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« Adolescent, je trempais deux doigts dans le bénitier dressé à l’entrée de la nef dans l’espoir tout calculé de les tendre à la jeune fille de mon choix… » /page 4 JOURNAL DES BAINS L’eau d’ici, l’eau delà /pages 2-17 Carte blanche à Gérard Pétremand /pages 10-11 L’eau du bain /page 21 #cecicestpasmoi /pages 28-29 Le journal de l’AUBP · Association d’usagers des Bains des Pâquis · www.bainsdespaquis.ch numéro 13 · été 2015

L'EAU DELÀ

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«Adolescent, je trempais deux doigts dans le bénitier dressé à l’entrée de la nefdans l’espoir tout calculé de les tendre à la jeune fille de mon choix…» /page 4

JOURNAL DES BAINS

L’eau d’ici, l’eau delà/pages 2-17

Carte blancheà Gérard Pétremand/pages 10-11

L’eau du bain/page 21

#cecicestpasmoi/pages 28-29

Le journal de l’AUBP · Association d’usagers des Bains des Pâquis · www.bainsdespaquis.ch numéro 13 · été 2015

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Journal des Bains 13 · été 2015

ÉDITO

L’eau d’ici,l’eau delà

Faut-il conjurer le sort par noscroyances, nos infidélités ou nosdoutes? Ce treizième numérodu Journal des Bains se prêtaitbien à cet exercice. Chiffre de

chance pour certains, chiffre de malheurpour d’autres. Nous sommes là, d’un côtéde la berge comme de l’autre, dans le flotirrationnel de nos pensées, quand bienmême d’aucuns semblent maîtriser, audébotté de toute discussion, le courantd’une inexpugnable raison.

L’eau est tout. Et partout. Source etsens de vie, accompagnatrice de la mortaussi. On le sait depuis longtemps. Sansdoute est-ce pourquoi chacun se l’appro-prie, quels que soient ses croyances ouson athéisme.

On le devinera donc, entre eau sacréeet eau profane le débat est vif, aussi longqu’un fleuve de sable, avec ses méandres,ses platitudes, ses cataractes et ses mou-vements d’humeur. Jusqu’au delta quinous réunit tous dans le vaste inconnu desocéans, fussent-ils atlantique, pacifiqueou lémanique.

L’eau, entre deux rivages, coule sansnul doute moins inquiète que les hommeset avec moins d’interrogations. Sanscroyances ni craintes, sans pensées ni terreurs, sans tous ces questionnementspropres à notre condition et qui ne sont,finalement, que le reflet de notre incom-préhension du monde.

Sous l’incapacité à répondre et l’im-punité que nous nous octroyons se cachel’acceptation simple qu’il n’y a pas deréponses toute faites. C’est à chacun denous de chercher, au fond de nous-mêmes,dans le cours qui nous traverse, le lit oùnous coucher. Tout comme l’eau saitautant s’adapter que créer les paysagesqu’elle habite.

Peut-être chacun trouvera-t-il à tou-cher, entre les lignes de ce numéro, d’undoigt plus long que celui de Dieu, le sensdu sacré qui coule en lui, aussi profanesoit-il.

La rédaction

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Comme un poisson dans l’eauWie ein Fisch im WasserCome un pesce nell’acquaComo pez en el aguaLike a fish in water

Nager entre deux eauxNuotare tra due acqueNadar entre dos aguasTo swim between two waters

� Zwischen zwei Stühlen sitzen

Une tempête dans un verre d’eauSturm im WasserglasEen storm in een glas waterUna tormenta en un vaso de agua

� A tempest in a teapot Plouf !Pluf !¡Plof !

� Platsch! Plumps!

� Splash!

Mettre de l’eau dans son vinVinum aqua miscereWater in de wijn doen

� Segurar sua onda� To eat humble pie

Un soleil de plombGleißende SonneBlazing sunUn sole che spacca le pietre

� Sol de justicia

GlouglouGlugluGlug-glugGloglóGluck Gluck

Dessins Guy Mérat

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3Journal des Bains 13 · été 2015 L’EAU D’ICI, L’EAU DELÀ

TEXTE ET ILLUSTRATIONPHILIPPE CONSTANTIN

Je garde mes bêtes serrées près de moien une petite crèche chaude et ré -confortante, une étable microscopiquesur le pont d’un bateau en déshé-rence où je m’invente d’improbables

et singuliers animaux. Panthères mouchetéesde taches bleues des sépulcres de Tarquinia,fauvettes à la queue de tigre et aux oreilles de fennec, souris au bec fauve et aux pattes de buse pour mieux s’appuyer sur l’ordre dumonde à venir.

Noé, mon ami, que fais-tu encore là? Jet’ai couché avec ta femme, tes enfants et tespetits-enfants dans le lit de l’ivresse au creuxde la paille humide en fond de cale. L’eau quiruisselle de partout n’est pas bénite. Elle en -combre la gorge et les poumons, suffoque lesâmes qui lèvent un bras de détresse au-dessusdes flots et disparaissent brutalement sous lasurface de toute chose.

Miroir de la vie. Il faut replanter chaqueespèce, faire pousser veaux, vaches et cochons,cueillir dans les champs et sur les arbres lesagneaux et les poules, jeter au vent les se -mences d’où bourgeonneront à nouveau lespapillons, les gazelles et les mésanges bleues.II faut redonner vie aux agrumes, aux oliviers,

à la vigne, à la terre. Il faut libérer de la grainele blé et le seigle, le mil et l’épeautre, ouvrir lesportes aux fleurs et aux buissons, aux sourireset à l’amour.

Nuit d’ivresse. Je te vois, Noé, par delà les siècles faire un

clin d’œil à Jésus, ce prétendu saltimbanque,amuseur de rue. Toi qui t’es morfondu dans lafange d’une nuit de béatitude, la fenêtre ouvertesur la folie et l’humanité, qui as condamné tapropre chair et fait de toi le premier hommenouveau, maudissant Canaan pour d’hypo-thétiques attouchements sur ta personne oupour avoir peut-être séduit nuitamment tonantique épouse.

Et entre vous deux Moïse le trop fier, quidevant Pharaon transforme les eaux du Nil en sang. Quelle plaie ! Les paysans creusent le désert, secs comme des silex, sans plus desable ni de pleurs à verser.

Regarde Jésus, là, seul sur la croix, sangui-nolent comme un fruit de grenade trop mûr,les bras zinzinulant sur l’équilibre du ciel, faisant le sémaphore pour guider enfin tonerratique navigation et te conduire à bon port.Regarde son visage si féminin qu’on se dé -couvre prêt à l’aimer comme notre premièremaîtresse. Il y a dans ses yeux la largeur d’unfleuve et la profondeur d’une mer dans les-quels se noyer. Regarde sa tête qui a versé, sacouronne d’épines comme une ellipse boréale

et qui rejoue le phare d’Alexandrie; statue figéed’une dame Liberté qui n’en demandait pas tant.

Ses membres désarticulés tracent sur lacroix les signes des fluides de la vie : le sang,l’eau, le vin. Les pleurs, les stigmates, la sueur.Les fluides de la vie que les guerres et les idéestransforment malheureusement plus souventen des signes de mort que d’espérance.

L’horizon se lève, camaïeu de rouges san-guins, de carmins cinabres, de pourpres car-dinaux, où se reflètent les vagues de l’océancomme un immense moucharabieh par lequell’univers nous observerait.

Ici Jésus multiplie les pains et change l’eauen vin. Ce vin qui deviendra son sang et lenôtre. Fontaine de Jouvence entre nos cuisseset nos seins. Magdalena mon amour, mon autremoi. Je te retrouve partout, dans tous les barsque je fréquente, dans toutes les tavernes queje traverse, dans tous les bordels levantins et les ports septentrionaux qui m’habitent. Tu déambules entre les tables avec la soupleassurance d’une danseuse en un ballet sanscesse improvisé et qui dénude ta beautécomme une gifle à la brutalité des hommes. Je reste assis là, à te regarder, un verre de vinen exergue aux promesses les plus folles queje n’ose rêver.

Tu vois, ton ivresse, Noé, malgré tous tesreniements, n’aura pas été inutile. Vieux pèremalade à la barbe blanche festonnée, à l’image

de ta démarche, de sarments et de grappes de vigne. Patriarcal Bacchus qui a oublié lerire et le pardon, qui ne connaît plus sa nuditéet qui s’en retourne à l’eau.

Je comprends et j’aime mieux les hommesqui n’ont pas de dogme. Vois-tu, cette eau quel’on défend par les armes et supposée être sipure, finit par n’avoir plus le goût de rien.Cette eau supposée si virginale, jamais pour-tant ne nous offre son hymen sinon pourabreuver les conflits. Cette eau prétendumentsi éthérée, loin de nous élever et nous laisserespérer devenir meilleurs, nous ramène à notrepire animalité, oubliant que nous ne sommesque des bœufs marchant d’un pas lourd dansles marécages de notre histoire. Cette eau que nous avons fini par embastiller dans desbouteilles jetées à la mer, tout comme nousl’avons fait de nos idées et de nos croyances.

Non, finalement, je ne mettrai pas de vindans mon eau. Je reprendrai un verre, toutsimplement, de cette fameuse piquette quime fait rire et danser nu le matin, en ombrechinoise contre la crêpe de papier d’un ciel enéruption. Je continuerai d’aimer plus haut etplus fort les aliénés et les simples d’espritpour leur dévouement que les vierges et saintsqui font barrage à tout, jusqu’à la joie de vivre;s’ils n’étaient peut-être la source où ressusciternos passions les plus absurdes.

Mettre du vin dans son eauJe n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Encore. Foutue pluie qui ne cesse de tomber, depuis quarante jours au moins, comme à Carême. On croirait au déluge. L’eau a tout envahi, elle submerge peu à peu le paysage pour le noyer jusqu’aux plus hautes cimes en une aquarelle délavée et inutile.

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Journal des Bains 13 · été 20154 L’EAU DELÀ

ARMAND BRULHART

A chacun son bénitierLuigi Pirandello, Chacun sa vérité

Les chroniques ne font pas mentiondes bénitiers, ces vases qui se trou-vent à l’entrée de toutes les églisesd’obédience catholique romaine etqui sont destinés à contenir de l’eau

bénite dont on se sert pour faire le signe decroix de la main droite. Les calvinistes gene-vois se sont donc affranchis radicalement desbénitiers au point que leurs descendants enignorent parfois jusqu’au nom et à l’existence.Ont échappé à la folie destructrice les trèsnombreuses clefs de voûte gravées du IHS – monogramme du Christ – placé au-dessus desportes d’entrée et censé protéger les maisons.On sait que le monogramme IHS fut mêmeintégré dans les armoiries de la Républiquede Genève, mais la plupart des «clés» mono-grammées des maisons n’ont guère résisté à laspéculation, autre forme de folie meurtrière!

J’ai connu dès mon enfance toutes sortesde bénitiers. Enfant de chœur, j’ai tenu l’ansedu bénitier portatif en argent repoussé danslequel reposait le goupillon servant à bénir lecatafalque recouvrant le cercueil ; adolescent,je trempais deux doigts dans le bénitier dresséà l’entrée de la nef dans l’espoir tout calculéde les tendre à la jeune fille de mon choix.J’ignorais alors que cette pratique jouissive decristallisation amoureuse existait depuis fortlongtemps, car de Jean de la Fontaine on nem’avait appris que des fables bien morales etnon les conseils avisés :

Placez‐vous dans l’église auprès du bénitierPrésentez sur le doigt aux dames l’eau sacrée

Avant lui, le poète Clément Marot expri-mait sa déception:

Je l’attendois au benoistier Pour lui donner de l’eau beniste Mais elle s’enfuyoit plus viste

Mon secret du bénitier et de l’eau béniteétait éventé depuis longtemps, mais quel plai-sir de le voir partagé par deux poètes!

Dans le temps de Pâques, peut-être pen-dant la semaine sainte, revêtu de l’habit rougeet blanc d’enfant de chœur et sous les ordresde mon curé en soutane et surplis de den-telles blanches, j’allais de maison en maison,tenant le bénitier portatif où trempait un ra -meau de buis. J’ignorais là encore que la béné-diction des maisons était une très anciennecoutume dont les dictionnaires du XIXe siècleétaient les seuls à m’instruire. L’eau bénitedont on aspergeait la façade de la maison, lacuisine, « la chambre nuptiale» – on dirait au -jourd’hui la chambre à coucher – avait pourvertu de sanctifier la demeure, de lui apporterla fécondité, de la protéger contre les épidé-mies et… la foudre, de lui donner la paix. Lerituel était en latin et peut-être remontait-ilau Moyen Age et aux prescriptions du Sacra ‐mentaire de Gélase. J’apprenais plus tard queSaint-Thomas d’Aquin, dont on m’avait pour-tant prescrit de savoir par cœur les formules –les fameuses questions de sa Somme théolo‐gique – indiquait au XIIIe siècle que l’eau béniteservait à la préparation des sacrements (dubaptême à l’extrême onction), aux malades et aux animaux. Il me vient soudainement à l’esprit (mauvais) que l’eau bénite servait

Le bénitier au musée des accessoiresLa destruction des bénitiers dans la cathédrale Saint-Pierre de Genève fait partie d’une très courte et très violente période iconoclaste dont le point culminant se situe pendant l’été 1535.

aussi à bénir les canons! Devaient-ils mieuxatteindre leurs cibles? Et puis l’expression «lesabre et le goupillon», l’alliance de l’armée etde l’église, tout un programme de caricaturesanticléricales, se résume en ces deux mots.

La suite de mon enquête allait se révélerdéroutante, tortueuse. Pourquoi n’existait-ilpas de recherche approfondie sur les béni-tiers? «Parce que – me dirent plusieurs ecclé-siastiques qui paraissaient au fait de ces vasessacrés –, ce sont des objets précieux, probable-ment en bronze et en argent ou même en or,qu’ils ont été soit volés, soit brisés, soit fon-dus, surtout pendant les guerres de religion.»Cela expliquerait pourquoi les plus anciens neremonteraient qu’au XIe siècle et qu’ils sonten ivoire, taillés en cône et reposant sur untrépied.

Allez donc à Milan me dit Don Abbondio,dans le trésor du Dôme! Filez à Venise, merépéta Don Gesualdo, le trésor de Saint-Marccontient le plus ancien! C’est à Naples, me ditDon Caprese, que vous serez éblouis par letrésor de San Gennaro! Ils parlaient tous de «portable». Tous trois connaissaient la Lé gende dorée, et de me citer sainte Marthede Béthanie qui, son bénitier à la main gauche,aspergeait d’eau bénite la bête im monde, laTarasque, délivrant ainsi la ville de Tarascon.

Aucun d’eux n’avait le souvenir de cetteétrange messe noire, caricature anti-papale duXVIe siècle, où figuraient un ours avec béni-tier portatif et un petit arbre levé en guise degoupillon!

Fallait-il investir autant de temps pour desbénitiers qui ne méritaient même pas uneentrée dans l’Encyclopædia universalis? Déjàau XVIIIe siècle, Diderot & d’Alembert ne leuravaient consacré que quatre lignes! Quantaux encyclopédies religieuses modernes, elles

Bénitier portatif de Sainte Marthe. La Légende dorée, édition allemande de Nuremberg, 1488. Photo A. & G. Zimmermann.

Un bénitier portatif (en haut à gauche) dans une gravure antipapiste. Feuille volante publiée à Strasbourgen 1573. Zurich, Zentralbibliothek. Photo A. & G. Zimmermann

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5Journal des Bains 13 · été 2015

pila del agua bendita, les Allemands de Weih ‐wasserbecken et les Anglais usaient tantôt destoup, tantôt de holy‐water basin, sans oublierkropielnica pour les Polonais. Armé de ce voca-bulaire, il devenait alors possible d’élargir lagéographie des bénitiers qui recouvrait essen -tiel le ment les pays du sud, peu touchés effecti-vement par les guerres de religions, la Bavièreet la Pologne.

Imaginez quelques milliers de bénitiers,que dis-je, des dizaines de milliers à recenser,en omettant bien sûr ceux, tout petits, quel’on accroche à l’extrémité de chaque bancdans certaines églises de Suisse allemande, etceux que l’on trouve souvent à l’entrée deschapelles latérales, sous les statues de laVierge et de certains saints. L’inventaire ris-querait de prendre quelques décennies etplus encore si on l’étendait à ces petits béni-tiers associés aux anges gardiens, à la Viergeet l’enfant, au Christ en croix, à saint Antoine,qui, de la naissance à la mort, s’accrochaientdans les intérieurs catholiques. Problème: leprix des bénitiers ne cesse de monter sur lemarché des œuvres d’art !

Pour abréger le vertige, je me suis rabattusur la Suisse romande et sur l’un des meilleursconnaisseurs des églises primitives, un certainJean-Daniel Blavignac, architecte et premierarchéologue genevois au XIXe siècle. Par bon-heur, il n’en signalait qu’un seul dans une destrès belles églises romanes de Suisse : Saint-Pierre-de-Clages, en Valais. Je ne résiste pas à donner au lecteur sa description savante et son dessin, publiés dans Histoire de l’archi‐tecture sacrée, Lausanne, 1853. Si d’aventurevous lisez les guides et les monographies decette église, vous ne trouverez jamais mentiondu bénitier ! Sauf en l’an 2000, pour dire qu’onl’a retrouvé dans une fouille, en piteux état.

Il ne semble pas qu’en Suisse romande ilexiste de sculpture au fond des cuves de béni-tier, visibles au travers de l’eau bénite tellesqu’en signale Rabelais dans son Pantagruelou Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire. Cedernier interprétait les serpents, les poissonsou les grenouilles, non pas comme des sym-boles, mais comme de pures «fantaisies». Lagrenouille a peut-être inspiré l’expression «gre-nouille de bénitier», synonyme de «bigote».

Lors de mes dernières visites d’églises enItalie, les bénitiers s’étaient tous «enrichis»d’un nouvel accessoire: un tupperware placéau milieu de la cuve, rempli d’eau bénite.Victimes des attaques hystériques des hygié-nistes sur internet, les bénitiers sont-ils vouésà disparaître?

vous renvoient souvent ainsi, à l’article béni-tier : «voir Eau»!

Consultons, me dis-je, la «bible» françaisepubliée sous l’égide du Ministère des affairesculturelles et surtitrée Principes d’analyse scien‐tifique, soit le très classique Vocabulaire del’architecture, publié à Paris en 1972 et rééditéau XXIe siècle : «Bénitier, voir Oursel» et«Oursel, ou orceau, arcel, voir Bénitier»! Pasde doute, il s’agissait d’une condamnation dubénitier fixe, le bénitier pensé par les archi-tectes du XIIIe siècle, non plus comme dumobilier, mais intégré dès la conception auplan d’une église. Cette théorie architecturale,fermement défendue par l’architecte Viollet-le-Duc, ne reposait, hélas pour lui, que sur unseul et unique exemple: l’église de Villeneuve-le-Roi.

Il était plus sage, à preuve du contraire, deconsidérer le bénitier comme un meuble,comme un accessoire, indispensable au rituelde la purification et du signe de la croix à l’en-trée d’un sanctuaire. Le fait est qu’on le trouveen pierre depuis l’époque romane, parfoisscellé dans les pieds-droits des portes d’église,mais le plus souvent détaché, sous la forme deremploi de colonne ou de chapiteau. Giscardd’Estaing doit bien connaître le bénitier deChamalières en Auvergne, un des très raresbénitiers de province à être cité en tant quetel. Sans inventaire précis, se lamentait unspécialiste de la question, il serait bien témé-raire d’énoncer des certitudes sur les premiersbénitiers.

Si l’on considère qu’un grand nombre debénitiers étaient en bronze dans les cathé-drales et les abbatiales, et que ceux-ci ont étéfondus durant la période révolutionnaire, ilfallait recourir aux documents les plus anciens.C’est ainsi que Viollet-le-Duc, se référant àune gravure de 1739 de l’abbatiale de Moutier-Saint-Jean en Bourgogne, en donne une sin-gulière interpétation.

Dans ma quête des bénitiers à travers lesâges, j’ai observé que, dans les plus remar-quables, se mêlaient à la richesse des maté-riaux l’art de la sculpture, du baroque aurococo. A Rome pourtant, le guide le plus dé -taillé et le plus «cultivé» de la ville ne fait pasmention des bénitiers de la basilique Saint-Pierre! Détail négligeable, accessoire anec -dotique? A Naples dans la fameuse cappellaSansevero, les bénitiers sont devenus desmonuments funéraires disposés à gauche et àdroite de l’entrée. A Paris, dans l’église Saint-Sulpice, les deux bénitiers à l’entrée de la nefsont autant cités pour leur socle de stylerococo, sculpté par Jean-Baptiste Pigalle, quepour leurs coquillages géants (tridacna gigasou bénitiers géants) donnés à François Ier parla République de Venise.

Pour mieux approfondir le sujet, il fallaitsonder le mot dans trois ou quatre langues:les Italiens utilisaient le terme d’acquasantieraou de pila dell’acquasanta ; les Espagnols de

Le bénitier de l’église de Villeneuve-le-Roi où « le bénitier est combiné avec la construction»,dessin de l’architecte Millet, in Dictionnaireraisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, Paris, 1859, p. 202.

