29
Le Magazine Spécial Avignon Le Festival dit le « IN » et le circuit parallèle du festival : le « OFF » Suricate Festival(s) / Le IN / Le OFF / Théâtre des Doms

Le Suricate Magazine - Spécial Avignon

Embed Size (px)

DESCRIPTION

L'e-magazine culturel en francophonie

Citation preview

LeMagazine

Spécial AvignonLe Festival dit le « IN » et le circuit parallèle du

festival : le « OFF »

SuricateFestival(s) / Le IN / Le OFF / Théâtre des Doms

Sommaire

18 août 2013

Je vais «à Avignon» ou«en Avignon» ?

p. 5

N’a pas eu le temps de danser sous le

pont ...

Le festival

Le Festival d’Avignon InLe OFFDans les rues

p. 7p. 6

p. 8

CotationsRien à sauverMauvaisMitigéBonTrès bonExcellent

3

p. 18p. 19p. 19p. 20

Le OFF / Le théâtre des Doms

Le théâtre des DomsIci s’écrit le titre de la pièce...In VitrineLa Petite évasionSmatch 1Combat avec l’ombreMe, Myself and us[Weltanschauung]

p. 20

Le Festival d’Avignon In

Partita 2GerminalPlace du marché 76Le Pouvoir des folies théâtralesRimini ProtokolFaust 1+2Cour d’HonneurLa Parabole des papillonsBilan du In

p. 10p. 11p. 12p. 12p. 13p. 14

p. 21p. 22p. 23

p. 15p. 15p. 16

p. 24p. 25p. 26p. 26

Le OFF / Les autres spectacles

Nés Poumon noirLa Rentrée d’ArletteHomaj à la chonson françaiseTo be Hamlet or notLes Volets ClosItalie - Brésil 3 à 2Le Petit PoucetAmour et jambes casséesAFAG théâtre

p. 27p. 27p. 28p. 28p. 29

Edito

Avignon, mon amour.Ce mois-ci je vous fais partager mon amour du festival d’Avignon. Enfin du Festival d’Avignon avec des majuscules et du OFF. Enfin du festival en général. Et voilà, ça commence, on y comprend déjà rien.

Comme vous allez le voir, durant le mois de juillet à Avignon, le théâtre investit la ville, des affiches poussent sur les murs, il y a aussi des tracteurs qui vous harcèlent tous les deux mètres pour prendre leurs flyers, des rues d’habitude vides qui deviennent pleines, et des théâtres qui poussent dans tous les coins. Et de nombreuses questions comme : un garage sur le sol duquel l’on met cinquante coussins est-il un théâtre? Y-a-t’il un ou deux festivals? Et cætera, et cætera.

Fans de théâtre contemporain, fans de one man show, fans de débats endiablés, fans de spectacles de rue, fans de glace à la vanille, de pastis et de pac à l’eau, il y en a pour vous tous en juillet à Avignon.

Profitez donc bien de vos dernières semaines de vacances, de vos lieux de travail frai-chement retrouvés ou de vos rattrapages en feuilletant ce magazine.

Et surtout, n’oubliez pas que le premier amour de David Hasselhoff était à Avignon (My first love was in Avignon), et si ça, ce n’est pas un argument de choc, et bien je ne peux plus rien pour vous.

5

Je vais «À Avignon» ou «En Avignon» ?

Grande question que celle-là. L’expression « en Avignon » n’est-elle qu’une marque de snobisme parisien ? Est-elle l’expression grammaticalement juste ? Est-elle une aberration injustifiée et indélébile ? Et comme le demande le chanteur Frédéric Frommet « Ceux qui vont en Avignon vont-ils aussi en Arcachon ? ».

Concernant l’expression, voici ce que l’on peut lire sur le site de la Mairie d’Avignon : « La formule "en Avignon", si elle permet d’éviter un hiatus quelque peu dissonant, est toutefois incorrecte lorsqu’elle s’applique à la ville contenue dans ses limites communales. Son emploi dans ce cas est souvent le fait de l’ignorance ou d’un certain pédantisme basé parfois sur des nostalgies d’Ancien Régime. »

De ce point de vue là, vous pouvez parler de «En Avignon» lorsque vous évoquez Avignon avant 1791, vous pouvez donc de nos jours vous rendre en Andorre, en France, en Provence, mais pas en Avignon.

Mais pour être plus précis, tout dépend de ce que vous comptez y faire, à Avignon. Je m’explique. Si vous venez uniquement dans la ville, et que vous comptez restreindre votre séjour à cet espace géographique, vous irez alors « À Avignon ». En revanche, si vous venez dans la région d’Avignon et que pour vous, cela intègre des promenades dans les villages alentours ou par exemple dans le Luberon, vous avez alors le droit

de venir « En Avignon », entendu comme la région d’Avignon.

Pour finir et pour aller plus loin, on peut considérer que durant le festival, la ville se transforme, change de population et acquière un statut tout particulier, celui d’un lieu de théâtre à part entière. On peut alors suggérer qu’Avignon est, le temps du mois de juillet, un territoire de théâtre, et alors s’accorder le droit, en faisant fi de toute règle grammaticale, de venir « En Avignon » pour le festival.

Et puisque j’y suis à rétablir les vérités sur Avignon, abordons-en deux autres. Sachez qu’à l’origine de la célèbre chanson Sur le pont d’Avignon on ne dansait pas sur le pont mais «sous le pont d’Avignon» car l’on faisait cela sur les berges du Rhône.

Et pour finir, le non moins célèbre tableau de Picasso Les Demoiselles d’Avignon, ne représente pas les femmes de notre chère cité. En effet, il représente les prostituées d’une rue de Barcelone se nommant la carrer d'Avinyò (rue d'Avignon), que Picasso fréquentait à ses vingt ans.

Maintenant que vous savez tout cela, pour pourrez aller vous faire mousser dans les réceptions branchées et autres vernissages, tout en réfléchissant à la manière dont vous vous rendrez à Avignon l’été prochain.

Le terrier du Suricate

B.R.

18 août 2013

B.R.

Une publication du magazine

Le Suricate © http://ww.lesuricate.org

Directeur de la rédaction : Matthieu MatthysRédacteur en chef : Loïc SmarsDirecteur section littéraire : Marc BaillyDirecteur section musicale : Christophe PaulyDirecteur section théâtre : Baptiste Rol

Webmaster : Benjamin MourlonSecrétaires de rédaction : Pauline Vendola, Maïté Dagnelie, Adeline Delabre

Relation clientèle : [email protected]égie publicitaire : [email protected]

A élaboré ce numéro :

Baptiste Rol

Crédits

Le Festival d’Avignon est le festival officiel, que les festivaliers surnomment le «In». Il a été créé par Jean Vilar en 1947. Ce festival se déroule dans les monuments historiques du centre-ville d’Avignon qui sont principalement des lieux en extérieurs ainsi que dans des salles polyvalentes et autres lieux des alentours. La programmation est centrée sur la création contemporaine et on y trouve du théâtre, de la danse, de la performance ainsi que des expo-sitions comme celles de Sophie Calle ces deux dernières an-nées.

Cette édition 2013 était la dernière des co-directeurs Hor-tense Archambault et Vincent Baudriller. Pour cette dernière, ils ont établi la programmation avec la collaboration de deux « artistes associés » : l’auteur, metteur en scène et comédien camerounais Dieudonné Nian-gouna, et l’auteur, metteur en scène et comédien français Stanislas Nordey.

Le In se caractérise donc par une programmation artistique et une volonté de rendre compte de la création con-temporaine dans le domaine des arts de la scène. Mais une de ses carac-téristiques propres est son public. En effet, l’importance accordée au public n’a fait qu’augmenter avec les années. Ainsi, à chaque création présentée dans le cadre du In, une rencontre avec l’équipe artistique et technique du spectacle est organisée à l’école d’art

d’Avignon. C’est un espace de débat dans lequel les spectateurs livrent leurs impressions, font part de leur joie ou de leur mécontentement et discutent de certains éléments du spectacle.

Le Festival est, de ce point de vue, un réel espace de liberté dans lequel on peut dire que ce spectacle « a changé ma vision du monde», que ce spectacle «est une insulte que l’on m’a faite» ou tout

simplement que «ce spectacle est nul». Je vous conseillerais cependant d’avoir quelques arguments à avancer pour soutenir ces jugements. Cela facilitera l’arrêt des sifflets que certains pourront émettre à votre égard.

Au-delà de ces rencontres, il y a aussi les conférences de presse avec les directeurs du Festival et les artistes qui se font aussi en public au Cloitre Saint-Louis (photo

ci-dessus), les émissions de France Inter et France Culture en direct et bien d’autres évènements tout au long du Festival.

Les spectacles qui y sont présentés font partie de ce que l’on nomme le théâtre subventionné. Ce sont des spectacles à gros budget, ce qui explique que le prix des places est parfois élevé. Cependant les tarifs pour les jeunes sont très

avantageux et parfois moins élevés que dans le OFF.

Dans les clichés qui collent au In, on peut entendre que les places coûtent 100 euros (ce n’est pas vrai), que les spec-tacles durent 10 heures (c’est parfois vrai) et que les specta-teurs se permettent tout, même partir en plein milieu d’un spectacle en empruntant le chemin le plus long et en criant que «c’est de la merde» aux comédiens en train de jouer (c’est vrai).

En tout cas, c’est un festival auquel on s’attache et qui ne

laisse pas indifférent. À partir de l’année prochaine, Olivier Py prendra la tête du Festival d’Avignon, ce qui changera probablement des choses. Le seul moyen de savoir quoi est de vous y rendre en juillet 2014.

Le Festival d’Avignon dit Le «In»Le festival officiel, créé en 1947 par Jean Vilar

6

L’explication

Festival(s) / Le IN / Le OFF / Théâtre des Doms

En marge du Festival d’Avignon, et ce dès la fin des années 1960, ont commencé à apparaitre des spectacles, joués dans d’autres lieux de la ville. C’est le directeur du théâtre des Carmes, André Benedetto qui lance ce festival non officiel en 1966.

Ce festival s’est depuis agrandi et institutionnalisé. Il est maintenant dirigé par l’association Avignon Festival et Compagnie et dirigé par Greg Germain (rien d’autre que la voix française de Will Smith pour la petite anecdote). Le OFF se déroule dans des dates proches de celles du In, et se déroule dans toute la ville. Tout espace est prétexte à devenir une salle de spectacle (théâtre, collèges, cours, garages, etc.). Le nombre de compagnies accueillies augmente chaque année, puisqu’il n’y a aucune régulation opérée. Toute com-pagnie qui trouve un lieu de repré-sentation peut venir au OFF. Pour cet été 2013, ce sont 1066 compagnies et 1265 spectacles qui ont fait le OFF.

Pour s’y retrouver, l’association publie un programme qui répertorie l’ensemble

des spectacles du OFF. Finalement, je ne suis pas sûr que cela aide à s’y retrouver, mais au moins, ça vous donne l’im-pression de choisir parmi tous les spectacles présentés.

Pour avoir une chance d’être repérées dans cette fourmilière, les compagnies font chaque année la course au tract le plus original ou le plus utile. Du dessous de verre, à la boite d'allumettes, en pas-sant par le très intelligent tract imprimé sur un sac en papier dans lequel vous pouvez y ranger les autres tracts.

