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1 L’eau et l’imaginaire 1-LES CROYANCES AUTOUR DE L’EAU EN BRETAGNE Dans la mesure où l’être humain a un besoin vital de consommer chaque jour un peu d’eau pour survivre, dans la mesure où la plupart de ses activités économiques, sociales et cultu- relles utilisent celle-ci en quantité et qualité appropriées, les populations se sont toujours ins- tallées et développées là où elles pouvaient avoir aisément accès à cette précieuse res- source, près d’une rivière ou d’un lac, de sources ou de puits ou encore au bord de la mer. L’eau est l’élément qui unit le ciel et la terre, car l’eau est un élément fami- lier. Elle évoque la fontaine, le lavoir qui sont des lieux de sociabilité, le pont qui est le symbole de l’unité entre deux rives (qu’elles soient temporelles ou immatérielles). Ne dit-on pas qu’au pied de l’arc en ciel se cache un fabuleux trésor? les hommes se sont souvent installés auprès des rivières...les fées aussi! Le culte de l’eau à travers les âges Le culte de l’eau remonte à des temps très anciens mais il est communément ad- mis qu’il fait partie de croyances héritées de la protohistoire, voire de la préhistoire. Habitants de l’Armorique à l’âge du Fer, les Celtes avaient une vie religieuse intense et en conséquence de très nombreux lieux sa- crés. Forêts, clairières, rivières, avaient leur préférence pour communiquer avec les dieux. Mais les sources, là où jaillissait l’eau symbole de vie, avaient une signification particu- lière et les Celtes leur prêtaient souvent des vertus curatives et régénératrices.

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L’eau et l’imaginaire1-LES CROYANCES AUTOUR DE L’EAU EN BRETAGNE

Dans la mesure où l’être humain a un besoin vital de consommer chaque jour un peu d’eau pour survivre, dans la mesure où la plupart de ses activités économiques, sociales et cultu-relles utilisent celle-ci en quantité et qualité appropriées, les populations se sont toujours ins-tallées et développées là où elles pouvaient avoir aisément accès à cette précieuse res-source, près d’une rivière ou d’un lac, de sources ou de puits ou encore au bord de la mer. L’eau est l’élément qui unit le ciel et la terre, car l’eau est un élément fami-lier. Elle évoque la fontaine, le lavoir qui sont des lieux de sociabilité, le pont qui est le symbole de l’unité entre deux rives (qu’elles soient temporelles ou immatérielles).

Ne dit-on pas qu’au pied de l’arc en ciel se cache un fabuleux trésor?

les hommes se sont souvent installés auprès des rivières...les fées aussi!

Le culte de l’eau à travers les âges

Le culte de l’eau remonte à des temps très anciens mais il est communément ad-mis qu’il fait partie de croyances héritées de la protohistoire, voire de la préhistoire. Habitants de l’Armorique à l’âge du Fer, les Celtes avaient une vie religieuse intense et en conséquence de très nombreux lieux sa-crés. Forêts, clairières, rivières, avaient leur préférence pour communiquer avec les dieux.

Mais les sources, là où jaillissait l’eau symbole devie, avaient une signification particu-lière et les Celtes leur prêtaient souvent des vertus curatives et régénératrices.

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Cette croyance ancestrale dans le pouvoir des sources ne s’est pas atténuée avec l’arrivée des Romains qui se sont conten-tés de donner d’autres noms aux divinités vénérées par les Cel-tes. La venue des moines évangélisateurs en Armorique entre le 5ème et le 7ème siècle après JC n’a pas non plus contribué à diminuer la ferveur des habitants envers les sources. Aus-si, plutôt que de tenter d’éradiquer ces pratiques peu ortho-doxes, l’église les a converties en lieux de culte catholique. Ces pratiques et ces croyances peuvent paraître désuè-tes désormais mais La puissance symbolique de l’eau pos-sède une aura légendaire transmise de générations en géné-rations. Elles font partie de notre histoire et de notre culture.

Les marais :Les marais et marécages ont toujours suscité la crainte. Le marais cache en son sein des esprits infernaux. Ceux qui s’en approchent risquent tou-jours leur vie. Il n’y a guère d’accommodements possibles avec les créatures malveillantes qui l’ha-bitent. C’est que leurs pouvoirs sont considérables. On ne compte plus les légendes dans lesquelles ces paluds ont englouti non seulement des char-rois et des voyageurs, mais des villes entières. Les marais furent reconnus par l’église catho-lique de nature diabolique. Les portes de l’enfer s’ouvrent au fond de ces eaux noires. C’est pour-quoi les âmes en peine hantent ces lieux de mort.

