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~LE M@G. ~LECTURE PLURIELLE~ Teacher: M-C MATOUSSI Nous vivons, paraîtil, à l’ère de l’internet et de la communication virtuelle. Cela est bien, mais que valent ces stupéfiantes inventions sans l’enseignement de la langue écrite et sans les livres ?” J.M.G. Le Clézio Open minds hearts and doors Numéro 1, mars-avril-mai 2013 Alberto Giacometti (1901-1966) ART et Civilisations africaines

Le M@g. LECTURE PLURIELLE

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Un M@g. inspiré par la lecture de "L'Africain" par mes élèves de français IB. L'auteur de ce roman, publié en 2004, n'est autre que JMG LE CLEZIO, Prix Nobel de littérature en 2008.

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Page 1: Le M@g.  LECTURE PLURIELLE

~LE M@G. ~LECTURE PLURIELLE~

Teacher: M-C MATOUSSI

“Nous  vivons,  paraît-­‐il,  à  l’ère  de   l’internet  et  de   la    communication  virtuelle.  Cela  est  bien,  mais  que  valent  ces  stupéfiantes  inventions  sans  l’enseignement  de  la  langue  écrite  et  sans  les  livres  ?”                                                                                                                                                                                                                                                                                                    J.M.G.  Le  Clézio                                                                                              

Open mindshearts anddoors

Numéro 1, mars-avril-mai 2013

Alberto Giacometti (1901-1966)

ART et Civilisations africaines

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LE M@g “LECTURE PLURIELLE” SOMMAIRE No 2 MARS - AVRIL - MAI 2013

J.M.G. Le Clézio, né en 1940, Prix Nobel de Littérature 2008.

3. L’EDITOLe billet de la rédactrice en chef : LE STYLE, la marque d’ungrand auteur....

par Aminata

Des attentes des lecteurs au plaisir de lire une oeuvre littéraire...une réflexion surla manière de lire.

par Fatoumata et les autres.

26. Guerre et emancipation de femmes en France

Statuette en ivoire (détail), civilisation Edo, Nigéria

Journal de la mère enjuin 1940. L’installationà Nice.

par Sarah J.

14. Le père, comme passage obligé dans la quête identitaire du fils. par Yasmine__________________________ 2. A propos de notre projet de M@G littéraire. par Kwabena______________________

6. Correspondances et analogies dans les arts visuel propices au dialogue des cultures par Thando

_____________________

10. Les représentations de l’Afrique dans le roman “L’Africain”.

par Thando______________________

8. Compte-rendu de plusieurs discussions de classe.

par Sarah A.________________________

22. Journal intime du père: les conséquences des années de séparation

par Emilie______________________

24. Les limites de l’autorité paternelle.

par Kwabena

12. Portrait d’un écrivain engagé JMG Le CLézio par Aminata ________________________

28. Lettre du jeune Le Clézio à sa grand-mère. par Doniel______________________

18. Le journal de la mère pendant la guerre. par Khadra______________________

16. Une reconnaissance posthume du fils. Lettre du fils à sa mère. par Sarah A._______________________

20. Vie d’un médecin de brousse et médecine dans un hôpital colonial ?

par Sam________________________

7. L’île Maurice, pour en savoir plus....

par Sarah J.________________________

“L’artiste est celui qui nous

montre du doignt une parcelle du monde.”

JMG Le Clézio

~ 1 ~MAGaZINE LECTURE PLURIELLE

4.

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MAGaZINE LECTURE PLURIELLE

Nous avons rassemblé l’ensemble de nos tâches écr i tes concernant le roman de JMG Le Cléziodans ce m@gazine.

Pourquoi avons-nous voulu produire ce M@g. littéraire; LECTURE PLURIELLE ?

Au départ, cela nous a motivés de savoir que nous allions produire un magazine à partir de nos tâches écrites. Cela a favorisé l’esprit d’équipe, la collaboration au sein de la classe.

Il y avait aussi l’idée de participer à un projet avec un objectif, nous aurions un souvenir quelque-chose de tangib le, un texte produit par chacun de nos camarades.

Ensuite, nous avons pensé à l ’ e x p é r i e n c e d e l a communication globale, une fo is en l igne, le magazine pourrait être lu et commenté par tous ceux et celles qui s’intéressent à la littérature, à cet auteur, à ce roman en particulier.

Bien sûr, nous avons pensé écrire une lettre de

remerciement à l’auteur pour lui exprimer combien nous avions apprécié son l ivre, en lui précisant l’adresse de notre M@g. en ligne.

Il est vrai que beaucoup de p a r e n t s , b e a u c o u p d ’ é l è v e s d e l ’ E c o l e Américaine de Tunis, les amis auront la possibilité d e n o u s l i r e e t d e s’intéresser à ce que nous avons écrit et donc étudié. D’une manière détournée, nous espérons que ce m@gazine pourrait aussi donner envie de lire la littérature francophone.

Dans tous les cas, il nous permettra de renforcer nos

liens de collaboration avec l’Institut Français de Tunisie à Tunis.

Enfin, notre m@gazine nous a permis d’interactiver avec nos camarades de la classe de baccalauréat de français, langue maternelle. Nous avons bénéficié de leurs questions, de leur commentaires, et cela est à mettre au bénéfice d’une collaboration fructueuse.

Ce que nous avons retenu ? D’abord l’importance de la littérature, ensuite combien l’acte de lire est sélectif, et créatif.Enfin, qu’expérimenter la communication globale, a renforcé notre motivation.

A propos de notre projet; créer un M@gazine littéraire à partir de nos tâches écrites ...

par Kwabena

José Alberto Gomes Pereira~ 2~

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Par AminataLes élèves de notre classe ont choisi à l’unanimité de parler du roman “L’Africain” de JMG Le CLézio et cela sans aucune hésitation.Pour mener à bien notre travail, nous nous sommes référés à deux autres textes du même auteur, à savoir : “Eloge de la langue française”, un texte qui a paru le 7 octobre 1993 d a n s l e m a g a z i n e l’Express et pour l’autre, intitulé “Dans la forêt des paradoxes”, il s’agit du discours que JMG Le Clézio a présenté, lors de la cérémonie de remise du Prix Nobel de la littérature, l e 9 oc tob re 2008 à Stockohlm. Nos textes dits “créatifs” ou non, témoignent de la manière sélective de lire une oeuvre littéraire, mais aussi du désir d’approfondir une réflexion personnelle, basée sur des recherches

que ce soit par rapport au contexte historique avec la deuxième guerre mondiale, la réalité de la colonisation; pensons à l’importance des anthropologues, de la m é d e c i n e c o l o n i a l e britanniques au Nigéria, ou à la famille patriarcale, ses valeurs, la complexité des relations intergénérationelles.

Nous sommes tous tombés d’accord pour reconnaître l ’ impor tance du s ty le poé t i que de JMG Le Clézio. Il se caractérise par beaucoup de retenue, d’autres diront une certaine pudeur. L’auteur préfère en dire peu que trop, par peur d’inventer et d’être inexact, sans doute. Cette manière d’écrire a incité notre imaginaire. Nous nous sommes supris, plus d’une fois, à lever la tête, et à l a i sse r no t re pensée vagabonder... imaginant tout ce qui avai t é té suggéré, entre les lignes...

La lecture est un va et vient continuel entre le monde fictionnel et le monde réel. Ainsi, chacun a lu d’une manière subjective et en conséquence, chacun a lu un l ivre un peu différent. Aussi loin de nous l’idée d’avoir épuisé toutes les pistes de lecture.

Ce livre est extrêmement riche et attachant car il se lit facilement. De plus, il est court et d’un abord facile. Le roman ouvre sur une p e r s p e t i v e , c e l l e d e l’approche interculturelle, du dialogue avec l’autre, qui nécessairement différent.

Cette lecture nous a donné envie de nous intéresser encore plus à la littérature francophone, qui se caractérise par des racines métissées, hybrides, favorables à ce mouveau siècle de la communication globale.

Merci de votre attention et bonne lecture....