Voici alors quatre stratégies pour choisir un spectacle dans Le OFF.1. La stratégie du «je m’en fous». Voici probablement la plus risquée de toutes mais la plus facile à réaliser. Vous prenez votre programme de 300 pages, vous fermez les yeux, vous l’ouvrez au hasard et posez votre doigt sur un endroit de la page. Vous ré-ouvrez les yeux et vous découvrez ce que vous irez voir ce soir. Cette stratégie a une variante nommée «tient ! Il est 16h10 je vais voir

n’importe quel spectacle qui se joue à 16h20».2. La stratégie du «ça a l’air cool». Moins risquée que la première, elle consiste à se balader dans les rues ou à boire un coup en terrasse et à attendre d’être séduit par une compagnie qui fait la promotion de son spectacle.3. Le «je ne vais pas n’importe où». Parce qu’en effet, certains théâtres sont réputés pour faire une réelle sélection et ne pas prendre n’importe qui. Par exemple, Le Théâtre des Doms spécia-lisé dans les spectacles belges franco-phones (voir page 18).4. Le «Bouche-à-oreille». C’est certai-nement la plus pratiquée et la plus sûre en termes de qualité du spectacle que vous irez voir. Cependant, vous serez certain de voir les mêmes spectacles que tout le monde.

Depuis quelques années, Le OFF est critiqué par certains théâtres et certaines compagnies qui reprochent une gestion de plus en plus commerciale et de moins en moins respectueuse pour les spec-tateurs et les compagnies. Notamment parce qu’il ne propose aucune solution pour réduire le nombre de compagnies, et ne cherche donc pas à éviter la faillite des compagnies qui prendront alors deux ans pour se remettre de leur festival.

Sur ce point-là, la réponse du directeur Greg Germain est claire. Il précise que Le OFF n’est pas un festival mais un marché, où les programmateurs vien-nent acheter les spectacles.

Le OFFLe festival qui s’est construit en marge du Festival d’Avignon

7

L’explication

18 août 2013

8

Le mois de juillet à Avignon, la ville se transforme entièrement. Les grilles et murs d’habitude vides, se retrouvent recouverts d’affiches. Des théâtres poussent à chaque coin de rue, alors que durant l’année il n’y en a pas plus d’une dizaine. De même des dizaines de snacks et restaurants ouvrent pour le mois de juillet. Et certaines rues d’ordinaire dénuée d’intérêt deviennent des points centraux de la ville l’espace d’un mois.

La phase de transformation de la ville

Festival(s) / Le IN / Le OFF / Théâtre des Doms

9 18 août 2013

o «Tout est normal» - Frédéric FrommetUne chanson très drôle et très satirique pour vous expliquer ce qu’est le festival : les locations trop chères, les 1200 spectacles, la différence In et Off, etc.

o «Le Monologue Shakespearien» - Vincent DelermUn spectacle du In trop ennuyant, contraint Vincent Delerm à quitter les gradins et faire un tour dans Avignon la nuit.

o «Avignon» - David HasselhoffSon premier amour était à Avignon, si si écoutez.

o «L’Auto-stoppeuse» - RenaudIl prend une autostoppeuse. Manque de pot, c’est une punk-hippie qui se rend à Avignon pour en rejoindre d’autres Place de l’horloge.

o «Danser» - Herma VosDansons sur le pont d’Avignon.

o «La ronde des quatre chansons» - George BrassensLes damoiseaux et demoiselles de la chanson ont bien changés, et l’oncle Georges se fait virer d’Avignon comme un malpropre.

o «Les Marchés de Provence - Gilbert BécaudUn petit air du sud de la France, tout simplement.

La playlist : festival d’Avignon

« Et si on avait la possibilité de repartir de zéro, même à l’intérieur de huit mètres par huit, on ferait comment ? »

Le spectacle commence. La lumière baisse côté public, les spectateurs arrê-tent de parler, puis la lumière se rallume un peu, puis elle se ré-éteint. Un pro-jecteur s’allume très progressivement sur la scène, puis s’éteint puis se rallume et se ré-éteint jusqu’à s’allumer tota-lement. Quatre personnes sont assises sur un côté de la scène, une console à la main et testent les boutons, allumant tantôt un éclairage à droite, tantôt un autre à gauche, et cetera.

Au bout d’un moment, l’un d’eux se lève et teste un bouton sans comprendre à quoi il sert. Il pousse le bouton et derrière lui un sous-titre s’affiche : « il marche pas ce bouton ! ». Puis « il est assigné à quoi ce bouton-là? ». Jusqu’à ce qu’il se rende compte que le bouton lui permet justement de traduire ses pensées à l’écrit et donc de les trans-mettre à d’autres. Il montre sa trouvaille aux autres, et c’est là que, commu-niquant par cet outil tout nouvellement trouvé, ils commencent à interagir et à découvrir cet univers de la taille d’une scène ainsi que ses possibilités.

Le postulat de base et donc le suivant : supposons que quatre individus soient les premiers d’un univers, et qu’au lieu de naître/d’apparaître dans un univers entouré de nature, ils apparaissent dans un univers numérique. Qu’au lieu de cailloux comme premiers outils, ils aient entre leurs mains des consoles.

Je ne veux pas en dire plus tellement la découverte du spectacle au fur et à mesure est un plaisir de tous les instants. Je vous dirais seulement que ce spec-tacle est génial et je pèse mes mots. Les personnages vont découvrir la commu-nication, par geste, puis par l’écrit, puis orale et ainsi de suite.

La dose d’humour est très forte et la dose de réflexions sous-jacentes l’est tout autant, et c’est ce qui est la grande réussite de ce spectacle : c’est à la fois très intelligent et très bête, et c’est génial.Je vais alors parler d’Antoine Defoort, celui des deux créateurs de Germinal dont je connais un peu le travail. Il avait

présenté Cheval, avec son acolyte Julien Fournet au Festival d’Avignon il y a quelques années. Antoine Defoort est un habitué des expérimentations à base de numérique, de musique et de tout ce qui lui vient à la main, le tout baigné dans beaucoup d’humour et de n’importe quoi ou presque. Tout comme le mo-ment de Cheval, ou l’un des comédiens joue un morceau classique à la flûte à bec (avec sa narine si je m’en souviens bien) et qu’il fait les chœurs ou l’un des instruments avec des extraits de com-mentaires footballistiques qui respectent les bonnes tonalités.

Pendant le Festival d’Avignon, il était

possible de découvrir un jeu créé par Julien Fournet et qui s’intitule Le Jeu de l’oie du spectacle vivant. C’est un jeu de loi s’inspirant de toutes les étapes nécessaires à la création d’un spectacle. Encore une fois, c’est drôle et intelligent.Exemple: «Présence d’animaux de la jungle et d’une chorale d’adolescents nus sur le plateau»

Lancez le dé: PAIR - bonne ambiance, avancez étape 2. IMPAIR - Problèmes juridiques, retournez étape 1.

Je vous invite maintenant à faire un tour sur le site Internet de l’Amicale de production :

http://www.amicaledeproduction.com/

Autre point important l’Amicale produ-ction sera à la rentrée 2013 associée au Beursschouwburg (Bruxelles). N’oub-liez pas cela, et jetez-vous sur les présentations de travaux, les rencontres ou tout moment qui sera proposé dans ce lieu en leur compagnie.

Prochaines dates :- le 3 octobre 2013 au Budakunsten-centrum (Kortrijk)- les 10 et 11 octobre 2013 au Vooruit (Gand)

Prochaines dates :le 3 octobre 2013 au Budakunsten-centrum de Kortrijkles 10 et 11 octobre 2013 au Vooruit de Gand.

Germinal de Halory Goerger et Antoine DefoortDéjà vu au Kunstenfestivaldesarts, on y est retourné, on ne s’en lasse pas.

11

La critique

18 août 2013

« C’est à la fois très intelligent et très bête, et c’est génial. »

Jan Fabre et le Festival d’Avignon, c’est une grande histoire d’amour et de haine. Cet artiste flamand est connu pour faire du théâtre performance très radical. C’est à dire qu’il est connu pour faire du théâtre qui n’en est pas vraiment, et ce depuis ses débuts au théâtre, en 1982.Depuis l’année dernière, Jan Fabre a fait passer des castings dans plusieurs pays européens afin de remettre en scène ses deux premiers spectacles : Du théâtre comme il était à prévoir et à espérer (1982) et Le Pouvoir des folies théâtrales (1984).

N’ayant pas du tout aimé ses spectacles récents et étant de nature curieuse j’ai décidé d’aller voir ces deux reprises lorsqu’elles sont passées à Bruxelles, pour savoir si sa renommée me paraissait justifiée. Et effec-tivement, elle l’est plutôt.

En effet, lorsqu’il présente ses spectacles au début des années 1980, il est le premier à amener sa pratique des arts plastiques et de la performance dans le monde du théâtre et de manière aussi poussée. Les deux spectacles sont un enchaînement de performances, le premier pendant 8h et le second pendant 4h. Les comédiens/performers courent tout en

récitant un texte, ils se mettent des claques, ils font des performances physiques plus que d’acteurs. Mais le tout se fait dans une certaine poésie, avec beaucoup d’humour et de fraicheur.

En replaçant ces spectacles dans leur contexte de sortie, ils étaient novateurs et intelligents. Bien que ce soit une bonne chose de pouvoir les revoir maintenant, il faut avouer qu’ils ont largement perdu leur pouvoir subversif et qu’ils sont par-dessus tout, extrêmement misogynes. Et cela n’est malheureusement pas très nouveau.

Si vous êtes adeptes de la performance ou de l’expérience théâtrale, je vous les conseille fortement (avec une grande préférence pour celui de 8h, mieux développé et encore plus hypnotisant).

Au fait, je voudrais signaler au journaliste qui a trouvé ce spectacle « d’une puissante contemporanéité » qu’il se trouve probable-ment dans une faille spatio-temporelle et qu’il devrait essayer de revenir parmi nous le plus rapidement possible.

12

Dans une mise en scène déjantée ponctuée d’humour noir et de scènes à faire frémir les âmes sensibles, la compagnie flamande Needcompany nous raconte, au travers d’un spectacle musical, l’histoire d’une « communauté de villageois qui doit faire face à des évènements malheureux, venus de l’extérieur comme de l’intérieur. »

Est-il possible d’oublier des évènements douloureux autrement que par la désignation d’un coupable ? Et que faire lorsqu’à chaque horreur en succède une autre encore plus difficile à oublier ?

De mon côté, je trouve le spectacle entrainant. Pour commencer, les parties chantées et dansées sont plutôt bien faites. Bien qu’à la première chanson, le côté kitsch de la scène fasse un peu peur pour la suite, l’atrocité des évènements racontés vient rapidement contre-balancer ces passages que l’on aurait pu croire naïfs au début. La scène de viol, alternant suggestion et représentation partielle, mettra d’ailleurs les cœurs et les estomacs sensibles à l’épreuve. Il y a du rythme, des passages drôles, des passages durs et le tout est assez bien équilibré.

En revanche, en creusant un peu, on se demande si le message que tente de nous

faire passer la compagnie atteint sa cible. Et l’on se demande en fait, s’il y a un message ou des questions posées à l’intérieur du spectacle.

Parce qu’une fois que l’on s’est demandé si l’est possible de surmonter et d’oublier des évènements horribles autrement qu’en repro-duisant d’autres évènements, le spectacle ne raisonne pas plus longtemps dans le ventre ou dans la tête.