Les lavoirs :Encore très nombreux avant l’alimentation en eau dans les villages, ces lieux où se rassemblaient les femmes ont été propices aux mythes et aux croyances. C’est notamment le cas avec les lavan-dières de nuit qu’il ne fait pas bon rencontrer…

Sources de légendes :

Fontaine et lavoir sont souvent proches comme ici à Loc Envel

Les tourbières et autres marais étaient très présentes autrefois

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Les fontaines sacréesLes sources vénérées au temps des Celtes, sont devenues fontaines, intégrées au cours des siècles à des édifices religieux. Elles ont pris le nom des saints de l’Eglise romaine ou de ces moines venus d’outre-Manche, eux-mêmes devenus saints dans la religion populaire.Aujourd’hui le culte des fontaines se perd alors qu’il y a une cin-quantaine d’années, nos grands-parents s’en souviennent en-core, on s’y rendait pour s’y baigner les yeux ou pour demander la guérison d’un proche. En Bretagne des centaines de sources sont réputées avoir des pouvoirs, certaines accueillent encore des pèlerins. Les rites sont différents selon les maux et les lieux, mais on retrouve souvent les mêmes gestes : boire ou se laver avec l’eau de la fontaine, en faire 3 fois le tour, y tremper le vête-ment d’un malade (si il flotte il guérit, sinon…), piquer une épin-gle dans le nez de la statue pour trouver un mari (St Guirec)…Chaque fontaine a des vertus précises : guérir les yeux, les maux de ventre, faire marcher les enfants, ren-dre fertile, trouver un mari, soigner les animaux…

La basse Bretagne est particulièrement riche en fontaines sacrées. Par sacrées, on entend ici les fontaines saintes, situées près d’un sanctuaire et dédiées à un saint ainsi que celles à qui l’on prête des pouvoirs sans être rattachées au culte catholique. Les fontaines bretonnes ont leurs particularités : elles sont essentiellement rurales, situées dans des hameaux plutôt que des villages et associées à des édifices religieux éparpillés dans nos campagnes. Les sources ont été depuis des temps anciens l’objet de cultes que l’Eglise catholique s’est attachée à christianiser en construisant à proximité d’une majorité d’entre elles des édifices religieux comme des chapelles et des églises paroissiales. Les vertus alors prêtées aux fontaines ont été associées aux pouvoirs des saints qui, à leur arrivée en Breta-gne entre le 5ème et 7ème siècle, avaient pour habitude d’établir leur ermitage près des sources.

... Et la fontaine de Notre Dame de Pendreo à Belle Isle en Terre, vous

protège de la coqueluche......

Il faut juste monter 110 marches pour l’atteindre....

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L’eau et l’imaginaire2- LES PERSONNAGES IMAGINAIRES LIES A L’EAU:

Certains êtres du peuple de l’eau vivent plutôt en eau douce, près des lacs, des riviè-res, des fontaines, des sources, des marais…et d’autres sont près de la côte et de la mer.

LE PEUPLE DE L’EAU DOUCE

Les « Poulpikans » ou « Poulpiquets »Vous connaissez tous les Korrigans, ces lutins celtes, tour à tour facétieux et cruels. Certains d’en-tre eux habitent au plus profond de la forêt ; d’autres errent perpétuellement sur les landes… Dans les traditions populaires de Bretagne, il s’agit d’esprits plutôt malfaisants. Ils for-ment des rondes, notamment autour des pierres levées, et dansent toute la nuit. L’hom-me qui les surprendrait se verrait entrainé dans cette danse folle et mourrait d’épuisement.

Ils sont généralement laids d’aspect, ridés et poilus, parfois munis de cornes et d’une petite queue, mais certains disent que les femmes des Korrigans sont de belles petites fées ailées. Ils sont petits mais ont le pouvoir de s’étirer jusqu’à atteindre des tailles co-lossales. Les Korrigans vivent sous la terre ou dans les grottes, gardant de fabuleux trésors. Les dol-mens et les menhirs délimitent parfois leur cité.

