Le Parachutage Norbert Zongo

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    Ecrire I'AfriqueCollection dirigee par Denis Pryen

    Deja parusTidjeni BELOUME, Les Sany d'Imane, 2006.Mamady KOULIBAL Y, La cavale du marabout, 2006.Mamadou Hama OIALLO, Le chapelet de Debbo Lobbo, 2006.Lattin WEKAPE, www.romeoetjulietle.unis.com. 2006.Gregoire BIYIGO, Orphee negro, 2006.Gregoire BIYIGO, Homo viator, 2006.Yoro BA, Le tonneau des Danaides, 2006.Mohamed ADEN, Roblek-Kamil, un heros afar-somali deTadjourah, 2006.Aissatou SECK, Et a / 'aube tu t 'en allais, 2006.Arouna OIABATE, Les sillons d'une endurance, 2006.Prisca OLOUNA, Laforce de toutes mes douleurs, 2006SalvatorNAHIMANA, Yobi I 'enfant des collines, 2006.Pius Nkashama NGANOU, Mariana suivi de Yolena, 2006.Pierre SEME ANDONG, Le sous-chef, 2006.Adelaide FASSINOU, J er e e n pdture, 2005.Lazare Tiga SANKARA, Les aventures de Patinde, 2005.Djekore MOUIMOU, Le candid at auparadis refoule, 2005.Koumanthio ZEINAB DIALLO, Les rires du silence. 2005.Koumanthio ZEINAB OIALLO, Les humiliees .... 2005.Amaka BROCKE, Lafille errante, 2005.Eugenie MOUA YINI OPOU, Sa-Mana au croisement desbourreaux, 2005.Lottin WEKAPE, Le perroquet d'Afrique, 2005.Andre-Hubert ONANA-MFEGE, Man village, c 'est Ie monde,2005.Loro MAZONO, La quatrieme poube/le, 2005.Kamdem SOUOP, H comme h..., 2005.Sylvie NTSAME, Malediction, 2005.Blaise APLOGAN, Setcheme, 2005.Bernard ZONGO, Meurtrtssures, 2005.Ivo ARMA T AN SA V ANO, Dans les cendres du village, 2005.Charles OJUNGU-SIMBA K, L 'enterrement d 'Hector, 2005.Patrick Serge BOUTSINDI, Le Mbongui. Nouvelles, 2005.Aissatou FORET DIALLO, Cauris de ma grand-mere.

    Avant-propos- Qui t'a dit d'ecrire au president?J'ouvrais la bouche pour repondre quand une gifle claqua,seche, comme un coup de tonnerre. Une autre plus violentesuivit. Puis une troisieme, puis plusieurs. Je me couvris les

    tempes des deux mains. C'etait un midi, non un matin, non unsoir, non... Dans mon esprit, le temps fondait peu it peu,conune un morceau de beurre dans une marmite chaude encette journee du 27 mars 1981. Pourquoi as-tu ecrit au president?Malgre mes bourdonnements d'oreilles, je compris laquestion du gendarme de la section speciale. Ou sont les preuves, eus-je Ie courage de crier? Legendarme ouvrit rageusement un tiroir de son bureau etjeta itrna figure une feuille volante. Je la saisis, et avant de la lire,j'osai:- A queUe adresse ecrit-on a un tel president? Est-ce untract ou une lettre? Elle n'a pas d'en-tete et elle n'est passignee. Apres tout, est-ce intelligent d'ecrire a un presidentpour l'insulter ?Autant faire un tr...Un coup de poing me renversa avec la chaise. Ce furentles dernieres questions que je posai en une annee entiere dedetention dont trois mois fermes de cellule. Trois jours plustard, j'etais accuse d'atteinte grave it la ~fuete de l'Etat. - Tu es un subversif tres dangereux. A cause de toi quatrecents de nos etudiants sont menaces it l 'etranger. Le plus pire(sic), c'est que tu es un antimilitariste dangereux, tresdangereux meme, Tu ecris des betises sur la politique. Etcomme tu reclames des preuves je vais te les donner.Le gendarme jeta sur la table un paquet. Je Ius: "LeParachutage"; c'etait mon manuscrit que j'avais envoye aux

    http://www.romeoetjulietle.unis.com./http://www.romeoetjulietle.unis.com./
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    Editions CLE de Yaounde, il y avait cinq mois de eela. Jevoulus savoir comment et pourquoi "Le Parachutage" etaitparvenu dans les mains de la gendarmerie. Mais je merappelai ce que valaient les questions et me tus.Depuis ce jour, je compris tout, tout, c'est-a.-dire la naturereelle d'un certain pouvoir en Afrique, Ie caractere suicidairede toute opposition, de toute contestation, mais surtout ledevoir qui incombe a tous les Afticains conscients de lutter ,de se battre pour une Afrique plus humaine, debarrassee descellules - mouroirs et des legions de tortionnaires a la soldedes presidents- fondateurs, guides-eclaires, createurs du partiunique .:Beni soit Ie jour ou des Africains pourront defiler,pancartes a la main, pas pour sublimer souvent le regne d'uncancre, mediocre tyran drape de "democratic", mais pourdesapprouver la politique d'un pouvoir dont ils auraient

    contribue a asseoir les fondements de sa legitimite. Le sous-developpement serait alors vaincu.

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    LEPARACHUTAGE

    Le soleil poussait nonchalamment sa porte de nuages etregardait d'un ceil encore bouffi de sonuneil Ia ville quis'eveillait. L'horizon se teignit de pourpre. Le jour naissait.Les boites de nuit finissaient de vomir leurs noctarnbules

    qui se melaient aux leve-tot couche-tard : monde heteroclitefait de marchandes, de bouchers, de cures, de boulangers, demuezzins, d'ouvriers ...Les rares buildings erigeant par-ci, par-la, leur masse,

    trouaient Ie brouillard du matin qui submergeait la ville.Un nouveau jour se levait : un nouveau sursis de vie pour

    les millions d'affames de la terre. Un nouveau sursis de viepour les millions de deseeuvres et de misereux d'Afrique.Pour eux, il apportait au mont - combien deja tres haut - dessouffrances des annees et des jours precedents, son amerrajout de misere.Encore un nouveau jour : un sursis de vie pour des milliers

    d'hommes-cancrelats, peuple meconnu des prisons abjectesdes presidents-fondateurs-guides eclaires d'Afrique.Encore un nouveau jour: la continuation d'un exuberant

    bonheur pour des milliers d'hommes auxquels la vie n'avaitrien "refuse", peuple de tortues intellectuelles a carapace dediplomes ou d'argent, moralement invertebre, pour lequel iletait aussi normal d'exploiter, d'asservir l'Homme qued'exploiter ou de maltraiter son ane.Encore un nouveau jour qui se levait sur ce monde, Ie

    notre : terrible paradoxe ou les dieux se definissent par lesdiables et ou l'esprit se mesure it l'aune de la matiere. Cemonde a l'incomprehensible dualite ou Ie bien tient Ia maindu mal, ou l 'enfer fait corps avec Ieparadis.

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    Monde ou l'affame squelettique cotoie l'obese,Monde de l'eucharistie et de la pilule.Monde des Brigades-rouges et de la Croix-Rouge.Mais aussi en Afrique, monde du president-dieu et dumilitant - votant, "1'homo applaudicus".Le jour etait ne , L'armee de mendiants avait pris d'assautles devantures des grandes banques bourrees d'argent,occupant ses eternelles positions strategiques pour avoir les .quelques jetons qui lui pennettront de voir un autre journaitre demain.Les buildings, veritables nids de tisserins s'animaient. lisavaient deja avale un grand nombre de personnes, travailleurs .comme chomeurs en quete de boulot. Leurs escaliersresonnaient du martelement des chaussures. Les crepitementsdes machines Ii ecnre, telles des rafales d'armesautomatiques, s'ajoutaient aux gresillernents des telephones etaux voix humaines pour instaurer une ambiance de marche .africain.Mais n'exagerons pas. Tous les buildings ne connaissaientpas cette ambiance. Au centre de Ia ville, sur une petitecolline se dressait un building, au milieu d'une tres vaste .cour, grand champ de fleurs. II se distinguait par sonarchitecture et la haie d'hommes annes jusqu'aux dents quientouraient la cour et en interdisaient l'acces.Vu de l'exterieur, on eut dit un temple, une eglise ou unemosquee, Car le calme qui regnait dans la cour etaitimpressionnant.C'etait plutot une banque, un palais - coffre O U l'Etat, la ."nation" et le "peuple" gardaient leur tresor inestimable: leurillustre Fils, Guide-eclaire, Pere-fondateur, Leader-bien-aimequi a tout cree, tout, surtout les prisons et le parti unique.Et qui cree tout.C'etait de ce palais-coffre-fort, usine de discours et dedecrets que le premier fi1s du peuple gouvemait Ie pays.C'etait de ce sanctuaire qu'il construisait la patrie: lasienne, entre quatre murs.

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    C'etait de ce temple que le president-dieu Gouama geraitlc destin de plusieurs millions d'hommes habitant laRcpublique Democratique de Watinbow.Silence, Ie dieu travaille !

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    * * * *La lourde voix d'un interphone gresilla,- Monsieur Marcel, Marcel, Marcel... Monsieur Ie

    conseiller ... Mon conseiller ... Marcel...- Monsieur le President! J'arrive, votre Excellence! Toutde suite, a vous Excellence! Je suis a vous mon President!Marcel etait dans le pays depuis le jour O U le president dela nouvelle Republique de Watinbow avait debarque d'un DC6 en brandissant du haut de la passerelle a l'immense foulehysterique venue l'acclamer a coups de tam-tams, de cors etde fusils a pierre, une sacoche de cuir luisant en criant :- Je vous rapporte l'independance !On hurla et on dansa des jours et des nuits durant. Dansles eglises et dans les mosquees, on avait explique que cetteindependance n'etait pas Ie signe de l'avenement de Satan,comme celle que les "communistes" voulaient installer il y adeux ans.Mais la sacoche etait tres petite pour contenir un objet devaleur, penserent certains it haute voix dans la foule. Peut-etre l'independance etait en or, repondirent d'autres. LePresident Gouama ne l'avait pas montree, Mais elle devaitetre bel et bien dans la sacoche. II n'y avait qu'a voir la haiede gendarmes et de gardes qui empechaient d'approcher lasacoche et son porteur.Marcel, c'etait le "conseiller" que le maitre d'hier devenudepuis l'atterrissage du DC 6 presidentiel, un ami fidele et unpartenaire sincere, a delegue pour aider le nouveau presidentdans ses apprentissages d'independance,- Oil etais-tu passe Marcel? Avertis Monsieurl'Ambassadeur que j'irai au prochain sommet de l'OUA dansdixjours.- Qui Monsieur le President. C'est vrai, votre presence estplus que necessaire pour aider a resoudre Ies graves crises quimenacent l'existence meme de l'Organisation.

