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Économie publique/Public economics 28-29 | 2012/1-2 Varia L’effet de la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) sur le nombre de visites chez le médecin : une analyse par régression sur discontinuités Sophie Guthmuller et Jérôme Wittwer Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/economiepublique/8889 DOI : 10.4000/economiepublique.8889 ISSN : 1778-7440 Éditeur IDEP - Institut d'économie publique Édition imprimée Date de publication : 25 novembre 2012 Pagination : 71-94 ISSN : 1373-8496 Référence électronique Sophie Guthmuller et Jérôme Wittwer, « L’effet de la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) sur le nombre de visites chez le médecin : une analyse par régression sur discontinuités », Économie publique/Public economics [En ligne], 28-29 | 2012/1-2, mis en ligne le 20 décembre 2012, consulté le 12 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/economiepublique/8889 ; DOI : https://doi.org/10.4000/economiepublique.8889 © Tous droits réservés

L’effet de la Couverture maladie universelle

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Économie publique/Public economics 28-29 | 2012/1-2Varia

L’effet de la Couverture maladie universellecomplémentaire (CMU-C) sur le nombre de visiteschez le médecin : une analyse par régression surdiscontinuitésSophie Guthmuller et Jérôme Wittwer

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/economiepublique/8889DOI : 10.4000/economiepublique.8889ISSN : 1778-7440

ÉditeurIDEP - Institut d'économie publique

Édition impriméeDate de publication : 25 novembre 2012Pagination : 71-94ISSN : 1373-8496

Référence électroniqueSophie Guthmuller et Jérôme Wittwer, « L’effet de la Couverture maladie universelle complémentaire(CMU-C) sur le nombre de visites chez le médecin : une analyse par régression sur discontinuités », Économie publique/Public economics [En ligne], 28-29 | 2012/1-2, mis en ligne le 20 décembre 2012,consulté le 12 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/economiepublique/8889 ; DOI :https://doi.org/10.4000/economiepublique.8889

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public economics

économiepublique

Revue de l’Institut d’Économie Publique

Deux numéros par an

no 28-29 – 2012/1-2

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dossiersymposium

Complémentaire santé, accès aux soins et inégalités

L’effet de la Couverture maladie universelle complémentaire(CMU-C) sur le nombre de visites chez le médecin :

une analyse par régression sur discontinuités

Sophie Guthmuller ∗

Jérôme Wittwer ∗∗

RésuméCet article étudie l’impact de la Couverture maladie univer-selle complémentaire (CMU-C) sur le nombre de visites chezle médecin. Afin de contrôler l’effet de sélection au dispo-sitif, nous mettons en œuvre une analyse par régressionsur discontinuités en exploitant le seuil d’éligibilité. Noustrouvons un impact significatif de la CMU-C sur le nombrede visites chez le médecin, en particulier sur le nombre devisites chez le généraliste. Cependant, la CMU-C ne semblepas avoir d’effet sur la probabilité de voir un médecin quece soit un généraliste ou un spécialiste.

SummaryThis paper assesses the impact of a free means-tested com-plementary health insurance on doctor visits. In order totackle the endogeneity issue of the complementary healthinsurance variable, we use information on the selection rule

∗. PSL, Université Paris-Dauphine, LEDa-LEGOS.∗∗. Université Bordeaux Segalen, ISPED et PSL, Université Paris-Dauphine, LEDa-LEGOS.

Correspondance : [email protected] et [email protected] auteurs remercient la Caisse d’Allocations Familiales et la Caisse Primaire d’Assurance Maladiede Lille-Douai pour nous avoir autorisées à utiliser les données et pour leur aide précieuse. SophieGuthmuller remercie la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés pour sonfinancement de thèse.

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to qualify for the free plan and adopt a regression disconti-nuity approach using eligibility (family income below thecut-off value) as an instrument variable. Findings show asignificant effect of the free plan on the number of doctorvisits, especially on the number of general practitioner visits.However, we do not find any impact on the likelihood ofseeing a doctor.

Mots-clés : Couverture maladie universelle complémentaire,régression sur discontinuités, accès aux soins, nombrede visites chez le médecin, France.

Keywords: Free Complementary Health Insurance, RegressionDiscontinuity Design, Healthcare Access ; Doctor Visits,France.

J.E.L. : C33, I13, I38

1. Introduction

La Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) a été introduiteen France le 1er janvier 2000 afin de favoriser l’accès aux soins des personnes lesplus démunies. Elle donne accès de droit à une complémentaire santé gratuite auxindividus des ménages dont les ressources ne dépassent pas un certain seuil. LaCMU-C prend en charge la plupart des dépenses de santé laissées à la charge de cesindividus après le remboursement de l’assurance maladie et garantit notammentl’absence d’avance de frais.

La CMU-C a permis de pallier, dans une large mesure, les déficiences du systèmede santé français du point de vue de l’accès financier aux soins des populations lesplus pauvres (Grignon et al., 2008 ; Ricci, 2011). La population située au-dessusdu plafond de la CMU-C demeure pourtant une population encore mal couvertepar des complémentaires santé, en dépit de la mise en place à partir de 2004 del’Aide Complémentaire Santé (ACS), et pour qui l’accès aux soins primaires reste dece fait souvent coûteux (Jusot et Wittwer, 2009 ; Perronnin et al., 2011). Commepour de nombreux programmes sociaux sous conditions de ressources, la fixationdu seuil choisi pour avoir droit à la CMU-C conditionne l’équité et l’efficacité despolitiques publiques.

Cette étude s’intéresse à l’effet causal de la couverture CMU-C sur le recoursaux soins de la population pauvre dont le revenu se situe juste au dessus ou juste

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en dessous du plafond de la CMU-C. Plus précisément, nous cherchons à savoirsi, au sein de cette population, les ménages qui ne sont pas éligibles à la CMU-Crecourent moins aux soins que les ménages bénéficiant de cette couverture gratuite.C’est une façon de s’interroger sur l’équité du système de santé et du mode definancement des soins qui lui est attaché. L’impact de la CMU-C est ici estimé surle nombre total de visites chez le médecin, le nombre de visites de généraliste et lenombre de visites chez un spécialiste.

