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IFPEK Rennes Institut de Formation en Ergothérapie Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l’ergothérapeute : quels liens avec le développement du schéma corporel ? En vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute BAYON Laure Juin 2012

Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

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Page 1: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

IFPEK Rennes

Institut de Formation en Ergothérapie

Le positionnement d’un enfant paralysé

cérébral par l’ergothérapeute :

quels liens avec le développement du schéma

corporel ?

En vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute

BAYON Laure

Juin 2012

clarisse
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Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est illégale.
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IFPEK Rennes

Institut de Formation en Ergothérapie

Le positionnement d’un enfant paralysé

cérébral par l’ergothérapeute :

quels liens avec le développement du schéma

corporel ?

En vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute

Sous la direction de Yann PERSON

BAYON Laure

Juin 2012

Page 3: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont apporté leur aide

pour la réalisation de ce mémoire.

Je remercie mon maître de mémoire, Yann Person, pour son

accompagnement et ses conseils méthodologiques.

Je remercie également les ergothérapeutes et les psychomotriciennes qui

ont accepté de me recevoir en entretien, qui m’ont accordé une partie de

leur temps et m’ont fait partager leur expérience.

Merci à ma famille, à mes amis, et à mes colocataires, pour leurs

encouragements et leur soutien tout au long de la rédaction.

Page 4: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

Sommaire

Remerciements ........................................................................................................................... 3

Introduction ................................................................................................................................ 1

Problématique ............................................................................................................................. 2

I. Le cadre conceptuel ................................................................................................................ 6

1.1 Le schéma corporel ........................................................................................................... 6

1.1.1 Définitions ................................................................................................................. 6

1.1.2 Le schéma corporel vu par les neurologues .............................................................. 8

1.1.3 Les étapes du développement du schéma corporel de l’enfant ................................. 8

1.1.4 Le développement moteur et postural de l’enfant ..................................................... 9

1.2 La paralysie cérébrale ..................................................................................................... 11

1.2.1 Définition ................................................................................................................ 11

1.2.2 Etiologie et épidémiologie ...................................................................................... 12

1.2.3 Troubles majeurs d’un enfant paralysé cérébral ..................................................... 13

1.3.1 Principes généraux du positionnement .................................................................... 14

1.3.2 Une chronologie des besoins de positionnement .................................................... 15

1.3.3 Caractéristiques techniques du positionnement ...................................................... 15

1.3.4 Le positionnement assis et la paralysie cérébrale .................................................... 17

2. Méthode ................................................................................................................................ 19

2.1 Objectifs et hypothèses de recherche .............................................................................. 19

2.2 Justification de l’outil de recherche ................................................................................ 19

2.3 Choix de la population .................................................................................................... 20

2.4 Méthode d’analyse .......................................................................................................... 21

3. Analyse des données de l’enquête ........................................................................................ 22

3.1 Présentation des expériences professionnelles des professionnels interrogés ................ 22

3.2 Recueil des données ........................................................................................................ 23

3.2.1 La cadre de prise en charge des enfants paralysés cérébraux ................................. 23

3.2.2 La notion de schéma corporel vue par les professionnels ....................................... 25

3.3.3 Les troubles posturaux liés à la paralysie cérébrale et leurs impacts ...................... 30

3.3.4 Le positionnement effectué par les ergothérapeutes et l’impact sur le

développement du schéma corporel ................................................................................. 35

4. Discussion et commentaires ................................................................................................. 48

4.1 Conclusions de l’enquête ................................................................................................ 48

4.2 Vérification des hypothèses ............................................................................................ 48

4.3 Pour prolonger la réflexion ............................................................................................. 50

4.4 Critique et limites de la méthode .................................................................................... 52

Conclusion ................................................................................................................................ 53

Bibliographie ............................................................................................................................ 54

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BAYON Laure Juin 2012 Page 1

Introduction

Ce mémoire, réalisé en vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’Ergothérapeute,

traitera de l’influence du positionnement sur le développement du schéma corporel de

l’enfant. Nous ciblerons spécifiquement les enfants cérébro-lésés dans nos recherches.

Le corps est un objet que nous utilisons au quotidien et jamais nous ne nous posons la

question de savoir comment nous percevons notre corps dans l’espace ou comment nous

percevons les différentes parties de notre corps entre elles. Pourtant notre corps s’articule et se

déplace dans notre environnement automatiquement, sans que nous ayons à y réfléchir. C’est

cette notion de représentation de notre corps, appelée schéma corporel, que nous tenterons

d’approfondir.

Les enfants atteints de paralysie cérébrale présentent des troubles de la posture, du

mouvement et de la fonction motrice. Autant de troubles qui retardent ou limitent la position

assise. Notre étude tentera de déterminer le lien entre ces perturbations de l’acquisition de la

station assise et un schéma corporel perturbé.

L’ergothérapie interviendra dans notre mémoire par nos recherches effectuées sur le

positionnement. Nous chercherons à savoir s’il est possible d’établir un lien entre le schéma

corporel, les troubles de la posture de l’enfant atteint de paralysie cérébrale et l’installation de

l’enfant par l’ergothérapeute.

A travers la problématique, nous exposerons le cheminement de notre pensée jusqu’à

la question de recherche. Puis nous développerons une première partie théorique expliquant le

concept de schéma corporel, l’étiologie et les conséquences de la paralysie cérébrale, et pour

finir l’approche du positionnement en ergothérapie. La deuxième partie portera sur la méthode

utilisée pour ce mémoire d’initiation à la recherche. L’analyse des données de l’enquête sera

développée dans une troisième partie. La quatrième et dernière partie nous permettra de

conclure sur notre analyse et de poursuivre nos réflexions.

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BAYON Laure Juin 2012 Page 2

Problématique

Au tout début, j’ai voulu chercher à analyser si la douleur ressentie par un enfant

atteint de paralysie cérébrale pouvait entrainer l’installation d’attitudes vicieuses et ainsi

provoquer des perturbations dans la construction de son schéma corporel.

Cette idée m’est venue d’une expérience de stage en pédiatrie. L’un des patients que je

suivais était atteint d’une infirmité motrice cérébrale, suite à certaines lésions dues à cette

atteinte, il devait être nourri par gastrotomie. Celle-ci lui provoquait des douleurs lors de la

position en décubitus ventral en séances de kinésithérapie car il s’appuyait alors sur son

bouton de gastrostomie1, de type bouton à ballonnet, positionné au niveau du bas du ventre.

Dans un travail de collaboration avec la kinésithérapeute, l’ergothérapeute tentait de trouver

une solution pour lui permettre une position de décubitus ventral non douloureuse.

L’ergothérapeute et moi-même lui avons proposé une adaptation en mousse à coller sur son

ventre pour protéger son bouton Mic-Key® de gastrotomie, puis nous avons fait une

deuxième tentative, à l’aide d’un body en jersey à enfiler couplé à la mousse, car celle-ci avait

tendance à glisser.

Lors des essais de ces adaptations, cet enfant refusait toujours de se mettre en position de

décubitus ventral ou avec une grande résistance. Pourtant d’après les infirmières son bouton

de gastrostomie ne devait plus être douloureux, le site étant cicatrisé et non infecté.

L’ergothérapeute a alors émis l’hypothèse que cela pouvait être dû à une appréhension de

cette position, appréhension ancrée dans ses habitudes. Nous n’avons pas trouvé de solution

adaptée pour réduire la douleur provoquée par le bouton Mic-Key® avant la fin de mon stage,

c’est pourquoi je suis restée avec cette interrogation : le schéma corporel de cet enfant

pouvait-il être modifié par cette habitude corporelle prolongée ?

1 Le bouton de gastrostomie est une sonde d’alimentation à fleur de peau composée d’un dispositif de

rétention interne, d’une valve anti-reflux et d’un site d’alimentation. Le dispositif de rétention

intragastrique est soit à champignon (Bard®), soit à ballonnet (Mic-Key®). Définition prise sur le site :

http://soins.hug-ge.ch/_library/techniques_pdf/techsoinsPEGPed_1.pdf (Consulté le 05 février 2012)

Page 7: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 3

C’est pour répondre à cette question que j’ai voulu comprendre comment se

construisait le schéma corporel d’un enfant et en premier lieu ce que signifiait réellement une

notion aussi vaste que celle de schéma corporel.

Quelles étaient les périodes de construction de ce schéma corporel ? Y avait-il des périodes

critiques lors de ce développement ? Le schéma corporel permet à l’enfant d’interagir

correctement dans son espace, mais quelles sont les conditions nécessaires à l’enfant pour que

cette représentation du corps se développe ? Quels sont les liens entre le développement

psychomoteur de l’enfant et le développement de son schéma corporel ?

Par la suite de mon mémoire, je ne développerai pas la douleur chez l’enfant et ces

impacts sur le positionnement, cependant je tenais à préciser que c’est d’une expérience avec

un enfant douloureux que m’ait venu l’idée de mon sujet.

J’ai effectué deux stages dans le milieu pédiatrique (un en première année dans

différents Instituts-Médicaux-Educatifs et un en deuxième année en Centre de Rééducation et

de Réadaptation Fonctionnelles), et cela a influencé mon choix de sujet pour le mémoire. En

effet, je trouve l’approche en pédiatrie particulière, notamment lorsque les enfants n’ont pas

encore acquis le langage ou ne peuvent l’acquérir. Le lien thérapeutique, autre que la

communication verbale stricte, trouve alors toute sa place à travers l’attitude, les modulations

de la voix, le toucher.

Lors de ces stages j’ai également compris l’importance du positionnement des enfants

dans leurs différents milieux de vie (fauteuil roulant, lit, maison, école, loisirs) et le rôle de

l’ergothérapeute vis-à-vis de ces positionnements.

Une autre de mes idées de sujet de recherche était d’étudier le positionnement des

enfants en néonatalogie, observer comment l’ergothérapeute pouvait guider les enfants

prématurés dans leur développement psychomoteur, grâce à des protocoles de changements

de position et des installations dans les couveuses ou dans le lit de l’enfant.

Ce sujet avait été abordé lors d’un cours sur le développement psychomoteur de l’enfant en

première année. L’approche de l’ergothérapeute et sa position au sein d’une équipe de

néonatalogie m’avait alors interpelées. En effet le rôle de l’ergothérapeute dans ce service de

néonatalogie est de permettre à l’enfant de trouver des repères et des stimuli équivalents à

ceux qu’il aurait en dehors du milieu hospitalier et sans atteinte physique. Or dans un service

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de néonatalogie la priorité de l’équipe est le soin des fonctions vitales de l’enfant, c’est

pourquoi l’approche ergothérapique qui vise à prévenir les perturbations du développement

psychomoteur de l’enfant peut paraitre secondaire pour l’équipe médicale.

Faut-il cependant faire un choix entre le soin des fonctions vitales de l’enfant et son

développement ? Cependant je n’avais pas vécu ces situations en stage, ni abordé cette

approche thérapeutique, c’est pourquoi j’ai décidé d’adapter mon sujet au développement

psychomoteur des enfants après leur sortie du milieu hospitalier.

Mon expérience en pédiatrie m’a amené à rencontrer de nombreux enfants atteints

d’une paralysie cérébrale, celle-ci se traduisant de façon très diverse selon la lésion. Chez ces

enfants, les séquelles motrices apparaissent dès le plus jeune âge. Or on peut supposer que si

le positionnement de l’enfant n’est pas libre, conséquence d’un trouble moteur dû à la

paralysie cérébrale, cela modifie sa perception : des stimuli à sa disposition, sa vision de

l’environnement, les différentes postures qu’il adopte et le développement de ses fonctions

sensorielles, alors que ceux-ci sont des facteurs du développement psychomoteur de l’enfant.

J’en viens donc à la question : comment un enfant atteint de paralysie cérébrale se

représente-il son corps à travers un développement psychomoteur perturbé ?

Pour répondre à ce questionnement, j’ai fait des recherches sur la paralysie cérébrale pour

distinguer les éléments de ce syndrome pouvant avoir des effets sur le développement

psychomoteur de l’enfant. Dans la définition de la paralysie cérébrale, on retrouve un trouble

du mouvement et de la posture, cela fait écho à celle du schéma corporel, car on peut supposer

qu’un enfant présentant ces troubles n’a pas les conditions nécessaires pour se représenter son

corps en mouvement ou immobile.

Je cherche à comprendre comment l’ergothérapeute peut intervenir sur le

positionnement d’un enfant atteint de paralysie cérébrale de façon à améliorer sa perception

du schéma corporel. Ma démarche comprendra une exploration des techniques de

positionnement employées par l’ergothérapeute auprès des enfants atteints de paralysie

cérébrale. Ce positionnement pourra être étudié aussi bien dans un centre d’accompagnement

précoce des enfants, dans un centre de rééducation, qu’au domicile et dans les différents lieux

de vie de l’enfant.

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De ces questionnements multiples est née ma question de recherche pour ce mémoire :

L’ergothérapeute, à travers le positionnement a-t-il un impact sur le

développement du schéma corporel d’un enfant atteint de paralysie

cérébrale ?

En partant de cette question de recherche, j’ai émis les hypothèses suivantes :

Le positionnement de l’enfant dans son environnement lui permet d’accéder à des

stimulations diverses et des postures variées, pour ainsi développer au mieux son

schéma corporel. L’ergothérapeute prend en compte ces notions lorsqu’il propose une

installation à un enfant atteint de paralysie cérébrale.

Un positionnement précoce, adapté, et effectué en collaboration avec les autres

professionnels participant à la rééducation de l’enfant favorise le développement

psychomoteur de l’enfant, qui est lié à son schéma corporel.

Nous tenterons de répondre à cette question par des apports théoriques, basés sur des

recherches documentaires. Puis nous complèterons par une recherche sur le terrain, pour

confronter nos hypothèses avec la réalité vécue par les professionnels.

Page 10: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

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I. Le cadre conceptuel

Dans la première partie de ce mémoire, nous présenterons les différents concepts clés évoqués

dans notre problématique. Nous justifierons le choix des définitions et nous étayerons notre

réflexion par des apports théoriques de la littérature. Par la suite, nous aborderons la partie

concernant la méthodologie de recherche. Commençons par une définition du schéma

corporel et la présentation de sa construction.

1.1 Le schéma corporel

1.1.1 Définitions

1.1.1.1 Une définition qui évolue avec les auteurs

Le schéma corporel est une notion très vaste et abordée dans de nombreuses

disciplines : pour le Petit Larousse (1992), c’est « l’image que chacun se fait de son corps »,

mais ce concept a eu de nombreuses définitions selon l’époque et les auteurs. La notion de

schéma corporel a beaucoup évolué en un siècle, c’est l’Hermitte qui le premier évoque :

l’image du corps au XIXème siècle, pour Pick : c’est l’image spatiale du corps en 1908, pour

Head : le modèle postural du corps en 1920 et pour Wallon : la conscience de son corps

propre en 1932.

Schilder dans son ouvrage L’image du corps (1968) nous donne cette définition :

« L’image du corps humain, c’est l’image de notre propre corps que nous formons dans notre

esprit, autrement dit la façon dont notre corps nous apparaît à nous-mêmes. Des sensations

nous sont données ; nous pouvons voir certaines parties de la surface du corps ; nous avons

des impressions tactiles, thermiques et douloureuses ; d’autres sensations viennent des

muscles et de leurs gaines, et renseignent sur la déformation du muscle (…) des sensations

enfin nous parviennent des viscères. » (Schilder, 1968, p 35) Bien que cette image du corps se

forme à nous par les sens, il ajoute que ce n’est pas « pure perception ; et, bien que contenant

des images mentales et des représentations, ce n’est pas là pure représentation » (Schilder,

1968, p35).

Dans l’Etude sur le schéma corporel: textes préparés pour le Symposium sur le schéma

corporel (1968), Ajuriaguerra définit le schéma corporel comme « une représentation plus ou

moins consciente de notre corps, agissant ou immobile, de sa position dans l’espace, de la

posture respective de ses différents segments, du revêtement cutané par lequel il est en

contact avec le monde ». Cette représentation nous permet d’avoir « la connaissance et

l’orientation de notre corps dans l’espace pour nous permettre d’y agir avec efficacité »

(1968, p 20).

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BAYON Laure Juin 2012 Page 7

Ces définitions montrent que le schéma corporel est en constante construction.

1.1.1.2 Le schéma corporel vu par les psychanalystes

Le corps tient une place fondamentale dans la psychanalyse de Freud. C’est lui qui est

à l’origine des pulsions correspondant aux besoins vitaux comme manger, boire, dormir. Il est

également le lieu où peuvent se satisfaire les besoins, cela crée l’expérience du plaisir. La

libido de l’enfant influencerait sa construction du corps, il va chercher les moyens de se

procurer du plaisir à partir de zones érogènes de son corps.

On peut également évoquer la relation de la mère à l’enfant, la mère en s’occupant de

son enfant façonne son corps et débute la construction d’une image du corps en dénommant

les parties du corps et en les touchant.

Dolto dans L’enfant du miroir (1990) définit plusieurs concepts qui renvoient à la

construction d’une image de soi. Les enfants possèdent une « image inconsciente du corps »,

cette image « disparait avec l’image spéculaire » (1990, p.15), c'est-à-dire lorsque l’enfant

perçoit son reflet dans le miroir. Cette image du corps, les enfants peuvent la représenter grâce

à des dessins ou des modelages. Pour Dolto, lorsqu’un enfant dessine un bonhomme c’est

toujours lui-même qu’il dessine ; l’image du corps est traduite explicitement par ce dessin.

Dolto ajoute que « La douleur fait partie de l’image du corps, comme lieu sensible où le sujet

peut tenir son moi, ou même, son corps. » (1990, p.15), la douleur permet à l’enfant d’établir

une certaine perception de son corps.

En ce qui concerne la construction psychique du schéma corporel, Dolto mentionne

que « Le rapport du schéma corporel et de l’image du corps est constitué par une foule

d’intrications pulsionnelles. » (1990, p.29) Elle précise qu’un schéma corporel infirme et une

image du corps saine peuvent cohabiter chez une même personne. Elle nous donne l’exemple

d’enfants atteints de poliomyélite ; chez eux le schéma corporel est toujours atteint mais

l’image du corps est reste intacte. Elle relate que « Lorsqu’un enfant est atteint d’une

infirmité, il est indispensable que son déficit physique lui soit explicité, référencé à son passé

non infirme ou, lorsque c’est le cas, à la différence congénitale entre lui et les autres

enfants. » Dolto (1984, p.22). Le schéma corporel est à différencier de l’image du corps car il

est « en principe le même pour tous les individus » alors que l’image du corps est personnelle,

liée à l’histoire de l’individu. Par conséquent « le schéma corporel est en partie inconscient,

mais aussi préconscient et conscient, tandis que l’image du corps est éminemment

inconsciente. » (1984, p.22)

Page 12: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 8

1.1.2 Le schéma corporel vu par les neurologues

Le corps n’est pas statique, il est à prendre en compte dans des dimensions spatiales et

temporelles. En neurologie, on nomme la connaissance du corps : gnosie corporelle. Elle est

possible grâce à un double processus, physiologique et psychique. Le premier fait référence à

nos sensations (sensorielles, perceptives, kinesthésiques) et à nos expériences. Le deuxième

processus se rapporte au corps libidinal et affectif, une partie se construit dans l’inconscient.

Cette gnosie corporelle, ou somatognosie est « l’élaboration du schéma corporel; elle

dépend du lobe pariétal qui assure en propre l'intégration spatio-temporelle des afférences

proprioceptives et vestibulaires qui fondent le schéma postural et kinétique. Ses connexions

postérieures avec les structures occipitales et temporales permettent la synthèse unifiée de

l'image du corps et l'inscrivent dans le champ de la conscience expérientielle et

conceptuelle. » 2 Elle est majoritairement traitée par l’hémisphère droit, dans le carrefour

pariéto-temporo-occipital. C’est l’hémisphère droit qui nous permet de prendre conscience de

notre corps dans l’espace.

La somatognosie nous permet d’utiliser notre corps dans l’espace. Là encore cette

fonction est plus sous la dominance de l’hémisphère droit, mais les deux hémisphères sont

nécessaires pour produire une réponse correcte.

L’hémisphère gauche, a un rôle dans la désignation des différentes parties du corps,

c’est lui qui nous permet d’avoir la connaissance verbale du corps.

1.1.3 Les étapes du développement du schéma corporel de l’enfant

Dolto nous rappelle que le schéma corporel se construit grâce aux phénomènes

d’apprentissage et d’expérience, il évolue dans le temps et l’espace, il « réfère le corps actuel

dans l’espace à l’expérience immédiate ». (1984, p.22)

Le schéma corporel de l’enfant évolue au cours de son développement psychomoteur,

il ne devient donc définitif qu’une fois les composantes psychomotrices et mentales

nécessaires acquises.

Dans l’Etude sur le schéma corporel: textes préparés pour le Symposium sur le

schéma corporel, Lemieux, Mailhot et Bissonnette, Université de Sherbrooke (p.11 à 19),

décrivent le lien entre le développement psychomoteur et le schéma corporel. Pour eux, le

2 Définition prise sur le site : http://www.med.univ-rennes1.fr/sisrai/dico/R931.html (Consulté le 05 mai)

Page 13: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 9

schéma corporel est une représentation mentale, donc il ne peut être acquis de façon définitive

que lorsque l’intelligence de l’enfant a atteint le stade de la représentation mentale.

Les périodes importantes du schéma corporel dans l’enfance : (Lemieux et al.

1969)

Dans la naissance à deux ans, l’enfant utilise la vue pour découvrir, son corps, selon

les lois d’évolution céphalo-caudale et proximo-distales3. L’enfant se confond avec les

objets.

Jusqu’à quatre ans, ce sont les éléments moteurs, proprioceptifs et les attitudes

posturales qui dominent les éléments visuels. Il commence à prendre conscience de la

différence entre son corps et le monde extérieur.

De cinq à sept ans, l’enfant se différencie définitivement de l’objet. Il acquiert la

notion d’espace et de latéralité du corps.

De sept à douze ans, l’enfant acquiert la capacité d’abstraction, il s’oriente dans

l’espace pour agir efficacement sur les objets. A douze ans, le schéma corporel est

acquis entièrement. Cependant, il continue à évoluer avec le développement physique

et les expériences que le corps rencontre.

Wallon développe lui aussi la notion de développement par stades :.

Pour lui, l’enfant construit son schéma corporel à partir de son équipement

instrumental neurologique et de ses maturations nerveuses, des stimulations qu’il va recevoir

et de ses manipulations, ainsi que grâce à son univers affectif.

Vers 10 mois, l’enfant situe un objet sur son corps et localise les sensations

corporelles. Vers 12-15 mois, il se perçoit comme un mobile dans l’espace, il se lie avec son

environnement. Vers 18 mois, c’est le stade du miroir, l’enfant se distingue des choses et du

monde, il devient « je ». A deux ans l’enfant peut reconnaître l’autre, et commence à désigner

les parties de son corps. A trois ans, il début le vocabulaire spatial, qui s’élabore jusqu’à six

ans.

1.1.4 Le développement moteur et postural de l’enfant

Nous aborderons les grandes étapes du développement postural de l’enfant de sa

naissance jusqu’à l’âge de la station assise, en insistant sur les attitudes présentes à cette étape

car ce sont celles-ci qui se rapportent à notre sujet.

3 Expliquées ci après.

Page 14: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 10

Les lois de l’évolution motrice de l’enfant : la première loi qui caractérise le

développement de l’enfant est la loi de la différenciation. L’enfant passe d’une motricité

réflexe à une motricité globale, généralisée à tout le corps. Celle-ci devient plus contrôlée,

plus fine et plus intentionnelle. La 2ème

loi est celle de la variabilité. En effet, la progression

du développement n’est pas uniforme, ni continue. La dernière loi est celle de la succession,

la maturation corporelle est constante selon deux règles : le développement se fait toujours de

façon céphalo-caudal et latéral, et également de façon proximo-distal. Le contrôle des muscles

s’effectue depuis la tête vers le bas du dos, et les membres se contrôlent depuis leur racine

vers leur extrémité.