Le bénitier à pédicule, dessin de J.-D. Blavignac,Histoire de l’architecture sacrée, Lausanne, atlas, fig. XXXVI. «Le pédicule, de forme carrée, offre sur chaque angledeux colonnettes dont les bases et chapiteaux sontanalogues aux bases des tores de piédroits des ouïes ;ces colonnettes sont séparées par un massif offrantsur chaque face, la figure d’une croix. La vasque enpierre dure n’offre aucun ornement.»

Si la date de 1535 marque la fin des béni-tiers à Genève, il en est un, petit, qui a échappéà la destruction. Relégué aujourd’hui dansl’ombre des caves du Musée d’art et d’histoire[inv. 514 et 1795], il ne fut découvert qu’en1900 dans le quartier même de la résistance etdes révolutions, à Saint-Gervais, rue des Etuvesnos 5-7, au premier étage. La maison existeencore. Dans les études savantes sur cetimmeuble, on a oublié l’histoire du bénitier.

Un dernier mot pour les coquettes: choi-sissez le col bénitier!

Le trouble du sacré

DESSIN GUY MÉRAT

Le bénitier de Moutier-Saint-Jean est «placé devant le trumeau de la porte centrale». La façade de l’abbatiale fut construite vers 1130.

Eau béniteDe la naissance à la mort, du baptême à l’extrême-onction,l’eau bénite fait partie des ritesfondamentaux de l’église catholique.Du latin de la formule primitive,aujourd’hui traduite dans toutes les langues après le Concile de Vatican II, il ne subsiste que le mot final : Amen.La bénédiction de l’eau, qui précèdela bénédiction du sel, qui sera mêlé à l’eau, se fait avant la messedominicale en présence des fidèlesou dans la sacristie. L’invocationrelie la réalité physique de l’eau à sa puissance spirituelle : «Dieu éternel et tout-puissant, tu as donné aux hommes l’eau quiles fait vivre et les purifie ; tu veuxaussi qu’elle puisse laver nos âmes et nous apporter le don de la vieéternelle ; daigne bénir cette eau,pour que nous en recevions desforces en ce jour qui t’est consacré».Le prêtre asperge alors les fidèlesd’eau bénite. Si l’eau, le sel, le pain,le vin sont bénis, saviez-vous aussique, sur le marché de Plainpalais,une petite sœur orthodoxe vend du miel béni?

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Journal des Bains 13 · été 20156

MICHEL-FÉLIX DE VIDAS

Aproximité du mémorable édificedédié à Jean le Baptiste se dressentles contreforts du Monte SanGiorgio, une montagne légendairede forme étrangement pyramidale

au sud du canton du Tessin. Il culmine à unehauteur de 1097 mètres. Le Monte San Giorgiofait partie des gisements fossilifères les plusimportants au monde pour le Trias moyen,une période géologique comprise entre 247 et 237 millions d’années. Les fossiles marins decette montagne insolite ont une résonanceparticulière si l’on considère les mythes fon-dateurs de la création du monde qui font tou-jours référence à l’eau.

La Genèse parle du monde préexistantcomme d’un «esprit flottant au-dessus deseaux». Si l’eau est à l’origine du vivant, il estaussi source de destruction à travers les dé -luges. Il apostrophe ainsi la vanité de l’hommeface aux puissances célestes. La proximité entrel’eau, élément primordial, les fossiles marinsparmi les plus vieux du monde enfouis au tré-fonds de cette montagne singulière, et les fonts

baptismaux de l’abside immémoriale, com-posent une trinité parfaite.

Le Baptistère parade avec majesté au cœurmême du village lacustre de Riva San Vitale,sur les bords d’une langue du lac de Lugano.Trône en son sein une illustre et ancestrale cuvebaptismale composée d’un grand monolithe degneiss de forme octogonale d’environ 190 cen-timètres de diamètre pour 60 centimètres dehauteur. Il s’agit d’une roche métamorphiquecontenant principalement du quartz, du micaet du feldspath.

Approchons-nous de la vasque qui rappelleétrangement l’œuf cosmique qui symbolise legerme contenant l’univers en puissance et ob -servons de plus près les antiques traces humidesqui révèlent le mystère qu’elle dissimule: l’eaubénite. Il existe trois types d’eau bénite, l’eaunaturelle consacrée au service divin par un ritede bénédiction, l’eau baptismale qui sert à l’ad -ministration du baptême et l’eau grégorienne,une eau lustrale qui sert à la consécration desautels et des églises. Contrairement à uneidée reçue, l’eau miraculeuse de Lourdes nefait l’objet d’aucun rite de bénédiction.

Les stigmates asséchés qui ont entaillé cetteroche remarquable permettent toutefois une

analyse. Voici un bloc volcanique éructé desprofondeurs de la Terre dans des temps ar -chaïques puis carbonisé à nouveau par desessaims stellaires. Par un effet de perspective,les étoiles filantes semblent toutes provenirdu même point du ciel. On appelle ce pointimaginaire le radiant. Ce n’est pourtant pasun effet d’optique, le Baptistère est effective-ment le point radiant que ces grains de pous-sière interstellaires ciblent.

Côtoyons au plus près ce monolithe d’ori-gine magmatique, jusqu’à y coller une oreilleattentive. Il n’est pas impossible d’y entendrerésonner les traces recluses dans la roche d’unepluie stellaire. En effet, leur rayonnement ioni-sant laisse derrière elle une trainée sonore quise réfléchit dans l’infini spatial.

Poursuivons l’examen. Les alcôves sontornées de fresques romanes du XIIe siècle d’uneimportance historique inestimable. Elles repré-sentent la Nativité du Christ, l’Assomption etles symboles des évangélistes. Dans la niche àgauche de l’abside, on peut voir une repré-sentation du Jugement Dernier: le Christ juge,un ange joue de la trompette tandis que lesâmes sortent des tombes. La scène représenteles âmes damnées et fait référence aux limbes.

La voûte céleste qui surplombe la fresquematérialise une nuée de météorites qui nouscible. Ces poussières cosmiques semblent des-siner dans la représentation du firmamentl’arbre de Sephiroth, qui structure, selon laKabbale, une approche mystique du mondecréé. Ce vénérable édifice renferme-t-il un pro-digieux mystère qui transcende le monde etsublime la création? Shakespeare avait définidans Hamlet, en 1603, cette sensation énigma-tique: «Il y a des choses sur la Terre et dans leciel qui dépassent imagination et philosophie».

Pour autant, je n’ai pas l’intention de vousen dire davantage car le Baptistère de RivaSan Vitale se mérite. Ne serait-ce que pour dé -couvrir la première représentation peinte duBienheureux Manfred Settala qui vivait commeermite sur le Monte San Giorgo et mourut le27 janvier 1217. On raconte que les habitantsde la région voulaient tous conserver unerelique de l’ermite. Alors ils décidèrent de s’enremettre à la Divine Providence. C’est ainsiqu’ils attachèrent le défunt sur un traîneautracté par deux bêtes sauvages. Et c’est à RivaSan Vitale que le curieux cortège s’immobilisa,comme pétrifié.

Mais cela est une autre histoire…

L’œuf cosmiqueAppréhender le cosmos, caresser les étoiles et vivre cette expérience unique d’être en harmonie avec l’univers. C’est possible dans le plus ancien monument chrétien de suisse, le Baptistère sacré de Riva San Vitale, édifice octogonal du Ve siècle.

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7Journal des Bains 13 · été 2015 L’EAU D’ICI

FLORENCIO ARTIGOT

Il n’est pas besoin d’arpenter les vigno -bles du canton à la recherche de bonsgoûteurs, les Services industriels deGenève (SIG) se sont attaché les talentsd’une brigade de goûteurs d’eau. C’est

du sérieux et ce sont presque des profession-nels. Rien n’est laissé au hasard: la moléculeH2O genevoise se doit d’être la plus neutre,cristalline et la plus discrète possible pour lespapilles et le nez.

«La meilleure eau est celle qui n’a justementpas de goût, sourit Hervé Guinand, responsable“Qualité des processus” auprès des SIG. On re -cherche ainsi tout défaut gustatif qui pourraitaltérer la qualité de l’eau que nous produisons.Nous devons fournir à nos clients un produitirréprochable, tant sur le plan de l’hygiène quedu goût.» Voilà pourquoi depuis quinze ansce liquide vital pompé dans le lac ou siphonnéde la nappe phréatique, en plus de satisfairedes critères de qualité chimique rigoureux, estdégusté, testé et noté par un bataillon de goû-teurs «professionnels». Toutes les deux se -maines, des échantillons prélevés dans les fon-taines de l’ensemble du canton ainsi que dans lesstations de traitement parviennent à la brigadedes goûteurs d’eau des SIG. Les tests à l’aveuglesuivent scrupuleusement les procédures dequalité afin de traquer les odeurs et les arômesqui pourraient gêner les consommateurs. Onne badine pas avec cette ressource vitale.

Nous sommes ainsi le 14 avril, dans unlocal situé dans les sous-sols du bâtiment duLignon, avec un bataillon de dix-huit goûteursen herbe. Au total, 35 collaborateurs composentla brigade des goûteurs d’eau et tous provien-nent des SIG. Ils suivent une formation régu-lière afin d’affiner les tests. On gagne ainsi enqualité et en sérieux. Ces épreuves durent uneheure. Sur la feuille de résultats, la très scien-tifique «Fiche d’évaluation organoleptique»,on se doit de faire part de ses sensations debase. Ce sont notamment les quatre saveursprincipales qui sont recherchées: le sucré,l’acide, le salé et l’amer. On aurait même puajouter umami pour les Japonais, mais ce cin-quième élément (le savoureux) est encore dif-ficile à évaluer dans nos contrées… Une foisces caractéristiques gustatives et olfactivesdétectées, elles reçoivent des notes de zéro (= non décelable) à 4 (= très important) quimesurent leur intensité.

La brigade des goûteurs d’eauL’eau n’a peut-être pas de mémoire, mais elle a certainement un goût. On ne parle pas de l’eau ferrugineuse ou de l’eau de vie mais de l’eau potable, bien sûr, celle qui gicle des robinets et gargouille dans les fontaines.

La chasse d’eau fan de footDans cette histoire de toilettes, Vespasien se seraitretourné dans sa tombe. Si la finale du Mondial2010 en Afrique du Sud a ravi les débits de boissons, elle a aussi profondément modifié laconsommation d’eau potable à Genève avec despics pour le moins étonnants. Pas durant cematch intense, bien sûr, où la bière coulait à flots,mais à la mi-temps. Car à la pause pipi, c’est lachasse d’eau qui est sollicitée.

Le graphique ci-contre montre la consommationd’eau potable des Services industriels de Genève(SIG) le 10 juillet 2010, jour de cette belle finaleoù l’Espagne affrontait les Pays-Bas devant 700millions de téléspectateurs. La courbe verte permetde visualiser le débit d’eau potable dans le cantonexprimé en litres par seconde (axe vertical) au fildu temps (axe horizontal). La courbe rouge montrele profil de consommation d’une journée nor-male. Le contraste entre les deux est saisissant.

Quand le match commence à Johannesburg à20h30, les Genevois s’installent devant les écransde télévision, les robinets se ferment : le débitd’eau potable stagne alors à 3200 litres/seconde.A la mi-temps, les hectolitres de bières ingurgitéssont déversés dans les toilettes. Rien de plus

ESPAGNE - HOLLANDE 1 : 0 But de Inesta à la 11 min

!

1re mi-temps

2e mi-temps

1re prolongation

Fin du match

Consommation Canton Valeur 5 min moyenne le 10 Juillet 2010

Consommation Canton Valeur 5 min moyenne le 11 Juillet 2010

!

Une limpidité cristalline est déterminantedans le cas de l’eau potable. Puis vient le mo -ment de humer et de sentir le liquide. L’exa -men olfactif renseigne, par flairage direct, surles différents composés que l’on peut retrou-ver dans l’eau. Lors de la prise en bouche, cesimpressions peuvent être renforcées ou, aucontraire, atténuées lors du processus de per-ception rétro-olfactive.

La responsable des ateliers des goûteursd’eau n’en démord pas. Ces impressions peu-vent être identiques à celles perçues par l’olfac-tion stricte, mais souvent elles sont légèrementdifférentes, voire complémentaires. Ceci s’ex-plique d’une part par le fait que l’eau est por-tée à une température plus élevée dans labouche; ainsi de nouvelles nuances aroma-tiques arrivent à être perçues. D’autre part, auniveau de la langue, l’eau se trouve sur uneépaisseur moins importante que dans le verreet subit, par le mouvement des joues, un brassage plus important qui favorise la diffu-sion des substances volatiles. Signalons éga-lement le rôle que joue la salive dans toutesces perceptions. Elle a un effet diluant, elleintervient dans la libération de certaines sub-stances ac tives par sa richesse en enzymeshydrolysantes.

Dans cette quête du goût neutre primor-dial, les conseils de Barbara Babel n’ont rien àenvier au plus fin des sommeliers: «Contentez-vous de prendre une petite gorgée d’eau, rete-nez-la sur la langue, puis étalez-la et faites-latournoyer dans votre bouche. Pendant cetteopération, aspirez de l’air par la bouche. Cecia pour effet de libérer les arômes.»

En plus de ces goûteurs d’eau «profession-nels», les SIG ont mis en place depuis 2012un réseau de goûteurs issus directement de laclientèle. Chaque mois, 300 consommateurstestent l’eau de leur robinet et envoient direc-tement leurs résultats. Il flotte un parfum demilice parmi ces goûteurs affranchis. Il fautsavoir que les trois quarts de la populationgenevoise consomment directement l’eau durobinet. Selon la dernière étude de satisfactiondatée de novembre 2013, près de 90% des per-sonnes interrogées à Genève trouvent l’eaudu robinet bonne ou excellente. Qu’à cela netienne: la meilleure eau est celle qui n’a juste-ment pas de goût, dit-on…

Après cette balade organoleptique primaire,on passe à des évaluations plus fines. Ce sontles goûts et les odeurs décelés par l’arrière-gorge et la fosse nasale qui entrent cette foisen jeu. C’est là que tout se complique. Danscette phase beaucoup plus subtile et délicate,les goûteurs ne sont pas à la noce (de Cana…).Et le vocabulaire utilisé est bien plus subtil. Il faut là un nez et des talents de goûteurexpérimenté pour retrouver des traces olfac-tives. On cherche alors dans une palette delangage fleuri un goût de terre, d’herbe, de bois,de légumes, de fruits, de fleurs, de poissonmême, de phénol, de médicament, d’hydro car -bures. On peut percevoir, pour certains échan-tillons, un goût métallique. Il ne manqueraitplus que «la pierre à fusil» pour se retrouverdans un carnotzet. Mais à part des vapeursinfimes de chlore dans quelques échantillonsou d’ozone, celles-ci sont rares, très rares.

Dans cet exercice presque scientifique, lesfins goûteurs testent des échantillons d’eau

qui proviennent de tout le canton. L’eau esttestée à l’aveugle dans des verres en plastiquesouple et transparent, recyclables, annotés de1 à 10. En ce jour d’avril, les dix échantillonsproviennent de neuf fontaines genevoises etla dernière de la station du Prieuré. Les fon-taines du territoire sont traitées avec le mêmerespect que des grands médocs. Les eaux deGrand-Pré, Plan-les-Ouates, Anières, Gare desEaux-Vives, Vésenaz, Vandœuvres, Meinier,Jussy et de la station du Prieuré sont passéesau crible de la très sérieuse brigade des goû-teurs d’eau des SIG.

Barbara Babel, formatrice interne de cettebrigade, est claire : «Déguster est avant toutun plaisir, mais aussi une culture; cela néces-site de l’attention ainsi qu’une méthodologie.La dégustation d’une boisson consiste à éva-luer l’ensemble de ses caractéristiques senso-rielles. Apprendre à exprimer et décrire lessensations perçues, avec des mots simples etorganisés, permet de progresser rapidement.»

normal, c’est un rituel. Puis c’est le rush. Desdizaines de milliers de chasse d’eau sont sollici-tées en même temps ce qui augmente brutalementla consommation d’eau avec un pic qui frôle les4000 l/s. La courbe montre alors une forte pentepour atteindre un sommet. La pression est énorme.

Même scénario à la fin du match avec undeuxième pic chasse d’eau mais de moindre am -pleur. Puis ce sont les prolongations (on retourneaux toilettes), le magnifique but d’Iniesta (vite unpipi) et le coup de sifflet final : l’Espagne est sacréechampionne du Monde. Soulagement total…

DESSIN HERRMANN

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9Journal des Bains 13 · été 2015 L’EAU D’ICI ET L’EAU DELÀ

CHRISTIANE PUGIN RUSSBACH

Vu l’énorme quantité et la richessedes récoltes, la société de l’âge duBronze final a été accusée de surpro-duction et de gaspillage; on a ainsicréé le mythe du «Bel âge du Bronze».

Après des trouvailles de bijoux et d’outils pres-tigieux en tourbières au nord de l’Europe, ona évoqué des offrandes votives. Au XXe siècle,on émet l’hypothèse d’immersion lors de ritesvotifs ou funéraires, ou de dépôts de biens com-merciaux. Or pas n’importe quel type d’objetest abandonné. Certains sont intacts, d’autresdétruits. On admet dès lors qu’il ne s’agit pasde pertes, mais de dépôts volontaires…

On retrouve aujourd’hui encore au fonddes lacs toutes sortes d’objets d’usage commun,neufs, usagés ou cassés. Allant des bijoux –épingles, bracelets, anneaux – aux armes presti-gieuses comme les épées, en passant par desappliques de ceinture, boutons, couteaux riche-ment décorés et d’outils – haches et faucilles.Lors de la fouille du site genevois du Plonjon,sur 600 pièces de bronze récoltées, plus de400 sont des épingles, parfois décorées minu-tieusement. Pourquoi les habitants des villagesproduisaient-ils une telle quantité d’épingles?Pour tenir leurs habits… la couture existait déjà!Et pourquoi prendre autant de peine de lescouler, les forger, les marteler, les décorer pourensuite les rejeter, les perdre ou les déposer?

Afin de mieux comprendre, il faut se tour-ner vers les sociétés archaïques et analyser la signification des adjectifs «profane» et«sacré». Actuellement, ces deux notions s’op -posent totalement dans notre culture; abor-der ces sociétés avec nos idées se révèle trèshasardeux. Encore influencées par la penséedes Lumières et du romantisme, nos repré-sentations des sociétés anciennes sont trèssouvent idéalisées. Le mythe rousseauiste dubon sauvage est encore bien vivant. Il s’estmême introduit dans la recherche.

Si l’on considère la société comme un sys-tème, on s’aperçoit que les peuples anciens ne

faisaient aucune différence entre sacré et pro-fane. L’acte de déposer ou de rejeter volontai-rement des pièces de bronze appartient ainsiau domaine de l’action symbolique et du rite.La chose rejetée devient une offrande. Lesrituels servent à rendre visible un processuset à le faire aboutir. Il faut admettre dès lorsque, pendant la préhistoire, la différence entresacré et profane n’existait pas. On en déduitque toute trouvaille archéologique peut êtrele résultat d’un rituel ou d’une perte. L’objetn’a pas d’attribut en lui-même dès sa fabrica-tion. A l’âge du Bronze, les cendres des mortsétaient déposées dans des pots à cuire. Aime -rait-on mettre les cendres du grand-père dansune casserole? Un couteau de bronze peutservir à tailler un bâton, être utilisé commeinstrument de sacrifice, déposé dans unetombe, offert aux dieux. L’éventuelle connota-tion sacrée d’une découverte ou d’une actiondoit être évaluée de cas en cas, à partir d’uncontexte donné, de sa fréquence, de sonabondance, etc. L’archéologue doit accorderbeaucoup d’importance aux conditions detrouvaille et de modification du paysage pourévaluer son caractère sacré. Le fait de retrou-ver actuellement des épingles ou des anneauxde bronze en grandes quantités dans les lacsen relation avec des habitats préhistoriquesconfère-t-il à l’eau le qualificatif de sacré? A-t-on affaire à un culte? Les villages étaientsitués au bord des lacs, ils étaient parfois inon-dés et tout ce qui était sur le sol était emportépar les vagues. Les habitants allaient-ils fairedes offrandes dans le lac proche? Sans preuvematérielle, le sacré et le profane se confondent.

Bibliographie

Viktoria Fischer, Les bronzes en contexte palafit-tique sur les rives du Léman et des Trois-Lacs(Suisse occidentale), Genève, Département d’anthro -pologie de l’Université, 2010 (thèse de doctorat).http://archive-ouverte.unige.ch/unige:9838

C. Fischer, «Actions symboliques et coutumes funé-raires à l’âge du Bronze», in S. Hochuli, U. Niffeler,V. Rychner (éd.), La Suisse du Paléolithique à l’aubedu Moyen Age. Age du Bronze, Bâle, 1998.

