27
MéMoire des temps passés COLETTE VIBERT - GUIGUE, JOSEPH PICHOL ET HENRI MOLLIEX m p.6, 22, 44 les saisies UNE CINQUANTENAIRE EN PLEINE FORME m p.39 Les Chapieux, UNE VALLÉE AUX CONFINS DU MONDE m p.46-47 N°3 ~ Offert le Magazine du beaufortain

Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

  • Upload
    voquynh

  • View
    220

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

www.lebeaufortain.com

Le Beaufortain…Au-delà

des images

MéMoire des temps passésCOLETTE VIBERT-GUIGUE, JOSEPH PICHOL ET HENRI MOLLIEX m p.6, 22, 44

les saisies UNE CINQUANTENAIREEN PLEINE FORME m p.39

Les Chapieux, UNE VALLÉE AUX CONFINS DU MONDE m p.46-47

N ° 3 ~ O f f e r t

l e M a g a z i n e d u b e a u f o rta i n

Page 2: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Communauté de Communes

30 JEUX D’HIVER32 PORTRAIT : Simon BRAISAZ,

Les coulisses de l’exploit 33 Pratiquez l’art de la génuflexion sans souffrir34 La fête de la Pierra menta, ça se passe la-haut !36 Ma première randonnée à skis 38 Le Beaufortain fait la fête à ses champions39 Les Saisies, une cinquantenaire en pleine forme40 Portfolio : Blanche neige

42 UNE MONTAGNE D’ACTIVITÉS

44 PORTRAIT : Henri MOLLIEX, Le poète aux plusieurs vies

45 Les funambules des barrages46 Les Chapieux, une vallée aux confins du monde 48 La bonne cuisine à toutes les altitudes

50 VERSANTS LIVRES

UNE NATURE EN 04 MOUVEMENT

PORTRAIT : Colette VIBERT-GUIGUE, 06 La mémoire de la vie paysanne aux Prés

Les bêtes à cornes du Beaufortain 07 Le bon goût des alpages 08

Mise au vert 09Beaufort-Paris, un aller simple 10

pour le plaisir des papilles La fête des alpages 11

Des vies à trois temps 11

UNE NATURE 12 PRÉSERVÉE

PORTRAIT : François DRILLAT, 14 La nature ne supporte pas les compromis 

Les elfes des tourbières 15Namaste 16

Courir et découvrir 17La vie d’avant, comme si vous y étiez 18

Art et nature aux Saisies 19

UNE NATURE 20 PARTAGÉE

PORTRAIT : Joseph PICHOL, 22 L’humanité en héritage

Une fontaine de jouvence sous le Joly 23 Écrire le baroque d’aujourd’hui 24

Nous avons définitivement 26planté nos racines ici

Le fond et la forme 27Portfolio : un patrimoine bien inspiré 28

Sommaire

Beaufort

Les Saisies

Villard/Doron

Les Contamines

Queige

Mont Pourri

Bisanne 1500

Mont Blanc

Aiguilles Croches

Massif de la Vanoise

Pointe de la Terrasse

Ugine

Pointe de laGrande Journée

La Roche Pourrie

Grand Mont

Lac de la Girotte

Lac de la GittazLac de Roselend

Lac de St-Guérin

Pierra Menta

Le massif du Beaufortain

Hauteluce Arêches

Albertville

Tours en Savoie

La Bathie

Communauté de Communes du BeaufortainTél. 04 79 38 31 69

[email protected]

Office de tourisme d'Arêches-Beaufort

Tél. 04 79 38 15 33www.areches-beaufort.com

Office de tourisme des Saisies

Tél. 04 79 38 90 30www.lessaisies.com

Mairie de BeaufortTél. 04 79 38 33 15

Mairie d'HauteluceTél. 04 79 38 80 31

Mairie de QueigeTél. 04 79 38 00 91

Mairie de VillardTél. 04 79 38 38 96

Carnet d'adresses

BEAUFORTAIN_Versant-Couv-Fab.indd 2 11/06/14 10:30

J’ai appris à skier dans les Vosges au début des années soixante. « Montagne à vaches , disaient mes amis, neige verte à gogo une année sur deux ». Pas de remontées mécaniques et autres tire-fesses, là-bas. Trente secondes de glissade faisaient oublier les mortelles minutes d’une ascension en canard, la sueur aux tempes. Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même », allait vers la montagne au pas, le béret sur l’oreille. Chemin faisant, il interpellait Mère Nature, oiseaux, lièvres, sapins et coupeurs de sapins. Il pensait à l’océan, le débusquait sous le moindre flocon, la moindre pousse de tussilage, il le prenait dans sa main. Même à la montagne, il restait un fils de l’Ouest, un marin, et nos descentes à skis le faisaient sourire.

En 64, nous mettons le cap sur le Mont-Blanc. De la vraie montagne, enfin ! Les cimes, les fiers sommets pyramidaux. Avec ce premier Noël dans les Alpes françaises, j’ai l’impression de m’élever dans la hiérarchie des reliefs dominants, passez-moi l’expression. Je vais là où les vaches n’iront jamais, je suis guéri du complexe bovin.

En fait de Mont-Blanc, nous sommes à Vallorcine, modeste station à l’époque – ravissante-, pas très loin du prestigieux Chamonix, du non moins prestigieux Mont-Blanc. Impossible à voir, le plus haut sommet d’Europe, le Roi couronné d’azur, depuis notre hôtel. Il fuit dans les nuages, les brouillards, les rêves. Chaque fois qu’une montagne un peu haute apparaît au loin, maman dit : c’est lui... Faux. Ce n’est jamais lui. Et quand c’est lui, tout là-bas, entre deux grisailles, il me fait l’effet d’une montagne à vaches, intermédiaire entre Vosges et Monts d’Arrée. Je suis déçu. J’ai besoin d’un Mont-Blanc escarpé comme la tour Eiffel, d’un Mont-Blanc pointu, aiguisé par le vent glacial des tourmentes.

En septembre 2013, j’ai survolé mon idole en hélicoptère. La neige éternelle volait dans l’azur, le vent sifflait, l’habitacle vibrait sous les pales du rotor. Le Chamoniard Pascal Brun pilotait, c’était sa vie, sa machine, il nous faisait les honneurs de son chez-lui natal entre ciel et terre. Aiguille du Midi, Jorasses, Bossons, glacier d’Argentière, et là-bas, dans l’Ouest, la boucle épanouie du Beaufortain – Aiguille des Glaciers, Grand Mont, il me semblait suivre au plus serré les chenaux labyrinthiques d’un archipel, à côté d’un loup de mer.

Aujourd’hui, tel père tel fils, je suis moi-même un homme atlantique amoureux des montagnes, capable de m’imaginer sur l’eau même en plein ciel, et sur un navire au large à bord d’un hélicoptère louvoyant d’un pic à l’autre. Et j’admire autant les montagnards que les marins, rêveurs courageux, mangeurs d’horizons.

Yann Queffélec

Rêveurs courageux

Couverture :Photo : Christian Martelet

Yann Queffélec, d’Ouest en Est.

Pour ce marin qui rêvait de

bout du monde, amoureux

inconditionnel de la Bretagne de

son enfance, l’Armorique la vraie,

celle de Tabarly ou de Surcouf, du

pâté Hénaff, des grandes marées

et des grèves aux odeurs salines,

mettre le cap à l’Est n’avait

rien de logique. Et pourtant, ici

comme là-bas, on peut avoir

le cœur à marée haute, passer

des heures à regarder l’horizon,

décider de mettre les voiles vers

les sommets...Autant de sujets

qui animent les magnifiques

textes de cet écrivain aujourd’hui

reconnu comme un grand parmi

les siens. Il nous fait ici un joli

cadeau en jetant un pont entre

mer et montagne, deux univers

aux résonances jumelles.

Quelques livres…

1985 – Les Noces barbares (Gallimard) - Prix Goncourt

2004 – Les Affamés (Fayard)

2008 – Tabarly (L’Archipel)

2009 – Adieu Bugaled Breizh (Le Rocher)

2010 – Les Sables du Jubaland (Plon)

2013 – Dictionnaire Amoureux de la Bretagne (Plon-Fayard)

2014 – Désirable (Cherche Midi)

Magazine édité par la Communauté de Communes du Beaufortain

Directeur de publication : Annick CRESSENS

Rédacteur en chef : Gaëlle GACHET

Conception, coordination et rédaction : AXIUBA Communication - Catherine CLAUDE

Correctrice : Pascale DEBRUÈRES

Design graphique et réalisation : Studio TOUCAN •TOUCAN

Impression : Groupe Deux-Ponts

Dépôt légal : Juin 2014ISSN : n° 2264-587X

©VERSANTS Le magazine du Beaufortain 2014

Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs.Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés.

Crédits photos : AGENCE PHOTO UROPE /Eric AVOCAT /Jocelyn CHAVY /Axiuba Communication -Catherine CLAUDE / Beaufortain Tourisme /Baptiste BERNAERT - OT ARÊCHES-BEAUFORT /Stéphane CEVOZ /Stéphane CERVOS /Céline CLANET /Monica DALMASSO - OT LES SAISIES /Julien DOROL /Hélène DURAND /Jean-Louis FOURTANIER /Patrick JAGOU /Gilles LANSARD /Bertrand LEBERT /Patrice MARIN /Christian MARTELET /Lionel MARTINETTO /Maurice PANTALONI /Gilles PLACE /Pierre RAPHOZ /Bérangère ROCHAIX /SAVOIE MONT BLANC /Christelle TARDY /Olive WHITE /

Cartographie : Philippe RENCK /

BEAUFORTAIN_Versant-Intérieur-Fab.indd 3 12/06/14 11:29

Page 3: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

INSPIRATIONS

Au-delà des images Une nature en mouvement

Il y a de la poésie dans les gestes et les déplacements de ceux qui travaillent la terre. Il y a de la création artistique dans les lumières et les lignes du paysage, dessinées par les dépla-cements des troupeaux et des hommes. On approche la sculpture à la vision d’un vieil arbre torturé par la production de ses derniers fruits. Et forcément se pose alors un regard plus doux, plus tendre, presque apai-sé sur ce monde du labeur quotidien. Ce qui fascine dans cette contemplation distante, c’est qu’elle n’est

pas nécessairement le fait d’intellectuels ou de créa-teurs extérieurs à la mon-tagne. L’artisan tournant la pièce de bois blond, le ber-ger touché par la lumière rasante sur les sommets, l’alpagiste ébloui par les ombres des nuages poussés par le vent au dessus de la prairie, tous portent en eux une fascination pour les tré-sors de la nature. Ils créent, recréent et même transfor-ment. Mais jamais ils ne se lassent et prennent tou-jours le temps de regarder. Tout simplement.

VERSANTS ~ n°3 4 5

Page 4: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Au-delà des images Une nature en mouvement

Portrait

COLETTE VIBERT-GUIGUE

La mémoire de la vie paysanne aux Prés

Colette Vibert-Guigue a cultivé son jardin secret pendant plus de vingt ans sans jamais transiger sur l’esprit qui l’animait. En décidant, à partir de 1969, de filmer la vie quotidienne de sa famille dans le Hameau des Prés au-dessus de Beaufort, cette agricultrice modeste et attentive n’a jamais eu l’intention de réaliser autre chose qu’un film de famille. Comme une marque d’admiration et d’amour pour ceux qu’elle aimait et pour son environnement naturel.

Pourtant, 30 ans après, ces petits films, montés et commentés par ses soins en une heure et demie de projection, représentent un véritable trésor et un témoignage poignant de la vie d’une famille d’agriculteurs de montagne dans les années 70. Parce que la plupart des gens, des gestes ont disparu, parce que l’agriculture a changé et que l’environnement montagnard ne répond plus du tout aux mêmes exigences. Il faut monter tout en haut du hameau des Prés pour rencontrer Colette Vibert-Guigue. Là, dans l’élégante ferme familiale aux bois patinés par les saisons, Colette nous reçoit avec son doux sourire qui ne la quitte jamais quand elle parle des siens. Presque étonnée qu’on s’intéresse encore à son aventure… Car il s’agit bien d’une aventure. En 1969, pour acheter sa première caméra, elle entretient pour la commune, en plus des durs travaux de la ferme, la route des Curtillets aux Prés. « Nous n’avions que 8 vaches, pas d’alpage et il a fallu attendre l’arrivée de la coopérative et la vente de notre lait pour que nous sortions du régime d’auto-subsistance. Nous n’avions donc pas beaucoup d’argent et mon idée de filmer la vie quotidienne aux Prés ne pouvait être acceptable qu’à la condition que je continue à prendre ma part du travail quotidien. »

Ses débuts à la caméraQuand elle achète sa première caméra, une Bauer D3 Super 8, toute la famille se prend au jeu de cet exercice étonnant, passant sans complexe du travail de la ferme à la contemplation de leur univers. En regardant ces images, on est d’abord touché par une sorte de grâce émanant des personnes filmées, les parents de Colette, sa sœur, son frère et ses neveux. Même les voisins acceptent de faire partie de l’aventure lors de la sortie des vaches de l’étable au printemps, amusés par la folie qui s’empare du troupeau devant l’herbe fraîche. En opposition à la rudesse de la vie en montagne, les sourires, l’humour et beaucoup d’amour envahissent l’écran. La plantation des pommes de terre, la remontée de la terre en haut des champs, l’épandage à la main du fumier sur les pentes des Prés, les foins, la fabrication des matelas ou des balais

en bouleau… rien n’échappe à l’œil attentif de Colette. Elle instille une poésie infinie en ajoutant des images de fleurs, abeilles, insectes..., comme autant de ponctuations artistiques. Une manière subtile de montrer que la vie aux Prés était aussi empreinte de douceur et de légèreté. Petit à petit, Colette se forme aux mystères du montage. Elle achète une colleuse et une visionneuse. Et pendant 10 ans, elle filme les siens, passant parfois de l’autre côté de la caméra et laissant sa mère ou sa sœur capter ces instants éphémères.

Une vie sur pelliculePendant 10 ans, toute la famille regarde sa vie défiler sur l’écran sans jamais imaginer à quel point elle allait changer. « Pendant les soirées, nous regardions ces petits films en nous amusant beaucoup. Le plus drôle fut le jour où mon père me demanda de repasser une séquence où la neige tombait du toit. Je finis par trouver la marche arrière et là, à notre grande surprise, nous vîmes la neige remonter du sol vers le toit. Ce fut une belle partie de fou-rire. » Et puis le père de Colette meurt en 1980 et elle ne peut plus regarder ces images d’un

bonheur perdu. « Pour moi, la magie n’était plus la même. » Seule sa mère, qui mourra à plus de cent ans, fera de la cassette VHS son livre de chevet. Il faudra attendre 2005 pour que la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l’Ain propose à Colette Vibert-Guigue de protéger ce précieux patrimoine. Marc Rougerie devra déployer des trésors de diplomatie pour qu’elle accepte de laisser son œuvre à d’autres mains. En 2006, la Cinémathèque réalise un documentaire intitulé « La route des Prés » sur Colette et ses films. Il fait partie d’une collection « Feuilleton d’une mémoire heureuse ». Quant au film original, il est toujours aux Prés. Colette y a ajouté un commentaire en 2013 et par deux fois, elle a accepté de le montrer aux habitants du Beaufortain. Toujours aussi étonnée par l'intérêt et l'émotion suscités, elle sait, au plus profond d'elle-même que c'est l'amour de la nature et de son pays qui rend ses images si belles et troublantes. C’est un témoignage précieux du courage de ces paysans de montagne qui prirent soin, avec amour, des terres les plus hostiles pour les faire vivre et les entretenir. Et léguer aux agriculteurs d’aujourd’hui un paysage beaufortain unique et fertile.