L’originalité de notre article s’appuie notamment sur l’échantillon des individuset la base de données à notre disposition. Compte tenu de l’étroitesse de la popula-tion ciblée par le dispositif de la CMU-C, il est particulièrement difficile de trouverun échantillon d’individus éligibles suffisamment grand, les échantillons provenantd’enquêtes en population générale étant souvent trop petits. Notre échantillonse compose de 2 465 personnes à faible revenu inscrites à la Caisse primaired’assurance maladie (CPAM) et bénéficiaires de prestations sociales de la Caissed’allocations familiales (CAF) d’une zone urbaine dans le Nord de la France. Cespersonnes ont un revenu par unité de consommation (UC) jusqu’à 20 % autour duseuil d’éligibilité à la CMU-C. Les personnes ayant des ressources inférieures à ceseuil peuvent bénéficier de la CMU-C. Pour chaque individu nous disposons dunombre de consultations chez le généraliste et chez le spécialiste enregistrées parla CPAM en 2008 et 2009 ainsi que des informations précises sur les ressourcesprises en compte pour l’étude des droits à la CMU-C en 2007 et 2008.

Nous sommes en mesure de contrôler l’endogénéité de la variable CMU-C grâceaux données de ressources prises en considération dans le calcul de l’éligibilité audispositif. Nous adoptons alors une analyse par régression sur discontinuités enexploitant la variable d’affectation à la CMU-C (ressources inférieures au plafond)comme instrument.

Cette approche, tout d’abord mise en œuvre par Thistlethwaite et Campbell en1960 pour analyser l’impact des bourses au mérite sur les résultats scolaires, est deplus en plus utilisée pour évaluer l’effet des politiques publiques dans des contextesnon expérimentaux. Lee et Lemieux (2010) présentent une revue de la littératurerécente et précise de travaux mettant en œuvre une régression sur discontinuités.Plusieurs articles récents ont étudié l’effet de programmes d’assurance santé dontl’accès est sous conditions, sur la santé et la consommation de soins à partir decette méthode. Aux États-Unis, certaines études ont analysé l’effet de Medicaid surla consommation de soins et la santé des enfants pauvres (Card et al., 2004 ; dela Mata, 2012). D’autres articles se sont plutôt intéressés à l’effet de Medicare surla mortalité et la consommation de soins (Card et al., 2008 et 2009). De la mêmefaçon, Hullegie et Klein en 2010 peuvent identifier l’effet propre d’être couvert parune assurance privée en Allemagne, pour laquelle l’éligibilité est déterminée parle niveau de ressources, sur la santé auto-déclarée, le nombre de nuits passées àl’hôpital et le nombre de visites chez le médecin.

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L’effet de la complémentaire santé sur l’utilisation des soins a égalementété étudié en France 1. La majorité de ces études se sont intéressées à l’impactsur l’ensemble de la population en utilisant les données provenant d’enquêtesen population générale et en mettant en œuvre des méthodes paramétriquesafin de corriger l’endogénéité de la variable d’assurance complémentaire santé.Par exemple, Mormiche, en 1991, et Caussat et Glaude, en 1993, ont comparéles consommations de soins des personnes couvertes par une complémentairesanté avec les consommations de soins des personnes non couvertes. Ces étudesmontrent que les personnes ayant une assurance maladie complémentaire ontsignificativement plus de chances de voir un médecin, de consommer des soinsde spécialistes et ont des dépenses de médicaments plus élevées. Genier, en 1998,et Buchmueller et al., en 2004 révèlent que la complémentaire santé augmente laprobabilité de voir un médecin et le nombre de visites, mais ne trouvent aucun effetde substitution entre les soins de généraliste et les soins de spécialiste. Chiappori etal. (1998) et Grignon et al. (2008) utilisent une expérience naturelle, c’est-à-direun changement dans la législation afin d’identifier l’effet propre de l’assurance.

L’article de Grignon et al. (2008) est, à notre connaissance, le seul qui seconcentre sur les personnes à faible revenu en France. Plus précisément, les auteursanalysent l’effet de la CMU-C sur les dépenses de soins en différenciant troistypes de transition à la CMU-C au moment de son introduction, dont les anciensbénéficiaires de l’Aide médicale générale (AMG) pour qui la transition à la CMU-C était automatique. Ils ne trouvent aucun effet significatif pour les personnesqui étaient auparavant couvertes par l’AMG, mais un impact significatif pourles personnes qui se sont inscrites volontairement, en particulier pour celles quin’étaient pas couvertes par une assurance complémentaire santé. Elles ont plusde chances de dépenser davantage pour les soins de généralistes, les soins despécialistes et pour les médicaments sous ordonnance. Cette étude s’est intéresséeaux effets de la CMU-C à un stade précoce de la création du dispositif et auxdépenses de soins de l’ensemble des bénéficiaires.

Nous proposons, quant à nous, d’étudier l’effet de la CMU-C au sein d’unepopulation composée d’individus ayant des ressources autour du plafond d’éligi-bilité à la CMU-C. De plus, nous nous intéressons à l’impact de la CMU-C sur lesconsultations de médecin, dix ans après l’introduction du dispositif. À partir d’uneanalyse par régression sur discontinuités, nous trouvons un impact significatif dela CMU-C sur le nombre de visites chez le médecin, en particulier sur le nombre

1. Une littérature internationale à la fois ancienne et abondante existe sur le lien entre l’assurancesanté et le recours aux soins. Nous citerons ici deux références en la matière : l’expérimentationrandomisée de la RAND (Manning et al., 1987) conduite en population générale et l’expérimentationrandomisée menée sur une population éligible à Medicaid (Finkelstein et al., 2011). Ces deux expéri-mentations concluent à un lien significatif entre le niveau de la couverture et le recours aux soins auxÉtats-Unis.

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de visites chez un généraliste. Cependant, la CMU-C ne semble pas avoir d’effetsignificatif sur la probabilité de voir un médecin que ce soit un généraliste ou unspécialiste.

Le reste de cet article est organisé comme suit. Le dispositif de la CMU-C etles données sont tout d’abord décrits. La stratégie d’estimation est expliquée dansla section 2. La section 3 présente ensuite les contrôles de validité de l’analysepar régression sur discontinuités et les résultats des estimations de l’impact de laCMU-C sur le recours aux soins. Enfin, les résultats sont discutés dans la section 4.