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    Votre lucidite et toute l'estime consequente que vous 'temoignent tous vos pairs seront le ciment qui comblera les 'lezardes de cet edifice.Je vais commencer a rediger l'allocution que vous yprononcerez des ce soir.- Attention Marcel! Je pense qu'il nous faut entendre

    d'abord Monsieur l'Ambassadeur. Es-tu su r que votre paysn'a pas change de position au sujet des problemes que nousaurons a debattre ?- Sur votre Excellence. I I n 'y a pas de changement.- C'est vrai Marcel. Ce sont toujours les memes vieuxproblemes.- Penses-tu qu'un jour la RASD puisse sieger sansdifficultes a I'QUA ?- Votre Excellence, c'est possible mais pas souhaitable.- Personnellement, je me pencherais du cote de la RASD,s'ils n'etaient pas sous la houlette du communisme impenitentces Saharaouis.Ah Ie communisme! C'est la peste moderne. Lesdiplomates et les etudiants en sont les rats propagateurs.Notre monde porte Ie communisme comme une plaieulcereuse sur les fesses; tant qu'elle est la, impossible des'asseoir pour se reposer.Ou nous arrivons a radier le communisme, ou lecommunisme radiera le monde libre. Et ce sera Ia fin dumonde.Si tu ne m'avais pas contredit des les tous debuts de

    l' independance, maintenant que j'avais regle le compte acesfils de Satan. 11fallait que toute demande d'emploi, a lafonction publique ou ailleurs rut contresignee par lecatechiste ou l'imarn du quartier ou du village du demandeur.- Votre Excellence, je vous repete que vous vous seriezcree des ennemis pour rien.- Je persiste a croire que j'avais raison. As-tu deja vu unpaysan communiste ? Ce sont ces imbeciles de fonctionnairesou salaries des autres secteurs qui optent pour lecommunisme.14

    - Mon president, ne revenons pas sur cette vieillediscussion. Je comprends votre haine contre Ie communisme,malS . ..- Oui, c'est rna formation au seminaire ... , non Marcel, cen'est pas que ca. Tout homme capable de distinguer l'or ducuivre comme on le dit dans rna langue, est capable decomprendre que le communisme est Ia pire chose verslaquelle un etre humain puisse tendre.Souvent j'ai envie de dire tout haut aux ambassadeurs despays de l'Est : foutez-nous la paix ! Rentrez chez vous. Maisavec l'hypocrisie que vous appelez diplomatie, on se tolere,on se congratule a l'occasion.L'autre jour pendant que je decorais l'ambassadeur deI'URSS, j'avais envie de le gifler. Quand j'approche uncommuniste, j'ai une sensation bizarre, indefinissable,- C'est exact votre Excellence! Les communistes sont enrealite des assoiffes de sang, des terroristes.- Vois comment ils occupent les pays des autres ! Et ilsosent chercher a sejustifier! Non, j'enrage.Le drame est que des esprits constipes, de type primaire,solidement amarres a une deplorable ignorance et refractairesaux exigences de notre monde africain n'hesitent pas atrouver des similitudes entre l'invasion barbare del'Afghanistan et les operations de sauvetage au Zaire, auTchad et en Centrafrique. Tu ne me croiras pas Marcel,lorsque je t'aurais dit que les auteurs de telles aberrations ontdes licences, des doctorats. C'est a croire qu'ils les ont voles.Avee mon certifieat d'etudes primaires indigenes, qui vautbien sUrplus qu'un doctorat, je ne deraisonnerai jamais ainsi.- Tres certainement votre Excellence. Votre certificatd'etudes primaires indigenes est incomparable aux petitsdoctorats de ces petits etudiants, Vous avez le niveau d'unprofesseur ...- Comment? Veux-tu me comparer a ces petitsprofesseurs des colleges?- Non, mon President. Je parle des professeurs au-dessusdes docteurs.

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    - Ah bon, d'accord !Parlant de la confusion entre aide et invasion, je disais quenous avons des liens seculaires avec les Occidentaux, n'est-cepas ?- Tres certainement votre Excellence. Nous sommespresque des freres.- Voila! Les Francais, les Belges, les AngJais etc. nous .ont colonises. Nous leur devons tout. Nous cooperons depuisdes siecles, Qu'ils viennent a notre appel nous aider aresoudre certains de nos problemes, quoi de plus normal ?- Rien de plus parfait, mon President.- Mais, se lever un beau matin et envahir son voisin parcequ'on est super-puissant, pour l'ernpecher de choisir la voiequ'il juge la meilleure pour son peuple est un crime contrel'humanite, Un crime odieux, rien d'autre, Un crime.Et dans tout ca j'en veux aux Etats-Unis. lIs auraient puaneantir la Chine et l'URSS avant que ces nids de viperes ne

    donnas sent leur couvee,- Nous deplorons la politique d'apartheid, mais il fautreconnaitre qu'elle est un moindre mal a cote ducommunisme.- Je suis tout a fait d'accord avec vous, Marcel. D'ailleurs

    tu sais bien que beaucoup d'entre nous entretiennent debonnes relations personnelles avec les autorites d'Afrique duSud et d'Israel, Ils ont d'efficaces services de renseignementsqui nous mettent a l'abri des manoeuvres sordides etmachiaveliques, des sanguinaires communistes. Et puis,l'Afrique du Sud et Israel ont de tres bons medecins.- Pour le cas d'Israel, comme votre Excellence l'a vu audebut de la rupture des relations diplomatiques, j'etaisfarouchement pour Ie maintien du statu quo. Ce fut la plusgrosse erreur diplomatique des pays africains.II fallait prevoir que les Arabes prefereraient deverser leurtrop plein de petrodollars en Occident, pour des achats quivont des usines aux poupees, que d'aider I'Afrique a sortir desa misere. Les minables subsides qu'ils vous donnent de

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    temps en temps, ne sauraient, remplacer l'assistancetechnique israelienne.- Pour ces Arabes, mieux vaut ne pas en causer. Pour leururracher mille dollars d'aide, en dehors des credits deconstruction de mosquees ou d'eccles coraniques, il faut selever tres tot et surtout se coucher tres tard.Quand vous allez chez eux, its vous etalent avec orgueilleurs richesses insultantes comme pour vous dire Tendez lamain, mendiez d'abord avant d'avoir quelque chose! C'esttout juste s'ils ne vous font pas chanter des versets du Corancomme le font les petits garibous des eccles coraniquesqui passent de porte en porte pour demander I'aurnone. Etdes racistes en plus.- Monsieur le President, ces Arabes ne s'interessent qu'aleur nouvelle vie idyllique que leur permettent lespetrodollars. Ce que le grand prophete a enseigne dans lesaint livre du Coran ne les interesse plus.Un Arabe suit la voie du prophete it . dos de chameau oud'ane mais pas en luxueuse Mercedes ou en Cadillac blindee.Dans I'allocution, je voudrais des mots foudroyants, pourcondarnner I'apartheid en Afrique du Sud et reclamer la paixau Tchad. Ah le Tchad, totalement mis en Iambeaux par desfils inconscients.Je veux des mots durs pour condamner la course auxarmements des superpuissances.- C' est tout Excellence?- Vois toi-meme ce qui manque. Ah, j'oubliais, il fautreclamer aussi une partie pour les Palestiniens. Des gensinsupportables ces Palestiniens. Ils ont et e trompes par lescommunistes et ils ont demarre avec des attentats, sinon leurprobleme aurait pu trouver une solution. Tant pis pour eux !Bref, mentionne leur cas. Peut-etre que d'ici la, Israel aurafini de les bombarder. Je n'ose pas dire exterminer a causedes femmes et des enfants.- Excellence, je voudrais aussi parler du Nouvel Ordre der information.

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    - Comme tu veux. Si tu veux rejoindre Mattar Mbow dans'son delire, tu es libre. Je ne sais pas qui lui a fOUITetout ca 'dans la tete. Bref je te laisse Ie soin de voir ce qui pourrarenforcer notre image de marque it I'exterieur.- J'ai deja trace votre itineraire, Excellence.- Deja?Oui, mon President. Je vous le lis : Paris Bonn Bruxelles" ,Londres, Dakar a aller. Au retour: Dakar, Paris et vousrevenez.- Magnifique Marcel. Tu agis toujours comme si tu lisais ,dans mon cerveau. '- J'en suis tres flatte votre Excellence. Je dois faire ceperi~le avant vous, comme vous le savez, pour preparer leterrain.- A Paris et a Bonn vous aurez des rencontres avec des 'hommes d'affaires pour discuter de leur participation a larealisation de certains projets de developpement. ,- Des diners d' affaires ou des rencontres ?- Des diners d' affaires votre Excellence.- Ah bon! Je veux des mots precis. Tres bien Marcel.Prends souvent du repos mon cher.J' ai une bonne nouvelle pour toi. Tu sais, j'ai reussi adebloquer la premiere tranche du pret de la banque mondialepour le projet agricole dans Ie Sud du pays.Tu iras en Suisse ... tu comprends Marcel?- Tres bien votre Excellence.Le President Gouama eclata de rire, et avec jubilation itpoursuivit :~as besoin d'un tableau noir. Tu comprends toujoursfacilement. Cette fois c'est dix millions de dollars. LaBanque n'a accorde que dix-sept millions. Tu en auras unmillion pour tes prochaines vacances.Marcel, je t'aime beaucoup. Grace a toi je connais lebo~eur ... Pas d~ fausse modestie, tu as beaucoup fait pour

    moi, pour rna famille et meme pour mon pays.

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    - Tres honore et tres heureux de vous l' entendre direJ:xcellence. Mon souhait est de vous servir tres bien; etsurtout pendant longtemps.Tu as oublie quelque chose de tres important... it Paris.Devine.- Ha !j' avais oublie de relever le montant de toutes vosdernieres actions en France. Quelle memoire !- Ce n' est pas ca Marcel.- Oh oui ! je vois Excellence. On n'avait pas resolu leprobleme du terrain que vous vouliez acheter en province.- A cote !Approche que je te souffle a l'oreille.Le president et son conseiller s' esclafferent, Le presidentGouama enchaina.- Il m' en faut un comme ca (Illeva le pouce).D'ailleurs tu connais mes gouts. Vne poitrine biendeveloppee, des fesses bien en relief. Peu importe le prix.Surtout pas les genres saheliennes ; les secheresses je n'enveux pas. Si tu retrouves celle de la fois passee tu la reprends.Elle etait vraiment douce. Avec une souplesse de chatte auniveau du bassin, elle vous enlace comme un serpent et voussuce comme une sangsue. Ah les Blanches! ellesconnaissent, elles. A part les filles de joie, nos negresses sonttres ignorantes. Elles s'etalent comme du bois mort...C'est mon probleme actuellement. Mon maraboutm'interdit de me separer de ma vieille came pour me remarierofficiellement. Car, it ee qu'il parait, elle est mon etoile. Donesans elle pas de presidence, J'en souffre. Figure-toi, unefemme que tu as epousee quand tu etais un commisd'administration ne peut quand meme plus servir eommepresidente I Regarde autour de toi, tous mes pairs ontchange; des femmes dignes d'etre presidentes, Bref, parlonsd'autre chose.- Comptez sur moi Excellence. le maximum sera fait.- Une chose aussi, en France et partout en Europe, je veuxregler le cas des etudiants contestataires. Je ne veux plusqu'un seul d'entre eux reussisse a un examen.- Je contacterai des recteurs et des professeurs a cet effet.

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    - Contacte aussi leurs locataires. Qu'on me les expulse tout,Ie temps surtout a l'approche des examens. Je vais donner descons ignes strictes ames ambassadeurs.: J'avais arrange certaines affaires avec des elements dep..ohce chez nous. Faites-moi confiance. Des gens iront en'tole.- Mon ami et frere Marcel n'oublie rien. Tout estminutieusement fait. l 'adore cette minutie. Je la souligneraiquand je vais te decorer.Je ferai le,proces des prisonniers politiques a mon retourdu sommet. Etudie Ie cas de chacun d'eux et donne la peineque la cour prononcera. Pas moins de trente ans pour'Coulibaly et tous les autres responsables du bureau dumouvement national des eleves et etudiants. Ils ont d'ailleurseu la chance. Sans l'intervention de Monsieur l'Ambassadeuron n'en parlait plus. Plus de pitie pour les communistes. '- Justement, Excellence! je voulais ... euh, c'est-a-dire ..., ~Allons Marcel, allons Marcel, sans gene, dis ce que tu asa due.- J~ comptais, Excelle~ce, vous voir ce soir, pour unprobl~me assez grave, 10m des oreilles indiscretes., paree 'que c est assez grave.- Ah ?on ? Ferme cette porte derriere toi et raeonte un peu.Tu as l'air preoccupe, de quoi s'agit-il ?- II,s'agit... Exc~l1ence, ils'~git de la situation interieure ...- C est pas possible l Au ruveau des syndicats nous avonsre~place les responsables douteux par de bo~s et loyaux

    militants, Le parti est en parfaite sante. D'ou vient donc Iemal?: Le problen;te vient .d'un ~utre cote. Un de nos agents, unassistant techmque qw enseigne au lycee, a decouvert unmouvement estudiantin dangereux qui est soutenu parbeaucoup de vos militaires. Les rapports de cet agentconc~rdent . ~v~c ceux d'autres agents de l'assistancetechnique militaire ...- Mais, mais, mais, des communistes chez moi ?- C'est de la subversion, Monsieur Ie President.

