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LE MOT DU PRÉSIDENT Chers Sociétaires, Chers Amis, L’année 2016 s’est bien terminée pour notre belle association. Effectivement, notre concours ICC a été un véritable succès, tant sur le plan de l’organisation que sur le niveau des candidats, qui ont brillé par leur excellence. La réception de remise des prix qui suivit à l’Hôtel d’Évreux fut, elle aussi, très réussie. Un grand merci à tous ceux qui nous ont permis de réaliser un si bel événement. Quant à l’année 2017, elle n’a rien à envier à 2016. En janvier, les Cuisiniers de France étaient présents, et ce, pour la première fois, au salon du Sirha. Notre stand sur l’espace Rungis a reçu la visite de nombreux chefs et amis. L’installation d’un studio photo nous a permis de réaliser une belle série de portraits de chefs. Le 25 février, nous avons participé au dîner de gala des Escoffier en l’hôtel d’Évreux, très belle manifestation organisée de main de maître par nos amis de Potel et Chabot. Le 26 février, j’ai été reçu membre auditeur à l’Académie culinaire de France avec de nombreux confrères. Belle et émouvante cérémonie. Le lendemain, j’ai contribué au Trophée Passion, concours international de l’Académie culinaire de France, en qualité de membre du jury et président de l’équipe pour la France. Formidable concours de haut niveau remporté, et j’en suis fier, par le candidat représentant la France, Romain Schaller, sous-chef de notre vice-président Gérard Sallé. La remise des prix qui suivit au ministère des Affaires étrangères fut un moment de convivialité et de rencontre très appréciable, sans oublier la grande qualité des buffets. Le 20 mars, le traditionnel déjeuner des disciples d’Antonin Carême s’est tenu à l’hôtel Peninsula de Paris. Je vous laisse le soin de vous reporter à l’article qui y est consacré dans ce numéro pour vous faire une idée de l’importance et de la qualité de cette manifestation. Un grand merci à tous ceux qui ont contribué à la réussite de cet événement, et plus particulièrement au chef Christophe Raoux, MOF 2015. Le 5 avril, avec nos amis de l’Académie culinaire, nous avons remis la coupe d’or Marius-Dutrey au grand chef japonais Hirochika Midorikawa. Ce moment magnifique d’amitié, de respect et chargé d’émotion fut suivi d’un splendide buffet réalisé par David Réal, chef de l’hôtel Westin de Paris et ses équipes. Pour clore cet événement, nous nous sommes retrouvés dans les cuisines de notre ami et administrateur Nicolas Sale, chef de l’hôtel Ritz, pour un intime et remarquable dîner. Enfin, et pour finir mon propos, je suis heureux et fier que mon ami Joël Robuchon soit le chef du mois et fasse la couverture de ce numéro. Nous entretenons une relation d’amitié et d’affection qui remonte à bientôt quarante ans et je suis ravi qu’il ait accepté de figurer et de se livrer avec quelques- uns de ses plus fidèles compagnons dans notre revue. Merci à toi, Joël, de l’honneur que tu nous fais. Votre bien dévoué. Christian Millet

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1 La Revue Culinaire N°907 mai/juin 2017

LE MOT DU PRÉSIDENT

Chers Sociétaires, Chers Amis,

L’année 2016 s’est bien terminée pour notre belle association. Effectivement, notre concours ICC a été un véritable succès, tant sur le plan de l’organisation que sur le niveau des candidats, qui ont brillé par leur excellence. La réception de remise des prix qui suivit à l’Hôtel d’Évreux fut, elle aussi, très réussie. Un

grand merci à tous ceux qui nous ont permis de réaliser un si bel événement.

Quant à l’année 2017, elle n’a rien à envier à 2016. En janvier, les Cuisiniers de France étaient présents, et ce, pour la première fois, au salon du Sirha. Notre stand sur l’espace Rungis a reçu la visite de nombreux chefs et amis. L’installation d’un studio photo nous a permis de réaliser une belle série de portraits de chefs.

