42
Jeudi 12 juin 2014 - 70 e année - N˚21585 - 2¤- France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry T aillé à coups de raids meurtriers et d’at- tentats, un nouveau « pays » voit le jour dans le monde arabe : appelons-le le « Djihadistan ». Il s’installe à cheval sur la Syrie (dans le nord-est du pays) et sur l’Irak (dans l’Ouest et le Nord). C’est un événe- ment d’une portée considérable, non seule- ment pour la région, mais aussi pour l’Europe. Profitant de l’affaiblissement, voire de l’éclatement, de ces deux ex-Etats forts du Pro- che-Orient, le groupe djihadiste que dirige l’Irakien Abou Bakr Al-Baghdadi, l’Etat islami- que en Irak et au Levant (EIIL), ne cesse d’agrandir son domaine. Jamais Al-Qaida, même en Afghanistan sous le règne des tali- bans, à la fin des années 1990, n’avait contrôlé pareil territoire. L’EIIL supplante Al-Qaida en puissance de feu et en moyens financiers. Prônant officiel- lement la même pureté islamiste sunnite et la même violence extrême, il peut modifier durablement la carte de la région – amputant la Syrie et l’Irak d’une partie de leurs provin- ces pétrolières. L’Europe ne peut rester indif- férente : l’EIIL séduit des centaines, peut-être des milliers, de jeunes musulmans euro- péens, venus se battre dans ses rangs, essen- tiellement en Syrie. Ces quatre derniers jours, les colonnes d’Al- Baghdadi (lire son portrait dans Le Monde du 30 mai) se sont emparées de Mossoul, la capi- tale du nord de l’Irak, au bord du Tigre, met- tant la main sur toute la région de Ninive. Elles se sont installées à Fallouja, à moins d’une centaine de kilomètres à l’ouest de Bag- dad, à Tikrit, à Samarra – bref, elles dominent la quasi-totalité du pays sunnite irakien. En Syrie, l’EIIL a conquis toute une partie de l’est du pays, s’assurant une continuité ter- ritoriale avec son fief irakien. Ainsi, c’est un mini-Etat qui prend racine, levant l’impôt, rançonnant, pillant et vendant le pétrole en contrebande. Tel est le but d’Al-Baghdadi : recréer une base djihadiste, à l’instar de ce que fut l’Afghanistan pour Al-Qaida. Le régime syrien, celui de Bachar Al-Assad, le laisse faire pour des raisons tactiques. Le régime irakien, dominé par la majorité chiite du pays, est incapable d’arrêter l’EIIL. A Bag- dad, le gouvernement de Nouri Al-Maliki gou- verne en pratiquant un sectarisme pro-chiite qui lui vaut l’hostilité de la minorité arabe sunnite irakienne. Résultat ? Un extraordinaire chaos stratégi- que, où il est difficile de se retrouver. Parce que Bagdad les martyrise, les tribus sunnites irakiennes soutiennent l’EIIL. Parce qu’il est l’allié de Bachar Al-Assad – tous les deux sont des protégés de l’Iran –, Al-Maliki envoie les milices chiites irakiennes se battre en Syrie. Les Etats-Unis sont des deux côtés. En Syrie, ils soutiennent – un peu – la rébellion contre le régime Al-Assad. Mais, en Irak, ils appuient – un peu – Al-Maliki contre l’EIIL… La Russie reste fidèle à son alliance avec l’Iran et la Syrie. L’Europe regarde ailleurs. En 2003, au nom de la guerre contre le terro- risme, l’Amérique envahissait l’Irak. Onze ans plus tard, sur les décombres d’une folle invasion, le djihadisme triomphe en Irak ! Ultime désastre pour Washington. Tragédie sans fin pour les Irakiens et les Syriens. Mena- ce à venir pour les Européens. p Un geste fiscal pour 3,7 millions de ménages FRANCE – LIRE PAGE 6 LES PROVOCATIONS DE JEAN-LUC GODARD ENTRETIEN – LIRE PAGES 18-19 INTERMITTENTS : LE FESTIVAL D’AVIGNON MENACÉ CULTURE – LIRE PAGE 14 dondusang.net Faisons du 14 juin un grand jour pour la vie: donnons notre sang Optimus – Illustration : Mathias Crémadez. Fiscalité : enquête de Bruxelles La Commission européenne doit lancer mercredi une enquête sur les systèmes d’opti- misation fiscale en Irlande, aux Pays- Bas ou au Luxem- bourg. CAHIER ÉCO PAGE 4 UMP : un compromis provisoire Après la démission de Jean-François Copé, Alain Juppé, François Fillon et Jean-Pierre Raffarin assureront l’intérim jusqu’à l’automne. Luc Chatel devient secrétaire général. FRANCE – PAGE 8 Les succès des drones français Avec 620 opéra- teurs, la France est championne d’Euro- pe sur ce marché très prometteur, en particulier dans l’agriculture, l’in- dustrie, les médias ou les transports. CAHIER ÉCO – PAGE 2 14 JUIN JOURNÉE MONDIALE DES DONNEURS DE SANG AUJOURD’HUI ÉDITORIAL Les djihadistes s’emparent du nord de l’Ira k L ’événement doit être une consécra- tion. Pour le Brésil et pour la présiden- te, Dilma Rousseff, son porte-voix. Une fête planétaire de la paix et du ballon rond avec près d’un tiers de la population mondiale les yeux rivés sur le stade flam- bant neuf de l’Itaquerao, dans la banlieue est de Sao Paulo. A la tribune d’honneur, pas moins de onze chefs d’Etat s’apprêtent à prendre place, jeudi 12 juin, aux côtés de la présidente brésilienne pour l’ouverture de la vingtième Coupe du monde. L’occa- sion pour l’héritière de Luiz Inacio Lula da Silva d’affirmer un leadership que beau- coup lui contestaient à l’orée de son man- dat. Mais Dilma Rousseff a signalé qu’elle ne prendrait pas la parole. Par crainte des sifflets. Par peur de la contestation sociale. Mais, très vite, le sport devrait reprendre le dessus. p SIX PAGES SPÉCIALES LE REGARD DE PLANTU Brésil Une Coupe du monde pour se relancer t Le Mondial débute jeudi avec le match Brésil-Croatie Le « Djihadistan », nouvel Etat islamiste au Proche-Orient t 500 000 civils fuient les combats, après la prise de Mossoul et de champs pétroliers par les combattants de l’Etat islamique en Irak et au Levant LIRE P. 2 UNIVERSITÉS & GRANDES ECOLES Vive l’alternance ! Après les combats à Mossoul le 10 juin. REUTERS a Du CAP aux grandes écoles, l’alternance offre une insertion professionnelle sans équivalent. Comment choisir sa formation ? SUPPLÉMENT

Le Monde 12-06-2014 (Godard)

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Artículo periódico Le Monde - Godard

Citation preview

Page 1: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

Jeudi 12 juin 2014 - 70e année - N˚21585 - 2 ¤ - Francemétropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur :Hubert Beuve-Méry

Tailléàcoupsderaidsmeurtriersetd’at-tentats, un nouveau «pays» voit lejourdanslemondearabe:appelons-lele «Djihadistan». Il s’installe à cheval

sur la Syrie (dans le nord-est du pays) et surl’Irak (dans l’Ouest et leNord). C’est un événe-ment d’une portée considérable, non seule-mentpourlarégion,maisaussipourl’Europe.

Profitant de l’affaiblissement, voire del’éclatement,decesdeuxex-EtatsfortsduPro-che-Orient, le groupe djihadiste que dirigel’IrakienAbouBakrAl-Baghdadi, l’Etat islami-que en Irak et au Levant (EIIL), ne cesse

d’agrandir son domaine. Jamais Al-Qaida,même en Afghanistan sous le règne des tali-bans,à lafindesannées1990,n’avaitcontrôlépareil territoire.

L’EIIL supplante Al-Qaida en puissance defeu et enmoyens financiers. Prônant officiel-lement la même pureté islamiste sunnite etla même violence extrême, il peut modifierdurablement la cartede la région–amputant

la Syrie et l’Irak d’une partie de leurs provin-ces pétrolières. L’Europe ne peut rester indif-férente: l’EIIL séduit des centaines, peut-êtredes milliers, de jeunes musulmans euro-péens, venus se battre dans ses rangs, essen-tiellement en Syrie.

Cesquatrederniersjours, lescolonnesd’Al-Baghdadi (lire son portrait dans LeMonde du30mai) se sont emparéesdeMossoul, la capi-tale du nord de l’Irak, au bord du Tigre, met-tant la main sur toute la région de Ninive.Elles se sont installées à Fallouja, à moinsd’unecentainedekilomètresà l’ouestdeBag-dad, à Tikrit, à Samarra – bref, elles dominentla quasi-totalité dupays sunnite irakien.

En Syrie, l’EIIL a conquis toute une partiedel’estdupays, s’assurantunecontinuité ter-ritoriale avec son fief irakien. Ainsi, c’est unmini-Etat qui prend racine, levant l’impôt,rançonnant, pillant et vendant le pétrole encontrebande. Tel est le but d’Al-Baghdadi :recréer une base djihadiste, à l’instar de ceque fut l’AfghanistanpourAl-Qaida.

Le régime syrien, celui de Bachar Al-Assad,le laisse faire pour des raisons tactiques. Lerégime irakien, dominépar lamajorité chiite

du pays, est incapable d’arrêter l’EIIL. A Bag-dad, legouvernementdeNouriAl-Malikigou-verne enpratiquantun sectarismepro-chiitequi lui vaut l’hostilité de la minorité arabesunnite irakienne.

Résultat?Unextraordinairechaosstratégi-que, où il est difficile de se retrouver. Parceque Bagdad lesmartyrise, les tribus sunnitesirakiennes soutiennent l’EIIL. Parce qu’il estl’allié de Bachar Al-Assad – tous les deux sontdes protégés de l’Iran –, Al-Maliki envoie lesmilices chiites irakiennes se battre en Syrie.

Les Etats-Unis sont des deux côtés. EnSyrie, ils soutiennent – un peu – la rébellioncontre le régime Al-Assad. Mais, en Irak, ilsappuient – un peu – Al-Maliki contre l’EIIL…LaRussie reste fidèle à sonalliance avec l’Iranet la Syrie. L’Europe regarde ailleurs.

En2003,aunomdelaguerrecontre leterro-risme, l’Amérique envahissait l’Irak. Onzeans plus tard, sur les décombres d’une folleinvasion, le djihadisme triomphe en Irak !Ultime désastre pour Washington. Tragédiesans finpour les Irakienset lesSyriens.Mena-ce à venir pour les Européens.p

Ungeste fiscalpour3,7millionsdeménagesFRANCE–LIRE PAGE 6

LES PROVOCATIONSDE JEAN-LUC GODARDENTRETIEN–LIRE PAGES 18-19

INTERMITTENTS :LE FESTIVAL D’AVIGNON MENACÉCULTURE–LIRE PAGE 14

dondusang.net

Faisons du 14 juinun grand jour pour la vie:donnons notre sang

Op

tim

us–Illustra

tion:M

athias

Crém

adez.

Fiscalité:enquêtedeBruxellesLaCommissioneuropéennedoitlancermercrediuneenquête surles systèmesd’opti-misation fiscaleenIrlande,auxPays-BasouauLuxem-bourg.CAHIER ÉCO – PAGE4

UMP:un compromisprovisoireAprèsladémissiondeJean-FrançoisCopé,Alain Juppé,FrançoisFillonetJean-PierreRaffarinassurerontl’intérimjusqu’à l’automne.LucChateldevientsecrétairegénéral.FRANCE–PAGE8

Les succèsdes dronesfrançaisAvec620opéra-teurs, laFranceestchampionned’Euro-pesurcemarchétrèsprometteur,enparticulierdansl’agriculture, l’in-dustrie, lesmédiasou les transports.CAHIER ÉCO –PAGE2

14JUIN

JOURNÉE MONDIALEDES DONNEURSDE SANG

AUJOURD’HUI

ÉDITORIAL

Lesdjihadistess’emparentdunorddel’Irak

L ’événement doit être une consécra-tion.PourleBrésiletpourlaprésiden-te, Dilma Rousseff, son porte-voix.

Une fête planétaire de la paix et du ballonrond avec près d’un tiers de la populationmondiale les yeux rivés sur le stade flam-bant neuf de l’Itaquerao, dans la banlieueest de Sao Paulo. A la tribune d’honneur,pasmoinsdeonzechefsd’Etats’apprêtentà prendre place, jeudi 12 juin, aux côtés delaprésidentebrésiliennepour l’ouverturede la vingtième Coupe dumonde. L’occa-sionpour l’héritière de Luiz Inacio LuladaSilva d’affirmer un leadership que beau-coup lui contestaient à l’orée de sonman-dat. Mais Dilma Rousseff a signalé qu’ellene prendrait pas la parole. Par crainte dessifflets.Parpeurde lacontestationsociale.Mais, très vite, le sport devrait reprendrele dessus.p

SIXPAGESSPÉCIALES

LE REGARD DE PLANTU

BrésilUneCoupedumondepourserelancer

tLeMondialdébute jeudiavec lematchBrésil-Croatie

Le«Djihadistan»,nouvel Etat islamisteauProche-Orient

t500000civils fuientles combats, après laprisedeMossoul etde champspétrolierspar lescombattantsdel’Etat islamiqueenIraket auLevant LIRE P. 2

UNIVERSITÉS &GRANDES ECOLESVivel’alternance!

Après les combatsàMossoul le 10 juin.REUTERS

aDu CAP aux grandesécoles, l’alternanceoffre une insertionprofessionnelle sanséquivalent. Commentchoisir sa formation?SUPPLÉMENT

Page 2: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

international

Aunord, legouvernementautonomekurdedéploieson«arméenationale»

Mossoul, la deuxième villed’Irak bordée de champspétroliers est tombée,

mardi 10juin, aux mains de l’Etatislamique en Irak et au Levant(EIIL). Les djihadistes se revendi-quant de ce groupe, inspiré d’Al-Qaida, ont enchaîné, ces dernièressemaines, lesoffensivessurdesvil-lessunnites,multipliantattentats-suicides et prises d’otages, défiantlesautoritésdeBagdad,qui sesontrévélées complètement dépasséespar l’ampleur et la violence de cesassauts. Mercredi matin, 500000civils fuyaient laville, selonl’Orga-nisation internationale pour lesmigrations.

Face à des combattants rompusaux tactiques de guérilla urbaine,maniantaussibienlelance-roquet-tes que la voiture piégée, l’arméerégulière irakienne n’a pas résistélongtemps àMossoul. Si sa victoi-re se confirme dans le nord del’Irak, l’EIIL ne représentera plusseulement le nom d’un groupe,mais un territoire bien réel qui necesse de s’étendre, des provincesirakiennesd’Anbar, Ninive et Sala-heddine, jusqu’au nord-est de laSyrie.

De toutes les attaques menéesen Irak par l’EIIL, depuis la prise deFallouja, il y a sixmois, celle contreMossoul a été la plus spectaculaireet la plus déterminante. Les djiha-distes ont lancé l’assaut, vendredi6juin à l’aube, aux portes occiden-talesde laville. Selon les témoigna-ges concordants d’habitants, leurvictoire s’est dessinée dès l’après-midi. Vers 16heures, un camion-citerneremplid’explosifss’estécra-sécontre la façaded’ungrandhôtelreconverti en caserne militaire,tuantplusieurs dizaines de soldatsquiyavaientétérassemblésenpré-visionde la contre-offensive.

La violence, conjuguée à l’effetde surprise, aurait entraîné ladébandadedel’arméeetdesdéser-tionsenmasse.Lesbâtimentsdelapolice fédérale ont été brûlés ouabandonnés, intacts,avecarmesetdocuments, aux assaillants. Dansla soirée, ces derniers contrôlaientdéjà une grande partie de la riveouest du Tigre qui partage la citéendeux.

Ils ont poursuivi leur avancée,franchissant le fleuve mardimatin, sans rencontrer d’autrerésistancequecelledesunitésd’éli-te de l’armée irakienne qui n’ontpu,seules, faire lepoids.L’EIILs’estemparédesprisonsde laville etdeses alentours. Au total, plusieursmilliers de détenus ont ainsi étélibérés, ajoutant au chaos et à lapanique.

Mais l’EIIL tient, parallèlement,à soigner son image auprès despopulations locales. Des messa-ges, diffusés par les haut-parleursdes mosquées, ont prévenu leshabitantsquequiconque tenteraitde saccager ou de cambrioler lesbanques ou les bâtiments publicsserait sévèrement châtié. Lesfamilles ont été invitées à rester et

à «supporter la situation quelquesjours ». La peur, les bombarde-ments sur les quartiers ouest, l’ab-senced’eauetd’électricitéontper-suadé plusieurs milliers d’habi-tants de cette cité, qui en compte1,5million, à fuir vers la provincevoisineduKurdistan irakien.

A la suite de la chute de Mos-soul, des dizaines d’autres locali-tés sont tombées, parfois sansqu’un coup de feu ne soit tiré. Lesdjihadistes ont ainsi pris Al-Char-

kat, son aéroportmilitaire et deuxhélicoptères qui s’y trouvaient,selon une déclaration de l’EIIL. Labase militaire de Ghezlani conte-nantde l’artillerie lourdeestégale-ment passée sous leur contrôle,ainsi qu’Al-Awja, village natal deSaddamHussein.

Baiji, stratégique en raison deses raffineries de pétrole, ou enco-re Rabia, sur la frontière syrienne,qui permet de contrôler l’achemi-nement de combattants et d’ar-

mesentrelesdeuxpays,sontaussiauxmains de l’EIIL. La liste ne ces-se de s’allonger…

Dansson irrésistiblemontéeenpuissance de ces derniers mois,l’EIIL a dû modérer ses ambitionsen Syrie. Le groupe y a été affaiblipardescombats fratricides l’oppo-sant aux djihadistes syriens duFront Al-Nosra et a subi plusieursreversfaceàunecoalitiondebriga-des rebelles opposées au régimesyrienmais qui ont fait de la luttecontre l’EIIL une priorité momen-tanéedans l’espoir d’obtenir l’aidemilitaire occidentale.

En Irak, en revanche, l’EIIL aréussi à s’imposer en nouant desalliancesaveccertainestribussun-nites locales, les absorbant au seinde sa hiérarchie, tout en puisantdans son contingent de combat-tantsétrangerspourmultiplier lesopérations kamikazes. C’est ainsiqu’un Français, «Abou Al-KakaaAl-Françaoui » de son nom deguerre, s’est fait exploser à Mos-soul le 19mai devant un centre dela police fédérale.

D’après le cheikh Rafaa Mechi-ne Al-Joumayli, chef d’une grandetribu d’Anbar se revendiquantchef militaire au sein de l’EIIL, il

existe une coopération étroiteentrel’EIIL,deschefsdetribussun-nites, d’anciens officiers baasistesde l’armée de Saddam Hussein etdes groupuscules islamistes, réu-nis au sein de «conseils militairesrévolutionnaires». «Nous avonsdes différends idéologiques, recon-nait le cheikh lors d’un entretientéléphoniqueavec LeMonde,maisnous avons les mêmes objectifs. »

L’ennemi principal, affirme-t-il,n’estautreque le régimeautoritai-redupremierministrechiiteNou-ri Al-Maliki.

Enmenantunepolitiquesectai-re contre les sunnites (minoritai-res mais détenteurs du pouvoircentral jusqu’à lachutedeSaddamHusseinen2003), cederniera jouéun rôle non négligeable dans laradicalisation des tribus locales.

Face aux manifestations, puis àl’insurrection des villes sunnites,cedirigeantàpoignen’apashésitéà envoyer des milices chiites,mieux entraînées et armées quel’armée régulière, mais tout aussiextrêmes dans leur discours etleurs méthodes que leurs enne-mies djihadistes sunnites.

Enfin, la «stratégie» gouverne-mentale consistant à mener desbombardements intensifs, parfoisaux barils d’explosifs à la manièrede Bachar Al-Assad, a contribué àpousserlespopulationslocalessun-nites dans les bras de l’EIIL. SelonunhabitantdeMossoul,quiafuisaville,«depuisdesannées, lesmilicesde Maliki nous insultent et nousfrappent à leurs barrages. Mainte-nant, elles voudraient notre aidecontre l’EIIL? C’est la vengeance deDieuquis’estabattuesurleurtête !»

Nouri Al-Maliki a demandé auParlement de décréter l’état d’ur-gence et assuré pouvoir reprendreMossoul «en vingt-quatreheu-res». En attendant, il a redéployél’armée, concentrant l’essentieldesforcesdansetautourdelacapi-tale, Bagdad. L’Irak est au bord del’implosion.p

CécileHennion

DetouteslesattaquesmenéesenIrak

parl’EIILdepuissixmois,cellecontre

Mossoulaétélaplusspectaculaire

Lesdjihadistesprennentladeuxièmevilled’IrakLes troupes de l’EIIL, victorieuses à Mossoul, contrôlent de nombreuses cités et des champs pétroliers au nord

250 km

ARABIESAOUDITE

TURQUIE

L IB.

KOWEÏT

IRAN

SYRIE

IRAKBassora

Mossoul

KirkoukAl-Awja

Baiji

Al-CharkatGhezlani

Rabia

BagdadFallouja

ANBAR

NIN IVE

SALAHEDDINE

Tigre

Euphrate

JORDANIE

GolfePersique

Villes contrôlées par l’EIILProvinces sunnites insurgées

Deshabitants ayant fuiMossoul attendent auxportes d’Erbil,mardi 10juin. AZAD LASHKARI/REUTERS

IstanbulCorrespondance

Dès le début du siège deMossoul,le 7 juin, les réfugiés, Arabes, Kur-des et chrétiens, ont commencé àaffluer vers les provinces dunordde l’Irak sous contrôle kurde, épar-gnées par les violences. Selon legouvernement autonomekurdeirakien (GRK), aumoins 150000personnes ont franchi les frontiè-res de la région.

Même le gouverneur de la pro-vincedeNinive, dont les locauxont été pris d’assaut, a étécontraint de se délocaliser àDohouk, auKurdistan. Les autori-tés kurdes affirment avoir prissous leur protection plus de10000soldats de l’armée irakien-ne endéroute. D’importants

stocks d’armes, des véhicules blin-dés légers et des chars ont été récu-pérés, «avant que l’EIIL [Etat isla-miqueen Irak et au Levant]nepar-vienneà s’en saisir», a déclaré,mardi 10 juin, le porte-parole duministère des peshmergas, « l’ar-méenationale» kurde.

Malgré laprésence inquiétantede l’EIIL à sesportes –Erbil est àmoinsde 100kmdeMossoul–, legouvernementkurdepourrait êtrele seul vainqueurduchaosencours, tout à la fois l’uniquepôlede stabilitédans la régionet la seu-le forceàpouvoir contenir,militai-rement, l’avancéedjihadiste.

Enconflit ouvert avec le gouver-nementcentral deNouriAl-Malikidepuisde longsmois, le gouverne-mentautonomekurde se trouvedoncdésormaisenpositionde for-

cepour renégocier avecBagdadunpartagedupouvoir.

AprèsMossoul, les rebelles del’EIILontpris le contrôle de sixdis-tricts à l’ouest et ausuddeKirkouk, aupointdemenacer éga-lementcettevillemixte (arabe, kur-deet turkmène), enbordured’im-menses champspétroliers. «Cequis’estpasséàMossoul n’arriverapasàKirkouk», assure-t-onàErbil.Dans laville, considéréepar lesKurdesd’Irak commeleurberceauhistorique, des troupes se sontdéployéespour suppléer l’arméeirakienne. Les 250000peshmer-gas, longtempsentraînés et équi-péspar l’arméeaméricaine, se tien-nentprêts à intervenir «pourpro-téger les zones kurdes horsde l’ad-ministrationduKurdistan», a pré-venu lepremierministre duGRK

NechirvanBarzani,mardi.MaisM.Maliki, qui a réclamé le soutiende la régionautonomekurdedunord, amis engarde contreuneinterventionnonconcertée.Mos-soul etKirkouk fontpartie des ter-ritoires revendiquéspar lesKurdesmaisplacésofficiellement sousl’autorité centrale.

«Faiseur de roi»«Les Kurdes vont utiliser cette

occasion pour renforcer leurs posi-tions et étendre leur territoire. Ilscontrôlent désormais le poste fron-tière de Rabia avec la Syrie. Danscette zone, des Kurdes yézidis ontétémassacrés etMaliki n’a rienfait pour les protéger», noteWladi-mirVanWilgenburg, analystepour la fondation Jamestown. L’af-faiblissementdeM.Maliki pour-

rait aussi inciter les Kurdes d’Irakà accélérer leur sécession.

Unconflit larvépèse sur les rela-tionsavec legouvernementdeBag-daddepuisde longsmois. LesKur-des, déjà largementautonomes,ont signéavec laTurquieunaccordénergétiqueet exportentdésormais leurpétroledirecte-mentvers le nord, avec le soutiendegrandes compagnies internatio-nales.Uncommerce «illégal»,selonBagdadqui, en retour, agelélepaiementdes salairesdes fonc-tionnaires auKurdistan.

La situationpourrait aussi per-mettre auxKurdes de redevenirles «faiseurs de roi» en Irak, voirede s’imposer commenégocia-teurs entre Bagdad et les tribusarabes favorables aux insurgéssunnites. Un rôle qu’ils auraient

déjà tenté de jouer à Fallouja.Lesdirigeantskurdes sont réti-

cents à l’idéededoterM.Maliki depouvoir élargis envotant l’étatd’urgence.D’unautre côté, lesKur-desontaussi étéprispour cible cesderniersmoispar les djihadistes.Sixpersonnesont été tuées ensep-tembre2013dans l’explosiondevoiturespiégées contre le siègedesservicesde sécurité à Erbil. La capi-talekurden’avait plus connud’at-tentatdepuis 2007. L’EIIL a égale-ment revendiqué ledouble atten-tat contre les locauxde l’UnionpatriotiqueduKurdistan (UPK),l’undesdeuxgrandspartis kurdes(maispas celui qui est aupouvoir),qui a fait aumoins38morts danslesvillesde Jalawla etTuz-Khurma-tu, dimancheet lundi.p

GuillaumePerrier

2 0123Jeudi 12 juin 2014

Page 3: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

international

Unemilitantede l’ONGRiodaPaz sur laplage deCopacabana, àRio, le 10juin. SILVIA IZQUIERDO/AP

Des«erreursdegestion»surleschantiers

Rio de JaneiroCorrespondant

L’événement devait être uneconsécration. Pour le Brésil etpourDilmaRousseff,saporte-

voix.Une fête planétaire de la paixet du ballon rond avec près d’untiers de la populationmondiale lesyeux rivés sur le stade flambantneuf de l’Itaquerao, dans la ban-lieueestde lagrandeSaoPaulo.Alatribune d’honneur, pas moins deonzechefsd’Etats’apprêtentàpren-dreplace, jeudi 12juin, auxcôtésdela présidente brésilienne pourl’ouverture de la vingtième Coupedu monde. L’occasion pour l’héri-tière de Luiz Inacio Lula da Silvad’affirmerun leadershipquebeau-coup lui contestaient à l’orée desonmandat.MaisDilmaRousseffasignalé qu’elle ne prendrait pas laparole.

Contrairement à ses homolo-gues sud-africain, allemand oumême sud-coréen lors des précé-dentes éditions, elle ne profiterapas de cette tribune, par crainted’un concert de sifflets de réproba-tion. L’image de la bronca au stadede Brasilia lors du coup d’envoi dela Coupe des confédérations dejuin2013sembleavoirlaissédestra-ces. L’événement avait alors étémarquépar les débuts de la fronde

sociale qui, depuis, n’a eu de cessede traverser le pays.

Chose impensable jusque-là,dans un pays où le football est roi,voilàlaplusgrandefêtesportiveaumonde fragilisée avant mêmed’avoircommencée.Pourlejourna-liste et cinéasteArnaldo Jabor, c’estlepaysqui est«encolère contre lui-même».

Defait,ilnesepassepasunejour-née sansque lesmédiasne relaientdes manifestations, grèves, pous-sées de violence, interruptions ouannulations dans les travaux d’in-frastructures. Les favelas de Rio deJaneiro et les périphéries de SaoPaulos’embrasentparintermitten-ce. Les accès routiersdeBelem,For-taleza ou Salvador de Bahia sontrégulièrementbloquésparlesmou-vements des sans-terre. Les sans-toit, qui avaient rassemblé encore15000personnes à Sao Paulo finmai, viennent d’appeler, lundi, àl’arrêt de leur mouvement contreleMondialaprèsavoireul’assuran-ced’obtenirdes logements sociauxauprèsdugouvernement.

D’autres catégories sociales ontprofité de l’attention internationa-le pour mettre les autorités souspression, comme les employés dumétro en grève à Sao Paulo, quiviennent de suspendre pour deuxjours leurmobilisation.

Le pays renvoie l’image d’unenation à la fois bouillonnante etdésabusée. Selon un récent sonda-ge, plus de 70% des personnesinterrogées sedisentmécontentesde la situation du pays. Plus éton-nant encore, début juin, près de42% des sondés se disaient oppo-séesà latenuedelaCoupedumon-de, contre 38%en février.

Comment un tel rejet a-t-il pus’installerensipeudetemps?Ilyaquelques années à peine, le Brésilfaisait encore figuredepremierdela classe parmi les émergents. Desmillionsdepauvres sortaientde la

misère pour accéder aux premiè-res tranches de la classemoyenne.Le pays vivait de ses exportationsde matières premières et d’unedemande intérieure insatiable.Lorsqu’il fut désigné pouraccueillir, coup sur coup, le Mon-dialde2014et les Jeuxolympiquesde2016àRio, lescommentateursyontvu laconsécrationd’unnouvelâge d’or du Brésil. L’éternel paysdu futur devenait enfin maître deson avenir. Même Lula y versaquelques larmes.

Puis vint la crise. Dilma Rous-seff avait beau annoncer que lepaysétait«prêtà300%»àyrépon-dre, le Brésil accusait brutalementlecoupen2013.Lacroissanceapla-fonnéà2,3%.Cepremier trimestre2014, elle atteint même pénible-ment 0,2%. On ne compte plus lesgrands projets publics lancés parLula restés inachevés. Ponts, rou-tes, voies ferrées, ports : des mil-liards ont été dépensés sans abou-tir à des résultats concrets. Mêmel’inflation, hantisedupays,provo-quedes signes d’inquiétude.

Quelquesmois et le désenchan-tement a fait place à la désillusion.L’interminable procès de l’affaireditedu«Mensalao»impliquantdehautsresponsablesduPartidestra-vailleurs (PT) au pouvoir s’est vuremplacé par une vaste enquêtevisant le géant public Petrobras,joyau national, empêtré dans unesombrehistoire d’achat surfacturéde raffinerie aux Etats-Unis. Com-me si les vieux démons du Brésilrevenaient à intervalles réguliers.

Après les mouvements de 2013

et leurs cortègesde revendicationsqui n’en finissent pas de résonnerdanslesruesduBrésil, lesautoritésdonnentdepuisdesmois l’impres-sion de courir après le temps pourlivrerleschantiersdesinfrastructu-res,maiségalementpouréviterundésastre en termesd’image.

Les médias brésiliens n’ontjamais été tendres avec Lula, sesgouvernements et son héritièredésignée. En revanche, la presseinternationale, quasi euphori-

quejusqu’à récemment, selon denombreux observateurs, sembleavoir davantage mis le doigt surles problèmes structurels dupays.«Désormais, tous les jours quasi-ment paraissent des articles sur leBrésil, a expliqué à la BBC BrasilDaniel Buarque, auteur d’un livresur l’image du Brésil. Ils attirentréellement l’attention parce quedans leur grande majorité, ils sontnégatifs.» Et parfois de façon peuamène. Le Financial Times a ainsicomparélaprésidenteDilmaRous-seff aux Marx Brothers. L’hebdo-madaire The Economist a, lui, lais-sé entendre que le manque decroissanceduBrésilétait lié,enpar-tie, à des raisons culturelles.

«Les histoires se répètent et lescritiques ont toujours précédé detels événements », comme auxJeux d’Athènes et au Mondial enAfrique du Sud, a souligné SimonAnholt, consultant internationalet auteur d’un classement despays les plus populaires au mon-de. Toutefois, l’ampleur desretardsdestravauxesttelleauBré-sil, précise le spécialiste, qu’elleempêchederécolter les fruitsd’unévénement comme le Mondial.«Tout indique que le pays n’a pasréussi à faire valoir sa compétence,ni raffermi son image en matièreéconomique. Le Brésil sembledevoir rester ce pays de la fête, ducarnaval et du football. Un paysque l’on regarde avec sympathie,mais quepersonne neprend réelle-ment au sérieux.»

Dansuneallocutionradiotélévi-sée à la nation, mardi soir, DilmaRousseff a affirmé, une nouvellefois, que le Brésil était «prêt, sur eten dehors des terrains ». Aprèsavoir rencontré la presse sportiveet les correspondants internatio-naux à Brasilia, la présidente s’ests’attaquée aux «pessimistes» eninsistant sur les bienfaits de l’évé-nementqui serviront «en premierlieu les Brésiliens». Et d’ajouter :«Amis du monde entier, venez enpaix ! Le Brésil, comme le Christrédempteur [de Rio], a les brasouverts pour vous accueillir tous.»

Jeudi soir, au stade de l’Itaque-rao, les organisateursontprévudelire un court texte du pape Fran-çois. UnArgentin.p

NicolasBourcier

RéouvenRivlin,ardentdéfenseurdelacolonisation,éluprésidentd’IsraëlLe candidat du Likoud (droite nationaliste), qui passe pour un adversaire de M.Nétanyahou, est opposé à la création d’un Etat palestinien

Dansunpaysoùlefootballestroi,voilàlaplusgrandefêtesportiveaumonde

fragiliséeavantmêmed’avoircommencée

UnBrésil«encolèrecontrelui-même»accueille laCoupedumondeLa présidente, Dilma Rousseff, est confrontéeà un brutal ralentissement économique

Rio de JaneiroCorrespondant

Sept ans de préparation, plus deonzemilliards de dollars (environhuitmilliards d’euros) investis,4millions de touristes attendus et93projets d’infrastructures recen-sés: le compte à rebours de la Cou-pe dumonde s’achève et les diffé-rentes institutions dressent leurspremiers bilans. Dans les douzevilles hôtes, la plupart des rénova-tions et travaux d’extensiondesaéroports ne sont pas terminés.En revanche, leur capacité a aug-menté de 36% ces derniersmois.Le réseauhôtelier a gagné 70nou-veaux lieuxde séjour, ce qui repré-sente 5000 chambres supplémen-taires ou 20%d’offre supplémen-taire pour les séjours auBrésil,

selon le quotidienValor.Souventdécriées, les enceintes

sportives, aux infrastructuresvétustes, ont été rénovéeset trèssouvent reliéespour lapremièrefois aux réseauxde communica-tion.Dansdenombreuses capita-les, les opérateursontaugmentédemoitié –mêmesi les expérien-ces sur le terraincontredisent sou-vent les annoncesofficielles – lescapacitésde communication.

Au final, 81 projets d’infrastruc-tures ont été réellement lancés.Denombreux chantiers ont ététoutefois abandonnés en cours deroute, selon lesmédias locaux.«Nous avons commis des erreursde base de gestion», admet PauloResende, coordinateur duCentred’infrastructure et de logistiquede la FondationDomCabral.

«L’événement a permis d’exposernos problèmes chroniques d’orga-nisation et de planification», ajou-te Pedro Trengrouse, directeurmarketing du sport à la FondationGetulioVargas.

Endehorsdesprojets inaugurésmais inachevés, commelemétrodeFortalezaou lebus rapidedeRiode Janeiro reliant l’aéroport auquartier chicde la zoneouestdeBarradaTijuca, des faillesdans lescommunicationspourraient rapi-dementvoir le jour, selondesexperts.«Il est clair que cela incom-mode leBrésil denepasavoir réali-séou livré tout cequi avait étépro-jeté, insiste PauloResende.Maiscela fait partiedenotre quotidien,apprendredenos erreurs et conti-nueràaller de l’avant.»p

N.Bo.

JérusalemCorrespondant

Laprésidence de l’Etat d’Israëln’a pas seulement changé devisage, mardi 10 juin, avec

l’électiondeRéouvenRivlinaupos-te qu’occupait Shimon Pérèsdepuisjuin2007,ellevaaussichan-ger de style et d’orientation politi-que:àceluiquiavaitobtenuleprixNobel de la paix en 1994 pour sesefforts en faveur d’un règlementdepaixaveclesPalestiniens,succè-de un ardent défenseur du «grandIsraël»etde lacolonisation,quin’ajamais caché son opposition à lacréationd’unEtat palestinien.

Ancien président du Parti tra-vailliste israélien, Shimon Pérès alongtemps incarné le «camp de lapaix».Celui-ci estaujourd’hui trèsanémié et le président israélien ade facto servide cautionà lapoliti-quenationalistedupremierminis-tre, Benyamin Nétanyahou,même s’il s’est opposé à lui sur de

nombreux dossiers sensibles, àcommencer par le processusisraélo-palestinien. Les idées deRéouven Rivlin semblent doncdavantage en phase avec celles duchefdugouvernement,maisàpre-mière vue seulement :M.Nétanyahou défend, officielle-ment, le principe de deux Etats, etil est denotoriétépubliqueque lesdeux hommes, qui sontmembresdu même parti, le Likoud (droitenationaliste), ne s’apprécient pas.

Sonélectionpar les 120députésde la Knesset (le Parlement israé-lien) à cette fonction, en principeprotocolaire, a été acquise ausecond tour, par 63 voix contre 53au député Meïr Sheetrit, membredu parti centriste Hatnouah («Lemouvement »), que préside laministre de la justice, Tzipi Livni.

C’est un score plutôt modestepour cet ancien président de laKnesset (de 2003 à 2006 et de2009à2013) qui était donné large-ment favoripar les sondages,mais

qui s’explique par le soutien trèstardif que lui a apportéM.Nétanyahou, ce qui a eu poureffet d’émietter le vote du Likoud.

Au premier tour, trois des cinqcandidats en lice ont été éliminés :l’ancienne juge de la Cour suprê-meDalia Dorner, l’ancienne prési-dentede la KnessetDalia Itzik et lePrix Nobel de chimie Dan Shecht-man. Un sixième candidat, le tra-vailliste Benyamin Ben-Eliezer,ancien ministre de la défense,avait été obligé de se retirer de lacourse présidentielle il y a quel-ques jours, sur fond d’accusationsde corruption. M.Ben-Eliezer auraété la dernière victime d’une cam-pagneélectoralequiaétéfertile encoupsbas de toutes sortes.

Unautre candidat depoids, Syl-van Shalom,ministre de l’énergie,a dû se retirer de la course (alorsqu’il était lecandidatpressentiparM.Nétanyahou), à la suite d’accu-sations de harcèlement sexuel. Endevenant officiellement, à 74 ans,

le10eprésidentd’Israël– ilprendraofficiellement ses fonctions le28juillet–,RéouvenRivlin,person-nage affable et volontiersgouailleur, va donc entamer unecohabitation difficile avec Benya-minNétanyahou.Leurinimitiéestancienne:elle estnotammentdueau caractère indépendant de l’ex-président de la Knesset, ce qui l’aconduit à s’opposer à plusieursreprises à l’actuel premier minis-tre, comme à l’un de ses prédéces-seurs, Ariel Sharon.

Personnage complexeDepuis deux mois, le chef du

gouvernementa tout faitpourbar-rer la route deM.Rivlin, allant jus-qu’à tenter de convaincre ElieWie-sel (qui n’a pas la nationalité israé-lienne) de se présenter. Las, le PrixNobelde lapaix,85ans,a faitsavoirque la fonction ne l’intéressait pas.Une manœuvre précédée par leseffortsdeM.Nétanyahoupourreti-reraufuturprésidentcequiconsti-

tue sa prérogative majeure : lechoix de la personnalité politiquesusceptible de former une coali-tion gouvernementale stable à l’is-suedesélectionsparlementaires.

Le premier ministre envisa-geait la création d’un comité spé-cial qui aurait proposé la nomina-tion automatique du chef du pre-mier parti de la Knesset au postedepremierministre,voirelatrans-formationdurégimeparlementai-re actuel en régime présidentiel.Ce scénario ayant tourné court,M.Nétanyahou redoute qu’en casd’élections anticipées, RéouvenRivlinne favorisepas sa reconduc-tionaupostedechefdugouverne-ment.

Incarnationdeladroitenationa-liste la plus radicale, notamments’agissant de son refus de toutesconcessions territoriales enversles Palestiniens, Réouven Rivlinest un personnage plus complexequ’il n’y paraît, en ce sens qu’il estconsidéré comme un défenseur

desprincipesdémocratiques : il l’aprouvé en s’opposant aux effortsdesesamispolitiquespourostraci-ser lesdéputésarabes israéliens, etaux projets de loi ultranationalis-tes comme celui – cher àM.Nétanyahou – de faire d’Israëll’Etat-nationdupeuple juif.

Israël a un nouveau présidentpourlesseptprochainesannées.Cen’est pas faire injure à l’intéresséquede souligner qu’il ne bénéficie-ra pas de la stature et de l’aura deson prédécesseur : Shimon Pérès,90 ans, est le dernier dirigeant del’époque de la création d’Israël. Il arestauré la réputation de la fonc-tion présidentielle après que celle-ciaététernieparMosheKatsav,quipurgeunepeinede sept ans de pri-son pour viols, et il bénéficie d’unprestige, sur la scène internationa-le comme en Israël, lui confèrantune autorité qui débordait large-mentlecadrehonorifiqueetproto-colairede sa fonction.p

Laurent Zecchini

30123Jeudi 12 juin 2014

Page 4: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

international& europe

- CESSATIONS DE GARANTIE

COMMUNIQUE - 103625En application de l’article

R.211-33 du livre II du code dutourisme,

L’ASSOCIATIONPROFESSIONNELLEDE SOLIDARITE DUTOURISME (A.P.S.T.)

dont le siège est situé : 15, ave-nue Carnot - 75017 PARIS, an-nonce qu’elle cesse d’accordersa garantie à :

KURNOS VOYAGESImmatriculation : IM 02A 11 0010

SARL au capital de 7 500 €

Siège social : K 169 les sablesde Biguglia – 20290 BORGO

L’association précise que la ces-sation de sa garantie prend effet3 jours suivant la publication decet avis et qu’un délai de 3 moisest ouvert aux clients pour pro-duire les créances.

COMMUNIQUE - 103626En application de l’article

R.211-33 du livre II du code dutourisme,

L’ASSOCIATIONPROFESSIONNELLEDE SOLIDARITE DUTOURISME (A.P.S.T.)

dont le siège est situé : 15, ave-nue Carnot - 75017 PARIS, an-nonce qu’elle cesse d’accordersa garantie à :

LES ALIZES AGENCE DEVOYAGES

Immatriculation : IM 075 110 318SARL au capital de 19 200 €

Siège social : 60 rue Lecourbe -75015 PARIS 15

L’association précise que la ces-sation de sa garantie prend effet3 jours suivant la publication decet avis et qu’un délai de 3 moisest ouvert aux clients pour pro-duire les créances.

COMMUNIQUE - 103627En application de l’article

R.211-33 du livre II du code dutourisme,

L’ASSOCIATIONPROFESSIONNELLEDE SOLIDARITE DUTOURISME (A.P.S.T.)

dont le siège est situé : 15, ave-nue Carnot - 75017 PARIS, an-nonce qu’elle cesse d’accordersa garantie à :

CORS’ESCAPADESImmatriculation : IM 02B 12 0005SARL au capital de 19 818.37 €

Siège social : LAMA –20218 LAMA

L’association précise que la ces-sation de sa garantie prend effet3 jours suivant la publication decet avis et qu’un délai de 3 moisest ouvert aux clients pour pro-duire les créances.

COMMUNIQUE - 103628En application de l’article R.211-33 du livre II du code du tourisme,

L’ASSOCIATIONPROFESSIONNELLE DE

SOLIDARITE DU TOURISME(A.P.S.T.)

dont le siège est situé : 15, avenueCarnot - 75017 PARIS, annoncequ’elle cesse d’accorder sa garantieà :

SARL D’EXPLOITATIONDES ETABLISSEMENTS

THALASSA VOYAGESCOSTA VERDE

Immatriculation : IM 02A 12 0010SARL au capital de 7 500 €

Siège social : Lieu-dit MorianiPlage – Centre Commercial

Casino – 20230 SAN NICOLAO

L’association précise que la ces-sation de sa garantie prend effet 3jours suivant la publication de cetavis et qu’un délai de 3 mois estouvert aux clients pour produireles créances.

LondresCorrespondant

L a promotion des valeurs bri-tanniques fondamentalesdans les écoles d’Angleterre

aura le soutien de tous. » Le pre-mier ministre britannique, DavidCameron, s’efforce par cette décla-ration,mardi 10juin, de s’extirperduscandaleprovoquépar lapubli-cation, la veille, du rapport explo-sifd’Ofsted, l’inspectiondel’éduca-tion nationale anglaise, sur la loiislamique imposée par des extré-mistesmusulmansdanssixécolespubliques de Birmingham.

Lescandaleaétérévélé,dansdesconditions rocambolesques, par letruchement d’un vrai-faux docu-ment anonyme envoyé à lamairiede Birmingham, faisant état d’unecampagne orchestrée de groupesd’islamistes ultras pour contrôlerplusieurs écolesde la ville.

Intitulé «Le Cheval de Troie», ledocumentamisaujourunevérita-ble conspiration visant à imposerunordreislamiquedanscesétablis-sements comptant une majoritéd’élèves musulmans. La stratégied’entrisme s’est opérée par le biaisdu conseil des gouverneurs, quiregroupe les responsables de l’éta-blissement, des parents d’élèves etdesmembresde la communauté.

Ofsted fait état du harcèlementconstant des chefs d’établisse-ment et des professeurs nonmusulmansoumusulmansmodé-rés. Garçons et filles ont été sépa-rés dans les classes. Des appels à laprièreontétédiffusésquotidienne-mentparhaut-parleurs.Desdétec-tives privés ont été recrutés pourprendre en filature les élèves afinde débusquer les amourettes et delesrapporterauxparents.Lescour-riels des enseignants rétifs ont étésurveillés. Les écoles ont financésur deniers publics plusieurs pèle-rinages à LaMecque. Les gouver-neurs les plus extrémistes se sontefforcés de bannir l’enseignementde lamusique et des arts.

Les accusations d’infiltrationpar les extrémismes musulmansdes six établissements publics dela deuxième ville du royaume ontprovoqué de vives dissensions au

sein du gouvernement de coali-tion conservateur-libéral-démo-crate. Le ministre tory de l’éduca-tion,MichaelGove, a accusé sa col-lègue de l’intérieur, Theresa May,égalementdedroite,d’avoir ferméles yeux sur les agissements desmilitants islamiques dans les éco-les des quartiers sensibles.

Il a dénoncé l’accent récent misparlesservicesdesécuritéintérieu-redépendantduministèredel’inté-rieur sur la surveillance de jeunesBritanniques engagés aux côtésdes djihadistes en Syrie au lieu desuivre les éléments les plus radi-caux sur le territoirebritannique.

Déjàplacésur ladéfensiveaprèsle score décevant des conserva-teurs, arrivés au troisième ranglors des européennes de mai,DavidCameronseseraitbienpasséde ces graves tiraillements au seinde son propre camp. En outre,Michael Gove et Theresa May nefont pas mystère de leurs ambi-tions de succéder à l’actuel locatai-re de 10 Downing Street, à la têtedes tories en cas de défaite lors desélections générales qui doivent sedérouler auplus tard à lami-2015.

Parailleurs, lapolitiquedel’édu-cation poursuivie par l’équipe aupouvoirdepuis2010estsurlasellet-te. Quatre des six écoles publiquesen question sont des «académies»totalement autonomes des autori-tés locales chargées de la supervi-siondes établissementspublics.

Lancée par le gouvernementBlair au début des années 2000,cetteréformevisantà libérerl’édu-cation et le cursus de la férule des

municipalitésa étépoursuivieparMichael Gove. L’affaire de Birmin-ghammet en exergue le risque dedérivesde ce système laissant tou-te libertéauxécolesdedéterminerleur fonctionnement.

L’opposition travailliste n’apourtant rien à gagner à cette

controverse. Déstabilisé par lareprise économique, le Labourdont le chef, Ed Miliband, estcontesté, n’arrive pas à creuserl’écart avec les tories.

Or, un nombre croissant demusulmans britanniques, alliéstraditionnelsdestravaillistes,sem-ble aujourd’hui tenté par un repliidentitaire. Certains souhaitentpar exemple que la charia (loi isla-mique) soit instaurée dans leszones où leur communauté, enmajorité issue du sous-continentindien, estmajoritaire.

Cetteradicalisation,quesymbo-lise le cas de Birmingham, pour-raitpousser davantaged’électeurs«petitsBlancs»duLabourdans lesbras du parti protestataire antiimmigrationUKIP, hostile au lais-ser-fairemulticulturel.

C’est pourquoi, dans le climatpréélectoral ambiant, droite com-megauches’efforcentdedédrama-tiser cette affaire. La région desMidlands (centre de l’Angleterre),dont Birmingham est le chef-lieu,joueeneffetunrôleclé lorsdecha-que scrutin général. p

MarcRoche

MmeMerkel faitéchouer lemini-sommet«anti-Juncker»EnSuède,lachancelièreallemanderappelleàl’ordreDavidCameronaunomdel’«espriteuropéen»

COLOMBIE

Laguérillade l’ALNprêteànégocier la paixavecBogotaBOGOTA. EnColombie, à cinq jours du second tour de la prési-dentielle, la petite Arméede libérationnationale (ALN, d’obédien-ce castriste) s’est dite prête à négocier la paix. Les partisans duprésident JuanManuel Santos ont applaudi. L’ONUaussi. Candi-dat à un secondmandat, le chef de l’Etat, qui a fait de la paixnégo-ciée unepriorité, a expliqué que les négociations avec l’ALN setiendraient à l’étranger et sans cessez-le-feu sur le terrain.Son adversaire, Oscar Ivan Zuluaga, a dénoncéune «manœuvreélectorale». La droite uribiste a toujours été très critique desnégociationsde paix engagées avec les Forces armées révolution-naires de Colombie (FARC). De source officielle, l’ALN compteenviron 1200hommes en armes; les FARC, 8000.M.ZuluagaaccuseM.Santos de livrer le pays au «castro-chavisme».p

Chili Le gouvernement chilien rejetteun projet géant de barrages en PatagonieSANTIAGODUCHILI. Le gouvernement deMichelle Bachelet arejeté,mardi 10juin, le projet géant deHidroaysen, cinqbarrageshydroélectriques en Patagonie chilienne (sud), en raisonde sonimpact sur l’environnement. «Le comitéministériel a décidé d’ac-cepter les réclamations présentées par la communauté», a décla-ré leministre de l’environnement Pablo Badenier. En gestationdepuis sept ans et porté par le consortiumhispano-chilien Ende-sa-Colbun, ce projet est fortement contesté par les organisationsenvironnementales qui craignent qu’il ne défigure l’undes der-niers paysages vierges de la planète, une régionde forêts, de lacset de glaciers. – (AFP.)

Etats-UnisUn ténor républicainperd une primaire face auTea PartyWASHINGTON. A la surprise générale, le numéro deuxde laChambre des représentants, le républicain Eric Cantor, a été bat-tu,mardi 10juin, lors d’une primaire par un candidat duTea Par-ty. Selon des résultats quasi complets du scrutin dans la septiè-me circonscriptiondeVirginie (est), le professeur d’économieDavidBrat a battu facilement Eric Cantor avec environ 55,5%dessuffrages. – (AFP.)

SoudanduSudSoixante jourspour former ungouvernement de transitionADDIS-ABEBA. Le président du Soudandu Sud, SalvaKiir, et lechef de la rébellion, RiekMachar, ont fixé,mardi 10juin, unedate-butoir de soixante jours pour formerungouvernement de transi-tion, a annoncé le premierministre éthiopien,HailemariamDesalegn. Les pourparlers se tiennent dans le cadre de lamédia-tion de l’Autorité intergouvernementale pour le développement(IGAD) organisation est-africaine. Ce conflit, qui a commencé le15décembre2013 dans ce pays indépendant depuis 2011, a déjàfait plusieursmilliers demorts et 1,3million de déplacés. – (AFP.)

BulgarieLes élections législatives anticipéespourraient se tenir en juilletSOFIA. Le Parti socialiste bulgare (PSB), soutiendugouvernementdupremierministre PlamenOrecharski, s’est prononcé,mardi10juin, pourdes élections législatives anticipées à la fin juillet. LeParti de laminorité turqueMDLadéjà retiré son soutien augou-vernementà proposduprojet de gazoduc SouthStream, soutenupar le PSB,malgré les réservesde l’Union européennes. – (AFP.)

Garçonsetfillesontétéséparésdanslesclassesetdesappelsàlaprière

ontétédiffusésquotidiennementparhaut-parleurs

OldknowAcademy, l’une des six écoles de Birminghamtouchéespar le scandale. CHRISTOPHER FURLONG/GETTY IMAGES

Unrapportrévèlelenoyautaged’écolesbritanniquespardesislamistesLa polémique sur les établissements de Birmingham embarrasse conservateurs et travaillistes

Harpsund (Suède)Envoyé spécial

L’image des premiers minis-tres allemand, britannique,néerlandaisetsuédoisensem-

ble, avec leurpetitgiletdesauveta-ge,dansunebarquesurunlacde laSuède profonde pour ce qui a étéprésentécommeuneréunion, lun-di9etmardi10juin,destinéeàcou-ler la candidature de Jean-PierreJuncker à la présidence de la Com-mission européenne, a fait la joiedes réseaux sociaux. On peut yvoir une parodie de l’événementoù la barque prend l’eau, se casse,etDavidCameron tombe à l’eau.

Lepremierministrebritanniqueaétéen tout casmisenéchecpar lachancelièreallemande.AngelaMer-kel, qui avait puêtre critiquéepourson soutien hésitant au départ àJean-PierreJuncker,atapédupoingsur la table,mardi, aussidiplomati-quementquepossible.Ellearéaffir-mé son soutien au Luxembour-geois: «J’ai dit que M.Juncker étaitmon candidat, que je souhaite qu’ilsoit le président de la Commission.Je l’aiditenAllemagne, je le répète.»

Face à la menace britanniqued’avancer la date du référendumsur le maintien ou non du Royau-me-Uni au sein de l’Union euro-péenne (UE) – prévu en 2017 – siM. Juncker l’emportait, Mme Mer-kel a rappelé à l’ordre sonhomolo-

gue britannique : «Nous ne pou-vons reléguer au second plan laquestion de l’esprit européen. Lesmenaces ne font pas partie inté-grante de cet esprit. Ce n’est pascommecela quenous avons l’habi-tudede procéder.»

La presse suédoise voyait lavenuedestroisdirigeantsenpartiecommeun coupdemain à FredrikReinfeldt à trois mois d’électionslégislatives qui s’annoncent trèscompliquéespourledirigeant sué-dois, aupouvoir depuishuit ans.

«Discussion sur le fond»Mais,depuisplusieurs jours,cet-

te rencontre a été présentée com-meune réunion anti-Juncker, où lepremier ministre britannique,David Cameron, épaulé par sonhomologuenéerlandais,MarkRut-te, et par Fredrik Reinfeldt, devaittenter de convaincre la chancelièreallemande, Angela Merkel, delâcherl’ex-premierministreluxem-bourgeois, candidat du Parti popu-laireeuropéen,laplusgrosseforma-tion au Parlement, pour occuper laprésidencede laCommission.

Pour M.Cameron, la nomina-tion d’une personne non capable«de projeter l’UE vers le futur» neserait «d’aucun secours», considé-rantM. Juncker commeun «hom-me du passé» qui représente uneEurope centralisée et tatillonne.

Les trois hommes comptaient

peut-être sur le cadre bucoliquedela résidence d’été de M.Reinfeldt,au milieu des fermes, des collinesboisées et des vaches, pour ama-douer la chancelière. Ce fut unéchec. L’invitation avait été lancéevoici plusieurs mois, officielle-ment pour rassembler ces quatrepaysquicomptentparmilesmem-bresdel’UElesplusconcurrentiels,les plus réformateurs et qui ontmaintenu l’ordre dans leur écono-miedurant la crise.

Lors de leur conférence de pres-secommune,mardi, lesquatrediri-geants ont réussi à ne pas pronon-cer une seule fois le nom de Jean-Claude Juncker, affirmant l’unaprès l’autre leurprioritédes’inté-resser au contenu : le développe-ment du libre-échange, un budgeteuropéen réformé et la chasse auxabusde la libre circulation.

«Nous, les quatre, sommesinquiets que le choix du présidentde la Commission ne soit qu’unediscussion sur le nom, car noustenons absolument à ce qu’il y aitune discussion sur le fond, ce surquoi cette commission doit seconcentrer, quelle sera sa tâche», aprécisé M.Reinfeldt. Le Suédois atenté de défendre les prérogativesduConseileuropéenquantàlapro-position du candidat au poste deprésident de la Commission.

«Nous sommes convenus quenous devions travailler ensemble

pourcombattre les excèsde la liber-té de mouvement», s’est félicitéM.Cameron. Sans réussir non plusàfaire l’unanimitésurcepointfaceaux réserves des Suédois, attachésà cette libertéde circulation.p

Olivier Truc

4 0123Jeudi 12 juin 2014

Page 5: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

planète

fayard

Au cœurdu pouvoir.Des décisionsqui ont changéle monde.

L’ÉVÉNEMENT

LeprojetBigUconstitueraunebarrièredeprotectionde lapresqu’îledeManhattan. REBUILD BY DESIGN

NewYorkCorrespondant

Deuxans après le passage deSandy, les Etats-Unis vontconsacrer près d’un mil-

liard de dollars (738millions d’eu-ros) au réaménagement des rivesde New York, de Long Island et duNew Jersey, dévastées par le superouragan enoctobre 2012.