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    _II n'y a pas de subversion sans communisme. Ah ! Ah !Ah ll.e visage du president Gouama etait tout decompose.Mais la surprise ceda rapidement sa place a une noire colere.I)cux enormes rides barrerent son front massif. Ses tempes selIoonflerent, se degonflerent a la maniere des crapaudshurbotant dans les rivieres debordantes des eaux despremieres pluies.n arracha son telephone, composa en grommelant unnurnero.- Qui appelez-vous Excellence?_Celui que je dois appeler Marcel. Quand ilviendra tu leverras.C'est terrible, c'est terrible. Mais c'est terrible!Gouama semblait sangloter, sa voix etait sans timbre. Sonconseiller Marcel faillit s'enfuir quand il explosa soudain :_Faites rechercher tous les chefs de ce mouvement. Jeveux leur liste complete. Je veux qu'on les pende ce soir,qu'on les fusille, qu'on les egorge, qu'on les, les, les...

    I1s'affala sur son bureau._ Calmez-vous Excellence. Nous avons tous lesrenseignements. Du cote des etudiants et des cleves, il n'y arien a craindre. Mais du cote des militaires, c'est tresdangereux. L'homme qui est en tete est estime et a uneexperience militaire. Son passe nous pennet d'affirmer qu'ilest l'un des meilleurs officiers superieurs de votre armee, s'iln'est pas Ie meilleur.Le president Gouama se leva comme mu par un ressort.Ses yeux flambaient. II hurla :_Dis-moi son nom. Quel est son nom ? Qu'on le pende surle champ.Je vais telephoner a Monsieur l 'Ambassadeur, it faut desparachutistes ce soir. Combien ce chien a-t-it desympathisants ? Reponds-moi au lieu de me regarder commesij'avais porte un masque.

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    - Calmez-vous Excellence. II faut ruser avec les forts. Le .coupable est Ie commandant Keita, responsable desparacommandos. .- Le commandant Keiiitaa ? Keiiita ? Ke i i ita. Celui quej'ai aime et admire Ie plus. L'officier pour moi, jadis, le plusfidele, le plus sur, Keita veut m'ecarter, me tuer, me tu-er ?- Keita monte un coup diabolique. II gagne chaque jourbeaucoup de sympathisants a sa cause, en racontant auxsoidats que leurs chefs les volent et les briment, en lesmaintenant a des grades ridicules. Que votre armee est unearmee de familles, seuls ceux qui ont des relations peuvent yaller et esperer atteindre avant la liberation le grade desergent.II affirme que Ies structures de votre armee sont colonialeset que pour vous, Ie militaire d'aujourd'hui est comme letirailleur d'antan : une montagne de muscles au service d'uncrane aussi plein qu'un entonnoir.II a revele aux soldats que le chef d'etat-major des armeesa detoume tout l'argent du nouveau camp qui devait etreconstruit. II affinne merne que vous...La sonnerie de la porte qui crepitait rageusementinterrompit Marcel.- Entrez, cria Gouama.Le chef d'etat-major des armees entra entre deux batteriesde talons avant de se raidir comrne une momie egyptiennedans un garde-a-vous,- Tiens, tiens, combien de temps mets-tu entre ton bureauet la presidence ?- Cinq minutes votre Excellence.- Et depuisque j'ai appele, il ne s'est ecoule que cmqminutes? Kodio, tu sais lire une montre ?- Oui votre honneur. Seulement il y avait unembouteillage.- Bon, tu es quand rneme laoAlors, que se passe-t-il danston armee ? L'armee que je t'ai confiee,- Rien que ce Monsieur Marcel vous a peut-etre deja dit.- Ca veut dire que tu etais au courant?

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    - La trahison du commandant Keita ne pouvait passerinapereue.Mais Monsieur l'Ambassadeur et Monsieur Marcelm'avaient dit de ne pas VOllS informer pour Ie moment avantqu'on ait toutes les informations en main. Maintenant c'estchose faite.- Ainsi, mon armee veut me renverser, m'ecarter, me tuer.Quel grade avais-tu quand tu as quitte l 'armee coloniale ?- Sergent, votre Excellence. Un simple sergent.- C'est ca. Un simple sergent. Une bande de chomeurs, dedeseeuvres que j'ai recuperes pour former une armee, voila celJue VOllS etes tous. C'est moi qui vous ai sauves de la misere,du chomage, La recompense? Un coup d'Etat.Je vous ai repeches pour les defiles. Rien que deslirailleurs au chomage que j'ai regroupes pour des defiles; itsveulent rna place, rna peau, mon pouvoir.- Excellence vous savez que je vous suis et resterai fidele.

    Je le jure a nouveau.Le lieutenant-colonel Kodio se mit a genoux, joignit lesmains comme s'il voulait prier, baissa la tete.- Je jure sur l'honneur et sur Dieu de vous servir toujoursavec conscience et devouement. Je le jure sur la ceinture demon p ere .- Leve-toi ancien sergent. Ce n'est pas votre faute, c'est lamienne. Qui m'a dit de creer une armee ? Vous seriez, quipetit tailleur, qui cultivateur, qui chauffeur de taxi, etc., et iln'y aurait pas eu de problemes aujourd'hui.Que veut-on ? Un de vos anciens compagnons d'armes quia et e sauve du chomage comme vous a deserte son champ demanioc et est president aujourd'hui. II s'est grade dejacolonel. C'est tentant. Quelqu'un qui devait etre chasseur derats et qui se retrouve trois ans apres l'independance,president!Gouama piqua une violente colere.- Ou etiez-vous quand nous luttions pour arracherl'independance ? Ou etiez-vous quand nous nous battions aParis, a Londres, a Bruxelles ... OU etiez-vous quand nous

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    organisions le RDA, Ie PRA, le PAL. .. , pour donnerpeuples africains la liberte ?. - Nous n'eti~n~ nen. Excellence. C'est vous qui aviez toutfait, Nous ne faisions nen. NOllSn'et ions rien.- S~, vous faisiez quelque chose. Vous aviez vos culsenfOUISdans la boue du desert ou dans le sable du Vietnam

    Vos culs pourris comme vos godasses. .. Gouama donna un violent coup de pied dans le derriere duheute~t-colonel Kodio. La colere secouait tout son etre.II Plvota. sur lui -meme et fixa son conseiller Marcel. II acru percevoir un sourire sur son visage.- De quoi riez-vous Marcel? VOllSvous moquez de moi ?- ~ as du tout Excellence. Certainement pas monPresident, Je suis plutot confondu; seulement vous avez'dans votre. colere, legitime, parle de la boue du 'desert et du 'sable du VIetnam. C'est ce qui m'a fait sourire. .- Tu ris pour rien alors ? Ou tu es fou ou tu es bete. Et.pour un conseiller ni l'un ni l'autre n'est recommandable. .~lors sergent Kodio, que faisiez-vous quand nous nous :~~tt1ons pour liberer les pays et conduire nos peuples a1r?depe~dance? Vous vous faisiez battre, battre, par lesVietnamiens et 1esAlgeriens,Combien .derecrues sont entrees cette annee a l 'armee ?, - Deux mille cinq cents comme vous l'avez demande votretres Grand Honneur.- Deux n;tille cinq cents nouvelles recrues. Deux mille cinqc~nt; candidats a 1a presidence, autant de colonels, degen.e~ux, de, m~echaux de 1a defaite economique etpolitique de IAf r ique , Notre erreur historique c'est d'avoircree des armees ... pour des defiles. Des defiles.Gouama transpirait de tous ses pores. IItournait dans sonbureau.les mains derriere le dos comme un lion en cage ..- Sais-tu au moins lire Kodio ?- Qui votre Excellence. Ordonnez mon President.- ~uvre l'~oire derriere toi et prends un livre dans 1ad:rrue:e rangee du haut. Le titre est Ma vision du monde deEinstein.

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    _Votre Excellence, je lis ici "Comment je vois Ie monde".l"est de Albert Einstein .- Tu le connais ?- Non votre tres Grand Honneur._Et tu veux etre president de la Republique !- Certainement pas Ex ..._Tais-toi l Des incultes, opportunistes par-dessus lemurche .Ouvre ce livre et lis la premiere phrase de la page quinze.

    l.is a haute voix._ La pire des institutions gregaires se prenomme armee.Je L a h ais ._Repete, repete jusqu'a ce que je t'ordonne de te taire.Kodio repeta d'un ton ferme et a haute voix la phrase.Oouama faisait toujours le tour de son bureau, deplacantmecaniquement coupe-papier, crayons, feuilles, cendriers,etc. IIetait trempe,_ca va !Continue avec la phrase qui vient en bas de page.Le lieutenant-colonel Kodio se racIa la voix, humecta_ Si un homme peut eprouver quelque plaisir a defiler enrang aux sons d'une musique, je meprise cet homme. Il nemerite pas un cerveau humain puisqu'une moelle epiniere lesatisfait.: L'armee : le cancer de la civilisation ._Repete, repete, hurla Gouama, les yeux exorbites. Kodiolut inlassablement la partie du livre qui lui avait ete indiquee,Meme la sonnerie de la porte ne l'interrompit pas.- Qui est la , cria Gouama ?- C'est Tiga votre Excellence.Gouama se d ecrisp a, L e nom semblait lui donner une

    soudaine assurance._Entre mon cher Tiga. Je m'appretais d'ailleurs a teconvoquer.Entre et ouvre les oreilles, mon ami. On prepare un coupd'Etat contre moi. Je saigne mon pays, mon peuple, pourpa>,er gracieusement des gens a ne rien faire, sauf des coupsd'Etat.

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    - Un coup de quoi ?- Tu as bien entendu : un coup d'Etat.- Et qui est ce batard qui ose l'imaginer ?- Qui veux-tu que ca soit ? Les tirailleurs senegalais biensur, L'un d'eux s'est deja proclame empereur ailleurs. Des .bandits!Kodio, sais-tu comment on appeUe l'espece humaineactuelle?Kodio leva les yeux au plafond et fit sembl ant dechercher.- Pardon de l'injure ironisa Gouama. C'est l 'homo sapiens.En Afrique c'est autre chose de nos jours. Nous avons Ie ."pouvoirdocus leopardis", Le pouvoirdocus est une espece .dangereuse SOllS d'autres cieux. Mais chez moi a Watinbow,le c1imat restera malsain pour son developpement, Le :pouvoirdocus leopardis. Tu sais ce que c'est Kodio ?- Instruisez-moi votre sommite. Je suis un analphabete a

    cote de vous. Je ne sais . ..- La palice! Tu ne trouveras pas ce mot dans undictionnaire. C'est le nom scientifique que je donne aumilitaire africain. N'oublie pas que j'ai fait du latin.Revenons a nos pouvoirdocus leopardis pour ne pas dire anos moutons.Marcel, resumons : done, le plus estime de mes officiers,le commandant Keita, sergent qui a fait ses preuves sous lesbananiers d'Indochine, demobilise et devenu jardinier dans :son village ... toute sa fortune se resumait a une vieille cantinerouillee, deux vieilles tenues kaki, trois boucs et quelques 'poulets ; ce sergent done veut devenir president. President duWatinbow que j'ai cree de mes mains. President!Sauve par moi, aujourd'hui, i1 roule en Peugeot 505. Etque veut-il ? Ma tete. Mon pouvoir. Mon pou...voir!Combien sont-ils exactement Marcel?- Nous avons la liste complete votre Excellence. EIle estlongue. Seulement sachez que Kei'ta se fait seconder par lecommandant Ouedraogo de la meme unite.