MAGaZINE LECTURE PLURIELLE ~ 3~

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MAGaZINE LECTURE PLURIELLE

DES ATTENTES DES LECTEURS AU PLAISIR DE lire une oeuvreOEUVRE LITTERAIRE; compte-rendu des discussions de classe. par Sam, Sarah A., Sarah J. Thando, Aminata.

La première oeuvre littéraire que nous avons étudiée, d a n s l e c a d r e d u programme du Baccalauréat International de Français B, niveau supérieur nous a permis de nous sensibiliser aux analogies observées e n t r e l e r o m a n d e Maupassant et les nombreux tableaux impressionnistes, ceux de Manet, Monet et B o u d i n . N o u s a v o n s également pris conscience de la condition de la femme, privée de tous ses droits civiques, ne pouvant exister que comme la fille d’un tel ou l’épouse de Monsieur XY. Nous avons éprouvé de la s y m p a t h i e e n v e r s l e personnage de Pierre, qui découvre le secret de sa mère, à savoir que son frère est un demi-frère. Pierre en perd le sommeil, il finira par quitter sa famille dont il se sent exlu. Il est possible qe ce soit la vision pessimiste de Maupassant qui nous ait détournés de ce roman.

P a r c o m p a r a i s o n , l e deuxième livre, le roman de J.M.G. Le CLézio, intitulé “l’Africain” paru en 2004 fut une véritable révélation pour notre classe. Ce récit qui s’inspire de la vie de l’auteur marie avec justesse le romanesque au genre a u t o b i o g r a p h i q u e . A l’unanimité, la classe lui a donné sa préférence. Il a

séduit par son style, le thème et le message.

En 2008, JMG Le CLézio a reçu le Prix Nobel de la littérature. Le jury saluait en lui, un écrivain “de la rupture, l’explorateur d’une humanité au-delà et en-dessous de la civilisation régnante”.

N o s a t t e n t e s é t a i e n t , d’autant plus fortes, que la majorité des élèves de la classe sont originaires du continent africain. Or il était précisément question de l’Afrique dans ce roman de 124 pages, paru chez Gallimard, dans la collection de poche Folio.

En situation de celui qui se sent concerné par le sujet, nous avions hâte d’en apprendre plus sur l’histoire africaine. La première phrase de ce roman, nous a conquis, tel un air de musique ancien surgit de nos mémoires : “Tout être humain est le résultat d’un père et d’une mère”...(..) j’ai longtemps rêvé que ma mère était no i re . . . . Moment de confusion, d’étonnement parmi nous, sa mère était-elle donc africaine...? L’auteur poursuit, rectifie et admet son erreur, c’était son père l’Africain et non pas, sa mère.....Il lui a fallu donc reprendre toute son histoire, c’est pourquoi il a écrit ce l i v r e . U n e s é p a r a t i o n imposée par la guerre, des tensions fami l ia les, se

manifestant au niveau d’une relation père-fils difficile, dans un contexte de violence coloniale au Nigéria. Un retour imposé en France, sans avoir eu le sentiment d’accomplir ses objectifs. Puis la guerre pressentie du Biafra, là où il travaillait qu’il regarde sur son écran de télévision.

Voici les faits, qui mis en mots, investis émotionnellement par l’auteur rayonnent en nous, nous interpellent, provoquent des questionnements. Nous donnent envie d’en savoir plus sur l’époque.

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BRUNO CATALANO “Le grand van Gogh”.

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Par la magie de la lecture, nous nous sommes laissés emporter dans une autre vie, une autre durée. Puis, chacun s’est appliqué à analyser sa propre lecture, ce qui l’avait personnellement intéressé dans ce livre, les connaissances qu’il avait acquises, les réponses et parfois les doutes apportés à des questionnements.

Ne voir dans ce roman qu’un hommage posthume de l’auteur, envers son père, serait réducteur, il y a é g a l e m e n t u n r e g a r d critique, une vision portée sur le 20ème siècle, dont il faut tirer un enseignement pour aujourd’hui et demain, selon Le Clézio ?

Des débats de classe ont permis de prendre mieux conscience de ce qui nous avait interpellés en cours de lecture, sachant qu’une

oeuvre littéraire est, par définition, plurisémique.

E n s u i t e , n o u s a v o n s e x p l i q u é l e c o n t e x t e historique et vérifié nos connaissances à partir de de documents mutimédias déposés sur notre plate-forme collaborative Moodle. Peu à peu chacun a

développé une piste de lec tu re du roman. La consigne était de produire un texte “créatif” de 500 à 600 mots, inspiré du livre, avec un préambule de 150 mots. justifiant le type de t e x t e c h o i s i e t d o n c l’objectif de communication ainsi que l’intention au niveau du message.

La couverture du livre de poche FOLIO nous rappelle le voyage de

Gide au Niger en 1926.

Richmond Barthé

~ 5 ~MAGaZINE LECTURE PLURIELLE

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Correspondances et analogies dans l’art visuel Du dialogue des cultures du monde.

Le monde nous paraît d’autant plus compliqué que nous sommes quotidiennement surinformés par les médias sur beaucoup de sujets. Chaque jours, nous recevons, en temps réel les nouvelles sur ce qui se passe aux quatre coins de la planète. Or cela nécessite du temps pour trier, analyser, ces données et essayer de se faire une idée sur l'ordre ou les désordres, les dynamiques ou les blocages de notre planète-village quand tout va si vite autour de nous.

La révolution numérique, avec l’apparition d’Internet en 1993, a également changé notre perception spatiale, On n’est passé subitement du national au global. Internet a supprimé les

distances et du même coup a révélé nos différences : plus de six mille huit cent

langues seraient recencées a u n i v e a u d u g l o b e . Sachant qu’une langue induit une culture donc une manière de penser, un filtre qui altère notre perception du réel, on réalise qu’il n’y a pas une mais plusieurs réalités d’un même fait.

Cette diversité nous l’avons représentée dans notre m@gazine sous la forme de nombreuses reproductions d ’ o e u v r e s d ’ a r t , q u i expriment l’être humain en situation, dans une durée, qu’il n’a pas choisie mais dans laquelle il se choisit une ident i té avec des valeurs, des rêves, des utopies, des défis, des doutes, porté par l’espoir d’un monde plus équitable.

Au-delà de notre diversité, elles témoignent de nos points communs existentiels, d’une sensibilité intercultuelle.

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Tamara Adams

par Fatoumata, Emilie & Thando.

par Thando & Emilie

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George Velaphi Mzimba “Femme pensante”

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Compte-rendu de nos recherches sur L’ILE MAURICE.par Sarah J.

L'île Maurice est située dans l’Océan Indien au sud -es t du con t i nen t A f r i c a i n p r è s d e Madagascar et de l’île de la Réunion.

De nos jour, cette île de 2  040  km2 jouit d’une stabilité économique et sociale. Sa population,

d’origine diverse; africaine, ind ienne, ch ino ise e t européenne s’élève à 1,313,095 habitants.

C e t t e î l e a u r a i t é t é découverte par les Arabes, puis les Malai au cours du dixième siècle. Ensuite, les Hollandais, lui ont donné le n o m d e l e u r P r i n c e “Maur i ts van Nassau” au17ème siècle.

Les Français en assument le contrôle en 1715, grâce

à l a c r é a t i o n d e l a compagnie française des I n d e s , u n e i n i t i a t i v e commerciale de Colbert, basée en Bretagne. L’île est rebaptisée “Ile de France”. Sur le chemin des Indes, elle devient une base navale très importante.

S u i t e a u x G u e r r e s

Napoléoniennes qui voient la chute de l’Empereur, les Anglais prennent l'île en 1810 qui restera anglaise jusqu’en 1968, date de son

indépendance où el le devient une République.

La f am i l l e Le C léz io prendra la nat ional i té britannique en 1810 et en 1 8 5 0 a c h è t e r a u n e p r o p r i é t é q u i a b r i t e aujourd’hui le musée de l’île.