Le culte des épinglesAu milieu du XIXe siècle, dans la rade de Genève, les archéologuesont découvert des objets de bronze préhistorique en très grandequantité. Diverses interprétations ont alors été émises. S’agissait-il de restes d’incendie d’entrepôts pleins d’outils et de provisions? Des inon dations catastrophiques avaient-elles dévasté les villages lacustres?

Le baiser des eaux Neshikat HamaïmLe bain rituel, appelé Mikvé au sein de la tradition judaïque, fait partie des plus importantes étapes de purifications spirituelleshébraïques, partout dans le monde. En quelques mots, un Mikvé se décrit de la manière suivante: le sujet s’immerge tout entier dans un bassin d’eau en récitant une prière. Il est nu, comme au moment de sa venue au monde.

EDEN LEVI AM

Pour qu’un Mikvé soit casher, n’im-porte quelle eau ne peut être uti -lisée; il est nécessaire que sonarrivée soit naturelle. S’il est pos-sible de se servir de la mer ou d’une

rivière, le Mikvé sera dit naturel. Si le Mikvéest un bassin construit, il devra s’insérer dansune synagogue. Dans ce cas, cette partie bâtiesera édifiée à même le sol ou dans les fonda-tions afin que l’eau ne soit ni pompée ni ap -portée par la main humaine. Le liquide s’écouledepuis le toit de la synagogue jusqu’au réser-voir et ne peut stagner à aucun moment. Lebassin doit en effet être rempli à la fois d’unmélange d’eau de pluie et d’eau courante,pouvant provenir d’une alimentation usuelletelle qu’un robinet.

Ce mélange des eaux a quelque chose d’in-triguant : les deux liquides doivent entrer encontact à l’intérieur d’un tuyau et ce mélangese nomme Neshikat Hamaïm, expression dé -signant «Le baiser des eaux». La traditionrecommande que les eaux doivent s’embrasser,ce qui unit rituel et poésie. Lorsque les eauxs’embrassent pour constituer le contenu spé-cifique du Mikvé, l’immersion du sujet dansce baiser aquatique rappelle l’entrée dans lefleuve qui coulait au jardin d’Eden; selon lestextes, ce bain renvoie donc spirituellementet symboliquement à celui qui fut pris dans leGan Eden, la source originelle.

Le Mikvé est connu principalement par lesfemmes, dans leurs étapes de purificationcorporelle et spirituelle. Elles font une réelleMitzva, qui est un acte de bonté humaine,donnant l’occasion de s’immerger au Mikvéen prononçant la prière appropriée, la premièrefois la veille de leur mariage.

Pendant cette étape de vie, une femme lesaccompagne afin que le rituel soit accompli

correctement. Attention, l’immersion doit êtretotale, sans qu’aucune parcelle de leur corpsn’ait un contact autre qu’avec l’eau du bassin!Et cela, le temps de plusieurs allers-venuesentre deux mondes; l’eau et l’oxygène.

Dans l’eau, elles se retrouvent dans uneposition primordiale évoquant un fœtus danstoute sa splendeur. Par la suite, ces femmesseront dans l’obligation d’y retourner sept joursprécisément après chaque période d’écoule-ment des menstrues. Le rituel se répétera toutau long de leur vie.

L’usage veut que, puisque le sang mens-truel est un symbole d’impureté dans la tradi-tion juive, les femmes nettoient leur corps etleur âme avant de retrouver leur époux. Lasemaine qui suit les menstruations, une foisle rituel précité accompli, exige de la distancede la part du couple marié : il y aura de ce faitsept jours d’abstinence, sept jours certifiantque le sang n’est plus et que la femme est purepour pouvoir être fécondée.

Plusieurs femmes témoignent qu’au mo -ment où elles accouchent, elles ont la sensa-tion de donner naissance dans la pureté. Leurcorps nettoyé est associé à une progénituresaine.

Les hommes ne sont pas obligés d’aller auMikvé. Il peuvent cependant s’y rendre avantles grandes occasions. Il s’agira alors d’unepréparation spirituelle provenant d’un choixpersonnel. La mystique juive dit que l’immer-sion dans un Mikvé permettrait l’élévation dela personne et de son âme. L’on soutient aussique ce rituel est une forme de renaissance,l’immersion intégrale dans le bain nous faisantpénétrer dans un monde où un individu nepeut survivre naturellement. Lorsque la per-sonne en ressort, purifiée par la prière et lespensées en rapport, elle est alors considéréecomme une nouvelle créature.

Albert Anker, Femme lacustre, 1873. Musée des Beaux-Arts, La Chaux-de-Fonds.

Photographie Eden Levi Am

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11Journal des Bains 13 · été 201510 CARTE BLANCHE

GÉRARD PÉTREMAND www.gerardpetremand.ch

Page 11: L'EAU DELÀ

MARC HENRY*

Pour ce qui me concerne, lorsquej’ai débuté ma carrière scientifique,l’eau était pour moi un milieu par-ticulièrement propice à la solva -tation des espèces possédant une

charge électrique positive (cations) ou néga-tives (anions). J’ai ainsi compris que sans eauil n’y aurait probablement pas d’ions et quesans ions il ne pouvait y avoir de vie.

Ce fut de fait un véritable choc pour moid’apprendre que tout être vivant pouvait êtreschématisé comme un tube polaire fait dematière organique traversé par un flux d’eauet d’ions. L’arrêt de ce flux signifie simplementqu’il n’y a plus de vie possible.

Le fait que dans une cellule vivante iln’existe, parmi cent molécules choisies auhasard, qu’une seule molécule qui n’est pasde l’eau fut pour moi un autre électrochoc. Je me suis donc attaché à cette substance aupoint de lui consacrer toute une vie, non seu-lement professionnelle, mais aussi ludique.En effet, quelle que soit la chose sur laquelleje pose mon regard, j’arrive toujours à établirun lien avec l’eau, par la composition chimiquebien sûr, mais aussi par la forme, la couleur, la

sonorité, l’odeur, le goût,le toucher, etc.

Prenons le sable parexemple. S’il est trop sec,impossible de créer uneforme cohérente. Mouil -lons-le et il devient pos-sible de bâtir des châ-teaux magnifiques. Autreexemple: selon Goethe, lescouleurs expriment la souf-france de la lumière lors-qu’elle passe d’un milieuclair à un milieu sombreet vice-versa. Ajou tons del’eau et les couleurs pâlis-sent, ce qui apaise la souf-france de la lumière puis-qu’elle devient scintillante.

Dans l’eau, les sons sontaussi plus audibles et sepropagent plus loin quedans l’air. Prenons un vieuxflacon vide ayant contenudu parfum et n’ayant plusd’odeur. Quelques gouttesd’eau suffiront à faire re -naître les effluves envoû-tants. Si vous pensez quel’eau est un liquide sanssaveur, posez vous laquestion de savoir pour-quoi il existe des dégusta-teurs d’eau. Enfin, l’humi-dité se ressent plus par letoucher que par l’odeur, legoût, le son ou la lumière.Bref, songez à ce que se -rait la vie sans eau!

Des objets apparemment parfaitement secsdoivent également leur existence à l’eau. Celas’applique aussi bien à une roche, une plante,un fœtus, une étoile, une galaxie et même auxtrous noirs. De manière assez paradoxale,cette omniprésence de l’eau fait qu’on ne lavoit plus car sa présence coule de source.

Journal des Bains 13 · été 201512 L’EAU D’ICI

L’eau, c’est la vieQu’est-ce que l’eau? Voilà une question simple à poser lors d’une bonne soirée entre amis si vous souhaitez briller par votre originalité.Les plus érudits vous diront qu’il s’agit d’une substance répondant à la formule chimique «H2O» (prononcez «achedeuzo»), tandis que d’autres moins savants vous parleront d’une chose qui coule, qui mouille, en étroite relation avec les activités de nettoyage. Certainsenfin évoqueront cette phrase mystérieuse: «L’eau, c’est la vie». Ils diront que l’eau est bien plus qu’une formule chimique ou un liquiderafraîchissant.

AJOUTER JUSTE DE L’EAU

Les mots sur les étiquettes te le disentLes recettes, dans les publicités reçues par e-mail aussiEt il y a beaucoup à parier, qu’au travail ou pour s’amuserTu puisses voir ces fameux mots dès aujourd’hui :– Ajouter juste de l’eau

Tu serais surpris de voir combien de chosesSont sèches et inutiles tant qu’on ne leur a pas apportéCe liquide magique connu de tousQue tu utilises pour répondre à cet appel :– Ajouter juste de l’eau

Pour illustrer et prouver ma pensée,Rappelle-toi que sur toute la nourriture que tu viens d’acheterOn trouve écrit en clair et sans ambiguïtéLes instructions qui rendront ta cuisine légère :– Ajouter juste de l’eau

Tu peux maintenant acheterDes fruits séchés, des soupes, des gâteaux délicieuxDu lait en poudre et des jus lyophilisésA tous ces produits aux multiples usages, tu dois :– Ajouter juste de l’eau

Imagine un instant, s’il te plaîtUne terre aride et déserte, dépourvue de tout arbreElle pourrait devenir une terre fertile, riche et bonneEt tout à fait productive, si tu pouvais :– Ajouter juste de l’eau

Qu’est ce qui change le ciment en béton?Qu’est ce qui change la graine en blé doré?Aucun des mots du langage humainNe peut répondre, mais ces simples mots, eux, le peuvent :– Ajouter juste de l’eau…

David J. Ford

C’est particulièrement frappant dans leslivres de biologie, où l’on trouve des milliersde pages techniques sur la nature du tubepolaire et quasiment rien sur le flux d’eau etd’ions qui donne la vie. Quand un biologisteparle de protéines ou d’ADN, il ne parlejamais de la gaine d’eau sans laquelle le bio-polymère ne pourrait exister.

Si vous allez voir un médecin, il ne vousposera quasiment aucune question sur la ma -nière dont vous vous hydratez. Un texte deDavid J. Ford, «Ajouter juste de l’eau» (voirci-contre), illustre parfaitement le rôle crucialque joue l’eau dans notre vie quotidienne.

Mais au-delà des mots l’eau reste une sub-stance très mystérieuse. Par exemple sa sensi-bilité extrême aux champs magnétiques alorsque la chimie souligne son caractère diama-gnétique. Il y a aussi sa possible «mémoire»qui fait toujours couler beaucoup d’encre etde salive. Certains vont même jusqu’à penserque l’eau est sensible à nos émotions et ànotre pensée, agissant comme un véritablevecteur d’information.

C’est ainsi que je suis devenu spécialistede l’eau et que j’en suis venu à apprendre laphysique quantique des champs pour clarifiertous ces mystères qui m’attirent et me fascinent.Je veux expérimenter, étudier, comprendre pourfinalement arriver à savoir qui je suis réelle-ment puisque sur 100 molécules constituantma matière corporelle, 99 sont des moléculesd’eau. Bien sûr le travail est immense et,même après des années de recherches, beau-coup de pistes restent à explorer. La quête est

donc loin d’être terminée et si l’on en croit le théorème d’incomplétude de Gödel, il sepour rait bien qu’elle soit sans fin puisqu’au-cun système logique ne peut se faire réfé-rence à lui-même sans générer des proposi-tions indécidables. Comment le cerveau quiest fait principalement d’eau pourrait-il com-prendre ce qu’est l’eau? Peu importe car lemême théorème de Gödel nous apprendaussi que «Tout être humain peut connaîtreplus que ce qu’il peut connaître à conditionde le connaître…».

L’eau aurait-elle finalement une conscience?Par son omniprésence, ne serait-elle pas lelien universel entre toutes les choses maté-rielles qui constituent l’univers? Ces molé-cules d’eau, que j’expire à chaque seconde dema vie et que j’ai fabriqué au sein de monorganisme, ne sont-elles pas autant de mes -sagers vers les autres êtres vivants qui ne peuvent que les ab sorber pour les réémettre,une seconde plus tard, dans un cycle éternelet sans fin?

Nous sommes tous concernés par l’eau,que l’on soit scientifique, religieux, philo-sophe, artiste, athée ou simple citoyen. Il y atant de choses à découvrir et comprendre ausujet de l’eau qu’il est temps pour chacun dese mettre au travail sans tarder…

*Professeur à l’Université de Strasbourg.www.marchenry.com

Photographie Fausto Pluchinotta

DR

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13Journal des Bains 13 · été 2015

Les étoiles d’eauLes photos des étoiles cristallines de Masaru Emoto m’ont interpellée au moment où je me suis intéressée de près aux médecines douces et à l’homéopathie.

VERONIKA VIZNER

Dans ses investigations qu’ilprétend non scientifiques, lesavant japonais a entrepris desrecherches en rapport avec lescapacités de l’eau à emmaga-

siner et à véhiculer des informations. Alorsque certains considèrent l’eau comme uncorps inerte, d’autres la croient vivante,possédant une mémoire, une structure, uneorganisation, voire une capacité à guérir.

En se basant sur le fait que les floconsde neige étaient des cristaux d’eau et qu’ilsétaient variés à l’infini, Masaru Emoto en aconclu que l’eau devait également produiredes cristaux lorsqu’elle était congelée. C’estainsi que débuta, il y a un peu plus d’unevingtaine d’années, une étude sur la basede la cristalisation d’échantillons d’eau dediverses provenances.

Lorsque l’eau était pure ou sous l’in-fluence d’une belle musique, de penséesou d’énergies positives, les cristaux se pré-sentaient presque toujours sous la formed’une magnifique étoile hexagonale avecdes variations d’infinie beauté.

Lorsque, au contraire, l’eau était impure,polluée ou sous une mauvaise influence,les cristaux perdaient leur beauté et leursformes hexagonales, revêtant dès lors uneapparence destructurée, laide et repous-sante. Les fleurs de gel que l’on peut voirpar exemple sur les vitres auraient ainsichangé d’aspect depuis que l’environne-ment est perturbé et pollué.

Ces formes, cristaux et étoiles seraientla conséquence des vibrations qui agissentsur la matière et notamment sur l’eau.Notre corps étant formé de 99% de molé-cules d’eau, il devrait être également sen-sible à tout notre environnement.

Les images du haut de page sont inspi-rées des photographies de l’équipe deMasaru Emoto, retouchées et interprétéespour une meilleure visibilité. Les dessinsd’étoiles ci-contre, que j’ai appelées «étoilesde vie», appartiennent à une série artistiquetravaillée un peu comme des horoscopesen vision kaléidoscopique. Ils sont fondéssur l’intuition et le ressenti des personnesque j’ai rencontrées.

www.pyradesign.org

Le Japonais Masaru Emoto (1943-2014), pré -sident du Pro ject of Love and Thanks to Water,est connu pour sa théorie sur les effets de lapensée et des émotions sur l’eau.

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1 Une mère de famille généreuse, déployant avec volupté des tentacules souples qui au départ se veulent pointues, semant la vie et le savoir autour d’elle.2 Une femme dépressive qui a perdu ses repères et qui a oublié son potentiel intérieur.3 Un homme d’affaires malheureux mais en quête d’équilibre et de bonheur, dont la mère est d’origine anglaise et juive et le père arabe.4 Un homme bipolaire, manipulateur, dépressif, cocaïnomane.5 Un informaticien essayant de transmettre ses connaissances, mais trop replié sur son monde intérieur pour y parvenir.

Page 13: L'EAU DELÀ

Journal des Bains 13 · été 201514

DANS SES RÊVES, SON PAPA NE DEVAIT PAS DISPARAÎTRE.

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Page 14: L'EAU DELÀ

15Journal des Bains 13 · été 2015 L’EAU DELÀ

SERGE ARNAULD

Il y a des universitaires qui ont étudié lathéologie; ces femmes et ces hommes ontexposé leurs convictions et leurs doutesaux feux des Ecritures. La terre genevoisene m’a pas donné l’occasion de porter la

robe noire du ministre pour répéter les cinqsola de la Réforme dont le Sola scriptura (l’au-torité supérieure de la Bible) frappait naguèreles esprits et les cœurs des Genevois. Cependant,cette cité a ensemencé mon naturel, sensibleà la source de la Parole qui nourrit les uns deconviction, les autres de confrontation, et lesceusses d’une adhésion sans entrave. Quoi qu’onen dise ici ou qu’on en sourie là, de manièreentendue de part et d’autre, la Bible exerceencore sur certains mortels une attraction dontje ne suis pas moi-même si honteux, sans douteen partie grâce à cette infusion calviniste dumilieu protestant local qui avait un je-ne-sais-quoi d’incitatrice, faisant preuve en certainesoccasions de plus de douceur que de rigueur.

En dépit des moqueries et du quand-dira-t-on s’attachant aujourd’hui au comportementdu bougre qui lit et cite la Bible, j’affiche!(comme le fit Antoine Froment qui apposa sesplacards au Molard en 1533, peu avant que laRéforme fût adoptée à Genève).

Comme il est surprenant de découvrir l’im-portance et la primeur de l’eau dès les pre-miers versets du livre de la Genèse! Lisonsensemble, ce ne sera pas long: «Au commen-cement Dieu créa les cieux et la terre. La terreétait informe et vide, et l’esprit de Dieu se mou-vait au‐dessus des eaux.» Après seulement deuxphrases apparues dans nos têtes, nous sommestroublés, amies lectrices, amis lecteurs : ainsila création a lieu, l’esprit de Dieu se meut, tandisque l’eau est préexistante.

Mon trouble devant cette affirmation sedissipe à la lecture du livre sur Jésus1 de JosephRatzinger dans lequel ma mémoire retientceci : «L’Esprit et l’eau, le ciel et la terre, leChrist et l’Eglise, forment un tout.»

Et voici que je pénètre d’un coup d’un seuldans le deuxième jour de la Création, en cetemps de la séparation des eaux d’avec les eaux,quand Dieu dit «qu’il y ait une étendue entreles eaux», une étendue qui se nomme ciel.

Ne vous lassez pas de cet avant-propos quivous semble ahurissant, sinon abrutissant, nedéchirez pas si vite l’affiche sauvage: il ne s’agitpour l’instant que d’une progression dans lacompréhension d’une proposition. L’esprit etl’eau, nous les avons rencontrés à l’instant ; leciel et la terre, nous les découvrons par cettenotion d’étendue séparant les eaux qui sont au-dessous de l’étendue d’avec les eaux qui sontau-dessus de l’étendue.

Qu’en est-il enfin de la troisième associa-tion citée: le Christ et l’Eglise? L’auteur dulivre mentionné cite Tertullien qui affirme:«Jamais le Christ n’est sans l’eau.»

Qu’est-ce à dire? Sous l’aspect de l’anté-riorité de l’eau, il s’impose très naturellementd’évoquer le baptême de Jésus: je laisse à celleset à ceux qui en auront l’envie, le plaisir de lireLuc 3/21-22 où il est dit que le Saint-Espritdescendit sur lui sous une forme corporelle,comme une colombe, au moment où le Christpriait en une telle circonstance. Cette troisièmeaffirmation me fait découvrir le Traité du bap‐tême de Tertullien2, dans lequel il est noté que«c’est donc l’eau qui la première produisit cequi a vie, afin qu’on ne soit pas surpris que dansle baptême l’eau puisse donner la vie éternelle ànotre âme. Dans la formation même de l’homme,Dieu employa l’eau pour achever ce sublimeouvrage. La terre est à la vérité la matière dontl’homme fut fait ; mais cette terre n’eût pasété assez disposée pour cet ouvrage, si ellen’avait été humide et détrempée.»

Cette citation, désignant l’eau du baptêmecomme l’agent de la vie éternelle de l’âme, nousaide à concevoir que la traversée de la mer

Défense d’afficherIl y a les ceusses qui ont la foi du charbonnier. Le ciel sur le lac Léman ne m’a pas donné cette ferveur.

Rouge par le peuple hébreu, expression du salutpour les juifs, sera interprétée dans le chris-tianisme comme la renaissance de l’homme misau monde et soumis à lui, l’épreuve de la ser-vitude et le désir ou le besoin de repentance (ausens d’un ralliement, d’un retour au Créateur).Cette ouverture de la mer Rouge sera sa déli-vrance, la préfiguration du baptême tel qu’il estdécrit par Luc aux chiffres indiqués ci-dessus;non seulement le renvoi symbolique de l’espritde Dieu qui s’est mû à l’origine au-dessus deseaux, mais bien plus : par cette ouverture seproduit la manifestation de ce Saint-Esprit,comme vient d’être appréhendé la corporéitéde la colombe; en outre, les exégètes ne man-queront pas de faire un parallèle entre la puretéde la Vierge qui accouche du Christ et la puretéde l’eau du baptême qui va enfanter l’hommenouveau dans l’Eglise chrétienne.

Parlons maintenant du jardin d’Eden, lieude l’installation première de l’homme et de lafemme, selon la Genèse, puis évoquons la Nou -velle Jérusalem telle qu’elle est présentée dansl’Apocalypse de Jean comme futur séjour desci-devant vivants, ces deux endroits en rapportavec l’eau. Notons au préalable que ce jardind’Eden (ou des Délices selon la traduction del’hébreu du mot éden qui signifie «être fertile,abondant») est imaginé usuellement commeun paradis ; relevons alors que ce mot paradisa une étymologie qui nous renvoie à un espaceoù se marque la clôture, un verger clos. Le termen’existe qu’à trois endroits dans l’Ancien Tes -ta ment: dans le Cantique des Cantiques (4/13),dans l’Ecclésiaste (2/5) et dans Néhémie (2/8).Il est possible d’avancer que le paradis desHébreux, la sagesse divine qui se trouve dansl’introspection humaine selon la mystiquejuive, se manifeste à la fois dans l’auto révéla-tion et l’auto dissimulation de Dieu.