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    - Et qu'est-ce que vous aviez decide de leur donner commesanction, Kodio et Marcel? Kodio d'abord.- Excellence nous avons arrete toute une strategie, Mais jeVilis, avec votre permission, laisser la parole a MonsieurMarcel.- Une strategic pour eliminer des traitres? C'est lameilleure. Pourquoi ne pas faire comme toujours, saboter leurvoiture pendant le week-end. S'ils n'y meurent pas on lesachevera it l'hopital.- Ce n'est pas sUr avec Keita et Ouedraogo, mon president.- Bon il faudrait organiser un banquet pour lesernpoisonner.- Vous savez Excellence que ces deux-la n'aiment pas lesceremonies, et on dirait qu'ils ont un sixieme sens.- Pourquoi ne pas les abattre a coups de fusil ou debazooka et meme de canon si necessaire. Pourquoi?Pourquoi?Tiga, qui venait de parler, transpirait aussi de colere. IIetait un conseiller tres special du president. C'etait lui quicoordonnait et executait les sacrifices decides par l'equipe desorciers et de marabouts qui veillaient sur Gouama et son

    pOUVOH.Son visage osseux et ses longues moustaches qui ydebordaient lui donnaient l'aspect d'un convalescent. Sapomme d'Adam en saillie semblait se mouvoir aux ordres deses gros yeux de hibou lorsqu'il vous fixait, et lui donnaitl'aspect d'un fauve pret a vous devorer,Sous la veste ou le grand boubou, il portait toujours unepetite chemise en cotonnade parsemee d'amulettes. Chacundes doigts de sa main gauche (Ie pouce y compris) portait aumoins deux bagues. Un tableau qui pouvait inspirer unpeintre par ses multiples couleurs.Sa vie etait liee a celIe du president.- Laisse-les s'expliquer mon cher Tiga. Allez Marcel!- Mon President, nous avons a r r e t e ce qu'il faut faire.Certes nous pourrions les faire eliminer, comme vous ledites, mais nous ne voulons pas qu'il y ait le moindre27

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    soupcon. lIs peuvent avoir des sympathisants cachespourront un jour reagir.- Treves de commentaires ! que faut-il faire ?- Calmez-vous Excellence, nous sommes la pour vousaider. Ne vous inquietez pas. Nous avons deja tout arrete ce....- C'est ca, laissez-vous tuer, tendez le cou,egorger, Calmez-vous, calmez-vous. Savez-vous ce que,vous dites ? Ma vie et mon trone sont en danger et .me demande de me calmer!Faites bien attention toi et l'Ambassadeur, si votre paysla main sur le mien, c'est parce que je suis la, Si je "'-'Ul"'~.personne d'autre ne pourra contenir la horde de communistes.Us nationaliseront toutes vos societes, Vos compatriotesbourgeois qui font le gros dos ici seront purement etsimplement expropries. Ca vous fera des chomeurs enainsi que la pacotille d'assistance technique dont onaccable. Ca ne sait pas pousser une brouette et ca setechnicien.Marcel aUSSl commenca it montrer desd'enervement.- Monsieur Ie President, tout cela arrive parce que VOllSn'avez pas voulu m'ecouter des le depart. Je vous ai conseillede ne pas garder l'armee de notre pays; par orgueil, vousavez dit non. Vous voulez vous entourer de vos cousins, de,vos neveux, etc. II y a des realites que vous refusez de voir deface. Vous voulez une armee pour defiler et qui VOllS rend leshonneurs. Eh bien, vous l'avez eue. De quoi vous plaignez-vous?Je ne suis pas raciste, mais je reconnais la difference entreles races. Le Noir est ingrat. Ce n'est pas moi qui le dis,meme vos proverbes en parlent. II est imprevoyant. Je nedirais pas comme Jules Ferry: Le Noir peut vendre sa natte .le malin parce qu'il ne pense pas qu'il fera nuit le soir ,mais it faut reconnaitre qu'il VOllS manque un esprit de suite.Vous avez ete imprevoyant.- Ainsi tu te mets Iim'insulter Iipresent?

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    - Pas du tout. Mais je ne peux pas tolerer que VOllS rejetiezvo s erreurs sur les autres. Pourquoi n'avez-vous pas une baseeuangere ? Vous seul le savez.- Je suis independant, J'ai decide de creer mon armee,Pouvais-je penser que ces chiens que j'ai sortis du trou memordraient ?

    1 1 n'est jamais tard pour bien faire, ton pays reviendra._ 1 1 peut refuser de venir ; vous n'avez pas d'ordre Ii nousdunner.Gouama fulminait.- Qu'il ne vienne pas s'il veut, d'autres viendront. J'enconnais qui sauteront sur l'occasion. Si vous refusez je faisAppelIiIsrael et rneme a l'Afrique du Sud.Et si ca ne suffit pas je constituerais une armee demercenarres._Cette armee, la votre, n'en est pas une? Le mercenaireest un soldat au service d'un homme ou d'un grouped'hommes, Or vos soldats sont Iivotre service ou tout au plus,au service de votre gouvernement, comme beaucoup d'autressoldats Ii travers le continent qui sont payes pour garantir lepouvoir de certains responsables. Vous avez des mercenairesqui s'ignorent.- Ma securite n'a pas de prix. Et vous, ne depensez-vouspas des fortunes pour de l'armement? On dit toujours lasecurite du pays, mais c'est celle aussi des institutions quiperrnettent aux hommes de rester au pouvoir.Et puis les republiques des ambassadeurs que vous aviezcreees apres les independances en Afrique doiventdisparaitre._Entre vous et nous, qui depense le plus pourl'armement ?Ne voyez pas les milliards de dollars des pays developpes.Par rapport Ii leur budget, c'est insignifiant. Savez-vous quepar rapport Ii votre budget, le paquetage d'une recrue couteplus qu'une fusee Pershing? Avec des budgets evaluables parde simples calculatrices de poche, vous achetez des armes ;vous, vous vous surarrnez.

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    Je m'excuse de vous avoir dit certaines verites mais il Iefallait. Ecoutez-nous avant de piquer vos crises de gamin. .Done, voila ce que nous avons decide pour resoudre Ie casde Keita et de Ouedraogo : dans une semaine vous ferez unevisite au Nord du pays. Une grande rete y sera organisee it ceteffet. II y aura une demonstration de saut par Iesparacommandos. Les deux comploteurs sauterontcertainement pour faire plaisir a leurs parents car ils sontchez eux au Nord. Et conune ils sautent en dernier lieu un. 'accident est vite arrive. Vous comprenez maintenant ?- Excuse-moi Marcel. Mon affolement de tout a l'heureetait aussi comprehensible. Avez-vous deja choisi Ie pilote ?- J'en fais mon affaire, intervint Kodio Tout a ete :soigneusement prepare. Je donnerai ordre personnellement ,aux deux de sauter. Et meme si je ne Ie faisais pas, ils sont .tellement attaches a leurs hommes qu'ils sauteront.- Excusez-moi tous les deux. J'etais SOllS Ie coup de lacole re . '- Votre Excellence, vous n'avez pas besoin de vousculpabiliser. Je jure une fois de plus sur l'honneur de vous servir avec loyaute et devouemen t ,Excellence, tout juste apres l'operation, je souhaite quevous changiez votre garde.- Mais ce sont des parents qui me sont devoues corps etarne, Kodio.- Je n'en doute pas. lIs ne seront mutes que pour quelquetemps. II y a des elements que je veux tester pour savoirjusqu'ou ils sont loyaux. Us monteront la garde avec descartouches sabotees et des fusils sans percuteur.- Je vous fais totalement confiance. Tenez-moi informe detout ce que vous faites.Gouama venait de se calmer. Mais il semblait vide de:toute energie, Ce fut avec des gestes lents qu'il ouvrit sonbuffet et servit du cognac aux autres.- A notre sante, a notre succes,- Longue vie et long regne a mon cher President! cnaKodio.

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    Tiga et Marcel burent en silence.- Mes amis, que serais-je sans vous ? N'en parlons plus.- Monsieur Ie President, je vous presente toutes mesexcuses et vous reaffirme le soutien de mon pays et de rnamodeste personne. Vous pouvez compter sur nous.J'ai deja redige l'allocution que vous prononcerez au Norduinsi que le discours funebre que vous prononcerez apresJ'accident.Des aujourd'hui, on annoncera la date de votre visite a laradio. Rien ni personne n'occupera ce fauteuil que vous avezpersonnellement arrache de tres haute lutte. MonsieurI'Ambassadeur et moi-meme vous Ie garantissons de toutcceur.Si votre Excellence Ie permet, je me sauve. Nouspreparerons mon voyage en Suisse demain.- Au revoir Marcel, a demain, je vais me reposer ce soir.Kodio, tu peux aussi t'en aller. Viens me voir demainmatin. Surtout pas un mot a personne.Reste seul avec son conseiller tres special, le presidentGouama reexamina la situation.- Il nous faut resoudre Ie probleme sur Ie champ. Tiga tuvas aller au Nigeria aujourd'hui. Ramene-rnoi notre hommede Kadouna. Je mets un avion special a votre disposition. Sonprix sera le notre. Insiste car it n'aime pas souvent sedeplacer .- Je ferai le necessaire Excellence. Le marabout que j'airamene de Gao avait aussi recommande des sacrifices a faire.

    Il parlait de l' imminence d'un danger. Je commence a croire atout ce qu'il a raconte.Mais ila donne des sacrifices pas faciles a faire.Gouama sursauta.- Tu plaisantes Tiga ? Qu'est-ce qu'il demande de sacrifier,la lune ou le soleil? Qu'est-ce qui est difficile a faire enAfrique quand on veut rester au pouvoir ?Tu plaisantes !Qu'est-ce qu'il demande ?31

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    I -.II ~emande,. Excellence, d'ouvrir la panse d'un veaudy mserer Ie sem et Ie sexe d'une femme enceinte. Ledoit etre enferme dans la boite cranienne d'un hommeenterre au cimetiere. Au troisieme jour, on preleveradents du crane enterre pour vous. Vous avalerez unedents; et les deux autres seront soigneusementdans une magnifique canne qui ne vous quittera jamais., Pour qu'on VOllS arrache le pouvoir, il faut d'aborda remettre ces trois dents a leur place. Ce quipratiquement impossible.- Alors Tiga, O U est le sacrifice difficile a faire ?Dieu n~ me condamnera pas si je dois sacrifier quel~ueou trOIS personnes pour preserver Ie pays tout entiercommunisme. Et d'ailleurs, rien ne se fait sans la volonteSeigneur.- Vous avez raison mon President. J'organiserai tout ~ades mon retour du Nigeria.- Non,je veux que ea se fasse ce soir. Vois tes hommesmain. II manque tout sauf des sexes et des seins de fen1IJUdans ce pays. 1 1 y en a meme qui propagent des maladiesgraves. II n 'y a done aucun peche it en supprimer unplusieurs de ces sexes malades.- Tres juste Excellence. Tout sera regie ce soir. Jesauve pour preparer Ie voyage au NigeriaA mon avis, .Excellence, apres cet orage, il fautco~e part,out ailleurs : confier les magasins d'armes etmunitions a des etrangers. Et purger to ute l'armeeele~ents subversifs. A mon avis, il faut eviter les orncierstres instruits dans l 'armee, Pas plus que le bac desormais,- Ne t'inquiete pas, je sais ce qu'il faut ames .leopardis : un traitement de choc, capable de faire d'unun mouton de case.

    . C.'est tres grave I.ecas de l'Afrique : Ie paisible citoyen ere,:eIlIe de bon mann, pour s'entendre dire qu'au cours de Iarunt, ~on pays et lui ont decouvert la nouvelle voie quiconduit enfin au developpement. Et la misere s'etemise.