L’ancêtre paternal du J. M. Le Clezio, François Alexis Le Clézio, un Breton, s’enfuit avec sa femme et sa fille, à l'île Maurice en 1 7 9 8 p e n d a n t l a Revolution Française. Sa destination finale devait être les Indes, mais sur le chemin, le bateau ayant fait escale à l’île de France, la famille décide de s’y intaller.

J M G L e C l é z i o a immortalisé la mémoire de son grand-père paternel dans un roman intitulé “Le chercheur d’or”. Le Clezio aime à rappeller qu’il est non seulement Français, mais aussi Mauricien.

~ 7~Vaco Baissac

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J.M.G Le Clézio est né a Nice le 13 avril 1940  ; il est originaire d'une vielle famille bretonne, émigrée à l'île Maurice au XVIII siècle. Il est considéré comme l’un des écrivains francophones m a j e u r s , d e l ' é p o q u e moderne, en raison d’une oeuvre abondante et variée, dont  L'Africain  publié en 2004. En 2008, à 68 ans, il reçoit le prix Nobel de littérature.

«  L'Africain  » est un roman autobiographique. Il raconte son voyage en Afrique quand il avait huit ans. Ce livre décrit et analyse la relation difficile de l’auteur avec son père, un médecin britannique à Ogoja, Cet événement est vécu comme une ouverture à d’autres

cultures. Il dit à propos du livre :«J'ai longtemps rêvé que ma mère était noire, pour fuir la réalité à mon retour d'Afrique. Je m'étais inventé une histoire, un passé, un pays, dans cette ville où je ne connaissais personne, où j'étais devenu un étranger. Puis j'ai découvert, lorsque mon père, à l'âge de la retraite, est revenu vivre avec nous en France, que c'était lui l'Africain. Cela a été difficile à admettre; il m'a fallu retourner en arrière, recommencer esayer de comprendre. En souvenir de cela, j’ai écrit ce petit livre. »

Compte-rendu de plusieurs discussions de classe : Par Sarah A.

. /.~ 8~

Kelani Abass

Kelani Abass

MAGaZINE LECTURE PLURIELLE

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MAGaZINE LECTURE PLURIELLE

Pour moi, cétait la première fois qu'on évoquait l'Afrique, la vie coloniale, les autres cultures, les relations de pouvoir.

“L'Africain” dénonce une époque violente et raciste; le 20ème siècle. Le leçon à en tirer, selon l’auteur, c’est de promouvoir une société interculturelle, basée sur le r e s p e c t m u t u e l e t l e dialogue des cultures. Avec le numérique,les distances ont été supprimées : d’un clique, on se connecte au con t i nen t souha i té . L’“inconnu” sur Youtube fait partie désormais de notre quotidien.

Le Clézio a révolutionné la façon de percevoir le français : il parle d'appartenance à la langue française c’est le pays qu’il se reconnaît. Nos

origines, passent par la r e c o n n a i s s a n c e d e l’importance de la langue maternelle. Le suprême lien avec notre cul ture«  I l explique qu’ il a essayé d'écrire en anglais et qu’il a compris qu’on n’avait pas le c h o i x d e s a l a n g u e maternelle. S’exprimer, c’est un besoin, une nécessité

pour se sentir libre et pour transmettre ses émotions.

« Aujourd'hui, au lendemain de la décolonisation, la littérature est une des moyens pour les hommes et les femmes de notre temps d 'expr imer leur identité, de revendiquer leur droit à la parole, et d'être e n t e n d u s d a n s l e u r diversité. Sans leur voix, sans leur appel, nous vivrions dans un monde silencieux. » En conclusion, la voix de Le Clézio est importante, c’est celle de la francophonie. Ce prix Nobel de la littérature a mis en valeur cette littérature qui s’ouvre sur le monde, qui exige que chacun se décentre par rapport à ses représentations pour acquérir une approche interculturelle propice au dialogue des cultures.

~ 9~

Lagos

OYERINDE OLOTU, Le vieux LAGOS, 2008,

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Née au Zimbabwe, où j’ai passé dix jours, puis successivement en Afrique du Sud, en Côte d’Ivoire, et maintenant en Tunisie, la question identitaire m’interpelle.

Mon attachement à ce continent me pousse à explorer cet héritage et à m’imaginer le quotidien d’une période que je n’ai pas connue  : celle de mes grands-parents. J.M.G Le Clézio, l’auteur du romain autobiographique intitulé

«  L’Africain  », a connu cette époque dont je n’ai entendu que des histoires fami l i a les . Le C léz io s’explique «  moi je n’ai pas des racines, sauf des

racines imaginaires. Je ne suis attaché qu’à des souvenirs.  » L’Afrique l’a marqué pour vie, et c’est manifeste, il a un style, une manière de dire et de t r a n s c e n d e r l e r é e l . l ’Afrique, ce sont des

impress ions durab les celles de l’enfance.

L’Afrique c’est d’abord l’apprentissage de la vérité qui s’impose aux yeux du jeune Le Clézio. Dès que ses pieds touchent le sol Africain, à Ogoja au Nigeria, alors âgé de huit ans, l ’ e n f a n t s u b i t u n e transformation et «  de ces années date la prise de c o n s c i e n c e d e s corps  » (12). Le Clézio découvre le monde; il décrit son environnement de façon poétique mais aussi, dépourvu de préjugés. Il n’attend rien de ce pays qui n’est pas le sien. Il raconte, comment «  l’impudeur des corps était magnifique. Elle donnait du champ de la profondeur, elle multipliait les sensations, elle tendait un réseau humain autour de moi » (13).

Le Clézio expérimente une l iberté jamais connue auparavant. Cette liberté de penser, c’est aussi un é t a t d ’ e s p r i t q u i t ransparaî t dans la p e r c e p t i o n d e s o n environnement, ainsi la case devient semblable à un bateau tandis que la brousse rappelle la mer.

Les enfants jouent avec d’énormes termitières, des fourmis qui ressemblent à des

MAGaZINE LECTURE PLURIELLE

La représentation de l’Afrique dans « L’Africain et la quête identitaire du narrateur. » Par THANDO

Pablo Picasso “Buste de femme dans un fauteuil”.

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troupes de guerriers. Il y a aussi les papillons de nuit qui les attaquent à la tombée de la nuit. Toute la famille est réunie sous de la moustiquaire et il se sent protégé. Ces images e t s e s i m p r e s s i o n s d’Afrique le marqueront pour la vie de même que la force des orages. La nature a tous ces droits en Afrique; il ne l’avait jamais r e s s e n t i a v e c c e t t e intensité avant

Bien que médecin à l’hôpital colonial d’Ogoja, le père dénonce «  le ridicule des

fonctionnaires” D’ailleurs, il vit mal le fait d’être “ un agent du colonialisme". Son rêve c’était Banso, un territoire annexé par les Britanniques, encore sans administrateurs coloniaux, où le père accompagné de sa femme avait pu développer une relation de confiance avec l e s a u t o c h t o n e s , e n particulier les notables du village, le sorcier qu’il consultait et qui était présent, lors de ses consultations comme médecin de brousse.

Après la guerre, médecin à l’hôpital colonial d’Ogoja, le

père du narrateur est aussi médecin légiste et il note la violence tribale, provoquée par la pauvreté, les mauvais traitements, la corruption et les souffrances infligées par l’occupation coloniale.

Respectueux de la population locale, il réprouve la logique coloniale  et il sait que cette exploitation de l’homme par l ’homme f inira mal, i l pressent que les colons devront partir bientôt.

Le récit autobiographie de JMG Le Clézio nous a sensibilisés à la question identitaire. Ainsi, l’identité ne se limite ni à votre lieu de naissance, ni à votre passepo r t . L’ i den t i t é transcende tout cela, ce qui vous détermine au final, c’est votre tempérament, v o s v a l e u r s , v o s souvenirs, vos actions, votre imaginaire, vos amis.