Le secrétaire au logement et audéveloppement urbain, ShaunDonovan, et lemaire deNewYork,Bill de Blasio, ont annoncé, lundi2 juin, les noms des lauréats d’unconcours de design, Rebuild byDesign, qui se partageront la dota-tion. Lancé en novembre 2013, ils’agit du plus grand concoursjamais organisé aux Etats-Unis. Ilfait partie des 60milliards de dol-lars débloqués par le gouverne-ment américain après l’ouragan.

«Le problème qui est devantnous est la résilience : protégernotre ville, notre Etat contre leschangements climatiques », aexpliqué Bill de Blasio lors de laprésentationdesprojets.«Sandyaété dévastateur et, franchement,que ce soit la nation comme larégion, nous n’étions pas préparés,a ajouté Charles Schumer, le séna-teur démocrate de l’Etat de NewYork. Celan’arriveraplus, tout sim-

plement grâce à ce que nous fai-sons aujourd’hui », a-t-il promis.

Il s’agit de six projets urbains,dont le plus important, BigU, dotéde335millionsdedollarsconcerne-ra le sud de l’île de Manhattan.Cequartier stratégique, qui abritenotamment Wall Street, est parti-culièrementvulnérableauchange-ment climatique.

Le BigUaura la double voca-tionde protéger des inondations,de plus en plus fréquentes, et detransformer les berges en nou-veauxespacesdevieetdeloisir.Cet-te ceinture urbaine, longue de16km,s’étendradela57eRue,enbor-dure de l’Hudson, jusqu’à BatteryPark, la pointe sud de Manhattan,pour remonter jusqu’à la 42eRueducôté est, le longde l’EastRiver.

AuniveauduquartierduLowerEast Side, il s’agit par exempled’édifier des berges aménagées enespacesdepromenade,de jeux, enpistes cyclables. Des panneaux

éclairants seront disséminés lelongdelaFranklinD.RooseveltDri-ve, la voie rapide qui longe l’Hud-son. En cas de montée soudainedes eaux, ils seront rétractables.

L’idée s’inspire de la High Line,l’ancienne voie ferrée désaffectéequi s’étend de la 13e à la 30e Rue,dont la réhabilitation a métamor-phosé l’urbanisme et la fréquenta-tionduLowerWestSide. Toutefois,il ne s’agit pas, dans le cadre deBigU,des’appuyersurd’anciennesinfrastructures, mais d’ériger denouvellesbarrières deprotection.

L’inondation de la centrale deConEdison,lefournisseurd’électri-cité de Manhattan, située sur la14eRue, avait provoquéune pannede courant qui avait duré plu-sieurs jours et avait coûté plu-sieurs milliards de dollars. BigUproposedetracerunsentierpédes-treausommetdelaberme,unepis-te cyclable au bord de l’eau, ainsi

qu’un réaménagement des bergespourfaciliter lanavigationdeplai-sance et la pêche. Dans les partiesles plus larges, des terrains desport seront construits. Ce qui faitl’originalitéduprojet,c’est lavarié-té des aménagements, conçus enfonctiondesquartiersquececorri-dor de protection traversera.

Il est aussi prévu de construireune digue le long de la rive sud deStaten Island, située au sud-est deManhattan, un projet doté de60millions de dollars. Dans l’Etatvoisin duNew Jersey, 230millionsde dollars seront consacrés à lacréationd’un«quartierderésilien-ce » àHoboken.

Reste une question : le calen-drier de réalisation. Le maire deNew York a assuré que les travauxcommenceraient «dès que possi-ble». «Au cours des quatre ou cinqprochainesannées, vousverrezuneréalitéphysiqueextrêmementdiffé-rentede cette ville », a-t-il assuré.p

Stéphane Lauer

SixprojetspourprotégerNewYorkdelamontéedeseauxDeux ans après le passage de Sandy, les Etats-Unis vont investir1milliard de dollars dans des infrastructures en partie végétales

LeprojetBigUestoriginalparlavariétédesaménagements,conçusenfonction

desquartierstraversés

L epétrole ne coulera pas dansle parc congolais des Virun-ga, le plus ancien site naturel

protégé d’Afrique, l’un des plusexceptionnels aussi par la beautéde ses paysages et la richesse de safaune. La compagnie britanniqueSoco a annoncé, mercredi 11 juin,qu’elle renonçait à y mener touteactivité d’exploration et de forage«àmoinsque l’Unescoet legouver-nement de République démocrati-que du Congo [RDC] décident quecela n’est pas incompatible avec lestatut de site du Patrimoine mon-dial», auquel les Virunga appar-tiennentdepuis 1979.Elles’engageaussi à ne travailler dans aucunautreparc classé.

Ilyapeuderisquesquel’organi-sation internationale prononceun tel avis. Depuis octobre2011,date à laquelle la RDC avait accor-dé au groupe pétrolier, l’autorisa-tiond’explorer«àdesfinsscientifi-ques», seul motif prévu par la loicongolaise sur la protection de lanature pour déroger à l’interdic-tiondepénétrerdansuneairepro-tégée, l’Unescon’acessédedénon-cer cette violation flagrante destraités internationaux qui régis-sent le classement au Patrimoinemondial.

Après la française Total et l’ita-lienne ENI, elles aussi détentricesde concessions pénétrant à l’inté-rieur du parc de 800000 hectaressitué aux frontières de l’Ougandaet du Rwanda, Soco est la dernièrecompagnie pétrolière à se soumet-tre à lamobilisation internationalemenée discrètement par lesbailleurs de Kinshasa et à grandsrenfortsmédiatiques par la sociétécivile: 750000personnesà traverslemondeont signéunepétition enfaveurdelaprotectiondesVirunga.

C’est une victoire pour l’organi-sationnongouvernementaleWWF(Fonds mondial pour la nature),qui avait porté plainte en octo-bre2013 auprès de l’Organisationde coopération et de développe-

ment économiques (OCDE) pour«violationdesnormesderesponsa-bilité sociale des entreprises multi-nationales».

La décision de Soco intervienten effet dans le cadre d’un accordavec l’ONG qui a accepté de retirersa plainte contre cet engagement.«Aujourd’hui est une victoire pournotre planète et pour les bonnespratiques des entreprises, a déclaréle directeur général du WWF,Marco Lambertini ; il est tempsmaintenantpour le gouvernementde la RDC de réaffirmer sa convic-tionque lesVirungaontunevaleuruniverselle exceptionnelle pourl’humanitéentièreenannulanttou-tes les concessions pétrolières che-vauchant les limites duparc.»

140 rangers assassinésLa bataille continue donc. Si le

représentantduWWFenRDC,Ray-mond Lumbuenamo, se ditconvaincu «qu’aucune entreprisepétrolière sérieuse ne prendramaintenant le risque de violer lesVirunga», il est aussi conscientquelaRDC,paysparmilespluspau-vres, a besoind’argent.

L’enjeu pour les défenseurs del’environnement sera de démon-trer qu’il existe une alternative aupétrole pour le développement dela région. La richesse du sous-solalimente les convoitises et la vio-lence. Plus de 140 rangers ont étéassassinés au cours des vingt der-nièresannées.Enavril, ledirecteurdu parc, Emmanuel de Mérode,avait été grièvement blessé.

Selon une étude commandéepar leWWFet financéepar l’Unioneuropéenne sur la «valeur écono-mique duParc national des Virun-ga», lapêcheetl’écotourismepour-raientgénérer400millionsdedol-lars (295millions d’euros) de reve-nuspar an. Et ce sontpasmoins de50000 familles qui vivent autourdu lac Edouard, oùSocoavait enta-médes explorations sismiques.p

Laurence Caramel

L’explorationpétrolièredansleparccongolaisdesVirungavaêtrestoppéeSous la pression des ONG, Soco se retire du siteclassé au Patrimoine mondial de l’Unesco

50123Jeudi 12 juin 2014

Page 6: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

france

Comment faire plus avecmoins? C’est, une nouvellefois, la périlleuse équation à

laquelleestconfronté legouverne-ment à l’occasion de la présenta-tionduprojetdeloidefinancesrec-tificative (PLFR), mercredi 11 juinenconseildesministres,quiprécè-de d’une semaine celle du projetde loi de financement rectificativepour la Sécurité sociale (PLFRSS).

Les deux textes sont liés puis-qu’y figurent les premièresmesu-res prévues dans le cadre du pactede responsabilité, prenant effet en2014 ou en 2015. Avec, notam-ment, lamesurederéductiond’im-pôtquibénéficiera,dès septembreau titre de l’impôt sur le revenu2013, à 3,7millions de ménages,dont 1,9million sortiront de l’im-pôt ou éviteront d’y entrer. C’estplus que les 3,2millions annoncésle 15mai parManuel Valls. Le coûtde lamesures’élèveraà 1,1milliardd’euros.

Au total, ce sont 10,1milliardsd’euros d’allégements (6,5mil-liards en faveur des entreprises oudes artisans et indépendants,3,6milliards en faveur des ména-ges)quifigurentdanscesdeuxtex-tes. Dans le même temps, le gou-vernement a dû revoir à la baisseses prévisions de recettes pour2014, enprenant en compte l’écartconstaté par rapport aux prévi-sionsen2013 (LeMondedu29mai)et la croissance nulle enregistréeaupremiertrimestre.Cequientraî-ne une correction à la baisse de5,1milliards d’euros par rapport àcequiavaitétévotéenloidefinan-ces initiale.

La bonne nouvelle, pour le gou-vernement, se situe sur le front dela dette. Grâce à des taux d’intérêtquiontatteintleurplusbashistori-que, la chargede ladettepour2014– bien que celle-ci continue à croî-tre – devrait être inférieure de1,8milliard d’euros à ce qui avaitété prévu. Une petite boufféed’oxygène. Moyennant quoi, legouvernement n’en est pasmoinscontraintdeprocéder àdenouvel-les réductions de dépenses pourparvenir en fin d’année à un défi-cit de 3,8% du produit intérieurbrut, objectif déjà révisé par rap-portà la loide finances initiale,quiprévoyait 3,6%.

Impôtréduitpour3,7millionsdefoyers

Le premier ministre avaitannoncé, le 15mai, «une mesureforte» de réduction d’impôt enfaveur des ménages modestes. Ils’agissait avant tout d’éviter quel’effetcumulédediversesmesuresfiscales portant sur les revenus de2013 (baisse du plafond du quo-tient familial, intégration de lamajoration de 10% des pensions,fiscalisation des cotisations decomplémentaire santé prises encharge par l’employeur, suppres-

siontotalede lademi-partpour lespersonnes seules, refiscalisationdes heures supplémentaires…)n’entraîne une entrée massivedans l’impôt sur le revenu ou desaugmentations d’impôt pour desménagesmodestes dont le revenuserait resté stable.

Le gouvernement avait fait lechoixd’uneréductiond’impôtfor-faitaire de 350euros pour un céli-bataire percevant 1,1 smic,700euros pour un couple perce-vant 2,2smic, majorés en fonctiondu nombre de parts de quotientfamilial.Dansleschémainitial,cet-te réduction devait bénéficier à3,2millions de ménages, permet-tant à 1,8million de personnes desortir de l’impôt ou de ne pas yentrer et à 1,4million d’autres devoir leur impôt baisser, pour uncoût global de 1milliard d’euros.

Le gouvernement a dû tenircompte des observations duConseil d’Etat sur l’effet de seuilbrutal que cela entraînerait pourles ménages aux revenus situésjuste au-dessus de la limite. Il a étéconduit à aménager le dispositifavecunesortie«ensifflet»quiper-mettra en définitive à 3,7millionsde ménages d’en bénéficier, pour

uncoûtde 1,1milliardd’euros. Cet-te réduction interviendra dès sep-tembre, au titre de l’impôt sur lerevenude 2013.

Enoutre, dans lePLFRSS, figure-ra une mesure d’allégement descotisations sociales pour tous lessalariés rémunérés entre 1 et1,3smic, qui prendra effet à partirdu 1er janvier2015. Cette mesurecoûtera 2,5milliards d’euros.

Premièresmesurespourlesentreprises

En supplément du crédit d’im-pôt compétitivité emploi (CICE),dont les premiers versements ontété effectués depuis le mois demai, les entreprises vont bénéfi-cier,dès 2015, de6,5milliardsd’eu-ros d’allégements de charges oud’impôts.

Touteslesentreprises,sanslimi-tation de seuil, et donc en dessousouau-dessus de 20salariés, serontexonérées à partir du 1er jan-vier 2015 de cotisations socialespourlessalariéspayésausmic.Cet-teexonérationseradégressive jus-qu’à 1,6smic. Ce dispositif repré-senteuncoûtde4,5milliardsd’eu-ros en 2015.

Les entrepreneurs indépen-dants(artisans,commerçants,pro-fessions libérales ou agricoles)dont le revenu est inférieur ouégal à 3smic nets annuels (un peuplus de 40000euros) bénéficie-ront également d’une exonéra-tiondescotisationsfamiliales.Cet-teexonérationseradégressive jus-qu’à 3,8 smic nets annuels. Autotal, 2,7millions d’indépendantsdevraientbénéficierdecettemesu-re, qui représente un coût de 1mil-liardd’euros.

Enfin, sera mise en œuvre en2015 lapremièreétapedesuppres-sion de la contribution sociale desolidarité des sociétés (C3S). Celle-ci concernera les entreprises dontle chiffre d’affaires est inférieur à3,25millions d’euros. Elle consisteen un abattement maximum de5200 euros, le montant médianactuel étant d’environ 3000euros. De ce fait, pratiquementdeux entreprises sur trois seronttotalement exonérées de C3S dès2015, ce qui représente 1milliardd’eurosd’impôt enmoinspour lesentreprises.

En revanche, la suppression dela surtaxe d’impôt sur les sociétésest retardée d’un an.

4milliardsd’eurosd’économies

Le PLFR et le PLFRSS compor-tent également un volet d’écono-mies supplémentaires de 4mil-liards d’euros. L’Etat contribuera àhauteur de 1,6milliard d’euros. Leniveau de dépenses de l’Etat vadonc être abaissé de 278,5mil-liards d’euros initialement prévusà 276,9milliards d’euros. S’ajou-tant à celles qui étaient déjà pro-grammées, ces économies s’élè-vent à plus de 3,3milliards d’eurospar rapport à la loi de finances ini-tiale pour 2013.

Ellesprennent la formed’annu-lations de crédits qui toucheronttous les ministères. Ces annula-tions portent non seulement surlesmarges de sécurité constituéesen début d’année mais aussi surdes crédits qui n’avaient pas étémis en réserve, à hauteur de 1mil-liard d’euros. Les opérateurs et lesagences de l’Etat (Météo France,CNRS…) vont également êtremis àcontribution. Le programme d’in-vestissement d’avenir va enfinêtre réduit de 400millions d’eu-ros en 2015.p

P. Rr

148 av. Malakoff75116 PARIS

50 av. d’Italie75013 PARIS

247 rue de Belleville75019 PARIS

01 42 08 71 00 7j/7

Détails sur www.mobeco.comLivraison et Installationgratuite en France

Confort & DesignMatelas - Sommiers

A DECOUVRIRLe Confort I.D.E.A.L

A PRIX DE LANCEMENT

Unebaissed’impôtpour3,7millionsdeménagesSelon le PLFR, la réduction concernera 500000 foyers supplémentaires par rapport à l’annonce initiale de M. Valls

Desdiscussionsserréesavecles«frondeurs»socialistes

1,6 milliard d’euros d’économies supplémentaires en 2014Défense

Education nationale, enseignement supérieur et recherche

Finances et comptes publics

Travail, emploi et dialogue social

Ecologie, développement durable et énergie

Intérieur

Affaires étrangères et développement international

Justice

Economie, redressement productif et numérique

Culture et communication

Affaires sociales et santé

Logement et égalité des territoires

Décentralisation, réforme de l’Etat et fonction publique

Services du premier ministre

Agriculture, agroalimentaire et forêt

Droits des femmes, ville, jeunesse et sports

Outre-mer

Les mesures phares du projet de loiMONTANTDES ANNULATIONS DE CRÉDITS PAR MINISTÈRE, en millions d’euros

SOURCE : MINISTÈRE DES FINANCES

350

189

150

127

113

94

90

73

70

69

63

59

46

42

34

25

6

Impôtsur le revenu

avant la réforme

Revenu mensuel Impôtsur le revenuaprès la réforme

1 232 €

3 081 €(salaire net

globalà deux)

1 200 €(pension

pour chacun)

Prime pour l’emploi :410 €Restitution : 47 €

Prime pour l’emploi :410 €Restitution : 397 €

a UN SALARIÉ CÉLIBATAIRE

a UN COUPLE D’ACTIFSAVEC DEUX ENFANTS

a UN COUPLE DE RETRAITÉS

363 €

849 €

1054 € 354 €

149 €

13 €

TROIS CAS DE SIMULATION DE RÉDUCTION D’IMPÔT SUR LE REVENU

DÈSMERCREDI 11 juin, à la sortiedu conseil desministres,MichelSapin,ministre des finances, etChristianEckert, secrétaire d’Etatchargédubudget, devaient êtreauditionnéspar la commissiondes financesde l’Assembléenatio-nale. La discussion en séanceduprojet de loi de finances rectificati-ve (PLFR) commencera lundi23juin et celle duprojet de loi definancement rectificative pour laSécurité sociale (PLFRSS) le 30juin.

Mardi,M.Sapin apuprendre latempérature à la réuniondugrou-pe socialiste, dans une ambiance«tendue», selonplusieurs partici-pants. La veille, les «frondeurs»avaient rendupublique leurplate-forme. Jean-MarcGermain (Hauts-de-Seine) et Pierre-AlainMuet(Rhône) se sont exprimés les pre-miers, réclamantundébat defond, notamment sur les 41mil-

liards d’euros d’allégements dontbénéficieront les entreprises.D’après Laurent Baumel, «il yavait un silencemortifère pendantleurs prises de parolemais person-nene nous a contredit sur lefond». «Nous sommes plus quejamais déterminés à défendre nosamendements jusqu’aubout»,assure le député d’Indre-et-Loire.

«Le gouvernement pense quenous sommes dans unemanœu-vre politiquemais il se trompe.Nous souhaitons une inflexion surle fond, renchérit Pascal Cherki(Paris).Nous proposons de réorien-ter le pacte à enveloppe constante.Nous demandons de la politique,onnous réponddiscipline.»

Lapartie s’annonce serrée avecces députés socialistes qui contes-tent l’orientation dugouverne-ment. Le premierministre,ManuelValls, devait recevoir,mer-

credi en fin de journée, quelques-unsde leurs représentants.Maisdequellesmarges demanœuvredispose-t-il? «Soit on discute et onva vers un vote à peuprès assurémais si on discute avec des gensqui remettent tout en cause, qu’onlâche 200, 300ou400millionspour qu’au final ils ne votent pas,ce n’est pas la peine», confie unmembre dugouvernement.

«Améliorations»En tout état de cause, la bataille

au sein de lamajorité n’est pasgagnée d’avance. Le gouverne-ment a fait savoir aux responsa-bles du groupe socialiste qu’il leurlaisserait en cours de discussionl’initiativede quelques «améliora-tions». Les députés duPSdevraient notammentporter unamendement qui permettra, dansl’immédiat, de prolonger l’exoné-

rationde la taxe d’habitationpour les contribuables qui enétaient exonérés l’an passé. Cettemesuren’aura pas d’incidencebudgétaire en 2014 puisque l’Etatcompense l’année d’après.

Demême, le gouvernementpourrait envisagerde revenir surlegel des indemnités d’accidentdu travail et d’invalidité. Enfin, legroupedevrait soumettreunamendementquipermettra, pardécret, d’augmenter la réductionde cotisations sociales pour lesemplois àdomicile. Fixée à0,75centimede l’heure, elle pour-rait êtreportée à 1,50euro.Mais les«cadeaux»dugouvernementnedevraientpas aller beaucoupplusloin.«Onadéjà fait beaucoup, onnepeutpas plus», assure l’exécu-tif. Pas sûr que cela suffise.p

HélèneBekmezianetPatrick Roger

6 0123Jeudi 12 juin 2014

Page 7: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

33 boulevard Malsherbes 75008 ParisTel : 01 56 88 56 [email protected] www.croisssanceplus.com

Halte au choc de complexité !Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre,Vous le savez, la croissance des entreprises est le seul levier de création de richesse et d’emplois pour

notre pays.

Pacte de responsabilité et de solidarité, baisse de la dépense publique, annonces d’allègement des charges,

choc de simplification... les déclarations fortes à l’attention des PME et ETI se multiplient. Les entrepreneurs

de CroissancePlus ont été sensibles à vos annonces... mais sont aujourd’hui terriblement déçus qu’à peine

prononcées, elles soient déjà remises en cause.En effet, vous annoncez sans cesse de nouvelles obligations pénalisant le développement des entreprises

et qui pour certaines sont dramatiques :

L’obligation d’informer les salariés des PME en cas de cession de l’entreprise remettra en

cause la confidentialité d’une telle opération entrainant une déstabilisation du personnel,

des inquiétudes chez les clients et fournisseurs et pouvant faire échouer l’opération ;

ce qui aggraverait la situation de l’entreprise.Le temps partiel de 24 heures hebdomadaires minimum va rigidifier encore un peu plus

l’organisation du travail entrainant un ralentissement des embauches... voire des

destructions d’emplois.La création d’un “compte personnel de prévention de la pénibilité” : sa mise en œuvre

va être d’une complexité effroyable, et elle créera inévitablement des inégalités entre

les salariés selon les secteurs d’activités.La réforme de l’inspection du travail : tous les entrepreneurs estiment que ces dispositions

vont à l’encontre d’un esprit de dialogue en transformant clairement l’inspection du travail

en “police anti-entreprises”.La nouvelle loi sur les stages fait abstraction des attentes des jeunes et des engagements

des entreprises : faire du stage un excellent outil d’entrée sur le marché du travail.La mise en œuvre de toutes ces dispositions qui s’ajoute à un cadre déjà extrêmement lourd va entraîner

une aggravation de la situation des entreprises déjà très difficile avec des coûts de gestion administrative,

qui représenteront autant d’investissements en moins pour le développement de nos entreprises.

Alors que vous annoncez un acte de confiance pour tous les acteurs économiques de notre pays,

ces mesures traduisent une erreur complète de diagnostic, une réelle défiance envers les entreprises

et vont à l’encontre de l’intérêt général.Les entrepreneurs de CroissancePlus vous demandent donc solennellement de renoncer à toutes ces

nouvelles contraintes car il n’y aura pas de croissance sans confiance et pas de confiance constructive

sans liberté.

Mettez en cohérence vos paroles et les actes de votre gouvernement et laissez-nous créer les emplois

dont la France a besoin et que tous vos concitoyens attendent.

Stanislas de Bentzmann, Présidentet tous les entrepreneurs de CroissancePlus

Page 8: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

france

HervéMorin:«Nousn’avonspasbesoind’unpartiuniqueàdroite»- CESSATIONS DE GARANTIE

LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRETD’APPLICATION N° 72-678 DU 20

JUILLET 1972 - ARTICLES 44QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré– 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex08 ( RCS Paris 414 108 708), succur-sale de QBE Insurance (Europe) Limited,Plantation Place dont le siège social est à30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,fait savoir que, la garantie financière dontbénéficiait la :

ADRG MARKETINGINTERNATIONAL SARL

20 Rue du Chasnot25000 BESANCON

SIREN : 334 579 513depuis le 1er janvier 2006 pour ses activitésde :TRANSACTIONS SUR IMMEUBLESET FONDS DE COMMERCE cesserade porter effet trois jours francs aprèspublication du présent avis. Les créanceséventuelles se rapportant à ces opérationsdevront être produites dans les trois moisde cette insertion à l’adresse de l’Etablis-sement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Ilest précisé qu’il s’agit de créances éven-tuelles et que le présent avis ne préjuge enrien du paiement ou du non-paiement dessommes dues et ne peut en aucune façonmettre en cause la solvabilité ou l’honora-bilité de la SARL ADRG MARKETINGINTERNATIONAL.

L’heure était grave. On disaitl’UMPendangerdemort, à lasuiteduscandaleBygmalion.

Le parti de droite a finalementtrouvéuncompromispourpallierla vacance du pouvoir provoquéepar la démission de Jean-FrançoisCopé,quidoitquitter latêtedupar-ti au 15 juin. Comme prévu, AlainJuppé, François Fillon et Jean-Pier-re Raffarin vont assurer l’intérimjusqu’à l’élection d’un nouveauprésident, à l’automne.

La surprise, c’est que cette direc-tion collégiale va être assistée d’unsecrétairegénéral, LucChatel.Cettesolution de sortie de crise a étéadoptée à l’unanimité, mardi10juin, lors d’un vote du bureaupolitique,quiaréuni lacinquantai-ne de ténors de l’UMP. Les deux

campsantagonistes (sarkozystesetcopéistesfaceauxfillonisteset jup-péistes) ont réussi à semettre d’ac-cordaprèsdeuxheuresdenégocia-tions, dansuneambiance tendue.

Les trois anciens premiersministres ont déminé la situationen proposant, dès le début de laréunion, de nommer Luc Chatel àleurs côtés pour administrer lemouvement. Cette décisionrépond à une exigence des sarko-zystes, qui réclamaientM.Chatel àla tête du parti pour assurer l’inté-rim,enfaisantvaloirquecettepla-celuirevenaitentantquevice-pré-

sident délégué de la précédentedirection. Le camp Sarkozy plai-dait en sa faveur en espérant qu’ilréduise l’influence du triumvirat.Lespartisansdel’ex-présidentsus-pectent en effet MM. Juppé etFillon,quivisenttousdeuxlaprési-dentielle, de vouloir mettre lamain sur l’appareil pour gêner leretourdeNicolas Sarkozy.

Au départ, MM. Juppé et Fillonne voulaient pas avoir Luc Chatel–ancien soutien de Copé – dansleurs pattes. Mardi midi, ilss’étaient mis d’accord sur uneligne très ferme, qui consistait àexiger la direction transitoire«pleine et entière», sans Luc Cha-tel. Puis, après s’être entretenusavec M.Raffarin, qui campait surune ligne plus modérée, ils ontaccepté la nomination de l’ex-ministre de l’éducation commesecrétaire général. D’autres secré-taires généraux adjoints serontbientôt nommés.

Autre concession faite auxsarkozystes: le report de l’électionà la présidence de l’UMP, pourlaquelle l’ex-président semble sepréparer. D’abord prévu le 12octo-bre, le congrès aura finalementlieu « au plus tard en novem-bre2014», selon le texte de la réso-lution adoptée à l’unanimité. Auxyeux des sarkozystes, cette déci-sionpermetà l’ancienchefdel’Etatd’avoir davantage de temps pourorganiser sa conquête du parti etpeaufiner sa stratégie de retour.

Maisletriumviratgarde l’essen-tiel : le contrôle du parti. Pendantles cinq prochains mois, les«pachas» vont en assurer la direc-tion, alors que Luc Chatel devragérer l’intendance. «Ce sont euxqui ont le pouvoir exécutif. Ils ontreçu un mandat leur permettant

de prendre les décisions adminis-tratives et financières urgentes.C’est l’essentiel pour nous», seréjouit un filloniste.

Le trio va devoir rendre descomptesaubureaupolitiqueàcha-quedécisionmajeure.Maiscelanel’empêcherapasde jouird’unecer-taine liberté demouvement: il vanotammentpouvoir examiner lescomptes du parti en lançant dèslundi 16juin un audit financier. Ilvaaussipouvoirproposer lanomi-nation d’un nouveau trésorier, enremplacement de la copéisteCatherine Vautrin. «Disposer deséléments comptables du parti estun vrai avantage stratégique pourJuppé et Fillon. Cela peut leur per-mettred’avoirconnaissancededos-siers sensibles mettant en causeCopé, voire Sarkozy», décrypte uncadreduparti.

AutreprivilègepourMM.Juppéet Fillon : celui d’organiser la pro-

chaine élection à la présidence del’UMP, en ayant la garantie que lescrutinsedérouleraentoutetrans-parence. Leurpouvoir denommerdenouvellespersonnes«indispen-sables à la vie du mouvement »peut également leur permettre depousser vers la sortie des soutiensde MM.Sarkozy et Copé. Le direc-teur général de l’UMP,Eric Cesari,considérécommel’œilde l’ex-pré-sident au parti, est clairementdans le viseur. Le trio va égale-ment pouvoir consulter le fichierdesmilitants, disposer de collabo-rateurs…

La constitution du triumvirat asurtout modifié le rapport de for-ce interne, enpoussantMM.Juppéet Fillon à se rapprocher pourmieux contrerM.Sarkozy, le favo-ri desmilitants. «L’alliance Juppé-Fillon a bien fonctionné et préfigu-re peut-être un dispositif électo-ral», relèveun filloniste.«Juppé et

Fillon se serrent les coudes, car ilsont compris que c’était leur seulechancede résisterà Sarkozy,analy-seuncadreduparti.Chacunappor-te à l’autre ce qu’il n’a pas : Fillonprofite de l’autorité de Juppé, qui,lui, profite de l’opposition radicalede Fillon.»

L’UMP peut désormais se tour-ner vers son prochain congrès. Lebureau politique a déjà acté qu’iln’y auraitpasdenouveauvote surles motions. Celles qui ont étévotéesennovembre2012perdure-ront jusqu’en 2017. La droite nes’épargnera pas, en revanche, unenouvelle campagne pour la prési-dence du parti. Le député HervéMariton et Bruno Le Maire sontdéjà candidats déclarés. FrançoisFillon, lui,n’exclut«rien».QuantàAlainJuppé, il souhaiterait impo-serque le futurprésidentde l’UMPne soit pas candidat à la primaireprésidentielle. Mais M.Sarkozy ne

l’entend pas de cette oreille.D’aprèssesproches, il a l’intentiondebriguer latêteduparti,afind’enfaire une rampe de lancementvers 2017, sans passer par la caseprimaire.

Certains ténors jugent lematchplié d’avance. «Sarkozy est sûr del’emporter en seprésentantdevant

les adhérents de l’UMP. Il l’a biencompris et adonc faitmouvement,en contournant la ligne Maginotérigée par ses rivaux. Une fois qu’ilaura repris le parti, plus rien nepourra l’arrêter », anticipe unancien ministre, amer. C’est pourcette raison que les sarkozystesn’ont pas bataillé lors du bureaupolitique. « Le vrai enjeu estailleurs», confie l’un d’eux, pen-santdéjàaucongrèsde l’automne.D’aprèssesproches, l’ex-présidentest très détendu depuis qu’il aper-çoit sa piste d’atterrissage.

L’UMPresteencrise. Ellen’a faitqu’éviter le pire, en se donnantcinq mois d’oxygène. Mais rienn’est réglé : les questions de la pri-maire et de la ligne politique res-tentà trancher. Laguerredeschefsnepeutques’exacerberdansl’opti-que de 2017. Et dans l’immédiat, leparti risque d’être confronté à degravessoucisfinancierset judiciai-res, dont unemise en examen, entant que personne morale, dansl’affaire Bygmalion.p

Alexandre Lemarié

Letriumviratvanotammentpouvoirexaminerlescomptesdupartienlançantunaudit financier

dèsle16juin

D’aprèssesproches,M.Sarkozycompte

briguerladirectiondupartienvuede2017sanssesoumettre

àlaprimaire

Laguerredesténorsdel’UMPn’apaseulieuLetrioJuppé-Fillon-Raffarin estchargé dedirigerleparti jusqu’aucongrès,cetautomne

L’UNIONdes démocrates et indé-pendants (UDI) se prépare à tour-ner la page Jean-Louis Borloo.Samedi 14juin, le parti du centre-droit réunira son conseil nationalà Paris. Auprogramme: la prépa-rationdu congrès de novembre etles relations avec le parti frère, leMoDemde François Bayrou.

Concernant le congrès, «les cho-ses sont à peuprès claires», expli-que auMondeHervéMorin, prési-dent du conseil national de l’UDI.«Certains demandaient une prési-dence tournante.Mais onne peutpas se priver d’une élection par lesadhérents. Unparti, c’est aussi unvisage.Même si la culture du chefn’existe pas au centre, onne peutpas s’en priver», indique le députéde l’Eure, président duNouveauCentre, composante de l’UDI.

Par ailleurs, les statuts dupartiprévoyaient une électiondans les

quatremois suivant la démissionde Jean-Louis Borloopour raisonsde santé, début avril. La date avaitdéjà été repoussée en raisondesélections européennes.

Le nouveauprésident de l’UDIsera élupar les adhérents par «cor-respondanceà partir d’un fichiercontrôlé par une commission arbi-trale, indiqueM.Morin. Il n’y aurapas de paiement en espèces, seule-ment en chèque et carte bleue.»Cette règle a été clairementdéci-dée pour éviter la tentation de fai-re des fausses cartes et de bourrerles urnes. Et pour empêcher touteéventualité de fraude, unhuissiercontrôlera le vote.

L’organisationdu congrès adéjà commencé à ouvrir des appé-tits. Si lemaire deNeuilly (Hauts-de-Seine), Jean-Christophe Fro-mantin, est le seul candidat offi-ciellement déclaré, d’autres sont

dans les starting-blocks, notam-mentHervéMorin et Jean-Christo-phe Lagarde, député de Seine-Saint-Denis, et peut-être JeanArthuis, sénateur de laMayenne.

D’autre part, le Parti radical,composante de l’UDI, doit choisird’ici à fin juinun successeur àJean-Louis Borloo, qui présidait leplus vieuxparti de France. Le duelse joue entre LaurentHénart,mai-re deNancy, et RamaYade, ancien-neministre deM.Sarkozy. Si lesdeuxassurent qu’ils ne brigue-ront pas la tête de l’UDI, nul n’ex-clut une candidature surprise.

«Obsessionmortelle»SiM.Morin refuse de confir-

mer sa candidature à la présiden-ce de l’UDI, il n’en dresse pasmoinsunportrait-robot du leaderidéal qui ressemble trait pourtrait à la nouvelle image qu’il veut

donnerde lui : «Il faut une candi-dature qui ne soit pas une aventu-re personnelle. Il ne faut pas que leprésident de l’UDI soit obsédé parla présidentielle, car c’est uneobsessionmortelle.»

M.Morin rejette les appels deceuxqui, à l’UMP, plaident pourla fondationd’un grandparti de ladroite et du centre. «L’UDI n’estpas “opéable”. Il faut un parti dedroite fort et unparti du centrefort. On n’a pas besoin d’unpartiunique, qui a déjà démontré tou-tes ses limites. Regardez les leadersde l’UMP: aucunn’est issu du cen-trisme, ils viennent tous duRPR»,rappelleM.Morin.

La questionde la participationd’un candidatUDI àune grandeprimaire de la droite ou celled’une candidature centriste aupremier tour de la présidentiellede 2017 n’est pas tranchéenon

plus. «Pour répondre à cette ques-tion, il faut savoir si l’un d’entrenous est crédible pour être candi-dat. Pour l’instant, ce n’est pas uneévidence. Et une candidature dupremier tour risque denous élimi-ner du second», indiqueM.Morin.

Enfin, concernant les rapportsavec leMoDem,une solutionmédianedevrait être adoptéesamedi. Il est hors de questiondefusionner l’UDI et leMoDemmaisle compagnonnage entamé fin2013 et qui a porté ses fruits auxeuropéennesne peut pas êtreabandonnénonplus. «Il faut trou-ver une lignede crête. Un rappro-chement rapide n’est pas souhaitépar la base. Il faut que l’on organi-se des rencontres thématiques,une dizaine par an, pourmettre enplace des propositions commu-nes», avanceHervéMorin.p

AbelMestre

LucChatel,«lepluspetitdénominateurcommun»

Alain Juppé, Luc Chatel et François Fillon, au siège de l’UMP, à Paris, le 10 juin. CYRIL BITTON/FRENCH-POLITICS POUR «LE MONDE»

IL SERETROUVE,presqueparhasard, aucentredu jeu.A49ans,LucChatel estpropulsé secrétairegénéral de l’UMPpour administrerleparti suiteà ladémissionde Jean-FrançoisCopéau 15juin. Lebureaupolitiqueadécidé,mardi 10juin,deconfier audéputédeHaute-Mar-ne laboutique jusqu’au congrèsprévuà l’automne, sous l’autoritédu triumvirat Juppé-Fillon-Raffa-rin, quiassure ladirectionprovisoi-re.Concrètement,M.Chatel com-ble levide juridique causépar ledépartdeM.Copéetvadisposer dela signaturepour régler les factu-resou les salairesdespermanents.

Rienneprédestinait ceperson-nage falot àoccuperde telles fonc-

tions.Mais la crise traverséeparsonparti et les enjeuxdepouvoirinternes l’ontpropulsé à la tête del’UMP.«Comme il est leplus petitdénominateur commun, il seretrouve,malgré lui, l’homme-clé»,observeun ténor.«C’est lanouvel-le star à l’insude sonpleingré», semoqueunautre.

Les sarkozystesontpoussé sanomination, enespérantque cetancienballadurien saura réduirel’influenceduduo Juppé-Fillonaucœurde l’appareil.NadineMoranoamêmeexigéque l’ex-ministredel’éducation soit le seul capitaine àborddunavireUMP.Pour elle, ilétait logiquequecelui quioccu-pait lepostedevice-présidentdélé-

guédans laprécédentedirectionassure laprésidencepar intérim,conformémentauxstatuts.Maisleprincipal intéressé a accepté lasolutiondecompromisproposépar les «pachas» : il seradoncsecrétairegénéral, sous leur coupe.

InsaisissableL’ancienmaire de Chaumont,

qui s’est réjoui de faire partied’une équipe pouvantœuvrer au«rassemblement», aura une nou-velle fois fait preuve de souplesse,en essayant de contenter les unset les autres. Sans faire de problè-me. «Etre bien avec tout lemonde,c’est l’histoire de sa vie», ironiseun ex-ministre. Si tous les diri-

geants de l’UMPle décrivent com-meunbon camarade, «sympa»,beaucoup leprésentent aussi com-meunhomme faible, aussi oppor-tuniste qu’insaisissable, en rappe-lant qu’il avait fait des offres deservice àM.Fillonpour l’électionà la présidence de l’UMP, àl’automne2012, avant de finale-ment rejoindreM.Copé. PuisM.Chatel a rapidement pris sesdistances avec lemaire deMeauxlors de la guerre interne.

Mais l’ancienDRHde L’Oréal aaussi les qualités de ses défauts : ilne cultive pas d’ambitions prési-dentielles et peut dialoguer avecles différentes écuries du parti. Enseptembre2013, il avaitmêmepar-

ticipé à toutes les rentrées desténors de l’UMP (Jean-FrançoisCopé, François Fillon et les AmisdeNicolas Sarkozy) pour se posercomme «un facteur d’unité». Cepositionnement a payé: sonpro-fil consensuel l’a rendu accepta-blepar tous. Avec le trio, la cohabi-tationdevrait se passer en dou-ceur, vue la conceptiondupou-voir de ce proche deM.Raffarin,qui fait partie des centristes del’UMP. «Chez nous, le fonctionne-ment doit être collectif et nonpyra-midal», confiait-il enmars, esti-mant que «la démocratie partici-pative est une excellentemanièrede fonctionner».p

A. L.

8 0123Jeudi 12 juin 2014

Page 9: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

france

34 avenue Montaigne, Paris 890 rue du Faubourg St-Honoré, Paris 8

153 boulevard St-Germain, Paris 6www.parfumscaron.com

PA R F U M É T E R N E L

LE JOYAU DE LA MAISON CARON CÉLÈBRE SON 80e ANNIVERSAIRE

Le secrétaire général adjointde l’Elysée, EmmanuelMacron, quittera ses fonc-

tions, et son bureau d’angle audeuxièmeétagedel’Elysée,dans lapremière quinzaine de juillet.

Pour le remplacer, M.Hollandefait appel à une spécialiste de lafinance internationale, LaurenceBoone. Responsable de la recher-che économique à la banque Bar-clays, puis chez Bank of AmericaMerrill Lynch, Mme Boone fusti-geait encore, le 26mai, dans L’Opi-nion,«l’absencedepolitiqueécono-mique crédible » du gouverne-ment. Elle estnommée conseillèreéconomique et financière. Subtileévolution de la géopolitique ély-séenne,ellen’héritepasdutitredesecrétairegénéraladjointdévoluàson prédécesseur. Le profil – trèsfinancier, budgétaire et européen– du nouveau secrétaire général,Jean-Pierre Jouyet, ne le justifiaitpas, aux yeuxdu chef de l'Etat.

François Hollande et Emma-nuel Macron, son principalconseiller économique, s’étaientaccordés en avril sur la date dedépart de ce dernier, et ce «demanièreouverteetdétendue», indi-queuncollaborateurduprésident.«C’est un choix commun», expli-que auMondeM.Macron.

Enarque,anciengérantà laban-que Rothschild, M.Macron, sans

aucun doute le conseiller vedettedustaffprésidentiel,officiaitcom-me sherpa économique dans lessommets européens. Il a aussi, etsurtout, fortement pesé dans ledévoilement progressif deM.Hol-landeen faveurd’unepolitiquedel’offre.Aupointd’être rapidementconsidéré comme l’hémisphèredroit, ou du moins social libéral,du cerveau présidentiel. Le pactede compétitivité et le pacte de res-

ponsabilité, respectivementannoncés en 2012 et début 2014,comme le plan d’économies de50milliards, portent samarque.

«Jeparsserein. Iln’yapasdetra-hison des idées auxquelles je pou-vais croire», relève-t-il. Sa sortie,pourtant, s’avère politiquementdélicate. A l’Elysée, l’on assurequ’il ne dirigera pas une entrepri-se française – «quelle qu’elle soit»–, et qu’il s’astreindra, pour untemps,àunepériodede«viduité».Avec un contre-modèle : celui deFrançois Pérol, secrétaire généraladjoint de l’Elysée sous M.Sarko-zy, dont le départ pour le groupeBanque populaire-Caisses d’épar-gne, en 2009, à la fusion desquel-les il avait œuvré, avait suscité lapolémique. M.Macron, pour sapart, songerait plutôt à des activi-tés tournées vers l’enseignement.

« Je ne veux aucun emploi quiprésenterait un conflit d intérêts etj’ai une conception extensive desconflits d’intérêts », assure-t-il,tout en envisageant de demeurerimpliqué en politique. « Je quittel’Elysée, cela ne veut pas dire que je

quitte la vie de la cité. J’étais enga-gé. J’y resterai», promet-il.

M. Valls, à peinenomméàMati-gnon,avaitsongéàluipourlepostede ministre des finances. Maisl’idéen’avait jamais effleuré le pré-sident,pourqui lesministèressontaffaires trop sérieuses pour n’êtrepas confiés àdespolitiques.

Outre le changement de plu-sieurs moquettes et le lessivagedes tapisseriesde l’Elysée, effectuéil y a quinze jours, le présidentpoursuit donc, en douceur quoi-qu’en profondeur, le toilettage desoncabinet.Aprèsledépartdel’an-ciensecrétairegénéralPierre-RenéLemas et celui, contraint, duconseiller politique AquilinoMorelle, David Kessler, conseilleraux affaires culturelles, quitteraégalement son poste en septem-bre. Il sera remplacé par AudreyAzoulay, numéro deux du Centrenational de la cinématographie.

Par ailleurs, Nathalie Ianetta,

journaliste à Canal+, remplaceradans quelques jours, au poste deconseiller chargé des sports,Thierry Rey, nommé inspecteurgénéral jeunesse et sports. Elle serachargéedesuivredeprèsl’organisa-tionde l’Euro2016de football.

L’ancien journaliste ClaudeSérillon, qui pourrait égalementquitter son poste à l’Elysée, devaitse voir proposer unposte de repré-sentantduprésidentpourlafranco-phonie. Enfin, Virginie Christ-nacht, ex-chef du service de pressede la Ville de Paris, prend la tête decelui de l’Elysée. Un mouvementd’ensemble qui correspondmoinsaux mouvements naturels desconseillers qu’à une réelle volontéde M.Hollande de remanier sonéquipe. «Nous cherchons à rajeu-nir, à redynamiser. C est importantpar rapport aux deux années pas-sées», confirme un conseiller duchefde l’Etat.p

DavidRevault d’Allonnes

VincentFeltesse,le«conseillervolant»

Unconseiller du chef del’Etat visé par une enquête

EXTRÊMEDROITE

Leblogde Jean-MarieLe Penestexclu du siteduFNLe blog vidéode Jean-Marie Le Penne sera plus hébergé sur le siteduFront national, a indiqué,mardi 10juin, l’avocat duparti,Wal-lerandde Saint-Just, invoquant«des raisons juridiques». Il a indi-quéque la présidente du FN,Marine Le Pen, avait déjà été visée«par des plaintes en tant que directrice de publication» après desproposde sonpère. Pour ces raisons, la directrice de publicationavait déjà été remplacéepar Jean-François Jalkh, délégué généraldumouvement. Jean-Marie Le Pen a été à nouveau accusé d’anti-sémitismeaprès avoir dit, à proposde plusieurs artistes hostilesau FN, dont PatrickBruel, qu’ils feraient partie d’uneprochaine«fournée».Marine Le Pen avait qualifié de «faute politique» lasortie de sonpère,mais a contesté son caractère antisémite. Jean-Marie Le Pen, 85 ans, s’est dit «très blessé» et assuren’avoir plus«aucune communication» avec sa fille. –(AFP.) p

Blanchiment Isabelle Balkany a reconnu êtrepropriétaire d’une villa nondéclarée auxAntillesIsabelle Balkany, l’épouse dumaire UMPdeLevallois-Perret(Hauts-de-Seine), a admis être propriétaire d’une villa à Saint-Martin, auxAntilles,mais conteste sa saisie et la cautiond’unmilliond’euros après samise en examenpour blanchiment defraude fiscale. Le cabinet d’avocats dontNicolas Sarkozy est asso-cié a été perquisitionné le 21mai. L’ancienprésident est unpro-che du couple Balkany. – (AFP.)

Faits diversUn troisièmemortdans l’incendie d’AubervilliersUne troisièmevictimede l’incendie du samedi 7juin àAuber-villiers (Seine-Saint-Denis) a succombé,mardi 10juin, à ses bles-sures. Le feu, qui s’est déclaré dans un immeuble de la rue Ernest-Prévost, a été causé par un enfant de 12 ans qui a reconnu avoir«mis le feu àunepoussette avec des allumettes». – (AFP.)

«Jequittel’Elysée,celaneveutpasdirequejequittelaviedelacité. J’étaisengagé.

J’yresterai»EmmanuelMacron

Faouzi Lamdaoui, conseiller deFrançois Hollande, est visédepuis janvier2013 par uneenquête pour infractions fisca-les, a indiqué L’Express, mardi10juin. Il est soupçonné d’avoirété le gérant de fait de deux socié-tés, aujourd’hui radiées. Prochedu chef de l’Etat, dont il a étéchef de cabinet pendant la cam-pagne, il est conseiller à l’égalitéet à la diversité à l’Elysée.

FrançoisHollanderemplacesonconseilleréconomiqueLaurence Boone, spécialiste de la finance internationale, succédera à Emmanuel Macron

Profil

«Conseiller» duprésident, sansplus de précision. C’est le titre surlequel sont tombés d’accord Fran-çoisHollande et Vincent Feltesse,qui présente l’avantage d’autori-ser toutes les interprétations. Ins-tallé depuis deuxmois à l’Elysée,le nouvel entrant se voit commeun«conseiller volant» chargé del’examendes sondages et des rela-tions avec unemajoritéparlemen-taire d’humeur vagabonde.

Autourde la table où se réunitla garde rapprochéeduprésident,tous lesmatins à l’Elysée, il est leseul ànepas être énarque. VincentFeltesse, 47 ans, a faitHEC– signedes évolutionsque le chefde l’Etatentendait faire subir au topmana-gement élyséen, considéréparbeaucoup comme«trop techno»et remanié auxdeux tiers depuislesmunicipales. «J’ai un tempéra-ment assez indépendant», affirmeauMondeM.Feltesse, qui afficheaussi un solideparcours d’hom-med’appareil,membredu conseilnational duPSpendant quinzeans et ancien secrétairenational.

Il peut aussi arguerd’une expé-rienced’élu local et deparlemen-taire:maire deBlanquefort (Giron-de), président de la CommunautéurbainedeBordeauxet députésuppléantde l’ex-ministre auxpersonnes âgéesMichèleDelau-nay, pendantdeuxans. On lui abeaucoup reproché, alors qu’ilétait candidat contreAlain Juppéauxmunicipales àBordeaux,d’avoir annoncé trop tôt que labataille était perdue. Il assume:«On reproche auxpolitiques de

manier la langue debois. J’ai choisideparler vrai et j’ai été “lynché”.»

Il se voit commeun«agentdeliaison» : d’abord entre «les cinqdoigts de lamain», Elysée,Mati-gnon,Assemblée, Sénat et RuedeSolférino; avec les députés PSensuite, avec lesquels il est chargéd’assurer«les relations les plusnaturelles possibles». Il laisse àMatignonet à Jean-Marie Le Guen,le secrétaire d’Etat aux relationsavec le Parlement, le soindepilo-ter lamécaniqueparlementaire.Lui tenterad’apaiser le climat qua-si insurrectionnel qui règne auseind’unepartie dugroupePS.

«Politique à la base»«J’étais encoredéputé il y a quel-

ques semaines, je les connais tousplutôtbien. Celapermetdes rap-portsbienplus fluides.Mêmes’ilsvontme reprocherd’êtrepassédel’autre côtédumiroir»,ditM.Fel-tesse, trèsprésent aupetit-déjeu-nerde lamajorité, aubureaunatio-nalduPSouà labuvettede l’As-semblée. Il s’attendàde fortes tur-bulencesavec l’examendes textesfinanciersen juin, etplaidepourretarder la rencontreentre leprési-dent et lesparlementaires.

C’est lui qui a informéparSMSles responsablesde lamajorité, le2juin, desderniers arbitrages surla réforme territoriale.«Je suisunpolitique, à la base», expliqueM.Feltesse.A sonarrivée à l’Elysée,leministrede l’agriculture et fidè-lehollandais StéphaneLe Folll’avaitpourtantprévenu:«N’es-saiepasde fairede lapolitique,c’estHollandequi s’enoccupe.»p

D. R.A.

90123Jeudi 12 juin 2014

Page 10: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

10 0123Jeudi 12 juin 2014

Dole (Jura)Envoyée spéciale

I lsnepasserontpas l’épreuvedephilosophiele16juin,contraire-ment à leurs camarades des

lycéesgénérauxet technologiques.Pour eux, le baccalauréat, c’est tou-tel’année.Enplusdescontrôlesquirythment la formation, les candi-datsau«bacpro»passerontquatreécrits, entre le 16 et le 18 juin. Etaprès? La recherche d’un emploipour certains. Pour d’autres, deplusenplusnombreux, lapoursui-ted’études supérieures.

MylèneCalabre,elle, aoptépourun brevet de technicien supérieur(BTS). Si elle décroche son bac pro-

fessionnel «esthétique», elle quit-teraDole (Jura) et ses amis du lycéeprofessionnel Jacques-Prévertpour une nouvelle vie à Lyon. «Jene me voyais pas entrer en institutet ne faire que des épilations et dessoins du visage», explique-t-elle.Dans son tailleur parfaitementajusté, Mylène rêve d’«internatio-nal », de «management» et de«grandesmaisonsde luxe».

Les bacheliers professionnelssontdeplusenplusambitieux.Aulycée Prévert – installé dans uneancienne caserne de la vieille villedeDole–,entre lesorauxet les réu-nions de fin d’année, on s’affaire àcompter les demandes d’inscrip-tion en BTS – le débouché «natu-rel» du bacpro: 92%des élèves dela spécialité « vente », 62% en«mode» et «secrétariat», 17% en«esthétique»… Au niveau natio-nal, ilssont60%àtenter leurchan-

ce dans le supérieur. Tous n’y par-viennent pas, puisque au final,seuls30%poursuiventdesétudes.Mais c’est plus qu’il y a cinq ans(23%), et beaucoup plus qu’il y aquinze ans (17%).

Lorsque Jean-Pierre Chevène-

ment, alorsministrede l’éducationnationale, a créé le bac pro en 1985,lemariagedel’adjectif«profession-nel»avec«baccalauréat»avaitsou-levé l’indignation. Vingt ans plustard, le bac pro apparaît plus quejamais commeun «vrai bac», pre-mier diplôme de l’enseignementsupérieur. La rupture remonte à laréformedeXavierDarcos de 2009.En réduisant le cursus de quatre àtrois ans, aunomde «l’égale digni-tédestroisvoies» (générale,techno-logique et professionnelle), leministredel’éducationdel’époquea élevé le niveau de qualification.Sa réforme a amenéplus de jeunesau bac, en même temps qu’elle adémocratisé l’accès à l’enseigne-mentsupérieur.

«Depuis la réforme, les élèvesarrivent en seconde professionnel-le directement après la 3e et ne pas-sent plus par deux ans de forma-tion en BEP. A la sortie, ils sont plus

jeunes, et ne se voient pas forcé-ment entrer dans la vie active »,observe Régine Crapoix, la provi-seure du lycée Prévert. D’autantqu’ils ont conscience des difficul-tés sur lemarché de l’emploi : «Ilsont intégré que plus leur niveau dediplôme serait élevé, plus ilsauraient de chances de s’insérer.»

«Aujourd’hui, un chef de rayonest embauché à bac +4 voire à bac+5, souligne Nicole Perrin, profes-seure de la spécialité «vente».Avec lebac, onpeutêtre simpleven-deur. Le BTS aide à progresser plusrapidementdanssacarrière.»Danssa classe, seuls 2 élèves sur 24 cher-chentdutravailpourlarentrée.Thi-baultVincent, 18ans,est l’und’eux.Il a déjà plusieurs offres de CDD,dans une boutique de téléphoniemobileetengrandesurface.Lesétu-des? « Je n’en pouvais plus, dit-il.J’avais envie d’être autonome, degagnermavie.»

Malgré sa lassitude, Thibault atenu jusqu’au bout. Ce n’est pas lecas de beaucoup d’autres. L’an der-nier, 11% des élèves de 2nde et 12%des 1res pro ont abandonné en coursde route. Une autre conséquencede la réforme Darcos ? Les ensei-gnants du lycée Prévert lui repro-chent d’avoir fragilisé un peu plusles élèves endifficulté.

«Onfait en troisans cequ’on fai-sait en quatre, avec des référentielsparfois dignes d’un bac général.Résultat, on perd les élèves les plusfaibles», déplore Sophie Lagoute,professeure d’arts appliqués. C’estun peu le revers de la médaille decette réforme: «Elle n’a pas résolules cas d’élèves les plus fragiles, qui,auparavant, pouvaient au moinsquitter leur formation avec unBEP», souligne le sociologue AzizJellab. «La moitié des décrocheursest issue du lycée professionnel»,rappelle-t-il.

Le succès du bac pro n’est doncpasdénuéd’ambiguïtés.Mêmes’ilne peut se réduire à une voie derelégation vers laquelle s’oriente-raient, par défaut, des collégiensenéchec, il accueilledesélèvesauxintérêtsdivers. Ilyaceuxqui, com-me Mylène, le perçoivent comme

une passerelle vers l’enseigne-ment supérieur et qui l’ont délibé-rément choisi. Avec 15 de moyen-neen3e, la jeunefilleauraitpuaccé-der au lycée général, mais elle n’yvoyait«pas l’intérêtpourtravaillerdans l’esthétisme ». Il y en ad’autres qui y ont été évincés etont unpeubaissé les bras.

«Notrerôleestde leurfairepren-dreconfianceeneux,souligneCéci-le Chouet, professeure de la filière«mode ». Cela passe par duconcret. FaireunvêtementdeAàZ,voir le résultat final, ça a du senspour eux.» Au lycée Prévert, l’exc-ellence s’affiche partout : sur larobe de mariée qui trône dans lehall d’accueil, jusqu’aux coupuresde presse sur les murs qui racon-tent de belles prouesses – commecelle de cet ancien élève qui aouvert son atelier et habillemain-tenant lamiss Franche-Comté.

«Trop de gens pensent encoreque le bac pro, c’est pour les nuls,soupire Mylène. En réalité, on yentre par sélection et les places sontchères.Onabeaucoupdecoursthéo-riqueset leprogrammeestchargé.»La jeune fille appréhendeunpeulamarche qu’elle va devoir monterentre la terminale et le BTS. «Onm’a dit que c’était costaud. Je vaistravailler dur.»Mais celle qui a finipremière auxolympiades régiona-lesdesmétiers cetteannéeaapprisqu’«à force de vouloir quelque cho-se,onfinit toujourspar l’obtenir».p

Aurélie Collas

france

Lamoitiédescollégiensetdeslycéensontdéjàterminéleurl’année

Quandlediplômeaétécréé,en1985,

lemariagede«professionnel»etde«baccalauréat»asoulevél’indignation

«Tropdegenspensentencorequec’estpourlesnuls.Enréalité,onestsélectionnésetlesplacessontchères»

Mylènelycéenne

686907 candidats se présen-tent aux épreuves dubac 2014,soit 3,3%deplus qu’en 2013.

50%desélèves présentent unbac général, 30%unbacprofes-sionnel et 20%unbac technologi-que. Parmi les 341317 candidatsaubac général, 52%sont en sérieS, 32%enESet 16%enL.

4430centres d’examen sontmobilisés, 3500sujets ont été éla-borés et 170000 correcteurs cor-rigeront 4millions de copies.

80euros c’est ceque coûte lepassage de l’examen, hors priseen compte du coût indirect descours perdus.

73,7%d’unegénération est titu-laire d’un bac à l’issuede la ses-sion2013. L’objectif d’amener80%d’une génération au niveaudubac, prôné en 1985par Jean-PierreChevènement, est atteint.

Leplus jeune candidat à la ses-sion2014 dubac est âgé de13ans, le plus âgé a92 ans.

LebacprodevientunpasseportpourlesupérieurUn tiers des bacheliers professionnels poursuivent désormais des études avant d’entrer sur le marché du travail

LAMOITIÉ des 5,4millions delycéens et de collégiens ont finileur année. Les voilà dehors qua-tre semaines avant la fin officiellede l’année scolaire, le 5 juillet. Etdans le lot, tous ne passent pasd’examen. Aux côtés des 1,2mil-liond’élèves de première et de ter-minale en trainde réviser, les700000 lycéens de seconde etplusieurs dizaines demilliers decollégiens entament leurs troismois de vacances.