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    lin mutin, une fanfare sonne. Un "chers compatriotes" ou"ehers concitoyens" fuse a la radio. Un cornite au unmilitaire de quelque chose se proclame, et le tour est, V oila une recrue d'il y a quelques annees devenue un__ ."'IIII1i:n~r;;;; important pour le pays et meme pour le monde

    , Et la liberte demeure un leurre.A chaque coucher du soleil, des peuples africains seumdent comment les trouvera Ie prochain matin. Car laon de leur destin passe sans menagement d'une main aautre, par le biais d'une simple musique, Wle simpleEt l'affairisme, Ia corruption et le vol s'epanouissent.T i w , u , j'ai le devoir de preserver mon pays et mon peuple._.,n,,. s'il faut sacrifier vingt mille femmes, n'hesite pas une

    .. ule seconde. N'hesite jamais.; Allez sauve-toi, Reviens le plus vite possible avec notreltumme de Kadouna.Avertis que je n'ai pa s besoin de motards pour rentrer chez!hul aujourd'hui.Apres eet orage comme tu Ie dis, je t'enverrai en Europe.II faut que je t'initie aux affaires. Il faut savoir organiser sa,.'ruite quand on est president en Afrique. Marcel avaitqUW ld meme raison: nous sommes souvent imprevoyants, EtIU8si les Africains sont ingrats. Nous avons des peuples tresInKrats. Comment peuvent-ils applaudir les petits caporauxsui detronent les presidents qui leur ont rapportellndependance ? Mais personne ne vous ravira cette presidence.Personne!_J'en suis tres sur. Mais ca ne m'empeche pas de prendremes precautions. Les anciens ont dit: Meme si le chatn'attrape pas les poules, ilne doit pas elire domicile dans lepoulailler. Je rentre me reposer. Quelle rude joumee ! Onae me montrera jamais du doigt dans la rue : Voila l'ancien

    president Gouama !.Ah, j'oubliais. Nos enfants qui etudient en Europe, lesmiens et les tiens, rentrent dans trois jours pour leursvacances. Us amenent avec eux des antis et des camarades de

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    cl~~e, dont. deux fiIles de deputes, quatre garconsmirust res et SiX autres enfants d'hommes d'affaires.Les petits m'ont dit par telephone qu'ils tiennent a montreiune ville propre a leurs hotes. J'ai donne desimmediatement au maire. Il joue sa place s'il ne refaitbien la toilette de la ville.- Votre Excellence, nos enfants et leurs amisdone avant votre visite au Nord.- Certainement.- Je voudrais souligner a votre Honneur que c'est I./V,:I;'IIVU;Ique ces jeunes veuillent vous suivre pour vivre uneafricaine, II faudrait done prendre des mesures car laZam'Woga regorge d'indigents. Notre reputation pourraitprendre un coup. IIva falloir prendre les memes mesuresl'arrivee des parlementaires europeens, Sans compter quepresse etrangere peut passer par hasard par-lao- C'est tres juste Tiga, J'appellerai moi-meme

    gouverneur du Nord et Ie maire de Zamb'Woga pourdonner des ordres. Bon, maintenant ca suffit. Au revoir. Bonvoyage. Je rentre chez moi. Et pas de motards. II faut de ladiscretion jusqu'a la liquidation des bandits.Les etoiles venaient de deserter le ciel. Amantes frivoles.,. La ~rume I~gere; mess~ger tardif de l'harmattan quisejournait depuis SIX mots dans la savane africaineenvahissait .Ia petite ville de Zamb'Woga dont les quelq~quarante mille ames etaient deja debout, comme depuis le :lendemain de l'annonce de la visite du Pere-fondateur duparti, le president de la Republique. IIfallait rendre la ville:propre. Et l'eau etait rare.Les maisons et les arbres qui bordaient les grandes ruesavaient ete peints. et repeints, Mais ilfallait chaque jour livrer~t gagner la ba~mlle contre le sable fin qu'un vent jusque-la .mconnu profitait du sommeil des hommes pour venir deposertres tard la nuit.Les militants du parti veillaient et faisaient veiller a laproprete des rues et des maisons. Les fleurs mourantes de ce

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    nwis d'avril avaient aussi ressuscite grace a l'eau rare qu'elleshuvaient avant les hommes.Mais les plus occupes ce petit matin etaient les policiers.II.. avaient recu l'ordre strict de debarrasser la ville de sesIndigents. Des lepreux, des aveugles, des fous, etc., hommes,femmes, enfants se bousculaient autour des quatre grands"lImions que la voirie utilisait pour evacuer ses ordures. Desplcurs et des cris fusaient. Ceux qui ne pouvaient pas monter" u r les camions - et ils etaient les plus nombreux - etaient."isis par les policiers gantes qui comptaient jusqu'a trois,puur les y balancer comme des sacs d'arachide.Certains indigents refusaient de se separer de leurrlchesse : un ballot de chiffons renfennant souvent de vieuxmorceaux de pain, arraches de haute vigilance a l'armee devautours dont la ville ne pouvait se defaire. Pour cesmcndiants, la police utilisait un argument solide: lamatraque,Ces malheureux et ces malheureuses criaient etImploraient la grace d'un Dieu qui les avait deja "punis", pour

    on ne sait queUe faute.Le spectacle n'etait pas insolite. Ce n'etait pas la premierelois que les autorites s'echinaient a faire un replatrage de lamisere du peuple pour que des etrangers ne vissent pas quels6taient les maires, les gouvemeurs ... le president, d'un peupleaussi demuni du minimum vital qu'un baobab rest en feuillespendant la saison seche ,II ne fallait pas que la presse occidentale rapportat atravers le monde, les realites choquantes d'une misere quipourrait indisposer Gouama et des ministres lors de leursnombreuses visites officielles ou privees. Cynique pudeur.Aussi s'ingeniaient-ils chaque fois a cacher une pauvreteque les villes comme Zamb'Woga suaient de tous leurspores ; une misere que l'harmattan charriait dans ses rafales.Elles etaient la, visibles et permanentes, criardes etpoignantes, cette pauvrete et cette misere qu'il fallait toujourscacher , Les livres et les joumaux pouvaient le dire, ledemontrer a coups de PIB, de PNB, etc., mais il fallait

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    toujours a Gouama .et a s~s sub?rdonnes faire croire qmalgre leur dehors mmable, ils avaient un dedans enviable..~lles se rencontraient pourtant a chaque coin de ruemisere et cette pauvrete, sous forme de vieilles venceusessquelettiques de galettes de millet ou de cacahuetes.forme de jeunes gens crasseux, aux cheveux hirsutesdes objets heterocl i tes a1lant des ceintures aux epinglespass ant par le thermogene chinois, elles s'affichaient audes rues.Mais il fallait depor ter ces indigents qui se oermet tarerad'etre des slogans vivants de la misere des brevetspauvrete que Ia famine, la pauvrete et le chomage , . I " " ' : ' . ., rn, ., . . . n.a Zamb'W 6ga comme aux autres villes.Dans ce petit matin, ils eta ient faciles a repererindigents. 'Si certains passants t rouverent Ie spectacle amusant le

    de la v ie i ll e l epr eu se Tempoko fit pleurer des marchandeslegumes. La poitrine baignee de larmes et de morve, lesflamboyants, e1le criait et levait ses deux bras, branchesbao.b~b defeuillees, vers Ie ciel, en implorant la gracepoliciers qu'elle appelait. limes fils".La police avait demoli son abri en carton et ende vieilles toles qu'elle avait construit sous un carIcedratmaison. EIle y habitait avant rna naissance dit .marchande en larmes.Tempoko n'avait plus besoin de mendier. II se trouvaittoujours quelqu'un pour lui donner une vieille couverture un

    vieux pagne, une vieille robe. La nourriture ? Elle en rece~aittenement qu'eIle en donnait meme a d'autres indigents: "sesfils".Ce matin .elle de~ait partir, quitter Zamb'Woga pour un ,voyage de soixante-dix kilometres en pleine brousse au bordd'un fleuve, en compagnie des autres, ceux qui font honte aGouama et a ses hommes.

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    - Ici vous avez de l'eau a gogo leur expliqua l'inspecteurde police responsable de l 'o p er at io n , I I y a des nenupha r s etd u poisson pour ceux qui savent pecher,l.es depenses pour recevoir notre grand president et sasuite sont tellement elevees que la mairie ne pourra plus sepermettre le luxe de gaspiller de l'essence pour suivre cesIlistes impraticables et venir VOllS ramener en ville.Que ceux d'entre vous qui veulent y revenir sedebrouillent tout seuls.Vous savez qu'aucun chapitre du budget n'est prevu pourl e transport des mendiants. Et puis vous ne payez pasd'impots apres tout, conclut tranquillement l'inspecteur depolice. Salut la compagnie. Nous retournons recevoir notre(Iuide-supreme eet apres-midi, dit-il en elaquant la portierede sa Land Rover.Le soleil venait d'entarner la derniere moitie de sa course.L e feu qui cascadait du ciel avait contraint les groupes dedanseurs et de musiciens, sur pied des les premieres heuresde la matinee pour recevoir leur president, it s'abriter sous le scatlcedrats aux ombres avares et furtives.Les vendeurs d'eau faisaient fortune. Les longues et duresh eu r e s d 'a t te n t e avaient seche les gosiers.Pa r petits groupes, les jeunes s'agglutinaient autour despetits recepteurs que certains d'entre eux portaient a leur cou.Les ecoliers qui agitaient de petits drapeaux en papierdepuis sept heures du matin avaient deser te leurs rangs tout lelong de l'avenue que devait emprunter le guide Gouama.Tout le monde ecouta i t la radio pour savoir a quel momentarriverait le Pere-fondateur du parti, Guide eclaire, et bien-airne.- Ici la radio diffusion, la voix de l' independance emettantde Watinbow. Militantes et militants, chers auditeurs, commeprecedemrnent annonce, nous allons prendre contact avecnotre equipe mobile qui suit son Excellence, Ie Grand-stratege, le Timonier-nationaI, Ie Guide-supreme, celui quilutta farouchement pour donner a son peuple l'independance,dans la toumee qu'il effectuera a Zamb'Woga.

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    Nous ne le repeterons jamais assez : si cette visite ';" .UU_""1irnprovisee aux yeux du profane politique, elle est en realiteun barometre permettant de mesurer Iad'organisation de notre peupIe, sa rapidite a se mobiquand on Ie lui demande. Le Guide de Ia Nation ates.ter une fois de plus la vigilance des masses populairesdoivent etre pretes a n'importe quelle heure de la journeede Ia nuit, a se mobiliser pour ecraser les ennemis nT..T'..,Il ...et exterieurs de notre pays, a bouter hors de nos frontiereseventuels mercenaires et autres charlatans a la soldel'imperialisme international.Nul ne doute que la population de Ia ville desortira massivement pour temoigner au premier fils de notrepays son indefectible soutien et sa totale disponibilite. .En attendant, voici quelques communiques qui viennentde nous parvenir : La direction du Flamboyant prie mademoiselle Jeanne, '

    employee au service de jour, qui a quitte le night club depuishier soir, de rejoindre d'urgence Ie club avant 22 heuresde quoi elle sera consideree comme demissionnaire. ,Zongo ~obert signale ~a disparition de son oncle ZongoBouanga. Signalement c tallie un metre quatre-vingts, teintnOH, sans cicatrices raciales, II portait a sa sortie de vieuxhabits kaki. II aimait boire a Ia Cave du roi OU il a ete vuavant hier soir. Priere d'avertir Ie poste de police Ie plusproche en cas de retrouvaille, d'avance merci . .Allo, allo ! l'equipe mobile ? si vous nous entendez, vousavez l'antenne. AH o l'equipe mobile, allo l'equipe mobile?

    vous avez l'antenne.- Merci le studio, nous vous recevons tres bien.Chers auditeurs, nous reprenons l'antenne pour VOllS direavec quel enthousiasme les militantes et les militants deZamb'Woga attendent leur illustre hote, le Pere de la Nation. 'Depuis ce matin, une veritable rnaree humaine a envahi la .pI_?cede l'independance. A la symphonie des tam-tams, des _flutes, des balafons, des koras et des melodieuses voix des-griots et des griottes, s'ajoutent de temps en temps des