Grâce à ce roman, j’ai pris conscience des multiples f a c e t t e s , q u i n o u s caractérisent. L’identité est un processus dynamique qui se développe tout au long de la vie, quel que soit l’individu. J’ai aussi appris que la littérature n o u s a p p o r t e d e s connaissances qui nous a ident à mieux nous comprendre

MAGaZINE LECTURE PLURIELLE ~ 11 ~

Paul Klee

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MAGaZINE LECTURE PLURIELLE

Jean-Marie Gustave Le Clézio est un écrivain

français et mauricien que j’ai découvert en lisant L’Africain, roman dans lequel il retrace la vie de son père pour essayer de comprendre non seulement une re la t i on pè re - f i l s difficile, mais aussi pour se construire, une identité par le récit de ses mémoires. J.M.G Le Clézio affirme que « La langue française » est son « seul pays le seul lieu où » il habite. Ta n d i s q u e d ’ a u t r e choisissent d’écrire pour ce distancer d’une réali té d i f f i c i l e , L e C l é z i o s ’appropr ie la langue

françaises comme sa terre natale pour mieux analyser ces souffrances « par souci d’exactitude  » (Dans la Forêt des paradoxes). C’est pourquoi, c’est un auteur qui par l’écriture, trouve un artifice pour résoudre c’est problèmes identitaires. Ce qui le distingue, en outre, des autres écrivains français, c’est le fait qu’il lui manque un pays d’origine dans lequel il se reconnaisse. L’auteur affirme ne pas avoir « …de racines, s a u f d e s r a c i n e s imagina i res.  » n ’é tant a t t a c h é «  q u ’ a d e s

~ Portrait de J.M.G Le Clézio~ par Aminata

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Benny Andrews, “African American Art: Harlem Renaissance.

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MAGaZINE LECTURE PLURIELLE

Pour cette raison, les romans de Le Cléz io offrent une critique qui transcende les barrières culturelles. Il reste un observateur qu i , à la d i f férence des aut res écrivains de la période coloniale, ne cherche pas à façonner les autochtones à l’image de l’Europe. Au contraire, Le Clézio s’appuie sur la tendance africaine à vivre de manière transparente

pour critiquer la société européenne qui lui semble “ridicule”. En voyant une femme au buste dénudé ou encore la vieillesse exposée d’une autre, l’auteur se confronte à la vie vécue à découvert. Il oppose cette réalité à celle de l’Europe où tout est dissimulé.

En Afrique tout est révélé, que ce soit la violence. où les corps, L’écrivain note; la «  violence était générale,

indiscutable, page 21, de L’Africain et l’absence de tout artifice lui donnait une l i b e r t é « p r e s q u e dangereuse » (p24) L’Afrique laissera une empreinte pour la vie à JMG Le Clézio.

Le Clézio n’est pas celui qui cherche à embellir la réalité. Il affirme “Dans la forêt des paradoxes” :”la guerre ne se caractérise pas par les moments historiques, mais par le v é c u d e s c i v i l s e t «  s u r t o u t c e l u i d e s enfants ». C’est l’humain qui l’intéresse, associé à ses actions, porteuses de valeurs, comme on le v o i t d a n s L ’ A f r i c a i n q u a n d i l c h e r c h e à comprendre son père en dépit de la distance qui les sépare. J’ai appris, en lisant son l i v r e q u ’ u n e q u ê t e identitaire ne s’achève pas avec la découverte du pays où l’on est né. De fait, le père de Le Clézio est Africain, non pas par la couleur de sa peau ni par l’hérédité, mais par l’affinité qu’il éprouve aux valeurs et idiomes de L’Afrique.

Nos racines ne sont non p a s p h y s i q u e s m a i s spirituelles, attachées aux souvenirs dont certains sont réels tandis que d'autres se confondent avec la réalité.

Par Aminata

~ 13 ~

Bitter cola (Nigeria)

Segun Adesanya

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MAGaZINE LECTURE PLURIELLE

le père comme passage obligé dans la construction identitaire du fils. par Jasmine

L'Africain est associée pour JMG Le CLézio à la figure de l’Africain, le père du narrateur.

En 1948, Le jeune Le Clézio, après avoir passé p lus ieu rs années de guerre enfermé dans un appar tement à N ice , entreprend à l’âge de 8 ans, accompagné de sa mère et de son frère, un voyage qui le marquera pour la vie. Il va rejoindre son père, médecin britannique à l’hôpital c o l o n i a l d ’ O g o j a a u Nigéria. Cette première rencontre sera un choc.

D è s l a d e s c e n t e d u bateau, à Port Harcourt, la rencontre se passe mal, l’enfant refuse ce père qu’il considère comme un étranger. Plus tard, en raison des règles strictes de vie que le père a instaurées, il lui apparaît comme une menace, un ennemi; les enfants se liguent contre lui et lui jouent des mauvais tours. I l s o n t d r o i t à d e s corrections corporelles.

Ce roman inspiré de ses souvenirs de jeunesse peut être lu comme une quête ident i ta i re, qui passe par la réhabilitation de la mémoire de ce père qu’il a mal mené dans sa jeunesse.

Ce père, n’était pas un personnage facile, certes. c’était un aventurier qui

vivait en marge de la société coloniale comme de la société africaine, un citoyen br i tann ique d ’ o r i g i n e

mauricienne qui ne s’était pas reconnu dans la s o c i é t é a n g l a i s e . D’ailleurs, il avait choisi, d’être le médecin des Indiens sur un fleuve en Guyanne anglaise, plutôt q u e d e s o i g n e r d e s rhumes et autres maladies bénines en Angleterre.

A son retour, d’Amérique du Sud, il avait choisi le Nigéria qui lui paraissait plus approprié pour lui.

Cet homme ava i t dû s’exiler à l’âge de 18 ans, de son île, suite à une dispute familiale. l’origine

de son exil. Depuis, il n ’ a u r a d e c e s s e d e re t rouver ce parad is perdu. Il pense, d’ailleurs qu’il l’avoir découvert au Nigéria.

L’héritage d’un tel père pour JMG Le CLézio, c’est d ’abord ce cont inent africain, puis c’est le m é p r i s à l ’ é g a r d d u colonial isme et de la société coloniale.

Lucian Freud

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A sa retraite, f in des années 50, le père revient habiter avec sa famille à Nice. La guerre du Biafra a commencé, il en suit les événements à la télévision. Ça le rend encore plus silencieux. Dans le même t e m p s , i l p e r d s a nationali té bri tannique puisque l’île Maurice est devenue une République i n d é p e n d a n t e ; i l e s t désormais Mauricien. A Nice, le père garde ses habitudes africaines, il f r a t e r n i s e a v e c l e s Maghrébins, à régler leurs problèmes administratifs, f idèle à lui-même, au service des faibles, et de ceux dont la voix ne compte pas.

Le roman “L’Af r ica in” pourrait être celui d’un a u t e u r e n g a g é . N o n

seulement, il porte un regard critique sur le 20ème siècle, mais aussi il suggère une piste pour prévenir la violence que produit les rapports de force; il propose l’approche intercultrelle.

A l’exemple du père cela consiste à s’engager dans la communauté, là où l’on v i t , d e m e t t r e s e s compétences au service du mieux vivre ensemble, afin de promouvoir une société plus solidaire, plus inclusive.

JMG Le CLézio se montre favorable à une société qui encourage une sensibilité interculturelle où chacun peut faire entendre sa voix, dialoguer...

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George Velaphi Mzimba

John Minton (1917-1957)

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Lettre de de J.M.G. Le CLEZIO à sa mère; une fiction imaginée...

Par Sarah A.

??????,  le  23  février  2003                                                                                                                                                              

Chère  maman,

Comment   vas-­‐   tu?   J’espère  bien  ?  As-­‐tu  parlé  avec  mon    frère  ?  Ça  fait  longtemps  que  je  n’ai  pas  eu  de   ses  nouvelles.   Il  m’avait   demandé  une  photo,  dis-­‐lui  que  je  l’ai  trouvée.