Le 25 février, nous avons participé au dîner de gala des Escoffier en l’hôtel d’Évreux, très belle manifestation organisée de main de maître par nos amis de Potel et Chabot.

Le 26 février, j’ai été reçu membre auditeur à l’Académie culinaire de France avec de nombreux confrères. Belle et émouvante cérémonie. Le lendemain, j’ai contribué au Trophée Passion, concours international de l’Académie culinaire de France, en qualité de membre du jury et président de l’équipe pour la France. Formidable concours de haut niveau remporté, et j’en suis fier, par le candidat représentant la France, Romain Schaller, sous-chef de notre vice-président Gérard Sallé. La remise des prix qui suivit au ministère des Affaires étrangères fut un moment de convivialité et de rencontre très appréciable, sans oublier la grande qualité des buffets.

Le 20 mars, le traditionnel déjeuner des disciples d’Antonin Carême s’est tenu à l’hôtel Peninsula de Paris. Je vous laisse le soin de vous reporter à l’article qui y est consacré dans ce numéro pour vous faire une idée de l’importance et de la qualité de cette manifestation. Un grand merci à tous ceux qui ont contribué à la réussite de cet événement, et plus particulièrement au chef Christophe Raoux, MOF 2015.

Le 5 avril, avec nos amis de l’Académie culinaire, nous avons remis la coupe d’or Marius-Dutrey au grand chef japonais Hirochika Midorikawa. Ce moment magnifique d’amitié, de respect et chargé d’émotion fut suivi d’un splendide buffet réalisé par David Réal, chef de l’hôtel Westin de Paris et ses équipes. Pour clore cet événement, nous nous sommes retrouvés dans les cuisines de notre ami et administrateur Nicolas Sale, chef de l’hôtel Ritz, pour un intime et remarquable dîner.

Enfin, et pour finir mon propos, je suis heureux et fier que mon ami Joël Robuchon soit le chef du mois et fasse la couverture de ce numéro. Nous entretenons une relation d’amitié et d’affection qui remonte à bientôt quarante ans et je suis ravi qu’il ait accepté de figurer et de se livrer avec quelques-uns de ses plus fidèles compagnons dans notre revue. Merci à toi, Joël, de l’honneur que tu nous fais.

Votre bien dévoué.

Christian Millet

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L’excellencedu goût

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3 La Revue Culinaire N°907 mai/juin 2017

Sommaire

p.28

p.72

p.48

p.14p.4

N° 907MAI/JUIN 2017

En couverture, Joël Robuchon

© Sylvain Monjanel

L’excellencedu goût

à la Française

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p.64

4EN COUVERTURE

Joël Robuchon

14 Éric Bouchenoire

18 Propos de disciples

28UN CHEF, UN PARCOURS

Christian Sinicropi

48BISTRONOMIE

Vincent Deyres

64UN HOMME, UNE PASSION, UN PRODUIT

Alexis Munoz

72VIE DE LA SOCIÉTÉ

Déjeuner 2017 des Disciples d’Antonin Carême

84LIVRES À DÉGUSTER

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5 La Revue Culinaire N°907 mai/juin 2017

En couverture

Il arrive à l’heure dite avec son « double » Éric Bouchenoire, dit « Boubouche » au Pouilly-Reuilly. Le restaurant de Christian Millet, notre président et ange gardien des chefs-d’œuvre en péril pour avoir su faire perdurer cette enseigne en respectant à la lettre son décor originel. De ce temps où Curnonsky avait son rond de serviette, se réga-lant du « ris de veau à la morvan-delle » cuisiné par Mme Roussillon, couronnée d’une étoile en 1951. Joël Robuchon approchait alors de l’âge de raison, grandissant dans son Poitou natal qu’il n’imaginait pas quitter un jour. Puis, fort d’une notoriété universelle, d’y revenir plein d’usages et raison, tel Ulysse, et enseigner le reste de son âge. Dans son propre institut, tant qu’à faire ! C’est le sujet qu’il souhaite aborder en priorité et qui meublera l’inter-view de l’apéritif jusqu’aux entrées : salade de lentilles, museau vinai-grette, harengs pommes à l’huile servis par Sabine, fille de Christian. Ce désir d’enseigner, Joël Robuchon le révèle pour la première fois à Élisabeth de Meurville* en 1995, à la veille de sa (simili) retraite des fourneaux et d’une conquête plané-taire dont le rayonnement cimen-