Ainsi voyons-nous au second chapitre dela Genèse cet enclos que je laisse le soin de

découvrir par la lecture à ceux que ce pointintéresse. Je retiens cette énigme en ces lignes:«Un fleuve sortait d’Eden pour arroser le jar-din et de là [j’insiste sur ce “de là” en m’ima-ginant que, pour les chrétiens, le jardin deJoseph d’Arimathie, tel qu’il est décrit selonJean XIX/41, est le terrain d’accueil de cetteeau première par laquelle surgissent les retrou-vailles avec le Créateur que la dialectique de laCroix et la Résurrection suscite] de là, est-ilécrit, il se divisait en quatre bras.» Ces bras sont-ils symboliquement les évangiles canoniques?

Je m’étonne des richesses qui se trouventdans la région où coule le premier bras dontle nom signifie «augmentation», le secondétant associé au «bondissement». Je m’étonnede connaître par la géographie la situationdes deux derniers bras, le Tigre et l’Euphrate.Pourquoi localiser (l’auto-révélation)? Pour -quoi ne pas localiser (l’auto-dissimulation)?Ce sont des questions de transmission, nondes problèmes de lecture.

Et je continue à m’étonner en lisant le Coranqui reprend comme un aboutissement nonpas «le» jardin d’Eden mais les jardins d’Eden.Il est dit en effet dans la sourate XVI, LesAbeilles, au chiffre 31 : «Ils pénétreront dansles Jardins d’Eden où coulent les ruisseaux. Auchiffre 32 : «Entrez au Paradis en récompensede vos actions.»3 L’étonnement croît encoreen lisant dans cette même sourate les chiffres64 à 69. De même qu’une dictée surnaturellea été soumise au Prophète, de même les bien-faits terrestres sont un Signe de Dieu: l’eau quifait revivre la terre, le lait, délicieux à boiredes troupeaux, la boisson enivrante provenantdes vignes, le miel des abeilles grâce auquel leshommes trouvent la guérison. La terre offre auxhumains non seulement un aperçu des bonneschoses, la source d’un enseignement, mais lesprémices d’une Promesse, ainsi que le décritla sourate XLVII, Muhammad, au chiffre 15.

Il s’y trouve en effet une peinture de cettePromesse en rapport avec les bienfaits énon-cés. «Voici la description du Jardin promis àceux qui craignent Dieu. Il y aura là des fleuvesdont l’eau est incorruptible, des fleuves de laitau goût inaltérable, des fleuves de vin, délicespour ceux qui en boivent, des fleuves de mielpurifié. Ils y trouveront aussi toutes sortes defruits et le pardon de leur Seigneur.»

Par ces versets amenant la conclusion (finde votre patience ou de votre découragement,amies lectrices, amis lecteurs), il convient decontempler la Nouvelle Jérusalem, de la voirdans ce triomphe de l’eau dont il est questiondans cette ville céleste, puisqu’on peut lire cettedéclaration surprenante au chapitre 22/1-2 del’Apocalypse: «Puis l’ange me montra le fleuvede Vie4, limpide comme du cristal, qui jaillissaitdu trône de Dieu et de l’Agneau. Au milieu dela place, de part et d’autre du fleuve, il y a desarbres de Vie qui fructifient douze fois, une foischaque mois; et leurs feuilles peuvent guérir lespaïens (selon le texte de la Bible de Jérusalem).Guérir les nations selon d’autres versions,notamment celle de Louis Segond. Rangeonsdans les bibliothèques les traductions! De malé‐diction (ou d’anathème), il n’y en aura plus!Retenons que les païens auront des feuillesdélicieuses pour menu, c’est le principal : deles savoir à côté du fleuve, ces nations, et deles nourrir.

1 Joseph Ratzinger/Benoît XVI, Jésus de Nazareth,Flammarion, 2007, page 267.

2 Tertullien (né v. 150/160, mort en 220), Traité dubaptême, édité par M. Charpentier, Paris, 1844.

3 Le Coran, livres I et II, préfacé par J. Grosjean, traduit par D. Masson, Gallimard, 1967. Volume I, lesAbeilles, p. 326. Volume II, Muhammad, page 630.

4 Livre prophétique de Daniel (Ancien Testament):se reporter également au chapitre 12, «Les temps mes -sianiques», chiffre 5: «Et moi, Daniel, je regardai, et voici,deux autres hommes se tenaient debout, l’un en deçadu bord du fleuve, l’autre au-delà du bord du fleuve…».

Simon-Mathurin Lantara (1729-1778), L’Esprit de Dieu planant sur les eaux, 1752. Huile sur toile, 52,5 x 63 cm © Musée de Grenoble / Jean-Luc Lacroix

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Journal des Bains 13 · été 201516 L’EAU D’ICI ET L’EAU DELÀ

JEAN-MICHEL PERRET*

Le large horizon qui s’offrait à lui dece point de vue unique à Genèveélargissait ses pensées si confinéesau quotidien. L’étendue du Lémancomme miroir de ses aspirations les

plus élevées? Et pourquoi pas, si l’eau profanedes Bains pouvait lui signifier un nouveaucommencement, ne serait-il pas celui qui, parténacité et par jeu, montrerait à ses contem-porains le chemin d’un ciel retrouvé?

On allait bien rire, c’est sûr : lui, le natifdes Pâquis, d’une mère célibataire et d’un pèreinconnu, en sauveur du monde? Encore un

illuminé, un charlatan! Mais le baptême reçudes mains de Jean, son ami d’enfance, signi-fiait pour lui un renouveau total. Sa vie passéeà errer dans les rues à se chercher un but nevenait-elle pas de se transformer en une coursejoyeuse vers la légèreté et la simplicité? Il suf-fisait d’y croire. En cet instant-là, l’espérancelui était facile, comme par miracle.

Jean continuait de baptiser en signe destemps derniers, annonçant la venue d’unroyaume de justice déjà présent mais tou-jours à venir. Les candidats au baptême sesuccédaient. Pour les uns il s’agissait de selibérer de fautes passées, de cette mauvaiseconscience qui vous paralyse en tous points etvous dégoûte de la vie. Pour les autres, moins

nombreux, le baptême couronnait un lent pro-cessus d’apprentissage entamé depuis l’enfanceau contact de la Bible, sans qu’il ne soit néces-saire de parler de revirement. Par le biais decette eau redevenue sacrée l’espace d’un ritede passage, Jean redonnait l’espérance aux dé -couragés, la joie de se ressentir aux dépossédésd’eux-mêmes, l’assurance d’être un individuunique aux yeux du ciel pour tout un chacun.

Il prit congé de Jean et, s’éloignant, ilentendait les chants et les acclamations. Maisde sa vie nouvelle, qu’en resterait-il, une fois lesquais retrouvés? Cette inquiétude lui gagnaitle cœur: c’est de l’espérance d’un changementque le changement peut se produire. Il prit larésolution de s’exercer à espérer, dans les petits

gestes du quotidien comme dans les grandsmoments de l’existence, dans le tumulte ur -bain de la semaine comme dans le silence dudimanche matin.

Soudain son téléphone se mit à vibrer.Son amie Madeleine lui transmettait un mes-sage: Pâques c’est Dieu qui envoie un SMS, et la réponse à ce SMS peut s’appeler la prière,la poésie ou la joie.

Il se sentit alors un nouvel homme, par quila réconciliation entre eaux sacrée et profanene saurait tarder. Le ciel on va le refaire, serépétait-il inlassablement, le ciel il va nousrefaire…

*Pasteur.

Le ciel on va le refaireIl sortit la tête de l’eau comme s’il se relevait d’entre les morts, les yeux tournés vers le ciel déchiré par les rayons d’un soleil matinal. Unevoix se fit entendre: tu es mon fils bien aimé, en qui je mets toute ma joie, toute mon affection. Ce lien d’adoption affermi en son cœur,il s’assit sur le bois des Bains des Pâquis, satisfait. Il regarda à nouveau le ciel qui continuait de s’ouvrir et se dit : le ciel on va le refaire.

Du jour où Konrad Witz – le premier dans l’histoire de la peinture – dispose Dieu dans l’image du réel, il nous fait accueillir d’un œil neuf le paysage, incertains que nous sommes d’y voir la Terre promise ou lesterres savoyardes (comme l’atteste une petite bannière) ; l’Alpe romantique ou la rade bien de chez nous; l’eau verte et miraculeuse où toujours plongent les saints et les mécréants ou bien encore notre présent,équivalent à l’année 1444 ou à l’an 33. Nous, aujourd’hui, 571 ans plus tard, en oscillant à l’intérieur de la vue que nous a offerte le peintre, nous ajustons librement notre œil, et faisons la netteté sur des indicesde l’histoire que l’on veut.

Jean Stern, 571, incertitude paysagère, 2015. 9 panneaux à partir de photographies assemblées avec une reproduction du tableau de Konrad Witz, La Pêche miraculeuse, 1444 (© Musée d’art et d’histoire, Ville de Genève /Flora Bevilacqua).

La tête dans le nuage…Il y avait une passerelle à enjamber – on ne voyait pas au delà. On saisissait une des pèlerines accrochées à un câble. On s’engouffrait le long d’une rembarde vitrée, embuée, protégé par la pèlerine en plastique vert.

BERTRAND THEUBET

On laissait traîner un doigt commepour laisser un dernier message.Après c’était l’inconnu. Il n’y avaitqu’à se faufiler dans le nuage.C’est vrai quoi, c’était une brume

épaisse, «…c’est la ouate» (comme disait lachanson à succès de l’époque) et déjà la suda-tion sous le poncho trempé. On vous avaitpromis un nuage, ça avait l’aspect d’un nuagemais une fois dedans la bruine brouillait leverre de mes lunettes. La brume avait estompéles contours de la montagne que l’on croyaitdistinguer encore côté nord. On annonçaitune «architecture invisible»; la perte progres-sive des repères voire le trouble de l’équilibreémergeant de cette vapeur envahissante anéan-tissait vos certitudes quant à la solidité desstructures portantes. On flottait, on flottaitlittéralement. A l’exception de ces taches vertesfurtives, tout était caché par le brouillard, s’ef -façait dans le brouillard. On cherchait en vainle sel des embruns sur nos lèvres humides, nos

yeux bien que voilés de larmes ne piquaientpas. Ici, l’eau était acratopège, même pas unrésidu de l’odeur âcre des algues lacustres : çasentait mouillé. On croit que le silence y de -meure. Mais les architectes du Blur Building*rectifient : «…En entrant dans la masse debrouillard, toute référence visuelle et acous-tique est abolie. Seules subsistent la vision“blanche” et l’ouïe “blanche” des jets de brume.Blur est le contraire d’un spectacle. Blur reven -dique la basse définition: il n’y a rien à voir sice n’est notre dépendance de la vision elle-même… A la différence de toute entrée dansun bâtiment, Blur est un médium habitable,un médium sans espace, sans forme, sans carac-téristique, sans profondeur, sans échelle, sansmasse, sans surface et sans dimension. Sur laplate-forme, la circulation n’est pas régulée etle public est libre de flâner dans un environne-ment sonore**. Depuis la plate-forme, le publicpeut gravir un escalier vers le “Quai des anges”au sommet. Emerger du brouillard est commepercer une couche de nuage en vol et atteindrele bleu du ciel. Submergé à mi-chemin sur le quai se trouve le “bar à eau” qui offre une

large sélection d’eaux minérales du monde.»Rassasié d’eau suspendue, on ne s’attardait pasau bar : à la sollicitation on répondit «J’en aidéjà bu!». C’était de l’eau. L’eau pompée dulac, filtrée et pulvérisée telle une fine bruine à travers un réseau serré de jets de brume à hautepression. La masse de brouillard ainsi produiteétait un mélange dynamique de forces natu-relles et artificielles. Un système météorologiqueintelligent captait les variations des conditionsclimatiques de température, d’humidité, devitesse et de direction du vent et transmettaitces données à un ordinateur central qui régu-lait la pression de l’eau à travers l’ensemble de31500 jets.

Rempli de ces données, les bras en croix,déployant notre poncho tel une aile de goéland,nous entreprenions alors la descente, lente-ment pour plonger encore une fois dans cenon-lieu et apprécier la beauté de l’inutile.

*En 2002, Blur Building, conçu par les architectesDiller & Scofido, a été achevé pour l'exposition natio-nale suisse Expo.02, sur le site d’Yverdon-les-Bains.

**Une création sonore de Christian Marclay.

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17Journal des Bains 13 · été 2015

VINCENT FOURNIER La perte des eaux. Juste avant la nais -sance, la poche entourant l’embryonse rompt et une partie du liquidequi s’y trouve s’écoule, déclenchantune série de réactions chimiques et

mécaniques qui aboutissent à la venue surterre d’un nouvel être. J’aime beaucoup cetteexpression la perte des eaux. Elle est simple etmystérieuse, pragmatique, issue d’un langageancestral, rural et universel. Cet événementsignifie la naissance imminente. Quelles sontces eaux mystérieuses et plurielles venant del’intérieur? Elles expriment l’union de la mèreet de l’enfant. Ces deux êtres ne forment qu’unpour l’instant. Les eaux les représentent tousles deux dans leur unité. La perte des eauxannonce la séparation physique de l’enfant etde la maman. Mémoire de la vie cachée dansle sein maternel, elles nous parlent symboli-quement de la relation privilégiée que tissentla mère et l’enfant.

Le baptême. Je ne me rappelle pas ce mo ment-là, ni du reste du baptême à l’hôpital troisjours après. N’est-il pas curieux que l’on parlede perte des eaux lors de la naissance natu-relle et que pour le baptême, l’on ait be soind’un peu d’eau, presque en même quantité?Toutes deux sacrées, intimement liées, ellesdisent et la vie naturelle et la vie spirituelle.J’aime à voir ces deux moments ne faisantqu’un, l’eau traversant d’un bout à l’autre dela vie, comme un ruisseau dévale la mon-tagne, régénérant tout sur son passage.

Eau symbole d’unité. Je crois à l’action dece baptême insufflant la vie divine en mon être.

Tout comme l’eau est vitale à la mère et à l’en-fant pendant la grossesse, ma vie spirituelledépend de cette eau baptismale qui me relie àJésus. Cette eau-là signifie que la vie intérieureest greffée sur le Christ. Quel mystère, quellemerveille! La vie naturelle nous (r)enseigne surla vie intérieure. Oui ces eaux ont cela de com-mun qu’elles relient les êtres pour préserverune vie commune nécessaire.

Si je ne me rappelle pas ces deux mo mentsclés de ma vie, je peux témoigner ici d’unemanifestation de la vie baptismale en moncœur, et c’est encore une histoire d’eau...

La conversion ou le second baptême. C’étaiten 1995, un peu plus d’une année après ledécès de mon frère Philippe. J’étais parti enretraite dans un couvent chartreux près deSaint-Laurent-du-Pont en France. J’y ai vécuune conversion qui a complètement cham-boulé mon existence. Durant la nuit du 12 au13 septembre, je fis un rêve étrange. L’un memontrait à l’intérieur une immense grange. Jecontemplais la toiture, et la poutre faîtière,toute pourrie, tomba sous forme de sciuredans mes yeux, entravant totalement la vision.Je n’y voyais plus rien. J’avais beau frotter,j’étais devenu aveugle… Mais alors que je ten-tais de regarder en haut, je vis à nouveau lapoutre, cette fois-ci toute neuve et solide.

Ce rêve, profond et fort, me tira du som-meil. Je me dirigeai immédiatement vers lachapelle pour vivre l’office des laudes, louangesdu début du jour. A la fin de celui-ci, on lutl’évangile du jour contenant ce verset qui mebrisa le cœur: «Qu’as tu à regarder la paille

qui est dans l’œil de ton frère? Et la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarquespas?»

La claque… Ce jour-là, j’ai pleuré, pleurétoutes les larmes de mes yeux, de mon cœur,de mon corps. Second baptême. Curieuse -ment j’étais également joyeux et paisible, carcette vie spirituelle à laquelle j’aspirais dèsmon enfance devenait expérience concrète,tangible, réelle. Mon cœur avait les dimensionsdu monde entier. J’avais l’intime convictionde me tenir sur le point d’intersection de laverticale et de l’horizontale de la croix, ren-contre de la vie naturelle et spirituelle dontmon activité artistique désire témoigner.

Entre vie de famille et engagement social, VincentFournier se retire chaque semaine au fond du vallon. La source de son inspiration et de sa viespirituelle, il la tire de ses méditations dans unermitage caché au pied du barrage de la Grande-Dixence. Son étiquette de footballeur professionnellui a longtemps collé a la peau. Il remporte avecle FC Sion deux victoires en Coupe de Suisse en1982 et 1986 avant d’être engagé au FC Zurich.Selon des témoins de cette époque : «…il étaitdéjà très religieux. Apprendre qu’il était peintreet mystique ne m’a pas étonné». En 1983, il estencore au FC Sion quand il entame des études auxBeaux-Arts à Lausanne. Ce mélange entre sport,peinture et religion est chez lui naturel. www.art-et-foi.ch

La perte des eaux C’était le 13 septembre 1961. Maman venait de perdre les eaux. Elle téléphona à Josiane qui envoya son mari David la conduire à l’hôpital.Tout était prévu. Papa travaillait dans le Bas-Valais et il avait pris les dispositions nécessaires. Tante Annie s’occuperait de mes quatre frères.

Vincent Fournier, La pesanteur et la grâce, 2013-2015, aquarelle et huile sur papier, 21x15 cm Vincent Fournier, Le baptême de Jésus, 2012, tempera sur papier, 21x15 cm

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Journal des Bains 13 · été 201518

OSCAR BAILLIF

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JEAN-LUC BABEL

Adouze ans je vivais à la mon-tagne. Elle prenait toute la place.En hiver, les nuits de pleine lune,elle rameutait licornes et bateauxfantômes à la rescousse. Sourds

grognements, borborygmes cristallins, coui-nements de gare de triage. Ça laisse peu detemps pour la farce; j’ai gâché mon âge bête.On peut retourner un coup de pied à unetable qui mord un doigt coincé dans le tiroir,on ne frappe pas une apparition: au réveil, lamontagne était une haleine en suspens, unegaze peinte à peine. Je dormais dans la biblio-thèque (on avait apporté le lit de cuivre).

A quelques mètres de la maison, brutale-ment l’herbe manque. En contrebas est unerivière où le garçon boucher (celui qui, au télé-phone, ponctue d’un «ça marche!» les ordresqu’il reçoit) m’entraîne avec des mines deconspirateur. Il veut me montrer sa trouvaille.Il s’agenouille comme à l’église. Il plonge lamain dans le courant, là où monte une buée.A la mesure du petit compas de mes bras je m’efforce de faire pareil. L’eau d’abord estglacée, puis mes doigts heurtent un jaillisse-ment brûlant, le biceps d’un hercule de ker-

messe. La veille la terre a bougé, une source estnée du plus profond, elle est remontée par en-dessous, titillée par une pique de lave rougesang. Ça marchait !

*

«Tout ce qui tombe du ciel est béni», blas-phèment les citadins pour se venger d’unefiente de pigeon reçue dans le dos. (Un pas-sant hilare confirme la chose.) Les proverbessont pour la campagne. La pluie, en ville, n’estpas bénie : contrairement à la neige ou à laglace elle n’est liée à aucun sport. L’espritsouffle où il veut. L’eau du ciel goutte surl’étang, sur le dos des canards non plus. Celuiqui n’aime pas la pluie se rend justice à lui-même: il vieillira devant la télévision. Le chat,travaillé par le doute, ira jeter l’œil derrière leposte. Moins curieux, l’homme continuera desuivre platoniquement le match du siècle dansl’espoir secret et vain d’une prolongation.

*

Rejoignons notre jeune et sympathique hérosquelques saisons plus tard. L’automne est cellequ’il aime le mieux, définitivement. La vachedes prairies a pris le mauve des colchiques.

Il a changé de canton. Au bord du lac la vaguemâche et remâche le rouleau des feuillesbrunes tombées des marronniers. Ici l’oiseaupêcheur et l’âne mangeur d’avoine portent le même nom. L’intérêt d’habiter près d’uneplatitude d’eau c’est d’avoir deux soleils aulieu d’un. Pour les gens des vignes, une faveurcéleste méritée, une marque d’élection. Le paysest beau irréparablement. Conjuguons-le à tousles temps: tant que les souris monopolisentles dents de lait, tant que le mille-pattes à lajambe de bois traversera la mer de la Sérénité,tant que le vignoble aura transpiré le sang dela terre par tous les pores…

*

C’est ta jouvence que tu bois, deux fois millé-naires. Tu as demandé à naître. La place estchaude encore des morts qui te précèdent.Sous les toits romantiques, les vieux enfantsbrûlent sans trouver, couchés sur les cartes,puis un jour le pendule se met en branle surl’échancrure des Alpes où, en faisant fondre leroc sous des hectolitres de vinaigre, Hannibalinfiltra ses éléphants. Le secret est gardécomme un coin à truffes.

