extrémités digitales, tous les objets qu'on soumet à son

observation ; de même il lit toutes sortes d'écritures.

Pour détruire l'hypothèse de l'hyperexcitabilité tactile ou de la suggestion mentale, le savant

dont nous rapportons les expériences s'est entouré d'ingénieuses précautions. Il se place dos à

dos avec son sujet ; il se met en contact avec lui par son coude gauche, pendant que ses doigts

de la main droite sont promenés, par une tierce personne, sur les lignes d'un écrit quelconque,

l'opérateur fermant les yeux et tournant la tête du côté opposé, afin de ne point voir l'écrit.

Dans ces conditions, le magnétisé lit, sans hésitation, les mots sur lesquels glissent les doigts

de l'expérimentateur.

Nous avons eu des somnambules qui lisaient par diverses régions de leur corps, ce qui

porterait à croire que ce qui voit en nous s'extériorise et se porte sur tel ou tel point.

Ne nous arrêtons pas aux théories hypothétiques, les faits seuls ont de l'importance et doivent

être retenus; aussi, glanant un peu partout, nous allons en donner de si concluants que, nous

l'espérons, ils désarmeront le scepticisme le plus enraciné.

Voici d'abord quelques cas pris dans l'Art de magnétiser, de Ch. Lafontaine :

Mme de Loyauté (chanoinesse) fut magnétisée par moi dans une soirée, chez le duc de

Luxembourg. En huit minutes, elle fut plongée dans le sommeil, et vingt minutes après la

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lucidité apparut dans tout son éclat. Nous ne pûmes cependant pas en jouir, car chacun voulut

faire des expériences banales pour se convaincre de cette lucidité. Ainsi, cinq personnes

changèrent les aiguilles de leurs montres sans regarder où elles les arrêtaient. On présentait

une montre au-dessus de la tête ; la somnambule répondait : telle heure, tant de minutes ; on

présentait une montre derrière le sujet, même résultat. Un autre gardait sa montre dans la

main, et Mme de Loyauté indiquait toujours exactement l'heure aux montres de chacun.

Une de ses amies, Mme la marquise de ***, la pria de se transporter chez elle. Aussitôt Mme

de Loyauté annonça que la chambre des enfants était toute bouleversée, qu'elle voyait des

paquets, des caisses. Cette dame se récria, prétendant que cela n'était pas possible, qu'elle n'y

concevait rien. Comme la demeure de la marquise n'était pas très éloignée, on y envoya

quelqu'un, qui revint dire que c'était la plus grande exactitude, que la femme de chambre

préparait des paquets pour un voyage qui devait s'effectuer dans deux jours.

En 1842, à Paris, je produisis le somnambulisme sur Mme Vully de Candolle, qui offrit des

phénomènes de clairvoyance positifs. Le journal les Feuilles publiques, du 24 septembre

1842, s'exprime ainsi :

M. Lafontaine avait annoncé qu'il existait chez Mme de V... un genre de clairvoyance qui lui

permettait de distinguer différents objets placés au-dessus de sa tête, entre autres l'heure que

marquait une montre. Cette expérience pourrait prouver sans réplique qu'il y avait une

transmission du sens de la vue au sommet de la tête. En effet, après avoir demandé à Mme de

V... si elle pouvait reconnaître les objets qui lui seraient présentés, et sur la réponse

affirmative qu'elle fit d'abord avec effort, M. Lafontaine prit une montre qu'il lui plaça sur la

tête et la pria d'indiquer l'heure. Après quelque hésitation, que devait nécessairement produire

l'impression d'une première expérience, Mme de V... annonça neuf heures un quart ; puis on

déplaça les aiguilles deux fois de suite, et deux fois l'heure fut indiquée avec la plus grande

exactitude. Cette première expérience terminée, M. Lafontaine prit un autre objet, le plaça au-

dessus de la tête de Mme de V... et lui demanda quelle en était la couleur, la forme et la

nature; elle répondit alors aussitôt : c'est vert, c'est carré ; enfin c'est un portefeuille ; ce

dernier mot fut dit avec un léger mouvement d'impatience.

On lit dans la Gazette de Lyon, du 30 juillet 1847, journal sérieux et religieux, un long article

sur une séance de magnétisme dont j'extrais ce passage :

Une seconde épreuve va commencer, celle-ci est plus importante à l'endroit de la

clairvoyance. Il s'agit de lire dans une lettre fermée, sinon de longs passages, du moins

quelques lignes bien tracées, et alors il n'est pas besoin que la somnambule conserve des

tampons sur les yeux. A l'appel de M. Lafontaine, des lettres pleuvent de toutes parts sur la

table placée devant le somnambule. Celui-ci les rassemble, les sépare, les rassemble encore

pour les examiner les unes après les autres, il les porte contre ses lèvres, et surtout et souvent

contre ses narines pour les flairer. Cette épreuve parait lui coûter de grands efforts ; il serait

presque tenté d'y renoncer; cependant, il s'arrête à l'une de ces lettres, dont la dimension

surpasse celle des autres; et se met à en transcrire le contenu sur un carré de papier qui est

devant lui. La lettre est alors ouverte pour la confronter avec la transcription; ces deux pièces

sont en tout point conformes, sauf la substitution d'un d à un t. Elle contenait ce vers d'un

fameux sonnet : Grand Dieu ! Tes jugements sont remplis d'équité. Et la transcription

énonçait : Grand Dieu ! Des jugements sont remplis d'équité. Cette légère erreur ne diminue

en rien pour nous l'importance de l'épreuve.

C'est M. de Moidière qui avait écrit le vers précité, et l'on sait qu'il n'est pas homme à

favoriser les roueries des charlatans. »

On ne lira peut-être pas non plus sans intérêt l'extrait suivant du Courrier d’Indre-et-Loire, du

17 avril 1840 :

Ceux qui ont assisté aux réunions particulières et à la soirée que M. Lafontaine a donnée

mardi ont pu se convaincre combien cet agent, que l'on nomme magnétisme, est mystérieux,

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délié, insaisissable. Les plus incrédules se taisent aujourd'hui devant les faits, et n'osent plus

parler qu'avec une extrême réserve de cette puissance occulte qui se révèle dans le sujet

qu'elle domine, par un travail prodigieux du cerveau et un instinct d'esprit et de cœur qu'on ne

peut ni exprimer, ni définir. Pour nous, nous n'avons ici qu'à rapporter les faits.

Mardi, avant la séance publique, M. Lafontaine réunit à l'hôtel de Londres quelques

personnes, parmi lesquelles se trouvaient plusieurs médecins de notre ville ; en deux ou trois

minutes, il a endormi la jeune fille dont il a fait, depuis qu'il est à Tours, le sujet de ses

expériences. Peu d'instants après, elle était à l'état de somnambulisme et sa clairvoyance était

telle qu'elle a pu lire sans hésitation, dans un journal qui lui a été présenté, ces mots : Avis et

Demandes, bien qu'elle eût un bandeau sur les yeux et qu'un des assistants, qui certes n'était

pas compère, appuyât fortement des doigts sur le bandeau.

La somnambule a joué ensuite une partie de dominos et ne s'est trompée qu'une fois.»

Voici un autre exemple de vue à distance :

En 1839, à Bruxelles, je magnétisai la sœur de Mlle Jawureck, artiste de l'Opéra ; pendant son

somnambulisme, elle m'avait prié de la laisser se transporter à Mons. Tout à coup elle s'écria :

Du sang ! Du sang ! » Et elle eut une convulsion qu'il me fallut calmer. Revenue à elle, elle

retourna à Mons, et, au milieu de sanglots, de mots entrecoupés, je compris qu'un officier

qu'elle connaissait, et qui se trouvait en garnison à Mons, venait d'avoir un duel, dans lequel il

avait été blessé d'un coup d'épée par un de ses intimes amis, officier comme lui dans le même

régiment.

Le lendemain, cette dame recevait une lettre de Mons, qui lui annonçait le duel, et dans

laquelle on la priait de partir sur-le-champ pour cette ville.

Blanche, à Orléans, dès la première séance dans laquelle elle fut mise en somnambulisme,

voyait, dans une pièce éloignée, le docteur Lhuilier se lavant les mains, puis se baissant

devant le feu pour les chauffer. Lorsqu'il revint dans le salon, les autres médecins lui

demandèrent ce qu'il avait fait, et il dit exactement ce que la somnambule avait annoncé.

J'ai vu cette somnambule et plusieurs autres lire des lettres dans les poches des personnes qui

les avaient, même quand elles n'étaient pas décachetées, et dont, par conséquent, les

personnes ignoraient le contenu. »

Alexis Didier fut peut-être le plus remarquable sujet du siècle dernier. Endormi d'abord par

M. Marcillet, magnétisé ensuite par Du Potet, par Lafontaine et par d'autres expérimentateurs,

il pouvait même, dans des séances publiques, devant un grand nombre de spectateurs,

manifester ses facultés de voyance, ce qui est extrêmement difficile.

Le cas suivant, extrait de la Suggestion mentale d'Ochorowicz, est des plus intéressants:

Le docteur Comet, connu comme rédacteur de journaux de médecine et écrivain distingué,

était fort incrédule en matière de somnambulisme, et avait souvent égayé ses lecteurs en

ridiculisant les prodiges de lucidité, racontés par les magnétistes. En 1839, sa femme, étant

tombée malade, eut des accès de somnambulisme naturel et devint lucide. M. Comet, dont le

témoignage a d'autant plus de poids qu'il s'agissait de faits qu'il avait regardés comme

impossibles, envoya à l'Académie de médecine un rapport détaillé sur les choses

merveilleuses qui se passaient sous ses yeux, et le publia dans le journal l'Hygie. Mme Comet

désignait entre autres chaque petit objet enfermé dans la main et devinait les pensées qui se

rapportaient à elle.

Je passe sur d'autres faits qui se rattachent à une autre question, celle de clairvoyance, c'est-à-

dire quand le sujet voit ou devine les choses qui ne peuvent pas être connues des assistants. »

Après avoir cité la description de ces faits étranges, d'après le rapport du Dr Comet, un autre

médecin, M. Frappart, ajoute : Vraiment elle a dû coûter beaucoup à son auteur ; car, naguère

encore, il était un des plus fougueux opposants du magnétisme... »

Mais M. Comet n'y est pas allé par quatre chemins, et voici ce qu'il écrivait lui-même dans

son rapport :

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La malheureuse affection de ma femme porte avec elle une consolation, car elle fera juger

souverainement une question qui a été l'objet de grandes discussions dans le sein de cette

académie et dans la presse où j'ai pris une part active. Je veux parler de la lucidité et de la

clairvoyance des somnambules, des prodiges qu'ils réalisent, et auxquels, il y a trois mois, je

ne croyais pas, et qu'aujourd'hui je regrette d'avoir taxés publiquement de manœuvres

frauduleuses, de jongleries intéressées.

Avis aux hypnotiseurs qui font la même chose aujourd'hui.

Mais quant à l'espoir que nourrissait le Dr Comet, croyant que l'Académie profitera de

l'occasion pour juger souverainement une question aussi grave pour les progrès de la science...

quelle illusion !

L'Académie ne pouvait pas refuser à un confrère estimé la nomination d'une commission.

Cette commission est même venue deux fois faire visite à Mme Comet ; mais, après avoir

remarqué qu'il s'agit de choses extraordinaires, dans lesquelles on peut compromettre ou sa

perspicacité ou sa renommée, ils hésitèrent de continuer.

Je les ai tous avertis ce matin, écrivait M. Comet, et je compte sur eux ce soir. » (Il s'agissait

de vérifier une prédiction de la malade.) Le fait intéresse assez la science et l'humanité pour

qu'ils le constatent. »

- Détrompez-vous, répondait le Dr Frappart, aucun ne viendra, ni ce soir, ni demain, ni plus

tard, parce que l'homme évite avec soin la vérité qui le blesse. »

En effet, aucun membre de la commission n'est venu. »

Le paragraphe 24 du rapport lu par M. Husson en 183l à l'Académie de médecine dit :

Nous avons vu deux somnambules distinguer, les yeux fermés, les objets que l'on a placés

devant eux ; ils ont désigné, sans les toucher, la couleur et la valeur des cartes ; ils ont lu des

mois tracés à la main ou quelques lignes de livres que l'on a ouverts au hasard, le phénomène

a eu lieu, alors même qu'avec les doigts on fermait exactement l'ouverture des paupières. »

Chardel raconte dans son livre intitulé : Psychologie physiologique, un grand nombre

d'exemples de vue sans le secours des yeux. En voici un pris au hasard :

La somnambule revenue à elle (elle venait d'avoir une syncope) me demanda de l'eau; j'allai

sur la cheminée prendre une carafe ; elle se trouva vide, je l'emportai pour la remplir dans la

salle à manger, où j'avais remarqué une fontaine filtrante; je tournai le robinet, et je me servis

d'un rotin que je fendis : l'eau n'arriva pas davantage ; je supposai alors que le conduit aérien

du réservoir était obstrué, et, comme il était fort étroit, il fallait de nouveau fendre le rotin

pour l'introduire, mais je n'eus pas plus de succès je pris enfin le parti de revenir avec ma

carafe pleine d'eau non filtrée. Ma somnambule était encore dans l'attitude où je l'avais

laissée. Elle m'avait constamment vu, elle avait suivi tous mes mouvements, et me les raconta

sans omettre une circonstance ; cependant il se trouvait entre elle et moi le salon et les deux

murs, et ma conduite contenait une foule de détails qu'on ne pouvait imaginer. »

Francoeur, mathématicien distingué, lut, en 1826, à la Société philomatique, un mémoire qui

contenait des faits de somnambulisme des plus curieux.

Le docteur Despine, alors médecin en chef de l'établissement d'Aix-les-Bains, décrit, dans ses

ouvrages, un grand nombre de faits semblables qui lui sont personnels.

Le docteur Delpit, dans un mémoire curieux sur deux affections nerveuses, dit : L'une des

malades lisait, et lisait très distinctement, lorsque ses yeux étaient entièrement fermés à la

lumière, en promenant ses doigts sur les lettres. Je lui ai fait lire ainsi, soit au grand jour, soit

dans l'obscurité la plus profonde, les caractères imprimés, en ouvrant le premier livre qui me

tombait sous la main, et, quelquefois, des caractères écrits, lui remettant des billets que j'avais

préparés exprès, avant de me rendre chez elle ; était-ce le sens du toucher qui suppléait alors à

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celui de la vue ? Je l'ignore, mais j'affirme qu'elle lisait très couramment en promenant ses

doigts sur les lettres13. »

Les docteurs Fouquier et Sbire firent, à l'hôpital de la Charité, à Paris, des expériences à peu

près semblables, et elles furent absolument concluantes. Aussi, ces messieurs,

d'expérimentateurs qu'ils étaient, devinrent-ils des magnétiseurs convaincus.

Le baron de Strombeck et les docteurs Schmidt et Marcand, après avoir assisté à des

expériences de lucidité et fait toutes les épreuves et contre-épreuves possibles et imaginables,

s'inclinèrent devant la vérité et ne craignirent pas de publier leurs observations, en se

déclarant fervents partisans du magnétisme.

On trouve, dans les ouvrages du docteur Pétetin, une quantité innombrable de phénomènes

absolument identiques.

Voici les réflexions que fait, à ce sujet, le docteur Bertrand : Si Pétetin n'a pas menti, il faut

franchement reconnaître que les malades, dont il a consigné l'histoire, avaient la faculté

d'acquérir, sans le secours des yeux, la connaissance de la forme et de la couleur des corps ;

et, si les faits qu'il atteste ne sont pas vrais, non seulement il faut qu'il ait menti, lui en

particulier, mais on est obligé de faire la même supposition relativement aux parents de ses

malades, à leurs amis et aux médecins, d'abord incrédules, et qui ont fini par se déclarer

convaincus. Or, je ne crains pas de le dire, le concours d'un aussi grand nombre de témoins

choisis parmi des personnes graves, éclairées, et qui n'avaient aucun intérêt à vouloir tromper,

ce concours, dis-je, pour attester des faits qui ne seraient que d'insipides mensonges, offrirait

le plus singulier phénomène moral : car l'ouvrage de Pétetin renferme l'histoire de sept

somnambules qui toutes ont présenté les mêmes phénomènes, et, par conséquent, il aurait

fallu que ce merveilleux concours pour une imposture inutile et pleine d'effronterie se fût sept

fois renouvelé, et cela est impossible à supposer. »

Le docteur Fillassier rapporte le fait suivant :

Je pris ma montre avec la plus grande précaution, je l'appliquai, cachée dans la paume de ma

main sur le front de la somnambule ; de l'autre main, je lui tenais les yeux fermés. - Qu'ai-je

dans la main ? Une montre. - Voyez-y l'heure. - Je ne puis. Voyez-la. - La grande aiguille est

sur six heures et demie. » Cette expérience fut répétée avec le même résultat après avoir

déplacé les aiguilles. »

Voici une expérience à peu près semblable, que fit le célèbre Broussais, chez le docteur

Foissac, et à la suite de laquelle cessa son incrédulité.

Après avoir vu lire Paul Villegrand, dont les paupières étaient bien closes, M. Broussais

écrivit dans un coin un petit billet : il appliqua ensuite ses doigts sur les paupières du

somnambule, donna le billet à M. Frappart et lui dit de le présenter à Paul Villegrand.

Celui-ci lut, sans hésitation, les trois lignes écrites. Le professeur Broussais tint à conserver ce

billet, comme un monument de la victoire remportée sur son incrédulité.

Le docteur Hamard, dans sa thèse sur le magnétisme, dit :

Je tins, à la dérobée, une montre près de l'occiput de Juliette, qui était en état de

somnambulisme, et je lui demandai. - Qu'est-ce que je vous présente ? Quelque chose de rond

et de plat, blanc d'un côté... C'est une montre. - Quelle heure est-il? - Huit heures sept

minutes. Ce qui était exact. Cette expérience eut lieu en présence de MM. Julien, avocat,

Briard, Delcroix, Jouane et Bérna, médecins. »

Le docteur Godineau, de Rochefort, magnétisa, le 3 mars 1836, un sous-officier du 141, Léger

et il obtint tous les phénomènes cités plus haut. Ce fait fut attesté par MM. Bouffard, Giral,

Derussat, Brand, Brillon, Achermann, Guillardon, Fouquet, Thibault, tous membres du cercle

de Rochefort.

13

Nous fîmes, il y a quelques années, au Cercle de la rue des Moulins, à Saint-Etienne, des expériences de ce

genre sur un jeune avocat de la ville, et cela en présence de plus de cinq cents personnes. Elles réussirent

merveilleusement.

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Le Courier belge du 8 juin 1838 contient le récit d'expériences faites, à Verviers, chez MM.

Rouget et Teston, ingénieurs, sur le fils de M. Rouget, par M. Jobard, de Bruxelles,

expériences qui furent couronnées de succès.

Le docteur Florent Cunier écrit de Vichy, en septembre 1839, une lettre à un de ses amis, pour

lui raconter un certain nombre de faits magnétiques. Il lui fait part, entre autres, du suivant :

M. Carles, médecin à Carcassonne, magnétisait un enfant atteint de chorée ; celui-ci devint

somnambule. Un jour, ce médecin, après lui avoir fermé les yeux, lui présenta, à l'épigastre, le

tome III du Journal de médecine et de chirurgie pratiques. L'enfant lut : M. Breschet,

chirurgien à l'Hôtel-Dieu, avait fait prendre à un malade, etc. »

Le docteur Defer, de Metz, a publié, en 1838, l'histoire d'une somnambule magnétique, qui

était insensible aux décharges électriques les plus fortes. Laissons parler ce médecin :

Elle restait insensible et immobile aux coups de fusil tirés près de son oreille. Quoique ses

yeux fussent recouverts d'une feuille de coton, et par-dessus, d'un bandeau plié en plusieurs

doubles, elle jouait aux dominos avec une admirable précision : on remarqua que lorsqu'elle

était obligée de chercher dans les dominos restants, ce qu'on appelle vulgairement piocher,

elle prenait toujours le domino qu'il lui fallait et le plaçait comme il devait être sans le

retourner. »

M Jobard, de Bruxelles, déjà cité, fit insérer dans les journaux la proposition suivante : Que

l'Académie de médecine de Paris envoie à l'Académie de Bruxelles un tube de porcelaine ou

de métal fait d'une seule pièce, et dans lequel on aura mis un objet quelconque d'une forme

déterminée et dont le nom soit connu. Cet étui sera en outre recouvert de cachets ; il me sera

remis, et je le rendrai intact après avoir désigné ce qu'il renferme. »

M. Ricard, de Bordeaux, fit la même proposition à l'Académie de médecine, mais cette société

refusa les expériences que proposaient ces messieurs.

M. Chardel, conseiller à la Cour de cassation et ancien député de la Seine, rapporte des faits

de lucidité extraordinaires, qui se sont produits dans la maison d'un Conseiller à la Cour

royale.

Je pourrais, dit M. Chardel, citer plusieurs autres faits semblables qui me sont personnels. »

Le docteur Paul Gaubert fit insérer dans le Moniteur Parisien du 27 juillet 1839, deux cas de

vision de la nature de ceux observés par M. Chardel et qu'il serait trop long de rapporter en

entier.

Le premier cas fut observé par M. Encontre, docteur en médecine et professeur à la faculté

théologique de Montauban, et par les docteurs Roux et Reynaud.

Le second se passa à Aaran, chez Mercier, et fut observé par les docteurs Gaubert, de Cloye,

Ropton, de Courtalain, et Salis, de Vendôme. Ces messieurs affirment que toutes les

expériences ont été plus que concluantes.

Expériences du Docteur Alfred Backman, de Kalmar, suède

Ces expériences, en quelque sorte récentes, ne manquent pas d'intérêt et d'enseignement. Nous

regrettons de ne pouvoir les faire connaître toutes, mais les quelques-unes que nous

empruntons aux Annales des sciences psychiques, année 1892, suffiront à édifier le lecteur, et,

s'il désire avoir d'autres preuves, il n'aura qu'à consulter ces documents.

La première fois que j'essayai une expérience pour constater la réalité de la clairvoyance, ce

fut avec une petite fille de 14 ans, Anna Samuelsson, fille d'un ouvrier. Je l'avais traitée pour

une grave maladie organique du cœur et j'avais obtenu un très heureux résultat, qui dure

encore depuis deux ans et demi. J'avais fait avec elle plusieurs expériences de transmission

mentale, où elle m'avait dit, plusieurs fois de suite, les nombres, les mots, etc., qu'une

personne présente avait écrits, sur un papier plié que ni elle ni moi n'avions vu. Eveillée, elle

devinait les questions qui m'étaient faites par écrit, tandis que moi, bien entendu, je ne l'aidais

ni par un mot ni par un geste.

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Une fois, elle et d'autres malades ayant été hypnotisés au camp du régiment de Kalmar, à

environ 13 milles de la ville de Kalmar, à ma question : Y êtes-vous? » elle répondit : Oui »

et peu à peu elle décrivit une grande ville où il y avait deux grands bâtiments dont l'un avait

plusieurs clochers (tours) l'église et le château. La maison que j'habitais était une maison

jaune à deux étages, et j'habitais le premier étage. Elle entra alors dans l'appartement, traversa

l'antichambre et une chambre, et arriva à une autre pièce où elle admira tant de belles

peintures, surtout une qui était si grande ». Elle entra ensuite dans une troisième chambre et

fut bien étonnée en voyant les choses qui étaient pendues au mur : elles devaient être en bois.

(Il y avait sur les murs une grande quantité d'assiettes de porcelaine ancienne.) Dans cette

chambre, elle vit une dame que je reconnus, par sa description, pour ma femme, et un petit

garçon ; mais il y, avait quelque chose de singulier pour ce dernier, elle le voyait double (un

couple de jumeaux, de garçons, se ressemblant extrêmement). Jusque-là, je n'étais pas surpris,

parce que, pour donner ces renseignements, elle n'avait qu'à se servir de sa faculté de lire les

pensées, mais ensuite mes pensées et ses constatations commencèrent à différer. Il y avait

chez moi une vieille dame, et, m'attendant à ce que le sujet, la verrait aussi, je lui demandai si

elle ne pourrait voir une autre dame, à quoi elle me répondit qu'elle en voyait bien une autre,

une jeune fille, et elle me la décrivit si exactement que je reconnus miss H. W... Après quoi

elle me dit que ma femme s'était habillée, était sortie, était entrée dans une boutique et avait

acheté quelque chose, l'expérience s'arrête-là.

J'écrivis aussitôt à ma femme et je lui demandai si miss H. W... avait été chez nous ce jour-là

(en juin 1888) et si, après sa visite, ma femme était allée dans une boutique acheter quelque

chose. Quelques officiers du régiment, qui connaissaient le cas, attendaient anxieusement,

comme moi, la réponse qui arriva par retour du courrier, et je la leur communiquai. Ma

femme y exprimait sa grande surprise (je n'avais pas dit le moyen par lequel j'avais appris les

faits) et elle me disait qu'il était parfaitement vrai qu'elle avait vu miss H. W... ce jour-là et à

cette heure, et qu'elle était ensuite allée dans une boutique dans la même rue, pour acheter

quelque chose ; seulement miss H. W... n'était pas allée chez nous, mais à Ryssby, à 20

kilomètres de Kalmar, et avait parlé à ma femme par le téléphone.

J'ai déjà publié dans la revue allemande Sphinx (août 1889) un compte-rendu d'une autre

expérience faite avec le même sujet. Cette fois je pris des notes, les voici :

Notes sur quelques expériences psychologiques

Ces expériences furent faites le 20 juin 1888, à 11 heures du matin. Une fille nommée Anna

Samuelsson, âgée de 14 ans, de Hultsfred Hals, était le sujet, et l'opérateur était le docteur

Backman, assisté de MM. 0. Ahlgren, capitaine de réserve du régiment royal de Kalmar, le

lieutenant E. Hagens, le sous-lieutenant A. Meyerson, le quartier-maître C. Ericsson, tous

appartenant à ce même régiment. Les expériences furent faites dans le cabinet du docteur

Backman, à l'hôpital de l'Êtat, à Hultsfred

Le soussigné Ericsson, ayant entendu parler des merveilleux résultats de l'hypnotisme, et

ayant rencontré le docteur Backman dans le camp, lui demanda la permission d'assister à sa

séance d'hypnotisme. A cette demande, le docteur B... ne s'attendait pas du tout, mais

néanmoins il y accéda immédiatement, et, alors, lui et deux de nous (Ericsson et Meyersson)

nous allâmes à l'hôpital. Nous fûmes rejoints par Hagens, qui a signé aussi ci-dessous, et

Ahlgren vint quand la séance était commencée.

Une femme nommée L... avait été hypnotisée, et l'on avait fait plusieurs expériences de

transmission mentale avec elle, lorsqu'on lui demanda de dire à la jeune Anna de monter. A

peine le docteur B... avait-il émis cet ordre qu'Anna entrait de son propre mouvement. Elle

s'assit en face du docteur B... ; il lui dit de fermer les yeux, mais de ne pas dormir. Le

quartier-maître Ericsson fut prié de dire quelles expériences il désirait faire, le docteur B...

faisant la remarque que la jeune fille pouvait aussi bien voir à l'état de veille qu'étant

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hypnotisée. Comme Ericsson ne suggérait rien, le docteur B... dit à Anna d'entrer (c'était son

expression) dans les poches d'Ericsson et dans sa bourse, et de dire combien de pièces elle

contenait. Elle dit qu'il y en avait cinq, ce qui fut vérifié tout à fait exact, bien que ni le

docteur B... ni moi, ni Ericsson nous ne connûmes ce nombre de pièces. Après quelques

autres expériences et quelques minutes de conversation, le dialogue suivant s'engagea à peu

près en ces termes : - Docteur B... Anna, je désire maintenant que vous alliez chez le quartier-

maître du côté de l'entrée ; y êtes-vous ? » Anna : Oui. » Docteur B...: Maintenant, entrez

dans la pièce à droite de l'entrée ; y êtes-vous ? » Anna : Oui » Docteur B... : Y a-t-il

quelqu'un dans cette pièce ? » Anna : Oui. » Docteur B... : Est-ce un homme ou une femme ?

» Anna : C'est un homme. » Jeune ou vieux ? » Vieux. » Qui est-ce ? » Le sous-quartier-

maître. » Docteur B... (D’un air de doute) : Que fait-il dans la chambre du quartier-maître ? »

Il écrit. » Qu'écrit-il ? » Je ne puis voir. » Il faut regarder avec toute votre attention ;

maintenant qu'est-ce ? » Il écrit des chiffres. » Docteur B... (Faisant allusion aux armes

pendues aux murs chez Ericsson) : Y a-t-il quelque chose de pendu au mur près de la porte ?

» Oui. » Qu'est-ce ? » Je ne puis le dire. » Est-ce en métal ou en bois ? » En bois. » Qu'est-

ce donc ? » Un grand bâton. » Le sous-quartier -maître est-il encore là ? » Oui. » Que fait-il

maintenant ? » Il s'en va. » Où cela ? » Vers la plaine. » De ce côté ou bien dans la

direction des baraques ? » Du côté des baraques ? » Y a-t-il quelqu'un avec lui ?» Oui, une

personne. »

À ce moment, nous, Ahlgren et Ericsson, nous allâmes directement chez le quartier-maître, et

en entrant dans l'appartement du sous-quartier-maître (qui se trouvait à gauche du même

passage) nous le trouvâmes chez lui. Nous lui demandâmes ce qu'il avait fait, s'il avait écrit ;

il répondit qu'en effet il avait écrit, et que c'étaient des chiffres. Il y avait des vêtements

pendus au mur, à gauche de la porte, et, appuyé contre le même mur, dans un coin, il y avait

un bâton d'environ deux yards de long qui, suivant le sous-quartier-maître, avait été mis là

sans raison particulière. Le sous-quartier-maître me dit plus tard, à moi Ericsson, qu'à ce

moment, en l'occasion en question, deux caporaux étaient venus le trouver et qu'il avait été

question de les accompagner au magasin, près des baraques, pour leur donner certaines

choses. Il avait eu d'abord envie de les accompagner, puis il y renonça ; sur quoi les deux

caporaux le quittèrent.

Que le récit ci-dessus est vrai, que toute supposition de fraude ou de tromperie serait

absolument sans base et que tout est arrivé exactement comme il vient de l'être raconté

brièvement, voilà ce que nous soussignés nous certifions, chacun pour la part qui le concerne,

et nous l'affirmons sur notre honneur et en toute conscience.

Ont signé : C. E. Ericsson, Oscar Ahlgren, E. Hagens, A. Meyersson. »

Dans l'hiver de 1889-90, l'événement suivant arriva. Je l'appris à la fois par les journaux et par

Anna, qui me fit le même récit. Dans le voisinage de l'endroit qu'elle habitait, un jeune

homme avait disparu et l'on supposait qu'il était tombé sous la glace, dans un assez grand lac,

près de là. On dragua partout pour trouver le corps, mais sans succès, et enfin on essaya une

expérience avec Anna, qui fut hypnotisée dans ce but par un médecin du voisinage. Endormie,

elle décrivit un endroit du lac où elle dit que le corps devait être cherché ; il se trouvait à un

certain nombre de pieds du bord et un certain nombre de pieds à gauche. L'endroit fut dragué

et on ne trouva rien, mais l'idée vint, quelques jours plus tard, que la clairvoyante, cette fois

encore, avait confondu la droite avec la gauche. Le lac fut dragué à la place indiquée, mais à

droite, et le corps fut trouvé.

Le sujet que je considère comme doué de la lucidité la plus remarquable s'appelle Alma

Radberg. C'est une servante, qui a maintenant environ 26 ans. Elle eut une enfance et une

jeunesse maladives et délicates ; mais maintenant, après avoir été traitée par l'hypnotisme, elle

est pleine de santé, forte et vigoureuse. Elle a bien voulu me permettre, à moi et à quelques

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autres, de faire d'innombrables expériences avec elle, et elle est extrêmement suggestible, à

l'état de veille aussi bien qu'endormie.

Les expériences telles que la stigmatisation et bien d'autres ont été faites avec succès, dans

l'état de veille ou de sommeil. Je puis, en passant, citer un exemple qui me semble

remarquable. Au milieu d'une expérience, je mis une goutte d'eau sur son bras en lui

suggérant que c'était une goutte de cire à cacheter brûlante, et qu'il se produirait une ampoule

qui cependant serait guérie au bout de trois jours. Pendant le cours de l'expérience, je répandis

par mégarde un peu d'eau sur sa peau et m'empressai de l'essuyer. L'ampoule apparut le

lendemain ; elle s'étendait aussi loin que l'eau s'était répandue, absolument comme si c'eût été

un acide corrosif, et le mal se guérit pendant la nuit du troisième jour.

Le but de la plupart des expériences faites avec Alma a été de décrire aux assistants

l'appartement de telle ou telle personne ; or, les cas où elle a décrit la situation des pièces du

mobilier, des peintures, etc., avec une exactitude parfaite, sont si nombreux que je ne puis en

donner que quelques exemples, car je ne puis les raconter tous.

En octobre 1888, le capitaine 0... et sa femme, qui se trouvaient à Kalmar, chez le maître

d'Alma, le baron von Rosen, capitaine du pilotage, demandèrent la permission d'assister à une

séance de ce genre. On la leur accorda. Alma fut hypnotisée et on lui dit d'aller à Stockholm, à

l'endroit où vivait la belle-mère du capitaine 0..., d'entrer dans son appartement et de dire ce

qu'elle pouvait voir. Elle décrivit très exactement - comme on le constata par la suite - les

chambres et quelques objets remarquables se trouvant dans les chambres, objets inconnus à

tous les assistants, excepté au capitaine et à Mme 0... Entre autres choses elle décrivit

minutieusement une ancienne armoire avec de remarquables sculptures sur les portes et du

métal brillant en dessous (il y avait en réalité une glace sous les sculptures), un buste, une

fenêtre, un groupe de fleurs près d’une porte, des portraits, etc., chaque chose en détail et avec

une exactitude parfaite. Interrogée sur ce que faisait la belle-mère du capitaine 0... elle dit

qu'elle était assise dans une des chambres parlant à une jeune fille qui cependant n'était ni sa

fille, ni sa petite-fille, comme nous le supposions tous, mais une toute autre personne. Nous

apprîmes, quelques jours après, que cette dame s'était trouvée en effet dans la chambre et

parlait à sa femme de chambre. Sur le désir du capitaine 0..., on demanda à Alma si la belle-

mère du capitaine avait reçu une lettre ce jour-là. Oui, répondit-elle, la lettre contenait une

clef et parlait de vêtements.» Le capitaine 0… nous dit qu'il avait en effet envoyé une malle,

contenant des vêtements, à sa fille qui demeurait chez sa belle-mère, et qu'il avait écrit à sa

belle-mère, au sujet de cette malle, une lettre où il avait mis la clef. En s'éveillant, Alma

donna au capitaine 0..., sur l'appartement, une quantité de détails qu'elle n'avait pas

mentionnés tout d'abord et qui étaient en général corrects.

Une autre fois elle fut hypnotisée par mon honorable ami le baron von Rosen. Voici comment

il raconte ce qui arriva :

Un jour, en septembre 1888, l'après-midi, Alma Radberg fut hypnotisée par moi sur mon

bateau le Kalmar, à Krakelund, sur la côte est de la Suède, où nous étions à l'ancre pour passer

la nuit. Etaient présents le directeur général du pilotage Ankarcrona (qui a bien voulu que son

nom fût publié), le capitaine Smith, commandant le pilotage à Norrkoping, ma femme et moi.

Je dis à Alma de trouver la maison du directeur général à Stockholm et de décrire son

appartement, où ni elle, ni ma femme, ni moi n'avions jamais été. Elle décrivit alors

l'antichambre : très sombre, oblongue, avec une table près du mur, un tapis sur le parquet ; le

salon : une très grande pièce avec les tables, les sofas, les chaises comme elles étaient, une

quantité de bibelots partou t; dans un coin, plusieurs plantes, dont elle remarqua que quelques-

unes étaient artificielles, un magnifique chandelier, et, sur un mur, quelque chose d'étrange

qu'elle trouva difficile à écrire : c'était comme des tables, depuis le plancher jusqu'au plafond,

recouvertes de peluche, et sur ces tablettes se trouvaient des plaques où il y avait quelque

chose d'écrit (des témoignages et des inscriptions). Elle fit aussi correctement la description

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d'une grande peinture, un paysage, et d'un grand portrait du roi Oscar, placé sur un chevalet

orné d'une draperie rouge. La salle à manger était sombre, avec un haut buffet et une

cheminée de couleur foncée ; il y avait des objets anciens sur le buffet; près d'une porte

quelque chose de très singulier fait en bois, et pointu par en haut (cet objet dont elle ne

pouvait trouver le nom, c'était une paire de souliers pour la neige, en bois sculpté, placés près

de la porte) ; enfin un chandelier de couleur foncée et deux grandes vieilles chaises. Dans le

cabinet du directeur général, elle décrivit le tapis sur le parquet, le sofa, deux tables et un

grand bouquet dans un coin, et dit qu'il y avait beaucoup de peintures. Comme on demandait

où était la femme du directeur général, elle répondit : Dans une petite chambre, dans le

cabinet; elle est assise et lit un journal. - Quel journal ? » lui dit-on. Après de grands efforts

elle répondit: Svenska Dag-bla-det. » Elle dit que la dame portait une robe de brocart noir et

épais. A cette question : Mme A... a-t-elle été chez elle toute la journée ? » Alma répondit :

Non » et continua en disant que Mme A... avait fait une visite, tout près, chez un jeune

ménage, et elle décrivit une de leurs chambres et dit comment la jeune femme, qui portait une

matinée bleu foncé, jouait avec un bébé de quelques mois ; elle donna aussi une description de

son mari et d'une servante : Reconnaissez-vous la jeune dame, Alma ? » Non. Si. Ah! Oui, je

me rappelle. C'est Mme R... » et elle dit le nom d'une jeune dame qu'elle n'avait vue qu'un

moment, une année auparavant, quand elle passa par Kalmar. À la demande du capitaine

Smith, je dis à Alma de visiter sa maison à Norrkoping. Elle obéit, quoique avec peine, et

décrivit correctement la salle à manger et la chambre à coucher, où Mme Smith se trouvait,

donnant une médecine à une petite fille qui toussait et dont elle était inquiète ; il y avait aussi

dans la chambre une servante d'un certain âge.

Je réveillai alors Alma ; elle avait l'air très bien et très gaie. Elle décrivit encore plus

nettement les deux maisons du directeur général et du capitaine Smith. D'après un

renseignement donné plus tard verbalement, et aussi par écrit, par le directeur général, la

description qu'Alma fit de sa maison était merveilleusement exacte ; même exactitude pour la

robe de sa femme, la visite qu'elle fit, le jeune ménage, et même, contrairement à ce que nous

supposions, le journal qu'elle lisait.

Le capitaine Smith affirma aussi que tout ce qu'elle avait dit de sa maison était exact. La petite

était tombée gravement malade ce même jour, ce qui l'avait fait arriver un peu tard à

Krakelund, avec son bateau pilote, mais il n'en avait dit la raison à aucune des personnes

présentes.

Je soussigné certifie que tout cela est vrai et correspond bien aux faits.