Entre les spectateurs qu’une scène de viol fait partir à la moitié du spectacle, ceux que l’alternance de chansons et de scènes tragi-ques réjouit et ceux qui ne comprennent pas où se trouve le message au milieu de toutes ces horreurs, il est difficile de trouver un point d’accord à la sortie du spectacle.

Ce qui est sûr, c’est que le spectacle en laisse peu indifférents.

Prochaines dates :les 12 et 13 novembre au Kaaitheater de Bruxelles.

Le Pouvoir des Folies théâtrales de

Jan Fabre

Avec Melissa Guerin, Kasper Vandenberghe,

Maria Dafneros, Piet Defrancq, Nelle Hens, Sven Jakir, Carlijn Koppelmans,

Georgios Kotsifakis, Dennis Makris, Lisa May, Giulia

Perelli, Gilles Polet, Pietro Quadrino, Merel Severs,

Nicolas Simeha

Place du Marché 76de et par Jan Lauwers

Needcompany

Avec Grace Ellen Barkey, Anneke Bonnema, Hans

Petter Dahl, Julien Faure, Yumiko Funaya, Benoît

Gob, Sung‐Im Her, Romy Louise Lauwers, Emmanuel Schwartz, Maarten Seghers,

Catherine Travelletti, Jan Lauwers & Elke Janssens

Festival(s) / Le IN / Le OFF / Théâtre des Doms

Rimini ProtokollUne compagnie aux oeuvres participatives, ancrées dans le territoire et engagées.

13 18 août 2013

Rimini Protokoll est une com-pagnie fondée par Helgard Haug, Stefan Kaegi et Daniel Wetzel et traitant des rapports entre la réalité et la fiction. La plupart de leur spectacles intègrent les spectateurs au cœur du dispositif ou mettent en scène des personnes dans leur propres rôles. Les œuvres de la compagnie sont d’ailleurs très difficiles à faire rentrer dans des cases. Théâtre, théâtre-documentaire, théâtre partici-patif, etc. Déjà, il y quelques années, Stefan Kaegi avait présenté, dans le cadre du Festival d’Avignon, Radio Muezzin, spectacle qui mettait en scène quatre muezzins du Caire nous racon-tant leurs métiers, leurs trajets quoti-diens, et nous faisant profiter de leurs chants religieux. C’était un spectacle fort et très intéressant.

Ici, ils reviennent avec deux spectacles qui brouillent encore plus les frontières : le premier étant sans comédiens, et le deuxième étant avec des comédiens qui n’en sont pas. Mais ce que j’adore avec Rimini Protokoll c’est que, lorsque l’on m’explique le principe du spectacle, je me demande à chaque fois en quoi cela est du théâtre. Et en ressortant du spectacle, je suis à chaque fois obligé de reconnaitre que c’est du théâtre. Ici, le dispositif est simple. Le spectacle se présente sous forme de déambulation dans la ville. Les specta-teurs forment un groupe de quarante personnes, chacune avec un casque sur la tête, et elles doivent suivre les directives que leur donne la voix dans le casque.

C’est en quelques sortes une visite de la ville telle que vous ne pourrez la voir autrement. Personnellement, j’ai vécu à Avignon jusqu’à mes 23 ans, et nous sommes passés par des rues où je n’étais jamais allé ou alors par des passages que seuls les avignonnais «pure souche» empruntent.

Partant du cimetière, en passant par l’université puis en traversant la ville pour finir à l’opéra. Durant cette promenade de deux heures, une voix électronique nous guide et nous fait exécuter des actions. Imaginez la réaction des passants lorsque quarante personnes disséminées sur une place s’accroupissent en même temps, imitent des jumelles avec leurs mains, impro-visent une manifestation au milieu des voitures ou se mettent à faire la course en pleine rue.

L’expérience est drôle, intelligente et unique.

Prochaines dates : Remote Bâle du 18 au 21 et du 25 au 28 septembre.

Imaginez un salon de commerce dans lequel des hommes et femmes d’affaires vous présentent l’activité qu’ils mènent à Lagos au Nigéria. Voilà, vous êtes dans la nouvelle création de Rimini Protokoll et ici plus que jamais, il est très difficile de dire en quoi c’est du théâtre.

Les spectateurs passent d’un stand à l’autre, du vendeur de chaussures vous montrant en quoi ses créations pour-raient très bien être portées par des occidentaux, au pasteur évangélique vous priant de reconnaitre le talent et l’esprit d’initiative qu’il y a en vous, en passant par une femme qui après avoir été victime d’une escroquerie et deve-nue membre du conseil nigérien contre les arnaques.Le plus étonnant est qu’à la fin, vous pouvez venir leur parler et acheter leurs produits, prendre leur carte et les contacter plus tard. Ce ne sont pas des comédiens.C’est déroutant et intéressant, comme toujours avec Rimini protokoll.

Remote Avignon Lagos Business Angels

La Compagnie

Ce qui est génial avec Nicolas Stemann, c’est qu’il se permet tout. Après un passage remarqué l’année dernière au Festival d’Avignon avec Les Contrats du Commerçant, il revient avec un pari encore plus fou : monter l’intégrale de Faust écrit par Goethe alors que les metteurs en scène s’arrêtent généralement à la première partie. C’est donc huit heures de spectacle dans lesquelles le public est embarqué pour le meilleur et pour le meilleur.

Afin que vous compreniez un peu mieux le personnage, je vais tout d’abord revenir sur le spectacle qu’il avait présenté l’année dernière, Les Contrats du commerçant. Une comédie économique est une pièce allemande écrite par Elfriede Jelinek. La pièce n’est jamais fixe et l’auteure elle-même la réécrit régulièrement en fonction de l’évolution de la crise économique.

Le texte est très riche, contient des références, des citations et n’est vrai-ment pas un texte facile, ni à entendre ni à mettre en scène. Ce que Nicolas Stemann avait décidé était d’en faire ce qu’il voulait. C’est accompagné de musiciens, de techniciens, de vidéastes, et du dramaturge que Nicolas Stemann réinventait le texte sous nos yeux interloqués, dans un grand foutoir musical et joyeux.

Pour être vivant, le théâtre de Nicolas Stemann est vivant, et même plus que cela. Il est libre, sans contrainte, ni pour les acteurs, ni pour les spectateurs puisqu’un bar équipé d’une télé retrans-

mettant la pièce était installé à l’extérieur de la salle et que les spectateurs étaient invités à sortir et revenir à leur guise durant les quatre heures de spectacle. D’ailleurs il n’y avait pas vraiment de temps défini, puisqu’un compte à rebours des pages lues était installé sur la scène, et que commençant à 100 le spectacle s’arrêtait lorsque nous attei-gnions 0.

C’est donc avec sa pratique libérée du théâtre qu’il s’attaque à l’intégrale du Faust de Goethe, qui n’est toujours que partiellement monté, tant il est réputé infaisable en entier.

Comme un des premiers soucis de Nicolas Stemann est de ne pas contrain-dre le public, les huit heures sont entrecoupées de trois pauses, ce qui ne fait en fait que six heures de théâtre.

Faust 1 est joué d’une seule traite en trois heures, avec trois comédiens qui se relayent en interprétant chacun l’ensem-ble des rôles. Alors dis comme cela, ça parait assez confus mais un petit écran qui surplombe la scène indique à chaque entrée ou sortie de personnage lesquels sont représentés sur scène. Ce principe est d’ailleurs maintenu tout au long du spectacle et permet une clarté simple et

efficace au milieu du foutoir que Nicolas Stemann adore. Cette première partie est impressionnante tant la simplicité et la sobriété de la scénographie suffisent à l’acteur pour tenir les spectateurs en haleine. C’est du théâtre tout ce qu’il y a de plus simple et de plus jouissif.

Le Faust 2 est quant à lui divisé en trois parties durant une heure à une heure et demi chacune. Et c’est ici que commen-cent les festivités. Le Faust 2 est l’occasion d’un déploiement de costu-mes, de peintures, de projections vidéo, d’accessoires loufoques, de trips visuels, le tout dans un jeu libre de toutes contraintes.

Bref, c’est un vent de fraicheur et de liberté qui traverse le théâtre durant près de huit heures. Le comédien interrompt sa tirade pour aller démarrer la musique de fond sur son ordinateur, les techni-ciens débarquent sur scène déguisés en fleurs et en chantant, une marionnette représentant grossièrement un fantôme est en fait l’esprit de Jean Vilar venu participer au spectacle, ou encore un vieillard s’incruste dans une scène pour nous parler de la post-post-post-dra-matique, et caetera, et caetera.

Et voilà comment faire d’un texte réputé indigeste, un spectacle de huit heures jouissif et se terminant par une «standing ovation» générale de près d’un quart d’heure, séduisant spectateurs aguerris comme spectateurs débutants.

FAUST 1 & 2 par Nicolas StemannL’Allemand déjanté Nicolas Stemann porte l’intégrale de FAUST à la scène

14

La critique

« Bref, c’est un vent de fraicheur et de liberté qui traverse le théâtre durant près de huit heures. »

Festival(s) / Le IN / Le OFF / Théâtre des Doms

Voici sûrement mon coup de cœur surprise du Festival d’Avignon. Le spectacle que je suis allé voir sans rien en attendre et dont je suis ressorti le plus enthousiaste.

La metteuse en scène est une Avignonnaise dont la compagnie Mises en scène est, depuis sa création en 1985, basée dans les quartiers dit sensibles de la ville. Ayant débuté son activité avec des ateliers d’improvisation et de paroles, la compagnie multiplie les interventions mêlant amateurs et professi-onnels, et dans des lieux les plus divers (bus, hôpitaux, jardins, marchés...).

La Parabole des papillons est le fruit d’un travail de quatre mois mené par Michèle Addala auprès des habitantes de la périphérie urbaine. Accompagnée de la poète Valérie Rouzeau et de l'écrivain Jean Cagnard, ils ont parlé et fait parler des habitantes sur la manière dont elles perçoivent leur situation de femmes et la manière dont elles le vivent.

Le spectacle débute par une scène de conversation entre femmes autour d’un thé. Elles sont entre elles, elles parlent librement, elles se rebellent contre leurs maris et les hommes qui les oppressent avec leurs

paroles. Et à force de discours, une voix masculine commence à protester dans le public, puis une deuxième et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’une dizaine d’hommes inter-viennent sur le plateau refusant d’être ainsi critiqués.

Ces hommes sont ceux du groupe de jeunes « steppeurs » qui pratique cet atelier avec Cheikh Sall au cours de l’année.Et d’un discours féministe sans contre-avis, on débouche sur une réelle confrontation des points de vue. Tout n’est pas dans un sens ni dans l’autre. Les avis sont toujours remis en question, mais surtout ce qui est dit est sincère. Le spectacle dans son entièreté transpire la sincérité et ça fait réellement du bien.

On sent la joie de pouvoir s’exprimer par le biais du théâtre, l’émotion que cela leur procure, et en sortant je disais « Ça c’est du théâtre!!! ». Et même si ça parait un peu démago et bien oui, c’est aussi à ça que sert le théâtre, à s’exprimer, à se libérer et à se faire plaisir. Et quand on sent ce plaisir d’être là sur la scène, on le partage immédiatement.

15

Voici un spectacle unique en son genre, qui ne pourrait pas exister ailleurs qu’à Avignon et qui ne sera d’ailleurs pas repris après. Le metteur en scène Jérôme Bel à l’habitude de mettre en scène des personnes dans leur propre rôle : de Véronique Dois-neau racontant sa carrière de ballerine du Ballet de l'Opéra de Paris, aux acteurs handicapés mentaux du Theater Hora basé à Zurich racontant leur expérience de la scène.