«Chezmoi, les lycéens, c’est fini,et le 13 juinmes collégiens aurontterminé. Ce n’est pas de gaieté decœur que je lesmets dehorsmaisje suis centre d’examendubacca-lauréat, j’ai besoin demes salles»,regretteGilles Auteroche, provi-seur de la cité scolaireHonoré-Daumier àMarseille et élu dépar-temental du Syndicat des provi-seurs (SNPDEN). Toutes les citésscolaires qui regroupent les élè-ves de la 6e à la terminale sontlogées à lamême enseigne, etbeaucoupd’autres collèges colma-tent les trous d’emplois du tempsd’enseignantsmobilisés sur desexamens.

«Chaqueannée, les établisse-ments doivent engérer unpeuplus»,dénonce Philippe Tournierle secrétaire général dumêmesyn-dicat, trèsmajoritaire chez les pro-viseurs. La nouveauté 2014 estune épreuved’évaluation depro-jets passée par les 67000 candi-dats à unbac technologique(STMG).

Une épreuvequi s’ajoute auxdeuxoraux quepassent chaqueélèvedepuis 2013 dans chaque lan-gue qu’il présente à l’examen. Cesont donc 1,3milliond’orauxqueles lycées ont dûorganiser dansles 22 langues autorisées, durantce qu’on croyait être le troisièmetrimestre. «Si j’ajoute les épreuvesexpérimentales des terminalesscientifiques, chaque élève perdune dizaine de jours des cours autroisième trimestre parce que lesenseignants sont en train de fairepasser les épreuves ou qu’il fautlibérer des laboratoires…», s’agaceGillesAuteroche.

De son côté, l’administrationfait comme si de rienn’était. Le16avril, les proviseurs d’une gros-se académie au-dessous de la Loi-

re ont reçuune circulaire prônantla «reconquête dumois de juin». Ily était précisé que «la fin de l’an-née scolaire est fixée au 4juillet»et qu’il faut «éviter toute suppres-sion d’enseignement au détrimentdes élèves». Jolie hypocrisie admi-nistrative quand les établisse-

ments sont plongés dans le bacdepuis débutmai.

Elèveen terminale au lycéeAlbert-CamusàBois-Colombes(Hauts-de-Seine), Pierre Lepelletierad’ailleurs déjàpassé lamoitiédesépreuvesde sonbac économiqueet social, alors que l’examencom-menceofficiellement lundi 16juinavec la traditionnelle épreuvedephilosophie.«Le français, les scien-ces et les travauxpersonnels enca-

drés sontbouclés pourmoi depuisla finde la 1re. Cetteannée j’ai déjàpassé le sport,mes épreuves decompréhensiond’anglais etd’espa-gnol enmars, unoral d’anglaisdébutmai et unautre d’espagnolensuite.Mesprofesseurs enavaientassezdes entrées et des sorties decourspouraller passer les oraux»,raconte le jeunehomme.

«Dans ces conditions, alourdir lebacnegênepas l’administration…et ils ne se privent pasde le faire»,résumePhilippeTournier. «Troisépreuvesde languepar élève… c’estunpeubeaucoup, non?»,deman-de le SNPDEN. Le syndicatplaidepourune remise àplatde cepre-mier examende l’enseignementsupérieurquiprend laplace deplusde40millionsde journées decours aux lycéens. «Tout celapourque85%de ceux qui le passent l’ob-tiennent et pourqu’ensuite un surdeuxéchoueà l’université… il y aunproblèmequelquepart, non?»,interrogeM.Tournier.

Toucherune brique de cemonumentnational est assez poli-tiquement explosif pour qu’onpressente que rienne bougera

avant 2017. Dans la catégorie dupolitiquement inoffensif, il ne res-te demarge demanœuvre quesur le calendrier de la classe deseconde, qui lui aussi contribue àmettre son lot d’élèves dehors pré-maturément.

«Avec une commission d’appelfixée au 18juin, pour ceux qui s’op-posent à leur orientation, onnepeut pas commencer les conseilsde classe de 2de après le 10 ouaupire le 11 juin», rappelle PascalCharpentier, proviseur du lycéeduParc à Lyon, et déléguédéparte-mental SNPDEN.

Bac et commission d’appelréduisent doncune année scolai-re dans le secondaire à trente-deux semaines de cours. Soit centsoixante jours de classe pour ceuxqui travaillent cinq jours parsemaine.Ouplutôt cent cinquan-te-neuf en 2014-2015, puisque l’ar-rêté qui repousse d’une journée ladate de rentrée scolaire ne propo-se pas de rattrapage. Il est vrai quequand le bac dévore à lui seul plusde cinq semaines de cours, onn’est plus à une journée près.p

MarylineBaumard

686907 candidats au bac pour 170000correcteurs

Des élèves de la section «métiers de lamode» du lycée professionnel Jacques-Prévert, à Dole (Jura). BRUNOAMSELLEM/SIGNATURES POUR «LE MONDE»

Bacetcommissiond’appelréduisentl’annéescolaire

danslesecondaireàtrente-deux

semainesdecours

Page 11: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

france

MarseilleCorrespondant

P lusqueces716000eurosdila-pidés, plus que le coût écono-mique de cesmoyens détour-

nés de l’aide sociale, le plus grave,c’est lecoûtdémocratique», asouli-gné MeGilles Gauer, l’avocat duconseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, lors du procèsen appel de Sylvie Andrieux pour«détournement de fonds publics»,qui s’est achevé mardi 10 juin. Lajustice reproche à la députée, encongé du PS, le versement de sub-ventions fictives à des associa-tions, entre2005 et 2008, dans unbut électoraliste, alorsqu’elle étaitvice-présidente de la région, char-

géede la politiquede la ville.Pour MeGauer, cette affaire a

«sapé la confiance dans les institu-tions». Dans la circonscription deMmeAndrieux, lesquartiersnorddeMarseille, les acteurs associatifsprennent la mesure du désastrepolitique. Sa conséquence la plusvisible: le candidat du Front natio-nal, Stéphane Ravier, a remporté lamairie du 7e secteur, vingt-deuxmois seulement après une victoireàlaPyrrhusdeSylvieAndrieuxauxlégislatives de juin2012. Empêtréedans cette affaire – son renvoi encorrectionnelle était intervenuaprès son investiture par le PS –,elle avait, au second tour, coiffé aupoteau son opposant d’extrêmedroitede699voix seulement.

Dans les quartiers, c’est tout lerapport aux institutions qui porteles séquelles de ce système clien-téliste. «Aujourd’hui, quand j’en-tends un élu parler de son implica-tion sur le territoire, je n’y croisplus », explique AbdelilahTaïmouri, directeurdePhenix For-mation, une association d’inser-tion pour les jeunes en difficultédans le quartier de la Cabucelle(15e arrondissement). Comme tou-tes les associations des quartiersayant recours aux subventions, ilpâtitdecontrôlesdevenusparticu-lièrement tatillons s’ajoutant auxrestrictionsbudgétaires.«Onnousa clairement dit : il s’est passé deschoses sur votre territoire et on vadésormais faire très attention.» Il

cite la réponse obtenue, un jour,parl’assistantd’unconseillergéné-ral socialisteàqui ildemandaitdesmoyens: «Mais vous ne nous avezpasaidé pour la campagne.»

Conseillère régionale (apparen-téePS), déléguéeàlapolitiquede laville, Fatima Orsatelli s’entendencore dire par des responsablesd’association : «On est là pourvous, vous nous dites ce qu’il fautfaire.»Elle combat le saupoudrageet la «politique kermesse» : «Nousdevons être en capacité de faire delapolitique dignement, en considé-rant le citoyenàpart entière et nonpas comme un guichet à même deramenerdes voix.»

Karima Berriche, directrice ducentre social Agora, au cœur de la

citéde laBusserine (14e arrondisse-ment), a, tout au long de la campa-gne des municipales, entendu despropos d’électeurs désabusés :«J’ai fait la campagne de X ou de Yet j’ai rien obtenu.»Alors, constatecette militante Front de gauche,«soit les habitants des cités ne sontpasallés voter, laissantprospérer levoteFNdesnoyauxvillageoisetdesnouvelles copropriétés, soit ils ontvotéUMP».

Cette façon de monnayer desvoix a corrompu la chose politi-que, a abîmé la relation entre éluset électeurs. Abdelilah Taïmouriconfirmeque,dansl’espritdel’élec-teur, «le bulletin de vote, c’est pourobtenirunlogementouunpeud’ar-gent à travers la création d’uneassociation». Les associationsd’éducation populaire voient semultiplier les subventions à desstructures dont l’activité est cen-trée sur des sorties, des visites deparc d’attractions. «C’est de laconsommation, l’argent du contri-buable ne doit pas servir à cela»,déploreMme Berriche.

«Onparlederepas,de sorties,aulieudeparler deparentalité, de liensocial, de formation», confirmeYamina Benchenni, porte-paroleduCollectif du 1er juin –ungroupe-ment d’habitants des quartiersnord. Selon elle, l’affaire Andrieuxa jetéun fortdiscrédit sur le travaildesassociations.Elledécrit lessub-ventions comme des «produitstoxiques». «Le jeu est pervers. Pour1000ou 2000 euros, le responsa-ble associatif se trouve dans unerelation délicate avec l’élu, et lepublic considère qu’il profite per-sonnellementdel’argentpublicver-sé. C’est la double peine.»

Des associations préfèrent secontenterdesversementsde l’Etat,neutres, à l’image de ces mères defamille d’une cité qui ne souhai-tent pas développer leur travailassociatif de soutien scolaire, parpeur «de se faire bouffer» par lesfinancements publics et les élus.Certains avouent préférer avoiraffaire aux techniciens des servi-cesduconseil général etduconseilrégional, pas aux élus.

Les dernières élections munici-pales ont vu refleurir de vieillespratiques de la part d’élus sentantvenir la défaitedans ce secteurhis-toriquement à gauche, comme lesbarbecues républicains. « Lesmamansontenvoyélespetitsman-ger le sandwich tout en disant :“S’ils croient qu’on va voter pourdes merguez, on n’en est plus là.C’est insultant”», raconte MmeBen-chenni, pour qui ces pratiquessont comparables à cellesdes trafi-quants de drogue qui envoient les«petits» leur acheter un sandwichet leur laissent un pourboire royaldedeuxou trois euros.

Aveclesentimentd’êtredevenuune galérienne du politique, Kari-ma Berriche soupire : «On vadevoir ramer pour que les genscroientànouveauà lapolitique.»p

Luc Leroux

«Descharrettesdebilletsqu’ondéversedanslesquartiers»

«Lebulletindevote,dansl’espritdesgens,c’estpourobtenirunlogementouunpeud’argent»Abdelilah Taïmouri

directeur d’association

DanslescitésdeMarseille, lesséquellesdel’affaireAndrieuxLa députée, en congé du PS, risque un an de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité pour le versement de subventions à des associations fictives

«J’AI AGI enmonâme et conscien-ce: je fais confiance à la cour parcequemondestin est entre sesmains.»C’est par cesmots queSyl-vieAndrieux, figure duParti socia-listemarseillais, a conclu son pro-cès en appel pour «détournementde fonds publics»,mardi 10juin.

La cour d’appel d’Aix-en-Pro-vence rendra, le 23septembre, sadécision sur le sort de la députée(ex-PS) de la 3e circonscription desBouches-du-Rhône, qui couvre lesquartiers paupérisés dunorddeMarseille. Celle-ci pourrait entraî-ner, à terme, une élection législati-vepartielle sur un territoire où lamairie de secteur a été remportée,enmars, par le Front national.

L’avocat général Jules Pinelli arequis, vendredi 6juin, outre trois

ansdeprisondontdeuxavec sur-sis etune amendede100000euros, la confirmationdelapeined’inéligibilité de cinq ansprononcéepar le tribunal correc-tionnel deMarseille le 22mai 2013.

Aucunenrichissement person-nel n’est reproché à la parlemen-taire.Mais elle est accusée, lors-qu’elle était vice-présidente (PS)du conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur chargée de lapolitiquede la ville, d’avoir encou-ragé le versement de subventionsà des associations fictives dans unbut électoraliste.

Entre2005 et 2008, un total de716000 euros a ainsi été «flam-bé»par les deuxprincipaux béné-ficiaires de la fraude, le responsa-ble d’une association de commer-

çants d’une cité et un caïd plu-sieurs fois condamné.Undes pré-venus a rapporté que «dans lesquartiers, il se disait que si tu veuxun scooter, une voiture, de l’ar-gent, tu n’as qu’àmonter une asso-ciation».

Sylvie Andrieux nie en bloc«C’est quoi la politique de la vil-

le? s’est étonnée la présidente dela cour,Monique Zerbib.C’est descharrettes de billets qu’on déversedans les quartiers et on se sert ?»

SylvieAndrieux, elle, démentenbloc, assure qu’elle ne décidait«pas grand-chose» et n’avoir jouéqu’un rôle de «facteur»pour desassociations de sa circonscription.Ses défenseurs,Me GaëtanDiMarino etGrégoire Ladouari, ont

plaidé la relaxe. Evoquant «unprocès en sorcellerie», ils ont trans-formé les plaidoiries en réquisitoi-re contreMichel Vauzelle, prési-dent (PS) de la régionPACA, qui«se justifie de son incurie, de laméconnaissance de tout ce qui sepasse dans son institution endisant que [Sylvie Andrieux] étaitla seule au courant».

L’avocatgénéral a justifié sesréquisitions endéplorantque laprévenuen’ait pasbrisé«l’armuredans laquelle elle est enserrée» :«Pourquoi cedénidevant la forcedes réalités?Vous vousmentezàvous-mêmeenne reconnaissantpas ce qu’il faudrait reconnaître. Çaauraitdonnéuncaractèreplushumainàcedossier.»p

L.L.

110123Jeudi 12 juin 2014

Page 12: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

VÊTEMENTS

CONFECTIONRÉALISATION

À VOS MESURES !

VOILAGES, RIDEAUX,STORES

- - - - - - - - - - - - - - -Intérieurs et extérieurs

Choix de tringleset de tissus d’éditeurs.

Conseils, devis,prises de mesures,

réalisations et poses assuréespar nos décorateurs.

15 % LECTEURS DU MONDE- - - - - - - - - - - - - - -

34, rue de Bassano,75008 Paris.

Tél. : 01.47.20.78.84

CRÉEZ VOTRE TAPIS

RÉALISATIONDE MODÈLES UNIQUES- - - - - - - - - - - - - - -

Large choix de styles formesmatières et textures

LAINE, SOIE, LINFabrication françaiseet sans intermédiaire.

ÉTUDE ET DEVIS GRATUITS.- - - - - - - - - - - - - - -Manufacture Tapis Design

34, rue de Bassano,75008 Paris.

Tél. : 01.47.20.78.84www.lightandmoon.com

Bernard Zins, Bugatti,Alain Gauthier, Derek-Rose,

Guy de Berac,Lorenzo, Digel, etc.« Les meilleurs »

53, rue d’Avron - 75020 PARISTél. : 01.43.73.21.03

PRIX

IMBATTABLES

DÉCORATION

RENOV’DÉCO 1961 SARLNos compétences,notre expérience

et notre goûtdu travail soigné

A VOTRE SERVICE !PEINTURE, PAPIER-PEINT,PARQUET, ELECTRICITE,CARRELAGE, PLOMBERIE,MACONNERIE, MENUISERIE.

*Devis gratuit *Délai respectéTel : 01.40.09.79.2606.21.40.02.81

www.renovdeco1961.fr

ANTIQUITÉS

BIJOUX

PERRONO est ré-ouvert

PERRONO-BIJOUX- - - - - - - - - - - - - -

Anciens. OccasionsArgenteries. BrillantsPierres Précieuses

Création & TransformationRéparations

Achats Ventes. EchangesSélectionné par le guide

PARIS PAS CHER- - - - - - - - - - - - - -

OPÉRA : angle bd des Italiens4, rue de la Chaussée d’AntinTél : 01 47 70 83 61

ÉTOILE : 37, avenue Victor HugoTél : 01 45 01 67 88

Ouverts du mardi au samedi

PEINTURESSUISSES

RECHERCHONSpour nos collectionneursAloïse,Auberjonois,Bocion, Buchet,Bille, Bieler, Hodler,Vallotton, Soutter

et toutes œuvres de qualitéEstimations gratuites

à domicilePaiement aux plus hautscourts du marché

Cabinet d’expertiseARTS ANCIENS

CH-2027 [email protected]+4132 835 17 76 /+4179 647 10 66

Suite à mes prestationstélévisées sur le marchéde l’art, je vous propose

UN RENDEZ-VOUSPOUR VOS DEMANDES

D’ESTIMATIONS,Spécialisé successions

J’ACHETEMeubles Tableaux PendulesObjets d’art & curiositésArgenterie Livres anciensViolons & Archets anciens

Art d’Afrique et d’AsieArt décoratif du XXe sArt d’Islam et d’Orient

Photos anciennes et d’artistesSérieux et discrétion

assurés, déplacementsParis et Province.

PATRICK MORCOSEXPERT

Affilié à la CompagnieNationale des Experts

[email protected]

ACHAT AU DESSUSDE VOS ESTIMATIONS

ET EXPERTISES« ART D’ASIE » :CHINE, JAPON

ET MOYEN-ORIENT

06.07.55.42.30P. MORCOS

EXPERT CNEPorcelaines et Bronzes

Cristal de RocheCorail et Ivoires Anc.Jade blanc et couleurs

Cornes et LaquesPeintures et Tissus anc.Manuscrits et Estampes

DEPLACEMENTPARIS – PROVINCE

[email protected]

Le DANIELIT

version CANALETTO

EXCLUSIVITÉ PARINGERLit-double Gigogne à lattes,

formant canapé,

à mise à niveau automatique

d’un simple déclic.

Structure hêtre massif.

Boiserie : toutes teintes.

Tissu : tous coloris.

(Existe aussi avec structure métal,

ou bien entièrement

recouvert de tissu).

Exposition et vente chez

PARINGER

121, rue du Cherche-Midi

75006 Paris

(Angle 21, bd Montparnasse)

MÉTRO DUROC OU FALGUIÈRE

Tel : 01.42.22.22.08www.paringer.fr

Documentation sur demande

BEAU CUIR

PARINGER fabrique

les Dorsalino Cuir,

pour le Bureau et pour la Télé

Les petits fauteuils

de PARINGER ont un nom :

Les DORSALINO- Souples, ils tournent à 360°,

s’adaptent à toutes

les courbures et postures.

- Sûrs et élégants, ils sont

recouverts de beaux cuirs.

Une belle invention de PARINGER.

Exposition et vente directe

au 121, rue du Cherche-Midi

75006 Paris

(Angle 21, bd Montparnasse)

Tel : 01.42.22.22.08www.paringer.fr

[email protected]

Doc sur demande

LIVRES

LIBRAIRE ACHÈTELIVRES 20e

Illustrés Modernes, Beaux ArtsSciences Humaines, LittératureVoyages, Photos, Plaiade etc.

GOLEN : 06.30.49.93.94

ARTS MEUBLESARCHITECTE

MARIANNE LE BERREARCHITECTE DPLGRénovation de votre appartementVisites de conseil.www.marianneleberre.comTel : 06.22.70.81.30

LIBRAIRE ACHÈTELivres anciens, modernes, pléiades,services de presse,successions, bibliothèques

06.40.15.33.23

��� ����� � � ���� � � ��� ������������� ��� �� ������������� ����� �

"#$� � &��'��������&*+++�/���;���<�

���������� �������

����� �������� ���� � �� �� � �� ������� �������������� ����������

������ � ������ ��� � ��� �

������ �� ������ ���� � ���� ������� �������ACHAT LIVRESANCIENS & MODERNES(18ème, 19ème, Pléiades ...)

Librairie Pettitwww.livres-revues.comTel : 06.81.13.99.38

LEGASSE VIAGER,depuis 1963Spécialiste du viager

Bruno et Nicolas Legasse vous proposentUne étude et un suivi gratuit et discret

47, avenue Bosquet 75007 Paris.Tél. : 01 45 55 86 18Fax : 01 45 55 50 18

Site internet : www.viager.frLa solution Viager : augmenter sa retraite en restant chez soi

��� �� ����� �� ��� �����

������ ������ �

���� ��� � � � ���� ����� ����� � �� ���� � ���

�� �� �� �� �� ������ ���� !�"��#� �

��"�� �" ������ ����$% �&�� '� �� �"�� ��������� ($�� " �������""�% )*�� +,-��#

��"�� ����$� ��"� ��"��#

.������� " ��������% � "/�"����

������������� ��������� � ������� ���������� �������

����� �������� ����� � �� �� �� �� �� � ��������� !�"#���$�%��' ������ � ������ ���������� ��������������

� ������� ��� � ��� �

�� ����� ������ ������ ��� � ��� �

>� ���!��� �� ������ ��� �����"������� # ���� �����

ACHATSL’IMMOBILIER 100%

ENTRE PARTICULIERS

Acheteurs Français

et Européens

Recherch. tous types de biens

entre particuliers.

LMO

Tél gratuit : 0. 800.14.11.60

VENTES

APPARTEMENTS

PARIS 14E

Rare.Vue sur parc MontsourisImmeuble art déco étage élevé168m2 dble expo sans vis-à-visbalcon lumineux coup de coeur1700000€ / Tél 0682359423

AGENCE DE FERLA IMMOBILIER220 AVENUE DU MAINE75014 PARIS T : 06.22.97.59.82PLANTES – MOULIN VERT118 m² au 6° ét ac asc d’un immpdt ravalé de bon standing,appartement familial de 5 piècesac 1 double séjour en rotondede 37 m² Sud Ouest, 3 chambresde 15 m², une cuisine indaménagée et équipée 1 sdb,un wc ind. Lumineux, vue dégagée,bon état, aucun travaux à prévoirdans la copropriétéPrix : 1 135 000 €

MAISONS

PROVINCE

A vendre en Provence ,Maison de vacancesrustique meublée (31/2pc.+cuisine). Légèrement enhauteur au-dessus d’un petitvillage entre le Mont Ventoux etSault. Cette propriété idylliquenouvellement rénovée comprendégalement un beau jardinprovençal avec piscine.Prix de vente 254.000€.Description de la maison etPhotos.www.ahaimmo.ch

Visitez votre futur logementsans rendez-vous le samedi 14 juin 2014

STUDIOS/ 2 PIÈCES

JUSSIEU - 24m² - 2 pièces - 2ème étage -Parfait investisseur - 280 500 € FAI -45, rue Linné Paris 5° de 10h00 à 12h00JARDIN DES PLANTES - 25m² - Charme del’ancien - Vendu loué - 254 000 € FAI5, rue de l’Essai Paris 5° de 10h00 à 12h00JARDIN DES PLANTES - 53m² - 3 pièces -calme - bon état - 522 000 € FAI9, rue de l’Essai Paris 5° de 10h00 à 12h00VALDE GRACE - 29m² - 1er étage - doubleexposition - très calme - 305 000 € FAI26, rue des Lyonnais Paris 5° de 10h00 à 12h00VALDE GRACE - 35m² - charmant studio -refait à neuf - 399 000 € FAI6, rue des Ursulines Paris 5° de 10h00 à 12h00VALDE GRACE - 21m² - studio très lumineuxsur cour - 4ème étage - 235 000 € FAI3, rue Fustel de Coulanges Paris 5°de 10h00 à 12h00AVENUE DE L’OBSERVATOIRE - 2 piècesà 2 pas du Luxembourg - 345 000 € FAI30, avenue de l’Observatoire Paris 14°de 10h00 à 12h00

BERTHOLLET/BROCA - Atelier/Boutiquetransformable en habitation - 269 000 € FAI69, rue Broca Paris 13° de 10h00 à 12h00

3/4 PIÈCES

JARDIN DES PLANTES - 45m² - 2/3 pièces -vue Jardin des Plantes - 532 500 € FAI49, rue Geoffroy St Hilaire Paris 5°de 13h30 à 15h30CARDINAL LEMOINE - 47m² - grand séjour -chambre sur jardin -499 000 € FAI26, rue des Boulangers Paris 5°de 13h30 à 15h30PLACE MONGE - 55m² - vaste séjour - calme -travaux à prévoir - 535 500 € FAI33, rue de la Clef Paris 5° de 13h30 à 15h30SAINTMICHEL - 67m² - 3 pièces - traversant -sectorisation Lavoisier - 669 000 € FAI119, boulevard Saint Michel Paris 5°de 13h30 à 15h30NOTRE DAME DES CHAMPS - 57m² -double expo - refait à neuf - 750 000 € FAI77, rue Notre Dame des Champs Paris 6°de 13h30 à 15h30

DENFERT ROCHEREAU - 61m² - 4 pièces -double séjour - sans vis à vis - 639 000 € FAI15, rue Froidevaux Paris 14° de 13h30 à 15h30PALAIS ROYAL - 80m² - 2 grandeschambres - PMC - 800 000 € FAI11, rueVillédo Paris 1er de 13h30 à 15h30CHAMP DE MARS - 57m² - 2/3 pièces - traver-sant - balcon vueTour Eiffel - 637 000 € FAI56, av de Suffren Paris 15° de 13h30 à 15h30

FAMILIAUX

JARDIN DES PLANTES - Local à usagemixte -parfait état - 1 113 000 € FAI3, rue Lacépède Paris 5° de 16h00 à 18h00PANTHEON - Familial 76m²- duplex de charmesectorisation Henri IV - 899 000 € FAI5, rue Laplace 5° de 16h00 à 18h00CLOSERIE DES LILAS - 132m² - 4 ch. - balconfilant - vue Panthéon - 1 760 000 € FAI147, boulevard duMontparnasse Paris 6°de 16h00 à 18h00VALDE GRACE - 129m² - familial - 3 chambresséjour 40m² - 1 550 000 € FAI16, rue Berthollet Paris 5° de 16h00 à 18h00

Agence Luxembourg - 131, boulevard Saint-Michel, 75005 PARIS - Tél. 01 56 81 40 50

PARIS 5E

- VAL DE GRACE -102m2 , 3 chambres, park, 1er ét.Bon état - 1.350.000€- LUXEMBOURG -3P. 72m2 , 1er ét., 2 chambresCalme - 755.000€- LACEPEDE -6P. 181m2 , 4° asc., 5 chambres.A rénover - 1.850.000€- FEAU 5EME -01.55.43.37.37www.feau-immobilier.fr

���� ������� �� ���������� � �������� ���� ����� �

� ����� � � ��������� ����� !�"� ��� " �� � ��������� #���� ���$� ��� " ��� % ��� � � ������& ��������!�

������� ������� ����

��� �������

EDUCO (université américaine)CHERCHE FAMILLE PARIS(1er au 18e arrdt) pour hébergementrémunéré (775€/mois)d’étudiants :- petit déjeuner tous les jours ;- 3 repas par semaine ;- chambre individuelle.Durée du séjour : septembre à mi-juin.Tél : 01 44 07 55 99

HÉBERGEMENTS

Page 13: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

culture

Architecture

Venise

La 14eBiennale internationaled’architecture s’est ouvertele 7 juin à Venise, avec l’an-

nonce des fameux Lions d’or, quirécompensent les meilleurspavillons ou travaux. Lion d’or aupavillon coréen, Lion d’argent auChili, le pavillon français s’en sor-tant honorablement avec unemention spéciale.

EnappelantRemKoolhaas,célé-brissime architecte et penseur,commedirecteur de cette 14e Bien-nale, l’inamovible président PaoloBaratta semblait prendre un ris-que. Travaillant dans le mondeentier, lauréat du prix Pritzker en2000, le Néerlandais passe pourêtrecapabledesurprisesradicales.De Lille à Seattle, et de Porto àPékin, il n’a pas hésité à proposerdesprojets coupsdepoing,quesesadmirateurs ont recueillis commeles premiers chrétiens recevaientles paroles duChrist.

Or,desurprises, laBiennaled’ar-chitecturen’en réservait plusvrai-ment, se répétant d’année enannée tel un grandmarché ambu-lant où chacun apportait ses pro-duits pour en emporter d’autrescensésêtreplus frais.Desarchitec-

tes stars étaient convoqués, lespays participants se lançaientdans une féroce concurrence, etchacunde se triturer lesméningespour savoir comment répondre àun thème proposé toujours troptard avant l’ouverture.

Finie la comédie, s’est dit en lui-mêmeKoolhaasqui, avecuncalen-drier plus favorable pour lui-même comme pour les partici-pants, a voulu revenir aux«fonda-mentaux», tant de la Biennale quede l’architecture. Et sitôt dit, sitôtfait. Le thème de 2014 serait juste-ment ces fondamentaux («Funda-mentals»). Cela a amusé les paysmusulmans qui, comme le Maroc,ont vu l’occasion d’un jeu demotsavec le fondamentalisme. Lesautres pays ont cherché, chacundans son espace, à répondre audevoir de vacances que Koolhaasleursuggéraitderrière«Fondamen-tals»:«L’Absorptiondelamoderni-té 1914-2014». Sous-entendu: com-prendre le siècle de la modernité,desespremierspas à cequi sembleêtre lemomentde sa fin théorique,c’est revenir aux prémices de l’ar-chitecture, au temps où la théorien’avait d’autre fin que de décriredes styles oudesécoles.

Mais qui dit absorber, risque dedire régurgiter. D’où une joyeusedanse du ventre entre les pays qui

digèrent à présent le concept demodernité, ceuxqui l’ont toujoursvomi, et ceux qui se sentent seule-ment aujourd’hui obligés d’y goû-ter. L’Allemagne, par exemple, areconstruit unevillaprésidentiellede sa passagère capitale, Bonn, àl’intérieurdesonpavillonvénitien,modèle de modernité néoclassi-que.

C’estlàuncasextrêmed’anthro-pophagie architecturale. Mais,dans la plupart des cas, le régimepasse mal, et le terme de «moder-ne» engendre des réactions des-tructrices ou catastrophistes. Est-ce l’effet du pessimisme lucide deKoolhaas, qui viendrait imprégnerla réflexion des commissairesnationaux? Est-ce l’impact de laglobalisationde lapenséearchitec-turale ? La modernité apparaîtvolontiersenmêmetempsquesondouble supposé, la ruine : charpiede béton, fers rouillés, terres brû-léesou contaminées…

Lepropos,qui se fait clairementpolitiqueà l’échelle de laBiennale,se réduit un peu à l’échelle despavillons, qui ne parviennent pastoujours à parler couramment leKoolhaas. La France, aimablementuniversitaire,souritdesamoderni-té autour de la villa deMon oncle,le film de Jacques Tati, et décrit lemonde moderne comme une

oppositionentreJeanProuvé, illus-tre ingénieur du métal, et Ray-mond Camus, roi de la préfabrica-tion lourde et des panneaux debéton. La Russie cherche à fairerire – jaune –de samodernité rela-tive en bradant les éléments d’unmonde sans repères dans une sor-te de foire. La Corée du Sud entre-prenddefaireconnaître l’actualitécontemporaine, silencieuse jus-qu’à l’étouffement de la Corée duNord. Quelques autres font émer-ger les figures d’unehistoire oùdevieuxmondesconnussefont lami-

ner par une actualité flambante, àla fois créative – l’Espagne – et/oudésespérée – le Japon, le Chili.

Dans tous les pavillons, on notela quasi-absence des architectesstarsqui illuminaient lesbiennalesprécédentes. D’où un palmarèsexempt de noms célèbres, statutréservé de fait à Koolhaas, seulevedetterepérable.Avecseséquipes

(son agence de conception, AMO,l’université Harvard…), ses disci-ples et élèves, il a d’ailleurs pris enmaindeuxdes ensemblesmajeursdes pavillons Arsenal et Giardini.C’est d’abord, à l’Arsenal, Mondita-lia, une vision du monde réinter-prétée à travers l’histoire de laPéninsule, repensée comme uninterminablepalimpseste,déployéle long de la corderie, où subsisteun ectoplasme d’Italie tourmentépar l’histoire.

Cet investissement de la corde-rie n’est pas innocent : c’est làqu’avaitétédressée,en1980,laStra-da Novissima de la première Bien-nale, rue héroïque où se confron-taient une vingtaine d’architectesqui, poursuivant chacun son che-min, inventeraient ensuite l’idéedupostmodernismeet renouvelle-raient l’idéedemodernité.

Koolhaas était l’un de ces vingtarchitectes, il a doncpris le traindela nostalgie pour embarquer lesvisiteurs dans un voyage peut-êtreun peu rapide pour être absolu-mentlimpide.Ledrapséparelacor-derie dans la longueur. D’un côté,quatre-vingts de ces films qui ontfaitlagrandeurimaginativedel’Ita-lie.Del’autre,unesériedequarantesections confiées à de jeunes cher-cheurs de toutes disciplines, quipassentaucrible l’histoireet la réa-

lité de la Péninsule, assimilée à unrefletdumondeensonentier.Onytrouvetout,commejadisàlaSama-ritaine, à Paris : politique, religion,économie,anthropologie,médiaetmême…architectureeturbanisme.Si l’on veut apprendre, car Kool-haas semble tenaillé parune fièvrepédagogique, des cartes et des gra-phiquesrévèlentquelquesparticu-larités dumondeméconnues. Peuregardantsurlesrisquesdepromis-cuité, Koolhaas a invité les autresbiennales vénitiennes – cinéma,théâtre,danse–àfaireirruptionici.

Cet exercice de confrontationest poussé à l’extrême dans uneautredeszonessurlaquelleledirec-teur a particulièrement veillé. Ellese trouve dans le pavillon centraldesGiardini,vasteédificequiasou-vent servi les seuls intérêts de l’Ita-lie. «Elements» est le titre de cetensemble quimet sous surveillan-ce les quinze éléments supposésprimordiaux de l’architecture,d’hiercommed’aujourd’huietpar-tout dans lemonde: plafond, fenê-tre, corridor, sol, balcon, cheminée,façade, toit, porte, mur, escalier,rampe, toilettes, Escalator et ascen-seur. Chacun est analysé aussirigoureusement que possible, unpeu scolairement, diront certainsvisiteurs, car l’analyse sert icid’abord les lubies lucides et lesobsessionsdeKoolhaas.

On remarque l’Escalator (divor-cé de l’escalier), qui, dans l’analyseque fait l’architecte du monde,annonce le temps des espaces infi-nis, lorsqu’il est couplé avec l’airconditionné. La rampe est traitéeen deux exemples : celle des fau-teuils roulantset cellede l’architec-teClaudeParentqui,delapente,fai-sait,danslesannées1960,l’ordinai-redenossols.Lestoilettessonttrai-téesavecunsérieuxpresquepapal.Et le toit fait un long détour par laChine: leYingzaoFashi,outraitédeconstruction imprimé en 1103 parle haut fonctionnaire Li Jie, à l’épo-que des Song, normalisait tous leséléments, notamment de charpen-te, dans l’optique plurielle d’éviterles accidents, de répondre au désird’uniformité de l’empereur, et, àtravers les normes, d’empêcher lesdétournementsde fonds.

Alors que Venise a découvert, le4 juin, l’ampleur des détourne-mentsd’argent liés aucolossal pro-jet MOSE pour dompter la laguneet ses grandes marées, ce dernieraspect autoriseunsourire.p

Frédéric Edelmann

Biennale d’architecture de Venise.Jusqu’au 23novembre.

Danstouslespavillons,onnotelaquasi-absence

desarchitectesstarsquiilluminaientles

biennalesprécédentes

Architecture:unsiècledemodernitéàVeniseSous l’égide du Néerlandais Rem Koolhaas, la 14e Biennale se penche sur les fondamentaux de la discipline

LaCitédesartsdeChristiandePortzamparc,priméeàVenise,décriéeàRio

La Cité des arts, à Rio, conçuepar Christian de Portzamparc.HUFTON CROW

Venise

Unmonumental insectede bétons’estposé au cœurd’un grosoignon, le cebolao, ainsi qu’est sur-nommél’immensenœudautorou-tier deBarra daTijuca, dans l’ouestdeRiode Janeiro.

A la lisièrede cequartiermoder-nedevenuville balnéaire à l’améri-caine – saplagede 20kilomètres,son frontdemer constellé detourset sesméga-centres commer-ciaux–, les 90000mètres carrésde laCidade das artes (Cité desarts) nepassent pas inaperçus.

Mercredi 4juin, à l’occasiondela 14e éditionde laBiennale inter-nationaled’architecture deVeni-se, l’associationAFEX (Architectesfrançais à l’export) a remis sonprixà ChristiandePortzamparc,auteurde cequi est devenu, endépit de son attrait architectural,l’édifice culturel carioca lepluscontroversé.

L’AFEXa salué«la qualité de cebâtiment debéton, qui est tout à lafoisunhommageà l’architecture

brésilienne etunecréation cohéren-teavec l’œuvredeChristiandePort-zamparc». Les Brésiliens, eux, enont surtoutdénoncé la gabegiefinancière. «Si je paie, c’est àmoi»,scandaient, il y a quelquesmois,desmanifestants devant l’impo-sante construction.

Estiméen2002 à 120millionsde reais (40millions d’euros), soncoût final atteindrait 560millionsde reais. Entre les deux sommes,quatremandatures : celles deCésarMaia,maire deRioentre2001 et 2008, et celles d’E-duardoPaes, adversaire acharnéduprécédent et actuel premiermagistrat de la ville, depuis 2009.

Bienque, depuis lemois de jan-vier, elle commence timidement àaccueillir desmanifestations (ciné-ma, théâtre, concerts), laCidadedas artesn’apas été officiellementinaugurée. Le vaste jardin tropicalet les bassins qui l’enveloppentnesont toujours pas accessibles. Lasalle philharmoniquemodulablede 1800places, destinée à l’Orches-tre symphoniqueduBrésil (OSB),

est restée bloquéedans sa configu-ration«à l’italienne»de 1200pla-ces; enmars, l’OSBa finalementpris possession…de la salle demusiquede chambre.

«CésarMaia voulait un symbo-le public qui ne soit pas debureau-cratie ni d’autorité», explique auMondeChristiandePortzamparc.Le Prix Pritzker 1994a voulupren-dre ses distances avec le site ducebolao saturé d’embouteillages.Il décidede surélever le bâtimentà 10mètres, afinque l’onpuissevoir lamer et lesmontagnes, etqu’il soit visible de loin. Au lieud’implanterdespilotis, il fait des-cendre les voiles de bétonqui s’éti-rent en rondeur jusqu’au sol.

«Unmoment infernal»Entre laplaquehorizontalede

la terrasse et celledu toit se combi-nentdesplans et des courbesdebétonqui enveloppent leshalls,dansun jeudepleins et devides.L’architecte a appliqué, ici, leprin-cipedecequ’il appelle la«briqueperforée» : ladécouverted’unvolu-

mevirtuel creuséqui se fait augréde ladéambulation intérieure. Cequ’il fit à Paris, à laCité de lamusi-quede LaVillette.

Mais enoctobre2003, l’appeld’offrespour lebétonn’est tou-jourspas lancé. Fauted’êtrepayés,lesouvriers jouent au football surle chantier. LequotidienOGloboparledu«grand stadedePortzam-parc». Pendant ce temps-là, CésarMaiaprépare sadeuxièmemanda-tureet semobilise sur laprépara-tiondes Jeuxpanaméricainsde2007. Le chantier de laCidadereprenden2008. Seul impératifpour l’élu: achever le grosœuvreavant la finde sonsecondmandat.Dequelques centainesd’ouvriers,l’effectifpasse à3000: la factureexplose.

Elumaireen janvier2009,EduardoPaes lanceunaudit sur le«grandœuvre»desonprédéces-seur. Les acteurs impliquésdans leprojet, dontChristiandePortzam-parc, sont interrogéspar le tribu-nal civil. L’architecte évoque«desarguments farfelus» : a-t-il été suf-

fisamment sur le chantier?A-t-il ledroitd’exercer auBrésil?Dispo-se-t-il d’une formationsuffisantepour êtrearchitecte? Le Français,quin’auraplus accès auchantierpendantquatre ans, parled’«unmoment infernal».

Engagésans concours, l’architec-te abénéficiédu statutdenotoriosaber (littéralement, «connaissan-cenotoire»), en raisondesa com-pétenceavérée.Mais il n’apas euaccès auxappels d’offresdes entre-prises soupçonnéesde surfactura-tion: c’est saprincipaledéfense.En2013, alorsque la tensionétaitretombée, la candidaturedeCésarMaiaaupostedegouverneurdel’EtatdeRio ravive l’affaire. Et lesprocéduresde justice.

«A la veille desgrands événe-mentsbrésiliens qui s’annoncent,[leprojetdeChristiandePortzamparc]portera fièrement lescouleursde la FranceauBrésil», aexpliqué l’AFEXdans sonargu-mentaire. LesBrésiliens, saturésdescandales, y seront-ils sensibles?p

Jean-Jacques Larrochelle

130123Jeudi 12 juin 2014

Page 14: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

dondusang.n

Faisons du 14 jun grand jour pdonnons notre

culture

Lamachine serait-elle en trainde s’emballer contre l’accorddu 22mars sur l’assurance-

chômage, et tout particulière-ment contre les nouvellesannexesVIII (techniciens) et X(artistes) de l’Unedic ? On seraittentéde le croire, à lire les commu-niqués annonçant l’annulation detel ou tel spectacle, ou à découvrirles initiatives parfois inattenduesdes collectifs d’intermittents.

La mobilisation est partie duPrintempsdescomédiens,àMont-pellier, en grève depuis mardi3juin,avecdésormaisunequinzai-nede spectaclesannulés, soitpres-que la totalité de cette 28e édition,qui devait se tenir du 3 au 29juin.Les salariés du festival peuvent àprésent déclarer : «Nous ne som-mes plus seuls maintenant», enclind’œilautitredel’undesspecta-cles annulés – Nous sommes seulsmaintenant,misenscènepar JulieDeliquet.

Le dernier communiqué a étéenvoyé aux rédactions, mardi10juin, à 23h50, et il retiendra l’at-tention du gouvernement. Il éma-

ne en effet des intermittents dufestival « in» d’Avignon. Mardi10 juin, ils se sont réunis avec lenouveaudirecteur du festival, Oli-vier Py, ainsi qu’avec la nouvellemaire (PS) Cécile Helle, le syndicatCGT et la Coordination des inter-mittents et précaires (CIP).

A l’issue de la rencontre, le per-sonnel du festival « in» a claire-mentbrandi lamenacede lagrève.Le spectrede l’annulationdu festi-val, en 2003, ressurgit. «Si l’Etatdevait agréer l’accord du 22mars,nous nous réservons la possibilitéd’appliquer notre droit de grèvedès le4 juillet», soitdès l’ouverturedu festival, «et le gouvernementen assumera les conséquences»,écrivent les salariés du «in».

Ils rappellent, comme tantd’autres, que François Rebsamenavait signé en faveur des proposi-tions alternatives sur l’assurance-chômage des intermittents, quel-ques semaines avant de devenirministre du travail. «Ce désaveumarque une rupture avec les posi-tionssoutenuespar lePartisocialis-te concernant les enjeux de la

culture dans notre société et notrequotidien», ajoutent-ils. Dans unelettre dévoilée par Le Monde le3juin,OlivierPyademandéaupre-mier ministre, Manuel Valls, deprononcer«unmoratoire»surl’ac-cord du 22mars, et de rouvrir lesnégociations.

Le robinet, lui, est ouvert. Pourl’instant, c’est du goutte-à-goutte,avecunedizainedecommuniquéspar jour. Mais c’est le signe que lanomination, le 7 juin, par le pre-mier ministre Manuel Valls, dudéputé(PS) Jean-PatrickGille, char-gé d’une «mission de proposi-tions» sur les annexesVIII etX,dansundélai serrédequinzejours,n’a pas apaisé les tensions. Aucontraire: Jean-PatrickGilles’étantdéclaré favorable à l’agrément del’accord du 22mars, il est perçuavec une certaineméfiance par lesprofessionnelsdelaculturemobili-sés. Toutefois, leplus gros syndicatdes employeurs du spectaclevivant, le Syndeac, a fait savoir,dans un communiqué, sa disponi-bilitéetsabonnevolontépourcoo-pérer avec lamissionGille.

En attendant, les annulationsde spectacles se multiplient. Huitthéâtres toulousains ont voté lagrève, mercredi 11 juin, et deman-dent le non-agrément de l’accordsur l’assurance-chômage: le Théâ-tre du Grand Rond, Le Hangar, Le

Ring, le Théâtre du Chien blanc, leThéâtreduPont-Neuf, laCavePoé-sie, le Théâtre du Pavé et Le Fil àPlomb.Mardi, la soirée d’ouvertu-re du festival d’Anjou a aussi étéannulée. Le même jour, lesemployés d’Illumination MacGuff, le studio de fabrication de

filmsd’animation3D–Moi,mocheetméchant 1et 2, Lorax–ontvotéàl’unanimité la grève pour le16juin, journéenationaledemobi-lisation.Dansuncommuniqué, ilssoulignent : «Le régime spécifiquedel’intermittencepermetà laFran-ce de conserver sa “diversité cultu-relle” et de réunir les conditionsnécessaires pour créer des filmsinternationalement reconnus.»

Aux moyens d’action « tradi-tionnels» s’ajoutent des initiati-ves plus incongrues. Ainsi, mardi10 juin, la ministre de la culture,Aurélie Filippetti, en déplacementau Familistère de Guise, dansl’Aisne, a été accueillie par desintermittents nus, rapporte leCourrierPicard.Plus tôt, ilsavaientdécidé, « la mort dans l’âme», defaire grève au festival Furies, àChâlons-en-Champagne.

Dans lemêmetemps, àParis, lesmembresducomitéd’expertsdeladirection régionale des affairesculturelles d’Ile-de-France, l’anten-ne du ministère de la culture enrégion,ontdécidé«àl’unanimité»,mardi, de refuserde siéger en com-

mission les 10, 11 et 12 juin. «Nousrefusons de siéger pour donner nosavis artistiques dans ce contextealarmant», expliquent ces profes-sionnels chargés de distribuer lesaides aux compagnies ou aux éta-blissements culturels franciliens.Parmi les signataires, figureCaroli-neMarcilhac, directrice de ThéâtreOuvert,àParis,etanciennedirectri-ce de production du Festival d’Avi-gnon, entre2003et 2011.

Ils demandent le non-agrémentdel’accorddu22mars:«Ladestruc-tionprogressivedurégimedesinter-mittentsaccélèreladéchiruredutis-su culturel français. Nous consta-tons dans lemême temps en Ile-de-France, sur les trois dernièresannées, une diminution globale dunombredecompagniesconvention-nées ainsi que des moyens qui leursont attribués. Nous dénonçonsdonc le désengagement global del’Etat dans le champ artistique etculturel, et sommes révoltés par lerefus du gouvernement de prendrela mesure des effets qualitatifs etquantitatifsde cettepolitique.»p

Clarisse Fabre

Rencontre

PierreRichardn’estplusblond– c’est normal avec l’âge –,mais il a aussi perdu toutes

ses boucles. Une coquetterie capil-laire? Non. « J’ai dû être opéré en2012, je suis parti sur le billard bou-clé,jesuisressorti lescheveuxraides.L’anesthésiem’a défrisé. J’en ai par-lé à mon docteur, il m’a dit quec’était la première fois qu’il voyaitça.» Il n’y a qu’à lui que des chosespareillespeuventarriver.Onenrit ;lui, assis dans son bureau caphar-naüm,leregardbleudouxcerclédelunettes rouges, raconte l’anecdoteavecdistanceet décontraction.

Plusrienn’étonnecetacteur-réa-lisateur aux gaffes légendaires.Apparemment,mêmeses cheveuxsontdevenusdistraits !

Pour l’année de ses 80 ans, cetteex-tête d’affiche bankable (dix-neuffilmsàplusde1,3milliond’en-trées), cet antihéros qui a fait lesbeaux joursdes comédies à la fran-çaise,époquepompido-giscardien-ne, fait son premier et uniqueOlympia à une date toute trouvéepour lui: unvendredi 13juin.

Au programme, un pot-pourride ses trois seuls en scène (Détour-nementdemémoire ;Franchisepos-tale ; Pierre Richard III), des sketchs

inédits d’artistes-amis (StéphaneGuillon, Pierre Palmade, Alex Lutz,Pierre-François Martin-Laval dit«Pef» et les Chiche Capon), le toutaccompagné par le compositeurMichel Legrand et un orchestre de18musiciens.«J’aidécidédemefai-re plaisir et de m’amuser, résu-me-t-il. Je reviens à mes premièresamours, le music-hall. » La périodeoù, dans les années 1960, avec Vic-torLanoux, il construisait,dansdescabaretsparisiens, sonpersonnaged’hurluberlu timideet étourdi.

La scène, voilà dix ans qu’il l’aretrouvéepour raconter ses souve-nirs et livrer, extraits à l’appui, lescoulissesdesesfilmsancrésdanslamémoire collective cinématogra-phique. Du Théâtre du Rond-Pointen 2003 au «off » d’Avignon en2013,enpassantparunetournéeenFrance, le public l’a suivi, ravid’écouter les histoires de l’onclePierre, bien-aimé incompris.

Pierre Richard, acclamé depuislongtemps en Amérique du Sud etadulé en Russie, vit une sorte deretourengrâceenFrance.AlorsqueLouis de Funès a acquis ses lettresdenoblessepostmortem, luiaplusdechance.«J’ai assistéauretourne-ment de la critique de mon vivant.Mieux vaut tard que jamais »,constate-t-il. Il revientde loin, celui

que l’on résumait à «l’ahuri de ser-vice». Cemarginal par nature a unsouvenir tenacedecequepeutêtrelamise à l’écart. «J’étais très copainavec une journaliste de L’Express.Un soir où elle avait réuni chez elletoute la fine fleur de la critique,j’étais enbout de table – onme tolé-rait – et j’entendais cesgensdiredeschoseseffarantes. Ils faisaientsipeuattention à moi que je me sentaiscomme le majordome incarné parAnthonyHopkinsdansLesVestigesdu jour ; j’avais l’impression de nepasêtreunhomme.»

Dénonciateur et burlesqueMalgré le succès public immé-

diat, la dureté de la critique enversdes films qu’il a réalisés lui a «faitmal», aggravant son manque deconfiance. « Je regrette de ne pasavoir eu plus de pugnacité pourapprofondir mon propre sillon,d’avoirabandonnécequim’intéres-sait le plus : la critique des absurdi-tés du monde moderne.» Il a fallutrente ans pour qu’on admette ladimension dénonciatrice de sesfilms:critiquedesdérivesdelapubdansLeDistrait (1970), de lamédio-crité de la télévision dans Les Mal-heurs d’Alfred (1972), du cynismedesmarchandsd’armesdans Jesaisrien,mais jedirai tout (1973).

Et du temps aussi pour que soitreconnu son talent burlesque – unmélangedeCharlieChaplin, de Jac-ques Tati et de Buster Keaton. Pier-reRichardvoueune«reconnaissan-ce infinie» à Yves Robert pour sonconseil décisif à l’aube des années1970: «T’es pas un acteur, t’es unpersonnage. Fais ton cinéma toi-même.»Mais il ne renie pas avoirparticipé à lamachine comique deGérard Oury et de Francis Veber.Son film préféré reste Le Jouet(1976), pour sa satire sociale, sadénonciation du pouvoir de l’ar-gentet des capricesdes riches.

En 2006, Pierre Richard a eudroitàunestandingovationlorsdela remise de son César d’honneur.En smoking, mais baskets auxpieds, il lança à sespairs : «J’ai eu lamalchance d’avoir trop de succès.»En2013, lorsd’unhommageauFes-tivalLumière,àLyon,5000person-nes l’ont ovationné. «Je n’oublieraijamais ce moment. Le directeur dufestival,ThierryFrémaux–que jeneconnaissais pas –m’a faitmonplusbeaucadeau.»

Mais son dernier film en tantque réalisateur, Droit dans le mur(1997), futunbide.«Untitreprémo-nitoire !, s’amuse-t-il. Je l’ai payécher, je me suis tapé des années depurgatoire; Heureusement, j’ai tel-lement de pôles d’intérêt dans mavie que je ne suis pas dépressif si jene joue pas. » Il en a profité pourvoyager, beaucoup, chez les InuitscommeenAfrique, etpourprodui-re le documentaire du géographeEric Julien sur les Indiens Kogis deColombie. S’il devait aujourd’huiréaliser un film, ce rêveur sincèreparlerait de corruption ou d’écolo-gie. «L’omniprésence du pognon etlemassacredenotreplanètem’indi-gnent et m’obsèdent, ce sont lesdeuxplaies denotremonde.»

Depuisdixans,ilmènesonaven-ture théâtrale avec ChristopheDuthuron, de quarante ans soncadet.C’estluiquiaeul’idéedemet-tre en forme leshistoires duGrandBlond. « Pierre, c’est un airbagcontre la violence du monde, résu-me lemetteur en scène. Il se situe àla bonne distance des choses, enn’étantni dupeni cynique… sa légè-retéme touche.»Toujours prêt à seretrouver «en état d’euphorie»,Pierre Richard veut croire que «lesplusbellesannéesde [sa]vie sont lesprochaines». L’âge? « Je ne m’enrends pas compte.» Tombermain-tienten forme. p

SandrineBlanchard

Le vendredi 13 juin de Pierre Richard,vendredi 13 juin à 20h30 à l’Olympia,28, boulevard des Capucines, Paris 9e.Tél. : 0-892-68-33-68.

«Ladestructionprogressivedurégime

desintermittentsaccélèreladéchiruredutissuculturel

français»Le comité d’experts

de la direction régionaledes affaires culturelles

d’Ile-de-France

Le 3 juin, à Paris. CLAUDE GASSIAN POUR « LE MONDE»

Intermittents: leFestivald’AvignonmenacéA Paris, Toulouse ou Montpellier, les actions se multiplient, en vue d’obtenir le non-agrément de l’accord du 22mars sur l’assurance-chômage

PierreRichard,toujoursunpasdecôtéPour ses 80ans, l’acteur et réalisateur revient à ses premières amours, la scène, à l’Olympia

14 0123Jeudi 12 juin 2014

Page 15: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

p

VoyagePrendreunvélopourparcourir lebassind’Arcachonestlameilleurefaçondedécouvrirunsitepréservé.Lescheminsdetraversesontvivementrecommandés

Untourdelagune,dopéàl’iode

culture& styles

YallerEn train, plusieurs liaisons direc-tes avec Bordeaux (TER) et Paris(TGV, 4h30environ).

Se logerAArcachon, l’Hôtel de la Plage, à100mdu front demer, offre unbon rapport qualité-prix (à partirde 92 euros la chambre double).Hotelarcachon.comAPyla-sur-Mer, la Co(o)rnicherécemment réaménagée parPhi-lippeStarck, offre, au pied de laduneduPilat, un cadre enchan-teur (à partir de 380 euros lachambredouble).Lacoorniche-pyla.comAuCap-Ferret, LaMaison dubas-sin,magnifique villa auxmurs debois et aux volets bleus, cachéesous les glycines, à deux pasde laplage. Calme absolu, décorationraffinée (à partir de 130 euros la

chambredouble).Lamaisondubassin.com

Louer un véloEnviron7000bicyclettes sont dis-ponibles à la location dans les dif-férentes communes dubassin.Entre 10 et 12 euros la journée.Carte des pistes cyclables dansles offices du tourisme.

Se restaurerAumarché couvert d’Arcachon, lecomptoir de l’OysterBar du pro-ducteurOlivier Laban proposedes dégustations d’huîtres dèsleur sortie du bassin, accompa-gnées d’un verre de tariquet oude pessac-léognan.Autour du bassin, nombreusescabanes àhuîtres pour déguster,à toute heure, des huîtres avecdes tartinesdepâté, curiosité gas-tronomique locale.

et

uinpour la vie:sang

Arcachon (Gironde)

Avant tout, c’est le parfumqui surprend, senteurs dou-ces de feuillagesmêlées aux

odeurs puissantes de la marée.Puislalumièreimposesasingulari-té, à la fois éclatante et ouatée. Par-courir à vélo le bassin d’Arcachonpermetdeprofiter pleinementdesexpériences sensorielles qu’offrecette baie, entre lagune et forêt depins, plages de sable fin et villagesostréicoles.D’ailleurs, ici levéloestroi : quelque 220km de pistessillonnent le bassin, le départe-ment de la Gironde se targuantd’être lemieuxdotédeFranceavec600kmdepistes.

Le transport «vert» n’est pasunphénomène de mode à Arcachon,ville jadis réputéepour lapuretédesonairoù lesbourgeoisdeParis, deBordeaux ou même d’Espagnevenaientsoignerleursmaladiesres-piratoires. En 2013, chaque foyers’est vu proposer – en prêt – unebicyclette. Des bus électriques gra-tuitstransportentleshabitantstan-dis qu’un système de navettes flu-

viales permet aussi, sans prendreson véhicule, de rallier différentspointsdubassin.Onpeutymontersonvélo à lamain, cequi soulagerales cyclistes lesmoins acharnés: lebassin s’enroule en forme depincede crabe sur plus de quatre-vingtskilomètres, de la dune du Pilat à lapointeduCap-Ferret.Maisentoursde pédalier, il faudra compter ledouble,tantlatentationestgrande,pour le cyclotouriste, de prendredes chemins de traverse. La beautédes paysages et leur subtile varia-tionaurythmedesmarées, le char-me des villages et leurs cabanesostréicoles, invitent à chaque vira-geàposerpiedà terre.

Si l’onpartà10heuresducentre-ville d’Arcachon, on arrive vers11heures au petit port de Gujan, àl’est, en suivant la piste cyclable,quicourtsurl’anciennevoiedeche-minde fer. L’heure idéalepourunepause apéro, constituée ici d’uneassiette d’huîtres accompagnées…d’une tartine de pâté. Si l’heure estplus proche de celle du déjeuner,on peut opter pour une saucissequivous sera servie chaudeaucôtédeshuîtres fraîches.