Le développement se fait de façon logique et suivant un ordre prévisible, il est

cumulatif (l’enfant additionne progressivement de nouvelles capacités), mais il n’est pas

linéaire, chaque enfant a son propre rythme de développement.

Le développement postural de l’enfant pour atteindre la station assise :

Lors de la grossesse le fœtus élabore un schéma d’extension. C’est pourquoi à la

naissance l’enfant tente d’acquérir un schéma d’enroulement, il l’obtiendra en six mois.

L’évolution de la posture chez l’enfant met en jeu des réactions de redressement

antigravitaires, à progression céphalo-caudale et latérale. Ces réactions sont suivies par une

rotation axiale, qui suit la même progression céphalo-caudale et latérale, et qui permet de

latéraliser les appuis.

A la naissance, le bébé adopte plusieurs postures de base, celles-ci peuvent être vues

comme des états d’équilibre à la base du développement postural de l’enfant. On note tout

d’abord une forte hypotonie du tronc et une hypertonie des extrémités qui se répercutent sur le

bébé en attitude de cyphose lors de la position semi-assise.

On trouve également des postures asymétriques, ce sont les postures dites

« d’escrimeur », aussi appelées ATNP (asymetric tonic neck posture). Chez le nouveau-né, le

passage d’une ATNP à son inverse est presque impossible, cela devient possible vers l’âge de

2-3 mois.

Progressivement le bébé trouve un équilibre entre la flexion et l’extension du tronc,

avec la mise en place de la musculature dorsale et l’ajustement de la respiration, « un

progressif haubanage du buste » Bullinger (2010, 139p.) se met en place. En plus de cet

haubanage avant-arrière, qui permet un redressement de l’enfant, un haubanage latéral se

construit donnant la possibilité au bébé d’effectuer des torsions, dissociation des ceintures

Page 15: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 11

scapulaires et pelviennes. Entre 8 et 10 mois, l’enfant devrait avoir fini sa conquête de la

station assise.

Il faut respecter les étapes : redressement, de flexion puis de rotations. On peut pour

cela proposer des appuis divers améliorant le contrôle postural.

1.2 La paralysie cérébrale

1.2.1 Définition

Le terme de paralysie cérébrale (PC), « cerebral palsy » (CP) en anglais est

aujourd’hui préféré à celui d’infirmité motrice cérébrale, car celui-ci regroupe toutes les

atteintes cérébrales survenues au cours du développement du cerveau. Ce terme englobe ainsi

l’Infirmité Motrice Cérébrale (IMC) et l’Infirmité Motrice d’Origine Cérébrale (IMOC),

l’IMC est défini par Tardieu comme un trouble moteur prédominant et non évolutif dû à une

lésion cérébrale pouvant s’accompagner d’atteintes sensorielles et d’atteintes partielles des

fonctions supérieures à l’exception d’une déficience intellectuelle. Le terme IMOC

s’appliquerait lui à des enfants avec une déficience intellectuelle. Selon les auteurs, la

frontière entre ces termes reste floue, c’est pourquoi lors de la suite de mon mémoire

j’emploierai le terme de PC. Néanmoins, en France, les termes d’IMC et d’IMOC restent très

usités dans les structures de soins et dans la littérature, je ne les ai donc pas exclus dans mes

recherches. Outre ces termes on retrouve aussi fréquemment le terme de polyhandicap dans

les structures accueillant des enfants, il est définit comme un handicap grave entrainant une

restriction extrême de l’autonomie. Celui-ci englobe les sujets avec des déficiences motrices

et intellectuelles multiples et sévères entrainant un état de dépendance très élevé pour tous les

actes de la vie quotidienne.

Une des définitions les plus récentes est : « La Paralysie cérébrale (PC) désigne un

ensemble de troubles permanents du mouvement et de la posture, responsables de limitations

d'activité. Ces troubles sont dus à des atteintes non progressives survenues sur le cerveau en

développement du foetus ou du nourrisson. Les troubles moteurs de la paralysie cérébrale

sont souvent accompagnés de troubles associés: sensoriels, perceptifs, cognitifs, de la

communication et du comportement, par une épilepsie et par des problèmes musculo-

squelettiques secondaires »4

Selon Amiel-Tison (2004, p.88) « L’infirmité motrice d’origine cérébrale n’est pas

une maladie mais un syndrome qui associe trouble de la posture et trouble du mouvement.

4 Définition prise sur le site : http://www.institutmc.org/ (Consulté le 02 avril 2012)

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BAYON Laure Juin 2012 Page 12

C’est le résultat d’une lésion cérébrale progressive et définitive survenue sur un cerveau en

voie de développement. »

Il existe différentes formes cliniques de PC, on peut les classer en fonction de

l’atteinte neurologique ou en fonction de l’atteinte topographique prédominante.

Dans les atteintes neurologiques on distingue : (Bérard, 2010)

Les formes spastiques, caractérisées par une hypertonie musculaire. L’augmentation

des contractions musculaires perturbe les postures et les mouvements. Ces formes

sont les plus fréquentes, elles touchent environ 85% des enfants atteints de PC.

Les formes dyskinétiques sont caractérisées par des mouvements involontaires,

incontrôlés et récurrents. La PC dyskinétique comprend l’athétose, la dystonie et la

choréo-athétose.

Les formes ataxiques sont caractérisées par un syndrôme cérébelleux avec un défaut

de coordination motrice volontaire.

Dans les atteintes en fonction de l’atteinte topographique on distingue :

La diplégie (atteinte spastique des deux membres inférieurs).

La quadriplégie (atteinte spastique des quatre membres).

La triplégie (atteinte spastique des deux membres inférieurs et d’un membre

supérieur).

1.2.2 Etiologie et épidémiologie

Les étiologies des lésions cérébrales précoces peuvent être classées en trois

catégories : anténatales, néonatales et postnatales. Pour les premières, les causes les plus

fréquentes sont l’accident vasculaire cérébral, la malformation cérébrale, les séquelles graves

d’infections foeto-maternelles (cytomégalovirus, toxoplasmose, rubéole). Pour les étiologies

néonatales, c'est-à-dire pendant la période autour de la naissance, on retrouve la prématurité,

le retard de croissance intra-utérin, l’ictère nucléaire, la souffrance à terme. Enfin les lésions

peuvent être acquises pendant les premières années de la vie, suite à une infection, un

traumatisme crânien, une tumeur cérébrale ou un accident vasculaire cérébrale.

Dans l’article Epidémiologie de la Paralysie Cérébrale (Cans, 2005) de la revue

Motricité Cérébrale, l’auteur nous informe que cette affection n’a pas diminué malgré les

progrès dans la prise en charge des grands prématurés. « La CP [Paralysie Cérébrale] touche

environ 2 enfants pour 1 000 naissances, soit chaque année 1 500 enfants atteints en plus. La

prévalence de la CP s’élève jusqu’à 5 à 8 % des enfants parmi les enfants de très petits poids

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BAYON Laure Juin 2012 Page 13

de naissance ou les enfants nés très grands prématurés. Pour 85 % des cas il s’agit de formes

cliniques où la spasticité prédomine, de façon bilatérale ou unilatérale. »

Une étude réalisée par l’INSERM (Institut National de Santé et de Recherche Médicale),

intitulée EPIPAGE (Enquête épidémiologique sur les petits âges gestationnels), déclare que

tous les ans en France 10000 enfants grands prématurés naissent avant 33 semaines de

grossesse. Les progrès médicaux ont permis une augmentation de leur survie dans les mois

suivant la naissance. Cette étude s’intéresse à leur devenir à l’âge de 5 ans, en comparant un

groupe d’enfants nés entre 22 et 32 semaines d’âge gestationnel à un groupe de référence

d’enfants nés à terme : « À l’âge de 5 ans, 9 % des enfants grands prématurés souffraient

d’une paralysie cérébrale diagnostiquée ; 32 % avaient un score cognitif 5 inférieur à 85, et

12 % un score inférieur à 70 (contre 12 % et 3 %, respectivement, dans le groupe de

référence). » L’auteur rappelle que « la prévention de la prématurité et un suivi adapté pour

prendre en charge les déficiences sont donc des objectifs importants des soins périnatals. »

1.2.3 Troubles majeurs d’un enfant paralysé cérébral

Chez un enfant atteint de paralysie cérébrale, les anomalies les plus visibles sont

souvent les déformations touchant le corps (membres et tronc). Ces troubles orthopédiques ne

sont pas la cause principale des troubles moteurs, celle-ci étant l’atteinte neurologique de

l’enfant. Elle va toucher l’ensemble de la chaîne motrice (muscles, tendon, os, articulation) et

ainsi perturber les mouvements. TRUSCELLI (2008)

Le muscle d’un enfant atteint de paralysie cérébrale est spastique, faible et court. De

plus il y a un manque de coordination entre les muscles agonistes et antagonistes. Les tendons

sont souvent de longueur normale, ou bien trop courts, ce qui entraine soit un ensemble trop

court, soit un muscle trop faible. L’os de l’enfant atteint de paralysie cérébrale est également

déficitaire en longueur, en largeur et en densité osseuse. Parfois la forme des os est même

touchée. Les articulations sont par conséquent aussi modifiées. En général l’amplitude

articulaire diminue et l’articulation s’enraidit, ou bien l’articulation peut aussi se

luxer. « Toutes ces anomalies musculaires, tendineuses, osseuses, articulaires vont contribuer

à déformer le corps de l’IMC (…) de façon variable bien sûr, en fonction de la gravité de

l’atteinte neurologique, de son type, de sa répartition topographique mais également d’autres

facteurs (…) que sont le temps et la croissance. » (2008, p.203)

Des troubles praxiques, ainsi que des troubles de l’organisation peuvent également

perturber le mouvement volontaire.

5 Score des processus mentaux composites du test de K-ABC.

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BAYON Laure Juin 2012 Page 14

En résumé, on peut retrouver comme troubles nuisant à la posture de l’enfant:

Des troubles du la motricité volontaire (hémiplégie, diplégie, quadriplégie).

Des troubles du tonus : de la spasticité pour les formes spastiques (tonus augmenté,

signes pyramidaux), de la rigidité et des mouvements anormaux pour les formes

dyskinétiques, une ataxie pour les formes ataxiques (mouvements effectués avec une

force, un rythme ou une précision anormale).

Forme 1.3 Le positionnement en ergothérapie

1.3.1 Principes généraux du positionnement

Le Dr Letts dans son ouvrage Le postionnement : Principes et pratique (1995), nous

renseigne sur les buts et les bienfaits escomptés lorsque l’on met en place un positionnement.

Les objectifs sont de permettre à la personne d’avoir une station assise, d’améliorer la posture

générale de la personne et, selon ses possibilités motrices, d’améliorer également son bilan

fonctionnel et de l’aider à maitriser son corps.

Un positionnement efficace permet aussi à la personne d’accroître son bien-être, de

retarder ou de diminuer les troubles orthopédiques et dans quelques situations de protéger la

personne ou de faciliter les soins. Les bienfaits recherchés sont de développer la conscience et

l’indépendance, de faciliter la communication en permettant au regard d’être horizontal et à la

personne d’être dans une position facilitante pour la personne pour les échanges.

Il distingue les facteurs principaux qui peuvent « détériorer la biomécanique du rachis

et entraîner une attitude vicieuse » (1995, p.4). On retrouve : la spasticité et la paralysie qui

provoquent des courbures rachidiennes anormales responsables de déséquilibres entre la

position du tronc et celle du bassin, « l’altération des réactions de redressement causée par

une lésion cérébrale » (1995, p.4) qui empêche l’individu de se redresser lorsqu’il s’affaisse,

une altération de la réponse des muscles paravertébraux, un bassin en position oblique

provoquant une déviation de la colonne vertébrale et des contractures des membres inférieurs

dont la conséquence est une instabilité de la station assise.

Cette stabilité assise « c’est-à-dire l’attitude assise bien équilibrée, est atteinte

lorsqu’il y a équilibre des forces et des moments de force dans tous les plans du corps »

(Letts, 1995, p.4), horizontal, sagittal et frontal. Pour y arriver, la tête et le cou doivent être à

la verticale, l’articulation de la hanche fléchie à 100°, les cuisses doivent être en légère

abduction. De plus, il faut un soutien pour les membres inférieurs, les membres supérieurs et

le dos. Dans le positionnement il ne faut pas oublier l’aspect fonctionnel de la posture, il faut

« une harmonie entre le soutien de l’individu et sa liberté de mouvement » (1995, p.4).

Page 19: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 15

1.3.2 Une chronologie des besoins de positionnement

Le Dr LETTS nous rappelle que selon l’âge de l’enfant, il a des besoins spécifiques de

positionnement.

De la naissance à l’âge de 18 mois, l’enfant qui présente un retard pour l’acquisition

de la station assise nécessite un appareillage « ne serait-ce que pour accorder un peu de

liberté à sa mère » (1995, p. 7), ainsi que pour répondre aux objectifs cités précédemment :

l’aider à développer ses possibilités motrices, à maitriser son corps et à accroître son bien être.

A cet âge on peut lui proposer : un siège de type « Cozy » donnant à l’enfant une attitude en

flexion correspondant à la position fœtale ou un « siège au sol pour infirme moteur

cérébraux » (1995, p.8) qui favorise l’abduction des membres inférieurs et réduit le risque de

décoaptation de la tête fémorale de son articulation.

Pendant la période de 18 mois à 3 ans, on commence à observer des déformations

orthopédiques, c’est pourquoi il faut continuer à corriger l’adduction de hanche chez les

enfants paralysés cérébraux, « à cet âge, en effet, une intervention sur les tissus mous est

souvent suffisante pour réduire ou corriger une déformation » (1995, p.8). Alors qu’en

attendant cela pourrait nécessiter une intervention chirurgicale.

On peut proposer : des aides techniques à la posture modulaire, cela consiste à

fabriquer sur mesure une assise que l’on fixe sur un châssis de fauteuil roulant pour enfant,

cette aide technique est munie de butées au niveau thoracique, d’une butée d’abduction, d’un

appui-tête et d’un dossier réglable, l’angle de l’assise doit également être réglable.

Pour certains enfants avec une stabilité du tronc suffisante cela peut remplacer un

corset. On peut également y ajouter des aides techniques de station debout qui permettent aux

muscles de conserver leur possibilité d’étirement. Il est aussi possible de préconiser des aides

techniques de locomotion et des selles d’abduction qui permettent de varier les

positionnements, les stimulations et pour lesquelles l’équipe de positionnement est la même

que pour l’aide technique à la posture modulaire.

Entre 3 et 6 ans « on doit porter une attention vigilante aux hanches et à la colonne

vertébrale, car c’est souvent à cette époque qu’apparaît la scoliose. » (1995, p.11). Les

éléments de retenue de l’aide technique à la posture doivent favoriser l’alignement vertébral,

on doit pouvoir y ajouter une tablette. Parfois l’usage d’un corset dorso-lombaire s’avère

indispensable.

1.3.3 Caractéristiques techniques du positionnement

Un système de positionnement doit répondre à certains critères, il doit être fonctionnel,

confortable et le plus esthétique possible. Quelques aspects techniques sont à prendre en

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compte, comme la durée de vie de l’appareillage, ses coûts de production, l’aspect sécuritaire

du matériel, le choix des matériaux et la technique utilisée pour la fabrication.

Ainsi, tous ces critères sont liés. En effet les coûts de production dépendent de la durée

souhaitée de l’équipement, de l’aspect esthétique, des techniques utilisées pour la conception

et des matériaux.

En ce qui concerne l’aspect pratique du système de positionnement, il faut s’assurer

que l’aide-technique se fixe de façon sécuritaire sur le châssis du fauteuil roulant lorsque cela

est nécessaire. Il faut penser que cette aide technique sera beaucoup manipulée, il est

nécessaire de veiller à la simplicité de sa fixation, à sa résistance et à la sécurité de

l’installation qui ne doit pas blesser l’enfant ou le mettre en danger.

L’aide-technique peut être évolutive. Pour cela, les composants doivent s’adapter à la

croissance de l’enfant (par des systèmes de coulissage par exemple). Il faut également veiller

à ce que l’aide-technique reste toujours positionnée de la même façon dans l’espace, avec la

même inclinaison et la même orientation, qu’elle soit sur le châssis ou ailleurs.

Pour les matériaux, ils doivent être facilement nettoyables et ils ne doivent pas

favoriser la prolifération des moisissures. La résistance des matériaux doit prendre en compte

les charges qu’ils vont supporter, elles « sont souvent de deux à trois fois le poids de

l’usager » (1995, p.27). De plus l’aide-technique sera amenée à supporter des chocs

fréquents, lors des soins ou lors de leur transport. Les techniques de fabrication influent sur la

résistance des matériaux. Une des règles principale appelle donc à ce que « les charges

doivent se répartir sur une surface suffisante, et non être concentrées » (1995, p.28).

Pour finir sur les caractéristiques techniques deux techniques de fabrication seront

comparées. Il existe bien sur un éventail varié de techniques selon les connaissances

particulières des ergothérapeutes, leurs expériences et les enfants qu’ils accompagnent ont à

prendre en charge.

La première, est l’aide-technique à la posture (ATP) moulée, elle assure un excellent

soutien car elle épouse au plus près le corps de l’usager. Pour cela, il faut réaliser un moulage

ou une empreinte du sujet. Cela demande une évaluation minutieuse du sujet. De plus, la

fabrication est plus longue et plus coûteuse. Cette technique peut être réalisée à l’aide d’un

négatif de la personne obtenu par des bandes plâtrées ou par un sac de moulage par

dépression. Par la suite, on peut confectionner un coussin ou une coquille correspondant

parfaitement à la morphologie du sujet, avec du thermoplastique, de la mousse souple ou de la

mousse rigide. Ce système de positionnement moulé assure la stabilité assise des sujets avec

une spasticité ou des déformations importantes.

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BAYON Laure Juin 2012 Page 17

La seconde technique est l’ATP modulaire, c’est un assemblage de différents

composants préfabriqués disponibles en plusieurs tailles. Ce sont souvent des éléments

constitués de plastique recouvert de mousse. Ce système est très adaptable à la taille de

l’usager, on peut y ajouter au besoin des butées ou des appuie-têtes. Ce système convient à

des personnes ayant des besoins limités de soutien et de contenance.

1.3.4 Le positionnement assis et la paralysie cérébrale

Les enfants paralysés cérébraux souffrent souvent de troubles mixtes, c’est pourquoi

leur positionnement est un des plus complexes. Le positionnement est propre à chaque enfant

mais des principes généraux peuvent aider.

Le positionnement assis des enfants cérébro-lésé est un moyen de réduire les

complications secondaires, comme les contractures. « On doit aussi limiter les déficits

sensoriels ou cognitifs qui peuvent résulter d’un manque d’interactions avec le milieu

environnant » (1995, p 135)

Les objectifs sont le plus souvent :

Agir sur le tonus musculaire.

Améliorer la motricité, en diminuant progressivement le soutien postural.

Favoriser le développement des os, grâce à une mise en charge adaptée et en

équilibrant la tension des muscles.

Prévenir les contractures par l’alignement des segments du corps.

Prévenir les escarres, en répartissant les surfaces d’appui.

Prévenir les complications cardio-respiratoires.

Favoriser le développement sensoriel, cognitif et social de l’enfant, en lui donnant

une posture adaptée aux échanges avec l’environnement.

Les objectifs en gras, sont ceux qui nous intéressent, en regard du développement du

schéma corporel.

Pour les enfants qui tiennent assis sans l’aide de leur mains, le positionnement doit

leur permettre une bonne mobilité, un confort, et faciliter les transferts.

Pour les enfants qui tiennent assis en s’appuyant sur leurs mains, ils doivent disposer

de butées au niveau du tronc ou du bassin, souvent un siège moulé suffit.

Pour les enfants hypotoniques, il faut assurer le soutien des hanches, du tronc, et

parfois du cou et de la tête.

Pour conclure : « l’obtention d’une posture assise correcte et stable exige la

mobilisation de ressources adéquates et la participation de spécialistes de différentes

disciplines. (…) seule une approche mutlidisciplinaire permettra (…) de répondre du mieux

possible aux besoins des personnes handicapées. » (1995, p.18). Il faut ainsi veiller à

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respecter le confort de la personne, sa motilité, l’esthétique de l’appareillage et son caractère

fonctionnel.

Page 23: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

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2. Méthode

Après une première partie exposant les concepts, nous nous interrogeons sur ce qui se

passe en pratique lors du positionnement d’un enfant atteint de paralysie cérébrale. En

premier, nous rappellerons l’objectif de notre recherche et les hypothèses émises au départ,

puis nous justifierons le choix des personnes interrogées ainsi que la méthodologie d’analyse

adoptée.

2.1 Objectifs et hypothèses de recherche

L’objectif de ce mémoire, formulé dans notre question de recherche, est d’analyser en

pratique comment les ergothérapeutes prennent en charge un enfant paralysé cérébral et

analysent la question de son schéma corporel, en ciblant sur un objectif précis de leur

accompagnement thérapeutique : le positionnement. A travers nos entretiens, nous verrons

comment cet objectif est inclut dans la prise en charge, quels sont les moyens utilisés par les

ergothérapeutes pour y répondre et enfin le lien qu’ils font entre leur démarche pour proposer

une installation et nous développerons le schéma corporel de l’enfant qu’ils suivent.

Nous rappelons ici nos hypothèses de recherche :

Le positionnement de l’enfant dans son environnement lui permet d’accéder à

des stimulations diverses et des postures variées, pour développer au mieux son

schéma corporel. L’ergothérapeute prend en compte ces notions lorsqu’il

propose une installation à un enfant atteint de paralysie cérébrale.

Un positionnement précoce, adapté, et effectué en collaboration avec les autres

professionnels participant à la rééducation de l’enfant favorise le développement

psychomoteur de l’enfant, qui est lié à son schéma corporel.

Pour chercher à vérifier nos hypothèses nous avons décidé de confronter notre théorie

avec l’avis des professionnels.

2.2 Justification de l’outil de recherche

Les entretiens ont été choisis comme méthode de recueil de données, car l’objectif de

recherche ne nous demande pas d’obtenir des informations quantitatives. Ces entretiens nous

permettent d’acquérir des informations qualitatives par rapport à notre problématique. Des

entretiens à questions ouvertes ont ainsi été favorisés car cela nous permet d’obtenir des

réponses variées, spontanées, et étoffées. Les personnes interrogées peuvent spécifier leurs

réponses et apporter des éléments complétant nos questions, et donnant une ouverture sur leur

pratique professionnelle. De plus, l’entretien en face à face avec la personne nous permet de

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rediriger les questions vers notre objectif de recherche, et au besoin de relancer ou recadrer

l’interlocuteur sur la question initiale.

La grille d’entretien, à partir de laquelle nous avons réalisé nos entrevues, est

constituée de huit questions ouvertes. Certaines questions ont été adaptés pour les

questionnaires destinés aux psychomotriciens. Le questionnaire ainsi que l’explication du

choix des questions se trouve en annexe I.

Nous avons réalisé cinq des six entretiens sur le lieu de travail des personnes

interrogées. Même si cela n’était pas le but premier, plusieurs d’entre elles nous ont proposé

une présentation du matériel utilisé lors de leur pratique professionnelle, liée au

positionnement des enfants atteints de paralysie cérébrale. Nous avons également pu échanger

autour de supports photos présentant des installations réalisées sur des enfants suivis dans leur

structure. Cela a permis de faire une ouverture sur leurs techniques de positionnement en

ergothérapie chez ces enfants.