Cette fois-ci, il a décidé de mettre en scène les souvenirs des spectateurs du Festival d’Avignon. Pour cela il a, durant les deux derniers étés, reçu tous les spectateurs qui avaient un souvenir précis à raconter pendant un spectacle à la Cour d’Honneur du Palais des Papes, le lieu originel et mythique du Festival. Il en a ensuite sélectionné certains qu’il a mis en scène dans cette même Cour d’Honneur.

Le déroulement du spectacle est simple : les 14 spectateurs sont assis sur des chaises sur la scène de la Cour d‘Honneur, et ils se lèvent chacun leur tour pour raconter un ou plusieurs souvenirs qui les lient à ce lieu. Déjà les récits en eux-mêmes sont drôles et très émouvants.Mais là où le spectacle devient selon moi génial, c’est lorsqu’il recrée le souvenir. Par

exemple, le médecin Yves Léopold raconte qu’après une soirée horrible à réanimer tout le monde dans les gradins, la tirade d’Isabelle Huppert à la fin du spectacle était une de ses plus belles émotions. C’est alors que Isabelle Huppert apparait en conversation Skype (en direct) sur le mur du Palais des Papes pour nous refaire la tirade.Ou encore, un couple de Bruxellois nous raconte un spectacle horriblement ennuyeux durant lequel les spectateurs s'engueulaient entre eux, obligeant les comédiens à s’arrêter. Après leur histoire, un comédien présent sur scène ce même soir vient raconter l’histoire à sa manière. Etc. Etc.

À première lecture, ce spectacle peut apparaitre comme «réservé aux habitués» et il est vrai que l’on se plait à revoir ce que l’on avait vu il y a quelques années, ou à voir ce dont on a entendu parler pendant toutes ces années (comme l’alpiniste qui escalade le mur de la Cour d’Honneur).

Cependant, je pense que c’est avant tout un spectacle qui donne envie d’être spectateur avant de nous rappeler que l’on en est un. Et il est une belle démonstration de ce qui donne envie de retourner au Festival d’Avignon.

La Parabole des papillonsde Michèle Addala

Avec Ana Abril, Pascal Billon, Mardjane Chémirani, Mylène Richard, Cheikh Sall, Maria Simoglou et des habitant(e)s d'Avignon

Cour d’Honneur deJérôme Bel

Avec les spectateurs : Virginie Andreu, Elena Borghese, Vassia Chavaroche, Pascal Hamant, Daniel Le Beuan, Yves Leopold, Bernard Lescure, Adrien Mariani, Anna Mazzia, Jacqueline Micoud, Alix Nelva, Jérôme Piron, Monique Rivoli, Marie Zicari et les interprètes : Isabelle Huppert, Samuel Lefeuvre, Antoine Le Ménestrel, Agnès Sourdillon, Maciej Stuhr, Oscar Van Rompay

18 août 2013

Cette page est destinée à compléter les précédentes, à rectifier les oublis et à ouvrir sur le prochain Festival d’Avignon. N’allez pas croire, au vu des pages précédentes, que j’aime tout ou que tous les spectacles sont excellents. Non, c’est juste que sur 23 spectacles vus dans le In, j’ai choisi de sélectionner. La sélection que j’ai opéré est quelque peu arbitraire, ou du moins personnelle. En effet, elle ne contient pas les deux artistes associés de cette édition 2013. Elle ne contient aucun spectacle africain alors que cet édition intégrait pour une fois de nombreux artistes de ce continent. Et elle ne contient pas non plus les coups de gueule, les choses vraiment nulles. Rectifions tout cela.

Parlons d’abord des artistes associés. Ils sont là pour aider les co-directeurs à l’établissement de la programmation artistique, et créent eux-mêmes des spectacles, qui de fait, sont parmi les plus attendus. Cette année il y en avait deux : l’auteur, metteur en scène et comédien congolais Dieudonné Nian-gouna, et l’auteur, metteur en scène et comédien français Stanislas Nordey.

Avec Dieudonné Niangouna, le Festival s’est ouvert à l’Afrique, ce qui n’était pas le cas des précédentes éditions. Cela a permis à plusieurs compagnies afri-caines de venir, et à des compagnies européennes de centrer leur travail sur ce continent. L’artiste associé congolais a créé le spectacle Shéda, à la carrière de Boulbon, le second lieu mythique du Festival après la Cour d‘Honneur du Palais des papes. La première partie de

ce spectacle a correspondu pour moi à la découverte d’un grand metteur en scène. Les personnages et l’univers créés for-ment une mythologie contemporaine dynamique, triste et réjouissante. La seconde partie du spectacle était selon moi en trop, mais il est possible que les deux heures de pluie n’aient pas aidé à maintenir mon attention jusqu’au bout.Les spectacles Au-delà et Sans Doute, étaient également basés sur des textes de Dieudonné Niangouna et ce dont je suis sûr c’est que je l’adore en tant qu’auteur, et que sa manière de faire parler ses personnages me touche presque à chaque à fois.

Le second artiste associé pour cette 67ème édition Stanislas Nordey avait, lui décidé de monter Par les Villages de Peter Handke dans la Cour d‘Honneur du Palais des Papes. Pour s’attaquer à ce texte magnifique mais très difficile d’accès, le choix est clair : tout pour le texte. La scénographie se résume à des cabanes d’ouvriers en métal réparties sur la scène et pour le deuxième acte, ces mêmes modules retournés. Les dépla-cements des comédiens sont très limités et ils s’expriment la plupart du temps debouts, en devant de scène au centre et face au public. Face à ce parti pris quelque peu radical, soit vous passez les quatre heures les plus longues de votre vie, soit votre concentration est maximale et vous entendez un des plus beaux textes du vingtième siècle. J’ai personnellement pris la seconde option.

En dehors de cela, il y a les deux spectacles à l’issu desquels j’ai débattu

durant 30 minutes avec d’autres spec-tateurs à deux doigts de se battre. Le premier est ma palme du scandale de l’édition 2013 qui revient à l’artiste Pippo del Bono, qui pour ce spectacle ne mérite pas le nom d’artiste, et c’est à peine si ça mérite le nom de spectacle. En résumé, le plus gros foutage de gueule qu’il m’ait été donné de voir au In. Pas de travail, pas de considération du public, juste se reposer sur sa notoriété pour faire de la merde et qu’on vous dise bravo.Le deuxième est un très beau spectacle, celui de Roméo castellucci qui revient avec un spectacle lyrique très maitrisé, rempli d’émotions et comme d’habitude qui divise le public en deux à la sortie.

Pour finir deux déceptions. Le Kabaret Karrzawski de Krzysztof Warlikowski dont la deuxième partie est une adaptation théâtrale du film Short-bus avec le caractère subversif en moins, ce qui enlève le gros de son intérêt. Et King Size de Christoph Marthaler, qui m’a permis de me ret-rouver une fois de plus à deux, cons-ternés au milieu d’une salle hilare. Mais comme m’a répondu une spec-tatrice ayant adoré, «mais c’est subtile comme humour vous savez». C’est donc cela, c’était sûrement trop subtil pour moi.

Et c’est là la marque de fabrique des spectateurs du Festival d’Avignon, la franchise avant-tout. On peut se traiter d’imbécile si c’est pour parler théâtre. Et on aime ça.

Petit Bilan du festival InLes autres spectacles en bref, les artistes associés, les coups de gueules.

16

Les spectacles

Festival(s) / Le IN / Le OFF / Théâtre des Doms

Depuis 2003, Hortense Ar-chambault et Vincent Baudriller sont co-directeurs du Festival d’Avignon, et cette 67ème édition marque leur der-nière à la tête de cette institution. Ils l’auront donc dirigé durant deux man-dats et demi. En effet, le troisième man-dat de seulement deux ans leur avait été accordé afin qu’ils mènent à bien le projet d’une salle de répétition avant leur départ.

De ces deux directeurs, il en reste une volonté de confronter un public le plus large et divers possible à des oeuvres les plus radicales. Malgré des débats très agités et des critiques très vives sur leur programmation dès leur première édi-tion, le public n’a jamais déserté les gra-dins et le taux de remplissage des spectacles est cette année de 95% ce qui est énorme. Une des raisons de cette réussite est probablement le lien qu’ils ont tissé avec les spectateurs. Les conférences de presse publiques et les rencontres entre les équipes artistiques et le public existaient déjà, bien que leur fréquentation n’était peut-être pas aussi accentuée, mais leur force est d’avoir créé un lien fort avec les publics avi-gnonnais.

En effet, leur première mesure a été d’installer les bureaux administratifs du festival d’Avignon à Avignon. Cela peut paraître évident, mais jusqu’à leur arrivée, ça ne l’était pas du tout, car les bureaux avaient toujours été à Paris en dehors du mois de la période du Festival. En venant dans la région, ils ont permis aux avignonnais et aux habitants de la région de s’approprier le Festival. Chaque mois, le festival orga-nisait une rencontre durant laquelle un des artistes de la prochaine édition venait présenter son projet de spectacle, encore en cours d’élaboration. En plus de cela il y avait aussi les conférences de presse, la présentation du programme, un bilan du festival en septembre avec un échange entre directeurs et spectateurs. Tout cela a contribué à faire adhérer un public à une programmation qui ne suscite juste-ment jamais l’adhésion de tous, mais qui

permet d’échanger et de débattre à chaque fois. Pour finir, ils ont fait revenir un public jeune qui avait déserté le Festival depuis quelques années.

En regardant cette 67ème édition, on peut se dire que c’est une belle édition de départ. La FabricA, le nouveau lieu de création que les directeurs ont créé avant de passer le relais s’est ouvert. Et sur un spectacle à l’image du Festival : Faust, un texte difficile, un spectacle de huit heures mais une mise en scène qui embarque tout le monde dans l’histoire.

En regardant la programmation, on a aussi l’impression que cette dernière édition a été l’occasion pour eux de corriger des oublis ou des erreurs et de répondre aux critiques qu’on leur a régulièrement fait durant ces dix ans. Il y avait quasiment que des spectacles européens? Il n’y avait pas de jeunes du côté de la création artistique? Il n’y avait pas d’Avignonnais du côté des artistes? Il n’y avait pas de spectacle de rue?

Et bien en 2013 la programmation était axée sur l’Afrique, un metteur en scène de 26 ans était invité, le Festival s’est ouvert sur le spectacle de Michèle Addala dont la compagnie et le travail sont reconnus à Avignon depuis des années, et le spectacle Remote Avignon est une déambulation dans la ville.

Face à ces remarques, il y a les scep-tiques qui pensent que c’est trop facile de se rattraper la dernière année et qu’il aurait fallu le faire bien avant. Ou il y a les convaincus, qui trouvent que c’est bien de rectifier le tir tant qu’on le peut. À vous de voir.

En tout cas, la bilan public du 67ème Festival d’Avignon s’est terminé par une standing ovation de plusieurs minutes que Vincent Baudriller et Hortense Archambault ont dû eux-mêmes inter-rompre, la larme à l’oeil.

À partir du 1er septembre, le directeur du Festival d’Avignon sera l’auteur, metteur en scène, comédien et ancien directeur du théâtre de l’Odéon à Paris : Olivier Py.