Les cabanes d’ostréiculteurs sesuccèdent de part et d’autre de laLeyre, rivièrequivientse jeterdanslebassind’Arcachon.Laplupartdesproducteurs dressent devant leurlieudetravailquelques tablespourpermettre aux amateurs de dégus-

ter des huîtres à toute heure. Si lamaréeesthauteetquelesostréicul-teurs ne sont pas à pied d’œuvresur le bassin, ils prendront volon-tiers quelquesminutes pour expli-quer aux curieux la technique trèsparticulière développée ici pourrécupérer les naissains (les bébéshuîtres) sur des tuiles recouvertesde chaux. Certains producteurs,investis dans le «pescatourisme»,embarquentmême des vacancierssur leur plate, bateau sans quillepermettant de se poser sans ris-ques sur les bancs de sable, et lesemmènent observer le travail surlesparcsàhuîtres.

A Gujan, difficile de passer sansla remarquer devant la maisonDubourdieu, fabricant de bateauxdepuis 1800, près de laquelle sta-tionnent toujours une ou deuxpinasses. Ces embarcations typi-

ques d’Arcachon, surnommées«lesgondolesdubassin»en raisonde leur proue dressée vers le ciel,sont réalisées ici à l’ancienne, enacajou et teck. La maison s’est vuremettre le label d’Etat «entreprisedupatrimoinevivant»en2012. Lesnavigateurs du coin peuvent venirentretenir ou réparer eux-mêmesleurembarcationdansunentrepôtque le patron du chantier, Emma-nuelMartin,metàleurdisposition.«Les vieux pêcheurs s’y retrouventpourdiscuteretéchanger leurspeti-tes misères, je l’appelle l’atelier depsychothérapie», plaisante l’an-cieningénieurœnologuereconver-ti dans la constructionnavale.

La piste menant à Audenge, àune quinzaine de kilomètres encontournant lebassinpar l’est, s’ef-fectue essentiellement à travers laforêt de pins. Les parfums de rési-neux cèdent la place aux effluvesiodés lorsque l’on s’approche duport où une piscine d’eau demer aété ouverte en plein air. A maréebasse, pinasses et pinassottes (laversion à voile), couchées sur leflanc, semblent faire la sieste enattendant la remontéedes eaux.

La suite du parcoursmenant auCap-Ferret est jalonnée de petitsports et villages de pêcheurs quel’onrisqued’ignorersi l’onrestesurlesgrandsaxes. Il fautdescendredeselle et s’enfoncer dans les ruellespour en apprécier l’atmosphèreparticulière. Ici, l’élevage des huî-tres dessine le paysage, barré, auloin,par lespignots, cespoteauxdeboisplantésdanslesableetquidéli-mitentlescontoursdesparcs.Levil-lageostréicole le plus authentique,L’Herbe, réunit de vieilles cabanesen bois séparées par des rues étroi-tesouchatsetchiensviennentcher-cherunpeud’ombre.

De lapetiteplage, encombréedematériel de pêche, on aperçoit l’îleaux Oiseaux dont la surface rétré-

citcommepeaudechagrinauryth-me de la montée de la marée, pas-sant de 16km de circonférence àmarée basse à 5km àmarée haute.Un univers inhabité mi-terre,mi-eau, couvert de végétation bas-se – bruyère, tamarins, salicorne –,refugede rêvepour les oiseauxquiyfontunehalte lorsde leursmigra-tions. A proximité de l’île se trou-vent les deux fameuses cabanes«tchanquées» (montées suréchas-ses), vedettes de l’imagerie arca-chonnaise.

Encore3kmdepisteetnousvoi-ci à la pointe de la presqu’île, bali-sée par la silhouette rouge et blancduphareduCap-Ferret.Ongrimpesans difficulté ses 258marches, sti-mulépar laperspectivedepouvoircontempler, d’en haut, les diffé-rentslieuxquel’onvientdeparcou-rir à vélo.De l’autre côté de l’entréedu bassin, lamajestueuse dune duPilat déroule ses ondulations blon-des.Ons’yrendraenbateau,depuisla jetée Bélisaire située au pied duphare (liaison ouverte aux cyclo-touristes en haute saison unique-ment). Une traversée d’à peinedeux kilomètres mais qui procuredes sensations rares : lieu deconfrontationentrelamerintérieu-re et l’océan, cette partie du bassindéploie une palette de couleurs dujaune pâle au vert sombre en pas-sant par toutes les nuances debleu– azur, lagon, turquoise, ardoise.Enchanteur.p

Sylviekerviel

Lasubtilevariationdupaysageaurythmedesmarées, lecharmedesvillagesinvitent,àchaquevirage,

àposerpiedàterre

TÉLÉVISION

L’acteuraméricainTracy Morgandansun «état critique maisstable»Le rétablissement de l’acteur américain TracyMorgan, griève-ment blessé, dans la nuit de vendredi6 à samedi 7 juin, dans unaccident de la route, sera «ardu», a indiqué, lundi 9juin, sonagent, Lewis Kay, précisant qu’il était dans un «état critiquemaisstable». L’agent a précisé qu’« il avait été opéré d’une jambe cas-sée»,mais a qualifié de «complète invention» les rumeurs d’uneamputation. TracyMorgan, 45ans, a aussi le nez, un fémur et plu-sieurs côtes cassées, avait indiqué, dimanche8juin,M.Kay.Il devrait rester des semaines à l’hôpital.Morgan est notammentconnupour son rôle de Tracy Jordan, une caricature de lui-même, dans la série télévisée «30Rock», aux côtés de Tina Fey.Il était devenu célèbre après avoir rejoint, en 1996, l’émission sati-rique télévisée «SaturdayNight Live», à laquelle il contribuerajusqu’en 2003. L’accident a eu lieu au suddeNewYork, alorsqu’il rentrait de tournée dans un autobus, heurté par l’arrière parun chauffeur de poids lourd. Ce dernier s’était apparemmentassoupi. – (AFP.)p

BandedessinéeQuelque 750 auteursdeBD interpellent Aurélie FilippettiPrès de 750 auteurs de BDont écrit,mardi 10juin, une lettreouverte àAurélie Filippetti,ministre de la culture, dans laquelleils réclament la suspension d’unehausse prévue de leurs cotisa-tions retraite début 2016. Parmi les signataires figurent JoannSfar, Riad Sattouf, Christophe Blain, Jacques Tardi, Enki Bilal ouPénélopeBagieu. Sans aucune consultation, écrit le Syndicat desauteurs de bandedessinée (SNACBD), «nous apprenons qu’àcompter de janvier2016 nous devrons cotiser à hauteur de 8%denos revenus pour financer notre retraite complémentaire obliga-toire».Actuellement, les auteurs peuvent verser à cet organismeprivéune cotisationminimale de 200euros par an. – (AFP.)

L’élevagedeshuîtresdessinelepaysage,barré,auloin,parlespignots,cespoteauxdeboisquidélimitentlescontoursdesparcs

CARNETDEROUTE

Le port ostréicole d’Andernos, sur le bassin d’Arcachon. PATRICE HAUSER

150123Jeudi 12 juin 2014

Page 16: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

16 0123Jeudi 12 juin 2014carnet

en venteactuellement

K En kiosque

Hors-série

Hors-série

7 matières pourréussir votre bac

Collections---------------------------------------------------------

Dès jeudi 12 juin, le volume n° 6LE CRI DE LA FIANCÉE

d’Anthony Pastor

Dès jeudi 12 juin,le volume n° 21

LA FIN DU MOYEN ÂGE

Actuellement en kiosquele CD-livret n° 22

BAD NEWS FROM THE STARS

Nos services--------------------------------------------------------------LecteursKAbonnements

Tél. : 32-89 (0,34� TTC/min)www.lemonde.fr/abojournal

K Boutique du Monde80, boulevard Auguste-Blanqui,75013 ParisM° Glacière ou CorvisartTél. : 01-57-28-29-85www.lemonde.fr/boutique

K Le Carnet du MondeTél. : 01-57-28-28-28

ProfessionnelsK Service des ventes

Tél. : 0-805-05-01-47

0123

SOCIÉTÉ ÉDITRICE DU MONDE SA - 80, BOULEVARD AUGUSTE-BLANQUI - 75013 PARIS - 433 891 850 RCS Paris - Capital de 94 610 348,70�. Offre réservée auxnouveaux abonnés et valable en France métropolitaine jusqu’au 31/12/2014. En application des articles 38, 39 et 40 de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier1978, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de radiation des informations vous concernant en vous adressant à notre siège. Par notre intermédiaire,ces données pourraient êtres communiquées à des tiers, sauf si vous cochez la case ci-contre.

Maison individuelleImmeubleDigicode N°

Dépôt chez le gardien/accueilBât. N°Escalier N°

IMPORTANT : VOTRE JOURNAL LIVRÉ CHEZ VOUS PAR PORTEUR**

Interphone : oui nonBoîte aux lettres :Nominative Collective

Dépôtspécifiquele week-end

*Prix de vente en kiosque. **Sous réserve de la possibilité pour nos porteurs de servir votre adresse.

BULLETIN D’ABONNEMENTA compléter et à renvoyer à : Le Monde - Service Abonnements - A1100 - 62066 Arras Cedex 9

142EMQADCV

je m’abonne à la Formule Intégrale du Monde Le quotidien chaque jour+ tous les suppléments + M le magazine du Monde + l’accès à l’Éditionabonnés du Monde.fr pendant 3 mois pour 69 € au lieu de 179,40 €*OUI

Je règle par :Chèque bancaire à l’ordre de la Société éditrice du MondeCarte bancaire : Carte Bleue Visa Mastercard

N° :

Expire fin :Notez les 3 derniers chiffresfigurant au verso de votre carte :

Date et signature obligatoires

Nom :

Prénom :

Adresse :

Code postal :

Localité :

E-mail :

@

Tél. :

J’accepte de recevoir des offres du Monde OUI NONou de ses partenaires OUI NON69� au lieu de 179,40�*

ABONNEZ-VOUS

DÉCOUVERTE

AU CARNET DU «MONDE»

Naissance

« C’est un chant un simple chantc’est un enfant du cœur de moi

bouche d’or cœur de princemains de chair yeux lointains

c’est un enfant du cœur de moiil chante »

Philippe Forcioli.

Grégoire, Vanessa,Gabin, Salomé et Zélie

ont accueilli

Théodore CARTILLIER-BOND

le 29 mai 2014.

Décès

Michel,son mari,Claire,

sa fille,

ont l’immense tristesse de faire part,à ceux qui l’ont aimée, du décès de

Alfréda AUCOUTURIER,

survenu le 8 juin 2014.

Elle a rejoint son fils,

Denis,

décédé le 14 mars 2012.

La cérémonie religieuse sera célébréele vendredi 13 juin, à 14 h 30, en l’églisede Saint-Jean-Baptiste de Belleville (métroJourdain), suivie de la crémation le mêmejour, à 16 heures au crématoriumdu cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.

25, rue Pradier,75019 Paris.

Les associésEt les collaborateurs de

Orkos Capital

ont l’immense tristesse de faire partdu décès brutal de

Christian BORIE,leur associé de longue date,

survenu le 7 juin 2014

et s’associent au chagrin de sa femme,ses trois enfants et toute sa famille.

Les obsèques se tiendront le vendredi13 juin, à 14 h 30, en l’église de Villers-Cotterêts (Aisne).

Pau.

Hector Loaiza,son époux,Daniel Loaiza

et Paula Riveros-Loaiza,son fils et sa belle-fille,Azélia et Adrián,

ses petits-enfants,Toute la famille Brisseau et Delmont

de la France et de l’Amérique latineEt ses amis,

ont la tristesse de faire part du décès de

Jeanine BRISSEAU-LOAIZA,ancienne chercheur au Centre d’étudesde géographie tropicale de Bordeaux

(CEGET), attaché au CNRS,docteur d’État en géographie,spécialiste de l’Amérique latine,ayant soutenu une thèse sur la villede Cuzco (Pérou) et sa région,publié de nombreux travaux

sur le Vénézuela, le Pérou, l’Uruguayet le Chili,

professeur à l’Université de Pauet des Pays de l’Adour (UPPA)

pendant vingt-cinq ans,auteur de plusieurs ouvrages.

Ses obsèques ont été célébrées le lundi2 juin 2014, à 9 h 45, en la salle decérémonie du crématorium.

Pollestres. Paris. Rieux-Minervois.

Simone, Marc et Claire César,Les familles Salles, Cavel, Coste,Parents et amis,

ont la douleur de faire part du décès de

Guy CÉSAR,professeur agrégé de Lettres,

survenu le 8 juin 2014,à l’âge de soixante-treize ans.

Ses obsèques ont lieu ce mercredi11 juin, à 16 h 30, au crématorium publicde Perpignan.

Alan DOUGLAS,producteur internationalde musique et de films,

s’est éteint paisiblementà son domicile parisien, le 7 juin 2014,à l’âge de quatre-vingt-deux ans.

Il est connu pour son travail avec denombreux artistes légendaires, ainsi quepour ses productions posthumes de JimiHendrix, dont l’ouvrage récent StartingAt Zero.

Son épouse,Ses deux fillesEt de ses nombreux amis

célèbrent la vie qu’il a menée.

Marc Papinutti,son filsEt Estelle,

sa belle-fille,Léa et Anna Papinutti,

ses petites-fillesAinsi que l’ensemble de sa famille,

ont la douleur de faire part du décès de

Jacqueline PAPINUTTI,néeMORZIÈRES,

survenu le 9 juin 2014,à Bry-sur-Marne,à l’âge de quatre-vingt-cinq ans.

La cérémonie religieuse sera célébréele 17 juin, à 14 h 15, en l’église Saint-Baudile de Neuilly-sur-Marne, suiviede l’inhumation au cimetière.

Cet avis tient lieu de faire-part.

86, rue Carnot,94130 Nogent-sur-Marne.

Maria Rosa Moreno-Péneau,son épouse,Aurélie et Jean-François Péneau-

Kerroc’h,Frédéric Péneau,Claire et Jean-Christophe Péneau-

Viard,ses enfants,

Pierre, Juliette, François, Mathilde, Léo,Paul et Serge,ses petits-enfantsEt toute la famille,

ont la douleur de faire part du décès,dans sa soixante-treizième année, de

Daniel PÉNEAU,

survenu le 9 juin 2014, à Nantes.

Ses obsèques seront célébréesle vendredi 13 juin, à 11 heures, en l’égliseSainte-Thérèse de Nantes.

43, rue du Coteau,44100 Nantes.

Paris.

Mme Emöke Revole,son épouse,Antoine, Emmanuelle, Olivia,

ses enfantsEt toute sa famille,

ont la tristesse d’annoncer le décès de

M. François REVOLE,ENA promotion Malraux,

chevalierdans l’ordre national du Mérite,

chevalierdans l’ordre des Palmes académiques,

survenu le 7 juin 2014,à l’âge de soixante et onze ans.

Saint-Avertin (Indre-et-Loire).Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).

La famille Savary,Christine, Jacques, Catherine, Pierre,

Elisabeth, Anne, François, Florence,ses enfants et leurs conjoints,Ses petits-enfantsEt ses arrière-petits-enfants,Mme Chantal Gaultier-DoreauEt toute la famille,

font part du décès du

docteur Marc SAVARY,radiologue,

survenu dans sa quatre-vingt-septièmeannée.

Les obsèques seront célébréesen l’église de Saint-Avertin, le vendredi13 juin, à 14 h 30, suivies de l’incinérationau crématorium de Tours-Sud.

Condoléances sur registre.

La famille remercie les personnes quis’associent à sa peine.

PF. Assistance, Chambray.Tél. : 02 47 28 93 93.

Pont-de-Beauvoisin (Isère).

Danièle, Jean-Louis, Bruno, Didieret Florence,ses enfants,leurs conjoints,leurs enfants,leurs petits-enfants,Suzon Milliet,

ont la tristesse de faire part du décès,survenu le 7 juin 2014, à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans, de

M. le docteurYves TOURAINE,ancien chirurgien

de l’hôpital de Pont-de-Beauvoisin,maire honoraire,

conseiller général honoraire,officier de la Légion d’honneur,

officier dans l’ordre national du Mérite.

La cérémonie sera célébrée le vendredi13 juin, à 10 heures, en l’église de Pont-de-Beauvoisin (Isère).

L’inhumation aura lieu le samedi14 juin, dans l’intimité.

Pas de plaques, fleurs naturellesuniquement.

Le docteur Touraine repose au centrefunéraire Baldini, à Pont-de-Beauvoisin.

La famille rappelle à votre souvenirson épouse,

Suzanne,

décédée en 1985.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Louise Viard,son épouse,Bruno, Jean et Béatrice Viard,

leurs enfants,leurs conjoints,leurs petits-enfantset leurs arrière-petits-enfants,

ont la tristesse de faire part de la mort de

Jacques VIARD,

survenue le 6 juin 2014.

La cérémonie aura lieu le jeudi 12 juin,à 16 h 30, en l’église de Vaugines(Vaucluse).

Né en 1920, Jacques Viard s’engageavolontairement en 1939. Il fut pendantquinze années professeur de français,de latin et de grec à la khâgne de Marseille,avant d’enseigner la littérature françaiseà l’université de Provence.Il fut, trente années durant, présidentde l’Association des Amis de PierreLeroux, dont le dernier Bulletin est paruen mars dernier. Spécialiste de la cultureeuropéenne des 19e et 20e siècles, iltravailla surtout sur le socialismedémocratique et républicain initié parPierre Leroux dans les années 1830. Auxtemps de la guerre froide et jusqu’àaujourd’hui, il combattit la doxa marxisteau sein de l’intelligentsia française, la doxacatholique aussi, si peu chrétienne et si peusocialiste au 19e siècle et jusqu’au Concilede Vatican II. Son dernier article PierreLeroux, Péguy et Rome paraîtra au moisde juin dans Commentaires.

Bruno Viard,500, rue Paradis,13008 Marseille.

Anniversaire de décès

Annie SOLO DUCLOS

nous a quittés voilà un an déjà.

Elle était une belle personne.

Ami(e)s je vous appelle à la tendresseet au souvenir.

Gilbert Duclos.

Souvenir

12 juin 2009,

Anne-Marie CORLIEU.

Nous pensons toujours à elle.

Kiang, Lisa, Manu.

Communications diverses

ISF :Déduisez 75 % du montant de votre donà la Fondation du patrimoine juif

de France pour sécuriseret mettre aux normes nos synagogues

et centres communautaires.Tél. : 01 49 70 88 02,

[email protected] l’égide

de la Fondation du judaïsme français.

Vos grands événements

Naissances, baptêmes, fiançailles,mariages

Avis de décès, remerciements,messes, condoléances

Colloques, conférences,portes-ouvertes, signatures

Soutenances de mémoire, thèses,HDR

Expositions, vernissages

Pour toute information01 57 8 8 801 57 8 1 36

carnet mpublicite.fr

Le Carnet

Conférence

Conférence gratuitejeudi 12 juin 2014, à 20 heures

« Le football pendantla Première Guerre mondiale »,

par Paul Dietschy,maître de conférences

à l’Université de Franche-Comté.

Réservation au 01 60 32 10 45ou sur reservation.

[email protected]

Musée de la Grande Guerredu Pays de Meaux,rue Lazare Ponticelli,77100 Meaux.

Claude Vivier Le Got, présidentedu Groupe EAC, remercie les membresdes jurys MBA médiation culturelle :Vincent Moisselin, directeur de la cultureau Conseil général de Seine-Saint-Denis,et Claude Renard-Chapiro, présidentede « Notre Atelier Commun », pour« L’institutionnalisation des frichesculturelles en France » de BaptisteChappotteau.Vous aussi êtes intéressés par les

métiers de la médiation culturelle, dumarché de l’art et du luxe ?Venez rencontrer nos conseillers lors de

nos journées d’information, vendredi20 et samedi 21 juin 2014, de 9 h 30à 17 h 30, à Paris.Inscription :www.groupeeac.com33, rue la Boétie,75008 Paris.Tél. : 01 47 70 23 [email protected]

Page 17: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

170123Jeudi 12 juin 2014

E ndébut dematinée du lundi9juin, il n’était question, surles chaînes d’info en conti-

nu, et notamment sur i-Télé, quede la sortie de l’équipe de Francede football de sonhôtel à Lille, où,la veille, elle avait remporté unmatchpar 8 contre0. (La facétieu-se RoselyneBachelot a d’ailleurstweeté, dimanche, cette amusan-te pique: «Bon. Quand la Francesera en concurrence avec la Jamaï-que en course à pied, ça risqued’êtremoins facile !»)

Certes, c’était lundi de Pentecô-te,mais commentune émissiond’informationpeut-elle passer l’es-sentiel de son temps à attendre lasortie de ces enfants gâtés quifont en général la gueule avec desécouteurs vissés auxoreilles?Mais, à entendre le commentaireextasié des journalistes, on assis-tait endirect à unmiracle : lesBleus souriaient, prenaient letempsde signer des autographeset de poser pourdes «selfies».

Il était pourtant criant que lachose sentait le coupde com’: ilfallait coûte que coûte faireoublier lesmauvaisesmanièresde l’équipe lors du fiasco de la pré-cédenteCoupe dumonde.

Endépit de l’effroyable imageque les footballeurs avaient don-née d’eux-mêmes enAfriqueduSud, en 2010, avec ce bus où ilss’étaient pris en otage de leur pro-pre bêtise collective, on eut droit àencoreplus de bus, comme si levéhicule n’était pas devenu leplus calamiteux emblèmede leurdéconfiture passée: après le busdedépart, lundi, ce fut, le lende-main, toujours sur i-Télé, celuidont ils descendaient, à leur arri-vée auBrésil. Passionnant, hein?

Et l’on parla de cela plus que

des graves tensions sociales brési-liennes, des grèves et du retardinquiétant des travaux – qui ris-quede compromettre les vérifica-tionsde sécurité. On fit unpeusonmétier en rappelant le prixdes billets pour lesmatchs : de50euros à 150euros, un coût loinde la portée des Brésiliens lesmoins aisés.Mais la Fédérationinternationale de football associa-tion (FIFA) a ses bonnesœuvres :les pauvres ne paieront «que»35euros.

Heureusement, lundi soir, au«Grand Journal» de Canal+, onrappelait que ladite FIFA («unetrès riche association à but nonlucratif», ironisaitOlivier Besance-not, invité sur le plateau de l’émis-sion) avait «organisé un périmè-

tre de sécurité de 2kilomètres» àl’entour des stades auprofit degrandesmultinationales asso-ciées, empêchant les vendeurs à lasauvette de se faire les quelquessous qui leur auraient permisd’améliorer leurmaigre ordinaireet, qui sait, de se payer, commeunluxe insensé, unbillet à tarifd’ami.

Je n’aimais pas lemondedufootball et ses «marchés juteux»,commedit Besancenot, unpeugêné aux entournures par sa pas-sionpour le ballon et la hainedeson économie. Je les déteste plusencore. p

C’EST À VOIR | CHRONIQUEpar Renaud Machart

Ballond’or

T

1010

1005

D

D

D D

A

A

A

A

1010

1010

1025

1025

1020

1020

1020

1005

1015

1015

Météorologue en directau 0899 700 713

1,34 € l’appel + 0,34 € laminute7 jours/7 de 6h30-18h

Nord-Ouest

Ile-de-France

Nord-Est

Sud-Ouest

Sud-Est

Jours suivants

www.meteonews.fr

Températures à l’aube l’après-midi

Front chaud Front froid

DépressionAnticyclone

Occlusion Thalweg

DA

Paris

Madrid

Séville

Rabat

AlgerTunis

RomeBarcelone

Tripoli

Le CaireJérusalem

Beyrouth

Athènes

Berne

Amsterdam

Bruxelles

BerlinLondres

Edimbourg

Dublin

OsloStockholm

Copenhague

Riga

Varsovie

Kiev

Ankara

Istanbul

Sofia

OdessaBudapest

Vienne

Prague

Munich

ZagrebMilanBelgrade

Bucarest

St-PétersbourgHelsinki

Minsk

Moscou

LisbonneLisbonne

TunisTunis

BarceloneBarcelone

TripoliTripoli

Lisbonne

ReykjavikReykjavik

En EuropeAmsterdamAthènesBarceloneBelgradeBerlinBerneBruxellesBudapestBucarestCopenhagueDublinEdimbourgHelsinkiIstanbulKievLa ValetteLisbonneLjubljanaLondresLuxembourgMadridMoscouNicosieOsloPragueReykjavik

RigaRomeSofiaStockholmTallinTiranaVarsovieVienneVilniusZagrebDans le mondeAlgerAmmanBangkokBeyrouthBrasiliaBuenos AiresDakarDjakartaDubaiHongkongJérusalemKinshasaLe CaireMexicoMontréalNairobi

New DelhiNew YorkPékinPretoriaRabatRio deJaneiroSéoulSingapourSydneyTéhéranTokyoTunisWashingtonWellingtonOutremerCayenneFort-de-Fr.NouméaPapeetePte-à-PitreSt-Denis

Paris

Madrid

Séville

Rabat

AlgerTunis

RomeBarcelone

Tripoli

Le CaireJérusalem

Beyrouth

Athènes

Berne

Amsterdam

Bruxelles

BerlinLondres

Edimbourg

Dublin

OsloStockholm

Copenhague

Riga

Varsovie

Kiev

Ankara

Istanbul

Sofia

OdessaBudapest

Vienne

Prague

Munich

ZagrebMilanBelgrade

Bucarest

St-PétersbourgHelsinki

Minsk

Moscou

35 à 40° > 40°30 à 35°25 à 30°20 à 25°15 à 20°10 à 15°5 à 10°0 à 5°-5 à 0°< -5°

Amiens

Metz

Strasbourg

Orléans

Caen

Cherbourg

Rennes

Brest

Nantes

Poitiers

Montpellier

Perpignan

Marseille

Ajaccio

Nice

Clermont-Ferrand

Lyon

Chamonix

Bordeaux

Biarritz

Limoges

Besançon

Rouen

PARIS

Châlons-en-champagne

Toulouse

Dijon

Lille

1 22

Grenoble

20132724

301925142615248

2821

3218291819141912191214132320261421212816341824142612331722113023211123171613

28162717332928242013201724243227393231282417352335252616

13 202215

46342219362416333212522

322818133223252131233022

262819262721

bienensoleillébeautemps

beautempssoleil,oragepossiblesoleil,oragepossiblebienensoleillé

bienensoleillé

bienensoleillésoleil,oragepossiblebienensoleilléassezensoleilléenpartieensoleilléaversesmodéréesbeautempsbienensoleillébeautempsbeautempssoleil,oragepossibleassezensoleillébienensoleillébienensoleillébienensoleillébienensoleillébienensoleillésoleil,oragepossibleassezensoleillé

beautempsbeautempspluiesorageusesbienensoleilléassezensoleillépluiesorageusesbeautempspluiesorageusesbienensoleilléaverseséparsesbeautempsassezensoleillébeautempsassezensoleilléfortepluieaverseséparses

beautempscouvertetorageuxbienensoleillébeautempssoleil,oragepossibleassezensoleillé

soleil,oragepossible2516soleil,oragepossible

assezensoleillébeautempspluiesorageusesbeautempssoleil,oragepossibleenpartieensoleillé 1414

soleil,oragepossibleassezensoleilléaverseséparsessoleil,oragepossibleassezensoleillébienensoleillé

Vendredi

Jeudi 12 juin 201412.06.2014

20 km/h

20 km/h

20 km/h

20 km/h

20 km/h

2013302228122114

3312 1723

25163118

153025

19

assezensoleillébienensoleillésoleil,oragepossiblesoleil,oragepossibleaversesmodéréesbienensoleillépluiesorageusessoleil,oragepossiblebienensoleillésoleil,oragepossible

Samedi Dimanche Lundi

05h2105h45 21h02

21h54

1323

1322

1123

1521

1421

1422

1521

1123

1124

1827

1727

1425

2231

1830

1731

9 22

13 26

16 30

9 24

14 28

15 28

18 3217 31

17 30

16 27

10 25

11 23

12 27

13 28

13 26

17 31

15 26

17 31

18 26

15 28

17 29

9 25

9 24

9 24

8 26

13 26

15 28

17 29

11 26

15 26

17 32

15 29

19 31

19 35

21 312030

17 28

17 31

17 36

302824262724

Guy47

EUROPE: Forte chaleur sur la péninsule Ibérique

En Europe12h TU

Jeudi, des formations nuageuses sedévelopperont en cours de journée sur le sudet l'est de la France. Ces cumulus pourrontoccasionner des orages locaux l'après-midi,surtout à proximité des reliefs. Au nord de laLoire en revanche, on profitera d'un tempscalme, sec et le plus souvent bien ensoleillédurant toute la journée. Côté températures,elles resteront estivales avec 24 degrés à Lille,26 à Paris, 31 à Lyon, 32 à Toulouse et jusqu'à36 degrés à Avignon.

Coeff. demaréeLeverCoucher

LeverCoucher

Temps lourd et orageux sur la moitié Sud

Aujourd’hui

Horizontalement Verticalement

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

X

Solution du n° 14 - 137HorizontalementI. Blancs-seings. II. Ramerait. Oit.III. Ici. Irréfuté. IV. Céans. Etre.V.Orne. Enée. Et.VI. Latence. Dico.VII. Eté. Oh. Cador.VIII.Ui.Huîtrière. IX. Soudan. Un. Cu.X. Envasés. Etex.

Verticalement1. Bricoleuse. 2. Lacération.3. Amiante. UV. 4.Ne. Née. Hda.5. Cris. Nouas. 6. Sar. Echine.7. Sirène. 8. Etêté. Cru. 9. Fredaine.10.Noue. Ide. 11.Gît. Ecorce.12. Stertoreux.

Philippe Dupuis

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

1.On ne le voit plus le longdes routes. 2.Même quand ellese pose des questions, elle suit.3. A suivre. Roi de Norvège.4. Leurs coups peuvent protéger.Ne doit pas venir àmanquer.5.Démunies par-devant. 6.Dieusur le Nil. Un plan chez le préfet.7. Autremoi. C’est lemoins quil’emportera. 8. Roi de Pylos.9. Pose des problèmes à laconscience. Pour voir Sainte-Cécileet Toulouse-Lautrec. 10. Affluentdu Danube. Un peu d’espoir.11. Bien accrochée. Personnel.12. Pleines, bien pleines.

I.Devra être passionnantpour ne pas endormir son public.II. Combat de coques. Pour lesamateurs de bains à bulles. III. Amis toutes ses filles dans le grandbain. Récompenses à Hollywood.IV. Chronologie à l’ anglaise.Mis à sec.V. Se lancent. Porteurqu’il faut savoirménager.Possessif.VI.Deux points enopposition. Convenir. Article.VII. Cap d’Espagne. Alimente lebétail. Vaut de l’or au laboratoire.VIII.Devrait supporter et tenirle coup. IX. Support provisoire.Préposition. Bon tuyau quand ellene vole pas.X. Résistent à tout.

Mercredi11 juinTF1

20.55Grey’s Anatomy.Série. Les Maux magiques. Avis de tempête.Coups de foudre (S9, 22 à 24/24, inédit)U.23.25 Les Experts : Miami.Série. Le Clou de l’histoireU. Fin de partieV.Six ans trop tardU. Le TombeurV (S4, ép. 8,9, 11 et 12/25). Avec David Caruso (200min).

FRANCE2

20.47 Ligne de mire.Téléfilm. Nicolas Herdt. Avec Lola Dewaere,Thierry Neuvic, Liane Foly (France, 2014)V.22.25 La Parenthèse inattendue.Samuel Le Bihan, Hélène Darroze, Florent Peyre.0.35 6 juin 44, à la lumière de l’aube.Documentaire (2014, 100min)U.

FRANCE3

20.45 L’Ombre d’un doute.Val de Loire, des châteaux et des dames.Magazine.22.45Météo, Grand Soir3.23.50 Les Chansons d’abord.Spécial Serge Reggiani (50min).

CANAL+

20.55 Arnaque à la carteFilm Seth Gordon. Avec Jason Bateman,Melissa McCarthy, Amanda Peet (EU, 2013).22.45 Voisins du troisième typepp

Film Akiva Schaffer. Avec Ben Stiller, Jonah Hill,Vince Vaughn, Richard Ayoade (EU, 2012)V.0.20 Vikings. Série.Le Choix. Notre Père (S2, 9 et 10/10, 90min)V.

FRANCE5

20.40 La Maison France 5. Magazine.21.45 Silence, ça pousse ! Magazine.22.35 C dans l’air. Magazine.23.45 Jouissance sur ordonnance.Documentaire. Marie Bonhommet (45min)U.

ARTE

20.50 Soirée Richard Strauss.Gala du 150e anniversaire. Par la SächsischeStaatskapelle Dresden, dir. Christian Thielemann.Avec Anja Harteros (soprano)...22.30 Richard Strauss. Un génie controversé.23.25Qu’un seul tienneet les autres suivrontpFilm Léa Fehner. Avec Farida Rahouadj, RedaKateb, Pauline Etienne (Fr., 2009, 120min).

M6

20.50 Pékin express: à la découvertedesmondes inconnus. Episode 9.23.40 Pékin express :le bêtisier inédit. Jeu (70min).

météo& jeux écrans

Lessoiréestélé

EuroMillions

Sudoku n˚14-138 Solutiondun˚14-137Jeudi12juinTF1

20.15 Cérémonie.Coupe du monde 2014. Cérémonie d’ouverture.21.45 Brésil - Croatie (1er tour, groupe A.En direct de Sao Paulo (Brésil). 23.55 Le Mag.0.10New York, section criminelle.Série (saison 3, 1 et 2/11, 100min)U.

FRANCE2

20.47 Envoyé spécial.Magazine. Viols en série au pays de Gandhi...22.20 Complément d’enquête.Tourisme : la France toujours en première classe?23.30 Alcaline le mag.0.25 Au clair de la lune- Cendrillon.Ballet. Chorégraphie de Thierry Malandain.Musique de Prokofiev (100min).

FRANCE3

20.45 Pour ellepp

Film Fred Cavayé. Avec Vincent Lindon,Diane Kruger, Lancelot Roch (France, 2008)U.22.25Météo, Grand Soir3.23.25 Le Grand Tour.Saint-Louis du Sénégal, Canton, Pondichéry :l'héritage des comptoirs français (125min).

CANAL+

20.55 Scandal.Série. Le Coup de grâceV. L’AmbianceuseU(S3, 15 et 16/18, inédit). Avec Jon Tenney.22.20 Girls. Série (S1, 5 et 6/10)V.23.15 The Office.Série (saison 9, ép. 18 à 20/23, inédit).0.20 PiégéepFilm Steven Soderbergh. Avec Gina Carano,Ewan McGregor (Etats-Unis, 2012, 90min)U.

FRANCE5

20.40 Terre sous influence.Documentaire. Iain Riddick (2012).22.10 C dans l’air. Magazine.23.15 Christian Cabrol,un cœur pour vivre. Documentaire (2010).0.10 Arles, le trésor englouti (60min).

ARTE

20.50 Real Humans. Série (S2, 9-10/10).22.50WeNeedtoTalkaboutKevinpp

Film Lynne Ramsay. Avec Tilda Swinton,John C. Reilly (GB - EU, 2011, v.o.).0.35Double jeu. Série (90min).

M6

20.50 LaPlusBelleRégiondeFrance.Guadeloupe, Auvergne, Alsace, Centre...23.20 LesMaisons lesplusoriginales.Maison « Longère contemporaine » ... (130min).

Résultats du tirage du mardi 10 juin.12, 18, 21, 32, 33, 1e et 11e

Rapports : 5numéros ete e : pas de gagnant ;5 numéros ete : 195840,30 ¤; 5 numéros : 41965,70¤;4numéros ete e : 4815,70 ¤; 4numéros ete : 240,00¤;4numéros : 90,70¤;3 numéros ete e : 68,00¤; 3 numéros ete : 15,90¤;3 numéros : 10,30¤;2 numéros ete e : 21,70 ¤; 2 numéros ete : 8,80¤;2 numéros : 3,60¤; 1 numéro ete e : 11,60¤.

SpécialHistoire

NouveauUn hors-série

Histoire

AVEC

laguerre

desautres

Juin-juillet-août 2014 8,50€

Hors-série

1418

histoire

70 p�y���� �n ch�mp

�� b���i�p�n�i��

v�� p���� jo��n��x

�� mon���n�i��

avec

LesBleus,cesenfantsgâtésquifontlagueuleavecdesécouteursvissésauxoreilles

Motscroisés n˚14-138Lesjeux

Page 18: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

décryptages

J’ai tout mon temps», avait prévenuJean-Luc Godard, dont le film, Adieuau langage, a obtenu cette année lePrix du jury à Cannes. Suivront prèsde deux heures d’entretien, réalisé àParis, mardi 27mai, au domicile de

son assistant, Jean-Paul Battaggia.Comment analysez-vous ce qui se pas-se actuellement enEurope? Vous avezpeut-être envie demettre votre grainde sel…Oui, j’aimonopinion… J’espérais que le

Front national arriverait en tête. Je trouveque Hollande devrait nommer – je l’avaisditàFrance Inter,mais ils l’ont supprimé–Marine Le Penpremierministre.Pour quelles raisons?Pour que ça bouge un peu. Pour qu’on

fasse semblant de bouger, si on ne bougepas vraiment. Ce qui estmieux quede fai-re semblant de ne rien faire (rires). Du res-te, on oublie toujours que le Front natio-nal avait deux sièges au Conseil nationalde la Résistance. A l’époque, c’était uneorganisation paracommuniste. N’empê-che qu’elle s’appelait Front national…Cen’est qu’une synonymie…Non. Si on dit que ce n’est qu’une syno-

nymie,onrestedans lesmots,pasdans lesfaits. C’est un fait. Vu l’importance de lanomination, et de nommer, bien sûr, quec’est une synonymie… Le premier minis-tre du Luxembourg s’appelle Juncker.C’était aussi le nomd’un bombardier alle-mand [Junkers]…Un«Junker», c’est aussi un aristocrateprussien…Les hobereaux allemands de l’époque.

Encore faut-il s’intéresser à la linguisti-que… Je ne sais pas si vous connaissez unpetit film deMichel Gondry, très joli, uneconversation avec Chomsky. C’est un tra-vail incroyablequi, à la longue,devientunpeu répétitif…Tous ces votes, un peupartout, en Fran-ce, au Royaume-Uni, auDanemark, çatraduit quoi?Ça traduit mon cas. Je ne suis pas pour

eux. Il y a longtemps, Jean-Marie Le Penavait demandé que je sois viré de France.

Mais j’ai juste enviequeçabougeunpeu…Les grands vainqueurs, ce sont les absten-tionnistes. J’en fais partie depuis long-temps.Pourquoi cette incapacité à bouger?Ils sont soit tropvieux, soit trop jeunes.

C’est comme ça. Regardez ce prix donné àCannes, à moi et à Xavier Dolan que je neconnais pas. Ils ont réuni un vieux met-teur en scène qui fait un jeune film avecunjeunemetteurenscènequi faitun filmancien. Il amême pris le format des filmsanciens. Au moins qu’on dise ça… Pour-quoi ils ne bougent pas? C’est bien faitpour eux. Ils veulent un chef, eh bien, ilsont un chef. Ils veulent des chefs, ils ontdes chefs. Et, au bout d’unmoment, ils enveulent au chef de ne pas bouger, alorsqu’eux-mêmes n’y arrivent pas. J’aiappris, il y a longtemps, qu’il y a un seulendroit où on peut faire changer les cho-ses : c’est dans la façon de faire des films,disonsdans le cinéma. C’estunpetitmon-de. Ce n’est pas un individu seul, c’est unecellule vivante de société. Comme cettefameusecellulequisertàtout lemonde, laBacteria…«Escherichia coli»…Voilà ! Si l’on faisait une métaphore

sociologique, je n’aime pas tellement lemot sociétal qu’on emploie aujourd’hui,ceserait lanaissance, l’adolescence,puis lamort d’un film. Ça se passe sur 3-4 mois,maximumcentpersonnes pourune gros-se production, trois pour nous… C’est leseul endroit, vuqu’il y apeudemonde, oùon pourrait changer aumoins la façon devivre de cette petite société… Eh bien,non…Si, la preuve: vous…Un individu, de temps en temps. Mais

l’individu ne suffit pas non plus. C’est ceque disait cet Allemand qui s’était fait éli-re à laConvention, le barondeKlootz – il aété guillotiné. Il disait : «France, protège-toi de l’individu.» Le cinéma, c’est le seulendroit où 15, 20, 100 personnes pour-raient décider de faire leur propre travailautrement…La cellule Godard…Il n’y a pas de cellule Godard, non. Il y a

toujours ledésirqu’unpetit groupearriveà changer les choses. Ç’a été un petitmoment – la Nouvelle Vague. Un tout

petit moment. Si j’ai un peu de nostalgie,c’est ça. Trois personnes, Truffaut, moi etRivette, certains oncles comme Rohmer,Melville, Leenhardt… C’étaient trois gar-çonsqui avaient quitté leur famille. Rivet-te, comme Frédéric Moreau, était parti deRouen. François, moi, on recherchait uneautre famille que la nôtre.Est-ce que vous aviez le sentimentd’avoir quelque chose en commun tousles trois? Et est-ce que vous pouviez lenommer?Non. Ce qui est bien, c’est qu’on ne le

nommait pas.Ça s’éprouvait,mais ça ne se disaitpas…On était bien sûr influencés plus ou

moinschacunparlessiens,moiparla litté-rature, je pense, à cause de ma mère, quilisait beaucoup et qui me permettait depiocher dans sa bibliothèque. Enfin, pastout… Pas Autant en emporte en vent, quiétaitunouvragetropsubversif…Jemesou-viensque, chezmagrand-mère, enFrance,les ouvrages deMaupassant, parce qu’il yavait des figures de femmes nues en cou-verture, on les mettait tout en haut de labibliothèque. Je lisais des revues commeFontaine, Poésie 84, des auteurs commeAndré Dhôtel – c’est un bon romancier,avec un côté Ramuz français –, LouisGuilloux, Le Sang noir, des choses commeça…Mêmesiondivergeaitsurpleindecho-ses, on s’entendait sur deux ou troistrucs… Notre ambition, c’était de publierun premier roman chez Gallimard. Cequ’avait fait Schérer – Eric Rohmer – avecson premier roman… C’était très lié auxdécouvertes que nous faisait faire la Ciné-mathèque.Et puis vous aviez envie, tous les trois,de faire découvrir un certain cinémaaméricain…Onse rendait comptequ’il y avait aussi

un côté capitalistes contre certains met-teurs en scène qu’on aimait… Don Siegel,Edgar George Ulmer, d’autres encore, quifaisaient des films en 4 jours, et dans les-quels il y avait des choses que n’avaientpas les autres. On les a soutenus, on les aencensés,même exagérément, à une épo-que où ils étaient vomis. C’était l’époquedes accords Blum-Byrnes. Rivette et Fran-çoisétaientplusmordantsquemoiàl’épo-

que. J’étais plus prudent, plus paresseux.Dans cette sorte de caverne d’Ali Babad’Henri Langlois, il y avait unmonde quipouvait être à nous, vu qu’il n’était à per-sonne.Aquand remonte votre passion du ten-nis?J’enavais fait, jeune.Quandjesuisvenu

à Paris, en 1946-1947, j’ai tout arrêté. Puisj’ai repris, par période, petit à petit, enmerendant compte que c’était le seul endroitoùquelqu’unme renvoyait la balle – dansles autres endroits, on ne me la renvoiepas,oualors ils jouent avec,mais ilsnemela renvoient pas…Même en psychanalyse(rires) !SergeDaney disait que vous étiez leseul cinéaste qui, en conférence depresse, renvoyait toujours la balle…Oui, oui, j’essayais de prendre la sottise

que pouvaitme dire une journaliste, sud-coréenneou jene sais quoi, pouraller voirs’il n’y avait pas quelque chose… D’inven-ter par rapport à ça. En football, aussi, onpourrait peut-être un petit peu changerles choses…Mais ils n’ont pas les moyensintellectuels, culturels. Ils ne jouentqu’avec leurs pieds. Tandis que, dans lapetite cellule du cinéma, il y a de tout, desmoyens, de la culture, de l’argent, del’amour, de la création artistique, de l’éco-nomie… Les gens disent « le cinéma»,mais en fait ils veulentdire «les films». Lecinéma,c’estautrechose. Ilyauneanecdo-te, je ne sais pas si elle est vraie, sur Cézan-ne. Il peintpour la centièmefois lamonta-gne Sainte-Victoire. Quelqu’un passe etlui dit : «Oh, elle est belle, votre monta-gne!» Cézanne : «Foutez-moi le camp, jene peins pas une montagne, je peins untableau.»Dans«Adieu au langage», à unmoment, il y a une boîte de couleurs, del’aquarelle. Faut-il en déduire que, pourvous, peindre, c’est un des derniers lan-gages qui existent?J’avais fait cela en espérant que quel-

qu’un, pour lui-même, penserait qu’il y alàquelqu’unquiaunencrieretde l’encre–le noir, l’impression –, et puis, de l’autre, ily a une boîte de couleurs. Penserait que,d’uncôté, il y a le texte, et de l’autre, l’ima-ge. Ici, sionétait touslesdeux, jeprendraisplutôtuneboîtede couleurs, etpuis, vous,

je vous laisserais l’encrier. Les gens medemandent ce que ça veut dire. Moi, je fil-meun état de fait.Dans les «Cahiers du cinéma», vousaviez interrogéRobert Bresson sur l’im-portance de la forme. La première cho-se qu’il vous a dite, c’est : «Je suis pein-tre»…Il était peintre, oui. Je n’ai jamais vu ses

peintures.Vous êtes d’accord avec lui sur l’impor-tance première accordée à la forme?Non, je dirais qu’il y a un aller et retour.

J’aime utiliser l’image de plonger et deremonterà lasurface.Onpartdelasurfaceetonvaaufond.Onremonteensuite…Deschosescommeça…Bressonaécritunpetitbouquin, très bien, qui s’appelleNotes surle cinématographe. Il disait : «Sois sûrd’avoir épuisé tout ce qui se communiquepar l’immobilité et le silence. » Aujour-d’hui, je ne suis pas sûr qu’on l’ait épuisé!(Rires.)Pialat aussi avait pensé qu’il allait deve-nir peintre…SonVanGoghestuntrèstrèsbeaufilm.

Le seul, sans doute, qu’on ait pu faire surl’art. Je n’aime pas tout chez lui, et puis ilétaitdifficilede caractère. Souvent, quandles cinéastes essaient de filmer les pein-tres, c’est une catastrophe!Sans regret pour Cannes de ne pas êtrevenu?Çan’existe plus.

Çane sert à rien, les festivals?Ça ne devrait pas être fait comme ça.

Encore un endroit où on devrait faireautrement.Comment?Je ne sais pas, on pourrait faire en sorte

– au conseil des ministres aussi,d’ailleurs–que les délibérations du juryne soient pas secrètes. On pourrait faireque les films ne passent pas que dans uneseule salle…Regardez la liaison entre ça, lespectacle et lamanière de gouverner. Cet-te idée du sauveur suprême…Vous voulez dire que la structure ultra-hiérarchisée du Festival deCannesmime la société française?C’est l’histoiredelanatureetdelaméta-

phore. Lamétaphoren’est pasune simplereproduction, une image, c’est autre cho-se.Çapeut en être l’aggravation…Jenesaispas.Onnepeutpas remplacer

unmot par un autre. Lemot «parole» enfrançais n’existe pas dans d’autres lan-gues. Je regrette de ne pas savoir plus delangues,mais pour ça, il faut voyager. Et ilne faut pas voyager trop jeune non plus ;et puis après, ça devient un peu tard, c’estdifficile…Mais,parexemple, lemot«paro-le» n’existe ni en allemand ni en anglais.En chinois, je ne sais pas; en finlandais ouenhongrois, jenesaispasnonplus. J’aime-rais bien savoir… Les Allemands disentsprechen, qu’on traduit par « la langue».Mais la langue n’est pas la même choseque la parole. Qui elle-même n’est pas lamême chose que la voix. Comment c’estapparu? Qu’est-ce qui vient en premier?Unensemble de cris et d’images je crois…«Adieu au langage»…J’ai luquelquescritiques. Ils croientque

ça prend un caractère biographique ! Or,pas du tout.«Adieu», enSuisse, c’est aussiunemanière de dire bonjour…Ça, c’est dans le cantondeVaud,

tout à fait. Il y a les deux sens, forcément.En sculpture ou en peinture, on peutlaisser une part au hasard. Au cinémaaussi?Oui, tout à fait.

Le systèmen’est pas trop contrai-gnant?Il n’y a pas de système. Enfin, il y en a

un,mais si vous quittez l’autoroute, vouspouvez prendre les chemins de traversedont parlaitHeidegger.Votre chien, Roxy, n’est pas avec vous.

jean-lucgodard

«Lecinéma,c’estunoublidelaréalité»

«J’aiappris,ilyalongtemps,qu’ilyaunseulendroitoùonpeutfairechangerleschoses:c’estdanslafaçondefairedesfilms,disonsdanslecinéma.C’estunpetitmonde.Cen’estpasunindividuseul,c’estunecellulevivantedesociété»

Propos recueillispar Philippe Dagenet FranckNouchi

L’Europe, leFrontnational, lapeinture, lespeintres,Roland-Garros,lechienRoxy...Et lecinéma,biensûretsurtout.Deuxheuresdediscussionlibreetdéroutanteaveclemetteurenscèned’«Adieuaulangage»,quivientd’obtenirlePrixdujuryaudernierFestivaldeCannes

18 0123Jeudi 12 juin 2014

Page 19: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

rencontre

Vous l’avez laissé enSuisse?Onnepeutpasvoyager avec lui. Il a son

monde. On ne va pas le déplacer, lui faireconnaître d’autresmondes…Que vous apporte Roxy?Un lien, entre deux personnes. Le lien

dont parlait ce vieux philosophe qui étaitle prof de ma mère, Léon Brunschvicg.C’étaitunedessommitésdelaphilosophiefrançaiseà l’époque. J’ai luunpetit livredelui qui s’appelait Descartes et Pascal lec-teurs deMontaigne. Descartes, je sais, Pas-cal, je crois, etMontaigne, je doute. Il disaitl’un est dans l’autre et l’autre est dans l’un.Je trouve intéressante, très vivante, cettesensation de trois personnes. J’aime aucinéma, non pas l’image contre le texte,mais cequelque chosed’avant le texte, quiest la parole. Le langage, c’est, pouremployer le verbe «être», parole et image.Non pas la parole, la voix ou la parole deDieu, quelque chose d’autre qui ne peutpas vivre sans l’image. Dans l’image aucinéma, il y a autre chose, une espèce dereproduction de la réalité, une premièreémotion. La caméra est un instrumentcomme,chez lesscientifiques, lemicrosco-pe ou le télescope. Vient ensuite l’analysedesdonnées–ondit lesdonnées,maisellessontdonnéesparqui? (Rires.)En fait, ce dont vous parlez, ce seraitune sorte d’état premier de la percep-tion…De la réception, de la perception, de la

réfraction. J’ai toujours été intéressé parceuxquiétaientenmargedeça, desphilo-sophescommeCanguilhemouBachelard.Un petit bouquin comme La Philosophiedu non, Bachelard l’écrit à l’époque où deGaulleétaitàLondres.Moi, je fais toujoursun rapport. Ensuite, est-ce que celui à quiil envoie laballeaccepte, lui, de considérercette balle comme un rapport? De faireson rapport à lui ? Et de m’envoyer unautre rapport ? Je suis toujours surprisquandl’Etatdemandedesrapports. Iln’yajamaismêmeune photodans un rapport.On ne rit jamais en lisant un rapport ! Ilfaut essayer de comprendre un peu, à safaçon, ce queHeisenberg a pu trouver, sesdisputes avecBohr audébut de lamécani-quequantique…J’aiessayédefaireunfilmavec Ilya Prigogine… J’ai fait une fois uninterview de René Thom sur les catastro-phes. Il était très sympathique. Aujour-d’hui, il doit être considéré comme un«has been»…Çapeut-être aussi un commencement.Regardez par exemple JacquesMonod...Undemi-oncle àmoi…

Avec François Jacob, ils ont découvertle code génétique, l’alphabet de la géné-tique. Cet alphabet, aujourd’hui encore,on s’en sert…Tout à fait. Je me souviens d’une émis-

sion sur RTL, « Le Journal inattendu».Monodm’avait invité, à la fois en tantquepetit cousinet cinéaste.Et ilparlaitd’ADN,d’ARN… Il disait que ça vadansun sens, del’ADN vers l’ARN. Et moi, je lui avais ditque ça pouvait aussi aller dans l’autresens. Il avait dit : « Jamais ! » Quelquesannéesaprès,unnomméHowardTeminadécouvert la transcriptase inverse!Il a eu le prixNobel pour ça!J’étais très fier d’avoir trouvé ça. (Rires.)

Le virus du sida a été découvert de cet-temanière. En postulant qu’il pourraitêtre un rétrovirus, fonctionnant à l’en-vers…Ah bon? Anne-Marie dit que, sur ma

tombe, elle écrira : «Au contraire». (Rires.)On peut enregistrer au moins des chosescommeçadans un film. Après, les gens enfont cequ’ils veulent.Onpourrait faire ça,mais on ne le fait pas. Dans un petitmon-de, qui ne fait demal àpersonne, onpour-rait. Mais on préfère un grandmonde quifait dumal à beaucoupdegens.DansGodard au travail, l’ouvraged’Alain Bergala, on comprend que votre

méthode de travail est différente selonles films.Quelle fut-elle surAdieu au lan-gage?Maisiln’yapasdeméthode.Ilyadutra-

vail.Vous voyez pourtant ce que je veuxdire…Oui, mais si on le voit, ça ne peut pres-

que plus se dire. Il faudrait sinon arriver àdire autrement ce que le film ne peut pasdire. Le journaliste pourrait arriver à ledire,maisilnelefaitpas. Ilpourraitpublierd’autres photos, d’autres choses… A forcede jeux demots, on peut petit à petit trou-veruneméthodedetravail.Autennis, ilyale contre-pied, en boxe, le contre. Tout ça,ce sont des images qui disent que Roland-Garros pourrait être fait autrement. Or cen’est pas filmé. On ne suit pas le jeu, on nesuit pas lematch. Il faut être aumoins surplace pour arriver à suivre. Ce que feraDanyCohn-Bendit,dans lefootball, auBré-sil, c’est nul. PauvreDany!Pourquoi? Ça peut être bien?Mais ilnepeutpas. Ilnevoitpas. Il a fait

68, il l’a un peu créé. Ensuite il a écrit For-get68, et ilestalléauParlementeuropéen.Et quand l’Europe, son Europe, va mal, ilquitte le bateau. C’est triste.Les caméras, à Roland-Garros, vous lesmettriez où?On a essayé… On ne pouvait pas, on

n’avait pas le droit d’aller sur le terrain,même déguisés en ramasseurs de balles.J’aurais évidemment fait le film d’unramasseur de balles. Je voulais voir autre-ment…Sur la peinture, les textes de Sartrem’ont beaucoup intéressé. Il m’a faitconnaître des tas de peintres commeFautrier, Rebeyrolle, le Tintoret… Les tex-tes critiques de Sartre sont magnifiques,tout comme certains textes de MalrauxouencoredeSollers. JecitesouventPhilip-pe quand on critique mon goût des cita-tions. Les citations sont des preuves. Ilsous-titrait L’Olympia de Manet : «Por-trait d’une anarchiste». Vous n’êtes pasd’accord?Discutons…Cette interprétation de L’Olympia…Mais ce n’est pas une interprétation…

Apartir dumoment où vousmettez cesmots sous le tableau, vous forcez leregard à aller dans une certaine direc-tion…Tout à fait. Mais ensuite on peut aller

dansbien d’autres directions…Il y a chez Sollers unemanière de pren-dre possession…Tout à fait…

…de la peinture d’une façon qui s’intè-gre à son propre système…Oui,mais à unmoment, il voit des cho-

ses…Demanière très péremptoire…Je me souviens d’un article de lui sur

Mauriac qui faisait une conférence… Aune femme qui lui parlait, Mauriac disaitquelque chose comme: «Rangez votrepetit sac,madame.»Sollers avaitvuça. Il yavait là toutàcoupunpointdevue, etnonpasun point d’écrit, si j’ose dire.Pour en revenir à Roxy, ce serait absur-de de penser que vous aimeriez voir lemonde avec ses yeux?C’est ça, en partie. Avec Anne-Marie,

c’estcequ’onfaitunpeuàl’aided’undélu-ge de preuves, qui viennent de Rilke, deBuffon, de ceci et de cela. Les trois quartsdes phrases que j’utilise, je ne sais plusd’où elles viennent et je nem’en préoccu-pe plus. La liste des gens au générique estplusoumoinsvraie,ouplusoumoinsfan-taisiste. Je note juste la phrase. Par exem-ple : «Il n’y a pas de nudité dans la nature.L’animaln’estpasnuparcequ’il estnu.»Sij’étais critique, je dirais que je ne com-prendspas très bien. Ouque je ne suis passûr de comprendre. Pas nu parce que nu…Mais enmême temps, ça fait divaguer unpeu, ça fait glisser, ça suffit…Vous êtes déjà en train de réfléchirà votre prochain film?

Ah non, pas du tout. Peut-être que jen’en ferai pas, ou sinon des petits films,comme la Lettre à Gilles Jacob. C’était unelettre privée, mais il a décidé de la rendrepublique. C’était pour dire : voici com-ment avec un simple petit appareil ducommerce, moi qui sais à peinem’en ser-vir,onpeutécrire etenvoyerune lettre.Cequelesgensnefontpas.Nefût-cequejoin-dre une photo, une image, une légende, àvotrebonneamie, sur votre vie privée.Unéchange.Maismêmesi je fais ça, onnemerenvoie pas la balle.C’est-à-dire?Eh bien, la bonne amie ne me répond

pas. Gilles Jacob ne m’a pas répondu.Qu’est-cequevousvoulezqu’ildise?Çanel’intéresse pas. Ou il ne voit pas. Il ne voitmême pas que je me souviens qu’il avaitune revue qui s’appelait Raccords. Je luidis : « J’espère que tu trouveras un bon rac-cord avec ta prochaine destinée.»Dans le film, à de nombreuses reprises,vous faites des expérimentations tech-niques sur l’image. Ce que font les artis-tes vidéo, ça vous intéresse? Bill Viola,vous allez le voir auGrandPalais?Non, je déteste. Tout comme Bob Wil-

son. C’est du scénario. Du texte écrit, misen image, souvent brillant…Il y a des cinéastes, aujourd’hui,qui vous épatent…Lesneufdixièmes, jene les connaispas.