2.3 Choix de la population

Notre sujet porte sur une population pédiatrique, de 0 à 6 ans, et sur le lien entre le

positionnement et le schéma corporel. Au cours de nos premières recherches, une

ergothérapeute nous a conseillé de nous adresser à des psychomotriciens en ce qui concerne la

notion de schéma corporel. Cette remarque nous a judicieusement permis d’aller plus loin

dans notre interrogation : non seulement nous allons nous intéresser à leur point de vue sur le

schéma corporel, notion que les psychomotriciens développent plus sur le plan théorique lors

de leurs études, mais cela nous donne également l’occasion d’analyser les différences de prise

en charge du positionnement entre les ergothérapeutes et les psychomotriciens, ainsi que leur

éventuelle collaboration lors de la mise en place d’une aide-technique à la posture.

Nous avons ainsi contacté plusieurs ergothérapeutes et psychomotriciens pour leur

demander s’ils acceptaient de nous rencontrer pour répondre à notre enquête. Pour diversifier

nos réponses et apprécier les différentes modalités de prise en charge des enfants paralysés

cérébraux, notre sélection d’ergothérapeutes s’est faite sur plusieurs structures. Nous avons

ainsi interrogé une ergothérapeute travaillant dans un Institut d’Education Motrice (IEM), une

autre dans un service de rééducation pour enfants à l’hôpital et deux dernières travaillant dans

un Centre d’Action Médico Sociale Précoce (CAMSP). Nous avons choisi d’interroger deux

ergothérapeutes en CAMSP car c’est le lieu d’exercice où les ergothérapeutes interviennent

précocement et spécifiquement sur la réalisation d’une aide technique à la posture. De plus la

population accueillie est comprise entre 0 et 4 ans, période pendant laquelle l’enfant construit

les bases de son schéma corporel. Les ergothérapeutes interrogées dans l’IME et le service de

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rééducation nous permettent d’aborder le positionnement chez des enfants plus âgés et

scolarisés pour certains.

2.4 Méthode d’analyse

Notre analyse se fera sur les réponses données par les ergothérapeutes et les

psychomotriciennes interrogées. Pour ne pas avoir à comparer les deux psychomotriciennes

entre elles, ce qui pourrait amener à de fausses généralisations, nous avons opté pour une

analyse conjointe des données recueillies.

Après avoir retranscrit tous les entretiens sur l’ordinateur, nous avons pu retirer de

chaque entretien les informations pertinentes dans les réponses. Nous les avons classées par

thèmes dans plusieurs tableaux, puis par comparaison et regroupement nous avons pu en tirer

des conclusions en lien avec nos hypothèses.

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3. Analyse des données de l’enquête

3.1 Présentation des expériences professionnelles des professionnels

interrogés

La première ergothérapeute interrogée, que nous appellerons Béatrice6, exerce depuis

trente-trois ans, dont trente ans en pédiatrie. Elle travaille actuellement dans un service de

rééducation fonctionnelle enfant qui dépend de l’hôpital. Elle accompagne des enfants de

toutes pathologies, mais elle nous informe que la majorité des enfants accueillis en

ergothérapie ont des atteintes neurologiques.

Lors du deuxième entretien, nous avons rencontré une ergothérapeute, nommée Anne,

exerçant depuis huit ans. Elle a toujours travaillé dans le domaine de la pédiatrie depuis son

diplôme. Tout d’abord dans un service de maladies neuromusculaires enfants, puis

actuellement dans un IEM.

La troisième ergothérapeute, appelée Marie, est diplômée depuis vingt-sept ans. Elle a

une expérience professionnelle en psychiatrie et en rééducation adulte. Depuis vingt et un ans,

elle travaille quasiment en continu avec des enfants. Elle est détachée d’un centre de

rééducation pour travailler dans un CAMSP où elle exerce la majorité du temps. Elle a

également fait une formation sur l’accompagnement thérapeutique des adolescents et leur

autonomie vers la vie adulte. Elle est titulaire d’un diplôme universitaire en psychopathologie

des processus cognitifs.

Aline est la dernière ergothérapeute interrogée. Cette ergothérapeute exerce depuis

vingt-six ans. Son expérience professionnelle lui a permis de rencontrer tous les types de

population : rééducation adulte, psychiatrie, neurologie, rééducation enfants. Elle travaille

dans un CAMSP depuis quinze ans. Depuis le début de sa formation elle a toujours été attirée

par les enfants et par leur prise en charge précoce. En effet, son mémoire de fin d’études

portait sur la prise en charge de l’enfant de moins d’un an. Par la suite, elle a obtenu deux

diplômes universitaires : un sur la neuropsychologie de l’enfant et l’autre sur le bilan sensori-

moteur d’André Bullinger.

Les deux psychomotriciennes interrogées travaillent dans un CAMSP. La première

que nous appellerons Psychomotricienne 1, a travaillé surtout en pédiatrie : dans un Centre

Médico Psychologique (CMP), en hôpital de jour, en Service d’Education Spécialisé et de

Soins à Domicile (SESSAD) et en IME. Cela fait deux ans qu’elle travaille dans un CAMSP.

6 Dans un respect d’anonymat, les prénoms utilisés pour nommer les ergothérapeutes sont fictifs.

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La deuxième, nommée Psychomotricienne 2, exerce depuis dix ans en CAMSP. Auparavant,

elle a travaillé en maison de retraite, en long séjour, en SESSAD et en IME. Il faut noter que

Psychomotricienne 1 ne travaille pas en collaboration avec un ergothérapeute car il n’y en a

pas dans ce CAMSP, alors que Psychomotricienne 2 travaille en collaboration avec plusieurs

ergothérapeutes.

Béatrice Anne Marie Aline Psychomotricienne

1

Psychomotricienn

e 2

Lieu

d’exercice

Rééducation

fonctionnelle

enfants

Institut

d’Educat

ion

Motrice

Centre

d’Action

Médico

Social

Centre

d’Action

Médico

Social

Centre d’Action

Médico Social

Centre d’Action

Médico Social

Ages des

enfants

atteints de

paralysie

cérébrale

pris en

charge

3 à 12ans 6 à

12ans

4/6 mois

à 4ans

5 mois à

4ans

4mois à 4ans 5 mois à 4ans

Tableau 1 : Récapitulatif des lieux d’exercice des professionnels interrogés

3.2 Recueil des données

3.2.1 La cadre de prise en charge des enfants paralysés cérébraux

Le premier thème analysé est le contexte de prise en charge des enfants paralysés

cérébraux par les professionnels. Ce thème nous permettra d’analyser les différentes

modalités d’intervention des ergothérapeutes et des psychomotriciennes, auprès des enfants

atteints de paralysie cérébrale. Selon la structure où les professionnels interviennent, leurs

plans de traitement peuvent avoir des objectifs différents.

Le cadre de prise en charge : comprenant le lieu, le type de séance et la fréquence des

interventions, est également un élément important à prendre à compte dans l’intervention

rééducative. Les différents cadres de prise en charge rencontrés seront classés dans le tableau

2.

Page 28: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 24

Séances individuelles Tous les professionnels

Intervention sur des groupes interdisciplinaires Anne : séances en classe en collaboration avec

l’institutrice ou l’éducatrice

Marie : un groupe avec la kinésithérapeute et

un avec la psychomotricienne

Psychomotricienne 1 : un groupe avec la

kinésithérapeute

Intervention spécifique pour produire une aide

technique à la posture (ATP)

Marie

Aline

Présence des parents lors de la séance Marie

Aline

Psychomotricienne 1

Psychomotricienne 2

Interventions au domicile ou sur les lieux de vie de

l’enfant (crèche, école)

Béatrice : visites à domicile ou à l’école de

façon irrégulière, parfois pour des

préconisations de matériel

Anne : visites à domicile très rares (environ

deux fois sur une prise en charge durant

environ dix ans)

Psychomotricienne 1 : extrêmement rare au

domicile, ponctuellement en crèche ou à

l’école.

Tableau 2 : Résultats correspondant au premier thème.

De ce tableau nous pouvons en déduire que : certains professionnels participent à des

groupes interdisciplinaires lors de la prise en charge des enfants.

Enfin, seules les deux ergothérapeutes travaillant au CAMSP : Marie et Aline, sont

amenées à prendre en charge un enfant atteint de paralysie cérébrale, dans l’objectif unique,

de réaliser une aide technique à la posture. Celles-ci nous informent dans les entretiens,

qu’elles peuvent être amenées à revoir les enfants par la suite pour de la rééducation. En effet

la mise en place d’une aide technique à la posture, en CAMSP, se fait souvent pour les

enfants âgés entre quatre et six mois, lorsque ceux-ci sont plus âgés, elles peuvent débuter une

rééducation au niveau des coordinations œil-main, des manipulations, des préhensions…

Nous constatons également que les professionnels travaillant dans un CAMSP ont plus

souvent l’occasion de faire participer les parents aux séances de rééducation. Cela s’explique

par le fait que les enfants sont très petits et que cela rassure les parents d’assister à la séance et

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apaise les enfants. De plus, cela permet aux professionnels d’inclure les parents dans la prise

en charge et de leur faire bénéficier de conseils en termes de positionnement et de

stimulations, par exemple lors du groupe « d’éducation posturale » que Psychomotricienne 1

anime en collaboration avec la kinésithérapeute.

Nous concluons que la prise en charge évolue avec l’âge de l’enfant atteint de

paralysie cérébrale, ses déficiences (qui lui permettent ou non d’être en insertion scolaire), et

ses acquisitions. Ce premier thème nous fait réaliser que les ergothérapeutes interviennent peu

sur le lieu de vie de l’enfant. Or c’est principalement là que se construisent ses perceptions

environnementales et ses expériences motrices. Les ergothérapeutes ont donc peu de

possibilités de visualiser comment un appareillage peut être optimal au domicile de l’enfant.

Quant aux psychomotriciennes, elles ont un rôle important d’information aux parents car

ceux-ci participent souvent aux séances. Elles peuvent ainsi les conseiller sur des postures à

apporter aux enfants ou des stimulations à leur proposer.

Contrairement à notre hypothèse qui suppose que l’ergothérapeute prend en compte

les stimuli présents autour de l’enfant pour confectionner un appareillage, il s’avère que cette

pratique reste compliquée dans le cadre de la prise en charge ergothérapique des enfants. En

effet, que ce soit en centre de rééducation ou en CAMSP, les interventions s’effectuent peu au

domicile.

3.2.2 La notion de schéma corporel vue par les professionnels

Notre deuxième thème se rapportera aux différentes caractéristiques qu’évoquent les

professionnels pour qualifier la notion de schéma corporel, et leur ressenti sur le

développement de celui-ci chez les enfants atteints de paralysie cérébrale.

Dans la réalisation de notre questionnaire nous sommes tout d’abord partis sur la

question : « Quelle est votre définition personnelle du schéma corporel ? », mais à la suite du

premier entretien nous nous sommes aperçus que l’expression « définition personnelle »

bloquait les professionnels dans leur discours, car ils cherchaient à nous donner une définition

« officielle ». Or notre objectif était justement de percevoir ce que chaque professionnel

pouvait retirer de sa pratique, pour caractériser le schéma corporel. C’est pourquoi nous avons

modifié la question sous la formulation : « Que vous évoque la notion de schéma corporel ? ».

La deuxième question analysée ici est : « Pensez-vous qu’on puisse dire que ces

enfants ont un développement entre guillemets incomplet, de leur schéma corporel, ou alors

un développement différent des autres enfants, mais pas nécessairement incomplet ? ». Ces

questions avaient pour objectif de préciser le ressenti que les professionnels avaient pu avoir

concernant le vécu d’une construction différente du schéma corporel, selon les enfants ».

Page 30: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 26

Après comparaison des réponses obtenues nous avons classé les réponses recueillies dans le

tableau ci-dessous (tableau 3) :

Connaissance du corps Béatrice : «bonne connaissance de tous les

éléments qui composent le corps »

Marie : « connaissance de son propre corps »

Psychomotricienne 1 : « connaissance des

différentes parties du corps et de leur situation

dans l’espace »

Conscience du corps Anne : « avoir conscience de son corps de façon

précise et automatisée, donc pouvoir le décrire,

le situer dans l’espace, le situer par rapport aux

autres »

Représentation du corps Aline : « le schéma corporel évoque la

représentation cognitive de l’organisme

biologique qui est le corps, représentation que

l’enfant se fait de son corps », « aspect purement

représentatif donc ce n’est pas inné »

Psychomotricienne 1 : « représentation du

corps »

Perception du corps Béatrice : « le schéma corporel correspond à la

globalité de l’intégrité corporelle de l’enfant et la

façon dont il peut percevoir après les choses et

les intégrer » physiquement et intellectuellement.

Psychomotricienne 2 : « façon dont la personne

perçoit son corps par rapport à l’espace et

perçoit les différentes parties de son corps entre

elles »

Tableau 3: Résultats pour « Que vous évoque la notion de schéma corporel ? »

Pour analyser ce thème, nous ne tenterons pas de comparer leurs définitions avec

celles des auteurs, là n’étant pas notre but principal, il en ressort quatre termes principaux

utilisés : la connaissance du corps, la conscience du corps, la représentation du corps et la

perception du corps.

Page 31: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 27

La connaissance du corps fait référence aux notions de statesthésie (sensation des

membres ou des segments les uns par rapport aux autres) et de kinesthésie (sensation de

mouvement permettant de localiser les différentes parties du corps et d’évaluer leur

déplacement). Pour Béatrice le fait de connaître « tous les éléments qui composent le corps »

doit être associé à « une bonne intégration intellectuelle et psychologique chez l’enfant » de

cette connaissance.

Une seule ergothérapeute parle de conscience du corps, la conscience selon le

dictionnaire Larousse est la « connaissance, intuitive ou réflexive immédiate, que chacun a de

son existence et de celle du monde extérieur7 », cette définition nous permet de faire un lien

entre schéma corporel et une appréciation correcte par l’enfant du monde qui l’entoure et des

relations qu’il établit avec les autres.

La troisième notion est la représentation du corps, lorsque Psychomotricienne 1

évoque cette notion elle y « associe aussi tout le vocabulaire » lié à cette représentation, elle

intègre dans le schéma corporel la capacité à « associer tous les repères spatiaux ». Pour que

l’enfant puisse se représenter son corps il faut qu’il ait intégré des notions comme : au-dessus,

en-dessous, près, loin. Aline nous parle de représentation « cognitive » du corps, pour elle le

schéma corporel est « purement représentatif », or une représentation est une image mentale,

qui pour se créer a besoin « des sens ou de la mémoire »8, c’est donc à partir de ses acquis que

l’enfant se fait cette représentation. Le schéma corporel n’est pas un phénomène inné.

La quatrième notion est celle de la perception du corps, pour Psychomotricienne 2,

cela inclut le fait de « percevoir les différentes parties de son corps entre elles ». La

perception nous permet également de retrouver la notion des sens : la vue, l’ouïe, l’odorat, le

toucher sont autant de sens par lesquels l’enfant reçoit des stimuli de son environnement. Ces

stimuli participent à la construction du schéma corporel. Béatrice ajoute le fait que l’enfant

« intègre » les choses qu’il perçoit, physiquement : dans sa mémoire du mouvement, et

intellectuellement.

Dans deux des entretiens, Béatrice et Marie, incorporent le terme de globalité dans

leur définition du schéma corporel. Selon Marie, le schéma est d’abord global puis « s’affine

en parallèle avec les capacités de l’enfant ». Pour Béatrice cette globalité se réfère à

« l’intégrité corporelle de l’enfant », un enfant avec un schéma corporel perturbé ne

bénéficierait pas de cette sécurité, de ce sentiment d’unité entre tous les éléments du corps.

7 Définition sur le site internet : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/conscience (consulté le 05 mai)

8 Définition sur le site internet : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/repr%C3%A9sentation (consulté le

05 mai)

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BAYON Laure Juin 2012 Page 28

Marie ajoute que le schéma corporel est la manière dont l’enfant « est investi sur le plan de la

motricité mais sur le plan affectif aussi », c’est pourquoi les relations sociales ont une part

importante dans le développement du schéma corporel, le portage des enfants est un des

exemples qu’elle développera dans l’entretien.

Sur les six réponses à cette question, tous les professionnels s’accordent sur le fait que

le schéma corporel est le fait pour l’enfant de construire des images mentales de son corps et

que ce processus implique des stimulations sensorielles, motrices, mais aussi des aspects

affectifs. Pour plusieurs professionnels ce schéma doit être « intégré » intellectuellement, cela

nécessite des expérimentations et des apprentissages, c’est donc un acquis. C’est dans ces

acquisitions que les professionnels peuvent aider l’enfant atteint de paralysie cérébrale.

La deuxième question posée concernait le vécu des enfants par rapport à leur propre

construction corporelle. L’objectif était de savoir si les professionnels pouvaient nous donner

leur avis sur le ressenti des enfants, en fonction des attitudes et des réactions qu’ils avaient pu

observer chez eux. Pour Béatrice, les enfants atteints de paralysie cérébrale « se sont

construits avec cette pathologie innée », pour elle l’important dans notre prise en charge est

de les « faire évoluer vers une certaine représentation de leur schéma corporel ». Elle ajoute

que ce développement est en grande partie corrélé aux troubles associés que peuvent avoir les

enfants.

Anne évoque les différences de progression entre les enfants, elle fait référence aux

tests de psychométrie que fait passer le psychologue : certains enfants peuvent être « à un âge

de développement d’à peu près trois ans alors qu’il en a six, et le schéma corporel être d’à

peu près trois ans. ». Le schéma corporel peut ainsi évoluer lorsque l’enfant acquiert des

capacités cognitives nouvelles. Les enfants pour qui le schéma corporel est difficile à mettre

en place ont souvent aussi une latéralité perturbée, on remarque cela notamment chez les

enfants hémiplégiques.

Pour Psychomotricienne 1 c’est également le niveau cognitif de l’enfant qui détermine

si l’enfant a une bonne conscience de son schéma corporel. Les enfants pour lesquels on peut

s’appuyer sur le langage pour leur expliquer qu’ils sont mal installés, vont pouvoir se

repositionner, cela permet de développer leur schéma corporel et montre qu’ils ont accès à

une représentation. Pour ceux qui ont un déficit intellectuel, on peut « s’appuyer sur autre

chose : que ce soit l’imitation, ou les mobilisations passives, en fait leur montrer ».

Page 33: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 29

Le langage et la compréhension sont des moyens indispensables pour faire évoluer le schéma

corporel, même si les expériences corporelles restent limitées et qu’au long terme cela peut

provoquer des troubles du schéma corporel. Son expérience lui permet de dire que certains

enfants ont conscience d’avoir un schéma corporel différent, en fonction de leur âge et surtout

de leur niveau de compréhension.

Pour Marie, cela varie également selon les enfants, les difficultés perceptives, les

perceptions internes et externes. Pour elle, les enfants se développent une image corporelle

grâce à leurs perceptions, c’est l’aspect « physiologique », mais l’aspect psychologique est

aussi à prendre en compte : « dans l’aspect psychologique du développement du schéma

corporel il y a le portage des enfants ».

En effet, à cause de leurs troubles moteurs les enfants sont difficiles à porter et les parents

peuvent leur renvoyer des signaux de non affection, contradictoires avec leurs sentiments.

Nous sommes là dans le champ psychologique du développement du schéma corporel.

Psychomotricienne 2 ajoute que c’est là « l’intérêt d’un travail en psychomotricité »,

de pouvoir leur offrir un lieu où on leur propose des vécus corporels qu’ils n’ont pas

forcément chez eux, cela les aide dans leur constructions des repères corporels, ils peuvent

prendre conscience qu’ils sont un individu « différencié », « séparé de l’autre » ils

construisent ainsi leur schéma corporel et leur image du corps.

Pour Aline, tout l’enjeu d’une construction correcte repose sur une prise en charge

précoce, c'est-à-dire à partir de deux mois. « Lorsqu’il y a une prise en charge précoce (…) on

a des enfants qui se construisent vraiment bien ». Pour elle, la construction « chaotique » de

l’enfant entrainerait des troubles praxiques importants, ceux-ci ne seraient pas liés

uniquement à la lésion cérébrale, mais serait une conséquence des troubles moteurs de la

lésion.

Enfin, les enfants paralysés cérébraux par leurs troubles praxiques et leurs troubles de

l’intégration sensorielle « ont du mal à accéder à la représentation de leur propre corps et de

l’environnement », or pour Aline, pour avoir conscience de quelque chose il faut se le

représenter ; les enfants paralysés cérébraux n’ont donc pas conscience de leurs difficultés, ni

de leurs capacités. Elle rappelle que ces troubles sont majorés par une prise en charge précoce

insuffisante.

En conclusion, cette question nous fait admettre que le ressenti des enfants sur leur

corps est très variable. Il est difficile de déterminer si ces enfants ont conscience de leurs

difficultés représentatives de leur corps. On note cependant une forte relation entre le

Page 34: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 30

développement de leurs capacités cognitives et leur capacité à se représenter le corps. Dans

ces capacités cognitives, on retrouve : la communication, l’accès au langage et à la

dénomination des différentes parties du corps, s’ajoute à cela un bon niveau perceptif lié à

l’intégration sensorielle. Ces éléments peuvent être altérés suite à une lésion cérébrale et

provoquer un schéma corporel « morcelé » (Aline).

3.3.3 Les troubles posturaux liés à la paralysie cérébrale et leurs impacts

Le troisième thème concerne les troubles posturaux liés à la paralysie cérébrale. Dans

cette partie nous regroupons les questions suivantes « Quels sont les principaux troubles

posturaux que vous observez chez les enfants atteints de paralysie cérébrale, en particulier

ceux qui perturbent leur position assise ? », « Avez-vous pu remarquer un impact de ces

troubles sur leur développement psychomoteur ? Sur leur vie quotidienne ? ».

A travers ces interrogations nous avons cherché à savoir quels étaient les troubles les

plus nocifs pour positionner l’enfant en station assise et en quoi ils étaient nocifs. Les résultats

sont présentés dans le tableau 4 ci-dessous.

Hypotonie axiale Tous les professionnels évoquent cet aspect

Hypertonie Béatrice : hypertonie au niveau du tronc

Anne : hypertonie membres inférieurs et

membres supérieurs

Marie : hypertonie périphérique

Mouvements involontaires Béatrice

Anne

Schéma en hyper-extension Anne : pour les enfants « tétraplégiques ou avec

des atteintes plus globales »

Aline : « la principale difficulté c’est la conquête

du schéma de flexion, donc l’hyper-extension »

Psychomotricienne 2 : «ce qu’on observe

beaucoup c’est l’hyper-extension, l’extension

postérieure qui entrave la station assise »

Soutien postural Anne

Marie

Postures asymétriques Aline : enfants hémiplégiques

Psychomotricienne 1 : « beaucoup de

déséquilibres et pas beaucoup de mouvements du

tronc »

Tableau 4 : Les troubles posturaux liés à la paralysie cérébrale

Page 35: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 31

De l’analyse du tableau 4, nous pouvons ressortir les principaux troubles posturaux

observés par les professionnels interrogés.

L’hypotonie est citée par tous comme étant un des facteurs principaux empêchant

l’enfant d’avoir un maintien postural et des appuis suffisants pour se maintenir assis. Selon

Aline, pour les enfants avec une hémiplégie c’est l’hypotonie, entrainant des déséquilibres

avant-arrière et latéraux, qui retarde la station assise. Elle évoque également les postures très

asymétriques « qui empêchent tout ce qui est rotation des ceintures, essentiel pour la position

assise ». Psychomotricienne 1 complète en nous disant que les enfants hémiplégiques ont

beaucoup de déséquilibres et peu de mouvements du tronc. Psychomotricienne 2 nous parle

de l’hypotonie de l’axe, elle rejoint donc Aline et Psychomotricienne 1 sur le fait que

l’hypotonie entraîne des déséquilibres et une mobilité réduite, voire inexistante du tronc.