«Mon dieu mais je dis déjà des choses sur le projet d’Avignon alors que j’avais promis que je me tairais jusqu’au mois de septembre.» Cette phrase a été prononcée par Olivier Py lors d’une interview réalisée le 26 juillet 2013 à Radio Campus Avignon à laquelle le Suricate magazine a participé et dont voici de petits extraits.

Ces prédécesseurs ont réussi à aug-menter la proportion de jeunes dans les publics jusqu’à 16% de moins de 15-24 ans, qu’en pense-t-il?«Je ne sais pas si je ferai mieux mais on ne peut pas se contenter de ces chiffres-là. (...) En 68 il y avait 60% de moins de 30 ans, aujourd’hui je pense que l’on arrive pas à 20. La démographie est différente, mais métisser socialement les salles et rajeunir les salles, ça va ensemble et c’est important. Et ça reste 70 ans après un très très grand combat. »

Donc dans la série des scoops obtenus, nous voulions savoir s’il comptait conserver le concept d’artiste-associé mis en place par les anciens co-directeurs. Olivier Py : «je voudrais que tous les artistes soient des artistes associés. J’ai envie d’un rapport plus démocratique avec les artistes qui seront invités. Il seront peut-être un petit moins nombreux mais ils joueront un peu plus longtemps.»Toujours en scoop, il a évoqué le fait qu’il ne ferait pas de spectacle dans la Cour d’Honneur pour cette première année. Et, pour finir dans les révélations, il y a la très probable présence de l’artiste Joël Pommerat. Ce grand habitué du Théâtre national de Bruxel-les, ayant beaucoup travaillé avec Olivier Py pourrait être à Avignon dès 2014. «Ce serait dommage que Joël ne revienne pas à Avignon sous ma mandature.» nous confie-t-il avant de rajouter «je lui ai déjà demandé».

(Suite) du petit Bilan du festival InParce que 2013 marque le changement de directeurs au Festival d’Avignon

17

Les Directeurs actuels

18 août 2013

Le prochain

Le Théâtre des DomsUn lieu 100% belge en plein coeur d’Avignon

Voici un lieu bien particulier d’Avignon : le Théâtre des Doms. Créé en 2002, ce lieu a pour but de pro-mouvoir la création contemporaine de Belgique francophone.

Principalement financé par la fédération Wallonie-Bruxelles, ce théâtre a pour mission de favoriser la diffusion des créations belges, et ce principalement en France.

Le plus gros de son activité a lieu chaque mois de juillet, durant le festival à Avignon. La programmation est effec-tuée en Belgique et a pour but de refléter le mieux possible, la création contem-poraine belge francophone des arts de la

scène. Du théâtre à la danse, en passant également par la musique et le cirque.

Durant le festival, son activité ne se limite d’ailleurs pas au lieu même du Théâtre des Doms, puisque l’association entretien plusieurs partenariats avec des lieux comme l’AJMI, les Hivernales ou encore Espace Saint Vincent de Paul / L’ilot Chapiteau, respectivement spécia-lisés dans la musique, la danse et le cirque. Durant ce festival 2013, chacun de ces trois lieux accueillait un spectacle en partenariat avec le théâtre des Doms.

Et pendant le festival, le Théâtre des Doms c’est aussi une cour intérieure où l’on peut manger, boire des bières belges

et se rafraîchir sous les brumisateurs autour de la fontaine. Et quand il fait près de 40° à l’ombre, c’est on ne peut plus précieux.

Mais l’association qui gère le théâtre ne limite pas son action au seul temps du festival. Le Théâtre des Doms est aussi un lieu de résidence pour les compa-gnies belges, qu’elles soient ou non programmées durant l’été. De plus, il programme des spectacles choisis en Belgique dans divers festivals de la région Provence-Alpes-Côtes-D’Azur tout au long de l’année.

18

Le Lieu

Les spectacles

Dans les 9 spectacles présentés cet été au Théâtre des Doms, c’est un presque carton plein que le Suricate magazine a opéré. Nous en avons en effet vu 7, sachant que le spectacle musical Antifreeze solution de la com-pagnie Tomassenko de Belgique avait déjà fait l’objet d’une critique de notre part et même plus que cela puisqu’il avait fait la couverture du magazine.

Quant au spectacle Vision de Pierre Megos, il se jouait à 11h du matin. Oui, je sais que ce n’est pas une excuse valable, mais pendant le festival ça l’est presque et dites-vous que j’en ai moi-même un peu honte.

Alors, pourquoi aller à Avignon si c’est pour aller dans des théâtres qui ne diffusent que des spectacles belges? me direz-vous. Eh bien, je vous répondrais que premièrement, c’est l’occasion de vous faire découvrir un lieu bien sympa-thique à la programmation tout aussi sympathique. Que deuxièmement, cela permet à la fois de rattraper notre retard sur les spectacles que l’on n’aurait pas pu voir cette année, et de prendre de l’avance sur ceux qui tourneront en Belgique durant l’année à venir, ou encore ceux qui combinent ces deux caractéristiques.

Pour cette édition 2013 au Théâtre des

Doms, il y a de la danse loufoque et intelligente, du cirque faussement raté mais vraiment taré, un spectacle scien-tifique mais pas trop, deux soirées d’anniversaires mais pas vraiment dans le même genre et de l’évasion pour petits et grands.

Sur ce, entrons dans le vif du sujet avec les critiques spectacle par spectacle.

Festival(s) / Le IN / Le OFF / Théâtre des Doms

Encore une fête d’anniversaire ! (Cf. ci-dessus) Sauf que pour celle-là, tout a été prévu. En effet, pour l’anniversaire d’Alice, Marie et Hervé lui ont réservé une surprise. Ils ont invité des gens (le public) et prévu un programme. La surprise, les moments de joie, les discussions sans intérêt, le repas, le gâteau, les jeux, les cadeaux, tout est prévu et minuté.

Au début du spectacle, Alice, Marie et Hervé viennent nous présenter le programme de la soirée minute par minute à l’aide d’une magnifique présentation power point.20h45 on boit l’apéritif - 20h50 l’excitation retombe, les gens discutent entre eux - 21h cadeau surprise - 21h05 discours - 21h15 on parle des projets d’avenir - et ainsi de suite.À la fin de la présentation, Alice part et la soirée commence. 20h30 on attend Alice.Quoi de plus horrible qu’une soirée où tout est prévu? Que peut-il se passer de plus alors que tout ce qui doit se passer est écrit? Comment ce qui prévu à 21h va bien pouvoir arriver? Ce sont les questions que l’on se pose au début de In Vitrine.

Le dispositif mis en place par ces trois acteurs est vraiment génial. À chaque nou-

velle partie du programme, un compte à rebours se met en route, et cela crée des choses très intéressantes. Lorsqu’ils doivent faire un jeu pendant 5 minutes, ils ne peuvent arrêter tant que la sonnerie de fin du jeu n’ait retenti, mais ils ne peuvent pas non plus regarder le chronomètre. De même quand ils mangent, quand ils discutent, etc. Le dispositif met donc les acteurs en difficultés (ou en fausse difficulté) mais c’est cela qui est intéressant. De plus, ce système de temps défini rend certaines scènes très drôles.

Cependant, le dispositif s'essouffle quelque peu au milieu du spectacle et il y a selon moi dix minutes un peu moles et qui n’étaient pas forcément nécessaires. Mais l’ennui fait partie des soirées où tout est prévu me rétorquerez-vous.

En tout cas, l’idée de départ et le dispositif qui en découle font toute l’originalité de In Vitrine, et malgré le petit bémol, c’est un spectacle réjouissant, drôle et un peu taré que nous offre le collectif Rien de spécial.

19

L’histoire est celle d’Ante. Il fête ses douze ans. Orphelin de sa mère, il vit avec son père, Josip. Cela fait douze ans que la maman est morte, et le papa vit une tristesse insurmontable. Ante développe une tristesse similaire. La relation fusionnelle père-fils qui en découle les empêche de se mettre en mouvement. Jela, amoureuse de Josip, Ljubica, la camarade d’école d’Ante, et la Voisine, sa grand-mère de substitution, tentent de leur faire prendre d’autres chemins relationnels.

Voilà l’état d’esprit des personnages au début de cette fête d’anniversaire. Tout se déroule bien. Les amis d’Ante sont présents, il a reçu beaucoup de cadeaux, son père discute avec Jela une jeune femme très attentionnée, et la voisine est comme toujours là pour super-viser et s’occuper des deux garçons de la maison.

Mais voilà, la tristesse qui submerge le père et le fils va à nouveau les empêcher de nouer des relations à l’extérieur de leur relation fusionnelle et parce qu’Ante ne supporte pas de voir son père parler à une autre femme.

Au-delà de cette histoire tout ce qu’il y a de plus banale, celle d’une famille tentant de se reconstruire après la mort de la mère, c’est

un très beau spectacle que nous offrent Jérôme Nayer et ses comédiens.

Le texte de Ivor Martinic, ne s’arrête pas à l’histoire racontée, il dissèque le relationnel en rendant toujours plus floue la frontière entre les acteurs et les personnages. Le texte intègre en effet les didascalies aux dialogues.Les personnages se parlent, se racontent et se mettent en scène. Et la scénographie, réduit à un échiquier sur le plateau, laisse au spectateur le soin de se faire ses propres images.

C’est un spectacle qui peut paraître un peu déroutant au début par le fait que narration et jeu se mélangent. Cependant, on se laisse très rapidement embarquer dans cette fête d’anniversaire que les sentiments vont venir chambouler.

Prochaines dates:10 et 11 octobre au Waux Hall (Nivelles) ; 15 et 19 octobre au Théâtre de la vie (Bruxelles) ; 22 octobre au centre culturel (La Louvière) ; 24 et 25 avril 2014 au centre culturel Les CHiroux (Liège)

In Vitrine

de et avecAlice Hubball, Marie Lecomte

et Hervé Piron

Création lumière Raphaël NöelCréation sonore

Maxime BodsonImage Zvonock

Travail chorégraphique Maria Clara Villa-Lobos

Ici s’écrit le titre de la pièce qui nous parle d’Ante

Mise en scène deJérôme Nayer

texte de Ivor Martinic traduction Emilie Lansman

Avec François Delcambre, Marion Hutereau, Aurore Latour, Juan Martinez et

Delphine Veggiotti

18 août 2013

(c) C

hloé

Hou

youx

Pila

r

«SMATCH : C’est un mot qui ne veut rien dire à priori mais qui pour moi prend tout son sens : c’est la contraction ou l’assemblage de deux verbes en anglais qui s’opposent.Smash : casser, briser, bousiller, défoncer, s’écraser.Match : correspondre à, s’accorder avec, (faire) correspondre, égaler, être assorti. C’est aussi une allumette !»

SMATCH [1] fait partie d’une série de trois spectacles, dont les deux premiers ont été respectivement créés en 2009 et 2011. Le troisième sera créé en décembre prochain à XX. Cette série a pour principe de porter à la scène des concepts et théories scientifiques et de les mettre en relation afin de soulever des thématiques particulières.

Dans celui-ci, «Les spectateurs croisent deux parcours: le premier est celui d'une cher-cheur/philosophe (Vinciane Despret) qui s'est essentiellement intéressée à la manière dont les scientifiques ou spécialistes étudient les animaux. Le second est celui d'un chercheur/physicien (Stéphane Douady) dont la tâche est d'étudier le chant des dunes».

La compagnie nous invite dans son labora-toire, le temps de traiter les questions soulevées par ces entretiens filmés.

