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5 L’Orthodontie Bioprogressive - juin 2011 Le plus important, le plus majestueux monument de l’Antiquité, le plus remarquable par son état de conser- vation, la Pyramide de Kheops (fig. 13) a été édifiée sous la IV e dynastie, à partir de 2520 av. J.-C., et son architecte est connu. Ce fut Imhotep qui lui donna une base carrée de 440 coudées royales (230,50 m). Sa hau- teur initiale de 280 coudées (146,70 m) s’est réduite à 137 mètres de nos jours en raison de l’érosion. Ce qui est extraordinaire est que Thalès, célèbre pour son théorème, utilisa celui-ci pour établir la hauteur de la pyramide, disant « à l’instant où mon ombre sera égale à ma taille, l’ombre de la pyramide sera égale à sa hau- teur ». En plantant un piquet et en mesurant son ombre ainsi que celle de la pyramide, il trouva 276,25 coudées, résultat remarquablement proche de la mesure réelle, 280 coudées Les mesures effectuées de L’architecture et le nombre d’Or Le nombre d’Or et sa renommée doivent beaucoup à l’architecture de monuments considérés à tort ou à raison avoir été construits sur ce concept d’harmonie. Quelques-uns seront examinés. Le nombre d’Or revisité (2 e partie) J.-P. LOREILLE Adresse de correspondance : Jean-Paul Loreille, 1 rue x, 25300 r. E-mail : [email protected] Φ Conférence présentée le 15 juin 2009, à Paris « Les mathématiques sont la poésie des sciences. » Léopold SÉDAR SENGHOR. Figures 13 a et b La pyramide de Kheops réputée être le plus ancien monument construit selon la règle d’Or. Elle mesurait 280 coudées de hauteur et 440 coudées de côté. Ni la pente des faces 14/11 (1,272), ni le rapport hauteur/côté ne sont égaux à Φ. Il faut calculer l’apothème SM d’une face pour trouver exactement le nombre d’Or avec le demi-côté. Dès l’Antiquité, Thalès, auteur de fameux théorèmes, avait calculé sa hauteur en disant : « Le rapport que j’entretiens avec mon ombre est le même que celui que la pyramide entretient avec la sienne » c’est-à-dire qu’en mesurant un bâton planté verticalement et en mesurant son ombre, il déduisait la hauteur de la pyramide et il le fit avec une précision admirable. Sa hauteur étant connue ainsi que sa base carrée, soit 147 m et 233/2 = 116,5, le théorème de Pythagore dans le triangle rectangle SHM, x 2 = a 2 + h 2 . D’où : 116,5 2 + 147 2 = 35 181 et 35 181 = 187,56 et SM/MO = 187,56/116,50 = 1,609 1,61Φ. Les architectes égyptiens ont-ils fait ce calcul ? Peut-être, mais aucun texte n’est arrivé jusqu’à nous pour le confirmer. a b

Le nombre d’Or revisité e partie) Φ - Société ...bioprog.com/IMG/pdf/nombre_d_or_partie_2-2.pdf · Le nombre d’Or revisité L’Orthodontie Bioprogressive - juin 2011 2. Problème

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5L’Orthodontie Bioprogressive - juin 2011

Le plus important, le plus majestueux monument del’Antiquité, le plus remarquable par son état de conser-vation, la Pyramide de Kheops (fig. 13) a été édifiéesous la IVe dynastie, à partir de 2520 av. J.-C., et sonarchitecte est connu. Ce fut Imhotep qui lui donna unebase carrée de 440 coudées royales (230,50 m). Sa hau-teur initiale de 280 coudées (146,70 m) s’est réduite à137 mètres de nos jours en raison de l’érosion. Ce qui

est extraordinaire est que Thalès, célèbre pour sonthéorème, utilisa celui-ci pour établir la hauteur de lapyramide, disant « à l’instant où mon ombre sera égaleà ma taille, l’ombre de la pyramide sera égale à sa hau-teur ». En plantant un piquet et en mesurant sonombre ainsi que celle de la pyramide, il trouva276,25 coudées, résultat remarquablement proche de lamesure réelle, 280 coudées Les mesures effectuées de

L’architecture et le nombre d’Or

Le nombre d’Or et sa renommée doivent beaucoup à l’architecture de monuments considérés àtort ou à raison avoir été construits sur ce concept d’harmonie. Quelques-uns seront examinés.