Pour Marie, cette hypotonie axiale peut se trouver au niveau du tronc ou bien au

niveau de la région haute du cou, elle nuance en ajoutant : « c’est vrai que ça va ensemble, si

la tenue de tronc n’est pas correcte c’est vrai que la tête non plus, mais des fois il y a

vraiment des enfants qui ont cette particularité même quand on stabilise le tronc, la tête est

encore très faible. ».

Nous voyons ici l’impact de l’hypotonie sur la station assise, même lorsqu’on propose

un positionnement. Psychomotricienne 1 évoque un enfant avec quadriplégie, qui n’a pas de

maintien assis, si on met en place un maintien au niveau du bassin, il est alors « complètement

en cyphose avec une impossibilité à utiliser les mains ».

Les deuxième et troisième éléments repérés par les professionnels sont l’hypertonie et

le schéma en hyper-extension, partie théorique. Trois ergothérapeutes donnent comme

réponse l’hypertonie, Béatrice parle des enfants « hypertoniques au niveau du tronc qui vont

avoir besoin d’installations très particulières », Anne de l’hypertonie des membres supérieurs

et inférieurs, et Marie de l’hypertonie périphérique. Pour le schéma en hyper-extension,

Psychomotricienne 2 nous explique son influence non seulement sur la station assise mais

aussi sur la coordination des deux mains et le bien-être de l’enfant, celui-ci étant en

« difficulté pour s’apaiser, pour s’enrouler ».

Aline précise que pour les « enfants tétraplégiques ou avec des atteintes plus globales,

la principale difficulté c’est la conquête du schéma de flexion, donc l’hyper-extension », cela

les empêche d’avoir accès à une position assise. C’est dans cette quête du schéma de flexion

que l’ergothérapeute va intervenir, pour aider l’enfant dans son développement, et proposer

dans ce cas un positionnement qui favorise l’enroulement.

Page 36: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 32

Toutes ces difficultés ont un impact direct sur le soutien postural évoqué par deux

ergothérapeutes. Cette difficulté de soutien postural engendre des postures dans lesquelles

l’enfant est incapable de manipuler.

C’est à ce niveau que les ATP sont profitables pour l’enfant. Marie ajoute « le maintien

postural » à la liste des troubles de la posture, la difficulté se trouve alors au niveau des

articulations, et l’enfant est handicapé dans le port et le transport des objets. Ce sont alors les

adjonctions comme une tablette ou des suspensions qui permettent de travailler le maintien

postural, dans le cas où les enfants présentent une hypotonie des membres supérieurs.

Les mouvements involontaires varient selon la classification de la paralysie cérébrale,

nous retrouvons dans les réponses de deux ergothérapeutes les mouvements choréo-

athétosiques, ou cérébelleux, comme facteur de mauvais positionnement. Pour Béatrice ces

mouvements anormaux « engendrent aussi une répercussion sur l’axe corporel, sur la tenue

de tête » ainsi que sur l’ensemble de la posture.

Une ergothérapeute et une psychomotricienne émettent dans leurs réponses les

troubles visuels. Nous ne les avons pas classés dans le tableau 4 car ils ne font pas partis des

troubles posturaux, néanmoins ceux-ci ont un impact important sur la posture car le regard

oriente l’ensemble de la posture. Anne cite en exemple les enfants qui n’ont que la partie

supérieure de leur regard qui est fonctionnelle, ils doivent baisser la tête pour voir, ce qui

emmène le corps dans une posture d’enroulement.

Page 37: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 33

Limitation des possibilités exploratoires et

motrices de l’enfant

Béatrice: l’enfant ne peut pas attraper un jeu

Anne : explorer l’environnement ; pouvoir faire

du jeu libre ; manipulations

Marie : se placer pour faire les choses

Psychomotricienne 1 : impact au niveau des

coordinations ; répercussions au niveau spatial

Limitation des acquisitions neuro-motrices Aline : désordre massif dans le développement

psychomoteur lorsque le schéma de flexion n’est

pas acquis

Marie : les apprentissages liés à la répétition des

actions sont perturbés

Psychomotricienne 2: difficultés dans les

acquisitions neuro-motrices

Incidence sur l’intégration sensorielle Béatrice : difficulté de positionnement du

regard

Anne : sensations sensorielles impossibles à

découvrir

Marie : impossibilité de regarder là où l’on veut

Aline : l’enfant ne va pas pouvoir s’orienter vers

un stimuli sensoriel

Psychomotricienne 2 : l’enfant a du mal à

regarder l’environnement

Impact sur le plan relationnel Marie : l’enfant est pénalisé dans son rapport

aux autres

Psychomotricienne 2: l’hyper-extension par

exemple « entrave la capacité à communiquer » ;

difficultés relationnelles

Tableau 5 : Impact sur le développement psychomoteur des troubles répertoriés dans le

tableau 4

Nous avons regroupé les réponses des ergothérapeutes en quatre catégories.

Pour trois ergothérapeutes et une psychomotricienne les troubles posturaux vont

limiter l’enfant dans ses possibilités d’explorer l’environnement et de manipuler les objets qui

l’entourent. L’enfant ne peut pas accéder aux objets en les attrapant, par conséquent même s’il

est capable de les manipuler, d’après Marie il ne va pas « engager les choses » car il risque de

s’effondrer du à son hypotonie axiale. Anne nous donne l’exemple d’un enfant qui peut se

Page 38: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 34

déplacer en rampant mais qui n’accède pas à la position en appui sur les membres supérieurs,

il ne peut donc pas soulever la tête et explorer son environnement.

On peut aussi retrouver une limitation des acquisitions neuro-motrices, comme nous le

citent deux ergothérapeutes et une psychomotricienne. Anne nous interpelle sur l’évolution

motrice : un enfant sans atteintes a normalement acquis le schéma de flexion à l’âge de six

mois, il peut ainsi attraper ses pieds et les mettre à sa bouche, « ce passage là est absolument

nécessaire pour la rotation des ceintures et les retournements », sans cette étape l’enfant

cérébro-lésé ne peut donc pas poursuivre un développement psychomoteur normal.

En ce qui concerne la notion d’apprentissage liée à des expériences motrices que l’enfant aura

répétées, cela est aussi compromis lorsque l’enfant ne peut réaliser ses répétitions motrices.

Les troubles posturaux de l’enfant cérébro-lésé, ont une incidence très importante sur

l’intégration des informations sensorielles, on retrouve cette information dans les entretiens de

quatre des ergothérapeutes et celui d’une psychomotricienne. Les difficultés d’intégration

sensorielle résultent principalement d’une mauvaise position du regard de l’enfant. Ce dernier

ne peut orienter son regard dans la direction qu’il souhaite. Du fait de ces troubles de la

mobilité, l’enfant n’a pas accès aux différents stimuli sensoriels de façon optimale. Il peut

entendre un bruit, une voix ou percevoir un changement lumineux, mais sans la capacité à

orienter son attention vers ces stimuli l’enfant ne fait pas de lien entre le stimuli et sa source.

Enfin, du côté psychologique du développement psychomoteur, on retrouve un impact

des troubles posturaux sur le plan relationnel de l’enfant. Les difficultés relationnelles sont

une conséquence des impacts cités précédemment : orientation du regard, perturbation dans

les manipulations et retard dans les acquisitions neuro-motrices. L’impossibilité de manipuler

les objets écarte l’enfant du jeu, aussi bien le jeu libre solitaire, que le jeu avec ses parents ou

son entourage. Or le jeu est un élément essentiel du développement psychomoteur de l’enfant,

comme nous le rappelle la théorie de Piaget.

De plus, Marie ajoute que les enfants avec une hypotonie axiale très importante ne

peuvent pas chercher le regard des autres, ni interpeller qui ils veulent, cela débouche

évidemment sur des difficultés relationnelles.

D’un autre côté, les parents sont eux aussi en position de handicap relationnel, car ils

ont des attentes vis-à-vis de leur enfant : qu’il se conforme à leur bras lorsqu’ils le portent,

qu’il puisse interagir avec eux, ces attentes non satisfaites peuvent compliquer leurs relations.

Psychomotricienne 2 complète cet avis en disant que les enfants avec un schéma en hyper-

extension ont « du mal à s’apaiser », ce qui entrave la relation avec ses parents.

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BAYON Laure Juin 2012 Page 35

En conclusion, nous avons pu constater que les troubles posturaux observés par les

professionnels ont un impact réel sur l’ensemble du développement psychomoteur de l’enfant.

Cela interfère avec ses apprentissages moteurs : coordination motrices, manipulations d’objet,

retournements et la rotation des ceintures ; sur son développement cognitif : si l’enfant ne voit

pas son action, il ne la répète pas, et n’intègre pas la notion de causalité ; et enfin sur ses

relations avec ses parents.

En lien avec notre première hypothèse, nous avons pu vérifier que les stimulations

extérieures permettent aux enfants de se développer dans divers domaines, ce développement

permet à l’enfant d’établir un lien entre son corps et l’extérieur et ainsi de construire son

schéma corporel.

3.3.4 Le positionnement effectué par les ergothérapeutes et l’impact sur le

développement du schéma corporel

Le quatrième thème abordera les contours de la mise en place du positionnement par

les ergothérapeutes, les modalités de participation des psychomotriciennes lors du

positionnement, et l’impact du positionnement sur le développement du schéma corporel. Il

regroupe les questions suivantes : « Comment intervenez-vous sur le positionnement de ces

enfants, en particulier au niveau de la station assise ? » et « Selon vous comment le

positionnement de l’enfant atteint de paralysie cérébrale influe-t-il sur son schéma

corporel ? ».

Les questions secondaires concernaient les techniques de positionnement employées

par les ergothérapeutes, la collaboration pluridisciplinaire lors du positionnement, et une

question demandant si certains positionnements pouvaient désavantager le développement du

schéma corporel.

De l’analyse des réponses, nous avons réalisé trois tableaux (tableau 6, tableau 7 et

tableau 8). La première question concernait la façon dont les professionnels interviennent sur

le positionnement, dans l’analyse, il nous a paru pertinent de faire ressortir les objectifs dans

le tableau 6, puis dans un second temps, nous expliquerons les moyens, la démarche et les

modalités techniques du positionnement dans le tableau 7.

Enfin dans le tableau 8, nous regrouperons les réponses correspondant à l’influence du

positionnement sur le schéma corporel.

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BAYON Laure Juin 2012 Page 36

Dans le tableau 6, nous n’incluons pas les réponses des psychomotriciennes car elles

ne mettent pas en place d’aide-technique à la posture. Nous évoquerons leur intervention dans

le positionnement dans le tableau 7, en abordant la pluridisciplinarité.

Favoriser le maintien orthopédique Anne

Béatrice

Marie : favoriser l’aspect correctif

Accompagner et faire évoluer le développement

moteur et postural

Aline : favoriser les schémas d’enroulement en

évitant les positions en hyper-extension ;

développer l’accès aux stimuli sensoriels ; éviter

les postures asymétriques

Anne : développement moteur

Marie : faire évoluer l’aspect postural et moteur ;

éviter postures asymétriques

Aider les parents dans les actes de la vie

quotidienne et dans leurs interactions avec

l’enfant

Aline : permettre aux parents d’interagir avec

leur enfant ; faciliter la prise des repas

Béatrice : soulager l’entourage en facilitant la

prise des repas et l’habillage

Marie : aider les parents pour le bain,

l’alimentation

Permettre la mobilité et la liberté d’action en

sécurité et en autonomie

Anne : favoriser la mobilité et la sécurité ; varier

les positions de l’enfant

Béatrice : permettre une liberté d’action dans

une position confortable ; libérer les membres

supérieurs

Marie : proposer des alternatives à une posture

trop rigide

Favoriser l’intégration sociale et scolaire Aline : favoriser intégration en classe

Anne : maintenir l’enfant assis sans le

stigmatiser dans la classe

Béatrice : favoriser autonomie dans les jeux

Marie : placer l’enfant dans une situation où il

peut jouer

Tableau 6 : Les objectifs du positionnement

Nous avons fait ressortir six grands objectifs du positionnement.

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Le premier, cité par trois ergothérapeutes, est de favoriser le maintien orthopédique,

on entend par là réduire les troubles neuro-orthopédiques. Chez l’enfant paralysé cérébral, un

des troubles principaux est l’excentration de la hanche, pouvant provoquer une luxation de la

tête fémorale. Cette complication peut être prévenue par une mise en abduction des cuisses

permettant le centrage de la tête fémorale dans la cavité acétabulaire. Au niveau des troubles

neurologiques, la spasticité augmente le risque de luxation de la hanche, car elle est majorée

sur les adducteurs de hanche.

Le maintien orthopédique permet également de corriger la posture de l’enfant et lui

donne la capacité de se maintenir assis. Les assises moulées et le corset-siège réalisés par

l’orthoprothésiste constituent l’essentiel du maintien orthopédique, les installations réalisées

par l’ergothérapeute ont plus pour objectif de maintenir l’enfant avant qu’il ne développe des

schémas trop pathologiques et que sa tonicité l’empêche d’être contenu dans une installation

en mousse, cependant elles doivent quand même prévenir ces complications avec des butées

ou des plots d’abduction par exemple.

Le second objectif, du positionnement, retrouvé dans les réponses de trois

ergothérapeutes est d’accompagner l’enfant dans son développement psychomoteur, et de lui

permettre d’accéder à chaque étape de son évolution motrice.

Marie nous explique par exemple que si l’enfant est en hyper-extension on va

rechercher l’enroulement, puis si l’enroulement est atteint et la tenue assise améliorée, on va

faire évoluer l’installation pour développer les rotations, en enlevant les soutiens latéraux par

exemple. Une fois le schéma de flexion acquis, des points d’appui peuvent être proposés aux

enfants pour permettre le redressement. Ce développement moteur est en lien avec les stimuli

sensoriels, comme nous l’avons rappelé dans le thème précédent.

Aline nous rappelle qu’ « une posture pathologique va verrouiller le regard et

verrouiller tout ce qui est sensoriel », les informations proprioceptives, kinesthésiques seront

pauvres et l’accès aux sources sonores et lumineuses gêné. Pour les enfants âgés de cinq mois,

voir même avant pour certains, on cherche en premier à éviter les postures asymétriques, pour

cela il faut donner à l’enfant des points d’appui suffisants pour qu’il s’enroule, qu’il fixe son

regard et puisse interagir avec son environnement. Cela prévient aussi le risque de

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plagiocéphalies9, fréquent chez les enfants présentant des troubles moteurs et une position

prolongée en décubitus dorsal.

Le troisième objectif, cité par trois ergothérapeutes, est d’aider les parents dans les

soins et la vie quotidienne de l’enfant. Aline s’accorde à dire qu’une des priorités de

l’intervention en ergothérapie est la guidance parentale, l’information aux parents est

primordiale.

A cet âge, les besoins quotidiens de l’enfant sont satisfaits par les parents, en leur

facilitant les activités de la vie quotidienne pour s’occuper de leur enfant, on participe au

bien-être de ce dernier. C’est pourquoi les ergothérapeutes inscrivent dans leur objectif de

positionnement :

Faciliter la prise des repas par une installation adaptée, qui limite les risques de

fausses routes, et qui permet à l’enfant de voir ses parents et ce qu’il mange, à l’aide

d’un appui-tête bien positionné.

Faciliter l’habillage en maintenant l’enfant dans un schéma de flexion, l’habillage

lorsque l’enfant est en hyper-extension étant très difficile.

Faciliter la toilette et le bain, en aménageant au besoin une installation pour la

baignoire.

Le quatrième objectif, formulé par trois des ergothérapeutes, est de permettre à

l’enfant d’effectuer un maximum de mouvements en autonomie, de favoriser ses capacités de

manipulation en libérant ses membres supérieurs, tout en veillant à ce que l’enfant soit le plus

confortable possible, et que l’aide-technique soit sécuritaire.

Béatrice ajoute que les installations permettent aux membres supérieurs d’être libérés,

les enfants peuvent alors développer leur potentiel fonctionnel de manipulation et de

préhension.

Le cinquième objectif retrouvé dans les réponses des ergothérapeutes est de favoriser

l’intégration sociale et scolaire de l’enfant. Cette intégration découle des autres objectifs ; si

l’enfant est à l’aise et en sécurité lorsque ces parents s’occupent de lui, une relation pourra

9 Défintion de plagiocéphalie : « C’est une déformation crânienne asymétrique, elle se caractérise par un

aplatissement occipital unilatéral et une proéminence frontale ipsilatérale. », sur le site internet :

http://www.physioenfant.com/chro_plagiocephalie.htm (Consulté le 15 mai 2012)

Page 43: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 39

s’établir, de même si l’enfant peut jouer au sol en ayant une bonne tenue du tronc et les bras

libres il pourra s’intégrer avec les autres.

Anne apporte une nuance en expliquant que dans l’école où elle travaille les

professionnels éducatifs privilégient l’installation des enfants handicapés sur une chaise

adaptée plutôt que de les laisser dans leur fauteuil roulant, il n’y a pas d’intérêt au niveau de

la posture, mais au niveau relationnel cette installation permet à l’enfant de s’intégrer plus

facilement.

Ces objectifs pourraient être détaillés et approfondis, mais notre but était de voir sur le

terrain si les ergothérapeutes, lors du positionnement, prenaient en compte l’accès aux stimuli

et l’intégration de l’enfant dans son environnement, à la lueur de ces objectifs nous pouvons

en déduire une réponse positive.

Par le positionnement, les ergothérapeutes participent à l’amélioration des capacités de

l’enfant au niveau moteur, perceptif et social, cela concourt à favoriser le développement du

schéma corporel.

Pourtant, nous remarquons qu’aucun des ergothérapeutes ne cite : « améliorer le

schéma corporel de l’enfant », dans ses objectifs. Anne dans son entretien explique que « la

contenance, la sensation d’enveloppe corporelle » est l’objectif qui se rapproche le plus pour

elle du schéma corporel, il vise à ce que l’enfant se sente maintenu pour « ressentir son

enveloppe corporelle et (pouvoir) se rassembler pour faire une activité ».

Page 44: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 40

Intervention pluridisciplinaire Tous

Evaluations préalables Marie : observations de l’enfant, évaluation sur

le plan des Niveau d’Evolution Motrice, le bilan

du Dr. Tardieu, assiste à une séance avec le

kinésithérapeute

Anne : évaluation des besoins, prise en compte

des demandes des professionnels éducatifs et

pédagogiques de l’établissement

Aides-techniques proposées,

Aline : sièges en bois et en mousse sur mesure ;

installations éphémères ; petits fauteuils pour

aller au sol ; installations dans les sièges-hauts

Anne : assise personnalisée ; coussin préformé ;

selle à hanches défléchies ; installations au sol

permettant d’éviter la position en W de type

« Moto »10

; adaptations comme une tablette, un

pupitre.

Béatrice : donne son avis au moment de la

fabrication de la coquille ; installations proposées

pour le domicile ou l’école : trotte-lapins ; siège

en billes, sièges bas qui maintiennent l’enfant et

permettent une certaine liberté d’action.

Marie : fabrique le matériel avec de la mousse et

du bois pour l’intégrer au matériel de

puériculture des parents (souvent ce sont des

chaises hautes) ; aide-technique est réalisée sur

mesure, adjonctions comme une tablette ; mousse

dure (plastazote) pour permettre des réponses

optimales au niveau de la sensibilité profonde.

Tableau 7 : La démarche et les modalités du positionnement

De l’analyse des réponses répertoriées dans le tableau 7, nous ressortons une

caractéristique principale de la prise en charge du positionnement, c’est un travail

pluridisciplinaire.

10 Un positionnement de type « Moto » est appelé ainsi car l’enfant se trouve assis, sur un cylindre ou une forme

adaptée à sa morphologie, de la façon qu’un motard.

Page 45: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 41

Lorsqu’ils proposent un positionnement, les professionnels sont unanimes sur la

pluridisciplinarité de l’intervention. Un des premiers intervenants du positionnement est le

médecin, car c’est lui qui réalise la prescription médicale pour notre prise en charge en

ergothérapie, ou spécifiquement pour l’aide-technique à la posture. Le positionnement se fait

idéalement en trinôme : kinésithérapeute, ergothérapeute, orthoprothésiste, comme nous le

confirment l’ensemble des ergothérapeutes.

En plus, trois ergothérapeutes évoquent la participation des psychomotriciens, de

façon ponctuelle. Parmi les psychomotriciennes interrogées, Psychomotricienne 1 travaille

dans un CAMSP où il n’y a pas d’ergothérapeute ; pour elle ce sont le médecin et le

kinésithérapeute qui évaluent le positionnement adéquat, puis le kinésithérapeute qui réalise

l’appareillage. Son rôle est de conseiller les parents sur des éléments en lien avec sa pratique :

que l’enfant est de bons appuis, favoriser le suivi visuel, préconiser une grande table pour

aider les manipulations. Elle transmet au médecin et au kinésithérapeute, les postures qu’elle

a observées en séance. Néanmoins, elle ajoute qu’un ergothérapeute serait nécessaire en ce

qui concerne les installations dans la vie quotidienne : chaises hautes, poussettes…

Pour Psychomotricienne 2, le travail réalisé par les ergothérapeutes et les

kinésithérapeutes lui a permis de prendre conscience de l’importance du positionnement et

d’y faire encore plus attention lors de ses séances, mais elle ne participe pas directement à

l’évaluation de l’installation. Selon elle, le travail pluridisciplinaire permet aussi de mieux se

concerter pour conseiller les parents.

Aline, aide les psychomotriciens à leur demande, en confectionnant des installations

au sol pour leurs séances. Pour elle, ce travail conjoint reste un « idéal » mais la « réalité

(manque de temps) fait qu’on travaille ensemble, mais en autonomie », ses partenaires de

travail pour le positionnement sont le menuisier, la couturière et au besoin le ferrailleur.

Marie, qui réalise des aides-techniques à la posture, lorsque cela est possible, assiste

aux séances de l’enfant avec le kinésithérapeute pour évaluer son niveau d’évolution motrice

et définir les critères d’installation. Il ressort des entretiens que les kinésithérapeutes et les

orthoprothésistes interviennent principalement lors de la réalisation d’appareillages

complexes, c'est-à-dire, soit lorsque les installations en mousse s’avèrent insuffisantes, soit

pour confectionner un corset ou une assise moulée.

L’orthoptiste peut intervenir dans les cas très complexes de positionnement, pour

faciliter le suivi visuel, comme le signale Marie. Pour conclure, le travail interdisciplinaire est

primordial car le positionnement ne correspond pas seulement aux objectifs de prise en charge

Page 46: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 42

d’un professionnel, mais participe au développement global de l’enfant et sera utilisé par

toutes les personnes qui l’entourent ; aussi bien au domicile, qu’à la crèche ou l’école.

De plus c’est un élément souvent difficile à accepter au quotidien par les parents, car il

stigmatise le handicap, c’est pourquoi l’adéquation, et la participation de l’ensemble de

l’équipe est un atout majeur pour l’adhésion des parents à cette aide-technique.

Cette partie, en lien avec notre deuxième hypothèse nous permet de conclure que le

positionnement est pris en charge de façon pluridisciplinaire.

Après avoir posé la question de savoir « comment » les professionnels intervenaient

sur le positionnement, nous avons noté que deux ergothérapeutes mentionnent les évaluations

dans leurs réponses.

Marie, évalue à l’aide d’observations réalisées lors de sa séance ou lors de la prise en

charge en kinésithérapie, pendant laquelle elle peut apprécier les Niveaux d’Evolution

Motrice de l’enfant. Elle utilise également le bilan du Dr. Tardieu, qui est une évaluation

fonctionnelle spécifique de l’enfant IMC.