2. Données

2.1. La Couverture maladie universelle-complémentaire (CMU-C)

La Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) a été instaurée parla loi du 27 juillet 1999. Elle donne accès de droit à une couverture complémentairegratuite aux individus des ménages les plus pauvres. En 2007, les ménages dontle niveau de vie pour une personne seule était de moins de 7 272 e par an enFrance métropolitaine étaient éligibles. Ce seuil était de 7 447 e en 2008 et il estde 7 934 e depuis juillet 2012 (Code de la Sécurité Sociale, 2012). Ce seuil dépenddu nombre de membres de la famille. Le premier individu est pondéré 1, le second0,5, le troisième et le quatrième 0,3, le cinquième et les suivants sont pondérés0,4. L’éligibilité est calculée sur la base des revenus des douze mois précédant lademande. Toutes les ressources du ménage, y compris les allocations familialeset les allocations de logement sont prises en compte dans le calcul de l’éligibilité(Code la Sécurité Sociale, 2011 ; Fonds CMU, 2011b). En juillet 2012, 4 486 137personnes bénéficiaient de la CMU-C (Fonds CMU, 2012).

Dans la pratique, après instruction de la demande par la CPAM compétente,la CMU-C peut être directement souscrite auprès de la CPAM ou auprès d’unorganisme de complémentaire santé. La demande doit être renouvelée chaque année.Les prestations offertes équivalent à celle d’un contrat de qualité « moyenne » :les tickets modérateurs, le forfait hospitalier sans limitation de durée, les forfaitsau-delà de la base de remboursement pour certaines prestations sont couverts. Lestarifs conventionnels sont opposables pour les consultations chez les généralistes etles spécialistes appliquant des dépassements d’honoraires, les prothèses dentaires etles frais d’optique. Les individus bénéficient du tiers-payant et sont donc dispensésde faire l’avance des frais médicaux. Pour obtenir le détail des prestations prises encharge, visitez le site internet du Fonds CMU.

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2.2. Échantillon

Notre échantillon se compose d’individus inscrits à la Caisse primaire d’as-surance maladie (CPAM) et bénéficiaires de prestations familiales de la Caissed’allocations familiales (CAF) de Lille-Douai, une zone urbaine du Nord de laFrance. Ces individus ont été identifiés, à partir du montant des prestations fami-liales dont ils bénéficiaient en janvier 2008 et sur la base de leur déclaration derevenus 2007, comme potentiellement éligibles au dispositif d’Aide complémentaireSanté (ACS) 2.

L’objectif initial était de constituer un échantillon d’individus éligibles à l’ACSpour 2009 dans le cadre d’une expérimentation contrôlée visant à évaluer l’effet dumontant du chèque santé sur le recours à l’ACS (Guthmuller et al., 2012). Cependant,compte tenu des délais impartis pour mener à bien l’expérimentation, seul le revenu2007 a pu être observé. L’échantillon ainsi constitué identifie donc avec erreurl’éligibilité à l’ACS aussi bien pour l’année 2009 que pour l’année 2008 (puisque,pour cette année, les prestations 2007 n’ont pas été prises en considération). Commenous allons le voir plus loin, cet échantillon rassemble des individus éligibles àl’ACS mais également des individus éligibles à la CMU-C, souvent à proximitédu seuil, du fait de l’imparfaite observation de l’éligibilité. C’est justement cetteparticularité de l’échantillon que nous exploitons dans ce papier pour identifierl’effet de la CMU-C sur le recours aux soins.

Dans un deuxième temps, nous avons pu disposer de données sur les revenusdéclarés aux impôts ainsi que toutes les prestations CAF mensuelles pour les années2007 et 2008 (voir Figure 1) ce qui nous a permis de retrouver avec précisionle revenu par Unité de consommation (UC) utilisé pour évaluer l’éligibilité à laCMU-C. Nous avons alors conservé, pour les années 2008 et 2009, les personnesdont le revenu familial par UC l’année précédente est compris dans un intervalledéfini par le plafond de la CMU-C + ou – 20 % (voir Figure 2) afin de réunir desindividus, autour du plafond CMU-C, éligibles et non éligibles.

Les individus qui bénéficiaient par ailleurs d’une allocation d’invalidité et lespersonnes âgées de plus de 60 ans (qui ne sont généralement pas éligibles à laCMU-C) ont été exclus de l’échantillon afin d’obtenir des populations éligibleset non éligibles suffisamment homogènes. Pour chaque individu appartenant àcet échantillon, et pour chaque année (pour un même individu retenu pour les

2. Ce dispositif donne droit à un « chèque santé » (sous la forme d’un avoir ou d’un voucher dansla terminologie anglo-saxonne) que le ménage éligible peut faire valoir auprès d’un organisme decomplémentaire santé (quel qu’il soit) au moment de l’achat d’un contrat dès lors que le contrat estsouscrit à titre individuel (les individus bénéficiant d’un contrat à titre collectif, par l’intermédiaire deleur employeur, ne sont pas éligibles à l’ACS). Cette aide concerne en 2009 les ménages dont le niveaude vie est jusqu’à 20 % supérieur au seuil d’éligibilité à la CMU-C.

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deux années dans l’échantillon correspondent deux observations), nous avons pucollecter des données transmises par la CAF et la CPAM. La Caisse d’allocationsfamiliales nous a transmis des informations sur les caractéristiques familiales pourles années 2007 et 2008, le nombre de membres dans la famille et la compositionde la famille (en couple, seul, en couple avec enfant, seul avec enfant) ainsi quel’âge, le sexe et l’emploi du chef de ménage au sens de la CAF 3. La CPAM nous atransmis, quant à elle, des informations sur le nombre de visites chez le médecin,chez le généraliste et chez le spécialiste ainsi que sur le statut vis-à-vis de laCMU-C ou d’une autre couverture complémentaire et vis-à-vis du bénéfice d’unecouverture à 100 % pour une Affection de longue durée (ALD).

Notre échantillon ainsi constitué, réunit 2 465 observations (1 396 en 2008 et1 069 en 2009). 362 (16 %) individus sont couverts par la CMU-C au moins unmois dans l’année. Parmi ceux-ci, 72 % sont couverts pendant au moins quatremois dans une année, 61 % sont couverts pendant au moins six mois dans uneannée tandis que 27 % sont couverts pendant plus de dix mois dans une année.Nous définissons une personne comme bénéficiaire de la CMU-C en 2008 ou en2009 si elle est couverte par la CMU-C au moins six mois dans l’une de ces années.Il est, de ce fait, possible qu’un individu qui apparaisse non éligible à la CMU-C au31 décembre d’une année soit néanmoins jugé bénéficiaire de la CMU-C l’annéesuivante puisqu’il a pu être éligible 6 mois plus tôt ou 6 mois plus tard (rappelonsen effet que l’éligibilité est évaluée sur douze mois glissants).