AParis, je n’ai plus envie de rôder dans lesrues pour aller voir un film. Juste peut-être le film syrien montré à Cannes, etpuis le film de Sissako, j’avais vu Bamakoen DVD…Mommy, je n’irai pas. Je sais ceque c’est. Les trois quartsdes films, on saitce que c’est juste par le petit récit qu’il y adans Pariscope. «Un aviateur aime unedentiste…»Vouspensez que la démocratie estmor-te?Non, mais elle ne devrait pas s’exercer

comme cela. Il y a peut-être d’autresmoyens. C’est souvent à la naissance deschoses qu’on peut les voir. C’est pour çaque c’est intéressant, souvent, de revenirenarrière.Récemment, j’aieuenviedereli-re, de Malraux, Les Noyers de l’Altenburg.Je l’ai trouvé dans «La Pléiade». Dans lemêmevolume, il yaun immense texte,LeDémon de l’absolu, consacré par Malrauxà Lawrence d’Arabie. Je ne le connaissaispas, c’est assez différent de livres commeL’Espoir ou La Condition humaine. Ne pasoublier non plus ce texte qui s’appelle Dela Vistule à la Résistance, dans lequel

Malrauxdécrit uneattaquepar les gaz surle front polono-russe. Ne pas oublier nonplus que Sartre a écritMorts sans sépultu-re, qui traite des problèmes sans solutionde la Shoah. Et queMalraux a tourné L’Es-poir avantde l’écrire. Il avait besoinde fai-replusqu’unlivre.Defaireautrechose.Defaire un film. Un des premiers textes quim’ait aidé, c’était Esquisse d’une psycholo-gie du cinéma, écrit en 1946, mais que j’ailudansVerve, la revue de Tériade.Malraux, Sartre, pour moi, ce sont des

demi-dieuxprotecteurs.Quelest l’équiva-lentmasculin de «muses»? Il n’y a pas demot. J’aime beaucoup Clio, de Péguy. Clio,la muse de l’Histoire. Il disait : «Nousn’avons que du livre à mettre dans unlivre…» Je l’ai mis dansHistoire(s) du ciné-ma. Le cinéma, ce n’est pas une reproduc-tiondelaréalité,c’estunoublidelaréalité.Mais on si enregistre cet oubli, on peutalors se souvenir et peut-être parvenir auréel.C’estBlanchotquiadit :«Cebeausou-venir qu’est l’oubli.»Documentaire ou fiction, c’est un pro-blèmepour vous?C’est la même chose. On l’a dit à l’épo-

quedeRouch,c’étaitévident.MêmesiRes-nais, très vite, a eu besoin d’un scénario,d’un texte. Pareil pour Straub. Certains deses films, magnifiques, viennent de Pave-se ou de la Résistance… J’ai aimé Warholquand il a fait un film de trois jours surmanger ou sur dormir. Je ne tenais pasuneheuredevant,maisquandmême,qua-ranteminutes, c’est déjà bien…Lanzmanndit qu’il voudrait faire unfilm sur ce problèmede la dialectiqueentre documentaire et fiction…C’est un scénariste. On s’est unpeudis-

putés quelquefois lui et moi. Mais c’étaitavec des mots. Dans un de mes films, j’aimisunescènede lui, celle où il fait rejouerle coiffeur d’Auschwitz. C’était dansShoah. C’était quelque chose ! Ce n’étaitpasunemiseenscènequipartaitd’untex-te, je vais faire ci, je vais le mettre là, et jevaisparlerdeça.Çan’avait jamaisétéfait…Le Chagrin et la Pitié, d’Ophuls, c’est inté-ressantaussi. Il l’a faitaumomentoùil fal-lait le faire, même si ce n’est pas son plusbeau film.C’estHôtel Terminus?Oui. Avec son côté Groucho Marx

quand il va interroger les gens! p

f Sur Lemonde.frLire l’intégralité de l’entretien

«Lestroisquartsdesfilms,onsaitcequec’estjusteparlepetitrécitqu’ilyadans“Pariscope”:“Unaviateuraimeunedentiste…”»

«Malraux,Sartre,pourmoi,cesontdesdemi-dieuxprotecteurs.Quelestl’équivalentmasculinde“muses”?Iln’yapasdemot»

Autoportrait. DR

190123Jeudi 12 juin 2014

Page 20: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

GesticulationsparSelçuk

Lepatrimoineest-il intouchable?Certains posent la question,après l’annulation par le tribu-nal administratif du permis deconstruireaccordépourlatrans-formation des magasins de la

Samaritaine en hôtel de luxe et commer-ces.Quelques logements sociaux,pour fai-re bonne figure, vont utiliser le bâti desXVIIe et XVIIIe siècles maintenu sur la ruede l’Arbre-Sec.Après la piscineMolitor reconstruite – à

l’identique, nous dit-on –, mais avec unautre programme, privatisant le bassin auprofit d’une résidence luxueuse, la PosteduLouvrevasansdouteaccueillirunhôtel,des bureaux, des commerces et quelqueslogements aussi. Les façades académiqueset pompeuses seront préservées, mais lesstructures métalliques centrales rema-niées. Imaginons le Grand Palais sans sadualité. Le boîtier de montre dont parlaitl’historien Sigfried Giedion à propos deshalles métalliques du XIXesiècle finissanta-t-il un sens s’il se prive de la complexitéde sonmécanisme?Pourcequiestde laSamaritaine, le litige

porte sur la façade ruedeRivoli, telle qu’el-leétait,et tellequ’elleseraautermedestra-vaux confiés à l’agence Sanaa. En dépit deleur homogénéité, lesmurs extérieurs quiservaient de décor aumagasin Rivoli de laSamaritaine étaient conventionnels, maisleurintérêtrésidaitdanslaquantitéd’infor-mations: encadrements, bandeaux, corni-ches, balcons, appareillages, etc., qu’ellesaggloméraient. La qualité architecturale,tant revendiquée, ne peut se définir sansaborderlaquestiondelamatérialité,condi-tionhistoriquedelatransmissionpatrimo-niale.C’est le travaildumarbreet l’archaïs-me fondamental de ses registres construc-tifs qui font l’éternitéduParthénon.Leverre sérigraphié, proposépar Sanaa,

a l’intérêt d’un écran de télé quand le nua-geux remplace les images. Les auteurs duprojet,quifurentceuxdelaréussiteduLou-vre de Lens, sont aussi ceux du LearningCenter de Lausanne, machine célibatairecontestable, surtout à l’usage. Le Pritzker[prix d’architecture], pas plus qu’aucuneautredistinction,nedonneàsesbénéficiai-res le sacrede l’impunité.RolandBarthes soulignait dansL’Empi-

re des signes que l’art du cadeau japonaisse résumait en un art de l’empaquetage.Tel est le choix culturel de Sanaa. Il estpour lemoins exotique. S’il fallait choisirentre les arcades de Percier et Fontaine oule rideau de verre ondulé de Sanaa, nouschoisirions les premières, car, au mêmetitre que les travées modernistes de Jour-dain, elles perdurent par leur matérialitémême.Laquerellesurunprojetderestruc-turationquivatoutdemêmetransformerprofondément les trois îlots de la Samari-taine va-t-elle se focaliser sur le choix del’épidermeproposésur la ruedeRivoliparun retour du façadisme?

«Nous ne pouvons respecter le passéqu’en le rendant vivant et pour cela enl’adaptant ici et là à notre vie», déclareChristian de Portzamparc. Bien évidem-ment, mais cette déclaration – si on laprendaumot– impliqueplusieurs choses.Le refus de la démolition pour ce qui resteutile et transformable, comme le principede réversibilité de l’interventionnouvelle.Mais, surtout, il faut se souvenir de

l’aphorisme de l’architecte tessinoisAurélioGalfetti pour expliquer son travailauchâteaudeBellinzona (Suisse),«Conser-ver, c’est transformer», et il ajoutait quetout bâtiment – comme tout être vivant –va vers sa ruine et que le seul choix quenous avons est de le transformer en ruineéternelle ou de l’approprier à son nouvelusage. L’avantage de l’aphorisme est qu’ilpeut se retourner commeungant et resterpertinent : «Transformer, c’est conser-ver». Tout d’abord, par simple économie,par sobriété, mais surtout parce que cettedialectique est fructueuse. Le Grand-Hor-nu, en Belgique, ou l’école architecturaleespagnolenousmontrent le chemin.L’intervention sur un bâtiment exis-

tant, si elle ne se fait pas en opposition,mais en sympathie avec ce qui est, aboutittoujours à des résultats probants, ce futmon cas à la Galerie de l’évolution duMuséumd’histoirenaturelle,àParis.CefutlecasducentreadministratifdePantin(Sei-ne-Saint-Denis), transformé en Centrenational de la danse, il est plus évident etplusparlant que la situationd’origine.Sont parfois évoquées les serres

d’Auteuil, qui ne sont pasmenacées par letrès beau projet deMarcMimram, la halleEsquillan, projet tout aussi emblématiqueet icôniquequelahalleFreyssinet,détruiteà la suite d’une volte-face duministère dela culture, et aussi l’immeuble HLM quej’avais achevé en 1984 à Courcouronnes(Essonne). Peut-on croire qu’un immeublepuisse être sacré ? Une église, pour lescroyants,sansdoute…Mais,alorsquelacri-se du logement perdure en Ile-de-France,quel’écartentrel’objectifdes500000loge-ments annuels et la réalité construite secreuse chaque année, est-il utile de détrui-re 82 logements appréciés par leursanciens locataires, sous le prétexte d’unvidenécessairedans la tramedistenduedela ville nouvelle? D’autant que l’écoquar-tierpromissur le terrainde l’hôpital fermépour faire place au très coûteux hôpitalSud Francilien de Corbeil ne verra pas le

jour de sitôt, car le foncier est trop cher et,pourlamêmeraison,l’espacebientôtoccu-pé par une station du futur tramwayn’aura pas d’usage, car il est trop coûteuxde le fairepasser en cepoint.S’il fautconserverVersailles,Chartres, le

pontduGardpour leplusgrandplaisir destouristes, faudrait-ilpourautantcostumerles autochtones pour qu’ils fassent biendans ledécor?De tous lespaysd’Europe, laFrance est la seule à avoir une forte crois-sancedémographique.Il fautlogertouscesnouveaux venus. Pourquoi commencer àdétruire cequi restehabitable?Au final, 20millions d’euros vont être

dépensés pour indemniser et reloger leslocataires, détruire des logements – réha-bilités en 2009– et en construire l’équiva-lent. Pour ce prix, il était possible deconserver le bâtiment et de construire aumoinsledoublede logementsneufs.Voilàcomment se fabrique le déficit français,dont la réduction devrait être sacralisée,nousdit-on.Le patrimoine, c’est aussi de l’argent,

mais avant toutde lamémoire transmissi-ble et transmise. Sans mémoire, pas dedémocratie, disait François Mitterrand.Ceux qui se réclament de lui devraientaujourd’hui s’en souvenir, au lieu de selamentersurlesraisonsd’unséismeidenti-taireetparcelamêmefantasmé!Mais,pasplus que de l’euro, on ne peut sortir dupatrimoine. Pour le conserver, il faut letransformer. A cette situation, on ne peutdonnerdes réponsesbinaires. Lepatrimoi-neneméritepasquedes révérences, il fautqu’il soit une référence, du projet contem-porain aussi, et mette sur le même plan,hier, aujourd’hui et demain. Architecture,mouvement, continuité est le titre d’unerevue professionnelle, cela devrait être ladéfinitiondetouteapprochequinefaitpasdu patrimoine un intouchable, mais unecondition informéedenotre futur. p

Jean-PhilippeBelleauProfesseur à l’universitéduMassachusetts-Boston

débats

LeprojetdelaSamaritaineestuneaberrationurbaineConserverlepatrimoine,c’estaussi letransformer

Plusieurs mouvements sociaux brésiliensprofitent en ce moment de l’importancesymboliquede laCoupedumondedefoot-ball pour exercer sur leur gouvernementdes pressions de dernière minute. Le plusvirulent d’entre eux est le mouvement

indien,même s’il tend curieusement à passer inaper-çu à l’étranger. C’est aussi celui qui a, depuis long-tempsdéjà,prévudesmanifestationsdès lecoupd’en-voi de l’événement sportif, sans souci de leurs coûtspolitiques auprès de l’opinion publique, conscientque cette «tribune médiatique» disparaîtra après lafinale du 13juillet, au nouveau stadeMaracana (Rio deJaneiro). On compte désormais près d’une mobilisa-tion indiennepar jour endivers points dupays. A cha-que fois pacifiques, cesmanifestations sont pourtantréprimées par la police, un usage systématique etdémesuré de la force dont aucun autre mouvementsocial n’a à souffrir. Le 27mai, la police a violemmentdispersé unemanifestation indigène à Brasilia, usantde balles en caoutchouc. On a même pu voir le vieuxleader indien Raoni, le plus emblématique des chefstraditionnels, le plus «nobélisable», victime de gazlacrymogènesdevant le stadeMané-Garrincha.Si révolte indienne il y a pendant cette Coupe du

monde, le gouvernement brésilien en portera la gran-de responsabilité. Car les divers gouvernements degauche au pouvoir depuis 2003, sous les présidencesdeLuladaSilvad’abordpuisdeDilmaRousseff depuisjanvier2011, s’ils ont su satisfaire régulièrement lesrevendicationsdes secteurs lesplusmarginalisésde lapopulation, ont évité de s’attaquer aux menaces gra-vesqui continuentdepeser surplusieurs communau-tés indiennes,s’aliénantlesgrandesONGdecemouve-ment et leur principal allié, le Conseil indigénistemis-sionnaire (CIMI).Comment les Indiensensont-ilsvenusàrangerune

gauche de gouvernement, censée défendre les plushumbles, commeunadversaire des Indiens?Tout d’abord, le gouvernement, depuis 2003, s’est

massivement appuyé politiquement sur la bancadaruralista, ces grands propriétaires terriens dotés demandats électoraux. Voués notamment à la culturedusoja,dontl’exportationvers l’Asiegarantitdesreve-nus importants à l’économie brésilienne, ces proprié-taires, très conservateurs, solidaires, ont accumulé ungrandpouvoirpolitiqueetsymbolique. Leplusemblé-matiqued’entreeuxest l’ex-gouverneurduMatoGros-so et le plus important producteur de soja aumonde,Blairo Maggi, dont l’importance politique colossalepour le gouvernement lui a valu l’octroi de quatrematchsdupremier tourdans sa capitale, Cuiaba, alorsquedesvillesautrementpluspeupléesnefigurentpassur la carte du Mondial. Pour ces propriétaires, pourles éleveurs, pour les secteurs miniers, les Indienscontinuent de représenter un obstacle à la concentra-tion terrienne.C’estdans leMatoGrossodoSulque la situationdes

Indiens est aujourd’hui la plus dramatique. Les com-munautés guaranis ne trouvent aucun soutienvérita-

ble dans les différents niveaux de l’Etat brésilien. Surles 60 chefs indiens assassinés au Brésil en 2012, prèsdes deux tiers étaient guaranis. Harcelées par les pro-priétaires terriens et leurspistoleiros, ces communau-tés sont aujourd’hui exsangues. Divers documentsvidéo récents disséminés par le CIMI montrent ceshommes de main ouvrir impunément le feu sur desmanifestants guaranis, et parfois à l’intérieur de leursvillages.Undesgrandséchecsdugouvernementbrési-lien du Parti des travailleurs aura été son inhabilité,depuis 2003, à combattre l’impunité judiciaire enmilieu rural.A ces situations, il faut ajouter la défaite récente de

Belo Monte, où le gouvernement, passant outre auxviolations des droits constitutionnels et internatio-naux des Indiens, a autorisé la construction d’unimmense barrage hydroélectrique inondant les terresancestrales de plusieurs communautés et, dès lors,empêchant leur capacité de reproduction sociale.Mais c’est surtout la proposition d’amendementconstitutionnel PEC 215, un véritable «coup» anti-indien,quipousse,enpleineCoupedumonde, lemou-vement indigène à agir.

Cetamendementreprésenteunemenacepotentiel-lement dévastatrice, non seulement sur les Indiensmaiségalement sur l’écologie,menacedontonnedoitdésormais plus s’étonner qu’elle vienne d’un gouver-nement de gauche allié, à chaque rouage de l’Etat, à labancada ruralista. Parce qu’il reformulerait les condi-tions d’obtention du statut de réserve indigène, cetamendement vise à satisfaire ceux qui convoitent lesterres indiennes pour les exploiter. Sonia Guajajara,une dirigeante de l’Association des peuples indigènesduBrésil (APIB),enparlecommed’unemenaced’exter-mination.Lasituations’estenveniméele3 juin,avec lerefus désormais des représentants indigènes de parti-ciperàtoutenégociationaveclegouvernement,alour-dissant lesmenacesd’unconflit socialouvertpendantla Coupe dumonde.Onarrivedoncàceparadoxequ’unesériedegouver-

nementsdegauche,portéspar lePartides travailleurs,a bafoué de façon systématique les intérêts et droitsdusecteur leplusdémuniet leplusdésarmépolitique-ment de la population brésilienne. Alors que les gou-vernements de droite des années1980 et 1990 pou-vaient céder aux campagnes pro-indiennes et auxpressions de l’opinion publique internationale, ceuxdegauche y apparaissent insensibles.Que risque-t-il de se passer près des stades? Des

actions dans les capitales d’Etat les plus hostiles auxintérêts indiens, comme Cuiaba, sont improbables.Même chose dans les Etats sans large populationindienne,commePortoAlegre,Fortaleza,NatalouReci-fe. Par contre, Manaus, Rio, Sao Paulo et surtout Brasi-lia, voireSalvador, fontpartiedesplansdésespérésdesorganisations indiennes pour attirer enfin l’opinionsurleursort.Leplusgranddéfimédiatiquepourlegou-vernement serait que les peuples les plus capables despectaculariser un conflit, notamment les Xavante etlesKayapo, se joignent auxmanifestations. p

L’interventionsurunbâtimentexistant,siellenesefaitpas

enoppositionmaisensympathieaveccequiest,aboutittoujoursàdesrésultatsprobants

PaulChemetovArchitecte

C’estdansleMatoGrossodoSulquelasituationdesIndiensestaujourd’huilaplusdramatique

¶Le tribunal administratif deParis a annulé, mardi 13 mai,l’un des deux permis deconstruire obtenus parle groupe de luxe LVMH surle site du grandmagasinparisien la Samaritaine,dont il est propriétaire et quecontestaient des associationsde défense du patrimoine

¶Jean-PhilippeBelleauest l’auteurdu «Mouvementindien au Brésil :du village auxorganisations»,Pressesuniversitairesde Rennes,340p., 21¤.

LesIndiensàl’assautdelaCoupedumondeIniquesexpropriationsdupouvoirbrésilien

20 0123Jeudi 12 juin 2014

Page 21: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

«C’estl’heureduBrésil»«Le Monde» ouvre sasérie dequatre pagesquotidiennes surla Coupe dumondeparun entretienavec le capitainedela Seleçao,Thiago Silva

Entretien

ThiagoSilvaavaincuunetubercu-lose (« l’une des pires choses demavie») en2005. Jeudi12juin, le

capitaine de la Seleçao et du PSG, âgéde 29ans, espère vaincre la Croatie enmatch d’ouverture de «son»Mondialet offrir unmoisplus tard sa6e Coupedumonde aupeuple brésilien.Que représente pour vous cetteCoupedumonde dans votre pays?Une Coupe du monde, en elle-

même, représente déjà beaucoup. J’aieu l’opportunité de disputer la précé-denteenAfriqueduSud.Elles’estfinieun peu tristement pour nous, enquarts de finale contre les Pays-Bas[1-2]. Mais je savais que j’auraisd’autres opportunités. Et elle estdevantmoi. Et elle est chezmoi. Tousles Brésiliens sont passionnés par lefootball. Le fait de faire partie des23joueurs qui disputeront leMondialestunmotifdefierté.Car j’aiétéchoisiparmi200millionsd’habitantsetpra-tiquement 100millionsde joueurs.Le pays sera-t-il uni derrièrela Seleçao?Le pays vit le football. Il fait partie

intégrante de chaque Brésilien. Pen-dantlaCoupedumonde, lepaysrespi-rera plus que jamais le football. Et,dansdeuxans, il y aura les Jeuxolym-piques [àRioen2016].C’estdoncl’heu-reduBrésil,c’estnotremoment.Main-tenant, il faut que nous, joueurs, et lepeuple ne fassions qu’un pour lutterpourunmêmeobjectif.Mais ces dernières semainesleMondial a cristallisé une fortecontestation sociale?Une partie de la populationmani-

festecarelleveutqueleBrésilprogres-se dans les secteurs de la santé, del’éducation,durespectdupeuplebré-silien. Je pense que petit à petit, toutcela va s’améliorer et que la popula-tionl’acompris.Maintenant,si lepeu-ple va dans la rue pour tout casser ouvoler, j’estime que ça n’est pas unefaçon de faire et que cela donne unemauvaise image dupays.Je suis pour un projet pacifique,

sansviolencepourunBrésilmeilleur.J’espère que ce sera unMondial tran-quille, un Mondial de la paix. Parce

quelesgenssont trèspréoccupés,sur-tout en Europe, à cause de toute cetteconfusion,cesmanifestationsquisus-citent un peu de peur et d’appréhen-sion chez les gens qui s’apprêtent àaller au Brésil. Mais je le dis claire-ment, en tant que Brésilien et capitai-ne de la Seleçao : vous pouvez partirtranquilles. Vous serez en sécurité. Laprésidente, DilmaRousseff, a pris desmesures pour renforcer la sécurité.On ne peut pas faire une belle Coupedu monde si c’est le désordre endehors du terrain.Car il ne suffit pas de contester la

présidente si on continue à tuer desgens dans la rue sans aucun motif. Ilfaut d’abord se regarder dans lemiroir et voir ce qui ne vapas.Vous appelez à unMondial pacifi-que. Que vous apporte votre foi surle terrain?Comme tout bon Brésilien, quelle

quesoitvotrereligion, vouscroyezenDieu. Je crois en celui qui est là-haut,quiadonnésaviepournouset jecroisbeaucoup aux choses qu’il met sur

mon chemin. Surtout quand il a étéquestion de quitter Milan pour lePSG. C’est quelque chose de natureldans une carrière de changer de club,surtout quand on a de l’ambition,mais je pense que si Dieum’a permisd’être ici, c’est parce que j’ai les quali-tés pour y être.Je crois beaucoup enDieu, à la reli-

gion, mais je ne suis pas extrémiste.Durant lesmatchs, le faitde croirememotive. Je me souviens particulière-mentdedeuxrencontres : lorsduTro-phée des champions au Gabon face àBordeaux [remporté 2-1 par le PSG enaoût 2013] et un autre à Barcelonequand j’étais encore à Milan. Ce sontdeuxpartiesdurant lesquelles je luiaidemandé quelque chose, car les deux

matchs étaient compliqués. ContreBordeaux, il y avait match nul, onallait aux prolongations. Le second,nous étionsmenés au stade de CampNou,àBarcelone,et, lorsquej’ai couruen direction de la surface, j’ai deman-dé à Dieu dem’aider àmarquer. C’estalors que Seedorf a tiré le corner etque j’aimarqué le but de l’égalisation[2-2 en 2011, en Ligue des champions].En 1950, Dieu n’avait pas pu éviterla défaite du Brésil face à l’Uruguay(1-2) en finale de «sa» premièreCoupedumonde…Cette défaite nous fait encore très

mal.Lesouvenirde1950hanteencorenotremémoirecollectiveet il occupe-ra nos têtes lors de ce Mondial. Maisnous espérons un scénario différentdeceluide1950. J’espèrequedanscin-quante ou cent ans, on se souviendradenouscommeétant laSeleçaovicto-rieuse et pas comme celle de 1950 quia perdu en finale. Malgré la pression,nouspouvonsécrireunenouvellehis-toire. Mon objectif, c’est que l’on nes’arrête que le 13 juillet après une vic-toire en finale.La pression n’est-elle pas trop fortesur vos épaules?Ilya toujoursunepression.Entant

que Brésilien et capitaine de laSeleçao, nous n’accepterons pasd’êtretroisièmesoudeuxièmes.Nousn’accepterons que d’être premiers,champions du monde. C’est notreseul objectif, nous allons travaillerpourcela.Noussavonsqueceseradif-ficile mais nous avons l’opportunitéd’entrer dans l’histoire.Dani Alves, David Luiz, ThiagoSil-va,Marcelo: la Seleçao édition2014puise-t-elle sa force dans sadéfense?Avant, les gens n’avaient d’yeux

quepourPelé,Garrincha, Zico, Zagalloet parlaient très peudu secteur défen-sif de la Seleçao. Aujourd’hui, je suiscontent que ce soit l’inverse, car cen’estpasfaciled’êtreBrésilienetd’êtrereconnu pour ses forces défensives.Désormais, la Seleçaoest connuepouravoirun secteurdéfensif très solide.En général, la star du Brésil est unattaquant.Mais pour ceMondial,on a le sentiment que c’est vous lastar, un défenseur de 29 ans…

C’est dur à croire. Moi-même,quand je rêvais d’être joueur de foot-ball, je rêvais d’être attaquant, je vou-lais marquer des buts mais ça n’étaitpaspossiblecar jen’avaispaslesquali-tés requises. Alors aujourd’hui, entant que joueur dans mon secteur, jeme sens accompli. Mais il n’y a qu’engagnant la Coupe dumonde auBrésilquejemesentiraivraimentaccompli.On vous qualifie souvent de«meilleur défenseur dumonde».Ce titre vous honore-t-il?J’en suis fier,mais je dois aussipar-

ler de mes coéquipiers, car je ne jouepastout seul.Chacunasesqualités, safaçonde jouer. Je suisdansunebonnedynamique dans ma carrière, maisc’est grâce à tous les professionnelsque j’ai croisés, les entraîneurs et lesjoueurs, sans qui je n’aurais jamaisatteint ce niveau. Grâce à eux, j’ap-prends, je tente de m’améliorer cha-que jour. Si j’avais voulu jouer seul,j’aurais fait du tennis et j’aurais été leseul responsable. Mais, quand vousjouez dans un sport collectif, vousdevez citer vos coéquipiers, car ilsfont partie de votre histoire. Et, siaujourd’hui je suis connu commel’undesmeilleursdéfenseursdumon-de, je dois remerciermes coéquipiersduPSGetmes dirigeants.Aviez-vous un joueur de référencelorsque vous étiez plus jeune?Jeme souviens beaucoup de Bebe-

toetRomario. Ilsm’ontbeaucoupins-piré etm’ont donné envie de jouer aufootball. Je me souviens de la Coupedu monde 1994, quand on a gagné[aux tirs au but] face à l’Italie. Ilsétaient les principaux joueurs de laSeleçao, ilsmarquaientdesbuts,sefai-saient des passes décisives. Quand jesuis devenu défenseur, mes référen-ces ont changé. J’admirais forcémentdes défenseurs comme RicardoRocha, Ricardo Gomes, la paire Lucioet Juan.Vous êtes natif deRio. Commenttrouvez-vous le nouveauMaracana,où aura lieu la finale?C’est un stade magnifique, bien

plus moderne qu’avant. Je suis fierd’avoir eu l’opportunité de jouerdans les deuxMaracana, le vieuxet lenouveau. Pour moi, c’est vraiment

une grande fierté d’avoir pratique-ment commencé mon histoire dansle football au Maracana. Gagner letitre mondial là-bas avec le brassarddecapitaine serait lepoint culminantdema carrière.Quels seront vos principauxadversaires pour le titre?Jepensequeleséquipessud-améri-

caines seront avantagées. Elles sonthabituées à la chaleur du Brésil,contrairement à d’autres équipes.Principalement l’Italie, qui va jouer àManaus, en Amazonie, où il y a unechaleurterribleetoùmêmelaSeleçaone pourrait pas jouer. C’est une cha-leur incroyable. Pour un joueur defootball, c’est très difficile d’évoluerlà-bas. Notre principal adversaire encemoment,c’est laCroatiecar, sivouscommencez par une défaite, vouspouvez difficilement récupérer lorsdesmatchs suivants. Alors que si l’oncommenceparunevictoiredèslepre-miermatch, celapeutnousemmenervers la finale.Endemi-finale, vous pourriezretrouver votre coéquipier du PSGBlaiseMatuidi et l’équipede France…C’est une grande équipe qui est

dans un moment particulier, dansune phase ascendante. Didier Des-champs est un très grand entraîneurqui a joué dans de nombreux clubs,différentes écoles de football, et qui areçuun enseignement large. Avec lui,la France a beaucoup gagné. Quandvousavezunentraîneuravecdelaper-sonnalité, qui connaît le football et aété un grand joueur, je pense quevous avez tout pour faire un grandMondial. Par ailleurs, je suis heureuxde jouer en France avec de bons coé-quipiers dans un pays dont la sélec-tion va lutter à la Coupe du monde,pour les joueurs, pour l’entraîneurmais surtout pour lemaillot.LesBrésiliensontungrand respect

pour lemaillotdesBleus.C’estunpeunotre bête noire [défaites aux Coupesdu monde 1986, 1998 et 2006]. Si ondoit affronter la France, on ne partirapas la fleuraufusilmaison l’affronte-ra avec énormément de respect.p

Propos recueillis parRémiDupré

Thiago Silva, lors de la Coupe des confédérations, «répétition générale» duMondial, remportée par le Brésil en juin 2013, à Salvador deBahia. MARTIN/PRESSE SPORTS

«Ilnesuffitpasdecontestersioncontinueàtuerdesgensdanslaruesansaucunmotif. Ilfautd’abordseregarder

danslemiroir»

210123Jeudi 12 juin 2014

Page 22: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

ÉCHOSDU MONDIALLe Portugal rassurépar le retourde RonaldoDynamisépar le retourdesoncapitaineetbuteur-vedetteCristianoRonaldo, lePortugalaécrasé l’Eire (5-1) lorsdesonderniermatchdepréparation,mardi10juin,àEastRutherford,auxEtats-Unis.LastarduRealMadrid,

titulairepour la rencontrecontre laRépubliqued’Irlande,n’aeubesoinqued’uneminutede jeupourdéclenchersonpremier tir.LeBallond’or2014neressentaitvisiblementplussablessureà lacuissegaucheet sa tendiniterotulienneaugenougauchequiontperturbésapréparationet l’ontempêchédeparticiperauxmatchsamicauxcontre laGrèce (0-0) et leMexique (1-0).

Le ballon officielsous le feudes critiquesLegardiendebutde laColombie,DavidOspina, acritiqué,mardi 10juin, leballonofficielduMondialauBrésil, baptiséBrazucaet fabriquéparAdidas.«Leballonest superdifficile, ilest très léger.Maisnoustravaillonsdurpournousadapter», a expliqué leportierdesCafeteros.En2010,enAfriqueduSud, leballonsurnomméJabulaniavaitdéjà faitl’objetde reproches.

Lesgardiens enparticulieravaienteudescritiquesassezdures, l’ItalienGianluigiBuffonl’estimant«absolumentinadéquat»et leBrésilienJulioCesar le comparantàunballonde«supermarché».Présentantdes touchesrouges,bleuesetvertessur fondblanc, leballonBrazucapèse437grammesetaété testédurantdeuxansetdemipar600joueursde30équipesdans lemonde.

Par Sérgio Rodrigues

J esuisnucommeunver sur lebalcond’unpetit châteaunéo-gothique, à Santa Teresa, et, avecmon stylo-bille à la pointetoutemâchouillée, j’écris sur un bloc que j’ai appuyé sur la

balustrade.Enmêmetemps, j’observe lepaysage.Laclarténais-sante du premier jour de la Coupe dumonde 2014 distille destons d’or sur le miroir de la baie de Guanabara et sur les mai-sonssinistréesducentredeRio.Etnon, cen’estpas iciquecom-mencera la compétition, dans cette vieille ville dont le saintpatron est saint Sébastien, martyr homoérotique criblé de flè-ches : des intérêts politiques et économiques ont décidé dedéplacer lematchd’ouverture à SaoPaulo,mégalopole incom-parablement plus riche, mais incomparablementmoins char-mante. On a abandonné la finale à la carte postale du Brésil, laclôture, l’apothéose–Hé,vous, lesbronzésdelastationbalnéai-re, de quoi vous vous plaignez?Ily aencorequelques jours cette idéem’irritait, commem’ir-

ritaient la désorganisation qui a entouré les préparatifs de laCoupe, le spectaclede l’incompétence,de la «politicaillerie», delacorruptionetleméprisdelaparoledonnée,toutcequi,proba-blement, explique cette aurore quimanque de tension: la villeetlepaysbourdonnentàbasvoltage, lesgenssesententàmoitiéhonteux,mal à l’aise…On aurait préféré que cette compétitionsedéroule ailleurs sur la planète, en finde compte, on aurait pusoutenirtranquillementnotreéquipe,nosmaillotsjaunes,com-meonl’a toujours fait.Rêverd’êtreunefoisencore lesmeilleursdumonde. Or, d’une certainemanière, il est trop tard: on ne ledit pas ouvertement, mais, dans l’air, flotte la certitude que leBrésil a déjàperdu laCoupe, quel que soit le résultat final.Mais tout cela n’a pas, pour moi, grande importance en ce

moment. Jeme contente de regarder l’horizon rouge, le Pão deAçúcarqui formeunedécoupenoire, cette beauté aussi gratui-te qu’inutile. Et j’écris. Dans peu de temps, des sélectionsvenues des quatre coins du monde vont se disputer un tro-phée, et ce trophéeme semble trivial, insignifiant – ridicule –quand je le compare à mon phénix adoré. Oups ! J’ai écrit«mon»?Oui, je l’ai écrit. J’ai perdu contact avec toute forme de pru-

dence. Jene faispasassezattention.Pourtant, je saisque jedoisprendreunedécision très vite, de préférence avant que Julia seréveille. C’est pour ça que j’écris.Il fautquejecomprennequi jesuisdanscettehistoireétran-

ge, l’ahuri de service ou l’envoyé du destin. Et, de toute façon,le fil qui relie trois roussesàuntrésor, etquiaboutitàunpactemortel. Derrière moi, au-delà des rideaux à moitié refermésque la brise agite doucement, Julia dort, nue entre les drapsquenousavons froisséspendant lanuit,quelquesparcellesdeson corps très blanc affleurant, çà et là, hors des plis de linbleu, comme si elle avait été dépecée. Je m’aperçois qu’hiersoir, dans la hâte de notre étreinte – dans cet état fiévreux quirègne entre nous en permanence depuis que nous avons faitconnaissance, il y a de cela à peine plus d’une semaine, et quines’apaisepas sinonpendant lesquelquesbrèvesminutesoùnous restons pantelants –, nous avons oublié de refermer lepetit coffre-fortencastrédans lemur,unequarantainedecen-timètres plus haut que le dosseret en paille tressée du grandlit double.D’ordinaire, le coffre couleur deplombestdissimulé derriè-

re un dessin original de Pablo Picasso qui représente un faunejouantde la flûte.Mais là, le tableauestposéàcôtédu lit, contrelemur. Soudain, ilme semblevoir unéclair jaillissant de l’inté-rieur obscur de la cavitémétallique qui, sur le fond de pénom-bredelachambre,dansmondélire,mesembleêtreunanuscar-ré.Et si j’étaisentraindedevenir fou?Commejenecomprendspas bien ce que je dois faire, ni ce qui est arrivé, ni ce qui va seproduire, j’écris, commesi écrire était quelquechoseque je fai-sais pour la première fois demavie.p

Traduit duportugais (Brésil)par Isabel Sardinha et AntoineVolodine

Pour «Le Monde», l’auteur brésilien Sérgio Rodrigues part à larecherche du trophée de la Coupe dumonde volée à Rio de Janeiroen 1983 et livre une novela inédite pendant le Mondial. Il a reçule Premio Cultura pour l’ensemble de sonœuvre en 2011. Son roman«O drible» paraîtra en France aux éditions du Seuil en 2015, avantle Salon du livre de Paris, où le Brésil sera l’invité d’honneur.Chapitre 2 dans «Le Monde» daté vendredi 13 juin.

« JULES RIMET, MEU AMOR»NOVELA-CHAPITRE 1

Reportage

RibeiraoPreto (Brésil)Envoyé spécial

Une semaine avant l’arrivéedes Bleus à Ribeirao Preto,ils ont suivi en urgence de

sommaires cours de français.Tabliers noirs et cravates anthraci-te, les serveurs de la brasserie Pin-guimmultiplient les «mercimon-sieur»et les«s’il vousplaît»enser-vant les journalistes venus del’Hexagone. Dans cet établisse-ment portant le nom de la bièrerégionale, l’ex-icône brésilienneSocrates aurait éclusé plusieursdizaines de pintes quotidiennesaprès la fin de sa carrière. L’ancienjoueurdesCorinthiansdeSaoPau-lo(1978-1984)etsonfrèrecadetRaï,passé par le Paris -Saint-Germain(1993-1998), sont adulés dans cetteville escarpée de 650000âmespour avoir tous les deux évolué auBotafogo FC, le club local qui poin-teactuellementenSérieD,lecham-pionnatde 4e division.Situé au coin de la rua General

Osorio, une large artère commer-çante, le Pinguim jouxte le théâtrePedro-II, inauguré en 1930 et quiabriteladeuxièmeplusgrandesal-le d’opéra du pays. C’est dans cetédificeàcolonnadesqu’aétéinstal-lé le centre des médias où s’affai-rent les journalistes accréditéspour suivre l’équipe de France.Mardi 10 juin, en début d’après-midi, Didier Deschamps a tenu,sur la grande scène, sa premièreconférencedepresseenterrebrési-

lienne.Laveille, ladélégationtrico-lore avait rallié Ribeirao Pretoaprèstreizeheuresdevoyagepourprendre ses quartiers à l’Hôtel JP,son campde base durant la Coupedumonde. Accueillis par une cen-taine d’habitants euphoriques, lesjoueurs de l’équipe de Francen’ont découvert qu’à la nuit tom-bée cette cité sans charme etconnue pour organiser chaqueannée l’Agrishow, la plus grandefoire agricole aumonde.

«On viendra à chaque fois avecgrand plaisir dans ce beau théâtre.Je trouve que vous êtes très gâtés, aglisséDidier Deschamps aux jour-nalistes confortablement assisfaceà lui.Onest trèsheureuxd’êtrelà. C’est très agréable d’avoir cesgens qui ont envie de nous voir ici.On va essayer de maintenir lecontact avec eux.» Quelques heu-resplustard, leBayonnaisatroquéses baskets contre des chaussuresà cramponspour fouler la pelouseimpeccable du stade du Botafo-go FC, enceinte vétuste de29000places où les Bleus s’entre-tiendront quotidiennementdurant le tournoi planétaire.

«On a fait faire quelques tra-vaux pour rénover la pelouse, aexpliqué en conférence de presseDidier Deschamps. Le stade estvieillissant et on a fait quelquesaménagementspour le rendreplusfonctionnel.» Jusqu’à l’entrée enlicede sesprotégésdans la compé-tition, dimanche 15 juin contre leHonduras, le patron des Bleus achoisid’axer lapréparationsur« ledynamisme,lamobilitéet l’explosi-

vité». «On n’est pas encore prêts, ainsisté le technicien. On a encorecinqjourspourfaireensortedes’ac-climater et d’être vraiment prêts.»Par le biais de lamunicipalité et

des clubs de football locaux, prèsde 10000 Ribeirao Pretano ontobtenu des tickets gratuits afind’assisteràlapremièreséanced’en-traînement des joueurs. «Au Bré-sil, il y aura plus d’entraînementsouverts au public qu’en Afrique duSuden2010», avait assuré, finmai,Noël Le Graët. Le président de laFédération française de football(FFF)confortaitainsi la stratégiededécloisonnement choisie parDidier Deschamps depuis sa prisede fonctions, en juillet2012.

«Allez les Bleus!», ont chanton-né les spectateurs massés dans lesgradins abîmés de l’arène tout enagitant des drapeaux tricolores. Laplupart portaient toutefois lemaillot jaune à cinq étoiles de laSeleçao, qui ouvrira «son» tournoicontre la Croatie, jeudi 12 juin à SaoPaulo. Dès les premiers échangesdeballe, leshommesdeDidierDes-champs ont eu droit à des applau-dissements nourris. Positionnés

autourduterrain,militairesetpoli-ciers armés ont étroitement sur-veillé les tribunes durant toute laduréede l’entraînement.Décochant plusieurs tirs puis-

sants, Paul Pogba a été acclaméparce public très familial. « Je ne suispas une star», avait pourtant prissoin de préciser en conférence depresse celui qui est appelé«Po-qui-ba»auBrésil. La foule s’est tuesou-dainement lorsque Karim Benze-ma a reçu un léger coup lors d’unduel avec l’un de ses coéquipiers.L’attaquant du Real Madrid a boi-tillé quelques instants avant dereprendre l’entraînement. Au ter-me de cette séance d’une heure, leMerengue a offert aux spectateurssonmaillot imbibéde sueur.Cette communion entre les

Bleus et leurshôtes s’est prolongéesur leparkingdustade.Massésder-rièredesbarrières,plusieurscentai-nes d’enfants ont tendu auxjoueurs leur stylo et leur cahierPanini resté ouvert à la page del’équipe de France. Blaise Matuidiet le novice Morgan Schneiderlinont particulièrement savouré cebain de foule, se laissant longue-mentphotographier.LebusdesTri-coloresafinalementquittél’encein-te. Direction l’Hôtel JP. Sur lesflancs du véhicule, on pouvait lirela devise napoléonienne choisiecommesloganparlaFFF:«Impossi-blen’estpas français.»p

RémiDupré

n Sur Lemonde.frRetrouvez le blog «Bleu Brésil »dans les coulisses de l’équipe de France.

SUR LEMONDE.FRRETROUVEZ TOUTE

L’ACTUALITÉ DU MONDIALTOUS LES MATCHS

EN DIRECTLES ANALYSES

DE NOS CHRONIQUEURS,LES BLOGS ET

LES REPORTAGESDE NOS ENVOYÉS

SPÉCIAUX AU BRÉSIL

«La réputationde la FIFA estindissociable de la corruption,la FIFA aunprésident, vousêtes responsable, vous nedevriez pas vous représenter»Michael vanPraag,président de la fédération néerlandaisede football, a demandé à Joseph Blatter,mardi 10 juin, en publicet en sa présence, de ne pas se représenter. Patron de la FIFAdepuis 1998, Sepp Blatter, 78 ans, pourrait profiter du Congrès,mercredi 11 juin, pour se déclarer officiellement candidat à un5emandat. En 2011, ce dernier avait promis de ne pas sereprésenter à la tête de l’institution.Mais, le 21mars, il a confiéavoir «changé d’avis».p

«C’esttrèsagréabled’avoircesgensquiontenviedenousvoirici.Onvaessayerdemaintenirlecontact»

Didier Deschampssélectionneur des Bleus

Les supporteurs de l’équipe de France dans les tribunesdu stade Santa Cruz,mardi 10 juin, à RibeiraoPreto. DAVID VINCENT/AP

LesBleusenterrainconquisaupaysdeSocratesLes joueurs de l’équipe de France ont effectué leur premier entraînementdevant 6000 spectateurs dans le stade du Botafogo FC, le club de Ribeirao Preto

22 0123Jeudi 12 juin 2014

Page 23: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

En 2010, « Paul le poulpe »avait été la vedette de la Cou-pe dumonde. En Afrique du

sud, le céphalopode devin avaitréalisé un sans-faute dans ses pré-dictions. Lapieuvre avait trouvé lerésultat correctdes septmatchsdel’Allemagne (éliminée en demi-finale) et donné l’Espagne victo-rieuse en finale contre les Pays-Bas. La méthode infaillible de« l’oracle d’Oberhausen» : deuxboîtes avec une friandise (unemoule) et le drapeau des deuxéquipes placées au fond de sonaquarium.Paullepoulpenepourrapasréé-

diter son exploit au Brésil, il estmort trois mois après la finale duMondial sud-africain. Les Chinoispensent avoir trouvé son succes-seur : une équipe de pandas quidevra grimper aux arbres. L’édi-teur ElectronicArts croit, lui, avoirdéjà trouvé le nom du vainqueur.En appliquant les algorithmes de

son jeu FIFA aux rencontres de laCoupe du monde, c’est l’Allema-gne qui sera sacrée. Les économis-tesdeGoldmanSachs,eux,ontfon-dé leur modèle statistique sur lesrésultats obtenus par les sélec-tionsdepuis 1960. Au final, c’est leBrésil qui triomphe devant sonpublic.Pour Le Monde, l’Observatoire

du football du très sérieux Centreinternational d’étude du sport(CIES) de Neuchâtel, en Suisse, aaccepté de se prêter au petit jeu–risqué– des prédictions. Depuisprèsdedixans, les chercheurs (his-toriensetsociologues)duCIEScom-pilent les données sur les joueursdes ligues européennes et ontmisaupoint des indicateurs de perfor-mance qui leur permettent de pré-voir en début de saison, avec unecertaine réussite, les vainqueursdes principaux championnats.Pour l’Euro 2010, ils avaient placél’Allemagneentêtede leurs favoris

devant l’Espagne, qui l’avait finale-mentbattue endemi-finale.Pour le Mondial au Brésil, l’Ob-

servatoiredu football a analysé lestrajectoires des joueurs ayant faitpartie de l’effectif des quatre der-niers finalistes (Espagne,Pays-Bas,Italie, France) de laCoupedumon-

de. Il a ainsi identifiéplusieurs fac-teurs pertinents pour tenter d’ex-pliquer pourquoi ces équipes ontdominé leurs rivaux et retenutrois indicateurs pour évaluer lepotentieldeséquipesqualifiéesenfonctiondes joueurssélectionnés:le nombre de matchs disputés en

championnat et en équipe natio-naledepuis le début de leur carriè-re et lors des deux dernièresannées, lenombre totalde rencon-tres jouées en Coupe dumonde etenfin, le nombre total de buts ins-crits en championnat et ces deuxdernières années.

LeBrésil battu en finaleLes résultats pour chaque équi-

pe nationale ont ensuite été com-parés à lamoyenne observéepourlesquatre derniers finalistes sur labase des onze joueurs présentantles valeurs les plus élevées. Pourdépartager deux équipes à égalité,lesanalystesduCIESontenfinprisen compte le nombre de matchsde Coupe dumonde disputés lorsdes quatre dernières éditions.Cette approche statistique per-

metà l’Observatoiredufootballderévélerenavant-premièrequel’Es-pagne conservera son titre à l’is-suedesquatresemainesdecompé-

tition.Selon le scénariohypothéti-que du CIES, les Espagnols s’impo-seront en finale face aux Brési-liens. L’Argentine, elle, termineratroisième du tournoi grâce à unevictoire en «petite finale» face àla… France.En se fiant aux critères retenus

par Raffaele Poli, le directeur duCIES, et ses équipes, les Bleus nechuteront en effet qu’au stade desdemi-finales face au pays hôte.Selon les prévisions de l’Observa-toire du football, l’équipe de Fran-ce devrait terminer première deson groupe devant l’Equateur,s’imposer en huitièmes de finaleface auNigeria puis vaincre le Por-tugal de Cristiano Ronaldo enquarts de finale. A Didier Des-champsetses joueursdenepasfai-rementir ces prédictions.p

StéphaneMandard

Retrouvez le pronostic complet surwww.football-observatory.com

Manaus

Fortaleza

Natal

Recife

Salvador

Belo Horizonte

Brasilia

Rio de JaneiroSao Paulo

Curitiba

Porto Alegre

Ciuba

9

8

76

5

4

1011

3

2

112

BRÉSIL

GROUP

E HGRO

UPEG

GROUPE

F

GROUPE E GROUPE

DGR

OUPE

C

GROUPE

B

GROUPE A

Douze stades

Estadio Castelao

Arena das Dunas

Arena Pernambuco

Fonte Nova

Mineirao

Stade Maracana

Arena de Sao Paulo

Arena da Baixada

Beira-Rio

Estadio Nacional

Arena Pantanal

Arena Amazonia

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

LECALENDRIERDESMATCHS12 juin – 13 juillet

SOURCE : FIFA

BELALG

RUS

KOR

GER

POR

GHA

USA

ARGBIH

IRN

NGA

SUI

ECUFRA

HON ITAENG

CRC

URU

JAP

CIV

GRC

COL

AUSCHI

NLD

ESP

CMR

MEX

CROBRA

Brésil

Croatie

Mexique

Cameroun

Pays-Bas

Espagne

Chili

Australie

Colombie

Grèce

Côte d’IvoireJapon

UruguayCostaRica

Angleterre

Italie

Belgique

AlgérieRussie

Corée du Sud

Allemagne

Portugal

Ghana

Etats-Unis

Argentine

Bosnie-Her

zégovine

Iran

Nigeria

Suisse

Equateur

Fran

ce

Honduras

12Jeu.

Heurefrançaise

Ven. Sam. Dim. Sam. Dim.Lun. Mar. Mer. Jeu. Ven. Sam. Dim.Lun. Mar. Mer. Jeu. Ven. Sam. Dim.Lun. Mar. Mer. Jeu. Ven. Sam. Dim.Lun. Mar. Mer. Jeu. Ven.13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13

MATCHS DE GROUPE

BRA /CRO

MEX /CMR COL /GRC SUI /ECU

FRA /HON

ARG /BIH

GER /POR

IRN /NGA

GHA /USA

BEL /ALG

BRA /MEX

RUS /KOR

AUS /NLD

ESP /CHI

CMR /CRO

COL /CIV

URU /ENG

JAP /GRC

ITA /CRC

SUI /FRA

HON /ECU

ARG /IRN

GER /GHA

NGA /BIH

BEL /RUS

KOR /ALG

USA /POR

URU /CRC

ENG /ITA

CIV /JPN

ESP /NLD

CHI /AUS

DEMI- F INALESQUARTS DE FINALES8 ES DE F INALES

3e place

18:00

21:00

22:00

00:00

03:00

1D /2C

1B /2A

1G /2H

1E /2F

1H /2G

1F /2E

V1 /V5

V3 /V7

V2 /V6 V9 /V11 V10 /V12

V4 /V8

1C /2D

1A /2B

V1

NLD /CHI

AUS /ESP

ITA /URU

CRC /ENG

NGA /ARG

BIH /IRN

POR /GHA

USA /GER

CMR /BRA

CRO /MEX

JAP /COL

GRC /CIV

HON /SUI

ECU /FRA

KOR /BEL

ALG /RUS

{

V2

{

V3

{

V4

{

V5

{

V6

{

V7

{

V8

{

V9

{

V10

{

V11

{

V12

{

F INALE

SOURCE:C

IESFO

OTB

ALL

OBSER

VATO

RY

Demi-f ina lesQuarts de f ina lesHui t ième de f ina lesEquipe gagnante

F ina le

3e place

Equipe perdante

BRÉSILPAYS-BAS BRÉSIL

ITALIE

ESPAGNE

FRANCEARGENTINE

ESPAGNEARGENTINE

FRANCEPORTUGAL

ESPAGNEROYAUME-UNI

ARGENTINEALLEMAGNE

JAPONITALIE

FRANCENIGERIA

PORTUGALRUSSIE

CROATIEESPAGNE

COLOMBIEROYAUME-UNI

ÉQUATEUR

FRANCE

ARGENTINE

ALLEMAGNEBELGIQUE

BRÉSIL

BRÉSIL

Etàlafin,c’est…l’EspagnequigagneAu petit jeu des prédictions, l’Observatoire du football prévoit pour «Le Monde» une demi-finale pour les Bleus et une victoire des Espagnols

230123Jeudi 12 juin 2014

Page 24: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

SaoPaulo, l’impossibilitéd’unevilleL’ENVERS DU STADE Sao Paulo accueille le matchd’ouverture du Mondial, jeudi 12juin. Itaquerao,son nouveau stade, est à l’image de cette ville,la plus peuplée d’Amérique du Sud, qui cherchetoujours ses limites entre gigantisme, luxe et misère

Reportage

SaoPauloEnvoyé spécial

LeBrésilgrandit lanuit,dit lepro-verbe.ASaoPaulo, lepayspous-se peut-êtremêmeun peu plusqu’ailleurs, de nuit comme dejour. Sortirà la stationdemétroItaquera, à l’extrême est de la

mégapole pauliste, c’est prendre le risquede se perdre dans cette jungle urbainesans fin.Routes expresses suspendues, entre-

lacs improbables, arrêts de bus empilés etlabyrinthesd’édifices cernésdechausséesà l’asphalte brûlant et perforé. La capitaleéconomique du Brésil, marquée par lesmanifestations de juin 2013 à la suited’une augmentation du prix des trans-ports et par la pagaille provoquée par lagrève des employés du métro quelquesjours avant le début du Mondial, renvoiel’image d’une cité tentaculaire où les cen-tres commerciaux servent d’espace socialaux jeunes des nouvelles classes ditesmoyennes, quand les voies de dégage-ment plongent directement dans lesembouteillages.Ici, le nouveau stade du club des Corin-

thians, l’équipeaux25millionsdesuppor-teurs avec en tête l’ex-président Lula(2003-2011), domine un paysage tenuentre parenthèses par le béton et le gris.Hôte du match d’ouverture de la Coupedumonde, jeudi 12 juin,entre leBrésil et laCroatie, l’Arena Corinthians, surnommée«Itaquerao», déploie sa carcassed’acier etses perspectives rectilignes, tel un mons-tre tubulaire enfindompté.Avecdesmoisderetardaucalendrieret troismortssur lechantier. Son inauguration partielle ad’ailleurs eu lieu au pas de course en pré-sencede la chef d’Etat,DilmaRousseff, il ya tout juste unmois.Aobserver l’ouvrageetsesalentoursde

près,on comprendmieuxpourquoi lavil-le lapluspeupléed’AmériqueduSudcher-che toujours ses limites entre luxe,misè-re et gigantisme. Prévuaudépart austadeCicero Pompeu de Toledo, appelé«Morumbi», l’antre du SaoPaulo FutebolClube, situé sur l’autre versant de la ville,zone ouest, le choix de l’enceinte paulistepour le Mondial a été modifié enaoût2010 au profit des Corinthians. Lesautorités locales et la Fédération interna-

tionale de football (FIFA) ont expliqué cechoix par l’absence chronique de parkingàMorumbi, une toiture à construire etunemplacement dépourvu de transportspublics. Mais les Paulistes y ont vu lamain de Lula, l’accointance des autoritéslocales et footballistiques, l’expressiondecertaines incohérences de la ville et del’Etat, ou encore le retour des vieuxdémons.L’enveloppe prévisionnelle pour la

rénovation du stade du Sao Paulo FC étaitestimée à 240millions de reais (77mil-lions d’euros). Le coût de l’enceinte privéeItaquerao atteint plus de 820millions dereais. Une somme versée sans barguigneret quasiment à hauteur égale par les cais-ses du gouvernement fédéral (400mil-lions) et local (420millions). De quoi ali-menter l’aigreur des divers mouvementssociaux, sourcilleux enmatière de dépen-sespubliques.D’autantqu’il a fallu l’inter-ventionpersonnelledelaprésidenteRous-seff et l’injection de 350millions de reaissupplémentaires des caisses fédérales, en

mai, pouraccélérer la findes travaux.Unesomme considérable que le club a annon-cé vouloir rembourser en y consacrantsept années de billetterie – sans réelle-ment convaincre.Côté transports, un nouveau métro

aérien devait être l’une des principalesinfrastructures demobilité prévuepar lesautorités.Censérelier lecentredeSaoPau-lo avec l’enceinte recevant les matchs duMondial, il poursuit ses travaux en direc-tion de… Morumbi, alors que les rencon-tres auront lieu à l’autre bout de la ville.Mardi 10 juin, l’effondrement d’une sec-tion a fait unmort et deux blessés parmiles ouvriers du chantier.Quantà l’antiqueprojetdemétrodesti-

né à soulager l’aéroport international deGuarulhoset les accèsde cegrandestpau-liste, il setrouverepousséaprès letournoi.

«A partir de 2018», promet le gouverneurde l’Etat, GeraldoAlckmin.Deuxramesdemétrosupplémentaires

ont été ajoutées sur la ligne Vermelha, labiennommée ligne rouge reliant le centrepauliste au terminus Itaquera. C’est peupour venir soulager les deux couloirs debus en site propre, eux-mêmes saturés,créés autour du stade. Bien peu pour unebanlieue qui se targue d’abriter 4millionsd’habitants, sur les 20millions que comp-te lamétropole.Reste que le développement «harmo-

nieuxetplus intégré»decettevastecouléeurbainebordant l’Itaquerao, appelé de sesvœux par le maire, Fernando Haddad, leprotégé de Lula, n’a pas eu lieu. «La ville aœuvré pour que des entreprises et centresde recherche s’installent autour du stadeavec l’idée de rapprocher les lieux de tra-vail des habitations et ralentir cette exten-sion permanente de la ville, mais cela n’apas pris, admet Gabriela Callejas, jeunearchitecte au secrétariat du développe-ment urbain de Sao Paulo. Le marché n’apas eu jusqu’à ce jour d’intérêt à investirdanscette zoneauxnombreusespochesdepauvreté et aux infrastructures cruelle-mentmanquantes.»Le constat est identique au sujet de

l’«Arc du futur», ce projet de rééquilibra-ge urbain sur la Marginal Tietê, sorted’autorouteurbaine longeant le fleuvedumême nom, au nord, la Marginal Pinhei-rosàl’ouestet l’AvenueJacu-Pêssegoàl’ex-trêmeest, à cinqminutesd’Itaquerao. Il setrouve au point mort. Sont évoqués desproblèmes budgétaires (20milliards dereais, selon les estimations), de taille (lasurface est comparable à l’île de Manhat-tan) et deprises dedécisions entre les par-tenairespublicsetprivés.Apeinesi lenou-veauplandirecteuradoptéenavril suscitedenouveaux espoirs.Le résultat? «Rien n’a changé malgré

les promesses. Itaquerao n’a fait que pro-longer les inégalités sociales, les prix deslogements de la région ont augmenté,poussantunpeuplusdepersonnesdans larue», affirme Matheus Marestoni, mem-bre du Comité populaire de Sao Paulo, ungrouped’observateurs et demilitants dis-posant de relais dans les douze villes de laCoupedumonde.Il suffit de descendre en contrebas de

l’ArenaCorinthianspourprendrelamesu-re des contrastes, des déséquilibres et desviolencesde lamégapole. Longer l’avenuetortueuse Miguel Inacio Curi qui s’élanceélégamment devant l’entrée du stadeavant de s’échouer 900 mètres plus loinauxportes de lapetite favela daPaz, étroitîlotdebruitetdepoussièreoùviventquel-que 1200 personnes. Des femmes et desenfants, enmajorité.Le jour, LaPaz, foisonnante et électri-

que,sedémèneaurythmedesécolesetdesallers et venus des travailleurs,maçonsouaides à tout faire, domestiques ou agentsdenettoyage. Lanuit, la favela est considé-rée «à risque», avec son lot de trafics lelongde l’avenueCuri,elle-mêmelivréeà laprostitution, dont celle demineures.