Esprits voleurs se profilant sur le sommet des collines au crépuscule tombant, ils descendent saccager les fer-mes des humains, piller leur chaumière éteinte, dérober aux mères leur enfant qu’ils remplaceront par un vilain p’tio.Avec le temps, les Korrigans ont su peupler de vastes domaines et de nombreuses régions. Aussi, a-t-on nommé différemment les Korrigans selon leur habitat. Les Poulpikans vivent dans les eaux, les Kornikaneds dans les bois notamment en Brocéliande, les Korils préfèrent les landes, les Teuz ou teus hantent les cultures...Les poulpiquets ou poulpikans sont des Korrigans qui habitent les marais, avec les crapauds et les nénuphars. Ils inspirent beaucoup de peur aux hommes - on dit que les imprudents qui se penchent au-dessus des marécages, quand vient le crépuscule, ont de bonnes chances d’être happés par ces impitoyables lutins aquatiques. Ils sont carnivores et voraces, et guère plus regardants sur la nature de leur « manger » qu’un rat surmulot.

Un jour, Loïk Pichard, un paysan de basse Bretagne, qui avait pour marotte de pêcher le dimanche, crut avoir ferré un gros poisson ; il eut la désagréable sur-prise de trouver un poulpiquet verdâtre au bout de sa ligne ! Il relâcha le korrigan, s’en retourna chez lui et faut-il le préciser, ne revint plus jamais pêcher dans ces eaux trop glauques à son gré.

La mare est un lieu de vie du poulpikan

La famille des korrigans est grande

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L’eau et l’imaginaireLes lavandières de nuitOn raconte que ces lavandières ont été punies jusqu’au jugement dernier. Ces laveuses de vête-ments, dans leur avarice, ont voulu économiser leur savon. Ainsi pour laver les vêtements des pauvres, elles préféraient user de cailloux, abîmant ainsi for-tement leurs vêtements. Ceci leur valut, lors de leur mort, d’être condamnées à laver indéfiniment des vêtements, lors de nuits sans lune et sans étoiles, dans ces mêmes lavoirs où elles avaient jadis travaillé. Lorsqu’un passant s’approche, les lavandières lui demandent de les aider à essorer en tordant leurs linges ou linceuls. Il faut alors impérativement le tordre dans le même sens qu’elles pour qu’elles se lassent et abandonnent. Malheur à celui qui se trompe, il a les bras happés et brisés par le linge qui finit par l’entourer jusqu’à l’étouffer. S’il refuse de les aider elles l’enroulent dans les linges et le noient dans le lavoir, tout en le frappant avec leurs battoirs. Elles seraient les lavandières préposées à laver les défunts et leurs vêtements, ne trouvant pas le repos éternel ; ou encore de mauvaises mères condam-nées à laver les langes de bébés morts sans avoir été baptisés.

Les ondines :Ondine est une nymphe ou naïade. À l’inverse des sirè-nes, les nymphes ne fréquentent pas la mer, mais les eaux courantes, rivières, fontaines, et n’ont pas de queue de poisson. Durant l’été, elles aiment se tenir assises sur la margelle des fontaines, et peigner leurs longs cheveux avec des peignes d’or ou d’ivoire. Elles aiment également se baigner dans les cascades, les étangs, et les rivières, à la faveur des jours radieux d’été. On dit que celles qui ont les cheveux couleur d’or possèdent de grands tré-sors qu’elles gardent dans leurs beaux palais immergés.

Attention si vous entendez des bruits de battoir dans la nuit noire!

les matins de gelée, la nature crée des êtres féériques....

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On attribue l’alimentation en eau des fontaines aux larmes des On-dines, et celle-ci se tarit dès qu’une fée se sent offensée. Ainsi, il est de coutume de laisser diverses offran-des auprès des fontaines, tels que guirlandes de fleurs, épingles ou tes-sons de bouteilles, qui sont pour les fées des eaux, de véritables trésors scintillants et miroitants dans l’eau.

Mélusine :Certains lui donnent une origine bretonne insulaire. En breton son nom devient Melizenn et se traduit par La Mielleuse. Née des amours de Merlin et Viviane, elle s’éprit du fils du comte de Forez, Raimondin, qu’elle rencontra dans une forêt poitevine, l’épousa, et bâtit pour lui de nombreux châteaux dont le plus connu est celui de Lusignan. Ils eurent 8 garçons, tous frappés d’une tare physique : l’aîné, Vriam, avait le visage trop large, un oeil bleu et l’autre rouge. Le visage du cadet, Odon, était déformé et l’une de ses oreilles était démesurée. Le troisième, Guion, avait un oeil plus bas que l’autre, Antoine avait la joue barrée d’une griffe de lion, Renault n’avait qu’un oeil qui lui permettait de voir distinctement sur une très longue distance, Geoffroi, lui, avait une dent trop longue qui sortait de sa bou-che, Froimond avait le nez velu. Enfin, le dernier qui n’eut même pas de nom, avait trois yeux dont un au milieu du front.