Le nombre d’Orrevisité (2e partie)

J.-P. LOREILLE

Adresse de correspondance : Jean-Paul Loreille, 1 rue x, 25300 r. E-mail : [email protected]

ΦConférence présentée le 15 juin 2009, à Paris

« Les mathématiques sont la poésie des sciences. »

Léopold SÉDAR SENGHOR.

Figures 13 a et bLa pyramide de Kheops réputée être le plus ancien monument construit selon la règle d’Or. Elle mesurait 280 coudées dehauteur et 440 coudées de côté. Ni la pente des faces 14/11 (1,272), ni le rapport hauteur/côté ne sont égaux à Φ. Il fautcalculer l’apothème SM d’une face pour trouver exactement le nombre d’Or avec le demi-côté. Dès l’Antiquité, Thalès,auteur de fameux théorèmes, avait calculé sa hauteur en disant : « Le rapport que j’entretiens avec mon ombre est lemême que celui que la pyramide entretient avec la sienne » c’est-à-dire qu’en mesurant un bâton planté verticalementet en mesurant son ombre, il déduisait la hauteur de la pyramide et il le fit avec une précision admirable. Sa hauteur étantconnue ainsi que sa base carrée, soit 147 m et 233/2 = 116,5, le théorème de Pythagore dans le triangle rectangle SHM,x2 = a2 + h2. D’où : 116,52 + 1472 = 35 181 et √35 181 = 187,56 et SM/MO = 187,56/116,50 = 1,609 ≈1,61≈ Φ. Les architecteségyptiens ont-ils fait ce calcul ? Peut-être, mais aucun texte n’est arrivé jusqu’à nous pour le confirmer.

a b

Loreille J.-P.

L’Orthodontie Bioprogressive - Vol. 19 - n° 16

nos jours montrent que la pente des faces est de 14/11,la base mesure 231 mètres et la hauteur 146,60 m ; cequi prouve que Thalès avait fait une excellente mesure,si l’on tient compte qu’en 4 550 ans, l’érosion et lepillage des pierres ont probablement affecté lesdimensions originales. Hérodote qui séjourna long-temps en Égypte avait appris des prêtres que « les sur-faces latérales qui sont des triangles isocèles ont uneaire égale à celle du carré construit sur la hauteur de lapyramide. » Les admirateurs du nombre d’Or ont pré-tendu que la pyramide était conçue selon cette règle.

Si l’on considère la pente ou les dimensions visiblesextérieurement, c’est inexact. Il faut recourir au calculpour trouver Φ : le calcul montre que l’apothème* et

le demi-côté sont en relation très voisine de Φ, quicependant n’est pas cité dans les textes des Égyptiensanciens qui pourtant possédaient une écriture. Encoreun mythe* qui devient suspect5.

Le Parthénon est un exemple de l’architecture grecqueantique. D’ailleurs, la lettre grecque Φ qui désigne lenombre d’Or aurait pour origine le nom de Phidias, lesculpteur grec que Périclès chargea de la constructionet de décorer la frise de la façade du Parthénon au Ve

siècle av. J.-C. (fig. 14). Aucun écrit ne l’atteste ; enrevanche, un premier texte indiscutable et connu, LesÉléments d’Euclide, écrit vers 300 av. J.-C., montre larelation du nombre d’Or avec le pentagone, le dodé-caèdre et l’icosaèdre*.

* Les mots marqués d’un astérisque se rapportent au lexique, publié à la fin de la première partie de cet article, page 21du numéro précédent : L’Orthodontie Bioprogressive, décembre 2010.

Figure 14La façade du Parthénon, décorée par Phidias (d’où le nombreΦ). L’architecte était Périclès. Elle présente des proportionsd’Or. À ce titre, elle est l’illustration la plus ancienne dunombre d’Or qui nous soit parvenue. Mais les rationalistesfont remarquer que la règle d’Or varie selon que l’on inclutdeux ou trois des marches qui donnent accès au monument.