Baron Robert Von Rosen, Capitaine du pilotage, Kalmar. »

J'ai essayé plusieurs fois de faire lire à mes sujets sans le secours des sens (comme l'on dit) et

ils y sont très bien arrivés. Je n'ai jamais remarqué de différence dans les résultats, quand

l'hypnotiseur connaissait les mots et quand ils étaient tout à fait inconnus à toutes les

personnes présentes. Rarement ils ont lu textuellement; ordinairement ils donnaient seulement

le sens général. Je citerai quelques expériences dont quelques-unes ont été faites comme ceci :

les sujets mettaient l'écrit bien enfermé dans une enveloppe parfaitement opaque sous leur

oreiller, et essayaient de lire pendant leur sommeil naturel. »

Au mois d'octobre 1888, les environs de Kalmar furent mis en émoi par un crime

épouvantable commis dans la paroisse de Wissefjarda, à environ 50 kilomètres de Kalmar, à

vol d'oiseau. Un fermier nommé P.-J. Gustafsson avait été tué d'un coup de feu, tandis qu'il

conduisait sa voiture, que des pierres placées sur la route l'avaient forcé d'arrêter. Le meurtre

avait été commis dans la soirée, et on soupçonnait un certain vagabond, que Gusafsston, en sa

qualité de magistrat, avait arrêté, et qui avait subi plusieurs années de travaux forcés.

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C'était tout ce que le public et moi savions de l'affaire, le 1er novembre de la même année;

l'endroit où le meurtre avait eu lieu et les personnes impliquées m'étaient complètement

inconnues, ainsi qu'à la clairvoyante.

Le même 1er novembre, ayant quelques raisons de croire qu'une telle épreuve pourrait réussir,

au moins en partie, je fis une expérience avec une clairvoyante, Agda Olsen, afin de tenter, s'il

était possible, de recueillir, de cette manière, quelque information sur cet événement.

Le juge des environs, qui avait promis d'être présent, fut malheureusement empêché de venir.

La clairvoyante fut hynoptisée en présence de ma femme ; puis on lui ordonna de chercher

l'endroit où le meurtre avait été commis, et de voir toute la scène, de suivre le meurtrier dans

sa fuite, de le décrire, lui et sa demeure, ainsi que les motifs du crime ». Agda Olsen parla

comme il suit, avec beaucoup d'émotion, et en faisant parfois des gestes violents. J'ai pris note

exacte de ses paroles que je reproduis ici en entier:

C'est entre deux villages, - je vois une route dans un bois - maintenant cela vient - le fusil - le

voilà qui approche, il conduit sa voiture - le cheval a peur des pierres - arrêtez le cheval !

Arrêtez le cheval ! Oh! Il le tue - il était agenouillé pour tirer - du sang ! Du sang ! - le voilà

qui court dans le bois - arrêtez-le ! Il court dans une direction opposée au cheval en faisant de

nombreux circuits - il évite les sentiers. Il a un bonnet et des vêtements gris clair il a de longs

et gros cheveux qui n'ont pas été coupés depuis longtemps, - des yeux d'un gris bleu, l'air faux

- une grande barbe brune - il a l' habitude de travailler à la terre. Je crois qu'il s'est coupé la

main droite. Il a une cicatrice ou une raie entre le pouce et l'index. Il est soupçonneux et

poltron.

La maison du meurtrier, située un peu en arrière de la route, est en bois peint en rouge. Au

rez-de-chaussée, une chambre qui conduit dans la cuisine et ouvre aussi dans le couloir. Il y a

aussi une pièce plus grande qui ne communique pas avec la cuisine. L'église de Wissefjorda

est située obliquement, à droite, quand on se tient dans le couloir.

Son motif fut la haine ; on dirait qu'il avait acheté quelque chose - pris quelque chose - un

papier. Il avait quitté sa maison au point du jour, et le meurtre a été commis dans la soirée. »

On réveilla alors Alga Ogden, et, comme tous mes sujets, elle se souvenait parfaitement de ce

qu'elle avait vu: cela avait fait sur elle une impression profonde. Elle ajouta plusieurs choses

que je n'ai pas écrites.

Le 6 novembre (un lundi), je rencontrai Agda Olsen, qui, très émue, me dit qu'elle venait de

voir dans la rue le meurtrier de Wissefjorda. Il était accompagné d'un homme plus jeune que

lui, et, suivi de deux policemen, se rendait du bureau de police à la prison. Je lui dis de suite

que je croyais qu'elle se trompait en partie parce que les gens de la campagne sont

généralement arrêtés par la police de la campagne, et parce qu'ils sont toujours conduits

directement en prison. Mais, comme elle insistait et soutenait que c'était l'homme qu'elle avait

vu alors qu'elle était endormie, j'allai au bureau de police.

Je m'enquis si quelqu'un avait été arrêté au sujet du crime en question ; un constable me

répondit que oui, et que, comme ils avaient été amenés à la ville un dimanche, on les avait

gardés au poste pendant la nuit et qu'ensuite ils avaient été obligés d'aller à pied à la prison,

accompagnés par deux constables. Le constable F.A. Ljung a eu la complaisance de faire le

récit suivant de ce qui se passa pendant ma visite au bureau de police.

A la requête du Dr Backman, je fais ici le compte-rendu de la circonstance dans laquelle il

vint au bureau de police et demanda à me parler sachant que j'avais aidé à l'arrestation de

l'ancien fermier Niklas Jonasson et de son fils, Per August Niklasson à Lassamola, paroisse de

Wisseljorda, accusés d'avoir assassiné le fermier Peter Johan Gustofsson, à Buggehult. Le Dr

Backman me dit qu'en hypnotisant une femme il avait obtenu d'elle des renseignements sur le

meurtre.

P.-J Gustofsson avait été tué le 24 octobre, probablement vers 4 heures de l'après-midi, sur la

grande route entre les villages de Buggehult et de Lassamola. Le 4 novembre, les personnes

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susdites, fortement soupçonnées d'être les meurtriers, furent arrêtées par G. Mahnberg,

surintendant de la police à Kalmar, moi présent:

Le 6 novembre de la même année, le Dr Backman vint au bureau de police, désirant parler au

surintendant ; mais ce dernier n'étant pas là, il s'adressa à moi au sujet d'un memorandum qu'il

avait apporté et qu'il me lut. Il me posa plusieurs questions sur l'endroit où le meurtre avait été

commis, l'habitation des personnes soupçonnées, etc. Le Dr Backman décrivit très exactement

l'aspect de la maison, ses meubles, la situation des chambres, l'endroit où les hommes qu'on

soupçonnait vivaient et fit une description très fidèle de Nikles Jonasson. Le docteur me

demanda si j'avais remarqué que Jonasson avait une cicatrice à la main droite. Je ne l'avais,

point remarquée, mais depuis je me suis assuré qu'il en était ainsi et Jonasson dit qu'elle

provient d'un abcès.

L'une des assertions du Dr Backman - qu'on pouvait, de la maison des meurtriers présumés,

voir l'église de la paroisse ou d'une autre paroisse - ne concordait pas avec les faits.

Je suis convaincu que le Dr Backman n'a pu se procurer ces informations d'une manière

ordinaire, et je sais qu'à cette époque le sujet hypnotisé n'avait pas vu la paroisse de

Wissefjorda, et ne pouvait, par conséquent, avoir la moindre idée de l'aspect de cet endroit.

Sur mon honneur et ma conscience, j'affirme la vérité de ce récit.

Signé et scellé : T.-À. Ljung, constable à Kalmar. »

Kalmar, 27 juin 1889. »

Le procès fut long, et montra que Güstofsson avait promis d'acheter pour Jonasson, mais à son

propre nom, la ferme de ce dernier mise en vente aux enchères, à cause de ses dettes. (C'est ce

qu'on appelle un marché de voleur.) Gustofsson acheta la ferme, mais la garda pour lui. Le

récit des accusés fut très vague ; le père avait préparé un alibi avec grand soin, mais il ne

suffisait pas pour le temps prouvé nécessaire à l'accomplissement du crime. Le fils essaya de

prouver un alibi au moyen de deux témoins, mais ceux-ci avouèrent avoir donné un faux

témoignage qu'il leur avait arraché, alors qu'ils étaient en prison avec lui pour une autre

affaire. »

Recherches du professeur Grégory

Les faits de Willarn Grégory, professeur à l'Université d'Edimbourg, montrent bien que la

lecture sans le secours des yeux peut se produire même à l'état de veille chez des sujets

entraînés.

Il faut observer, dit-il, que le clairvoyant peut souvent percevoir des objets enveloppés dans

du papier ou enfermés dans des boîtes ou autres réceptacles opaques. Ainsi, j'ai vu des objets

décrits dans leur forme, leur couleur, leurs dimensions, leurs marques, etc., alors qu'ils étaient

enfermés dans du papier, dans du coton, des bottes en carton, en bois, en papier mâché (sic) et

en métal. J'ai en outre la connaissance de lettres, minutieusement décrites, l'adresse, les

empreintes postales, le cachet et même le contenu, déchiffrés, bien que les lettres fussent

enfermées dans des enveloppes épaisses ou dans des boîtes. Aucun fait n'est mieux attesté que

celui-ci. Le major Buckley, qui semblerait posséder à un degré peu ordinaire le pouvoir de

produire chez des sujets cette forme particulière de la clairvoyance, a mis, je crois, 140

personnes, dont beaucoup sont très instruites et d'un rang élevé, et 8 9 de celles-ci, même

pendant l'état de veille, en état de lire avec une exactitude presque invariable, bien qu'avec des

erreurs accidentelles, des devises (mottoes) imprimées enfermées dans des boîtes ou des

coques de noix. »

Voici quelques détails supplémentaires donnés dans une autre partie de l'ouvrage, qui ne

manquent pas d'intérêt :

Le major Buckley a ainsi produit la clairvoyance consciente (à l'état de veille) chez 89

personnes dont 44 ont été capables de lire des devises contenues dans des coques de noix

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achetées par d'autres personnes en vue de ces expériences. La devise la plus longue ainsi lue

contenait 98 mots. Beaucoup de sujets lisaient devise après devise sans aucune faute. De cette

façon les devises contenues dans 4860 coques de noix ont été lues, quelques-unes sans doute

en état de sommeil magnétique, mais la plupart par des personnes en état conscient (état de

veille) dont plusieurs même n'avaient jamais été endormies... Toute précaution avait été prise.

Les noix enfermant les devises, par exemple, avaient été achetées chez 40 fabricants différents

et cachetées avant d'être lues. On doit ajouter que des 44 personnes qui ont lu des devises à

l'état de veille, 42 appartiennent à la plus haute classe de la société ; et les expériences me

semblent admirablement conduites, et je ne vois aucune raison quelconque de douter de

l'entière exactitude des faits. »

Voici une appréciation de M. E. Boirac, au sujet des expériences du Prof. Grégory :

En ce qui regarde cette forme particulière de la clairvoyance (lectures de devises enfermées

dans des noix), je ferai observer, d'abord, qu'une certaine proportion de sujets possède

seulement ce pouvoir, de sorte qu'un sujet pris au hasard ne l'aura probablement pas.

Secondement : que le même clairvoyant peut réussir une fois et échouer une autre.

Troisièmement : que ce phénomène se présente plus fréquemment dans l'expérience de

certains magnétiseurs que dans celles d'autres. Le major Buckley, par exemple, les réussit très

souvent, tandis qu'il y a d'autres magnétiseurs qui ne les produisent jamais, mais qui

provoquent peut-être d'autres phénomènes aussi merveilleux. Personne, par conséquent, n'est

autorisé à nier le fait, parce qu'il n'a pas rencontré le fait dans ses propres expériences ou dans

une expérience donnée. »

Dans les Phénomènes d'autoscopie du docteur P. Sollier, nous trouvons quelques cas qui

semblent plutôt prouver la double vue que la représentation.

D'après cet auteur, le sujet, dans cet état particulier, voit sans voir (?) ; il se représente un

mouvement musculaire de son bras ou de sa jambe ».

Toutes les impressions, dit-il, qui partent de nos viscères aboutissent à l'écorce cérébrale et

contribuent, avec toutes les autres parties des organes moteurs et sensoriels, à la constitution

de nos états de personnalité. » C'est de la théorie...

Après avoir semblé recouvrer complètement leur sensibilité et leur fonctionnement normal,

après avoir paru tirés d'affaire définitivement et n'avoir plus qu'à consolider leur état, tout à

coup, au cours d'un réveil cérébral général pour perfectionner tout ce qui peut encore rester un

peu au-dessous de la normale, ils se mettent (les sujets) à présenter de nouvelles réactions

subjectives, et, en même temps, à décrire certains de leurs organes d'une façon tout à fait

caractéristique, non seulement dans leur conformation extérieure, mais encore dans leur

structure la plus intime, même microscopique. »

Avec cette théorie, comment expliquer la vision des couleurs et le fonctionnement des

éléments microscopiques ?

Dans l'ouvrage cité, le Dr Sollier donne deux observations du docteur Comar, très

intéressantes et que nous rapportons ici.

Une malade de ce médecin voit, dans son intestin grêle, une épingle avalée depuis longtemps ;

elle en indique exactement la position et, par des mouvements antipéristaltiques qu'elle

provoque pendant l'hypnose, l'expulse, après avoir suivi et décrit le cheminement de ce corps

étranger.

Une autre de ses clientes voit également un petit os enkysté dans son appendice, en indique la

forme et les dimensions - ce qui fut contrôlé - et, comme la précédente malade, s'en

débarrasse de la même manière Ces phénomènes de représentation nous paraissent avoir de

très grandes analogies avec la vue sans le secours des yeux.

J'ai transcrit textuellement, je le répète, dit le Dr Comar, les paroles de mes deux malades.

Toutes deux m'ont, en résumé, dit la même chose. Leurs paroles me semblent fournir une

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explication du phénomène décrit. Les malades sentent d'abord et interprètent ensuite les

phénomènes de sensibilité.

Peut-être y a-t-il cependant un phénomène plus complexe qui reste inexpliqué, et qui a été

traduit imparfaitement par ma deuxième malade me parlant, à propos de l'épingle de

l'impression qu'elle a eue de la projection d'une soie noire sur un voile. Y a-t-il là les éléments

d'une autre interprétation de ces phénomènes anormaux ? »

Si les docteurs Sollier et Comar avaient procédé comme le Dr Backman, ils auraient sans

doute obtenu les effets produits par ce dernier ; mais, étant imbus des théories en cours, ils

n'ont point songé à tenter ces épreuves, ce qui est regrettable, et voilà comment des

expérimentateurs sérieux et instruits passent à côté de la vérité.

Beaucoup de faits de clairvoyance pourraient, à la rigueur, être classés dans la catégorie de

ceux de la suggestion mentale, et nous connaissons des expérimentateurs éminents qui,

quoique ne niant pas la double vue, rapportent tous ces faits à la suggestion mentale. Ce n'est

point notre opinion car, d'accord en cela avec le docteur Backman, nous pensons que, lors

même qu'une ou plusieurs personnes présentes aux expériences connaîtraient les écrits ou les

objets décrits par les somnambules, l'opérateur ignorant la nature ou le sens de ces choses, le

sujet ne pourrait lire dans la pensée des personnes qui lui sont étrangères et non en rapport

avec lui. Il faut nous en tenir à la clairvoyance pure et simple, ce que nous pouvons d'ailleurs

affirmer avec certitude.

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Chapitre XI - Télépathie

Cette classe de phénomènes, cette transmission des pensées ou des sentiments, étudiée par des

savants autorisés de tous les pays, mais surtout par quelques-uns d'outre-Manche : MM.

Gurney, Myers et Podmore, établit réellement le pont entre les faits transcendants du

magnétisme animal et ceux du spiritisme proprement dit.

Les chercheurs qui, depuis de longues années, s'occupent de cette question ont rassemblé des

milliers de cas scientifiquement contrôlés, qui prouvent que le hasard n'est là pour rien.

Nous savons combien il est difficile d'amener les savants à étudier les faits nouveaux, surtout

lorsqu'ils sortent totalement des voies tracées ; néanmoins, quelques-uns, et pas des moindres,

laissant de côté les vieux préjugés, n'ont pas hésité à rentrer dans la lice : ce sont les

expériences de ceux-là qui vont nous guider et nous aider à contribuer à rendre cette vérité

évidente.

Le professeur Ch. Richet, dans sa préface de les Hallucinations télépathiques, par MM.

Gurney, Myers et Podmore, traduit et abrégé des Phantasms of the Living, par L. Marillier,

maître de conférences à l'Ecole de Hautes Etudes, dit :

Certes, nous avons le droit d'être fiers de notre science de 1890. En comparant ce que nous

savons aujourd'hui à ce que savaient nos ancêtres de 1490, nous admirons la marche

conquérante que l'homme a faite en quatre siècles. Quatre siècles ont suffi pour créer des

sciences qui n'existaient pas, même de nom, depuis l'astronomie et la mécanique jusqu'à la

chimie et la physiologie. Mais qu'est-ce que quatre siècles au prix de l'avenir qui s'ouvre à

l'homme ? Est-il permis de supposer que nous ayons, en si peu de temps, épuisé tout ce que

nous pouvons apprendre ? Est-ce que, dans quatre siècles, en 2290, nos arrière-petits neveux

ne seront pas stupéfaits encore de notre ignorance d'aujourd'hui et plus stupéfaits encore de

notre présomption à nier sans examen ce que nous ne comprenons pas ?

Oui, notre science est trop jeune pour avoir le droit d'être absolue dans les négations ; il est

absurde de dire : Nous n'irons pas plus loin. Voici des phénomènes qui sont absurdes et qu'il

ne faut pas même chercher à comprendre, car ils dépassent les bornes de notre connaissance. »

Parler ainsi, c'est se limiter au petit nombre des lois déjà établies et des faits déjà connus; c'est

se condamner à l'inaction, c'est nier le progrès, c'est se refuser d'avance à une de ces

découvertes fondamentales qui, ouvrant une voie inconnue, créent un monde nouveau ; c'est

faire succéder la routine au progrès.

En Asie, un très grand peuple est resté stationnaire depuis trente siècles pour avoir raisonné

ainsi. Il y a en Chine des mandarins très doctes, très érudits, qui passent des examens

prodigieusement difficiles et compliqués, où ils doivent faire preuve d'une connaissance

approfondie des vérités enseignées par Confucius et ses disciples. Mais ils ne songent pas à

aller au delà, en avant. Ils ne sortent pas de Confucius. C'est leur horizon tout entier, et ils sont

à ce point abêtis qu'ils ne comprennent pas qu'il en existe d'autres.

Eh bien! Dans nos civilisations, plus amies du progrès, il règne une sorte d'esprit analogue ;

nous sommes tous plus on moins semblables aux mandarins ; nous voudrions enfermer dans

nos livres classiques le cycle de nos connaissances, avec défense d'en sortir. On révère la

science, on lui rend, non sans raison, les plus grands honneurs, mais on ne lui permet guère de

s'écarter de la voie battue, de l'ornière tracée par les maîtres, de sorte qu'une vérité nouvelle

court grand risque d'être traitée d'antiscientifique.

Et cependant il y a des vérités nouvelles, et, quelque étranges qu'elles paraissent à notre

routine, elles seront un jour scientifiquement démontrées. Cela n'est pas douteux. Il est mille

fois certain que nous passons, sans les voir, à côté de phénomènes qui sont éclatants et que

nous ne savons ni observer ni provoquer. »

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À l'instar de la Society for Psychical Bescarch, de Londres une société similaire s'est créée à

Paris, pour étendre ces recherches et approfondir ces faits. Nous trouvons à la tête de cette

société les noms de Sully-Prud'bomme, de l'Académie Française; G. Ballet, professeur à

l'Académie de médecine de Paris ; A. Beaunis, professeur à la Faculté de médecine de Nancy;

Ch. Richet, professeur à la Faculté de médecine de Paris; le lieutenant-colonel À. de Rochas,

ancien administrateur de l'Ecole Polytechnique; etc. Si ces savants français veulent marcher

sur les traces de leurs collègues anglais, avant peu, nous en sommes certain, ils auront

accumulé une telle masse de documents que le doute, même scientifique, ne sera plus permis.

Il y a quelques années, Camille Flammarion, l'astronome si connu, fit une enquête à ce sujet

et, dans l'espace de quelques mois, il recueillit trois à quatre cents observations. Voir son

ouvrage : l'Inconnu et les problèmes psychiques.

Ces observateurs se sont entourés des plus méticuleuses précautions; ils ont expérimenté

méthodiquement, scientifiquement et, bien convaincus de l'authenticité des faits, ils les ont

publiés : en voici quelques-uns extraits des Hallucinations télépathiques.

Télépathie expérimentale. - Cas du Rév. W. Stainton Moses.

Un soir, au commencement de l'année dernière, je résolus d'essayer d'apparaître à Z...,qui se

trouvait à quelques milles de distance. Je ne l'avais pas informé d'avance de l'expérience que

j'allais tenter, et je me couchai un peu avant minuit, en concentrant ma pensée sur Z... Je ne

connaissais pas du tout sa chambre, ni sa maison. Je m'endormis bientôt, et je me réveillai le

lendemain matin sans avoir eu conscience que rien se fût passé. Lorsque je vis Z.... quelques

jours après, je lui demandai : N’est-il rien arrivé, chez vous, samedi soir?- Certes, oui, me

répondit-il, il est arrivé quelque chose. J’étais assis avec M... près du feu, nous fumions en

causant. Vers minuit et demi, il se leva pour s'en aller, et je le reconduisis moi-même. Lorsque

je retournai à ma place, près du feu, pour finir ma pipe, je vous vis assis dans le fauteuil qu'il

venait de quitter. Je fixai mes regards sur vous, et je pris un journal pour m'assurer que je ne

rêvais point, mais lorsque je le posai, je vous vis encore à la même place. Pendant que je vous

regardais sans parler, vous vous êtes évanoui. Je vous voyais, dans mon imagination, couché

dans votre lit, comme d'ordinaire à cette heure, mais cependant vous m'apparaissiez vêtu des

vêtements que vous portiez tous les jours. C'est donc que mon expérience semble avoir réussi,

lui dis-je. La prochaine fois que je viendrai demandez-moi ce que je veux; j'avais dans l'esprit

certaines questions que je voulais vous poser, mais j'attendais probablement une invitation à

parler.» Quelques semaines plus tard, je renouvelai l'expérience avec le même succès. Je

n'informai pas cette fois-là non plus Z... de ma tentative. Non seulement il me questionna sur

un sujet qui était à ce moment une occasion de chaudes discussions entre nous, mais il me

retint quelque temps par la puissance de sa volonté, après que j'eus exprimé le désir de m'en

aller. Lorsque le fait me fut communiqué, il me sembla expliquer le mal de tête violent et un

peu étrange que j'avais ressenti le lendemain de mon expérience. Je remarquai du moins alors

qu'il n'y avait pas de raison apparente à ce mal de tête inaccoutumé. Comme la première fois,

je ne gardai pas de souvenir de ce qui s'était passé la nuit précédente, ou du moins de ce qui

semblait s'être passé.

M. Moses, nous écrit :

21 Birchington Road, N. W., le 21 septembre 1885.

Ce récit est, autant que je m'en souviens, exact, et il m'est impossible de le compléter, n'ayant

pas de notes à ma disposition. W. Stainton Moses. »

Le cas suivant est plus remarquable encore que deux personnes ont éprouvé l'hallucination, le

récit a été copié sur un manuscrit de M. S. H. B. ; il l'avait lui-même transcrit d'un journal qui

a été perdu depuis.

"Un certain dimanche du mois de novembre 1881, vers le soir, je venais de lire un livre où

l'on parlait de la grande puissance que la volonté humaine peut exercer. Je résolue, avec toute

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la force de mon être, d’apparaître dans la chambre à coucher du devant, au second étage d'une

maison située 22, Hogarth Road, Kensington. Dans cette chambre couchaient deux personnes

de ma connaissance : Mlle L. S. V. et Mlle C. E. V.... âgées de vingt-cinq et de onze ans. Je

demeurais à ce moment 23, Kildare Gardens, à une distance de trois milles à peu près de

Hogarth Road, et je n'avais pas parlé de l'expérience que j'allais tenter à aucune de ces deux

personnes, par la simple raison que l'idée de cette expérience me vint ce dimanche soir en

allant me coucher. Je voulais apparaître à une heure du matin, très décidé à manifester ma

présence.

Le jeudi suivant, j'allai voir ces dames, et, au cours de notre conversation (et sans que j'eusse

fait aucune allusion à ce que j'avais tenté), l'aînée me raconta l'incident suivant :

Le dimanche précédent, dans la nuit, elle m'avait aperçu debout près de son lit et en avait été

effrayée, et, lorsque l'apparition s'avança vers elle, elle cria et éveilla sa petite sœur, qui me vit

aussi.

Je lui demandai si elle était bien réveillée à ce moment, elle m'affirma très nettement qu'elle

l'était. Lorsque je lui demandai à quelle heure cela s'était passé, elle me répondit que c'était

vers une heure du matin.

Sur ma demande, cette darne écrivit un récit de l'événement et le signa.

C'était la première fois que je tentais une expérience de ce genre, et son plein et entier succès

me frappa beaucoup.

Ce n'est pas seulement ma volonté que j'avais fortement tendue, j'avais aussi fait un effort

d'une nature spéciale, qu'il m'est impossible de décrire. J'avais conscience d'une influence

mystérieuse qui circulait dans mon corps, et j'avais l'impression distincte d'exercer une force

que je n'avais pas encore connue jusqu'ici, mais que je peux à présent mettre en action à

certains moments, lorsque je le veux. S.-H. B... "

M. B... ajoute : "Je me souviens d'avoir écrit la note qui figure dans mon journal à peu près

une semaine après l'évènement et pendant que le souvenir que j'en avais était encore très frais.

"

Voici comment Mlle Verity raconte l'événement : "Le 18 janvier 1883

Il y a à peu près un an qu'un dimanche soir, à notre maison de Hogarth Road, Kensington, je

vis distinctement M. B... dans ma chambre, vers une heure du matin. J'étais tout à fait

réveillée et fort effrayée ; mes cris réveillèrent ma sœur, qui vit l'apparition. Trois jours après,

lorsque je rencontrai M. B... je lui racontai ce qui était arrivé. Je ne me remis qu'au bout de

quelque temps du coup que j'avais reçu et j'en garde un souvenir si vif qu'il ne peut s'effacer

de ma mémoire. L.-S. Verity"

En réponse à nos questions, Mlle Verity ajoute : "Je n'avais eu aucune hallucination. Je me

rappelle l'événement que raconte ma sœur. Son récit est tout à fait exact. J'ai vu l'apparition

qu'elle voyait, au même moment et dans les mêmes circonstances. E.-C. Verity. "

MIle A.-S. Verity dit : "Je me rappelle très nettement qu'un soir ma sœur aînée me réveilla en

m'appelant d'une chambre voisine. J'allai près du lit où elle couchait avec ma sœur cadette, et

elles me racontèrent toutes les deux qu'elles avaient vu S.-H. B... debout dans la pièce. C'était

vers une heure ; S.-H. B.., était en tenue de soirée, me dirent-elles. A.-S. Verity. "

M. B... ne se rappelle plus comment il était habillé cette nuit-là.

Mlle E.-C. Verity dormait quand sa sœur aperçut l'apparition; elle fut réveillée par

l'exclamation de sa sœur : Voilà S... Elle avait donc entendu le nom avant d'avoir vu

l'apparition, et son hallucination pourrait être attribuée à une suggestion. Mais il faut faire

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remarquer qu'elle n'avait jamais eu d'autre hallucination et qu'on ne pouvait, par conséquent,

la considérer comme prédisposée à éprouver des impressions de ce genre. Les deux sœurs

sont également sûres que l'apparition était en habit de soirée; elles s'accordent aussi sur

l'endroit où elle se tenait. Le gaz était baissé et l'on voyait plus nettement l'apparition que l'on

n'eût pu voir une figure réelle.

Nous avons examiné contradictoirement les témoins avec le plus grand soin. Il est certain que

les demoiselles V... ont parlé tout à fait spontanément de l'événement à M. B... Tout d'abord,

elles n'avaient pas voulu en parler, mais quand elles le virent, la bizarrerie de l'affaire les

poussa à le faire. Mlle Verity est un témoin très exact et très consciencieux; elle n'aime

nullement le merveilleux et elle craint et déteste surtout cette forme particulière du

merveilleux.

M. S.-H. B... Ce récit est copié sur le manuscrit dont nous avons parlé plus haut.

Le vendredi 1er décembre 1882, à 9 h. 30, je me retirai tout seul dans une chambre, je m'assis

au coin du feu et je m'efforçai avec tant d'intensité de fixer ma pensée sur l'intérieur d'une

maison de Kew (Clarence Road), où demeurait Mlle V... et ses deux sœurs qu'il me sembla

que je m'y trouvais effectivement. Pendant cette expérience, je dois m'être endormi d'un

sommeil magnétique, car je ne perdis pas conscience, mais je ne pouvais remuer mes

membres. Il ne me semblait pas avoir perdu la faculté de les mouvoir, mais je ne pouvais faire

l'effort nécessaire pour cela. J'eus la sensation que mes mains, posées légèrement sur mes

genoux, à peu près à six pouces l'une de l'autre, allaient se rejoindre involontairement, et elles

semblaient se rencontrer, quoique j'eusse conscience qu'elles ne remuaient pas.

À dix heures, un effort de volonté me ramena à mon état normal. Je pris un crayon, et je notai

sur une feuille de papier ce que je viens de dire.

La même nuit, quand j'allai me coucher, je pris la résolution d'apparaître à minuit dans la

chambre à coucher située sur le devant de la maison dont nous venons de parler, et d'y rester

jusqu'à ce que j'eusse rendu sensible ma présence spirituelle aux habitants de la chambre.

Le lendemain, samedi, je me rendis à Kew pour y passer la soirée, et j'y rencontrai une sœur

mariée de Mlle V... (Mme L ... ). Je n'avais rencontré cette daine qu'une seule fois, c'était à un

bal costumé, deux ans auparavant ; nous n'avions pas échangé plus d'une demi-douzaine de

mots. Cette dame devait donc avoir perdu tout vif souvenir de mon extérieur, si même elle

l'avait jamais remarqué.

Je ne pensai pas une minute à lui poser une question relative à l'expérience que j'avais tentée,

mais dans le cours de notre conversion elle me raconta qu'elle m'avait vu distinctement deux

fois la nuit précédente. Elle avait passé la nuit à Clarence Road, et elle avait couché dans la

chambre du devant. Vers 9 heures et demie à peu près, elle m'avait vu passer dans le couloir

pour aller d'une chambre à une autre, et vers minuit, étant parfaitement réveillée, elle me vit

entrer dans sa chambre à coucher, me diriger vers l'endroit où elle dormait et prendre dans ma

main ses cheveux qui sont très longs. Elle me raconta aussi que l'apparition lui saisit la main

et la regarda avec beaucoup d'attention, de sorte qu'elle dit : Vous ne devez pas regarder les

lignes, car je n'ai jamais eu aucun malheur. » Puis elle réveilla sa sœur, Mlle V...., qui

couchait avec elle, et lui raconta ce qui venait de se passer. Après avoir entendu son récit, je

sortis de ma poche ce que j'avais écrit la veille; je le montrai à quelques-unes des personnes

présentes, qui furent fort étonnées, malgré leur incrédulité.

Je demandai à M- L... si elle ne rêvait pas, au moment de la deuxième apparition, mais elle dit

de la manière la plus nette qu'elle était tout à fait éveillée. Elle me dit qu'elle avait oublié

comment j'étais fait, mais qu'elle m'avait reconnu tout de suite en me voyant.

Mme L... a une imagination très vive. Elle m'a dit qu'elle était sujette depuis son enfance à des

impressions, à des pressentiments (fancies), etc. Mais la coïncidence étrange merveilleuse, des

heures (qui était exacte) me convainquit que ce qu'elle venait de me raconter n’était pas dû à

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son imagination seule. Sur ma demande, elle écrivit brièvement ce qu'elle avait éprouvé et le

signa.

S.H.B… »

M.B…se trouvait à Southal lorsqu'il fit cette expérience. Il m'a raconté que le récit donné plus

haut avait été écrit à peu près dix jours après l'expérience, et qu'il renferme la note qu'il avait

écrite dans son journal, la nuit même.

Voici maintenant le récit de Mme L .... qui fut remis à M. B... quelques semaines après

l'événement :

" Wordsworth Road, Harrow.

Le vendredi 1er décembre j'étais en visite chez ma sœur, 21, Clarence Road, Kew. Vers 9

heures et demie, je sortis de ma chambre à coucher pour aller chercher de l'eau dans la salle

de bain et alors je vis distinctement M. S. B..., que je n'avais vu qu'une fois auparavant, il y

avait deux ans. Il marchait devant moi, se dirigeant vers la chambre à coucher au bout du

couloir. Vers 11 heures nous allâmes nous coucher, et vers minuit j'étais, encore éveillée.

Alors la porte s'ouvrit, M. S. B... entra, se dirigea vers mon lit et se tint debout, un genou

appuyé sur une chaise. Il prit ensuite mes cheveux dans sa main, et saisissant la mienne, il en

regarda la paume avec une grande attention. Ah ! dis-je (en m'adressant à lui), vous ne devez

pas regarder les lignes, car je n'ai jamais eu de malheur. » Puis je réveillai ma sœur. Je n'étais

pas nerveuse, mais excitée. J'eus peur qu'elle ne tombât sérieusement malade, car elle était

délicate à cette époque, mais elle va mieux à présent.

H.-L... (Le nom est donné en toutes lettres.)

Mlle Verity corrobore ce récit de la manière suivante :

Je me rappelle fort bien que Mm L... a parlé avant la visite de M. S.-H. B... de ses deux

visions, dont l'une avait eu lieu à 9 heures et demie, l'autre à minuit. Lorsqu'il vint nous voir,

ma sœur lui raconta ce qui s'était passé. Immédiatement il sortit de sa poche une carte ( ou un

papier, je ne me le rappelle plus), qui contenait un récit de l'événement de la veille. Je

considère mon témoignage comme aussi valable que celui de Mme L.... parce que je me

rappelle très exactement ce qui s'est passé ces deux jours-là.

Ma sœur m'a dit qu'elle n'avait jamais éprouvé une hallucination, sauf dans cette unique

occasion. L. - S. Verity. "

Nous avions fait demander à M. B... de nous prévenir quand il voudrait faire une nouvelle

expérience. Le lundi 24 mars, par le premier courrier, nous reçûmes la lettre suivante :

"Cher monsieur Gurney,

Cette nuit, vers minuit, je veux essayer d'apparaître au numéro 44, Norland Square; je vous

ferai savoir le résultat d'ici quelques jours.

Sincèrement à vous. S.- H. B... "

Je reçus la lettre ci-dessous dans le cours de la semaine suivante :

"Le 3 avril 1884

Cher monsieur Gurney,

J'ai à vous faire un étrange récit à propos de l'expérience que j'ai tentée à votre instigation et

en observant strictement les conditions que vous m'aviez imposées.

Ayant tout à fait oublié dans quelle nuit j'ai tenté l'expérience, il m'est impossible de dire si

j'ai brillamment ou médiocrement réussi jusqu'à ce que j'aie vu la lettre que je vous ai envoyée

le soir même.

Vous ayant envoyé cette lettre, j'ai cru inutile de mettre une note dans mon journal. Aussi ai-je

oublié la date exacte.

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Si les dates correspondent, le succès est complet pour tous les détails. Je vous ferai voir un

récit, signé par les témoins, qu'on m'a donné.

Hier soir j'ai vu la dame (qui a servi de sujet) pour la première fois depuis l'expérience. Elle

m'a fait d'elle-même un récit que j'ai écrit sous sa dictée et qu'elle a signé. La date et l'heure de

l'apparition, sont spécifiés dans ce récit. A vous de vérifier si elles sont identiques avec celles

que je vous ai données dans ma lettre. Je les ai complètement oubliées, mais je pense que ce

sont les mêmes. S.- H. B... "

Voici le récit :

" Norland Square.W.

Samedi soir, le 22 mars, vers minuit, j'eus l'impression distincte que M. B... était présent dans

ma chambre. Je le vis distinctement, pendant que j'étais tout à fait éveillée. Il vint vers moi et

caressa mes cheveux. Je lui ai donné de moi-même ce renseignement quand il est venu me

voir, mercredi 2avril, et je lui ai dit l'heure et les détails de l'apparition, sans qu'il m'ait rien

suggéré. La forme qui m'est apparue semblait être vivante ; il était impossible de ne pas

reconnaître M. B... L.-S. Verity. "

Mlle A.-S. Verity confirme cette déclaration dans les termes suivants : "Je me souviens que

ma sœur m'a dit qu'elle avait vu S.-H. B... et qu'il lui avait touché les cheveux ; elle m'a fait ce

récit avant qu'il ne vînt nous voir, le 2 avril. A.- S. Verity"

Voici le récit de M. B... lui-même :

"Samedi, le 22 mars, je pris la résolution d'apparaître à minuit à Mlle V.... qui demeurait 44,

Norland Square, Notting Hill ; j'avais antérieurement convenu avec M. Gurney de lui envoyer,

le soir même où je tenterais l'expérience, une lettre contenant l'heure et les détails de

l'expérience. Je lui envoyai donc une note, comme je le lui avais promis.

Environ 10 jours après, j'allai voir Mlle V.... elle me raconta alors de son propre mouvement

que, le 22 mars, à minuit, elle m'avait vu très nettement dans sa chambre (tout en étant

parfaitement éveillée), que ses nerfs en avaient ressenti une violente secousse. Elle avait été

même obligée de faire venir un médecin le matin. S.-H.B.. "

Cas de Sparks et Cleave.

A bord du Malborough, Portsmouth.

Depuis l'année dernière, ou depuis ces quinze derniers mois environ, j'avais l'habitude de

magnétiser un de mes camarades. Voici comment je procédais. Je le regardais simplement

dans les yeux lorsqu'il était couché à son aise sur son lit. Je réussissais ainsi à l'endormir.

Après quelques essais, je m'aperçus que le sommeil devenait plus profond en faisant de

longues passes, lorsque le sujet était déjà endormi. C'est alors que se produisaient les

phénomènes remarquables qu'on pouvait observer dans cette espèce particulière de sommeil

magnétique.

M. Sparks décrit alors la faculté que possède son sujet» de voir, durant sa crise, les endroits

auxquels il s'intéresse, s'il décide qu'il les verra avant d'être hypnotisé; mais rien ne prouve

que ces visions ne sont pas purement subjectives.

C'est la semaine dernière que j'ai été saisi de surprise par un événement plus extraordinaire

que les autres. Vendredi dernier au soir (15 janvier 1886), mon ami exprima le désir de voir

une jeune fille qui habitait Wandsworth, et ajouta qu'il essaierait de se faire voir par elle. Je le

magnétisai donc et je continuai de longues passes pendant environ 20 minutes, en concentrant

toute ma volonté sur son idée. Lorsqu'il revint à lui (je le réveillai en lui touchant la main et en

voulant qu'il se réveillât, après un sommeil d'une heure vingt minutes), il déclara qu'il l'avait

vue dans la salle à manger, et qu'au bout d'un moment elle était devenue agitée, puis que

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soudain elle l'avait regardé et s'était couvert les yeux avec les mains. C'est juste à ce moment

qu'il revint à lui. Lundi dernier au soir (18 janvier 1886), nous recommençâmes l'expérience et

cette fois il déclara qu'il croyait avoir effrayé la jeune fille, car, après qu'elle l'eut regardé

quelques minutes, elle tomba à la renverse sur sa chaise dans une sorte de syncope. Son petit

frère était à ce moment dans la chambre. Nous attendions naturellement une lettre après cet

incident pour savoir si la vision était réelle. Le mercredi matin mon ami reçut une lettre de

cette jeune personne demandant s'il ne lui était rien arrivé; elle écrivait parce que le vendredi

soir elle avait été saisie de frayeur en le voyant debout à la porte de la chambre. Au bout d'une

minute il avait disparu, et elle avait pensé que ce pouvait être une vision, mais le lundi soir

elle avait été encore plus effrayée en le voyant de nouveau, et cette fois plus distinctement, et

elle en avait même était effrayée à un tel point qu'elle avait failli se trouver mal.