N’empêche. Le chemin des cochons conduitinfailliblement au diamant noir. En balade dans

les Apennins, en Toscane, butant sans le vou-loir contre un Tibre pas plus gros que laSeymaz à Pont-Bochet, j’ai été tout de mêmesecoué. J’ai remonté la rivière. Elle est devenuede plus en plus mince. Quand elle n’a plus étéqu’un filet de voix, j’ai touché au big bang. Lagoutte primale dans le lichen n’avait rien d’unelarme pendue à un cil, rien d’un spermatozoïdesprintant sur la vitre d’un train. Elle était rondeet tenait Rome dans un kaléidoscope commejadis ton premier pâté d’encre, aimable lec-trice, lecteur patient, refléta la plus grandepart d’autobiographie jamais égalée.

*

Fait aux Eaux-Vives.La planète salive déjà à l’évocation de ce

beau toponyme défunt. Le nez du puisatier se dresse au rappel des ruisseaux bondissantdes collines. Dans une minute je prendrai levaporetto qui a la mouette pour totem. Ayantfini ma page et tari quelques plumes («mauditbic !» disait Perec), je frôlerai la baleine auxyeux morts, pétrifiée dans la vase amniotiquedes glaciers envolés, on sera aujourd’hui, prin -temps 2015, 373 mètres, ondes moyennes.

Tremblante du saumon fou

Photographie Eden Levi Am

19JOURNAL DES BAINSnuméro 13 · été 2015

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KARINE DEFAGO

Que dire de ces liquides qui se ren-contrent, de mon sel qui rejoint leLéman, le Rhône et la mer. Je melaisse emporter, et je flotte la têteà fleur de clapotis, les bras mous, méduse d’eau douce, blanche, à

la dérive. Plonger la tête, ressortir à l’air d’uncoup, extraire son corps brusquement sur lerivage et regarder l’horizon: une thérapie.

L’eau rejoint le ciel et mon âme s’envole,loin des vagues et de leurs crêtes mordantes.J’inspire le soleil, les algues, les cris des oi -seaux et souris à la ligne lointaine. Mes tachesde rousseur se tournent vers la lumière. La facelégère d’éclats, je respire ; volumes et poids sedésagrègent.

Les galets repoussent mes orteils incertainsdans leur progression, frôlés par des algues. Lesable se soulève lentement dans l’eau transpa -rente qui se perdra en aval dans le gris de l’Arve.Que dire du limon? Il cache les fonds, suce lesorteils en les caressant.

Ma main, après l’eau vive de la douche,adoucit la peau et la parfume d’amande. J’aimece geste simple d’apaisement.

Le corps protégé dans une serviette, jem’étends sous le ciel déployé en bleu et rejoinsles mouettes. En pensée, je survole la ville etremonte l’Arve en me posant sur les falaisesqui la surplombent.

Sur une chaise longue cannée, je m’imagine.Le thé très chaud, russe, parfumé d’agrumes,

me pénètre, assoupie dans une gangue de cotonhumide et de laine, une thérapie «nouvelle»par l’enveloppement, proposée par l’hôtel-palace Beau-Séjour. L’eau de la rivière a refroidimon corps, rendu ainsi manifeste par le sen-timent d’inconfort volontairement provoqué.Sa présence est petit à petit exacerbée, unesensation de réchauffement progressif l’émeut.L’âme a ses vagues. Appelée à être consciente,elle caresse un corps oublié, elle le réfléchit. Je ferme les yeux.

Le parfum du Dr Glatz persiste dans lavéranda. «L’eau du coq» flotte de notes debergamote alors que sa silhouette blanche dedirecteur et médecin traverse le parc ombréde grands marronniers. Ceux-ci m’inquiètentd’ailleurs la nuit.

Sur la petite table en volutes, posée à magauche, des prospectus vantent l’eau devenueremède. Les mots lui donnent une couleurscientifique. Adieu Jean-Baptiste! Adieu bulleslustrales irisées par le Saint-Esprit !

Mon corps est soumis à une thérapie effi-cace, quantifiable et remarquable par sa pré-cision. La température de l’eau, sa pression,sa localisation et sa durée ainsi que sa compo-sition sont maîtrisées dans l’objectif d’exercerune action.

Les palmes fragiles et jaunies du mimosaen pot dansent dans l’air estival de cet espaceabstrait du monde. Quelques notes s’échap-pent de la salle de concert où répète M. Saint-Saëns et se mêlent à la progression difficiled’une tortue géante, celle du client indienarrivé il y a un mois.

L’animal tend sa tête désespérément horsd’une carapace qui lutte sourdement contrele sol en mosaïques. Les franges d’un tapisd’Orient emprisonnent sa patte écaillée ; lesoleil révèle les riches motifs de la laine, destessons opaques, réponse à l’éclat d’une cara-pace fastueuse, multicolore, sertie de rubis,d’opales et d’émeraudes. Je libère la bête délicatement, lui souhaitant de s’abandonnerdans l’eau vive, un jour, à nouveau, et je fermeles yeux pour glisser, dans les poches dis -tendues de ma jaquette, les couleurs, la gly-cine et le jasmin qui se mêlent à la poussièreensommeillée.

Au loin, la blancheur figée de Neptune etd’Aphrodite en statue se détache de la fraî-cheur des arbres et souligne la naissance de la falaise. La forêt invite les curistes à s’yenfoncer pour rejoindre l’Arve en contrebas.

Je les vois qui protègent leur corps du re -gard en le recouvrant de lin, de coton, pour l’im -mersion fortifiante. Les mélèzes, transplantés

des Alpes, dessinent un lieu autre, austère. Lesrochers transpercent, électrisent l’eau de larivière. Horizontal, symétrique, morcelé, le bâti-ment des bains est lesté par d’épaisses fonda-tions en bossages. Les silhouettes crème seronthappées par les fumigations de diverses cellules,l’eau née des glaciers surprendra les corps.Des employés, certifiés pour leur moralité, as -sisteront, plongeront et retiendront les femmesdont les vêtements formeront d’étrangesfleurs. Et les visages sembleront des offrandes.

De nombreux maux sont traités à Beau-Séjour, ce qui suscite des espoirs de rémission,de vie nouvelle ou du moins supportable. Lesprospectus les déclament et donnent naissanceà une étrange poésie : neurasthénie, hystérie,hypocondrie, insomnie, épilepsie, dyspepsie,anémie, névralgie sciatique, phtisie, albumi-nurie, chorée, chlorose, syphilis, né vrose,épuisements…

Des instruments variés canalisent et mo -dèlent l’eau: des douches horizontales, mobiles,la projettent en pluie. Ecossaise, changeante,elle devient subitement chaude ou froide.Principe actif dans des enveloppements dedraps, elle transforme les patients en Lazaresans tombeau.

En bain, elle peut-être salée et devientbienfait pour la peau. Mêlée au souffre, elleexpurge syphilis, rage et mercure. L’eau baignele siège et s’accompagne de frictions au drapmouillé. Les fumigations simples ou alourdiesde térébenthine enveloppent les silhouettesincertaines.

Beau-Séjour, à la pointe du progrès pleinde promesses, galvanise aussi les squelettes, lamoelle cervicale en particulier, pour rappelerl’âme à d’autres dispositions. Eau, air, feu, terre:une cosmologie an cienne rencontre une mo -dernité optimiste et marchande qui fait del’humain un capital à entretenir de manièrerationnelle et économe.

L’eau vive et glacée de l’Arve appelle certesà l’endurcissement mais aussi à la vie.

Je sens mon cœur battre, au-delà de la raison, animé, rendu confiant par l’existence

même de ce lieu protégé et pittoresque. Par lafenêtre, une fausse tour médiévale, construitepour les besoins, convoque facilement unailleurs où les amours seraient intenses, enve-loppées du cri profond des cors.

Je m’apaise et j’échafaude des espaces deliberté et même des révoltes naissantes etmodernes. Le sang palpite sous la transpa-rence végétale de mes dentelles.

Sensations, passé et présent affleurent etse répondent. Je reviens.

Sur la jetée des Pâquis, j’entends l’été auloin et mes paupières closes rehaussent sestonalités. Le parfum vert des algues caressemon nez. Jeu, joie, rêverie galopent de-ci de-là.Les enfants s’affairent à la réalisation d’espacesgrandioses, châteaux de galets construits pourune éternité. L’air pailleté de soleil pénètre lesesprits ; ils abandonnent progressivement auvent les douleurs nées d’une vie qui com-prime. De nature diverse, symboliques, maté-riels, palpables, les corsets contemporains sedé lacent avec lenteur, délicatesse et patience.

Bonjour tendresses, temps suspendus, doutes,imperfections, délices simples et essentielles.

Ma main caresse le bois ensoleillé qui trans-met sa chaleur. Sensations, émotions et motsse déploient comme une boule de thé aban-donnée dans l’eau chaude.

Sources

Serge Paquier (dir.), L’eau à Genève et dans larégion Rhône-Alpes, XIXe-XXe siècles, L’Harmattan,2007.

David Ripoll (dir.), Champel-les-Bains, textes deChristine Amsler, Vincent Barras, Alain Etienne,Mariama Kaba, Pierre Monnoyeur, Sabine Nemec-Piguet et David Ripoll, photo gra phies d’OlivierZimmermann, Infolio, 2011.

Alain Corbin, Le territoire du vide. L’Occident et ledésir de rivage (1750-1840), Flammarion, 1990.

Dans la débattueLa plante de mes pieds glisse sur les galets, le sang fige mes jambes, je suis statue. Modelée par l’eau froide, contournée, maladroite, je chancelle,sans piédestal. Je ris, mon souffle se perd, je divague et avale de l’eau, je tousse, des larmes coulent sur mes joues et rejoignent le lac.

DESSIN BARBARA MEULI

Journal des Bains 13 · été 201520 SOINS D’ICI

Page 20: L'EAU DELÀ

21Journal des Bains 13 · été 2015 SOINS DE LÀ

En vase clos : expression courante de l’absence de contact avec l’extérieur.

ENNEMOND NEAUSARDE

La modernité a inventé le termeWAOW pour mettre en valeur lesbienfaits insignes de l’eau stagnante.Une eau de baignoire, susceptibled’apporter la recette du bonheur

«sans dépense et sans complication dans lapréparation», est vantée par les revues spé-

cialisées en Suisse pour guérir la mauvaisehumeur: obtenir un sourire naturel sans inter-vention technique agissant sur les dents ou surles nerfs, tel est le but recherché ayant valeursindividuelle et sociale pour la santé.

Historique Tout a commencé, paraît-il, pour les inven-

teurs de ces soins dits de première main et depremier pied, avec le rejet d’une sotte expres-sion: il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau dubain. Les créateurs de cette pratique (un coupleayant eu de nombreux enfants, des descendantsgenevois de cabinotiers et d’apothicaires, selonleur blason familial) ont dénoncé l’évidencefallacieuse de cet énoncé. Ils ont proclamécette directive: faites ce que vous pouvez dubébé. Faites ce que vous voulez de l’eau dubain, soyez libres, ne gaspillez pas cette eaumiraculeuse, en écoutant des sornettes pas-sant pour des maximes bien-pensantes.

Préparation 1) Prélevez, après avoir gogé sept minutes

dans votre bain, un litre d’eau qui en provient.Mettez ce liquide dans un flacon en verreopaque d’une telle contenance: NE JAMAIS

3) La suite consiste à mélanger les septlitres obtenus (dans un délai de quarantejours qu’il faut impérativement respecter) à unbain qui sera pris dans une baignoire rempliede vingt-et-un litres d’eau courante, si possiblefroide (les douillets peuvent recourir à del’eau tiède).

4) Vous vous baignerez alors pendantvingt-huit minutes dans ces vingt-huit litresd’eau et, toutes les minutes, muni(e) d’une pailleen usage pour absorber les boissons offertesdans les commerces ou consommées dans lescafés (un instrument adapté et gratuit que vousmanierez avec délicatesse car la paille doit êtreneuve, donc propre; elle ne doit en aucun casêtre changée), vous boirez la bonne eau devotre bain sans retenue, c’est-à-dire autantqu’il est possible à chaque prise.

Ne doutez pas des effets de ce remèdesimple, antique et écologique à la fois, pourredécouvrir le sourire et conserver la bonnehu meur. Vous sortirez de votre bain commeVénus naissant tout sourire des flots marinsde Chypre ou comme Bacchus riant au sortirde la cuisse de Jupiter.

BERTRAND THEUBET

Il y a peu le pape François, d’un simpleeffleurement de la main, réactivait le sangde San Gennaro, le protecteur de la villede Naples et la foule était comme prisede transe au frémissement du liquide

dans son bulbe de verre… La foi vécue collec-tivement se remobilise une fois l’an autour de ce tour de passe-passe que seuls les dupesinvestissent du pouvoir suprême d’une béné-diction divine que remplacera l’eau bénitejusqu’au prochain miracle.

Chez les stars ça se passe un peu de lamême manière, à en croire Robert Florey, his-torien du cinéma hollywoodien, qui fut le se -crétaire particulier du grand acteur de l’époquedu muet Rudolph Valentino. Nous sommesen 1924 et Valentino entre dans la légendeavec des cachets de 6000 dollars par semaine,ce qui le classe parmi les mieux payés desacteurs de l’époque.

Il demeure à Hollywood, dans une char-mante résidence située sur le versant nord deWhitley Terrasse. Bien qu’il soit marié avec ladanseuse Natacha Rambova, ses admiratricesse bousculent chaque matin devant les grillesde la propriété dans l’espoir de croiser le

regard du beau ténébreux, voire d’attirer sonattention et d’être remarquées. L’élue pourraitalors parler d’un miracle si une carrière desoubrette s’ouvrait à elle. Mais la voiture de lastar s’éloigne très vite vers les studios une foisla grille franchie. Pour autant, le petit groupede fidèles ne quitte pas le seuil du palais.Après quelques minutes apparaît Georges (c’estainsi que se nomment souvent les valets dechambre). Georges porte un tablier et tientdans ses mains une caisse remplie de bou-teilles. Les filles s’agitent et tendent des billetsde banque entre les barreaux de la grille.Georges dépose la caissette à distance, de sorteque son contenu soit hors d’atteinte, et vient se

planter devant les filles qu’il semble connaître:il en désigne une qui lui tend un gros billet,prend son temps, contemple la monnaie etlentement il se penche pour choisir une desbouteilles. Il s’approche, présente l’objet deconvoitise à son acheteuse et lui annonce quece matin, comme à son habitude, Monsieur apris son bain seul dans une eau tiède parfu-mée d’essences nobles – il précise que chacunesaura reconnaître l’origine de ces parfums – etque très peu de résidus de mousse procureune sensation délicieuse au contact de cet elixir.Ce matin-là, Georges aura vendu 21 bouteillesde 7,5 décis au prix de 50 dollars chacune,contenant l’eau du bain du grand Valentino.

L’eau du bainUne affaire de reliques? A y regarder de près, entre les saints et les stars la frontière est ténue: tout est affaire de reliques, de foi, de pérennité, de commerce et d’intimité avec le ou la vénérée.

WATER-CLOSETWC en abrégé Eau-Cabinet

Closer : clos (étymologie française)

METTRE DE BOUCHON (Water / OpenedWater : WAOW®, marque déposée).

2) Répétez sept fois l’opération en versantdans un seau sans couvercle les litres accu-mulés. Cette réserve qui vous rappellera l’eaude Jouvence puisée dans les fontaines médié-vales est à conserver à l’abri de la lumièrependant un temps raisonnable.

DESSINS ANDREA BONNET

WAOW

Page 21: L'EAU DELÀ

Journal des Bains 13 · été 201522 CORRESPONDANCE

JEAN FIRMANN

Là nous allions, la face en Ouest, au grondement des eaux nouvelles.Et c’est naissance encore de prodigessur la terre des hommes.

Saint-John Perse

Nulle autre part et surtout pas versce fielleux ouest de Genève où setient le MAMCO (et ses confédéra-tions générales de la pondérationdu vide galvanisé qu’aux galeries

desséchéees, rue des Bains, là-bas vers nulleJonction, à jamais crispé orgueilleusement l’onengrange), ô mes amours vivants & vers grouil -lants qui grouilleront longtemps encore de cettebonté qu’ils tiennent debout dardée commele cobra quand il danse d’adorer le feu noir denuit tournoyant, sec & franc, par la terre sousla lune & les étoiles, parlons…

Oui, parlons de l’eau ferrugineuse, de latendresse ravagée vivante que chantait trem-blant du centre ému Bourvil.

Parlons oui, de l’eau glacée qui emplissaitle bénitier de la chapelle des Capucins, villede Bulle, en la nuit de Noël 1967 où je ne vispoint se mouiller les doigts, la moindre gre-nouille, la moindre gazelle de bénitier, dupouce à l’annulaire, du majeur au petit doigt-en-un-doux-gant-qui-me-l’a-dit, au beau bé -nitier sculpté gourmand d’un granit marbrécrème par volcan intense & noir et dont nulcette nuit-là, même du bout des doigts nes’est béni & ni même d’une croix lancée del’ongle du pouce à l’envers sombre & brillantde vivre à la première ride du front. L’eaubénite avait gelé.

Ah! que je vous parle d’eau païenne,d’orage et de déluge, moi qui vis dans l’après-midi brûlant d’un faune par subites cascadessur le Moléson en tomber d’en-haut, & des-cendue d’un coup sur le grand entonnoirimmense dit des Enfers aux tétines arrachéesbleues dans le zig-zag à peine exagéré du ciel,au ventre ouest de bête couchée que fait cettemontagne comme une vache vautrée contrele ciel, en grand orage de Gruyère au ciel sanglé soudain d’un bandeau noir; oui, moiqui vis par tombereaux entiers des tonnes,arrachant d’un coup toute l’eau des nuages en tous ses trous noirs & blancs qui sont parle ciel & par la terre & levant de ces vents que la terre tournante affame, déracinantd’un coup, même debout vivant, pives auxhanches & barbus jusqu’aux paupières de ver-dâtres lichens puissants & rêches, de grandsarbres larges à folie vaste & tournoyante ets’abandonnant déjà à l’usure lisse & blanchedès demain sous les soleils battus du fleuve.Afin peut-être de leur flanquer la vertigi-neuse, de leur balancer l’eau vive & de leurfoutre la foudroyée pure par les hystériesrépétées pire grandes que l’autre moitiéencore bleue (jusqu’à quand?) du ciel. Afinqu’on la réveille en ses cerceaux, afin qu’on la soutienne en ses sursauts à toutes pattes si haut griffées que dans le verre s’y raie la face même du soleil en ses flambants vitrauxqui parlent qu’avec du sable on peut sauver la terre.

A fin peut-être qu’ils s’en souviennent.Assez pour le redire, à plat-ventre peut-êtredans l’herbe juteuse à la paupière tremblée deleurs petits enfants, à la fausse mort hurlée dumonde & qui sourient ardents comme l’eaunue en son eau-même qui s’écoule. Faussemort sussurée du monde! Sachant que nuljamais ne sciera les grands poteaux framboise

L’eau ferrugineuse, ouiParlons donc d’eau, parlons donc d’aubes ici à vapeur de vieux bateaux lémaniques à faire du soleil vert limonader ses fines bulles à la pansecrème & mauve du vaisseau, en ce journal à fleur d’eau bleue & rose un peu à petits matins, dès juillet qui s’entendent des oreilles fraîchesaux Bains qui sont aux Pâquis. Au premier tympan de l’aube. Avant l’aigre sifflet de l’Assureur aux premiers bureaux du jour, avant lesbranchies bleues écarquillées par la jaunisse hideuse qui tournicote au fronton couinant des ambulances.

de la balançoire absolue sacrée de vivre (pasplus d’ailleurs que les cils fanons de la baleinelucide toute jeune si brillante aux lustres éter-nels de la lune).

Parlons de l’eau vraie de la colère avec dusel debout dedans par houle immense quiabonde sur la terre à la caresse intime desravages hurlants à mains nues, sans bonnetsni casquettes qu’on la libère!

Parlons d’eau maigre aspergée tiède à serincer les aisselles, à s’humecter un peu lapeau l’un après l’autre des deux coudes. Par -lons des baignoires plus longues que les TroisFleuves, emplies pourtant d’eau vraie jusqu’àras-bord où les vapeurs très bleues sur lemarbre dessinent au feutre d’or le dessin nu,le dessin fort de l’iguane pourléché de l’hy-giène & de l’effacement sans cesse savonné desoi-même.