Joël RobuchonDe Montmorillon à ses maîtres et ses disciples

Dix, vingt, trente étoiles… Pour Joël Robuchon, le mot « galaxie » convient. Pluie stellaire qui ne l’empêche pas de garder les pieds sur terre. La sienne. Poitevine. Mais l’ancrage de son institut sur sa terre natale prend du retard du fait de l’administration et, comme tout bâtisseur d’empire, il ne badine pas avec le temps. Futur, présent, mais aussi passé dont il sait si bien parler lorsqu’il s’agit d’évoquer avec reconnaissance et affection les maîtres, artisans et chevilles ouvrières de sa réussite. Dont le sceptre sera l’Institut international Joël-Robuchon… mais toujours à Montmorillon ?

tera ses intentions de fonder une école d’envergure internationale, dont il esquisse déjà les premiers contours : «  Il manque en Europe, et même dans le monde, un ensei-gnement de la cuisine “haut de gamme” plus approfondi, afin de permettre aux cuisiniers de comprendre les phénomènes et réactions, de maîtriser les tech-niques, et surtout de découvrir ces produits que personne ne maîtrise. Le propos n’est pas de savoir si on enseigne la cuisine d’untel ou untel dans les écoles, mais d’inculquer les bases qui autorisent chacun à créer sa cuisine. J’aime beaucoup le côté pédagogique des choses. Cela me plairait énormément. Voilà des mois que je réfléchis à me lancer dans l’enseignement. »

Montmorillon

Il lui faudra, non pas des mois, mais vingt ans, jusqu’en novembre  2015, pour que ce rêve se concrétise, l’Institut internatio-nal Joël-Robuchon, dans lequel il s’impliquera totalement :

« Pour moi, bâtir une école, c’est le projet d’une vie. Et lorsqu’il ne me sera pas possible d’y être présent physiquement, les tech-niques du e-learning me permet-tront d’enseigner à distance. »Parole d’évangile qui suscite aussi-tôt un déluge de propositions, tant dans l’Hexagone qu’à l’étranger. Mais son cœur penche vers la terre de ses ancêtres, le Poitou, pour y fonder le « projet de sa vie ». Le mi-racle sera au rendez-vous puisqu’il s’agit de la Maison-Dieu, à Mont-morillon.Un lieu idéal que ce joyau du pa-trimoine du XIe siècle qui, après avoir été sacré, fut hospice. Et un morceau de choix pour la presse régionale se faisant l’écho de l’évo-lution du projet auquel souscrit des deux mains Jean-Pierre Raffarin, sénateur de la Vienne, prompt à convaincre un groupe d’investis-seurs chinois de s’engager à hau-teur d’une enveloppe initiale de 65 millions d’euros. Enfin, une aubaine formidable pour le département

de la Vienne, lui assurant la créa-tion de deux cents

emplois directs — et le double d’em-plois indirects — et la valorisation de son image dans le monde entier.