Malgré mon emballement avant le spectacle, j’avoue avoir été très déçu par le résultat. Je trouve en effet que les vidéos des entretiens avec les chercheurs prennent énormément de place pour finalement peu d’action sur la scène. De même, le fait que «le spectateur reste plongé dans la fabrication artisanale d'un propos» est très superficiel et la scène n’apporte pas grand-chose. Les perfor-mances qui occupent l’espace sont selon moi anecdotiques ou faciles.

Les propos avancés sont très intéressants, mais le spectacle ne se laisse ni le temps de questionner réellement le sujet, ni les moyens de le rendre intelligible d’une autre façon que par le visionnage des entretiens. Mais com-me le concept de départ est très intéressant, nous nous invitons et vous invitons par la même occasion à retenter l'expérience avec le SMATCH [3] qui sera créé à Mons en décembre 2013 pour être ensuite présenté au KVS (Bruxelles) et au théâtre de Liège en janvier et février.

20

Suite à une injustice subie par l’un d’eux, trois enfants songent à quitter la cour de récréation et à se lancer sur les routes, à la découverte du monde. Voulant rejoindre l’Amérique pour y rejoindre la mère de Gus, ils vont être plongés dans un monde qu’ils ne connaissent pas, ou du moins pas de façon autonome. Leur amitié va alors être mise à l’épreuve, mais va aussi être leur seul point de repère et leur seul échappatoire face à leurs peurs et appréhensions.

« Ce jour-là, c’était la seule fois dans ma vie coupée en deux où j’avais l’impression d’être tout entier.Alors du coup, on ne peut pas dire que c’était trop grave.On peut même dire que ça valait le coup. »

Dans cette aventure, chacun des enfants nous raconte tour à tour la manière dont il a vécu son évasion, les raisons qui l’ont poussé à faire cette chose folle, la façon dont il voit les adultes, les enfants de son âge, et cetera.

À travers ces récits, le spectacle nous emmène dans l’imagination de ces enfants, dans leur évasion réelle et leur évasion fantasmée. La course poursuite sur le toit d’un train afin d’échapper au contrôleur ou encore les combats armés tel Robin des Bois

ou un ninja.

Le texte est simple, les acteurs sont justes dans leurs personnages. Le vocabulaire n’est ni trop soutenu, ni trop familier, il «fait» vraisemblable. Mais surtout, le texte ne prend pas trop de place, et de longs moments sont laissés à la musique, au mime, à la chorégraphie et à la vidéo. Autant de techniques différentes qui permettent d’illus-trer les différents points de vue, mais aussi les différents moments. Des moments d'excitation et de joie, aux moments de peur ou de dispute entre nos trois protagonistes.

Le spectacle nous parle d’injustice, d’amitié, du fait de grandir avec ses parents ou sans ses parents, du fait d’être exclu par certains et accepté par d’autres. Il nous parle de nombreuses thématiques essentielles dans la vie en société sans être à aucun moment moraliste ou cucul la praline.

Prochaines dates :- les 8 novembre 2013 au Centre Culturel Local de Momignies- les 25 et 26 mars 2014 au Centre Culturel de Sambreville «CRAC’S» (Auvelais)

SMATCH[1]Si Vous désespérez un

singe vous ferez exister un singe désespéré

Avec Messieurs Delmotte, Raoul Lhermitte, Dominique

Roodthooft et le chien Noisette.

Dramaturgie Vinciane Despret, Anne-Cécile

Vandalem, Mieke Verdin, Dominique Roodthooft

La Petite évasionde et par

Daniela Gnievro

Théâtre de la guimbardeAtelier de l’éphémère

Avec Laurent Denayer, Cachou Kirsch et

Olivier Prémel

Festival(s) / Le IN / Le OFF / Théâtre des Doms

«Pendant l’occupation allemande, deux trentenaires, démobilisés après la débâ-cle des dix-huit jours, se retrouvent régulièrement pour faire de l’escalade sur le rocher de Freyr. Le premier n’est pas nommé mais est le double presque avoué de l’écrivain ; le reflet de sa mémoire profonde. Le second s’appelle Stéphane. Une amitié aux limites d’un amour qui demeurera à jamais infor-mulé se tisse entre eux à la faveur de ces rencontres lumineuses en pleine nature.Stéphane s’engagera le premier dans la résistance et sera exécuté dans des circonstances atroces. Le narrateur voudra savoir et se lancera dans une enquête qui l’entraînera, dans les zones les plus obscures de son inconscient, à la rencontre de Shadow, un officier nazi.»

Combat avec l’ombre est une adaptation à la scène du roman Le Boulevard périphérique de Henry Bauchau. Le choix de ce texte est directement lié à l’histoire du metteur en scène Frédéric Dussenne comme il l’explique lui-même «L’action du Boulevard périphé-rique ne pourrait pas se dérouler à Glasgow ou à Marseille... Malines, Louvain – ville natale de ma grand-mère – Bruxelles – mon port d’attache - le rocher de Freyr où mon frère a tenté – vainement – de m’initier à l’alpinisme dans notre adolescence, font partie de ma géologie intime.»

Du roman, Frédéric Dussenne n’en a conservé que quelques scènes, ne recherchant pas une adaptation exhaus-tive. Ou pour reprendre ses mots « Dans

mon travail de metteur en scène je cherche à transmettre l’émotion qui m’a traversée à la lecture.»

Quant à la mise en scène, elle se place sous le signe de la sobriété. La scénographie se résume à un cadre de porte, une chaise, un cerceau posé au sol et un dispositif vidéo projetant en fond

de scène les images prises en direct. Aucunes couleurs vives ne sont présen-tes et seuls les corps sortent de l’obs-curité qui recouvre le plateau. L’en-semble de ces choix semble être la

résultante d’une volonté de mettre avant toutes choses le texte en avant.

De même, les acteurs effectuent peu de déplacements et ils incarnent leur personnages avec retenue, permettant alors au texte de nous parvenir de la manière la plus directe, sans interfé-rence.

Quant à la vidéo, elle appuie des expressions, nous amène au plus près des comédiens. Les cadrages effectués par le caméraman sont pour l’essentiel des gros plans sur les visages, filmés depuis le côté de la scène.

L’aspect statique et sobre du spectacle en rend l’accès quelque peu difficile, et il faut parfois s’accrocher un peu pour garder toute son attention, notamment au début du spectacle.

Cependant, lorsque le rythme s’est installé, et que l’on a réussi à y accorder le sien, la retenue dans le jeu des acteurs se transforme en tension, et l’on se retrouve embarqué dans l’intimité des personnages.

C’est en cela que je trouve que ce spectacle n’est pas forcément facile à apprécier. En revanche, si vous arrivez à vous laisser embarquer, c’est un très beau texte qui s’offrira à vous, et un spectacle chargé d’émotion qui ne vous laissera pas indifférent.

Combat avec l’ombre de Frédéric DussenneLe roman «Le Boulevard périphérique» de l’auteur belge Henry Bauchau est adapté à la

scène dans un spectacle pas toujours facile mais très beau.

21

La critique

18 août 2013

« Dans mon travail de metteur en scène je cherche à transmettre l’émotion qui m’a traversée à la lecture. »

L’un est fixe, perplexe, se regardant dans le miroir à la recherche d’une imperfection ou pensant y voir la perfection. Un autre, avec son grand manteau et ses cheveux frisés, prend soin de ses quilles et ses cannes comme s’ils étaient ses enfants. Pour lui une quille n’est pas égale à une autre, chacune a sa personnalité. Et il y en a un troisième, un peu à l’ouest, lunaire, moins fou que les deux autres peut-être mais moins avec nous. Son trapèze est sa maison et ça lui va.

Voilà trois personnages bien particuliers. Avec leurs névroses et leur qualités, comme tout le monde, mais ici particu-lièrement exacerbées. Et ces trois-là doivent cohabiter. On ne sait pas s’ils sont obligés mais c’est en tout cas ce qu’ils tentent de faire.Avons-nous à faire à trois amis de longue date? À trois personnes paumées qui se sont bien trouvées? À trois êtres ayant atterris là par hasard, ne sachant ni où ni pourquoi? Et d’ailleurs, attendent-ils quelque chose?

Chacun de son côté, avec sa lubie, ils vont finir par se croiser et chacune des personnalités va donner au contact de l’autre une nouvelle proposition.

Les trois circaciens qui sont sur scène, sont trois amis de longue date. Deux se connaissent depuis le lycée, à l’École Nationale de Cirque de Châtellerault. C’est en se rejoignant en 2004 à l’École Nationale de cirque de Montréal, qu’ils font la connaissance du troisième. Avec

une première petite compagnie fondée avec d’autres comparses de l’école, ils sont engagés par la troupe québécoise Les 7 Doigts de la Main pour créer le spectacle Psy qui les emmènera pour plusieurs saisons et sur plusieurs conti-nents.Après cette expérience, Naël Jammal, Guillaume Biron et Florent Lestage fondent la Compagnie Tête d’Enfant et créent leur premier spectacle Me, Myself and us.

Dans Me, Myself and us, le cirque émerge du chaos, et chacun amène son caractère en même temps que sa discipline.

Florent Lestage effectue une impres-sionnante phase de jonglage qui mé-lange des quilles et des cannes, rattra-pant les quilles avec les cannes et les re-séparant et ainsi de suite. Traitant ces

objets de manière individuelle et leur reprochant de tomber lorsque l’une d’entre elles tombe (accidentellement ou intentionnellement?).

Guillaume Biron se suspend au trapèze et en sort par un salto, puis il réitère cela jusqu’à épuisement.Naël Jammal s’exprime quant à lui en équilibre sur les mains à la croisée du cirque et de la danse contemporaine.

Ce spectacle se situe à la croisée des genres, entre cirque, performance et danse, à quoi se rajoute l’omniprésence et la diversité de la bande-son, contrôlée par les personnages sur scène. De Creedence Clearwater Rivival à Frédéric Chopin en passant par Quizas, quizas, quizas de Paco de Lucia.

Le bémol vient de l’imperfection des tours. Si une quille tombe, ce n’est pas grave, d’autant plus que l’erreur est justifiée par le caractère du personnage, mais il faut avouer qu’à répétition, c’est un peu dommage. Mais comme le disent les trois compères, «l’essence de la scène de la jonglerie est plus importante que la jonglerie elle-même»

Rien n’est caché et tout est sincère, et il est vrai que c’est justement cela qui fait la force de ce Me, Myself and us. C’est rempli d'énergie, d’émotion, de passion et ça fait un bien fou.

Me, myself and us de la cie Tête d’EnfantTrois jeunes hommes réuni par hasard vont tenter l’impossible : cohabiter.

22

La critique

Festival(s) / Le IN / Le OFF / Théâtre des Doms

[Weltanschauung] De l’alle-mand Welt (le monde) et Anschauung (l’idée, la vue, l’opinion, la représen-tation) : terme désignant la conception du monde que chacun peut avoir selon sa sensibilité particulière.

Clément Thirion débute le spectacle par le rappel d’une découverte scien-tifique. Cette découverte a eu pour objectif de comparer les silex bruts et ceux qui étaient polis de manière à en faire un « double face ». Après comparaison, les chercheurs en ont conclu que le silex brut était tout aussi tranchant que le silex poli. La question qui se pose alors est pourquoi s’embêter à tailler le silex. Pour la démonstration du savoir-faire ? Pour des raisons esthétiques ? Pour la postérité ?