Tu   ne   devineras   jamais  où   je   me   trouve   au  moment  où  je  t’écris  cette  lettre   !   Depuis  un  certain   temps   j’avais   envie   d’écrire   un   livre,  mais   il   me   manquait   un   signal   extérieur  déclencheur.  J’ai  bien  réfléchi,  et  finalement  je  suis  venu   ici,  d’où  je  t’écris  cette  lettre  et   où  j’ai  découvert  un  nouveau  sens  à  ma  vie.  Sans  doute,   la  nature  sauvage  et   le  sens  de  liberté  que  j’éprouve  ici  m’ont  aidé  à  découvrir  plus  en  moi  certaines  émotions.

Donc,   j’ai   décidé   d’écrire   au   sujet   de   papa,  bien  qu’il  s’agisse  aussi  de  parler  de  moi,  d’une  façon   détournée.   Parce   que   maintenant,  maman,   j’ai  compris  que   papa   fait   partie  de  moi,  qu'il  existe  dans  tout  ce  que  je  fais,  dans  l'air  que  je  respire,  au  fond  de  mon  cœur.  J’ai  d’ailleurs  l’intention  de  lui  dédier   ce  nouveau  roman,   le   plus   autobiographique   que   j’aie  jamais  écrit.  

Quand   j’étais   jeune,   sais-­‐tu   que   j’ai   toujours  pensé  que  papa   était   très  autoritaire  et   qu’il  ne  voulait  pas  perdre  de  temps  avec  moi  :  il  ne  me   laissait   jamais   jouer   avec   les   autres  enfants,   il  n’acceptait   pas  qu’on   lui  fasse  des  farces,   qu’on   se  moque   de   lui.   Souvient-­‐toi,  parfois,  il  devenait  même  violent.  Te  rappelles-­‐tu   de  cette   fois  où   il   avait   mis  le   feu   à   une  femel le   scorpion   qui   transportait   sa  progéniture  sur  son  dos  ?  Aujourd'hui  encore,  je  m'étonne  de  cette  violence  de  ce  geste,   la  froideur   avec   laquelle  papa   avait   mis  fin  à  la  vie  de  ces  pauvres  créatures.

Papa  était  sévère,  strict,  c’est  vrai,  mais  il  m’a  aussi  bien  protégé,  il  a  tout  fait  pour  que  je  ne  parte   pas   en   Algérie,   alors   que   la   guerre  d’Indépendance   avait   déjà   commencé,  seulement   à   cette   époque   on   parlait   des  événement  en  Algérie.  

Surtout,   il   m’a   enseigné   les   valeurs   de   la  famille.  Je  n’avais  pas  compris  cet  héritage,  en  ce  temps-­‐là,  je  n’avais  pas  réalisé  l’importance  des  valeurs  qu’il  me  transmettait,  trop  aveuglé  par   mon   égoïsme   d'enfant...   Il   m’a   transmis  une  vision  pacifique  du  monde  que  j’ai  appris  à  cultiver   au   fil   des   années...Mais   La   famille  c’était   fondamental,   c’était   sacré,   il   la  considérait   comme  un  abri,  mais  le  problème  rés ida i t   dans   son   incapacité   à   nous  communiquer  ses  sentiments,  on  ne  connaissait  de  lui  que  ses  colères.  

MAGaZINE LECTURE PLURIELLE ~ 16 ~

Nevah Nxumalo

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Je sais maintenant pourquoi il était si secret : il ne savait pas comme compenser sa perte de confiance. Il réalisait combien son rêve africain était compromis. La réalité des évènements ne lui laissait aucune chance : la guerre mondiale et la fin du colonialisme en Afrique représentaient des obstacles insurmontables. Il devait aussi s'occuper de sa famille et faire des sacrifices pour nous.

ll nous a enseigné le respect des autres cultures, par l’exemple. Il avait choisi d'aider les faibles, de parfaits inconnus, qu'il n'a jamais revus par la suite, mais avec lesquels il voulait construire un monde meilleur.... Ça aurait pu réussir, si tout le monde avait respecté les mêmes règles de conduite que lui.

Je constate que ce sens de la fraternité, que j'ai éprouvé dans mes années en Nigeria, me manque. Nous jouions avec des enfants sans arrières pensées alors que nous ne connaissions même pas la langue et pourtant nous nous sentions complices avec eux. J’ai encore de

nombreux souvenirs qui reviennent à mon esprit, ceux d’une liberté absolue!!!

Alors maman, je pense que tu as deviné là où je me trouve non ? Oui, tu l’a deviné, à Ogoja, au Nigéria ! La ville par où tout à commencer ! Tout a bien changé, je n’ai pas trouvé trace de notre case...

Donc je sens que le moment est arrivé pour rendre hommage à papa , j’ai fini par comprendre.....

Bien sûr, je reconnais qu’il m'a aidé à devenir ce qui je suis aujourd'hui. Et c’est pourquoi, je trouve que la meilleure façon est de lui dédier ce roman que je viens de commencer aujourd’hui. Ce livre portera le titre suivant :« L'Africain » et je profiterai d’insérer les photos de papa, qu’il avait prises en Afrique, de sorte qu’il fera partie du projet.

J’ai  hâte  d’avoir  de  tes  nouvelles.  Je  t’embrasse  affectueusement,  ton  fils,

                                                                                           Jean Marie Gustave

Art africain contemporain (Nigeria)

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Victor Ekpuk

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Le journal intime de la mère ; texte créatif imaginé.....par Khadra

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Pont-l’Abbé, le 22 juin 1940

Cher Journal,

J’ai commencé ce journal parce que nous vivons ici des événements historiques. A peine arrivés, il nous faut quitter la Bretagne. C’est ce que nous venons de lire sur les affiches collées aux murs du village; comme réfugiés, nous devons partir mais pour aller où ? Aujourd’hui, Pétain, le héros de la Grande Guerre a signé l’armistice, une convention avec le 3ème Reich pour mettre fin aux hostilités. La France sera divisée en deux avec une zone occupée et une zone libre. Les premiers soldats allemands sont arrivés ce matin....Maman préconise de partir le plutôt possible avec la v o i t u r e a v a n t q u ’ e l l e n e s o i t réquisitionnée....Il faut qu’on rejoigne la zone libre, avec un mari anglais, je risque des ennuis.. On n’a même plus le temps d’avoir des états d’âme, il faut que j’en parle à maman. D’ailleurs beaucoup de civils sont sur la route de l’exil.....la plupart à pied. Nous sommes des privilégiés avec notre vieille Dion Bouton, c’est ce que je me répète....

Nice, août 1941

Cher Journal,

L’appartement que maman a trouvé à Nice, grâce à ses relations est convenable. Nous habitons au sixième étage d’un bel immeuble. Nous voyons la plage de nos fenêtres.

L’autre jour, nous avons pu observer les Allemands voler les roues de notre vieille Dion Bouton !Nous vivons dans la peur d’un coup de sonnette.... et les rations alimentaires sont de plus en plus minces.

Les enfants ne peuvent pas aller jouer dans le petit jardin de l’immeuble, cela rend notre vie compliquée. Heureusement, maman a toujours une réponse à tout, elle capte leur a t t e n t i o n , c ’ e s t u n e v é r i t a b l e conteuse....Elle a même acheté de l’éther à la pharmacie...

D’ailleurs, l’autre jour, Jean-Marie a eu une crise de nerfs, on a craint le pire, il voulait sauter par la fenêtre. Nous lui avons administré un mouchoir d’éther sur le visage et il a fini par s’endormir.

La clé des champs de R. Magritte

R. Magritte

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Nice, le 25 décembre 1944

Cher Journal,

Grâce à la radio de papa, nous avons écouté le discours du Général de Gaulle, adressés aux enfants de France à la BBC.

Mes chers enfants de France, leur at-t-il dit,“...vous avez faim, parce que l'ennemi mange notre pain et notre viande. Vous avez froid, parce que l'ennemi vole notre bois et notre charbon, vous souffrez, parce que l'ennemi vous dit et vous fait dire que vous êtes des fils et des filles de vaincus. Eh bien ! moi, je vais vous faire une promesse, une promesse de Noël. Chers enfants de France, vous recevrez bientôt une visite, la visite de la Victoire. Ah ! comme elle sera belle, vous verrez !...”