D’après le tableau 1, en vertu de cette définition, 205 (8 %) personnes bénéficientde la CMU-C et compte tenu du revenu par UC, 719 (29 %) personnes sont éligibles.Cela signifie que, parmi la population éligible à la CMU-C, seuls 16 % en bénéficient,tandis que 58 % sont couverts par une complémentaire santé. Par ailleurs, commeindiqué précédemment, il n’est pas surprenant de constater que 4 % des individusnon éligibles à la CMU-C au regard de leur revenu sont en fait couverts par laCMU-C.

Le tableau 1 rapporte également des statistiques descriptives sur les visiteschez le médecin et les caractéristiques individuelles. Les individus éligibles à laCMU-C ont un nombre de visites plus important en moyenne par rapport auxpersonnes non-éligibles. Ils consultent en particulier plus souvent un généraliste.La proportion d’individus ayant consulté au moins un médecin ou un généralisteest similaire entre les éligibles et les non éligibles. En revanche, elle est plus éle-vée pour les spécialistes. Ces différences sont accentuées entre les individus quibénéficient de la CMU-C et ceux n’en bénéficiant pas. Concernant les caractéris-tiques individuelles, les personnes ont en moyenne 37 ans. Il y a légèrement plusde femmes, de personnes plus jeunes, de personnes au chômage et de familles

3. Il s’agit de la personne qui a inscrit sa famille à la Caisse primaire d’assurance maladie.

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Figure 1 : Construction de l’échantillon

Figure 2 : Définition de l’échantillon

Note : Comme le seuil d’éligibilité diffère en 2007 et en 2008, le revenu par UC est normalisé en soustrayant lerevenu par le seuil d’éligibilité correspondant. Une valeur négative indique que le revenu est inférieur au seuilet que l’individu est éligible à la CMU-C. Notre échantillon se compose d’individus ayant un revenu par UCnormalisé entre plus ou moins 1 500 e autour du seuil d’éligibilité.

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monoparentales, et moins de couples avec enfant ou de personnes en emploi ausein de la population éligible à la CMU-C. Les bénéficiaires de la CMU-C sont plussouvent des femmes, des célibataires et des familles monoparentales. Il convient denoter que 65 % de l’ensemble de l’échantillon est couvert par une complémentairesanté. Cette proportion est supérieure pour les personnes non éligibles. 7 % del’échantillon est entièrement pris en charge pour une ALD et cette proportionest similaire entre les éligibles et les non-éligibles ainsi qu’entre les bénéficiaireset les non-bénéficiaires de la CMU-C. Enfin, nous disposons d’informations surles bénéficiaires de prestations CAF. Notre échantillon comporte 5 % d’individusbénéficiant pour au moins un mois dans l’année du Revenu minimum d’insertion(RMI). 91 % bénéficient d’une Allocation logement (AL), 46 % d’une Prestationd’accueil du jeune enfant (PAJE) et 4 % d’une Allocation d’éducation spécialisée(AES). Les bénéficiaires du RMI ou d’une PAJE sont plus souvent éligibles à laCMU-C alors que les bénéficiaires d’une AL le sont moins souvent. Les bénéficiairesdu RMI sont aussi plus souvent couverts par la CMU-C mais les bénéficiaires d’unePAJE sont moins nombreux à être couverts par la CMU-C.

2.3. Modélisation économétrique

Notre étude vise à estimer l’effet d’être couvert par la CMU-C sur le nombre devisites chez le médecin,

yit = a+ bCMUCit + uit (1)

où yit est la variable d’intérêt (le nombre de visites ou la probabilité de consulterau moins une fois un médecin) pour l’individu i à la période t et CMUCit unevariable indiquant si i est couvert par la CMU-C à la même période. Une estimationpar Moindres carrés ordinaires (MCO) de l’équation (1) peut être biaisée, car laCMU-C est une variable endogène. Cette variable est corrélée avec le revenuparce que l’accès à cette couverture est conditionné par le niveau du revenu.Cependant, même en contrôlant par le revenu, la variable CMU-C reste endogène,car cette couverture n’est pas obligatoire. Les personnes qui souhaitent consulterplus souvent un médecin ou qui s’attendent à avoir besoin de soins sont plussusceptibles de s’inscrire à la CMU-C.

Afin de prendre en compte cet effet de sélection à la CMU-C, nous utilisonsles renseignements sur la règle de calcul de l’éligibilité à la CMU-C, et mettons enœuvre une régression sur discontinuités à partir de la variable de ressources (revenufamilial par UC inférieur au plafond d’éligibilité à la CMU-C) qui correspond à lavariable d’affectation à la CMU-C. Le principe de cette approche est basé, d’un pointde vue théorique, sur le modèle de résultats potentiels, développé par Roy en 1951et Rubin en 1974. Formellement, nous nous intéressons à l’estimation de l’effetcausal d’un traitement T « bénéficier de la CMU-C » sur « les visites de médecin » le

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Tableau 1 : Statistiques descriptives

Note : Seuils de significativité statistique : * p<10 % ; ** p<5 % ; *** p<1 %.

résultat Y. Ce modèle définit deux résultats potentiels, Yi1 le résultat de l’individu ilorsque i est traité et Yi0 le résultat de l’individu i lorsque i est non traité. L’effetcausal du traitement de i est alors égal à ∆i= Yi1-Yi0. Mais ∆i est inobservable carune seule des deux variables de résultat potentiel est observable ; quand i est traité,Yi1 est réalisé et Yi0 n’est pas observé. Yi0 est appelé le résultat contrefactuel etcorrespond au résultat Y qui se serait réalisé si la personne avait été traitée. Noussouhaitons ainsi comparer les consultations de médecin des bénéficiaires de laCMU-C à ce qu’elles seraient si ces mêmes individus n’étaient pas couverts par laCMU-C. Le contrefactuel étant inobservable, l’objectif est de trouver le meilleursubstitut pour estimer sans biais l’effet causal de la CMU-C.