Affublés de lycra et de moonboots en fourrures, ces deux énergumènes nous embarquent dans leurs délires sans aucune difficulté au travers de ce spectacle composé de plusieurs scènes aussi décalées les unes que les autres. Dans une scène, un homme et une femme préhistoriques qui tentent de faire comprendre à l’autre leur inten-tion de dessiner sur le mur et qui, sans le faire vraiment exprès, créent le langage chorégraphique. Dans une autre, ils inventent la chorégraphie de fin du monde à partir de Klaus Nomi.

Sous ses airs de blague, ce spectacle se

révèle très intelligent et humble. Cet enchaînement de scènes courtes, jouées et dansées par ces deux comédiens totalement loufoques, fai-sant comme si elles n’étaient pas vraiment terminées. Les liens entre les différentes scènes sont bien plus intelligents qu’évidents, même s’il n’hésite pas à casser eux-mêmes leur structure dans cette fausse non-assurance qui les caractérise.

Par de nombreux aspects, [Weltan-schauung] fait songer à Germinal (voir p.11). Ce qui n’est pas très étonnant puisque les deux spectacles sont en

autres coproduits par L’L (Lieu de recherche et d’accompagnement pour la jeune création de Bruxelles).

L’un comme l’autre, ces deux specta-cles posent la question de la création et de la communication, de comment la communication est nécessaire à la création de concept et d’objets artis-tiques et comment le besoin de création est lié avec le besoin de communication. De plus, ils s’inscri-vent tous deux dans une remise en question de l’espace scénique, et par-dessus tout, ils sont tous deux de grands moments de divertissements et un grand bol d’air frais dans un monde artistique qui sent parfois un peu trop le renfermé.

[Weltanschauung] est donc un spec-tacle à voir absolument, et puisqu’il passe en septembre à Bruxelles, je ne vois pas pourquoi vous vous en priveriez.

Prochaines dates :du 12 au 14 septembre 2013 à l’Atelier 210 (Bruxelles).

[Weltanschauung] de Clément Thirion

23

La critique

18 août 2013

« Si la Belgique était un corps humain,Charleroi en serait le poumon,un poumon noirci par la fumée. »

Dans ce spectacle mélangeant slam, musiques électroniques et vidéo, ce sont les habitants de Charleroi qui sont Nés Poumon noir. Cependant, le slameur Mochelan n’en fait pas une maladie ; il en fait une particularité et une fierté.

À la musique, on y trouve Rémon Jr, qui nous offre une composition et une interprétation musicales assez impres-sionnantes, alternant et combinant piano, harmonica et console électronique, le tout dans une décontraction déconcer-tante.Pour que les amateurs de ce genre de musique puissent se faire une petite idée du rendu musical, suivant les morceaux, on peut comparer les instrus à celles d’Abd Al Malik, d’Hocus Pocus ou encore La Rumeur. Des sons mécaniques du monde ouvrier, des passages à l’harmonica teintés d’Ennio Morricone, des morceaux pure-ment électro ou encore des accom-pagnements au piano, c’est tout cela qui fait de Rémon Jr un musicien polyvalent aux choix toujours judicieux.

« Moi j’ai six mille bonnes raisons d’aimer ma ville, tout d’abord y a ma maison, un cordon, mon nombril. »

Du côté de Mochelan, il parle de lui, de sa ville et son histoire, des ouvriers, des filles, de l’école, etc. Il parle de toutes les choses qui font ce qu’il est maintenant. Le flow et les lyrics sont vraiment bons

mais on regrette un ou deux textes qui sont assez en-dessous des autres. Quand à Notre ville et Résignation, elles s’écoutent en boucle sans aucun pro-blème.Les deux comparses sont mis en scène avec justesse. Ils se répondent, se disputent, ne se comprennent pas, sont complices, se complètent. Chacun a sa personnalité et joue le jeu de l’histoire, et bien qu’ils ne soient pas comédiens, le tout est bien balancé.

L’ambiance est très bien construite. La machine à fumée, loin d’un simple accessoire, est le moyen permettant aux deux amis carolos de prendre réguliè-rement une bonne bouffée d’air leur

rappelant les cheminées de leur ville de naissance. Le dispositif vidéo est éga-lement très intéressant, avec trois moniteurs qui tantôt se complètent, tantôt s’opposent. Rien dans la mise en scène et la scénographie n’est anecdo-tique, tout est justifié.

Et que ceux que le mot slam rebute n’aient pas peur et osent aller au spectacle, car Nés Poumon noir va au-delà du simple concert de slam.Et comme l’a dit une dame d’à peu près soixante ans à son ami, à la sortie du spectacle : « Je sors de Nés Poumon Noir, le truc belge avec du slam. Attends, (dit-elle face à la mine réprobatrice de son ami) c’est du slam, mais franchement, c’est vraiment bien».

Textes et interprétation Mochélan Musique Rémon JrMise en scène Jean-Michel Van den EeydenCréation vidéo Dirty Monitor & Productions NécessairesGraphisme Juliette DelpechDramaturgie Olivier Hespel / Assistanat à la mise en scène Camille HussonCréation lumières Virginie Strub Régie générale et vidéo Christian FrançoisRégie son Steve Dujacquier.

Prochaines dates :- du 11 au 14 février 2014 à l’Eden (Charleroi)- du 18 au 22 février 2014 au Théâtre National (Bruxelles)- le 30 avril 2014 à la Maison de la Culture de Tournai

Nés Poumon Noir de Mochelan et Rémon JrQuand le slam nous raconte ce que c’est d’être carolo, enfin, carolorégien.

24

La critique

Festival(s) / Le IN / Le OFF / Théâtre des Doms

© Juliette Delpech

Cette année, ils sont environ vingt-cinq de l'émission On ne demande qu'à en rire (ONDAR) à présenter un spectacle à Avignon, mais celle qui nous intéresse est bien sûr Zidani.Dans La rentrée d’Arlette, Zidani nous raconte l’histoire d’une école en Belgique. De la prof dépressive se shootant au tube de colle en plein milieu du cours à la mise en place de la chorégraphie pour la fête de l’école, on rigole, on participe et on se retrouve même à regretter nos professeurs les plus excentriques et les plus tyran-niques.

Pour sa tournée en France, l’humoriste belge a préparé un spectacle spécial :« Vas-t-en savoir, c’était un spectacle sur l’enseignement et la suite c’est La rentrée d’Arlette, parce qu’à la fin de Vas-t’en savoir, la directrice prend sa retraite et Arlette reprend l’école. Et alors ici en France, en fait, on a fait un mix entre les deux spectacles. On a pris la structure de La Rentrée d’Arlette avec pour personnage principal Arlette Davidson, mais c’est un mélange de sketchs des deux spectacles. Pour la France, il y avait des sketchs qui étaient trop belges, par exemple la Wallonne et la prof de flamand, je ne les mets pas en France parce qu’ils ne vont pas comprendre. »

Comment tu es arrivée au ONDAR ?« Je devais jouer dans une salle parisienne, et le directeur du théâtre n’a pas tenu sa parole et donc je me suis retrouvée avec beaucoup de temps libre dans mon agenda, fatalement. Comme j’avais déjà été approchée par On ne demande qu’à en rire, je me suis dit que j’allais profiter de ce

temps pour le faire. Parce qu’il faut vraiment avoir du temps : ça prend la tête, c’est quelque chose de très difficile, l’exercice est périlleux et le trac bouffe beaucoup aussi dans la créativité »« C’était difficile, mais ça nous a donné à tous un grand coup d'accélérateur, je pense qu’en faisant ONDAR on a tous gagné certainement dix ans. Cela donne à l’artiste une base de public pour démarrer. »Cela t’a apporté beaucoup plus de public en France et en Belgique ?« Cela m’a fait connaitre en France. En Belgique, j’avais déjà de toute façon mon public à Bruxelles mais ça m’a permis de me faire connaitre d’un public beaucoup plus large parce qu’il faut dire que les médias belges n’ont parfois pas assez confiance en leurs artistes, et je ne suis pas la moins bien servie. Et malheureusement, c’est souvent un passage par Paris qui leur donne confiance. »

Alors c’est ton premier festival à Avignon ?« Oui, premier festival d’Avignon. J’avais déjà fait un festival il y a longtemps au Canada, j’avais fait des festivals de rue. En fait la rue ne me dérange pas, j’adore être avec les gens, discuter avec eux, mais ce qui est difficile c’est la chaleur. »Et bien-entendu, le spectacle s’inspire de son vécu :« Je suis devenu prof de religion protes-tante par hasard, un remplacement de deux mois qui a finalement duré dix ans. Je pense que les profs se retrouvent dans le spectacle, parce que c’est aussi ma marque de fabrique, le réalisme. J’aime vraiment copier jusque dans les moindres détails. Et donc je pense que ça leur parle, parce qu’à

un moment donné dans un certain désespoir, les profs finissent vraiment par péter un câble. »

Ce qui marque et qui enchante aussi dans La Rentrée d’Arlette, c’est le jeu per-manent avec le public, qui devient de plus en fort en avançant dans le spectacle.« C’est un spectacle très interactif, c’est le principe du truc parce que comme c’est l’école, c’est bien que le public se retrouve comme élève. En fait, dans toutes les écoles, il y a toujours une fête de fin d’année, toujours un petit moment assez important qui est aussi une surface d’aération pour beaucoup de professeurs et donc la fête de fin d’année finit toujours un peu comme ça. Et c’est justement ce que cela rappelle de finir le spectacle par ce truc un peu ouf, et puis moi j’aime bien, je trouve ça gai. Les gens sont contents. Mais si je vois dans le public qu’il y a une personne ou deux qui ne le fait pas, je n’insiste pas. »

Donc que ceux qui ne sont pas enclins à la participation se rassurent, vous ne serez forcés de rien. Et de toute façon, vous verrez que c’est une participation conta-gieuse et que même les plus réfractaires à ce genre de pratiques s'étonneront eux-mêmes d’être embarqués avec les autres dans le tourbillon Zidani.

Prochaine dates :- le 26 septembre 2013 au Centre Culturel de Berchem/Bruxelles- le 7 novembre 2013 à NivellesEt aussi «C’est la fête» au Cirque Royal de Bruxelles le 16 novembre 2013.

La Rentrée d’ArlettePour son premier festival d’Avignon, une Interview au soleil avec l’humoriste Zidani

25

La critique

18 août 2013

Hamlet, personnage shakespearien, est prince du royaume du Danemark. Son père, le roi du Danemark, est mort récem-ment, et c’est Claudius, le frère de ce dernier qui a pris sa place. Le spectre du roi décédé est apparu à Hamlet, l’informant que Clau-dius est son meurtrier et qu’il doit le venger.

Hamlet est dans sa chambre, à se morfondre et à accuser la fatalité. Il attend que les évènements se déroulent tout en sachant pertinemment que sa mère boira du vin empoisonné, qu’il tuera son oncle mais sera lui-même tué par Laërte qu’il tuera en retour, qu’Ophélie mourra noyée et que ses deux amis seront exécutés. Mais il attend.

C’est à ce moment-là qu’un personnage entre dans sa vie, et lui fait prendre conscience qu’il n’est pas normal de mourir plus d’une centaine de milliers de fois et qu’il n’est qu’un personnage de livre dont le destin est écrit par un certain Shakespeare. Hamlet décide alors de partir à l’aventure, pour essayer de réécrire son histoire afin de stopper cette tragédie et de ne plus mourir.