Mélusine avait reçu de sa mère le pouvoir de se transformer en sirène et retournait se baigner à la rivière tous les samedis. Lorsqu’elle épousa Raimondin, elle lui avait fait promettre de ne pas chercher à la voir ce jour-là, ce qu’il fit jusqu’au jour où son frère le poussa à creuser un trou dans la porte de la chambre de sa femme avec son épée. Là, il découvrit le secret de sa femme qui, désespérée, s’échappa du château par la fenêtre et personne ne la revit. Depuis, lorsqu’un seigneur de Lusignan va mourir, elle apparaît sur les tours du château, à la tombée du jour, vêtue d’une robe mauve, accompagnée de biches et de cerfs, en poussant des cris perçants. En Bretagne et en Vendée, il existait des autels dédiés à la fée Mélusine.

Raimondin découvre le terrible secret de Mélusine

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L’eau et l’imaginaireFeux follets :Les feux follets sont décrits dans le folklore français inspiré des croyances chrétiennes com-me des âmes en peine qui ont besoin de prières pour sortir du purgatoire. Il peut s’agir d’enfants morts sans baptême ou d’esprits mauvais qui cherchent à entraîner les voya-geurs nocturnes dans les marais et les précipices, ou au fond des forêts. Les feux fol-lets se manifestent uniquement la nuit, et en particulier autour de la période de l’avent.Dans le marais du Yeun Elez, au coeur des Monts d’Arrée, ils sont pro-bablement à l’origine de la légende des «Portes de l’enfer».

LE PEUPLE DE LA MER

Les mari-morgans :En breton Mor signifie « mer » et ganed signifie « né ». Les Marie Morganes sont donc litté-ralement les êtres « nés de la mer ». Selon Luzel, les morgan se disent morganed au pluriel, et leurs femmes sont les morganezed (morganès au singulier, et Morgane en français). Les morganed sont de petits hommes et de petites femmes qui vivraient sous les flots, où ils se-raient dirigés par un roi dont le palais dépassait en merveilles tout ce qu’il y a de plus beau sur terre. Les Marie Morganes venaient parfois jouer sur le sable des grèves au clair de lune mais on ne pouvait les observer bien longtemps car au premier battement de paupières, tout s’évanouissait. Les Marie Morganes seraient d’un naturel paisible et bon, et les hommes en pro-fiteraient pour les duper. Cependant, cette duperie est réciproque puisque ces créatures se pré-sentent sous les apparences les plus séduisantes pour entraîner les hommes au fond des eaux.

L’imagination peut nous emmener très loin!

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Sirènes :De nos jours, nous voyons les sirènes comme de belles femmes au charme immense et à la queue de poisson. Pourtant, au tout début de leur légende, les sirènes étaient des créatures maléfiques avec des attributs d’oiseaux. Elles étaient nées du fleuve Achéloos et d’une muse (Melpomène ou Terpsychore, cela varie selon les légen-des). Dans les anciens récits, elles attiraient, par leur merveilleux chant, les marins qui passaient près de leur île puis les dévoraient. Dans l’imaginaire celte, la sirène sé-duit les pêcheurs en mer et enlève les enfants.

Tan nozEsprit des récifs des côtes bretonnes, habitant les falaises. Ils sévirent longtemps sur ces côtes, attirant par des lueurs les navires perdus dans les brumes et les vagues rugissantes, qui s’échouaient ainsi sur les écueils. Les Tan Noz égorgeaient alors les survivants et pillaient les bateaux, avant de festoyer au coeur des pierres déchirées pour célébrer leur piraterie.Suite à une guerre entre les Tan Noz et d’autres peuples de lutins des côtes qui jugeaient les actes de violence répétés de leurs voisins comme intolérables, ceux-là furent exterminés !