A Villard sur Doron, Françoise Bochet s’est lancée dans l’aventure, histoire de ne pas rester les bras croisés une fois que son gîte de Plan Mya, ins-tallé dans un vieux chalet d’alpage familial, ferme ses portes à l’automne. « Et aussi parce que c’est un élevage qu’une femme peut maitriser toute seule de la production à la commer-cialisation en passant par la transfor-mation ! D’autant que c’est un petit élevage. J’ai commencé avec 10 000 escargots et j’en élève aujourd’hui 50 000 sur les 300 m2 de parcs exté-rieurs où je les installe. »

Nurserie en plein airTout commence en avril avec l’ense-mencement des parcs avec du radis et du colza, deux des végétaux pré-férés des escargots. « Dès que cette

couverture végétale est bien verte et tendre, j’y installe les « naissains », de minuscules escargots qui sont en fait les œufs éclos. La suite est assez simple. Les escargots aiment l’humi-dité : il faut donc arroser tous les jours les parcs et compléter l’alimentation végétale avec des céréales et du cal-caire qui solidifie la coquille et assurer une protection rapprochée de manière à ce que les prédateurs, oiseaux et ron-geurs, n’en fassent pas leur goûter. »Car ces escargots élevés en plein air et nourris de végétaux de premier choix sont excellents ! Charnus et tendres, avec une chair nacrée et brillante, ils sont recherchés par les gastronomes qui les préfèrent aux escargots élevés et travaillés de manière intensive.

L’art de la transformationCe produit de qualité ne peut qu’être transformé dans les règles de l’art. Cette étape se déroule au Lycée de La Motte-Servolex qui met son laboratoire à disposition des professionnels. Pour que la bête ne se replie pas sur elle-même et reste tendre, Françoise a choisi une technique éprouvée. « Nous les faisons jeûner dans un endroit froid et aéré. L’escargot s’endort au fond de sa coquille. » Cette étape appelée « l’estivation » dure entre 15 jours et 3 semaines. Ils sont ensuite plongés 10 minutes dans l’eau bouillante pour pouvoir les débarrasser de leur

appareil digestif. Frottés au gros sel et blanchis au vinaigre, ils mijotent une heure et demie dans un court bouillon « maison  » avant d’être enrobés dans un beurre au persil et à l’ail et remis dans leurs coquilles. Françoise Bochet propose aussi ses escargots à déguster dans une sorte de gaufrette moulée à la forme de l’animal. Un passage rapide au four et voilà les gastéropodes transformés en plat gastronomique. Et si vous avez maintenant les papilles en émoi, sachez que vous pouvez trouver ces produits sur les marchés de novembre à décembre ou les déguster sur place au gîte de Plan Mya.

Savez-vous ce qu’est l’héliciculture ? Une piste : cette culture concerne

le petit gris, le gros gris. Il peut être des Flandres ou de Bourgogne et les

enfants l’adorent en raison de la petite maison qu’il transporte sur son dos.

Vous avez deviné, il s’agit de l’élevage d’escargots.

LES BETES A CORNES DU BEAUFORTAIN

VERSANTS ~ n°3 6 7

Page 5: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

En écrivant cette histoire connue de tous les enfants, Alphonse Daudet savait-il qu’un jour, il inspirerait des éleveurs du Beaufortain, Jean-Yves et Bérangère Rochaix, Thierry Bochet et Gisèle Molliet, à nommer leur élevage du patronyme du brave propriétaire de Blanquette ? Si vous passez par La Chavonnerie en montant vers Arêches, faites un détour par la Ferme de Monsieur Seguin qui ouvre ses portes pendant les vacances scolaires d’hiver. Vous y rencontrerez Fripouille, Gazelle, Iroquoise et même Iphone ! Et du côté des mâles, Ibrahi-movic ou Gourcuff en imposent. Il faut, vous le voyez, beaucoup d’imagination pour leur trouver un nom !

Et parmi les 150 chèvres alpines chamoisées aux robes brunes et noires, les enfants vont adorer une jolie chèvre blanche. « Il y en a toujours une pour pouvoir repérer facilement le troupeau quand il est dans les alpages. » Ah les alpages ! C’était le rêve de Blanquette, la chèvre de Monsieur Seguin. C’est là que les chèvres batifolent dès le mois de mai. Comme leurs voisines les vaches, les biquettes montent progressivement pour arriver en juillet, août et septembre au Chalet du Lac sous le Mirantin. Un vrai paradis de 200 hectares pour les belles qui se nourrissent d’herbes tendres et de fleurs sauvages. Et pour toute la

famille qui prend ses quartiers d’été. Jean-Yves et Bérangère Rochaix le savent bien « le travail est parfois difficile mais nous avons une très grande chance de pouvoir vivre ces étés en altitude tous ensemble.» Vous comprenez mieux pourquoi les fromages de la ferme sont si bons. On y trouve le célèbre Grataron d’Arêches bien sûr mais aussi Tomme de chèvre, Sérac et une spécialité locale, la raclette produite au lait de chèvre. Les connaisseurs apprécient et les fromages de la Ferme de Monsieur Seguin sont prisés des meilleures adresses et des meilleures tables bien au-delà du Beaufortain !

« Qu’elle était jolie la petite chèvre

de M. Seguin ! Qu’elle était jolie avec ses

yeux doux, sa barbiche de sous-officier,

ses sabots noirs et luisants, ses cornes

zébrées et ses longs poils blancs

qui lui faisaient une houppelande ! »

Il a suffi d’une rencontre avec les agriculteurs du groupement pastoral de Treicol, pour que Jean franchisse le pas et traverse la Combe de Savoie pour passer une partie de son été sur leur alpage, au-dessus du lac de Roselend. Une aventure vécue comme un cadeau et qui, du haut de ses 15 ans, lui a permis de porter un regard neuf sur ses envies.« Il a d’abord fallu que je demande une carte pour savoir où c’était. C’est sans inquiétude que je suis monté là-haut mais bon, j’aime bien savoir où je vais. » Jean sourit et annonce que son expérience « ça ne se raconte pas, ça se vit ! » Ce qu’il retient de cette parenthèse en altitude où sa mission était d’entretenir l’alpage et d’aider au déplacement des parcs, c’est d’abord la difficulté d’adaptation de la première semaine avec le lever à 6h30 pour partager le pre-mier repas de la journée, « un peu plus tard que les autres, debout depuis longtemps pour les pre-mières traites ». L’envie de rester caché au fond de son lit n’a duré qu’un temps, jusqu’à l’éblouisse-ment d’un lever du jour. « Appelé en renfort un matin très tôt, j’ai découvert la beauté de cet instant qui est désormais pour moi le plus beau de la journée : le Mont-blanc éclairé par la lune, les montagnes qui se bordent de lumière, le ciel qui vire au bleu, les lumières des autres alpagistes dans la montagne qui s’éteignent une à une… Sympa le bureau ! »

Un voyage initiatiqueDe cet apprentissage progressif, Jean retient une foule de détails qui, plusieurs mois après, le nour-rissent encore et lui donnent envie de recommencer. « J’ai appris à regarder, à écouter et à entendre. Les premiers jours quand Adrien Gachet me montrait un oiseau, un chamois dans la montagne, je ne voyais rien. Il entendait des bruits que je ne captais pas. Et progressivement je me suis rendu compte que je commençais à saisir

des choses qu’on ne voit jamais dans la vie en bas. J’ai vite oublié mon téléphone portable. De toute façon, il fallait grimper pour capter un bout de réseau et très vite je me suis rendu compte que ça n’avait plus d’importance. Parfois ils me demandaient si je voulais profiter d’un voyage pour redescendre mais je n’en ai pas eu envie. »Apprenti mécanicien, Jean compte les jours qui le séparent des va-cances d’été avec une seule envie : remonter à Treicol pour savourer la plénitude de ces instants loin de tout, « isolé du monde mais moins isolé qu’en ville où les gens ne se regardent même pas en se croisant. » Et pourquoi pas, son bac pro en poche, poursuivre sa formation pour un jour travailler aux côtés de ceux dont il a appris à aimer le mode de vie. Sans angé-lisme et conscient que le prix à payer « c'est souvent 35 heures en 2 jours », il envisage cette vie proche de la nature comme une belle aventure où rien n'est à vendre et tout est donné.

MISE AU VERTDepuis tout petit, Jean adore faire les foins avec ses copains et passer le plus clair de son temps

libre dans la nature. Il faut dire qu’il a grandi à Arith et que ce beau plateau des Bauges a

quelque chose de préservé qui incite à l’exploration.

La montée se fait sur le dos du cheval pour les enfants. C’est un moment qu’ils ne rateraient pour rien au monde.

Un paradis pour les hommes…

Et pour les bêtes qui se régalent en admirant le Mont-blanc.

Résultat : un goût incomparable

Au cœur du silence de la nuit

Cette Blanquette-là ne s’est jamais fait croquer par le loup

Au-delà des images Une nature en mouvement

ALPAGESLE BON GOUT DES

VERSANTS ~ n°3 8 9

Page 6: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

meule de beaufort. Je n’en crois pas mes yeux. La tête dans les nuages et l’esprit vagabond, je suis arrivé dans le 6ème arrondissement, rue Corneille où la Coopérative Laitière du Beaufortain a ouvert un bar à fromages complété par un magasin de vente de produits du terroir.Des images de montagne défilent devant mes yeux. Des odeurs florales me reviennent en mémoire et je suis littéralement transporté dans les alpages beaufortains. Ca y est, je la tiens mon échappée belle au cœur de Paris ! Il suffit de pousser la porte de cette belle et étonnante boutique moderne et chaleureuse pour avoir l’impression de fouler l’herbe grasse des pentes savoyardes. Au pied de l’escalier, derrière une paroi de verre, la vue sur la cave m’offre un spectacle qui réjouit le coeur de l’épicurien que je suis : des meules de beaufort empilées et prêtes à être dégustées. Je m’installe dans une très belle cave voûtée en pierre de taille pour une dégustation avec à la clé une belle tranche de

beaufort d’été, un morceau de tomme de chèvre, le tout assorti de quelques tranches de jambon de montagne biens parfumées. Paris s'éloigne et se transforme au fil de cette escapade inattendue. La coupole du Panthéon se découpe sur l’horizon, telle une cime enneigée. Plus loin, au fond de la vallée, la cloche de l’horloge du Sénat égrène ses heures et me rappelle les carons des vaches

tarines et abondances broutant paisi-blement sur les côteaux de l’alpage de Roselend. Et mon esprit s’enrichit de notes fleuries et de grands espaces ! Et le Parisien que je suis ne pense plus qu’à une chose… vite organiser le prochain déplacement familial dans le Beaufortain !

Dans la famille, nous sommes tous des amoureux de la montagne et bien souvent, dans nos refuges parisiens, nous nous plaisons à reconstituer, le temps d’une soirée et à grand renfort de fromages, fondues et charcuteries de terroir, l’ambiance familiale de notre vieux chalet d’Arêches. Aujourd’hui, je choisis de déambuler dans les rues de la capitale, aux bruits assourdis par la neige. Les flocons dansent mais, même avec mon imagination fertile, il me manque l’odeur de l’hiver beaufortain, les paysages du Grand-Mont ou de la Roche Parstire plâtrés par la neige. Je tourne en rond à la recherche de la petite étincelle qui pourrait m'apporter la montagne à Paris. On dit toujours que pour bien connaitre une ville et se laisser surprendre par des découvertes inattendues, il faut s’y perdre. J’applique ce principe à la lettre. Et soudain… Un lutin montagnard se serait-il glissé subrepticement dans mon cerveau pour guider mes pas ? Là, devant moi, un véritable trésor expose sa couleur dorée dans une vitrine : une

BEAUFORT-PARISUN ALLER SIMPLE POUR LE PLAISIR DES PAPILLESCe matin, il neige à Vincennes. J’aime profiter de cette douceur hivernale qui enveloppe la capitale.

DES VIES A TROIS TEMPS

Avec plus d’une cinquantaine d’agriculteurs en activité, Hauteluce fait partie des communes

de montagne encore préservées de la déprise agricole. Un privilège qu’elle partage avec

l’ensemble du Beaufortain.

Pour découvrir ces disciplines pas vraiment olympiques, rendez-vous en août au Col du Joly où, chaque année, se retrouvent les alpagistes de Hauteluce et des Contamines. Depuis longtemps, les habitants ont trouvé une façon festive de s’affranchir des montagnes et de jeter aux orties les frontières virtuelles entre leurs pays de montagne. Autrefois ce grand rassemblement donnait lieu à la bénédiction des troupeaux et permettait de faire la fête avant de redescendre dans les vallées. Aujourd’hui, pendant que les troupeaux se reposent, les hommes chantent et dansent au son de la musique traditionnelle et s’affrontent dans des joutes autant amicales que ludiques. Avec toujours cette nostalgie joyeuse qui fait référence aux travaux des champs d’autrefois. A l’image du

concours de portage d’un « yaze » de foin, pratique que les anciens ne voyaient pas forcément comme un jeu. Les Accordailles, c’est une vraie fête populaire, patrimoniale et solidaire.

Tout en reposant sur des valeurs communes , p rog ress ivement l’agriculture traditionnelle s’efface au profit d’une agriculture moderne et bien ancrée dans son temps.Témoigner sur ce lent et inexorable déplacement vers le futur est donc apparu essentiel à la commune de Hauteluce. C’est la raison d’être du film documentaire tourné en 2013 dans trois exploitations aux pratiques de traite différentes. Jean-Luc Antoni, le réalisateur, a travaillé pendant les quatre saisons pour recueillir les témoignages de ces paysans passionnés. « La traite à la main pratiquée chez Jean-Pierre et Christian Bonnet-Ligeon, la traite mécanisée chez Stéphan, Serge et Evelyne Provinsial et la traite

automatique y compris dans les alpages de Joël et Gladye Braisaz représentent 3 mondes qui se côtoient encore aujourd’hui mais qui vont progressivement fusionner. C’est aujourd’hui un devoir de conserver une trace de cette agriculture traditionnelle qui a façonné nos paysages et de protéger nos alpages. Et ainsi de pouvoir le partager avec les nouvelles générations ou avec ceux qui souhaitent découvrir notre patrimoine. »

Pour voir le film Agriculteurs à Hauteluce, rendez-vous sur : www.hauteluce.com/terroir/agriculture ou commandez-le à la Mairie de Hauteluce.

Au-delà des images Une nature en mouvement

LA FETE DES ALPAGES

Vous pensez connaitre tous les sports de montagne ? Mais savez-vous ce que sont les courses à la brouette, le portage d’un « yaze » de foin ou le tir à la corde ?

VERSANTS ~ n°3 10 11

Page 7: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Au-delà des images Une nature préservée

Le botaniste est un homme heureux quand il parcourt les alpages du Beaufortain. Dès la fonte des neiges, les pre-mières fleurs apparaissent et le miracle recommence. Les pelouses d’altitude, entrete-nues par les troupeaux en été, se parent des couleurs vives des gentianes bleues, asters, lys des Alpes, anémones… Les joubarbes égrènent leurs bulles roses au creux des rochers. Un peu plus bas, les agriculteurs fauchent réguliè-rement les gentianes, char-dons et autres plantes peu appréciés des vaches. En tra-

vaillant le sol sans le détruire, ils participent à l’entretien d’un paysage de qualité et à la production d’un fourrage indispensable à la fabrication du beaufort, le prince des fromages. Cette agriculture intelligente protège la bio-diversité, ce ne sont pas les abeilles qui diront le contraire. Signes de ce lien indéfectible entre le travail de l’homme et les richesses de la nature, les alignements colorés de ruches posées ici et là, dans les al-pages, les champs ou devant les chalets annoncent des récoltes douces et sucrées.