La stratégie d’identification repose sur une variable d’affectation Zit–1 « lerevenu familial par UC » Zit–1 qui est défini comme le revenu familial par UC utilisépour l’étude des droits à la CMU-C de l’individu i à la période t-1, un an avant

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la demande. L’individu i a droit à la CMU-C si son revenu par UC est inférieurau seuil, ct–1. Nous définissons la variable indiquant si l’individu i est éligibleà la CMU-C à la période t comme EliCMUCit = I (Zit–1 < ct–1). La CMU-C n’étantpas un dispositif obligatoire, toutes les personnes éligibles ne choisissent pas d’enbénéficier (EliCMUCit , CMUCit ). Par conséquent, nous mettons en œuvre uneanalyse par régression sur discontinuités dans le cadre d’un « fuzzy design » etexploitons la discontinuité dans la probabilité d’être éligible ou non à la CMU-C.

Formellement, Hahn et ses collègues en 2001 ont montré que le coefficientb dans l’équation (1) peut être estimé sans biais comme suit (Hahn et al., 2001 ;Imbens et Lemieux, 2008 ; Lee et Lemieux 2010) :

b =limz→c– E [Y\Z = z] – limz→c+ E [Y\Z = z]

limz→c– E [CMUC\Z = z] – limz→c+ E [CMUC\Z = z](2)

Où b correspond à la différence entre la moyenne de la variable de résultatdes personnes éligibles à la CMU-C avec un revenu juste en dessous du seuil et lamoyenne de la variable de résultat des personnes non-éligibles avec un revenujuste au-dessus du seuil. Cette différence est divisée par la différence entre lenombre de bénéficiaires à la CMU-C en dessous du seuil d’éligibilité et le nombrede bénéficiaires au dessus du seuil.

Cette estimation repose sur trois hypothèses. Tout d’abord, on suppose lesindividus incapables de manipuler leurs revenus afin d’être éligibles à la CMU-C,l’effet d’être bénéficiaire de la CMU-C est alors indépendant du revenu autourdu seuil. On peut imaginer que certaines personnes pourraient choisir de ne pastravailler pour rester éligible à la CMU-C (et ceci d’autant plus que le besoinde soins est important). Il est toutefois peu probable que beaucoup d’entre ellesmanipulent leur revenu, car cela suppose qu’elles soient en mesure de choisiravec précision le nombre d’heures travaillées. Nous mettons cependant en œuvreune procédure développée par McCrary en 2008 afin de tester empiriquement lerisque de manipulation. Ensuite, la variable d’affectation au dispositif doit avoirun impact discontinu sur la probabilité d’être bénéficiaire de la CMU-C. Enfin, ildoit exister une relation monotone entre la probabilité d’être couvert par la CMU-Cet le revenu autour du seuil.

Sous condition de validité de ces hypothèses, cette approche s’apparente à uneexpérimentation aléatoire « locale » car la règle d’éligibilité est exogène. Ainsi, pourestimer b, l’idéal serait de comparer la moyenne de la variable de résultat pour lespersonnes ayant un revenu inférieur au seuil à la moyenne de la variable de résultatdes personnes avec un revenu supérieur au seuil dans un petit intervalle autourdu seuil. La fenêtre des revenus de notre échantillon est malheureusement tropgrande pour supposer que le revenu n’a pas d’influence significative sur les visitesde médecin (indépendamment de l’effet de l’éligibilité) (i) et que les caractéristiquesindividuelles sont exactement les mêmes pour les éligibles et les non-éligibles (ii).

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En outre, notre échantillon est trop petit pour permettre la réduction de la fenêtredu revenu par UC.

Nous avons, par conséquent, choisi de suivre la stratégie paramétrique intro-duite par van der Klaauw en 2002 pour estimer b, et de mettre en œuvre uneestimation en deux étapes comme suit,

yit = a+b∗CMUCit +Kg (Zit–1) +uit (3)

CMUCit = α+β∗ eliCMUCit +kg (Zit–1) +vit (4)

où Kg (Zit–1) et kg (Zit–1) sont des fonctions polynomiales d’ordre g du revenu etuit et vit sont les termes d’erreur inobservées. En substituant l’équation (4) quiexplique la probabilité de recours à la CMU-C dans l’équation de résultat (3), nousobtenons la forme réduite suivante :

yit = γ+δ∗ eliCMUCit + K̄g (Zit–1) +wit (5)

où δ = bβ mesure l’impact de « l’intention de traiter ». Comme le même ordre dupolynôme est utilisé dans les équations (3) et (4), l’effet de la CMU-C sur les visitesde médecin est identifié par le rapport : b = δ/β qui est numériquement équivalentà l’estimation en deux étapes des équations (3) et (4). Autrement dit, la variabled’affectation à la CMU-C est utilisée comme "instrument" pour estimer sans biaisl’effet propre de la CMU-C sur le recours aux soins (Hahn et al., 2001). Néanmoins,dans une régression sur discontinuités « l’instrument », c’est-à-dire la variabled’affectation ne doit pas nécessairement être indépendante de la variable de résultat.Il est aussi intéressant de noter que nous estimons en fait l’effet moyen de la CMU-Cpour les personnes ayant un revenu autour du seuil d’éligibilité, autrement dit,l’effet moyen local du traitement (en anglais Local Average Treatment Effect, LATE),qui correspond à l’effet de bénéficier de la CMU-C sur les visites de médecin pourla population des « compliers » c’est-à-dire pour les individus qui choisiraient debénéficier de la CMU-C s’ils étaient éligibles (Angrist et al., 1996 ;. Imbens etLemieux, 2008 ; Lee et Lemieux, 2010).

Nous observons la variable de sélection (le revenu familial par UC) pour l’année2007 (2008) et nous estimons l’effet de la CMU-C sur les variables de recoursaux soins pour l’année 2008 (2009) (voir Figure 1). L’équation de première étapede la probabilité de bénéficier de la CMU-C est estimée à l’aide d’un modèle deprobabilité linéaire. De même, un modèle de probabilité linéaire est utilisé pourestimer en deuxième étape, les probabilités de consulter au moins une fois, unmédecin, un généraliste, un spécialiste. Un modèle de nombre est mis en œuvre endeuxième étape pour analyser le nombre de visites (de médecin, de généraliste, despécialiste) (Mullahy, 1997). Des régressions négatives binomiales sont estiméesafin de tenir compte de la sur-dispersion dans la distribution du nombre de visites(voir Annexe A).