Anne, évalue en ciblant les besoins et elle prend aussi en compte les demandes des

instituteurs ou des éducateurs, pour favoriser l’intégration de l’enfant dans sa classe en

proposant des installations les moins stigmatisantes possible, et le plus fonctionnel. Il faut

prendre en compte que les autres professionnels n’ont peut-être pas cité d’évaluations car ils

ne l’entendaient pas dans la question posée. Néanmoins, on observe que l’installation se fait

surtout à partir des observations, il n’y a pas d’évaluation standardisée pour le

positionnement.

En réponse à notre hypothèse, peut être qu’un bilan validé pour le positionnement,

permettrait d’inclure le schéma corporel dans les observations relatives à l’installation ? Nous

nuançons nos propos, en disant que ces professionnels utilisent surement les autres bilans

réalisés auprès de l’enfant (moteur, postural, fonctionnel, cognitif…) pour analyser les

déficiences de l’enfant et fabriquer l’installation qui convienne.

En ce qui concerne les techniques de positionnement, cela varie en fonction de l’âge,

donc de la structure où travaillent les ergothérapeutes, mais ce sont des choix personnels en ce

qui concerne les matériaux.

Page 47: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 43

Par exemple pour réaliser leurs ATP, Aline et Marie utilisent du bois et de la mousse,

mais chacune privilégie un type de mousse. Aline préfère les mousses plutôt molles pour

favoriser le confort et la contenance, alors que Marie préfère les mousses dures pour renforcer

les retours de sensibilité profonde.

Nous en déduisons de ces réponses que les ergothérapeutes réalisent des installations

et un positionnement, toujours propre à l’enfant, à ses troubles spécifiques -rappelons qu’ils

peuvent être très variés dans la paralysie cérébrale- et à son stade de développement. Cela

correspond à notre deuxième hypothèse, qui suppose qu’un positionnement adapté, c’est-à-

dire propre à l’enfant, favorise le développement psychomoteur, lié au schéma corporel.

Ces positionnements sont également adaptés, car les ergothérapeutes proposent des

positionnements variés aux enfants. Ils le font suivant leurs différents lieux de vie, et en

respectant le fait qu’ils doivent recevoir des informations distinctes selon le lieu. Par exemple,

chez lui on privilégiera le confort pour qu’il entre en contact avec ses parents, et en classe on

privilégiera la position du regard et une posture adaptée pour mobiliser les membres

supérieurs.

Le dernier tableau résumera les expériences des professionnels concernant l’influence

que peut avoir le positionnement sur le schéma corporel.

Cadrer le corps Marie : le positionnement cadre l’enfant et lui

donne une représentation de son corps

Anne : les installations sont « un pré-requis à

beaucoup de choses (dont permettre à l’enfant

de se développer) au niveau moteur, cognitif et

social donc le schéma corporel. »

Psychomotricienne 2 : l’installation sécurise

et structure l’enfant pour qu’il soit « plus

disponible sur ce qui se passe autour de lui »

Varier les positions Marie : les installations ne sont pas faites pour

y être une journée entière ; il faut varier les

positionnements ; proposer des installations au

sol

Béatrice : « Le changement de position permet

de voir les choses autrement »

Page 48: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 44

Aline : l’important c’est de pouvoir varier les

postures ; il faut que l’enfant puisse bouger et,

grâce aux points d’appui de l’installation,

revenir à une posture correcte.

Psychomotricienne 1 : c’est important de

varier les positions et les appuis, tout en

conservant un les maintiens orthopédiques

Psychomotricienne 2 : l’enfant a besoin de

vivre des choses allongé, au sol, pour prendre

conscience la partie antérieure de son corps,

tout en l’accompagnant

Compromis entre maintien orthopédique et liberté de

mouvement

Marie : lors du positionnement il faut veiller à

laisser les membres supérieurs le plus libres

possibles ; il faut « aller jusqu’au bout de

l’installation » en ne surveillant pas

uniquement la position du bassin.

Béatrice : « le positionnement orthopédique se

fait parfois au détriment du schéma corporel »

mais cela est toujours bénéfique pour l’enfant

d’avoir une installation, si on respecte « des

temps où l’enfant est un peu plus libre de ces

mouvements »

Aline : « Le positionnement ce n’est pas de

coincer un enfant pour éviter qu’il ait des

déformations orthopédiques, mais c’est aussi

ça et c’est très important »

Anne : lorsque l’on réalise une installation

orthopédique, il faut veiller à « laisser à

l’enfant la possibilité d’explorer son propre

soutien postural » ; « le tout orthopédique peut

nuire »

Oriente l’enfant vers des retours sensoriels Marie : retour de sensibilité profonde possible

avec un matériau dur ; le « contact de »

l’installation lui renvoie des informations

Béatrice : une bonne position va permettre de

« regarder les gens, ton schéma corporel va se

développer différemment»

Aline : les points d’appui permettent à l’enfant

de découvrir son environnement ; le

Page 49: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 45

positionnement est essentiel pour la

coordination visuelle

Anne : « l’enfant vit des sensations de

mouvement grâce à ces installations »

Psychomotricienne 1 : une bonne installation

permet une prise de conscience des appuis (au

niveau du bassin, des pieds, des coudes…)

« tout ça ça va entrainer une meilleure

perception du schéma corporel »

Tableau 8 : Influence du positionnement sur le schéma corporel

Cette dernière question nous permet de conclure notre entretien par un retour sur notre

problématique. Dans les réponses à cette question, les ergothérapeutes ont apporté de

nombreux exemples que nous développerons ici.

Le positionnement permet de cadrer l’enfant, de le sécuriser et de l’apaiser, autant de

notions qui permettent à l’enfant d’être dans un état satisfaisant pour interagir avec son

environnement et construire son schéma corporel.

Une constante dans les réponses des professionnels : il faut varier les positions. Trois

ergothérapeutes et les deux psychomotriciennes évoquent ce sujet, les ergothérapeutes

préconisent l’installation d’appareillages adaptés à chaque situation de vie.

Les psychomotriciennes, insistent plus sur le fait varier les appuis. Psychomotricienne 1 nous

explique que les enfants avec une quadriplégie, lorsqu’ils sont sur le dos, ont les membres

supérieurs en chandelier et les membres inférieurs directement en contact avec le sol. Ils ont

des possibilités de mouvement mais cela ne leur permet pas d’acquérir les premières

coordinations œil-main et œil-pied. Le positionnement sur le dos, en regroupement et en

flexion, rapproche les mains et les pieds de l’espace visuel et les coordinations peuvent se

mettre en place.

Il ressort de ces réponses que le positionnement est un compromis constant entre :

favoriser une croissance orthopédique correcte et permettre à l’enfant d’être mobile. Marie

nous parle d’un professionnel qui voulait que l’enfant se trouve dans une posture érigée, en

réalité cette posture, même si cela « faisait plaisir à la maman et au papa parce que l’enfant

allait vers quelque chose de debout », renforçait le schéma en hyper-extension de cet enfant.

Page 50: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 46

Il fallait au contraire aider l’enfant à muscler sa partie antérieure du corps en schéma de

flexion, pour ensuite aller vers l’extension.

Le positionnement est pour l’enfant un moyen facilitateur vers les perceptions

sensorielles. Anne ajoute que l’équipe a un rôle très important vis-à-vis des fonctions

sensorielles : quand les enfants n’ont pas d’appareillage, il faut leur faire profiter de

sensations comme le sable ou l’herbe.

Concernant l’impact d’un appareillage sur le schéma corporel, Béatrice nous rapporte

une anecdote intéressante. Elle avait demandé à un enfant de dessiner un bonhomme, celui

réalise le dessin puis dit qu’il a oublié de dessiner quelque chose, il voulait ajouter les appuis

sterno-claviculaire présents sur sa coquille, à son dessin de lui-même. On remarque ici

l’influence de l’appareillage sur la construction de l’enfant, même si celui-ci a surement

conscience que ses appuis ne font pas partis de son corps, il les intègre dans sa sphère

personnelle, c’est-à-dire l’espace proche de lui.

Dans notre entretien, nous avons également abordé la notion de précocité de mise en

place du positionnement. Tous les professionnels s’accordent pour dire qu’il est toujours

bénéfique à l’enfant de proposer un positionnement « précoce ».

Lorsque l’on parle de prise en charge précoce, les professionnels s’entendent sur le fait

que, dès la sortie de la néonatalogie, l’enfant peut être pris en charge et le positionnement

corrigé.

Pour Psychomotricienne 2, cela commence dans les transats où les enfants peuvent

être déjà mal positionnés, sans appuis suffisant au niveau des pieds et du bassin.

Pour Marie, une prise en charge précoce du positionnement est indissociable d’un suivi

kinésithérapique précoce. Le kinésithérapeute effectue la guidance neuro-motrice, l’enfant

maintient ses acquis au quotidien grâce au positionnement : « l’un sans l’autre, ça n’a pas de

sens ». L’installation de l’enfant lui permet de profiter de son environnement, est bénéfique

pour son schéma corporel, mais également pour l’aspect cognitif au sens large.

Aline et Anne mettent l’accent sur la formation des parents au positionnement. L’éducation

parentale est la priorité jusqu’à l’âge où l’enfant puisse bénéficier d’une ATP. Les parents

doivent être aidés pour le portage, le repas, le coucher de l’enfant, ainsi que l’installation dans

la poussette.

Page 51: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 47

Béatrice complète avec l’idée que le positionnement soulage la famille dans sa vie

quotidienne. Là encore, la formation des parents pour un positionnement précoce, nécessite la

contribution de l’ensemble de l’équipe médicale et paramédicale de l’enfant. Ici, notre

deuxième hypothèse, concernant le positionnement précoce, se trouve validée par les propos

des professionnels.

Après avoir analysé les réponses des professionnels à nos entretiens, élaborons la discussion

amenée par leurs propos et proposons des idées qui permettront de prolonger notre réflexion.

Page 52: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 48

4. Discussion et commentaires

4.1 Conclusions de l’enquête

L’enquête révèle que les professionnels ont connaissance de la notion de schéma

corporel, ils la définissent chacun avec leurs propres mots, mais ils ont conscience de son

impact sur le développement de l’enfant, et des répercussions que peut entrainer un trouble du

schéma corporel dans la vie future de l’enfant.

Lorsque nous les avons interrogés sur la notion de « schéma corporel », les

professionnels semblaient déstabilisés, cette notion comme on le rappelle dans la partie

théorique, englobe plusieurs domaines : psychologique, physique et développemental.

Les ergothérapeutes travaillant avec des enfants paralysés cérébraux, ont des objectifs

principalement posturaux, c’est pourquoi ils ont peut être, à première vue, des difficultés à

faire le lien entre leur pratique et le schéma corporel. Pourtant, lors des définitions qu’ils nous

donnent, ils expliquent le schéma corporel avec des concepts précis, démontrant la juste

représentation qu’ils ont de cette notion. Dans la suite des entretiens, les professionnels

effectuent de nombreux liens entre le schéma corporel et leur pratique. Les objectifs relatifs

au positionnement, rejoignent des objectifs permettant d’améliorer le schéma corporel.

Les entretiens nous ont également permis de préciser le terme positionnement, et ce

que les ergothérapeutes mettent réellement en place lorsqu’ils parlent de cet objectif. Lorsque

l’enfant n’est pas encore au stade d’acquisition de la station assise, il doit être maintenu

d’abord en flexion, puis se redresser progressivement. Lorsqu’il est plus grand, il peut ou non

avoir acquis le maintien assis, le positionnement se décline alors en différentes installations

adaptées à ses besoins en maintien postural et à ses besoins de participation sociale.

4.2 Vérification des hypothèses

La première hypothèse supposait que l’ergothérapeute prenait en compte les notions

de stimulations diverses et de postures variées, dans son cahier des charges du positionnement

de l’enfant cérébro-lésé.

Au vu des résultats de l’enquête, une partie de notre hypothèse peut être confirmée.

Comme nous l’avons expliqué précédemment, les ergothérapeutes participent à l’amélioration

des stimulations sensorielles disponibles pour l’enfant grâce au positionnement.

Page 53: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 49

L’enquête nous donne l’occasion de voir que ces stimulations proviennent de

l’environnement extérieur à l’enfant: s’il est mieux positionné, il regarde mieux son espace

proche. Mais également -et c’est en cela que les techniques de positionnement sont

intéressantes- des stimulations proviennent de l’environnement « intérieur » de l’enfant. Cet

élément est très important à souligner, car c’est là la part d’intervention technique des

ergothérapeutes : l’aide-technique à la posture, ou l’installation réalisée pour la station assise,

par ces caractéristiques matérielles et par sa forme transmet des stimulations à l’enfant.

L’appareillage renvoie des informations proprioceptives grâce aux points d’appuis,

créés pour aider l’enfant à retrouver une posture correcte, et grâce au revêtement utilisé. On

peut citer en exemple la mousse dure utilisée par une ergothérapeute qui permet à l’enfant de

ressentir au mieux ses appuis. L’autre stimulation « intérieur » de l’enfant est liée à la notion

de contenance, si l’enfant est contenu et sécurisé, il stimule son bien-être. Or les notions de

perceptions externes et internes au corps sont directement en lien avec le schéma corporel.

L’ergothérapeute apporte à l’enfant ces perceptions par le positionnement, l’enquête valide

cette partie de nos hypothèses.

Les ergothérapeutes participent aux changements de postures dans l’espace, et dans la

vie quotidienne de l’enfant, en variant les installations et en s’ajustant au plus près de son

environnement. La deuxième partie de notre première hypothèse est en partie confirmée, car

nous avons vu que les ergothérapeutes ne pouvaient pas toujours intervenir au domicile, et

que certaines aides au positionnement étaient conservées pendant des temps prolongés, pour

corriger le maintien orthopédique. Dans le compromis orthopédie-variation des positions,

l’orthopédie prime souvent, et à juste titre cela permettant à terme d’éviter de lourdes

interventions chirurgicales.

La deuxième hypothèse, veut que le positionnement soit précoce, adapté aux

déficiences de l’enfant et réalisé avec l’ensemble de l’équipe rééducative de l’enfant. Les

ergothérapeutes et les psychomotriciennes ont toutes préconisées un positionnement précoce,

ce qui ne veut pas dire la mise en place d’une installation assise précoce. Il faut respecter les

acquisitions progressives de l’enfant. Cette précocité permettrait pour certains enfants, selon

une des ergothérapeutes interrogées, d’éviter totalement, ou de prévenir, les troubles liés à une

désorganisation du schéma corporel.

L’enquête a révélé l’importance du travail pluridisciplinaire et du travail en

collaboration avec les parents, la famille et les professionnels éducatifs lorsque cela est le cas.

Tous participent au développement du schéma corporel de l’enfant en lui envoyant des

Page 54: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 50

stimulations, en le touchant, et en lui parlant de son corps. Cela valide la nécessité de la

participation de toute l’équipe au positionnement, pour stimuler le schéma corporel.

4.3 Pour prolonger la réflexion

On a vu qu’au final les ergothérapeutes prennent en compte les différents éléments

constituant les bases du développement du schéma corporel dans leur élaboration du

positionnement. Pourquoi alors n’en parlent-t-ils jamais dans leurs objectifs de prise en

charge ? Est-ce par manque de connaissances théoriques à ce sujet ? A cause des difficultés à

définir les contours de ce concept ? Lors de la formation en ergothérapie, nous abordons la

notion de schéma corporel sur le plan théorique. Sur le plan pratique, nous rencontrons

pendant nos stages des évaluations liées au schéma corporel, chez les enfants, ou chez les

patients victimes d’accidents vasculaires. Cependant, il nous semblait peu fréquent de voir

cette notion abordée dans la réalisation des projets thérapeutiques.

Promouvoir la formation aux parents :

Nous l’avons déjà évoqué, le fait que les ergothérapeutes n’énoncent pas clairement

cet objectif ne les empêche pas d’y participer. Ils jouent leur rôle dans le développement de

celui-ci chez l’enfant.

Néanmoins, il pourrait être intéressant de verbaliser cette prise en compte du schéma

corporel, avec les autres professionnels et avec les parents. Cela permettrait de sensibiliser

l’équipe à ce trouble, pour pouvoir le prévenir. De plus, les parents d’enfants handicapés sont

le plus souvent demandeurs d’informations sur la pathologie de leur enfant. Ils sont soucieux

de pouvoir aider au maximum leur enfant. La formation des parents sur le schéma corporel,

est l’occasion de leur apporter des connaissances sur la paralysie cérébrale et sur leurs

possibilités d’actions posturales et stimulatrices. Il nous semble que la notion de schéma

corporel, terme non médical et non stigmatisant par rapport à un handicap, est un moyen

pertinent pour établir la relation de confiance avec les parents. Cette formation aux parents est

récurrente dans les propos recueillis lors de l’enquête.

Pour illustrer nos propos, nous proposons plusieurs exemples d’intervention de

l’ergothérapeute:

Accueillir les parents à chaque séance s’ils le désirent. Si cela se fait naturellement

lorsque les enfants sont tout petits, on peut le proposer spécifiquement pour

s’entretenir avec les parents sur les répercussions d’un trouble du développement du

schéma corporel, et ainsi aborder les positionnements adéquats.

Page 55: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 51

Proposer à plusieurs familles de se rencontrer et aborder avec eux ce même thème.

L’échange sur ce sujet entre les parents pourra favoriser par la suite d’autres échanges

concernant la pathologie de leur enfant. De plus, des familles pouvant être réticentes à

la mise en place d’une ATP, seraient peut être « convaincues » par les autres parents

dont l’enfant bénéficie déjà d’une ATP.

Les parents peuvent assister à la prise en charge d’un groupe d’enfants, par exemple

un groupe animé par une kinésithérapeute et une ergothérapeute sur l’éducation

posturale. La prise en charge en groupe dédramatise la situation et permet aux parents

d’observer d’une autre façon leur enfant.

Une des ergothérapeutes évoquait dans son entretien le fait que les parents amènent

souvent le matériel qui doit être adapté, par exemple une chaise haute. S’ils souhaitent

en acheter, l’ergothérapeute peut les guider dans cet achat et en profiter pour évoquer

des notions relatives au schéma corporel.

Cette même ergothérapeute, nous signale l’importance pour les parents d’être acteur

de la prise en charge de leur enfant. C’est pourquoi, elle propose souvent aux parents

bricoleurs de confectionner eux-mêmes certaines installations. L’appareillage sera

nettement mieux investi et accepté par les parents s’ils l’ont réalisé eux-mêmes.

Si les parents sont informés et formés sur le schéma corporel, comme ils le sont sur les

troubles posturaux, le positionnement sera plus aisément explicable. Cela favorise

aussi le lien affectif entre les parents et l’enfant, car les parents chercheraient à

stimuler le corps de l’enfant malgré ses réponses « inappropriées ».

Favoriser les échanges à ce sujet entre professionnels :

Le préalable à la formation des parents à ce sujet est la formation des soignants. Lors

de l’analyse de la prise en charge pluridisciplinaire, nous avons vu que les ergothérapeutes et

les psychomotriciennes étaient amenées à sensibiliser les orthoprothésistes à ce sujet.

On peut également évoquer la collaboration psychomotricienne-ergothérapeute-

kinésithérapeute, capitale pour la mise en place du positionnement, elle l’est aussi pour la

surveillance du schéma corporel.

Inclure l’observation du schéma corporel dans un « Bilan du

positionnement »

Lors de nos entretiens, deux ergothérapeutes nous ont signalé, qu’elles pourraient

« ajouter » le schéma corporel à leurs évaluations du positionnement. Il est envisageable de

Page 56: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 52

penser que le schéma corporel pourrait faire parti d’un des items d’observation de

l’ergothérapeute, comme préalable à l’installation.

Nuançons nos propos, nous ne préconisons pas d’inventer un bilan du schéma corporel

pour le positionnement, les bilans sur le schéma corporel existant déjà, nous préconisons de

ne pas oublier ce paramètre lors de l’établissement du cahier des charges du positionnement.

4.4 Critique et limites de la méthode

Ce travail de recherche touchant à sa fin, nous pouvons énoncer les critiques et les

limites de notre méthode de recherche.

Concernant le questionnaire, notre manque d’expérience dans la formulation, nous a

amené à énoncer des questions quelques fois trop larges. En effet, la « notion de

développement psychomoteur » fait référence à de multiples aspects du développement. En

conséquence, l’interviewé hésitait pour répondre à la question car il devait faire un choix sur

ce qui lui paraissait le plus important.

En ce qui concerne notre analyse, nos propos sont à relativiser au vu du nombre

restreint de professionnels interrogés. En effet, il est difficile de généraliser les propos de

seulement quatre ergothérapeutes et deux psychomotriciennes. C’est d’ailleurs la raison pour

laquelle nous n’avons pas voulu comparer les réponses des ergothérapeutes avec celles des

psychomotriciennes.

L’âge des enfants paralysés cérébraux pris en charge fut aussi une des limites de notre

analyse. Nous avons fait le choix d’interroger des ergothérapeutes travaillant auprès d’enfants

dont l’âge varie entre 0 et 12 ans, cela ne facilitait pas nous conclusions. En premier lieu, nous

voulions étudier seulement les enfants plus petits, âgés de 0 à 2ans, mais la curiosité nous

poussait à voir comment le positionnement se poursuivait plus grand, et comment le schéma

corporel évoluait.

Page 57: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 53

Conclusion

Le point de départ de notre réflexion fut le schéma corporel. Cette notion, en lien avec

le développement psychomoteur de l’enfant, nous a interpellés, dans son intrication avec les

aspects moteur, cognitif et relationnel du développement.

Notre question de recherche était de comprendre le lien qui unit le positionnement et le

schéma corporel. Un enfant paralysé cérébral est contraint à rester dans des postures

pathologiques, attitude en flexion ou au contraire schéma d’hyper-extension, lorsqu’il ne

dispose pas d’installations adaptées. Les installations proposées par l’ergothérapeute lui

donne la possibilité d’expérimenter de nouvelles expériences, ainsi que des postures adaptées.

Notre analyse nous a permis de constater que le positionnement avait un rôle

primordial dans le schéma corporel.

Ce mémoire nous a permis d’approfondir nos connaissances sur la paralysie cérébrale,

de découvrir en détails les éléments permettant la construction du schéma corporel, et de

comprendre comment et pourquoi un positionnement était proposé en ergothérapie. Ces

éléments, ainsi que la méthodologie employée tout au long de la réalisation de ce mémoire

d’initiation à la recherche, nous ont enrichis pour notre future pratique professionnelle. Enfin,

les démarches d’entretien nous ont permis de confronter notre rechercher avec des avis

professionnels.

Pour prolonger la réflexion sur le schéma corporel, nous pouvons nous interroger sur

le développement de celui-ci à l’adolescence. Comment l’enfant paralysé cérébral va-t-il

envisager les modifications corporelles liées à la puberté ? Cela modifiera-t-il son schéma

corporel acquis ? Quels sont les positionnements que l’ergothérapeute pourrait alors

proposer ?

Page 58: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 54

Bibliographie

Ouvrages lus ou consultés :

AMIEL-TISON Claudine. L’infirmité motrice d’origine cérébrale. 2ème

éd. Paris : Masson,

2005. 336p.

BULLINGER André. Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars : Un

parcours de recherche. Toulouse : Eres, 2010. 256p. (Collection : la vie de l’enfant)

DOLTO Françoise, NASIO Juan-D javid. L’enfant du miroir. Rivages Poche, 1990.

DOLTO Françoise. L’image inconsciente du corps. Paris : Editions du Seuil, 1984, 375p.

LETTS R. MERVYN. Le positionnement : Principes et pratique. Québec : Décarie Editeurs

Inc., 1995. 357p.

SCHILDER Paul. L’image du corps : Etude des forces constructives de la psyché. Traduction

française. Gallimard, 1968. 352p.