Nice, le 15 juin 1948Cher Journal,

Ça va être dur de dire au revoir à mes parents, je leur dois tant. Il me reste quelques affaires à mettre dans nos malles. Les passeports et les billets sont à côté de moi. Il faut que je les voie..... Tout le monde dort, je vais essayer de me reposer. Demain, c’est le grand voyage... Après ce que nous venons de vivre, partir au Nigéria permettra aux enfants d’oublier cette peur et cette faim qui ne nous a pas quittés pendant toutes ces années de guerre...! Cela tournera la page de ces années noires. Une aventure nouvelle commence...Zut ! Il est bientôt minuit, il faut que je dorme.

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VIctor Ekpuk

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la medecine coloniale : le médecin de brousse et les hôpitaux coloniaux; le regard critique du père...

Par SAMUEL

Préambule : Le   père   du  n a r r a t e u r   a   e x e r c é   l a  médecine,   d’abord   comme  médecin   de   brousse   à   Banso,  puis   à   l ’hôpital   colonial  d’Ogoja.  Autant  il  se  passionne  pour   son   travail   à   Banso,   un  territoire   récemment   annexé  et   donc   encore   dépourvu  d’administration    autant,   il   en  éprouve   de   l ’aversion   à  l’hôpital.  Nous  analyserons  les  causes   de   ce   changement  d’attitude.

A son retour en Angleterre après une expérience de deux ans, en qualité de médecin itinérant sur un fleuve, en Guyane anglaise, le père du narrateur, J.M.G Le Clézio, incapable de se p l i e r a u c o n f o r m i s m e hiérarchique, de l’hôpital de

Southampton, s ’enrô le comme médecin de brousse pour le Nigéria en 1928. Sa carrière comprend deux périodes distinctes. D’une part la première jusqu’en 1940. C’est une période heureuse en compagnie de sa jeune épouse, il est

responsable d’un énorme territoire pris au Cameroun a l l emand . Quan t à l a deuxieme période, de 1940 jusqu’à sa retraite, concerne son travail comme médecin à l’hôpital colonial d’Ogoja. C’est à ce moment-là que le médecin est confronté aux réalités coloniales et que son rêve africain se brise avec en plus la séparation d’avec sa famille. L’Afrique se révèle un piège. Ce qui enthousiasmait le jeune médecin à Banso, c’était ce contact instauré sur le respect réciproque avec les

autochtones. Malgré la barrière des langues, il communiquait avec les notables, il avait même gagné leur confiance. Le jeune médecin s’intéressait à la vie de la population, ses photos témoignent, d’ailleurs, de cette admiration. Il n’hésitait pas à faire appel au sorcier, qui par sa seule présence,

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Nnamdi Okonkwo

civilisation nigérianne

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chassait   la   peur   dans   les  yeux  du  patient.   Le  médecin  de   brousse   n’avait   que   peu  de  moyens   à   sa   disposition,  c’est   pourquoi   la   confiance  du  malade  était  capitale.  

Certes,   Ahidjo,   l’aidait   aussi  beaucoup   à   Banso.   Il   s’était  i m p o s é   c o m m e   s o n  traducteur,  sans  contre  partie  financière.    De   fait ,     l ’absence   de  structures   administratives  coloniale   dans   ce   territoire  annexé,   confortait   le   jeune  médecin  humaniste  dans   son  rêve   africain.   Il   ne   voyait  aucune   forme  de  domination  ni   comment   cette   population  autochtone   n’était   considérée  que   c omme   une   ma i n  d’oeuvre,  une  force  de  travail.

Le  père  du  narrateur  avait  eu  l’occasion   de   constater   la  richesse   culturelle   de   ses  c ommunau t é s   d o n t   i l  admirait   la   cohésion   sociale,    l’esprit  de  solidarité.  

A   l’hôpital   d’Ogoja,   le  père  du  narrateur   découvri t   la  médecine   coloniale   dont  l’objectif   premier   était   la  santé  des  troupes  et  celle  des  expatriés   grâce   à   une   veille  préventive  d’épidémies.    Ces  vaccinations   menées   d’une  man i è r e   v o l on t a r i s t e ,  étaient   mal   reçues   par   la  populat ion   qui   tenta i t  souvent  de   les   éviter.   Ils   les  redoutaient.

Dans   les   années   60   avec  l’Indépendance  du  pays  et   le  départ   des   Anglais,   la   veille  s’arrêta   brusquement.   Les  hôp i t aux   e t   p l u s i eu r s  cliniques   étaient   alors   en  très   mauvais   état   car   le  programme  n’intégrait     pas  

vraiment    le  développement  de  l’infrastructure  locale.  

Ne   se   voir   qu’un   agent   du  sys tème   co lon ia l   qu ’ i l  dénonçait   était   difficile   à  vivre  pour  ce  médecin  qui   se  voulait  au  service  des  faibles.  

Il   comprit   donc   à   l’hôpital  Ogoja   que   la   colonisation   ne  pourrait   être   durable   et   qu’il  ne  réaliserait  jamais  son  rêve,  celui   de   retrouver   le   paradis  perdu  de  Maurice   au   Nigéria  pour  sa  famille.

Ermius Ekube 2013

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Le journal intime du père pendant la guerre : l’impossibilité de rejoindre sa famille en France et ses conséquences.

par Emilie

Fort-Lamy, le 3 Novembre, 1940

Cher journal,

Avant d’être un médecin de brousse, je suis un mari, un père, comment me retient-on ici. Il faut que j’aille rejoindre ma famille. Je ne peux même pas leur envoyer de l’argent ! En pleine guerre, on me demande de rester les bras croisés, d’attendre, c’est inhumain, je vais devenir fou.

Les nouvelles n’arrivent pas de France. Je suis coupé du monde, de ma famille, pourtant j’ai tenté de traverser le désert. Hier, nous étions encore dans le Sud-Algérien et c’est en arrivant-là, que j’ai été refoulé ? Je suis semblable à un prisonnier. Je n’aurais jamais imaginé me retrouver piégé de cette manière-là!

Préambule  : Dans ce livre, le père est un personnage positif, honnête qui aime sa famille mais qui n’a pas de bonnes relations avec ses enfants. Ses enfants ne le comprenne pas. Pour corriger cela, j’ai décidé d’écrire le journal intime du père pour exprimer sa sensibilité qu’il cache par pudeur avec ses doutes et l’amour qu’il porte a sa famille.

Ce livre m’a fait mieux comprendre, les rôle de mes parents puisque je suis d’une famille africaine. Dans notre culture, le père joue un rôle central, il est le chef de famille et s’impose par son autorité, tandis que la mère est généralement affectueuse et complice . A

l’exemple du roman autobiographique de Le Clézio, c’est beaucoup plus tard que les enfanta réalisent qu’ils n’ont pas connu leur «  vrai  » père et qu’ils aimeraient lui dire combien ils l’aiment.

J’ai voulu modifier la fin du livre, afin de donner aussi bien au père qu’au fils une chance de se retrouver, de se parler, parce que comme Burundaise, je connais l’importance de ce sentiment de la famille c’est tout. C’est une grande part de notre identité.

Wols, de son vrai nom Alfred Otto

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Ogoja, le 22 mars 1948

Cher Journal,Je suis fatigué, il y a trop de travail à l’hôpital. Aujourd’hui c’est un jour particulier, je retrouve enfin ma famille. Dieu merci ! J’attends ce moment depuis des années..Mais je me sens nerveux, c’est une rencontre que je redoute, un peu, un pressentiment. Comment vont réagir les enfants ?

Je les ai vus descendre la passerelle, ils jouaient, ils ont failli renverser leur mère, ma femme. Oh ce qu’elle m’a manqué. Elle leur dit de se calmer, ils ne l’écoutent pas................!