UN TRESOR DE BIODIVERSITE

VERSANTS ~ n°3 12 13

Page 8: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Au-delà des images Une nature préservée

Portrait

FRANÇOIS DRILLAT

La nature ne supporte pas les compromis

« Ce lieu m’a fait changer. J’étais productiviste, concentré sur la production de bois. Je suis devenu naturaliste, passionné par l’infiniment petit, la richesse de la faune, de la flore et par ces paysages nordiques dont je ne me lasse jamais. »

Depuis 26 ans qu’il écume la zone qui est la sienne (des Saisies à Crest-Voland Cohennoz, en passant par Notre-Dame de Bellecombe, Hauteluce et la zone de la tourbière de Queige), François Drillat, agent patrimonial à l’ONF (Office National des Forêts) a eu le temps de puiser dans les richesses de ces zones naturelles toute l’énergie qu’il met aujourd’hui à profit pour les protéger. En ce début d’après-midi d’avril, le soleil de printemps tape déjà bien fort. La neige recouvre encore la tourbière des Saisies et ça et là quelques gouilles laissent apparaître la mousse et les sphaignes. « Mon travail aujourd’hui est de vérifier si les grenouilles commencent à sortir. En fait pour savoir ce qui se passe au sol, il faut regarder le ciel. L’arrivée des grands corbeaux tournant sur la tourbière est le signe que la pêche va commencer ! Nos observations permettent de mesurer la population des batraciens, leurs habitudes et surtout de voir si tout va bien. » Cette promenade est ponctuée d’observations personnelles qui dénotent un vrai regard d’artiste sur ces lieux. « A cet endroit, en été, toutes les couleurs explosent avec toutes les nuances de jaune, vert, rouge, violet, bleu et marron. »

Un vrai polar paléo-géologique Ici, un pin sylvestre émerge devant un bosquet de petits bouleaux blancs et tordus. « C’est le seul pin sylvestre sur les 300 hectares de la tourbière. C’est sans aucun doute le survivant d’une forêt de plus de 4000 ans, puisqu’en analysant les pollens en profondeur, on en a retrouvé les traces. » Soudain, on entend le roucoulement d’un tétras. François a déjà repéré quelques « crottiers »,

signe que les oiseaux sont de nouveau en activité. « Sur les places de chants, ils sont parfois très nombreux à se battre. J’en ai même vu sur la piste de ski de fond. Nous faisons des relevés GPS de leurs zones d’hivernage et les résultats nous permettent de suivre l’évolution des populations. Ici, ils ne risquent rien et se reproduisent facilement. Notre travail est de vérifier qu’aucun événement ne vient perturber leur équilibre. Si c’est le cas, comme pour la flore, nous signalons nos observations pour intervenir le plus rapidement possible. » La tournée se poursuit dans la neige de plus en plus molle. La discussion tourne autour du paradoxe entre protection et ouverture au public. Car c’est bien là l’exercice le plus difficile à maitriser pour ces professionnels.

« C’est certain que pour que le public ait conscience des trésors de ces milieux, il faut lui permettre de les approcher. Mais le compromis est souvent dangereux car ces espaces sont fragiles. »Pour preuve la présence d’une minus-cule mousse, la buxbaumie verte (Bux-baumia Veridis) qui s’installe sur les bois morts et les souches. « Ce qui m’amuse, c’est que, bien qu’elle soit minuscule sa présence donne un coup d’arrêt à tous les projets même les plus gigantesques. C’est la force de la nature qui peut opposer la richesse de l’infiniment petit à la soi-disant puissance de l’homme ! »

La zone Natura 2000 de la Tourbière des Saisies a été

classée Réserve Naturelle Régionale en juillet 2013

«  Mon père était passionné par la nature. Grand chasseur de chamois, il m’emmenait avec lui dans d’incroyables expéditions qui s’apparentaient souvent plus à de l’alpinisme. Très vite, j’ai préféré observer, jouir de ces instants magiques où l’animal vous regarde et s’enfuit. J’ai donc appris à regarder et je suis devenu chasseur d’images. Et au fil de mes découvertes, je me suis intéressé entre autres aux libellules. »Maurice Pantaloni, professeur à la retraite, a donc fait sienne la passion des plus grands naturalistes, pour l’entomologie et en est devenu l’un des spécialistes savoyards.Venue au départ pour découvrir avec lui une petite et rare libellule installée sur la tourbière de Queige, l’Agrion Hasté, je me suis vite retrouvée plongée dans un monde magique et plein de surprises, peuplé de libellules aussi diverses qu’originales. Avec environ 13 espèces présentes sur un territoire accueillant avec ses tourbières, lacs et mares, le

Beaufortain est un eldorado pour cet insecte qui fascine par ses couleurs et son vol caractéristique. « Ses quatre ailes sont portées par de petits moteurs indépendants, les pales sont en torsion et la libellule peut changer de vitesse comme elle veut. » Fascinant tout comme la naissance de l’insecte. « Quand elle nait, c’est un imago. Elle sort de son sarcophage, qu’elle déchire pour se déplier tête en bas. Les ailes sont froissées et pliées dans de petits « sacs à voile ». Elles se déplient et sèchent au soleil. Cette métamorphose à l’air libre s’appelle l’éclosion et c’est vraiment un instant d’une grande beauté.»

A partir de là, elle prend son envol et peut être fécondée par le mâle. L’accouplement en forme de cœur fascine les poètes. Mais la réalité est moins tendre. Le mâle va ensuite transporter la femelle en la tenant par la tête jusqu'à l'endroit qu'il aura choisi et où seront déposés les oeufs. La femelle prend alors un bon bouillon, maintenue immergée sous l’eau par le mâle. Romantiques s’abstenir ! Cet insecte pacifique a des moeurs de hussard !Maurice a des centaines d’histoires de ce genre qu’il raconte avec passion. Elles diffèrent selon les espèces mais parlent toute d’un insecte étonnant, marqueur biologique de la qualité environnementale d’un site. Sa préférée ? « La Somatochlora artica, car c’est une pure relique boréale, qui fait penser aux insectes géants qui peuplaient la Terre durant le carbonifère, il y a 300 millions d’années. »

Je parcours les tourbières du Beaufortain depuis que je suis tout petit. Lecteur assidu de Jack London, j’avais fait de celle des Saisies mon petit « coin canadien », ainsi se présente Maurice Pantaloni.

Agrion Hasté [Coenagrion hastulatum]

(Von Charpentier 1825)

Cette libellule, classée vulnérable en 2006, fait partie des petits trésors des tourbières de Queige et des Saisies. En juin dernier, on en comptait plus de 30 spécimens. Appelée aussi Agrion porte-hache, Agrion à hachette ou à fer de lance, cette libellule se reconnait à son tatouage en forme de hallebarde situé sur le dos. Le mâle a une belle couleur turquoise tandis que le femelle se reconnait à sa couleur verte. L’Agrion Hasté apprécie la végétation abondante et particulièrement les grandes Laîches présentes sur les tourbières.

Un peu d'histoire…LES ELFES

DES TOURBIERES

VERSANTS ~ n°3 14 15

Page 9: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Au-delà des images Une nature préservée

En ce beau matin de septembre, notre accompagnateur nous propose une balade facile. Le but est de rejoindre le refuge de la Coire à 2059 mètres d’altitude sur le versant Tarentaise du Beaufortain, le fameux Versant du soleil ! Rendez-vous au belvédère du lac de Saint-Guérin où une première surprise nous attend. Les alpagistes débutent la « remue » et redescendent

les troupeaux un peu plus bas. Cette rencontre inattendue a un parfum d’automne qui nous invite à profiter pleinement des dernières journées de l’été. Les eaux du lac sont d’une belle couleur turquoise. Et c’est justement au-dessus de ce tableau idyllique que, tels des funambules, nous allons devoir progresser. Car la seconde surprise c’est le passage sur

une passerelle himalayenne. Quatre- vingts mètres d’une marche aérienne au-dessus des eaux. Un grand silence plombe l’ambiance. Qui osera se lancer le premier ?

Namaste, un bonjour tibétain de rigueurPour nous rassurer, nous pensons aux ponts népalais tressés en cordes usées et surplombant des rapides tumultueux beaucoup plus impressionnants et instables que les eaux calmes du lac de Saint-Guérin. Un saint que nous implorons bien qu’il soit plutôt celui des troupeaux d’alpage que des équilibristes  ! En lançant un « namaste » dans l’air cristallin, nous faisons nos premiers pas au-dessus du vide. Et devant la stabilité de l’ouvrage, nous oublions très vite cette confrontation avec le vide, n’en conservant que le côté ludique !

Un peu plus haut, au Chalet du Darbelay, la vue se dégage sur Le Riondet. La mécanique de la marche est en route et nous avalons le dénivelé avec ardeur. Plus bas, le petit lac des Fées nous fait un joli clin d’œil, histoire de nous rappeler que de ce côté-ci de la montagne, les elfes sont bien là pour nous donner du courage avant la montée vers le Cormet d’Arêches. La route serpente au milieu des alpages et les dernières fleurs de l’été parsèment encore ici et là l’herbe tendre. A 2102

mètres, les plus courageux s’offrent une variante en prenant un sentier qui joue à saute-mouton avec les bosses et les mènent vers la Croix du Berger. Pour ceux qui voudraient tenter l’expérience, sachez qu’il vous faudra quand même affronter une petite grimpette, un raidillon et un passage d’escalade avec les mains mais que la récompense sera à la hauteur de leurs efforts avec une vue magnifique depuis la croix. Pendant cette petite ascension, les moins courageux profitent de la curiosité des marmottes qui hésitent entre une bonne sieste sur les rochers chauffés par le soleil et les tentatives d’approche de ces visiteurs couchés dans l’herbe ! C’est d’ailleurs par-là que de petites mares portent le joli nom de lac des marmottes ! La descente sur le refuge de la Coire est une vraie partie de plaisir : 50 mètres de dénivelé pour se retrouver fatigués mais heureux pour dévorer les bons petits plats d’Annie après s’être désaltérés à la fontaine. Et profiter des grands espaces avec la vue sur les dentelles du Crey du Rey et le col de la Grande Combe.

NAMASTE !Ca y est ! L’été largue les amarres et déjà les premières taches safran apparaissent sur les alpages d’en haut. C’est le meilleur moment pour profiter de la montagne. Le soleil est plus haut, l’air plus frais et le corps, déverrouillé par les balades et les baignades estivales, n’a plus peur de l’effort. Même mieux, il en redemande avant l’hiver !

Parmi les amoureux de cette inclinaison naturelle, certains ont développé un penchant très particulier en adoptant la manière forte pour venir à bout des degrés. Ce sont les « trailers », des hommes et des femmes qui ont pris l’habitude d’apprivoiser le dénivelé.Vu d’en bas, cette inclinaison à la souffrance ne fait pas rêver. Mais en bavardant avec certains « trailers », on se rend vite compte que ces adeptes de l’effort y prennent beaucoup de plaisir. Et qu’ils sont tous victimes d’une forte accoutumance à la production d’endorphines ou d’un plaisir fusionnel avec l’environnement qui les entoure !C’est le cas de Sébastien Gérard, Breton passionné de montagne, installé depuis 20 ans dans les vallées alpines, dont 10 dans le Beaufortain. Sébastien est un cas particulier qui réconcilie avec le monde du trail tant sa vision de la course en montagne est pleine de sagesse. Fasciné par le milieu et la nature, il a découvert progressivement les sports de montagne et multiplié le plaisir de parcourir des endroits sauvages, vierges de toute trace. Aujourd’hui, pisteur-secouriste-artificier aux Saisies, cet accompagnateur en montagne vagabonde l'été venu au coeur des montagnes de France, du Maroc, de Madère, d’Italie et d’ailleurs. Une bi-activité vécue comme un cadeau, qui lui laisse le temps de courir dès qu’une occasion se présente. « En guise

d’entrainement, il y a le ski-alpinisme avec souvent, la Pierra Menta comme objectif. Je monte aussi à pied au travail quand les conditions le permettent. Très attentif à l’équilibre de ma vie de famille (3 enfants), je m’entraîne souvent en fin de nuit et j’essaie d’être raisonnable sur la durée de mes entraînements. Le trail peut devenir très envahissant si on n’y prête pas attention. » Ce programme lui permet d’enchaîner les courses sans jamais se départir de sa bonne humeur et de sa soif de découverte. Sur les ultra-trails techniques (+ de 80 km), les résultats sont à la hauteur de l’engagement. Sébastien a terminé 3 fois en tête de L’Ultra Tour du Beaufortain (dont 2012 et 2013). Malgré son faible pour son pays d’adoption, il enchaîne les trails avec L’Echappée Belle en 2013, le Grand Raid Occitan ou La Diagonale des Fous en 2014. Il participe également à l’organisation du Garmin Festival de l’endurance aux Saisies et court avec ses copains sur des Raids Multisports quand il lui reste du temps.A chaque fois, il se place dans le peloton de tête avec, toujours au fond des yeux, la beauté des paysages traversés, les sourires de ses compagnons de course et des bénévoles. Et une pensée pour ses proches, toujours étonnés par tant de ténacité  ! Chez ce « têtu de Breton », il y a une idée bien ancrée : conserver une part d’humanité pour courir sans perdre son âme !

L’Ultra Tour du Beaufortain

C’est le refuge fétiche des montagnards, des grimpeurs et des randonneurs du Tour du Beaufortain. Perché sur son promontoire

au-dessus du lac de Presset, face à la Pierra Menta avec l’Aiguille de la Nova en ligne de mire, le petit refuge est bien plus qu’un abri. Ici on cultive l’art de la récupération et de la contemplation tout en profitant d’un isolement qui n’a rien de désespéré ! Et ce n’est pas

la récente extension qui lui a fait perdre son âme ! Au contraire. De la terrasse, on peut observer bouquetins, marmottes et lagopèdes.

Même le grand gypaète a fait de l’endroit son terrain d’observation. Du beau spectacle à toutes les heures de la journée

et de la nuit et la garantie de tutoyer les anges !

Refuge de Presset, L’esprit d’en haut

COURIR ET DECOUVRIR…La pente est un élément constitutif de la géographie du Beaufortain. Et pour tous, agriculteurs, randonneurs, professionnels de la montagne, elle représente un terrain d’action qu’il faut approcher avec lenteur et modestie.

VERSANTS ~ n°3 16 17

Page 10: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Pour une fois, on leur demande d’oublier le paysage et de regarder leurs pieds. Car c’est sûr, le sol recèle de trésors insoupçonnés ! Manon a cinq ans et adore ces sorties qu’elle ne raterait pour rien au monde. Personne ne la gronde quand elle traîne un peu pour ramasser ce qui lui plaît. Ici un joli caillou et une branche de lichen, là une feuille mordorée et un peu plus loin cet étrange morceau de bois qui ressemble à une grosse marmotte... Au fil de la balade sous le Char du Beurre au-dessus des Saisies, Manon, Léna et leurs petits copains remplissent avec entrain leur sac sous le regard amusé d’Hélène. « J’ai baptisé cet atelier Graines d’Artistes

Ce jour-là, Marco est assis devant le magnifique paysage du barrage de Roselend. Le lac scintille et il essaye de se replonger dans les images d’autrefois. Il cherche à reconstituer le tableau. Où se situait l’hôtel, le hameau. Et les travaux de construction du barrage, les grandes arches en construction, la mise en eau. Avant, quand les alpages résonnaient des tintinnabulements des carons et des voix des bergers, c’était comment ? Il sort sa tablette et cale le paysage sur l’écran. Il a téléchargé récemment l’application « Empreinte des Grandes Alpes » et découvre progressivement toutes les modifications du paysage.

car je suis toujours émerveillée par la créativité débordante des enfants. Là où l’adulte ne voit qu’un matériau naturel composant un paysage, les petits inventent des personnages, des histoires et ça les amuse beaucoup. » Un peu plus loin, Lucas joue les gros bras en tentant de soulever une énorme branche. « Un peu trop lourde pour toi,» dit Hélène amusée, « mais si tu la regardes bien, tu pourras la dessiner plus tard. » Car c’est là tout l’intérêt de cet atelier : ouvrir le regard, susciter la curiosité, reconnaitre les couleurs, les formes, les textures. Apprendre à exprimer les sensations, dire quand c’est luisant, brillant, poilu ou piquant. Et du coup… marcher en montagne sans rouspéter. Tous les parents apprécieront l’exploit  ! La seconde partie de l’atelier se passe

Grâce à la réalité augmentée, il fait un bond en arrière dans le temps. Marco se prend à rêver qu’il est quelqu’un d’autre. Il y a longtemps…

La Route des Grandes Alpes, une mine d’or pleine de surprises.Ce miracle technologique est la preuve que ce pays de tradition et d’authen-ticité n’en a pas fini avec le progrès et que la jeune génération est bien décidée à utiliser toutes les innova-tions pour rendre ce territoire encore plus attachant. Et les découvertes ne s’arrêtent pas là ! Grâce à la géolocali-sation, le promeneur peut être informé, en temps réel, des points d’intérêt situés sur son chemin.Sur la base de 5 thématiques (Histoires d’hommes, Saveurs d’ici, Sacré et culture, Histoire naturelle, et L’eau domestiquée), cha-cun peut plonger dans l’histoire de la vie des gens, qu’ils soient alpagistes, résistants, ou fromagers… Plus d’une dizaine d’itinéraires sont déclinés selon le niveau d’intérêt du lecteur : approche ludique pour les familles, approche tout public et une version destinée aux passionnés d’histoire et de géologie. Textes, sons, vidéos, modélisations 3D, photos et réalité aug-mentée, la dynamique de la découverte est lancée.