Mais la volonté ne suffit pas toujours, et la force de l’écriture amène les autres person-

nages de son histoire à accomplir coûte que coûte leur destin, le forçant à voyager là où il n’aurait jamais pensé mettre les pieds.

Comme vous pouvez le constater, le texte de Charlotte Rondelez tente de chambouler les codes, et sa mise en scène appuie d’une belle manière cette idée.

Certains passages sont d’un comique impla-cable comme la scène où les membres de l’entourage d’Hamlet essayent de mourir coute que coute pour respecter le cours de l’écriture malgré un discours leur demandant d’arrêter cette tragédie stupide.

Un plateau tournant, des bruitages à la bouche et une bande son pour nous faire imaginer le reste. La mise en scène est avant tout basée sur le mouvement et le jeu des acteurs, sans décors superflus. Les acteurs sont très bons avec un fort potentiel comique.C’est drôle sans être hilarant, mais on passe un très bon moment.

C’est un spectacle divertissant, au texte intelligent, et aux répliques et références bien placées et drôles.

26

Trois suédois débarquent en France pour rendre leur hommage à la « chonson » française. NTM, Jean-Jacques Goldman, Barbara, la Compagnie créole, tous les genres passent à la moulinette de ce trio pour le moins excentrique. Seulement, le choix des styles et le goût des blagues laissent à désirer ou ne sont en tout cas pas adaptés à mon sens de l’humour.Le problème de ce spectacle vient de l’écriture. En effet, les acteurs sont plutôt très bons et ont un sens du comique évident. Les trois caractères sont aussi complémentaires qu’antithétiques et de ce point de vue là, ça fonctionne très bien.

En revanche, les reprises ne brillent pas par leur originalité. La reprise de standards de la chanson française changeant le style musical est en fait une chose répandue depuis quelques années. Si vous voulez vous pen-cher sur la question je vous recommande les groupes Francis et ses peintres (Philippe katerine) ou encore Didier Super et sa Discomobile.

Pour ne prendre qu’un exemple : la reprise de L’Aigle Noir de Barbara. Cette chanson, vous le savez peut-être, raconte par la métaphore de l’aigle noir, le viol qu’a commis son oncle sur elle lorsqu’elle était

enfant. Le trio en fait une prise façon chanson pour enfant, avec les costumes d’arbres et tout le toutim. Si nos trois suédois en étaient restés là, la blague aurait presque été subtile. Au bout d’une minute, Glar entre en scène dans un costume d’aigle plutôt ridicule et rudimentaire, en exécutant un mime tout aussi ridicule et drôle. Seulement, puisque la subtilité n’est pas leur crédo, l’aigle, à partir de la deuxième minute de la chanson, essaie de prendre le guitariste et la chanteuse par derrière. Oui, oui, Glar mime un aigle sodomite, transformant ainsi la belle et morbide métaphore de Barbara en une blague vulgaire et gratuite.

Quand on se retrouve de marbre au milieu d’une salle hilare, on se dit que l’on est peut-être passé à côté de quelque chose. Je pense personnellement que je ne fais pas partie du public cible. Je vous conseille cependant d’aller vous-même faire un tour sur www.blondandblondandblond.com et peut-être que vous aimerez.

Je pense aussi que le problème vient du fait que je suis un grand passionné de variété française, et j’adore m’en moquer mais pour mieux lui dire que je l’aime, et non pas pour l‘insulter.

To be Hamlet or not

de et par Charlotte Rondelez

Avec Paul Canel, Pauline Devinat, Céline Esperin,

Julien Le Provost, Harold Savary

Homaj à la chonson française

de Blond & Blond & Blond

Collaboration artistiqueMathieu Boulet

Festival(s) / Le IN / Le OFF / Théâtre des Doms

Il était une fois un marquis. Mais ce marquis, avant de l’être, était tout autre chose. Il était le Petit Poucet. Seulement, il est le seul à ne plus se rappeler de son histoire. Les valets et l’entourage du marquis décident de lui rafraîchir la mémoire. Aidés de leurs instruments de musique, ils vont revivre ensemble l’histoire du Poucet.

Voici un Petit Poucet dépoussiéré par la compagnie de l’Eternel été. Accordéon, guitares et chant redynamisent le conte pour faire bouger les petits comme les grands. Les chansons sont entrainantes et je peux vous assurer que l’une d’elles vous restera dans la tête longtemps après le spectacle.

Dans ce Petit Poucet là, les parents ne sont pas des monstres. Enfin, bien-sûr, ils abandonnent leurs enfants dans la forêt afin qu’ils soient mangés par des bêtes sauvages et autres créatures imaginaires. Mais s’ils les abandonnent, c’est parce qu’ils n’ont pas les moyens de subvenir aux besoins de la famille au complet. Cela n’est pas fait de bon cœur.

Et là, vous vous dites que ça chante, que ça raconte un conte et que ça n’est pas pour vous mais pour les enfants. Erreur.

Des dialogues aux mimiques des person-nages en passant par les gags, l’ensemble du spectacle s’adresse tantôt aux adultes, tantôt aux enfants, tantôt aux jeunes.

Et si tout le monde ne comprend pas toujours l’intérêt de tout, tout le monde y trouve son compte, et l’on comprend que ce spectacle ait fait salle comble à de nombreuses reprises durant le festival et avec un public d’âges très différents selon les représentations.

En plus, les comédiens se font plaisir sur scène et cela se sent à l’arrivée. On sort de la salle après un applaudissement énergique et le sourire jusqu’aux oreilles.

28

Manuel Pratt fait partie des habitués du festival. Il est connu d’un certain public mais totalement inconnu pour les autres. Il faut dire que contrairement à tout le monde, il n’a pas d’affiche, pas de tract, il mise tout sur le bouche à oreille et sur ceux qui le connaissent.

Cet habitué du festival n’a que des bonnes habitudes. Tout comme l’année dernière, il présente en 2013 quatre spectacles dont deux créations originales. Deux le matin en alternance jour pair/ jour impair et deux le soir sur le même principe. Tout comme l’année dernière, l’entrée de chacun des quatre spectacles est gratuite, et vous versez la somme que vous voulez dans un chapeau en sortant.

Manuel Pratt est un humoriste français dont vous pourrez difficilement entendre parler dans les grands médias. Son humour, trop corrosif pour l’autocensure qu’appliquent les médias de nos jours, il a par exemple été banni de Rire et Chanson mais ne met plus les pieds à la télé ou la radio non-plus.

Il est réellement ce que je considère comme un artiste engagé. Dans chaque spectacle, il se plait à aborder des sujets dont tout le monde a peur. Mais il le fait de manière

intelligente, à l’issu de nombreuses recher-ches, de lectures et d’entretiens.

Dans le spectacle Les Volets Clos, il aborde le sujet de la prostitution. Il se fait conteur d’histoire pour nous transmettre les fruits de sa documentation. Il nous conte l’histoire d’une fille, débarquant de sa Bretagne natale, pour s'installer à Paris et y rejoindre une amie.

Seulement, son amie ne l’a pas prévenu de la nature de son travail. La jeune fille se retrouve sans le savoir dans une maison-close et va être contrainte de devenir prostituée.

Son incarnation du tenancier est glaçante. Il nous fait rire, et aborde juste après une scène de viol, sans la raconter mais juste en suggérant le début.

La prostitution est montrée sous un visage que l’on voit rarement, mais Manuel Pratt le fait toujours de manière neutre, il ne fait que conter, il ne juge pas. De plus, il ne condamne pas «ce mal nécessaire» mais bien ceux qui en profitent sur le dos des filles forcées à le faire.

Il était une fois... Le Petit Poucet

Mise en scèneEmmanuel Besnault

Cie L’éternel étéAvec Johanna Bonnet, Benoît Gruel, Lou de Laâge, Schemci Lauth, Maïa Liaudois, François

Santucci, Manuel Le Velly

texte Gérard Gélas

Les Volets Closécrit, joué et mis en scène

par Manuel Pratt

Compagnie Manuel Pratt

Chargée de communicationValérie Duburc

RégisseuseAudrey Anselm

Festival(s) / Le IN / Le OFF / Théâtre des Doms

AFAG ThéâtreUne compagnie de capes et d’épées créative et engagée

Avec Jean-Baptiste Guintrand, Grégory Bron, Benjamin Dubayle, Charlotte Rondelez,Vincent Dubos, Virginie Rodriguez, Philippe Ivancic, Serge Balu

29

La Compagnie

18 août 2013

L’AfAg Théâtre (Au Fond À Gauche) a été fondée par Bernard Martin, professeur au département théâtre de l’université Paris 8 lors-que les différents individus qui composent la compagnie se sont rencontrés.

Après une première tentative avec L’Épidémie d’Octave Mirbeau, ils se lancent dans leur première création originale, écrite par Gre-gory Bron, auteur principal de la compagnie et notamment des deux spectacles que nous présentons dans cette page.

En réécrivant des histoires connues de tous ou faisant en tout cas partie de la culture populaire, l’AfAg théâtre prend du théâtre son pouvoir de rébellion pour monter et démon-ter les carcans de notre société. Dans deux spectacles écrits, ils combattent le sexisme et le couple tels qu’on nous les impose avec La Botte secrète de Dom Juan et taillent les pouvoirs sécuritaires avec D’Artagnan Hors-la-loi. Voilà une compagnie qui n’a ni les épées et ni les langues dans les poches.

Pour l’AfAg, reprendre Dom Juan est l’occasion de mettre fin aux croyances sur le couple. Celles que l’on nous vend comme innées mais qui ne sont qu’acquises, et contre les amalgames que nous faisons quand il s’agit d’amour.

Le dialogue durant lequel Léonard et Florence se querellent sur le thème de la fidélité est un petit joyau. Florence y demande à Léo-nard de lui être fidèle et donc de n’aimer qu’elle, ce à quoi il répond : « Je crois qu'vous confondez et ce dont vous parlez c'est l'exclusivité, je ne la puis souffrir car elle empêche l'autre’ de prendre du plaisir et je ne pourrais pas donner le nom d'ami à qui n'est pas content lorsque moi je le suis. »

Et bien que ce spectacle soit en tous points utiles dans un débat sur le féminisme ou une querelle avec votre moitié, ne croyez pas qu’il soit moraliste et ennuyeux. Il pose des questions, met le doigt où il faut mais avec toujours plein d’humour et d’autodérision, et sans jamais s’enfermer dans l’espace de la scène.

Entre les combats à l’épée plutôt impressionnants et le comique omniprésent, on ne s’ennuie pas une seule seconde. Courez-y donc, c’est un sans-faute pour petits et grands, et même les autres.

On prend les mêmes et on recom-mence, et c’est toujours aussi bon. Cette fois-ci ils sont huit et jouent une vingtaine de personnages. Les affrontements entre les mousque-taires et les hommes de Richelieu sont impressionnants tellement le passage d’un camp à l’autre est fluide et la compréhension des changements de personnages facile.

Le thème de ce spectacle est la nuance entre loi et justice. « La loi n’est pas la justice quand elle ne fait qu’armer le bras des puissants, la loi n’est pas l’honneur quand elle appelle la délation...» nous dit l’auteur. La désobéissance n’est-elle pas, suivant le contexte, la bonne voie à prendre?

Encore une fois, l’humour n’est pas en reste, et pour ne raconter que le début, après avoir fouillé les spec-tateurs à l’entrée des gradins, le vigile demande à d’Artagnan de lui montrer à son tour le contenu de son sac.

Dom Juan D’Artagnan