TRUSCELLI Danièle, AUFERIL Hélène, DE BARBOT Françoise et al. Les infirmités

motrices cérébrales : Réflexions et perspectives sur la prise en charge. Issy-les-Moulineaux :

Masson, 2008. 473p.

Articles :

CANS. Épidémiologie de la Paralysie Cérébrale (« Cerebral Palsy » ou CP). Motricité

Cérébrale, juin 2005, Vol 26 n°2, p 51-58. Disponible sur internet : <http://www.em-

consulte.com/article/83743/article/epidemiologie-de-la-paralysie-cerebrale-

%C2%A0cerebral-> (consulté le 20 avril 2012)

Acte de congrès :

CONSEIL DU QUEBEC DE L'ENFANCE EXCEPTIONNELLE. DIVISION MOTRICITE

ET APPRENTISSAGE. Etude sur le schéma corporel: textes préparés pour le Symposium

sur le schéma corporel. Québec : Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle, Groupement

d'études sur la motricité, mai 1969. 116 p.

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Sites internet consultés:

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sur internet : <http://soins.hug-ge.ch/_library/techniques_pdf/techsoinsPEGPed_1.pdf>

(Consulté le 05 février 2012)

Institut de motricité cérébrale. Formation en infirmité cérébrale et polyhandicaps [en ligne].

Avril 2012. Disponible sur internet :<http://www.institutmc.org/> (Consulté le 02 avril 2012)

Larousse. Dictionnaire.[en ligne]. Mai 2012. Disponible sur internet :

<http://www.larousse.fr/dictionnaires/français/conscience>(consulté le 05 mai)

Larroque B., et al. Lancet 2008. Devenir à cinq ans des anciens grands prématurés. Inserm [en

ligne]. Avril 2012. Disponible sur internet : <http://www.inserm.fr/thematiques/sante-

publique/faits-marquants/devenir-a-5-ans-des-anciens-grands-prematures>(consulté le 20avril

2012)

La clinique de la physiothérapie pédiatrique. Chronique : la plagiocéphalie. [en ligne] Mai

2012 http://www.physioenfant.com/chro_plagiocephalie.htm (Consulté le 15 mai 2012)

Université de Rennes 1. Laboratoire d’informatique médicale. [en ligne]. Mai 2012. Disponible sur internet : http://www.med.univ-rennes1.fr/sisrai/dico/R931.html (Consulté le

05 mai 2012)

Page 60: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 56

ANNEXES

ANNEXE I

Guide d’entretien commenté

Entretiens réalisés avec quatre ergothérapeutes et deux psychomotriciennes exerçant auprès

d’enfants paralysés cérébraux. Nous expliquerons ici, le thème auquel se rattache notre

question, puis les sous-questions que nous avions envisagées dans le cas où l’interlocuteur ne

répondrait pas exactement à notre thème.

Thème 1 :Cette question à pour but de voir le rôle de l’expérience professionnelle sur la prise

en compte du schéma corporel.

Pour commencer pouvez vous vous présentez, en précisant votre

parcours professionnel ? En quoi votre expérience a-t-elle une influence sur votre accompagnement thérapeutique en

pédiatrie ?

Thème 2 : le but est de cerne l’influence du contexte sur la prise en charge.

Dans quel contexte prenez vous en charge les enfants atteints de

paralysie cérébrale ? De quels âges sont âgés ces enfants ? Quel est le cadre de prise en charge ? En individuel, en groupe, les séances sont-elles

quotidiennes ? Quel est le lieu de l’intervention ? Selon l’âge il y a-t-il des différences dans

l’approche du positionnement ?

Thème 3: Connaitre leur ressenti sur le schéma corporel.

Que vous évoque la notion de schéma corporel ?

Pensez-vous que les enfants atteints de paralysie cérébrale peuvent

avoir un développement « incomplet » de leur schéma corporel ?

Si oui, en ont-ils conscience ?

Thème 4 : Les troubles posturaux

Quels sont les principaux troubles posturaux que vous observez

chez les enfants atteints de paralysie cérébrale, en particulier ceux qui

perturbent leur position assise ? Lesquels sont les plus nocifs pour positionner l’enfant ?

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BAYON Laure Juin 2012 Page 57

Avez-vous pu remarquer un impact de ces troubles sur leur

développement psychomoteur ? Sur leur vie quotidienne ? Thème 5 : Qu’est ce qui est mis en place ?

Quelles sont les techniques de positionnement que vous mettez

en place chez ces enfants ? Est-ce vous ou un autre professionnel qui

participez à la réalisation de ce positionnement ?

Pour les psychomotriciennes la question était : Quelle est votre

part d’intervention dans le positionnement d’un enfant paralysé

cérébral ? Proposez-vous un positionnement particulier lors d’une activité ? Dans la journée ? Au

domicile ? Quelles sont les techniques de positionnement (position assise) que vous mettez en

place ? Est-ce vous ou un autre professionnel qui participez à la réalisation de ce

positionnement ? Quel matériel ? Comment votre démarche prend-elle en compte le schéma

corporel ?

Thème 6 : Quels est l’impact du positionnement sur le développement du schéma corporel ?

Selon vous, comment le positionnement de l’enfant atteint de

paralysie cérébrale influe-t-il sur le développement de son schéma

corporel ? Certains positionnements peuvent-ils désavantager le développement du schéma corporel ? Il

y a-t-il des différences psychomotrices entre les enfants positionnés précocement et les

autres ?

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BAYON Laure Juin 2012 Page 58

ANNEXE II

Entretien avec Marie11, ergothérapeute

Avril 2012

Moi : Bonjour, pour commencer est-ce que vous pouvez vous présenter, surtout précisez votre parcours

professionnel ?

Ergothérapeute : J’ai démarré en 1985, j’ai fait des remplacements en psychiatrie pendant un an et demi, et

ensuite j’ai fait des remplacements ici, au centre de rééducation, pendant environ 5ans, en tournant sur différents

services jusqu’à avoir un poste fixe, assez rapidement je me suis retrouvée en pédiatrie, un peu par hasard au

début. J’y suis depuis 1991 ou 1993 quasiment en continu. Et sinon je suis détachée au CAMSP (centre d’action

médico-social précoce) depuis les années 2000, au départ c’était deux heures par semaine et puis le poste a

évolué et actuellement j’ai un 65%. Sinon j’ai fait des formations, j’ai beaucoup travaillé avec des adolescents au

départ, une formation sur la prise en charge des adolescents et l’autonomie vers la vie adulte, depuis que je suis

au Camsp je ne vois plus que des petits j’assure en fait la continuité des soins entre le Camsp et centre de

rééducation. J’ai fait un DU en psychopathologie des processus cognitifs, c’était quand même une formation plus

importante.

Moi : Est-ce que vous cadre prenez vous en charge les enfants atteints de paralysie cérébrale ?

Ergothérapeute : Oui, la plupart ici au centre de rééducation, au Camsp il y a beaucoup aussi de pathologies

génétiques, neuro-dégénératives, il y a des paralysies cérébrales ou dégénération cérébrale, ce sont des choses un

peu similaires. Par contre au Camsp il y a d’autres types d’enfants plus à profil psy ou comportemental.

Moi : Dans quel cadre prenez vous en charge les enfants atteints de paralysie cérébrale ? Prise en charge

individuelles ou en groupe ? Avec les parents ou pas ?

Ergothérapeute : Au Camsp c’est très variable, ça dépend des tranches d’âge d’enfant. Les petits, disons à partir

de quatre à six mois jusqu’à, ça peut être assez grand, les enfants qui ont plus des troubles moteurs voire qui sont

dans le polyhandicap, avec eux je travaille beaucoup avec les kinés, moi je fais surtout une production d’aide-

technique à la posture (ATP) et puis d’aide-technique à la vie quotidienne, ça découle de ça. Pour certains de ces

enfants là, en binôme avec la kiné ou toute seul j’ai des prises en charge au niveau des préhensions, d’amener

petit à petit vers des coordinations œil-main, des manipulations mono ou bi-manuelle, pour intégrer le

fonctionnement manuel dans le fonctionnement corporel de l’enfant. J’anime un groupe avec une kiné, le groupe

« des pieds-des mains » avec des enfants plus grands. Les petits il y a des aides-techniques à la posture. Sinon,

on voit aussi des enfants plus grands, soit en groupe kiné-ergo le groupe dont je parlais des pieds-des mains. Il y

a un groupe aussi psychomot-ergo, le « groupe trace, celle corporelle, celle mnésique, ça fait aller du corps à la

trace papier. Avec un processus de séance où on travaille beaucoup avec l’imaginaire, il y a une phase un peu

motrice avec une histoire, des activités motrices autour d’une histoire, des mises en formes corporelles, la trace

corporelle, et puis après on essaye de les traduire en trace sur le papier, soit de manière très collée à ce qu’on a

11 nom fictif

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BAYON Laure Juin 2012 Page 59

fait, soit on s’abstrait petit à petit vers des notions de spatialisation. En fin de séance il y a un temps de peinture

plus personnel. En individuel je vois des enfants plus grands, je travaille avec eux autour de la manipulation et

du pré-graphisme. Au centre de rééducation, je vois des enfants jeunes qui ont entre 3/ 4ans et 7/8ans, des

enfants qui sont dans un handicap moteur plus important ou un handicap non étiqueté. Ils sont pris en hôpital de

jour.

Moi : La moyenne d’âge c’est ?

Ergothérapeute : Les plus petits au Camsp, il y a une petite qui est arrivée elle avait 4 mois, souvent c’est 6/7

mois. Il y a des enfants qui viennent directement après la néonat, la puéricultrice du Camsp vient les à domicile

voir après la néonat, puis il faut attendre la 1ère

consultation pluridisciplinaire au Camsp. Moi j’interviens quand

il y a besoin, souvent au moment de la station assise, c’est rarement avant 6 mois. Parfois je suis amenée à faire

des installations semi-assises, antérieur à la station assise. En fait dans un transat le gamin, la tête tombe à côté,

c’est trop grand, et il ne peut pas en tirer profit. Je suis amenée à faire des installations dans les transats ou

trouver autre chose de contenant.

Moi : Donc moi mon sujet c’était l’impact du positionnement sur le schéma corporel d’un enfant paralysé

cérébral, c’est pour ça que je vous demande ce que vous évoque la notion de schéma corporel ?

Ergothérapeute : C’est vrai que c’est une notion avec laquelle je n’ai pas le sentiment de travailler en direct

comme les psychomotriciennes. Pour moi ça évoque la connaissance de son propre corps, la manière dont il est

investi sur le plan de la motricité mais sur le plan affectif aussi, comment l’enfant ressent même des choses un

peu abstraites comme des choses de l’axe, des rotations… C’est aussi une évolution de quelque chose d’un peu

global et comment ça va s’affiner après, qui évolue en parallèle avec les capacités de l’enfant.

Moi : Chez les enfants atteints de paralysie cérébrale quels sont les principaux troubles posturaux que vous

observez ? Et en particulier ceux qui perturbent la station assise ?

Ergothérapeute : Alors les troubles de la posture, ceux que je vois c’est essentiellement des enfants qui ont une

hypotonie axiale, et puis parfois pas tous dans l’hypertonie périphérique. Alors l’hypotonie axiale elle peut être

soit au niveau du tronc, et il y a des enfants qui en plus ont des hypotonies au niveau de la région haute du cou, la

tenue de tête est impossible. Alors c’est vrai que ça va ensemble, si la tenue de tronc n’est pas correcte c’est vrai

que la tête non plus, mais des fois il y a vraiment des enfants qui ont cette particularité même quand on stabilise

le tronc la tête est encore très très faible. Donc c’est vrai que les troubles de la posture il y a ce qu’on appelle le

maintien postural, c’est plus au niveau des articulations … et puis c’est surtout dans les ports d’objets, dans les

transports d’objet où l’enfant peut être gêné. Dans les ATP, je suis surtout au niveau du soutien postural, surtout

dans la réalisation du siège mais après dans les adjonctions : tablette, suspensions et autres, on va travailler plus

au niveau du maintien postural. Voilà on travaille plus le soutien dans les assises et dans les adjonctions plus au

niveau du maintien, le travail des articulations périphériques pour des enfants qui ont une hypotonie au niveau

des membres supérieurs. Mais il y a des enfants qui sont hypertoniques au niveau des membres supérieurs. Bon

c’est très variable.

Moi : Est-ce que vous avez remarqué un impact de ces troubles sur leur développement psychomoteur et

également sur les répercussions sur leur vie quotidienne ?

Page 64: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 60

Ergothérapeute : Oui c’est évident. C’est des choses que j’avais développées dans mon mémoire. Le

développement, sur l’aspect purement moteur, que l’enfant ne peut pas se placer pour faire les choses, son corps

ne répond pas comme il le souhaiterait. Mais en même temps sur le plan plus psychique, dans son rapport aux

objets, dans son rapport aux autres il est aussi pénalisé, pour jouer par exemple : dès qu’il engage quelque chose

il va s’effondrer. Donc il ne va pas engager les choses de la même manière, donc il ne va pas dégager de

répétitions qui vont lui permettre d’avoir un retour sur ce qu’il a fait, de manière fiable et puis après de faire des

comparaisons. Dans sa relation aux autres aussi, il ne peut pas mettre en jeu…des enfants qui ont des hypotonies

axiales massives, ils ne peuvent pas regarder, ils ne peuvent pas forcément interpeller là où ils veulent, qui ils

veulent, dans leur relation aux autres dans ce que eux ils peuvent aller rechercher ou demander aux autres ils

peuvent être en difficulté, et aussi dans ce que les parents, l’entourage peut regarder de ce qu’il fait. Dans les

deux sens ça peut compliquer les choses, dans l’aspect psychomoteur au sens large, et dans la vie quotidienne.

Quand je vois le nombre d’installations que je fais pour ces enfants au quotidien : c’est être bien assis dans un

contenant spécifique assis à table, et puis après il y a les promenades en poussettes, le bain, dans la balançoire…

Une fois que les parents ont compris ce que ça apportait à l’enfant de compenser le déficit au niveau postural, on

peut le dériver partout.

Moi : Pensez-vous que les enfants atteints de paralysie cérébrale ont un développement entre guillemets

incomplet de leur schéma corporel ou alors c’est plus un développement différent des autres enfants, mais pas

incomplet ?

Ergothérapeute : C’est surement différent, après moi je n’ai pas assez de notions de comment ça se développe

normalement. Je pense que ça dépend beaucoup des enfants aussi, c’est vrai que des enfants qui ont plus

particulièrement des paralysies cérébrales je pense que c’est quand même compliqué. Des fois au niveau

perceptif ce sont des enfants en difficulté, on peut penser que les perceptions externes sont souvent défaillantes,

mais on peut penser que les perceptions internes des fois aussi, il y a cet aspect là qui est purement

constitutionnel, enfin physiologique. Après le schéma corporel il se développe aussi en utilisant son corps. Il est

donc incomplet dans la mesure aussi de ce qu’ils peuvent faire. Et puis je pense aussi, dans l’aspect

psychologique du développement du schéma corporel, il y a le portage des enfants. Ce sont des enfants qui ne

sont pas faciles à porter dans les bras, dans ce que peuvent renvoyer les parents dans la manipulation des enfants

qui ne sont pas faciles à manipuler, pas faciles à détendre. Qu’est-ce qui peut leur être renvoyé sur le plan

affectif lors des changes, lors du bain. C’est sûrement des aspects qui n’aident pas. Alors est-ce qu’ils s’en

rendent compte ou pas, ça dépend des enfants. Il y en a qui ne peuvent pas dire s’ils sont bien installés, ils

peuvent des fois ressentir un mal-être mais voilà l’idée de dire « remets-moi comme ça je serai mieux », ça je

pense que c’est difficile. Alors qu’avec d’autres pathologies, les myopathes par exemple, ce sont des enfants qui

peuvent dire plus facilement « je suis mal comme ça, installe-moi autrement ». Un enfant Infirme Moteur

Cérébrale c’est rare qu’il interpelle, quelque fois on les voit se balader dans des positions on se demande s’ils

sont bien. D’un autre côté, ils ne sont pas toujours faciles à installer non plus, dans la statique on peut avoir une

posture correcte et puis après dans le mouvement, quand eux se mettent en mouvement ou à l’extérieur quand

leur corps réagit différemment, ….

Moi : Après votre mail j’ai rencontré une psychomotricienne. C’est vrai que ce qui concerne le schéma corporel

c’est un peu plus leur domaine.

Ergothérapeute : Voilà après c’est consécutif de l’enfant donc tout le monde est concerné. Après je pense que les

outils ne sont pas forcément les même pour analyser les choses.

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BAYON Laure Juin 2012 Page 61

Moi : Au niveau du positionnement : quelles sont les techniques de positionnement que vous mettez en place ?

Avec quel autre professionnel vous collaborez quand vous mettez en place une aide-technique à la posture ?

Ergothérapeute : Au Camsp je fais un travail très particulier, qui est fait ici (centre de rééducation) mais avec des

plus grands. En général on choisit le positionnement avec la kiné, voire avec le psychomotricien mais c’est

souvent avec la kiné parce que les enfants démarrent avec eux…c’est plus souvent avec les kinés mais ça

m’arrive régulièrement de travailler avec les psychomotriciens.

Moi : Est-ce que la psychomotricienne peut vous demander de réaliser un positionnement ?

Ergothérapeute : Souvent elle interpelle en disant voilà là il y a hypotonie majeure, il y a des moments

d’hypertonie ou bien il y a la situation au niveau du tonus postural, ou une faiblesse. L’enfant n’arrive pas à

progresser, ou bien dans le quotidien il ne peut pas être assis correctement donc il ne participe pas tout le temps.

Ou alors c’est le médecin quand il voit initialement l’enfant. En général tous les petits qui arrivent au Camsp

avec un handicap moteur, dès qu’il y a une hypotonie, je sais que j’interviendrai à un moment ou un autre. Les

techniques en fait, c’est beaucoup à partir d’observation de l’enfant, savoir où il en est sur le plan des Niveau

d’Evolution Motrice, on reste très basique. On est beaucoup sur le bilan Tardieu, avec l’analyse factorielle.

Souvent j’essaye d’assister à une séance avec la kiné, je vois où en est l’enfant dans les retournements, s’il y en a

ou pas, ce sont des enfants souvent avec une hyper-extension du tronc. Et après on décide ce qu’on va

rechercher, est-ce qu’on va rechercher l’enroulement, est-ce y a pas trop d’extension au niveau du tronc donc on

va plutôt être dans un soutien latéral, après quand l’enfant est pas mal assis on arrive vers des rotations. En fait

on suit vraiment l’évolution motrice de l’enfant…alors je ne sais plus qui le développe bien, je crois que c’est

Genevièvre Hague où on voit bien ses différents… En fait l’enfant in utéro il est contenu par l’utérus de sa

maman, vous avez du apprendre ça, donc en fait il est dans une poussée contre la paroi utérine, quand il va naître

il est dans quelque chose de l’extension, dans le portage… (arrêt de l’enregistrement) Après ce que l’enfant va

développer c’est la musculature antérieure, pour aller dans un schéma en flexion, il va installer ça avec petit à

petit des croisements au niveau appui sur une hanche… pour pouvoir petit à petit aller vers les retournements,

dégager un bras. Il y a des choses comme ça qui s’installent et puis ensuite on va plutôt être dans des torsions…

On essaye de suivre ça, au niveau du matériel : on définit ce qu’on souhaite et après le plus important c’est le

positionnement du bassin, tout part du bassin, à partir du moment où on a choisit ce qu’on veut au dessus et aussi

en dessous, en fonction de ce qu’on veut on positionne le bassin : pour certain on est plus en rétroversion pour

être plus dans l’enroulement. Après le positionnement du bassin il y a aussi comment on incline l’assiette. Pour

les petits il n’y a pas de fauteuils, je travaille avec de la mousse et du bois, je te montrerai si j’en ai ici, j’intègre

ce matériel dans le matériel de puériculture que les parents amènent. Souvent il y a eu la grand-mère qui a offert

une chaise haute…c’est très souvent des chaises hautes, les parents amènent le matériel qu’ils ont, s’ils en

achètent je donne des consignes mais très souvent les parents ont envie que l’enfant soit dans la chaise haute

qu’ils ont déjà, ils ont essayé avant et se sont rendus comptes que l’enfant était de travers, la table lui arrive sous

le menton. Je fabrique aux mesures de l’enfant, c’est des prises de mesures, il n’y a pas de moulages, je me suis

fait des fiches de mesures. Et l’extérieur je le fait en fonction du contenant qu’amènent les parents, très souvent

c’est un petit siège qui est la base du travail à venir, après sur ce petit siège on essaye de le mettre par terre pour

augmenter les plans de jeu, souvent les enfants ont des difficultés à être assis au sol car les loges postérieures des

cuisses sont trop contractées, en tout cas pas suffisamment détendues pour être assis, c’est pourquoi après avoir

bien positionner le bassin il faut souvent une flexion de genoux. On essaye d’agrandir le plan de travail, des fois

Page 66: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 62

je fabrique une table avec un dessus en mousse pour que les enfants puissent manipuler au maximum. Après il

peut y avoir des dérivés, soit jambes tendues…

Moi : Vous dans ce que vous faites il n’y a pas de sièges moulés ?

Ergothérapeute : Ca c’est le stade antérieur au siège moulé, ce sont des enfants qui ont vraiment besoin d’une

compensation transitoire. Après quand il y a besoin d’un siège moulé je participe ou pas, soit la kiné veut mon

avis ou veut qu’on fasse ensemble, on le fait souvent à deux, ça peut être des choses simples mais qui vont aller à

l’école, à la crèche, il va falloir réfléchir au support. Quand c’est plus complexe, moi je n’ai pas trop à intervenir

sur la posture globale, c’est plus sur le positionnement de la tête qu’on me demande d’intervenir. Un appareillage

se fait avec la kiné, et un orthoprothésiste soit de ville, soit l’orthoprothésiste qui travaille ici. Pour les cas

complexes, on peut faire des consultations médecin, orthoprothésiste, kiné, orthoptiste, ergothérapeute, c’est

intéressant que chacun amène ses idées pour la posture qu’on choisit ensemble.

Moi : Quand vous proposez un positionnement, vous vous adaptez aux moments où il va à la crèche, chez lui ?

Ergothérapeute : Là où le rôle de l’ergo est important c’est de savoir où il va servir, qui va l’utiliser. Cette aide

technique à la posture est importante pour faire évoluer l’aspect postural et moteur, mais elle est très importante

aussi pour placer l’enfant en situation de faire des choses, parce qu’on se rend compte que quand il est bien

installé il se met à manipuler, il se met à jouer, choses qu’il ne peut pas faire autrement. Donc l’importance des

mains et du regard. Souvent ce qui amène l’adhésion des parents à ce projet, c’est quand on simule, je garde des

anciens modèles de matériel et je mets l’enfant dedans et quand les parents voient l’enfant en face-à-face, ils

peuvent faire des choses, ils le voient manipuler, ils ne sont plus obligés de le tenir. A ce moment ils adhèrent au

projet, même si au départ ils ne comprennent pas trop, ils sont un peu réticents ou ils disent que l’enfant ne va

pas faire d’effort. La manipulation et le regard, bien sûr au niveau de la manipulation ça amène des choses,

l’enfant vit avec la kiné des stimulations pendant la séance et retrouve des choses de cette stimulation dans l’aide

technique à la posture. Il va pouvoir remettre en jeu des choses qu’il avait acquis avec sa kiné. J’ai oublié la

question du début…

Moi : C’était ça les techniques et les autres professionnels.

Ergothérapeute : Voilà, au niveau matériel : mousse, bois, tissus, sangles, des fois du carton. La chose la plus

complexe avec les petits, avec les plus grands on a d’autres contraintes…

Moi : Je me suis basée sur le moment où ils commencent à avoir la station assise.