à composer sa propre construction du paysage de montagne en y ajoutant ses rêves. Une belle leçon de land art avec le Mont-Blanc en toile de fond ! « Quand je serai grand, j’irai tout en haut » dit Colin pour épater la galerie. Pendant ce temps, Margot a composé une vraie couronne de princesse et découvre le mot « éphémère ». Plus loin, l’équipe s’amuse à coller sur du papier pétales, feuilles et écorces pour construire un mobile très léger qui vole dans la brise de cette fin de matinée. Et quand les enfants retrouvent leurs parents, ils ont les yeux qui pétillent, mille histoires à raconter et sont impatients de les guider sur des chemins pleins de surprises. Une belle façon de grandir et d’aimer se promener en montagne.

C’est un peu l’histoire du Petit Poucet revisitée. Quand Helène Durand, accompagnatrice en montagne , emmène les enfants sur les sentiers des Saisies, ils en reviennent les poches gonflées de cailloux, les sacs à dos hérissés de branches et la tête pleine de rêves. La réalité augmentée, c’est la

superposition de la perception que nous avons naturellement de la réalité et d’images virtuelles liées à cette réalité. C’est comme si l’imagination s’invitait dans le réel et que visuellement vous puissiez intégrer tous les souvenirs d’autrefois dans l’univers qui vous entoure.

ART ET NATURE AUX SAISIES

Petit bonhomme deviendra grand ?

La créativité des enfants est sans limite

Au-delà des images Une nature préservée

Écoutez le BeaufortainRetrouver les voix d’Edmond Duc-Plachettaz parlant des alpages ou de Germaine Tassion racontant la vie des jeunes bergers procure un sentiment étrange. A l’absence de ces personnages se substitue une vision précise des lieux dont ils racontent l’histoire. C’est toute la richesse de ce patrimoine oral qui, encore plus que les images, donne corps à une réalité disparue. C’est dans les années 60 qu’Hubert Favre et Claude Viard, ethnologue, ont commencé à enregistrer plus d’une centaine de Beaufortains. Ces quatre heures de témoignages regroupés sous le titre « Les Lettres d’Emilie  » sont un inestimable trésor. Certains de ces sons issus du Fonds Hubert Favre prolongent la découverte virtuelle de l’Application « L’Empreinte des Grandes Alpes » de témoignages émouvants.

Un peu d'histoire…

LA VIE D’AVANT, COMME SI VOUS Y ETIEZ

VERSANTS ~ n°3 18 19

Page 11: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Au-delà des images Une nature partagée

LE BEAUFORTAIN EN CADEAU

Partager est un mot étrange. Si on considère que parta-ger, c’est découper en un nombre de parts égales, un gâteau par exemple, que dire alors de la commu-nauté d’intérêts, de goûts que révèle cet acte. Ici, dans le Beaufortain, les monta-gnards ont bien compris que le partage n’avait pas grand-chose à voir avec la division et qu’il valait mieux prendre le chemin de l’uni-té pour être plus forts. Et que le « vivre ensemble » est une source de créati-vité sans fin. « C’est beau,

c’est bon, c’est juste, c’est utile… » Il y a mille et une bonnes raisons de parta-ger les plaisirs de la vie, de mettre en commun le meilleur et d’échanger sur ce qui nous réunit. Ce n’est pas toujours le chemin le plus facile. Cela nécessite même parfois de s'isoler pour mieux s'imprégner... Pour mieux s’imprégner du monde qui nous entoure et pour retrouver toute l’éner-gie du partage. CQFD !

VERSANTS ~ n°3 20 21

Page 12: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Au-delà des images Une nature partagée

Portrait

JOSEPH PICHOL

L’humanité en héritage

Le vieil Hôtel du Mont-Blanc marque l’entrée du village de Hauteluce du haut de ses 100 ans. Cet établissement, longtemps fermé, est aujourd’hui en cours de rénovation. Un nouveau souffle pour le tourisme à Hauteluce et une joie sincère pour Joseph Pichol, aujourd’hui âgé de 95 ans. Il faut dire qu’il a passé 15 ans de sa vie dans cette maison, y a vu grandir ses deux enfants aux côtés de sa femme, Yvonne Palluel-Blanc, la fille de l’ancien maire de Hauteluce, propriétaire de l’établissement, classé 1 étoile à l’époque.

« C’était un hôtel très prisé des Parisiens. La vue sur le Mont-Blanc et l’esprit montagnard de Hauteluce attiraient les touristes été comme hiver. A l’époque, les gens venaient passer trois semaines complètes en vacances et il y avait une vraie vie autour de notre activité et dans le village. » Et bien plus qu’un simple lieu de villégiature, l’Hôtel du Mont-Blanc, fut, pendant les terribles années de la guerre, un refuge pour deux familles juives. Joseph Pichol est aujourd’hui le dernier témoin de cette belle aventure humaine. Rien ne le prédestinait à ce choix. Le petit Joseph grandit en montagne. Il passe son temps aux côtés de ses parents dans les alpages de Bellastat, Le Plan ou Véry. Il souffre de ne pas aller à l’école autant qu’il le souhaiterait. « Nous arrivions toujours après la rentrée et repartions en alpage 15 jours avant les vacances, ce qui ne nous permettait pas d’apprendre aussi bien que les autres. » Il a gardé de cette époque un goût prononcé pour la lecture. Quand il atteint ses 17 ans, ses parents décident de changer de vie. Ils s’endettent pour acheter une scierie à Entre-Deux-Nants. Joseph y travaillera jusqu’à sa mobilisation militaire en 1940. Envoyé en Afrique du Nord, il tombe malade, victime du paludisme. Fin 1941, il revient en France et après six mois à l’hôpital de Chambéry, il rejoint Hauteluce et sa jolie fiancée. « Ma chance était d’être montagnard. Je pense que j’ai guéri plus vite que les autres grâce à mes escapades en montagne et à l’air pur de Hauteluce. »

Le courage en bandoulièreSon humanité, Joseph ne se l’est pas forgée en faisant la guerre mais aux côtés de ceux qui, dès l’été 42, lorsque commencent les grandes rafles, les arrestations et les déportations, décident de résister. Et parmi ces courageux, ses beaux-parents, Jean-Baptiste et Marie-Louise Palluel-Blanc. Les souvenirs affluent et le vieil homme se souvient du jeune homme qu’il était. Il se rappelle très précisément l’arrivée de ces deux familles juives, les Kramer et les Mandel, deux sœurs, deux enfants et un seul mari, l’autre ayant été envoyé vers un camp de concentration dont il ne reviendra jamais. « Ils sont arrivés, apeurés. Ils nous ressemblaient, ils étaient pauvres loin des clichés distillés par la propagande nazie.  Je me souviens surtout de la petite Lina. Elle avait six ou sept ans à l’époque et elle est tombée malade. Nous

avons installé un matelas sur la luge et caché la petite dessous pour la descendre chez le docteur Lambert à Beaufort. Il neigeait et sans cette expédition risquée, elle serait sans doute morte. Mais à cette époque, personne ne « vendait » personne. Il y avait une vraie solidarité pour faire front face à ceux qui avaient choisi de collaborer avec les Allemands. Cette famille juive est restée cachée cinq ans à Hauteluce jusqu’à la Libération. Le mari travaillait à la construction du barrage de la Girotte pour gagner un peu d‘argent. Avec l’aide des maquisards installés là-haut, il n’a jamais été dénoncé. Nous n’étions pas des héros. Chacun y allait de sa contribution. Mon père, scieur, fournissait le bois au maquis

du lac de la Girotte, je montais le pain et la viande avec l’aide de notre jument. Ma femme et mon beau-père surveillaient les allées et venues des Allemands et nous prévenaient dès qu’une patrouille montait. C’est cette belle solidarité qui a sauvé nos amis. » La famille Mandel est revenue à Hauteluce après la guerre pour remercier les villageois qui leur ont permis de survivre. Joseph Pichol est fier de son village de l’époque. «  Je suis le dernier témoin de cette aventure. Bien sûr, nous avons souffert, nos vies ont été rudes mais nous nous sommes beaucoup aimés. »

Le 6 mai 2013, la médaille de «Juste parmi les Nations» a été décernée à titre posthume à Jean-Baptiste et Marie-Louise PALLUEL-BLANC. La cérémonie s’est déroulée au Musée de la résistance et de la déportation de Grenoble. C’est Lina Mandel qui est à l’origine de cette reconnaissance, en souvenir du courage de ceux qui « à la moindre alerte envoyaient les adultes se cacher dans le grenier tandis que Marie-Louise recueillait chez elle les deux enfants qu’elle considérait comme les siens. »

Avec ses compagnons de route Câlin, Caribou, Cacao, Agathe, Thaïs, Sissi, Stella et Verrine, Marine produit des savons et des cosmétiques à base de lait d’ânesse. Un savoir-faire acquis depuis deux ans et qui lui permet aujourd’hui de vivre et de travailler dans son eldorado montagnard. Rien ne prédestinait cette Champenoise à se lancer dans cette aventure jusqu'au jour où, saisonnière à la station du Joly, Marine fait la rencontre qui allait changer sa vie, celle de Manu Mollard son compagnon, agriculteur à la ferme des Liaudes. En 2013, elle décide de développer sa propre activité, se forme à Die dans l’art de produire des savons, et achète ses premiers ânes. « Avec un énorme avantage, celui de pouvoir bénéficier de tout le savoir-faire de la ferme en matière d’élevage animal et d’un emplacement de premier choix pour élever mes ânes. »Curieuse, Marine s’intéresse aux pro-priétés du lait d’ânesse et découvre ses vertus de réhydratation et de régé-nération des cellules. Sans oublier sa richesse en vitamine E, indispensable à la souplesse de la peau. Elle y ajoute par conviction personnelle les bien-faits des plantes et utilise des huiles vierges et biologiques. Menthe, spiru-line, lavande, romarin sont mélangés avec des beurres de karité, de coco ou d’olive. La recette, aux proportions ja-lousement tenues secrètes, donne des savons doux et légers. Avec le temps, Marine étend la gamme des produits et crée des sticks à lèvres « spécial grand froid » à la cire d'abeille des ruches de

la ferme, au cupuàçu, arbre proche du cacaoyer, ou au beurre de karité. La jeune femme avance grâce aux retours de ses clients, teste ses nouveautés sur sa famille, son meilleur ambassadeur, et invente des gammes très « beaufor-taines » au lait de vache ou de chèvre. Mais attention, derrière la carte pos-tale se cache un travail quotidien qui s’apparente à un tour de force. Pas seulement à cause du caractère bien trempé de ces animaux mais surtout en raison de l’engagement permanent que requiert l’activité. Pour obtenir le lait d’ânesse, il est nécessaire de garder les ânons sous leur mère car ce sont eux qui vont stimuler la lactation. Ils sont séparés en fin de matinée afin de traire les mères 3 fois dans la journée à 3 heures d’intervalle. Marine ne prélève qu’un litre de lait sur les sept produits en moyenne quotidiennement par chaque mère. « C’est pour cette raison que Cléopâtre aurait eu un troupeau de plus de 600 ânesses pour assurer son bain quotidien ! »Mythe ou réalité, en tout cas, si vous passez par les marchés de Beaufort, des Saisies, de Saint-Gervais ou des Contamines, laissez-vous tenter par les produits de la Savonnerie de la Ferme. Ou mieux encore, offrez-vous une balade au fond de la vallée de Belleville, partez à la rencontre des ânes de Marine et profitez des somptueux goûters à la ferme des Liaudes. Une invitation au bien-être qui se résume en quelques mots : douceur et art de vivre !

Lovée sous le col du Joly face au Mont-Blanc, la ferme des Liaudes

reflète l’esprit des maîtres des lieux. Un esprit nourri de créativité, de

nature et d’ouverture. Et au cœur de cette exploitation agricole dédiée à la production de fromages, Marine

Prévoteaux a développé une activité atypique mais finalement pas si

éloignée que ça de l’univers de ces éleveurs beaufortains.

SOUS LE JOLYJOUVENCE

UNE FONTAINE DE

VERSANTS ~ n°3 22 23

Page 13: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

C’est la rencontre avec l’artiste Chris-tiane Wyss-Blin, en 2007, qui fonde le projet et impose la création artistique comme une évidence. Fruit d’un travail collectif intégrant à la fois le religieux, le patrimoine et l’ancrage dans le présent, la chapelle des Curtillets, l’une des plus anciennes chapelles du Beaufortain, avec celles de Belleville et Roselend, est reconnue aujourd’hui par ses nom-breux visiteurs comme un bel exemple d’harmonie et de simplicité.On doit à la ténacité de l’Amicale de la Chapelle des Curtillets, regroupant une cinquantaine de familles des hameaux

des Curtillets, des Prés, du Biollay et des Traverses, l’idée de restaurer ce lieu sacré en s’adaptant au monde contemporain. Gilles De Broucker, le Président de l’amicale, explique que «  le choix était double  ; entre restaurer en reprenant exactement ce qui avait été fait lors de la rénovation précédente, ou oser faire bouger les lignes en puisant dans l‘inspiration de notre époque. Lorsqu’ils décidèrent de peindre l’intérieur de la chapelle en bleu « Vierge Marie », les anciens avaient sans doute été très audacieux pour leur temps. » Bien avant de démarrer les travaux, une longue concertation avec les habitants "du quartier" et le curé permet d'aboutir au choix de l'option contemporaine. L’ancien chemin de croix composé d’images d’Epinal très abimées sera donc remplacé par l’œuvre d’une artiste d’aujourd’hui et pour rester en lien avec le passé, quatre des images d’Epinal seront restaurées et replacées dans la chapelle.

Un long travail de maturationJuchée sur son promontoire, la chapelle des Curtillets est un lieu très visité, considéré à la fois comme un lieu sacré et un site touristique. Le principe affiché dès le début du projet par l’Amicale de la Chapelle est donc que chacun s’y sente accueilli, quelles que soient sa religion, sa philosophie de vie ou les raisons de sa présence sur les lieux. L'artiste Christiane Wyss-Blin, après « avoir été éblouie par le lieu et par son environnement », mettra trois ans à s’imprégner de l’endroit pour clarifier le projet et le présenter

à la Commission d’Art sacré de Savoie. En 2010, elle propose la première maquette de son « Chemin de vie » en onze tableaux, sur la base d’une parole de l’Evangile, « Je suis le chemin, la vérité et la vie.  ». La suite est un long travail de mise en commun des volontés et des moyens : la commune de Beaufort, le Conseil général de Savoie, l’Amicale de la Chapelle des Curtillets et la paroisse avec le soutien indéfectible du Père Etienne Melquiot, puis du Père Stéphane Raux, convaincus de la nécessité de réaliser une œuvre d’art du 21e siècle dans un lieu ancré dans son passé. Inaugurée à l’été 2012, la Chapelle des Curtillets étonne, ravit et représente à la fois un patrimoine hérité de la passion des anciens pour la tradition et un souffle nouveau, un hommage à la sensibilité contemporaine.

Carte blanche à l’artiste

Installée en Provence, Christiane Wyss-Blin est une artiste discrète, curieuse et attentive. L'idée qu'un artiste doive imposer sa vision du monde n'est pas sa philosophie. Elle prendra donc tout le temps nécessaire pour comprendre les lieux avant d'accepter la mission qu'on souhaite lui confier. Il lui faut alors apprendre à travailler en concertation, prendre en considération les attentes des uns et des autres, proposer des maquettes pour que, progressivement, l'idée de "carte blanche à l'artiste" fasse son chemin, grâce en particulier

au soutien d’Hubert Favre et de Martine Viallet-Détraz, membre de la Commission diocésaine d’art sacré de Savoie. Christiane Wyss-Blin prendra deux ans pour réaliser son oeuvre. Ce mûrissement personnel et collectif empreint de respect et de "lâcher-prise" lui permet, en 2012, de livrer 11 toiles inspirées de l’ombre et de la lumière sur les principes d’orientation architecturale des édifices religieux. Une belle aventure humaine retracée dans le film réalisé par Claude Marcellin.