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Les estimations sont réalisées sur l’ensemble des données groupées pour lesdeux années et sur différentes largeurs de fenêtre du revenu afin de vérifier larobustesse de nos résultats. La spécification de base est un polynôme d’ordre 1 dulogarithme du revenu par UC, les variables indicatrices de prestations CAF et uneindicatrice temporelle pour l’année 2008 4.

3. Résultats

Avant de présenter les résultats des estimations, nous présentons quelqueséléments qui valident les hypothèses d’identification sous-jacentes à une analysepar régression sur discontinuités.

3.1. Régression sur discontinuités : validation des hypothèsesd’identification

Une des conditions à vérifier est l’absence de manipulation du revenu par lesindividus autour du seuil d’éligibilité. Comme précisé plus haut, on peut imaginer,par exemple, que certains individus seraient tentés de travailler moins afin d’êtreéligible à la CMU-C. Nous pensons toutefois qu’il est peu probable que ce soit lecas pour beaucoup d’individus, car cela supposerait qu’ils soient en mesure dechoisir avec précision le nombre d’heures travaillées. Afin de tester empiriquementcette hypothèse, nous présentons la distribution du revenu par UC (normalisé ensoustrayant au revenu les seuils d’éligibilité de l’année 2007 et 2008) autour duseuil d’éligibilité. La figure 3 présente un histogramme de la distribution du revenupar UC. Une valeur négative indique que le revenu est inférieur au seuil et quel’individu est éligible à la CMU-C. Ce graphique montre le nombre d’observationsdans chaque classe de 50 e de large. Une accumulation d’observations justeen dessous du seuil peut indiquer la présence de manipulation. À la vue de ladistribution du revenu, il ne semble pas que les individus manipulent leur revenuafin d’être en dessous du seuil. Il y a des pointes à la fois à droite et à gauche duseuil.

McCrary (2008) propose une procédure simple à deux étapes afin de vérifier s’ilexiste une discontinuité dans la densité de la variable de revenu. Les résultats dece test, présentés dans l’annexe C, confirment l’absence de discontinuité autour duseuil d’éligibilité à la CMU-C.

4. Meilleure spécification du modèle d’après le critère d’information d’Akaike (AIC) (Lee et Lemieux,2010). Voir l’annexe B pour l’analyse de sensibilité à la spécification du modèle.

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Figure 3 : Distribution du revenu par UC autour du seuil c.(Années 2007 et 2008 groupées, taille des classes=50e)

Note : Comme le seuil d’éligibilité diffère en 2007 et en 2008, le revenu par UC est normalisé en soustrayantle revenu par le seuil d’éligibilité correspondant. Une valeur négative indique que le revenu est inférieur auseuil et que l’individu est éligible à la CMU-C.

Nous vérifions ensuite s’il existe une discontinuité au plafond d’éligibilité dansla probabilité de bénéficier de la CMU-C. La figure 4 montre la proportion depersonnes couvertes par la CMU-C en fonction du revenu par UC pour les années2008 et 2009 groupées. Chaque point reporte le pourcentage de bénéficiaires de laCMU-C dans chaque classe de revenu par UC de 100 e de large. La ligne représentele lissage polynomial local correspondant. Nous observons une discontinuité nettede la proportion de bénéficiaires autour du seuil d’éligibilité à la CMU-C (normaliséà zéro).

Cette discontinuité est confirmée par les estimations de la probabilité de recoursà la CMU-C tel que spécifiée par l’équation (4) (Tableau 2). L’impact de l’éligibilité(mesurée par la variable indicatrice EliCMUC) sur le recours à la CMU-C estimportant et l’ajout d’autres variables de contrôle ne modifie pas les estimations.Il n’existe pas d’autres points de discontinuité à gauche et à droite du plafondd’éligibilité à la CMU-C (Voir Annexe B, Tableaux B.1 et B.2).

Nous vérifions enfin l’absence de discontinuité dans les caractéristiques obser-vables autour du seuil c. L’absence de discontinuité garantit la qualité « locale » dela randomisation. Nous avons noté dans le tableau 1 que les personnes éligibles et

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L’effet de la CMU-C sur le nombre de consultations médicales

Figure 4 : Le recours à la CMU-C en fonction du revenu par UC normalisé.(Années 2008 et 2009 groupées).

Note : Comme le seuil d’éligibilité diffère en 2007 et en 2008, le revenu par UC est normalisé en soustrayantle revenu par le seuil d’éligibilité correspondant. Une valeur négative indique que le revenu est inférieur auseuil et que l’individu est éligible à la CMU-C.

Tableau 2 : Discontinuité dans la probabilité de recours à la CMU-C autour du seuil d’éligibilité.

Note : (1) Les régressions sont des modèles de probabilité linéaire incluant une fonction polynôme d’ordre 1 dulog du revenu, les variables indicatrices de prestations CAF et une indicatrice temporelle pour l’année 2008. (2)Les régressions sont des modèles de probabilité linéaire incluant une fonction polynôme d’ordre 1 du log durevenu, les variables indicatrices de prestations CAF, une indicatrice temporelle pour l’année 2008 et lesvariables de contrôle présentées dans le tableau 1. Les écarts types robustes sont entre parenthèses. Seuils designificativité statistique : * p<10 % ; ** p<5 % ; *** p<1 %. Voir annexe B pour l’analyse de sensibilité à laspécification du modèle.

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non éligibles à la CMU-C ne sont pas totalement identiques. La population éligiblesemble être plus jeune, plus féminine, moins souvent en emploi et se composeplus souvent de familles monoparentales. Ces résultats suggèrent que nous devonscontrôler les estimations des équations (3) et (4) par le sexe, l’âge, la compositionfamiliale et le statut vis-à-vis de l’emploi afin de s’assurer que l’effet mesuré del’éligibilité sur les visites chez le médecin n’est pas uniquement attribuable auxcaractéristiques individuelles.

3.2. Effet de la CMU-C sur les visites chez le médecin

Le tableau 3 présente les résultats des estimations du paramètre δ = bβ quimesure l’effet de l’éligibilité ou de « l’intention de traiter » c’est-à-dire, l’effet surles consultations de médecins si tous les individus éligibles étaient couverts par laCMU-C. Le paramètre b mesure l’effet de la CMU-C corrigé de l’effet de sélectionpotentiel. Les estimations sont menées pour deux fenêtres de largeur différenteet avec ou sans les variables contrôlant des caractéristiques individuelles (voirAnnexe B, Tableau B.3a et Tableau B.3b).