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    cascades de fusils a pierre. L'ambiance est celle des grands[ours de tete. Toute la ville resplendit des fastes desceremonies de rejouissance organisees pour recevoir IeGrand-stratege, Jamais de memo ire de citoyen de ce pays, onuvait vu une telle mobilisation dans un delai aussi bref. Cescrait nous f!peter que de vous dire que notre Guide bien-aime est adore par son peuple.On nous annonce que Ie cortege presidentiel fait sonentree dans la ville. Tout le monde s'agite. Les musiciensrcprennent leurs tam-tams. Professeurs et instituteursrcmettent leurs eleves en rangs. Nous entendons la sirene dumotard de la gendarmerie qui precede Ie cortege. Les fusiliersinstalles a la sortie de la ville font tonner leur anne.II est la, Ie Grand-guide est arrive. La foule applaudit.Debout dans sa Mercedes decapotable, Ie Pere de la Nationrepond a toutes les ovations en brandissant une merveilleusecanne ; et avec son eternel sourire du bon chef qui aime sonpeuple.L'important et impressionnant cortege vient de s'arreter anotre niveau. Le Timonier-national descend. Costume gris-sombre, il salue la foule en de lire, sa canoe d'une main, unmouchoir de l'autre, car ilfait tres chaud.Le chef de l'Etat vient d'entrer au milieu de la foule. IIserre des mains. C'est vraiment incur. Ah que c'est beau toutca ! Que c'est magnifique d'etre aime par son peuple. Le bonpere parle a ses fils. II s'entretient avec de petits ecoliers ;certainement qu'il leur prodigue des conseils et desencouragements. Comme les anciens Ie disaient: Iaprincipale caracteristique d'un bon chef, c'est la noblesse ducoeur , Notre Guide-supreme est un exemple vivant de cetadage. QueJle generosite, queJle bonte, que, quelle, les motsme manquent pour decrire l'amour que notre Pere bien-aimetemoigne a tout son peuple a travers les habitants deZamb'Woga.Le bain de foule est termine. Le president de laRepublique rejoint la tribune d'honneur suivi de certainsmembres du gouvemement, des hautes autorites de la region

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    et de la ville, sous les clameurs, les hourras et les vivas defoule en delire.Les militants responsables de l 'organisation font tairetam-tams et les griots. Le silence est reclame a toute laLe gouverneur de la region Kouakou Koffi adressemots de bienvenue en langue africaine, it l'illustre hote.

    rappelle l'heroique lutte de cet homme qui a su braverl~s danger~, franchir tous les obstacles afin que son neunteVl,ve la liberte ! Notre bonheur, notre prosperite,developpement restent et demeureront les seuls soucis dehomme beni de Dieu et envoye comme messie pourpeuple.Le gouverneur souligne une evidence: la bonte duguide, incapable de faire du mal it une simple mouche.foule h~le de joie. Plus de cent mille personnes qui .applaudissent, font tonner des fusils it chaque fin de phraseImaginez chers auditeurs.Le gouverneur vient de finir son discours sous un .VJJL.u.....L~....'d'applaudissements.Le Guide-supreme, Ie Pere-fondateur de Ia Nation Ie.Grand-timonier ... vient de se lever. La foule est incontenable,Les militants entonnent l'hymne du parti, repris en chreurtoute la foule. Quelle ferveur militante !Le silence est demande. Le Pere de la Nation va s'adresser .'it son peuple. Ecoutez notre liberateur, notre President it vie.- Mil~tantes et militants de Zamb'Woga, cherscompatnotes.Le tonnerre d'applaudissements craqua, sec.- Nous vous salu~~ au nom des militants de la capitale etde taus les autres militants it travers la Republique..Nous sommes tres sensibles it l'honneur que vous nousfaites cet apres-midi en bravant Ie soleil, la soif, la poussiere .pour nous recevoir. Cela prouve, s'il en etait besoin que lesnobles ideaux de paix, de justice, de progres social, principesfOl!damenta?" de. notre Parti d'avant-garde, ne sont pas devams mots a Watinbow, Cela prouve, slit en etait besoin, que

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    It t bonne volonte et la grande maturi te de notre parti uniquesont indeniables et irreversibles.Le tonnerre d'applaudissements roula, ininterrompu. Ledelire etait a son paroxysme.- Nous sommes it Zamb'Woga aujourd'hui comme nousavons ete dans certaines villes hier, comme nous serons dansd'autres villes demain. II nous faut, it chaque fois, aller versnotre peuple pour animer la flamme du Parti qui rechauffenus coeurs et nous eclaire la voie pour des lendemainsmeil leurs.Zamb'Woga a ete, des les premieres heures de la lutte,l'une des premieres villes qui ant repondu a l'appel pour lecombat. Le combat pour l'independance,Aujourd'hui encore vous etes un exemple pour biend'autres militants de notre pays. Votre ardeur legendaire autravail, votre sens tres eleve de l'honneur, de la dignite, ducourage, vous placent it l'avant-garde de la lutte que nousmenons contre le sous-developpement et ses consequences.Zamb'Woga a donne a la Nation de grands et valeureuxsoldats, Nous prendrons en exemple, Ie commandant Ketta etIe capitaine Ouedraogo dont le courage et l'audace ont etecites en exemple au-dela des oceans.Les applaudissements se firent drus avant d'etre couvertspar les clameurs et les hurlements.- Mes chers compatriotes, il est toujours bon de rappelerles grandes lignes de notre parti-Etat, sous la banniere duquelnotre peuple est alle it l'assaut des forces coloniales pourarracher sa souverainete. II est et restera l'unique parti denotre pays.Car le monde que nous vivons n'est pas seulement minepar les menaces de guerres nucleaires ou conventionnelles. 11ne souffre pas seulement de la crise economique et de lamisere consequente, Mais il va indeniablement itl'apocalypse, par la voie de la desunion des peuples. Et pourque les peuples realisent cette unite salvatrice, il fautirnperativement que chaque peuple au niveau de chaque paysforge son unite.

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    Done notre Parti n'est pas ne pour sauver seulement notrepeuple mais aussi pour apporter notre petite pierrel'edification de la fraternite et dela paix universelle.Mais comrne vous Ie savez, notre monde ressemble it unecase de singes: pendant que les uns s'evertuent it la:construire, les autres s'emploient it la detruire. C'est pourquoinous denoncons les puissances etrangeres qui organisent et:financent les guerres entre les peuples.Nous reiterons notre soutien it tous nos amis epris de paix.Militantes et militants, nous vous invitons it redoubler devigilance face aux marchands d'ideologies, les dioulas detheories qui viendront pour troquer votre foi militante contredes chimeres,Nous veillerons et serons desormais impitoyables avectous ceux qui pensent que les diplomes universitaires et lesgrandes etudes sont des licences pour semer les troubles, la:zizanie et l'anarchie en erigeant des mensonges et des revesen paroles d'evangile. Nous chatierons, avec la derniererigueur, tous ces prophetes it courte vue et aux idees aussitouffues que les barbes de leurs dieux.Vous savez que malheureusement, nos jeunes portentleurs diplomes comme des cyclistes portent leur dossard. Des.que vous essayez de les conseiller, ils vous tournent Ie dos.De Zamb'Woga, je lance un appel it toutes les militantes et'tous les militants de notre parti, afin qu'ils demasquent etdenoncent tous les petits opportunistes qui beneficient dessacrifices de notre peuple et qui, en retour, creent Ie desordre.Nous savons qu'ils sont manipules de l'exterieur par desgens jaloux de notre stabilite, notre paix et notre progres..L'ordre regnera par tous les moyens. Nous ne faillirons point.Chers compatriotes, Ia conjoncture intemationale et Iacrise economique mondiale nous commandent des sacrificessi nous voulons maintenir Ie taux de croissance que connaitnotre pays depuis ces dernieres annees,Personne d'autre ne viendra construire ce pays pour nous.Nous devons songer it l'avenir de nos enfants. II s'agit derepondre clairement, de facon intelligente et consciente it la

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    question suivante: quel pays voulons-nous pour noscnfants?L'avenir sera ce que nous voulons qu'il soit. C'estpourquoi, pour maintenir notre taux de croissance actuel quifait notre fierte et impose it nos partenaires economiquesrespect et consideration, nous avons decide de retenir dix-sept pour cent des salaires des cadres, dix pour cent dessaLaires moyens et cinq pour cent des bas salaires. Dans lememe ordre d'idee, certaines taxes et certains impots subirontune hausse legere. NOllSrefusons de faire appel au PMI, cemedecin-antropophage, pour resoudre nos problemes. Noussommes capables de le faire tout seuls.Les loyaux militants, les vrais patriotes ne pourrontqu'applaudir ces mesures temporaires qui ne vi sent quiamaintenir la bonne sante de notre economie.Les apatrides, les fossoyeurs de Ia Nation trouverontsilrement matiere it rebellion et it agitation. Mais ils sontprevenus, Nous sommes un Etat de droit et nous netolererons jamais l'anarchie d'ou qu'elle vienne.Toujours pour la bonne sante de notre economie, nousallons reformer notre armee afin qu'elle soit plus productive.Desormais nos militaires auront leurs champs et leurstroupeaux.Militantes et mili tants, l'heure est au travail et au sacrificepour sauver Ia Nation toute entiere de Ia bourrasqueeconomique internationale.NOllSreconnaissons Ie droit de greve it tous les travailleursde Watinbow, mais gare it celui qui va s'en servir sansL'accord des autorites. Nous sommes un Etat de droit , tant pispour ceux qui vont l'oublier. lIs iront vivre leur anarchieailleurs.Chers compatriotes, nous vous faisons confiance. Tousensemble nous sunnonterons les difficultes, Tous ensemblenous vaincrons. Et rappelez-vous que les victoires d'hier etd'aujourd'hui ne sont pas celles de demain. Elles temoignentseulement du passe mais ne garantissent pas l'avenir quidemeure une eternelle conquete.

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    ~iv; Zamb'Woga et ses vaillants militants,Parti d avant-garde, vive Watinbow.~ tonnerre d'applaudissements roula, roula. Les coups 'fusil se firent ininterrompus.L'equipe m~bile de la radiodiffusion reprit son .............,f....- Chers auditeurs, Ie Guide vient d'achever son U.L"U~

    Les danses reprennent. Que1 monde! Plus de centpersonnes sont venues acclamer Ie Pere de la Nation,On no~s signale qu'il y aura tout de s~tedemonstration de saut par des parachutistes du regirnetparacommando dirige par le vaillant commandant KeItaest un fils de la region. Nous apercevons deux avions deforces armees qui volent a basse altitude. Ce sonttransporte~s de troupe, me souffle-t-on. crest confirmesaut aura he~ tout de suite. Les avions prennent de I' at 'Les organ~sateurs expliquent a la foule ce qui va seLes parachutlst~s atternront sur Ie terrain de football nonde. lao Un terrain non cloture. Les forces de l'ordre fontc~I~ture de ~~curite pour eviter que des gens tresn aillent sur laue d'atterrissage.Les avions tournent au-des sus de nos tetes. Tousregards sont braques vers le del. Les habitants~amb'Woga vont vivre leur premier parachutage. lis " " " M " . . . .. . .tI am~e de leurs vaillants fils. Car tous nos parachutistesdes. eleves des commandants Keita et Ouedraogo qui sontgloire et la fierte de notre armee,Ca ~ es~..C;a commence deja. Un, deux, quatre ... "V~JU1Jl~,une nuee d oiseaux, les parachutistes se lancent dans le

    lis sont c~mme pondus par l'avion, pour donner une image dela sce~e a ceux qui ~'ont jamais vu un parachutage. C'est~~tastIque,. spectaculaire. La foule erie, applaudit et saute dejoie. Les ?f1ots clarnent les noms de Keita et Ouedraogo, "~a metamorphose des petits charnpignons du ciel quidevle!IDent des hommes a terre, emerveille la foule. Lespremiers parachutistes viennent de toucher terre et~ommencent it plier ~eur parachute. Le second avion deversea son tour sa cargaison. Que c'est beau tout ca l Certains,