Le récit que je vous envoie est parfaitement exact; je puis le prouver, car j'ai deux témoins qui

se trouvaient dans le dortoir au moment où mon ami a été magnétisé et lorsqu'il est, revenu à

lui. Le nom de mon sujet est Arthur-H. W. Cleave; il est âgé de 18 ans. J'ai moi-même 19 ans.

A.-C. Darley et A.-S. Turgood, nos camarades, sont les deux témoins dont je viens de parler.

H. Percy Sparks.

M. Cleave nous a écrit le 15 mars 1886 :

A bord du Malborough, Portsmouth.

Sparks et moi nous avions l'habitude de faire des séances de magnétisme dans nos dortoirs

pendant ces derniers dix-huit mois. Les deux premiers mois nous n'obtînmes aucun résultat

satisfaisant, mais ensuite nous réussîmes à nous endormir l'un l'autre. Je ne pouvais

qu'endormir Sparks, tandis qu'il pouvait me faire faire ce qu'il voulait pendant que je me

trouvais sous son influence, de sorte que je renonçai à l'endormir, et tous nos efforts tendirent

à ce qu'il me magnétisât complètement. Au bout de peu de temps tout allait si bien que Sparks

amena trois ou quatre autres camarades pour voir ce que je faisais. J'étais insensible à toute

douleur, les camarades m’ayant souvent pincé les mains et les jambes sans que je le sentisse.

Il y a environ six mois J'essayai si ma force de volonté me ferait voir, pendant mon état

hypnotique, des personnes auxquelles j'étais très attaché. Pendant quelque temps je n'obtins

aucun succès, je crus cependant une fois voir mon frère (qui est en Australie), mais je n'eus

aucun moyen de vérifier l'exactitude de la vision.

Il y a quelque temps, j'essayai de voir une jeune personne que je connais très bien, et je fus

absolument surpris d'avoir si bien réussi. Je pouvais la voir aussi clairement que je vois

maintenant, mais je ne pouvais me faire voir d'elle, quoique je l'eusse souvent essayé. Après

plusieurs expériences, je résolus d'essayer encore et de me faire voir d'elle, et je communiquai

à Sparks mon idée, qu'il approuva. Nous tentâmes cette expérience pendant cinq nuits

successives sans plus de succès. Nous arrêtâmes nos essais pendant une nuit ou, deux, parce

que j'étais assez surmené par ces efforts continuels et que j'avais attrapé de grands maux de

tête. Nous essayâmes encore (un vendredi) je crois, mais je n'en suis pas sûr, et avec succès, à

ce qu'il me sembla; mais, comme la jeune personne ne m'écrivit pas à ce sujet, je crus m'être

trompé, et je dis à Sparks que nous ferions mieux d'y renoncer. Mais il me supplia de

recommencer encore une fois, ce que nous fîmes le lundi suivant, et nous obtînmes un tel

succès que je me sentis assez inquiet. (je dois vous dire que j'ai l'habitude d'écrire à la jeune

personne chaque dimanche, mais je n'écrivis pas cette semaine, pour la forcer à penser à moi.)

Cette expérience fut faite entre 9 h. 30 et 10 h. le lundi soir, et le mercredi matin suivant je

reçus la lettre ci-incluse. Alors, je vis que j'avais réussi. Je retournai à la maison une quinzaine

plus tard, et je vis la jeune fille, qui paraissait très effrayée, en dépit de mes explications et qui

me supplia de ne plus jamais essayer, ce que je lui promis.

Je dois maintenant vous décrire notre manière de magnétiser. Je me couchais sur mon lit, la

tête soulevée par deux oreillers. Sparks était assis en face de moi sur une chaise à environ

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trois pieds du lit. Les lumières étaient baissées, et alors je le regardais fixement dans les yeux,

pensant tout le temps à la jeune fille que je voulais voir. Au bout de peu de temps (environ

sept minutes), je cessais d'entendre et je ne voyais plus rien si ce n'est deux yeux, qui au bout

d'un instant disparaissaient, et alors je me trouvais sans connaissance. (Lorsque nous fîmes

nos premières expériences, je n'allai pas plus loin que cet état, et ce ne fut qu'après des essais

répétés que je parvins à le dépasser.) Il me sembla voir alors (vaguement au début) la figure

de la jeune fille, qui devint graduellement de plus en plus distincte jusqu'à ce qu'il m'ait

semblé être dans une autre chambre j'aurais pu détailler minutieusement tout ce qui s'y

trouvait. Je racontai à Sparks, lorsque je revins à moi, ce que j'avais vu, je lui dis quelles

étaient les personnes qui se trouvaient avec la jeune fille et ce qu'elle faisait, toutes choses

vérifiées par sa lettre. A ._H.-W. Cleave.

Les deux témoins de la dernière expérience décrite écrivent comme suit : " J'ai vu le récit que

M. Cleave a fait de ses expériences magnétiques, et je puis en garantir toute l'exactitude. A.-

C. Darley. "

J'ai lu le rapport de M. Cleave et puis en garantir l'exactitude, car j'étais présent lorsqu'il fut

magnétisé et j'entendis son récit lorsqu'il revint à lui. A.-E.-S. Thurgood

La lettre suivante est la copie que nous avons faite nous-mêmes de la lettre de la jeune fille,

miss A...L'enveloppe portait les cachets de la poste : Wandsworth, 19 janv. 1886 »

Portsmouth, 20 janv. 1886 » et l'adresse M. A. -H. W. Cleave H. M. S. Marlborough,

Portsmouth

Wandsworth, mardi matin.

Cher Arthur, vous est-il arrivé quelque chose ? Ecrivez-moi s'il vous plait et que je le sache

vite : j'ai eu si peur.

Mardi soir dernier, j'étais assise dans la salle, à manger en train de lire, lorsqu'il m'arriva de

lever les yeux et j'ai cru vous voir debout à la porte me regardant. Je mis mon mouchoir sur

les yeux, et lorsque je regardai de nouveau, vous étiez parti. Je pensais que ce n'était qu'un

effet de mon imagination, mais hier soir (lundi), pendant que j'étais à souper, je vous vis de

nouveau, comme l'autre fois, et j'eus si peur que je faillis me trouver mal. Heureusement il

n'y avait là que mon frère, sinon j'aurais attiré l'attention sur moi. Aussi écrivez-moi de suite

et dites-moi comment vous allez. Je ne puis réellement plus rien écrire maintenant.

(Signé d'un prénom).

Tous les chercheurs doués de volonté ferme, avec un peu d'entraînement, peuvent répéter les

expériences précédentes, à condition toutefois de trouver un percipient.

Un magnétiseur exercé peut essayer, sur des personnes dont il connaît l'impressionnabilité, de

produire ce phénomène. Il ne réussira incontestablement pas chaque fois ; mais, s'il sait se

concentrer fortement, s'il veut fermement et s'il s'endort avec cette idée fixe, il aura bien des

chances de réussir.

Télépathie spontanée.

Cas de M. le Dr Ollivier, médecin à Huelgoat (Finistère).

20 janvier 1883.

Le 10 octobre 1881, je fus appelé pour service médical à la campagne, à trois lieues de chez

moi. C'était au milieu de la nuit, une nuit très sombre. Je m'engageai dans un chemin creux,

dominé par des arbres venant former une voûte au-dessus de la route. La nuit était si noire que

je ne voyais pas à conduire mon cheval. Je laissai l'animal se diriger à son instinct. Il était

environ 9 heures ; le sentier dans lequel je me trouvais en ce moment était parsemé de grosses

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pierres rondes et présentait une pente très rapide. Le cheval allait au pas très lentement. Tout à

coup les pieds de devant de l'animal fléchissent et il tombe subitement, la bouche portant sur

le sol. Je fus projeté naturellement par-dessus sa tête, mon épaule porta à terre, et je me

fracturai une clavicule.

En ce moment même, ma femme, qui se déshabillait chez elle et se préparait à se mettre au lit,

eut un pressentiment intime qu'il venait de m'arriver un accident ; un tremblement nerveux la

saisit ; elle se mit à pleurer et appela la bonne : Venez vite, j'ai peur; il est arrivé malheur ;

mon mari est mort ou blessé. Jusqu'à mon arrivée, elle retint la domestique près d'elle, et ne

cessa de pleurer. Elle voulait envoyer un homme à ma recherche, mais elle ne savait pas dans

quel village j'étais allé. Je rentrai chez moi vers une heure du matin. J'appelai la domestique

pour m'éclairer et desseller mon cheval. " Je suis blessé, dis-je, je ne puis bouger l'épaule. "

Le pressentiment de ma femme était confirmé. Voilà, Monsieur, les faits tels qu'ils se sont

passés, et je suis très heureux de pouvoir vous les envoyer dans toute leur vérité.

A. Ollivier, Médecin à. Huelgoat (Finistère).

Cas du Dr Goodall Jones, 6, Prince Edwin Street,

Liverpool.

Le 28 novembre 1883

Mme Jones, femme de M. William Jones, pilote à Liverpool, demeurant alors, 46, Virgil

Street (elle habite maintenant 15, Saint-George's Street, Everton) gardait le lit le samedi 27

février 1869. Lorsque j'allai chez elle le lendemain, dimanche 28 février, à 3 heures de l'après-

midi, je rencontrai son mari en chemin pour venir me chercher, parce que sa femme avait le

délire. Il me raconta qu'à peu près une demi-heure auparavant il était à lire dans la chambre de

sa femme. Tout d'un coup elle se réveilla du profond sommeil où elle était plongée, en disant

que son frère William Bonlands (autre pilote de Liverpool) s'était noyé dans le fleuve (la

Mersey). Son mari essaya de la calmer en lui disant que Boulands était à sa station du dehors

et qu'il ne pouvait se trouver sur le fleuve à cette heure-là. Mais elle persista à dire qu'elle

l'avait vu se noyer. Dans la soirée la nouvelle arriva que, vers l'heure indiquée, c'est-à-dire

vers 2 heures et demie, Roulands s'était noyé. Il y avait eu un grand coup de vent en mer, le

bateau du pilote ne pouvait pas mettre un pilote à bord d'un bâtiment qui voulait entrer. Il

devait donc lui montrer la route. Lorsqu'on fut dans le fleuve, en face du phare, sur le rocher,

on fit une autre tentative. Mais le petit bateau se renversa, et Roulands et un autre pilote furent

noyés. Lorsque Mme Jones fut informée de sa mort, elle se calma et se rétablit aisément.

Cas du Dr Liébeault, de Nancy.

4 septembre 1885.

Je m'empresse de vous écrire au sujet du fait de communication de pensée dont je vous ai

parlé, lorsque vous m'avez fait l'honneur d’assister à mes séances hypnotiques à Nancy. Ce

fait se passa dans une famille française de la Nouvelle-Orléans, et qui était venue habiter

quelque temps Nancy, pour y liquider une affaire d'intérêt. J'avais fait connaissance de cette

famille, parce que son chef,, M. m'avait amené sa nièce, Mlle B..., pour que je la traitasse par

les procédés hypnotiques. Elle était atteinte d'une anémie légère et d'une toux nerveuse

contractées à Coblentz dans une maison d'éducation où elle était professeur. Je parvins

facilement à la mettre en somnambulisme, et elle fut guérie en deux séances. La production de

cet état de sommeil ayant démontré à la famille G.. . et à Mlle B... qu'elle pourrait facilement

devenir médium (Mme G... était médium spirite), cette demoiselle s'exerça à évoquer, à l'aide

de la plume, les esprits, auxquels elle croyait sincèrement, et au bout de deux mois elle fut un

remarquable médium écrivant. C'est elle que j'ai vue de mes yeux tracer rapidement des pages

d'écriture qu'elle appelait des messages, et cela en des termes choisis, et sans aucune rature, en

même temps qu'elle tenait conversation avec les personnes qui l'entouraient. Chose curieuse,

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elle n'avait nullement conscience de ce qu'elle écrivait ; aussi, disait-elle, ce ne peut être

qu'un esprit qui dirige ma main, ce n'est pas moi.

Un jour, c'était, je crois, le 7 février 1868,vers huit heures du matin, au moment de se mettre à

table pour déjeuner, elle sentit un besoin, un quelque chose qui la poussait à écrire (c'était ce

qu'elle appelait une trance), et elle courut immédiatement vers son grand cahier, où elle traça

fébrilement, au crayon, des caractères indéchiffrables. Elle retraça les mêmes caractères sur

les pages suivantes, et enfin, l'excitation de son esprit se calmant, on put lire qu'une personne

nommée Marguerite lui annonçait sa mort. On supposa aussitôt qu'une demoiselle de ce nom,

qui était son amie, et habitait comme professeur le même pensionnat de Coblentz, où elle

avait exercé les mêmes fonctions, venait d'y mourir. Toute la famille G..., compris Mlle B...,

vinrent immédiatement chez moi, et nous décidâmes de vérifier, le jour même, si ce fait de

mort avait réellement eut lieu. Mlle B... écrivit à une demoiselle anglaise de ses amies, qui

exerçait aussi les mêmes fonctions d'institutrice dans le pensionnat en question; elle prétexta

un motif, ayant bien soin de ne pas révéler le motif vrai. Poste pour poste, nous reçûmes une

réponse en anglais, dont on me copia la partie essentielle, réponse que j'ai trouvée dans un

portefeuille il y a à peine quinze jours, et égarée de nouveau. Elle exprimait l'étonnement de

cette demoiselle anglaise au sujet de la lettre de Mlle B..., lettre qu'elle n'attendait pas si tôt,

vu que le but ne lui en paraissait pas assez motivé. Mais, en même temps, l'amie anglaise se

hâtait d'annoncer à notre médium que leur amie commune, Marguerite, était morte le 7

février, vers les huit heures du matin. En outre, un petit carré de papier imprimé était inséré

dans la lettre : c'était un billet de mort et de faire part.

Inutile de dire que je vérifiai l'enveloppe de la lettre, et que la lettre me parut réellement venir

de Coblentz. Seulement, j'ai eu depuis des regrets. C'est de n'avoir pas, dans l'intérêt de la

science, demandé à la famille G... d'aller avec eux au bureau télégraphique vérifier s'ils

n'avaient pas reçu une dépêche télégraphique dans la matinée du 7 février. La science ne doit

pas avoir de pudeur; la vérité ne craint pas d'être vue. Je n'ai comme preuve de la véracité du

fait qu'une preuve morale : c'est l'honorabilité de la famille G.... m'a paru toujours au-dessus

de tout soupçon. A.-A. Liébeault.

Cas du Dr Collyer, de Londres.

Le 15 avril 1861.

Le 3 janvier 1856, le vapeur Alice, que commandait alors mon frère Joseph, eut une collision

avec un autre vapeur sur le Mississipi en amont de la Nouvelle-Orléans. Par suite du choc, le

mât de pavillon ou flèche s'abattit avec une grande violence et, venant heurter la tête de mon

frère, lui fendit le crâne. La mort de mon frère fut nécessairement instantanée. Au mois

d'octobre 1857, j’allai aux Etats-Unis. Pendant le séjour que Je fis à la maison de mon père, à

Camdem, New-Jersey, la mort tragique de mon frère devint naturellement le sujet de notre

conversation. Ma mère me raconta alors qu'elle avait vu, au moment même de l'accident, mon

frère Joseph lui apparaître. Le fait fut confirmé par mon père et par mes quatre sœurs. La

distance entre Camdem, New-Jersey, et le théâtre de l'accident est en ligne directe de plus de

1000 milles, mais cette distance s'élève à peu près au double par la route de poste. Ma mère

parla de l'apparition à mon père et à mes sœurs le matin du 4 janvier, et ce ne fut que le 16,

c'est-à-dire 13 jours plus tard, qu'une lettre arriva, qui confirmait les moindres détails de cette

visite» extraordinaire. Il importe de dire que mon frère William et sa femme, qui habitent à

présent Philadelphie, demeuraient alors près du lieu du terrible accident. Eux aussi m'ont

confirmé les détails de l'impression produite sur ma mère.

Le Dr Collyer cite ensuite une lettre de sa mère, qui contient le passage suivant :

Camden, New-Jersey, Etats-Unis, le 21 mars 1867.

Mon cher fils,

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Le 3 janvier 1856, je ne me sentis pas bien et j'allai me coucher de bonne heure. Quelque

temps après, je me sentis mal à mon aise, et je m'assis dans mon lit. Je regardai autour de la

chambre et, à mon très grand étonnement, je vis Joseph, debout près de la porte. Il fixait sur

moi des regards très graves et très tristes : sa tête était entourée de bandages ; il portait un

bonnet de nuit sale et un vêtement blanc, pareil à un surplis, également sale. Il était tout à fait

défiguré ; je fus tout agitée le reste de la nuit à cause de cette apparition. Le lendemain matin

Mary vint de bonne heure dans ma chambre. je lui dis que j'étais sûre de recevoir de

mauvaises nouvelles de Joseph. Au déjeuner je répétai la même chose à toute la famille on me

répondit que ce n'était qu'un rêve, que ça n'avait pas de sens. Mais cela ne changea pas mon

opinion. Mon esprit était hanté d'appréhensions, et le 16janvier je reçus la nouvelle de la mort

de Joseph. Chose étrange, William ainsi que sa femme, qui étaient sur le lieu de l'accident,

m'ont affirmé que Joseph était habillé exactement comme je l'avais vu.

Votre mère affectionnée, Anne-E. Collyer.

Le docteur Collyer continue :

On dira sans doute que l'imagination de ma mère était dans un état maladif, mais cette

assertion n'explique pas le fait que mon frère lui ait apparu au moment exact de sa mort. Ma

mère ne l'avait jamais vu habillé comme il l'était d'après sa description, et ce ne fut que

quelques heures après l'accident que sa tête fut entourée de bandages. Mon frère William me

raconta que la tête de Joseph était presque fendue en deux par le coup, que son visage était

horriblement défiguré et que son vêtement de nuit était extrêmement sali.

Je ne peux être surpris que d'autres restent sceptiques, car les preuves que j'ai obtenues ne

pourraient être acceptées sur le témoignage d'autrui. C'est pour cela que nous devons être

indulgents envers les incrédules. Robert-H Collyer. M. D., F. C. S., etc.

Le docteur Collyer a répondu comme suit à la lettre que nous lui avons écrite :

25 Newington, Causervay, Boroug, S. E. Londres,

Le 15 mars 1884.

En réponse à votre communication, je dois maintenir que, si étranges que soient les faits

racontés dans le Spiritual Magazine de 1861, ils sont rigoureusement exacts. Comme je l'ai

affirmé dans cet article, ma mère reçut l'impression spirituelle de mon frère ,le 3 janvier 1856.

Mon père, qui est un homme de science, a calculé la différence de longitude entre Camden,

New-Jersey et la Nouvelle-Orléans, et il a établi que l'impression spirituelle s'est produite au

moment précis de la mort de mon frère. Je puis dire que je n'avais jamais cru à aucun rapport

spirituel, de même que je n'ai jamais cru que les phénomènes qui se produisent lorsque le

cerveau est excité sont des phénomènes spirituels. Depuis quarante ans je suis matérialiste, et

je suis convaincu que toutes les soi-disant manifestations spirituelles admettent une

explication philosophique basée sur des lois et des conditions physiques. Je ne désire pas faire

de théories, mais, d'après mon opinion il existait entre ma mère et mon frère, qui était son fils

favori, des liens sympathiques de parenté. Lorsque les liens furent rompus par sa mort subite,

ma mère était à ce moment, dans un état qui devait favoriser la réception du choc.

Dans le récit publié dans le Spiritual Magazine, j'ai oublié d'indiquer que, avant l’accident,

mon frère Joseph s'était retiré pour la nuit sur sa couchette; le bateau était amarré le long de la

levée au moment où il fut heurté par un autre vapeur qui descendait le Mississipi.

Naturellement, mon frère était en chemise de nuit. Aussitôt qu'on l'appela et qu'on lui dit

qu'un vapeur se trouvait tout près de son propre bateau, il courut sur le pont. Ces détails me

furent racontés par mon frère William, qui se trouvait à ce moment même sur le lieu de

l'accident. Je ne puis expliquer comment l'apparition portait des bandages, car on n'a pu en

mettre à mon frère que quelque temps après la mort. La différence de temps, entre Camden,

New-Jersey, et la Nouvelle-Orléans est à peu près de 15°, ou une heure.

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Le 3 janvier au soir, ma mère se retira de bonne heure pour la nuit, vers 8 heures, ce qui

donnerait comme heure de la mort de mon frère 7 heures (heure de la Nouvelle-Orléans).

Voici ce que rapporte M. Podmore.

Je passai chez le docteur Collyer le 25 mars 1884. Il me dit que son père, sa mère et son frère

lui avaient raconté toute l'histoire en 1857. Ils sont tous morts maintenant, mais deux sœurs

vivent encore et j'ai écrit à l'une d'elles. Le Dr Collyer était tout à fait sûr de la coïncidence

exacte des deux faits.

La note ci-après émane d'une des sœurs survivantes :

Mobile, Alabama, le 12 niai 1884.

J'habitais à Camden, New-Jersey, à l'époque de la mort de mon frère. Il habitait la Louisiane.

Sa mort fut causée par la collision de deux vapeurs sur le Mississipi. Un morceau du mât

tomba sur lui, lui fendit le crâne, ce qui causa la mort instantanément. Ma mère vit l'apparition

au pied de son lit. Elle se tint là quelque temps, la regardant et puis disparut. L'apparition était

habillée d'un long vêtement blanc, sa tête était enveloppée d'un linge blanc. Ma mère n'était

pas superstitieuse et ne croyait pas au spiritisme. Elle était tout à fait éveillée au moment de

l'apparition.

Ce n'était pas un rêve. Lorsque je la vis le lendemain matin elle me dit : " J'aurai de mauvaises

nouvelles de Joseph", puis elle me raconta ce quelle avait vu. Deux ou trois jours après, nous

apprîmes le triste accident. J'avais un autre frère, qui se trouvait sur le lieu de l'accident, et

lorsqu'il revint à la maison, je lui demandai tous les détails et comment notre frère était

arrangé. À notre grand étonnement, sa description s'accordait parfaitement avec ce que ma

mère avait vu. A.-E. Collyer

Cas du Révérend Andrew Jukes.

Upper Eglinton Road, Woolwich.

Le lundi 31 juillet 1854, j’étais à Worksop, de passage chez M. Heming, qui était alors chez

l'agent du duc de Newcastle. Au moment où je me réveillai ce matin-là (d'aucuns disaient que

je rêvais) j'entendis la voix d'un ancien camarade d'école (C. C... mort depuis un ou deux ans

au moins) me disant : Votre frère Mark et Harriet sont partis tous les deux. Ces paroles

résonnaient encore à mon oreille lorsque je me réveillai; il me semblait les entendre encore.

Mon frère et sa femme étaient alors en Amérique et tous deux se portaient bien, d'après les

dernières nouvelles reçues; mais les paroles que j'avais attendues, et qui le concernaient ainsi

que sa femme, avaient produit une impression si vive sur mon esprit que je les consignai par

écrit avant de quitter ma chambre à coucher. Je les inscrivis sur un vieux morceau de journal,

n'ayant pas d'autre papier sous la main dans ma chambre. Le même jour je retournai à Hall, et

je racontai l'incident à ma femme. En même temps, je notai le fait, qui m'avait profondément

impressionné, sur mon journal que je possède encore. Je suis aussi sûr qu'on peut l'être de

quoi que ce soit que ce que j'ai écrit dans mon journal est identique à ce que j'avais noté sur le

morceau de journal. Le 18 août (c'était l'établissement de la ligne télégraphique

transatlantique), je reçus un mot de ma belle-sœur Harriet daté du 1er août, m'annonçant que

son mari était mort du choléra après avoir prêché le dimanche, il avait eu une attaque de

choléra le lundi, et le mardi matin il était mort. Elle ajoutait qu'elle-même était malade et elle

demandait qu'on amenât ses enfants en Angleterre, au cas où elle viendrait à succomber. Elle

mourut deux jours après son mari, le 3 août. Je partis immédiatement pour l’Amérique, d'où je

ramenai les enfants.

La voix que j'avais cru entendre, et qui m'avait semblé un rêve, avait eu un tel effet sur moi

que je ne descendis pas pour déjeuner, malgré la cloche qui m'appelait. Pendant cette journée

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et les jours qui suivirent, je ne pouvais secouer cette idée. J'avais l'impression, la conviction

même très nette que mon frère était mort.

Je devrais ajouter, peut-être, que nous ignorions l'apparition du choléra dans le voisinage de la

paroisse de mon frère. Mon impression à la suite de la voix que j'avais entendue fut que lui et

sa femme avaient été enlevés par un accident de chemin de fer ou de bateau à vapeur. Il faut

remarquer qu'au moment où je crus entendre cette voix mon frère n'était pas mort. Il mourut

de bonne heure le matin suivant, soit le 1er août, et sa femme presque deux jours plus tard, le

3 août. Je n'ai pas la prétention d'expliquer ce phénomène, je le constate simplement. Mais

l'impression produite sur moi fut profonde, et la coïncidence en elle-même remarquable.

Andrew Jukes.

Cas de l'évêque de Carlisle.

Mon correspondant un étudiant de Cambridge, avait arrêté, il y a quelques années, avec un de

ses camarades d'études, le projet de se rencontrer à Cambridge à une certaine époque, pour

travailler ensemble. Peu de temps avant l'époque de ce rendez-vous, mon correspondant se

trouvait dans le sud de l'Angleterre Se réveillant une nuit, il vit ou crut voir son ami assis au

pied de son lit ; il fut surpris de ce spectacle, d'autant plus que son ami était ruisselant d'eau. Il

parla, mais l'apparition (car il semble que c'en ait été une) se contenta de secouer la tête et

disparut. Cette apparition revint deux fois durant la nuit. Bientôt après vint là nouvelle que,

peu de temps avant le moment où l'apparition avait été vue par le jeune étudiant, son ami

s'était noyé en se baignant.

Ayant appris que le correspondant de l'évêque était l'archidiacre Farler, nous nous adressâmes

à ce dernier, qui nous écrivit le 9 janvier 1884

Pampisford Vicariage. Cambridge.

La vision fut racontée le matin suivant à déjeuner plusieurs jours avant de recevoir la nouvelle

de la mort de mon ami. Je la racontai à mon professeur John Kempe à sa personne, à sa

famille. M. et Mme Kempe sont morts maintenant mais il est probable que leur famille se

souvient de la chose, bien que les enfants fussent jeunes à ce moment-là. Je demeurais à Long

Ashton, dans le comté de Somerset; mon ami mourut dans le comté de Kent. Comme je n'étais

nullement effrayé de cette vision à ce moment là, j'en ai plutôt parlé comme d'un rêve

singulier que comme d'une apparition.

Ma vision est du 2 ou 3 septembre 1878, mais je n'ai pas ici mon mémorandum pour m'en

assurer d'une manière absolue. Je revis encore la vision le 17 du même mois. C'est la seule

apparition que je n’aie jamais vue. Je n'ai jamais eu aucune espèce d'hallucination sensitive.

G.-P. Farler.

M. W.-J. Kempe nous écrit que l'archidiacre Farler lui a certainement parlé de ce fait, mais il

ne se rappelle pas exactement l'époque. D'autres membres de la famille, auxquels nous nous

sommes adressés, étaient, à l'époque, ou bien absents, ou bien trop jeunes pour qu'il leur ait

été parlé de ce fait.

Nous trouvons dans le registre des décès que l'ami du narrateur s'est noyé dans la rivière

Croush, le 2 septembre 1868.

Cas du Révérend C. C. Wambey, Paragon, Salisbury.

Avril 1884.

M. B..., avec lequel j'étais très intimement lié avant qu'il ne quitta l'Angleterre, fut nommé

professeur de mathématiques au collège Elizabeth, à Guernesey. Dix ans après environ,

j'acceptai un poste temporaire dans cette île et je renouvelai connaissance avec mon ancien

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ami. Je passai presque tous les jours une partie de ma journée avec lui pendant tout le temps

de mon séjour à Guernesey.

Après mon retour en Angleterre, je correspondis régulièrement avec lui. Dans la dernière

lettre que je reçus de lui, il me parlait de sa santé et me disait qu'il se portait

exceptionnellement bien.

Un matin je causai une vive émotion à ma femme en lui disant que le pauvre B... était mort et

qu'il m'était apparu durant la nuit. Elle tâcha de calmer mon chagrin en me suggérant que cette

apparition, ou ce que ce pouvait être, était due à une indisposition. J'avais été souffrant

pendant quelque temps.

Je répondis que j'avais reçu une nouvelle par trop certaine de la mort de mon ami.

Quelques jours plus tard, je reçus une lettre bordée de noir portant le timbre de Guernesey.

Dans cette lettre, Mme B... me disait que son mari était mort après une maladie de quelques

heures seulement et que pendant cette maladie il avait fréquemment parlé de moi.

En réponse à nos questions, M. Wambey nous dit :

J'ai eu d'autres apparitions que celle dont je viens de parler. Mon grand-père m'est apparu

durant la nuit où il mourut, mais il était dans la même maison que moi, à ce moment, et il

s'était affaibli peu à peu depuis plusieurs heures.

Le seul autre cas est l'apparition d'une figure que M. Wambey ne reconnut pas. Cette vision se

produisit un jour qu'il lisait fort tard dans la nuit, à un moment où il était surchargé de travail.

Par la lettre de sa veuve, je pus m'assurer que M. B... était mort la nuit où il m'était apparu.

J'étais éveillé lorsque j'eus la vision, je ne puis guère me tromper sur ce point. J'étais tellement

absorbé dans la contemplation de sa figure et de son regard que je ne prêtai aucune attention à

la façon dont il s'était habillé.

Mme Wambey se souvient que je lui avais raconté, le matin suivant, que j'avais vu mon ami et

que j'étais assuré de sa mort.

J'ai oublié la date à laquelle M. B... m'est apparu, je crois que c'était en 1870.

Malheureusement la partie de mon journal qui se rapporte à cette époque se trouve au garde-

meuble avec mon mobilier, et je ne puis me la procurer actuellement, je pourrais vous citer les

dates.

Nous apprenons par un fils de M. B... que son père est mort le 27 octobre 1870.

Mme Wambey confirme le fait dans la note suivante :

Salisbury, 17 mai 1884.

Mon mari, le Révérend C. C. Wambey, me dit un matin qu'il avait eu une apparition de M.

B... dans la nuit, et il m'exprima avec un grand chagrin la conviction que son ami était mort.

M. -B. Wam.Y.

Cas de Mlle Hosmer, le sculpteur célèbre.

Une jeune Italienne du nom de Rosa, qui avait été à mon service pendant quelque temps, fut

obligée de retourner chez sa sœur, à cause de son mauvais état de santé chronique. En faisant

ma promenade habituelle à cheval, j'allais la voir fréquemment. Lors de l'une de ces visites,

que je lui fis à six heures du soir, je la trouvai plus gaie qu'elle n'avait été depuis quelque

temps, j'avais abandonné depuis longtemps l'espoir de sa guérison, mais rien dans toute son

apparence ne donnait l'impression qu'il y eût un danger immédiat. Je la quittai, comptant la

revoir souvent encore. Elle exprima le désir d'avoir une bouteille de vin d'une espèce

particulière que je promis de lui apporter moi-même le lendemain matin.

Pendant le reste de la soirée, je ne me rappelle pas avoir pensé à Rosa. J'allai me coucher en

bonne santé et l'esprit tranquille. Mais je me réveillai d'un profond sommeil avec le sentiment

pénible qu'il y avait quelqu'un dans la chambre. Je réfléchis que personne ne pouvait entrer,

excepté ma femme de chambre : elle avait la clef d'une des deux portes, qui toutes deux

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étaient fermées à clef. Je distinguais vaguement les meubles de ma chambre. Mon lit était au

milieu de la pièce, un paravent entourait le pied du lit. Pensant qu'il pouvait y avoir quelqu'un

derrière le paravent, je m'écriai : Qui est là ? » Mais je ne reçus aucune réponse. A ce

moment, la pendule de la chambre voisine sonnait cinq heures : au même instant je vis la

forme de Rosa debout à côté de mon lit; et de quelque façon - je ne puis pas affirmer que ce

fut au moyen de la parole - je reçus l'impression des mots suivants venant d'elle : Adesso son

félice, son contenta » (Maintenant, je suis heureuse et contente.) Puis la forme s'évanouit.

Au déjeuner, je dis à l'amie qui partageait mon appartement avec moi: Rosa est morte. -Que

voulez-vous dire ? me demanda-t-elle, vous me disiez que vous l'aviez trouvée mieux que

d'habitude lorsque vous lui aviez rendu visite hier. »

Je lui racontai alors ce qui m'était arrivé le matin et je lui dis que j'avais la conviction que

Rosa était morte. Elle rit et me répondit que j'avais rêvé tout cela. Je lui assurai que j'étais

absolument éveillée.

Elle continua à plaisanter sur ce sujet et elle m’ennuya un peu par la persistance qu'elle

mettait à croire que j'avais fait un rêve, alors que j'étais absolument certaine d'avoir été

entièrement éveillée. Afin de résoudre la question, j'envoyai un messager pour s'informer de

l'état de Rosa. Il revint avec la réponse que Rosa était morte le matin, à cinq heures. Je

demeurais alors Via Babuino.

Ce qui précède a été écrit par Mlle Balfour d'après un récit donné par Lydia Maria Child (à

laquelle Mlle Hosmer avait raconté ce fait) au Spiritual Magazine du 1er septembre 1870 (j'ai

dicté des corrections de peu d'importance), le 15 juillet 1885. H. G. Hosmer.

Le récit fait par Mlle Child, et que Mlle Hosmer trouva exact à l'époque, donne quelques

détails supplémentaires qui tendent à établir qu'elle était bien éveillée un bon moment avant

d'avoir sa vision. Elle dit :

J'entendais dans l'appartement au-dessous de moi des bruits qui m'étaient familiers, ceux que

faisaient les domestiques en ouvrant des fenêtres et des portes. Une vieille pendule sonnait

l'heure avec des vibrations sonores ; je comptai : un, deux, trois, quatre, cinq et je résolus de

me lever immédiatement. Comme je levais ma tête de dessus l'oreiller, Rosa me regarda en

souriant à l'intérieur du rideau du lit. Je fus simplement surprise, etc...

Mlle Hosmer ne se rappelle pas la date exacte de cet incident, mais elle dit qu'il a dû se

passer, en 1856 ou 1857. La vieille dame avec laquelle elle demeurait est morte.

Cas de Mme Bishop.

Mme Bishop, née Bird, voyageur et écrivain bien connu, nous a envoyé ce récit en mars 1884

; il est presque identique à une version de seconde main qui nous avait été communiquée en

mars 1883. En voyageant dans les montagnes Rocheuses, Mlle Bird avait fait la connaissance

d'un Indien métis, M. Nugent, connu sous le nom de Mountain Jim », et elle avait pris sur lui

une influence considérable.

Le jour où je pris congé de Mountain Jim, il était très ému et très excité. J'avais eu une longue

conversation avec lui sur la vie mortelle et l'immortalité, conversation que j'avais terminée par

quelques paroles de la Bible. Il était très impressionné, mais très excité; il s'écria : Je ne vous

verrai peut-être plus dans cette vie, mais je vous verrai quand je mourrai. » Je le réprimandai

doucement à cause de sa violence, mais il répéta la même chose avec encore plus d'énergie,

ajoutant :

Et je n'oublierai jamais ces mots que vous m'avez dits, et je jure que je vous reverrai quand je

mourrai. Nous nous séparâmes sur cette phrase. Pendant quelque temps j'eus de ses nouvelles

; j'appris qu'il s'était mieux conduit, puis il était retombé dans ses habitudes sauvages, et, plus

tard, qu'il était fort malade par suite d'une blessure qu'il avait reçue dans une rixe, puis, enfin,

qu'il se portait mieux, mais qu'il formait des projets de vengeance. La dernière fois que je

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reçus de ses nouvelles, j'étais à l'hôtel Interlaken, à Interlaken (Suisse) avec Mlle Clayson et

les Ker. Quelque temps après les avoir reçues (c'était en septembre 1874), j'étais étendue sur

mon lit, un matin, vers 6 heures. J'étais occupée à écrire une lettre à ma sœur, lorsqu'en levant

les yeux je vis Mountain Jim debout devant moi. Ses yeux étaient fixés sur moi et, lorsque je

le regardai, il me dit à voix basse, mais très distinctement : Je suis venu comme j'avais promis.

Puis il me fit un signe de la main et ajouta : Adieu !

Lorsque Mlle Bessie Ker vint m'apporter mon déjeuner, nous prîmes note de l'événement, en

indiquant la date et l'heure. La nouvelle de la mort de Mountain Jim nous arriva un peu plus

tard, et la date, si l'on tenait compte de la différence de longitude, coïncidait avec celle de son

apparition. I. B...

En réponse à nos questions, Mme Bishop nous écrit qu'elle n'a jamais eu d'autre hallucination

sensorielle. Elle avait vu Mountain Jim pour la dernière fois à Saint-Louis (Colorado), le 11

décembre 1873. Il est mort à Fort Collins (Colorado). Elle espère être à même de nous

montrer les journaux où la date est rapportée; mais elle nous a écrit de l'étranger et en grande

hâte.

Nous nous sommes procurés une copie d'une déposition faite à l'enquête à Fort-Collins. De

cette pièce résulte que la mort a eu lieu le 7 septembre 1874, entre deux et trois heures de

l'après-midi. Cette heure correspondrait à dix heures du matin à Interlaken. Donc, si la vision

a eu lieu le 8 septembre, elle a suivi la mort de 8 heures mais si elle a eu lieu le 7 septembre,

la limite de 12 heures a été dépassée d'environ 4 heures.

Cas de M. Richard Searle, avocat.

2 novembre 1883.

Une après-midi, il y a quelques années, j'étais assis dans mon bureau au Temple; je rédigeais

un mémoire. Mon bureau est placé entre une des fenêtres et la cheminée; la fenêtre est à deux

ou trois mètres de ma chaise gauche; elle a vue sur le Temple. Tout à coup, je m'aperçus que

je regardais par la vitre d'en bas, qui était à peu près au niveau de mes yeux; j'apercevais la

tête et le visage de ma femme ; elle était renversée en arrière ; elle avait les yeux fermés, la

figure complètement blanche et livide comme si elle eût été morte. Je me secouai, j'essayai de

me ressaisir, puis je me levai et je regardai par la fenêtre : je ne vis que les maisons d'en face.

J'arrivai à la conclusion que je m'étais assoupi, puis endormi. Après avoir fait quelques tours

dans la chambre afin de me bien réveiller, je repris mon travail et je ne pensai plus à cet

incident.

Je retournai chez moi à mon heure habituelle, ce soir-là, et, pendant que je dînais avec ma

femme, elle me dit qu'elle avait lunché chez une amie qui habitait Gloucester Gardens et

qu'elle avait emmené avec elle une petite fille (une de ses nièces, qui habitait avec nous), mais

que, pendant le lunch ou immédiatement après, l'enfant était tombée et s'était coupé la figure.