Intéressons nous d’abord à l’effet de la CMU-C sur la probabilité de consulterun médecin. La CMU-C ne semble pas avoir d’impact significatif sur la probabilitéde recourir à un médecin. L’effet n’est jamais significatif pour les visites chezle médecin, chez le généraliste ou chez le spécialiste et contrôler par les carac-téristiques individuelles n’affecte pas les estimations. L’effet est également nonsignificatif lorsque la fenêtre d’estimation est réduite à plus ou moins 1 000 e parUC (Annexe B, Tableau B.3a et Tableau B.3b).

Au contraire, la CMU-C a un impact significatif sur le nombre moyen de visiteset sur le nombre moyen de visites chez le généraliste. L’effet est plus importantlorsque l’on contrôle par les caractéristiques individuelles et lorsque la fenêtred’estimation est réduite. Les éligibles ont de 1 à 1, 1 fois plus de visites de médecin,en particulier de généraliste que les non-éligibles. Bénéficier de la CMU-C multipliele nombre de visites de généraliste par 2,5 en moyenne. L’effet de la CMU-C sur lenombre de visites chez un spécialiste est positif mais pas significatif.

Enfin, l’effet de la CMU-C pour les individus ayant consulté au moins une foisun médecin est également positif et significatif sur le nombre total de visites et surle nombre de visites chez un généraliste. Cet effet est également plus important quesur le nombre moyen de visites sur l’ensemble de la population. Nous observonsà nouveau que l’effet est accentué lorsque les caractéristiques individuelles sontprises en compte dans l’estimation et lorsque la fenêtre d’estimation est réduite.Être éligible à la CMU-C multiplie le nombre conditionnel de visites de généralistepar 1,1 et la CMU-C multiplie ce nombre par 3, en moyenne. L’effet sur le nombreconditionnel de visites de spécialiste n’est pas significatif. L’analyse de sensibilité

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à la spécification du modèle présentée en annexe B reporte des résultats trèssimilaires quelle que soit la spécification du revenu choisie.

Tableau 3 : Effet de la CMU-C sur les visites chez le médecin

Note : (a) Les régressions sont des modèles de probabilité linéaire. (b) Les régressions sont des modèlesbinomiaux négatifs en raison de la sur dispersion du nombre de visites (Voir Annexe A). L’exponentiel ducoefficient est présenté. (1) Les estimations incluent une fonction polynôme d’ordre 1 du log du revenu, lesvariables indicatrices des prestations CAF et une indicatrice temporelle pour l’année 2008. (2) Les estimationsincluent une fonction polynôme d’ordre 1 du log du revenu, les variables indicatrices des prestations CAF, uneindicatrice temporelle pour l’année 2008 et les variables de contrôle présentées dans le tableau 1. Les écartstypes robustes sont précisés entre parenthèses. Seuils de significativité statistique : * p<10 % ; ** p<5 % ; ***p<1 %. Voir Annexe B pour l’analyse de sensibilité à la spécification du modèle.

4. Discussion

L’impact de la CMU-C sur l’accès aux soins des personnes pauvres ayantun revenu autour du seuil d’éligibilité à la CMU-C est difficile à analyser cartoutes les personnes éligibles au dispositif ne sont pas couvertes par la CMU-C. Une comparaison directe des consommations de soins des bénéficiaires etdes non-bénéficiaires de la CMU-C, juste au-dessus et juste en dessous du seuild’éligibilité, n’est pas pertinente en raison du mécanisme d’auto-sélection potentiel :Les bénéficiaires de la CMU-C sont des personnes qui ont probablement besoinde plus de soins. Cette comparaison (Tableau 1) montre des différences dans lerecours aux soins très importantes et significatives entre les bénéficiaires et lesnon-bénéficiaires, alors qu’une grande partie des non-bénéficiaires est couvertepar une complémentaire santé. La difficulté est de veiller à ce que ces différencesne soient pas entièrement dues à l’effet de sélection des bénéficiaires.

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Afin de prendre en compte ce problème d’endogénéité, nous avons exploitéle fait que la CMU-C soit un dispositif sous condition de ressources et avonsmené une analyse par régression sur discontinuités à partir d’une variable desélection, le revenu par UC inférieur au plafond d’éligibilité à la CMU-C. Lesrésultats confirment que les bénéficiaires de la CMU-C consultent plus souvent unmédecin, particulièrement un généraliste. Néanmoins, l’accès au système de santémesuré par la probabilité de consulter un médecin ne semble pas être influencéde façon significative par la CMU-C. Rappelons que ces résultats sont obtenus,alors que la majorité des personnes non éligibles à la CMU-C sont couvertes parune complémentaire santé. Cela signifie que le plafond d’éligibilité a, en moyenne,un impact sur le nombre de visites. De toute évidence, une partie de cet impactest dû au fait que certains des individus non éligibles à la CMU-C choisissent derester non-couverts ou sont mal couverts. Il est également difficile de savoir si leplus grand nombre de visites de la population des bénéficiaires est induit par lesmédecins (en tenant compte du coût de leurs soins) ou plutôt par la demande desindividus eux-mêmes. En tout état de cause, le seuil d’éligibilité à la CMU-C induitdes inégalités dans les consommations de soins.

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Annexe

A. Distribution du nombre de visites

B. Analyse de sensibilitéà la spécification du modèle

Le tableau B.1 présente les estimations de l’équation suivante : CMUCit =α+β∗eliCMUCit +kg(Zit–1)+vit . où kg(Zit–1) est une fonction polynôme d’ordre g dulog du revenu par UC. uit et vit sont les termes d’erreurs inobservées. Nous testonsla sensibilité de nos résultats au choix de l’ordre du polynôme de la variable derevenu.

Tableau B.1 : Sensibilité du point de discontinuité

Note : (1) Les régressions sont des modèles de probabilité linéaire incluant une fonction polynôme d’ordre g dulog du revenu, les variables indicatrices des prestations CAF et une indicatrice temporelle pour l’année 2008 (2).Les régressions sont des modèles de probabilité linéaire incluant une fonction polynôme d’ordre g du log durevenu, les variables indicatrices des prestations CAF, une indicatrice temporelle pour l’année 2008 et lesvariables de contrôle présentées dans le tableau 1. Les écarts types robustes sont indiqués entre parenthèses.AIC est le critère d’information d’Akaike calculé comme dans Lee et Lemieux, 2010. Seuils de significativitéstatistique : * p<10 % ; ** p<5 % ; *** p<1 %.