« Bâtir une école, le projet d’une vie ! »

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La Revue Culinaire N°907 mai/juin 20176

L’école de Lausanne

L’affaire va suivre rondement son cours. Dans l’enthousiasme général, les architectes Pierre-Yves Rochon et Pascale Le Corre sont choisis pour réhabiliter cette Maison-Dieu, classée Monument historique qui, avec ses nombreux édifices bâtis sur dix hectares — l’Octogone, la

chapelle sépulcrale Saint-Laurent, le Donjon, le Chauffoir, la Grange des Dîmes et ses bâtiments monas-tiques —, est au propre comme au figuré, l ’endroit béni pour incarner l’excellence à tous les niveaux. À savoir  : un campus pouvant accueillir 1400 étudiants, un am-phithéâtre multimédia, l’école de

gastronomie (20 salles de classe, 19 laboratoires), l’hôtel d’application,

ouvert à la clien-tèle extérieure, l’hôtel positionné «  boutique pa-lace » (15 suites de luxe), l’Octogone

du vin, le potager. Sans oublier sept pôles de restauration, de la bras-serie à la table gastronomique de 40 couverts.

«  Robuchon — École de Lausanne : accord historique ! »

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7 La Revue Culinaire N°907 mai/juin 2017

Objectif : former 30 000 jeunes en vingt ans, mais pas seulement. Dans ce complexe, la dimension « 3 D » – « Je découvre, je dîne, je dors » — est propo-sée à tous les visiteurs qui veulent s’imprégner de l’univers de la haute gastronomie au sein de ce haut lieu. Enfin, parachevant ce monument dédié à l’excellence, un accord his-torique est signé le 9 juin 2016 avec

l’école hôtelière de Lausanne. La référence mondiale dans le secteur qui, pour avoir refusé toute alliance

depuis sa création, fait ainsi une exception en acceptant d’apporter ses compétences et son inimitable savoir-faire

dans un partenariat constructif et innovant avec Joël Robuchon.

Dans le flou

La boucle est bouclée, en apo-théose. Quand un événement vient à faire trébucher le projet sur ses ruines. Juin 2016, l’INRAP (Institut national des recherches archéolo-giques préventives) remet son rap-port concernant les fouilles qui ont été réalisées sur le site au service régional d’archéologie.

« Fin 2019, date butoir ! »

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La Revue Culinaire N°907 mai/juin 20178

Pavé de plus de trois cents pages qu’il faut maintenant éplucher, puis valider. Et voilà le projet englué dans la nasse des lenteurs admi-nistratives, repoussant de facto, l’inauguration prévue fin 2018 à fin 2019, date assortie d’une réserve sibylline : « Ce délai ne pouvant être tenable que si un dialogue constructif et itératif (fréquent) avec l’administration a lieu. »Voilà qui lui remet en mémoire un célèbre proverbe africain se-lon lequel tout homme de grande expérience qui disparaît, c’est une

bibliothèque qui brûle. À quoi bon créer un institut si c’est seulement pour qu’il porte son nom ?« L’enseignement prodigué par un professeur à ses élèves n’a aucune commune mesure avec celui dispensé par le maître à ses disciples. »C’est ce qu’il professe avant d’ensei-gner dans son Institut. Mais tou-jours à Montmorillon ? L’heure est au doute. S’agissant de capitaux privés, le budget pour les inves-tisseurs appelle un nouveau plan de financement d’une année sur

l’autre, ce qui complique singuliè-rement la chose :« Je conçois que l’on fasse un diagnostic archéologique. Mais pourquoi donc avoir attendu qu’on veuille réhabiliter ce mo-nument classé, alors qu’il est à l’abandon depuis des années ? Si l’on ne veut pas que sa déser-tion en fasse une autre ruine, il faut nous donner au plus vite la garantie que nous pourrons inau-gurer l’institut fin 2019. Au-delà, ce sera trop tard ! »

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9 La Revue Culinaire N°907 mai/juin 2017