Les Tan noz sont entre lé-gende et réalité, le pillage d’épave était une réelle source de revenus pour tou-te une population bretonne

de la côte

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3 LES lIEUX DE LEGENDE EN BRETAGNE:

La ville d’YsLa légende dit qu’Ys était la plus belle et la plus impression-nante ville du monde mais devint rapidement, malgré les ser-mons de Saint Guénolé, la ville du péché sous l’influence de Dahut, fille du roi Gradlon. Elle organisait des orgies et avait l’habitude de faire tuer ses amants une fois le matin venu.Un jour, un chevalier vêtu de rouge vint à Ys. Dahut, troublée par sa beauté, lui demanda de venir auprès d’elle et un soir, il accepta. Une tempête éclata en pleine nuit, on entendait les va-gues frapper avec violence la porte de bronze et les murailles.Dahut dit au chevalier : « Que la tempête rugisse, les portes de la ville sont solides et c’est le Roi Gradlon, mon père, qui en possède l’unique clef, attachée à son cou », à quoi il répondit : « Ton père le roi dort, par amour pour moi, tu peux maintenant t’emparer facilement de cette clef. » Dahut vola la clef à son père et la donna au cheva-lier, qui n’était autre que Satan. Le diable ouvrit la porte de la ville. Les portes ayant été ouvertes en pleine tempête et à marée hau-te, une vague aussi haute qu’une montagne s’abattit sur Ys.Le roi Gradlon et sa fille montèrent sur Morvarc’h, le cheval magi-que. Saint Guénolé vint près d’eux et dit à Gradlon : « Repousse le démon assis derrière toi ! » Gradlon refusa d’abord, mais il finit par accepter et poussa sa fille dans la mer. L’eau recouvrit Dahut qui devint une sirène. Gradlon se réfugia sur le Ménez Hom, puis il prit la direction de Quimper, qui fut sa nouvelle capi-tale.Une statue équestre de Gradlon fut faite et elle est toujours aujourd’hui entre les flèches de la cathédrale Saint Corentin à Quimper. On dit que les cloches des églises d’Ys peuvent encore être entendues en mer par temps calme.

La statue du roi Gradlon sur la ca-thédrale de Quimper

Corentin demandant à Gradlon de jeter sa fille à la mer

De Évariste-Vital Luminais «La fuite du roi Gradlon», vers 1884, huile sur toile, 2 x 3,11 m. Musée des Beaux-Arts de Quimper

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La fontaine de Barenton

Mythique et fabuleuse, la discrète fontaine séduit par son charme désuet. Cachée dans les landes au-dessus du village de Folles Pensées, ses pouvoirs surnaturels sont connus depuis des siè-cles. Tantôt guérisseuse, tantôt capable de provoquer de grands cataclysmes, elle agite l’imagination des hommes tout autant qu’elle fascine. Ne dit-on pas qu’en versant son eau sur le per-ron posé à ses côtés, un formidable orage se déchaîne aussitôt sur la région. Des générations y ont cru, et pendant longtemps s’y sont rendues en procession les années de sécheresse. Plus romantique, Barenton, abrite aussi les amours de l’enchanteur Merlin et de la fée Viviane.

La légende :Un soir qu’Owein, chevalier d’Arthur, devisait avec Kynon, celui-ci lui raconta que s’étant rendu à la fontaine afin de vérifier les prodiges qui lui avaient été contés, il en arrosa la dalle. Aussitôt un immense coup de tonnerre éclata accompagné d’une averse de grêle. Puis un chevalier noir l’attaqua, et em-mena son cheval. Owein décida aussitôt de découvrir cet endroit. Il chevaucha jusqu’à une clairière où un géant noir, entouré d’animaux, lui indiqua la route. Il arriva à un arbre vert et vit la fontaine et la dalle. Il versa de l’eau sur la dalle et le terrible orage éclata, plus violent encore que ce que Kynon avait décrit, puis le soleil brilla et les oiseaux chantèrent. Alors qu’il prenait plaisir a écouter ces chants, il entendit des gémissements et vit le chevalier noir. Ils se char-

gèrent furieusement et brisèrent leurs deux lances, ils tirèrent leurs épées et Owein blessa mortellement le chevalier. Celui-ci s’enfuit et Owein le poursuivit jusqu’à l’entrée d’un château où Owein tenta de pénétrer derrière lui, mais les gens du château laissèrent tomber la herse sur lui. Puis ils fermèrent la porte intérieure, le prenant au piège entre la herse et la porte. Il aperçut alors une ravissante demoiselle aux cheveux blonds qui s’émut de son sort. Elle lui remit un anneau qui avait la propriété de rendre invisible à volonté. Quand les hommes d’arme vinrent le chercher, ils ne le virent pas courir pour retrouver la jeune fille.