Le sang avait jailli. Ma femme ajouta qu'elle s'était évanouie. Ce que j'avais vu par la fenêtre

me revint à l'esprit et je lui demandai à quelle heure cela était arrivé. Elle me dit que, autant

qu'elle pouvait s'en souvenir, il devait être 2 heures et quelques minutes. C'était à ce moment,

autant du moins que je pouvais le calculer (je n'avais pas regardé ma montre), que j'avais vu

l'apparition à la vitre de la fenêtre. Je dois ajouter que c'est la seule fois que ma femme se soit

évanouie. Elle était à ce moment-là mal portante, et je ne lui ai dit ce que j'avais vu que

quelques jours plus tard. J'ai raconté à l'époque cette histoire à plusieurs de mes amis. R. S.

Paul Pierrard, 27, Gloucester Gardens, W. Londres, nous écrit ce qui suit :

4 décembre 1883.

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Il peut être intéressant, pour des gens qui s'occupent spécialement de la question, d'avoir un

récit exact du fait extraordinaire qui est arrivé, il y a environ quatre ans, dans une maison de

Gloucester Gardens, W.

Des dames et des enfants s'étaient réunis chez moi une après-midi. Mme Searle, de Home

Lodge, Herne Hill, était venue avec sa petite-nièce Louise. Comme on jouait à un jeu bruyant,

et qu'on remuait beaucoup autour d'une table, la petite Louise tomba de sa chaise et se blessa

légèrement. La crainte d'un grave accident donna une vive émotion à Mme Searle, qui

s'évanouit. Le lendemain nous rencontrâmes M. Searle, qui nous dit que, la veille, dans

l'après-midi, pendant qu'il étudiait une affaire dans son bureau, 6, Pump Court, au Temple, il

avait ressenti une impression singulière et avait vu aussi distinctement que dans un miroir

l'image de sa femme évanouie. Cela lui avait semblé sur le moment très étrange.

En comparant les heures, il constata que cette vision extraordinaire avait eu lieu au moment

où sa femme s'était évanouie. Nous avons souvent cause ensemble de cet incident, sans jamais

trouver d'explication qui satisfît nos esprits, mais nous avons enregistré ce fait rare pour

lequel un nom manque encore. Paul Pierrard.

Cas de M. Gaston Fournier,

21, rue de Berlin, Paris.

16 octobre 1885.

Le 21 février 1879, j'étais invité à dîner chez mes amis, M. et Mme B... En arrivant dans le

salon, je constate l'absence d'un commensal ordinaire de la maison, M. d'E..., que je

rencontrais presque toujours à leur table. J'en fais la remarque, et Mme B... me répond que

d'E.... employé dans une grande maison de banque, était sans doute fort occupé en ce moment,

car on ne l'avait pas vu depuis deux jours. A partir de ce moment, il ne fut plus question d'E...

Le repas s'achève fort gaiement et sans que Mme B... donne la moindre marque visible de

préoccupation. Pendant le dîner nous avions formé le projet d'aller achever notre soirée au

théâtre. Au dessert, Mme B... se lève pour aller s'habiller dans sa chambre dont la porte, restée

entr'ouverte, donne dans la salle à manger. B... et moi étions restés à table, fumant notre

cigare, quand, après quelques minutes, nous entendons un cri terrible. Croyant à un accident,

nous nous précipitons dans la chambre, et nous trouvons Mme B... assise, prête à se trouver

mal.

Nous nous empressons autour d'elle, elle se remet peu à peu et nous fait le récit suivant :

Après vous avoir quittés, je m'habillais pour sortir, et j'étais en train de nouer les brides de

mon chapeau devant ma glace, quand tout à coup j'ai vu dans cette glace d'E... entrer par la

porte. Il avait son chapeau sur la tête ; il était pâle et triste. Sans me retourner je lui adresse la

parole: Tiens, d'E..., vous voilà ! asseyez-vous donc; » et, comme il ne répondait pas, je me

suis retournée et je n'ai plus rien vu. Prise alors de peur, j'ai poussé le cri que vous avez

entendu. » B...,pour rassurer sa femme, se met à la plaisanter, traitant l'apparition

d'hallucination nerveuse et lui disant que d'E... serait très flatté d'apprendre à quel point il

occupait sa pensée; puis, comme Mme B... restait toute tremblante, pour couper court à son

émotion, nous lui proposons de partir tout de suite, alléguant que nous allions manquer le

lever du rideau.

Je n'ai pas pensé un seul instant à d'E..., nous dit Mme B..., depuis que M.F... m'a demandé la

cause de son absence. Je ne suis pas peureuse, et je n'ai jamais ou d'hallucination; je vous

assure qu'il y a là quelque chose d'extraordinaire, et, quant à moi, je ne sortirai pas avant

d'avoir des nouvelles de d'E..., je vous supplie d'aller chez lui; c'est le seul moyen de me

rassurer. »

Je conseille à B... de céder au désir de sa femme et nous partons tous les deux chez d'E.... qui

demeurait à très peu de distance. Tout en marchant nous plaisantions beaucoup sur les

frayeurs de M- B...

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En arrivant chez d'E..., nous demandons au concierge: D'E... est-il chez lui? Oui, Monsieur, il

n'est pas descendu de la journée. D'E...habitait un petit appartement de garçon ; il n'avait pas

de domestique. Nous montons chez lui,, et nous sonnons à plusieurs reprises sans avoir de

réponse. Nous sonnons plus fort, puis nous frappons à tour de bras, sans plus de succès. B....

émotionné malgré lui, me dit : C’est absurde ! Le concierge se sera trompé; il est sorti.

Descendons. Mais le concierge nous affirme que d'E... n'est pas sorti, qu'il en est absolument

sûr.

Véritablement effrayés, nous remontons avec lui, et nous tentons de nouveau de nous faire

ouvrir; puis n'entendant rien bouger dans l'appartement, nous envoyons chercher un serrurier.

On force la porte et nous trouvons le corps de d'E... encore chaud, couché sur son lit et troué

de deux coups de revolver.

Le médecin, que nous faisons venir aussitôt, constate que d'E... avait d'abord tenté de se

suicider en avalant un flacon de laudanum, et qu'ensuite, trouvant sans doute que le poison

n'agissait pas assez vite, il s'était tiré deux coups de revolver à la place du cœur. D'après la

constatation médicale, la mort remontait à une heure environ. Sans que je puisse préciser

l'heure exacte, c'était cependant une coïncidence presque absolue avec la soi-disant

hallucination de Mme B... Sur la cheminée il y avait une lettre de d'E... annonçant à M. et

Mme B... sa résolution, lettre particulièrement affectueuse pour Mme B... Gaston Fournier.

Cas du Rév. F. Barker, ancien recteur de Cottenham, Cambridge.

2 juillet 1884.

Le 6 décembre 1873, vers 11 heures du soir, je venais de me coucher et je n’étais pas encore

endormi, ni même assoupi, quand je fis tressaillir ma femme en poussant un profond

gémissement, et lorsqu'elle m'en demanda la raison, je lui dis : Je viens de voir ma tante ; elle

est venue, s'est tenue à mon côté et m'a souri, de son bon et familier sourire, puis elle a

disparu. Une tante que j'aimais tendrement, la sœur de ma mère, était à cette époque à

Madère, pour sa santé; sa nièce, ma cousine, était avec elle. Je n'avais aucune raison de

supposer qu'elle était sérieusement malade à ce moment-là, mais l'impression sur moi avait été

si profonde que le lendemain je dis à sa famille (y compris ma mère) ce que j'avais vu. Une

semaine après nous apprîmes qu'elle était morte cette même nuit et, en tenant compte de la

longitude, presque au moment où la vision m'était apparue. Quand ma cousine, qui était restée

auprès d'elle jusqu'à la fin, entendit parler de ce que j'avais vu, elle dit : " Je n'en suis pas

surprise, car elle vous a appelé continuellement pendant son agonie. » C'est la seule fois que

j'aie éprouvé quelque chose de pareil. Je pense que cette histoire de première main peut vous

intéresser. Je puis seulement dire que la vive impression reçue cette nuit ne m'a jamais quitté.

Frédéric Barker.

Cas du Chevalier Sebastiano Fenzi, Palazzo Fenki,

Florence, membre correspondant de la S. P. R.

Quelques mois avant sa mort, mon frère, le sénateur Carlo Fenzi, me dit un jour, comme nous

allions ensemble de notre villa de Saint-Andréa à la ville, que, s'il mourait le premier, il

essaierait de me prouver que cette vie continue au delà de l'abîme de la tombe, et il me

demanda de lui promettre de faire ainsi au cas où je partirais le premier; mais, me dit-il, je

suis sûr de partir le premier, et, faites bien attention, je suis tout à fait sûr qu'avant que l'année

soit écoulée, ou dans trois mois, je n'existerai plus. » Cette conversation eut lieu en juin et il

mourut le 2 septembre de la même année 1881. Le jour de sa mort (2 septembre), j'étais à

quelque soixante-dix milles de Florence, à Fortullino, une villa qui nous appartenait et qui

était située sur un rocher au bord de la mer, à dix milles sud-est de Leghorn; ce matin-là, à 10

h. et demie environ, je fus saisis par un accès de profonde mélancolie; c'est une chose tout à

fait exceptionnelle pour moi qui jouis à l'ordinaire d'une grande sérénité d'esprit; je n'avais

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cependant aucune raison d'être inquiet de mon frère, qui était alors à Florence. Bien qu'il ne se

portât pas très bien, les dernières nouvelles que j'avais reçues de lui étaient très bonnes et mon

neveu m'avait écrit : L’oncle va tout à fait bien, et l'on ne peut même dire qu'il ait été

seulement malade. » Ainsi ne pouvais-je m'expliquer cette soudaine impression de tristesse;

cependant les larmes me venaient aux yeux et, pour éviter de me mettre à pleurer comme un

enfant devant toute ma famille, je m'élançai hors de la maison sans prendre mon chapeau,

quoique le vent soufflât en tempête et que la pluie tombât par torrents. Le ciel était illuminé

d'éclairs et l'on entendait les rugissements éclatants et continus de la mer et du tonnerre. Je

courus longtemps et je ne m'arrêtai que lorsque j'eus atteint le bout d'une grande pelouse d'où

l'on pouvait voir, de l'autre côté d'une petite rivière, la Fortulla, de grands rochers entassés les

uns sur les autres et s'étendant pendant un bon demi-mille le long de la côte. Je cherchai alors

des yeux un jeune homme, mon cousin, qui était né dans le pays des Zoulous et qui avait

gardé assez d'amour pour la vie sauvage, pour avoir cédé au désir de sortir par ce temps

affreux afin de jouir, disait-il, de la fureur des éléments. Jugez de ma surprise et de mon

étonnement quand, au lieu de Giovanni (c'est le nom de mon cousin), je vis mon frère avec

son chapeau haut et ses grosses moustaches blanches. Il marchait tranquillement de roc en

roc, comme si le temps avait été beau et calme.

Je ne pouvais en croire mes yeux, et cependant c'était lui. C'était lui à ne s'y point tromper.

J'eus d'abord l'idée de courir à la maison et d'appeler tout le monde pour lui souhaiter

cordialement la bienvenue, mais j'aimai mieux l'attendre et j'agitai la main en l'appelant par

son nom aussi fort que je le pouvais. Mais on ne pouvait cependant rien entendre à cause du

bruit terrible que faisaient, en se mêlant la mer, le vent et le tonnerre. Il continuait cependant à

avancer lorsque tout à coup, ayant atteint un rocher plus grand que les autres, il disparut

derrière lui. La distance entre le rocher et moi n'était pas, autant que j'en puis juger, supérieure

à 60 pas. Je m'attendais à le voir reparaître de l'autre côté, mais il n'en fut rien; je ne vis que

Giovanni qui, juste à ce moment, sortait d'un bois et grimpait sur les rochers. Giovanni, grand

et mince, avait un chapeau à larges bords, une barbe noire et ne ressemblait pas du tout à mon

frère; je pensai que si j'avais vu mon frère Charles, cela devait tenir à quelque hallucination. ..

J'en fus troublé et je rougis presque à l'idée que j'avais pu être trompé par une sorte de

fantôme créé par ma propre imagination; cependant je ne pus m'empêcher de dire à Giovanni :

Il doit y avoir entre vous quelque ressemblance de famille, car je dois positivement vous avoir

pris pour Charles, bien que je ne puisse comprendre comment vous êtes allé de derrière ce

grand rocher dans le bois sans que je vous aie vu passer. - Je ne suis point allé derrière ce

rocher, dit-il, car lorsque vous m'avez vu je ne faisais que mettre le pied sur les rochers. »

Nous rentrâmes alors à la maison, et, après avoir mis des vêtements secs, nous rejoignîmes le

reste de la famille qui déjeunait. Ma mélancolie m'avait quitté et je causai joyeusement avec

tous les jeunes gens qui étaient là. Après déjeuner, il arriva un télégramme qui nous priait de

rentrer en toute hâte à la maison, ma fille Christine et moi, parce que Carlo s'était trouvé tout à

coup fort mal. Nous fîmes nos préparatifs de départ. Pendant ce temps il arriva un autre

télégramme qui nous disait de nous hâter autant que possible parce que la maladie faisait de

rapides progrès.

Mais, bien que nous eussions pris le premier train, nous n'arrivâmes à Florence qu'à la nuit; et

là nous apprîmes, à notre profonde horreur, que juste au moment où le matin je l'avais vu sur

le rocher, il sentait que ses instants étaient comptés et qu'il m'appelait continuellement, désolé

de ne pas me voir. J'embrassai son front glacé avec un profond chagrin, car nous avions

toujours vécu ensemble et nous nous étions toujours aimés. Et je pensai : Pauvre cher Charles,

il a tenu sa parole !... Sébastiano Fenzi.

Le Giovanni, cousin du chevalier Fenzi, par une lettre adressée d’Athènes, datée du 3 mai

1884, confirme en tous points le récit de son parent :

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Mon cousin Sébastiano Fenzi de Florence m'a envoyé votre lettre du 13 mars dernier en me

priant de vous raconter les circonstances étranges qui ont accompagné la mort de son frère

Carlo Fenzi, en septembre 1881, circonstances qui ont fait et qui ont laissé une profonde

impression sur mon esprit.

Je vais essayer de vous raconter toute l'affaire; il y a de cela près de trois ans, c'est vrai, mais

cet événement est si étrange que j'en ai gardé un clair souvenir.

Comme j'étais en Italie, dans l'automne de 1881, j'en profitai pour faire visite à mes parents.

J'appris à Milan que la plus grande partie de ma famille était à Fortullino, la villa que

possédait mon cousin au bord de la mer. Fortullino est une charmante villa située à la crête

d'une falaise et entourée d'arbres et de buissons touffus. J'arrivai chez mon cousin dans les

derniers jours d'août. Le temps au commencement de mon séjour fut fort mauvais ; la mer

était grosse, il pleuvait, il tonnait sans cesse. Je me souviens que, le matin de la mort de mon

cousin Charles (personne ne pensait alors que sa fin fût si proche), je cédai à ma faiblesse

favorite et je sortis seul pour faire une course le long du rivage; je descendis jusqu'à la grève

et, sautant de rocher en rocher, tantôt grimpant, tantôt tournant des rocs trop élevés, j'allai

jusqu'à un coude du rivage qui me cachait la villa.

Comme je revenais pour le déjeuner, je fus aveuglé par la pluie que le vent me chassait dans

le visage, et craignant un accident, j'entrai dans le bois ; mais le fourré était si touffu et le sol

si mouillé que je me décidai à continuer ma course à découvert. Je sortis du bois en face de la

maison ; à ma grande surprise, je vis mon cousin debout au bord de la falaise. Quand je fus

auprès de lui, il me dit qu'il devait y avoir entre nous un air de famille bien singulier, car il

m'avait pris pour son frère Carlo, mais qu'il ne comprenait pas comment, étant sur le rocher,

j'avais pu entrer dans le bois sans qu'il me vit, et en sortir si brusquement. Je lui répondis qu'il

ne m'avait pas vu sur le rocher avant ma sortie du bois, car j'étais alors hors de sa vue; puis

nous ne parlâmes plus de cela. On finissait à peine de déjeuner, lorsqu'il arriva un télégramme

priant mon cousin et sa fille de se rendre à Florence. Carlo était très malade. Ils partirent de

suite et je restai, sur sa demande, à Fortullino avec le reste de la famille. Nous apprîmes

bientôt que Carlo Fenzi était mort à peu près au moment où Sébastiano s'était imaginé m'avoir

pris pour son frère. John Douglas De Fenzi

Cas du docteur Nicolas, comte Gonemys, Corfou.

février 1885.

En 1869, j'étais médecin major dans l'armée grecque. Par ordre du ministère de la Guerre, je

fus attaché à la garnison de l'île de Zante. Comme j'approchais de l'île où j'allais occuper mon

nouveau poste (j'étais à une distance du rivage d'environ deux heures), j'entendis une voix

intérieure me dire sans cesse en italien: Va voir Volterra ». Cette phrase fut répétée si souvent

que j'en fus étourdi. Quoique, en bonne santé en ce moment, je fus alarmé par ce que je

croyais une hallucination auditive. Rien ne me faisait penser au nom de M. Volterra, qui

habitait à Zante, et que je ne connaissais même pas, bien que je l'eusse vu une fois, dix ans

auparavant. J'essayai de me boucher les oreilles, de causer avec mes compagnons de voyage,

rien n'y fit, la voix continua de se faire entendre de la même manière. Enfin nous atterrîmes;

j'allai droit à l'hôtel, et je m'occupai de défaire mes malles; mais la voix ne cessait de me

harceler. Un peu plus tard, un domestique entra, et me prévint qu'un monsieur était à la porte

et désirait me parler de suite. Qui est-ce ? demandai-je. - M. Volterra », me répondit-on. M.

Volterra entra, tout en larmes, en proie au désespoir, et me suppliant de le suivre, de voir son

fils, qui était très malade. Je trouvai le jeune homme en proie à la folie et au délire, nu dans

une chambre vide, et abandonné par tous les médecins de Zante, depuis cinq ans. Son aspect

était hideux, et rendu plus affreux par des accès continuels, accompagnés de sifflements, de

hurlements, d'aboiements, et d'autres cris d'animaux., Quelquefois, il se tordait sur le ventre,

comme un serpent ; d'autres fois A tombait sur les genoux, dans une extase ; parfois il parlait

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et se querellait avec des interlocuteurs imaginaires. Les crises violentes étaient parfois suivies

de syncopes prolongées et complètes. Lorsque j'ouvris la porte de sa chambre, il s'élança sur

moi avec furie, mais je restai immobile, et le saisis par le bras, le regardant fixement. Au bout

de quelques instants, son regard perdit de sa force; il se prit à trembler et tomba à terre, les

yeux fermés. Je lui fis des passes magnétiques, et en moins d'une demi-heure il était dans un

état somnambulique. La cure dura deux mois et demi, durant lesquels j'observai plus d'un

phénomène intéressant. Depuis sa guérison, le patient n'a plus eu de rechute. »

Une lettre de M. Volterra au comte Gonémys, datée de Zante le 7 juin 1885, contient une

confirmation complète de ce qui est raconté plus haut et qui a trait à la famille Volterra. La

lettre conclut ainsi:

Avant votre arrivée à Zante, je n'avais aucune relation avec vous, quoique j'aie passé bien des

années à Corfou comme député de l'Assemblée législative; nous ne nous étions jamais parlé,

et je ne vous avais jamais dit un mot de mon fils. Comme je l'ai déjà dit, nous n'avions jamais

pensé à vous, ni demandé votre aide, jusqu'à ce que j'aie été vous voir lorsque vous êtes venu

à Zante comme médecin militaire et que je vous aie supplié de sauver mon fils.

Nous devons sa vie d'abord à vous, puis au magnétisme. Je crois de mon devoir de vous

affirmer ma reconnaissance sincère et de signer votre bien affectueux et bien reconnaissant,

Demetrio Volterra, comte Crissoplevri.

Signatures additionnelles :

Laura, Volterra (femme de M. Volterra),

Dionisio D. Volterra, comte Crissoplevri,

Anastasio Volterra, le malade guéri.

C. Vassapoulous (come testimonio),

Demetrio, comte Guerino (confermo),

Lorenzo T. Mercati. »

Nous connaissons plusieurs cas inédits de télépathie que nous regrettons de ne pouvoir donner

à cause du cadre restreint de notre travail. Cependant, nous citerons le cas de Louis Jacolliot,

parce qu'il démontre bien que le percipient n'a nul besoin d'être un sensitif ou un déséquilibré,

comme d'aucuns disent, pour que l'hallucination véridique se produise.

Tous ceux qui ont connu l’éminent écrivain savent combien il avait l'âme forte.

Louis Jacolliot, quoique mort relativement jeune, était doué d'une volonté de fer et d'un

tempérament d'acier : il n'était donc point prédisposé aux hallucinations; d'ailleurs, celle que

nous faisons connaître est la seule qu'il ait eue dans le cours de son existence.

Ce hardi voyageur, quand il était magistrat à Chandernagor, se livrait à de fréquentes battues

dans les Jungles.

Dans une de ses chasses au tigre, une nuit, pendant qu'il dormait tranquillement dans son

hamac, il fut secoué violemment, ce qui le réveilla. Surpris et ne comprenant point la cause de

cette secousse, il regarda tout autour de lui sans rien apercevoir de suspect. Il se disposait à se

rendormir, lorsque, à nouveau, son hamac fut agité. Cette fois, croyant à un danger

quelconque, il saute de son hamac, prend sa carabine, l'arme et regarde en tous sens ; mais,

son examen n'ayant pas plus de succès que la première fois, voyant que tout était calme, il se

mit à réfléchir sur cet incident.

A peine deux minutes s'étaient écoulées qu'il perçoit nettement une voix l'appeler deux fois

par son prénom. A cet appel, il lève la tête et voit, en face de lui, son père, qui lui faisait des

signes d'adieu. A cette vue un léger tremblement nerveux l'agita des pieds à la tête.

Louis Jacolliot ne négligeait jamais de prendre des notes. Il consulta sa montre: elle marquait

minuit 35.

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Peu de temps après, le courrier de France lui apporta une lettre de sa sœur aînée dans laquelle

elle lui apprenait la mort de leur père.

D'après ses calculs, le fils constata que la mort de son père coïncidait exactement avec le jour

et l'heure de l'apparition.

Nous tenons ce récit de Louis Jacolliot lui-même et, quoique nous ayons égaré, depuis plus de

dix ans, le document qu'il nous remit et où tous les détails du fait étaient consignés, nous ne

croyons pas inutile, à cause de l'importance du personnage, de le rapporter.

Récit fourni par le Rév. W. Stainton Moses.

Il y a deux ans environ, W. L ... quitta l’Angleterre pour l'Amérique. Neuf mois après, il se

maria, il espérait amener sa femme dans son pays pour la présenter à sa mère, qu'il aimait

tendrement. Le 4 février il tomba malade subitement ; il mourut le 12 du même mois, vers 8 h.

du soir. Cette nuit-là, environ trois quarts d'heure après que les parents de W. L... étaient allés

se coucher, la mère entendit clairement la voix de son fils lui parler ; son mari, qui entendit

aussi cette voix, demanda à sa femme si c'était elle qui parlait, ni l'un ni l'autre ne s'étaient

endormis, et elle répondit. Non, reste tranquille. La voix continua :

Comme je ne puis venir en Angleterre, Mère, je suis venu te voir. Les deux parents croyaient

à ce moment leur fils en bonne santé en Amérique, et attendaient chaque jour une lettre

annonçant son retour à la maison. Ils prirent note de cet incident qui les avait beaucoup

frappés et, lorsqu'une quinzaine plus tard la mort du, fils arriva, ils virent qu'elle correspondait

avec la date à laquelle la voix de l'esprit avait annoncé sa présence en Angleterre. La veuve

déclara que les préparatifs du départ étaient presque terminés à ce moment-là, et que son mari

était très désireux d'aller en Angleterre voir sa mère.

Cas de Mme Cox, Summer Hill, Queenstown, Irlande.

26 décembre 1883.

Dans la nuit du 21 août 1869, entre 8 et 9 heures, j'étais assise dans ma chambre à coucher,

dans la maison de ma mère, à Devonport. Mon neveu, un garçon, de sept ans, était couché

dans la pièce voisine, je fus très surprise de le voir entrer tout à coup en courant dans ma

chambre ; il criait d'un ton effrayé : Oh ! Tante je viens de voir mon père tourner autour de

mon lit ! Je répondis : Quelle bêtise ! Tu as dû rêver. » Il dit : Non, je n'ai pas rêvé, et il refusa

de retourner dans sa chambre. Voyant que je ne pouvais lui persuader d'y rentrer, je le mis

dans mon lit.

Entre 10 et 11 heures, je me couchai. Une heure après environ, je crois, je vis distinctement,

en regardant du côté de l'âtre, à mon grand étonnement, la forme de mon frère assise sur une

chaise, et, ce qui me frappa particulièrement, ce fut la pâleur mortelle de sa figure (mon neveu

à ce moment était tout à fait endormi). Je fus si effrayée (je savais qu'alors mon frère était à

Hong-Kong) que je me cachai la tête sous les couvertures. Peu après, j'entendis nettement sa

voix m'appeler par mon nom ; mon nom fut répété trois fois. Lorsque je regardai, il était parti.

Le lendemain matin, je dis à ma mère et à ma sœur ce qui était arrivé, et je dis que j'en

prendrais note, ce que je fis. Le courrier suivant de Chine nous apporta la triste nouvelle de la

mort de mon frère ; elle avait eu lieu le 11 août 1869, dans la rade de Hong-Kong, subitement

(par suite d'insolation). Minnie, Cox.

Nous avons reçu de l'Amirauté la confirmation officielle de la date de la mort.

Ces deux observations d'hallucination collective ne sont pas isolées, loin de là. D'autres où des

animaux domestiques ont vu, entendu et senti comme les humains ne sont pas rares. Nous

répétons que des milliers de cas ont été enregistrés et scrutés par des hommes de science et

que, aujourd'hui, nier ce phénomène c'est nier la lumière du jour.

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Chapitre XII - Spiritisme

Depuis 1878, lorsque l'occasion s’est présentée, et que nos occupations nous l’ont permis,

nous avons étudié les manifestations dites spirites. Nous avons assisté à de nombreuses

séances et nous avons fait beaucoup d'expériences personnelles, ce qui nous autorise, en

connaissance de cause, à faire connaître notre opinion sur ce sujet troublant.

Avant cette époque, nous avions, comme tant d'autres, des préventions sur ces fameux

phénomènes spirites, vantés par quelques-uns, décriés par le plus grand nombre ; aussi,

refusions-nous toujours d'assister à des séances où l'on invoquait les âmes des morts.

En octobre 1878, nous trouvant en villégiature chez Mme la Marquise de F.... à Orange,

Vaucluse, nous fûmes témoin, pour la première fois, des soi-disant manifestations des

habitants d'outre-tombe.

Mlle de F... était médium et, un soir, après le dîner on fit danser la table. Le début de la séance

nous laissa absolument froid, alors que d'autres assistants étaient émerveillés, parce que nous

pensions que les personnes qui formaient la chaîne, leurs mains appuyées sur le meuble, la

poussaient ou le tiraient consciemment ou inconsciemment dans diverses directions. Mais 20

ou 25 minutes après le début de la séance, la table se souleva presque du sol et frappa de si

étrange façon qu'elle attira notre attention. Nous constatâmes, dans le cours de cette séance,

que, à défaut d'esprit, il y avait là réellement une force quelconque que nous eûmes, dès lors,

le désir de connaître.

Un de nos amis, fervent spirite, possédait une bibliothèque assez complète. En peu de temps,

nous dévorâmes tout ce qu'il possédait sur la matière, et nous recherchâmes ces séances au

lieu de les fuir.

Pendant l'hiver de 1878-1879, nous assistâmes régulièrement aux réunions de deux groupes

spirites. Eh bien, malgré tout ce que nous avions vu durant ce laps de temps, malgré tout ce

que nous avions lu en faveur du spiritisme, nous n'étions point convaincu de la présence des

esprits dans ces manifestations.

Les spirites allégueront que nous avions une forte dose de scepticisme, un parti pris invétéré :

nous n'avons jamais eu d'idée préconçue pour quoi que ce soit.

Pendant quatre ans, nous ne pûmes étudier que des phénomènes insignifiants, les uns

provenant d'une pression des mains, plus ou moins volontaire, exercée sur la table par les

opérateurs ; les autres attribuables à l'électricité animale : nous connaissions le cas d'Henriette

Cottin et d'autres semblables. Alexandre Aksakof n'avait point encore écrit Animisme et

spiritisme.

Nous avions également expérimenté ce que les spirites appellent l'écriture automatique, qui se

produit soit par le moyen d'une planchette à roulettes, soit par une corbeille, soit le crayon

seul tenu par le médium, sans obtenir des résultats plus, satisfaisants.

En 1883, à Marseille, nous eûmes la bonne fortune de rencontrer, en Mme M.... un véritable

médium : nous obtînmes, à notre domicile, pendant plus de trois mois, de remarquables

phénomènes, que nous ferons connaître dans ce chapitre, et qui orientèrent nos idées dans une

autre direction. Depuis, nous nous sommes vivement intéressé à cette question.

Aujourd'hui, notre conviction sur les phénomènes spirites est faite, et si nous sommes encore

éloigné des théories émises par les diverses écoles spiritualistes, nous admettons les faits

comme réels, indiscutables.

Laissons de côté les faux médiums, les imitateurs, les truqueurs. (Louis Jacolliot, sous le

pseudonyme du Dr Fhilyps, a écrit la Fin du monde des esprits, livre dans lequel tous les trucs

sont dévoilés. Ces trucs sont faciles à démasquer, mais nous déplorons que cet auteur attribue

tous les faits spirites à la supercherie.) Ne nous occupons que des faits réels de l'animisme et

du spiritisme ; mais que l'on sache bien aussi que souvent les vrais médiums trichent

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également ; forcent en quelque sorte le phénomène, lorsqu'il ne se produit pas. Que l'on ne

perde pas de vue non plus que neuf fois sur dix c'est le phénomène animique qui se présente :

il faut apprendre à le différencier, malheureusement nombreux sont les spirites fanatiques qui

s'imaginent obtenir toujours des manifestations célestes, et malin serait celui qui voudrait les

éclairer ! Nous avons essayé quelquefois, mais nous prêchions dans le désert.

Ainsi que nous l'avons dit au début de ce travail, sauf quelques-uns de vraiment instruits, de

compétents, qui ne prennent point leurs rêves ou leurs désirs pour des réalités, qui savent,

dans leurs expériences, employer la méthode scientifique, les spirites, en général, par leurs

affirmations puériles, portent un préjudice considérable à la vérité qu'ils veulent propager,

soutenir et défendre.

Nous savons, nous le répétons encore, que les spirites sont de bonne foi, mais leur bonne foi

ne suffit pas à justifier leurs grossières erreurs. La plupart, n'ayant que des liens très éloignés

avec les sciences, ne tiennent aucun compte des observations de ceux qui, plus habitués aux

manipulations de physique, attribuent ces faits à une cause autre que celle invoquée par les

partisans de Kardec.

Lorsqu'on peut naturellement expliquer un phénomène peu ou pas connu, lors même qu'il sort

du domaine de nos connaissances, il n'est point nécessaire de l'attribuer au surnaturel.

Un homme de science ne sera point satisfait et sera loin d'approuver des communications

idiotes d'Alexandre le Grand, de César, du Christ, de la Sainte Vierge, de saint Vincent de

Paul, de Napoléon 1er, de Victor-Hugo, etc..., que soutiennent exactes une foule de pseudo-

médiums.

L'abus des grands noms est détestable, car il fait naître le scepticisme.

Nous avons souvent démontré à ces médiums qu'ils se trompaient, en posant, aux soi-disant

esprits présents, des questions qu'ils devaient connaître ; mais que les médiums ignoraient.

Ainsi, par exemple, Napoléon 1er ne se souvenait plus de Waterloo ; saint Vincent de Paul ne

savait plus un mot de latin ; Le Dante ne comprenait pas l'italien ; Lamartine, Alfred de

Musset étaient incapables d'accoupler deux vers.

Prenant ces esprits en flagrant délit d'ignorance et faisant toucher la vérité du doigt à ces

médiums, pensez-vous que nous ébranlions leur conviction ? Non, car l'esprit guide soutenait

que nous étions de mauvaise foi et que nous cherchions à empêcher une grande mission de

s'accomplir, mission dévolue à son médium.

Nous avons connu plusieurs de ces grands missionnaires qui ont terminé leur mission dans

des maisons spéciales !...

Cependant, nous devons reconnaître que les spirites ont eu l'honneur d'attirer l'attention de

quelques savants. Dans plusieurs pays, notamment en Angleterre, des investigateurs

compétents ont pu, après de nombreuses expériences, différencier les faits, les classer et,

comme les premiers, affirmer la réalité de certains de ces faits, inexplicables par les agents

physiques connus.

Les travaux de ces investigateurs ont amené un assez grand nombre de savants modernes à ces

recherches et, comme leurs devanciers, ils n'hésitent pas à pénétrer dans ce champ

insuffisamment exploré. Aussi, sommes-nous persuadéS que, dans un avenir plus ou moins

éloigné, la psychologie expérimentale établira une science nouvelle, aussi exacte que celles

existantes, sortira tous les faits extra-naturels du chaos actuel et créera la science psycho-

physiologique.

Avant de passer en revue les principaux phénomènes animiques et spiritiques nous allons

indiquer le modus operandi ordinairement employé pour l'obtention de ces phénomènes.

On se sert habituellement d'une table quelconque, mais légère autant que possible et en bois,

quelques personnes, quatre ou cinq au plus, se placent autour du meuble et appliquent leurs

mains dessus, en formant la chaîne, c'est-à-dire en faisant toucher leurs doigts, On peut ne pas

se mettre en contact par les doigts, la table étant suffisante pour établir la chaîne. La position

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des mains est indifférente et ne gène point le phénomène, lorsqu'il doit se produire. La

lumière doit être faible et les expérimentateurs peuvent causer jusqu'à la production des

premières manifestations, afin d'obvier un peu à la monotonie de cette position d'attente qu'il

faudra garder plus ou moins longtemps, car ce n'est quelquefois qu'au bout d'une demi-heure

qu'un effet se produit. Cesser la conversation lorsqu'un bruit quelconque : grattement,

craquement ou légers coups, se fait entendre afin de ne rien perdre du phénomène et de suivre

sa marche.

En procédant de la façon suivante, nous avons, chaque fois, obtenu quelque résultat.

Dans une société un peu nombreuse, nous faisons, sur les assistants, par notre procédé

neuroscopique, une sélection. Ces préliminaires achevés, nous formons une sorte de batterie

électrique humaine.

Les personnes qui réagissent à notre action sont intercalées entre celles qui n'éprouvent

aucune sensation.

Analogiquement, nous prenons les sensitifs comme pôle négatif et les asensitifs comme pôle

positif. La chaîne commencée par un sensitif se termine par un asensitif, les pôles de nom

contraire du début et de la fin étant libres, les autres en contact. Avec ce dispositif, après une

attente qui varie de cinq à trente minutes, on obtient toujours des effets.

Lorsque nous jugeons l'entraînement suffisant, nous relions la personne la plus

impressionnable de la société à cette batterie humaine, et les effets augmentent rapidement en

intensité.

Nous ne voulons point donner une supériorité à notre méthode, nous conseillons seulement de

l'essayer, persuadé qu'elle donnera satisfaction aux expérimentateurs.

Ordinairement, après un quart d'heure d'imposition des mains sur la table, des petits coups

sourds se produisent, suivis bientôt de coups secs, plus nets, comme de légères décharges

électriques. Ces coups deviennent plus forts, plus précipités au fur et à mesure de leur

production.

Souvent, ce sont des craquements, des oscillations presque insensibles de la table qui

augmentent progressivement et arrivent à faire basculer le meuble ; puis, la table tourne ou

elle frappe d'un de ses pieds.

Tous ces effets ne sont point dus à l'action d'un esprit, mais bien à l'électricité animale

dégagée parles opérateurs.

À ce moment, on interroge la table, on la fait parIer : deux coups veulent dire non, un coup

oui ; puis un assistant épelle les lettres de l'alphabet et la table frappe la lettre qu'on doit

assembler aux précédentes pour former des mots et des phrases : on peut établir toutes sortes

de conventions, pour converser avec le meuble.

Le plus souvent, dans ces séances, on n'obtient qu'une sorte d'imbroglio : parfois, quelques

phrases correctes surgissent. Cet imbroglio est impliqué, par les fervents du spiritisme, aux

mauvais esprits, et alors en avant la prière, les conjurations, les passes dégageantes, pour

chasser les mauvais esprits et leur mauvais fluide.

La cause de tout cela est pourtant bien simple, pour ceux qui connaissent la question,

puisqu'elle émane de nous et que ce ne sont que des effets animiques.

Qu'on n'oublie pas qu'un sensitif, même éveillé, peut voir à distance et sentir ce que ne

peuvent voir ni sentir les asensitifs.

A ce sujet, il est aisé de se documenter dans les Annales des sciences psychiques du docteur

Dariex ; dans les Hallucinations télépathiques de MM. Gurney, Myers et Podmore, et dans

Animisme et spiritisme d'Alexandre Aksakof.

On sait que les vrais médiums sont rares et que même ceux-là, dans certaines conditions, ont

une tendance à forcer le phénomène, à tricher : on a pris plusieurs de ceux qui en font métier,

au moment où ils fraudaient.

Les faux médiums sont très nombreux, surtout en Amérique, berceau du spiritisme.

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Mais autour de ces médiums vrais ou faux gravitent des milliers d'autres médiums s'attribuant

des facultés diverses et personnelles : les typtologues, les écrivains, les intuitifs, les voyants,

les auditifs, les guérisseurs, etc., etc.

Tout le monde, parait-il, est plus ou moins médium : on n'a qu'à développer cette faculté

latente. Quelle erreur, quelle aberration cérébrale ! Voilà pourtant ce que certains livres

spirites affirment.

Ne montons pas si vite au septième ciel, restons un peu sur la terre et nous verrons plus

clairement la vérité, nous la comprendrons mieux.

Au fruit, on reconnaît l'arbre, dit-on. Examinons sans enthousiasme, froidement, les

communications obtenues quelles qu'elles soient, différencions-les surtout, et nous

constaterons que quatre-vingt-dix fois sur cent elles sont banales et ne dépassent point le

niveau intellectuel des assistants.

Les mêmes personnes se réunissant régulièrement ne tardent pas à s'entraîner, à s'harmoniser,

et les communications provoquées augmentent peu à peu d'intensité, mais ne dépassent pas,

nous le répétons, leur niveau intellectuel ; elles créent ainsi une sorte d'intelligence mixte

éphémère qui obéit à leurs desiderata.

Mais là encore, point d'entité étrangère, point d'esprit de mort : animisme toujours.

Ces importants phénomènes animiques ne sont pas connus de tous les spirites, mais ils sont

encore plus ignorés des savants, du moins de ceux qui portent ce qualificatif, à quelques rares

exceptions près ; il est donc urgent de les indiquer, d’insister sur leur fréquence, pour mettre

en garde les chercheurs non inféodés à une doctrine quelconque, et inviter les croyants à ne

pas confondre, à ne pas prendre l'erreur pour la vérité.

Lorsqu'on se trouve en présence d'un phénomène transcendant, le doute ne peut persister dans

l'esprit de celui qui est accoutumé à ces sortes d'expériences, la différence est si grande qu'on

ne peut confondre ces faits avec ceux de l'animisme : nous pensons prouver ce que nous

avançons.

Première série de faits

Animisme.

Les divers phénomènes télépathiques, que nous avons étudiés dans le chapitre précédent,

rentrent dans le cadre de l'animisme ; d'autres, très nombreux, que nous allons examiner, sont

dans le même cas.