Sur le mur opposé, ses toiles montrent la pauvreté, la vie en cage, la guerre, la misère et la marche  : six toiles accrochées dans un chaos de lignes cassées. En face, au sud, après un regard qui traverse le chœur de la chapelle, cinq toiles dédiées à la rencontre, à la vie et à la lumière sont accrochées avec subtilité dans une douce vague qui s’élève vers la dernière toile, celle de l’infini. Des peintures à l’huile aux couleurs subtiles et douces et un style très personnel que tous les visiteurs apprécient depuis la réouverture de la chapelle au public. D’autant que la commune de Beaufort, en charge de la restauration du bâtiment, a eu la bonne idée de demander à l’artiste de participer au choix des couleurs, des murs au plafond. Le résultat est une harmonie propre à la méditation

et au calme, dans des tons rappelant subtilement ceux du « Chemin de vie ». Aujourd’hui, chacun, croyant ou non croyant, peut s’arrêter aux Curtillets. La chapelle est ouverte tout l’été et lors des vacances scolaires et chacun peut y ressentir une sérénité absolue, en cohérence avec la beauté de l’édifice et des lieux qui s’ouvrent sur des paysages à couper le souffle.

ECRIRE LE BAROQUED’AUJOURD’HUI

Quand l’aventure commence en 2006, personne ne se doute

que six ans plus tard, cette chapelle dont les bases dateraient

du 14e siècle, deviendrait pour beaucoup le premier exemple

d’une restauration réussie.

L’artiste (ici dans son atelier) a déjà participé à de nombreuses expositions en France et en Suisse. On lui doit « Le chemin de la Passion » à l’Eglise Ste-Colombe de Villejuif à Paris, « la Paix » à l’espace œcuménique du nouvel hôpital de Manosque et d’autres œuvres exposées entre autres à Arêches…

Au-delà des images Une nature partagée

VERSANTS ~ n°3 24 25

Page 14: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

…entourés de lapins farceurs, d’ânes têtus, de chèvres espiègles, de chiens joyeux et de chevaux doux comme des agneaux. Sans oublier une tribu d’en-fants turbulents ! Une sorte de commu-nauté familiale où la bonne humeur et l’amour régneraient en maîtres absolus. Neuf ans après leur arrivée dans le Beaufortain et quelques galères plus tard, le pari est pratiquement tenu à quelques détails près.

C'est Virginie qui, la première, découvre le Beaufortain grâce à sa maman qui a un vrai coup de cœur pour ce coin de montagne au point de venir travail-ler à Hauteluce. Cyril, passionné par son métier de cuisinier, s’installe aux fourneaux de la Ferme de Chozal où il fait des merveilles. Les passionnés de gastronomie se souviennent encore de la créativité de ce tout jeune chef qui a fait ses armes dans de grandes maisons.A l’époque, la famille qui commence à s’agrandir, passe de gites en gites en rêvant à son inaccessible étoile. Elisa, Capucine, Pierre illuminent, de leurs rires d'enfants heureux, la vie du jeune couple. Armé de courage, Cyril s’installe en 2010 aux fourneaux de La Roche au cœur même de Beaufort. Là encore, son talent et sa créativité dynamisent l’offre locale et le jeune chef redore le blason de cet établissement stratégiquement situé au cœur de la cité. Virginie met toute son énergie à garder le cap pen-dant que Cyril s’investit corps et âme dans son projet. L’aventure durera un

an et demi et leur donnera la certitude qu’autour d’eux, des gens francs et sincères, « deux qualités qui caracté-risent les gens d’ici » les soutiennent. Une période pendant laquelle la famille Suet, agrandie avec l’arrivée de la petite Louison, caresse le rêve de relancer une véritable hôtellerie de qualité, dans la droite ligne de l’accessibilité pour tous. Le courage ne manque pas et marque la puissance de travail de ce jeune cui-sinier qui ne se départit jamais de sa gentillesse et de sa douceur. Mais cela ne suffira pas et une fois de plus Cyril remet sur le métier son ouvrage. La frustration et le découragement pointent leur nez mais la force de la tribu fait une fois de plus des miracles. Il suffit de les voir vivre, s’écouter, échanger et se soutenir pour comprendre que ces deux-là sont de véritables mines d’or de patience et de persévérance. « Avoir planté nos racines ici nous a donné toute l’énergie pour continuer à construire comme nous l’avions imaginé. »

Aujourd’hui, Cyril dirige, avec son équipe, deux boulangeries à Arêches et à Beaufort. La boulangerie des Croés produit pains et pâtisseries dans la droite ligne des plats concoctés par le chef Cyril Suet. Qualité, inventivité et créativité ont vite construit la réputation des produits de ce boulanger pas comme les autres. Virginie a lancé son entreprise et crée des habits pour les enfants et « de jolies poupées en matériaux bios tout doux avec un petit cœur dedans ». Les enfants adorent leur école, leur collège et leurs copains et sont définitivement Beaufortains. Après avoir démontré une incroyable capacité d’adaptation et de patience, la famille a enfin son rêve à portée de main. La dernière marche du paradis sera celle de la maison de famille. « Nous travaillons beaucoup mais nous n’avons pas oublié notre « Arche de Noé ». Nous espérons pouvoir trouver une vieille bâtisse à notre mesure avant que les enfants ne quittent la maison ». Cyril et Virginie, en rêveurs impénitents, y mettront tout leur cœur, des images d‘enfance, de l’amitié, des rires et des sourires et beaucoup d’amour, enracinant l’histoire de la famille Suet en Beaufortain, larmes et bagages trop lourds définitivement oubliés. Une merveilleuse aventure dont nous connaissons le début mais dont la fin reste encore à écrire.

Cyril et Virginie Suet sont de doux rêveurs. Et dès leur première rencontre, ces bourguignons de souche n’ont eu qu’une idée en tête : créer une grande et belle famille et vivre dans une ferme à la montagne…

« Avoir planté nos racines ici nous a donné

toute l’énergie pour continuer à

construire comme nous l’avions

imaginé. »

Depuis plus de 5 ans, cet artisan, fa-bricant du système de rangement de ski Skiblok, crée dans son atelier des cercles de beaufort de manière tra-ditionnelle. Baptisé « L’Original », ce cercle serait d’ailleurs originaire du ha-meau du Bersend où, dès la fin du 19ème siècle, la famille Avocat fabriquait des cercles concaves destinés à « resserrer le talon de la meule en sa partie cen-trale, dès son premier moulage ». Au-tant dire qu’il s’agit là d’une technique imaginée en étroite collaboration avec les fromagers. Car à quoi bon tirer le meilleur des alpages, des techniques de fabrication, des caves et des savoir-faire des fromagers si c’était pour se retrouver avec des meules écrasées ou aplaties ! Aujourd’hui, dans son atelier, Eric Avo-cat travaille son art de la façon la plus naturelle qui soit ; le frêne de premier choix provient du pays et est acheté directement au scieur. Raboté, usiné, il subit une immersion en milieu humide et à très haute température. Cette étape appelée « la plastification du bois » est indispensable pour effectuer le cintrage du bois devenu flexible. « Une fois cintré, le bois est déshumidifié afin qu’il garde sa forme parfaitement ronde et concave, imposée par le cahier des charges de l’AOC. Il faut ensuite usiner «  les taquets » et les coller sur l’extérieur du cercle. Ces taquets tiennent la corde qui permet de serrer

le cercle et de faire pression sur la pâte. » Livrés dans la zone Beaufort, les cercles « L’Original » font partie du produit, en signent l’authenticité et renforcent l’image de grande qualité du beaufort. Dans l’atelier du Bersend sont aussi fabriqués des tablards

pour les caves des coopératives,  ces planches de bois qui supportent les beauforts pour l’affinage. C’est toute l’histoire de la réédition d’un savoir-faire ancestral et une belle réussite artisanale dans le plus pur esprit beaufortain.

A fromage d’exception, écrin de qualité ! Avec les cercles de beaufort fabriqués au Bersend par Eric Avocat, il ne s’agit pas seulement d’une coquetterie du « prince des fromages ». C’est bien tout l’art du fromager qui se poursuit par le travail d’affinage dans ces magnifiques cercles en frêne de pays !

LA FORMELE FOND ET

Cette exigence de perfection ne date pas d’aujourd’hui. Les recherches effectuées ont permis de retrouver des témoignages, dont celui d’un alpagiste, Florimond Avocat, neveu des inventeurs du cercle concave. Déjà avant 1914, les cercles concaves étaient livrés au-delà des limites du Beaufortain jusqu’en Tarentaise. « La forme spéciale nouvelle qu’il donnait aux meules permettait de reconnaître immédiatement le «  gruyère  » de Beaufort, ce qui le distinguait à l’époque des autres gruyères. Et les courtiers du moment s’empressèrent d’en tirer partie. Les alpagistes s’en servaient également pour essayer de « valoriser » leur produit au moment des transactions commerciales avec les acheteurs ou courtiers en fromage. » 

Une exigence ancienne

Au-delà des images Une nature partagée

NOS RACINES ICINOUS AVONS DEFINITIVEMENT PLANTE

VERSANTS ~ n°3 26 27

Page 15: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Portfolio Un patrimoine bien inspiré

On les voit de loin, accrochés à la pente, faisant face aux lacs, posés dans de jolis coins secrets à l’ombre des forêts ou au cœur des hameaux et des villages. Signes d’un respect pour la nature et la montagne qui les entourent, témoins discrets d’une foi profonde, les églises, chapelles, oratoires et chemins de croix du Beaufortain sont des trésors qui méritent qu’on s’y arrête, le temps de retrouver calme et sérénité.

VERSANTS ~ n°3 28 29

Page 16: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Au-delà des images Jeux d'hiver

UN HIVER DE CRISTAL

Qui n’a jamais, enfant, observé avec étonnement la composition des cristaux de neige  ? La géométrie parfaite de ce minuscule hexagone a imprimé dans nos esprits une question fondamentale sur la capacité de la nature à créer des objets parfaits. La neige fait partie des questions de l'enfance. Comment se forment les flocons, pourquoi se transforment-ils parfois en pluie alors qu’à d’autres moments, ils tombent en formes aussi variées qu’originales. On en trouve des plats, des ronds, des allongés, en boutons de manchettes ou

en perles de lait, en petits morceaux de papier ou en grains ronds et glacés. Et passé le temps patient de l’observation de ces étoiles aux branches fantastiques vient le temps du jeu. La neige et ses milliards de cristaux deviennent un manteau blanc, protecteur et attirant. On peut alors glisser, construire des igloos et des bonhommes de neige, marcher, danser et même attendre les jours meilleurs comme les animaux qui s’y protègent des grands froids. Un éternel recommencement et une énergie du bonheur renouvelable à l’infini !

VERSANTS ~ n°3 30 31

Page 17: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Au-delà des images

Portrait

SIMON BRAISAZ

Les coulisses de l’exploit

Simon Braisaz peut être fier de participer à l’élan du ski alpin de compétition. D’une manière

détournée mais incontournable car c’est dans les coulisses des grandes courses qu’il exerce son art

en toute discrétion. A 23 ans, il passe très peu de temps dans son village de Hauteluce, entièrement

dévoué à ses « championnes » qu’il suit, ou plutôt précède, aux quatre coins de la planète.

Simon est technicien pour la Fédération Française de Ski : il suit les athlètes et prépare le matériel aussi bien pendant les périodes d’entraînement que pendant les compétitions. Il n’a pas choisi ce métier par hasard car « on apprend à gérer son matériel dès qu‘on met le pied en compétition », ce que Simon a pratiqué pendant 5 ans au sein du Comité de Savoie. Ce spécialiste du géant et de la vitesse est aujourd’hui le préparateur de quatre championnes qui tournent en Coupe d’Europe et Coupe du Monde et dont les noms sont déjà inscrits au tableau d’honneur des espoirs français : Estelle Alphand, Romane Miradoli, Clara Direz et Marie Massios. Pour elles, grâce à ses compétences pour l’affutage, le fartage et le calibrage des skis, Simon est un des artisans de la victoire comme ce fut le cas aux Jeux Olympiques de la Jeunesse à Innsbruck en 2012. « J’ai appris en regardant les anciens et en faisant confiance à mon expérience et à ma pratique du ski. Sur les courses, on observe les autres, on cherche à comprendre jusqu’à l’instant magique où la skieuse s’élance. L’avis des athlètes reste évidemment le cœur du réglage. Leur confiance nous donne une grande responsabilité. » Simon aime cette pression, qui ressemble au trac de l’athlète. Et quand c’est le top départ, il retient son souffle. Comme s’il était lui-même sur la piste. « Plus l’athlète est performant, plus le stress est important. » Même si lui-même, avec la modestie qui le caractérise, sait « qu’à lui seul, il ne peut pas faire gagner la course ». Et qu’en revanche, il a conscience de pouvoir la faire perdre.

Il aime ce travail même si « la plupart du temps, on dort peu et tout se passe dans les garages. » A la période de préparation des skis suit l’envol pour les terres du Grand Sud à Ushuaïa et El Colorado, près de Santiago du Chili où les athlètes s’entrainent pendant l’hiver austral. « A notre retour en Europe, quand la saison commence, les skis sont prêts et adaptés à chacune. Il ne reste plus qu’à caler les mises au point sur les conditions météo au moment de la course, avec le

fartage et l’affutage appropriés. » En parallèle à son métier, Simon prépare le monitorat de ski et a obtenu un BEP de maçonnerie. Histoire d’être prêt à effectuer un virage professionnel quand cette vie de nomade lui conviendra moins. Une façon de rester là où il se sent bien, dans ses montagnes du Beaufortain. Pour l’instant, il suffit de voir ses yeux et son sourire quand il parle de son métier et de ses voyages pour imaginer que ce n’est pas pour demain !

Les Saisies sont une des stations d’accueil de ce sport très élégant qui associe jolies courbes et vitesse maitrisée. Aujourd’hui, l’Ecole de Ski Français compte parmi ses rangs environ une dizaine de moniteurs et monitrices de télémark. Quant au matériel de location, y compris pour les enfants, on le trouve facilement sur la station.

Hughette Lacreuse, monitrice à l’ESF des Saisies, pratique le télémark depuis longtemps. Cette ancienne championne de France, 2ème au classement général de la Coupe du monde en 2007, est une ambassadrice très convaincante des bienfaits du télémark en particulier dans l’apprentissage de la glisse chez les plus jeunes. « Le télémark est avant tout un style de virage. En avançant un pied et en pliant le genou, le télémarkeur, dont les talons ne sont pas attachés aux skis, se retrouve dans une position de génuflexion qui lui permet de réaliser un angle avec ses skis et ainsi de déclencher le virage. Ensuite tout est dans l’alternance et le rythme des génuflexions. La sensation de glisse est extrêmement agréable et permet aux enfants d’apprendre en douceur à gérer le transfert du poids du corps, à positionner le buste et travailler la flexion, trois des fondamentaux du ski. » Au passage d’un télémarkeur sur les pistes, chacun y va de son commentaire admiratif ou dubitatif. «  On dirait qu’il danse… Ça doit faire mal aux genoux  !  Il faut des cuisses en béton.… D’où ça vient ? ». Effectivement, bien que « décapé » par la glisse moderne, le télémark a gardé son ADN d’origine nordique, celui d’un ski qui s’attaque à tous les types de neige et qui nécessite quand même quelques réserves musculaires pour y trouver du plaisir.

Contre toute idée reçue, il n’est pas nécessaire d’être un excellent skieur pour adopter le télémark. Et l’essayer, c’est l’adopter à coup sûr ! L’ancêtre du ski moderne est né en Norvège mais c’est bien chez nous, dans les Alpes qu’il a trouvé son eldorado.

L’image de sport de « vieux » ne colle plus du tout à cette pratique qui s’est même offert un relooking du matériel et une entrée fracassante dans l’univers du freeride et du freestyle. Le télémark rêve même d’olympisme. Voilà une nouvelle qui aurait certainement fait sourire Sondre Norheim, ce charpentier norvégien qui, en 1860, se construisit des lames en bois pour descendre de son chalet de Morgedal.

Chaque année en avril se tient aux Saisies la mythique course, la Cuberote. Rendez-vous indispensable si vous voulez tout savoir sur le télémark et l’esprit qui l’anime.