Figure 15L’architecture et le nombre d’Or. L’arc de triomphe duCarrousel est réputé s’inspirer du nombre d’Or. Commepour le Parthénon, la règle n’est observée qu’en choisis-sant les repères favorables, la corniche, la frise, l’architra-ve ou le chapiteau.

Le nombre d’Or revisité

L’Orthodontie Bioprogressive - juin 2011

2. Problème de la prolifération des lapins de FibonacciÉnoncé du jeu : au début janvier, un couple de jeunes lapins voit le jour. Il est trop jeune pour procréer.Au début février, il engendre un couple de petits lapins. Par la suite, chaque couple engendre mensuelle-ment un nouveau couple. Un couple ne peut engendrer qu’à l’âge d’un mois. Combien de couples serontcomptés à la fin de l’année ?

1. Parmi les 10 rectangles représentés, quels sont les rectangles d’Or ?

Figure 19Le jeu inspiré du psychosociologue Fechner : parmi cesrectangles, deux seulement sont des rectangles d’Or.Lesquels ?

Tableau ILa proliférationdes lapins.

Solution : si un couple de jeunes lapins est placé dans l’élevage en début janvier, il n’aura un premiercouple de descendants que début février, qui eux-mêmes auront un premier couple de petits lapins au boutd’un mois. Examiner le tableau : au bout de l’année, fin décembre, il y aura 233 couples de lapins, donc 466lapins. Le nombre de lapins est une suite de Fibonacci : 1,2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, 233.

le n° 2 et le n° 9.

Réponse

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car les rectangles étaient déjà construits, et il n’étaitpas demandé aux sujets de construire eux-mêmes unrectangle « idéal » selon leur propre sens esthétique.(Le test est disponible à la fin de l’article [fig. 19].)

Biologie moléculaireet nombre d’Or

Même la biochimie moléculaire est appelée àexprimer Φ. Les nucléotides, les molécules élémen-taires de la vie, comportent un pentose*, un osepentagonal avec 5 atomes de carbone. Et la doublehélice d’ADN qui est formée de deux hélices anti-parallèles dont chaque tour mesure 34 Ångströmet a un diamètre de 21 Å fait apparaître le rapport34/21 = 1,619 ≈ Φ !

La biologie n’a pas échappé à Φ. L’ADN est forméd’un assemblage de nucléotides, chacun étant forméd’une base azotée et d’un sucre, le désoxyribose deforme cyclisée à 5 carbones, donc le pentagone appa-raît à la racine de la matière vivante !

Noter aussi que le VIH, le virus du SIDA, présente uneforme icosaédrique, soit celle d’un polygone à vingtfaces, donc multiple de 5. Il s’agit d’une observation,qui ne préjuge pas d’une volonté « supérieure » maisqui confortent les inconditionnels du nombre d’Or.

Musique et nombre d’Or

Les notes qui se succèdent dans la gamme ou dans unemélodie ne présentent pas entre elles des intervallesquelconques, mais sont convenablement ordonnéespour composer une gamme. La hauteur d’une noteest caractérisée par sa fréquence (nombre de vibra-tions par seconde). Plusieurs gammes sont utilisées,chromatique, dodécaphonique et décaphonique,cette dernière contenant dix intervalles élémentaires,donc un multiple de cinq.

Conclusion

Il serait superflu d’accumuler des preuves de l’omni-présence du nombre d’Or dans notre monde. Le nierserait une négation pure et simple de la rationalitéscientifique. Si l’ésotérisme, le mysticisme et la magiesont écartés, que reste-t-il du nombre d’Or ? Il reste,venu de notre plus ancienne histoire, une séduisanteconception de l’harmonie, une règle qui plaît auregard. Peut-être sommes-nous conditionnés parnotre environnement, la forme des billets de banque,

le format des livres, mais qu’importe si notre sensesthétique est satisfait. Nous avons démontré qu’iln’est pas possible de nier l’existence de Φ commeobjet mathématique.

En faire une règle absolue de beauté serait excessif etRicketts n’est pas tombé dans cet excès.