Ergothérapeute : Avec les petits le plus important c’est le choix du positionnement, pourquoi c’est ça qu’on veut

et comment on le veut. Il y a des plus grands qui n’acquièrent jamais la station assise, c’est important aussi

qu’elle soit pensée aussi, la plupart des enfants en coquille ici ne pourraient pas tenir assis sans. Les plus grands

les contraintes c’est quand ils poussent beaucoup, des schémas en extension et là il y a de la technicité autour du

matériel qui intervient beaucoup. La c’est les orthoprothésistes, tout ce qui est moulé sur le patient. Moi je ne

fais pas de travail de moulage, de prise d’empreintes avec des sacs à bille, je préfère faire des prises de mesures.

Il y a d’autres ergothérapeutes qui fonctionnent autrement, certaines creusent la mousse, elles travaillent avec des

mousses souples. Moi je ne travaille qu’avec des mousses dures, c’est au niveau des réponses, au niveau de la

sensibilité profonde c’est important d’avoir un contact plutôt rigide. Pas dur non plus, ça reste de la mousse, en

fait c’est du plastazote, ça renvoie des informations. Si on marche sur quelque chose de complètement mou on va

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être déséquilibré, on ne saura pas comment s’adapter, alors que si on marche sur du dur c’est mieux. Avec les

kinés on a fait ce choix de travailler avec des mousses fermes, pas du tout les mousses jaunes, molles.

Moi : Selon vous comment le positionnement permet justement d’influer sur le développement du schéma

corporel ?

Ergothérapeute : Par ses retours de sensibilité profonde dont je parlais, l’enfant a une perception de son corps

différents. Dans le schéma corporel il y a un peu l’idée d’une enveloppe externe et de quelque chose de plus

interne, l’idée d’être « au contact de », ce sont des choses assez proches du corps qui renvoient des informations

à l’enfant. Ca limite aussi certaines choses, ça doit cadrer, dans ses représentations de son corps je pense que

c’est intéressant. Et puis ça intervient aussi quand l’enfant agit, quand l’enfant fait des choses. S’il tend son bras

pour prendre un objet, il aura beaucoup plus conscience de son geste s’il ne se casse pas la figure. Après peut

être aussi dans ce que lui renvoient les autres, dans ce face à face à l’autre, avec les parents. Il renvoie une image

différente, après est-ce que ça joue sur le schéma corporel ? Surement que dans l’image du corps qu’il renvoie à

l’autre, il renvoie des choses aussi différentes, plus organisées, qui permettent plus d’échanges, des petits jeux,

même si on peut le faire avec l’enfant dans les bras.

Moi : Est-ce que vous pensez qu’il y a certains positionnements qui peuvent au contraire désavantager le

développement du schéma corporel ? Par exemple tout ce qui est positionnement orthopédique.

Ergothérapeute : Précisément sur le schéma corporel… On pourrait imaginer que si ce n’est pas bien penser, si

on n’est pas là où en a besoin l’enfant ça peut être néfaste. Je me souviens d’un kiné libéral, des fois les enfants

des Camsp sont pris par kinés libéraux, qui ont moins l’habitude de la prise en charge de ces enfants, et en fait il

voulait vraiment que l’enfant soit très érigé, et ça renforçait en fait l’hyper-extension. Finalement ce qu’il voulait

mettre en place, ça allait peut être dans ce que l’enfant montrait, et puis il allait vers la station érigée donc ça

faisait plaisir à la maman et au papa parce que voilà l’enfant il allait vers debout quelque part mais dans quelque

chose de complètement artificiel. Il n’avait pas suivi le développement de l’enfant avec une antichambre qui va

se muscler, pour aller vers l’extension, puis les croisements, puis les rotations, et du coup on n’allait pas l’aider.

Je pense que ce qui est important c’est l’analyse, des connaissances du développement de l’enfant pour savoir

qu’à un moment donné, l’enfant il a envie d’être comme ça mais c’est en l’enroulant qu’on va rassembler les

mains. Dans l’enroulement on a : ramener les épaules, ramener les deux mains et reconstruire l’axe.

Moi : Il y a des parents qui pourraient dire que si l’enfant est trop longtemps comme ça, ça ne lui permet pas de

développer des postures « libres ».

Ergothérapeute : Ils n’ont pas tord non plus, on ne fait pas une installation pour que l’enfant il y soit toute la

journée, il faut varier, il faut aussi qu’il y ait des moments où l’enfant soit au sol. C’est pareille un coquille,

même si elle est bien fait au niveau du bassin, il faut penser aux bras, s’il se retrouve avec les épaules et les bras

qui partent complètement en arrière dans un schéma en chandelier, ce n’est pas forcément délétère comme

installation mais on n’est pas allé jusqu’au bout. Après dans les matériaux utilisés, il faut que ce soit confortable.

Des fois pour les appuis têtes ce n’est pas simple, il faut que ce soit quand même solide, pas trop mou, il y a des

enfants qui appuient très fort dessus, notamment des plus grands. Il faut qu’il puisse bouger tout en étant

contenu, des fois ce n’est pas simple. Surtout pour le positionnement de tête c’est le plus difficile.

Moi : Le positionnement de tête c’est plus pour des enfants en coquille ?

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BAYON Laure Juin 2012 Page 64

Ergothérapeute : Pour les petits le matériel est fixé sur les petits fauteuils en mousse, ça fait partie intégrante du

haut du dossier, et puis dans les coquilles ce sont des appuie-têtes.

Moi : Vous, vous préconisez que le positionnement soit le plus précoce possible ?

Ergothérapeute : Oui, vous prêchez le convaincu ! Le positionnement et prise en charge kiné, ça va ensemble, le

positionnement fait partie intégrale de la prise en charge. Des séances de kiné sans positionnement pour certains

enfants, ils n’ont des séances que deux à trois fois dans la semaine, qui dit prise en charge c’est vraiment de la

stimulation, de la guidance neuro-motrice, donc c’est une pratique kiné très spécifique, ce sont des gens avec des

formations annexes ; l’un sans l’autre ça n’a pas de sens. C’est dommage pour l’enfant et puis dans le quotidien

ça permet à l’enfant de profiter, il y a l’aspect schéma corporel, mais ce que j’avais développé dans mon

mémoire c’était l’aspect cognitif dans le sens large. Ca permet à l’enfant d’être bien installé dans son

environnement. Ce que je voulais rajouter par rapport à l’appui-tête, des fois on fabrique des ailettes pour les

épaules en enroulement.

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BAYON Laure Juin 2012 Page 65

ANNEXE III

Entretien avec Aline12, ergothérapeute Avril 2012

Moi : Pour commencer est-ce que vous pouvez vous présentez pour décrire votre parcours professionnel, avec

quelles populations vous avez travaillé ?

Ergothérapeute : J’ai travaillé un petit partout sauf personnes âgées : rééducation adulte, rééducation enfant,

psychiatrie, neuro. J’ai fait mon mémoire de fin d’études sur la prise en charge de l’enfant de moins d’un an, j’ai

toujours était très attirée par les enfants et par la prise en charge précoce. J’avais déjà fait des stages de

perfectionnement sur les stimulations précoces. J’ai travaillé au centre de rééducation enfant, et au centre. Au

CAMSP j’ai commencé à travailler il y a 15ans. Sinon j’ai fait un DU sur la neuropsychologie de l’enfant qui

m’a apporté des apports théoriques très intéressants mais pas grand chose au niveau clinique, au niveau de

l’enfant ce qui m’a vraiment apporté c’est le DU du bilan sensori-moteur d’André Bullinger, là j’ai trouvé des

apports très très précis au niveau de la PEC clinique, surtout au niveau de la PEC précoce.

Moi : Est-ce que vous voyez des enfants PC, dans quel cadre ?

Ergothérapeute : J’en vois beaucoup. Il faut savoir qu’aujourd’hui il y en a de moins en moins, dans la

population du CAMSP ce sont des enfants lourdement handicapés, sachant qu’on voit de moins en moins des

enfants de type diplégie spastique, les soins étant bien meilleurs. C’est soit les très légers, soit les très lourds, il y

a moins d’intermédiaires. Actuellement dans la population de CAMSP : pas mal enfants hémiplégiques et

tétraplégiques. La prise en charge au CAMSP c’est de 0 à 4ans, et les enfants atteints de lésion cérébrale on les

voit très précocément, lorsqu’ils sont lourdement atteints on les voit dans une continuité de la sortie de néonat.

Les enfants qui ont des hémiplégies sont souvent dépistés plus tard, donc on les voit plus tard. En général la

moyenne d’âge c’est 2ans. La prise en charge en ergothérapie en rééducation débute généralement vers 3/4ans.

La prise en charge pour les enfants tétraplégiques et hémiplégiques en ergothérapie débute pour l’installation, on

peut voir les enfants dès 5mois.

Moi : Que vous évoque la notion de schéma corporel ?

Ergothérapeute : Pour moi le schéma corporel évoque la représentation cognitive de l’organisme biologique qui

est le corps. Ca fait référence à un niveau représentatif. Le schéma corporel pour moi c’est la représentation que

l’enfant se fait de son corps, ça évoque un aspect purement représentatif. Donc ce n’est pas inné !

Moi : Chez les enfants atteints de paralysie cérébrale quels sont les principaux troubles posturaux que vous

observez ? Particulièrement ceux qui perturbent l’acquisition de la position assise ?

Ergothérapeute : Ca dépend de la lésion, pour les enfants tétraplégiques ou avec des atteintes plus globales, la

principale difficulté c’est la conquête du schéma de flexion, donc l’hyper-extension qui empêche la position

assise. Il peut y avoir aussi l’hyper-extension, avec les problèmes de déséquilibres avant-arrière et latéral, sinon

12 nom fictif

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c’est souvent aussi l’hypotonie qui retarde beaucoup la station assise, chez les enfants hémiplégiques c’est

souvent les cas : hypotonie et déséquilibres avant-arrière et latéraux, avec l’acquisition de postures très

asymétriques qui empêche tout ce qui est rotation des ceintures, essentiel pour la position assise.

Moi : Avez-vous pu remarquer un impact de ces troubles sur le développement psychomoteur ? Comment ça se

traduit sur le développement ?

Ergothérapeute : C’est dévastateur, complètement dévastateur. Pour moi la question ne se pose même pas.

L’hyper-extension : l’impact c’est le retard de la posture assise, mais aussi un désordre massif de tout ce qui va

être construction corporelle en partant du principe que le schéma de flexion qu’obtient l’enfant qui n’a pas

d’atteinte à l’âge de 6mois, où normalement il attrape ses pieds et les met à sa bouche. Ce passage là est

absolument nécessaire pour la rotation des ceintures et les retournements. L’impact c’est un trouble assez

important au niveau des informations proprioceptives et du développement de la sensibilité proprioceptive, qui

nous informe sur la posture, sur les points d’appui et qui est quand même une sensation qui n’est pas récente, qui

se construit quand il y a une motricité harmonieuse, l’impact sur la sensibilité, donc l’information sur la posture

du corps est déjà extrêmement importante. On peut imaginer qu’elle est aussi extrêmement importante au niveau

de la sensibilité kinesthésique qui va nous informer sur les mouvements du corps, ça va être complètement

troublé. L’impact sur la motricité du tout petit bébé qui ne peut pas se mouvoir de façon harmonieuse, il ne va

pas pouvoir s’orienter vers les différents stimuli sensoriels qu’il va recevoir autour de lui : soit la voix, la

lumière, tout cela va provoquer un désordre très important au niveau de l’intégration sensorielle, à savoir la

capacité de traiter les informations sensorielles d’une façon spatiale, c'est-à-dire la possibilité de savoir qu’une

source sensorielle a une adresse précise dans l’espace. Impact sur la construction corporelle, sur la perception de

l’environnement et tous les aspects représentatifs qui vont suivre.

Moi : Comment intervenez vous sur le positionnement de ces enfants, avec quels autres profs ?

Ergothérapeute : Le positionnement, là où on intervient les ergothérapeutes, ça va être beaucoup dans la

guidance parentale dans un premier temps, ça concerne vraiment la période avant coquille assise, avant

orthopédiste. Sachant que généralement les orthopédistes vont intervenir au moment où une simple installation

en mousse s’avère insuffisante. Soit parce que l’enfant est trop grand, mais ça ce n’est pas la raison principale, ni

la plus fréquente, généralement c’est parce que l’enfant développe des schémas tellement pathologiques, que au

fur et à mesure qu’il augmente sa tonicité on ne peut plus le contenir. Nous notre objectif ça va être

effectivement la guidance parentale, et donner à l’enfant les appuis nécessaires pour pouvoir…tout à l’heure

pour l’impact je n’ai pas parlé du regard c’est très important…ça va être de donner à l’enfant les points d’appui

nécessaires pour pouvoir… A partir d’une posture harmonieuse que l’enfant puisse d’avantage interagir avec son

environnement. Une posture pathologique va verrouiller le regard et va verrouiller tout ce qui est sensoriel :

pauvreté des informations proprioceptives et kinesthésiques, mais aussi brouillage au niveau des sources sonores,

des sources lumineuses, et le regard va être verrouillé aussi, il ne va pas pouvoir s’adresser donc ça crée quand

même des troubles importants au niveau de l’interaction avec son environnement ; notamment la communication

avec son père et sa mère. Donc ce qu’on cherche dans un 1er

temps ce sont les points d’appui pour éviter les

postures asymétriques et éviter les plagiocéphalies, qui renforceraient encore plus les postures asymétriques ;

favoriser le schéma d’enroulement, mettre l’enfant dans une position d’enroulement et éviter le schéma d’hyper-

extension. Si je résume : éviter les postures asymétriques, favoriser le schéma d’enroulement en évitant les

positions d’hyper-extension. On intervient à partir du moment où les enfants sont plutôt installés dans des

Page 71: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

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transats, on va dire à partir de 5mois, même ça peut être un peu avant lorsque l’on perçoit déjà des

plagiocéphalies qui commencent à se mettre en place. A partir de là on taille des sièges en mousse.

Moi : Vous utilisez quel type de mousse ?

Ergothérapeute : De la mousse en cube, plutôt ferme mais pas dure, on fait de sièges sur mesure. Parfois ça sert à

plusieurs enfants, on retaille dessus. Ce sont des installations éphémères, qui évoluent avec les progrès posturaux

que l’enfant peut avoir.

Moi : Est-ce que vous proposez différentes installations pour la crèche, ses différents lieux de vie ?

Ergothérapeute : Alors pour les tout petits en schéma d’hyper-extension, on fait des petits positionnements qui

vont permettre aux parents, pas seulement d’interagir avec l’enfant mais aussi de l’alimenter. Lorsque les enfants

sont plus grands, qu’ils vont en crèche, on propose des petits fauteuils bien positionnés pour aller au sol, de

façon à ce que les enfants soient à la même hauteur que les autres enfants, l faut bien prendre soin de tout ce qui

est regard et coordination. et l’interaction aussi avec les autres enfants. Lorsque les enfants sont plus grands, ils

tiennent assis, notamment dans la population d’enfants hémiplégiques, on fait des positionnements pour les

sièges hauts, on privilégie les sièges en bois, sachant que ceux en plastique sont pratiquement impossibles à

aménager. Donc on fait vraiment des aménagements avec les menuisiers, avec des sièges en bois et mousse, les

dernières aménagements qu’on fait, généralement c’est lorsque l’enfant tient assis, mais il a besoin encore d’un

petit soutien, on taille des mousses pour les sièges trip-trap. C’est quand ils tiennent assis, mais qu’ils ont

tendance à adopter trop de postures asymétriques, on donne un point d’appui au niveau du bassin de façon à

éviter surtout les postures asymétriques, ça arrive souvent avec les enfants hémiplégiques qui ont tendance à

s’assoir sur une seul fesse à chaque fois.

Moi : Pour mettre en place ce positionnement, travaillez vous avec d’autres professionnels ?

Ergothérapeute : Pas forcément, on peut se retrouver à travailler ensemble avec les kinésithérapeutes mais bon

voilà dans l’idéal c’est ce qui est superbe. Même avec nos collègues psychomotriciens pour lesquels on fait

vraiment des installations au sol, les aider à faire leur travail. La réalité fait qu’on est tellement débordés, qu’on

travaille ensemble mais en autonomie. Nos partenaires privilégiés c’est la couturière et le menuisier, et parfois

un ferrailleur quand il faut utiliser des éléments métalliques. Et les parents ! Les parents, ce sont eux qui amènent

les chaises hautes, on les accompagne même pour faire des achats adaptés, on a quand même un stock de

matériel qu’on fait tourner auprès des parents moyennant un petit contrat écrit pour lesquels ils s’engagent à le

rendre propre et en l’état. On invite toujours, lorsque c’est possible les parents à bricoler, on voit bien comment

c’est important pour eux et comment tout est beaucoup investi lorsque c’est eux qui ont travaillé dessus.

Moi : Pensez-vous que les enfants atteints de paralysie cérébrale peuvent avoir un développement « incomplet »

de leur schéma corporel ?

Si oui, en ont-ils conscience ?

Ergothérapeute : Alors moi je n’ai même pas besoin de le défendre, ça me parait tellement évident que la prise en

charge précoce change tout. La prise en charge précoce ce n’est pas à partir de 2ans, c’est à partir de 2 mois ! Je

dirai qu’on a quand même aujourd’hui de multiples exemples d’enfants avec des lésions plutôt légères, genre

diplégie spastique, notamment dans la population d’enfants jumeaux, lorsqu’il y a une prise en charge précoce, la

prise en charge précoce est très spécifique, o na des enfants qui se construisent vraiment bien. On a des exemples

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d’enfants qui ont des lésions bien minimisées, mais surtout on a parmi la population des enfants pour lesquels on

a proposé une prise en charge précoce mais qui ont quand même gardé des séquelles, des enfants. Il faut se dire

que tout ce qui est dyspraxique c’est quand même à l’origine, moi je n’y crois que ce soit un petit neurone qui

manque au cerveau, c’est une histoire du développement. Surtout, dans cette population des enfants IMC, ça ne

veut pas dire qu’il n’y a pas des enfants dyspraxiques sans lésions néonatales, mais c’est vraiment très rare, les

vrais dyspraxiques c’est vraiment très rare. Les enfants dyspraxiques qui ont des lésions cérébrales, à l’origine il

y a quand même une construction corporelle et chaotique. La question c’était ?

Moi : Pensez-vous qu’ils aient un schéma corporel qui se développe incomplet ou alors qui est juste différent ?

Ergothérapeute : Pour moi c’est un schéma corporel, je ne dirai pas incomplet, je dirai chaotique. Il peut être

totalement proche de la normal si la prise en charge a vraiment été précoce, ça veut dire à la suite de la néonat, et

adaptée. Les enfants IMC les plus lourdement handicapés, ils ont certainement une conscience corporelle, et un

schéma corporel totalement morcelé. Ce n’est pas différent, ni spécifique c’est totalement morcelé ! Je suis

impitoyable là-dessus.

Moi : Vous pensez qu’ils en ont conscience ?

Ergothérapeute : Non. Enfin, avoir conscience de quelque chose nécessite de se représenter quelque chose, le

gros problème des enfants IMC qui ont des troubles praxiques, et de l’intégration sensorielle, c’est que eux-

mêmes ils ont du mal à accéder à la représentation, et de leur propre corps et de l’environnement. Ils ont de

peurs, je pense qu’une grande partie de notre travail, une des clés de notre travail qui est extrêmement important

c’est justement d’aider les enfants et les parents à se représenter les troubles des enfants, leurs difficultés mais

aussi leurs capacités. Ils n’ont pas seulement des difficultés à être conscients de leurs difficultés, mais aussi des

difficultés à comprendre leurs capacités. Ils ont de difficultés à accéder à la représentation tout court. Tout ça

dans un contexte de prise en charge pas suffisante.

Moi : Selon vous comment le positionnement de l’enfant peut influer sur son schéma corporel ?

Ergothérapeute : Le positionnement de l’enfant c’est une des clés de voutes du schéma corporel, il n’y a pas que

le positionnement, il y a aussi ce qui va être les stimulations précoces. Je me répète mais le positionnement il est

extrêmement important pour beaucoup de raisons : en donnant ses points d’appui à un enfant, on lui permet de

découvrir son environnement d’une façon beaucoup plus harmonieuse et ça permet aussi de libérer les mains, ça

on le sait depuis toujours, les ergothérapeutes apprennent ça, un enfant bien positionner peut manipuler, un

enfant mal positionner ne peut pas manipuler. Mais un enfant mal positionner ne peut pas non plus regarder, ne

peut pas entendre, ne peut pas interagir avec son environnement. Ces points d’appui qui offrent un bon

positionnement à l’enfant c’est quelque chose qui va lui permettre d’être beaucoup plus en interaction avec… Le

rendre un peu compréhensible aussi cet essentiel pour la relation mère-enfant aussi. Parce qu’il n’y a pas que le

positionnement, il y a aussi le portage qui fait parti du positionnement, ça ce sont des situations qui sont

vraiment des véritables détresses pour les parents, pour des enfants qui sont difficiles à porter, ce sont des

enfants qui se crispent, qui se mettent en hyper-extension, leur corps on a l’impression qu’ils ne veulent pas,

quand on est la mère ou le père, on a l’impression que ce sont des enfants qui ne veulent pas être portés, ça peut

provoquer vraiment des grosses difficultés dans la relation mère-enfant. Et puis le positionnement est essentiel

pour la coordination visuelle.

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Moi : Parmi ces positionnements est-ce que vous pensez que certains peuvent désavantager le développement du

schéma corporel ?

Ergothérapeute : Lorsque j’ai commencé à travailler l’approche était très Bobath, lorsque j’ai commencé mon 1er

poste c’était dans un centre de rééducation, je suis tombée dans Tardieu et la religion autour du positionnement

pour libérer les membres. J’ai suivi des enfants dans un parcours d’une journée, et j’ai comptabilisé plus de 10h

de coquille, je trouve que c’est extrêmement délétère. Le positionnement est très important dans la mesure où il

doit être varié. Le positionnement ce n’est pas coincer un enfant pour éviter qu’il ait des déformations

orthopédiques, mais c’est aussi ça et c’est très important ! Ce qui est important c’est de pouvoir varier les

postures, c’est de former les parents par rapport au portage, par rapport à tous les gestes de la vie quotidienne.

Généralement on explique aux parents quand l’utiliser, comment l’utiliser (le positionnement) et à côté de ça

nous avons d’autres collègues, les psychomotriciens vont expliquer autre chose et les kinésithérapeutes qui vont

expliquer d’autres choses. Ce sont des enfants qui relèvent de prise en charge globale, pluridisciplinaire. Il faut

faire très attention avec des enfants qui sont tout le temps installés dans leur coquille, ça c’est non.

Moi : Ma dernière question, mais vous y avez déjà un peu répondu, est-ce que vous préconisez un

positionnement le plus précoce possible ?

Ergothérapeute : Oui, pas forcément un positionnement dans une coquille, mais une éducation pour pouvoir être

bien positionné au niveau de son lit, au niveau du repas, au niveau du portage, au niveau de la poussette, on

aménage aussi la poussette. Il faut que ce soit extrêmement varié, sachant que l’objectif d’un positionnement

précoce de l’enfant, c’est lui permettre de bouger et avoir ces points d’appui du positionnement qui vont lui

permettre lorsqu’il bouge de retourner sur la bonne posture. Il y a des enfants qui ne disposent que du schéma

d’extension, il ne faut pas les coincer, tout leur potentiel moteur il est là et faut pas le coincer. Ce qui est

important c’est qu’il puisse bouger et revenir. Ce n’est pas trouver des postures qui les verrouillent. C’est une

posture qui va libérer le mouvement en fait, c’est un peu paradoxal, mais c’est ça l’objectif.

Moi : Leur permettre de toujours revenir au schéma en flexion ?

Ergothérapeute : Voilà, empêcher l’enfant de se verrouiller dans un schéma pathologique du genre : schéma de

l’escrimeur, posture de l’escrimeur.