Le télémark est né dans la province norvégienne éponyme en 1860. En construisant ses premiers skis, Sondre Norheim imagine de plier le genou pour tourner dans la neige poudreuse et ainsi déclencher un pivotement complet. Il vient d’inventer le premier virage de l’histoire du ski ! Comme l’homme est inventif et charpentier de surcroit, il découpe ses planches en « taille de guêpe » pour faciliter les virages et la fixation des lanières de cuir. Le 8 février 1868, il participe au concours d’Iverslokken et gagne la première place ! La nouvelle de ce ski révolutionnaire atteint vite l’Europe et il faudra attendre l’imagination d’un Emile Allais qui invente le virage « Christiana pur aval » pour que le télémark soit oublié. Jusqu’à son retour dans les années 80 grâce à une bande de yankees du Colorado qui le propulse sur le devant de la scène des glisses alternatives et sauvages. Car les puristes le pratiquent essentiellement en poudreuse.

Un peu d'histoire…

La Cuberote

Jeux d'hiver

« L’image de sport de « vieux » ne

colle plus du tout à cette pratique qui

s’est même offert un relooking du matériel

et une entrée fracassante dans

l’univers du freeride et du freestyle. »

PRATIQUEZ L’ARTDE LA GENUFLEXION SANS SOUFFRIR

VERSANTS ~ n°3 32 33

Page 18: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Après une bonne nuit à Boudin, me voici prête à enchainer les zigzags de la montée vers le Col de la Forclaz. Mes hôtes, Elisabeth et Henri, sont des fervents supporters de la Pierra Menta. Ils hébergent chaque année des équipes et cette année, les Basques ont élu domicile dans le vieux chalet accroché à la pente. Avant de partir, Elisabeth a glissé dans mon sac un « en-cas » typiquement beaufortain : sandwich aux diots maison et beaufort d’alpage ! La montée devrait être une partie de plaisir ! Le ciel étoilé change de couleur et passe progressivement du bleu marine au bleu clair. Le froid n’aura pas raison de nous. Tout le monde s’élance dans la pente et l’effort est soutenu. Le spectacle est impressionnant et le jour qui se lève ajoute quelques traces orangées au tableau. On trouve des « experts » qui filent déjà vers les sommets, des familles qui prennent leur temps et apprennent aux plus jeunes à gérer

l’effort, des bandes de copains bien décidés à faire la fête au sommet. Et des parents de coureurs comme ces Catalans venus soutenir leur fille. La montée se fait dans la bonne humeur et la joie du partage. Là où d’habitude le silence est de rigueur, ce sont les rires et les bavardages qui remplissent l’air. Premier virage et première rencontre avec les coureurs qui tracent à la vitesse de l’éclair, encouragés par ce public entièrement acquis à l’effort ! Vite, il faut accélérer pour ne pas rater le passage au col et l’incroyable spectacle de la montée sur l’arête du Grand-Mont. Soudain des sons de cloches et des clameurs déchirent le silence. Plus haut, dans l’échancrure du col de la Forclaz se dessine une ligne sombre : ce sont les centaines de spectateurs déjà arrivés qui se préparent au passage des équipes. Surréaliste et chaleureux, le tableau se colore et s’anime au fur et à mesure que

nous approchons. Et enfin nous y sommes. Accordéon, cloches, rires et chansons, l’ambiance est à la fête. Personnalités, anonymes, habitants du pays, étrangers, tous sont réunis pour célébrer l’incroyable engagement des sportifs mais aussi de tout un pays réuni autour de ses champions. Le succès populaire de la Pierra Menta tient à cette alchimie entre partage et fête, entre ferveur populaire et course technique. Et s’il fallait trouver deux mots pour définir cet événement et les inscrire au grand dictionnaire des amoureux de la montagne, ce serait sans nul doute « admiration et respect ». Les fondements indispensables de la passion qui anime cette grande fête des supporters !

le Col de la Forclaz à 2300 mètres, soit 600 mètres de dénivelé depuis le plateau de Cuvy à l’arrivée du télésiège… Les conditions météo et les risques d’avalanche ne permettront pas cette année aux supporters d’atteindre le sommet du Grand-Mont. Peu importe le lieu, cette randonnée n’a qu’un but : apporter chaleur, et sourires aux coureurs. Ils sont tous là… habitants du Beaufortain, amis, familles des coureurs, anciens et plus jeunes, Français, Espagnols, Italiens, tous réunis pour une jolie grimpette. Skis de rando ou raquettes, chacun a le choix des armes. Les carons tintent et l’ambiance est plus que joyeuse.

Les supporters de la Pierra Menta ne sont pas des frileux ! Ils se lèvent tôt et franchissent les 1000 mètres de dénivelé qui les propulsent au sommet du Grand-Mont quand les coureurs pointent le bout de leurs spatules. Cette fête, ils en ont rêvé toute l’année, ils l’ont préparée et pour rien au monde ils ne manqueraient ce

rendez-vous de l’amitié et du sport.

Télésiège du Grand-Mont 5h00 du matinCe 23 mars 2013, ils sont déjà nombreux, dans le froid bleuté du petit matin, à attendre l’ouverture du télésiège du Grand-Mont. Objectif,

En marge de la plus célèbre course de ski-alpinisme, la Pierra Menta, cernés par les montagnes, l’esprit libre et la bonne humeur chevillée au corps, ils sont chaque année des centaines à venir signer la fête de la montagne.

Depuis la première Pierra Menta en 1986, un soin particulier a été apporté chaque année à l’affiche de l’événement. Du graphisme très illustratif des débuts a succédé un traitement contemporain. Aujourd’hui,

place aux images des skieurs-al-pinistes en plein effort. A chaque époque son style !

La Pierra Menta à travers le temps

PIERRA MENTALA FETE DE LA

ÇA SE PASSE LA-HAUT !

2014

1996

1989

1986Au-delà des images Jeux d'hiver

Une grande fête populaire au sommet

L'arête mythique du Grand-Mont

Séquence émotion au milieu des spectateurs

VERSANTS ~ n°3 34 35

Page 19: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Je me sens prise d'une grande envie de contemplation. Patience ! Après 300 mètres de dénivelé, derrière une croupe neigeuse, nous basculons dans le silence. Seul le glissement des skis sur la neige froisse l’air ambiant. Le rythme est désormais régulier. Nous dessinons des zigs et des zags avec application, comme si ces traces se devaient d’être belles et régulières, histoire de ne pas abimer le paysage.

Une halte au chalet de La Tourne à 1557 m. Assis au soleil contre le mur du chalet nous savourons une petite pause avec un morceau de beaufort, un peu d’eau et de sucre, et nous repartons. Nous entrons alors à pas de loup dans le royaume du tétras-lyre dont l’habitat est ici protégé. La trace serpente sous les sapins. Le souffle se fait court, les muscles commencent à durcir et dans cet univers de bosses et de creux, l’esprit vagabonde. Soudain un croassement. Le grand corbeau fait un tour d’honneur au-dessus de nos têtes en jouant les transformistes, histoire de

montrer qu’il peut passer de la version « boulet de canon », les ailes repliées sous le ventre, à celle d’un élégant planeur. Trois froissements d’ailes plus loin, il a déjà disparu. Dans un piaillement aigu, une armada de becs-croisés s’envolent d’un bosquet dans un jaillissement de plumes rouges. Encore quelques centaines de mètres et nous voilà en haut de la dernière

bosse avant le sommet de Côte 2000. C’est somptueux. L’effort physique est vite oublié et la nature prend toute sa place, avec un sentiment de liberté indescriptible. Je suis éblouie par la beauté du panorama. Le Mont-blanc enfoui dans un nuage a du mal à sortir le bout de son nez mais partout autour, c’est du grand spectacle. Le vent met les voiles au-dessus du Grand-Mont, la Légette du Mirantin, scarifiée par des ondulations des skieurs hors-piste, fait la fière en offrant sa croupe au ciel azur. De l’autre côté, la Pierra Menta pointe vers le ciel son doigt de granit, histoire de rappeler que de ce côté-ci de la montagne, c’est encore elle la reine. Nous trainons quelques minutes, avec un grand sentiment de plénitude. Et trop vite, il faut se préparer à la descente : décoller les peaux de phoque, bloquer les fixations

et se lancer dans la poudreuse. Peu pentus, les premiers champs de neige permettent de trouver les bonnes sensations. Les skis se laissent guider sans peine dans cette neige légère. Je dessine de larges virages, puis, prenant confiance, je glisse face à la pente et esquisse des virages plus fluides et serrés. Une chute dans cette neige légère n’attaque pas ma détermination. Je me remets aussitôt sur pied, toute à la joie de cette glisse agréable.

Je traîne un peu sur les derniers virages, histoire de ne pas sortir de ce rêve éveillé et de laisser s'épanouir en moi la certitude que cette première randonnée n'est pas la dernière ! Cette belle façon d’échapper à l’agitation du monde, de se promener libre et sans entrave au cœur de la nature la plus sauvage a un parfum vraiment unique.

pente. Je trouve une trace et je me mets progressivement au rythme du glissement des skis. J'avance tout en songeant, dubitative, que les premières peaux étaient bel et bien des peaux de vrais phoques...Il faut peu à peu sortir de sa « coquille » et se mettre en lien avec la montagne. Je dois garder l’esprit disponible pour profiter de ce qui m’entoure tout en gérant un effort inhabituel pour la citadine que je suis. Il me l’a promis : « quand tu sentiras que tu n’es plus une intruse de passage mais que tu fais partie d’un tout, que tu es une promeneuse attentive, alors tu pourras jouir de ces instants magiques. » La promesse est à la hauteur du paysage et de l’intensité du partage !Je me mets au rythme régulier de mon compagnon. Les traces de nos skis se mêlent, je me laisse entraîner par une drôle de mécanique qui, progressivement, m’attache à celui qui est devant par un lien invisible et me donne une force que je ne soupçonnais pas. Je me glisse dans le monde qui m’entoure. Montagnes blanches et forêts gris de payne, rubans de neige parsemés de chalets d’alpage, sapins croulant sous la neige et ciel d’azur. Plus loin sur une pente raide, des coupes de bois me font penser à des mikados géants lancés sur la neige. Cette première montée se fait aux sons échappés de la station en contrebas.

On y croise des débutants galérant dans la technique du virage dans la pente, des anciens à la queue leu leu, les raquettes aux pieds, joyeux et plein d’envie, des amoureux des grands espaces et des experts à l’entrainement. Cette randonnée est un concentré de Beaufortain : des pentes douces, des panoramas splendides, des milieux variés, des forêts d’épicéas et de jolis chalets d’alpage posés dans la pente comme les cailloux du petit Poucet. Ce beau matin de février, pour ma première rando à skis, le guide qui m’accompagne m’a gâtée. Départ à 9h00 et soleil au rendez-vous ! Et même s’il m’annonce 800 mètres de dénivelé, je me sens prête à en découdre avec la pente. Nous partons du joli hameau de Ladray au-dessus du Planay à 1200 mètres. Bon signe, le nom de « Ladray » évoque l’adret, le bon côté, celui qui est bien exposé au soleil. L’itinéraire consiste d’abord à gagner Plan Villard, puis, après une traversée en forêt, tracer par de larges croupes vers la bosse Côte 2000.

Ce matin, la neige est douce, froide, très blanche. Le guide m’explique comment glisser avec les « peaux de phoque », ces bandes en peluche synthétique collées sous les skis qui accrochent la neige et nous permettent de monter droit dans la

Si vous passez à proximité d’une forêt de conifères, vous avez de bonnes chances de pouvoir observer cet oiseau, juché sur la cime d’un sapin. C’est que ce passereau est très gourmand et adore les graines de résineux qu’il extrait des cônes à l’aide de son bec aux mandibules croisées. Il aime aussi les bourgeons et les insectes, les pépins et la pulpe des fruits. Bref, le bec-croisé meurt rarement de faim ! Il peut parfois se suspendre la tête en bas, grimper le long des troncs à l’aide de son bec, et ne descend à terre que pour boire ou se baigner. Les mâles sont reconnaissables à leurs belles plumes rouges et orangées.

Accessible, sans danger et plein de surprises, l’itinéraire Plan Villard-Côte 2000 est sans doute le meilleur plan pour s’initier au ski de randonnée.

Le bec-croisé,

un oiseau gourmand et acrobate

Apprendre l’art de la glisse contemplative…

Le charme du Chalet de La Tourne à Plan Villard

Côte 2000, sous la Légette du Mirantin

Au-delà des images Jeux d'hiver

RANDONNEEMA PREMIERE

A SKIS

VERSANTS ~ n°3 36 37

Page 20: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

que j’avais les capacités de le faire. Il a fallu saisir la chance quand elle est passée. Avec ce triplé français histo-rique (Jean-Frédéric Chapuis - or et Jonathan Midol - bronze), c’est une belle victoire. »A cet instant de la fête, tout le Beau-fortain pense aussi à Marie Bochet qui va participer quelques semaines plus tard aux épreuves paralympiques de ski alpin. Sotchi n’en a pas fini avec les sportifs de ce pays. Marie est en pleine forme avec déjà au compteur cinq médailles d’or aux champion-nats du monde 2013 à La Molina, en Espagne. Personne ne doute de la jeune savoyarde de 20 ans sans imaginer

qu’elle va faire la plus belle moisson de ces jeux de Sotchi avec quatre médailles d’or en descente, super combiné, super G et slalom géant dans la catégorie « debout ».Pour comprendre l’esprit qui anime cette belle championne, il suffisait de la suivre en avril dernier lors de sa rencontre avec les jeunes du ski-club d’Arêches-Beaufort à la Coopérative de Beaufort. « Travaillez bien sûr mais surtout prenez du plaisir dans votre sport. C’est la clé ! Et avant de penser aux médailles, pensez au ski ! » Les yeux émerveillés des enfants du ski-club devant l’énergie de la jolie bru-nette remplacent tous les discours. Le handicap n’existe pas devant le talent de la skieuse d’autant que Marie a longtemps skié avec les valides sans faire de différence. Leurs questions valent bien celles des journalistes. « Ça pèse lourd quatre médailles ? Est-ce qu’il y avait du beaufort au village olympique ? Est-ce que c’est vraiment de l’or ? Est-ce qu’ils ont beaucoup abimé la montagne ? Stressais-tu beau-coup avant le départ ? » Marie n’occulte aucune question. Au contraire, elle s’amuse des interro-gations des enfants parmi lesquels

se trouvent peut être les champions de demain. Elle les connait bien pour participer de temps en temps à leur entrainement. Elle sait que son éner-gie leur donne des ailes et n’oublie jamais de revenir aux fondamentaux : le plaisir et l’envie.

Pour preuve, les fêtes organisées en l’honneur des champions olympiques et réunissant tout le pays derrière le flambeau de l’olympisme. Nul doute que cette force collective est un do-page à la mesure de leur talent !Ce 20 février 2014 quand Arnaud, « Bovo » comme ils le nomment ici, remporte la médaille d’argent de Ski Cross, les habitants d’Arêches-Beaufort entrent en fusion, à commencer par les plus jeunes. Une semaine plus tard, c’est la fête au village et sur les pistes. Malgré la neige, ils sont des centaines à honorer de leur présence le jeune athlète qui garde la tête froide et dont la légendaire modestie doit s’accom-moder d’intermi-nables séances de dédicaces. « C’est impression-nant de voir tout ce monde. Je suis fier de ramener cette médaille ici. Je pense surtout aux jeunes du ski-club et à mes entraineurs. Devenir v i c e - c h a m p i o n olympique, c’est énorme Je savais

Retour aux sources à

Arêches pour savourer la

victoire avec les siens 

À quoi tient l’incroyable énergie de Marie Bochet et d’Arnaud Bovolenta ? À leur volonté et à leur travail bien sûr mais aussi à l’esprit collectif qui règne dans ce pays.

Le bonheur partagé avec les enfants du Ski-club

d'Arêches-Beaufort

Dis, elle est en chocolat ta médaille ? 

C’est pour éviter la mort lente du beau pays des alpages, se vidant inexorablement de ses forces vives et victime d’un exode rural brutal que des hommes et des femmes visionnaires décident, dans les années 60, de développer un tourisme à taille humaine, loin de l’urbanisation folle que connaissent certaines stations alpines de l’époque. Le Syndicat Intercommunal à Vocations Multiples (SIVOM) crée ainsi le cadre économique et juridique pour permettre le développement des initiatives privées. Et si aujourd’hui, en dévalant les pistes, vous prenez le temps de regarder autour de vous, vous pourrez retrouver ici et là les signes de cette histoire. Aujourd’hui Les Saisies, c’est une station familiale, appréciée pour la beauté de ses paysages, ses panoramas et son hospitalité et dont il faut prendre soin.