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    .",'uchutistes se livrent a des exercices de jambes en plein" . 1 .On annonce a Ia foule emerveillee que les commandantsI " l l u et Ouedraogo vont sauter it leur tour. Les avions".nnent de l'altitude. Us ont presque disparu d~s les m~ages.te" deux veterans de la 2e Guerre mondiale, de l'Indochine et' d e l l'Algerie vont nous faire une demonstration de leurslIlcnts. Ces eminents parachutistes qui ont tant de fois saute.ur la jungle indochinoise et sur les montagnes de l'Atlas,rumpus comme pas un dans le metier des annes, sont desVlIleurssures pour notre pays et son armee,Un sergent explique ala foule que nos rois du parachutefont des sauts libres, c'est pourquoi les avions prennent deI'ultitude. U imite et commente les gestes que nos virtuosesdu parachute vont faire. Us n'ouvriront leur parachute qu'audernier moment.Du haut de la tribune, Ie Guide de la Nation suit leparachutage. La main dro.ite en parasol sur Ie front, i1 ~crutele ciel. Sans doute veut-il aUSSIcontempler les exploits denos seigneurs du parachute.Les avions ont vraiment pris de l'altitude.Nous voyons entin deux petits points noirs qui viennent desortir d'un nuage blanc. Il faut des jurnelles comme cellesqu'utilise le Pere de la Nation pour mieux suivre lesacrobaties de nos rois des airs. Nos aigles.Les deux points se precisent. Ce qu'on pensait etre desoiseaux ne sont que nos deux heros. Mais ilme semble qu'ilsne planent pas comme le sergent expliquait tout de suite. Jetrouve leur chute meme un peu desordonnee. Vous savez queje ne m'y connais pas. Je trouve qu'ils viennent a une vitesseextraordi ... les, parachutes vont s'ouv . .. Non on on! Mondieu, mon Dieu, mon Dieu !C'est incroyable, c'est epouvantable, c'est catastrophique !Les parachutes ne se sont pas ouverts. Quelle horreur,quelle horreur, c'est incroyable, mon Dieu quelle perte, queldesastre,

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    Des cris et des hurlements montent de la foule. Tmonde est en larmes. Chers auditeurs c'est epouvantable,parachutes ne se sont pas ouverts et nos deux .....VllllJ.aul.....:IIont vole en eclats au contact du sol. C'est abominablehorrible. .Chers auditeurs on me demande de remettre l'antenne

    studio pour une musique funebre,C'est evidemment la fin de la visite presidentielle. Ce npas un accident, c'est une catastrophe. IAllf le studio? si vous m'entendez reprenez l'pour ne passer que de la musique funebre, Tousprogrammes sont supprimcs, C'est un ordre des autoritesplace ici. Je repete tous les programmes sontjusqu'a la declaration que fera Ia presidence de Ia H...;:UUll1.1UWABo le studio? vous avez l'antenne., - Alors, votre. Excellence, tout n'est-il pas rentre1?rdre ~ Vo.s c~amtes ne sont-elles pas apaisees ? Toutbien qur fimt blen. Je vous dit et VOllS repete que Ml'Ambassadeur et moi ne faisons rien au hasard en ceconcerne votre securite. Quand votre pouvoir est UU;;Uallnous n'hesitons pas.- Dans mes bras, sacre Marcel. Que serais-je sans vousTout est bien qui finit bien. II y a it peine une semainece meme bureau j'ai failli piquer une crise de nerfs quandm'~s r~veIe, Ie forfait que ces fils de charognardspreparaient a commettre.La sonnerie de la porte retentit.- Entrez mes chers. Entrez. Ce sont mes chers TigaKodio.Prenez place les amis, la fete va commencer. Tiga, rauieunde gauche. General Etienne Kodio assieds-toi a rna droite.- Votre Excellence je suis lieutenant-colonel. Je.... - Depuis quand discute-t-on les ordres dans l'armee ? JSUlS Ie chef supreme des armees, Tu etais ueutenant-coionet,je te dis que tu es devenu general. Pas de discussion etce champagne.- Merci, grand merci votre Honneur ...

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    Pus de remerciements inutiles. Servez it boire. Mais ce"'" jc n'ai pas compris Marcel, c'est les coupures de salairesnous allons faire._C'est pourtant tres simple votre Excellence. It ne faut pasque la situation s'aggrave avant de prendre certaineslsions. 11 faut habituer votre peuple it affronter lesQu'adviendrait-il si mon pays pour un motif..uelconque reduisait son aide? Vous parlez frequemmcnttI'hu.icpendance, ca signifie qu'il faut souvent etre

    ,..ponsable.La jeune generation de fonctionnaires malgre les effortsC l u e nous faisons, nous taxe de neocoloniaux. Alors, qu'elleIPprenne a etre independante. C'est exact. Rien a dire. Mais VOllS ne pouvez pas nousl.l"ser tomber it cause de certains inconscients.Cela dit, levons nos verres mes amis et buvons a la mortd e nos ennemis. Que la terre leur soit d'une lourdeurInsoutenable.II fallait meme bruler leurs morceaux. Des diables, ouplutot de la puree de diable !J'ai failli rire en prononcant le discours funebre.J'ordonne des enquetes !Les autres rirent et applaudirent.Gouama a debouche ses plus vieux vins pour la

    circonstance._General Kodio, ecoute bien ce que je vais te dire. Jeveux surtout que tupuisses conseiller tes soldats._Votre Excellence je ne ferai que ce que vous voudrez.Vos desirs sont des ordres. Etje vous jure sur l'honneur ..._Je te fais confiance. Ce qu'il faut comprendre et surtoutfaire comprendre a tes ecerveles, tes pouvoirdocus leopardis,c'est que je suis le Perc de la Nation. Us le disent mais ils ne

    le croient pas tres serieusement.- Votre Excellence ..._Silence et ecoute. Je dis qu'il faut leur enfoneer ca dansIa tete.

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    Prenant Marcel et Tiga it temoin, Gouama se mit a faire aKodio un cours de science politique.- Connais-tu la vie d'un regime militaire? Ecoute-moibien. Au debut du regime, c'est-a-dire le coup d'Etat reussi,vous vous disputez les places, pas ministerielles seulementrnais aussi Ie rang dans la hierarchie des honneurs inherents

    aux efforts et au "courage" dans Ie renversement despresidents que vous qualifiez ingratement de tyrans. Il y a "alors des hommes "forts": des numeros un, des numerosdeux, des numeros trois, etc., trop de heros pour un seul coupd'Etat. C'est la premiere phase du regime militaire.Dans la seconde phase, on assiste it la bataille des "heros"ou des numeros : Ie numero cinq veut devenir numero deux, 'Ie numero quatre veut devenir numero un, Ie numero un neveut plus d'autres numeros. Alors les armes crepitent anouveau. Des numeros s'effacent, un ou plusieurs numerosbrillent it leur tour au firmament du pouvoir. "Un hommefort" se detache, une etoile polaire, un "guide". Un generalJa defaite economique et culturelle.Dans la troisieme phase vous creez Ieparti unique.Vous conviez le peuple au theatre ou vous jouezdemocratic. VOllS essayez de faire comme nous. Maisguepe fait un nid qui ressemble a WI rayon de miel,elle ne sait que piquer.Apres cette troisieme phase on revient a la case depart :le cycle infernal recommence.Le continent peut-il se developper dans ces conditions?- Impossible votre Excellence, cria le general Kodio.- Tu le constates toi-meme. La floraison dementielleconseils et de comites it travers Ie continent est Iaprofonde de notre sous-developpement, C'est uneindeniable, Un regime militaire est WI coup d'Etatinstance.- Tres certainement votre Honneur.- Ce que je veux surtout Kodio, c'est que chaque recruecomprenne comme toi, qu'ill'assimile, qu'ille digere,

    Vous n'etes quand meme pas des communistes pour etre sihomes. Vous n'etes pas des communistes !Notre pays a un parti d'avant-garde, seul ce parti peut noussmener au developpement. Le reste est un leurre dangereux.Vous ne connaissez rien de la politique. On ne devient paspuliticien parce qu'on a une tenue avec des morceaux deICrraille sur les epaules, Reflechissez ! Reflechissez ! Tres vrai votre Excellence. Tres vrai, votre Honneur, Mais maintenant que les deux traitres sont elimines, ilr.ut faire en sorte que d'autres n'aient plus de si mauvaisesW~es . Que penses-tu de ca Marcel ? C'est tout a fait exact mon President. L'autre jour, apresSuisse, j'ai fait un crochet chez nous au ministere de laMonsieur l'Ambassadeur recevra des ordresTout sera regie lors de votre prochaine visite. Votrevoir aura Ie bouclier qu'il lui faut pour etre it l'abri desde ceux que VOllS appelez savamment

    leopardis". Un neologisme merveilleux et

    Ce bon vieux Marcel ne cessera jamais de me surprendre"llbh~mlent Agreablement.. a c r e vieux Marcel. Vive la cooperation! Nous sommes la pour vous Excellence.J e Ie sais Marcel, je le sais. Ah, servez-moi a boire. ArK8, organise une rencontre ce soir ici. 11 faut boire etmais il ne faut pas oublier ceux qui ne boivent ni ne

    "",,,ulua et ses hommes s'esclafferent,J c vous amene laquelle votre Excellence ?Voyons, voyons ...hesitait. Le doigt sur la bouche, les yeux auil songeait. Des images de fiUes defilaient dans son11ne reussit qu'a leur accrocher deux noms. Mais

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    soudain, il ota son doigt de seS Ie vr es ; it rayonnaitvisiblement satisfait de la solution ql.l'il venait de trouver. '- Tiga, te rappelles-tu la jeune jyceenne qui etait venueavec ta niece l 'autre jour chez toi ?- Je sais O U la trouver Excellence. Seulement elle a Iipeinetreize ans, et.. .- Qui t'a demande son age? Je ne veux pas la recruter Iil'armee que je sache. Treize ans, trejz~ ans ! ca fait combiende mois? Dis-moi, treize ans ca fait eombien de mois? 'Hein?- Tres bien Excellence. Affaire reglee, Passons Ii autrechose.Machiavel a dit: Quand les princes, ont pense auxplaisirs plus qu'aux armes, ils ont perdu leur Etat .Maintenant que l'arbre est coupe, ilfaut faire en sorte queses racines ne bourgeonnent plus des jeunes pousses.- Parlez clairement Monsieur Tiga-- Je veux dire, Monsieur Marcel, que l'elimination deKeita et de Ouedraogo ne suffit pas. Ilfaut liquider tous ceuxqui voulaient leur preter leur concours-- T re s exact Monsieur Tiga. l'ai awene Iison Excellence laliste de tous ceux qui sont impliques dans Ie complot. II resteIivoir comment nous allons les supprimer.A l'heure ou je vous parle, ils sont reunis pour un rapportdans la vaste salle du mess des sous-offieiers.Monsieur Tiga, vous remarquerez certainement par leurmine patibulaire les elements comploteurs, si vous voulezbien venir avec moi jusqu'au camp.- Bien general Kodio. Prenons un autre verre de ce bonyin de son Excellence.En attendant reflechissons tout de suite sur la maniere deliquider ees fils du grand Corrupteur.- Qu'on les arrete sur le champ et qu'on les envoie tenirpour le moment compagnie au bureaUdes etudiants, Car ilssont aussi idiots que des communistes-

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    On reglera leur eas la semaine prochaine. Pour le momentc'est la fete. Apres la fete, je ferai couper toutes les tetescommunistes et traitres. Ca sera une moisson !Une vraie.- Votre Excellence, je voulais vous proposer qu'on lesrassemble pour un motif quelconque au camp pour leur tirerdessus. Peu apres on pulverisera leur cadavre it coup dedynamite. Toute la ville entendra l'explosion. Un accidentpeut toujours survenir dans les depots de munitions.- Bien Monsieur Tiga. En attendant rendons-nous aucamp.- Tout de suite general Kodio.Les deux hommes s'appretaient Ii sortir, lorsque Gouamaqui commencait it sentir les effets de son champagne, lescloua d'un ordre sec.- Je veux qu'ils soient arretes ce soir ou demain matin auplus tard. Enfermez-les dans la cellule des etudiantscommunistes. Mais pour qu'il y ait de la place dans cettecellule que je suppose etre tres petite, j 'ai trouve une solution.Devinez, devinez mes amis ... VOllS ne trouvez pas, c'est plusfort que vous.Les yeux de Gouama brillaient. Le vin faisait vraimentson effet.- La solution est simple, nous allons pendre les etudiantsce soir.- Ca ne servira Ii rien Excellence. C'est inutile. Cesetudiants peuvent encore etre utiles. L'autre jour un sorcierm'a recommande un sacrifice dont l'une des composantesetaient un foie d'homme. Comme ilse faisait tard, j'ai envoyeprendre un etudiant dans la cellule.- Tu as raison Tiga. Si on a des pares de moutons,pourquoi ne pas en avoir un d'hommes. Surtout que nousavons des communistes. Tres bien Tiga, faites comme VOllSvoulez.Eh ! n'oublie pas de meubler rna chambre d'ici. N'oubliepas.- J'y veillerai Excellence; sans faillir.