Aksakof, un des premiers, sinon le premier, a su reconnaître ces faits et a pu les classer

méthodiquement, rationnellement.

Voici sa classification :

1° Action extracorporelle de l'homme vivant, comportant des effets psychiques, (phénomènes

de la télépathie, impressions transmises à distance) ;

2° Action extracorporelle de l'homme vivant comportant des effets physiques (phénomènes

télécinétiques - transmission de mouvement à distance) ;

3° Action extracorporelle de l'homme vivant sous forme de l'apparition de son image

(phénomènes téléphaniques - apparition du double) ;

4° Action extracorporelle de l'homme vivant se manifestant sous forme de l'apparition de son

image avec certains attributs de corporéité (phénomènes téléplastiques - formation de corps

matérialisés).

Nous extrayons de l'ouvrage si documenté du savant russe Animisme et spiritisme quelques

cas de chacune de ces catégories, afin que le lecteur puisse juger en connaissance de cause, ne

trouvant point dans la littérature spirite française l'impartialité et la compétence rencontrées

chez cet auteur.

1re Catégorie. - Cas de Mlle Barbe Pribitkoff.

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En 1860, je passais l'été au village de BélayaKolp (près de Moscou), qui est la propriété du

prince Schahovskoy. Sa belle-mère, la princesse Sophie Schahovskoy, avait pris l'habitude de

traiter par l'homoeopathie les malades des environs.

Un jour, on lui amena une petite fille malade. Indécise quant au remède qu'elle devait lui

administrer, la princesse eut l'idée de demander, au moyen de la table, un conseil au Dr

Hahnemann. Je protestai énergiquement contre l'idée de traiter un malade suivant les

indications d'un être que l'on ne saurait identifier. On insista et, malgré mon opposition, on

réussit à m'installer devant la table, avec Mlle Kovaleff, une pupille de la princesse

Schahovskoy. (Je ne croyais pas alors à l'homéopathie et estimais que, dans les cas graves,, il

fallait transporter tout malade chez le médecin de la ville.) En dépit de cette opposition

intérieure, - car je m'abstenais de l'étendre jusqu'à l'activité de mes mains - le pied de la table

épela, au moyen de coups, le nom de Hahnemann, ce dont je fus fort contrariée, et je fis des

vœux intimes pour qu'il refusât de formuler un conseil. Et juste, la phrase dictée fut qu'il ne

pouvait pas donner de conseil. La princesse se fâcha à son tour ; elle attribua ce refus à mon

opposition et m'éloigna de la table. Je ne puis dire qui me remplaça, si ce fut la princesse elle-

même ou une autre personne. Je m'assis auprès de la fenêtre à quelques pas de la table, et

m'efforçai, par une concentration de toute ma volonté, à faire reproduire par la table une

phrase que je formulai mentalement. La princesse demanda alors pourquoi Hahnemann ne

pouvait pas donner de conseil ». La réponse fut (en français) - Parce que je suis devenu un

insensé en fait de médecine, du jour où j'ai inventé l'homéopathie. » Je dictai cette phrase en

faisant appel à toute ma force de volonté et concentrant ma pensée successivement sur

chacune des lettres qui devaient venir. Je me rappelle bien que pas une seule erreur ne fut

commise au cours de la transmission de cette phrase. A peine la dictée fut-elle terminée que je

ressentis un violent mal de tête. »

Ce fait prouve bien que lorsqu'on expérimente avec la table, le plus souvent, quand les

mouvements ne sont pas le résultat d'une pression plus ou moins inconsciente - on a

ordinairement une tendance à aider le phénomène - exercée dans un sens ou dans un autre par

les opérateurs trop soucieux d'obtenir des communications, l'action mentale de l'un ou de

plusieurs des assistants est la seule cause des effets produits.

Cas de l'écrivain russe, Wsevolod Solovioff

C'était au commencement de l'année 1882. Je m'occupais, à cette époque, d'expériences de

spiritisme et de magnétisme, et, depuis quelque temps, j'éprouvais une étrange impulsion qui

me poussait à prendre un crayon dans la main gauche et à écrire ; et, invariablement, l'écriture

se faisait très rapidement et avec beaucoup de netteté, en sens inverse : de droite à gauche, de

sorte qu'on ne pouvait la lire qu'en la tenant devant une glace ou contre le jour. Un soir que je

m'étais attardé dans une conversation avec des amis, je ressentis à deux heures du matin ce

désir irrésistible d'écrire. Je pris le crayon et priai une dame de mes amies, Mme P.... de le

tenir en même temps ; nous nous mimes ainsi à écrire tous les deux à la fois. Le premier mot

fut Véra. À notre question : Quelle Véra ? Nous obtînmes par écrit le nom de famille d'une

jeune parente à moi, avec la famille de laquelle j'avais récemment renoué des relations, après

une interruption assez prolongée. Nous en fûmes étonnés, et, pour être bien sûrs de ne pas

nous tromper, nous demandâmes : Est-ce vraiment Vera M... ? » Nous reçûmes cette réponse

: Oui. Je dors, mais je suis ici : et je suis venue pour vous dire que nous nous verrons demain

au jardin d'été. » Alors j'abandonnai le crayon et nous nous séparâmes là-dessus.

Le lendemain, vers 1 heure, je reçus la visite du poète Maïkoff ; à 2 heures et demie, il prit

congé ; je lui offris de l'accompagner et nous sortîmes ensemble reprenant la conversation

interrompue. Je le suivais machinalement. Je demeurais alors au coin des rues Spasskaïa et

Znamenskaïa. (En passant par la rue Pantélémonskaïa, à la hauteur du pont des Chaînes.)

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Jamais, pendant l'hiver, je ne m'étais promené dans ce parc. Il faut dire aussi que je ne pensais

plus à ce qui s'était passé la veille, à notre séance spiritique. Jugez de mon étonnement

lorsque, ayant à peine franchi de quelques pas la grille du jardin d'été, je me trouvai face à

face avec Mlle Véra M..., qui se promenait avec sa demoiselle de compagnie. À ma vue, Mlle

Véra M... se troubla visiblement, aussi bien que moi-même, d'ailleurs, car notre séance de la

veille me revint subitement à l'esprit. Nous nous serrâmes la main et nous nous quittâmes sans

mot dire.

Le soir même, j'allai voir sa famille, et la mère de Vera, après les premières paroles de

bienvenue, commença à se plaindre de l'imagination fantastique de sa fille ; elle me raconta

que celle-ci, en rentrant de sa promenade au jardin d'été, le jour même, avait manifesté un état

extraordinaire d'excitation, qu'elle avait beaucoup parlé de sa rencontre avec moi, comme d'un

miracle ; qu'elle avait raconté être venue chez moi en songe et m'avoir annoncé que nous nous

rencontrerions au jardin d'été, à 3 heures.

Quelques jours après, il se produisit un fait similaire, et, dans les mêmes conditions : à la

séance, ma main écrivit le nom de Vera, et ensuite il nous fut annoncé qu'elle passerait chez

nous le lendemain à 2 heures. En effet, à l'heure indiquée, elle se présentait chez nous, avec sa

mère, pour nous faire une visite. Les faits ne se renouvelèrent plus. »

Les livres spirites abondent de faits de cette catégorie.

Cas du juge Edmonds.

Un jour que je me trouvais à West Roxbury, je fus mis en rapport, par l'intermédiaire de ma

fille Laure, avec l'esprit d'une personne que j'avais bien connue dans le temps, mais que je

n'avais pas vue depuis quinze ans. C'était un homme d'un caractère tout à fait étrange ; il

ressemblait si peu à tous ceux que j'avais connus et était si original qu'il n'y avait pas moyen

de le confondre avec un autre. J'étais loin de penser à lui. Quant au médium, il lui était

complètement inconnu. Il se manifesta non seulement avec toutes les particularités qui le

caractérisaient, mais me parla même de choses que lui et moi étions seuls à connaître. A la

suite de cette séance, je conclus qu'il était mort, et quel ne fut pas mon étonnement en

apprenant qu'il était en vie. Il l'est encore. Je ne puis entrer ici dans tous les détails de notre

conversation, qui dura plus d'une heure. J'étais bien persuadé que je n'avais pas été l'objet

d'une illusion, que c'était une manifestation spiritique pareille à beaucoup d'autres que j'avais

observées moi-même et qu'on m'avait racontées. Mais comment cela pouvait-il se faire ? C'est

une question qui m'obséda longtemps. Par suite, j'ai souvent été témoin de faits analogues qui

ne me permirent plus de douter que nous puissions obtenir des communications de personnes

vivantes tout aussi bien que des messages de personnes décédées.

Voici une autre communication intéressante :

Un médium, en même temps auteur bien connu, Miss Hardinge Brittan, raconte, dans son

article sur les Doubles », publié dans le Baner of Light (numéros des 6 novembre et 11

décembre 1875), que, dans l'année 1861, se trouvant à l'état de transe, elle a parlé au nom

d'une personne qui était vivante, ainsi que cela fut constaté plus tard.

Dans ce même article, elle cite un cas intéressant qui s'est présenté en 1858 : dans un cercle

spirite, à Cleveland, chez M. Cutler, un médium féminin se mit à parler allemand, bien que

cette langue lui fût complètement inconnue. L'individualité qui se manifestait par elle se

donnait pour la mère de miss Marie Brant, une jeune personne allemande qui se trouvait

présente. » - Miss Brant affirmait que sa mère, autant qu'elle le savait, était en vie et bien

portante.» Quelque temps après, un ami de la famille, venant de l'Allemagne, apporta la

nouvelle que la mère de Miss Brant, après avoir traversé une maladie sérieuse, à la suite de

laquelle elle était tombée dans un long sommeil léthargique, déclara à son réveil avoir vu sa

fille qui se trouvait en Amérique. Elle dit qu'elle l'avait aperçue dans une chambre spacieuse,

en compagnie de plusieurs personnes et qu'elle lui avait parlé. »

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2e catégorie

Si nous tenons compte de ce que rapportent plusieurs voyageurs, Louis Jacolliot, entre autres

sur l'action physique exercée à distance par certains fakirs sur des objets matériels, nous

sommes amenés à croire qu'un médium européen (sensitif spécial) peut, comme ses confrères

de l'Inde, produire les mêmes effets. Conséquemment, si le double de personnes vivantes,

pendant le sommeil naturel ou provoqué, a la faculté de se transporter à distance pour faire

écrire à un médium ce qu'il pense, il n'est pas illogique d'admettre que ce même être puisse,

les conditions étant favorables, se manifester par des coups ou par des déplacements d'objets.

Les expériences de William Crookes, avec feu le médium Daniel-Dunglas Home, appuient

parfaitement cette opinion. Celles, plus récentes, de plusieurs savants français et étrangers

avec la Napolitaine Eusapia Paladino n'infirment point le fait, au contraire.

Louis Jacolliot nous a fait le récit d'expériences obtenues à Chandernagor, dans son domicile,

par le fakir Cowindassamy. Ce dernier prenait, par exemple, le crayon de son hôte, le jetait

dans la vasque d'eau qui se trouvait sur la terrasse de son habitation et, volontairement, en

présentant un doigt dans la direction du crayon, il faisait plonger cet objet au fond de la

vasque et lui donnait un mouvement de rotation dans les sens voulus ; puis, selon la volonté

de l'observateur, le crayon nageait à la surface ou circulait entre deux eaux.

Le même animait des objets légers et, toujours sans contact, les faisait voltiger comme des

papillons.

Eusapia, en état de transe, provoque, également à distance, des mouvements d'objets inertes;

elle ouvre les portes de meubles, etc., etc. (Voir Extériorisation de la motricité, par A. de

Rochas.)

Les expériences suivantes, que nous empruntons à l'ouvrage Recherches sur les phénomènes

du spiritisme du savant physicien anglais, démontrent bien le fait animique.

Après de longues explications et la réfutation d'articles parus dans divers journaux et revues,

William Crookes dit :

Je vais maintenant procéder à la classification des phénomènes que j'ai observés, en procédant

des plus simples aux plus complexes et en donnant rapidement dans chaque chapitre un

aperçu de quelques-uns des faits que je vais avancer. Mes lecteurs voudront bien se souvenir

qu'à l'exception des cas spécialement désignés les manifestations ont eu lieu dans ma maison,

à la lumière, et seulement en présence d'amis à moi et du médium.

Dans le volume que j’ai en projet, je me propose de donner avec détails tous les contrôles que

j'ai adoptés, toutes les précautions que j'ai prises en chaque occasion, et les noms de tous les

témoins. Dans ce mémoire-ci je ne ferai que les effleurer.

Mouvements de corps pesants avec contact, mais sans effort mécanique.

C'est là, une des formes les plus simples des phénomènes que j'ai observés. Elle varie en

degrés depuis l'ébranlement ou le tremblement d'une chambre et de son contenu, jusqu'à

élever réellement dans l'air un corps pesant quand la main est placée dessus. On peut objecter

à cela que, quand on touche une chose qui est en mouvement, il est possible de la pousser, de

la tirer ou de la soulever ; j'ai prouvé par expérience que, dans des cas nombreux, cela n'a pas

pu avoir lieu : mais comme preuves à donner j'attache très peu d'importance à cette classe de

phénomènes, et je ne les mentionne que comme préliminaires à d'autres mouvements du

même genre, mais produits sans contact.

Ces mouvements, et je puis même dire les phénomènes de même nature, sont généralement

précédés par un refroidissement de l'air tout particulier, qui arrive quelquefois à être un vent

bien marqué. Sous son influence j'ai vu des feuilles de papier s'enlever, et le thermomètre

baisser de plusieurs degrés. Dans d'autres occasions, dont plus tard je donnerai les détails, je

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n'ai remarqué aucun mouvement réel de l'air, mais le froid a été si intense que je ne puis le

comparer qu'à celui qu'on ressent lorsqu'on tient la main à quelques pouces du mercure gelé. »

Phénomènes de percussion et autres sons de même nature.

Le nom populaire de raps (coups frappés) donne une idée très fausse de ce genre de

phénomènes. À différentes reprises, pendant mes expériences, j'ai entendu des coups délicats

qu'on eût dit produits par la pointe d'une épingle ; une cascade de sons perçants comme ceux

d'une machine à induction en plein mouvement ; des détonations dans l'air, de légers bruits

métalliques aigus ; des craquements comme ceux qu'on entend quand une machine à

frottement est en action ; des sons qui ressemblaient à des grattements, des gazouillements

comme ceux d'un oiseau, etc.

Ces bruits, que j'ai constatés avec presque tous les médiums, ont chacun leur particularité

spéciale. Avec M. Home ils sont plus variés ; mais, pour la force et la régularité, je n'ai

rencontré absolument personne qui pût approcher de Mlle Kate Fox. Pendant plusieurs mois,

j'ai eu le plaisir d'avoir des occasions presque innombrables de constater les phénomènes

variés qui avaient eu lieu en présence de cette dame, et ce sont ces bruits que j'ai

particulièrement étudiés. Il est généralement nécessaire, avec les autres médiums, pour une

séance régulière, de s'asseoir avant que rien se fasse entendre, mais avec Mlle Fox, il semble

qu'il lui soit simplement nécessaire de placer les mains sur n'importe quoi pour que des sons

bruyants s'y fassent entendre, comme un triple choc, et quelquefois avec assez de force pour

être entendus à travers l'intervalle de plusieurs chambres.

J'en ai entendu reproduire ainsi dans un arbre vivant sur un grand carreau de vitre, dans un fil

de fer tendu, sur une membrane tirée, dans un tambourin, sur la couverture d'un cab, et dans le

parquet d'un théâtre. Bien plus le contact immédiat n'est pas toujours nécessaire, j'ai entendu

ces bruits sortir du parquet, des murs, etc., quand le médium avait les pieds et les mains

attachés, quand il était debout sur une chaise, quand il se trouvait dans une balançoire,

suspendue au plafond, quand il était enfermé dans une cage en fer, et quand il était en syncope

sur un sofa. Je les ai entendus sur les verres d'un harmonica, je les ai sentis sur mes propres

épaules et sous mes propres mains. Je les ai entendus sur une feuille de papier tenue entre les

doigts par un bout de fil passé dans un coin de cette feuille. Avec la pleine connaissance des

nombreuses théories qu'on a mises en avant surtout en Amérique, pour expliquer ces sons, je

les ai éprouvés de toutes les manières que j'ai pu imaginer, jusqu'à ce qu'il ne m'ait plus été

possible d'échapper à la conviction qu'ils étaient bien réels et qu'ils ne se produisaient pas par

la fraude ou par des moyens mécaniques. »

Mouvements d'objets pesants placés à une certaine distance du médium.

Les exemples où des corps lourds, tels que des tables, des chaises, des canapés, etc., ont été

mis en mouvement, sans le contact du médium, sont très nombreux. J'en indiquerai

brièvement quelques-uns des plus frappants. Ma propre chaise a en partie décrit un cercle,

mes pieds ne reposant pas sur le parquet, Sous les yeux de tous les assistants, une chaise est

venue lentement, d'un coin éloigné de la chambre, et toutes les personnes présentes l'ont

constaté ; dans une autre circonstance, un fauteuil vint jusqu'à l'endroit où nous étions assis,

et, sur ma demande, il s'en retourna lentement, à la distance d'environ trois pieds. Pendant

trois soirées consécutives, une petite table se mit lentement à travers la chambre, dans des

conditions que j'avais tout exprès préparées à l'avance, afin de répondre à toute objection

qu'on aurait pu élever contre ce fait. J'ai obtenu plusieurs fois la répétition d'une expérience

que le Comité de la Société de Dialectique a considérée comme concluante, savoir : le

mouvement d'une lourde table en pleine lumière, le dos des chaises étant tourné vers la table,

et chaque personne étant agenouillée sur sa chaise, les mains appuyées sur le dossier, mais ne

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touchant pas la table. Une fois, ce fait se produisit pendant que j'allais et venais, cherchant à

voir comment chacun était placé.

Tables et chaises enlevées de terre sans l'attouchement de personne.

Quand des manifestations de ce genre sont exposées, on fait généralement cette remarque:

Pourquoi n'y a-t-il que les tables et les chaises qui produisent ces effets ? Pourquoi cette

propriété est-elle particulière aux meubles ? »

Je pourrais répondre que je ne fais qu'observer et rapporter les faits, et que je n'ai pas à entrer

dans les pourquoi et les parce que, mais, cependant, il est clair que si, dans une salle à manger

ordinaire, un corps pesant inanimé doit s'élever au-dessus du plancher, ce ne peut être autre

chose qu'une table ou une chaise. J'ai de nombreuses preuves que cette propriété n'est pas

particulière aux meubles seuls ; mais comme pour les autres démonstrations expérimentales,

l'intelligence ou la force, quelle qu'elle soit, qui produit ces phénomènes, ne peut se servir que

des objets qu'elle trouve appropriés à son but.

En cinq occasions différentes, une lourde table de salle à manger s'éleva de quelques pouces à

un pied et demi au-dessus du parquet, et dans des conditions spéciales qui rendaient la fraude

impossible. Dans une autre circonstance, une table pesante s'éleva au-dessus du plancher, en

pleine lumière, pendant que je tenais les pieds et les mains du médium.

Une autre fois, la table s'éleva du sol, non seulement sans que personne la touchât mais encore

dans des conditions que j'avais arrangées à l'avance, de manière à mettre hors de doute la

preuve de ce fait.

Mouvement de divers petits objets sans le contact de personne.

Sous ce titre je me propose de décrire quelques phénomènes spéciaux dont j'ai été témoin. Je

ne puis guère indiquer ici que quelques-uns des faits les plus saillants, qui tous, qu'on veuille

bien s'en souvenir, ont eu lieu dans des conditions telles que toute supercherie était rendue

impossible. Attribuer ces résultats à la fraude est absurde, car je rappellerai encore à mes

lecteurs que ce que je rapporte ici ne s'est pas accompli dans la maison d'un médium, mais

dans ma propre maison, où il a été tant à fait impossible de rien préparer à l'avance. Un

médium circulant dans ma salle à manger ne pouvait pas, quand j'étais assis dans une autre

partie de la chambre avec plusieurs personnes qui l'observaient attentivement, faire jouer par

fraude un accordéon que je tenais dans ma propre main, les touches en bas, ou faire flotter ce

même accordéon çà et là dans la chambre en jouant pendant tout le temps. Il ne pouvait pas

apporter avec lui un appareil pour agiter les rideaux des fenêtres, ou élever des jalousies

vénitiennes jusqu'à huit pieds de hauteur ; faire un nœud à un mouchoir et le mettre dans un

coin de la chambre ; faire résonner des notes à distance sur un piano ; faire voler un porte-

cartes par l'appartement ; soulever une carafe et un verre à pied au-dessus de la table ; faire

dresser sur un de ses bouts un collier de corail; faire mouvoir un éventail et éventer la

compagnie ; ou bien, mettre en mouvement une pendule, enfermée dans une vitrine

solidement scellée au mur. »

Voici deux lettres intéressantes adressées à l'auteur par les docteurs AB et CD, ses

collaborateurs, ainsi désignés dans un de ses premiers mémoires : on verra qu'elles émanent

de deux savants éminents.

Mon cher monsieur Crookes,

Votre mémoire me semble un exposé fidèle de ce qui a eu lieu chez vous en ma présence. Ma

position à la table ne m'a pas permis de voir la main de M. Home éloignée de l'accordéon,

mais seulement que ce fait a été établi à ce moment par vous-même et par la personne assise

de l'autre côté de M. Home.

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Ces expériences me semblent montrer qu'il serait important de faire de nouvelles recherches,

mais je désire qu'il soit bien compris que je n'explique aucune opinion quant à la cause des

phénomènes qui ont eu lieu.

A vous bien sincèrement. William Huggins

36, Russel-Square, 8 juin 1871.

Cher Monsieur,

Etant présent, dans un but de recherches, aux expériences d'essai relatées dans votre article,

j'apporte avec empressement mon témoignage en faveur de la parfaite exactitude de la

description que vous en avez faite, et des précautions et du soin avec lesquels furent

accomplies les différentes épreuves.

Les résultats me paraissent établir d'une manière concluante ce fait important : qu'il y a une

force qui procède du système nerveux et qui est capable, dans la sphère de son influence, de

donner aux corps solides du mouvement et du poids.

J'ai constaté que cette force était émise par pulsations ; intermittentes, et non pas sous la

forme d'une pression fixe et continue, car l'index montait et baissait incessamment pendant

l'expérience. Ce fait me semble d'une grande importance, parce qu'il tend à confirmer

l'opinion qui lui donne pour source l'organisation nerveuse, et il contribue beaucoup à asseoir

l'importante découverte du docteur Richardson, d'une atmosphère nerveuse d'intensité

variable enveloppant le corps humain.

Vos expériences confirment entièrement la conclusion à laquelle est arrivé le Comité de

recherches de la Dialectical Society », après plus de quarante séances d'essais et d'épreuves.

Permettez-moi d'ajouter que je ne vois rien qui puisse même tendre à prouver que cette force

est autre chose qu'une force émanant de l'organisation humaine, ou du moins s'y rattachant

directement, et qu'en conséquence, comme toutes les autres forces de la nature, elle est

pleinement du ressort de cette rigoureuse recherche scientifique, à laquelle vous avez été le

premier à la soumettre.

La psychologie est une branche de la science qui a été jusqu'ici presque entièrement

inexplorée et cette négligence doit être probablement attribuée à ce fait, qui semble étrange,

que l'existence de cette force nerveuse soit demeurée si longtemps sans être étudiée, examinée

et à peine constatée.

Maintenant qu'il est acquis, par les preuves données par des appareils, que c'est un fait de la

nature ( et si c'est un fait, il est impossible d'en exagérer l'importance au point de vue de la

physiologie et de la lumière qu'il doit jeter sur les lois obscures de la vie, de l'esprit et de la

science médicale), sa discussion, son examen immédiat et sérieux ne peuvent pas ne pas être

faits par les physiologistes et par tous ceux qui ont à cœur la connaissance de l'homme»,

connaissance qui a été nommée avec raison la plus noble étude de l'humanité ».

Pour éviter l'apparence de toute conclusion prématurée, je recommanderais d'adopter pour

cette force un nom qui lui soit propre, et je me hasarde à suggérer l'idée qu'on pourrait

l'appeler force psychique ; que les personnes chez qui elle se manifeste avec une grande

puissance s'appellent Psychistes, et que la science qui s'y rapporte se nomme psychisme,

comme étant une branche de la psychologie.

Permettez-moi aussi de proposer la prochaine formation d'une Société psychologique dans le

but de faire marcher, par le moyen des expériences, des journaux et de la discussion, l'étude

de cette science jusqu'ici négligée.

Je suis, etc.. EDW. Wm. Cox.

La théorie de la Force psychique, dit encore William Crookes, n'est autre chose que la simple

constatation du fait, presque indiscutable maintenant, que, dans certaines conditions encore

imparfaitement fixées, à une certaine distance, encore indéterminée, du corps de certaines

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personnes, douées d'une organisation nerveuse spéciale, il se manifeste une force qui, sans le

contact des muscles ou de ce qui s'y rattache, exerce une action à distance, produit

visiblement le mouvement, de corps solides et y fait résonner des sons. Comme la présence

d'une telle organisation est nécessaire à la production des phénomènes, il est raisonnable d'en

conclure que cette force, par un moyen encore inconnu, procède de cette organisation. De

même que l'organisme lui-même est mû et dirigé intérieurement par une Force qui est l'Ame,

ou est gouvernée par l'âme, l'Esprit ou l'Intelligence (donnez-lui le nom qu'il vous plaira) qui

constitue l'être individuel que nous appelons l'homme, de même il est raisonnable de conclure

que la force qui produit le mouvement au delà des limites du corps est la même que celle qui

le produit en dedans de ces limites. Et, de même qu'on voit souvent la force extérieure dirigée

par une Intelligence, de même il est raisonnable de conclure aussi que l'Intelligence qui dirige

la force extérieure est la même que celle qui la gouverne intérieurement. C'est à cette force

que j'ai donné le nom de Force psychique, parce que ce nom définit bien la force qui, selon

moi, prend sa source dans l'Ame ou l'Intelligence de l'homme.

Voici ce que nous empruntons à l'ouvrage d'Aksakof comme faits de la deuxième catégorie :

M. H. Wedgwood témoigne comme il suit d'une expérience faite par Mme de Morgan, la

femme de feu le professeur de Morgan, l'auteur du livre Matière et esprit :

Un exemple, dont Mme de Morgan m'a souvent entretenu, fera mieux comprendre le pouvoir

que possède l'esprit extra-corporel de produire, dans certaines conditions, des effets

physiques. Elle avait eu l'occasion de traiter par le magnétisme une jeune fille, une

clairvoyante, et plusieurs fois elle mit à l'épreuve sa faculté de clairvoyance pour la faire aller

en esprit en différents lieux, afin d'y observer ce qui s'y passait. Un jour, elle eut le désir que

le sujet se rendît dans la maison qu'elle habitait. Bien, dit la jeune fille, m'y voici, j'ai frappé

avec force contre la porte. » Le lendemain, Mme de Morgan s'informa de ce qui s'était passé

dans sa maison au même moment : Plusieurs méchants enfants, lui répondit-on, étaient venus

cogner contre la porte et puis s'étaient sauvés. »

Le professeur Party cite de nombreux cas de ce genre dans le chapitre de son livre intitulé

Action à distance des mourants, pages 125 et suivantes.

Dans son ouvrage, le Spiritualisme moderne, il mentionne, d'après le professeur Daumer, le

cas d'un grand-père mourant qui enjoint à sa fille présente à son chevet (elle n'habitait pas

sous le même toit) de chercher son petit-fils, afin qu'il vienne prier pour lui, lui-même n'en

ayant plus la force, - et qui au même instant se manifeste comme esprit chez son fils, en

frappant avec violence sur la rampe de l'escalier et l'appelle par son nom en le priant

instamment de venir auprès de lui ; aussitôt celui-ci s'habille, sort et rencontre sur le palier sa

mère qui venait le chercher. Tous deux se rendent auprès du grand-père qui reçoit son petit-

fils en souriant, l'engage aussitôt à prier et meurt tout doucement deux heures après. »

3e Catégorie

Les apparitions de doubles de personnes vivantes ont été observées de tout temps, mais la

science les a toujours considérées comme des hallucinations subjectives. Aujourd'hui, grâce à

quelques savants courageux, qui n'ont pas hésité à sortir des sentiers tracés, ces faits sont

admis par beaucoup et sont rangés dans les cas d'hallucinations objectives.

Qu'il y ait des phénomènes de ce genre purement subjectifs, c'est incontestable ; ils peuvent

même être fréquents, mais, cependant, nous sommes obligés de reconnaître qu'il y en a aussi

de réellement objectifs, possédant, en plus, un certain degré de matérialité.

Les faits suivants, puisés dans l'ouvrage d'Aksakof et dans celui de Crookes, mieux que tous

les discours éclaireront la question.

Apparition du double de Mlle Emilie Sagée.

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En 1845, existait en Livonie (et il existe encore) à environ 36 milles anglais de Riga et à 1

lieue et demie de la petite ville de Volmar, un institut pour jeunes filles nobles, désigné sous

le nom de pensionnat de Neuwelcke ». Le directeur, à cette époque, était M. Buch.

Le nombre des pensionnaires, presque toutes de familles livoniennes nobles, s'élevait à

quarante-deux ; parmi elles se trouvait la seconde fille du baron de Güldenstubbe, âgée de

treize ans.

Au nombre des maîtresses il y avait une française, Mlle Emilie Sagée, née à Dijon. Elle avait

le type du nord : c'était une blonde à très belle carnation avec des yeux bleus clairs, des

cheveux châtains ; elle était élancée et de taille un peu au-dessus de la moyenne ; elle avait le

caractère aimable, doux et gai, mais elle était un peu timide et d'un tempérament nerveux un

peu excitable. Sa santé était ordinairement bonne, et pendant le temps (un au et demi) qu'elle

passa à Neuwelcke, elle n'eut qu'une ou deux indispositions légères. Elle était intelligente et

d'une parfaite éducation et les directeurs se montrèrent complètement satisfaits de son

enseignement et de ses aptitudes pendant tout le temps de son séjour. Elle était alors âgée de

trente deux ans.

Peu de semaines après son entrée dans la maison, de singuliers bruits commencèrent à courir

sur son compte parmi les élèves. Quand l'une disait l'avoir vue dans telle partie de

l'établissement, fréquemment une autre assurait l'avoir rencontrée ailleurs au même moment,

disant : Mais non, cela ne se peut, car je viens de la croiser dans l'escalier », ou bien elle

assurait l'avoir vue dans quelque corridor éloigné. On crut d'abord à une méprise ; mais

comme le fait ne cessait de se reproduire, les jeunes filles commencèrent par trouver la chose

très bizarre, et enfin, en parlèrent aux autres maîtresses. Les professeurs mis au courant

déclarèrent, par ignorance ou par parti pris, que tout cela n'avait pas le sens commun et qu'il

n'y avait pas lieu d'y attacher une importance quelconque.

Mais les choses ne tardèrent pas à se compliquer et prirent un caractère qui excluait toute

possibilité de fantaisie ou d'erreur. Un jour qu'Emilie Sagée donnait une leçon à treize de ces

jeunes filles, parmi lesquelles Mlle de Güldenstubbe, et que, pour mieux faire comprendre sa

démonstration, elle écrivait le passage à expliquer au tableau noir, les élèves virent tout à

coup, à leur grande frayeur, deux demoiselles Sagée, l'une à côté de l'autre. Elles se

ressemblaient exactement et faisaient les mêmes gestes. Seulement, la personne véritable avait

un morceau de craie à la main et écrivait effectivement, tandis que son double n'en avait, pas

et se contentait d'imiter les mouvements qu'elle faisait pour écrire.

De là, grande sensation dans l'établissement d'autant plus que toutes les jeunes filles, sans

exception, avaient vu la seconde forme et étaient parfaitement d'accord dans la description

qu'elles faisaient du phénomène.

Peu après, une des élèves, Mlle Antoinette de Wrangel, obtint la permission de se rendre, avec

quelques camarades, à une fête locale du voisinage. Elle était occupée à terminer sa toilette et

Mlle Sagée, avec sa bonhomie et sa serviabilité habituelles, était venue l'aider et agrafait sa

robe par derrière. La jeune fille, s'étant retournée par hasard, aperçut dans la glace deux

Emilie Sagée qui s'occupaient d'elle. Elle fut tellement effrayée de cette brusque apparition

qu'elle s'évanouit.

Des mois se passèrent, et des phénomènes semblables continuaient à se produire. On voyait

de temps à autre, au dîner, le double de l'institutrice, debout, derrière sa chaise, imitant ses

mouvements, tandis qu'elle mangeait, mais sans couteau ni fourchette ni nourriture dans ses

mains. Elèves et domestiques servant à table en ont témoigné également.

Cependant, il n'arrivait pas toujours que le double imitât les mouvements de la personne

véritable. Parfois, quand celle-ci se levait de sa chaise, on voyait son double y rester assis.

Une fois, étant couchée à cause d'un grand rhume, la jeune fille dont il a été question, Mlle de

Wrangel, se retournant par hasard quelques instants après, aperçut très distinctement le double

de la malade se promenant de long en large dans la chambre. Cette fois, la jeune fille avait eu

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assez d'empire sur elle-même pour garder son calme et ne pas faire la moindre observation à

la malade, mais, peu après, elle descendit l'escalier toute pâle, et raconta ce dont elle venait

d'être témoin.

Mais le cas le plus remarquable de cette activité, en apparence indépendante, des deux formes

est certainement le suivant :

Un jour, toutes les élèves, au nombre de quarante-deux, étaient réunies dans une même pièce

et occupées à des travaux de broderie. C'était une grande salle au rez-de-chaussée du bâtiment

principal, avec quatre grandes fenêtres, ou plutôt quatre portes vitrées qui s'ouvraient

directement sur le palier et conduisaient dans un assez grand jardin attenant à l'établissement.

Au milieu de la salle était placée une grande table devant laquelle s'assemblaient

habituellement les différentes classes pour se livrer à des travaux d'aiguille ou autres

semblables.

Ce jour-là les jeunes pensionnaires étaient toutes assises devant la table, et elles pouvaient très

bien voir ce qui se passait dans le jardin ; tout en travaillant, elles voyaient Mlle Sagée,

occupée à cueillir des fleurs, non loin de la maison; c'était une de ses distractions de

prédilection. À l'extrémité supérieure de la salle se tenait une autre maîtresse, chargée de la

surveillance et assise dans un fauteuil de maroquin vert. A un moment donné cette dame

s'absenta, et le fauteuil resta vide. Mais ce ne fut que pour peu de temps, car les jeunes filles y

aperçurent tout à coup la forme de Mlle Sagée. Aussitôt, elles portèrent leurs regards dans le

jardin et la virent toujours occupée à cueillir des fleurs ; seulement ses mouvements étaient

plus lents et plus lourds, pareils à ceux d'une personne accablée de sommeil ou épuisée de

fatigue. Elles portèrent de nouveau leurs yeux sur le fauteuil où le double était assis,

silencieux et immobile, mais avec une telle apparence de réalité que si elles n'avaient vu Mlle

Sagée et qu'elles n'eussent su qu'elle avait apparu dans le fauteuil sans être entrée dans la

salle, elles auraient pu croire que c'était elle-même. Mais certaines qu'elles n'avaient pas

affaire à une personne véritable, et quelque peu habituées à ces étranges manifestations, deux

des élèves les plus hardies s'approchèrent du fauteuil, et, touchant l'apparition, crurent y

rencontrer une résistance comparable à celle qu'offrirait un léger tissu de mousseline ou de

crêpe. L'une osa même passer au devant du fauteuil et traverser en réalité une partie de la

forme. Malgré cela, celle-ci dura encore un peu de temps, puis s'évanouit graduellement. L'on

observa aussitôt que Mlle Sagée avait repris la cueillette de ses fleurs avec sa vivacité

habituelle. Les quarante-deux pensionnaires constatèrent le phénomène de la même manière.

Quelques-unes d'entre elles demandèrent ensuite à Mlle Sagée si, à cette occasion, elle avait

éprouvé quelque chose de particulier ; elle répondit qu'elle se souvenait seulement d'avoir

pensé à la vue du fauteuil vide : J’aimerais mieux que l'institutrice ne s'en fût pas allée ;

sûrement ces demoiselles vont perdre leur temps et commettre quelque espièglerie. »

Ces curieux phénomènes durèrent, avec diverses variantes, environ dix-huit mois, c'est-à-dire

pendant tout le temps que Mlle Sagée conserva son emploi à Neuwelcke (durant une partie

des années 1845-1846) ; il y eut cependant des intervalles de calme d'une à plusieurs

semaines. Ces manifestations avaient lieu principalement à des moments où elle était très

préoccupée ou très appliquée à sa tâche. On remarqua qu'à mesure que le double devenait plus

net elle s'affaiblissait, et, réciproquement, qu'à mesure que le double s'évanouissait, l'être

corporel reprenait ses forces. Elle-même était inconsciente de ce qui se passait et n'en avait

connaissance que d'après ce qu'on lui disait, elle en était ordinairement instruite par le regard

des personnes présente s; jamais elle ne vit l'apparition de son double, pas plus qu'elle ne

semblait s'apercevoir de la raideur et de l'inertie qui s'emparaient d'elle dès que son double

était vu par d'autres personnes.

Pendant les dix-huit mois où la baronne Julie de Güldenstubbe eut l'occasion d'être témoin de

ces phénomènes et d'entendre les autres en parler, jamais ne se présenta le cas de l'apparition

du double à une grande distance, par exemple à plusieurs lieues de la personne corporelle ;

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quelquefois, cependant, le double apparaissait pendant ses promenades dans le voisinage,

quand l'éloignement n'était pas trop grand. Le plus souvent, c'était dans l'intérieur de

l'établissement. Tout le personnel de la maison l'avait vu. Le double paraissait être visible

pour toutes les personnes, sans distinction d'âge ni de sexe.

La pauvre institutrice, atteinte de cette affection depuis l'âge de seize ans, fut maintes fois

forcée de changer de maison, à cause des émotions violentes éprouvées par ses élèves témoins

de ce singulier phénomène.

Photographie du double d'un vivant.

M. Pierrart a rapporté, dans la Revue Spiritualiste, 1864, page 84 M. Gurcio Paulucci,

photographe à Chiavari, près de Gênes, prenait le portrait d'un groupe de trois personnes ;

après le développement de la plaque, le portrait d'une quatrième personne apparut derrière le

groupe ; c'était celui du double d'un aide qui s'était tenu quelques instants avant l'exposition de

la plaque derrière le groupe, pour faire prendre la pose voulue aux personnes qui le

composaient. M. Guido, ingénieur, un ami de M. Paulucci, celui-là même qui communiqua le

fait à M. Pierrart, a décrit toutes les manipulations chimiques au moyen desquelles il s'est

assuré que l'image se trouvait bien sur le collodion et non, par quelque inadvertance, sur la

plaque de verre.

Communication faite par un vivant, M. Baldwin, de Birmingham, accompagnée de

l'apparition de son double, fait relaté par le journal Human nature, 1867, page 510.