«Nous n’avons rien contre le Mondial,nous voulons seulement que cet événe-ment profite à tout le monde», insisteDrancy Silva, leader communautaire,retraitéet installédepuisplusdevingtansàLaPaz.Levieilhommereconnaîtquel’ac-tuel maire Haddad est le seul à avoir faitquelque chose pour sa favela. «Les projetsliés au stade prévoyaient de faire passerune route à travers nos maisons. Nousnous sommesmobilisés et lamairienousaécoutés», dit-il.La plupart des maisons ont été raccor-

dées au réseau des eaux et à l’électricitépublique. A unedemi-heure d’Itaquera, lamunicipalité a même fait construire plu-sieurs centaines d’habitations pour relo-

ger les premières familles. Mais, coup dusort, la plupart des nouveaux apparte-mentsontétésubitementoccupéspardeshabitants venant d’autres favelas. Lesconfrontations violentes avec la police sesont soldéespar ladestructiondes locaux.Cruel révélateur de la situation de l’habi-tat dans la ville : il manque 700000 loge-ments à Sao Paulo selon lamunicipalité.Il a donc fallu renégocier. Trouver de

nouveauxbudgets.Aufinal,unepremièretranchedequelque 150appartements ontété annoncés pour être livrés enfévrier2014. «Un élu est même venu nousdire que l’opération se ferait en novembre,suivi par un banquier qui a plutôt évoquéavril2015.» Drancy Silva le retraité atten-dra le tempsqu’il faut.Nonsansnostalgie,il dit se souvenir des premières maisonsinstallées sur cette parcelle alors ver-doyante, «àpeine une dizaine».Le vieil homme sait que la situation est

tendue. La nouvelle favela qui vient devoir le jour au parc Carmo, situé à moinsde dixminutes de LaPaz, en apporte unecruelle confirmation. Plus de1500familles s’y sont installées, surnom-mant l’endroit «Copa do Povo», la «Cou-pedupeuple». «Ici, sanspression, onn’ar-rive à rien, insisteDrancy.Avecnotre com-munauté, j’espère que les autorités ontcompris qu’on pouvait discuter et faireavancer les choses. S’il ne se passe rienaprès leMondial, on se remobilisera.»A ses côtés, le petit Daniel hausse les

épaules. Comme tous ses camarades derue, iln’irapasaustade. Ilregardera laCou-pe du monde à la télévision. Ici même. Ilen rigole et arbore avec nonchalance, etmêmeunriendeprovocation, sonmaillotbarré des couleurs rouge et noire du SaoPaulo FC.p

NicolasBourcier

Demain : «Fortaleza, la tache».

«Rienn’achangé,malgrélespromesses. Itaqueraon’afaitqueprolongerlesinégalitéssociales,poussantunpeuplus

depersonnesdanslarue»Matheus Marestoni

comité populaire de Sao Paulo

Pinheiros,l’une des stationsdemétro les plus

importantes etengorgées

de Sao Paulo.DARIO DE DOMINICI/

AGENCE OLHARES

POUR « LE MONDE »

24 0123Jeudi 12 juin 2014

Page 25: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

Société éditrice du «Monde » SAPrésident du directoire, directeur de la publication Louis DreyfusDirecteur du « Monde», membre du directoireGilles vanKoteDirecteur des rédactions Jérôme FenoglioDirectrice déléguée à l’organisation des rédactions Françoise TovoDirecteurs adjoints des rédactions LucBronner, ArnaudLeparmentier, Cécile PrieurDirecteurs éditoriauxGérardCourtois, Alain Frachon, Sylvie KauffmannRédactrice en chef de «M Le magazine du Monde»Marie-Pierre LannelongueRédacteurs en chef,responsable de la rédaction numérique Vincent Fagot, NabilWakimRédacteurs en chef et chefs de services ChristopheAyad (International), ThomasWieder (France),VirginieMalingre (Economie), AurélianoTonet (Culture)

Rédacteurs en chef «développement éditorial» Julien Laroche-Joubert (Projets),Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats)Chef d’éditionChristianMassolDirecteur artistiqueAris PapathéodorouPhotographieNicolas JimenezInfographieEric BéziatMédiateurPascal GalinierSecrétaire générale du groupeCatherine JolySecrétaire générale de la rédactionChristine LagetConseil de surveillancePierre Bergé, président

Parfois, enouvrantLeMonde, on croiraitredécouvrirLes Femmes savantes, deMolière; la célèbre répliquedubonbour-

geoisChrysalequi jette à sa sœur cequ’il n’osereprocherdirectement à sonépousePhilamin-te:«C’està vousque jeparle,masœur. Lemoin-dre solécismeenparlantvous irrite.»TelChrysale, donc, l’ancienpremierministre

MichelRocard, 83 ans, déverse sa rancœursurlesBritanniques, qu’il veutbouterhorsd’Euro-pe:«AmisAnglais, sortezde l’Unioneuropéen-nemaisne la faites pasmourir !»Sans s’aperce-voirqu’il feraitmieuxdes’adresser à la Franceet à sonépouse forcée, l’Allemagne.Nousallonsencourir biendes reprochesauprèsdes80000lecteurs-internautesqui se sontenti-chésdenotrepapypoliticien,maisqu’ypou-vons-noussi l’ancienpremierministre accuseunpeuvite lesAnglaisde tous lesmauxquiaffligent l’Europe, alors queFrançais etAlle-mandsen sont lespremiers responsables?

«Jamais vous n’avez permis lemoindre pasenavant vers un peuplus d’intégration», accu-se Rocard. Plaît-il ? Les Britanniques ont per-mis le grand bond en avant de l’Acte uniqueeuropéen, qui permit en 1986d’avancer àmar-che forcée vers le grandmarché de 1992 en

votantnonplus à l’unanimitémais à lamajori-té qualifiée. Contrairement à lamythologiefrançaise, le grand sursaut de l’Europe dans lesannées 1980, c’est Delors, Kohl,MitterrandETThatcher.Dansunemerveilleuse réécriturede l’Histoi-

re, qui flattenotre ego français,MichelRocardaccuse les Britanniquesd’avoirprovoquél’échec successif des traitésdeMaastricht,d’AmsterdametdeNice.Oncroit rêver: les Bri-tanniquesontétémishors jeude l’euro, obte-nant encontrepartie ledroit denepas l’adop-ter. Ce sont les Français et lesAllemands, à com-mencerparKohletMitterrand, quiont refusétouteunionbudgétaireetpolitique sérieuse.LesBritanniquesne sontpasdansSchengen:leurpaysest une île.Qui osera les accuserd’êtreresponsablesde la remise enquestionde lalibertéde circulationpar LePenet consorts?Tout serait si simple si l’onpouvait, tel

Rocard, accuser les Britanniques denos pro-pres turpitudes. «Partez donc avant d’avoirtout cassé. Il fut un temps où l’élégance étaitsynonymedebritannique. Laissez-nous recons-truire l’Europe. Retrouvez l’élégance et vousretrouvereznotre estime», conclut l’ancienpre-mierministre.

Nous l’avonsdéjà écrit : nous sommesenfaveurdumaintienduRoyaume-Unidansl’Union. Sondépart scellerait auxyeuxdumon-de l’échecduprojet européen; saprésenceestunegarantiepour l’ancrageatlantiquede l’Eu-rope. Etqu’oncessedenousdire que l’Europerisquede«n’êtreplus qu’unevaste zonede libre-échange». Puisse ce reprochedevenir réalité : lemarchéuniqueexistepour les biens indus-triels, certainementpaspour les citoyens et lesservicesqui représentent les troisquartsdel’économie. L’éditorialistedeDieZeit, hebdoma-dairede centre gauchedeHambourg, a trouvélemot juste: «Si l’Allemagne, cesdernièresdécennies, n’avait pas toujours trouvéavec laGrande-Bretagneunallié libéral, l’Union euro-péenne serait, dans sonensemble, plus protec-tionniste, encoreplus réglementée, pournepasdire franchementplus française.»

Quel destin pour Juncker?Avraidire, ledanger, cen’estpasAlbion,

mais laperfideMerkel. Elle estpartie àHarp-sund, en Suède, pourunepromenade enbar-que, à l’occasiond’un sommetde l’Europepro-testante, avec le SuédoisFredrikReinfeldt, le cal-visnistenéerlandaisMarkRutteet l’anglicanDavidCameron. TouspouruneEurope libérale,chichedesdenierspublics. Etpour sceller ledes-tinducandidat à laCommission européenne,le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker.Admirons ledouble langagede la chanceliè-

re, qui soutenait Juncker finmai –«Jemènedésormais toutes les discussionsdans l’espritque Jean-Claude Junckerdoit devenir présidentde laCommission»–mais trouvaitdébut juin«grossièrement irresponsable et en fait inaccep-

table» l’attitudedeceuxquiveulentpasseroutre les réticencesde Londreset a rerépété enSuèdequ’elle soutenait Juncker. Comprennequipourra. Lorsde sonaccessionaupouvoir,FrançoisHollandevoulait fédérer l’Europegréco-catholiquecontreBerlin. Voilàqu’unsommetdécisif sedéroule sans les Français.Onenest là.Hollandeapeude forces. Il veut seménager,

éviter le combatdirect et attendque ses adver-saires s’entredéchirent.«L’intérêt pour la Fran-ce est dene riendire du tout etde laisser les cho-sesvenir», a-t-il confié récemment.Horsdequestionde laisser lesBritanniquesmener ladanse commel’avait fait TonyBlair, ravi queJacquesChirac convoqueavant luiun référen-dumsur laConstitutioneuropéenneen2005pourmieux lui chiper le leadershipeuropéen.Officiellement, la France soutient Jean-

Claude Juncker, ce chantrede lamodernitéquifutpremierministrede sonpays avantque Jac-quesChiracnedevienneprésident en 1995.Presqueofficiellement, elle combatChristineLagarde,patronneduFMI. Peu importeque leFMIsoit devenu laxisto-keynésiendepuis lesannéesStrauss-Kahn.Nulne s’enest aperçu, etintroduire le FMIàBruxelles, ce serait auxyeuxdesFrançais introduire le loupdans labergerie.LaFrancen’enveutpas. Restent lesdeuxanciens commissaires européens,Michel Bar-nier, le gaulliste social, et Pascal Lamy, le socia-liste libéral. Cedernier est soutenupar sonamiJean-Pierre Jouyet, secrétairegénéral de l’Ely-sée. Barnierpeut êtreunecartepour la France.A conditionqueFrançoisHollande la joue. p

[email protected]

0123

EUROPE | CHRONIQUEpar Arnaud Leparmentier

Non,M.Rocard!LesAnglaisdoiventrester

A VRAI DIRE,LE DANGER,CE N’EST PASALBION,MAIS

LA PERFIDEMERKEL

* Chaque volume de la collection est vendu au prix de 5,99 € en plus du Monde sauf le n°1, offre de lancement au prix de 2,99 € en plus du Monde. Chaque élément peut être acheté séparément à laBoutique du Monde, 80, bd Auguste-Blanqui, 75013 Paris. Offre réservée à la France métropolitaine et à la Belgique, sans obligation d’achat du Monde

et dans la limite des stocks disponibles. Visuels non contractuels. Société éditrice du Monde, 433 891 850 RCS Paris.

Le Muséedu

Découvrez les secrets des chefs-d’œuvre

En vente dans tous les kiosques EN PARTENARIAT AVEC« GRAND PUBLIC » SUR

Chacun des ouvrages duMusée du Mondevous convie à explorer les secrets d’un chef-d’œuvre de la peinture.Et ainsi, chaque semaine, tableau après tableau, vous composerez votre propre musée imaginaire.

Pour plus d’information : www.lemonde.fr/boutique

5,99le livre

€*

21-févr. 21. LÉONARD DE VINCI, La Joconde28-févr. 22. EDGAR DEGAS, Les Musiciens de l’orchestre07-mars 23. JEAN AUGUSTE DOMINIQUE INGRES, La Source14-mars 24. PAUL CÉZANNE, Le Pont de Maincy21-mars 25. SANDRO BOTTICELLI, La Naissance de Vénus28-mars 26. LE GRECO, L’Enterrement du comte d’Orgaz04-avr. 27. RAPHAËL, La Vierge à la chaise11-avr. 28. NICOLAS POUSSIN, L’Inspiration du poète18-avr. 29. GIOTTO, La Déploration du Christ25-avr. 30. EDOUARD MANET, Olympia

02-mai 31. JÉRÔME BOSCH, Le Jardin des délices09-mai 32. REMBRANDT, Boeuf écorché16-mai 33. MASACCIO, Adam et Eve chassés du Paradis23-mai 34. JACQUES LOUIS DAVID, Marat assassiné30-mai 35. DUCCIO DI BUONINSEGNA, Maestà06-juin 36. EGON SCHIELE, Autoportrait13-juin 37. JAN VAN EYCK, Vierge du chancelier Rolin20-juin 38. FRA ANGELICO, L’Annonciation27-juin 39. JEAN-ANTOINE WATTEAU, Gilles04-juil. 40. TITIEN, Amour sacré et amour profane

Prolongation de la collection

Inclus un tiragegrand format de l’œuvre

Le volume n°36Autoportrait

de Egon Schiele

dès vendredi 6 juin

LaVienne, lesCharentesetlatentationdel’Aquitaine

pTirage duMondedatémercredi 11 juin 2014 : 283030 exemplaires. 2

N onmerci! C’est en substan-ce lemessage que troisdépartements sur quatre

de la région Poitou-Charentes ontfait passer en réaction auprojetde fusion de leurs territoires avecle Centre et le Limousin.

Vendredi 6juin, les trois prési-dents des conseils généraux deCharente-Maritime, Charente etVienne se sont «opposés» à lanouvelle carte de France desrégions vouluepar FrançoisHol-lande, qui prévoit le passage de 22à 14 entités, et ont réclamé leurrattachement à l’Aquitaine, prési-déepar le socialiste AlainRous-set.

Les élus des trois départe-ments, DominiqueBussereau(UMP),Michel Boutant (PS) etClaudeBertaud (UMP), s’interro-gent, dansun texte commun,«sur lesméthodes employées etles critères retenus pour aboutir àla décisiond’un rapprochementdes régions». Pas questiond’êtresacrifié sur l’autel des petitsarrangements quimodèleront denouvelles baronnies socialistes.

Dans le redécoupage voulu parle président de la République, «lapersonnalité de Ségolène Royal apesé», affirment les élus locaux.Si laministre de l’écologien’estplusprésidente de la région Poi-tou-Charentes, elle demeureconseillère régionale et aux com-mandes du territoire.

La fusion dePoitou-Charentes,Centre et Limousin fournit un ter-ritoire surmesurepour laminis-tre de l’environnement.

«En cas de fusion de son conseilrégional avec celui d’Aquitaine,elle serait en concurrence avec despersonnalités commeAlain Rous-set ou lemaire de Bordeaux, AlainJuppé», tacle Robert Richard,conseiller général PSde Charenteet président de la communautéde communes de Cognac.

«En fusionnant avec le Limou-

sin et la régionCentre, elle auraaffaire à Jean-PaulDenanot etFrançois Bonneau, qui ne luiferont aucuneombremédiati-que», grinceDominique Busse-reau.

Autrement dit, un boulevardpour prendre la tête de liste d’unerégionqui s’étire des portes del’Ile-de-France à l’île de Ré.

«Liens historiques»Au-delà des calculs électoraux,

le redécoupagede la carte desrégions de France doit prendre enconsidération la réalité des terri-toires, arguent les trois prési-dents. Et «les liens qui unissent larégionPoitou-Charentes et l’Aqui-taine sont à la fois historiques,géographiques, administratifs,juridictionnels, culturels, économi-ques…», plaident-ils.

Même le département desDeux-Sèvres est partiellementtournévers l’Aquitaine, renchéritsonprésident socialiste, Eric Gau-tier.

Pour corriger les erreurs degéographie duprésident de laRépublique, les élus «sécession-nistes» proposent une granderégion sud-ouest qui fusionne-rait leur territoire, le Limousin etl’Aquitaine.

«Les régions doivent s’articulerautour d’unemétropole et noussommes collés àBordeaux», ren-chérit l’ancienministre sarkozys-teDominiqueBussereau. Sou-cieuxdene pas semettre à dosson influente voisine, Alain Rous-set a prudemment signifié son«intérêt» pour la propositiondesconseillers généraux.

SégolèneRoyal répète à quiveut l’entendre qu’elle est restéeà distance des arbitrages de Fran-çoisHollande et que c’est AlainRousset, le président de la régionAquitaine, qui «a refusé de fusion-ner avec Poitou-Charentes».p

EricNunès

250123Jeudi 12 juin 2014

Page 26: Le Monde 12-06-2014 (Godard)
Page 27: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

Un hors-série du Monde7,90 € chez votre marchand de journaux

ou sur Lemonde.fr/boutique

0123hors-série

11/06 - 9H30

GOOGLERACHÈTEUNOPÉRATEURDE SATELLITESLIRE PAGE 5

2,8% DECROISSANCEPOUR LE PIBMONDIAL EN2014, SELONLA BANQUEMONDIALELIRE PAGE 3

J CAC 40 4581 PTS–0,30%

Le Brésil,un marchédifficile maismajeurpour lesentreprisesfrançaisesLIRE PAGE 3

«Libération»sauvé parPatrick DrahiLIRE PAGE 5

Euronext

Introduire en Bourse uneBourse a quelque chosed’étrange. C’est comme siunchirurgiendevaits’opé-

rer lui-même ou un juge sejuger. Pourtant, les entreprisesqui gèrent les systèmesd’échange de titres (actions,obligations, produits dérivés,etc.) qui permettent les cota-tionssontdesentreprisescom-me les autres, avecdes recetteset des charges.Euronext, la société qui gère

les Bourses de Paris, Bruxelles,Amsterdam et Lisbonne, vadonc s’introduire sur ses pro-presmarchés, le 20juin. L’opé-ration est annoncée commel’une des plus grosses de l’an-née.Malgré ces fiers coups de

trompette, c’est un tristeretour en arrière pour Euro-next.Fondéeen2001,elleavaitfusionnéen 2007avec laBour-se de New York, le New YorkStock Exchange (Nyse), pourformerun acteurmondial.Dans le jeu perpétuel des

fusions et acquisitions, Nyse-Euronext s’est à son tour fait

avaler en 2012 par un spécialistedesmarchésàtermes, Interconti-nental Exchange (Ice). Les mar-chés boursiers européens n’en-traient pas aumenu de cet ogreaméricainqui a décidéde reven-dre Euronext. Nous y voilà!

Trouble étrangeEntre-temps, Ice a gardé dans

son escarcelle lemarché à termelondonien, le Liffe, qui était l’undes joyaux d’Euronext. L’affairerevientdonc seule sur lemarchéet unpeuplus petite.Un peu? Quand on se plonge

dans les archives, on est prisd’un trouble étrange. Euronextpourrait aujourd’hui valoir1,75milliard d’euros, annoncentcrânement les promoteurs del’opération.Au début de 2007, quand le

NyselancesonOPApourconcré-tiser ce «mariage entre égaux»,comme les patrons de la sociétéeuropéenne avaient eu le culotde promettre, Euronext valait10,6milliards d’euros. Sa valeura été divisée par six en septans.Champions, lesAméricains !Il n’y a pas que l’exfiltration

duLiffequiexpliquecespectacu-laire rétrécissement au lavage.

En 2006, Euronext affichait unchiffre d’affaires de 1,1milliardd’euros(dont391millionssurlesproduits dérivés). Il n’a totaliséen 2013 que 482millions d’eu-ros. Quant au bénéfice, il a étédivisé par quatre sur la période.DominiqueCeruttiquiaassis-

té à ce massacre en tant quepatron d’Euronext, alors filialed’un groupe américain, nouspromet, à la veille de retrouverson indépendance, que les indi-cateurs vont repasser au vert.Son chiffre d’affaires devraitdésormais progresser de 5% paran (il a baissé de 14 % endeuxans), et samargeremonter.Pour sécuriser l’avenir de ce

joyau national, on a remis augoût du jour les noyaux durs,façonEdouardBalladur.Lesban-ques ont gentiment accepté deprendre au côté de la Caisse desdépôtsuntiersducapitald’Euro-next. Il serait dommage qu’unprédateur veuille la dépecer…La seule chose qui reste chez

Euronextestqu’elle est toujoursunesociétédedroit néerlandais.Une décision prise dès 2001.Quels pionniers !p

[email protected]

La Générale de santévendue à un australienLepremiergroupe françaisdecliniquesprivées se fait racheter945millionsd’eurosparRamsayHealthCare, épauléparCréditagricoleAssurances. La tentativedecontre-offredugroupeAttiaaéchoué.LIRE PAGE 5

L’économieen tous genresMarchandisationducorps,fémininenpriorité,débouchantsurdespratiques terrifiantes,ouécriturede l’économiequi continueà sedéclineraumasculin:deuxouvragesouvrent la réflexionsur les inégalitésentre les sexesàdesdomainesoriginaux.LIRE PAGE 6

j TAUX FRANÇAIS À 10 ANS 1,77%

J PÉTROLE 109,80$ LE BARIL

PERTES & PROFITS | par Jean-Baptiste Jacquin

Chérie, j’ai rétréci laBourse!

Bruxelless’attaqueà l’optimisationfiscaledesmultinationales

J EURO-DOLLAR 1,3538

SERVICES

PUBLICATIONS

j DOW JONES 16 945 PTS +0,02%

J oaquin Almunia passe à l’action contrel’optimisation fiscale : le commissaireeuropéenchargédelaconcurrencedevaitannoncer, mercredi 11 juin à Bruxelles,

l’ouverture d’une enquête formelle sur lesrégimes fiscaux très généreux dont bénéfi-cient des multinationales implantées enIrlande, auxPays-BasouauLuxembourg.Les investigations devraient durer plu-

sieursmois: il s’agit de voir si les avantagesaccordés à des entreprises comme Apple,Google ou Starbucks ne constituent pas

autantd’aidesd’Etatillégales,puisqu’ilsfaus-sent la concurrence. Ces sociétés parvien-nent à réduire comme peau de chagrin leurimposition sur le VieuxContinent, tout en yréalisant de confortables bénéfices. Apples’est par exemple acquitté en 2013 de taxesnereprésentantque3,7%desesrevenushorsdesEtats-Unis.Le sujet s’est imposé peu à peu depuis le

déclenchement de la crise des dettes, surfond d’austérité généralisée, et de coupesdans les budgets sociaux. Pendant l’été 2013,

lesservicesdeJoaquinAlmuniaavaientrécla-mé à trois Etatsmembres – les Pays-Bas, l’Ir-lande et le Luxembourg – des renseigne-ments sur les accords fiscaux qu’ils négo-cient au cas par cas pour attirer sur leur soldesmultinationales.L’enquête informelle lancée l’an dernier

avait suscité quelques tensions avec lescapitales concernées. L’Irlande, qui disposed’un taux d’imposition des sociétés trèsattrayant à 12,5%, s’était défendue de toutepratique illégale : «Elle ne passe pas d’ac-

cords sur les taux d’imposition», s’étaitdéfendu leministère des finances àDublin.Quant à Jean-Claude Juncker, alors premierministre du Luxembourg, aujourd’hui can-didat à la présidence de la Commission, ils’était dit «peupréoccupé»par les requêtesde Bruxelles.L’initiativedes gardiensde la concurrence

survientalorsque lesEuropéensmultiplientles initiatives destinées à lutter contre l’opti-misationet l’évasion fiscale.p

LIRE PAGE4

tLaCommissioneuropéennedevait ouvrirmercrediuneenquête formelle sur les avantages fiscauxaccordéspar l’Irlande, le Luxembourgou lesPays-Bas àdes sociétés commeGoogleouApple

INVASIONDES DRONESCIVILSEN FRANCE

tDepuis 2012,leurnombreexplosedans l’Hexagone,championd’Europe

t Ils sontprincipalementutilisésdanslesmédias etl’événementiel

t LesAméricainsautorisentunpremiervoldemachine enAlaska

LIRE PAGE2

La sociétéDelair Techa lancéleDT18, unappareil

de 2kg ayant une autonomiede100km. JEAN-MARIE URLACHER/DELAIR-TECH

Jeudi 12 juin 2014

Cahier du «Monde »N˚ 21585 daté Jeudi 12 juin 2014 - Nepeut être vendu séparément

Page 28: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

LesdronesàlaconquêteducieldeFranceAlors que les Etats-Unis viennent d’autoriser un premier volcommercial, l’Hexagone est devenu le premier opérateur européenen deuxans. Une filière de pointe mais encore fragile

«L’ENGOUE-MENT POURLES DRONESCIVILS ESTLE MÊME QUECELUI POURLES PC»

GuillaumeTissotRectimoAirTransports

plein cadre

Enfin un domaine d’avenir où laFrance est championne! Les dro-nes envahissent son ciel alorsque le secteur balbutie de l’autrecôté de l’Altantique. Les Améri-

cains viennent tout juste d’autoriser unvol de drone à usage commercial au-des-sus de la terre ferme. BP pourra bientôtenvoyerunavionsanspilotesurveillersesinstallations pétrolières en Alaska. Quali-fiée d’«étape importante», mardi 10juin,par le secrétaire aux transports, AntonyFoxx, cette décision marque un tournantdansunpaysoùlesvolsd’enginssanspilo-te sont encore interdits.Car dans tous les pays où le ciel leur a

été ouvert, le succès a été immédiat. EnEurope, ledroneestdevenuune spécialitéfrançaise avec 602opérateurs, largementdevant le Royaume-Uni et la Suède, quicomptent chacun 200 intervenants. Rienqu’en un an, leur nombre a progressé enFrance de 350% et de 111% sur les six der-niers mois, avec désormais plus de2000appareils en service.Quand, en avril2012, la Direction géné-

ralede l’avioncivile (DGAC) a fixé le cadre,«ce fut l’explosion», reconnaît Emmanuelde Maistre. Ce trentenaire, normalien enbiologie, a alors créé Redbird avec troisassociés passionnés d’aviation. «Je venaisdevendredeuxstart-updebiotechet jepre-nais des cours de pilotage quand la régle-mentation a été adoptée», raconte-t-il. Sasociété, qui vient de rejoindre les locauxdu nouvel incubateur parisien Innova-tionBoucicaut, emploie unequinzaine depersonnes.Des pilotesmais aussi des spé-cialistesdutraitementd’imagesetdedon-nées pour établir des cartes.Si la plupart des entreprises travaillent

pour les médias (événementiel, télévi-sion),Redbirdachoisi l’industrie.«Celanereprésente aujourd’hui que 5% à 10% dumarché,mais lesdébouchéssontconsidéra-bles», estime M.de Maistre, évoquant lescarrières à ciel ouvert, l’agriculture ou lasurveillancedes grands réseaux.

«Enplus,nousavonslachanced’avoirenFrance des groupes comme EDF, GDF, laSNCF ou Total, qui ont des besoins et n’ontpas peur de lancer des expérimentations»,ajouteBenjaminBenharrosh,33ans,cofon-dateur de Delair-Tech, une société toulou-saine fabriquant des drones. Il a lancé sonprojet en 2011, avec trois autres camaradespolytechniciens. L’idéevenait de l’und’en-tre eux, qui, travaillant dans l’énergie àl’étranger, avait constaté l’absence de telséquipements en France. «Au départ, nousavons voulu répondre aux besoins despétrolierspoursuivreleursgazoducsetoléo-ducs», raconteM.Benharrosh. Ils ont alorsconçu le DT18, un drone de 2kg pouvantparcourir 100km, le seul autorisé en Fran-ce à voler hors de vue des opérateurs. Cetappareil vient d’évaluer l’avancée de lavégétation sur les câbles électriques duréseauEDFenGuyane.

«Le coupdepouce est venude l’arrêtéde2012 ouvrant des perspectives d’utilisa-tion», reconnaît Nicolas Pollet, directeurde Théia, le service d’intégration des dro-nesde laSNCF,unnomchoisi enréférenceà la déesse grecque de la vision. Voilà unedizained’années, lacompagnies’étaitdéjàintéressée à ces machines pour vérifierl’état de son réseau. Les études ont reprisen2010.Cinqpersonnestravaillentàl’inté-gration future de ces avions sans pilotedansdesmissionsdesurveillance.Ilspour-raient être utilisés sur les sites difficilesd’accès ou dangereux, comme les paroisrocheuses. Autre avantage, ces robotsaériens peuvent mener des inspectionssans affecter la circulationdes trains.La SNCF est en train de sélectionner un

panel d’opérateurs habilités à intervenir.«Une trentaine de sociétés se sontmanifes-tées, affirme M.Pollet. Nous allons lancerdeux marchés d’inspection de viaduc.» Cesera lespremiersappelsd’offresdece type.Analyse voisine chez GRT Gaz, qui sur-

veillechaqueannéeles32000kmdecana-lisation enterrées. Le drone est particuliè-rement adapté à des zones difficiles d’ac-cès comme les parties boisées ou monta-gneuses. «Nous sommes aussi sur un pro-

jetassezambitieuxen termesdedistanceàparcourir ou de traitement d’images »,ajoute Frédéric Guillou, chef de projetinnovation. « Il nous faudrait pour cela undrone capable de voler sur 300km, doncplus lourd que les 2 kilos autorisés par laréglementation.» A performances égalesavec l’avion léger, la différence se fera surles prix. Vinci Autoroutes étudie aussil’utilisationdedronespoursonréseaurou-tier.Lesusagesseraientmultiples,permet-

tant, en cas d’intempéries ou de neige, desuivre l’évolution des congères,mais aus-si de se rendre plus rapidement sur leslieuxd’accident.Si les réseaux sont l’un des principaux

débouchés des drones, c’est vers l’agricul-ture que Parrot, le spécialiste des dronesde loisir, entre sur le marché industriel.Avec une idée : faire le plus simple possi-ble.«Nousnenousadressonspasàdespilo-tes, mais à des géomètres, des agricul-

teurs», rappelle Yannick Lévy, chargé desopérations de développement, en présen-tant l’eBee, mis au point avec la start-upsuisse SenseFly.Une fois programmé avec les coordon-

nées des parcelles à évaluer, ce drone de750g évolue seul. Selon les demandes deprécision et des pixels voulus, il détermi-ne automatiquement l’altitude et le plandevol.«Noussommesavanttoutdesfabri-cants de logiciels, que nous adaptons auxobjets volants», expliqueM.Lévy, les ima-ges sont traitées par Airinov, une start-updans laquelle Parrot a investi enmars.

C’est ce drone que la chambred’agriculture de la Somme a rete-nu pour évaluer le taux de fertili-santsdesparcelles à l’initiativede

son conseiller technique, Thibaud Leroy.Cetteexpérience,unepremièreenFrance,aétémenée sur3000hectares et serapré-sentée jeudi 12 juin à Thieulloy-l’Abbaye,prèsd’Amiens.Prochainement, lesagricul-teurs pourront, à raison de 10 ou 15eurosl’hectare, utiliser ce service, qui leur per-mettra de mieux doser et répartir l’en-grais pour le blé et le colza. Une sourced’économies importante.

«L’engouementpour lesdronescivilsestle même que celui pour les PC lorsqu’ilssont arrivés dans les bureaux. Beaucouppensaient alors, à tort, qu’ils feraient touttout seuls», se souvient Guillaume Tissot,responsabledudéveloppementchezRecti-moAirTransports,unesociétédeChambé-ry spécialisée dans le travail aérien. Voicideuxans, l’enthousiasme était tel pour cenouveaumarché qu’«on pouvait facturerdes prestations plus chères et moins bienfinies que celles réalisées avec un avion»,ajoute-t-il. D’où lamultiplicationdes opé-rateurs – plus de 600 aujourd’hui. Il esti-me que « la bulle va devoir éclater et queseuls resteront les plus innovants».Ducôtédesconstructeurs, enavril, ECA

a repris Infotron, le spécialiste des mini-dronesaériens. «Nousdevenonslapremiè-re société aumonde à disposer d’une offrecomplète de drones sous-marins, terres-tres,navalsetaériens»,expliquesondirec-teur général, GuénaëlGuillerme.

«L’avancede la France est fragile, relati-vise Emmanuel deMaistre, vigilant face àla perspective d’ouverture américaine.Nous sommes aujourd’hui à un point d’in-flexion.» Pourmobiliser le secteur et faireévoluer les règles, il a créé la Fédérationprofessionnelledesdronescivils,et imagi-ne déjà une filière employant de 5000à10000personnes.p

DominiqueGallois

Le drone acquis par la chambred’agriculture de la Sommeenvue d’évaluer le tauxdefertilisants des champs.DENIS CHARLET/AFP

Latélévisionraffoledecesnouveauxenginsvolants

C’ESTDEVENUUNMUST. Depuisquelquesmois, toutes les chaînesdeTV veulent leur drone. Elles se lesarrachent. France Télévisions estsur les rangs. Depuis le début de lasaison, en septembre2013, ce sontdes images filmées par undronequi ouvrent, chaque jour, «Midi enFrance», lemagazine quotidien iti-nérant de France 3. C’est la chaînepubliquequi gère le recours à l’en-gin. «Elle travaille directement avecle prestataire – la société Sky-Shoot», précise StéphaneGateau, leproducteur de l’émission. A l’usage,rienn’est plus simple. «Trois à qua-tre semaines avant la diffusion àl’antenne, nous communiquons àSky-Shoot les coordonnéesGPS dessites dont nous voulons des ima-ges», ajoute le producteur.Les téléspectateurs en redeman-

dent.«Cette saison, “Midi enFrance”batdes records», se félicite StéphaneGateau. L’émissionenregistre «unemoyennede9,5%depart d’audienceavecdespointesà 11,6%», uneperfor-mance surFrance3.Désormais, à latélévision, lesdrones sontpartout.«Leurusage s’est tellement démocra-

tiséquemêmeuneémissiondumatincomme“Midi en France”utili-sedes images tournées pardesdro-nes», se réjouit leproducteur. Alorsqu’«auparavant, c’était réservéauxémissionsdeprime time [début desoirée]», génératrices de fortesaudiences.

D’une précision incroyableCet engouement adeux raisons

principales. Avec cespetits engins,«onpeut aller dans des endroitsincroyables, signaleM.Gateau.A l’oc-casiondenotre halte à la cathédralede Strasbourg, le drone estmonté àla verticale depuis le bas jusqu’enhautde l’édifice.Nous étions auplusprès dumonument avecdes détailsd’uneprécision incroyable», s’excla-me leproducteur. Selon lui,«ce sontdes imagesqui n’existaientpas aupa-ravant».Mais si les chaînes aiment tant les

drones, c’est surtout parce qu’ils necoûtent pas cher. «C’est dix foismoins qu’unhélicoptère», préciseM.Gateau.DamienVicart, fonda-teur de Sky-Shoot, abonde dans cesens: «Uneheure d’hélicoptère, fac-

turée de 1500à 2500 euros, équi-vaut à une journée dedrone.»Ducoup, on envoit partout. Les imagesde Sky-Shoot illustrent «lesmagazi-nes culturels de France Télévisions»,tels «Secrets d’histoire», «LeVillagepréféré des Français», ou encore«LaMaisonpréférée des Français».A l’usage, le drone et l’hélicoptère

separtagent les rôles. A cause de laréglementation.«Le dronenepeutmonter au-dessus de 150mètres, jus-tement l’altitudeplancher des héli-coptères», expliqueM.Vicart.Sky-Shootest trèsdemandée.

Outre le servicepublic, la société tra-vaillepour les chaînesprivées. LemagazinedeM6«Zone interdite»afait appel à ses services. Pour la chaî-ned’infoencontinuBFM-TV, lesdro-nesdeSky-Shootont filmé, notam-ment,«les inondationsde Lourdes»en juin2013, indiqueM.Vicart.

«Audébut, il y a cinq ans, c’étaitdur de s’implanter,mais il y a deuxans, il y a euun effet demode. Toutlemonde en voulait partout», ajou-teM.Vicart.MêmeTF1 a acheté lesien. La chaîne «a lancé unplan deformation des pilotes de ce drone»,

signaleAntoineGuélaud, le direc-teur de la rédaction.

«Aujourd’hui, il est entrédans lesmœurs. Pour les plans larges, c’est ledrone», ajoute le patrondeSky-shoot. Cet été, dit-il, «quelquesséquencesd’ouvertures duTour deFrance seront filméespardesdro-nes». En revanche, TF1utilise sondro-neavecparcimonie. La chaîne«neveutpas céder à l’effet drone», ajouteM.Guélaud.Tout lemondeveutdudrone

sauf… lespaparazzis.«Ledrone, cen’estpaspour les paparazzis, car ilfaut lepiloter etnepas lequitter desyeux!Onnepeutpas faire lesphotosenmême temps», assèneMichelle«Mimi»Marchand, lapapessede lapressepeople. C’est à elleque l’onattribue le scoopde la liaisondeFran-çoisHollandeavec l’actrice JulieGayet.«Aucundes photographesque je connaisne lesutilise», dit-elle,avantd’ajouterque«c’est bonpoursurvolerdesmonumentsmais paspourphotographier lemariagedeKanyeWest et deKimKardashianauchâteaudeVersailles».p

GuyDutheil

2 0123Jeudi 12 juin 2014

Page 29: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

économie&entreprise

C’était le 20mai au Medef.Fleur Pellerin, secrétaired’Etat au commerce exté-

rieur, inaugurait le deuxièmeforum économique France-Brésil.Elle mit en avant la présence de600 entreprises françaises dans cegrand émergent. «Nous parta-geons unemême culture économi-que et industrielle », se félici-ta-t-elle.

«LaFranceestpournousunpar-tenaire commercialstratégique»,lui répondit poliment Mauro Bor-ges, le ministre brésilien du com-merce, avant de sortir de la languede bois. Les relations franco-brési-liennes?Ellessont«bienendeçàdeleurpotentiel».Lecommercebilaté-ral ? «Son montant est de 10mil-

liardsdedollars.C’estassezfaibleeuégardaux500milliardsdelabalan-ce commerciale du Brésil. » Lesinvestissements français? «Ils nereprésententque4à5%desinvestis-sements directs à l’étranger au Bré-sil. » Un diagnostic confirmé parJean-Pierre Clamadieu, PDGdeSol-vay et président du conseil deschefs d’entreprise France-Brésil deMedef International : «La place dela France dans ce pays qui est l’unedes 6 ou 7 premières économiesmondiales est extraordinairementmodeste.»Sapartdumarchébrési-lienétaitde 2,7%en2013.Comment expliquer ce para-

doxededeuxpaysquisereconnais-sent des affinités, mais dont leséchanges bilatéraux se portent

mal? La faible compétitivité desexportations françaises, avancéepar Jean Le Corre, directeur associéduBostonConsultingGroup (BCG)àSaoPaulo,estbienréelle,maisellen’expliquepas tout.«Entresonsys-tèmefiscal,sesrigiditésbureaucrati-ques et ses 27 Etats locaux, le Brésilest un pays compliqué quand onveut y faire du business», admetM.Clamadieu.Les grands groupes français en

ont déjà fait l’expérience. Selon ladirectiongénéraleduTrésor, 37dessociétés du CAC 40 ont au moinsune filiale brésilienne, voire plu-sieurs. Elles opèrent dans les sec-teurs les plus divers: pétrole, géniecivil, matériaux de constructions,biensdeconsommation…Leurpré-senceestsouventancienne,àl’ima-ge de L’Oréal, attiré par des classesmoyennes en plein essor, qui for-ment le premier marché cosméti-

queaumonde.Incontournable,leBrésilesttout

sauf un eldorado. «L’administra-tionest tatillonne.Onne fait rienenmoins d’un an, voire de dix-huitmois. S’y implanter est long et coû-teux»,expliqueCharles-HenryChe-nut, fondateur du premier cabinetd’avocats franco-brésilien et prési-dent de la commission Amériquelatine-CaraïbesduComiténationaldes conseillers du commerce exté-

rieur français (CNCCEF). Il fautplusdecentjourspourycréeruneentre-prise ou pour s’acquitter de sesimpôts,contrerespectivement11et7 jours en moyenne dans les paysde l’OCDE. «C’est très difficile d’yêtreenrègle,alorsquelaChineafaitbeaucoup d’efforts en matière destabilité juridique et réglementaire.Il fautdoncavoirdebonsavocats etdebonscomptables»,observeM.LeCorreduBCG.OlivierSchiller,présidentdeSep-

todont (1200 salariés), en sait quel-que chose. Leader mondial del’anesthésie dentaire, cette entre-prise de taille intermédiaire (ETI)familiale est implantée au Brésildepuis une quinzaine d’années. Alasuitedelafaillitedesonimporta-teur, Septodont a perdu ses autori-sations de mise sur le marché(AMM).«Lesautoritésnelesontpasrenouvelées enmettant en cause lepackaging de nos produits, qui nepose de problème nulle partailleurs. Cela fait plus de cinq ansque nous avons perdu nos AMM etdoncbeaucoupd’argent,maisnousne pouvons pas renoncer au Brésil :85%denotrechiffred’affairessefai-sant en Europe et en Amérique duNord,nousdevonsnousdévelopperdans les émergents», dit-il.Leprotectionnismebrésilienest

réel: préférence à lamain-d’œuvrenationaledanslesmarchéspublics,barrièresdouanières élevées (100à200%), double imposition… «Lanégociation avec les Brésiliens est

difficile, ajoute MeChenut.Du faitde notre proximité culturelle, nousavons l’impression de les compren-dre. Mais contrairement à nous, lesBrésiliens signent et négocientaprès. Ils disent toujours oui, maistopentavec leplusoffrant.»Poma, leader des transports par

câble, est implantéauBrésildepuis1971. La filiale italienne de cetteentreprise de Voreppe (Isère) y aconstruit le téléphérique du Painde sucre. En 2009, Poma a lancé leComplexo do Alemao, la plus lon-gue télécabine urbaine au monde(3,4km),qui relie lesquartiersnordde Rio de Janeiro au centre de cettemégapole de 6millions d’habi-tants. «Nous avons créé Poma doBrazil début 2013. Malgré les trou-bles sociaux et l’attentisme lié aucalendrierpolitique(l’électionprési-dentielle d’octobre), le Brésil repré-sente un potentiel important. Et ilfautabsolument s’y structurer loca-lement», observe Fabien Felli. Cedirecteur export rêve d’y voir accé-lérer les dix projets qui sont dansses cartons.Lepays suscitedevrais emballe-

ments. Sébastien Clerc dirigedepuistroisansVoltalia,unproduc-teurd’électricitérenouvelablefran-çaisdevenul’undesgrandsacteursdel’éolienauBrésil.«Lepaysadéjàfait sa transition énergétique. Saréglementation électrique est enavance sur la nôtre. Plus de 80% del’énergie qu’il consommeest renou-velable. Le régime des alizés y esttrès favorable, et le potentiel éolienimmense».Voltaliaydopesacrois-sance: +38% en 2013, et un triple-ment de son parc de centrales en2014grâce aux éoliennes brésilien-nesencoursde construction.Mais attention! Les ETI françai-

ses qui prennent actuellement desparticipationsimportantesous’im-plantentauBrésiln’aurontpastou-tes le même retour sur investisse-ment. «Le marché reste extrême-ment tendu et rapide. Il y aura desrevers », analyse M.Chenut. Enrevanche, et c’est un élément posi-tif, les autorités se soucient davan-tage depuis dix-huit mois de créerun climat des affaires propice auxinvestissements étrangers. Il estvrai que sans eux, le Brésil ne peutfinancer sondéveloppement.p

ClaireGuélaud

ILN’YA PASQUE la complexitéde leur système fiscal ou de leurlégislation sociale qui rapprochela France et le Brésil, leur faiblecroissance aussi. Aupremier tri-mestre 2014, en effet, le produitintérieur brut de la septièmeéco-nomiemondiale a augmenté d’àpeine0,2%, quand la France, elle,était franchement à l’arrêt !Après le boomde 2010, qui a vu

laprincipale économie latino-amé-ricaine croître de 7,5%, leBrésil a connu trois annéesdecroissanceplutôt faible pourunBRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) :2,7%en 2011, 1% en2012 et 2,5%en2013. Le gouvernement voit le PIBprogresserde 2,3%à2,5%en2014,mais lesmarchés,moins optimis-tes,misent sur 1,63% seulement.En 2013, le gouvernement a

multiplié lesmesures de relance:

baisse du taux directeur (il adepuis remonté), dépréciationdureal face au dollar, exonérationsfiscales, diminutiondes chargeset des tarifs administrés, lance-mentd’ungrandpland’investisse-ments dans les infrastructures,réseaux routier et ferroviaire entête.Mais, pour une large part, cesmesures ne porteront leurs fruitsqu’à long terme.

Fronde socialeLe gouvernement a investi

11milliards de dollars dans l’orga-nisationde la Coupedumonde defootball (12 juin-13 juillet), ce qui adéclenchéunevive fronde socialeà quelquesmois de l’électionpré-sidentielle d’octobre. Après unedécennie faste, les Brésiliens subis-sent un regain d’inflation (la haus-se des prix a atteint 6,2% sur les

douze derniersmois), qui pèse surleur pouvoir d’achat. La consom-mation,moteur traditionnel de lacroissancebrésilienne, a reculé,tout comme l’investissement desentreprises. Après l’annonce duchiffre de la croissance aupre-mier trimestre, la banque centralea choisi de ne pas toucher à sontauxdirecteur (11%), unedécisionpeuappréciée des industriels.Dansune interview accordée

mercredi 4juin àplusieursmédias étrangers, la présidentebrésilienneDilmaRousseff avaitvanté la stabilitémonétairedepuis sixmois et la diminutionrécente de l’inflation. Défendantla politiquede la gauche, elle avaitattribué le ralentissement actuel,qu’elle a déclaré ne pas s’expli-quer, à la «mauvaise humeur»desmarchés. Lesmilieuxd’affai-

res brésiliens et de nombreux éco-nomistesmettent en avant leslourdeurs bureaucratiques, lesous-investissement, la fiscalité,l’insuffisante qualité de l’éduca-tion.Malgré ces faiblesses, le Brésil,

unedes grandes démocraties dumonde (après avoir été une dicta-turemilitaire), a réussi à réduirela pauvreté. Le nombre deBrési-liens vivant avecmoins de 2dol-lars par jour est passé de 21% en2003 à 11%en 2009. Parallèle-ment, la proportionde ceuxvivant avecmoins de 1,25 dollarpar jour a été ramenée de 10 à2,2%. Grâce notamment à des pro-grammes sociaux très volontaris-tes, les inégalités ont très sensible-ment diminué. Cen’est pas le casdans les autres BRIC.p

C.Gu.

LaBanquemondialeréviseàlabaissesesprévisionsdecroissancepour2014Les pays en développement verraient leur produit intérieur brut progresser de 4,8% cette année, au lieu des 5,3% prévu

«LaplacedelaFrancedanscepaysest

extraordinairementmodeste»

Jean-Pierre ClamadieuPDG de Solvay

Le brésilien Petrobras faitchuter Vallourec en Bourse

France-Brésil: jet’aime,moinonplusLa première puissance économique latino-américaine attire les entreprises françaises, mais reste d’accès difficile

L’économietourneauralentidepuistroisans

L ’année 2014 ne sera pas fastepour les pays en développe-ment, qui devraient perdre

undemi-pointdecroissanceetvoirleurproduitintérieurbrutprogres-ser de seulement 4,8%. Tel est l’undes principaux enseignements durapport semestriel de la Banquemondiale sur les perspectives éco-nomiquesmondiales,rendupublicmercredi 11juin.Malgré le coup de froid sur la

croissance américaine au premiertrimestre, l’économie des pays àrevenuélevéseredresse, ycomprisdans la zone euro. Après un débutd’annéepoussif,lerythmed’expan-siondel’économiemondiales’accé-lérerait tout au long de 2014 pouratteindre2,8%,puis3,4%en2015et3,5%en2016.Les pays à revenu élevé, précise

l’institution, seront à l’origine deprès de la moitié de la croissancemondialeen2015eten2016,contremoinsde40%en2013.Cesprévisionssontenligneavec

lesdonnéesdiffuséesmardi 10juinpar l’Organisation de coopérationet de développement économi-ques (OCDE). Ses indicateurs com-positesavancés(ICA)mensuels,uti-lisés pour anticiper les points deretournement de l’activité, confir-ment le ralentissement économi-que dans les grands pays émer-gents et la stabilité de la dynami-quedecroissancedans lespaysditsavancés.L’indicateur global pour la zone

OCDEest stable, à 100,6 (le seuil de100 correspond à la tendance delong terme de l’activité). La Chineest stable, à 98,6,mais le Brésil et la

Russie reculent de 0,1 point, à 98,5et 99,2 respectivement. Cesniveaux signalent une croissanceinférieureà la tendancedelongter-me. La révision à la baisse des pro-jections économiques dans lespays en développement, expliqueAndrewBurns, l’un desprincipauxauteurs du rapport de la Banquemondiale, est imputable à des évé-nements qui, pour certains d’entreeux, appartiennent au passé, com-me les troubles politiques enThaïlande, les intempéries auxEtats-Unis, la crise enUkraine.L’avenir se présente sous de

meilleurs auspices : la croissancedes pays en développement se raf-fermirait en 2015, pour atteindre5,4% en 2015 et 5,5% en 2016. LaChineafficheraitune croissancede7,6%cetteannéeetde7,4%en2015.

Unatterrissageplusbrutalde l’éco-nomie chinoise, prévient la Ban-quemondiale, aurait des répercus-sionsdans toute l’Asie.

Goulets d’étranglementLes pays riches se portent

mieux. Leur PIB progresserait de1,9% en 2014, de 2,4% en 2015 et de2,5%en2016. L’accélérationde leurcroissance donnerait une forteimpulsion auxpays en développe-ment en accroissant la demandemondialede6300milliardsdedol-lars (4653milliards d’euros) aucours des trois prochaines années,soit un montant supérieur à lacontribution attendue des paysplus pauvres. «Lesmarchés restenttoutefois nerveux et il n’est pasexcluquenousconnaissionsdesépi-sodes de volatilité financière du

mêmegenrequeceuxduprintemps2013 ou dudébut de 2014», observeM.Burns.Raisonnablement optimiste

pourune zone euroqui se redresselentement (+1,1%) et pour le Japon(+1,3% en2014 et 2015, +1,5% en2016), l’économiste s’interroge surlesperformancesaméricaines:«Laprogression du PIB que nous atten-dionsauxEtats-Unisne s’est jamaisréalisée aussi fortement que nousl’avons pensé. Elle n’a pas pu resterau-delà des 3%, ce qui pose la ques-tion du niveau de la croissancepotentielleetdelaproductivitéamé-ricaines.» L’organisation interna-tionale a revu à la baisse sa prévi-sion pour les Etats-Unis : 2,1% decroissanceen2014,aulieudes2,8%initialementprévus.La Banquemondiale insiste par

ailleurs sur la dégradation desfinances publiques dans les paysen développement depuis 2007.Danspresquelamoitiéd’entreeux,écrit-elle, les déficits publics sontsupérieurs à3%duPIB, et les ratiosdeladettepubliqueauPIBontaug-menté de plus de dix points depourcentage. L’Afrique du Sud, leGhana, l’Inde, le Kenya et laMalai-siesontinvitésà«resserrerleurpoli-tiquebudgétaire».La Banque estime nécessaire de

relancer les réformes structurellesdans les pays en développementdont l’économie est pénalisée parles goulets d’étranglement exis-tantdansledomainedel’énergieetdes infrastructures. Le Brésil, dontla croissance serait limitée à 1,5%en2014 , en estunbonexemple. p

C.Gu.

Vallourec souffre au Brésil. Prin-cipal client du fabricant françaisde tubes en acier, le pétrolierPetrobras a décidé de réduirefortement ses achats pour limi-ter ses stocks. Résultat, Vallou-rec a dû une nouvelle fois abais-ser mardi 10juin ses prévisionsde profits. L’action a chuté de13%, mercredi à l’ouverture.

En 2009, la filiale italienne de l’entreprise française Pomaa conçu àRio de Janeiro la plus longue télécabine dumonde. WONG MAYE-E/AP

30123Jeudi 12 juin 2014

Page 30: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

il est tempsde parler d’économie

8H30DULUNDIAUVENDREDI

SUR

Bruxelles,Bureau européen

J oaquinAlmuniapasseà l’actioncontre l’optimisation fiscale : lecommissaire européen en char-

gede laconcurrencedevaitannon-cer, mercredi 11 juin à Bruxelles,l’ouverture d’une enquête formel-lesurlesrégimesfiscauxtrèsgéné-reux dont bénéficient certainesmultinationales implantées enIrlande,auxPays-BasouauLuxem-bourg.Les investigations devraient

durer plusieurs mois : il s’agit devoir si les avantages ainsi accordésaux entreprises comme Apple,Google, Starbuck ne constituentpas autant d’aides d’Etat illégales,puisqu’ils faussentlaconcurrence.Le sujet s’est imposé peu à peu

depuis le déclenchement de la cri-se des dettes, sur fond d’austéritégénéralisée, et de coupes dans lesbudgets sociaux. Pendant l’été2013, les servicesde JoaquinAlmu-niaavaitréclaméàtroisEtatsmem-bres – les Pays-Bas, l’Irlande et leLuxembourg – des renseigne-ments sur les accords fiscauxqu’ils négocient au cas par cas

pour attirer sur leur sol desmulti-nationales.La démarche vise, entre autres,

des sociétés comme les américai-nes Apple, Starbucks, ou encoreGoogle,quiparviendraientàrédui-re comme peau de chagrin leurimpositionsurleVieuxContinent,tout en y réalisant de confortablesbénéfices.L’enquête informelle lancée

l’anderniera suscitéquelques ten-sions avec les capitales concer-nées. L’Irlande, qui dispose d’untauxd’impositiondessociétéstrèsattrayant à 12,5%, s’était défenduede toute pratique illégale : «Elle nepassepasd’accordsurlestauxd’im-position», s’étaitdéfenduleminis-tère des finances à Dublin. Etd’ajouter : «Le principe d’une aided’Etatestdesoutenirunsecteurspé-cifique, ou un type d’investisseurs,ce que [nos] règles ne permettentpas.» Quant à Jean-Claude Junc-ker, alors premier ministre duLuxembourg, aujourd’hui candi-dat à la présidence de la Commis-sion, il s’était dit «peu préoccupé»par les requêtes de Bruxelles.Faute de législation interdisant

de tels régimes, la Commission a

décidé d’utiliser ses pouvoirs enmatière de contrôle de la concur-rence pour lancer ses recherches.«Notre rôle est de veiller à ce quecertaines entreprises ne profitentpasd’avantages indus», avait indi-qué Antoine Colombani, porte-paroledeJoachimAlmunia,ensep-tembre dernier, quand les démar-ches entreprises par les servicesbruxellois avaient été révélées :

«Ces accords ne sont pas toujourstransparents», ajoutait-t-il. Il estdéjàarrivéque la commissions’enprenne au titre des aides d’Etat àdes régimes fiscaux, ou à des exo-nérations ponctuelles, jugées dis-criminatoires.L’initiative des gardiens de la

concurrence survient alors que lesEuropéensmultiplient les initiati-vesdestinées à lutter contre l’opti-misation, et l’évasion fiscale. LesVingt-Huit sont parvenus à l’arra-chéceprintempsàbouclerenfin laréforme d’une législation enca-drant la taxation de l’épargne,aprèsqueleLuxembourget l’Autri-cheont levé leur veto.Les deuxpays ont accepté, sous

la pression des Etats-Unis et deleurspartenaires,de leverunepar-tiedusecretbancairequiafait leurprospérité.

Les demandes d’informationformulées par la Commissioneuropéenne «montrent qu’[elle]est prête à utiliser tous les outils àsa disposition pour assurer uneconcurrence fiscale équitable auseindumarchéunique», observaitvoici quelques mois Emer Tray-nor, porte-parole du commissairechargé de la fiscalité, AlgirdasSemeta. Quitte àmettre unpeu encause la concurrence fiscale quisévitdepuistoujoursentrelescapi-taleseuropéennesafind’attirer lesinvestisseurs.Par ailleurs, le code de bonne

conduite mis en place depuis desannées entre les Etats européenspour lutter contre les formes deconcurrence déloyale doit êtreamendé.Maisiln’ariendecontrai-gnantpour lescapitaleseuropéen-nes, et n’a pas empêché l’Irlande,les Pays-Bas, ou le Luxembourgd’attirerlesgrandsgroupesd’origi-ne américaine, ou… européenne, àcoupderégimesfiscauxplusgéné-reux les uns que les autres.Ces pratiques, qui suscitent des

tensions entre les capitales euro-péennes, à l’heure où tous les gou-vernementssontenquêtede reve-nussupplémentairespourréduireleur endettement, avaient étédénoncées l’an dernier par l’Orga-nisationdecoopérationetdedéve-loppement économiques (OCDE).