À maintes reprises, il affirme qu’il faut modérer unerègle par ce qu’il nomme « déviation clinique » etnon pas écart-type, indiquant par là que la variabilitédes formes vivantes est très grande. En aucun cas res-pecter cette norme ne sera un objectif de traitement,c’est tout au plus un guide.

Léonard de Vinci qui préférait dessiner plutôt qu’écrireaura cependant le dernier mot : « Avant de faire decet exemple une règle générale, essaie deux ou troisfois si ces essais produisent les mêmes effets. » n

Bibliographie

1. Bacry H. La symétrie dans tous ses états. Paris : Vuibert,2000.2. Chalavoux R. Nombre d’Or, nature et œuvre humaine.Marseille : Chalagram, 2001.3. Clayet-Michaud M. Le nombre d’Or. Collection Que sais-je ? 13e édition. Paris : PUF, 2009.4. Hartman M. L’enfant et le nombre d’Or. Éd. Abbaye deBoscodon, 2005.5. Jaquier C, Drapier K. Le nombre d’Or : réalité ou fiction.Document Internet, 2005.6. Le Corbusier (Charles Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier).Conférences de Rio. Paris : Flammarion, 2006.7. Le Corbusier. Croquis de voyages et études. Revue LaQuinzaine Littéraire, sept. 2009.8. Le Corbusier, voyageur témoin. Architectural Digest n° 86,août 2009.9. Lejoyeux E. Le compas d’or. Rev Orthop Dento Faciale1982;16(1):81-90.10. Marseillier E. Les dents humaines. Morphologie. Paris :Gauthiers-Villars, 1973.11. Maillard E. Les cahiers du nombre d’Or (Publiés avec leCNRS) I : Albert Dürer, 1960. Le Parthénon, 1968.12. Michel PH. De Pythagore à Euclide. Paris : Les BellesLettres, 1950.13. Philippe J. La beauté, la normalité et la moyenne. RevOrthop Dento Faciale 2004;36:333-43.14. Ricketts RM. Esthetics and law of lip relation. Am JOrthod 1969;54(4):272-89.15. Ricketts RM. A principle of arcial growth of the mandi-ble. Angle Orthod 1972;42(4):368-86.16. Ricketts RM. Provocations and Perceptions in cranio-facial Orthopedics. Rocky Mountain Orthopedics, 1989.17. Ricketts RM. The golden divider. J Clin Orthod 1981;15(11):752-9.18. Vinci (Léonard de Vinci) in : Léonard de Vinci, Dessinsanatomiques (anatomie artistique, descriptive et fonction-nelle) Huard P. Paris : Roger Dacosta, 1961.

Loreille J.-P.

L’Orthodontie Bioprogressive - Vol. 19 - n° 110

Le nombre d’Or revisité

9L’Orthodontie Bioprogressive - juin 2011

Figure 18« La parade du cirque » de Georges Seurat. Les rectangles tracés sur l’image de droite correspondent peut-être à la volontédu peintre qui connaissait le nombre d’Or (© The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN/image of the MMA).

utilise souvent les moitiés, les quarts ou les 5/8, or5/8 = 0,625, proche du 0,618 donc de 1/Φ.

Les surréalistes ont été des utilisateurs convaincusdu nombre d’Or. Seurat est souvent cité (fig. 18).Georges Seurat a suivi le courant impressionniste, ila beaucoup utilisé la technique du pointillisme etses admirateurs insistent sur la place que tient lenombre d’Or dans son tableau La parade du cirque.Il est certain que des rectangles peuvent quadrillerla scène, ce qui a été fait, mais n’est-ce pas un peufacile en présence de verticales et d’horizontalesnombreuses ; quant à Mondrian, le doute n’est paspermis, des rectangles d’Or sont présents dans denombreuses œuvres (fig. 17). Si la haute couture estun art, il faut rappeler qu’Yves St-Laurent a créé desrobes directement inspirées des toiles de Mondrian.Ses recherches, aussi bien en Hollande qu’à Paris,l’ont conduit à une géométrisation de ses toiles oula proportion d’Or est évidente. Il en est de mêmechez Kandinsky dont la peinture s’orchestre commeune formule mathématique. Salvador Dali, suivantsa méthode « paranoïa critique », était fasciné parles oursins qui décoraient sa maison de Cadaquès.Encore le chiffre 5 qu’illustre la symétrie pentara-diaire de l’oursin (fig. 5). Picasso connaissait aussi lenombre d’Or, les rectangles et les triangles abon-dent dans la toile consacrée à un paysage méditer-ranéen (fig. 17).