Je les ai accueillis, j’ai embrassé leur mère, comme elle est belle, et je me suis retourné vers les enfant. On s’est regardé dans les yeux et j’ai vu qu’ils ne me reconnaissaient pas. Je leur

apparaissais comme un étranger ! Leur maman à dû leur dire de m’embrasser, que j’étais leur père, ils se sont exécutés mais à contre coeur. Ils sont gâtés. Comment est-ce possible ? Il est vrai qu’ils ont vécu quatre ans enfermé dans un appartement avec leur mère et leur grands-mère à Nice. Ils ont dû les gâter. C’est de ma faute, les absents ont toujours tort. Il va falloir leur apprendre à obéir. Il vaut mieux qu’ils l’apprennent avec moi plutôt qu’avec les autres. La rigueur et la discipline leur permettra de devenir des hommes responsables dans ce monde.

Nice, le 3 Octobre, 1963

Cher Journal, Mon fils, Jean-Marie, viens juste de publier son premier livre “Le Procès-verbal” et il est déjà reconnu comme un jeune écrivain de talent. Je suis si fière de lui, mais je ne peux le lui dire parce il y a trop de non-dits entre nous qui empêchent le dialogue. On ne se parle pas beaucoup, malheureusement, il ne m’a jamais permis d’avoir une relation complice, père-fils... Si c’était à refaire, je ferais la même chose. Mes enfants avaient besoin de cette éducation, il avait besoin que je sois autoritaire pour devenir des adultes. Jean-Marie n’a que vingt-trois ans. Je prétends que sans l’Afrique, il ne serait pas le même.

Je vais lui dire que ma plus grande réussite c’est lui. Je veux aussi qu’il sache que je l’aime.

Mission accomplie. Nous nous sommes bien regardés dans les yeux et nous nous sommes compris. Je suis heureux.

~ 23 ~MAGaZINE LECTURE PLURIELLE

Les deux frères Boubacar Nureddeen

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Les limites de l’autorté partenelle : comment le dialogue, serait plus efficace et plus constructif pour le jeune garçon.

Par Kwabena

Préambule : Ce livre m’a permis de comprendre l’incertitude, le doute ou le non-dit qui se cache derrière l’attitude autoritaire des pères, qu’il motive par une volonté de protection mais qui paradoxalement risque d’affaiblir la confiance du jeune en ses capacités. Cette chronique d’opinion s’adresse aux pères représentatifs de cette culture patriarcale autoritaire. J’espère les sensibiliser aux limites de l’autorité et leur démontrer les bienfaits du partage des responsabilités, des décisions qui permettent aux jeunes de construire leur propre estime d’eux-mêmes, leur identité.

En sa qualité de médecin de brousse, le père de Le Clézio a mené une vie très originale en Afrique. Élevé à Maurice, il sait l’importance d’une vie disciplinée et autoritaire. Il s ’ e f f o r c e r a d o n c d e transmettre ces valeurs à ses enfants, qui ont été élevés d’une manière permissive par leur mère e t l e u r g r a n d - m è r e . Séparés du père au cours de leurs jeunes années, la relation père et fils sera compromise. Ce n’est qu’une une fois le père décédé, que Le Clézio décide de rendre un hommage à se père mal mené.

Le père de Le Clézio a décidé de s’établir en Afrique pour exercer son mét ier, d ’autant qu’ i l exista i t un besoin de médecins. Il est fort probable, que le père

cherchait inconsciemment ou non à retrouver la vie qu ’ i l ava i t connue à Maurice. Les premières a n n é e s s e r o n t d e s années de bonheur. Le couple vivra l’aventure au quotidien, une vie tout à fait e x t r a o r d i n a i r e . I l s con tac ten t , en tou te simplicité, les population autochtones avec laquelle

ils établissent une relation de confiance. Ma lheureusement , l a d e u x i è m e g u e r r e mondiale éclate et détruit ce projet de vie si bien commencé. Alors qu’il vient de quitter sa femme avec son nouveau-né en Bretagne, i l apprend l’occupation rapide de la France par les Nazis.

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Henri Sarla, autoportrait 2002

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Sa femme, entourée de ses parents se réfugient au 6ème étage d’un immeuble à Nice, où i ls vivront enfermés jusqu’à la fin de la guerre, connaissant la peur et la faim tandis qu’ Ogoja, le père se tue au t r ava i l e t r éa l i se l es conséquences de son choix de l’Afrique pour la première fois.

En 1948 à Port Harcourt, les enfant ne reconnaissent p a s l e u r p è r e . à l a descente du bateau «  Il était trop différent de tous ceux que je connaissais, un étranger, et même plus que c e l a , p r e s q u e u n ennemi. » (p.105) Le Clézio r e l è v e q u e s o n p è r e «parlait en français avec

l ’ a c c e n t c h a n t a n t d e Maurice, ou en pidgin, le dialecte mystérieux qui s o n n a i t c o m m e d e s clochettes».

Les enfants découvrent surtout que ce père est inflexible, autoritaire, mais en même temps doux et généreux avec les Africains qui travaillaient avec lui.

Dès le premier contact, Jean-Marie et son frère se sont mesurés à lui, en versant du poivre dans sa théière. Cela leur vaudra une correction corporelle à laquelle ils ne s’attendaient pas. Ils notent que leur oncle, se serait contenté d ’ e n r i r e . L ’ a u t e u r p réc i se«  Nous avons

appris d’un coup qu’un p è r e p o u v a i t ê t r e redoutable, …qu’il pouvait instituer une justice virile, qui excluait tout dialogue et toute excuse. » (p.107)

S’il n’y avait pas eu la cassure de la guerre. Si son père avait suivi le lent parcours qui mène de la petite enfance à l’âge de ra i son au l i eu d ’ ê t r e confronté à des enfants qui l u i é t a i e n t d e v e n u s étrangers, rien de tout cela serait arrivé à savoir « cet héritage africain, l’autorité et la discipline, «jusqu’à la brutalité. »

A l’autorité, il faut préférer le dialogue, plus propice à la découver te et à la connaissance mutuelle. Les relations père et fils sont d’autant plus difficiles que l’un se base principalement sur son expérience et l’autre sur l’avenir. Tous les deux auraient avantage à relever leurs points communs plutôt que leurs divergences.

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Hans Holbein Le jeune 1528 «double portrait père et fils».

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Le journal intime de la mère; la guerre et l’émancipation des femmes avec l’obtention de leurs droits civiques.

par Sarah J.

Pont-l'Abbé, le 12 juin 1940

Cher journal,

Aujourd’hui on a entendu à la radio que tous les non-résidents doivent quitter la

Bretagne, alors qu’on vient d'arriver, avec mes deux enfants en bas âges sous ma responsabilité, l'aîné qui a un an et le nouveau-né de trois mois. Mes parents sont aussi avec moi, heureusement que j’ai ma mère à mes côtés Demain, on déménagera avec notre vieille voiture vers Nice, qui est en Zone Libre. On s’arrêtera à Paris pour ramasser les affaires qui restent dans l'appartement. Je suis inquiète pour notre sécurité d'autant plus que la ville est occupée par les Allemands.

Et quand je pense à mon mari qui est au Nigeria. Je suis sûr qu’il a essayé de venir en France, mais qu’ils ne l’ont pas laissé partir. Même si je ne suis pas seule, grâce à mes parents, je souhaiterais que mari Raoul soit près de nous, tout serait plus facile, c’est un médecin de brousse. Pauvres femmes que nous sommes, sans droits juridiques et sans perspectives d'avenir professionnelles. Nous portons le nom de nos mari, et n’avons pas la possibilité de gérer nous-mêmes notre fortune. Partout on exige la signature du père ou du mari. Il faudra bien qu’un jour,

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Préambule: J’ai décidé d’écrire un journal intime de la mère de J. M. G. Le Clézio parce que bien que sa présence soit discrète, on imagine bien l’importance de son rôle au sein de sa famille. J’ai choisi le format d’un journal intime parce que c’est celui qui permet d’exprimer les pensées cachées. J’ai pris la plupart de mes idées du livre mais aussi des interviews de Le Clézio. J’ai trouvé des renseignements sur sa mère et sa grand-mère, qui ont beaucoup aidé et protégé le narrateur, ne serait-ce que

pendant la guerre. C’étaient des femmes fortes, «des héroïnes sans le savoir, dans un temps où les femmes n’avaient pas de droits civiques» précise JMG Le Clézio. Je voulais aussi parler de la situation des femmes, non seulement privées de leurs droits, mais aussi comment elles les ont acquis après la guerre. J’ai réalisé que dans les pires moments, il pouvait y avoir aussi des aspects positifs.