Chers visages…

Et de préciser qu’il est désormais attentif à toutes les offres qui af-fluent, du Poitou et du reste du monde… Dont acte ! Mais sacré crève-cœur, sentimentalement très attaché à Montmorillon et tout par-ticulièrement à sa Maison-Dieu. Un lieu qu’il aurait rejoint à 15 ans pour s’orienter vers la prêtrise, après être sorti du petit séminaire de Mauléon, s’il n’avait pas choisi la cuisine. Sur ce, le magni-fique carré de veau arrive sur table rose et à point nommé. Un de ceux que servait Jean Delaveyne, dont Joël Robuchon admire maintenant le portrait. Du futur puis du pré-sent, la conversation en vient au passé. Pas bien difficile d’en arri-ver là, inspiré par le décor suranné de ce conservatoire de la cuisine bourgeoise qu’est le Pouilly-Reuilly, mais aussi musée et galerie de por-traits prestigieux de la profession. Jean Millet, Jean Delaveyne et son regard narquois voisinant avec l’ex-pression réservée de Charles Bar-

«  Le compagnonnage, mon autre famille »

rier. Deux des maîtres de « Poitevin la Fidélité ». Toutefois, dans ces reflets du passé manquent à la cimaise les visages de ceux qui lui ont fait la courte échelle pour atteindre le firmament. D’un geste, d’un conseil, d’une tech-nique, d’un coup de gueule, d’un coup de main. Avant d ’évoquer l ’ influence qu’eurent sur lui les deux géants que furent Delaveyne et Barrier, c’est de tous ceux qui ont éclairé

son passé de leur feu sacré que Joël  Robuchon souhaite mainte-

nant parler : André Fort, Robert Au-ton, Jean Pierre Marton, Jacques Sylvestre, Lucien Vannier, André Treille, André Moreau, Louis Re-verso, Jean Marie Leclercq, Marcel Trompier.

Robert Auton

Sans oublier André David, son ins-tituteur (95 ans !) :« J’avais les larmes aux yeux en le revoyant à Monaco. Je n’étais pas très bon en français, il s’ap-

pliquait alors à me faire com-prendre l’importance de maî-triser la grammaire pour écrire correctement. La grammaire, c’est ma première grande école de la rigueur, avant la cuisine ! »Et comme la syntaxe enseigne le bâtiment des mots, le petit Joël se verrait bien architecte. Mais, les études étant trop coûteuses, c’est au futur et à la première personne du singulier qu’il va décliner le verbe cuisiner : je cuisinerai ! … Et au Relais de Poitiers où il fera ses trois ans d’apprentissage, d’abord sous la coupe d’André Fort puis de Robert Auton. Deux chefs qui ont compté, chacun à leur ma-nière, dans cette enseigne de Chas-seneuil du Poitou, alors qu’initiale-ment il avait été décidé qu’il ferait ses premières armes à la brasserie La Lorraine à Paris. Jusqu’au mo-ment où Jean-Pierre Marton pré-fère le savoir dans une enseigne familiale :« Apprendre dans une petite structure est un privilège, puisqu’on touche absolument à tout. André Fort a été un maître d’apprentissage idéal, m’appre-nant l’organisation, la réalisa-

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tion d’un bon bouillon avec une carotte, un oignon et un aileron de volaille.  C’était aussi un père, qui prit ensuite un chef, Robert Auton. L’archétype de l’ouvrier

accompli à la fois excellent cuisinier, charcutier, boucher, confiseur, pâtissier, sculpteur de glace et lauréat du prix

Prosper-Montagné ! D’une ri-gueur implacable, il m’a trans-mis le devoir de cuisiner dans un univers d’une propreté absolue. Tout en m’apprenant la pâtisse-rie et la cuisine. »

Jacques Sylvestre

Polyvalent, maniaque de la propre-té et héritier des secrets du foie gras poché dans un fond de volaille, du lièvre à la Royale à la façon poite-vine et des soles soufflées qui font la réputation de ce relais en bor-dure de la N10, Joël passe ensuite deux saisons auprès de Jacques Syl-vestre, au Grand Hôtel de Dinard puis à Contrexéville (alors commis saucier). Troisième cuisinier de son parcours, Jacques Sylvestre, précurseur de la restructuration de l’enseignement culinaire en

« Trompier, Lejeune, Vrinat… »