Ce qui est troublant, c’est que le format des toiles etdes cadres disponibles chez les marchands n’estjamais dans les proportions d’Or, sauf toutefois lestoiles destinées aux marines, plus allongées, qui s’enapprochent.

Botanique et nombre d’Or :la phyllotaxie*

La disposition des feuilles sur la tige d’une planten’est pas due au hasard, ni la disposition des grainessur la fleur de tournesol par exemple qui sont dis-posées selon des spirales logarithmiques qui partentdu centre vers les bords. Le nombre de spirales dansle sens anti-horaire, 34, et dans le sens horaire, 55,sont les termes successifs d’une suite de Fibonacci.Les mathématiciens expliquent que c’est la meilleuredisposition pour placer le plus grand nombre degraines sur le capitule. Beaucoup de plantes ont lesfeuilles disposées selon des spirales et décalées lesunes par rapport aux autres, pour qu’une feuille nefasse pas d’ombre à sa voisine, pour faciliter sonensoleillement et la synthèse chlorophyllienne(fig. 6).

La psychologieet le nombre d’Or

Une expérience curieuse a été réalisée par un psy-chologue et philosophe allemand, Fechner (1801-1887), qui eut l’idée de soumettre au jugement d’unéchantillon de plusieurs centaines de personnes unesérie de rectangles de formats différents. Une préfé-rence statistique est apparue pour les rectanglesdont les longueurs respectives du petit et du grandcôté étaient comme 34 et 21. Ce rapport est égal à1,619, donc voisin de Φ. L’expérience fut contestée,

loisirs et tout est conçu pour fonctionner dans lesilence : Le Corbusier fut un pionnier de l’isolationphonique. Pionnier de l’habitat collectif « social »mais beau, il avait prévu dès 1945 une piscine sur lavaste terrasse de la Cité radieuse. Il a été grossière-ment trahi par les architectes et les constructeurs desgrandes barres des banlieues où justement le silenceet le bonheur de l’homme sont tristement négligés.La figure 16 montre aussi un exemple de villa avec dela lumière, de la verdure et une décoration fortementinspirée de Φ.

La peinture et le nombre d’Or

À la Renaissance, Léonard de Vinci ne pouvait êtreabsent de cette recherche puisqu’il participa à l’ou-vrage de Fra Luca Pacioli, moine mathématicien, inti-tulé De Divina proportionne.

Il n’y a aucun doute sur la connaissance du nombred’Or par Léonard de Vinci, puisque des écrits leprouvent. Il était l’ami de Pacioli qui lui enseigna lagéométrie pour perfectionner les innombrablesmachines qu’il dessina. Il connaissait le problème dela quadrature du cercle et il fut initié aux mystèresde Φ. Vinci était un esprit mystique qui aimait nim-ber de mystère tout ce qu’il entreprenait. Il estconnu qu’il aimait infiltrer dans ses œuvres dessecrets, qu’il protégeait d’ailleurs en écrivant dedroite à gauche dans ses célèbres carnets.

Il est plus difficile de découvrir l’incidence sur lespeintres tels que Botticelli, dont l’œuvre La naissancede Vénus présenterait la divine proportion (fig. 17).Mais le fait que les ailes d’un vent soient coupées afait dire à des critiques que rien ne prouve que c’étaitla volonté du peintre. En fait, et pour semble-t-il uneraison de commodité, la composition des tableaux

Loreille J.-P.

L’Orthodontie Bioprogressive - Vol. 19 - n° 18

Figure 17La « Naissance de Vénus » de Botticelli (© Galleria degli Uffizi Florence). Les adeptes du nombre d’Or dessinent deslignes et des cercles qui figureraient le nombre d’Or. Les critiques hostiles font remarquer que les ailes des vents sontcoupées et que ce tableau serait une partie récupérée d’une œuvre plus grande. Au-dessous, à gauche, aucun douten’est permis pour Mondrian (http://www.ac.rouen.fr) et à droite le « Paysage Méditerranéen » de Picasso regorge detriangles et de rectangles (© Succession Picasso 2011).