Moi : Merci de vos réponses, notre entretien est fini.

Page 74: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

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ANNEXE IV

Entretien avec psychomotricienne 1

Mars 2012

Moi : Bonjour, alors pour commencer est-ce que vous pouvez vous présentez en précisant votre parcours

professionnel ?

Psychomotricienne : Mon parcours professionnel…

Moi : Surtout les secteurs en fait dans lesquels vous avez travaillé.

Psychomotricienne : Moi je suis diplômée de 2002, j’ai fait beaucoup de remplacements dans un premier temps.

J’ai varié tous les secteurs, plutôt enfants. J’ai travaillé en Centre Médico Psychologique, avec des enfants :

petits enfants, jeunes enfants, ados, des troubles au niveau des apprentissages, des retards scolaires, des retards

intellectuels. Hôpital de jour, avec des enfants autistes ou psychotiques. J’ai travaillé en SESSAD, déficience

intellectuelle, IME, j’ai travaillé en SESSAD handicap moteur, et donc là ça fait deux ans que je suis ici au

CAMSP hospitalier, avec des petits enfants, qui sortent de néonat. Des tout-petits.

Moi : Dans votre prise en charge ici, est-ce que vous avez des enfants atteints de paralysie cérébrale, et si oui

c’est quelle tranche d’âge à peu près ?

Psychomotricienne : Alors paralysie cérébrale pour vous c’est quoi ? Tout ce qui est hémiplégie…

Moi : C’est IMC.

Psychomotricienne : Donc oui effectivement il y en a, soit des hémiplégies, soit des quadriplégies. Quel âge ils

ont… Comme on les voit souvent à la sortie de la néonat, les plus petits on peut commencer à les suivre dès

4mois, et puis là certains ont quatorze mois à peu près. Après je suis une autre petite, qui avait des lésions de

leucomalacie périventriculaire, elle a quatre ans là maintenant, à la naissance le pronostic on avait dit qu’il y

avait un risque de handicap moteur et là maintenant c’est une petite qui marche. Enfin au niveau moteur, en tant

que tel il y a encore des troubles de l’équilibre et de la coordination. Donc voilà c’est IMC à minima. Donc la

plus grande que je prends en charge a quatre ans.

Moi : Au niveau du cadre est-ce que vous intervenez domicile, ou c’est surtout ici ?

Psychomotricienne : Alors c’est essentiellement ici.

Moi : D’accord. Ce ne sont que des séances individuelles ?

Page 75: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

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Psychomotricienne : Alors on fait des séances individuelles et on a un groupe qu’on appelle « groupe

d’éducation posturale », qu’on fait avec la kiné, donc c’est un groupe kiné-psychomot, on reçoit quatre enfants à

peu près, avec leurs parents. Groupe de prévention et puis vraiment de dépistage. Ça peut arriver qu’on

intervienne à domicile mais c’est extrêmement rare, on voit vraiment à la demande. On peut aller rencontrer les

professionnels dans les crèches ou les écoles, ponctuellement. Mais pas sur une prise en charge régulière.

Moi : Qu’est-ce que ça évoque pour vous la notion de schéma corporel, dans votre pratique professionnelle ?

Psychomotricienne : Schéma corporel pour moi c’est la représentation du corps. Alors après dans représentation

du corps il va y avoir, moi j’associe aussi à tout le vocabulaire : à la connaissance des différents parties du corps

et la situation du corps dans l’espace, donc associer tous les repères spatiaux.

Moi : Quels sont les principaux troubles posturaux que vous observer chez les enfants IMC ou atteint de

paralysie cérébrale ? Et en particulier au niveau de la station assise plus ?

Psychomotricienne : Moi je vois les petits qui sont en cours d’apprentissage de la station assise, après ça va

dépendre des atteintes. Mais là il y a un petit qui a quinze mois qui a une quadriplégie, du coup il n’a pas de

position assise. Enfin s’il est un peu maintenu au niveau du bassin, il est complètement en cyphose avec une

impossibilité à utiliser les mains. Donc voilà, on fait déjà un travail de redressement, déjà de la tête et de suivi

visuel. Après pour les enfants hémiplégiques, donc les petits aussi en cours d’acquisition, il peut y avoir

beaucoup de déséquilibres et pas beaucoup de mouvements du tronc. Après pour les plus grands, comme celle

qui a quatre ans, il y a énormément de troubles visuels qui sont associés, donc la posture est vachement

importante : trouver des appuis au niveau des pieds, la stabiliser un petit peu.

Moi : Est-ce que vous avez pu remarquer un impact de ses troubles sur le développement de leur schéma-

corporel ? Et l’impact sur leurs activités ?

Psychomotricienne : Alors du coup les impacts, moi je dirai qu’ils sont plutôt au niveau des coordinations, parce

qu’il va y avoir un côté qui est moins utilisé, ou une difficulté à étendre le bras, ou vraiment des difficultés à se

représenter le lien entre la droite et la gauche, le lien entre le haut et la bas et ce qui fait qu’on abouti à un

schéma corporel, une représentation du corps qui est perturbée. Une mauvaise représentation, une mauvaise

utilisation des appuis, voilà, après il y a les répercussions au niveau spatial.

Moi : Est-ce que vous pensez qu’on peut dire que ces enfants ont un plus un développement incomplet de leur

schéma corporel ou que c’est plus un développement qui est différent des autres enfants ?

Psychomotricienne : Faut vraiment voir en fonction des situations, parce qu’il y a des enfants qui vont

vraiment… Mettons des enfants IMC quels qu’ils soient, au niveau cognitif ils vont être tout à fait dans la norme

au niveau intellectuel-compréhension, ce qui fait que là on peut énormément s’appuyer sur le langage, sur leur

compréhension pour justement qu’ils se repositionnent parce qu’ils comprennent : le bras, la jambe… Ils

comprennent ces mots là, donc ils peuvent modifier leur position en fonction de ce qu’on va leur dire. Ca va

quand même développer le schéma corporel et c’est qu’ils ont quand même une représentation. Après il y a ceux

qui ont un déficit intellectuel ou là il faut s’appuyer sur autre chose : que ce soit l’imitation, ou les mobilisations

passives, en fait leur montrer. Et donc là on voit que la mise en place du schéma corporel va être un peu plus

compliquée.

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Moi : Donc en fait si on passe par l’apprentissage, oral et tout, pour ceux qui comprennent le langage, s’il y a une

bonne communication il y a moins de difficultés…

Psychomotricienne : Le langage va vraiment être un appui, après ils ont quand même des expériences corporelles

qui sont quand même limitées, plus réduites, il y a quand même un décalage, après sur du long terme on voit

quand même des troubles au niveau du schéma corporel.

Moi : D’accord. Après, bon ça c’est sur du plus long terme aussi : est-ce que vous pensez que eux ils en ont

conscience d’avoir un schéma corporel peut-être différent ? Par rapport aux autres enfants est-ce qu’ils en ont

conscience ?

Psychomotricienne : Après ça va dépendre des âges et de la compréhension, mais il y en a certains oui qui en ont

conscience. Après oui, les grands peuvent en avoir conscience, ceux qui ont un niveau intellectuel qui est tout à

fait bien développé. Ils peuvent voilà, bien percevoir la différence et puis il y en a d’autres pas du tout.

Moi : Oui ça dépend de leur compréhension. Après c’est plus au niveau du positionnement : quelle est votre part

d’intervention dans le positionnement de ces enfants ? Avec les autres professionnels, comment vous intervenez

pour le positionnement ?

Psychomotricienne : Dès qu’il y a des retards d’acquisition de position assise pour les petits, du coup moi j’en

parle à la kiné et au médecin, du coup il y a des prescriptions, des attelles de station assise. Là moi je n’interviens

pas après pour la mise en place d’attelles. Moi ce que je vais plutôt chercher, et que je vais conseiller aux

parents, c’est quand même que les enfants ils aient des bons appuis. Parce que des fois ils sont mis en position

assise sur une petite chaise, ils n’ont pas les pieds au sol, ou la table est trop haute, enfin il y a des choses qui

restent vraiment de ma fonction aussi, pour vraiment renforcer les coordinations, le suivi visuel, après dès que je

sens qu’il faudrait approfondir plus sur l’installation : l’appareillage ça va être plus la kiné, car on n’a pas d’ergo.

Après idéalement, il manque vraiment un ergo ici.

Moi : Est-ce que vous donnez des indications par rapport à l’installation, ou est-ce que vous dites là il y a besoin

d’une installation ?

Psychomotricienne : Moi je vais peut-être conseiller plus par rapport à la tablette, qu’elle soit suffisamment

grande par exemple pour pouvoir manipuler. Après sur l’installation je peux dire moi les choses que j’ai observé,

par exemple quand il y a des enfants qui ont une inclinaison de tête, après voilà je ne sais pas dans quelle

position il faut les mettre, mais que voilà le médecin et la kiné soient vigilants à ça.

Moi : Vous, dans vos séances de rééducation quel positionnement vous utilisez ? Est-ce que vous utilisez les

attelles qu’ils ont ou plus au contraire leur fait utiliser

Psychomotricienne : Là ça va dépendre de ce que je veux travailler, mais ça peut m’arriver de demander que les

parents ramènent les attelles, aussi pour que je vois quand même comment ils sont. Si voilà je veux travailler un

peu plus le suivi visuel, les coordinations bi-manuelles, voilà du coup je peux leur demander de les ramener.

Après si je veux travailler plus des appuis au sol, ou l’équilibre, là c’est plus au sol et là je n’en ai pas besoin. Ca

dépend vraiment de ce que je vais leur demander

Moi : Et sinon qu’est-ce que vous utilisez le plus pour les positionner, des coussins ?

Psychomotricienne : Alors en position assise plus ?

Page 77: Le positionnement d’un enfant paralysé cérébral par l

BAYON Laure Juin 2012 Page 73

Moi : Oui.

Psychomotricienne : Comme moi j’ai des petits, une fois qu’ils commencent à être un peu stabilisés au niveau du

tronc, il faut que je vise un peu les étapes au dessus : après ça va être les 4 pattes, puis la marche. Je vais

travailler en les installant simplement sur une petite hauteur … et seulement les pieds au sol … qu’ils se

redressent bien au niveau du tronc et qu’ils aient des appuis quand même au niveau du sol. C’est comme une

petite marche en fait.

Moi : Et du coup un maintien au niveau du tronc ?

Psychomotricienne : Ca va être des enfants qui vont tenir quand même bien, ça va être d’essayer de transférer

des appuis un peu d’un côté, un peu de l’autre côté. Après j’ai quand même pour les plus grands, j’ai une petite

chaise contenant avec des accoudoirs. Si je veux travailler plus les coordinations, je peux travailler sur les

genoux des parents, je demande aux parents de bien les installer sur leurs genoux comme ça ils … bien au niveau

du dos ou au niveau du bassin, comme ça moi je suis en face et je peux travailler le suivi visuel, l’attention, et ils

sont bien maintenus du coup sur les parents.

Moi : Selon vous comment le positionnement, chez l’enfant atteint de paralysie cérébrale, influe sur le

développement de son schéma corporel ?

Psychomotricienne : Le positionnement est essentiel. Parce qu’un enfant qui est mal installé, du coup il ne va pas

utiliser toutes ses compétences. Si mettons, il y a une petite négligence ou un bras qui est trop tonique, s’il est

mal installé, il ne l’utilisera pas donc forcément qu’il en aura moins conscience. Du coup le schéma corporel sera

perturbé. Alors qu’une bonne installation, là il y a vraiment une prise de conscience des appuis au niveau du

bassin, des pieds, des coudes, et forcément tout ça va entrainer une meilleure perception du schéma corporel.

Moi : Est-ce que vous pensez que de temps en temps il y a certains positionnements qui peuvent être, si c’est

plus porté au niveau orthopédique, est-ce que ça peut désavantager au contraire le développement du schéma

corporel, des perceptions ?

Psychomotricienne : Oui. Alors les appareillages sont essentiels et c’est important. Sauf que c’est quand même

important…alors après c’est un enfant qui n’est pas IMC, il a des pieds bots, il a des attelles aux pieds du coup là

ça le limite énormément. Enfin il tient assis au sol mais pour des changements …

Moi je trouve que ce qui est important c’est quand même de varier les positions, de varier les appuis, donc les

chaussures orthopédiques sont essentielles aussi, sont indispensables, mais en même temps il a besoin d’avoir les

pieds un peu sans les orthèses. Pour mobiliser un peu les orteils, pour mobiliser la cheville.

Moi : A partir de quel âge à peu près c’est vraiment important le positionnement, est-ce qu’il faut le faire le plus

précoce possible ou est-ce qu’il faut attendre un petit peu ?

Psychomotricienne : Oui il faut le faire le plus tôt possible, ça commence vraiment déjà dans les transats ou les

enfants déjà peuvent être mal installés. Dans les … ils peuvent être mal installés, même au sol avant qu’ils aient

une position assise : déjà au sol sur le dos qu’ils aient des bons appuis, que ce soit aussi au niveau du bassin.

Moi : Des bons appuis c’est… ?

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Psychomotricienne : Une petite qui avait une diplégie, une quadriplégie même. Du coup sur le dos quand ils

arrivent, ils ont les bras en chandelier, ils ont les pieds qui, enfin les jambes qui sont directement au sol, ils ont

des possibilités de mouvement, sauf qu’en fait ils bougent mais les 1ère

coordinations par exemple œil-main, œil-

pied elles ne se font pas, parce que voilà ils sont quand même limités dans leurs mouvements. En les installant au

sol, sur le dos, en regroupement, c’est-à-dire qu’il y ait une flexion de nuque, une flexion du bassin, ça rapproche

les mains de l’espace visuel, les pieds de l’espace visuel et du coup déjà il y a la coordination œil-main/ œil-pied

qui se met en place. C’est aussi un début de la mise en place du schéma corporel. Déjà cette connaissance là, elle

est importante avant la position assise.

Moi : Donc ça c’est à transmettre aux parents pour qu’eux puissent le reproduire aussi ?

Psychomotricienne : Oui, et du coup les installations aussi dans les poussettes. Le plus précocement possible

c’est essentiel.

Moi : Et tout ce qui est ces installations là, c’est vous qui conseillez ?

Psychomotricienne : Moi je peux avancer certaines choses quand je vois que c’est très mal positionné et que je

peux apporter un petit peu, après j’interpelle la kiné, et puis voilà pour l’instant on n’a pas d’ergo, donc on

rapporte les questions au médecin. pour que après il puisse y avoir une création de poste !

Moi : Très bien, j’ai fini mes questions, merci de cet entretien.

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ANNEXE V

Entretien avec psychomotricienne n°2

Avril 2012

Moi : Bonjour, pour commencer est-ce que vous pouvez présentez votre parcours ?

Psychomotricienne : Je suis psychomotricienne. Je travaille en CAMSP depuis une dizaine d’années, ici et dans

un autre qui est aussi un CAMSP pédiatrique polyvalent. Auparavant j’ai travaillé en maison de retraite, en long

séjour, en service pour enfants et adolescents polyhandicapés (en soins a domicile et en centre) et une petite

expérience en IME.

Moi : Dans quel cadre prenez vous en charge les enfants atteints de paralysie cérébrale ?

Psychomotricienne : On parle d’enfants avec des infirmités motrices cérébrales ? (oui) Ils sont quand même

assez petits en CAMSP, le plus souvent on les voit en individuel avec les parents dans un premier temps, au fil

des années ça peut faire partie du projet de les accueillir seuls, sans les parents. Soit en individuel en salle de

psychomotricité, après ça peut être aussi en piscine, en fonction du projet, je pense à certains enfants qu’on

accompagne aussi en groupe « poney », en salle Snoezelen aussi.

Moi : Que vous évoque la notion de schéma corporel ?

Psychomotricienne : Pour moi c’est la façon dont la personne perçoit son corps par rapport à l’espace et perçoit

les différentes parties de son corps entre elles. Sinon il y a Ajuriaguerra qui en parle très bien, c’est une très belle

définition qui dit que « Le schéma corporel est édifié sur des impressions tactiles, kinesthésiques, labyrinthiques

et visuelles. Il réalise dans une construction active, constamment remaniée des données actuelles et du passé, la

synthèse dynamique qui fournit à nos actes, comme à nos perceptions, le cadre spatial de référence où ils

prennent leur signification. », ça date de 1962.

Moi : Quels sont les principaux troubles posturaux que vous observez chez les enfants atteints de paralysie

cérébrale ?

Psychomotricienne : L’hypotonie de l’axe et ce qu’on observe beaucoup c’est l’hyper-extension, l’extension

postérieur qui entrave la station assise, mais qui entrave énormément d’autres choses, comme la coordination des

2mains, le bien-être : parce qu’un enfant qui est beaucoup en extension va aussi être en difficulté pour s’apaiser,

pour s’enrouler.

Moi : Avez-vous pu remarquer l’impact des troubles posturaux sur leur développement psychomoteur et sur leur

vie quotidienne?

Psychomotricienne : C’est un peu ce que je viens de dire…On ciblerait par rapport à l’hyper-extension par

exemple ? Ca entrave les acquisitions neuro-motrices mais ça entrave la capacité à s’auto apaiser, la capacité à

communiquer, et puis la possibilité de se construire aussi. Ce sont des enfants qui sont pas bien, qui ont du mal à

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regarder l’environnement autour d’eux, qui ont du mal à s’apaiser, ce sont des enfants où on sent que c’est

parfois difficile au niveau relationnel. Ca a forcément une incidence sur leur construction corporelle.

Moi : Quand on parle de leur schéma corporel, incomplet ou différent ?

Psychomotricienne : Alors là c’est compliqué…Alors je vais défendre un peu ma profession, c’est parfois

l’intérêt d’un travail en psychomotricité auprès de ces enfants justement vu qu’ils sont très entravés dans leur

motricité, et du coup dans leur découverte de leur corps et de l’environnement, de pouvoir leur offrir un espace

où on va leur proposer des vécus, où ils vont pouvoir être bien et vivre des choses dans leur corps, ça va les aider

à se construire des repères au niveau corporel, alors on parle du schéma corporel mais on peut aussi parler de

l’image du corps, de prendre conscience qu’on est séparé de l’autre, qu’on est un individu différencié, tout ça

aussi. La question c’était… ? (je rappelle la question) Je pense que je ne sais pas dire ça, ce qui est sur c’est

qu’ils sont entravés dans leur construction au niveau du schéma corporel.

Moi : Vous pensez que les enfants en ont conscience d’avoir des perceptions différentes, par rapport aux autres ?

Psychomotricienne : Par rapport au schéma corporel, c’est quand même une notion qui n’est pas si évidente,

alors comment on pourrait la simplifier… Je ne sais pas …

Moi : Votre part d’intervention dans le positionnement ?

Psychomotricienne : C’est vrai qu’au CAMSP on est quand même très très attentif à l’installation, elle arrive

même en amont en fait du bilan, ça fait même parti des priorités, dès que l’enfant arrive qu’il soit bien installé.

Oui on collabore, si un enfant en a besoin on peut aller faire des demandes très facilement auprès des

ergothérapeutes. Après, moi, de travailler avec des ergothérapeutes ou des kinés, ça m’a aussi aidé à prendre

conscience de certaines choses. Après j’y suis vigilante tout le temps, en tout le cas dans le cours de mes séances

que les enfants soient bien installés. Alors ça va être bien installé par exemple pour être assis, à la table, mais

aussi au sol. Moi je vais être vigilante rien que un enfant que je vais allonger au sol, lui proposer un petit

enroulement de la nuque ou un petit enroulement du bas du corps, de lui proposer des appuis quand je le retourne

sur le côté pour que ce soit plus sécurisant pour lui. Donc je vais aussi y prêter attention dans ma pratique. Après

je crois que le travail avec les collègues ça permet aussi de pouvoir donner des conseils appropriés aux parents.

Moi : Lorsque l’ergothérapeute fait une installation pour un enfant, est-ce que vous êtes amené à dire, donner des

conseils ou des orientations par rapport à ce que vous avez vu pendant votre séance ?

Psychomotricienne : Elles font ça très bien ! (rires) Ca a pu m’arriver si je passais dans les couloirs à ce moment

là, de pouvoir en parler…

Moi : Sinon elles font leurs évaluations de leur côté ?

Psychomotricienne : Je trouve qu’il n’y a pas grand-chose à redire sur ce qu’elles font. Elles ont développé au

Camps, entre les installations avec la mousse, après il peut y avoir les petits corsets-sièges, là c’est plus la kiné

avec l’orthoprothésiste. Je pense que le fait que les ergothérapeutes y soient très sensibilisées, elles ont entre

guillemets fait propager ça dans toute l’équipe, du coup c’est quelque chose auxquelles les unes et les autres on

est vigilante. Pour des petits, mais aussi pour les plus grands, les appui-pieds, les arrières fonds.

Moi : Selon vous comment les positionnement de l’enfant influe-t-il sur le développement de son schéma

corporel ?

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Psychomotricienne : Alors sur le schéma corporel, déjà ça veut dire que l’enfant n’est plus en hyper-extension, il

va être plus dans une position d’enroulement et on sait bien que s’il est plus enroulé, il va pouvoir coordonner

ses yeux avec ses mains, il va pouvoir plus s’apaiser dans cette position là, il va pouvoir coordonner ses deux

mains, il va pouvoir prendre conscience du bas du corps, s’il a des bons appuis au niveau du bas du corps. Après

de façon plus globale, je pense que c’est quelque chose de très sécurisant et structurant pour que l’enfant soit

plus disponible sur ce qui se passe autour de lui.

Moi : Par rapport à sa famille ?

Psychomotricienne : Oui sa famille, la curiosité de ce qui se passe autour de lui, si l’enfant il est bien installé il

va aussi avoir plus de capacités pour pouvoir tourner sa tête, s’il y a un bruit ou quelque chose qui arrive de

pouvoir aller chercher l’information. Je pense que l’enfant il va être plus acteur s’il est bien installé, il va pouvoir

s’intéresser plus à ce qu’il y a autour de lui, plus communiquer. Oui au niveau du schéma corporel, je pense

qu’un enfant bien installé en tout cas va mieux se structurer, se construire. Après je pense que ce n’est pas

suffisant, au niveau de la construction du schéma corporel on est aussi dans une idée de vivre son corps dans le

mouvement. Après c’est très large l’installation, ça va être aussi le portage, il y a aussi tout ça. Moi dans mon

idée c’est beaucoup l’installation assise, mais ça va peut être être aussi amener les parents à ce que l’enfant soit

bien positionner dans le portage. Je pense que les données qu’on a pour bien installer un enfant assis, c’est des

choses qu’on doit avoir pour partout en fait.

Moi : Pensez-vous que certains positionnements peuvent être nocifs ?

Psychomotricienne : Moi je suis plus pour faire varier en tout cas les installations, c’est sur que l’enfant quand il

est assis, au niveau visuel il peut plus voir tout ce qu’il a autour de lui, mais l’enfant il a aussi besoin de vivre des

choses allonger, il peut être assis au sol à plat, après on peut imaginer qu’il peut être un peu plus posturé avec

des coussins quand il est au sol. Moi je suis pour faire varier, pour l’aider à prendre conscience qu’on a pas

qu’un dos, qu’une zone d’appui, mais qu’on peut aussi s’installer sur le côté, prendre conscience des 2 côtés, sur

le ventre même si on va pas laisser un enfant avec une IMC trop longtemps sur le ventre, s’il ne peut pas de

dégager tout seul parce que ça va être une position de fatigue et de stress, mais dans quelque chose

d’accompagné ça va aussi lui permettre de prendre conscience des appuis du devant du corps et simplement déjà

du devant du corps. Et puis voilà, vivre des choses aussi vestibulaires, dans le mouvement.

Moi : Merci de vos réponses.