Parlons d’eau grasse à laver à la main savaisselle en tout ce temps qu’il faut prendrece faisant pour sentir combien ce monde estvaste et beau. Je caresse l’assiette d’un mou-vement tournant de l’éponge jaune et verte etje dirige du bout de tous mes doigts énergé-tiques des térabytes de bulles de savon!Greenpeace me conspue, j’emploie vraimenttrop d’eau mais j’avance par les ruines. Jepense à l’UBS aux quatre pattes blanches del’âme à gosier noir brillant jusqu’en culasseblindée de carabine, je pense là-bas tout prèsdu vide entier de vivre au califat des hur -luberlus à mille puantes très pattes noires.Hideusement post-modernes, hideusementnouveaux-nés et qui secouent des chiffonstout crevés par le ciel. Je pense aux muletssoyeux partout qu’on égorge à l’ombre exiguëdes Toyota 4x4, à mitraillettes flanquées parbanquiers suisses de gros boulons dessus.Qu’on visse ou qu’on dévisse. Je pense aupape qui sourit & qui est beige jusqu’à cettekipa sans visière sur la tête nuque nue, placeSaint-Pierre qu’il porte. Sur mes mains mouil -

lées l’eau coule. Je lave sans gants ma vaissellequi est la vaisselle entière du monde. A grandsjets je foudroie jusqu’en ses couennes jaunesl’assiette fauve du tigre. Maintenant, tout esttiède & propre, bientôt quatorze heures vingt,c’est maman qui sera contente. En pleine villeoù le fleuve à la mer si proche vachementmassacrée va.

Oui, parlons d’eau. Parlons de cette jeunefemme amoureuse & de confiance au mondeintense qui dansait à la pluie bouche ouverteet nuque fracassée vers le ciel, bras écartés,d’un horizon jusqu’aux trois autres, tournantdansante aux bras tournés dansants de sonamour vers le ciel cette nuit du 19 avril 1986où déguillait du ciel la pluie grésillante parvastes vents du nord sur nous venue, pluielourde, du lendemain vivant autour du mondede Tchernobyl. Parlera-t-on de ces chevauxvers La Sarraz qui refusèrent en leurs pansesd’engloutir l’eau tombée du ciel cette nuit-làdans l’acrylique tuyau bleu & l’entonnoireffrayé de leur citerne. Car ils avaient sentices chevaux-là, qu’elle vibrait cette eau d’uneonde étrange et que l’on n’oserait la faire son-ner, même à cornes noires, même à langueécarlate tirée longue sous le chapiteau nu dumoindre cirque.

Parlons de l’eau qui tenta de me noyer enconfusion mentale au métal roudoudou d’unbaptême rikiki comme les autres.

Parlons de l’eau des fonts baptismaux aunom du pur mensonge qui joue à te bénir larose croix du front jusqu’au ventre & jusqu’àla lente venue vendue très chère des saints-chrèmes. Bêlement niais des abbés, murmurescompénétrés si pâles des abbesses.

Exit. Par ici l’hostie, ce blanc soleil. Par icila sortie, vous qui ne voulez souffrir.

Parlons de l’eau transparente, de l’eau lu -cide, hurlant de rire à grands glacés bouillons,par tout le monde à inventer, pour tout lemonde en son chant sans cesse renouvelé si

beau qui passe, où nagaient les truites arc enciel, à pieds nus – oui ! – sur les feux tendres & citronnés de ton adolescence.

Coup de soleil, frontale ivresse, hautes cym -bales déchirées! Et des sourires glorieux ducôté des lutins généreux de la foire.

Et la nageoire dorsale terrible des per-chettes au dos des sampans sur le fleuve Jaunejusqu’au bleu profond de l’index d’un coup,lors qu’à l’opinel tu l’éventres, cette perchettequi te pique juste sous l’ongle du plus net, duplus vif de sa mâture de sampan.

Parlons en ce Journal des Bains – qu’unenageuse haute & forte sous les eaux, s’en re ‐venant à pied par le fond du lac de Saint‐Gingolph, lira peut‐être un jour – oui parlonsdes eaux qui se déroulent bourrées de bullesà l’étrave du voilier aux flancs crème & mauve,que d’un seul orteil tu dirigeais nu sous le soleill’ayant subtilisé au loueur agréé des millepédalos.

Les chutes du Niagara ont gelé jusqu’authorax cet hiver au bout des Amériques. Alorsparlons de l’eau qu’il reste à boire pour tout lemonde. Parlons du monde qu’il reste à vivreen eau claire. Du monde qu’il reste à boire àvie grouillante. A boire, à boire & sans laisserfaner je vous en prie la peau des lèvres frap-pées d’un or si fin qu’il parle.

Parlons de l’eau sanglante et saignée goutteà goutte, à la criée des pierres précieuses. Trèsbleues de tous les bleus, très fauves de tous lesfeux & violette ou turquoise pure même d’unedémangeaison puissante d’archange au pointsoyeux de l’omoplate où l’aile d’un coup soli-dement s’enclenche.

Parlons de l’eau trichée des diamants quel’on fourbique à mort d’enfants d’hommes dansles officines du crime proclamé d’Amsterdam& de Genève lubriquement imbriqués & jusqu’aux sceaux les plus mafieux des îlesVierges. Petit caïman de Guernesey brodé d’orà cheveux fins sur la bretelle de la liquette si

Photographie Jean Firmann

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23Journal des Bains 13 · été 2015

ridicule à voir quand un banquier jeunesous les sunlights supercrétins de face-book vient nous parler de la transparenceintrinsèque, extrinsèque & raisins secs desa joie pugnace, profiteuse & jouissanted’être en vie.

Parlons de l’eau lourde que les nazistentèrent de cueillir à tuées sadiques d’en -fants, de femmes & d’hommes, jusqu’à fondfin de Norvège.

& parlons de l’eau verte profonde sansnom des yeux vivants de mon amour aux grands thés de couteaux si fins d’or & d’argent lissés d’agathes fortes qui lustrent & qui dansent. Parlons du feuturquoise, des aigues-marines aux yeuxvivants de si belle eau, fraîche levée demon amour.

Parlons de Poséidon, parlons de Nep -tune, rachetés les deux depuis longtempspar les armateurs égrenant les chapeletsmathé matiques de leurs monstrueux tan-kers. Où commerce cru le monde sur le dos violé des océans. Parlons du bronze etdu platine de l’hélice im mense qui dé -visse (à propulser ces monstres), le sel-même de la mer. Parlons des chalutiersgéants qui arrachent l’amygdale – violette& toute tuméfiée des abyssales profon-deurs. Par lons de la mer égorgée. Parlonsdes glaciers sur la terre partout qu’on tor-chonne. Parlons de cette effroyable gou-lée des hommes à qui jamais nulle eau nesuffira. Parlons…

…Parlons, là au mugissement de laVouivre. Sonnons la souterraine! De goutted’eau, à goutte d’eau, chacune ayant dé -visagé sans masque le soleil depuis lesdessous si noirs de la terre épaisse etspongieuse où la goutte à grotte roucoule.

Dans la caverne le diamant bleu de lapremière goutte nue tombe & son tin -tement immensément résonne dans laboîte à gants de la marraine de Dieu, et sesuivant ainsi une à une jusqu’au grand critriangulaire face au large enfin du fleuveprofond à l’océan qui s’abandonne où tor-tue tu nages ton si beau crawl aux trente-six mondes.

Car je crawle sur le dos, par l’eau d’icivenue du Rhône & battue depuis bientôtbelle semaine (juste avant Pâques où j’écrisces lignes) par grand temps distendud’ouest qui lance venu d’Atlantique ennotre ciel, telles follement que je les aimeles écharpes lentes & grises, la boufféeblanche d’un coup des hauts choux-fleurs, les profondes et soudaines embar-dées par le ciel noir des enclumes & lesaverses brusques des épingles diamantespiquées d’eau.

Ce qui arrache bien sûr au cœur duno made la soif à nouveau de voir le seldans l’eau fermé qui danse plein ouest là-bas… où ça n’est plus la terre mais l’océanà la tombée du jour (jusqu’à sa crèterouge) qui gobe le soleil.

PHILIPPE CONSTANTIN

«Iddu», ainsi le surnommions-nous dans notre patois éolien.«Iddu», c’était dire «Lui». LeStromboli. Tant il nous domi-nait et qu’il avait fallu apprendre

à vivre ensemble depuis des millénaires, écra-sés par sa présence, pareille à celle d’un dieuvindicatif et imprévisible.

Tout comme le volcan, l’eau se méritait etoccupait dans notre quotidien et notre mé -moire une place prépondérante, sinon d’ordredivin.

Ainsi, l’eau que la nonna puisait chaquematin, suivait-elle un long parcours, fonctionde la hiérarchie que mes grands-parents avaientérigée en une loi qu’on ne pouvait trans -gresser. Elle était en soi le reflet des prioritésde ce monde rural et minéral, tout fait dedureté, de doutes et de peurs.

Le premier à en bénéficier était le christ,présent dans chaque pièce de la maison, formede plâtre aux couleurs pastel, chiffon crucifiésur deux bouts de bois. La nonna lui faisait ses ablutions. Elle lui baignait les pieds, puistamponnait d’un mouchoir de dentelles fine-ment brodé, ses plaies et sa fontanelle déses-pérément abandonnée. Cet acte de contritionterminé, la journée pouvait commencer, cer-tains que nous serions protégés jusqu’au soir.C’est là que ressurgiraient nos angoisses lesplus profondes, quand les éruptions d’«Iddu»noieraient la nuit d’une aurore flamboyanteet feraient s’entrechoquer dans nos rêves les cris de la lave en fusion ou des pierresincandescentes projetées vers les étoiles,avant de retomber brutalement dans la mer.Ces craintes se traduisaient le plus souventpar une fuite en avant. Le village entierembarquait sur les barques de pêche pour seréfugier sur le vaste tout, indécis, violent par-fois, entremêlant ses vagues pour des jourssans fin.

Ce qu’il en restait allait ensuite à unemaigre chèvre que nous avions appelée Catilina,sans doute pour ses frasques belliqueuses àrépétition contre des blocs de basalte noir,ainsi qu’à quelques poules dépenaillées, auxplumes trop rares à force de se battre entreelles pour une nourriture spartiate. Maisc’était de cette ridicule basse-cour que noustirions une part substantielle de nos repas,

Isola di Stromboli, 1975L’eau était précieuse en ce temps-là. Je me souviens encore de la nonna qui chaque jour tirait au puits du village plusieurs seaux de cette inestimable source dès les premières heures du jour. Elle avait le goût du volcan au pied duquel nous habitions en une pieuse sérénité craintive.

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auxquels une partie de l’eau était égalementdévolue.

Dans l’ordre du monde, les grands-parents et leurs propres grands-parents avanteux avaient ainsi mis le sentiment religieuxplus haut que tout, suivi des bêtes qu’il fallaitnourrir pour se nourrir soi-même.

Les hommes venaient après, plus bas danscette hiérarchie de la survie. Les repas étaientternes et répétitifs. Riz, lentilles, fèves, pâtes,accompagnés d’un poisson pêché de frais par mon père et de citron, de fromage dechèvre plus dur qu’un caillou et de gâteauxaux œufs.

La maison aussi avait droit à son eau. Bien que sombre, voûtée, emplie de suie, elleétait astiquée chaque jour d’une poigne dontl’énergie répondait à celle du volcan. Lanonna ré pandait la pureté de l’eau transpa-rente sur toutes les tomettes noircies par letemps et expurgeait, sans nul souci de salu-brité, dans la ruelle les détritus de la veille qui nourriraient quelques chiens ou chatserrants.

Nous tous venions en dernier lieu danscette litanie des besoins, mais confinés à uneidoine pyramide. Le nonno avait droit en pre-mier au bain hebdomadaire, suivi de monpère, puis des enfants. Les femmes, ma mèreet mes sœurs aînées prenaient le relais danscette eau grise et profane où les mâles avaientdéjà longtemps gogé. La nonna, pourtantgrande prêtresse de ce système, s’obligeait àêtre la dernière à en bénéficier.

Elle avait l’âme de ces personnes simplespour lesquelles se sacrifier fait partie de l’or -dre naturel de l’univers. Même si la curie s’ap-

prêtait bientôt au Vatican à la béatifier pourun acte de gloire, elle n’en tirait aucune va -nité. L’histoire datait des années cinquante,lors d’une éruption particulièrement violented’«Iddu», dont les coulées de lave et les pro-jections de pierres allaient alors détruire levillage. Elle s’était agenouillée pour prierdevant la langue de feu qui dévalait la pente,s’était prostrée devant la pluie de roches vol-caniques, monolithe inspiré et suicidaire. Et,allez savoir pourquoi, la lave s’était arrêtée àses genoux, soudainement pétrifiée et plusfroide qu’une vipère, les pierres ponces en feus’étaient faites éponges, sauvant un couple de vieillards grabataires qui avait refusé dequitter sa masure.

C’est en 1975 seulement que l’île a été dotéed’un réseau d’eau potable. J’avais à peine onzeans quand j’ai eu l’honneur, en tant que benjamin de la famille, de tourner pour lapremière fois le robinet devant nos troisgénérations réunies, et qui toutes, prêtes àinvoquer la magie et le démon, regardaientcette modernité comme un miracle dont il nefallait pas abuser.

La nonna ne s’y est jamais fait. Elle conti-nua, jusqu’à sa mort en 1998, à économiser cedon de la nature, sans jamais rien changerquel que soit le jour, à sa façon de gérer et dedistribuer l’eau, toujours selon le mêmeschéma qui me rappelait la forme de notreîle ; un simple volcan ténébreux aux frangesduquel les hommes essayaient de survivre,tout en bas de la pyramide, humbles et tra-vailleurs, soumis à tous les caprices, exceptésceux de leurs croyances les plus folles.

Page 23: L'EAU DELÀ

Journal des Bains 13 · été 201524

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Page 24: L'EAU DELÀ

25Journal des Bains 13 · été 2015 HISTOIRE DE BOUCLES

JOHN GUTWIRTH

J’avais vu moult images de cesrizières qui m’avaient enchanté etpourtant rien ne m’avait préparéà ce que j’ai éprouvé ce matin-làen découvrant cet univers de sur-

faces géométriques et biscornues aussi lissesque des miroirs, enchâssés dans le lacis delevées qui, par contraste, ont la noirceur duplomb. Bouche bée je suis resté, oublieux descahots, absorbé par la sérénité grandiose éma-nant de ce paysage remodelé par l’industriehumaine. Encore aujourd’hui je ne saurais direpourquoi moi, Européen bon teint, j’ai éprouvéce sentiment d’être arrivé à la maison.

L’envie d’en savoir plus m’est venue, j’aicherché et, quand on cherche, on ne sait pasce qu’on va trouver, ni où. C’est grâce à un ex-ministre de Sukarno, courtois et disert, aveclequel je prenais le thé tous les jours à cinqheures, que je suis tombé OULALA! sur untruc barbare qui n’a rien à faire dans le Journaldes Bains : une superbe boucle de rétroactionnégative et sa propension à l’équilibre connuesous le nom de Hadad en Indonésie.

Hadad, c’est le mécanisme social qui sous-tend l’érection des rizières en terrasses et sur-tout le fonctionnement quotidien de ces sortesde machines qui visent à recueillir, utiliser etredistribuer l’eau qui n’est jamais assez abon-dante, même en pays de moussons. Dans cettemachine qu’on peut figurer par un entonnoirà l’envers, les meilleurs lopins sont en haut.Quant à ceux du bas, l’eau ne leur parvient quesi ceux d’en dessus la remettent en circulationaprès qu’elle a permis à leur propre riz de germer. Le sommet de la montagne, souventvierge de terrasses, sert de collecteur.

Ce Hadad indonésien, et ce qui en fait laportée, c’est d’avoir, pour chef de la montagne,celui qui possède les lopins les moins favo-rables tout en bas et qui doit donc faire en sorteque tous les paysans s’entendent pour espérerrecevoir l’eau indispensable à ses propreslopins. Une autorité qui lui est reconnue parceux qui, matériellement, ont le pouvoir del’en priver.

Et c’est cette boucle négative qui maintientla machine fonctionnelle, en dépit des vicis -situdes liées aux rapports interpersonnels etcelles imposées par le climat.

Mille ans pour les plus imposantes de cesmontagnes sculptées! Mille ans à ériger etmaintenir ces étroites levées que le sabot d’unruminant maladroit suffit à démolir, mille ans,mille moussons, des sécheresses, des tornades,quarante générations à poursuivre le mêmeprojet, quarante générations alors que dans lemonde occidentalisé il y a une mode par sai-son et que plus personne ne connaît ne serait-ce que le nom des outils qui ont permis à sesgrands-parents d’assurer leur subsistance.

Je n’aurais pas mesuré l’excellence de cetteboucle négative et sa propension à l’équilibresi je n’avais pas croisé quelques années plustard une historienne parlant de la Sicile, autreîle, autres cultures, autres terrasses, mais mêmequestion cruciale, celle de la circulation del’eau. Juste que là s’est mis en place un systèmequi constitue une boucle de rétroaction posi-tive et sa propension à s’emballer plus connuesous le nom de mafia.

Entre ces deux boucles, la seule différencec’est qu’en Sicile le chef de l’eau, il capo, estcelui qui possède les meilleurs lopins, ceux duhaut, et que, fort de cette position dominante,en jouant des vannes, il fait littéralement la

Les avatars d’Hadad, dieu de la pluie et des oragesEmergeant à l’aube d’un sommeil aussi chaotique que la marche du train dont j’avais pensé qu’il roulait sur les traverses, je contemple,noyés dans la brume qui se dissout pour les laisser apparaître, des plans d’eau de toutes tailles et formes marquées par d’étroites butteset s’élevant en terrasses sur les flancs de massifs encore perdus dans les nuées. La culture du riz en terrasse!

pluie et le beau temps, ouvrant cette vannepour qui fait allégeance, fermant celle-là pourpunir qui lui tient tête, refuse de donner enmariage sa fille ou ne verse pas une dîme. Cemécanisme social, c’en est un en dépit qu’ilsoit imposé par une poignée et ne profite qu’àelle, constitue une boucle positive qui rend le puissant toujours plus puissant et le faibletoujours plus dépendant.

Le succès appelant le succès, l’argent at -tirant l’argent, la médiatisation attirant lesmédias, l’Occident adore et révère les bouclespositives, qui en s’emballant donnent nais-sance aux icônes de la mode, de la finance oude n’importe quoi et sont à l’origine de cessuccess stories qui font l’orgueil national avantde faire le malheur de tout le monde plus souvent qu’à son tour.

Alors qu’aux alentours des montagnessculptées d’Asie règne une forme de séréniténée dans l’équilibre relatif d’une communautéqui s’autorégule autour d’une machine fragileexigeant des soins quotidiens, en Sicile, larichesse et le pouvoir accumulés par la familledu capo se sont transposés, ruisselant commel’eau qui est à leur origine, dans les plaines,puis sur les côtes et enfin sur le continent.Achat de terres, paysans traités en esclaves,gros bras payés pour faire régner la terreur, etplus tard trafics en tout genre, achats, im -meubles, camions, bateaux, charges adminis-tratives, étatiques, on pénètre les villes, lesindustries, la police, le gouvernement, autrestrafics, drogues, prostitution, on s’exporte surle nouveau continent. C’est bien le cumul dela ressource et du pouvoir dans la Sicile duXIXe siècle qui est à l’origine de l’emprise exer-cée par la mafia dont les tentacules ont péné-tré tout le tissu socio-politico-financier italien.

Il est à noter que cette transposition de larichesse est un phénomène historique ré -current. C’est bien la puissance financièredégagée de l’avantage commercial résultantde la pratique massive de l’esclavage, trans-posée en industries, chemins de fer, extrac-tions de ressources, innovations, qui est àl’origine de la suprématie made in USA à la findu IIe millénaire.

Pour en finir avec Hadad, une curiositéhistorique: Hadad ou Adad est le dieu sumé-rien de la pluie et des orages. Les cosmologiescirculent et persistent, sous des avatars par-fois méconnaissables, quand les hommes lesfont vivre en d’autres temps et lieux. L’occa -sion de documenter cet invariant qui voitl’Humanité recycler ses concepts comme il le fait des pierres du château qui finissent en pont ou, de Marie‐Antoinette à la Marie‐Antoinette, du nom de la reine à celui de laservante puis de la vache dans le pré.

La Nature est prolixe en boucles négatives:la biochimie cellulaire, la physiologie, l’écolo-gie, le climat en sont farcis alors que de nom-breux dérèglements peuvent être attribués àdes boucles positives, pathologies, cancers, età tout seigneur… le dérèglement climatique.

L’Humanité aussi sécrète des boucles,souvent pour le pire, les krachs boursiers, lesvendettas, la rumeur qui se nourrit d’elle-même ou le harcèlement collectif dont pluspersonne ne sait pourquoi il a commencé maisqui finit par tuer. Pour le meilleur, voilà unemalicieuse et microscopique boucle négative,mise en place par des parents pour mettre finaux disputes interminables que suscite le par-tage entre leurs deux garçons très à cheval surla justice et s’estimant chacun toujours floué.S’agissant d’un gâteau, un des garçons coupe

et fait les parts, mais c’est l’autre qui choisit enpremier. Celui qui a le couteau dé couvre trèsvite qu’étant donné que son frère choisira laplus grosse part, s’il y en a une, il a tout avan-tage à les faire aussi égales que possible. Deplus les enfants réalisent à l’usage, et sansexplications, que chaque fois qu’on expliqueon prend le risque d’être incompris. Que le«qui commence?», autre source de disputesdans les fratries, ne changera rien au fait queles parts seront découpées au plus près del’égalité, alors que si le couteau est dans lesmains de celui qui a le premier choix se mettront en place, quasi mécaniquement, lesdisputes interminables évoquées ci-dessus.