Le nombre d’Or revisité

7L’Orthodontie Bioprogressive - juin 2011

Figures 16 a et bLa Cité Radieuse de Marseille, lieu de vie « idéale » pour Le Corbusier, « l’architecte du bonheur », un visionnaire oublié.L’habitat social déjà imaginé dans les années 1945-1950 : remarquer la piscine, le luxe dans un immeuble « social » surla terrasse et les rectangles des façades ; à droite, villa signée Le Corbusier : de l’air, de la lumière, des arbres, du soleil(© photographie Olivier Héliot).

a b

Léonard de Vinci18 était aussi architecte et urbanisteet il proposa un projet futuriste de ville à deuxétages, l’étage supérieur soutenu par des piliers,planté d’arbres et de jardins, pour y vivre et un étageinférieur où se ferait la circulation des marchandises,l’évacuation des déchets par un courant d’eau per-manent, à une époque que les épidémies, dont lapeste, ravageaient, propagée par les rats. Son imagi-nation rêvait d’une Babylone et il était ainsi précur-seur de Le Corbusier7,8.

Plus proche de nous, la cathédrale Notre-Dame deParis s’inscrit aisément dans la Divine proportion.Mais les architectes qui ne sont pas des adeptes de laDivine proportion font remarquer qu’elle n’est passymétrique et que le prétendu symbolisme est artifi-ciel. Sa construction s’est étendue sur une longuepériode depuis 1163 et a connu plusieurs remanie-ments. Construite sur le même plan jusqu’en 1250, ilest apparu que le style roman du début de laconstruction ne s’harmonisait pas avec la grandefaçade gothique très ornée et les parties romanesfurent reconstruites. Le système métrique n’était pasétabli, et les unités des architectes du Moyen Âgeétaient en usage. Le nombre d’Or fut-il utilisé ? Si l’onconsidère la façade, large de 43,50 m et haute avecses tours de 69 mètres, elle est très proche de la divineproportion à quelques mètres près, et ceci malgré lalargeur inégale des tours, la gauche étant plus largeque la droite. La controverse n’est pas résolue : desflèches devaient-elles surmonter les tours latérales ?On ne sait pas si Viollet-le-Duc, qui fit procéder à desrestaurations vers 1850, était ou non favorable à leurconstruction. Comparant Notre-Dame à Chartres ou à

Strasbourg, la réponse serait affirmative, mais lesarchitectes considèrent que les tours n’étaient passtructurées pour supporter la masse de ces flècheshypothétiques, et le mystère reste entier.

L’arc de triomphe du Carrousel à Paris est toujourscité dans les traités d’architecture comme un exemplede la règle d’Or (fig. 15). Ce qui est certain, c’est que,selon que la partie supérieure ou la partie inférieured’une corniche est choisie ou la base d’une colonneavec ou sans son socle, il est possible de trouver desrectangles d’Or. L’affirmation n’est pas convaincante.Il en est de même pour le Parthénon, disent les scep-tiques, selon que l’on intègre une, deux ou trois desmarches de la façade pour tracer les rectangles.

Le Corbusier et le « Modulor »

Né en 1887, Le Corbusier7,8 de son vrai nom CharlesÉdouard Jeanneret, d’origine suisse, était poète,architecte, urbaniste et théoricien d’une nouvellearchitecture orientée vers la vie sociale. Il a profon-dément marqué l’architecture moderne qu’il voulaitintimement liée au bien-être des hommes. Il procla-mait que « les matériaux de l’urbanisme sont lesoleil, l’espace, les arbres, l’acier et le ciment ». Pourdéterminer les espaces adaptés à l’échelle humaine,il introduisit le Modulor, grille de mesures harmo-niques dont la base est la taille de l’homme debout,dans le même esprit que le nombre d’Or.

Sa réalisation d’un immeuble à Marseille, la Citéradieuse, est un modèle d’organisation pour leconfort des habitants (fig. 16). Sur place sont dispo-nibles l’alimentation, l’école, les services de santé, les