«Lesmultinationales sont accu-sées d’éviter l’impôt partout dansle monde, y compris dans les paysen développement», avait alorsindiqué l’OCDE.Ces «pratiques fis-cales agressives», même si ellessont légales, démontrent que lesrègles en vigueur sont «dépas-sées», avait-elle estimé.p

Philippe Ricard

économie& entreprise

Mercredi 11 juin à 8h30, lacloche d’Euronext a son-né pour Elior. Le groupe

de restauration collective devaitlever au moins 785millions d’eu-ros en Bourse, après huit ans d’ab-sence de la cote. Mais il est entrépar la petite porte : le prix desactions a été fixé à 14,75 euros,dans lebas de la fourchette indica-tive (de 14,35 à 17,50 euros).C’est que, ce printemps, les

introductions en Bourse se succè-dent à un rythme effréné. « EnEurope, il faut remonter à 2007,avant la crise financière, pour voirautant d’opérations. En juin, ondevrait en avoir plus d’une parjour!», souligneThierryOlive, res-ponsabledesmarchésde capitauxactions chez BNPParibas.Et les candidatsneviennentpas

en touristes. «Les opérations de500millions d’euros, qui étaientl’exception il y a un an, sont deve-nues la norme», note M.Olive.Dans cette catégorie, outre Elior,sont attendus les français Euro-next, le 20 juin, Atos Worldline

(filiale de paiement de la sociétéhexagonale de services informati-ques) et Coface (asureur-crédit), letuilierallemandMonier,untempsdans le giron du groupe de BTPLafarge,àFrancfort,et l’italienCer-ved, fournisseur d’informationsfinancières sur les sociétés, àMilan.

Outre-Atlantique, le mouve-ment a redémarré depuis un àdeuxansmaisnesetaritpas.Ledis-tributeur Casino compte coter àWall Street ses activités de com-merce en ligne. Et on attend tou-jours la méga-IPO (introductionenBourse)dugéantdel’e-commer-ce chinois Alibaba.

L’Europe, elle, sortde sa torpeurdepuis le début de l’année. «Du1er janvier au 6 juin, 138 introduc-tions ont eu lieu en Europe pourlever 32milliards de dollars[23,6milliards d’euros], contre69opérations pour 10,8milliardsde dollars sur la même période de2013», indiqueM.Olive.A la Bourse de Paris, sur les cinq

premiersmois de l’année, les nou-veaux venus ont récolté 945mil-lions d’euros, presque autant quesur l’intégralité de 2013 (1,3mil-liard)!Lesraisonsdecetengouement?

L’envolée des marchés, d’abord.Après un bond de 18% en 2013, leCAC40 a encore grimpé de 7%depuis janvier. L’indice Eurostoxxa, lui, engrangé un gain de 6,6%sur la période. Les liquidités injec-téespar lesbanquescentralesamé-ricaine et européenne, et le faiblerendement des obligations, exci-tent aussi les investisseurs.Côté candidats, le cercle ver-

tueuxs’estenclenché, labonnefor-tune des premiers entrants don-nant des envies aux suivants. Etlesprojetssontnombreux,notam-ment de la part des fonds arrivésen bout de cycle d’investissement(Chequers et Charterhouse avecElior, CVCCapital avec Cerved…).Sanscompter lemouvementde

privatisations de sociétés qui sepoursuit en Europe du Sud : legroupede constructionnavale ita-lien Fincantieri est attendu à laBourse deMilanpour la fin juin.Mais tout cela se fait avec une

contrainte de taille : s’introduiresur lesmarchés avant lami-juilletet la traditionnelle trêve estivale.Conséquence: la semaineprochai-

ne, pas moins d’une dizaine degroupes devraient arriver sur lesmarchés européens!Surtout, cette boulimie d’intro-

ductions commence à inquiéter.« Jusqu’en avril, tout se passaitbien. Mais depuis mai, les investis-seurs se montrent plus sélectifs»,noteM.Olive.Au Royaume-Uni, deux opéra-

tions ont donné des frissons auxinvestisseurs. Le 23mai, le groupeSaga, spécialisé dans l’assurancedevoyagespour lesplus de50ans,s’est introduit dans le bas de lafourchette de prix, après avoirdéjà significativement revu celle-ciàlabaissedeuxjoursplustôt.Aupoint de faire dire à un gérant defonds cité par le Telegraph : «Sagaa tué lemarché des IPO.» La veille,c’est l’enseigne de textile Fat Face,décidée à lever 110millions de

livres sterling (136millions d’eu-ros),quiadûrenonceràsonprojet,fautededemande.Enmai, lasocié-té immobilière néerlandaiseDomus et le cablô-opérateur polo-nais Multimedia avaient égale-ment été contraints de tourner lestalons.Outre-Atlantique, lesobser-vateurs s’alarment de la frénésied’IPO high-tech, craignant qu’ellene lasse les boursiers.

«Les investisseurs sont toujoursintéressés mais se montrent plusprécautionneux. Les sociétés doi-vent avoir de vrais atouts et le prixentre en ligne de compte», expli-que M.Olive. Ces derniers privilé-gient aussi les opérations les plusgrosses, afin d’être sûrs de trouverà revendre en cas de retourne-ment soudaindumarché.La tendance devrait toutefois

rester porteuse, à en croire les

observateurs. «Les indices bour-siers restent bien orientés, les ban-ques centrales continuent d’ame-ner des liquidités dans lemarché etles investisseursontbesoinde trou-ver des placements», résume Phi-lippeKubisa, associé chez PwC.D’autant qu’on est encore loin

des records de 2007, lorsque lemontant des introductions enEurope dépassait les 80milliardsd’euros, selonPwC.Reste à savoir si tous les candi-

dats parviendront à leur fin : de lafilialeaméricainede labanqueRBSà Viadeo, le concurrent français del’américain LinkedIn, en passantpar legroupedeBTPSpie, le loueurdevoituresEuropcarou le sitealle-manddeventeen ligneZalando, ilssont encore nombreux à rêver del’eldoradoboursier.p

AudreyTonnelier

«Notrerôleestdeveilleràceque

certainesentreprisesneprofitentpas

d’avantagesindus»Antoine Colombani

porte-parolede Joachim Almunia

23% C’est le tauxmoyend’im-pôt sur les sociétés dans l’Unioneuropéenne. En Irlande, iI est net-tement plus favorable, à 12,5%.LeRoyaume-Uni qui a réduit la fis-calité des entreprises depuis2001 fait bonne figure avec ses21%.Mieux que le Portugal(23%), les Pays-Bas (25%), leLuxembourg (29,22%), l’Allema-gne (29,58%), l’Espagne (30%)et surtout la France (33,33%),

selon les données du cabinetd’audit KPMG.

Apple s’est acquitté en 2013detaxes représentant 3,7%seule-ment de ses revenushors desEtats-Unis. Le groupe est suspec-té d’avoir nouédes accordsdelicences à partir de ses filialesirlandaisesqui lui ont permis deminimiser son assiette fiscaledans les autres pays.

Côtécandidats, lecerclevertueuxs’estenclenché, labonnefortunedespremiersentrantsdonnantdesenviesauxsuivants

Lors de la première cotation d’Heritage Insurance, auNewYork Stock Exchange, le 23mai. RICHARD DREW/AP

Lavagued’introductionsenBourserendlesinvestisseursplussélectifsPlusieurs opérations ont été reportées au Royaume-Uni. A la Boursede Paris, Elior s’est coté dans le bas de la fourchette de prix

LondresCorrespondant

La création prochaine parl’Arabie saoudite d’un fondssouverain chargé de recycler

les excédents budgétaires prove-nantdes exportations d’hydrocar-bures ne manquera pas de boule-verser l’univers de ces institutionsquigèrent lesavoirsendevisesdesEtats, producteurs notamment dematières premières.Le Parlement du royaume

wahhabitedoit examinerprochai-nement le projet de loi créant unnouveau Sovereign Wealth Fund(SWF) dont la mission est d’inves-tir 30% de l’énorme surplus desfinances publiques créé par la ren-te pétrolière. Dans un souci dediversification de l’économie, lepremier producteur de pétrole aumonde entend confier à ce fondsunepartie des avoirs endevises dela banque centrale.Les actifs de l’institut d’émis-

sion s’élèveraient à 700milliardsde dollars, soit autant que lacagnotte du fonds de réserve nor-végien, le plus important aumon-de. Le coursdu rial est étroitementlié à celui du dollar, lamonnaie deréférence du commerce pétrolier.Pour les experts, la création d’unnouveau fonds est également des-tinée à protéger la devise localecontre la volatilité du billet vert.

Selon les estimations de laCity, la nouvelle entité disposeraitau départ d’actifs totalisant aumoins 70milliards de dollars. Cemontant placerait l’institutionsaoudienne au 17e rang mondial,au niveau des SWF libyen, austra-lienoukazakh, à lire le classement2013 du bureau d’études londo-nien Preqin qui fait autorité en lamatière.

Actuellement, outre la banquecentrale, l’Arabie saoudite disposed’un petit fonds souverain dontles ressources s’élèvent à 5,3mil-liards de dollars, essentiellementplacésdanslesactionsetl’immobi-lier.Enraisondeses liensprivilégiés

avecRiyad, la City est enpole posi-tion pour tirer profit des richessesdelafutureentité.«Lefondssouve-rain saoudien poursuit une straté-gie prudente de diversification duportefeuille, en investissant dansdes actions de compagnies cotéesou dans des projets d’infrastructu-rerégionauxliésàl’eauetàl’électri-cité», souligne Amy Bensted, ana-lyste auprès de Preqin.Les Saoudiens passent pour des

investisseurs pragmatiques quiprivilégient les placements à longterme, à l’instar de l’Abu DhabiInvestment Authority, le fondssouverain des Emirats Arabesunis.

Montant inconnuLa performance du nouveau

SWF saoudien risque toutefoisd’être pénalisée par l’interdictionde la spéculation stipulée par lacharia qui guide le secteur finan-cier saoudien. Par ailleurs, malgréles engagements à la transparencequ’illustre la mise en place derègles de gouvernance internatio-nales, il est toujours impossibledeséparer les avoirs de l’Etat de ceuxde la famille royale régnante. Lagestion demeure opaque. Lemon-tant exact des avoirs reste incon-nu.Malgré ces points noirs, cette

initiative souligne que les fondssouverains sont plus que jamaisdes acteurs incontournables dupaysage financiermondial. p

MarcRoche

L’ArabiesaouditecréeunnouveaufondssouverainLa City est la mieux placée pour bénéficierde la manne saoudienne

L’Irlande, pivot de l’optimisation fiscale

Bruxellesouvreuneenquêteformellesurlespratiquesd’optimisationfiscaleLa Commission veut savoir si les généreux régimes fiscaux dont bénéficient des multinationalesen Irlande, aux Pays-Bas ou au Luxembourg ne constituent pas des aides d’Etat illégales

4 0123Jeudi 12 juin 2014

Page 31: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

économie& entreprise

Aprèsdesmoisdecriseetd’in-certitude,lessalariésdeLibé-rationvontvoirleurhorizon

se préciser, jeudi 12juin. Selon nosinformations, lors du comité d’en-treprise, la nomination de LaurentJoffrin, ancien directeur duNouvelObservateur et de Libération, vaêtreconfirméepourdirigerlarédac-tion.Etdesdétailsvontêtredonnéssurl’accordtrouvéavecPatrickDra-hipour recapitaliser le journal.Dans l’augmentation de capital

de 18millions d’euros annoncée,l’hommed’affaires,PDGdugroupede télécommunications Altice etrécentacquéreurdeSFR,doitappor-ter 10millions d’euros environ. Ilss’ajouteront aux4qu’il a versés finavril en prêt et en urgence pourpayer salaires et fournisseurs (etqui seraient convertis enactions).Pourtant, l’actionnaire de réfé-

rence actuel, Bruno Ledoux (qui ainvesti dans Libération depuis sonarrivéeen2011 etpossèdedespartsdel’immeubledujournal,ainsiquedes créances), conserverait unepart de l’entreprise équivalente àcelledeM.Drahi.Lesdétails juridiquesdumonta-

ge ne sont pas encore arrêtés,maisMM. Ledoux et Drahi pourraients’associer dans une structure qui

détiendrait quasi totalement unenouvelleholding,appeléeàrempla-cer la SAIP qui possédait le journaljusqu’ici. Y étaient représentés lesautres actionnaires – commeEdouard de Rothschild –, dont lesparts seraientdiluées.Les syndicats de Libération exi-

gent que soit respecté le principede transparence dans le montage(qui doit être finalisé fin juin). Celasembleacquispourlaholdingmaispaspour leniveausupérieur.Point important :malgré lapari-

té, c’est Bruno Ledoux qui devraitassurer le leadership de l’actionna-riatauquotidien:PatrickDrahi,àlatête d’un groupe valorisé 11,39mil-liardsd’euros,nesouhaitepaspourl’heure s’impliquer dans un rôleopérationnel à Libération.

«Ce que M.Drahi voulait, c’étaitabsolument sauver le titre. Il consi-dère qu’un journal comme celui-cine peut pas disparaître», expliqueunprochede l’hommed’affaires.

«Patrick Drahi veut montrerqu’il participe à la vie du pays etœuvre pour le pluralisme,décrypteunautre acteurdudossier. C’est unsigne, après le rachat d’une grandeentreprise française commeSFR, aucours duquel on l’a presque taxéd’être étranger.» Dans ce dossier

suivi de près par le pouvoir, cer-tains de ses opposants soulignentsa résidence en Suisse et ses entre-prisesen Israël.M.Ledoux a annoncé qu’il asso-

cieraitd’autresentrepreneursàl’ac-tionnariat. Dont Franck Papazian,directeur de l’Institut européen dejournalisme, une école. Pierre Frai-denraich, ancien d’i-Télé, très criti-qué à son arrivée à Libération,devraitdiriger laholding, ainsi quelesactivitésdediversification.Fran-

çoisMoulias, proche deM.Ledoux,continuerait à assurer la directionopérationnelle du journal. Uneclausede conscienceva s’ouvrir. Ladirection anticipe une cinquantai-nededéparts volontaires.Côtééditorial, lenouvelhomme

fort est Laurent Joffrin. Celui quiavait fait venir Bruno Ledoux aujournal est une vieille connaissan-ce : il a dirigé trois fois Libération,qu’il a intégré en 1981, incarnantune ligne plutôt sociale-démocra-

te. Les journalistes, malgré desannées de conflit avec les précé-dents dirigeants du journal, dontNicolasDemorand, semblent para-doxalement peu enthousiastesquant à l’arrivée deM.Joffrin. L’und’eux évoque une «pantoufle »qu’onaffectionnemaisquiapportesurtout du confort. Un autre souli-gne qu’il a ces derniers temps peuréforméL’Obs,unjournaloùlepro-priétaire, Claude Perdriel, lui lais-saitpeudemargedemanœuvre.La nouvelle équipe dirigeante

de Libération est bien conscienteque le profil de Laurent Joffrin,61ans, a besoin d’être complétépar un autre plus numérique, voi-re plus jeune. Mais n’a pas pourl’instant trouvé la bonne person-ne… Pour Laurent Joffrin, l’enjeuest demontrer que si l’homme estle même qu’avant, son projet estdifférent, à unmoment où la gau-che est de plus en crise. La direc-tion espère renforcer la produc-tion pour nourrir à terme uneoffre payante. Et les diversifica-tions : conférences, vidéos… « Ilfaut rassurermais aussi inventer»,dit un acteur, pour résumer ledéfi.p

SarahBelouezzaneetAlexandre Piquard

AGROALIMENTAIRE

Danoneferme trois usinesenEuropeDanone a annoncé,mercredi 11 juin, la fermeture d’ici àmi-2015de trois usines de produits laitiers frais enEurope, ce qui entraî-nera la suppression de 325 postes. Les sites désignés sont l’usinedeCasale Cremasco en Italie (100 salariés), d’HagenowenAllema-gne (70 salariés) et de Budapest enHongrie (155 salariés). La fer-meturede ces trois sites sur les 19 que possède le groupe en Euro-pe – dont 5 en France – dans cette activité intervient alors queDanone est confronté àunmarché difficile. Ses ventes sont enbaisse en Europedepuis 2010 et les produits laitiers restaientdans le rouge endébut d’année. Début 2013, Danone, leadermon-dial des produits laitiers, avait déjà annoncéunplan de suppres-sionde 900postes de cadres en Europe.p LaurenceGirard

Nespresso condamné à verser 540000 eurospour dénigrementNespresso a été condamnépar le tribunal de commerce deParis àverser 540000eurosà son concurrent suisse Ethical CoffeeCom-pany (ECC)pourdénigrement. Le jugementprononcévendredi6juina été rendupublicmardi. ECC, qui, dès 2010, a commerciali-sédesdosettes compatiblesNespresso, avait déposéuneplaintecontre le géant suisse endécembre2012, l’accusantde dénigrer sescapsules.«Déçu», Nespresso a l’intentionde faire appel.

Spiritueux Rémy Cointreau recrute sa directricegénérale chez LVMHRémyCointreau a annoncé,mardi 10juin, l’arrivéemi-septem-bredeValérie Chapoulaud-Floquet commedirectrice généraledéléguée auprès de FrançoisHériardDubreuil, PDGdugroupede spiritueux familial. Elle a fait une carrière internationale chezL’Oréal puis chez Louis Vuitton (LVMH), où elle dirigeait le sec-teur des Amériques.

Aéronautique Emirates annule une commandede 70 Airbus A350Airbus a reconnu,mercredi 11 juin, qu’Emirates avait annulé unecommandede 70A350, sonnouveau long-courrier vedette, alorsqu’elle a commandé ennovembre 150 777X à son rival Boeing.L’avionneur a rappelé que « le carnet de commandes est de742exemplaires, à sixmois de son entrée en service». L’actionAir-busGroupperdait près de 4%enBourse à l’ouverture. – (AFP.)

Maisons de retraite PAI Partners entreen négociations exclusives pour racheter DomusViPAI Partners a annoncémardi 10juin entrer ennégociationsexclusivespour racheter le groupedemaisons de retraite fran-çaisDomusVi, numéro trois d’un secteur enpleinemutationaprès la fusion enmars deKorian etMedica. Le fonds d’investis-sement sera accompagnépar l’undes fondateurs du groupe,Yves Journel, et par l’équipe dirigeante. – (AFP.)

Pas une semaine ne passesans que Google n’annonceune nouvelle acquisition: le

moteur de recherche vient d’offi-cialiser, mercredi 11 juin, le rachatde la société d’imageriepar satelli-tes Skybox Imaging pour 500mil-lionsde dollars (369millions d’eu-ros). Le tout ennuméraire.Fondée en 2009 en Californie,

la société Skybox s’est spécialiséedans la fabrication de petitssatellites qui survolent la terre etsont capables de prendre desphotos et de tourner des petitesvidéos de 90 secondes en hauterésolution. Pour l’instant, l’entre-prise californiennenedisposequed’un seul satellite opérationnel,mais elle devrait à terme endéployerunevingtaine.Un réseaudisséminé un peu partout quipermettrait aussi de reconstituerdes prises de vues couvrant ungrand espace.

«Leurs satellites vontnousaiderà faire en sorte que notre systèmede cartographie demeure le plusprécis possible et soit toujours à

jour,aexpliquélegroupedeMoun-tain View dans un communiqué.Avec le temps, nous espérons aussique l’équipedeSkyboxet la techno-logie qu’ils amènent avec eux vontnouspermettred’aiderdespopula-tionsàaccéderàInternetetsurtoutde prévenir les désastres naturels.Unchampquinousatoujours inté-ressés.»

Les images réalisées par lessatellites de Skybox permettentnotamment d’observer l’évolu-tion d’une région filmée au coursdu temps. L’entreprise proposed’ailleurs sur son site Internet desoutils pour analyser les change-ments topographiques, géologi-

ques oumême justemétéorologi-quesquiaffectentunezonefilméeou photographiée par ses soins.Ces programmes permettent parexemple de repérer les invasionsd’insectes ou de parasites sur unchamp, de vérifier combien debarils depétrole sont stockés à cielouvertouencorecombiendenavi-res entrent et sortent d’un port decommerce.

« C’est le bon moment pourrejoindre un groupe qui peut nouspousseràpenser encoreplusgrandet de manière plus audacieuse, etqui peut nous soutenir dans notrevision ambitieuse», a déclaré deson côté la direction de Skyboxdans unmessage publié mercredisur le blog officiel de l’entreprise.Google a multiplié les acquisi-

tions de ce type ces derniersmois.En avril dernier, il s’était déjàoffert, pour une somme restéeconfidentielle, Titan Aerospace,uneentreprise spécialiséedans lesdrones fonctionnant à l’énergiesolaire. Ces machines sont capa-bles de stationner à 20 kilomètres

au-dessus de la terre pendant aumoins cinq ans.LebutdeGoogle,aiderlespopu-

lations isolées à se connecter àInternet. Ces différentes acquisi-tions s’inscrivent dans la droitelignée du projet « loon», qui vise àamener Internet dans les endroitsdu monde qui en sont privés. Letout grâce à des ballons ou desmontgolfières envoyés dans l’at-mosphère afin de servir de relaisInternet.Googleespèreainsiélargirenco-

re la base d’utilisateurs suscepti-bles de se connecter à ses services.«Ils sont potentiellement en traind’accroître la base de consomma-teurs et de clicks qui vont avec parcentaines de millions», remarqueenthousiaste Scott Hubbard, pro-fesseurd’aéronautiqueàStanford,cité par Bloomberg.MaisGooglen’estpasseul sur le

créneau. En février, Facebook aacquisAscenta,uneentreprisebri-tannique qui transmet des don-nées grâce à un laser infrarouge.p

S. B.

Googles’offreSkyboxpourconnecterlemondeLe géant de l’Internet a racheté l’entreprise californienne pour 500 millions de dollars

Le PDGd’Altice, PatrickDrahi, va denouveau investir dans «Libération»,mais ne souhaite pas y jouer un rôle opérationnel. FRED DUFOUR/AFP

Le suspense n’aura pas été delongue durée. Huit joursaprèsl’irruptiond’unecontre-

proposition dans le processus deventede laGénéraledesanté, celle-ci est évacuée d’un revers deman-che.A l’issuedequatresemainesdenégociations, Ramsay Healthcare,lepremiergroupeaustraliendecli-niquesprivées,varacheterlenumé-ro un français de l’hospitalisationprivée pour 945millions d’euros(1,5milliard d’euros si l’on tientcomptede ladette).Epaulé par Crédit AgricoleAssu-

rances (qui assume43%de l’opéra-tion), l’australien a annoncé mer-credi 11 juin la conclusion d’unaccord pour racheter les 83% ducapital de Générale de santé déte-nuspardesactionnaires italiens (leDrLigresti, le fonds De Agostini etMediobanca). Il devra lancer danslafoulée,aprèsautorisationsadmi-nistratives, uneOPA sur le reste ducapital à 16 euros par action(16,75euros, dividende inclus).

Plus de 15000 litsL’inconnue dans ce dossier sera

l’attitude de la famille Attia quidétient 11%ducapitalde laGénéra-le de santé. Contactés mercredimatin, les représentants d’AndréAttianeconnaissaientpassesinten-tions. Il avait demandé le 2juin unaccèsauxcomptesenvuede lancerune surenchère. Mais rien en droitboursier n’obligeait l’actionnairemajoritaire à faire droit à cettedemandealorsqu’ilavaitdéjàenga-gédesnégociations.Ramsay, qui s’est implanté en

France en 2010 en acquérant, déjàavecCréditAgricoleAssurances, lepetit groupe de cliniques privéesProclif s’est régulièrement renfor-cé depuis. En particulier cet hiver

enrachetantà laGénéraledesantésa branche d’établissements psy-chiatriques (30 cliniques).Le nouvel ensemble sera de loin

le premier opérateur de l’Hexago-ne avec 115établissements et plusde 15000lits et places, essentielle-ment en chirurgie et médecine. LaGénérale de santé, qui compte75établissements et 19000sala-riés,aréaliséen2013unchiffred’af-fairesde1,87milliardd’euros(–3%)et un bénéfice opérationnel cou-rantde 104millions (–9%).Pour legroupeaustralien fondé

en1964parPaulRamsay,décédé le1ermai, cette opération est majeu-re. C’est la plus grosse acquisitiondesonhistoire.LaFrancereprésen-teradésormaisplusde lamoitiédeson activité (en nombre de lits).Coté à Sidney, Ramsay HealthcareestaussiprésentauRoyaume-Uni,en Indonésie et enMalaisie.Ce mouvement de concentra-

tion intervient à unmoment où larentabilité du secteur en Franceest moins confortable qu’il y aquelques années. Les fonds d’in-vestissements qui dans les années2000 avaient constitué des grou-pes de cliniques privées sontaujourd’hui plutôt vendeurs. Ain-si, LBO France qui était propriétai-redutroisièmegroupehexagonal,Médi-Partenaires, en a-t-il annon-cé en avril la cession à MédipôleSud Santé, accompagné du fondsBridgepoint. Ce nouvel ensemblesera désormais le numéro deuxfrançais dumarché.Les trois autres groupes natio-

naux de cliniques, Vitalia (détenupar le fondsBlackstone),Vedici (3i)et Capio (Apax Partners), pour-raient également changer demainsd’ici deuxou trois ans. p

Jean-Baptiste Jacquin

LaGénéraledesantépassesouscontrôleaustralienpour945millionsd’eurosRamsay rachète 83% du capital du numéro unfrançais des cliniques privées et lance une OPA

Skyboxnedisposequed’unseulsatelliteopérationnel,maiselledevraitàterme

endéployerunevingtaine

Lesjournalistessemblentpeu

enthousiastesquantàl’arrivéedeM.Joffrin

AvecPatrickDrahietLaurentJoffrin,«Libération»espèreunenouvelleèreLe PDG du groupe de télécoms Altice devrait verser 10millions d’euros et partagera le contrôledu journal. De son côté, l’ancien patron du «Nouvel Obs» revient pour diriger la rédaction

50123Jeudi 12 juin 2014

Page 32: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

Publiéenmars à l’approchedesélectionseuropéennesquionteu lieu finmai, le livrede Frédé-

ric Lordon,membreducollectif desEconomistesatterrésn’enaqueplusd’intérêt après. Sa thèse sembled’abordparadoxale: pamphlétairemais savante,polémiquemais soucieu-sed’exactitude, pétriede raisonne-mentséconomiquesmaisdénonçantl’«économisme», elleproposeunefaçondesortir de l’euromais refusedemasquer les conséquencesd’aborddouloureuses, risquées et insuffisan-tes enelles-mêmesde cette aventure.

Onpourrait refermer ce livre sansarriver jusqu’auxpagesoù l’auteurdémonte la récupération–et ladéformation–de ses idéespar l’extrêmedroite, et leurassociationàdesthèsesde repli xénophobe. Ce serait dommage, car sa lectu-re serait bienutile auxplus fervents défenseursde l’euro.Puisqu’il y a «malfaçon» –comme la crise et le défaut

de la Grèce l’ont révélé brutalement–, peut-on espérer un«saut fédéral»permettant de sortir de la crise par le haut :créationd’unTrésor européen émettant une dette com-mune, budget européen conséquent, transferts finan-ciers... ? Frédéric Lordonn’y croit pas, ou plutôt il ne pensepasque cette possibilité soit réalisable avec l’Allemagne.Son analyse de la constructionmonétaire de l’Europe –oùla Bundesbank, la banque centrale allemande, a impriméses principes– et des très grandes réticences de l’Allema-gne à la remise en questionde sa doxa donne à réfléchir.Enmême temps, il reconnaît que les responsables alle-mands sont divisés et finissent, aubord dugouffre, pardonner leur feu vert à des inflexions.

Un Bretton Woods européenEspérantpeut-être sonner l’heuredevérité, saproposi-

tionest radicale:undéfautdepaiement sur ladettepubli-queaccumulée, depuis la crise, enGrèce, auPortugal, enFrance... Peu importe. Car s’ensuivrait l’écroulementdusys-tèmefinancier, laperted’unepartie de l’épargnedesména-ges, la finduprinciped’indépendancedesbanques centra-les européennes, la réintroductiondemonnaiesnationalesetde contrôledes changes temporaires... Le tempsde recapi-taliseret de remettre surpied le systèmefinancier.Mais cettedémarcheneserait valable, explique-t-il, que

si elle est suivied’unevraie coopérationeuropéenne,par lacréationd’unemonnaie commune–utilisabledans les tran-sactions internationales–, à l’intérieurdesquelles lespari-tés entremonnaiesnationales seraient fixeset ajustables.In fine, l’auteurprônedoncunBrettonWoods–qui adés-siné les grandes lignesdu systèmefinancier internationalen 1944– européen. Sur cela, tout lemondeoupresquepourrait semettreun jourd’accord.Mais le coût et le risquedece changement supposentun trèshautdegréde coopéra-tioneuropéenne. Laquestion restedécidémentpolitique.p

Adriende Tricornot« La Malfaçon. Monnaie européenne et souveraineté démocrati-que », de Frédéric Lordon, éditions Les Liens qui libèrent, 296 pages20,50 ¤.

Les«étudesdegenre»–traductiondu terme anglo-saxon «genderstudies», c’est-à-dire l’étude deseffets et des formes sociales de ladifférencedesexe–nese sontpas

encore beaucoup risquées, en France,dans le champ de la science économique.Peut-être plus pour longtemps.Deux essais très différents,mais qui ne

sontpas sans rapport, entendentmontrerque si les femmes sont en première ligneauseindecequel’onappelle la«bioécono-mie», le discours économique dominantreste élaboré par des hommes, et souventpourdes hommes.Nous sommes entrés dans une nouvel-

lephasedelamondialisation,affirmeCéli-ne Lafontaine dans Le Corps-marché : lamarchandisation de la vie humaine à l’èrede la bioéconomie, un essai remarquableet passionnant qui dénonce les dérives dela bioéconomie et de la marchandisationducorps.Unprocessusqui, selonlaprofes-seure de sociologie à l’université deMon-tréal (Canada), touched’abord, cen’estpasun hasard, le corps féminin. Sang, tissus,ovules, cellules…Sous l’impulsion des technologies de

l’information et des biotechnologies, lecorpsestdésormaisàvendre.Ducommer-ce d’ovocytes à la production d’embryonssurnuméraires, l’enquêtemontre notam-ment comment l’industrie de la procréa-tion médicalement assistée repose suruneexploitationducorps féminin. Et rap-pelle que les plus démunis sont aussi lesplus vulnérables.Il faut avoir le cœur bien accroché pour

lirecertainespages,parexemplecellessurla médecine régénératrice, qui fait untabac dans les pays occidentaux vieillis-sants et se nourrit des produits du corpsféminin : «Cellules provenant de fœtusavortés, de placenta, du cordon ombilicaletmêmedusangmenstruel»…C’estcequel’on appelle de l’économie circulaire !PourCélineLafontaine,unnouveleugé-

nisme, souriant, est en train de naître.Depuis vingt ans, le tourisme médical deriches et le «marché rouge», celui du tra-fic d’organes, ont explosé. L’auteure n’hé-sitepasàparlerde«cannibalismetechnos-cientifique».Le livre raconte comment des couples

californiens désirant avoir un enfant quileur ressemble se fournissent dans desbanques d’ovocytes en Europe, puis setournent vers des «cliniques de fertilité»en Inde ou en Thaïlande, pays spécialisésdans « lesmères porteuses à bas prix».Le coût d’une GPA (gestation pour

autrui) serait de 20 000 dollars(14700euros) en Inde, à comparer aux50000dollarsqu’ellecoûteraitenmoyen-ne aux Etats-Unis.Quant à certaines pratiques décrites

dans cet ouvrage, elles rappellent les heu-resdegloireduprofesseurMengele.Aprèsle tsunami de 2004, «dans un camp deréfugiésindiens,plusieurspersonnes,géné-ralement des femmes, se sont vuescontraintes de sacrifier un de leurs reinspour aider une famille à se nourrir et àpayer leurs dettes», écrit l’auteure.

Cemonde où «tous les corps, toutes lesviesindividuellessetransformentenmatiè-re première au service de l’efficacité pro-ductive», des écrivains et des cinéastesl’ont cauchemardé : Aldous Huxley, dansson roman Le Meilleur des mondes (1932),ouRichardFleischerdans le filmSoleilvert(1973).Pour Céline Lafontaine, qui appelle de

ses vœuxun sursaut éthique et politique,ledangerdu«biocapital»consisteaujour-d’hui à «faire croire que la vie individuellepeuts’épanouirendehorsduliensocialquilie les corps les uns aux autres».Le tonde l’ouvragede Jézabel Couppey-

Soubeyran etMarianne Rubinstein, L’Eco-

nomie pour toutes : un livre pour les fem-mes, que les hommes feraient bien de lireaussi est, lui, nettement plus léger, quoi-que résolument subversif. L’économie«continueàsedéclineraumasculin», écri-vent les deux maîtres de conférences enéconomie, l’une à l’université Paris-VII-Diderot, l’autre à l’université Paris-I-Sor-bonne.Leur objectif est double : intéresser

davantage les femmes aux débats écono-miques, mais aussi en parler autrement.«Les femmes, écrivent-elles, comprennentmal la langue de ceux qui continuent d’ex-

pliquer le monde économique, comme s’ilfonctionnait sans elles .» Est-ce parce quela langue économique est celle du pou-voir ? Ou bien y a-t-il, en économie, unefaçon de parler typiquement masculine,«ennuyeuse, un peu boursouflée (...) quivous positionne d’emblée en surplomb»?Questions passionnantes, qu’un ouvragede cent cinquante pages ne saurait traiterà fond.Endixchapitressurlesbanques, le loge-

ment, les inégalités hommes-femmes, letemps de travail, le pouvoir d’achat, lesauteurs tentent néanmoins de prouverque l’économie n’est pas une matière«rebutante». Pourquoi le bonheur est-il«une idée neuve en économie», deman-dent-elles, en paraphrasant Saint-Just? Sionparle aujourd’hui de nouveaux indica-teurs de développement, c’est peut-êtrebien grâce au rôle nouveau des femmesdans la société.Certes, il reste beaucoup à faire en

matière d’égalités hommes-femmes.Mais le duo est optimiste. Les études degenre montrent que « les femmes sontplus sensibles aux inégalités que les hom-mes,moins enclines à les juger inévitables,plus favorables aux soutiens des pauvres,des malades et des personnes âgées. Demanière générale, elles sont mieux dispo-sées envers l’intervention publique etmoins portées sur les solutions de mar-ché».

«La féminisation de l’économie devraitdonc profiter… à tous ! », concluent lesauteures, qui affirment vouloir rendre àl’économie sa «part féminine». En préci-santque cettedernièren’est«absolumentpas réservée aux femmes». p

PhilippeArnaud

À LIRE AUSSIFoot et fricCristianoRonaldo a été transféré deManchester au RealMadridpour 94millions d’euros en 2009… «Le chiffre d’af-faires agrégé des cinqplus grands championnats euro-péens atteint 9,3milliards d’euros pour la saison2011-2012» : ces données sont enregistrées paradoxale-ment enpleine crise économiquemajeure, souligne Bas-tienDrut, auteur de la nouvelle éditiond’Economie dufootball professionnel, qui cherche à expliquer «lesméca-nismes économiques à l’œuvre dans l’économie du footballprofessionnel», dont les derniers développements les plusspectaculaires renvoient auQatar.Le livre est rempli de graphiques, de tableaux, d’encadrésqui rendent sa lecture ludique, passionnante… et rassuran-te finalement, lorsque l’auteur remarque que «dupointde vue d’un investisseur institutionnel, l’intérêt d’investirdans les actions des clubs de football cotés est donc peuclair, voire inexistant» !L’ouvragemet àmal quelques idées reçues et rappelle que«les clubs qui licencient leur entraîneur en cours de saisonobtiennent de plusmauvais résultats que ceuxdeméfor-me similaire qui choisissent de le conserver» ; ou que « lemanqued’attractivité des clubs français pour les stars dufootball (…)ne peut avoir une origine fiscale», avant de se«réjouir que les instances dirigeantes s’attellent auproblè-medes déficits»des clubs qui traduisent la fuite en avantde lamasse salariale et des indemnités de transfertrecords dans lesquels ils sont lancés.p Pierre Jullien« Economie du football professionnel », par Bastien Drut. Editionsla découverte, «Repères», 128 pages, 10euros.

publications

L’ÉCO DE LA TOILEGrandecause

C’est l’économie à laquelle on ne fait plus attention, ou pasassez:avecses2millionsdesalariésetses16millionsdebéné-voles, lemouvementassociatifaétédésigné,audébutdel’an-

née, «Grande cause 2014» par les pouvoirs publics. Il est une bran-chedel’économiesocialeetsolidaire(ESS)auxcôtésdesfondations,mutuelles, coopératives, ONG, entreprises sociales, etc. Pour faireconnaître aux jeunes les opportunités et les moyens de «passer àl’action»dans le cadrede l’ESS, le portail SayYess a été lancéparunréseaude cesdifférents acteurs.Unevisite anti-morosité.pA.deT.http://www.say-yess.com/

L’économieentousgenresDeux ouvrages ouvrent la réflexion sur les inégalités entre les sexes à des domaines originaux

¶« Scarcity :Why HavingToo LittleMeans SoMuch »(« Pauvreté :pourquoiavoir si peusignifie tantde choses »),de SendhilMullainathanet Eldar ShafirTimes Books,2013

LecerclevicieuxdelapauvretéLecturesétrangères Les causes psychologiques de l’échec de l’aide au développement

LIVREL’eurosert-il toujoursleprojeteuropéen?

Sousl’impulsiondestechnologiesdel’information

etdesbiotechnologies,lecorpsestdésormais

àvendre

¶« LeCorps-marché.la marchan-disationde la viehumaineà l’ère de labioéconomie »,de CélineLafontaine,Seuil, 288pages,21,50¤

¶« L’Economiepour toutes :un livre pourles femmes queles hommesferaient biende lire aussi »,de JézabelCouppey-Soubeyranet MarianneRubinstein,La Découverte,164pages, 14€

Malgré l’amélioration des condi-tions de vie dans certainesrégions du monde au cours des

dernières décennies, plus de 1,3milliardd’individus vivent encore sans électricité,près de 800millions sont illettrés et prèsde 22000enfants, selon le Fonds desNations unies pour l’enfance (Unicef),meurent chaque jourà causede l’extrêmepauvreté dans laquelle ils vivent.DansleurouvrageintituléScarcity:Why

HavingTooLittleMeansSoMuch («Pauvre-té : pourquoi avoir si peu signifie tant dechoses»), Sendhil Mullainathan, profes-seur d’économieàHarvard, et Eldar Shafir,professeurdepsychologie à l’université dePrinceton (New Jersey), expliquent quel’échec relatif des programmes de luttecontre la pauvreté s’explique en grandepartiepar lamauvaise compréhensiondeseffetsde la pauvreté sur lapsychologie desindividus. D’après eux, si les populationsles plus pauvres sont souvent peu récepti-vesauxprogrammesdevaccination,depri-se en charge médicale ou encore d’éduca-tiondeleursenfants,cen’estpastantàcau-

sedebarrièresculturellesouintellectuellesqu’enraisondusentimentdemanqueper-pétuel qui les habite et mobilise toutesleurs pensées et tous leurs efforts auxdépensdetouteprojectiondanslelongter-me. En d’autres termes, le souci de ne paspouvoir assurer leurs besoins les plus élé-mentaires réduit la capacité des individusà prendre en compte l’ensemble des infor-mations qu’ils reçoivent et à prendre leursdécisions en conséquence, les enfermantainsi dans le cercle vicieuxde lapauvreté.

Transfert de ressourcesUne fois ce diagnostic posé, les auteurs

proposent de repenser les programmesd’aide pour briser ce cercle. Ils proposentde mettre en œuvre des politiques detransfert de ressources vers les popula-tions lespluspauvres, telle que l’instaura-tion d’aides financières visant à assurerleurs besoins élémentaires sur le long ter-me et leur permettre ainsi demieux s’en-gager dans des programmes d’aide audéveloppement. Ils insistent aussi sur lanécessité d’ajuster le contenu des pro-

grammes aux capacités cognitives despopulations ciblées, sans quoi ces derniè-resnepeuventpasgérer le trop-pleind’in-formations qui leur parviennent.Cette thèse est loin d’être nouvelle, et

relève même du bon sens. De même, lessolutions envisagées ne sont pas révolu-tionnaires.Mais cetouvragea leméritederappeler, preuves scientifiques à l’appui,que lesdifficultésdespopulations lespluspauvres à améliorer leur situation tien-nent non pas à leur mauvaise volonté,maisaucerclevicieuxqu’induit lapauvre-té. Si les auteurs insistent à raison sur lanécessitédemieuxprendreencompte leseffets psychologiques de la pauvreté, ilserait toutefois dangereux de minimiserl’importance des barrières culturellesdans la mise en œuvre des programmesd’aideaudéveloppement.La lutteefficacecontre la pauvreté passe aussi par la priseen compte des contraintes culturelles.p

Julie Battilana

Julie Battilana est professeure associéeà la Harvard Business School (Massachusetts).

6 0123Jeudi 12 juin 2014

Page 33: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

Lasolidarité semesure chichement, et lesintermittents du spectacle en font ladure expérience. Lemouvement qu’ils

ont déclenché pour empêcher l’agrément de lanouvelle convention de l’assurance-chômagen’a pas rallié d’autres partisans que les gensdu spectacle, directeurs de festivals, réalisa-teurs. Deux centrales syndicales, la CFDT etFO, s’opposent à leurs revendications et cha-que article qui leur est consacré sur Internetdéclencheun flot de commentaires défavora-bles à leurmouvement. LeMedef reste silen-cieux, qui, pendant lanégociation de la nouvel-le convention, avait formulé le souhait de voirdisparaître le statut spécifique des gens duspectacle, codifié par les annexesVIII etX decette convention.Ces trublions, dont la grève a pour l’instant

provoqué l’annulation d’unemanifestationfinancéepar les deniers publics (Le Printempsdes comédiens deMontpellier, subventionnésurtout par le département de l’Hérault), sontdépeints par leurs contempteurs commedesprivilégiés (pour unmoindre travail, ils ont ledroit d’être indemnisés plus longtemps) quivivent au crochet d’une collectivité (les coti-sants au régimegénéral) qui de toute façonne

vapas voir leurs productions. Comme ils s’élè-vent contre desmodifications de leur statutqui rognent sur leurs revenus et leurs condi-tionsd’indemnisation sans les remettre radica-lement en question, et que ce genre d’avaniesest aujourd’hui largement répandu endehorsdesprofessions du spectacle, le reste dumon-de salarié a dumal à comprendre la force deleur indignation.Comble d’indignité, l’undes premiers faits

d’armes de cette campagne, l’occupation duCarreauduTemple par des intermittents duspectacle, alors qu’une exposition allait youvrir, amis en lumière lamisère d’autresartistes – ceuxdes arts visuels – qui bénéfi-cient de garanties bienmoindres que cellesdont jouissent les gens du spectacle enmatiè-re d’indemnisation du chômage, de couvertu-re sociale oude droits à la retraite.Ces tombereauxd’invectives ont fini par

masquer la réalité de l’économie de l’intermit-tence, d’une grandemodernité. Cen’est peut-être paspar pur sentimentalismeque l’ancien-neprésidente duMedef, Laurence Parisot, aété l’unedes rares personnalités extérieuresaumondedu spectacle à voler au secours desopposants à la nouvelle convention. Com-

ment nepas rêver, quandon est entrepreneur,à unmarchédu travail où lamain-d’œuvrequalifiée est abondante, prête à travailler àtoutmoment, dans tous les endroits? Commele rappelait un article duNouvel Observateurdu 22mai, les intermittents du cinéma (quigagnent généralementmieux leur vie queleurs homologues du spectacle vivant) nesavent pas au début de l’été s’ils le passerontavec leur famille ou sur unplateau loin dechez eux. Ils sont par ailleurs à lamerci de laconjoncture, et nombre d’entre eux ont vuleur activité baisser enmême temps que lenombredes tournages de longs-métrages.

Précarité de l’emploiDansun rapport remis en 2013, le député

socialiste Jean-PatrickGille, qui vient d’êtrenommémédiateur dans ce conflit, faisaitremarquer que cette souplesse du secteurrésulte d’un choixmaintenant ancien. Alorsquedans les années qui ont suivi la Libération,la tendance était à la réglementationdes pro-fessions, avec attribution de cartes profession-nelles,monopoles syndicaux, les professionsartistiques se sont ouvertes sans conditiondediplômes oud’appartenance à telle ou telleorganisation – syndicale ou corporative.Combinée àunedemande croissante qui

résulte aussi bien de l’extension des tempsdeloisir quedes politiques culturelles (décentrali-sation, éducation artistique…), cette ouvertureet cette flexibilité ont entraîné une croissancetrès rapide dunombre de professionnels desarts – du spectacle commedes autres. Ilsétaient 316432 en 2010, unpeuplus de 1%dunombre total des actifs.

On amaintes fois rappelé que, dans cettemasse, on dénombreun certainnombre defraudeurs d’une part et, d’autre part, unemas-se de salariés permanents de grosses structu-res, privées oupubliques, que leursemployeurs soucieuxd’économies préfèrentconsidérer commedes intermittents, alorsqu’ils occupent des emplois à temps complet.Egalement souvent citée, la petiteminorité deprivilégiés qui vit plus que confortablementtout en bénéficiant des avantages du système.L’existencede ces catégories ne peutmas-

quer la réalité principale du système: sonhyperflexibilité. Il a longtemps été tenupouracquis que celle-ci avait pour contrepartie desconditions d’indemnisationparticulières. Lesintermittents en lutte estiment que celles-cisont le corollaire de la précarité de l’emploi, etqu’elles devraient être étendues à tous les tra-vailleurs qui ne bénéficient pas d’un emploistable.Dans le reste dumonde de la culture,on estimeque ces singularités sont une recon-naissancedu statut particulier des artistes.Resteque la disparitiondu régimeaurait au

moinsunedecesdeuxconséquences: unebais-sebrutaledunombredes intermittents et doncde l’offre culturelle enFrance (et l’on se sou-viendra àcette occasionqu’un récent rapport adémontréque l’investissementpublic en lamatière était particulièrement rentable), ou larelégationdes professionnelsdu spectacle à laviedebohème, vivantdansungaletas, sujetsauxéquivalents contemporainsde la consomp-tion.Ce serait reconnaître aux intermittentsun statutparticulier, celui d’artistemaudit.p

[email protected]

Sil’onvousdit «GoPro», vousvoyezdequoi il s’agit ?Non ?Mais si, vous savez, cettepeti-

te caméragrande comme lamoitiéd’unpaquetde cigarettes, antichocetqui s’accrochepartout. Elle a–malheureusement– récemmentvusanotoriété s’accroître par lebiaisdeMohamedMerahoudeMehdiNemmouche.Grâceàdemultiples accessoi-

res, supports, caissons étanches,télécommandes,harnais, onpeutla fixer àpeuprèsn’importeoùpour filmer ses exploitsprincipale-ment sportifs. N’importeoù : c’estvraiment lemotqui convient, com-menousallonsvoir.D’ordinaire,elle trouveuneplace assez éviden-te sur les guidonsdeVTT, les cas-quesdeparachutistes, lesmasquesdeplongée, les crânesdevéliplan-chistes, lesdrones et, à l’occasiondesderniers Jeuxolympiquesd’hi-ver, il nous semblebienquecertai-nesavaient été vissées sur les skisdesdescendeurs.Grand spectacleet sensationsgaranties. Pour ensavoirplus, le siteofficiel de lamar-que : fr.gopro.com.Si le termea tendanceàdevenir

générique, c’est que laGoPro fut lapremière camérade cegenre com-mercialisée il y aunedizained’an-nées.Denombreuxconcurrents,commeSonypar exemple, se sontdepuis lancés sur lemarché.Généralement, les images sont

destinéesà êtrepartagées sur les

réseaux, enparticulierYouTube, etdonnent lieu àdes surenchères del’exploit. Ledernier concours à lamodeconsiste àplacer ladite camé-radans le lieu leplus insolitepossi-ble. Si l’ondevait établirun classe-ment,parionsquecelui-ci(http://goo.gl/CzeJiv) serait sur lepodium. Imaginez : le gars –ou lafilled’ailleurs –a toutbonnementplacé sapetite caméraà l’intérieurd’unemachine à laver la vaisselle.Si, si. Voyezvous-même.

Sur le dos d’un aigleOnne sait pas comment a fait

celui-là (http://goo.gl/61DAK5),mais il a réussi à placer la siennesur le dos d’un aigle, et le point devue sur la nature est imprenable.Onvous laisse découvrir parailleurs ce que le naturalisteBradJosepha fait de la sienne(http://goo.gl/J4sPr6). Sachez sim-plement que le jeunehommeestspécialiste des ours enAlaska.Est-il besoinde dire qu’en

revanche, cet autre film(http://goo.gl/eTvcZy) est unfaux. Car s’il est très certainementpossible de fixer unepetite camé-ra au collier d’un chat pour filmerses escapades, il est quandmêmeassez rare qu’un félin apprivoiséattaquedes passants avecun cou-teau et vole de l’argent pours’acheter de l’alcool. p

[email protected]

0123

ÉCONOMIE DE LA CULTURE | CHRONIQUEpar Thomas Sotinel

Lesintermittents,cesêtreshyperflexibles

C’EST TOUT NET ! | CHRONIQUEpar Olivier Zilbertin

Bellesvues

Face aux rumeurs et intox, les décodeursvous donnent toutes les clés pourcomprendre l’actualité au quotidien.Rendez-vous sur LeMonde.fr/lesdecodeurs

LeMonde.fr/lesdecodeurs

L’ÉCONOMIEDE

L’INTERMIT-TENCE ESTEN RÉALITÉD’UNEGRANDE

MODERNITÉ

LES INDÉGIVRABLES | par Xavier Gorce

70123Jeudi 12 juin 2014

Page 34: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

OPÉRA BASTILLE

20-21 SEPT. 2014

PALAIS GARNIER

lemonde.fr/festival

#LeMondeFestival

LEMONDE

DE DEMAIN.PARLONS-ENAUJOURD’HUI.

2014

1772

2001

av. JC-427

Page 35: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

Cahier du « Monde » No 21585 daté Jeudi 12 juin 2014 - Ne peut être vendu séparément

&grandes écolesuniversités

Alternance : tout ce qu’il faut savoirCAP, BEP, bac professionnel, universités, grandes écoles : les cursus mixtes sont les plus efficaces en matière d’emploi des jeunes. Pourtant, en 2013, leur nombre a drastiquement chuté, malgré le volontarisme affiché du gouvernement

Cela aura mis le temps, mais l’alter-nance acquiert, chaque année da-vantage, ses lettres de noblesse.Cette formation, qui associe coursthéoriques et expérience en entre-prise, impose peu à peu ses indénia-

bles qualités en matière de préparation à l’emploi et d’insertion professionnelle. Les 390 000 jeu-nes qui ont signé, en 2013, un contrat d’alternance(qu’il s’agisse d’apprentissage ou de professionna-lisation) ne s’y sont pas trompés.

Et il est aisé de les comprendre. Selon le Cereq,centre de recherche spécialisé dans l’emploi et la formation, le taux d’emploi des apprentis sortant de l’enseignement supérieur de la génération 2010 est de 85 % à 90 % après trois ans de vie ac-tive. Pour l’ensemble des sortants (diplômés et

non-diplômés), il n’est « que » de 78 %. Le taux d’in-sertion dans l’emploi, sept mois après l’obtention du diplôme, du CAP au bac professionnel, lit-on dans un numéro de Formation Emploi, est de 20 points supérieur avec l’apprentissage que par l’enseignement professionnel (71 % contre 51 %).

« Priorité » « De ce fait, le retour sur investissement de ces

dispositifs est incomparablement plus élevé que celui d’autres dispositifs de la politique de l’em-ploi à destination des jeunes, en particulier les em-plois aidés dans le secteur non marchand », écrit Bertrand Martinot dans une note récente de l’Ins-titut Montaigne.

Outil de formation efficace pour les CAP, les BEPou le bac professionnel, l’alternance est très prisée

dans le supérieur, qui compte aujourd’hui 28 % des apprentis. Et pourtant. Les chiffres de l’alter-nance sont mauvais. « Priorité » de tous les gouver-nements depuis des lustres, cette filière n’a jamais atteint les objectifs officiels. Les embauches ont même lourdement chuté en 2013 : 273 000 con-trats d’apprentissage et 117 000 contrats de profes-sionnalisation (chez les moins de 26 ans) ont été signés, soit 390 000 en tout. Un niveau historique-ment bas, inédit depuis 2005. La loi votée fin fé-vrier réforme l’apprentissage, notamment son fi-nancement ou les obligations des centres de for-mation des apprentis. Mais les patrons ont beau jeu de souligner que la loi de finances 2014 a sup-primé 550 millions d’euros d’aides à l’apprentis-sage de l’Etat en direction des entreprises. p

benoît floc’h

la chasse au contrat Trouver une entreprise est un vrai marathon pour les candidats à l’alternance. Recherche assidue et appui de l’école sont indispensables. Conseils pour une exploration efficace. PAG E 3

quinze ans après, ce qu’en pensent ceux qui sont passés par l’alternance Gain de temps, professionnalisme, management plus ouvert :le bilan de ces cursus dans les carrières est positif. PAG E 7

Kévin Coupé, 23 ans, en contrat de professionnalisation au Bon Marché,

où il est responsable des ventes. Il est inscrit en master 2 à l’Ecole internationale

de marketing de luxe. Nous l’avons suivi pendant deux jours.

GWEN DUBOURTHOUMIEU POUR « LE MONDE »

ViVre son apprentissage

AUTREMENT !

GESTION

ADMINISTRATION

MANAGEMENT

Devenez ACTeUR De voTRe foRmATion& Développez voTRe emploYABiliTeen fAisAnT le Choix De l’AppRenTissAge

+ De 10 foRmATions ReConnUesDU BAC+3 AU BAC+5

5 filièRes• RESSOURCES HUMAINES• COMMERCE & MARKETING• GESTION DE L’ENTREPRISE & FINANCE• COMMUNICATION• INFORMATIQUE

80% Des AppRenTis plACés pAR nos soins

70% D’inseRTion pRofessionnelle

CAmpUs - 3 RUe pieRRe DUponT, 75010 pARis01 80 97 45 64 - ChâTeAU lAnDon

www.CfA-igs.Com - www.CfACoDis.Com

Page 36: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

2 | U N I V E R S I T É S& G R A N D E S É C O L E S | Alternance Jeudi 12 juin 2014

0123

Prendre une longueur d’avance pour décrocher un emploi

Les formations en alternance ont redoré leur blason ces dernières années , notamment parce qu’elles se développent dans le supérieur. Mais le dispositif est exigeant et ne convient pas à tout le monde

Jadis considérée comme la voie des cancres,l’alternance reçoit aujourd’hui ses lettres denoblesse. Dans une période aussi difficilepour l’emploi des jeunes, les qualités de cettefilière qui ouvre les portes des entreprises etfavorise l’autonomie paraissent évidentespour les étudiants, les formateurs, les em-

ployeurs et la classe politique.Associant la théorie en cours à la pratique en entre-

prise, l’alternance est liée à un contrat de travail, et donc à une rémunération, et ouverte aux jeunes dès la classe de 3e. Une aubaine pour ceux qui n’ont pas leniveau pour intégrer une 2de générale, ou qui ne peu-vent ou ne veulent prolonger leur scolarité. Une op-portunité pour les étudiants qui veulent préparer leurinsertion professionnelle.

L’image de la filière change. Ce type de formation,qui commence timidement à être considéré commeun débouché naturel du collège, se développe bien dans le supérieur, même si 7 % des étudiants seule-ment sont aujourd’hui en alternance. Ce chiffre, la se-crétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et à la re-cherche, Geneviève Fioraso, entend le doubler dans les prochaines années. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’a été missionné le Comité sup’emploi : dirigé pardeux chefs d’entreprise, il doit rendre ses conclusionsà la fin du mois.

Depuis quelques années, les entreprises sont en de-mande de jeunes à former. « On avait une forte de-mande de la part de l’industrie, explique Laurent

Champaney, directeur adjoint aux formations àl’Ecole nationale supérieure des arts et métiers. Lesprofessionnels veulent connaître les jeunes au plus tôt.Ils estiment que c’est bien plus efficace de les former en amont que lors d’un stage classique de six mois. » La prestigieuse école d’ingénieurs propose sept diplô-mes en formation en alternance. Un cursus supplé-mentaire ouvrira même à la rentrée prochaine.

Les universités ne sont pas en reste. Celle de Marne-la-Vallée peut se targuer d’avoir le plus fort taux d’ap-prentissage de France avec 2 300 élèves en alternancesur 11 000 inscrits. « Nous avons cela dans les gènes, avance Frédéric Toumazet, son vice-président. Les universités ont mis un certain temps à se saisir du dos-sier mais, aujourd’hui, l’alternance ne souffre plus du tout de l’image d’une formation au rabais. »

Les étudiants y trouvent leur compte. Les frais descolarité étant intégralement pris en charge et l’alter-nant étant rémunéré, le dispositif permet aux plus modestes de poursuivre leurs études. Quant à ceux qui ont besoin de concret, cette formation apparaît là aussi comme une séduisante solution. « Certains élè-ves en ont marre d’être assis sur les bancs de la fac etveulent voir concrètement de quoi il s’agit. C’est unchoix qui les fait mûrir beaucoup plus vite », noteEtienne Maclouf, maître de conférences en gestion à Panthéon-Assas, qui assume un rôle de tuteur péda-gogique auprès des étudiants en alternance.D’une manière générale, les apprentis s’imprègnent souvent bien mieux des codes de l’entreprise par ce

type de filière que par le biais d’un stage, par exemple.« Ils ont une meilleure connaissance de ce qui peut les attendre par la suite dans une société », certifieM. Champaney.