1963, les débuts de la sagaEn 1963, le premier téléski est installé à Bisanne. Cet élan fait suite au développement du site par Erwin Eckl, un moniteur autrichien qui

LES SAISIESUNE CINQUANTENAIRE EN PLEINE FORME

ouvre un chalet refuge dès 1936. Progressivement, en complément de l’activité ski, les commerces s’installent, les hébergements tour ist iques se développent et les remontées mécaniques se multiplient. Les grandes étapes se succèdent jusqu’en 1985 où

est inauguré l’Espace Cristal qui relie Les Saisies à Crest-Voland. Une liaison qui préfigure la naissance de l’Espace Diamant en 2006. Les médailles olympiques de Franck Piccard et l’organisation des épreuves nordiques des Jeux olympiques d’Albertville en 1992 mettent un coup de projecteur phénoménal sur la station savoyarde et les étrangers découvrent tous les atouts d’un site moins médiatique que les grandes stations renommées mais doté d’atouts naturels. Les années passent et en cinquante ans, Les Saisies ont su s’adapter aux attentes d’une clientèle familiale fidèle et soucieuse de la qualité des relations humaines. Car c’est bien là que se trouve l’ADN des Saisies. Pascal Meunier, l’auteur de « La saga des Saisies » (Edition la Fontaine de Siloé) connait bien la station. Pour lui aujourd’hui, « c’est une belle réussite aussi bien l’hiver que l’été. Elle est surtout restée conforme aux valeurs humaines portée par ses créateurs. »

Photos tirées de La saga des Saisies de Pascal Meunier Édition La Fontaine de Siloe

Les yeux émerveillés des enfants du ski club devant l’énergie de la jolie brunette remplacent tous les discours.

Au-delà des images Jeux d'hiver

La belle cinquantenaire se porte bien et a encore de beaux jours devant elle. La station des Saisies est avant tout une aventure humaine.CHAMPIONS

LE BEAUFORTAIN FAIT LA FETE A SES

VERSANTS ~ n°3 38 39

Page 21: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Portfolio Blanche neige

Ce matin, le bonhomme de neige a perdu son nez. Il ne reste plus qu’à préparer une grande bataille de boules de neige ! A moins que nous allions nous amuser dans la poudreuse douce et profonde.

Attention à la petite Margot… Haute comme trois pommes, mieux vaut la chausser de raquettes pour marcher sur la neige. Nos traces croisent celles d’un renard malin et nos rires d’enfants

résonnent comme des clarines sur ces grands alpages tout blancs !

VERSANTS ~ n°3 40 41

Page 22: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Au-delà des images Une montagne d'activités

On dit le Beaufortain, terre à part, calée entre le pays du Mont-Blanc et la Tarentaise. C’est oublier que c’est aussi une terre de passage. Bien avant les grandes transhu-mances touristiques, les montagnards savaient tra-verser ces drôles de fenêtres haut-perchées que l’on nomme des cols. Et le pays n’en manque pas ! Col des Saisies, Col du Joly, Col du Pré, Cormet de Roselend…Ces cambrures du paysage où le marcheur bascule vers l’inconnu marquent une

frontière invisible. Bergers, voyageurs et aujourd’hui sportifs s’y glissent en file indienne. Comme si pour avancer vers l’inconnu mieux valait rester groupés ! Pendant ce temps, en sous-sol, se trament désormais de drôles d'intrigues tout en courbes et en galeries. L'eau s'y glisse comme dans un labyrinthe et parcourt les chemins créés pour la do-mestiquer. A ce jeu du "haut en bas", le Beaufortain est le grand physicien !

UN PAYSAGE « COL ET MONTEE »

VERSANTS ~ n°3 42 43

Page 23: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Au-delà des images Une montagne d'activités

Portrait

HENRI MOLLIEX

Le poète aux plusieurs vies

Pour rencontrer Henri Molliex aux Pointières, il faut emprunter la petite route qui serpente au-dessus de Queige, à travers la forêt. Et prendre

le temps de humer l’air ambiant. Là une belle cascade dévale la pente et joue à saute-mouton sur

les rochers avant de s’engouffrer sous la route. Un peu plus loin, la forêt élance sa frondaison de printemps vers le ciel et invite le curieux à s’y enfoncer. On arrive sur le hameau des

Pointières, quelques fermes bien accrochées dans ce creux de montagne où tout parait simple.

C’est là que nous attend Henri Molliex. A 77 ans, cet homme doux et discret vit là où il est né, un jour « où il y avait un paquet de neige »  ! Devenu poète «  sans se poser de question », alors que la vie le destinait à poursuivre le métier d’agriculteur dans la petite exploitation familiale, il est aussi le créateur du Sentier des Pointières, un sentier qui explique de manière simple et poétique l’exode rural, « le seul livre d’histoire qui se lit en marchant ». Mais comment en est-il arrivé là ? Il n’y a aucun mystère dans la vie d’Henri Molliex. Simplement la succession et la juxtaposition

de plusieurs vies qui ont fini par marquer de leurs empreintes diverses celle de cet homme qui a eu très tôt le goût des mots. Son certificat d’études en poche, il reprend d’abord naturellement sa place à la ferme. Et écrit déjà un peu. C’est le syndicalisme agricole qui lui permet de livrer ses premiers articles dans le journal de la Jeunesse agricole catholique (JAC). Il aime ça et sa plume est alerte. Car Henri Molliex est avant tout un homme engagé, brillant et intéressé par tout ce qui touche à la vie quotidienne des siens et des gens de son pays. Habité par un humanisme généreux, il observe, se révolte, soutient, gronde, participe, admire et aime par-dessus tout raconter.

Raconter pour mieux partager. La poésie vient naturellement « parce qu’elle colle à la vie » et c’est quand il décide de créer le sentier des Pointières dont le départ se situe au-dessus de sa maison à la Chapelle des Pointières (1597), que tout s’accélère. Entre temps, en faisant vivre

sa famille, il crée des gites ruraux, descend travailler à l’usine pour arrondir les fins de mois, «  j’étais une bête sauvage enfermée dans un parc », découvre l’engagement municipal et participe de près ou de loin à beaucoup d’événements du pays. Alliant sans cesse, la curiosité et la générosité, il raconte une époque qui n’existe plus. «  Là où les familles habitaient, il n’y a plus aujourd’hui que la forêt. Certains métiers ont changé, d’autres ont disparu. Il faut parler de tout ça aux jeunes générations avant que tout ne s’efface. » A travers ses livres de poésie et surtout avec le Sentier des Pointières, une promenade littéraire « à la recherche du temps perdu » qui fait découvrir au marcheur les vestiges de l’agropastoralisme d’avant 1950. On y apprend à décoder les signes enfouis dans la végétation, ici un four à charbon, là le moulin de Joseph Bartéfy, plus loin les restes de la ferme des Cruets ou la grange à Pauline. Avec les poèmes d’Henri Molliex comme fil conducteur, le promeneur retrouve la vie d’avant « quand la montagne était cultivée comme un jardin. Les gens étaient pauvres mais pas malheureux. La vie était dure mais c’était la vie. » Henri a aussi pris des quantités de photos des gens, des lieux et des événements, archivant ainsi patiemment toute l’âme de ces époques révolues. Tout en précisant que « s’il regrettait cette époque, il savourait avec bonheur celle d’aujourd’hui qui permet de

communiquer et de se déplacer beaucoup plus vite. » Pour comprendre à quel point Henri Molliex a marqué du sceau de son humanisme indélébile toute l’histoire de ce coin du Beaufortain, il faut juste se plonger dans ses livres de poésie. Le Grand Virage, témoignage de la vie d’un ouvrier-paysan resté fidèle à ses racines ou Regards, des portraits touchants sur la vie des gens du pays. Et bien sûr Sentier de mémoire qui vient d’être réédité aux Editions Kahunavision. « Un recueil de poèmes n’est pas un ouvrage ordinaire que l’on lit puis que l’on oublie dans les rayons d’une bibliothèque. Il appartient au genre de ceux, rares, que l’on laisse sur une table de chevet et dont on tourne les pages pour le seul plaisir de les tourner, que l’on aime toucher et lire avec gourmandise à petites goulées… » conclut Patrick Jagou qui est aussi l’auteur-éditeur de « Henri des Pointières, promenade littéraire sur le sentier de vie d’Henri Molliex, paysan, ouvrier et poète savoyard ».

Patrick Carrera a travaillé près de 30 ans sur les barrages du Beaufortain pour pratiquer un métier étonnant : barragiste. En 1976, ce moniteur de ski-électricien fut recruté par EDF pour participer à l’auscultation du barrage de Roselend. Car ces monstres de béton à l’aspect immuable sont en fait de véritables systèmes vivant au rythme de la terre, à l’élasticité stupéfiante. Autant dire que le moindre mouvement anormal est pris très au sérieux ! Aujourd’hui, tout est automatisé, mesuré avec des caméras et les barragistes travaillent en surface dans des salles dont les équipements font plus penser au lancement de la fusée Ariane qu’à ces géants des lacs. Patrick Carrera a vécu ces transformations mais garde au fond de lui la nostalgie des années « artisanales ». Il a appris son métier au fur et à mesure des tournées, pratiquant l’art du pendule avec passion et détermination. Car incroyable mais vrai, c’est au fil à plomb qu’étaient mesurés les endroits

les plus sensibles. 600 mesures par jour pour vérifier l’étanchéité, les fuites, la pression. « J’ai tout de suite été passionné par l’ampleur de la tâche. On connaissait par cœur les valeurs des mesures. Cette mémoire humaine s’est vite perdue avec la télémesure. On était un peu comme les gardiens de phare. On partait pour la semaine : lundi à Roselend, mardi à La Gittaz, mercredi à Saint-Guérin, Jeudi à Roselend. Le vendredi était consacré aux prises d’eau. On parcourait les 35 km de galeries recevant les prises d’eau disséminées autour de Roselend. C’était très physique. Il fallait aussi crapahuter dans la montagne, nettoyer les grilles des décanteurs, procéder à des vidages. Ca prenait bien une à deux journées ! Et rien ne devait nous échapper.» Ces hommes déterminés, acrobates, funambules ou spéléologues selon les jours, exploraient les barrages dans leurs coins les plus secrets, autorisés à braver l’interdit dans ces « forteresses tranquilles. »«  Il y avait aussi la surveillance des témoins sonores, un ingénieux sys-tème composé d’un tube en laiton, de masses métalliques et d’une corde à piano tendue. » Installés dans le béton, ces 200 témoins sonores renvoyaient grâce à un système électrique les sons dans une salle de contrôle. « Tout l’art

sion nous dépasse. De l’infiniment petit au gigantesque. Par exemple savez-vous que la mise en eau du barrage de Roselend a pris 17 ans pour atteindre le niveau maximum ? » Aujourd’hui le barragiste ne descend plus sous terre mais sa passion pour l’hydraulique est restée intacte. La preuve, il rénove un moulin à farine qui fonctionne grâce à… l’énergie hydraulique !

DES BARRAGESLES FUNAMBULES

« La première fois que je suis entré sous le barrage, j’étais complétement perdu.

Je ne retrouvais plus l’amont de l’aval. Imaginez, 3 kilomètres de galeries et 3000 marches sur une tournée ! À l’époque on faisait ça tous les jours. Il fallait être sportif ! Surtout qu’en hiver, on rejoignait les barrages et les prises

d’eau à skis de randonnée ! »

Images extraites du livre Du torrent au courant, des barrages et des hommes en SavoieMonographie de Céline Clanet Textes de Thierry Salomon, Pierre Blancher, Hervé GaymardACTES SUD 2011Coédition Fondation FACIM www.fondation-facim.fr

consistait à écouter les fréquences de vibrations de la corde pour déceler d’éventuelles anomalies. On ressortait avec la tête comme un seau ! »Aujourd’hui, partout où il voyage, Pa-trick Carrera s’arrête sur les barrages, fier de son expérience et de tout ce qu’il a appris au fil de ces 28 ans pas-sés sur ces monumentaux ouvrages. « Un barrage c’est une multitude d’infor-mations et d’événements dont la dimen-

Barrage de la Gittaz, galerie de visite © Céline Clanet – Fondation Facim

Barrage de la Girotte – © Céline Clanet – Fondation Facim

VERSANTS ~ n°3 44 45

Page 24: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Une montagne d'activités

de passage hérités du pastoralisme, i ls sont composés d’immenses alpages tatoués par les taches des chalets qui couvrent les flancs de cette vallée glaciaire. Des alpages traversés, dominés, scarifiés par des parois abruptes et minérales. Ce qui confère à l’ensemble un air de bout du monde totalement étranger à la montagne habitée qui est devenue la règle. Habitée, la vallée des Chapieux l’est pourtant avec les bergers et les alpagistes qui s’y installent l’été venu. Ce sont plus de 5000 moutons, venus des vallées voisines et même de Provence, des chèvres et un grand nombre de vaches tarines et abondances qui passent l’été dans la vallée. Et puis, il y a tous ceux qui ne font que passer, à l’image des randonneurs du Tour du Mont-Blanc arrivant depuis le Val Montjoie par le col de la Croix du Bonhomme pour gagner les Chapieux avant de remonter vers le col de la Seigne (2515 m) et de redescendre vers le Val Vény en Italie. Ou encore les «  hommes-fusées  » de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc qui empruntent cet itinéraire de nuit sans imaginer la sauvagerie qui les entoure. D’autres prennent le temps de savourer et de se laisser gagner par la douce nostalgie que déclenchent les lieux. Ils font étape à l’auberge de la Nova ou bien au chalet des Mottets. Ou, comme

torrents qui dévastent tous les alentours. » Plus tard Mario Rigoni Stern et Samivel en décrivent avec talent toute l’intensité dramatique. Tout comme Curzio Malaparte dans « Le soleil est aveugle » où il raconte l’absurde combat de juin 1940 entre chasseurs alpins français et italiens sous le col de la Seigne, là où « l’air limpide et immobile a une cruauté vierge. »

Une terre de mémoireCe qui frappe au premier abord, c’est l’isolement de ces montagnes, restées vierges des grandes infrastructures routières, protégées de la sur-fréquen-tation par leur exposition permanente aux avalanches l’hiver venu. Mais pour qui prend le temps de s’y arrêter se dévoilent des trésors insoupçon-nés. Ce jour-là, dans la vallée des Gla-

ciers, les dalles de Séloge nous avaient offert leur schiste cristallin à l’adhé-rence parfaite, « Même pas peur », une belle voie lisse parsemée de fissures, s’ouvrant sur le cadre magnifique de l’Aiguille des Glaciers! Nous l’avions parcourue en écoutant les sons jazzy d’un saxophoniste inspiré par les lieux. Parenthèse magique rendue possible par la solitude et l’esprit des lieux!Les enfants du pays ont, quant à eux, passé beaucoup de temps à parcourir les vest iges d’une occupation touristique datant de la mise en place du Tour du Mont-Blanc à la fin du 19 ème siècle. Cette fréquentation motiva la construction de deux hôtels aux Chapieux dès les années 1850. A Bonneval, on trouve les ruines de l’ancien hôtel des Thermes et de sa piscine à l’abandon. Sans oublier les restes des chalets d’alpage, terrains de jeux au goût prononcé d’interdit ! Car dans cette vallée à la nature puissante et rebelle, il semble que rien ne soit destiné à durer.Il y aurait aussi beaucoup à dire sur ce territoire frontière qui fit l’objet d’une surveillance attentive et de mouvements de troupes pendant les conflits. Soldats, résistants en furent les visiteurs furtifs.