Il y a de cela quinze jours, miss Taylor se trouvant à table, chez elle, à prendre le thé avec sa

tante et son cousin, elle raconta à ceux-ci qu'elle voyait très distinctement M. Baldwin qui se

tenait au coin de la table à laquelle ils étaient assis. À cette occasion, l’apparition ne se

manifesta par aucune communication intelligente, si ce n'est pas un sourire. Mais, quelques

jours après, les mêmes personnes se trouvant réunies dans une séance spirite, miss Taylor

répéta qu'elle voyait M. Baldwin ; là-dessus miss Kross, sa cousine, demanda une preuve de

son identité. Aussitôt il s'approcha de la table, saisit le bras de miss Taylor, qui était médium

écrivain, et écrivit son nom en entier. Miss Cross exigea encore une autre preuve et dit que, si

c'était bien lui, qu'il écrivît la demande qu'il lui avait récemment adressée, qu'il répétât les

dernières paroles qu'il avait prononcées le soir précédent. Aussitôt elle fut écrite

intégralement. »

Les faits d'expérimentation dans cette voie, dit Aksakof, ne sont pas nombreux, mais ils

existent. Ainsi M. Colman témoigne que la fille du juge Edmonds, miss Laure, pouvait

parfois, à volonté, dégager au dehors (extérioriser) son esprit et le faire apparaître sous sa

propre forme, et délivrer ainsi des messages aux personnes qui lui étaient sympathiques. »

Miss Mapes, la fille du professeur Mapes, assura de son côté à M. Colman que son amie miss

Edmonds lui était apparue et lui avait délivré des messages, quoiqu'elles fussent séparées l'une

de l'autre par une distance de 20 milles anglais. » M. Colman cite encore un cas de ce genre14

.

Expériences de W. Crookes.

Apparitions lumineuses.

Ces manifestations étant un peu faibles exigent, en général, que la chambre ne soit, pas

éclairée. J'ai à peine besoin de rappeler à mes lecteurs que, dans de pareilles conditions, j'ai

pris toutes les précautions convenables pour éviter qu'on ne m'en imposât par de l'huile

phosphorée ou par d'autres moyens. Bien plus, beaucoup de ces lumières étaient d'une nature

telle que je n'ai pu arriver à les imiter par des moyens artificiels.

Sous les conditions du contrôle le plus rigoureux, j'ai vu un corps solide, lumineux par lui-

même, à peu près de la grosseur et de la forme d'un œuf de dinde, flotter sans bruit à travers la 14

Voir Spiritualism in America, p.4, et Spiritualist, 1873, p. 470.

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chambre, s'élever par moments plus haut que n'aurait pu le faire aucun des assistants en se

tenant sur la pointe des pieds et ensuite descendre doucement sur le parquet. Cet objet fut

visible pendant plus de dix minutes, et avant de s'évanouir il frappa trois fois la table avec un

bruit semblable à celui d'un corps dur et solide.

Pendant ce temps le médium était étendu sur une chaise longue et paraissait tout à fait

insensible.

J'ai vu des points lumineux jaillir de côté et d'autres se reposer sur la tête de différentes

personnes ; j'ai eu réponse à des questions que j'avais faites par des éclats de lumière brillante

qui se sont produits devant mon visage et le nombre de fois que j'avais fixé. J'ai vu des

étincelles de lumière s'élancer de la table au plafond, et ensuite retomber sur la table avec un

bruit très distinct. J'ai obtenu une communication alphabétique au moyen d'éclairs lumineux,

se produisant dans l'air, devant moi, et au milieu desquels je promenais ma main. J'ai vu un

nuage lumineux flotter au-dessus d'un tableau, » etc.

Nombre de fois, moi-même et d'autres personnes avons vu une main pressant les touches d'un

accordéon, pendant qu'au même moment nous voyions les deux mains du médium qui

quelquefois étaient tenues par ceux qui étaient auprès de lui.

Les mains et les doigts ne m'ont pas toujours paru être solides et comme vivants. Quelquefois,

il faut le dire, ils offraient plutôt l'apparence d'un nuage vaporeux condensé en partie sous

forme de main. Tous ceux qui étaient présents ne le voyaient pas également bien. Par

exemple, on voit se mouvoir une fleur ou quelque autre petit objet, un des assistants verra une

vapeur lumineuse planer au-dessus; un autre découvrira une main d'apparence nébuleuse

tandis que d'autres ne verront rien autre chose que la fleur en mouvement. J'ai vu plus d'une

fois, d'abord un objet se mouvoir, puis un nuage lumineux qui semblait se former autour de

lui, et enfin le nuage se condenser, prendre une forme et se changer en une main parfaitement

faite. A ce moment, toutes les personnes présentes pouvaient voir cette main. Cette main n'est

pas toujours une simple forme, quelquefois elle semble parfaitement animée et très gracieuse ;

les doigts se meuvent et la chair semble être aussi humaine que celle de toutes les personnes

présentes. Au poignet ou au bras elle devient vaporeuse, et se perd dans un nuage lumineux.

Au toucher, ces mains paraissent quelquefois froides comme de la glace et mortes ; d'autres

fois, elles m'ont semblé chaudes et vivantes, et ont serré la mienne avec la ferme étreinte d'un

vieil ami.

J'ai retenu une de ces mains dans la mienne, bien résolu à ne pas la laisser échapper. Aucune

tentative ni aucun effort ne furent faits pour me faire lâcher prise, mais peu à peu cette main

sembla se résoudre en vapeur, et ce fut ainsi qu'elle se dégagea de mon étreinte ».

L'écriture directe produite, sans le concours d'une main apparente, sur du papier, comme les

expériences de Crookes avec MIle Fox ; celles de Zollner et du docteur Paul Gibier, sur des

ardoises, avec Sleede ; de même que le moulage des mains fluidiques, rentrent, d'après les

savants que nous citons, dans cette catégorie.

Ce qui tend encore à prouver cette assertion, c'est l'empreinte du visage d'Eusapia, obtenue,

dans les mêmes conditions, ces dernières années.

Souvent les observateurs ont constaté que l'apparition n'était que le double du médium.

Malgré cela, ces faits n'infirment pas ceux que nous étudierons à la fin de ce chapitre.

4e Catégorie.

L'action physique et psychique de l'homme, dit Aksakof, n'est pas confinée à la périphérie de

son corps. » Les faits qui précèdent et ceux qui vont suivre affirment cette proposition.

En effet, si nous donnons aux phénomènes animiques la créance qu'ils méritent, nous sommes

contraints à marcher dans la voie tracée par les savants qui ont étudié ces faits et qui nous les

donnent dans toute leur exactitude. Mais si, a priori, sans réflexion sérieuse et surtout sans

examen, nous rejetons ces faits, si nous nous obstinons à les croire impossibles, nous resterons

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ignorants et jamais nous n'aurons la satisfaction bien grande que procure la connaissance des

vérités peu connues ou ignorées, mais qui ne demandent qu'à se révéler.

Quel intérêt auraient ces expérimentateurs consciencieux à soutenir des faits non contrôlés,

insuffisamment étudiés ou erronés ? Nous ne saisissons point leur but : il est donc plus

logique d'admettre leur bonne foi et de croire ce qu'ils affirment.

Nous n'ignorons certes pas que toutes les vérités ont eu le plus grand mal pour s'implanter, et

nous savons aussi combien la vieille routine est encore puissante. Et lorsqu'une vérité renverse

les dogmes scientifiques ou les dogmes philosophiques et religieux elle est toujours mal

accueillie. Comment voulez-vous que les hommes qui ont créé des lois scientifiques, qu'ils

ont crues immuables, détruisent ce qu'ils ont édifié avec labeur et peine ? Mais, et cela est

déjà arrivé, leurs neveux ou leurs arrière-neveux saperont ces lois imparfaites et les

remplaceront par d'autres qui, peut-être à leur tour, seront reconnues impuissantes pour

expliquer des faits nouveaux.

Nier l'action extracorporelle de l'homme, son objectivité, après les effets qui la justifient, c'est

vraiment s'obstiner d'une façon regrettable.

La nature a bien dévoilé quelques-uns de ses secrets, mais il en reste encore d'innombrables à

connaître, et ce n'est pas la négation systématique qui réalisera un progrès dans un ordre

quelconque de nos connaissances.

Plus que bien d'autres, ces faits, produit de l'organisme humain, méritent toute notre attention,

car ils nous ouvrent des horizons à peine entrevus d'où nous pouvons tirer des trésors

insoupçonnés. Il est donc du devoir des savants modernes de pénétrer ces secrets et de les

enseigner comme ils enseignent d'autres connaissances acquises.

Nous avons déjà dit que la forme plus ou moins matérialisée des apparitions, dans la plupart

des cas, a une grande ressemblance avec le médium, le fait a été maintes fois constaté, et nous

devons en conclure que, le plus souvent, on se trouve en présence d'un dédoublement du sujet,

que ce dédoublement soit partiel ou total.

D'après Aksakof, le premier cas bien constaté se serait produit vers 1855, dans des séances

obscures faites par les frères Davenport.

Au beau milieu de la séance, dit Aksakof, qui s'est bien documenté, un agent de police ouvrit

sa lanterne sourde et éclaira la chambre. Alors se passa une scène étrange ; Davenport père se

leva en sursaut et déclara, en proie à une vive excitation, qu'il avait vu son fils Ira près de la

table en train de jouer sur l'un des tambourins, juste au moment où la chambre venait d'être

éclairée, et qu'il l'avait vu revenir à sa chaise. » M. Davenport était exaspéré ; mais quel ne fut

pas son étonnement lorsque, le calme une fois rétabli, une vingtaine des assistants affirmèrent

sur leur honneur qu'ils avaient distinctement vu, outre la forme humaine auprès de la table, -

le double fantôme d'Ira Davenport, - en même temps le garçon lui-même, en chair et en os

assis sur sa chaise, entre deux autres personnes. Le fantôme s'était dirigé vers le garçon, mais

n'était probablement pas arrivé jusqu'à lui, vu qu'il avait disparu à environ 6 pieds de l'endroit

où il était assis. » (Voir The Davenport Brothers, a biography par Randolph, Boston, 1869, pp.

198-99; cité dans le Spiritualist, 1873, pp. 154-470.) Dans ce même livre, nous apprenons

comment s'y est pris le professeur Mapes pour s'assurer que les phénomènes physiques étaient

produits par les doubles des frères Davenport. Lorsque, dit-il, la guitare arriva près de moi, je

palpai soigneusement la personne que je supposais être le jeune Ira Davenport. Je cherchai à

m'assurer de sa présence en passant ma main sur sa forme entière, mais je ne pus le retenir,

parce qu'il glissait entre mes mains, s'évanouissait pour ainsi dire le plus aisément du monde.

C'est surtout aux vêtements du jeune Davenport que M. Mapes était sûr de l'avoir reconnu

dans l'obscurité ; mais à la lumière qui fut immédiatement demandée, on put constater que le

jeune Ira était toujours attaché à sa chaise, ainsi que l'avait laissé le professeur. A une séance

qui eut lieu chez M. Mapes, ce dernier, aussi bien que sa fille, put encore une fois constater le

dédoublement des bras et des manches du vêtement du médium.

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Les mêmes observations ayant été faites sur d'autres médiums, les journaux spirites ont

soulevé des controverses contre l'attribution de ces faits à l'animisme ; mais la chose ayant été

bien établie, il n'y avait pas lieu d'aller à l'encontre de l'évidence.

Dans un numéro du Light, de 1885, au sujet des expériences de Mr Crookes avec Mrs Fay, il

est dit :

Attendu que l'expérience dont j'y fais mention, celle de M. Crookes avec Mme Fay, a été

exécutée dans les conditions de contrôle les plus rigoureuses que la science puisse exiger, et

qu'un cas de dédoublement s'y est produit, nous devons considérer cette expérience comme

une des preuves les plus sérieuses de la réalité de ce phénomène. M. Cox, qui a pris part à

cette séance, la raconte ainsi dans le Spiritualist (1875, I, p. 151).

Dans son excellente description de la séance dont il s'agit, M. Crookes dit q'une forme

humaine entière a été vue par moi ainsi que par d'autres personnes. C'est la vérité. Lorsque

l'on me remettait mon livre, le rideau s'écartait suffisamment pour me permettre de voir la

personne qui me le tendait. C'était la forme de Mme Fay, dans son intégralité, sa chevelure, sa

figure, sa robe de soie bleue, ses bras nus jusqu'au coude, et portant des bracelets ornés de

perles fines. A ce moment, le courant galvanique n'enregistra pas la moindre interruption, ce

qui se serait produit inévitablement si Mme Fay avait dégagé ses mains des fils conducteurs.

Le fantôme apparut au côté du rideau opposé à celui où se trouvait Mme Fay, à une distance

d'au moins 8 pieds de sa chaise, de sorte qu'il lui eût été impossible, de toutes manières,

d'atteindre le livre sur le rayon sans être obligée de se dégager des fils conducteurs. Et,

cependant, je le répète, le courant n'a pas subi la moindre interruption.

Il y a un autre témoin qui a vu la robe bleue et les bracelets. Personne de nous n'a fait part aux

autres de ce qu'il avait vu, avant que la séance ne fût terminée ; par conséquent, nos

impressions sont absolument personnelles et indépendantes de toute influence.

Les expériences de photographie sont aussi là pour établir le fait du dédoublement. On sait

que Katie King ressemblait d'une façon frappante à son médium miss Florence Cook; les

portraits que M. Crookes a obtenus de Katie en témoignent à l'évidence.

Les empreintes produites sur du papier noirci viennent également corroborer le phénomène en

question. Mais la démonstration la plus éclatante du dédoublement nous est fournie par les

expériences de moulage au moyen de la paraffine.

J'ai cité l'expérience faite avec M. Eglinton, au cours de laquelle on a obtenu, au moyen de ce

procédé, la forme de son pied, pendant que le pied même restait apparent aux yeux des

membres de la commission chargée de surveiller l'expérience.

M. Harrison fait connaître un résultat analogue en mentionnant une autre expérience dans

laquelle on a obtenu le moulage des mains du médium. »

Le docteur espagnol Otero Assévedo rapporte une expérience bien curieuse, qu'il a eu

l'occasion de faire. En 1889, il se rendit à Naples, dans le but de vérifier l'authenticité des

manifestations qui se produisaient aux séances du médium Eusapia Paladino. M. Assévédo

désirait obtenir une empreinte sur terre glaise, dans des conditions absolument inattaquables.

Pour cela, il remplit une assiette de terre glaise fraîche. A la fin de la séance réglementaire,

comprenant les manifestations habituelles, Eusapia Paladino proposa, de son plein gré, de

tenter l'expérience imaginée par le savant espagnol. Elle pria M. Assevédo de placer l'assiette

contenant la terre glaise sur une chaise, devant elle, à une distance d'environ 2 mètres, en

s'assurant au préalable que la surface de la masse était tout à fait unie. Il la recouvrit ensuite

d'un mouchoir. Cela se passait en pleine lumière.

Tout le monde avait les yeux fixés sur Eusapia. Celle-ci avança la main vers l'endroit où se

trouvait l'assiette, fit quelques mouvements convulsifs et s'écria : C’est fait ! Quand le

mouchoir fut enlevé, on constata que sur la terre glaise il y avait l'empreinte, nettement

marquée, de trois doigts. (Voir la Revue spirite, 1889, p. 587.) Dans les lettres qu'il m'écrivit,

M. Assevedo m'a assuré que, pour lui, il n'y avait pas le moindre doute quant à la réalité de

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ces faits, bien qu'il eût abordé ces séances avec les idées préconçues d'un matérialiste

enragé», selon son expression. »

Les personnes qui ont eu la bonne fortune d'assister au dédoublement de l'organisme humain

s'accordent à dire que ces apparitions produisent des effets physiques : coups, attouchements,

déplacements, soulèvement et mouvement d'objets divers, etc...

L'expérience remarquable du magnétiseur nègre Lewis avec une personne endormie par ses

soins est des plus intéressantes et elle est surtout concluante15. Nous en citons ici une partie :

En février 1856, nous allâmes à Blackheath : il s'y produisit un incident très curieux. Nous

étions descendus à un hôtel, et, le soir, dans le salon commun, Lewis magnétisa plusieurs

personnes et fit quelques expériences frappantes d'électro-biologie, qui intéressèrent vivement

l'auditoire.

Il fut convenu qu'on mettrait une salle à la disposition de Lewis et, le lendemain, la

conférence eut lieu. Après les expériences habituelles de magnétisme, qui réussirent à

merveille, Lewis procéda à la démonstration de quelques-uns des phénomènes de

clairvoyance et de somnambulisme sur la personne d'une jeune fille qu'il n'avait jamais vue

auparavant et qui, avec d'autres personnes, avait quitté les rangs du public pour monter sur

l'estrade. Après l'avoir plongée dans un profond sommeil, il lui enjoignit d'aller chez elle et de

rendre compte de ce qu'elle y verrait. Elle se mit d'abord à raconter qu'elle voyait la cuisine,

qu'il s'y trouvait deux personnes occupées aux besognes domestiques.

Croyez-vous pouvoir toucher celle de ces deux personnes qui se trouve la plus rapprochée de

vous ? demanda Lewis.

Il n'obtint pour toute réponse qu'un murmure inintelligible. Là-dessus, il posa une main sur la

tête du sujet et l'autre sur le plexus solaire, et lui dit : Je veux que vous lui touchiez l'épaule ;

vous devez le faire, et vous le ferez. » La jeune fille se mit à rire et dit : Je l'ai touchée ;

comme elles sont effrayées ! » S'adressant au public, Lewis demanda si quelqu'un connaissait

la jeune personne. Ayant reçu une réponse affirmative, il proposa qu'une députation se rendit

au domicile de la jeune fille, afin de s'assurer de l'exactitude de son récit. Plusieurs personnes

s'y rendirent, et lorsqu'elles furent de retour, elles confirmèrent en tous points ce que la jeune

personne endormie avait raconté, la maisonnée était, en effet, sens dessus dessous et dans une

profonde excitation parce qu'une des personnes qui s'était trouvée dans la cuisine avait déclaré

avoir vu un fantôme et que celui-ci lui avait touché l'épaule. »

Le docteur Georges Wyld publia, dans le Light, 1882, P. 26, le fait suivant :

J'avais d'excellents rapports d'amitié depuis quinze ans avec miss J... et sa mère. Ces deux

femmes ont reçu une instruction des plus distinguées et sont dignes de foi. Le récit qu'elles

m'ont fait a été confirmé par l'une des servantes. Quant à l'autre, je n'ai pu la retrouver.

C'était quelques années avant notre connaissance. Miss J... était très assidue à visiter les

pauvres. Or, un jour qu'elle regagnait son domicile, après une tournée charitable, elle se sentit

fatiguée et mal à l'aise à cause du froid et éprouva le désir d'aller à son retour se réchauffer

auprès du four, dans la cuisine. Au moment précis qui correspondait à celui où cette idée lui

était passée par l'esprit, deux servantes qui étaient occupées dans la cuisine virent tourner le

bouton de la porte, celle-ci s'ouvrir et livrer passage à miss J... Celle-ci s'approcha du feu et se

chauffa les mains. L'attention des servantes était attirée par les gants de chevreau glacé

couleur verte que miss J... avait aux mains. Subitement, devant leurs yeux, elle disparut.

Frappées d'étonnement, elles montèrent précipitamment chez la mère de miss J... et lui firent

part de leur aventure, sans oublier le détail des gants verts.

La mère en conçut quelque appréhension de mauvais augure, mais elle essaya de tranquilliser

les servantes, leur disant que miss J... ne portait que des gants noirs, qu'elle n'en avait jamais

15

Voir pour tous les détails : Animisme et Spiritisme pages 511 et 512.

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eu de verts, et que par conséquent leur vision ne pouvait être considérée comme le fantôme de

sa fille.

Une demi-heure après, miss J... en personne faisait son entrée ; elle alla droit à la cuisine et se

chauffa devant le feu. Elle avait à ses mains des gants verts, n'en ayant pu trouver de noirs. »

L'insuccès de l'expérience du docteur Ferroul tentée il y a quelques années, avec une

commission de la Faculté des sciences de Montpellier dont faisait partie le professeur Grasset,

est certainement dû à un phénomène de cette nature.

Il s'agissait de faire lire, à distance, un billet renfermé dans une boîte ficelée et cachetée,

placée dans le cabinet de l'expérimentateur.

Le sujet, influencé par la présence des commissaires, ne fut pas, ce jour-là, en pleine

possession de ses facultés psychiques et ne put, comme dans une expérience antérieure, qui

avait parfaitement réussi, lire e billet.

Ferroul, certain des facultés de son sujet, insistait pour le faire lire. Après plusieurs tentatives

infructueuses, le sujet, agacé, énervé, dit : Tu veux que je voie, que je lise ? Tiens ! » Et il fit

avec ses mains le mouvement de quelqu'un qui déchire ou arrache quelque chose.

Or, en reprenant la boîte, les commissaires constatèrent que les ficelles avaient été dérangées,

que des cachets étaient brisés et que la boîte avait dû être ouverte par un compère, ce qui

expliquait le demi succès de la somnambule : elle avait lu quelques mots du billet.

Les membres de cette commission, ignorant ces extraordinaires phénomènes, furent fort

convaincus que Ferroul avait voulu les mystifier, ce qu'ils affirmèrent du reste.

Si le Dr Ferroul s'était entouré de toutes les précautions nécessaires, s'il avait fait apposer les

scellés aux portes et aux fenêtres avant l'expérience, ces messieurs de Montpellier auraient été

probablement perplexes, en trouvant les cachets des portes et des fenêtres intacts,

contrairement à ceux de la boîte.

W. Crookes, parlant des formes et figures de fantômes de cette catégorie, dit ceci :

Ces phénomènes sont les plus rares de tous ceux dont j'ai été témoin. Les conditions

nécessaires pour leur apparition semblent être si délicates, et il faut si peu de chose pour

contrarier leur manifestation que je n'ai eu que de très rares occasions de les voir dans des

conditions de contrôle satisfaisantes. Je mentionnerai deux de ces cas.

Au déclin du jour, pendant une séance de M. Home chez moi, je vis s'agiter les rideaux d'une

fenêtre, qui était environ à huit pieds de distance de M. Home. Une forme sombre, obscure,

demi-transparente, semblable à une forme humaine, fut aperçue par tous les assistants, debout

près de la croisée, et cette forme agitait le rideau avec sa main. Pendant que nous la

regardions, elle s'évanouit et les rideaux cessèrent de se mouvoir.

Le cas qui suit est encore plus frappant. Comme dans le cas précédent M. Home était le

médium. Une forme de fantôme s'avança d'un coin de la chambre, alla prendre un accordéon,

et ensuite glissa dans l'appartement en jouant de cet instrument. Cette forme fut visible

pendant plusieurs minutes pour toutes les personnes présentes et en même temps on voyait

aussi M. Home. Le fantôme s'approcha d'une dame qui était assise à une certaine distance du

reste des assistants, cette dame poussa un petit cri à la suite duquel l'ombre disparut. »

On pourrait croire que, depuis les travaux des personnages que nous avons cités, la question si

passionnante du spiritualisme moderne n'intéresse plus les savants.

Le passage suivant du discours de M. le colonel de Rochas, que, nous empruntons à la Paix

universelle, prononcé, pour présenter notre ami G. Delanne, aux auditeurs qui assistaient à sa

conférence du dimanche 8 avril dernier, à Grenoble, prouvera qu'on doit croire le contraire.

Après Charcot et Bernheim, qui s'arrêtèrent prudemment aux états superficiels de l'hypnose,

de peur d'être confondus avec les anciens magnétiseurs, d'autres, plus hardis, ne craignirent

pas d'avoir recours à leurs procédés traditionnels et retrouvèrent une série d'états profonds

qu'ils classèrent d'après des propriétés à peu près constantes chez les sujets sains. De plus,

n'ayant reculé devant aucun sacrifice d'argent pour étudier des sujets exceptionnels comme la

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napolitaine Eusapia Paladino, ils arrivèrent à constater, d'une façon certaine pour eux, non

seulement la production de mouvements sans contact qu'on a appelé l'extériorisation de la

motricité, mais encore l'extériorisation de la forme, c'est-à-dire la production d'ectoplasmes

semblant sortir du corps du sujet et pouvant être vus et touchés pendant quelques secondes ;

c'est là le premier degré des matérialisations dont va vous entretenir M. Delanne.

Les résultats publiés par ces hommes, dont le nom seul était une garantie, finirent par

émouvoir les princes de la science officielle. Un nouveau groupe se forma, au cours de l'été

passé à Paris, pour vérifier encore leurs observations et tâcher de faire un nouveau pas dans la

route qu'ils avaient ouverte.

Ce groupe, dont faisaient partie MM. D'Arsonval, Curie, Branly, Bergson, Brissaud et Gilbert

Ballet, tint avec Eusapia treize séances, du 8 juin au 15 juillet 1905, et obtint tous les

phénomènes que nous avions constatés cinq ans auparavant, tout près d'ici, dans ma maison

de campagne de l'Aguélas, avec une commission composée de MM. Sabathier, doyen de la

Faculté des Sciences de Montpellier ; Maxwel, avocat général à Bordeaux ; Dariex, docteur

en médecine, et de deux docteurs ès sciences, le comte de Grammont et le baron de

Watteville.

Je viens de recevoir le compte-rendu sténographié de ces séances, où l'on a pris toutes les

précautions et employé tous les procédés d'enregistrement en usage dans les laboratoires de

physique. Vous pouvez juger de l'impression produite sur ces personnages, plutôt sceptiques

au début par ce fait qu'ils viennent d'obtenir du gouvernement l'autorisation d'une loterie de

quatre millions, dont le produit sera destiné à fonder à Paris un Institut pour l'étude des

phénomènes de psychologie parmi lesquels on classe, sous le nom de métapsychisme, ceux

dont je viens de vous parler.

Dès qu'ils auront l'estampille officielle, dès qu'on paiera des savants pour les étudier et les

enseigner, ils prendront certainement un essor analogue à celui dont nous avons été témoins

pour l'électricité. Nos enfants les accepteront aussi facilement que nous acceptons aujourd'hui

la télégraphie sans fil et le transport de la force; j'espère qu'ils rendront alors justice à ceux

qui, comme Delanne et Richet, n'ont pas craint de marcher à l'avant-garde pour explorer des

régions dangereuses ou inconnues. »

Spiritisme

Les faits qui précèdent démontrent que, dans certaines conditions physiques particulières, un

médium peut inconsciemment s'extérioriser partiellement ou totalement.

Nous avons vu que des personnes vivantes éloignées du lieu des expériences ont pu, par leur

double, manifester leur présence par des coups frappés, des attouchements et des apparitions :

Hallucinations véridiques : jolis mots, bien trouvés!...

Ces phénomènes laissent supposer que des faits de même nature peuvent être produits par des

êtres indépendants, en dehors du médium et d'autres personnes vivantes.

L'animisme nous indique, ce nous semble, que, la désagrégation du corps ne peut porter

atteinte à ce double qui, quoique étant constitué par une sorte de matière, n'est certes pas celle

qui frappe ordinairement nos sens.

L'être intérieur de l'homme qui traverse la matière la plus grossière mieux que les rayons

lumineux peut, définitivement séparé de sa prison de chair, subsister et prouver sa

surexistence en puisant chez les vivants les forces semi-matérielles nécessaires : ce sont alors

des faits spirites qui se produisent.

Constater un fait, c'est facile ; l'expliquer, c'est une autre affaire, car le sujet dont nous nous

occupons est trop complexe et son étude présente de grandes difficultés. Afin de ne pas se

tromper sur son interprétation, il ne faut pas s'enthousiasmer et procéder comme pour les

recherches de physique ou de chimie.

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Ce n'est pas parce qu'un observateur constatera la formation d'un être fluidique qu'il doit

conclure qu il a sous les yeux l'esprit d'un mort. Le cas peut assurément se présenter, comme

nous le verrons dans la suite, mais plus on verra de matérialisations, plus on constatera

qu'elles sont du domaine de l'animisme, et c'est pourtant ces phénomènes animiques qui nous

amèneront à saisir les faits spirites, à les comprendre.

Les phénomènes physiques que nous connaissons prouvent que ces phénomènes

médianimiques sont les avant-coureurs de faits transcendants, de faits intellectuels qui

déroutent ceux qui veulent malgré tout les attribuer à de simples effets psycho-physiques.

L'animisme est le trait d'union du spiritisme, et quoique les effets réellement dus à ce dernier

soient rares, ils sont cependant assez nombreux pour le justifier et pour inciter les savants à

faire de sérieuses recherches.

Les sceptiques, et ils sont nombreux, soutiendront que les phénomènes que nous passons en

revue sont illusoires, que tout est le résultat de l'action consciente ou inconsciente du cerveau,

ou bien que les personnes crédules s'imaginent voir ce qui n'existe réellement pas, ou qu'elles

sont dupes d'habiles tricheurs.

Il est possible que des personnes impressionnables voient ce qui n'est pas. Nous l'avons

constaté souvent ; mais lorsque tous les assistants perçoivent la même chose et que tous

s'accordent sur les plus petits détails, peut-on penser que ce résultat est le fruit de

l'hallucination collective ? A la rigueur, on peut admettre cela, mais quand des appareils de

physique enregistrent les faits, quand une plaque photographique conserve l'image de ce que

les assistants ont vu, peut-on alors attribuer le phénomène à l'hallucination ?

Si notre système nerveux, plus on moins irritable, nous prédispose à l'auto-suggestion, aux

hallucinations, les appareils enregistreurs qui, eux, n'ont pas de nerfs, sont-ils dans le même

cas et peuvent-ils se laisser tromper, s'illusionner ?

Nous pensons qu'il serait plus sage de repousser de notre esprit cette tendance à la négation,

inhérente à l'être humain cultivé, qui toujours a retardé le progrès.

Si des hommes éminents, après de longues et patientes investigations, ont affirmé hardiment

ce qu'ils avaient appris dans la question brûlante que nous soutenons, c'est qu'ils étaient

scientifiquement sûrs de ne pas s'être trompés, et nous devons, si nous ne voulons pas faire

tort à notre intelligence, ne pas les prendre pour des naïfs ou pour des imposteurs.

Nous espérons que les observations qui vont suivre encourageront les chercheurs de bonne foi

à entreprendre les recherches des pionniers de cette nouvelle science qui, plus connue,

améliorera fatalement le genre humain.

A sa mort, le célèbre auteur Charles Dickens avait laissé son roman Edwin Drood inachevé.

Le médium James, ouvrier mécanicien, sans éducation et sans instruction, termina ce roman,

et les juges les plus compétents ne purent trouver la moindre différence entre la production du

médium et celle de Dickens vivant.

Je tiens à donner quelques détails, dit Aksakof, sur cette production unique dans les annales

de la littérature.

Quand le bruit se répandit que le roman de Dickens allait être terminé par un procédé aussi

extraordinaire, aussi inusité, le Springfield Dail Union envoya l'un de ses collaborateurs à

Brattleborough (Vermont) où habitait le médium, pour s'enquérir, sur place, de tous les détails

de cette étrange entreprise littéraire. Voici quelques extraits du compte-rendu en huit colonnes

publié par ce journal, le 26 juillet 1873, reproduit d'abord par le Banner of Light et ensuite

partiellement par le Spiritualist de 1873, page 322, auquel nous les empruntons : Il (le

médium) est né à Boston; à l'âge de quatorze ans, il fut placé en apprentissage chez un

mécanicien, métier qu'il pratique encore aujourd'hui ; de sorte que son instruction scolaire

s'est terminée à l'âge de treize ans. Bien qu'il ne fût ni inintelligent, ni illettré, il ne manifestait

aucun goût pour la littérature et ne s'y était jamais intéressé.

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Jusqu'alors il n'avait jamais tenté de faire passer dans un journal quelconque le moindre

article. Tel est l'homme qui prit en main la plume de Charles Dickens pour continuer: The

Mystery of Edwin Drood et qui a presque terminé cette œuvre.

Je fus assez heureux pour être la première personne à qui il ait fait part lui-même de tous les

détails, la première qui ait examiné le manuscrit et en ait fait des extraits.

Voici comment les choses se sont passées. Il y avait dix mois, un jeune homme, le médium,

que je désignerai pour être bref par l’initiale A (car il n'a pas encore voulu divulguer son

nom), avait été invité par ses amis à se mettre à une table pour prendre part à une expérience

spirite. Jusqu'à ce jour, il avait toujours raillé les miracles spirites », les considérant comme

des supercheries, sans se douter qu'il possédait lui-même des dons médianimiques. À peine la

séance est-elle commencée que l'on entend des coups rapides et que la table, après des

mouvements brusques et désordonnés, se renverse sur les genoux de M. A... pour lui faire voir

qu'il est le médium. Le lendemain soir on l'invite à prendre part à une deuxième séance ; les

manifestations furent encore plus accentuées, M A... tomba soudainement en transe, saisit un

crayon et écrivit une communication signée du nom de l'enfant de l'une des personnes

présentes, dont M. A... ne soupçonnait pas l'existence. Mais les détails de ces expériences ne

sont pas d'un intérêt particulier à cette place.

Vers la fin du mois d'octobre 1872, au cours d'une séance, M. A. écrivit une communication

adressée à lui-même et signée du nom de Charles Dickens, avec la prière d'organiser pour lui

une séance spéciale, le 15 novembre.

Entre octobre et la mi-novembre, de nouvelles communications lui rappelèrent à plusieurs

reprises cette demande.

La séance du 15 novembre qui, d'après les indications reçues, fut tenue dans l'obscurité, en

présence de M. A... seulement, eut pour résultat une longue communication de Dickens, qui

exprimait le désir de terminer par l'intermédiaire du médium son roman inachevé.

Cette communication apprenait que Dickens avait longtemps cherché le moyen d'atteindre ce

but, mais que jusqu'à ce jour il n'avait pas trouvé de sujet apte à accomplir pareille tâche. Il

désirait que la première dictée se fit la veille de la Noël, soirée qu'il affectionnait

particulièrement, et il priait le médium de consacrer à cette œuvre tout le temps dont il pouvait

disposer sans porter préjudice à ses occupations habituelles... Bientôt il devint évident que

c'était la main du maître qui écrivait, et M. A... accepta avec plus de bonne volonté cette

étrange situation. Ces travaux, exécutés par le médium, en dehors de ses occupations

professionnelles, qui lui prenaient dix heures chaque jour, produisirent, jusqu'en juillet 1873,

douze cents feuillets de manuscrits, ce qui représente un volume in-octavo de quatre cents

pages. »

En faisant la critique de cette nouvelle partie du roman, le correspondant du Springfield Daily

Union s'exprimait ainsi :

Nous nous trouvons ici en présence de tout un groupe de personnages dont chacun a ses traits

caractéristiques, et les rôles de tous ces personnages doivent être soutenus jusqu'à la fin, ce

qui constitue un travail considérable pour qui de sa vie n'a écrit trois pages sur n'importe quel

sujet : aussi sommes-nous surpris de constater, dès le premier chapitre, une ressemblance

complète avec la partie éditée de ce roman. Le récit est repris à l'endroit précis où la mort de

l'auteur l'avait laissé interrompu, et ce, avec une concordance si parfaite que le critique le plus

exercé, qui n'aurait pas connaissance de l'endroit de l’interruption, ne pourrait dire à quel

moment Dickens a cessé d'écrire le roman de sa propre main. Chacun des personnages du

livre continue à être aussi vivant, aussi typique, aussi bien tenu dans la seconde partie que

dans la première. Ce n'est pas tout. On nous présente de nouveaux personnages (Dickens avait

coutume d'introduire de nouveaux acteurs jusque dans les dernières scènes de ses œuvres), qui

ne sont pas du tout des doublures des héros de la première partie ; ce ne sont pas des

mannequins, mais des caractères pris sur le vif, de véritables créations. Créés par qui?

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Le correspondant continue : Voici plusieurs détails d'un incontestable intérêt. En examinant

le manuscrit, je trouvai que le mot traveller (voyageur) était écrit partout avec deux l, comme

c'est l'usage en Angleterre, alors que chez nous, en Amérique, on ne met généralement qu'une

seule l.

Le mot coal (charbon) est partout écrit coals, avec une s, ainsi qu'on le fait en Angleterre. Il

est intéressant aussi de noter, dans l'emploi des majuscules, les mêmes particularités que l'on

peut observer dans les manuscrits de Dickens ; par exemple lorsqu'il désigne M. Grewgious,

comme étant an angular man (un homme anguleux). Remarquable aussi la connaissance

topographique de Londres, dont l'auteur mystérieux fait preuve dans plusieurs passages du

livre. Il y a aussi beaucoup de tournures de langage usitées en Angleterre, mais inconnues en

Amérique. Je mentionnerai aussi le changement subit du temps passé en temps présent,

surtout dans un récit animé, transition très fréquente chez Dickens, surtout dans ses derniers

ouvrages. Ces particularités, et d'autres encore qu'on pourrait citer, sont de mince importance,

mais c'est avec de pareilles bagatelles qu'on eût fait échouer toute tentative de fraude. »

Et voici la conclusion de l'article cité : J'arrivai à Brattleborough avec la conviction que cette

œuvre posthume ne serait qu'une bulle de savon qu'il serait aisé de crever. Après deux jours

d'examen attentif, je repartis, et, je dois l'avouer, j'étais indécis. Je niai d'abord comme chose

impossible, - comme chacun le ferait après examen, - que ce manuscrit eût été écrit parla main

du jeune médium M. A ... ; il me dit n'avoir jamais lu le premier volume, détail insignifiant à

mon sens, car je suis parfaitement convaincu qu'il n'était pas capable d'écrire une seule page

du second volume. Ceci n'est pas pour offenser le médium, car il n'y a pas beaucoup de

personnes en état de reprendre une œuvre inachevée de Dickens !

Je me vois, par conséquent, placé dans cette alternative : ou un homme de génie quelconque a

employé M. A... comme instrument pour présenter au public une œuvre extraordinaire, d'une

manière également extraordinaire, ou bien ce livre, ainsi que le prétend son invisible auteur,

est en effet écrit sous la dictée de Dickens lui-même. La seconde supposition n'est guère plus

merveilleuse que la première. S'il existe à Vermont un homme inconnu jusqu'à présent,

capable d'écrire comme Dickens, il n'a certes aucun motif d'avoir recours à un semblable

subterfuge. Si, d'autre part, c'est Dickens lui-même qui parle, bien qu'étant mort », à quelles

surprises ne devons-nous pas nous préparer ? J'atteste, en tout honneur, que, ayant eu toute

latitude d'examiner librement toutes choses, je n'ai pu trouver la moindre trace de tromperie,

et, si j'avais le droit de publier le nom du médium auteur, cela suffirait pour dissiper tous

soupçons aux yeux des personnes qui le connaissent, si peu que ce soit. »

M. J.-P. Barkas, de Neuwcastle, membre de la Société de géologie, publia dans le Light, 1885,

pages 85 et suivantes, une série d'articles sous ce titre : Réponses improvisées à des questions

scientifiques, par un médium-femme d'une éducation ordinaire. »

En 1875, je fus invité à prendre part à une série de séances qui devaient se tenir dans

l'appartement modeste d'une jeune dame, médium non professionnel, demeurant Newcastle-

on-Tyne. Toutes les questions s'inscrivaient dans un cahier au moment même de la pose, et le

médium y écrivait immédiatement les réponses. Tous ces cahiers se trouvent chez moi, et je

les tiens à la disposition de toute personne qui désirerait les voir.

Voici le problème principal qui se présente dans ce cas : une femme d'instruction ordinaire a

donné des réponses à diverses questions scientifiques soigneusement élaborées au cours de

trente-sept soirées, la séance se prolongeant trois heures chaque fois; ces réponses sont telles

que probablement il ne se trouve pas un homme en Angleterre qui pourrait en faire autant,

c'est-à-dire donner des réponses aussi précises, dans les mêmes conditions, à toutes les

questions qui ont été posées.

Un compte-rendu détaillé de ces séances, une autobiographie du médium, ainsi que des

exemples de ces questions, avec les réponses, se trouvent dans le Psychological Review de

1878 (t. I, p. 215).