F. LEGER, La racine noire 1941MAGaZINE LECTURE PLURIELLE

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on nous reconnaisse nos droits juridiques de citoyennes!!!

N o m b r e u s e s s o n t l e s f e m m e s courageuses et fortes qui travaillent en-dehors de leur maison, car le travail n’attend pas et les hommes sont partis en Allemagne. J’ai la chance que ma famille possède encore un peu d’argent, dont cette voiture, mais la guerre nous a ruinés, comme beaucoup d’autres, nous avons vendu nos biens immobiliers. Je dis nous, bien que nous n’ayons aucun droits, ce sont les maris qui gèrent notre patrimoine. Si maman avait pu gérer sa fortune, nous ne serions pas là où nous en sommes... Papa n’a jamais eu le sens des affaires. Je suis aux côté des femmes qui se battent pour leurs droits civiques et après la guerre, il faut que ça change... Je chercherai un travail pour gagner un salaire. Les enfants ne mangent pas à leur faim; Le marché noir est cher et dangereux.

Comme je regrette d'avoir quitté la Nigeria pour cette vie; vivre enfermé avec la crainte qu'on frappe à votre porte. Je

croyais que mes fils et moi serions plus en sécurité en France mais j'avais tort. Qui aurait pu penser que la France tombe dans ce chaos. Raoul me manque, mais il manque surtout aux enfants, qui ne sont pas faciles.

J’admire ma mère, une femme raffinée qui, en dépit de son ulcère à la jambe, raconte des histoires aux enfants et plaisante à propre de tous nos ennuis. C’est une conteuse qui nous divertit dans les grands moments de découragement.

Nice, le 4 mai 1946

Cher journal, Cela fait à peu près un mois que les femmes ont gagné le droit de vote! C'est une lumière qui brille au milieu des ténèbres!. Je pourrais commencer à prendre en mains notre avenir. Je vois tout autour de moi des femmes qui sortent de leurs maisons et qui s'activent, elles occupent des postes .... Elles se battent pour reconstruire leur pays. Je suis fière de ma mère qui une femme de grand pouvoir, comme je l'admire. Elle symbolise celles qui n'abandonnent jamais même dans les pires circonstances. En plus, elle est généreuse envers les autres et tolérante avec son mari. Sans ses efforts nous n'y serions jamais arrivés aussi bien!

Fernand Léger (1881-1955)

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René Magritte, le thérapeute

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Lettre fictive du jeune Le Clézio à sa grand-mère, datée de juin 1953; il lui parle de leur nouvelle vie à Ogoja, au Nigéria.

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Par Doniel

Préambule : Le jeune adolescent, adore sa grand-mère, il lui écrit et lui raconte sa vie ses impressions. Il veut qu’elle soit discrète sur le contenu de sa lettre. Une vieille complicité d’avant.

                                                               Ogoja,  le  25  octobre  1948

Chers Grand-mère,

Comment vas tu  ? Voilà je te donne de nos nouvelles. Nous allons tous bien. J’espère que tu te portes aussi bien  ? Comment va grand-père  ? Est-ce qu’il fume toujours ses cigares ? Je t’écris mes impressions et tout ce que a changé pour moi depuis notre déménagement à Ogoja, au Nigéria.

Commençons par le début, quand je suis arrivé a Ogoja, venant de Nice, ça été un choc . C’est un changement complet dans ma vie. Il y a maintenant avant et après Ogoja. Cette ville a un hôpital colonial est c’est tout, cela ressemble à rien de ce que je connaissais. Il n’y a rien de spécial, c’est un bourg rural, avec des cases, des poules et une ou deux voitures. Les Africains marchent pieds nus, les enfants

sans vêtements, mais je ne me suis jamais senti aussi libre. Mon père nous oblige à porter des chaussettes et des chaussures, Ce n’est pas pratique, il fait trop chaud. Je préférerais marcher à pieds nus !

Nous courons et explorons la brousse les après-midi, quand papa se rend à l ’hôpi ta l . Notre jeu préféré c ’est d’attaquer les termitières avec des grosses branches. Faire cela nous amuse beaucoup après ces années d’enfermement on a envie de se battre. J’aime ce pays pour la liberté qu’il nous apporte. On s’amuse avec les enfants avec tout ce qu’on trouve dans la nature.

Quand papa rentre du travail, nous avons des tâches à faire, il est très strict, on doit obéir sans aucune discussion. On lui joue des tours, il déteste ça, il n’est pas comme tonton Marcel qui riait des farces qu’on lui faisait, lui il nous a donné une correction corporelle, mais ça ne nous a pas fait mal...

Il est très sévère. Maman dit que c’est de notre faute, qu’on ne doit pas l’énerver. Avec papa, j’ai senti une présence puissante, presque écrasante. Il travaille beaucoup à l’hôpital et c’est pourquoi il est souvent de mauvaise humeur. Quand il rentre, il boit une tasse de thé. Maman est toujours de bonne humeur, elle s’efforce d’arranger tout le monde. Sais-tu que papa est plein de manies bizarres. Par exemple, ils se lavent très souvent les mains.

Malangatana (Mozambique)

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L’autre jour, il y avait une femelle scorpion à la cuisine, il l’a brûlée avec ses petits sur son dos. Nous avons protesté, il nous a dit qu’une seule piqûre de son dard et nous serions en danger de mort. Papa passe beaucoup de temps à vacciner, à prévenir d’éventuelles épidémies. Comme je te l’ai dit l’Afrique c’est un changement complet. La bonne nouvelle, c’est que je n’ai plus mes migraines.

J’envie les Africains, papa est toujours gentil et généreux avec eux et ils portent des vêtements adaptés à cette chaleur tropicale. Avec nous, il aime nous donner des ordres, ainsi on doit manger sans poser ses mains sur la table, et surtout ne pas mâcher avec la bouche ouverte, on ne

peut pas manger de sucrerie, pas courir dans la case. Papa possède une énorme Ford modèle1948. Il l’a reçue de son prédécesseur. Elle est énorme. Quand papa sort avec ses pantalons larges et trop courts, si je devais le comparer à Tonton Marcel, je dirais qu’il n’a pas grande d’allure.

Ma chère grand-mère que j’aime, tu as maintenant une idée sur ma vie. Je compte sur ta complicité habituelle.

Ecris-moi , j’ai hâte de te lire. Passe le bonjour à grand-papa, sans oublier tonton Marcel. Je vous embrasse et pense bien a vous. ton Jean Marie Gustave

Le Douanier Rousseau «La jungle»

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THANDO THANDO

TRAVAUX et oeuvres de 2 bachelières IB ART : Emilie & Thando

«L’écriture est la seule forme parfaite du temps.» JMG Le Clézio

«Moi, je n’ai pas de racines , sauf des racines imaginaires. Je ne suis attaché qu’à des souvenirs. JMG Le Clézio

THANDO

«Ce que j'apprécie dans le roman, c'est qu'il permet de parler de soi-même sans en

parler, d'énoncer des

idées philosophiques

sans être un philosophe.»

JMG Le Clézio(interview 2008)

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MAGaZINE LECTURE PLURIELLE

Emilie Emilie

THANDO

TRAVAUX et oeuvres de 2 bachelières IB ART : Emilie & Thando

Ce qui me tue, dans l’écriture,

c’est qu’elle est trop courte.

Quand la phrase

s’achève, que de choses

sont restées au- dehors!»

JMG Le Clézio

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THANDO

L'art est sans doute la seule forme de progrès qui utilise aussi bien les voies de la vérité que du mensonge. JMG Le Clézio

«Vivre, connaître la vie, c’est le plus léger, le plus subtil des apprentissage. Rien à voir avec le savoir.» J.M.G. Le Clézio

«Le silence est l’aboutissement suprême du langage et de la conscience.» JMG Le Clézio

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