Plus il y a de lois, plus il y a d’infractions,constatait déjà Tchouang Tseu il a deux millecinq cents ans, cent vingt générations. Une loiqu’il n’a pas les moyens de faire respecteraffaiblit l’Etat qui l’a émise, mais l’Etat quiaurait les moyens de les faire respecter toutesne pourra être que totalitaire... Charybde &Scylla…

La régulation en boucle de rétroaction né -gative est d’un autre ordre. Emanant du pro-cessus à réguler, Zi Ran, de soi‐même ainsi,autre chinoiserie, elle peut s’imposer d’elle-même; ce faisant, elle est susceptible d’êtretransmise sans incitation centralisée. Ema -nant du processus à réguler, elle ne rapportepas de droits d’auteur et ne profitant à per-sonne en particulier, elle peut être utile à tous.Pas une chinoiserie, mais ça pourrait.

Youppie! Ne réinventons plus la roue, leslois au panier, vive les régulations, noussommes au IIIe millénaire, que diantre! Etdebout sur les épaules de géants, fussent-ils enchapeaux de paille courbés sur leurs lopins,que diable!

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Journal des Bains 13 · été 201526 BAINS D’AILLEURS

Le SNB (Sport nautique bisontin)n’ayant pas souhaité renouveler lebail emphytéotique qui le liait à laville depuis plusieurs dizaines d’an -nées, sa piscine découverte – situé

en face de la Cité des arts – est désormais lapropriété de la Ville de Besançon.

Une formidable opportunité pour la col-lectivité? Disons plutôt un cadeau empoi-sonné! Car l’ouvrage est fatigué et sa mise auxnormes serait bien trop onéreuse pour per-mettre le remplissage du grand bassin et uneouverture lors de la prochaine saison estivale.Pourtant, du côté de la Ville, l’abandon pur etsimple de la piscine n’est pas à l’ordre du jour.«On a là un emplacement unique au bord duDoubs, à deux pas du centre-ville», rappelle

Philippe Boulard, adjoint aux sports. «La pis-cine ne va donc pas être fermée. On va justearrêter de remplir le bassin.»

Car l’avenir de la piscine du SNB a été ins-piré d’un concept venu d’Europe du Nord, quipourrait sembler de prime abord tout à faitloufoque: une piscine sèche. Comprenez sanseau. C’est dans la ville suédoise de Borlängeque ce concept est apparu en décembre 2011.Au départ, il s’agissait d’une plaisanterie : deshabitants se filment en train de «nager» aufond de la piscine vide de la ville (dans lespays froids, les bassins extérieurs sont systé-matiquement vidés durant la saison froide).La vidéo fait alors le buzz sur l’équivalent suédois de youtube et l’idée essaime dans toutle pays.

Les autorités constatent alors l’engouementsuscité par cette nouvelle activité que lesadeptes baptisent rapidement air swimming– par analogie avec l’air guitar (activité consis-tant à mimer le jeu d’un guitariste sans aucuninstrument). De nombreuses piscines sué-doises sont depuis ouvertes toute l’année etcertaines ont même adopté le concept durantla belle saison. La mode essaime alors danstoute l’Europe du Nord et gagne égalementl’Allemagne, le Canada et plus récemment lesEtats-Unis.

Il faut dire que le principe de la piscinesèche offre de nombreux avantages : aucunfrais liés à la mise en eau, pas de maître-nageuret des normes sanitaires très peu contraignantes.«C’est surtout une offre nouvelle qui ravira

un public qui n’allait jamais à la piscine»,s’enthousiasme Philippe Boulard. «Je pensenotamment aux personnes qui ne savent pasnager, aux gens qui souffrent d’une phobie del’eau ou d’une allergie aux produits chlorés.La piscine sèche est l’infrastructure qui man-quait au Grand Besançon.»

Si l’adjoint aux sports de la Ville oublie parmodestie de préciser que la future piscinesèche bisontine sera une première en France,il ne perd pas de vue les considérations desécurité : «On va supprimer tous les plon-geoirs. Ils deviendront inutiles et dangereux.»

L’Echo de la Boucle

www.lechodelaboucle.fr

Besançon se dote de la première «piscine sèche» de FranceUne offre destinée en particulier aux non-nageurs, ou les joies de la natation sans les inconvénients liés à l’eau.

Badeschiff, le vaisseau piscineLa Spree est à Berlin ce que le Léman est à Genève. Tout comme le lac, la Spree est peuplée de nymphes et ce sont elles qui inspirent les rêves des Berlinois.

ANTONY HEQUET

Il s’agit bien d’un rêve: un vaisseau rem-pli d’eau qui flotte sur l’eau. Soyonsclairs, personne ne vient ici pour fairede la natation. Le bassin est petit, peuprofond et le plus souvent plein de

monde. Un banc sub-aquatique qui occupe le pourtour du bassin permet de faire trem-pette en bavardant avec ses amis, tout encontemplant la Spree et les bâtiments qui labordent. Le véritable objectif est de se prélas-ser dans l’eau tout en se préparant à d’autresentreprises ludiques.

Badeschiff est situé à la frontière d’unquartier qui était un no man’s land avant lachute du Mur. Peu à peu, des entrepreneurset des artistes avisés ont transformé le quar-tier et ses sites industriels en galeries, lieux deconcerts et lieux de fête. Dans le site mêmeon trouve un restaurant assez sommaire etune salle de concert avec une programmationplutôt intéressante. Plus important, un petitbar permet de noyer son spleen de Berlin ense pourvoyant d’un cocktail qu’on ira siroterdans un transat tout en déchiffrant les pano-plies et tatouages de la faune locale et inter-nationale qui hante les lieux.

Sur le Badeschiff, on passe plus de temps àtraîner sur le pont qu’à faire trempette. Si onest d’humeur un peu fainéante, on restera surplace pour profiter de l’opportunité d’un concertsans quitter l’arène. On peut aussi trouver àl’entrée même d’Arena un lieu d’exposition,une halle où se tiennent des salons et un lieude concert. Mais le plus intéressant se trouveun peu plus loin en direction de SchlesischesTor, un des points chauds de Kreuzberg. Mar -cher quelques centaines de mètres en longeantla Spree et vous croiserez un petit canal ; d’uncôté le très sympathique bar restaurant Frei ‐schwimmer et de l’autre mon lieu de perditionpréféré, le Club der Visionäre. Ici on peut dîneren début de soirée sur la terrasse qui borde lecanal, puis paresseusement traverser et allers’affaler à la terrasse vis-à-vis et profiter desprouesses de DJ sans s’assourdir ou transpirer.Et si une belle vous concède le plaisir de sacompagnie, vous pourrez même avoir uneconversation digne de ce nom.

Lorsque le petit jour vous surprendra entrain de danser, un peu éméché, il sera alorstemps de retourner au Badeschiff pour uncours de yoga matinal…

Badeschiff, Berlinwww.arena.berlin/portfolio/badeschiff

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27Journal des Bains 13 · été 2015 BAIN RÉVÉLATEUR

C’est un homme qui travaille avecla lumière, il conçoit avec lalumière, il est aux aguets dansl’ombre de son cabinet, en deslieux où il œuvre à l’aveugle.

Que la lumière soit ! Fiat lux est un mystère, lemiracle de sa création. La lumière est dange-reuse. La lumière est précieuse. Il parle de sessept bains, comme d’autres parlent de voiles oude ciels. Il emprunte un vocabulaire bibliquelorsqu’il évoque la révélation. Il s’intéresse àl’imprégnation par la lumière; les tables de laloi, le buisson ardent, Moïse et l’écriture dueà une rencontre, il y a des liens souterrains.L’image latente en est l’illustration. Quelquechose existe sans existence sinon par un déve-loppement qui lui conférera une forme de re -connaissance. Mais l’inexplicable demeure dans

ce processus chimique. Le chat de Fausto lèchela gélatine et endommage une fixation. Cettephrase (qui semble avoir une tournure psy-chanalytique) renvoie à l’autre Faust et à soncaniche par lequel apparaît Méphisto. Tout estfragile dans la mise à jour de l’image. Tout estvoué à l’éclosion et à la disparition. Peut-êtreque la déploration de Fausto, qui reçoit le visi-teur dans son atelier, nous parle non seulementde la fin de l’argentique, de la mort des ma -chines dont les actions concourent à ce momentunique de la genèse d’une photographie, mais,plus encore, cette tristesse nous émeut parceque la photographie porte en elle, par cettemanière d’accouchement dans la nuit, ce quifuit définitivement en apparaissant si fugiti-vement sur terre.

Serge Arnauld

La richesse luit dansla nuit.La tristesse aussiIl s’appelle Fausto et n’a pas de lien de parenté avec Monsieur Johann Wolfgang von Goethe. Pourtant ceux qui le croisent s’interrogent sur ce qui le fait exister dans son laboratoire. Comment respire-t-il dans l’obscurité accueillante?

Le FaustographePetit lexique de la photographie à l’usage des individus.

Fausto a une idée fixe. C’est un ma -gicien, un enchanteur. Plus que lagloire, c’est sans doute posséder lemonde et ses plaisirs qui le tente,acquérir une certaine forme d’im-

mortalité. Il est ainsi peut-être parent deJohann Fust de Mayence, l’un des inventeurs,avec Gutenberg et Peter Schoeffer, de l’impri-merie. Si cela se révélait exact, ce ne serait cer-tainement pas innocent. Tout, dans la vie deFausto, nous ramène aux mécanismes de l’im-pression, de la photographie, de la transmis-sion de la mémoire.

L’idée exige d’être sensible. Il s’agit, mafoi, de réinventer un paysage, de se le réap-proprier, entre obscurité et lumière. A cepoint que la quête de la vérité expose l’artisteà toutes les impressions qui le blessent, legriffent, mais qui aussi révèlent son âme, fut-elle destinée à Dieu ou au diable, à Gabriel ouà Méphistophélès.

L’idée n’est rien d’autre qu’une imagelatente, impalpable encore, préexistant à unobjet encore en devenir. Fausto regarde par lalorgnette du monde. Il en joue comme d’unkaléidoscope, qu’il nomme l’objectif, puisquel’image qu’il voit est une réplique parfaite de la réalité. Pourtant il sait son regard sub-jectif, sa prise de vue dirigée, modifiable àl’infini, s’imaginant déjà le récit de l’histoirequ’il invente.

Lentement, l’idée se révèle à lui. C’est unequestion de temps, de liberté. Il faut savoirs’arrêter au moment propice pour la fixer dansson esprit. Il cadre, dépoussière le superflu,s’interroge une seconde pour marquer sonéternel doute et laisser la porte ouverte auhasard. Dans quelques minutes, il s’immergera,se glissera sous l’eau pour se purifier et figer lemonde à cet instant par lui choisi, démiurgedu temps qui passe.

Il s’assoit, la tête entre les mains. Il aimeses idées. Il regarde l’image et la chiffonne d’unmouvement d’humeur. La photographie, aussibelle soit-elle, ne correspond pas encore à son idée première. Il n’a rien à vendre finale-ment et ne laissera certainement pas le diablephotographier son âme, pas aujourd’hui entous les cas.

Philippe ConstantinPhotographie Françoise Bridel

Photographie (1832) photo /graphie, origine grecque«écrire /peindre /dessiner avec la lumière»

Sensible sensibilité du film (ASA) très sensible– peu sensibleplaque sensiblecouche sensible

Impressionner sensibiliser une couche sensible avec une exposition à la lumière

Exposition laisser pénétrer la lumière dans la couche sensible

Objectif lentille à travers laquelle on fait passer la lumière pour atteindre la couche sensible

Diaphragme trou modulable pour contrôler la quantité de lumière

Temps temps d’exposition– temps de posetemps de révélationtemps de fixagetemps de lavage

Image latente l’image avant la révélation (mystère non encore éclairci)

Révélateur pour révéler l’image latente

Arrêt pour arrêter la révélation

Fixage pour fixer l’image révélée

Lavage pour purifier l’image fixe sur un papier

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29Journal des Bains 13 · été 201528 CECI CELA

Votre repas fini, amusez-vous à vous retrouver au fond de votre assiette ou sur la table. Faites le portrait de ceci et envoyez-le sur Instagram avec #cecicestpasmoi PHOTOGRAPHIES FAUSTO PLUCHINOTTA

Page 28: L'EAU DELÀ

Journal des Bains 13 · été 201530 AUX BAINS

Feux qui dansent & feux qui parlent

L’Association d’usagers des Bainsdes Pâquis adore enchanter la ville.Elle s’y acharne posément, pas-sionnément et de mille manières,en toutes saisons, depuis longtemps.

Pour tourner la page de 2014, ils ont fait fort,ils ont fait clair, ils ont fait humain en ouvrantleurs fabuleuses & libres esplanades aux poé-tiques artificiers du groupe Carabosse venusd’une vieille laiterie du Poitou-Charente, toutprès de l’Atlantique. Des dompteurs de tôle, descaresseurs de rouille rèche à pleines paumes,des artisans du feu multiplié le plus simple,qui depuis bien douze ans ont émerveillé deleurs créations enflammées des centaines devilles de par le monde.

Quand les pompiers de Genève ont apprisce que ces laitiers de Vulcain voulaient faireaux Bains, ils ont tiré avec les dents le frein àmain de tous leurs camions tonne-pompe.Vous n’y pensez pas! Installer 1800 pots defeu et des dizaines de fûts & fontaines debraise de l’entrée des Bains jusqu’au sommetdu phare! Niet donc. On négocie. Un oui crispésurvient mais il faudra que les spectateursregardent sagement ces feux depuis le quaiWilson. Pas question bien sûr! Ces feux sontconçus non pour em braser, juste pour em -brasser, pour émerveiller de près les gens. Onnégocie encore, âprement, et le dossier des

maîtres du feu de Niort est solide. Même im -mense, ils ne font que dans le feu pur et doux.Enfin, l’acquiescement tombe. Ouf!

On vit dès lors les gens enjoués de Cara -bosse, dans des cirés noircis de ramoneurs dehaute mer, longuement installer leur dispo -sitif. Longues guirlandes de chaînettes, hautspoteaux porteurs, aériens candélabres, grandessphères, cercles vastes et purs, légers radeauxtous prêts à recevoir des centaines de pots deterre de tous diamètres, des centaines de potsde fleurs vides, bientôt remplis de paraffine oùdes lambeaux de coton feront larges et géné-reuses mèches. Le soir du 31, des dizaines d’al-lumeurs de vrais Berbères, en une patience desacristains tenaces, allumèrent un à un tousces pots. Magistral ! D’autant qu’une puissantebise descendue toute nue de la mer Blanched’Arkhangelsk vint fourrager ces feux de sonsouffle cinglé de grand vent du nord. Faisantpalpiter comme chamade au cœur les pots defeu, arrachant à la tôle rouillée des fûts & fon-taines de braise des dessins d’escarbilles, despoudreries d’étincelles, des gerbes incandes-centes qui nous montrèrent dansants, tous lesanimaux & jus qu’aux plus fabuleuses bêtes dubestiaire illuminé du monde. Carabosse em -brassa sur le front la Princesse au Bois Mordantet le Prince Marchant offrit au peuple unetournée pétante de Crémant.

TEXTE ET PHOTOGRAPHIESJEAN FIRMANN

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31Journal des Bains 13 · été 2015

toutes classes et toutes nationalités. Et mêmedes «sans-papiers»: les représentants de l’ordrey faisaient parfois un tour, et les «sans-papiers»sautaient à l’eau pour éviter le contrôle…

Actuellement, le lac est un espace très sollicité. C'est pourquoi j'ai demandé à messervices d’établir une stratégie globale, en col -laboration avec la Ville de Genève et les autrescommunes riveraines. Il est en effet nécessairede concilier les besoins de tous les usagers dulac: baigneurs, navigateurs, sportifs, riverains;il faut satisfaire les uns, qui souhaitent s’amu-ser, sans occasionner de gêne pour les autres,qui veulent de la tranquillité.

L’important est d’offrir à la population desaménagements, des loisirs lacustres de qualité,et j’ai des projets dans ce sens. Je soutiens l’ins -tallation d’équipements nautiques et sportifs,comme par exemple un câble pour faire duwakeboard au centre nautique de Genève-Plage.Aux Bains, ces dernières années, nous avons déjàréalisé des aménagements de détente, notam -ment en installant un radeau démontable encaillebotis sur l’un des bassins. Mon départe-ment a aussi fourni des sangliers, pour faire degrandes grillades qui ont eu beaucoup de succès!

Mais le lac, ce n’est pas seulement unespace récréatif, c’est aussi un précieux bio-

Les magistrats parlent des Bains

Les plaisirs des bords du lactope naturel. Je souhaite donc sensibiliser lapopulation à la vie lacustre. Par exemple, chaquehiver nous organisons un rallye pour les écolesle long du quai Wilson jusqu’aux Bains desPâquis, à l’occasion de la Journée internatio-nale des zones humides. C’est une manière defaire découvrir aux enfants les oiseaux aqua-tiques, la flore lacustre… Eh oui, au fond dulac, il n’y a pas que des algues qui poussent,mais aussi des plantes à fleurs, des sortes demarguerites subaquatiques. Et les enfants nesont pas les seuls à l’ignorer ! D’ailleurs, lespêcheurs en profitent aussi, car ces herbessouterraines sont de véritables nurseries pouralevins…

Parfois, les baigneurs peuvent voir passerune sorte de grande nacelle grillagée orange:c’est une «faucardeuse», c’est-à-dire une fau-cheuse des prés aquatiques, qui évite auxbateaux d’avoir leurs hélices bloquées par lesherbes sous-lacustres. Cette machine navigueen suivant un plan qui lui permet d’éviter lesespèces rares.

Tout cela, on peut le voir tout en se chauf-fant au soleil des Bains. Les Bains, bien qu’unpeu surpeuplés, ont conservé leur caractère desimplicité, et ont su rester gais et accueillants,pleins d’animation; ils favorisent le brassagedes cultures et des populations. Pour toutcela, je félicite chaleureusement l’associationqui gère les Bains depuis la fin des années1980!

*Conseiller d’Etat chargé du Département de l’envi-ronnement, des transports et de l’agriculture.

Photographie Fausto Pluchinotta

«Les Bains des Pâquis? J’y ai passé la moitié de mes étés, depuis l’âge de quinze ans!»

LUC BARTHASSAT*

En évoquant les Bains, ce sont lesdifférentes étapes de ma jeunessequi défilent dans ma mémoire, carj’avais l’habitude d’y retrouver mescopains successifs: tout d’abord les

copains du Cycle. On prenait le bus de Croix-de-Rozon jusqu’à Carouge, puis les patins àroulettes : eh oui, j’étais déjà adepte de la multimodalité des déplacements! A l’époque,nous n’avions pas encore de téléphone por-table, alors, les Bains étaient notre lieu de rendez-vous, en fin de journée et les week-ends.J’y allais avec mon petit frère Stéphane. Venantde Bardonnex, on avait l’impression de «des-cendre à la grande ville»… Mais en fait, c’étaitun village! On y connais sait tout le monde. Il y avait des artistes, de petits spectacles. Je me souviens particulièrement d’une chan-teuse brésilienne, et du tam-tam…

Ensuite, pendant mon apprentissage,c’étaient les copains du CEPIA et les noc -tambules qui s’y retrouvaient au petit matin…Et enfin, ceux du foot et du hockey. Le di -manche matin, après un bon jogging, j’adoraismanger une excellente assiettée de saumonfumé, et l’après-midi on jouait au foot… Quedes bons souvenirs !

Les Bains, c’était populaire et bon marché.Il y avait un parfait mélange: jeunes et vieux,

Juste la chair et les eauxJÉRÔME ESTÈBE

Drôle d’expérience que de mettrele réveil à deux heures et demi du mat’. A vrai dire, c’est plutôt legenre d’heure à laquelle on va secoucher, enfin les soirs de liesse.

Un sur deux. L’autre jour, un aimable pêcheurnous ayant invité à une balade sur le GrandLac Léman, on s’est donc extirpé du plumardau milieu de la nuit, un poil pâteux va sansdire, pour aller se geler les cahouètes sur unbateau au milieu des eaux noires et profanes.

Ben, on ne l’a pas regretté.Car c’est beau un lac, la nuit. Et plus en -

core juste avant l’aube. Le paysage, mêmequ’il te suffoque. L’horizon s’embrase. La mon-tagne rosit. Et croassent gentiment les héronsfarceurs dans le grand silence lacustre.

Plus apaisant, tu collapses.A bord du bateau, il y avait aussi le pote

Vogelsang, qui signe la chouette photo ci-dessus. Et le pêcheur, évidemment, fort oc -cupé à lever des filets pendant trois grosses

plombes. Et dans les filets se trémoussaientplein d’ombles-chevalier. Soit ce poissond’eau sacrée et bien fraîche, locataire desabîmes, membre distingué de la familledes salmonidés et considéré par les ama-teurs comme la créature dotée de nageoirela plus exquise de la création.