La beauté du diableAujourd’hui encore, ce sont surtout les paysages qui impressionnent ! Lieux

Une vallée de haute-montagne aux pentes vertigineuses, aux défilés étroits et aux gorges profondes, qui plus est totalement inaccessible en hiver. La vallée des Chapieux se mérite et ceux qui prennent le temps de s’y arrêter le savent bien. Avec le vent pour seul guide pour ne pas se perdre sur les chemins escarpés, alpagistes, bergers, chasseurs et alpinistes ont tous un attachement particulier pour cette vallée glaciaire dominée par l’Aiguille des Glaciers à 3816 mètres. Cette passe perdue au bout du monde, déjà utilisée au temps des Romains, a inspiré des écrivains et des voyageurs, à commencer par le savant naturaliste Horace Benedict de Saussure qui, en 1767, fait une description dramatique du passage de sa caravane par ce lieu situé « dans le fond d’un entonnoir entouré de hautes montagnes nues et sauvages, au confluent de deux

les alpinistes, profitent, à 2750 m, du cocon régénérant du refuge Robert Blanc avant d’accéder à la haute montagne. Tous vivent cette curieuse expérience de ressentir toute l’énergie qu’il a fallu déployer pour que cette terre de confins ne disparaisse pas sous

les coups de butoir de la nature. Et chaque année, avec l’arrivée de l’hiver et des grandes avalanches, chacun sait qu’avec la solitude et l’isolement la montagne reprend des forces pour la prochaine métamorphose. C’est tout l’esprit des Chapieux !

Il y a un merveilleux paradoxe dans le fait que, pour se rendre depuis la Tarentaise vers les riants alpages du Beaufortain, il faille passer par une vallée rude et secrète.

LES CHAPIEUX

Les Chapieux, géographie d’un secret Fondation Facim/Actes Sud Avril 2014

Quand Céline Clanet, photographe connue pour ses travaux su r l e s mondes reculés, accepte cette commande d’Actes Sud et de la fondation Facim sur la vallée des Chapieux, elle ne sait pas encore qu’elle part pour un voyage au cœur d ’une mon tagne primitive et originelle. Son intuition lui dicte juste une certitude :

« ce n’est pas là qu’elle produira des cartes postales touristiques » !Elle découvre des paysages âpres et rudes mais aussi des gens vivant dans des conditions extrêmes dotés d’une grande humanité, respectueux de la nature qui les entoure. Elle s’installe avec les alpagistes qu’elle compare volontiers à « des moines des alpages », vivant au rythme de la nature et du labeur. Sans répit mais avec toujours la conscience aigüe d’être les gardiens d’un monde rare et précieux. Le résultat est un livre d’images d’une grande force. Les clichés sont ciselés comme les dentelles des montagnes. Chaque détail renvoie à la réalité du terrain avec précision, tout en conservant cette note de poésie héritée de son regard d’artiste. Hervé Gaymard signe l’entrée en matière avec un texte d’une grande tendresse sur « cette vallée magique » qui fut celle de son enfance. Et l’historien du patrimoine alpin Bruno Berthier donne au lecteur toutes les clés pour comprendre cette vallée insolite, « un sanctuaire alpin de démesure ».

Ici le sauvage

prend le pas sur l’homme

UNE VALLEE AUX CONFINS DU MONDE

VERSANTS ~ n°3 46 47

Page 25: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

Moelleux au chocolat noir, glace vanille

et tuile aux amandes.

MOELLEUX CHOCOLAT pour 7 personnes

200g de chocolat noir de bonne qualité, 100 g de beurre, 3 œufs,

40g de sucre, 50 g de farine, 50g de lait et 50g de crème

Faire fondre le chocolat et le beurre au bain marie. Blanchir les œufs entiers

et le sucre, ajouter farine, lait et crème. Mélanger les deux préparations.

Dresser dans un ramequin beurré avec un beurre pommade.

Cuire 7/8 min dans le four à 200°C et servir aussitôt.

Pour les gourmands, incorporer au cœur du moelleux une ganache au

chocolat blanc et amandes à la poche à douille lorsque l’appareil chocolat

commence à durcir.

GANACHE CHOCOLAT BLANC

50g de chocolat blanc, 25g de crème, 50g d’amandes concassées torréfiées

Faire fondre le chocolat et la crème, ajouter les amandes.

TUILES AUX AMANDES (15 tuiles)

100g d’amandes effilées, 100g de sucre glace, 25g de farine,

1 œuf entier, 1 blanc d’œuf, 25 g de beurre, zestes de citron non traité

Mélanger à la spatule amandes, sucre, farine, zestes,

puis les œufs et le beurre fondu.

Cuire à 220°, sur une plaque anti adhésive beurrée.

Etaler une cuillère à soupe d’appareil à l’aide d’une fourchette, enfourner

et une fois la coloration souhaitée obtenue, mettre à refroidir sur un rouleau

à pâtisserie pour obtenir la forme de la tuile.

Manger sain et retrouver des forces après l’effort, c’est possible à toutes les altitudes. Sans oublier que pour se fabriquer des souvenirs, l’amitié et le partage sont d’excellents carburants. A consommer sans modération !

Sur les hauteurs d'Arêches-BeaufortPour atteindre l’Alpage, i l f au t de bonnes

chaussures, des raquettes ou des skis. Tout commence

par une agréable balade par le sentier piétonnier qui longe

la Sarrazine sur les pistes d’Arêches-Beaufort. La montée permet d’embrasser un des plus beaux points de vue du Beaufortain. On peut aussi jouer à saute-mouton depuis les télésièges du Grand-Mont et des Bonnets Rouges. Et se préparer mentalement au lâcher-prise indispensable devant une bonne table. Car là-haut, face aux splendides panoramas des massifs de la Pierra Menta et du Mont-Blanc, les plaisirs de la table se méritent. Nicolas Duc-

Goninaz aux fourneaux depuis 2002, fait des merveilles pendant que sa femme Patricia s’occupe des invités avec bonne humeur et joie de vivre. Difficile de décoller après les rognons-frites maison ou les tartes framboises et myrtilles. Le plus stupéfiant à cette altitude, c’est que tout est frais, de saison. Même le jambon est cuit sur place. Autant dire que c’est le genre d’adresse plutôt rare sur les pistes. L’Alpage porte bien son nom avec du mobilier de famille, des clins d’oeil originaux et décalés au

monde authentique des terres d’en haut. Sans en faire trop, avec juste ce qu’il faut de bon goût. Et s’il fallait encore vous convaincre, sachez que là-haut vous y retrouverez les randonneurs qui font une halte au refuge sur le tour du Beaufortain mais aussi les gens du pays qui n’hésitent pas à braver le dénivelé pour s’y délecter en famille ou entre amis. Un vrai gage d‘authenticité dans un pays qui ne rigole pas sur la qualité des produits du terroir !

Dans la station des SaisiesS’il fallait définir en quelques mots ce lieu ouvert sur les pistes situé sous la Chapelle des Saisies, ce serait générosité, humour et simplicité. Depuis 8 ans, Magali et Christophe sont les chefs d’orchestre du Chalet des Marmottes, un lieu « culte » aux Saisies. Les habitués y reviennent chaque année et la clientèle belge en a fait son repaire, preuve de la convivialité du lieu. On y trouve les fondamentaux de la cuisine savoyarde mais aussi quelques notes travaillées sur mesure pour les épicuriens qui fréquentent le lieu à l’image du ris de veau ou du café « très gourmand », agrémenté de 8 desserts maison. Sans oublier la célèbre « potence de bœuf », de généreux morceaux issus de la poire de bœuf grillant sur un cylindre rempli de pierre volcanique, le tout flambé au cognac. Le jus goûteux de cette cuisson particulière retombe sur un gratin savoyard maison. Après ce copieux plat, vous profiterez de la terrasse ensoleillée surplombant les pistes en oubliant que vous êtes là pour skier. Mais après tout, les vacances, c’est aussi l’art de ne rien faire !

Au coeur du village de Villard sur DoronLa recette est simple mais nécessite des ingrédients de qualité. Prenez plusieurs coeurs généreux, un zeste de bonne humeur, une pincée d’amour des autres et une belle dose de solidarité. Vous obtenez un lieu où tout le monde aime se retrouver et où la créativité et l’inspiration donnent des ailes à toutes les idées. Surtout si elles permettent de créer des liens et d’échanger. C’est sur la place du village à Villard sur Doron que s’est ouvert fin 2013 le premier café associatif du Beaufortain. Ce jour-là, sur la petite terrasse ensoleillée Elisabeth, Hélène, Laure, et Jacques commentent les exploits des jeunes skieurs beaufortains. Catherine arrive et leur parle de broderie. Cette parisienne, récemment installée à Villard, en est une spécialiste et aimerait en savoir plus sur les châles que portaient les femmes du Beaufortain. « Pas de problème, dit Elisabeth, je vais te montrer ceux de ma famille. » C’est certain, cette rencontre va inspirer la créatrice. « C’est exactement ce que nous voulons développer avec ce lieu associatif. Pour que les gens se rencontrent, il fallait un lieu ouvert et facile d’accès. Nous proposons des adhésions à l’année mais les visiteurs peuvent venir et consommer à des prix dérisoires. Nous organisons des repas, des soirées à thème, des expositions, des rencontres créatives en nous

inspirant de ce que nos anciens ont su développer à Villard. » dit Laure, une des initiatrices du lieu aux côtés de Xavier, Lysette, Dominique, Françoise et Cathy. Les anciens n’hésitent pas à mettre la main à la pâte démontrant ainsi qu’une telle initiative, en plus de rapprocher les gens, crée une belle

passerelle intergénérationnelle. Les tables du vieux bistrot ont retrouvé plus qu'une seconde jeunesse au Villard café, elles sont devenues le symbole du renouveau de la vie sociale au cœur du village.

Au-delà des images Une montagne d'activités

LA BONNE CUISINE A TOUTES LES ALTITUDES

VERSANTS ~ n°3 48 49

Page 26: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

02~Journalisme et BeaufortainLes Cahiers de la Facim n°5 Editions Comp’Act – Octobre 2006

C’est autour des vies de Roger Frison-Roche, d’Hubert Beuve-Mery, de Pierre Fournier et de Philippe Revil que la Facim avait organisé en 2005 une rencontre littéraire, une journée mémoire en l’honneur du journalisme. Et de ses maîtres disparus, tous passionnés de montagne et familiers du Beaufortain. Le résultat est un livre-mémoire d’une grande poésie.

03~Un matin calme dans le Beaufortain Poésie de Sang-Tai Kim

Ce petit livre propose des « miettes de découverte » entre haïku et poème. Ce Coréen installé à Queige a réussi à mêler harmonieusement sa culture d’origine à la beauté des lieux de son pays d’accueil, Lac des fées, Col du Pré, Pierra Menta…Chaque poème est illustré par des calligraphies de l’artiste In-Gang. Un regard différent sur la montagne.

01~La montagne aux sept bergers Film d’Anne et Erik Lapied DVD - 2005

Ce film tourné dans l’alpage de Plan Pichu montre de jeunes alpagistes qui, tout en poursuivant l’œuvre de générations dévouées au pastoralisme, apportent une nouvelle énergie à leur métier. 110 jours d’alpage, trois générations et la même passion pour leur métier. Même si le film date un peu, il reste intéressant.

ENTRE LES LIGNESLa Médiathèque de Beaufort et les bibliothèques d’Arêches, Hauteluce, Villard et Queige sont de véritables mines d’or au service d’une autre façon de comprendre le Beaufortain. Compléments indispensables aux balades et sorties par monts et par vaux, récits, romans, livres d’art, films et même enregistrements audio permettent de découvrir l’histoire et la vie de ce pays de montagne.

04~Beaufortain Panoramas Patrice Labarbe La Fontaine de Siloé

Un livre de photos qui se feuillette comme un album et permet de découvrir les grands panoramas mais aussi les vallons plus secrets du Beaufortain. Son originalité vient de la sélection de textes d’écrivains, morceaux choisis sur la montagne, de Frison-Roche à Joseph Dessaix en passant par Jean-Jacques Rousseau, Nietzsche ou Théophile Gautier.

Versantslivres

06

03

02

04

01

05

05~Quand les sources chantaient dans la vallée des Rhododendrons Claudette Martin-Heitzmann Editions Gap

Ce beau livre de photos et gravures est avant tout le récit de la vie d’une famille profondément attachée à ses alpages de Roselend. Adolescente à l’époque, Claudette Martin-Heitzmann a vécu la mise en eau du barrage, la disparition du village et la transformation de la vie quotidienne et agricole des habitants du Beaufortain. Illustré de nombreuses photos d’archives, ce retour sur le passé est décidément très passionnant !

06~Beaufort – Haut en saveurs Hachette Pratique

Velouté de potimarron au beaufort et à la vanille, soufflé au beaufort et à la muscade, brochette kefta au beaufort et coriandre... L’incomparable douceur du prince des fromages se mêle aux épices et apporte une touche subtile aux 30 recettes présentées dans ce petit livre, ami indispensable de la cuisine de vos vacances en Beaufortain !

VERSANTS ~ n°3 50

BEAUFORTAIN_Versant-Intérieur-Fab.indd 50 12/06/14 10:57

Communauté de Communes

30 JEUX D’HIVER32 PORTRAIT : Simon BRAISAZ,

Les coulisses de l’exploit 33 Pratiquez l’art de la génuflexion sans souffrir34 La fête de la Pierra menta, ça se passe la-haut !36 Ma première randonnée à skis 38 Le Beaufortain fait la fête à ses champions39 Les Saisies, une cinquantenaire en pleine forme40 Portfolio : Blanche neige

42 UNE MONTAGNE D’ACTIVITÉS

44 PORTRAIT : Henri MOLLIEX, Le poète aux plusieurs vies

45 Les funambules des barrages46 Les Chapieux, une vallée aux confins du monde 48 La bonne cuisine à toutes les altitudes

50 VERSANTS LIVRES

UNE NATURE EN 04 MOUVEMENT

PORTRAIT : Colette VIBERT-GUIGUE, 06 La mémoire de la vie paysanne aux Prés

Les bêtes à cornes du Beaufortain 07 Le bon goût des alpages 08

Mise au vert 09Beaufort-Paris, un aller simple 10

pour le plaisir des papilles La fête des alpages 11

Des vies à trois temps 11

UNE NATURE 12 PRÉSERVÉE

PORTRAIT : François DRILLAT, 14 La nature ne supporte pas les compromis 

Les elfes des tourbières 15Namaste 16

Courir et découvrir 17La vie d’avant, comme si vous y étiez 18

Art et nature aux Saisies 19

UNE NATURE 20 PARTAGÉE

PORTRAIT : Joseph PICHOL, 22 L’humanité en héritage

Une fontaine de jouvence sous le Joly 23 Écrire le baroque d’aujourd’hui 24

Nous avons définitivement 26planté nos racines ici

Le fond et la forme 27Portfolio : un patrimoine bien inspiré 28

Sommaire

Beaufort

Les Saisies

Villard/Doron

Les Contamines

Queige

Mont Pourri

Bisanne 1500

Mont Blanc

Aiguilles Croches

Massif de la Vanoise

Pointe de la Terrasse

Ugine

Pointe de laGrande Journée

La Roche Pourrie

Grand Mont

Lac de la Girotte

Lac de la GittazLac de Roselend

Lac de St-Guérin

Pierra Menta

Le massif du Beaufortain

Hauteluce Arêches

Albertville

Tours en Savoie

La Bathie

Communauté de Communes du BeaufortainTél. 04 79 38 31 69

[email protected]

Office de tourisme d'Arêches-Beaufort

Tél. 04 79 38 15 33www.areches-beaufort.com

Office de tourisme des Saisies

Tél. 04 79 38 90 30www.lessaisies.com

Mairie de BeaufortTél. 04 79 38 33 15

Mairie d'HauteluceTél. 04 79 38 80 31

Mairie de QueigeTél. 04 79 38 00 91

Mairie de VillardTél. 04 79 38 38 96

Carnet d'adresses

BEAUFORTAIN_Versant-Couv-Fab.indd 2 11/06/14 10:30

Page 27: Le Beaufortain… · Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet homme océanique, natif de « Brest-même

www.lebeaufortain.com

Le Beaufortain…Au-delà

des images

MéMoire des temps passésCOLETTE VIBERT-GUIGUE, JOSEPH PICHOL ET HENRI MOLLIEX m p.6, 22, 44

les saisies UNE CINQUANTENAIREEN PLEINE FORME m p.39

Les Chapieux, UNE VALLÉE AUX CONFINS DU MONDE m p.46-47

N ° 3 ~ O f f e r t

l e M a g a z i n e d u b e a u f o rta i n