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    Mais ,Ia je1l1_lefemm~. du gouverneur que vous avez~o~voquee ?~pWSv?tre visite est arrivee hier chez moi. Dois-je Iamener ICIce soir ?I ~Pas questi~n, qu'elle atten~e son tour demain. J'ai decided ailleurs ~e faire une. promotion it son marl de gouverneur,parce que Je veux avoir cette fee it portee de main. Elle n'estpas digne d'un petit gouverneur.Son mari sera detache au ministere de l'Interieur des lasemai~e prochaine, cornme conseiller technique du ministre.- BIen Excellence. Si vous permettez nous allons noussauver. II faut resoudre le cas des autres traitres.Au revoir mon President. Au revoir Monsieur Marcel .La puissant~ Mercedes de Tiga avala en un temps record .les quelques ~tlometres qui separaient la presidence du mess .des sous-~fficle~s. Le general Kodio descendit le premier., ,~Mo~sleur Tiga, ~e~ettez-moi que je jette un coup d'oeila I tnte~leur pour vo!r SI la reunion se poursuit pour ne pas .VOllSfaire fane un deplacement remarque pour rien.- Tres bien general, comme vous voulez.Le general en quelques foulees fit irruption dans une vastesalle. Un "fixe" claqua au-dessus du concert de pieds deschaises que ron liberait,.- Rep~s. Pas de temps a perdre. Assis. Que ceux que jevais d~sIgner du doigt serrent la mine. Pas d'explication.E~ecutIon. Nous recevrons un visiteur de marque tout des~te. Je ressors et je reviens avec lui. Ceux qui auront lamme serree feront semblant d'ignorer sa presence. Execution.Sur ces mots le general ressortit.- Ils sont h l Monsieur Tiga. Comme je vous Ie disais lescomploteurs ont toujours la mine serree. IIs pleurent la mortde leurs heros.- Entrons, je verrai bien.A nouveau un "fixe" retentit.

    . Tiga promena sa. pomme-d'Adam pointue et ses yeux dehibou ,sur tous _les.VIsages. Sur certains, son regard de fauveaffame se durcissait et devenait insoutenable.

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    - Vous avez ici mon ami et frere Tiga, Ie frere bien-aimede notre illustre Guide, le Pere-fondateur de laNation.Quelques militaires applaudirent._II est venu vous presenter ses condoleances pour la mortde nos commandants.Son temps etant tres limite, il va nous quitter pour deslfiches plus urgentes._Au revoir. Nous nous reverrons bientot. Peut-etre pastout le monde mais avec que1ques-uns, conclut Tiga enaffichant un sourire de croque-mort.Le general Kodio l 'accompagna hors du mess.- Qu'en pensez-vous Monsieur Tiga ?_J'ai effectivement vu ces soldats a la mine patibulaire. IIfaut agir vite. Des demain matin ils doivent etre arretes. Lesgrades seront executes Ie meme jour. Pas de temps Iiperdre.Je comprends Ie souci de Monsieur Marcel qui veut que leschoses se passent incognito, mais aujourd'hui le tempstravaille contre nous.Done, demain matin apres l'appel et la lecture du rapport,tu les feras arreter, L'operation terminee tu me telephones.D'accord?_ Sans probleme Monsieur Tiga. II n'y aura aucunedifficulte,_Bon. au revoir general. Temoignons toute notre gratitudea l'homme qui a fait de nous ce que nous sommesaujourd'hui, en liquidant ses ennemis. Au revoir Monsieur Tiga. Je retourne Ii la maison.J'organiserai des ce soir les arrestations de demain.A peine, la Mercedes de Tiga avait-t-elle fait quelquescentaines de metres que Ie general Kodio regagna le mess des

    sous-officiers et la salle de reunion.- Nous vous attendions colonel. Monsieur l 'Ambassadeura telephone, it a dit ceci : II y a trois ceufs dans le nid , itl' a repete trois fois.Monsieur Marcel. le conseiller du president de mes bottesa remis deux caisses lourdes pour vous avec ce mot: Joyeux Noel, en ce jour .

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    - Tres bien. Le president Gouama nous soupconneresponsables de la mort de Kerta et de Ouedraogo. IIremis la liste des suspects a arreter, la voici. Je l'aiphotocopier.Le coup est pour demain matin a trois heures : Il ytrois ceufs dans le nid . Marcel a fourni par mesure

    precaution des munitions.C'est d'ail1eurs inutile: Keita et Ouedraogo, les deuxpouvaient s'opposer a nous n'etant plus la, iln'y aura pasgrande resistance. Ces deux chiens vivants, nous aurionstout leur regiment sur le dos. Ces chiens etaient teuememdevoues a leur maitre, qu'ils auraient pu faire avortercoup. I- Pour etre franc colonel, si Keita et Ouedraogo e t a i e r i tvivants je ne participerais pas au coup. Le jour OUVOUS'm'avez envoye sonder le commandant Keita, j'ai eu peur d o 'lui. II m'a fait mouiller. Quandj'ai fait allusion a un putsch, il.

    a change de ton tout de suite. II a profere des menaces conn.ceux qui voudront instaurer ce qu'il appelait "1'anarchie".Nous sommes des soldats. Notre seul devoir est la defensede l'integrite territoriale. Un point, un trait . Gare aux petitsambitieux qui vont oser . '- Ils ont dit pire que ca, capitaine Marga. Seulement ils sesont mesures a plus fort qu'eux.Voici des plans de la ville venus de l'Ambassade avec lesdifferents points strategiques a occuper avant et apres Ie .coup.Pas de quartier pour les chefs de la milice,Nous n'avons reussi qu'a muter la moitie des effectifs de lagarde presidentielle. Nos hommes qui les ont remplaces sontcharges de liquider l'autre moitie, Toutefois une unite ira enrenfort pour parer a toute eventualite,Nous avons beaucoup de chance: ce soir le presidentGouama dort dans la luxueuse chambre a coucher de soncabinet de travail, avec une fillette de treize ans. II atellement bu que je parie qu'il ne touchera pas a la petite.

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    - Colonel je ne comprends pas pourquoi Monsieurl'Ambassadeur le veut vivant. Qu'est-ce qu'il veut en faire ?- C'est pourtant simple capitaine Onana : tu sais que tousles anciens despotes africains sont en Europe. Us constituentdes cartes de rechange et des instruments de pression pour lesgouvernements europeens qui les ant accueillis.Si vous refusez de suivre la voie qu'ils vous tracent, onsort ou on menace de faire sortir l'autre du placard. Ne vousinquietez pas. Nous sommes prets it respecter tous leursordres sauf celui-ci. II faut abattre Gouama. Je lui rendrai soncoup de pieds a titre posthume. Je ne le veux pas vivant. Lecimetiere politi que de notre pays n'aura pas de revenants.NOllS libererons tous les prisonniers politiques sauf lesetudiants.Nous retablirons les salaires des fonctionnaires quidevaient etre cisailles, La mesure a ete prise pour ca.A present je vous donne la liste des membres de mon

    gouvernement. Vous verrez trois noms de civils; ceshommes ont ete choisis par Monsieur l'Ambassadeur. Ce sontdes hommes sUrs et competents. Us ont tous fait leurs etudesuniversitaires en Europe et en Amerique. Us ont toujoursrefuse de militer dans les mouvements estudiantinsprocommunistes. Us sont tous d'eminents econornistes.C'est Monsieur Marcel qui nous a aides a faire cegouvernement. Tous les membres du comite directeur etaientpresents.Personne ne sera oublie, Apres le coup vous serez tous quigouverneur. qui prefet, sans compter les multiples postes dedirection. Personne ne sera oublie. Chacun de vous aura sarecompense.- Une chose m'inquiete colonel. Allons-nous diriger avecdes grades aussi maigres ?Un brouhaha de oui approbateur se leva dans 1asalle.- Votre question est pertinente, caporal Karfo. 11est clairqu'une revision de la situation sera faite. Et puis n'oubliez pasque vous pouvez etre caporal et avoir un salaire decommandant.

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  • 5/10/2018 Le Parachutage Norbert Zongo

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    Toute la salle applaudit. On jubilait.. - Je vous dis que personne ne sera lese. Mais il nous fautfaire un bon demarrage. Ne faisons pas comme si nousquittions Ie pouvoir demain. Pour les courses de fond il faut 'aUer lentement. II faut faire sembl ant. Nous ne toucherons 'pas au pare automobile de la presidence, Nous nousdeplacerons avec nos jeeps. Essayez de maintenir Ie memerythme de vie. Pas d'exces,Nous denoncerons les accords de cooperation qui lient'notre pays a celui de l'Ambassadeur. '- Colonel?- Colonel quoi ? Silence et suis. C'est I'Ambassadeur lui-meme qui a redige la declaration que je vais lire demain sitout va bien.Nous aurons un langage it gauche.- Ca veut dire quoi langage a gauche mon colonel ?- Ca veut dire que nous parlerons comme des

    revolutionnaires, des communistes, si tu veux, caporalNGumu.- Eh, comme des revofuuonnatres et des communistes?Ah non! je ne veux pas. Je ne suis pas d'accord.. - Du calme caporaI. II faut faire semblant, c'est tout. Tu

    sais .que, l~ RI~part des jeunes aujourd'hui, par ignorance oupar imbecillite optent pour des idees de gauche. II nous fautetre cautionnes et soutenus par Ieplus grand nombre.Nous reconnaitrons quelques mouvements de liberation depar Iemonde.Des responsables syndicaux seront nommes a d'importants

    postes de responsabilite. 'Comme autre avantage, vous aurez chaque annee dix 'places au recrutement militaire, dix personnes it faire graderet trois bourses pour des etudes militaires it vos proteges.Nous allons restructurer I'armee, L'ancien president, feuGo~ d~s. 9uelques heures, disait sottement qu'un Regime mtlitaire est un coup d'Etat en instanceNeanmoins nous prendrons des mesures. .

    Je repete une fois de plus: faites en sorte que nous ayonsl'estime du peuple des Ie debut. Le reste de notre carriere endepend. Qui a dit encore: II faut eire organise de faconque, lorsque /es peup/es ne croiront plus, onpuisse les fairecroire deforce ?Kodio reflechissait. Il cogna son front de son poing,cherchant l'auteur de la celebre phrase qu'il avait recopieedans un journal. 1 1 appela la salle it son secours.- Colonel ne vous tracassez pas pour si peu. Quel que soitl'auteur, la phrase nous donne un bon conseil.- Tres bien sergent Sida. NOllS allons nous reposer.Rendez-vous ce soir it 23 heures ici IDI:!me.Faites-vousdeposer loin du camp et venez it . pied; aucun signe ne doitreveler notre presence.Chacun a-t-il eu un mouton noir pour son sacrifice avantles combats? Mon sorcier Sanou est formel, le succes del'operation en depend.Je repete que je veux le hibou de Tiga vivant. II faut qu'ilnous revele l'adresse de tous leurs sorciers afin