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C’est alors qu’ils entendirent de grands cris, Lunet lui raconta qu’on venait de donner l’extrême onction au maître du château. Son corps fut porté en terre le lendemain et se mettant à la fenêtre, Owein vit la foule suivre le cercueil, et dans cette foule une très jolie jeune femme en habits de deuil jaunes. Lunet lui expliqua qu’elle était la plus belle, la plus généreuse, la plus noble et la plus sage des femmes, et qu’elle était l’épouse du chevalier, la Dame de la Fontaine.

Owein tomba immédiatement amoureux d’elle. Lunet tenta alors de raisonner la Dame inconsolable en lui expliquant que pour garder la fontaine, il lui fallait un époux, vaillant chevalier pour la défendre. Elle lui proposa donc de se rendre pour elle à la cour d’Arthur. Elle se contenta de rester enfermée dans sa chambre, puis retourna vers la Dame et lui présenta Owein. Mais la Dame ne fut pas dupe, elle compris qu’Owein n’avait pas fait ce long voyage, qu’il était caché au château et qu’il était celui qui avait tué son époux. Elle épousa tout de même Owein qui, depuis lors, garda la fontaine avec la lance et l’épée. Tout chevalier qui y venait, il le renversait.

La fontaine de jouvence (forêt de paimpont) Autrefois, le recensement des enfants nés pendant l’année se faisait proche de la fontaine. A la date du solstice d’été (21 juin), ces enfants étaient présentés aux prêtres afin qu’ils puissent être lavés et inscrits sur le «marith» (registre). La cérémonie avait lieu la nuit et de grands feux étaient allumés. Les enfants qui n’avaient pu être présentés au recensement de l’année étaient ramenés l’année suivante, et inscrits comme nouveau-nés de la nouvelle année, de sorte qu’ils se retrouvaient rajeunis d’un an sur le marith.

La fontaine du temple de Lanleff. Une pauvre et affreuse femme fit un troc avec le diable : son enfant en échange de pièces d’or. Lucifer conclut l’affaire et déposa une poignée de pièces sur la mar-gelle de la fontaine, sise près du temple. Puis il saisit l’enfant et l’emporta. Quant la mère indigne voulut récupérer son butin, elle se brûla gravement : les pièces sortaient tout juste des flammes de l’enfer. Dans un cri de douleur, elle lâcha l’or si convoité et les pièces s’incrustèrent à tout jamais dans le granit de la margelle. Si vous passez par Lanleff, rendez-vous à la fontaine. Vous mouillerez la margelle et 14 pièces apparaîtront.Mais réfléchissez bien avant de les saisir et de les empocher...

Auteur: Cyril Cocu

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La Légende de Beauchêne ( Langrolay, Côtes d’Armor)

Le Mourioche, voleur et malicieux, est un esprit diablotin, cornu et bossu, affublé d’un habit de bouf-fon. Il a le pouvoir d’invisiblité, ce qui est très pratique pour jouer des tours. Il vit généralement dans les bois, mais se rapproche de la chaleur des maisons quand vient la morte saison.

Mourioche est aussi le monstre, une sorte de loup-garou, qui, au onzième siècle, vivait dans l’étang du château de Beauchêne, en Langrolay, et se nourrissait des enfants qui avaient le malheur de se trouver dehors après la tombée de la nuit. Il fut tué au cours d’un combat épique par Je-han, le jeune seigneur de Beauchêne, qui, tandis que tous les seigneurs de la région étaient partis en croisade pour conquérir le tombeau du Christ, était resté auprès de la

jeune épouse. Jehan périt également au cours du combat, et retrouva ainsi son honneur. Sa jeune femme, Hermangarde, put alors écrire sur le livre d’or de famille. Jehan, seigneur de Beauchêne, Langrolay et autres lieux, mort en combattant.

Cette légende est rapportée par Jules Haize qui précise que La Mourioche est aussi la Dame blanche qui apparaît sur la tour des Ebihens, en face de Saint-Jacut.

4-BIBLIOGRAPHIE :

- « Guide des 117 fontaines sacrées de Bretagne, rituels de guérison », Daniel Spoerri et Marie-Louise Plesser, Editions Jean-Michel Place.

- « Les eaux douces », Paul Sébillot, Editions Imago.

- « Les korrigans et autres Bugale an noz », P. Jézéquel et P. Moguerou, Editions Avis de tempête

- « Les contes du korrigan », Editions Soleil

- « Grande encyclopédie des lutins », Pierre Dubois, Roland et Claudine Sa-batier, Editions Hoëbeke (et autres encyclopédies elfes, fées…de Pierre Dubois).