Après vérification, c’est une réalité vraie,indubitable autant qu’éclaboussante.

On est revenu à la maison avec un belomble de 600 grammes, à l’œil brillant et àla robe argentée que tu l’aurais juré trico-tée par Courrèges en 1967. En cuisine, on a suivi à la lettre les recommandations du pêcheur. En cuisant la chose entière,douze minutes pile, à four chaud. Pasd’épices. Pas d’herbettes. Pas de machins.Nada. Juste un filet d’huile d’olive et unrien de fleur de sel. Mamamia! Quellefinesse! Quelle texture délicate! Quellesaveur subtile ! Quelle extase lémanique!Depuis, on marche à l’omble.

Pour finir, citons opportunément lepoète, celui qui a dit :

Pas d’apprêt bidonde sauce grotesquele poisson est si bontout nu ou presque.

Top Slurp

http://jeromeestebe.blog.tdg.ch

Photographie Olivier Vogelsang

Poisson fraisERIC BAUER

Le port le jet d’eau, quitter la ville, un peu de nuit un peu de jour,le vent frais de la surface, des brouillards matinaux comme dit la météo les cormorans les colverts sur le triangle d’eau parler, se taire c’est encore mieux, rêver de Fracasse ou Crochet et pourquoi pas des deux, le bruit du moteur le patron pour râler s’arrêter, ici ça va cartonner hier, c’était bien, mais hier c’est toujours mieux pour attendre,impatient, le premier poisson.

Page 30: L'EAU DELÀ

Journal des Bains 13 · été 201532

JONAS TIRABOSCO

L’illustration de Jonas Tirabosco, élève graphiste de 3e année spécialisation illustration/narration au CFP Arts appliqués, évoque un réel sentiment de paix intérieure, de bien-être et de plénitude.A l’issue d’une journée de travail forte en émotions, le personnage vient se ressourcer aux Bains des Pâquis. Dans une chaleureuse lumière de fin d’après-midi, il se met à nu et se libère du stress,de la confusion et des soucis quotidiens. L’instant est délicieux, la sensation est merveilleuse, plus rien ne compte. Il se lance du plongeoir et est porté par son bonheur.

Frédéric Ottesen, directeur CFP Arts appliqués

Page 31: L'EAU DELÀ

33Journal des Bains 13 · été 2015 PORTRAIT

FRANÇOISE NYDEGGER

Cette vision, c’est du passé. PhilippeSchwizgebel vient de prendre saretraite de nettoyeur d’installationsbalnéaires. Il n’est plus le larbindes Bains, tel qu’il s’est décrit dans

une chanson composée il y a des lustres et quiva bientôt sortir sur un disque très attendu.Le bleu du ciel, donc. Mais larbin des Bains,c’est un peu court, tout de même, comme bio -graphie. Qu’ajouter d’autre? «Je fais 1,64 m et58 kilos», précise alors ce timide qui manieironie et autodérision plus souvent qu’à sontour.

L’homme, certes, n’a rien d’une armoire à glace. Dans une autre vie, il a même étéDocteur Souris. Comme la petite bête, précise-t-il. C’est le nom d’un de ses groupes de rock.Car Philippe est avant tout musicien. «Maisquand on est musicien, on dépense plus qu’ongagne!» relève-t-il, un brin fataliste. «J’étaisbatteur dans des orchestres qui ne duraientjamais plus que deux ans. Le temps de faire latournée des centres de loisirs…»

Le batteur dit avoir appris à jouer sur letas, à force de fatiguer son instrument. Il re -connaît toutefois un passage dans une écolede batterie et plusieurs mois au Conservatoire,en classe de percussions, pour perfectionnerla caisse claire. Philippe y découvre aussi lesgammes et tout ce dont il a besoin pour jouerdu xylophone ou de la guitare et composerdes mélodies. En une trentaine d’années, il asorti 35 chansons de son cru, dont la moitiés’est perdue en route. Auparavant, il les savaitpar cœur, donnait les grilles d’accords auxautres musiciens du groupe, et puis ça suivait.Maintenant, il ne sait plus où mettre les doigts,et il a oublié les paroles. «Les toutes premièreschansons, je les ai paumées. Il y avait peu audépart et j’ai beaucoup perdu…»

Alors il signe et décide de devenir un ouvriersérieux. Le cadre de travail lui plaît, toutcomme le fonctionnement.

«Mais ce que j’aime le plus ici, c’est le grandair ! Travailler dehors me fait beaucoup debien, vu que j’ai eu une grave intoxication aumonoxyde de carbone il y a plus de vingt ans,à cause d’un fourneau à bois défectueux. J’ap -précie ce boulot qui me fait me lever de nuitpour commencer les nettoyages à 4h du matin.»

Trop tôt? Même pas. «J’aime bien, pourune fois dans ma vie, être le premier quel quepart ! T’es là tranquille, près de l’eau, tu fumesune clope debout, un café à la main. Il n’y apersonne pour te déranger.» Après, il faut re -trousser les manches. Nettoyer à grandes eauxles installations intérieures, balayer, sortir lespoubelles. Et puis gicler l’extérieur. «Plus tubosses tôt et moins il y a de gens à déplacer.C’est plus facile pour passer le jet, les usagersdes Bains n’aiment pas trop bouger.» Car s’ily a bien un truc qu’il n’apprécie pas spéciale-ment, c’est d’œuvrer quand il y a du monde etnettoyer le sauna, les claies étant décidémenttrop lourdes à manier. Et puis aussi de voirtout ce que les usagers laissent traîner der-rière eux. «On s’y habitue, mais on ne s’y faitjamais.»

Depuis qu’il revient aux Bains en simplevoisin, pour s’obliger à marcher un peu, sonregard sur les lieux change. Il prend l’air dularge et salue quelques connaissances au pas-sage. Mais son esprit est occupé par la sortieprochaine de son premier disque. Un CD en -registré tout en numérique en été 2014 avecJohn Woolloff. Le guitariste bassiste, qui estaussi ingénieur du son, a assuré le mixage du CD, la pochette étant réalisée par sonfrère, Georges Schwizgebel, réalisateur de filmsd’animation.

Le bleu du ciel compte douze chansonsd’humeur, d’humour et d’amour. Dont ce titre,justement, qui raconte la vie du larbin desBains. «Je ne parle pas forcément d’ici. Je necite rien, même s’il y a le bateau poubelle. Ce sont des bains comme il y en a cent milledans le monde.»

Manque de bol, le studio d’enregistrementa pris feu. Si la maquette du CD a heureuse-ment été sauvée, l’incendie a retardé la sortiede la galette, toujours en attente d’être pres-sée. Philippe n’est plus à quelques mois près.Il a déjà tant tardé avant de se lancer dansl’aventure. Mais il ne se fait pas trop d’illu-sions. «Pour que mon disque marche, il fautqu’il fonctionne à Paris et qu’une maison dedisque s’y intéresse. Autrement, c’est foutu.»

A voir. Mais au fait, pourquoi se donnertant de peine pour sortir ce disque, lui qui n’aimepas trop se mettre en avant? «Sans doutepour laisser quelque chose avant de partir…»

Le bleu du cielLe bleu du ciel est comme ses yeux. Une couleur eau changeant selon le temps et les humeurs. Selon les heures du jour aussi. Ceux qui l’ont croisé au petit matin sur la jetée n’ont pourtant vu de lui qu’une silhouette en habit de travail, un sac poubelle à la main, la clope au bec, fredonnant parfois en passant le jet entre les claies ou sur le béton, imperturbable.

N NO E

E EF C

S L N U D OE O N O N

I I T D D DT D T A A IU D E V I E NF L U I D E E

B L A ME U V A G EA T I O N E RI S R E M M I

N C PE O M

S S T T G I O UR E M A N N T I

E B K N A CL O M E O U G

E E L A R E N I ME T R O F U A E TE E E R T A M U

N I A D R U O JA I E S N BS A L E E C D EP B E S A E NE E A O L E IR L E P C T TS G O L T E EI E T U L E A TO D O R I M NN G E N D T EA S T N O E SA D A U E I TS E N B S TE T G O U E AD A S N N N C SI L A U I O SE P M T F U B RR I P I R R I GE E R C N ON U E G U L E DP Z T L E S E D

Faire de la musique, boire des coups et vivre,tout simplement: ce programme l’a occupépendant de nombreuses années. A l’époque,les petit boulots alimentaires se ramassaient à la pelle. Le musicien a ainsi bossé dans depetites et moyennes entreprises, essentielle-ment dans le secteur du nettoyage, le métierne demandant pas de qualifications parti -culières. On ne peut pas dire qu’il ait alors

donné le meilleur de lui-même dans ces em -plois temporaires. «Je gattais souvent…» LePâquisard commence néanmoins à travailleraux Bains en 1991, à un moment où le chô-mage ne lui donne presque rien.

Philippe fait d’abord ses gammes à laplonge, côté buvette. Puis de la buvette, ilpasse à la plage. On lui propose un poste denettoyeur à l’année à 60%. «Ça m’arrangeait.»

Photographie Philippe Constantin

Les flacons mystérieuxTHIERRY OTT

Lorsque vous aurezdécouvert tous les mots

de cette grille, il vous restera26 lettres avec lesquelles vous

pourrez former une phraserépondant à la définition : «C’est unechose insignifiante». La lecture desmots, dans la grille, peut se faire

horizon talement, verticalement oudiagonalement, à l’endroit ou à

l’envers. Attention! Chaquelettre peut être utilisée

plusieurs fois.

AblutionAmerAspersionBaptêmeBénédictionBéniteBreuvageDélugeDe SeltzDistilléeDouceEau-de-vieEau-forteEtangsFlotteFluideGangeGoutteImmersionInondationIrrigationJourdain

LacsLourdeMareMinéraleMoïseNeptuneNéréeNéréidesNoéOcéanOndéeOndinePlatePoséidonPotablePurificationTsunamiSakéSaléeSaumâtreSodaSource

Solution en page 35

Page 32: L'EAU DELÀ

Journal des Bains 13 · été 201534

aubes musicalestous les joursdu 13 juillet au 23 août

de 06h00 à 07h00

LUNDI 13 ET MARDI 14 JUILLETLes Ploufs (Alberte, Clerc, Guyon, Privat, Riesen, Sommer, Vincenti collectif), «Un peu, beaucoup…» Concert spectacle, création mondiale

MERCREDI 15 JUILLETVuelta. Chansons latino-lémaniques

JEUDI 16 JUILLETBijayashree Samal et Pt. Udai Mazumdar. Morning Ragas, Hindustani Classical Vocal

VENDREDI 17 JUILLETDuo Pierre Hattat, Sébastien Mazoyer.Du classique au Tango

SAMEDI 18 JUILLETAqua potabile «music project» & Jesus Gonzalez. Son cubano, musique traditionnelle cubaine

DIMANCHE 19 JUILLETGeorge Barcos Guitar Quartet. Jazz and Latin Songs

LUNDI 20 JUILLETStéphane Blok. Chanson française

MARDI 21 JUILLETJibcae. Songwriter / jazz /alt

MERCREDI 22 JUILLETFestival piano. Nicolas Perruchoud et Loïc Le Foll. Animal Noir. Créé par Benjamin Boutboul, collectif Metteurs en pièces. Piano Animal, Noir Electro

JEUDI 23 JUILLETFestival piano. WintschWeberWolfarth !Improvisation jazz

VENDREDI 24 JUILLETFestival piano. Gabriel Sivak & ContramarcaCréations d’aujourd’hui

SAMEDI 25 JUILLETFestival piano. Guy Rombaux : Leprest à l’improviste. Chanson française

DIMANCHE 26 JUILLETFestival piano. Viva Sanchez Morand Jean-Sébastien Bach, Variations Goldberg

LUNDI 27 JUILLETFestival piano. Daniel Fuchs. Piano classique

MARDI 28 JUILLETFestival piano. Paralog. Jazz contemporain

MERCREDI 29 JUILLETCarte blanche Cave 12. Chorale Noise

JEUDI 30 JUILLETCarte blanche Cave 12. What's Wrong With Us.Rock

VENDREDI 31 JUILLETLes ânes rient de Marie. Jazz

SAMEDI 1er AOÛTPascal Schaer et Patrick Bielser. Performancepour 10 cors des Alpes et percussions

DIMANCHE 2 AOÛTZepless. Folk / jazz intimiste

LUNDI 3 AOÛTCarte blanche AMR. Florence Melnotte, solo pour trois instruments

MARDI 4 AOÛTCarte blanche AMR. Maria libera, Alba libera !

Psycho-bloc

MERCREDI 5 AOÛTTruc à trois. Chanson française

JEUDI 6 AOÛTPauline Ganty Quartet. Jazz contemporain

VENDREDI 7 AOÛTMacire Sylla et Soleil d’Afrique.Musique traditionnelle de Guinée

SAMEDI 8 AOÛTSüsser Blumen Trio. «Chants d’amour»

DIMANCHE 9 AOÛTDuo Draak. Spectacle gordien

LUNDI 10 AOÛTGalissa-Liebeskind Talking StringsIbrahima Galissa, kora. Marc Liebeskind, guitare. François Galix, basse. Stéphane Foucher, batterie

MARDI 11 AOÛTTrio Tournier-Lecoq-Edouard. Musique de l’Indedu nord /musiques improvisées d’aujourd’hui

MERCREDI 12 AOÛTCompañía Alba Lucera. Contemporain / flamenco

JEUDI 13 AOÛTCarte blanche Ethno. Keren Esther. Chansons judéo-espagnoles

VENDREDI 14 AOÛTCarte blanche Espace musical

SAMEDI 15 AOÛTCarte blanche Ethno. Vocal Iroko. Musique afro-cubaine

DIMANCHE 16 AOÛTSwing spirit. Jazz swing avec un animateur pour faire danser le public

LUNDI 17 AOÛTCarte blanche CPM. Massimo Pinca, «A Basso solo». Classique et improvisation

MARDI 18 AOÛTCarte blanche CPM. Trio Pigaglio.Musique française du XXe siècle

MERCREDI 19 AOÛTMoya Trombones. Showspectacle musical et théâtral

JEUDI 20 AOÛTDanse de salon

VENDREDI 21 AOÛTEnsemble OffenStrauss. Classique

SAMEDI 22Surprise

DIMANCHE 23 AOÛTAlta Capella. Musique de la Renaissance

Unique en Suisse, le psycho-bloc des Bains a fait le buzz l’an dernier. Le revoilà pour l’été, repeint de frais et prêt à accueillir tous les grimpeurs, émérites ou débutants. Inauguration début juin.

Dessin Soizic Maurer

Affiche de Cédric Marendaz

Page 33: L'EAU DELÀ

35Journal des Bains 13 · été 2015 AGENDA

JOURNAL DES BAINS

Le journal de l’AUBPAssociation d’usagers des Bains des PâquisQuai du Mont-Blanc 30, 1201 Genèvetél. 022 732 29 74www.bainsdespaquis.ch

Rédactrice responsable Françoise [email protected]

Rédaction Serge Arnauld, Florencio Artigot,Armand Brulhart, Philippe Constantin, Eden Levi Am, Guy Mérat, Fausto Pluchinotta, Bertrand Theubet, Veronika Vizner

Conception graphiquePierre Lipschutz, www.promenade.ch

Ont collaboré à ce numéroJean-Luc Babel, Oscar Baillif, Luc Barthassat, Eric Bauer, Andrea Bonnet, Karine Defago, Michel-Félix de Vidas, L’Echo de la Boucle, Jérôme Estèbe, Jean Firmann, Vincent Fournier,John Gutwirth, Antony Hequet, Marc Henry, Gérald Herrmann, Aloys Lolo, Cédric Marendaz,Soizic Maurer, Barbara Meuli, EnnemondNeausarde, Thierry Ott, Jean-Michel Perret, Gérard Pétremand, Plonk & Replonk, Christiane Pugin Russbach, Jean Stern, Jonas Tirabosco, Olivier Vogelsang

Publicité Helena de [email protected]

ImpressionCIL Centre d’impression Lausanne SA

Tirage : 5000 exemplaires

Journal imprimé sur du papier certifié FSC®

© 2015, les auteurs et l’AUBPISSN 1664-3003

Prochaine parution : hiver 2015-2016Délai rédactionnel : 5 septembre 2015

SAMEDI 27 JUIN

ÙTOURNOI DE PÉTANQUE Triplette mixte à 16h

SAMEDI 27 JUIN

ÙSONOPACK, SILENT PARTY à 17h

MARDI 7 ET VENDREDI 10 JUILLET

ÙEXPLORATION DU BIOTOPE avec la Libellule

VENDREDI 10, SAMEDI 11ET DIMANCHE 12 JUILLET

ÙTRIATHLON INTERNATIONAL DE GENÈVE

DU 13 JUILLET AU 23 AOÛT

ÙAUBES MUSICALESChaque matin à 6h00 par tous les temps.Cafés, thés offerts � voir page ci-contre

SAMEDI 25 JUILLET

ÙSONOPACK, SILENT PARTY à 17h

SAMEDI 1er AOÛT

ÙFÊTE NATIONALETournoi de jass, lutte à la culotte, lancer de la pierre des Bains, clown…

DU 3 AU 17 AOÛT

ÙEXPOSITION DIALOGAI

DIMANCHE 9 AOÛT

ÙINITIATION À L’APNÉEavec l’ASL et les Dauphins, de 9h à 12h

SAMEDI 15 AOÛT

ÙSILENT PARTY AVEC DIALOGAI

MARDI 18 ET VENDREDI 21 AOÛT

ÙEXPLORATION DU BIOTOPE avec la Libellule

DU 18 AU 22 AOÛT

ÙHELVETAS, CINÉMA SUD dès 21h

DIMANCHE 23 AOÛT

ÙCOURSE AUTOUR DU PHAREdès 14 h. Inscription sur place dès 11h30

SAMEDI 5 SEPTEMBRE

ÙSONOPACK, SILENT PARTY à 17h

SAMEDI 5 SEPTEMBRE

ÙTOURNOI DE PÉTANQUE Triplette mixte à 10h

SAMEDI 12 SEPTEMBRE

ÙOUVERTURE DU SAUNA

PLAGE

Ùdu 11 au 22 mai 2015: de 10h à… (selon météo)du 23 mai au 23 août : de 10h à 21h la semaine,de 9h à 21h le dimanchedu 24 août au 11 septembre : de 10h à… (selon météo)

Prix d’entrée2.– pour les adultes, dès 16 ans1.– pour les enfants, AVS et AIGratuité pour les enfants en-dessous de 6 ansAbonnement pour toute la saison:50.– pour les adultes30.– pour AVS, AI, étudiants (jusqu’à 25 ans)20.– pour les juniorsTél. 022 732 29 74

LA BUVETTE DES BAINS

ÙDès 7 h du matin, petit-déjeuner complet. Dès midi, un excellent plat du jour. Horaires: de 7 h à 22h30. Tél. 022 738 16 16

LA BUVETTE PROPOSE :« ANNIVERSAIRE PIRATE »Animations, chasse au trésor, gâteaux,chansons, bal, de 5 à 105 ans, forfait 200 fr.les mercredis et samedis de 14h à 16h,les dimanches de 10h à 12hRéservations à la Buvette

MASSAGES

ÙDes masseurs et masseuses professionnellesproposent différents types de massages, de détente, sportifs ou musculaires, réflexologie,drainages lymphatiques ou encore shiatsu.

Tarif : séance de 50 minutes à 65 francsHoraire: de 9h30 à 20h tous les jours Réservation sur place ou par téléphoneau 022 731 41 34 (lundi-vendredi) de 9 h à 13 h

HAMMAM

ÙLes hammams sont ouverts tout l’été de 10h à 19hPrix d’entrée 10.–, serviette comprise Fermés pour travaux du 25 août au 12 septembre

JUSQU’AU 2 JUIN

ÙPUTAIN DE PORTRAITSExposition de photographies et textes

DU 4 AU 28 JUIN

Ù« LES PETITS AMIS DES MUSÉES » Exposition

SAMEDI 6 JUIN

ÙAPÉRO POÉTIQUE Stéphane Blok, de 11h à 12h

LUNDI 15 JUIN

ÙASSEMBLÉE GÉNÉRALE AUBP à 20h

MARDI 16 JUIN

ÙVERNISSAGE«571, Incertitude paysagère», de Jean SternAncienne billetterie, sur le quai, à 18h

MERCREDI 17 JUIN

ÙUN CLOWN AUX BAINS

SAMEDI 20 JUIN

ÙAPÉRO POÉTIQUELecture de Claude Thébert, de 11h à 12h

PLONK & REPLONKPetite vague perdue sur la plage, à la recherche de sa mer – www.plonkreplonk.ch

Ecrivez-nous!Quai du Mont-Blanc 30 ·1201 Genève

[email protected]

Solution du jeu de la page 33

Les flacons mystérieux: C’EST UNE GOUTTE D’EAU DANS LA MER

Page 34: L'EAU DELÀ

S A I S O N 1 5 1 6

UN OPÉRADE COUR À JARDIN

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