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Il ne faut pas perdre de vue que le médium est une dame d'instruction médiocre, qu'elle était

entourée de personnes qui l'observaient avec attention, que les questions étaient inscrites et

lues à haute voix, séance tenante, que les réponses étaient écrites par la main du médium dans

ce même cahier, très rapidement, qu'elles étaient improvisées, sans la moindre correction

ultérieure ; il ne faut pas oublier non plus que ces questions se rapportaient à divers sujets

scientifiques et autres, généralement peu familiers aux femmes ; que le médium, à son aveu,

est complètement ignorant en ces matières ; qu'elle écrivait automatiquement, sans se rendre

compte si ses réponses étaient justes. Les personnes qui la connaissaient intimement assurent

qu'elle n’avait jamais eu de goût pour les sciences, et qu'elle n'avait jamais lu de livres

scientifiques. »

Le général-major A - W. Drayson fit paraître, dans Le Light, en 1884, les observations

suivantes, sous le titre Solution of Scientific Problems by Spirits.

Ayant reçu de M. Georges Stock une lettre me demandant si je pouvais citer, ne fut-ce qu'un

exemple, qu'un esprit ou un soi-disant esprit aurait résolu, séance tenante, un de ces

problèmes-scientifiques qui ont embarrassé les savants du siècle dernier, j'ai l'honneur de vous

communiquer le fait suivant, dont j'ai été témoin oculaire.

En 1871, William Herschel découvrit que la planète Uranus et ses satellites du système solaire

parcourent leurs orbites d'orient en occident. J. -F. Herschel dit dans ses Esquisses

astronomiques : Les orbites de ces satellites présentent des particularités tout à fait

inattendues et exceptionnelles, contraires aux lois générales qui régissent les corps du système

solaire. Les plans de leurs orbites sont presque perpendiculaires à l'écliptique, faisant un angle

du 70° 58' et ils les parcourent d'un mouvement rétrograde, c'est-à-dire que leur révolution

autour du centre de leur planète s'effectue de l'est à l'ouest, au lieu de suivre le sens inverse. »

Lorsque Laplace émit cette théorie, que le soleil et toutes les planètes se sont formés aux

dépens d'une matière nébuleuse, ces satellites étaient une énigme pour lui.

L'amiral Smyth mentionne dans son Cycle céleste que le mouvement de ces satellites, à la

stupéfaction de tous les astronomes, est rétrograde, contrairement à celui de tous les autres

corps observés jusqu'alors.

Dans la Gallery of Nature, il est également dit que les satellites d'Uranus décrivent leur orbite

de l'est à l'ouest, anomalie étrange, qui forme exception dans le système solaire.

Tous les ouvrages sur l'astronomie publiés avant 1860 contiennent le même raisonnement au

sujet des satellites d'Uranus.

De mon côté, je ne trouvai aucune explication à, cette particularité ; pour moi, c'était un

mystère, aussi bien que pour les écrivains que j'ai cités.

En 1858, j'avais comme hôte, dans ma maison, une dame qui était médium, et nous

organisâmes des séances quotidiennes.

Un soir, elle me dit qu'elle voyait à côté de moi une personne qui prétendait avoir été, pendant

sa vie terrestre, un astronome.

Je demandai à ce personnage s'il était plus savant à présent que lors de son existence

terrestre.- Beaucoup plus », répondit-il.

J'eus l'idée de poser à ce soi-disant esprit une question, afin d'éprouver ses connaissances:

Pouvez-vous me dire, lui demandai-je, pourquoi les satellites d'Uranus font leur révolution de

l'est à l'ouest, et non de l'ouest à l'est ? »

Je reçus immédiatement la réponse suivante :

Les satellites d'Uranus ne parcourent pas leur orbite de l'orient à l'occident ; ils tournent

autour de leur planète de l'occident à l'orient, dans le même sens que la lune tourne autour de

la terre. L'erreur provient de ce que le pôle sud d'Uranus était tourné vers la terre au moment

de la découverte de cette planète ; de même que le soleil, vu de l'hémisphère austral, semble

faire son parcours quotidien de droite à gauche, et non de gauche à droite, les satellites

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d'Uranus se mouvaient de gauche à droite, ce qui ne veut pas dire qu'ils parcouraient leur

orbite de l'orient à l'occident. »

En réponse à une autre question que je posai, mon interlocuteur ajouta :

Tant que le pôle sud d'Uranus était tourné, pour un observateur terrestre, les satellites

semblaient se déplacer de gauche à droite, et l'on en conclut, par erreur, qu'ils allaient de

l'orient à l'occident ; cet état de choses a duré environ quarante-deux ans. Quand le pôle nord

d'Uranus est tourné vers la terre, ses satellites parcourent leur trajet de droite à gauche, et

toujours de l'occident à l'orient. »

Je demandai là-dessus comment il a pu se faire que l'erreur n'a pas été reconnue quarante-

deux ans après la découverte de la planète Uranus par W. Herschel ?

Il me fut répondu : C'est parce que, dans la règle, les hommes ne font que répéter ce qu'ont dit

les autorités qui les ont précédés ; éblouis par les résultats obtenus par leurs prédécesseurs, ils

ne se donnent pas la peine de réfléchir. »

Guidé par cet enseignement, je me mis à résoudre le problème géométriquement, et je

m'aperçus que l'explication en était très exacte, et la solution, fort simple. En conséquence,

j'écrivis sur cette question un traité qui fut publié dans les Mémoires de l'Institution royale

d'artillerie en 1859.

En 1862, je donnai cette même explication de la prétendue énigme dans un petit ouvrage sur

l'astronomie : Common Sights in the Heavens (Coup d'œil dans les cieux) ; mais l'influence de

l'opinion autorisée » est si funeste que de nos jours seulement les écrivains qui s'occupent

d'astronomie commencent à reconnaître que le mystère des satellites d'Uranus doit

probablement être attribué à la position de l'axe de cette planète.

Au printemps de l'année 1839, j'eus encore une fois l'occasion, par l'entremise du même

médium, de converser avec la personnalité qui se donnait pour le même esprit ; je lui

demandai s'il pouvait m'éclairer sur un autre fait astronomique encore inconnu. Je possédais

alors un télescope avec un objectif de 4 pouces et d'une distance focale de 5 pieds. J'appris

que la planète Mars avait deux satellites que personne n'avait encore vus et que je pourrais

découvrir, dans des conditions favorables. Je saisis la première occasion qui se présenta pour

faire des observations dans ce but, mais je ne découvris rien. Je fis part de cette

communication à trois ou quatre amis avec lesquels je faisais des expériences spiritiques, et il

fut décidé que nous garderions le silence sur ce qui s'était passé, car nous ne possédions

aucune preuve à l'appui des allégations de mon interlocuteur, et nous risquions de nous

exposer à la risée générale.

Pendant mon séjour dans les Indes, je parlai de ces révélations à M. Sinnett, je ne puis dire

exactement à quelle époque. Dix-huit ans plus tard, en 1877, ces satellites furent découverts

par un astronome, à Washington. »

M. Hartmann nous dit :

Seul, un médium qui sait écrire peut produire de l'écriture automatique ou de l'écriture à

distance» (sans l'aide de la main) (p. 49).

Il est évident que les enfants à la mamelle ne savent pas écrire et que, s'ils écrivent, c'est une

preuve concluante que nous nous trouvons en présence d'une action intelligente qui est au-

dessus et en dehors de l'organisme de l'enfant. Or, il existe dans les annales du spiritisme

plusieurs exemples de ce genre. Il est regrettable seulement qu'on n'ait pas prêté plus

d'attention à ces phénomènes et que des expériences suivies, bien organisées, n'aient pas été

faites dans ce but. Nous n'avons à recueillir que des observations faites occasionnellement, de

simples mentions; mais, toutes brèves qu'elles soient, elles n'en présentent pas moins pour

nous un intérêt capital.

Le premier fait de ce genre est cité dans le livre de Capron, Modern Spiritualism, page 210 ; il

s'est produit en 1850, et Capron le raconte ainsi :

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Dans notre cercle intime, raconte M. Leroy Sunderland jamais aucune des questions posées

n'est restée sans réponse. Ces réponses s'obtenaient ordinairement par notre fille Mme

Marguerite Cooper, et quelquefois par sa fille, notre petite-fille, qui n'avait que deux mois.

Pendant que je tenais l'enfant dans mes bras, aucune autre personne ne se trouvant à côté,

nous obtenions des réponses au moyen de coups frappés, que nos correspondants invisibles

disaient se produire par ce médium. »

J'emprunterai à l'ouvrage de Mrs. Hardingue : Modern American Spiritualism, l'exemple

suivant :

S'apercevant que les phénomènes spiritiques devenaient de plus en plus fréquents à

Waterford, près de New-York, les pasteurs protestants de l'endroit s'adressèrent au général

Bullard, le priant d'examiner cette affaire en compagnie de quelques autres citoyens, afin de

mettre fin à ce scandale. La commission formée à cet effet se rendit chez M. Attwod, dans la

maison duquel, suivant les rumeurs, des choses étonnantes étaient produites par la

médiumnité de son enfant. Les membres de la commission reçurent bon accueil et furent

introduits dans une pièce où ils virent l'enfant qui s'amusait avec des jouets. L'arrivée des

visiteurs ne semblait aucunement lui sourire, mais les bonbons eurent vite raison de sa

mauvaise humeur, et il se laissa installer sur une chaise élevée, près de la table. Bientôt ce

lourd meuble se mit en mouvement, les visiteurs furent déplacés avec leurs sièges, des coups

violents se firent entendre, et, par leur moyen, on obtint diverses communications qui

semblaient émaner de parents des personnes présentes. Entre autres, le frère défunt du général

Bullard manifesta le désir de communiquer.

Afin de contrôler le phénomène, le général pensa :

Si c'est vraiment mon frère, qu'il approche de moi cet enfant avec la chaise. »

Quel ne fut pas son étonnement et celui de tous les assistants, lorsque la chaise sur laquelle se

trouvait l'enfant, en face du général, à l'autre bout de la table, fut soulevée avec l'enfant, et,

faisant un demi-tour, vint se poser doucement à côté de lui. Le général était seul à comprendre

le sens de cette action, et, à la grande confusion des membres de la commission, il s'écria,

sous l'impulsion d'un sentiment irrésistible : Je jure que tout cela est vrai ! »

Un des exemples les mieux constatés de la médiumnité des enfants nous est fourni par le fils

de Mme Jencken (miss Kate Fox), chez lequel les premières manifestations se produisirent

quand il n'avait encore que deux mois. Nous en trouvons l'exposé dans le Spiritualist de 1873,

page 425.

Un dimanche, le 16 novembre 1873, d'intéressants phénomènes spirites se sont produits dans

la maison de M. Jencken, qui nous communique ce qui suit :

Revenant d'une excursion à Blackeath, où je m'étais rendu avec ma femme, j'apprends de la

nourrice qui avait la garde de l'enfant que d'étranges choses s'étaient passées pendant notre

absence : des chuchotements s'étaient fait entendre au-dessus du lit de l'enfant, des pas avaient

raisonné par toute la chambre. La nourrice fit venir la femme de chambre, et toutes les deux

affirmèrent avoir entendu des voix et le frou-frou des vêtements.

Ces témoignages sont d'autant plus précieux que ni l'une ni l'autre ne connaissait la puissance

médiumnique de ma femme. Le jour même de mon arrivée, pendant que je tenais l'enfant dans

mes bras, en l'absence de ma femme, des coups se firent entendre, preuve évidente des

facultés médiumniques de cet enfant. »

Une semaine plus tard, M. Jencken faisait au Spiritualist la communication suivante: Le

développement des facultés médiumniques de notre enfant continue toujours. La nourrice

raconte avoir vu, hier soir, plusieurs mains faisant des passes au-dessus du bébé. »

Ce cas est particulièrement intéressant au point de vue de la théorie de M. Hartmann, qui

devra nous expliquer comment un magnétiseur de deux mois, partant inconscient, peut

suggérer à sa nourrice l'hallucination des mains faisant des passes autour de lui !...

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À cinq mois et demi, l'enfant commença à écrire. Nous retrouvons les renseignements

suivants à ce sujet dans le journal Medium and Daybreak (8 mai 1874) :

A la première page de ce numéro, sous le titre :

Merveilleuses facultés médiumniques d'un enfant, nous lisons ce fac-similé : J’aime cet

enfant. Que Dieu le bénisse. Je conseille à son père de rentrer dans tous les cas lundi à

Londres. Suzanne. En dessous de la signature se trouve la mention suivante. Ces paroles sont

écrites de la main d'un petit enfant de M. Jencken, quand il était âgé de cinq mois et quinze

jours. Nous étions présents et nous avons vu comment le crayon a été placé dans la main de

l'enfant par la même force invisible qui a conduit sa main » Suivent les signatures : Wason, K.

F. Jencken et une croix faite de la main de Mme Mc. Carty, illettrée, la nourrice qui tenait

l'enfant sur ses genoux.

Je citerai encore le témoignage suivant de M. Wason, publié dans le même numéro.

Les époux Jencken étaient venus de Londres à Brighton pour la santé de la mère et de l'enfant.

Le 6 mars, jour en question, il n'y avait pas plus de trois qu'ils étaient arrivés, j'étais leur hôte

à cette époque, ou, pour mieux dire, nous occupions un logement commun. La santé de Mme

Jencken et de son enfant s'était visiblement améliorée, mais M. Jencken se sentait, au

contraire, indisposé : il était en proie à des maux de tête accompagnés de névralgies et

souffrait de plus en plus de l'estomac et des organes digestifs.

Je mettais sa maladie sur le compte de ses déplacements continuels entre son appartement de

Londres (à Temple) et Brigthon, ce qui lui faisait quotidiennement un parcours de 105 milles

et, pour la durée entière de sa villégiature, c'est-à-dire quatre mois, pas moins de 8.000 milles.

M. Jencken ne partageait pas mon avis sur les causes de sa maladie et consulta un médecin

allemand de ses amis, qui lui donna raison contre moi, de sorte que je dus abandonner l'espoir

de le faire convaincre que ses voyages quotidiens en chemin de fer, en omnibus et en cabs lui

étaient funestes.

C'était donc le 6 mars, vers une heure de l'après-midi; la nourrice était assise, tenant l'enfant

sur ses genoux, dans le salon, auprès de la cheminée ; j'écrivais à une table, tout près, et Mme

Jencken se trouvait dans la pièce voisine; la porte était ouverte. Tout à coup la nourrice s'écria

: L'enfant tient un crayon dans sa main ! » Elle n'ajouta pas que ce crayon avait été placé dans

la main de l'enfant par une force invisible : je n'y fis donc aucune attention, sachant par

expérience avec quelle force un enfant vous prend quelquefois parle doigt, et continuai à

écrire. Mais la nourrice s'exclama immédiatement avec plus d'étonnement encore : L'enfant

écrit ! ce qui intrigua Mme Jencken, qui alla dans la chambre.

Je me levai aussitôt et regardai par-dessus l'épaule de Mme Jencken, et je vis, en effet, que

l'enfant tenait un crayon dans sa main et que celle-ci reposait sur le bout de papier avec la

communication dont nous prîmes parla suite une photographie.

Je dois dire ici que Suzanne était le nom de ma femme défunte, qui, de son vivant, aimait

beaucoup les enfants et dont l'esprit (Ainsi que nous le supposions) s'était maintes fois

manifesté au moyen de coups frappés et d'écriture automatique par l'intermédiaire de Mme

Jencken ; avant son mariage, cette dernière portait le nom, bien connu dans le monde spirite,

de Kate Fox, et c'est dans sa famille que se produisirent, dans les environs de New-York, les

coups frappés de Rochester, qui inaugurèrent le mouvement spiritualiste de notre siècle.

Quant au conseil de Suzanne, enjoignant à M. Jencken de rentrer lundi à Londres, les lecteurs

l'apprécieront à sa juste valeur, lorsqu'ils sauront qu'après avoir suivi ce conseil et cessé ses

déplacements continuels il se sentit rapidement guéri et redevint aussi bien portant et robuste

qu'auparavant.

Agréez, etc. James Wason, solicitor. Wason's Buildings, Liverpool.

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Pour les observateurs superficiels, les cas qui précèdent pourraient être attribués à la même

cause qui influençait le petit prodige observé par les docteurs Quintard et Tesson et dont la

communication fut faite à la Société de Médecine d'Angers en 1894.

À l'âge de cinq ans Ludovic X... sait calculer comme Jacques Inaudi ; il touche du piano ; il

parle les langues vivantes que sa mère connaît ; il voit, sans regarder, ce que celle-ci parcourt

seulement des yeux, etc.

Mais, éloigné de sa mère, l'enfant n'est pas plus avancé que ceux de son âge: il ne sait plus

rien.

Cette suggestion mentale se produisait à l'insu de Mme X... et, quoique la chose fût déjà

extraordinaire, il n'y avait rien de supra-naturel, ce qui n'est pas le cas des faits que nous

donnons ici.

Notre étude n'étant pas exclusivement consacrée à ces phénomènes, nous ne pouvons donner

les principaux cas prouvant par A+B les rapports effectifs des trépassés avec les vivants, mais

nous engageons les personnes désireuses de se documenter plus amplement de s'adresser aux

ouvrages spéciaux.

Nous recommandons tout particulièrement les livres de l'ingénieur G. Delanne, qui est, à notre

point de vue - nos relations nous permettent de le juger en connaissance de cause - l'auteur

français actuel le plus compétent.

Delanne traite avec une égale autorité la question scientifique et la question philosophique, et

nous ne saurions trop engager à le lire.

Les quelques extraits suivants sont puisés dans son ouvrage Recherches sur la Médiumnité.

Au sujet de l'identité de feu Georges Pelham, Delanne dit:

La publication dans les Proceedings du cas de Georges Pelham a produit une profonde

sensation parmi les psychologues, car c'est la première fois que la possibilité de la

communication avec les Esprits était affirmée catégoriquement par le Dr R. Hodgson, qui

s'était jusque-là montré réfractaire à cette interprétation des phénomènes constatés dans les

séances spirites. Ce n'est pas que cette observation soit beaucoup plus probante que beaucoup

d'autres faites par les spirites, mais elle a été relatée avec une si grande minutie de détails,

avec une si entière préoccupation d'impartialité, et avec une rigueur si absolue que les

conclusions qui en ressortent ont pris immédiatement une haute importance. »

Cette personnalité, qui se manifestait si clairement, était celle d'un avocat et écrivain, mort

depuis peu de temps, le 17 février 1892, à l'âge de 32 ans, et bien connu du Dr Hodgson.

Dans les Proceedings il est désigné sous le pseudonyme de Georges Pelham ou, par

abréviation, G. P., Georges Pelham écrivait dans le Sun et avait publié deux ouvrages qui

avaient reçu le meilleur accueil des autorités compétentes. Il faisait partie de la Société de

Recherches psychiques, et l'intérêt qu'il portait à ces études venait plutôt de sa largeur d'esprit

que d'une tendance à croire aux phénomènes surnormaux. Souvent il avait discuté avec M.

Hodgson la possibilité d'une survivance après la mort, et s'il admettait qu'on pût concevoir une

vie future, il ne pouvait accepter que l'ou y crût. Il s'engagea même, dans le cas où il mourrait

le premier, à faire tout ce qui lui serait possible pour démontrer à son ami la persistance de

l'individualité dans l'au delà.

Le 17 mars 1888, Georges Pelham avait assisté une seule fois à une séance de Mrs Piper, mais

celle-ci ne connaissait pas son nom.

Quatre ou cinq semaines après la mort de G. P.... M. Hodgson accompagnait chez Mrs Piper

un des amis intimes de Georges Pelham, nommé Hart (c'est encore un pseudonyme). Ce

monsieur obtint d'abord des renseignements sur plusieurs de ses parents décédés, puis tout à

coup Phinuit (esprit-guide de Mrs Piper) annonça qu'un autre Georges voulait parler, et le

nom de Pelham fut donné en toutes lettres, ainsi que les noms, prénoms et surnoms de

plusieurs de ses amis intimes, y compris l'évocateur. Toujours par l'intermédiaire de Phinuit,

G. P. dit à M. Hart qu'il avait des boutons de manchettes qui lui avaient appartenu, que ces

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boutons avaient été pris par sa belle-mère sur son propre corps, qu'elle les avait remis à son

frère, lequel en avait fait cadeau à M. Hart. Ensuite il donna les noms de M. et Mme Howard

et leur prénom (James et Marie), ainsi que des détails très personnels sur leur compte. Enfin,

parlant de leur fille Katerine, il ajouta : Dites-lui, et elle me reconnaîtra : Je veux résoudre les

problèmes Katerine. »

Par l'intermédiaire de ce même médium, de nombreux décédés se sont mis en communication

avec des parents ou des amis et ont toujours, parait-il, prouvé leur identité.

Nous-mêmes, en 1903, nous avons obtenu des faits remarquables ; en voici un typique et

important :

Dans le courant de cette année, nous fîmes de nombreuses séances dans lesquelles les

phénomènes spirites et animiques étaient très mélangés. Fréquemment des coups frappés en

dehors du centre d'opération se produisaient et répondaient intelligemment à nos questions.

Beaucoup de communications, qui affectaient les caractères de la véracité, nous furent

données; mais, vérification faite, rien n'était exact.

Les spirites auraient impliqué ces faits à l'intervention de mauvais esprits, alors qu'ils

émanaient simplement de nous-même. Néanmoins, dans le cours de ces séances qui durèrent

plus de trois mois nous obtînmes des cas spiritiques patents. Voici le plus important, il se

présenta dans la séance du 19 août.

La table, ce soir-là, s'agita d'une manière inaccoutumée et la conversation s'engagea :

- Qui êtes-vous ?

- Hermance V...

- Si c'est réellement Mme V... qui se manifeste, qu'elle nous donne une preuve de son identité.

- C'est ce que je viens faire.

- Alors, parlez.

- Mon mari se remariera dans le courant de septembre prochain. Avant son mariage, il viendra

à Paris, mais le temps lui manquera pour vous faire une visite.

- Ce que vous dites-là est impossible, je connais V... Je sais toute l'affection qu'il portait à sa

femme, et jamais je ne pourrai croire qu'il se remarie quatre mois après le décès de celle-ci.

- C'est pourtant vrai, et dans quelques jours vous recevrez la confirmation de ce que je dis.

- C'est alors l'intérêt qui le guide, et non l'affection ?

- L'intérêt n'y est pour rien, mais vous savez bien que Lucien - c'est le prénom de M. V... - ne

peut rester seul.

- Epousera-t-il une femme de son âge ?

- Non, mais une jeune fille de 23 ans et, peu de temps après son mariage il quittera la

Provence pour venir à nouveau habiter Paris.

- Comment, avec la position qu'occupe V... dans le midi, cela est tout à fait inadmissible ?

- Des circonstances malheureuses, surtout une grosse perte d'argent, le forceront à venir à

Paris pour se faire une nouvelle situation.

- Nous verrons si votre prédiction se réalisera, j'en doute fort ; mais en admettant ce que vous

dites, verriez-vous cette union avec déplaisir ?

- Au contraire, Lucien ne pouvant vivre seul.

À ces derniers mots, la table resta immobile. Après quelques minutes d'attente, je demandai si

la communication était terminée : oui, fut la réponse.

- Reviendrez-vous encore ?

- Peut-être...

Mme V... ne s'est plus présentée, et c'est la seule manifestation qu'elle nous ait donnée.

Dans le cas présent, personne ne pouvait se douter de ces révélations, rien ne pouvait faire

prendre cette communication au sérieux. Les membres de ma famille et moi seul connaissions

la défunte et nous étions bien éloignés de croire à ce qu'il venait de nous être dit; les autres

personnes qui assistaient à nos réunions n'avaient jamais entendu prononcer le nom de V...

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Quelques jours après, le 27 août, je reçus une lettre de mon ami V. . ., dans laquelle il

m'annonçait son mariage, pour le mois de septembre, avec Mlle X... et me donnait quelques

renseignements sur sa future, renseignements qui coïncidaient exactement avec ce qui nous

avait été dit le 19 août.

En mars 1904, M. V... vint nous voir et nous apprit qu'il venait s'installer à Paris. Surpris, je

lui fis part de la communication d'Hermance et il en fut si étonné que, quoique ne doutant

point de nos affirmations, il voulut prendre connaissance du procès-verbal de cette séance. En

conséquence, je le conduisis chez Mme C..., chargée du rôle de secrétaire, où il put consulter

son cahier de notes. Nous avons toujours eu la précaution de prendre ou de faire prendre des

notes, parce que, d'habitude, en peu de temps, on oublie les principaux détails d'un fait

quelconque. Ainsi V... put constater que tout ce qu'avait dit sa première femme était d'une

rigoureuse exactitude : son voyage à Paris avant son second mariage, son changement de

position, etc., etc. Le pauvre V... était médusé, et il affirma, en présence de Mme C ... et

d'autres personnes, la réalité des faits concluants que nous n'hésitons pas à donner comme

preuve de la conservation du moi après la mort, comme preuve patente de l'identité de Mme

Hermance V...

M. V... est à Paris, et nous sommes autorisé, le cas échéant, à donner son nom et son adresse.

En 1890, nous avons fait paraître dans la Revue des sciences psychologiques illustrée, n° 8 de

la 1re année, un article intitulé : Force psychique, ses manifestations, que nous croyons utile

de placer ici.

Il y a quelques années, alors que les expériences de Crookes faisaient sensation, je voulais

étudier ces phénomènes, me rendre compte par moi-même du bien-fondé de ces faits. Cette

idée arrêtée, je cherchai des sujets (médiums), et, patiemment, je me mis à l'œuvre.

Pendant plus de deux ans, je n'obtins que des effets insignifiants et ne vis, dans les réunions

que je fréquentai, que des faits si peu concluants que je me fusse découragé dans mes

recherches, si je n'avais eu un aussi grand désir d'apprendre.

Ma patience fut enfin récompensée, puisque, après ces deux années d'insuccès, j'obtins de

patents phénomènes psychiques.

Je ne dirai point comment le hasard me favorisa, et ne raconterai pas les phénomènes

enregistrés pendant près de cinq mois ; je me contenterai, pour donner idée des effets obtenus,

de rapporter une de nos plus belles séances, à laquelle assistaient une quinzaine de personnes,

personnes nullement étrangères à la science : la réunion, ce soir-là, comprenait des médecins

et plusieurs professeurs de l'Université. Les effets ne se produisant que faiblement et

difficilement en pleine lumière, nous étions obligés de faire l'obscurité pour obtenir de

sérieuses et puissantes manifestions.

Les sceptiques vont dresser l'oreille au mot d'obscurité et se demanderont, s'ils veulent un

instant admettre ma bonne foi, si toutes les personnes présentes à la séance que je vais relater

n'ont pas été trompées comme moi par un facétieux quelconque ou si nous n'avons pas été les

jouets d'une hallucination générale, et pourquoi l'obscurité, si les phénomènes sont vrais ?

A cette objection, qui peut paraître très juste aux personnes qui n'ont jamais étudié ces

phénomènes et qui n'ont aucune idée de la chose, je répondrai que la chimie nous apprend que

certains corps, comme l'azotate d'argent et le phosphore, pour n'en citer que deux, sont

décomposés par l'action de la lumière ; que la physique nous prouve, avec le radiomètre de

Crookes, sans chercher d'autres preuves, l'action de la lumière comme force, puisqu'elle fait

fonctionner ce petit instrument que tout le monde connaît. Donc, pourquoi la force que nous

appelons lumière ne neutraliserait-elle pas la force que nous nommons psychique ? Ce n'est

qu'une hypothèse qui trouvera créance auprès des personnes qui ont assisté à des séances de

ce genre et vu des phénomènes psychiques.

A l'objection de tromperie, je répondrai par la description minutieuse des précautions prises

pour éviter toute fumisterie.

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Ainsi, le 3 mars 1883, avant de commencer la séance, j'engageai les personnes présentes à

vérifier toutes choses, à sonder chaque meuble, à tout scruter enfin. Les expériences se faisant

dans mon cabinet, je crois inutile d'affirmer que j'avais la certitude absolue qu'aucun truc,

qu'aucune préparation ne pouvait exister. Quoique nous ne cherchions pas à faire parler la

table, nous nous placions néanmoins autour d'un de ces meubles, voici dans quelle

disposition. Après avoir placé la table dans un des angles de la pièce, mon cabinet formait un

parallélogramme de 6 mètres de longueur sur 4 m. 25 c. de largeur ; cette pièce comprenait

deux croisées, une seule porte d'entrée en face de laquelle se trouvaient la cheminée et deux

placards situés un de chaque côté de la cheminée, après avoir fait ranger, dans l'angle choisi,

l'angle de droite faisant face à la cheminée, les personnes qui ne devaient pas se mettre à la

table, cinq personnes seulement sur quinze devant l'occuper, avec l'aide d'un des assistants,

j'attachai les mains de ces dernières sur la table, sans trop les gêner, mais de façon à les

empêcher de s'écarter de plus de 15 à 20 centimètres les unes des autres. J'enserrai le pied de

la table dans les plis de la corde passée autour de la taille de chacune des personnes présentes.

Ceci fait, je priai M. R.... qui m'avait aidé, de garder un des bouts de la corde pendant que je

tiendrais l'autre. Pour plus de sûreté, j'avais préalablement placé le canapé, les deux fauteuils

inoccupés, ainsi que mon bureau, autour des personnes qui occupaient la table, ce meuble

étant, ainsi que je l'ai dit, placé dans un des angles de la pièce, et c'est dans cet angle même,

derrière la table, que j'avais fait asseoir les assistants. Ainsi arrangés, aucun de nous ne

pouvait se déplacer sans entraîner les autres, et le plus léger mouvement d'un seul était

forcément saisi par tous.

Ces dispositions achevées, m'emparant de mon bout de corde, je me plaçai derrière les autres

personnes, tout à fait au sommet de l'angle où j'avais, auparavant, mis un petit guéridon pour

supporter la lampe. A onze heures moins cinq minutes, j'éteignis la lumière.

A peine le premier coup de onze heures sonnait à la pendule que des coups violents se firent

entendre sur divers points de la pièce ; des coups plus faibles étaient frappés; au même instant,

sur mon bureau placé à une distance suffisante, où aucun des assistants ne pouvait porter ni la

main ni le pied, divers objets qui s'y trouvaient dessus furent projetés du côté de la cheminée,

où nous les trouvâmes après la séance. Deux livres fraîchement reliés, qu'on m'avait apportés

dans la journée, furent promenés dans tous les sens et vinrent effleurer les mains et la tête de

quelques uns de nous. Pour mon compte, je fus touché quatre fois simultanément sur la joue et

sur l'épaule droite, mais d'une façon si délicate qu'aucun de nous n'aurait pu, imiter ces

attouchements, même en pleine lumière : les deux volumes furent retrouvés sur la cheminé.

En même temps que les livres, un timbre qui se trouvait sur mon bureau était enlevé et

promené dans toutes les directions ; tantôt on l'entendait sonner au plafond, tantôt sous nos

chaises.

Plusieurs personnes ayant demandé mentalement des nombres de coups, le timbre ne se

trompa jamais ; mais même ayant pensé les nombres 4 et 10, le timbre répondit exactement :

cet instrument se fît entendre environ cinq minutes et fut retrouvé sur le paquet au pied de la

cheminée. Deux cartes géographiques furent changées de place ; l'une fut suspendue à la

tringle des rideaux d'une des fenêtres ; l'autre accrochée à une patère et retournée sens dessus

dessous.

Après une pause d'une minute, peut-être, étant dans l'obscurité, nous ne pouvions consulter

nos montres, des coups se firent entendre sur la porte du placard situé à gauche de la

cheminée. Nous prêtâmes l'oreille et nous entendîmes tous distinctement la porte s'ouvrir -

cette porte n'était fermée que par une targette et un vacarme assez drôle se produisit des

plaques métalliques, qui me servaient pour des expériences d'électricité et qui étaient

enfermées là, s'entrechoquaient en cadence ; ces plaques, toujours entrechoquées, voltigèrent

un instant dans la pièce, et nous les trouvâmes éparpillées sur le parquet.

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Pendant toute la séance, qui dura dix-huit minutes, les coups ne discontinuèrent pas d'être

frappés un peu dans toutes les directions, mais surtout du côté de la cheminée, c'est-à-dire en

face de nous. Les attouchements, ce soir-là, furent fréquents ; ces attouchements n'avaient rien

de désagréable, et, plusieurs fois, je sentis comme une main tiède, naturelle; s'appuyer sur la

mienne, mais, chaque fois que je voulais la saisir, elle s'évanouissait. Quelques personnes

dirent avoir vu une main lumineuse aller lentement d'un côté et d'autre, mais comme

quelques-unes seulement la virent, je ne mentionne le fait que pour mémoire.

Je dirai, en terminant : je suis absolument certain de la réalité des phénomènes décrits ; je suis

sûr, pertinemment sûr, de ne pas avoir été trompé, toutes mes précautions ayant été bien

prises. J'ai maintes fois assisté à des fumisteries, mais pour un observateur tant soit peu

attentif, qui a vu de véritables phénomènes psychiques, l'erreur n'est pas possible, car la

simulation ne ressemble en rien à la vérité.

Maintenant quelle est cette force, et cette force est-elle intelligente ? Je réponds

affirmativement à cette dernière proposition. Cette intelligence est-elle étrangère au groupe ?

Je répondrais oui, en m'appuyant sur ceci : que jamais le phénomène n'a voulu se manifester

avant 11 heures précises du soir, alors que nous nous placions dans, les conditions voulues

longtemps avant l'heure indiquée. Nous sommes, quelquefois, restés dans l'obscurité, pour

éprouver le phénomène, plus de deux heures sans obtenir le plus petit effet, les mêmes

personnes, c’est-à-dire celles qui obtenaient d'habitude les effets réunies ; le phénomène

n'était point à notre disposition, et c'était presque toujours le contraire de ce que nous

attendions ou de ce que nous demandions qui se produisait. Enfin, après cinq mois de séances

régulières, le phénomène nous ayant avertis qu'il ne se manifesterait plus, nous donnant ses

raisons, à l'époque fixée par lui, les effets cessèrent, et, après maints essais infructueux, nous

fûmes obligés de nous incliner et de nous rendre à l'évidence.

Que conclure après cela ? Avons-nous eu affaire avec une force émanant de nous seulement ?

La chose me parait peu probante, puisque les mêmes personnes réunies n'ont pu, dans la suite,

plus rien obtenir. Avons-nous eu réellement les communications d'un désincarné, comme

l'affirmait le phénomène ? Peut-être serait-il plus logique, comme le dit Crookes, au sujet de

Katie, de croire ce que disait être le phénomène que de s'embrouiller dans des hypothèses

indissolubles.

Au sujet des cas particuliers qui semblent prouver l'action d'intelligences extra-terrestres,

Crookes dit :

Il a déjà été prouvé que ces phénomènes sont gouvernés par une intelligence. Il est très

important de connaître la source de cette intelligence. Est-ce celle du médium ou bien celle

d'une des personnes qui sont dans l'appartement, ou bien cette intelligence est-elle en dehors

d'eux ? Sans vouloir à présent me prononcer positivement sur ce point, je puis dire que, tout

en constatant que dans bien des cas la volonté et l'intelligence du médium ont paru avoir

beaucoup d'action sur les phénomènes, j'ai observé aussi plusieurs cas qui semblent montrer

d'une manière concluante l'action d'un intelligence extérieure et étrangère de toutes les

personnes présentes. L'espace ne me permet pas de donner ici tous les arguments qu'on peut

mettre en avant pour prouver ces assertions, mais parmi un grand nombre de faits j'en

mentionnerai brièvement un ou deux.

En ma présence, plusieurs phénomènes se sont produits en même temps, et le médium ne les

connaissait pas tous. Il m'est arrivé de voir Mlle Fox écrire automatiquement une

communication pour un des assistants, pendant qu'une autre communication sur un autre sujet

lui était donnée pour une autre personne au moyen de l'alphabet et par coups frappés, et

pendant tout ce temps le médium causait avec une troisième personne, sans le moindre

embarras, sur un sujet tout à fait différent des deux autres.

Un cas peut-être plus frappant est le suivant :

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Pendant une séance avec Home, la petite latte dont j'ai déjà parlé traversa la table pour venir à

moi en pleine lumière, et me donna une communication en me frappant sur la main. J'épelais

l'alphabet, et la latte me frappait aux lettres qu'il fallait. L'autre bout de la latte reposait sur la

table, à une certaine distance des mains de M. Home.

Les coups étaient si nets et si précis, et la règle était si évidemment sous l'influence d'une

puissance invisible qui dirigeait ses mouvements que je dis : L'intelligence qui dirige les

mouvements de la règle peut-elle changer le caractère de ces mouvements, et me donner au

moyen de coups frappés sur ma main un message télégraphique avec l'alphabet de Morse ? »

J'ai toutes les raisons possibles pour croire que l'alphabet de Morse était tout à fait inconnu

des personnes présentes, et même je ne le connaissais qu'imparfaitement. J'avais à peine

prononcé ces paroles que le caractère des coups frappés changea, et le message fut continué

de la manière que j'avais demandée. Les lettres me furent données trop rapidement pour

pouvoir faire autre chose que de saisir un mot par-ci par-là, et par conséquent ce message fut

perdu ; mais j'en avais assez vu pour me convaincre qu'à l'autre bout de la latte il y avait un

bon opérateur de Morse, quel qu'il pût être d'ailleurs.

Encore un autre exemple, une dame écrivait automatiquement au moyen de la planchette.

J'essayai de découvrir le moyen de prouver que ce qu'elle écrivait n'était pas dû à l'action

inconsciente du cerveau. La planchette, comme elle le fait toujours, affirmait que quoi qu'elle

fût mise en mouvement par la main et le bras de cette dame, l'intelligence qui la dirigeait était

celle d'un être invisible, qui jouait du cerveau de la dame comme d'un instrument de musique,

et faisait ainsi mouvoir ses muscles.

Je dis alors à cette intelligence : Voyez-vous ce qu'il y a dans cette chambre ? Oui, écrivit la

planchette. Voyez-vous ce journal et pouvez-vous le lire ? Ajoutai-je, en mettant mon doigt

sur le numéro du Times qui était sur une table derrière moi, mais sans le regarder. Oui,

répondit la planchette. Bien, dis-je, si vous pouvez le voir, écrivez le mot qui est maintenant

couvert par mon doigt et je vous croirai. » La planchette commença à se mouvoir lentement et

avec beaucoup de difficulté elle écrivit le mot however » Je me tournai et je vis que le mot

honneur était couvert par le bout de mon doigt.

Lorsque je fis cette expérience, j'avais évité à dessein de regarder le journal, et il était

impossible à la dame, l'eût-elle essayé, de voir un seul des mots imprimés, car elle était assise

à une table, le journal était sur une autre table derrière moi, et mon corps lui en cachait la vue.

Aussi intéressante est l'expérience qui fut annoncée en ces termes par un message

alphabétique : Nous allons vous produire une manifestation qui vous donnera la preuve de

notre pouvoir. » L'obscurité était complète et les deux mains de Mlle Fox étaient tenues par W

Crookes. Une clochette fit entendre son tintement ; elle allait et venait de tous côtés dans la

chambre, frappant le plancher, le mur ou la tête de Crookes, et tomba sur la table au bout de

cinq minutes. C'était la clochette que Crookes avait laissée dans sa bibliothèque, laquelle se

trouvait dans une pièce fermée par une seule clef qu'il avait d'ailleurs dans sa poche. Après

vérification Crookes vit que la sonnette n'était plus là où elle aurait dû se trouver.