L’alternance, formation exigeante, n’est cependantpas adaptée à tous les profils. « On les met en garde, assure M. Toumazet. Etre apprenti, c’est être salarié etétudiant. On n’a plus que cinq semaines de vacances,par exemple. » Charge de travail importante, horairesà respecter, us de l’entreprise à assimiler… L’alter-nance est aussi un défi. « Il y a une tension perma-nente entre ce qu’ils font en entreprise et en cours, rap-pelle M. Maclouf. C’est un cadre un peu particulier,bien plus intense qu’un stage. Pour cette raison, j’ai avec eux un discours de vérité. »

L’apprentissage n’est pas une sinécure. Chaque an-née, 25 % des contrats sont rompus. « Il ne faut pas re-jeter la faute systématiquement sur l’entreprise, pré-cise Morgan Marietti, délégué général de l’Associationnationale des apprentis de France (ANAF). Chaque partie est responsable. L’école ou l’université qui n’a pasété capable d’accompagner le jeune. Le jeune lui-mêmequi, par sa posture ou son comportement, n’a pas été performant. Et puis l’entreprise qui, même si elle est làpour le former, attend qu’il apporte davantage sur lemoyen terme. » L’ANAF estime que le nombre de rup-tures de contrat pourrait être divisé par quatre oucinq avec une meilleure communication entre toutes les entités. « Le jeune qui reste cantonné à faire desphotocopies, c’est souvent parce qu’il n’a pas su remplircorrectement les missions basiques au départ, expli-que-t-il. Mais si son école est au courant, elle peut l’aider à développer certains points pour repartir sur demeilleures bases. »

A contrario, les entreprises qui abusent du systèmeet utilisent un apprenti à défaut d’un CDD pour réali-ser des économies sont rares. « Entre un CDD qui est déjà formé et un apprenti qui doit encore développerses compétences, cela ne leur apporte pas grand-chose.Celles qui développent ce type de pratiques ne restentpas longtemps dans le giron de l’apprentissage », as-sure M. Marietti. Pour rompre un contrat après que les deux mois de la période d’essai ont été effectués, ilfaut que les trois parties trouvent un accord.

Bref, mieux vaut bien réfléchir avant de s’engagerdans la voie de l’apprentissage. L’artisanat, premier employeur d’apprentis en France, a mis en place des centres d’aide à la décision. Ils permettent aux étu-diants d’obtenir tous les renseignements utiles avantde se lancer dans cette double vie. « On peut les aider àtrouver une entreprise, mais on travaille aussi sur la va-lidation de leur projet, explique Yann Durand, direc-teur régional formation à la Chambre de métiers et del’artisanat de la région Bourgogne. On s’assure qu’ils aient une vision précise du métier qu’ils veulent faire.Nous proposons aussi souvent un stage en entreprise avant de signer le contrat. »

A la fin de leur apprentissage, d’un ou deux ans engénéral, les étudiants ont franchi les obstacles qui les séparaient auparavant du monde de l’entreprise. Ne leur reste plus qu’à gravir le col le plus difficile : celuidu marché du travail. Qu’ils se rassurent, ils ont une longueur d’avance sur le peloton venu du cursus clas-sique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon le Cé-req, le taux d’emploi des apprentis sortant de l’ensei-gnement supérieur de la génération 2010 est de 85 % à 90 % après trois ans de vie active. Alors quepour l’ensemble des sortants (diplômés et non diplô-més), il est de 78 %. Mais ces chiffres ne reflètentpas forcément l’exacte vérité. Le Céreq souligne en ef-fet que les étudiants qui accèdent à l’apprentissagesont souvent plus favorisés, avec des réseaux profes-sionnels plus performants que les autres. Les bons taux d’emploi ne seraient donc pas un effet spé-cialement dû à l’apprentissage, mais davantage auxorigines sociales. Apprentis et non-apprentis ne se-raient pas forcément des populations comparables statistiquement.

En revanche, le salaire net médian est bien meilleur :1 915 euros net après trois ans pour les étudiants qui sont passés par l’apprentissage, contre 1 800 euros net pour les autres. p

paul giudici

Selon le Céreq, le tauxd’emploi des apprentis sortantde l’enseignement supérieur

de la génération 2010est de 85 % à 90 % après trois ans

de vie active

Repères

Où trouver les forma-tions Le moteur de rechercheArtinavigue recense, par mé-tier, toutes les formations de l’artisanat (du CAP au mas-ter 2). Les journées portes ouvertes des écoles, universi-tés et autres centres de forma-tion d’apprentis (CFA) sont l’occasion de rencontrer équi-pes enseignantes et élèves. Lesplus indécis peuvent se rendredans l’un des organismes pu-blics chargés de l’intégration professionnelle des jeunes, ré-pertoriés sur le site Internet Orientation pour tous. Les Centres d’information et d’orientation (CIO), par exem-ple, permettent de rencontrerdes conseillers-psychologues. Qui sont le plus à même de faire le lien entre une person-nalité et un marché du travail local.

Comprendre le contrat Les commentaires postés sur les forums spécialisés révèlentque les apprentis ne veulent pas signer les yeux fermés : « Puis-je faire des heures sup-plémentaires ? », « Dois-je payer l’impôt sur le revenu ? »,« Aurais-je droit au chômage en fin de contrat ? » Autant dequestions pointues auxquellesrépondent les fiches pratiquesmises en ligne par le ministèredu travail. Celle consacrée au contrat de professionnali-sation fait une quinzaine de pages. Pour des informationsplus complètes, on peut se ré-férer aux deux fascicules de LaDocumentation française inti-tulés Guide de l’apprenti et Se former en alternance. Articles de loi, contrats types, notices explicatives, tout y est.

Evaluer son salaire La rémunération minimum, qui peut varier de 361 à 1 445 euros, est encadrée par laloi. Plusieurs critères entrent en ligne de compte : le type decontrat (apprentissage ou pro-fessionnalisation), l’âge et le niveau de formation du postu-lant ainsi que le secteur d’acti-vité (public ou privé).Le simulateur du site InternetPortail de l’alternance (www.alternance.em-ploi.gouv.fr) permet aux fu-turs apprentis de calculer le re-venu auquel ils ont droit.

Signer un contratà la dernière minute Les entreprises communi-quent beaucoup sur l’alter-nance. Le Crédit agricole, par exemple, publie très régulière-ment des offres d’emploi sur lapage Facebook SOS Apprentis. Plusieurs salons étudiants ont lieu cet été. Il n’est donc pas trop tard pour démarrer en sep-tembre. Les rendez-vous Study-rama « Où s’inscrire ? » sont prévus le 5 juillet à Toulouse, Bordeaux et Paris. Ce dernier sera exclusivement consacré à l’alternance. Mille postes serontproposés par des BTS, IUT ou écoles de commerce partenai-res d’entreprises comme RTE (filiale d’EDF) ou Econocom (services numériques aux en-treprises). Le salon de L’Etudiant« Où s’inscrire » ouvrira ses portes les lendemains et sur-lendemains à Paris.

Le 21e siècle vit au rythme des révolutions numériques.Au cœur de ces nouveaux mondes, l’informatique etles réseaux.Pour imaginer demain, concevoir, développer, partager,l’avenir est ouvert aux femmes et aux hommesqui associent le métier d’ingénieur à l’expertise del’informatique avancée.

Aujourd’hui, une école forme celles et ceuxqui inventent notre futur, EPITA.

Étab

lisse

men

td’e

nseig

nem

ents

upér

ieurp

rivé.

Cette

écol

ees

tmem

bre

de

apprentissage.epita.frÉTABLISSEMENT D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉÉCOLE RECONNUE PAR L’ÉTAT - TITRE CERTIFIÉ DE NIVEAU I PAR LA CNCP

14-16, rue Voltaire 94270 Le Kremlin-BicêtreTél. 01 44 08 01 01 - Fax 01 44 08 01 99

www.facebook.com/epita

Page 37: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

0123Jeudi 12 juin 2014 Alternance | U N I V E R S I T É S

& G R A N D E S É C O L E S | 3

La chasse au contratFrilosité des employeurs liée à la crise, méconnaissance de l’alternance, mauvaises expériences…

Décrocher un contrat suppose une recherche d’emploi assidue. L’appui de l’école où se déroule la formation est indispensable

Aux jeunes candidats à un contrat enalternance, Rachel Mandrella donnece conseil : « Ne vous découragez pasface aux retours négatifs. » La recher-

che d’une entreprise d’accueil relève en effet, souvent, du marathon.

Pour se démarquer, la jeune femme a choiside faire le master management des ressources humaines de l’université Lille-I en alternance. La formule lui a donné « une expérience bien plus significative qu’un stage », mais lui a de-mandé un important investissement, avantmême le début des cours. « En 2013, j’ai com-mencé à démarcher les entreprises dès mars, ra-conte-t-elle, et j’ai intensifié mes démarches en juin, lorsque j’ai été reçue à Lille-I. J’en ai con-tacté plus de 150, par téléphone et par courrier.Mais très peu prenaient des contrats de profes-sionnalisation. » Une piste indiquée par un an-cien du master qui a débouché sur une mis-sion d’assistante en ressources humaines àl’Association pour la formation profession-nelle des adultes (AFPA).

La chasse au contrat est la principale diffi-culté à laquelle se heurtent les candidats à l’al-ternance. Selon une enquête de juin 2013 par lesite d’emploi Regionsjob.com, pour 78 % des personnes interrogées, la recherche d’entre-prise est jugée « difficile ». S’ils ont presque tous fini par trouver, 18 % seulement des jeu-nes ont signé un contrat dans un délai d’un mois, 37 % en moins de trois mois et, au to-tal, 86 % étaient placés au bout de six mois.

De fait, la formule engage beaucoup plusqu’un stage. Salarié à part entière, l’alternant bénéficie d’un tutorat et évolue pendant un à trois ans dans l’entreprise. Plus délicats par définition, ces recrutements pâtissent aussid’une conjoncture économique morose. Mal-gré des incitations gouvernementales diver-ses, les contrats d’apprentissage et de profes-sionnalisation ont perdu du terrain entre 2012 et 2013, respectivement 8 % et 5,7 %.

Mais la crise ne serait pas le seul facteur àprendre en considération : « Un certain nom-bre d’entreprises rejettent le dispositif à la suite de mauvaises expériences », constate Morgan Marietti, délégué général de l’Association na-tionale des apprentis de France (ANAF), poin-tant le taux élevé de ruptures de contrat, de l’ordre de 15 % dans le supérieur.

Evaluation de la culture professionnellePour surmonter les réticences, il invite les

jeunes à raisonner en termes de « mission » plutôt que de « contrat » et à présenter aux en-treprises les compétences qu’ils peuvent leur apporter en fonction de leurs besoins. Cela suppose d’avoir mûri son projet et de s’être renseigné en amont sur le métier. « En entre-tien, les entreprises cherchent à évaluer votre culture professionnelle et votre savoir-être », té-moigne Annsi Bourgoin, apprenti dans un hô-tel 5 étoiles à Paris. Après une année de mise à niveau à l’école Grégoire-Ferrandi et la prépara-tion des examens d’entrée au BTS art culi-naire, arts de la table, art du service, le jeune homme y était préparé. « Dans l’ensemble, ma promotion n’a pas peiné à trouver des em-ployeurs, assure-t-il. Cela est lié au fait que lesecteur recrute beaucoup, mais aussi au soutienet au réseau de l’école. »

Si l’anticipation et les recherches personnel-les sont importantes, l’appui de l’école est crucial car il permet d’accéder à des offres ci-blées grâce, par exemple, à des partenariats.

« La PME dans laquelle je terminais mon stage de DUT ne connaissait pas bien le fonctionne-ment de l’apprentissage, il fallait leur en expli-quer tous les aspects, alors que le groupe aéro-nautique où je travaille désormais a un accord avec l’école », note Quentin Girard, élève ingé-nieur à l’Ecole des mines d’Alès.

Les questions pratiques ne sont pas à négli-ger : « Il est important pour les entreprises de connaître le rythme de l’alternance », confirme Rachel Mandrella. Selon leur activité, elles se-ront sensibles à une organisation des cours et des missions sur une semaine ou sur un mois. Un des principes de l’alternance étant la cohé-rence entre les tâches au travail et la forma-tion, mieux vaut s’assurer, avec l’école, du champ à prospecter. Lors de sa prérentrée en li-cence professionnelle habillement, mode et textile à l’université de la mode, Julie Labroue asu qu’elle n’était pas tenue de trouver un con-trat dans le secteur du vêtement mais qu’elle pouvait aussi solliciter une mission dans l’en-treprise de maroquinerie où elle faisait un stage à Paris, après un BTS design de mode. « En alternance, explique-t-elle, j’ai un travail plus varié, plus de responsabilités, et je suis alléechez des fournisseurs à l’étranger. Je dois conci-lier deux vies, mais j’ai intégré des réseaux et j’ai déjà des contacts pour la suite de mon par-cours. » Une fois poussée la porte d’une entre-prise, plus rien n’arrête les alternants. p

aurélie djavadi

VOICI quatre pistes à consi-dérer pour trouver «son »entreprise.Consulter les sites des groupes En mars 2014, l’Ecole de mana-gement de Normandie et l’agence Noir sur Blanc ont consulté 140 entreprises sur leurs perspectives de recru-tement en alternance. Alors qu’elles ne représentaient que 16 % du panel, les gran-des entreprises concen-traient 96 % des offres. Un gisement à explorer en visitant les rubriques recru-tement de leurs sites Web. Ne pas se mettre d’œillèresLes entreprises n’expriment pas toujours leurs besoins. Les candidatures sponta-nées restent donc les bien-venues : la moitié des

alternants interrogés par Regionsjob.com ont trouvé un contrat par ce biais. Ne vous limitez pas aux marques les plus connues : « Lorsque je cherchais un contrat dans le secteur du vêtement, je me suis intéressée à tous les ni-veaux de gamme, note Julie Labroue, étudiante à l’Univer-sité de la mode. Il faut aussi élargir son périmètre géogra-phique. » Selon une étude en Ile-de-France (Bref thématique n° 36, déc. 2012), la plupart des apprentis « sont amenés à étu-dier dans des CFA ou à tra-vailler dans des entreprises qui ne sont pas situées dans leur département de résidence ». Le secteur public, pourquoi pas ? L’apprentissage est en-core marginal dans les collec-tivités et les services de l’Etat

mais il existe des pistes mécon-nues. Pour sa campagne de re-crutement du 15 mai au 15 sep-tembre 2014, la Ville de Paris recherche aussi bien des profils en communication et secrétariat qu’en informatique et environ-nement. S’informer sur les partenariatsavec les entreprises Filiale de Capgemini, Sogeti a, par exem-ple, ouvert un parcours en con-ception et développement des systèmes d’information avec Pa-ris-XIII-Nord.

A la rentrée 2014, un « parcoursdiplômant Deloitte » accueillera des bac + 3 grâce à un partenariat entre le cabinet d’audit et l’Ecole supérieure de gestion et d’exper-tise comptable. Ce type de cursus permet de décrocher à la fois une inscription et un con-trat. p a. dj.

Conseils pour une recherche optimale

Kévin Coupé, en pleine

démonstration à l’EIML.GWEN DUBOURTHOUMIEU POUR « LE MONDE »

Page 38: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

4 | U N I V E R S I T É S& G R A N D E S É C O L E S | Alternance Jeudi 12 juin 2014

0123

Le cursus La répartition des périodes de cours et de

Mais le contrat, encadré par le code du travail, donne

Avant de s’engager dans la recherched’une entreprise, il est importantde comprendre comment le dispo-sitif fonctionne concrètementdans le secteur d’activité choisi : lecontenu des cours à l’université ou

dans l’école et le volume de travail personnel exigé ; le rythme dans l’entreprise et les tâches assi-gnées à l’alternant ; les droits et devoirs de chacun.Qu’apprend-on en cours ? L’alternant acquiert àl’université (ou dans une école) des connaissan-ces lui permettant d’obtenir un diplôme. « Le but est d’apprendre un métier en continuant à aller en cours », résume Ornella Giner, 27 ans, qui a ob-tenu en 2012 une licence de gestion hôtelière en alternance. Les savoirs acquis sont à la fois théori-ques et pratiques. « Une fois mis en application en entreprise, ils deviendront des compétences », ex-plique Yves Cimbaro, président de l’Association nationale pour l’apprentissage dans l’enseigne-ment supérieur (Anasup). Tout au long du cursus,la progression de l’alternant est suivie de près parun tuteur au sein de l’université ou du lieu de for-mation. C’est ce dernier qui assure le lien avecl’entreprise.Qu’apprend-on en entreprise ? Sous la sur-veillance d’un tuteur (un maître d’apprentissage,par exemple), l’alternant confronte ses savoirs àla réalité. Il se voit ainsi confier un poste de tra-vail et des objectifs en rapport avec ses études. « Ce qu’il fait dans l’entreprise est défini en fonc-tion des besoins de l’entreprise, et notamment deceux du responsable de service », explique Natha-lie Albertin, responsable du recrutement des al-ternants au sein de Schneider Electric France.Plus le temps passe, plus les responsabilités qui lui sont confiées augmentent. « Au début, lejeune découvre tout. Puis on lui laisse de plus en plus d’autonomie », poursuit Nathalie Albertin.Les alternants acquièrent donc par la pratique unvéritable savoir-faire, mais aussi un savoir-être que l’on n’obtient pas forcément sur les bancsdes facultés.A quel rythme ? L’alternance requiert un aller-re-tour permanent entre l’entreprise et le lieu de for-mation », estime Yves Cimbaro. Elle nécessite donc un partage équitable de l’emploi du temps (chargé) de l’alternant. Les périodes passées à l’université et sur le poste de travail peuvent se

découper de plusieurs manières, en fonction du secteur d’activité, de la formation suivie ou en-core du semestre d’études. Le partage peut ainsi être de deux jours passés à l’école, puis de trois enentreprise. La rotation peut aussi se faire sur des plages d’une semaine, d’un mois ou même plus.« L’important est de respecter la saisonnalité dessecteurs d’activité et les contraintes pédagogi-ques », raconte Yves Cimbaro, qui précise que ces périodes s’allongent au fil du cursus.Est-on salarié de l’entreprise ? L’alternance né-cessite la signature d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. « Il s’agit d’un contrat de type particulier, mais soumis au code du travail,analyse Yves Cimbaro. L’alternant a le statut de sa-larié. Il dispose des mêmes droits et obligations queles collaborateurs de son niveau. » Le salaire ob-tenu peut atteindre jusqu’à 78 % du smic, selon cedernier. « Chez Schneider Electric, la rémunérationest fixée par la convention collective de la métallur-gie, à laquelle on applique un coefficient majora-teur », explique Nathalie Albertin. Le salaire y est fixé par une grille, en fonction du type de contrat,de l’âge de l’alternant, de sa formation et du se-mestre d’études.Comment réussir son alternance ? Il faut sa-voir s’adapter rapidement à un emploi dutemps souvent très chargé. « L’alternance estmoins confortable qu’un cursus classique, car lerythme est soutenu : à l’école les exigences sontles mêmes ; à cela s’ajoute le travail en entre-prise », explique Nathalie Albertin. « Le plus bi-zarre pour moi a été les horaires décalés en en-treprise, le travail le week-end… Je n’étais pas ha-bituée », se souvient ainsi Ornella Giner.

Autre obligation, l’alternant ne peut être pas-sif. « Il faut être curieux, explique Ornella. Onest considéré comme un adulte, il faut savoir po-ser des questions. » Mais il ne faut pas pourautant solliciter n’importe qui : « Les jeunespeuvent avoir du mal à comprendre les organi-grammes et donc à respecter les niveaux hiérar-chiques », analyse Yves Cimbaro.Qui note ? En entreprise, la notation a lieu en si-tuation de travail. Elle est effectuée par le tuteurde l’alternant. « Elle se fait en fonction de la ma-quette pédagogique et de la progression dujeune », explique Yves Cimbaro. Le comporte-ment de l’alternant est également pris en

800ÉTUDIANTSDISPONIBLES ENALTERNANCE

DE LA3E À LA 5E ANNÉE

e-businessCommercialRessources Humaines

Marketing FinanceContrôle de gestion Hôtellerie

Contact : [email protected]

www.groupeesg.fr/entreprise

4 ÉCOLESDECOMMERCE

Page 39: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

0123Jeudi 12 juin 2014 Alternance | U N I V E R S I T É S

& G R A N D E S É C O L E S | 5

en pratique celles en entreprise dépend du secteur d’activité. des obligations aux écoles, aux employeurs et à l’étudiant

compte. Chez Schneider Electric, la réalisationdes objectifs est évaluée annuellement, lorsd’un entretien d’appréciation. « Par ailleurs, letuteur en entreprise et le tuteur de l’organisme deformation se réunissent au moins une fois par an », explique Nathalie Albertin.

A l’université ou dans une école, la notation estplus classique, lors d’examens : l’alternance per-met en effet l’obtention du même diplôme que celui obtenu par ceux qui suivent le cursus tradi-

tionnel. S’agissant des notes universitaires, Sch-neider Electric se veut une entreprise conci-liante : « Si le jeune rate son diplôme mais qu’ils’est donné les moyens de réussir en entreprise,alors nous autorisons le redoublement », expli-que Nathalie Albertin. Selon elle, la rupture de contrat est très rare car « l’alternance engage àaccompagner le jeune vers l’obtention de son di-plôme ». p

maxence kagni

Questions de financementsSi la rémunération de l’alternant n’a pas changé, le financement de l’apprentissage a été modifié

Le mode de financement de l’alternance dif-fère selon le type de statut : apprentissage oucontrat de professionnalisation. Les rému-nérations de l’alternant ne sont pas non plus

identiques dans les deux cas. Mais les deux disposi-tifs sont particulièrement intéressants pour les em-ployeurs. Objectif les inciter à embaucher des jeunes.Financement de l’apprentissage L’apprentissage,qui représente une dépense totale de quelque 10 milliards d’euros, est majoritairement financé par les régions, l’Etat, et la taxe d’apprentissage ap-pliquée aux entreprises. Après le vote, le 27 février,de la loi relative à la formation professionnelle, àl’emploi et à la démocratie sociale, le financement a été totalement réorganisé. Jusqu’à présent, les2 milliards d’euros de la taxe d’apprentissage étaientdistribués de la manière suivante : le « quota » (55 %du total), réservé aux institutions publiques, se ré-partit entre le Fonds national pour le développe-ment et la modernisation de l’apprentissage (22 %), destiné aux régions, et les centres de formation des apprentis (33 %) ; le « hors quota » ou « barème »(45 %), orienté vers le privé, que les entreprises peu-vent flécher directement vers des formations horsapprentissage. « Cette part peut servir exceptionnel-lement à financer l’apprentissage si la part qui lui est réservée ne suffit pas à financer le coût de l’apprenti et si l’entreprise le souhaite », précise Carole Aboaf,conseillère technique au Conseil national de la for-mation professionnelle tout au long de la vie.

S’ajoute la contribution supplémentaire à l’ap-prentissage (CSA), soit quelque 150 millions d’euros récupérés auprès des entreprises qui n’emploient pas assez d’apprentis. De même, le financement est abondé par la contribution au développement de l’apprentissage (CDA), une taxe représentant 750 millions d’euros, que les entreprises acquittent àhauteur de 0,18 % de leur masse salariale.

A partir de 2015, les régions percevront directe-

ment 56 % du total du financement. Le « quota » des-tiné aux CFA sera de 21 %. La troisième part, 23 %, re-viendra au « hors quota ». La réforme inquiète beau-coup le monde de l’apprentissage. Les entreprisescraignent de perdre la main. Les CFA de l’enseigne-ment supérieur s’inquiètent de voir les régions pri-vilégier l’apprentissage dans le secondaire. « Les écoles peuvent encore attirer une partie de la taxe d’apprentissage grâce à leur réseau d’anciens, mais les universités n’ont pas la même influence », expli-que Laurence Bancel-Charensol, directrice du CFA Sup 2000 et vice-présidente de l’Association pour l’apprentissage dans le supérieur (Anasup).

Financement des contrats de professionnalisa-tion Moins nombreux que les contrats d’apprentis-sage, les contrats de professionnalisation, qui fonc-tionnent aussi sur le système d’une alternance en-tre des cours et des périodes en entreprise,dépendent de la formation continue. Les fondssont collectés auprès des entreprises par les orga-nismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). L’ar-gent finance la formation professionnelle par diffé-rents dispositifs, dont font partie les contrats deprofessionnalisation.Rémunération de l’apprenti Ce dernier touche unsalaire minimum correspondant à un pourcentagedu smic, déterminé en fonction de son âge (de 41 %à 78 % à partir de 18 ans, de 25 % à 53 % pour les mi-

neurs) et de son niveau. Ainsi entre 18 et 20 ans, ilgagne en première année de formation592,61 euros par mois, 708,24 euros la deuxièmeannée, 939,50 euros la troisième. A partir de 21 ans,il touche respectivement 766,05 euros,881,68 euros et 1 127,40 euros. L’apprenti peut ga-gner plus : certaines conventions collectives (Syn-tec, BTP, métallurgie par exemple) et les adminis-trations publiques, prévoient des rémunérationsplus favorables. « L’entreprise peut bonifier ce sa-laire minimum, ou verser des primes aux apprentis,car les cotisations restent identiques, sur la base dusmic moins onze points, détaille Elizabeth Paillet, directrice de Formasup Isère-Drôme-Ardèche. L’ap-prenti peut aussi négocier son salaire. » Les CFA re-versent aux apprentis des aides régionales pourl’hébergement, le transport et la restauration.Autre avantage, la rémunération nette est égale à larémunération brute, et le revenu, dans la limite dumontant annuel du smic, n’est pas imposable.Rémunération du contrat de professionnalisa-tion La rémunération des contrats de professionnali-sation présente aussi des atouts. Elle est majorée pour les jeunes titulaires d’un bac professionnel ou technologique et de diplômes supérieurs. Elle s’éta-blit à 939,50 euros brut mensuel pour les moins de 21 ans, 1 156,31 euros brut pour les jeunes de 21 à 25 ansinclus. Pour les titulaires du bac général ou d’un titre ou diplôme inférieur, les montants sont respective-ment de 794,96 euros et 1 011,77 euros. A partir de 26 ans, la rémunération ne peut être inférieure au smic ou à 85 % du salaire minimum conventionnel.Pour l’apprenti et le jeune en contrat de profession-nalisation, la rémunération peut être plus élevée si l’entreprise ou la convention collective le prévoit. « Les alternants profitent aussi des avantages de leuremployeur, comme le comité d’entreprise », rappelle David Jonin, avocat associé au cabinet Gide. p

coralie donas

L’apprenti touche un salaire minimum correspondant à un

pourcentage du smic, déterminé en fonction

de son âge et de son niveau

DÉPRÉCARISER le statut des apprentis ? La loi du 5 mars relative à la formation profes-sionnelle, à l’emploi et à la dé-mocratie sociale est censée al-ler dans ce sens. Elle offre aux apprentis le droit de préten-dre, dès septembre prochain, à un contrat d’apprentissage en contrat à durée indétermi-née. « Les entreprises et les jeu-nes peuvent choisir ce qui leur convient le mieux », explique le ministère du travail, de l’emploi et du dialogue social, à l’origine de cette loi.

Cette mesure, qui vise à sé-curiser l’emploi de l’apprenti dans l’entreprise, présente es-sentiellement des avantages « symboliques », selon le mi-nistère : « Meilleure autono-mie » du jeune ; accès simpli-fié au crédit et au logement, « les propriétaires étant moins frileux quand ils ont affaire à des personnes bénéficiant d’une stabilité financière » ; plus grande inclination « à fonder une famille ». Si le rôle de l’apprenti dans l’entreprise reste le même, comme son sa-laire, le ministère espère

néanmoins des répercussions positives « sur la motivation au travail, l’investissement dans les tâches confiées ». La mesure pourrait aussi aider les entrepri-ses qui œuvrent dans des sec-teurs peu attractifs. Certaines « misent, forment parfois des jeunes qui, du jour au lende-main, claquent la porte et met-tent à profit ce qu’ils ont appris au service d’une autre entre-prise », regrette le ministère, qui voit dans le CDI un outil effi-cace pour garder l’apprenti à la fin de sa formation.

DévoiementDu gagnant-gagnant ? Oui, as-

sure le ministère, qui souligne que ce nouveau contrat « fait consensus, auprès des syndicats de salariés et des syndicats pa-tronaux ». De fait, le Medef se dit satisfait de cette mesure qui « ennoblit » le statut des ap-prentis. Mais elle est contestée par les formateurs. Gilles Langlo, vice-président de la Fé-dération nationale des associa-tions régionales des directeurs de centres de formation d’ap-prentis (Fnadir), considère que

cette réforme est contraire au principe même d’apprentis-sage. « Elle en dévoie le sens, ex-plique-t-il, puisqu’il s’agit nor-malement d’une formation initiale ayant vocation à offrir au jeune une première expé-rience », contrairement au con-trat professionnel, qui vise, lui, « à l’insérer durablement dans l’entreprise ».

Pour M. Langlo, cette mesurepourrait avoir l’effet inverse de celui recherché. Plutôt que d’at-tirer les jeunes vers l’apprentis-sage, elle risque de les faire fuir, particulièrement ceux en CAP et en bac pro. « Qui rêve à 16 ans d’intégrer pour toujours la même entreprise ? », s’interroge-t-il. Même question pour les employeurs. « Quel est celui qui va se risquer à prendre en CDI un jeune qu’il connaît à peine ? »

Le gouvernement fait le pari inverse. Dès le mois de septem-bre, il lancera une campagne d’information visant à rendre plus attractif l’apprentissage auprès des entreprises, en mi-sant notamment sur ce nou-veau contrat. p

emma paoli

Un CDI pour les apprentis, fausse bonne mesur e ?

Kévin Coupé, qui prépare un diplôme de marketing de luxe, travaille sur tous

ces aspects au Bon Marché. GWEN DUBOURTHOUMIEU POUR « LE MONDE »

Une Grande École

en alternanceApprentissage et Contrat de Professionnalisation

Page 40: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

6 | U N I V E R S I T É S& G R A N D E S É C O L E S | Alternance Jeudi 12 juin 2014

0123

S’organiser pour tenir la distance

Période d’adaptation, transition difficile entre périodes de cours et celles en entreprise : l’alternance suppose rigueur et ténacité

Le cursus en apprentissage ou en contrat deprofessionnalisation implique de jonglerconstamment entre le travail dans l’entre-prise et l’objectif de la formation : réussir son

diplôme. Avant de se lancer, il est important de savoirque « la charge de travail varie en fonction du cycle de production du métier, observe Xavier Bulle, directeur du service de formation continue et de l’alternance de l’université Claude-Bernard-Lyon-I. Et que, plus les diplômes sont élevés, plus les rythmes sont longs, jus-qu’à un mois de cours puis un mois en entreprise. C’est aussi plus intense. »

Il existe une diversité de cadences d’alternance etun rythme adéquat à chaque métier. « Il n’est pas pos-sible d’arriver dans une entreprise au mauvais mo-ment, affirme Philippe Authier, directeur du centre de formation des apprentis (CFA) de la chambre de commerce et d’industrie d’Alsace. Dans la vente, il faut être présent pendant les soldes. Pour les compta-bles, la période la plus intense est celle de novembre à avril, pendant les déclarations fiscales. Dans le bâti-ment et les travaux publics, ce sont les chantiers quidonnent le tempo du quotidien », liste-t-il. La chargede travail de l’apprenti dépend donc du fonctionne-ment du métier qu’il exerce.

« En CAP et en brevet professionnel (BP), la présenceen entreprise est importante pour maîtriser les gestes du métier. Il y a peu de travail personnel », affirmeGwenaël Courtil, formateur en électricité au CFA du BTP Pierre-Paul-Riquet à Toulouse. Pierre Estampe, apprenti en BP maçonnerie dans le même CFA, con-firme : « Ce n’est pas très compliqué d’alterner. Mais la période en entreprise demande de l’énergie. La se-maine de cours permet de récupérer un peu. »

« Après le lycée, les nouveaux apprentis mettent dutemps à s’adapter. Au bout de la première année, on res-sent leur fatigue », remarque Virginie Zint, chargée de l’alternance à l’Institut universitaire de technologie Louis-Pasteur de Schiltigheim, dans la périphérie de

Strasbourg. Même si le temps à consacrer au travail personnel varie selon les individus, une constante : « Les périodes de partiels sont les plus difficiles à gérer »,confirme Sandy Renaudot, apprentie en master 2 cul-tures et métiers du Web à l’université Paris-Est-Mar-ne-la-Vallée. Etre organisé est donc indispensable : beaucoup d’apprentis établissent une liste détailléedes devoirs à accomplir chaque jour par exemple.

Mais, au-delà du travail scolaire à fournir, « le plusdur, ce sont les transitions entre les périodes de cours et celles en entreprise. Cela prend du temps de se re-

mettre dans le bain », résume Grégoire Vallerey, en diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques (Deust) activités de pleine nature à l’uni-versité Lyon-I. Gage d’émulation entre la théorie et la pratique, cet enchaînement est l’un des mo-ments-clés de l’alternance.

Pour bien profiter de cette complémentarité, cha-cun a ses méthodes. Certains restent plus longtemps au travail afin d’avancer dans leurs devoirs. « Cela per-met d’être conseillé sur des travaux de recherche par des professionnels de terrain », reconnaît Anne Reiser, en master 2 ingénierie de la formation et des compé-tences à l’université de Strasbourg. Chaque semaine, elle rend à sa tutrice un court texte de bilan des liens entre sa formation et la pratique. Se tenir au courant de l’évolution des projets de l’entreprise pendant son absence permet aussi d’être plus efficace. Fiona Ma-

thieu, en apprentissage à Webcd, une agence de déve-loppement située dans le Bas-Rhin, s’est vu confier un ordinateur de fonction : « J’accède à ma message-rie électronique interne, explique la jeune femme. Tous les vendredis, l’entreprise envoie une lettre d’infor-mation. » D’autres apprentis choisissent d’appeler toutes les semaines leur entreprise pour garder lecontact. Quelle que soit la méthode, « l’apprentissage requiert une hygiène de vie. C’est une question de ma-

turité », relève Virginie Zint. Pour beaucoup de ces étudiants, les jeudis soir ne sont plus synonymes de sorties. Les vacances aussi sont plus courtes, ellespassent de douze à cinq semaines de congés payés. L’alternance demande donc une vraie motivation. Ri-gueur et concentration au quotidien sont indispensa-bles pour réussir. Mais attention aussi à garder du temps libre. Ne serait-ce que pour récupérer. p

sophie guignon

« A l’université,les périodes

de partiels sont les plus difficiles à gérer »

Sandy Renaudotapprentie en master 2 cultures et métiers du Web

à l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée

Quand les relations se dégradent...

En cas de problème, l’alternant doit en parler rapidement à son maître d’apprentissage et à son tuteur

Relations difficiles avecla hiérarchie, missionjugée décevante, in-compatibilité d’hu-

meur… La situation peut se dégra-der – pour diverses raisons – en-tre l’alternant, son tuteur, son maître d’apprentissage et/ou ses supérieurs dans l’entreprise. Pouréviter que les choses ne s’enveni-ment et qu’on aboutisse à la rup-ture du contrat d’alternance, ilfaut savoir réagir.

Les difficultés rencontrées peu-vent être de nature diverse. Les premiers pas dans l’entreprise, notamment, sont souvent source de malentendus : « Les étudiants découvrent alors la réalité de la vieprofessionnelle, avec ses contrain-tes, ses urgences, ils sont du mal à prendre leurs marques », noteRémi Bourguignon, responsable du master ressources humaines et responsabilité sociétale des en-treprises à l’Institut d’administra-tion des entreprises de Paris… « La mission ne cadre pas toujours avec la formation ou elle n’est pas à la hauteur des attentes du jeune », constate pour sa partSandrine Cadenat, chargée de mission alternance à l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée.

Autre pomme de discorde : unsuivi insuffisant de la part dumaître d’apprentissage, soit parceque celui-ci n’est pas directement en contact avec l’étudiant, ou parce qu’il change en cours de mission. Autant de facteurs dés-tabilisants pour le jeune.

Parfois encore, le courant nepasse pas entre l’apprenti et son « chef ». Plus rarement, l’étudiant se voit reprocher un comporte-ment inadéquat : retards, absen-ces à répétition, manque de rigu-eur ou d’implication. « Mais, en

général, le problème se pose aussi à l’université ou dans l’école, ob-serve Sandrine Cadenat. Cela peutêtre lié aux périodes d’examens »,signale de son côté François-Xa-vier Théry, directeur du dévelop-pement et des entreprises à l’Ecole supérieure de commerce de Montpellier. Tel responsableévoque aussi un larcin, qui s’est soldé par l’arrêt immédiat de la mission…

Mais il faut relativiser l’impor-tance de ces difficultés, qui ne con-duisent que rarement, dans l’en-seignement supérieur, à une rup-ture de contrat. L’ESC Montpellier, l’une des écoles de gestion les plusengagées dans l’apprentissage (avec 650 entrées en 2013-2014), enrecense une poignée chaque an-née. A l’IAE de Paris, on mise sur un changement d’entreprise par an, au maximum, pour trente ap-prentis. « Le plus souvent, les pro-blèmes trouvent une solution par ledialogue et l’on évite la rupture », assure Sandrine Cadenat.

Contact avec les employeursDans tous les cas, un impératif,

sur lequel s’accordent tous les res-ponsables : en parler le plus tôt possible. « Il faut éviter de laisser pourrir la situation », plaide Marc Houalla, directeur de l’Ecole natio-nale de l’aviation civile (ENAC), quia ouvert récemment un cycle d’apprentissage d’ingénieurs à Montpellier. « En s’y prenant trop tard, on peut aboutir à une im-passe, confirme Rémi Bourgui-gnon. La solution la plus simple estde s’adresser directement à son maître d’apprentissage. Après tout, qu’un problème survienne, c’est une situation normale dans la vie de l’entreprise. De notre côté, nous organisons des rendez-vous régu-

liers avec l’employeur pour évoquerces sujets. Cela nous permet d’inter-venir au plus vite et de résoudre les difficultés. »

Les apprentis, il est vrai, ont àleur disposition de multiples in-terlocuteurs : le maître d’appren-tissage dans l’entreprise, le tuteurau sein de l’école ou de l’univer-sité, le responsable pédagogique en charge de la formation. Plu-sieurs établissements, à l’instar de l’IAE de Paris, ont aussi mis en place des référents ou des par-rains, anciens diplômés.

Certaines institutions vont plusloin. A l’IAE de Paris, une journée d’atelier est consacrée à la missionet au comportement à adopter parles élèves durant leur mission. A l’ESC Montpellier, une équipe d’une quinzaine de personnes se consacre à l’accompagnement des apprentis. Chaque candidat est aidé en amont – pour élaborer sonprojet professionnel, décrocher son contrat… L’école procède aussià une présélection des candidats.

La même équipe assure le suivides apprentis durant leur mis-sion : échange trimestriel avec le maître d’apprentissage, livret en ligne à remplir chaque mois, en-tretien professionnel annuel… « Tout le travail en amont permet de minimiser les risques, souligne François-Xavier Théry. Et le suivi permet de déceler très vite les diffi-cultés et de trouver une solution. »

Si la rupture se révèle inévita-ble, elle n’est pas forcément ca-tastrophique. Il s’agit d’un signal d’alarme, qui doit amener lejeune à changer de comporte-ment. Après un premier échec, les « deuxièmes ruptures » de contrat d’apprentissage sont d’ailleurs rarissimes. p

jean-claude lewandowski

Kévin Coupé a sous sa responsabilité entre

30 et 60 personnes. GWEN DUBOURTHOUMIEU POUR « LE MONDE »

Avec Paris Diderotje dis oui

à l’alternance

""

Pour découvrir les formations et les dispositifs en alternanceà Paris Diderot, des expert.e.s m’informent et me conseillent.www.univ-paris.diderot.fr/alternance

Marion H.cheffe d’entreprise

Je participe à la formation de mes futurs collaborateurs.Je transmets mon métier et mon savoir-faireaux étudiant.e.s de niveau BAC + 3 et BAC + 5.

ALTERNANCE

PARIS DIDEROT

Conception:Directiondelacommunication/UniversitéParisDiderot

Page 41: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

0123Jeudi 12 juin 2014 Alternance | U N I V E R S I T É S

& G R A N D E S É C O L E S | 7

Quinze ans après, ce qu’ils en pensentConnaissance étroite de l’entreprise, professionnalisme, capacité à se vendre, réseau solide : quinze ans après,

ceux qui sont passés par un cursus en alternance témoignent de sa valeur ajoutée dans leur carrière professionnelle

Des années après, quelles tra-ces laisse l’alternance dans lavie professionnelle de ceuxqui l’ont choisie ? A écouterSébastien, Sophie (à la de-mande des personnes citées,

les prénoms ont été modifiés) et les autres,passés par cette voie, les toutes premières an-nées de vie active sont celles où ses effets se font le plus ressentir. Et ce, dès l’entretien d’embauche, quand le recrutement dans l’en-treprise d’accueil n’a pas encore eu lieu.

« Lors des rendez-vous, raconte Soizic, 35 ans,en alternance au début des années 2000, ma formation me permettait de montrer que j’avais la tête sur les épaules : je connaissaisdéjà la vie en entreprise et, à la différence d’autres candidats, je pouvais me “vendre” en m’appuyant sur une expérience concrète. » So-phie, 32 ans, passée en 2003 par le master étu-des et stratégies marketing de Sciences Po Pa-ris, estime que cette expérience lui « a permis de démontrer à l’employeur potentielqu’[elle n’était] pas une bleue ». Aux questionsposées par un directeur des ressources hu-maines, elle a pu répondre « avec, en tête, l’as-pect opérationnel des choses ». Elle note d’ailleurs que, par rapport à des condisciplesqui n’étaient pas passés par l’alternance, elle n’a « pas connu de période de chômage au dé-but de [s]a vie professionnelle ».

Plongés dans le grand bain de la vie active,tous soulignent une capacité à être opération-nels beaucoup plus rapidement. Et à tous lesniveaux. D’abord, parce que l’alternance les a « déniaisés » quant aux us et coutumes régis-sant l’entreprise. Elle leur a permis de sauter la case « Candide découvre le monde du tra-vail » inhérente au premier emploi.

Son diplôme d’études supérieures spéciali-sées (DESS, bac + 5 avant l’apparition du mas-ter) droit et habitat effectué à la Fédérationdes offices HLM en poche, Sébastien, 42 ans,

n’a pas perdu de temps à saisir les enjeux deson secteur : « Je savais déjà que le temps du politique et celui du technique étaient diffé-rents. J’avais pu observer les problèmes, les freins de chacun, mais aussi les luttes de pou-voir… » Même ressenti chez Antoine, qui, en 1995, a suivi un DESS de sciences humainestourné vers l’informatique : « Le poids hiérar-chique, les gens rétifs au changement, mais aussi la compréhension des demandes de per-sonnes pas forcément branchées ordinateurs et logiciels étaient des difficultés que j’avaisdéjà appréhendées et auxquelles j’étais en me-sure de faire face dans mon nouveau poste. »

Aujourd’hui inspectrice de recouvrement à

l’Urssaf, Agnès, 34 ans, et dix-huit mois en contrat de professionnalisation entre 2006 et 2007, a pu en mesurer en direct les bénéfices dès sa prise de poste… jusqu’à aujourd’hui.« Et ce, d’autant plus, précise-t-elle, que les pro-motions antérieures n’avaient pas eu cette for-mation en alternance. Or, dans mon métier, chaque jour est une situation nouvelle. L’alter-nance m’a donné le temps de me créer une rou-tine avec des repères dont je me sers toujours aujourd’hui. Si bien que, dès mes débuts dans mon emploi – de la gestion des logiciels à laconnaissance des formulaires –, je me suis sen-tie à l’aise et opérationnelle. »

Pour Sophie aussi, cette période a servi de« laboratoire » à la mise en place d’un vade-mecum toujours valable dans son métier dix ans plus tard. Notamment, « le respect du planning et du budget, ce qui est quand même le nerf de la guerre dans mon secteur ». Lajeune femme en a aussi tiré une règle plus personnelle : « J’ai vite appris à cloisonner tra-vail et vie privée. A ne pas me laisser déborder, à poser mes limites : en cela, l’alternance m’a fait gagner de précieuses années. » Sébastien est formel : les cours lui ont offert « un socle juridique indispensable dont [il se sert] encore aujourd’hui ». Côté entreprise, il s’est consti-tué un réseau qu’il active encore… quinze ans plus tard.

En termes de rémunération, a contrario,beaucoup estiment que leur formation n’a pas fait la différence, des grilles salariales strictement établies dans l’entreprise dans une période de crise où les offres d’emploi ne sont pas légion rendant étroites les marges demanœuvre. Damien, embauché dans l’agencespécialisée dans la création de contenus ré-dactionnels pour Internet où il a effectué son

alternance il y a deux ans, considère en revan-che que son antériorité d’apprenti lui a per-mis de négocier… du temps : « J’ai des horairesflexibles et je travaille à distance, dit-il. Il m’aurait été impossible de négocier de tellesconditions en étant le stagiaire à qui on fait le cadeau de l’embaucher. En un an, mes em-ployeurs ont pu vérifier l’étendue de mes com-pétences. Et moi, connaître tous les enjeux liés à l’entreprise. »

Les années passant, l’effet diplôme s’es-tompe au profit de l’expérience. « Siaujourd’hui je parle encore volontiers de monalternance, confirme Sophie, si je l’ai conser-vée sur mon CV à la rubrique “études et forma-tion”, elle a en revanche disparu de la section“expérience professionnelle”. J’ai désormaisd’autres choses à faire valoir. » Matthieu, di-recteur général d’un média en ligne et passépar un DESS informatique, ironise : « Evoquermon alternance aujourd’hui, près de quinze ans après, cela revient à faire comme ces quin-quagénaires qui mettent en gros qu’ils ont faitune grande école sur leur CV : cela n’intéresse qu’eux. » Néanmoins, chez tous ces cadres, ilreste quelque chose de ces années, notam-ment dans leur politique de management. « Je suis plus enclin à recruter des jeunes en al-ternance, explique Matthieu. Parce que jeconnais le système et que, pour être passé par là, je sais qu’il est efficace. » Quant à Sébastien,il reconnaît faire preuve d’une « bienveillanceet d’une attention toutes particulières àl’égard des jeunes en alternance dans [s]on en-treprise ». « Je prends le temps de les écouter,de leur expliquer et je ne les considère pascomme de la main-d’œuvre d’appoint corvéa-ble à merci. » p

joséphine lebard

Kévin Coupé en cours, à l’Ecole internationale de marketing de luxe.

GWEN DUBOURTHOUMIEU POUR « LE MONDE »

« J’ai vite appris à cloisonner travail et vie privée.

A ne pas me laisser déborder, à poser mes limites : en cela, l’alternance m’a fait gagner

de précieuses années »Sophie, 32 ans

passée en 2003 par le master études et stratégies marketing de Sciences Po

LE POINT DE VUE de Geoffroy Lenclud, manageur informati-que à la Société générale. La banque prévoit de signer 1 400 contrats en 2014.

Un apprenti devient-il un sa-larié comme un autre ?

Etre alternant est la meilleurefaçon de se préparer au fonc-tionnement, y compris hiérar-chique, d’une entreprise. Je prends l’exemple d’un jeune in-génieur informatique que j’ai encadré entre 2012 et 2014. Il vient juste de signer un CDI dans la même direction que moi, celle des ressources et de l’innovation. Son manager est en quelque sorte mon rempla-çant, son nouveau tuteur. Que l’on soit apprenti ou salarié, on est autonome sans être aban-

donné à soi-même. Le passage de l’un à l’autre se fait sans grand bouleversement.

Ce nouveau collaborateur est-il avantagé par rapport à un re-crutement externe ?

Oui, et même doublement avantagé. Tout d’abord parce qu’il prend ses fonctions en con-naissant l’organigramme, les mé-thodes de travail, les infrastruc-tures et les réglementations informatiques. Il est immédiate-ment opérationnel sur des pro-blématiques très complexes. Un atout, pour lui comme pour son manager. L’autre avantage est fi-nancier. Nous valorisons systé-matiquement l’expérience pro-fessionnelle acquise à nos côtés. Un jeune formé puis embauché à la Société générale perçoit entre

1 500 et 3 000 euros de plus par an que s’il venait de l’exté-rieur. Sur la base d’un premier salaire, la somme n’est pas négli-geable.

Les anciens apprentis ont par-fois du mal à se débarrasser de leur image de novice…

Notre dernière recrue est pas-sée d’alternant à interne sans aucune transition. Après deux ans de formation, il était fin prêt. Sa parfaite intégration est peut-être aussi due au fait qu’il ait changé d’équipe. Quoi qu’il en soit, l’alternance est un test pour l’étudiant comme pour l’entre-prise. Ceux qui restent sont donc à la fois motivés et compé-tents. p

propos recueillis par

martin rhodes

« L’apprenti est doublement avantagé par rapport à un recrutement externe »

ISCOM | InstItut supérIeur de CommunICatIon et puBLICIté4, Ci L - 75009 parIs | 01 55 07 07 77 | i f @i c .f

enseIgnement supérIeur teChnIque prIvé

www.i c .f

PROGRAMME GRANDE ÉCOLEtItre CertIFIé par L’état nIveau II - BaC+4

Admission 1ère année à bac, bac+1Admission parallèle 3ème année à bac+2, +3Admission parallèle 4ème année à bac+3

5ème année : programmes BaC+5 en aLternanCeAdmission parallèle à bac+4, +5

PROGRAMMES BAC+5 EN ALTERNANCEMarque et management de l’innovationCommunication et création numériqueStratégie et création de l’événementInternational global communications

Page 42: Le Monde 12-06-2014 (Godard)

8 | U N I V E R S I T É S& G R A N D E S É C O L E S | Alternance Jeudi 12 juin 2014

0123

« J’étais un peu déboussolé au début »Kévin Coupé, 22 ans, contrat de professionnalisation au Bon Marché.En master 2 à l’Ecole internationale de marketing de luxe

ÊTRE, à seulement22 ans, catapulté res-ponsable des ventesau sein du grandmagasin parisienLe Bon Marché estimpressionnant. Qui plus est, quandil faut manager, auquotidien, entre35 et 60 personnes.

« J’étais un peu déboussolé au début, concède Kévin Coupé. On se pose pas malde questions. Comment les équipes vont-el-les me voir ? Vais-je obtenir leur con-

fiance ?… » Pourtant, cet étudiant en mas-ter 2 à l’Ecole internationale de marketingdu luxe n’a pas hésité à signer son contratde professionnalisation en octobre 2013.« Je l’ai vécu comme un soulagement. Cela me permet de financer ma formationet, en plus, d’avoir un bon rythme entre le travail et les cours le vendredi et samedi. »Pour Kévin, qui terminera son contrat en août, cette formation n’a que des avantages. « Cela nous amène petit à petit sur le marché du travail. Nous nous créons notre propre expérience et noscontacts. » p

p. gi.

« C’est plus facile qu’on ne l’imagine »Sam Wilson, 22 ans, apprenti chez André. En master 1 sciences du management, à Panthéon-Assas

NE LUI PARLEZ pasde doutes ou dedéceptions. SamWilson, 22 ans, neretire que du bonde son apprentis-sage chez André.Entré en tant questagiaire enjuin 2013, il saisitl’opportunité de si-

gner un contrat d’apprentissage de deuxans en septembre. Depuis, cet étudiant à Panthéon-Assaspartage sa semaine entre ses cours de sciences du management en master 1 etson poste d’assistant de la directrice commerciale chez le fabricant de chaus-sures. Les contraintes sont importantes : fin des vacances scolaires, charge plus im-portante de travail… Rien ne semble ef-frayer le jeune homme. « C’est plus facile qu’on ne se l’imagine, constate-t-il. On prend rapidement un rythme et l’université fait tout son possi-ble pour aider l’étudiant. Ma seule crainteétait de savoir si j’allais donner satisfac-tion. » Sam est vite rassuré. « J’ai la chance d’avoir une responsable qui est très pédagogue et patiente, du coup j’aitout fait pour lui retourner cette con-fiance. » L’apprenti s’épanouit et a même droit àquelques surprises. « Cela se passe telle-ment bien que j’ai pu travailler avec d’autres départements, sur d’autres mis-sions », s’enthousiasme-t-il. p

recueillis par p. gi.

« J’ai gagné en rigueur et en organisation »Céline Tea, 24 ans, contrat d’apprentissage chez SFR. En master 2 à l’Ecole supérieure de commerce de Montpellier

ELLE A D’ABORDdouté. Et craint de nepas réussir à s’orga-niser, pour ensuitebuter sur un chef« un peu dur » avecelle. Malgré des débuts difficiles à gé-rer, Céline Tea,24 ans, a fini par sur-monter ces désagré-

ments. Entrée en contrat d’apprentissagechez SFR en tant qu’assistante contrôleusede gestion en juillet 2012, la jeune femmeest persuadée d’avoir choisi « la voie royalepour acquérir de l’expérience ». L’étudiante,

en deuxième année de master à l’Ecole su-périeure de commerce de Montpellier, tra-vaille trois semaines par mois en entre-prise.Chez SFR, Céline analyse les résultats, bud-gétise, clôture les exercices… « Je m’éclateavec les chiffres », assure-t-elle. Elle estimeavoir « grandi mentalement et progressésur le plan professionnel ». « J’ai aussi ga-gné en rigueur et en organisation, ajoute-t-elle. C’est vraiment une expérience top ! »Et si elle a eu du mal à s’adapter au rythme, elle n’a aujourd’hui plus qu’un seul regret : « Que mon contrat se terminebientôt. » p

paul guidici

« Une plongée dans le monde professionnel »Jeremy Bergeret, 26 ans, consultant en actuariat, ex-étudiant de l’université Pierre-et-Marie Curie

« APRÈS une licencede mathématiques,j’ai intégré l’Institutde statistique del’université Pierre-et-Marie-Curie, uneécole qui délivre letitre d’actuaire. A cemoment-là, le sys-tème de l’alternancen’existait pas. Mais

beaucoup d’étudiants et de professionnelsqui interviennent à l’école ont insisté pour créer ce parcours. Du coup, en 2012,j’ai eu la chance de faire partie de la pre-mière promotion qui en a bénéficié. Et çaa été une très bonne surprise. Grâce au centre de formation des apprentis de Jus-sieu, qui nous chouchoute et nous pro-pose pas mal d’offres, j’ai trouvé un con-trat d’apprentissage d’un an chez Axa pour ma troisième année. Au début, celan’a pas été évident de s’intégrer à l’équipe.Je n’étais en effet en entreprise que le jeudi et le vendredi. Mais, au final, l’alter-nance s’est très bien passée. J’ai vécu cetteexpérience comme une plongée dans lemonde professionnel, ce qui me man-quait. Je me suis rendu compte qu’appli-quer la théorie au niveau d’une entrepriseest finalement bien plus complexe que lescas d’école. A l’issu de l’alternance, Axa m’a proposé un CDI et même un volonta-riat à Hongkong. Mais j’ai préféré changerd’entreprise pour être consultant en ac-tuariat. Aujourd’hui je suis en CDI dans un cabinet d’audit, de conseil et d’exper-tise comptable. » p

recueillis par m.fr.

« Je suis la seule fille en carrosserie »Lucie Cazayous, 16 ans, contrat d’apprentissage chez un garagiste. En formation en carrosserie au CFA de Pau

« Très jeune, j’étaisdéjà passionnéed’automobile, c’estmon grand frère quim’a transmis le vi-rus. En troisième,j’ai fait mon stagedans un garage etj’ai su que c’était mavocation. J’ai décidéde m’inscrire au CFA

de Pau en formation carrosserie. Avant même de commencer, je savais qu’il fallait mettre les bouchées doubleset me démarquer, car c’est un milieu d’hommes. Une fois inscrite, j’ai fait la tournée des garages avec ma grand-mèreet j’ai fini par en trouver un, spécialisé dans la restauration des vieilles voitures.Le patron m’a prise à l’essai et j’ai fait l’affaire.Il me forme très bien. Maintenant, je saisrefaire une carrosserie, poncer, souder,

mettre du mastic et remettre à neuf unevoiture ancienne. J’ai bossé sur des ToyotaCelika, des Porsche 911, des Mini-Austin de1959, une Citroën DSI Pallas et beaucoupd’autres ! J’adore ce métier, je me sens vraiment dans mon élément. Quand je suis arrivéeau CFA de Pau, il n’y avait que des garçons,je suis la seule fille. Donc je me suis faitcharrier. Mais, dans l’ensemble, ça va. Lorsqu’on parle voitures avec les garçons,ils me disent que ça leur fait bizarre de parler de ces sujets avec une fille… Maismoi, je ne peux pas discuter d’automobi-les avec les filles du CFA coiffure, elles n’yconnaissent rien ! Je me sens aussi un peu en décalage avecles filles de mon âge qui sont en secondegénérale. Je grandis différemment, j’ap-prends à connaître la valeur du travail etde l’argent. Et puis surtout, je ne demandeplus d’argent à ma mère ! » p

recueillis par m. fr.

« Une fille ! Ce n’est pas possible dans ce métier »Aurélie Ricquebourg, 26 ans, contrat d’apprentissage chez un artisan-plombier chauffagiste. En formation en installation thermique en bâtiment au CFA de Pau

« À 23 ANS, j’ai décidé de m’orientervers une formation di-plômante dans le bâti-ment, d’installateurthermique précisé-ment. Avant d’intégrerle CFA bâtiment dePau, j’avais connu unparcours très galère.J’ai démarché des en-

treprises pendant trois ans pour trouverun travail. C’était l’horreur, je me faisaisrefouler à cause de mon âge. Je crois quec’est plus intéressant pour un patron d’avoir un jeune de 16 ans, beaucoup plusmalléable. L’autre argument avancé, c’étaitla crise. Mais le fait d’être une fille a dû beaucoup jouer en ma défaveur. On m’a

dit une quinzaine de fois : “Ooh ! Une fille !Ce n’est pas possible dans ce métier.” C’esttrès dur à encaisser. Au final, j’ai trouvé mon patron grâce au CFA, j’ai passé un en-tretien qui a débouché sur un stage de dé-couverte d’un mois. Là, j’ai dû faire mes preuves, montrer de quoi j’étais capable.Dans la foulée, il m’a fait signer mon con-trat d’apprentissage. J’ai vécu ça commeun énorme soulagement, une libération.Aujourd’hui, ça fait deux ans que je bosseavec lui, ça se passe très bien. Je suis trèsheureuse d’être tombée sur lui, car il estbon formateur. Je vais continuer à étudier.Je compte passer mon brevet profession-nel en génie climatique. C’est la preuve qu’une fille peut travailler dans le bâti-ment. » p

recueillis par maxime françois

Paroles d’étudiantsIls sont en plein cursus dans un CFA ou dans le supérieur. Et en poste et au sein de leur entreprise. Témoignages