Le cas suivant eut lieu à la lumière, en présence de Home et de quelques membres de la

famille de W. Crookes. À la suite d'une conversation sur certains faits qui ne semblaient

pouvoir s'expliquer qu'en admettant que la matière pouvait réellement passer à travers une

substance solide » le message alphabétique suivant fut donné Il est impossible à la matière de

passer à travers la matière, mais nous allons vous montrer ce que nous pouvons faire. »

Bientôt après, une apparition lumineuse planant sur un bouquet de fleurs placé eu milieu de la

table de la salle à manger, une tige d'herbe de Chine, de 15 pouces de long, s’éleva lentement

du milieu des autres fleurs, descendit sur la table en face du vase, ne s'y arrêta pas, mais elle

passa droit à travers » et tous les assistants la virent bien jusqu'à ce qu'elle l'eût entièrement

traversée.

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En outre, deux personnes virent une main qui venait de dessous la table et tenait la tige

d'herbe dont elle frappa deux ou trois fois Mme Crookes sur l'épaule avec un bruit que tout le

monde entendit » ; puis elle disparut après avoir déposé l'herbe sur le plancher. Pendant que

cela se passait, les mains de M. Home étaient placées sur la table en face de lui; de plus la tige

était trop grosse pour qu'elle put passer à travers une fente de la table.

Les docteurs Dusard et Ch. Broquet, au courant des théories émises par les sceptiques pour

expliquer des faits inexplicables en dehors des données spirites, ont fait, dans un village du

Nord, près de Valenciennes, de nombreuses expériences qui démontrent l'intervention

d'intelligences affranchies de la matière, et ces observateurs se sont toujours mis à l'abri de

toute erreur possible. (Voir Recherches sur la Médiumnité, de G. Delanne.)

Des faits très démonstratifs sont affirmés par des professeurs et des médecins de tous les pays,

et nous ne saisissons point le but qu'ils poursuivraient, en soutenant des utopies.

Nous devons mentionner également un fait des plus concluants : le moulage des mains ou des

pieds, obtenu avec de la paraffine chaude, et qui ne sont point les mains ou les pieds des

médiums.

Ces expériences, réussies avec toute la rigueur scientifique, ne peuvent laisser le moindre

doute aux esprits non prévenus.

En voici une où toutes les précautions imaginables avaient été prises.

Afin d'éviter une fraude quelconque, le docteur Gardner fit confectionner une caisse, dont la

description parut dans le Banner of Light du 26 mai 1876, description que nous donnons ci-

dessous.

Cette caisse, de forme rectangulaire, mesure 30 pouces de longueur et de profondeur sur 24 de

largeur. Le fond, les quatre supports des coins et le couvercle à deux battants sont en bois,

ainsi que la partie supérieure des parois comprise entre le couvercle et le treillis en fil de fer ;

ce cadre, en bois, haut de 8 pouces 1/2, est perforé de trous espacés de 1 pouce et ayant 3/4 de

pouce de diamètre. Ces orifices se trouvent réduits de 1/4 de pouce par un placage collé à

l'intérieur. Le treillis de fer qui forme le corps de la caisse est composé d'un morceau unique

de fil, dont les deux bouts se joignent sur l'un des supports et sont masqués par une planchette

en bois clouée au support. Le couvercle est composé de deux parties s'ouvrant au dehors; l'un

des battants se ferme des deux côtés au moyen de verrous ; l'autre se fermait primitivement

par un simple fermoir à levier. Le treillis, très solide et très épais, forme des mailles de 3/8 de

pouce. Après plusieurs séances réussies, mais auxquelles nous n'avions pas assisté, on

remarqua quelques défauts dans la boîte et on fit exécuter quelques modifications, afin qu'elle

répondît à toutes les exigences : les deux côtés du couvercle furent munis de serrures, assurant

la fermeture absolue de la boîte. Si nous avons si longuement insisté sur les détails de cet

appareil, c'est qu'il doit servir à établir d'une manière péremptoire la bonne foi du médium. »

Ce dispositif servit aux expériences faites à Boston du 1er au 4 mai 1876, par MM. le Colonel

Frédérick A. Pope, John Wetherbec, J. S. Draper, Epes Sargent, le littérateur bien connu, M.

Hardy, mesdames Dora Brigham et Hardy : cette dernière était le médium.

Les expérimentateurs, après avoir scrupuleusement vérifié la caisse, l'agencèrent pour

l'obtention du phénomène ; puis les verrous furent soigneusement cachetés. On la recouvrit

ensuite d'une toile, et le jour fut diminué dans la pièce, mais il en restait suffisamment pour

pouvoir distinguer tous les objets.

Après une quarantaine de minutes d'attente, des coups animés et précipités annoncèrent la

réussite de l'expérience. Constatation faite, rien n'avait été changé à ce dispositif, tout était

exactement comme avant l'expérience. On ouvrit alors la caisse, et du vase d'eau froide qu'elle

contenait on retira le moule d'une main plus volumineuse que celles du médium. Ces

expériences furent renouvelées avec le même succès.

Des phénomènes de cette catégorie ont été obtenus un peu partout. Des cas nombreux se sont

produits en présence du médium Eglinton, tant en Angleterre qu'en Russie comme ailleurs.

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Dans cet ordre d'idées, on connaît les expériences récentes de quelques savants français, faites

avec le médium Eusapia.

Ces faits ne sont pas plus extraordinaires que celui de l'écriture directe, sur des ardoises,

réalisé par le médium Slades.

Le docteur Paul Gibier a rapporté dans ses ouvrages : Fakirisme occidental et Choses de

l'autre monde, ses nombreuses expériences avec Slades. Le savant allemand Zollner avait

précédé Gibier dans ces recherches avec le même sujet et, comme ce dernier, il concluait à la

réalité des phénomènes.

Nous-même, en 1887, chez le comte Balbiani, sur des ardoises apportées par nous et que le

médium ne toucha pas, nous avons pu obtenir les faits affirmés par Zollner et Gibier.

Des effets, peut-être plus concluants, ont été aussi constatés : nous voulons parler de la

photographie des fantômes.

Vers 1855, on apprit, en Europe, qu'en Amérique on photographiait des spectres et que ces

apparitions étaient réelles, objectives. L'impulsion donnée, plusieurs photographes essayèrent,

mais si tous ne réussirent pas, quelques-uns obtinrent ce que les Américains avaient avancé.

Les amateurs furent plus nombreux en Angleterre, où les faits se multiplièrent. En France, il y

eut aussi des photographes médiums, et si Buguet fut condamné pour escroquerie, cela

n'infirme en rien la vérité.

Nous avons vu des photographies spirites de Buguet qui, bien certainement, n'avaient pas été

truquées. Mais le désir de satisfaire ses nombreux clients et surtout l'appât du gain suggérèrent

à ce pauvre diable d'aider le phénomène, lorsqu'il ne pouvait se produire.

C’est curieux de voir combien de médiums ont la tendance à marcher sur les traces du

photographe parisien… Quoi qu'il en soit, cela n'empêche point le fait d'exister.

Donc, si une plaque photographique enregistre quelque chose, c'est que ce quelque chose n'est

pas fictif, et si, vérification faite par plusieurs personnes honorables, l'image est reconnue

pour celle d'une personne décédée, nous ne voyons pas les raisons qu'on pourrait donner pour

essayer de prouver le contraire.

Voici sur ces faits importants un certificat intéressant :

Nous, soussignés, ayant pris part à la séance publique de photographie spirite, organisée par

M. J. Hartman, certifions par la présente que nous avons minutieusement suivi toutes les

manipulations auxquelles ont été soumises nos propres plaques sensibles, qui étaient

marquées ; que nous avons contrôlé les opérations dans le cabinet noir aussi bien qu'au

dehors, et que nous n'avons pas découvert le moindre indice de supercherie ou d'un truc

quelconque employé par M. Hartman. Nous certifions aussi que, durant la dernière

expérience, au cours de laquelle le résultat fut obtenu, M. Hartman n'a pas touché à la plaque,

et n'est même pas entré dans le cabinet noir.

J. Slatter, C.-H. Murhman, V. Cutter, J.-P. Weckman, F.-T. Moreland, T. Teeple,

photographes de profession.

E. Saunders, Wm. Warrigton, Joseph Kinsay, Benjamin E. Hopkins, E. Hopkins, G.-A.

Carnahan, WM. Sullivan, James P. Geppert, D.-V. Morrow, M.D., et Robert Leslie !

Cincinnati, Ohio, 25 décembre 187516

.

M. Taylor, directeur du Journal Britannique de photographie, après avoir longtemps combattu

la possibilité des photographies spirites, fit des expériences avec un médium Ecossais et, dans

un article paru dans son journal le 17 mars 1893, intitulé : Photographie spiritique, confirme

l'authenticité de ces photographies transcendantales.

Eu égard à sa compétence, le témoignage de M. Taylor est capital.

Nous sommes loin, ici, des hallucinations, et les dernières expériences que nous allons citer, si

elles ne donnent pas le coup de grâce au scepticisme, l'ébranleront puissamment.

16

Réimprimé dans le Spiritualist, n° 179. vol. VIII, n° 4. Londres, 28 janvier 1876, pp. 37 et 38.

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Dans les cas qui précèdent, l'apparition photographiée n'est vue de personne ou seulement du

médium ; dans ceux qui suivent, elle est tangible, matérielle pour ainsi dire et vue par tous les

assistants.

Crookes dit, au sujet de la dernière apparition de Katie King et de sa photographie obtenue à

l'aide de la lumière électrique:

Ayant pris une part très active aux dernières séances de Mlle Cook, et ayant très bien réussi à

prendre de nombreuses photographies de Katie King à l'aide de la lumière électrique, j'ai

pensé que la publication de quelques détails serait intéressante pour les spiritualistes.

Durant la semaine qui a précédé le départ de Katie, elle a donné des séances chez moi,

presque tous les soirs, afin de me permettre de la photographier à la lumière artificielle. Cinq

appareils complets de photographie furent donc préparés à cet effet. Ils consistaient en cinq

chambres noires, une de la grandeur de la plaque entière, une de demi plaque, une de quart, et

de deux chambres stéréoscopiques binoculaires, qui devaient toutes être dirigées sur Katie en

même temps, chaque fois qu'elle poserait pour obtenir son portrait. Cinq bains sensibilisateurs

et fixateurs furent employés, et nombre de glaces furent nettoyées à l'avance, prêtes à servir,

afin qu'il n'y eût ni hésitation ni retard pendant les opérations photographiques, que j'exécutai

moi-même assisté d'un aide.

Ma bibliothèque servit de cabinet noir : elle avait une porte à deux battants qui s'ouvrait sur le

laboratoire. Un de ces battants fut enlevé de ses gonds, et un rideau fut suspendu à sa place

pour permettre à Katie d'entrer et de sortir facilement. Ceux de nos amis qui étaient présents

étaient assis dans le laboratoire en face du rideau, et les chambres noires étaient placées un

peu derrière eux, prêtes à photographier Katie quand elle sortirait, et à prendre également

l'intérieur du cabinet, chaque fois que le rideau serait soulevé dans ce but. Chaque soir, il y

avait trois ou quatre expositions de glaces dans les cinq chambres noires, ce qui donnait au

moins quinze épreuves par séance, quelques-unes se gâtèrent au développement, d'autres en

réglant la lumière. Malgré tout, j'ai quarante quatre négatifs, quelques-uns médiocres,

quelques-uns ni bons ni mauvais, et d'autres excellents.

Katie donna pour instruction à tous les assistants de rester assis et d'observer cette condition ;

seul je ne fus pas compris dans cette mesure, car depuis quelque temps elle m'avait donné la

permission de faire ce que je voudrais, de la toucher, d'entrer dans le cabinet et d'en sortir,

presque chaque fois qu'il me plairait. Je l'ai souvent suivie dans le cabinet et l'ai vue

quelquefois, elle et son médium en léthargie, et reposant sur le parquet. Katie et son costume

blanc avaient instantanément disparu.

Durant ces dix derniers mois, Mlle Cook a fait chez moi de nombreuses visites, et y est

demeurée quelquefois une semaine entière. Elle n'apportait avec elle qu'un petit sac de nuit, ne

fermant pas à clef, pendant le jour elle était constamment en compagnie de Mme Crookes, de

moi-même, ou de quelque autre membre de ma famille, et ne dormant pas seule, il y a eu

manque absolu d'occasions de rien préparer, même d'un caractère moins achevé, qui fait apte

à jouer le rôle de Katie King. J'ai préparé et disposé moi-même ma bibliothèque ainsi que le

cabinet noir et d'habitude, après que Mlle Cook avait dîné et causé avec nous, elle se dirigeait

droit au cabinet, et, à sa demande, je fermais à clef la seconde porte, gardant la clef sur moi

pendant toute la séance : alors on baissait le gaz, et on laissait Mlle Cook dans l'obscurité.

En entrant dans le cabinet, Mlle Cook s'étendait sur le plancher, sa tête sur un coussin, et

bientôt elle était en léthargie. Pendant les séances photographiques, Katie enveloppait la tête

de son médium avec un châle, pour empêcher que la lumière ne tombât sur son visage.

Fréquemment j'ai soulevé un côté du rideau lorsque Katie était debout tout auprès, et alors il

n'était pas rare que les sept ou huit personnes qui étaient dans le laboratoire pussent voir en

même temps Mlle Cook et Katie, sous le plein éclat de la lumière électrique. Nous ne

pouvions pas, alors, voir le visage du médium à cause du châle, mais nous apercevions ses

mains et ses pieds; nous la voyions se remuer péniblement sous l'influence de cette lumière

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intense, et par moments nous entendions ses plaintes. J'ai une épreuve de Katie et de son

médium photographiés ensemble ; mais Katie est placée devant la tête de Mlle Cook.

Pendant que je prenais une part active à ces séances, la confiance qu'avait en moi Katie

s'accroissait graduellement, au point qu'elle ne voulait plus donner de séance à moins que je

ne me chargeasse des dispositions à prendre, disant qu'elle voulait toujours m'avoir près d'elle

et près du cabinet. Dès que cette confiance fut établie, et quand elle eut la satisfaction d'être

sûre que je tiendrais les promesses que je pouvais lui faire les phénomènes augmentèrent

beaucoup en puissance, et des preuves me furent données qu'il m'eût été impossible d'obtenir

si je m'étais approché du sujet d'une manière différente.

Elle m'interrogeait souvent au sujet des personnes présentes aux séances, et sur la manière

dont elles seraient placées, car dans les derniers temps elle était devenue très nerveuse à la

suite de certaines suggestions malavisées qui conseillaient d 'employer la force pour aider à

des modes de recherches plus scientifiques.

Une des photographies les plus intéressantes est celle où je suis debout à côté de Katie ; elle a

son pied nu sur un point particulier du plancher. J'habillai ensuite Mlle Cook comme Katie ;

elle et moi nous nous plaçâmes exactement dans la même position, et nous fûmes

photographiés par les mêmes objectifs placés absolument comme dans l'autre expérience, et

éclairés par la même lumière. Lorsque ces deux dessins sont placés l'un sur l'autre, les deux

photographies de moi coïncident parfaitement quant à la taille, etc., mais Katie est plus grande

d'une demi-tête que Mlle Cook, et auprès d'elle elle semble une grosse femme. Dans beaucoup

d'épreuves la largeur de son visage et la grosseur de son corps diffèrent essentiellement de son

médium, et les photographies font voir plusieurs autres points de dissemblance.

Mais la photographie est aussi impuissante à dépeindre la beauté parfaite du visage de Katie

que les mots le sont eux-mêmes à décrire le charme de ses manières. La photographie peut, il

est vrai, donner un dessin de sa pose ; mais comment pourrait-elle reproduire la pureté

brillante de son teint, ou l'expression sans cesse changeante de ses traits si mobiles, tantôt

voilés de tristesse lorsqu'elle racontait quelque amer événement de sa vie passée, tantôt

souriant avec toute l'innocence d'une jeune fille, lorsqu'elle avait réuni mes enfants autour

d'elle, et qu'elle les amusait en leur racontant des épisodes de ses aventures dans l'Inde.

J'ai si bien vu Katie récemment, lorsqu'elle était éclairée par la lumière électrique, qu'il m'est

impossible d'ajouter quelques traits aux différences que dans un précédent article j'ai établies

entre elle et son médium. J'ai la certitude la plus absolue que Mlle Cook et Katie sont deux

individualités distinctes, du moins en ce qui concerne leurs corps. Plusieurs petites marques

qui se trouvent sur le visage de Mlle Cook font défaut sur celui de Katie. La chevelure de

Mlle Cook est d'un brun si foncé qu'elle parait presque noire ; une boucle de celle de Katie,

qui est là sous mes yeux, et qu'elle m'avait permis de couper au milieu de ses tresses

luxuriantes, après l'avoir suivie de mes propres doigts sur le haut de sa tête et m'être assuré

qu'elle y avait bien poussé, est d'un riche châtain doré.

Un soir je comptai les pulsations de Katie : son pouls battait régulièrement 75, tandis que

celui de Mlle Cook, peu d'instants après, atteignait 90, son chiffre habituel. En appuyant mon

oreille sur la poitrine de Katie, je pouvais entendre un cœur battre à l'intérieur, et ses

pulsations étaient encore plus régulières que celles du cœur de Mlle Cook, lorsque, après la

séance, elle me permettait la même expérience. Éprouvés de la même manière, les poumons

de Katie se montrèrent plus sains que ceux de son médium, car au moment où je fis mon

expérience Mlle Cook suivait un traitement pour un gros rhume.

Vos lecteurs trouveront sans doute intéressant qu'à vos récits et à ceux de M. Ross Church, au

sujet de la dernière apparition de Katie, viennent s'ajouter les miens, du moins ceux que je

puis publier. Lorsque le moment de nous dire adieu fut arrivé pour Katie, je lui demandai la

faveur d'être le dernier à la voir. En conséquence, quand elle eut appelé à elle chaque

personne de la société et qu'elle leur eut dit quelques mots en particulier, elle donna des

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instructions générales pour notre direction future et la protection à donner à Mlle Cook. De

ces instructions, qui furent sténographiées, je cite la suivante : M. Crookes a très bien agi

constamment, et c'est avec la plus grande confiance que je laisse Florence entre ses mains,

parfaitement sûre que je suis qu'il ne trompera pas la foi que j'ai en lui. Dans toutes les

circonstances imprévues il pourra faire mieux que moi-même, car il a plus de force. »

Ayant terminé ses instructions, Katie m'engagea à entrer dans le cabinet avec elle, et me

permit d'y demeurer jusqu'à la fin.

Après avoir fermé le rideau, elle causa avec moi pendant quelque temps, puis elle traversa la

chambre pour aller à Mlle Cook qui gisait inanimée sur le plancher. Se penchant sur elle,

Katie la toucha et lui dit : Eveillez-vous, Florence, éveillez-vous ! Il faut que je vous quitte

maintenant ! »

Mlle Cook s'éveilla, et toute en larmes elle supplie Katie de rester quelque temps encore. Ma

chère, je ne le puis pas ; ma mission est accomplie. Que Dieu vous bénisse ! » répondit Katie,

et elle continua à parler à Mlle Cook. Pendant quelques minutes elles causèrent ensemble,

jusqu'à ce qu'enfin les larmes de Mlle Cook l'empêchèrent de parler. Suivant les instructions

de Katie, je m'élançai pour soutenir Mlle Cook, qui allait tomber sur le plancher et qui

sanglotait convulsivement. Je regardai autour de moi, mais Katie et sa robe blanche avaient

disparu. Dès que Mlle Cook fui, assez calmée, on apporta une lumière et je la conduisis hors

du cabinet.

Les séances presque journalières dont Mlle Cook m'a favorisé dernièrement ont beaucoup

éprouvé ses forces, et je désire faire connaître le plus possible les obligations que je lui dois

pour son empressement à m'assister dans mes expériences. Quelque épreuve que j'aie

proposée, elle a accepté de s'y soumettre avec l'a plus grande bonne volonté ; sa parole est

franche et va droit au but, et je n'ai jamais rien vu qui pût en rien ressembler à la plus légère

apparence du désir de tromper. Vraiment, je ne crois pas qu'elle pût mener une fraude à bonne

fin, si elle venait à l'essayer; et si elle le tentait, elle serait très promptement découverte, car

une telle manière de faire est tout à fait étrangère à sa nature. Et quant à imaginer qu'une

innocente écolière de quinze ans ait été capable de concevoir et de mener pendant trois ans

avec un plein succès une aussi gigantesque imposture que celle-ci, et que pendant ce temps

elle se soit soumise à toutes les conditions qu'on a exigées d'elle, qu'elle ait supporté les

recherches les plus minutieuses, qu'elle ait voulu être, inspectée à n'importe quel moment, soit

avant, soit après les séances ; qu'elle ait obtenu encore plus de succès dans ma propre maison

que chez ses parents, sachant qu'elle y venait expressément pour se soumettre à de rigoureux

essais scientifiques ; quant à imaginer dis-je, que la Katie King des trois dernières années est

le résultat d'une imposture, cela fait plus de violence à la raison et au bon sens que de croire

qu'elle est ce qu'elle affirme elle-même. »

A ce sujet, sir Alfred Russel Wallace, le célèbre naturaliste, membre du bureau de la Société

royale de Londres, collaborateur de Darwin, dit dans les Miracles et le moderne spiritualisme

:

Depuis que ces manifestations ont cessé, en ce qui concerne Miss Cook, elles se sont

produites avec d'autres médiums à Manchester, à Newcastle, à Melbourne et en particulier en

Amérique, dans des conditions, s'il est possible, encore plus rigoureuses. M. Robert Dale

Owen affirme avoir vu la forme esprit sortir d'un cabinet vide, tandis que les médiums étaient

visibles et étaient assis parmi les spectateurs. En diverses occasions, lui et d'autres ont vu cet

esprit » en apparence vivant, solide, se mouvant et parlant, s'évanouir ensuite, positivement,

sous leurs yeux, et réapparaître au bout d'un certain temps. Le spectre s'évanouissait en

commençant par la tête, et en allant vers le bas. Dans une autre circonstance, sur un autre

parquet nu, en planches polies, le spectre apparut sortant du parquet ; d'abord la tête, les

épaules, ensuite le corps tout entier qui, après cela, se mit à marcher parmi les spectateurs.

Une autre fois, trois formes distinctes apparurent sortant d'un cabinet, parlèrent aux témoins et

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furent touchées par eux. Ceux qui ne savent rien du sujet qui nous occupe ne peuvent

naturellement croire cela ; mais pour tous ceux qui savent que bon nombre de phénomènes

spirites sont des faits, la preuve en question doit être concluante. »

Les plus récentes matérialisations sont celles de la villa Carmen (Alger), propriété du général

Noël. Les médiums étaient Mlle Marthe, l'ex-fiancée du fils du général Noël, et Mme Ninon.

G. Delanne, qui avait déjà publié dans la Revue scientifique et morale du spiritisme, les

procès-verbaux qui lui avaient été adressés sur les phénomènes de la villa Carmen, fut invité

par M. le général Noël à s'assurer par lui-même de la réalité des manifestations et

matérialisations de l'Esprit Bien Boa. Pendant près de deux mois, il put étudier ces

matérialisations et, plus tard, il assista à des séances en compagnie de M. Ch. Richet, l'illustre

physiologiste bien connu. Dans la Revue qu'il dirige, G. Delanne énumère avec soin les

précautions qui on été prises pour éviter les causes d'erreur et les moyens employés pour

s'assurer de l'existence positive du fantôme », signalons notamment l'exclusion du cocher du

général Noël, nommé Areski, qui fut pris deux fois en flagrant délit de tentative de fraude.

Nous ne parlerons ici que des séances auxquelles a assisté le professeur Ch. Richet, et qui ont

éveillé quelque peu l'ironie de la presse profane. La première séance eut lieu le 13 août 1905 à

9 h. 1/2 du soir. M. Richet était présent, Mme Ninon était le médium. On se sépara sans

résultats. Les 18, 20 et 21 août, l'apparition se montra vêtue de longues draperies blanches,

coiffée d'un turban, la figure pâle avec des moustaches et de la barbe. L'assistance se

composait de M. Richet, M. G. Delanne, le général et Mme Noël, Mlle B... Mme B... Mme

X.., les médiums étaient Mlle A... et Mme Ninon. Dans les séances qui suivirent, des

photographies simultanées de l'esprit Bien-Boa et des médiums furent obtenues à l'aide du

magnésium chloraté. Certaines expériences prouvèrent que la matérialisation avait toutes les

apparences de la vie; elle marchait, respirait, parlait. D'autre part, M. Richet, dans le n° de

mars des Annales psychiques, met en évidence ce que la campagne contre les matérialisations

de la villa Carmen a eu de superficiel et d'inexact ».

Le colonel A. de Rochas a publié dans un numéro de Je sais tout (15 avril 1906), certaines

expériences faites avec un commerçant de San Francisco (Californie), nommé Miller, et qui

est un médium très puissant. L'installation réalisait toutes les conditions de sécurité ainsi que

l'atteste la lettre d'un témoin, M. Van der Naillen, fondateur et directeur de l'Ecole des

ingénieurs de San Francisco. Après les préparatifs et le chant des hymnes ordinaires dans ces

occasions, une forme blanche, de haute taille, apparut et demanda à voir sa mère, Mme Engel,

présente. L'esprit et la mère se reconnurent, s'embrassèrent et causèrent ensemble pendant

quelques minutes, qui furent suivies de la dématérialisation. Peu après, une autre forme, qui

déclara se nommer Lilly Roberts, rentra dans le cabinet, puis se dématérialisa. Ensuite,

Betzey, le contrôle en chef du médium, » fit son apparition et s'informa de la santé d'un vieux

monsieur, un de ses anciens amis, assis près du cabinet et nommé Durban. Betzey, appelé par

le médium, retourna dans le cabinet ; ils tinrent tous deux une courte conversation et

avertirent l'assistance qu'un esprit allait se matérialiser; une jeune fille apparut, en effet, disant

que son nom était Jérémia Clarke ». M. de Rochas termine sa communication en espérant

que d'ici à quelques mois, cette preuve de matérialisation pourra se faire à Paris même », car

le professeur Reichel et M. Van der Naillen lui ont promis d'amener Miller en France.

Afin de permettre aux personnes désireuses d'essayer l'obtention des phénomènes

transcendants que nous venons de décrire, nous indiquons le modus operandi habituel, certain

de faire œuvre utile.

Dans un cercle d'études, si un sensitif rentre dans cet état particulier qu'on nomme trance, on a

de grandes chances d'arriver à de bons résultats : il ne s'agit plus que de développer

patiemment les facultés du médium.

Pour cela, les mêmes expérimentateurs doivent se réunir de préférence dans le même local, et

toujours régulièrement.

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La pièce choisie pour les expériences doit être sobrement meublée : des chaises pour les

assistants et une table sont suffisantes.

On placera, dans l'angle le plus obscur de la salle, d'épais rideaux, pour former le cabinet où

devra se tenir le médium, allongé sur un canapé, sur une chaise longue ou assis simplement

sur une chaise ordinaire.

Le sujet, commodément installé dans le cabinet, les rideaux tirés pour le dérober à la vue des

observateurs, ces derniers se placeront en demi-cercle à un mètre ou à un mètre cinquante de

distance des rideaux et formeront la chaîne en se tenant par les mains puis on fera l'obscurité

la plus complète.

Dans la suite, si des effets se produisent, pour les observer plus complètement, on pourra se

servir de la lumière rouge ou de la lumière phosphorée de Crookes (huile d'olives et

phosphore contenus dans un flacon que l'on agite et que l'on débouche au moment opportun).

Plus ou moins longtemps, les assistants pourront causer de choses et, d'autres, mais sitôt qu'un

effet quelconque se manifestera, le silence devra être observé et une seule personne prendra

la direction des expériences.

Il faut de l'ordre, de la méthode une certaine discipline pour arriver à des résultats

satisfaisants, pour faciliter le phénomène.

Pour atteindre un but, il faut de la persévérance ; ici il en faut peut-être plus que partout

ailleurs.

Donc, s'arrêter aux affirmations de certains sceptiques qui soutiennent qu'en leur présence

aucun fait ne s'est jamais produit, quand ces sceptiques n'ont assisté qu'à une seule séance, et,

partant, que rien n'est vrai, que tout n'est qu'illusion ou tromperie, ce n'est ni scientifique ni

philosophique.

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CONCLUSION

Les questions que nous venons de traiter demanderaient certes un plus grand développement,

ce ne sont pas les pages qui précèdent qui peuvent même les résumer.

De la fin du XVIIIe siècle à nos jours, des milliers de livres ont été écrits sur ces matières. Les

uns, le petit nombre, ne sont pas sans valeur; ils sont scientifiquement et philosophiquement

conçus ; les autres, sans être nuls, laissent bien à désirer et contiennent des erreurs

considérables. Mais, dans tous, il y a néanmoins quelque chose à puiser.

Assurément, nous n'avons point lu ces innombrables écrits, mais certains auteurs que nous

avons étudiés avaient fait ce travail de Bénédictin et, dans leurs ouvrages, nous avons pu nous

renseigner sur tout ce qui a été publié depuis plus d'un siècle.

Une pratique déjà longue et persévérante nous autorise à émettre une opinion sur le sujet,

opinion acquise laborieusement, ce qui nous permet d'indiquer des procédés simples, faciles, à

la portée de tous.

Nous ne nous sommes point confinés à l'étude des faits seuls, nous nous sommes également

occupés des théories qui, si toutes ne se rapprochent pas de la vérité, quelques-unes cependant

peuvent mettre sur la voie de la causalité des faits consignés dans notre travail.

Donc, abstraction faite de toutes les théories plus ou moins hypothétiques, ce que le lecteur

doit surtout retenir, conserver, c'est la pratique, ce sont les procédés opératoires qui, eux, ne

sont pas ambigus.

Nous nous sommes appliqués à indiquer le plus succinctement possible toutes les méthodes

employées pour l'obtention des phénomènes du magnétisme humain, de l'hypnotisme et du

spiritisme. Aussi, espérons-nous que notre labeur servira aux observateurs qui voudront bien

nous suivre, comme nous avons suivi nos devanciers.

En ne s'écartant point de nos indications, en procédant toujours du simple au composé, nous

sommes certains que l'étudiant novice arrivera promptement à des résultats encourageants.

Ensuite, il ne s'arrêtera pas à mi-chemin, et, avec de la patience et de la persévérance, il

provoquera ces phénomènes connus du petit nombre ; il en obtiendra peut-être d'autres plus

transcendants et il contribuera à élargir cette voie encore bien étroite.

Le magnétisme humain, quoi qu'en pensent sans doute de bonne foi les hypnotiseurs officiels,

n'est pas ce qu'ils croient. Il y a, nous l'avons dit, dans ce qu'enseignaient Mesmer et ses

élèves, autre chose, et cette autre chose forme le pont, en passant sur l'hypnotisme, qui relie le

magnétisme au spiritisme.

Que le lecteur se pénètre bien que nous n'avançons rien d'illusoire, rien d'anti-scientifique ;

d'ailleurs, il aura tous les documents en main, il pourra juger et, d'avance, nous acceptons sans

appel son jugement, s'il suit à la lettre nos conseils et nos recommandations.

Pour réussir, il faut de la ténacité, de la méthode et un peu de bonne volonté : on arrive ainsi

aisément à produire des effets qui incitent à poursuivre ces importantes recherches. Mais que

l’on ne se dévoie pas au début : pas d'enthousiasme ; que l'expérimentation soit faite

froidement et sans parti pris pour ou contre, si l'on veut saisir et comprendre sainement ce qui

est extraordinaire, il est vrai, mais non surnaturel, comme on le dit, les phénomènes de la

nature quels qu'ils soient, étant bien naturels, notre ignorance seule établissant la confusion,

Les esprits curieux, qui veulent toujours savoir le pourquoi des choses, auront ici de quoi

satisfaire leur activité ; ils pourront s'en donner à cœur joie. Mais combien de miracles de la

nature auxquels nous sommes habitués, que nous ne comprenons pas, sont dans le cas de ceux

qui nous occupent, aussi inexplicables, et notre esprit les voit sans souci de leur cause, de leur

nature, de leur origine.

Le magnétisme humain et l'hypnotisme sont aujourd'hui généralement admis il n'en est pas de

même du spiritisme et des effets transcendants du Mesmérisme : ce sont les faits les plus

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captivants qui sont délaissés, ceux, en en mot, qui nous apprennent à connaître notre être

intérieur, ceux qui peuvent nous faire comprendre nos destinées futures.

En effet, si nous acquérons la certitude de leur existence, si nous apprenons ce que ces faits

enseignent, si, mathématiquement, nous savons que notre être pensant, notre moi intelligent,

se conserve intégralement après qu'il aura quitté ce vêtement de chair, devenu hors d'usage,

après ce dédoublement, cette transformation que nous appelons la mort, n'éprouverons-nous

pas la plus grande des satisfactions ?

Comme tant d'autres, nous pensons que tout évolue sans cesse, que rien ne périt, et que notre

moi conscient parcourt un cycle sans fin, en conservant son individualité; qu'il ne se perd pas

dans le grand tout et qu'il ne se confond pas intimement avec lui.

Rien dans l'immense univers ne peut périr ; rien ne peut se détruire, car si un atome périssait,

tout l'édifice croulerait, ce qui ne peut pas être.

Comme nous, les mondes qui nous portent et nous entraînent dans l'espace se transforment,

changent d'état ; mais, pas plus que nous, ne s'anéantissent : ils évoluent sous d'autres formes,

engendrent d'autres énergies.

La vie est partout, dans le minéral comme dans le végétal et dans l'animal ; de la mort naît la

vie, de la décomposition sort une recomposition vivante, des êtres inférieurs qui évolueront à

leur tour : vers, insectes, microbes sortent de la matière la plus grossière. Le microscope nous

apprend cela, et si de l'infiniment petit nous regardons l'infiniment grand, si nous examinons

avec le télescope ces immenses cellules qui sont les astres, ces particules de l'homme univers,

comme disait Michel de Figalière, nous acquérons la preuve que tout vit, que tout est

mouvement.

Contemplons le firmament sans nuages, admirons ces lustres splendides qui scintillent de

mille feux au-dessus de nous, faisons cette observation au bord de la mer, par une nuit sereine

et, pendant que nos oreilles seront bercées par le bruit monotone des flots, nos yeux charmés

par les phares d'en haut, demandons nous où se trouve l'être qui a allumé ces feux et, ne

pouvant trouver la solution du problème, nous comprendrons notre petitesse, tout en ayant

conscience qu'une parcelle de ce grand tout est en nous, puisque nous pensons et que nous

avons appris que ce qui pense en nous est indestructible.

Des lois naturelles, que les hommes n'ont point encore pénétrées, existent. Quelques-unes sont

sensément connues... et des faits bizarres les infirment. Le génie humain arrivera-t-il un jour à

percer ces mystères ? Nous l'espérons, entraîné qu'il sera par la force des choses, la vérité

devant tôt ou tard apparaître et prendre la place qui lui est due.

A mesure que notre planète arrivera à son décours, son microbe, l'homme, découvrira des lois

encore cachées, connaîtra des choses qu'il ne soupçonne point et apprendra enfin sa destinée.

Il pourra alors, jetant un coup d'œil rétrospectif, rendre hommage aux novateurs méconnus, si

longtemps bafoués.

Tout est intimement lié, tout est dans tout. Les choses les plus insignifiantes, comme les

calamités les plus épouvantables, ont leur raison d'être, pour le progrès lent mais incessant de

l'humanité. Les petites causes produisent parfois les plus grands effets: rien n'est inutile ici-

bas.

Le plan d'études que nous avons tracé devrait toujours être suivi.

L'homme, par le magnétisme, peut guérir ou soulager son semblable des maux dont il souffre

et, lorsqu'il provoquera le somnambulisme lucide, il trouvera, en l'être psychique du patient,

un instituteur nouveau qui lui apprendra des choses ignorées et le dédommagera largement de

ses peines.

Nous pouvons tous nous instruire par l'expérimentation, et tous nous avons des instants

disponibles que nous devrions plutôt consacrer aux recherches sérieuses qu'aux frivolités.

Il n'est point indispensable d'avoir préalablement fait de longues études pour chercher la vérité

et tirer le bon grain de l'ivraie; le bon sens nous suffit. Or, quelquefois l'ignorant a le jugement

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plus sain que le savant imbu de principes erronés dont il ne veut point se départir. L'exemple

suivant confirme bien cela :

Un célèbre paysagiste montrait un jour, à un villageois illettré, une toile qu'il venait d'achever,

représentant un champ de blé sur lequel un vol d'oiseaux s'abattait, et lui demandait

ironiquement son opinion sur son œuvre. Le paysan répondit à l'artiste : Monsieur, quand des

oiseaux viennent se poser sur mes champs de blé, ils font plier les épis. »

L'observation était des plus justes, ceux du tableau ayant conservé la verticale malgré le poids

supporté.

Mais pas de confusion, nous sommes loin de vouloir amoindrir l'autorité incontestable des

savants, car, malgré leur parti pris habituel, ils sont aptes, à cause de leurs connaissances

étendues, mieux que les autres, à voir clairement les choses, et, dans les questions qui font

l'objet de ce livre comme dans bien d'autres, ce sont des savants qui, dissipant les ténèbres de

l'erreur, ont donné l'impulsion définitives à ces nouvelles branches de la science.

Evitons l'écueil qui se présente dans les recherches spirites, ne nous embrouillons point encore

dans les théories, ne nous arrêtons point aux doctrines plus ou moins mystiques, suivons

strictement le mode d'expérimentation des Crookes, des Wallace, des Lodge, des Myers, des

Zollner, des Aksakof, des Richer, des Gibier, etc., et nous acquerrons la connaissance exacte

de ces faits supranaturels, qui déroutent l'intellect humain et qui, rationnellement compris,

élèvent l'âme bien au-dessus du niveau ordinaire.

Plus tard, lorsque la science officielle aura inscrit le Psychisme dans ses programmes

d'enseignement, lorsque les faits se seront considérablement multipliés et qu'ils auront été

méthodiquement classés, les philosophes pourront alors, mais alors seulement, édifier des

théories, des doctrines logiques, réelles, lesquelles remplaceront celles sans harmonie qu'on

s'est hâté de bâtir avec des matériaux disparates.

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TABLE DES MATIÈRES

Préface ........................................................................................................................................ 2 Introduction ................................................................................................................................ 3 PREMIÈRE PARTIE - MAGNÉTISME HUMAIN ................................................................. 6

Chapitre I - Procédés des magnétiseurs ............................................................................................... 6 Chapitre II – Nos procédés ................................................................................................................ 19 Chapitre III – Théories des magnétiseurs .......................................................................................... 25 Chapitre IV – Théorie du procédé neuroscopique ............................................................................. 38

DEUXIÈME PARTIE - HYPNOTISME ET SUGGESTION ................................................. 51 Chapitre V - L'hypnotisme et la suggestion ....................................................................................... 51 Chapitre VI - L’école de Nancy et la suggestion .............................................................................. 59 Chapitre VII – Preuves de l’existence d’un agent transmissible ....................................................... 69 Chapitre VIII – Thérapeutique magnétique, hypnotisme et suggestive ............................................. 88

TROISIÈME PARTIE - PSYCHISME .................................................................................... 95 Chapitre IX – Suggestion mentale ou transmission de la pensée ...................................................... 95 Chapitre X – Vue sans le secours des yeux ..................................................................................... 119 Chapitre XI - Télépathie .................................................................................................................. 134 Chapitre XII - Spiritisme ................................................................................................................. 156

Conclusion .............................................................................................................................. 196