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Tableau B.2 : Absence de point discontinuité à droite et à gauche du seuil

Note : (1) Les régressions sont des modèles de probabilité linéaire incluant une fonction polynôme d’ordre g dulog du revenu, les variables indicatrices des prestations CAF et une indicatrice temporelle pour l’année 2008. (1)Les régressions sont des modèles de probabilité linéaire incluant une fonction polynôme d’ordre g du log durevenu, les variables indicatrices des prestations CAF, une indicatrice temporelle pour l’année 2008 et lesvariables de contrôle présentées dans le tableau 1. Les écarts types robustes sont indiqués entre parenthèses.Seuils de significativité statistique : * p<10 % ; ** p<5 % ; *** p<1 %.

Le tableau B.2 présente les estimations de l’équation suivante : CMUCit =α+β ∗ eliCMUCit +kg (Zit–1) + vit , où EliCMUCit = I (Zit–1 < ct–1) et kg(Zit–1) est unefonction polynôme d’ordre g du log du revenu par UC. vit est le terme d’erreursinobservées. Nous testons l’absence de point de discontinuité à droite et à gauchedu vrai seuil d’éligibilité à la CMU-C (ct–1 = 6 500 e et 8 500 e).

Les tableaux B.3a et B.3b présentent les estimations de l’équation suivante :,Yit =α+β∗ eliCMUCit +Kg (Zit–1) +vit où Yit est la variable d’intérêt (la probabilité deconsulter un médecin ou le nombre de visites chez le médecin) et Kg(Zit ) est unefonction polynôme d’ordre g du log du revenu par UC. uitet vit sont les termesd’erreurs inobservées. Nous testons la sensibilité de nos résultats au choix de l’ordredu polynôme de la variable du revenu.

Les tableaux B.3a et B.3b présentent les estimations de l’équation suivante :Yit = α+β∗ eliCMUCit +kg (Zit–1) + vit , où Yit est la variable d’intérêt (la probabilitéde consulter un médecin ou le nombre de visites chez le médecin) et kg(Zit ) est unefonction polynôme d’ordre g du log du revenu par UC. uit et vit sont les termesd’erreurs inobservées. Nous testons la sensibilité de nos résultats au choix de l’ordredu polynôme de la variable du revenu.

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Tableau B.3a : Sensibilité de « l’intention de traiter » sur les visites chez le médecin

Note : (a) Les régressions sont des modèles de probabilité linéaire. (b) Les régressions sont des modèlesbinomiaux négatifs en raison de la sur dispersion du nombre de visites (voir Annexe A). L’exponentiel ducoefficient est présenté. (1) Les estimations incluent une fonction polynôme d’ordre g du log du revenu, lesvariables indicatrices de prestations CAF et une indicatrice temporelle pour l’année 2008. (2) Les estimationsincluent une fonction polynôme d’ordre g du log du revenu, les variables indicatrices de prestations CAF uneindicatrice temporelle pour l’année 2008 et les variables de contrôle présentées dans le tableau 1. Les écartstypes robustes sont indiqués entre parenthèses. Seuils de significativité statistique : * p<10 % ; ** p<5 % ; ***p<1 %

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Tableau B.3b : Sensibilité de « l’intention de traiter » sur les visites chez le médecin

Note : (a) Les régressions sont des modèles de probabilité linéaire. (b) Les régressions sont des modèlesbinomiaux négatifs en raison de la sur dispersion du nombre de visites (voir Annexe A). L’exponentiel ducoefficient est présenté. (1) Les estimations incluent une fonction polynôme d’ordre g du log du revenu, lesvariables indicatrices de prestations CAF et une indicatrice temporelle pour l’année 2008. (2) Les estimationsincluent une fonction polynôme d’ordre g du log du revenu, les variables indicatrices de prestations CAF uneindicatrice temporelle pour l’année 2008 et les variables de contrôle présentées dans le tableau 1. Les écartstypes robustes sont indiqués entre parenthèses. Seuils de significativité statistique : * p<10 % ; ** p<5 % ; ***p<1 %

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C. Test d’absence de manipulationde la variable de sélection

McCrary (2008) propose une procédure simple à deux étapes afin de vérifiers’il existe une discontinuité dans la densité de la variable de revenu. En premièreétape, la variable d’affectation, c’est-à-dire la variable de revenu par UC normaliséest partitionnée en classe de largeur égale à l et les fréquences des observationsdans chaque classe sont calculées. Ensuite, l’histogramme est lissé à l’aide derégressions linéaires locales. La valeur du revenu au centre de chaque classe esttraitée comme une variable explicative et le nombre d’observations dans chaqueclasse forme la variable à expliquer. Afin de tester la discontinuité potentiellede la densité du revenu, les régressions linéaires locales sont menées séparémentà droite et à gauche du point de discontinuité (le seuil d’éligibilité à la CMU-C)et un noyau triangulaire est utilisé, avec une fenêtre de largeur h, définissantquelles observations sont incluses dans la régression (McCrary, 2008). Le paramètred’intérêt est la différence du logarithme de la fonction de densité f(z), juste au-dessous et juste au-dessus du seuil c : θ̂ = ln limz→c– f (z)– ln limz→c+ f (z) =lnf̂ – – lnf̂ +.Une valeur positive et significative de la différence θ̂ indiquerait la présence demanipulation du revenu autour du seuil. McCrary (2008) montre que l’estimateurθ = lnf – – lnf + est asymptotiquement normal.

La figure C.1 présente le résultat graphique et le tableau C.1 les résultats estimésdu test de densité de McCrary (2008). Les estimations indiquent que la différence enlogarithme de la fonction de densité à droite et à gauche du seuil est égale à 0,0443avec un écart-type égal à 0,1559. Le test rejette la présence d’une discontinuitéde la fonction de densité au seuil d’éligibilité de la CMU-C (statistique = 0,28).D’après McCrary (2008), le choix de la taille de la classe l, dans la première étapede l’estimation n’a pas d’importance, mais il est nécessaire de bien choisir la fenêtred’estimation h dans la deuxième étape pour s’assurer de la bonne performance dutest. Le tableau C.1 reporte les résultats du test pour plusieurs fenêtres h et unetaille de classe l fixe égale à 30 e. Dans tous les cas l’hypothèse d’absence dediscontinuité dans la densité au seuil d’éligibilité à la CMU-C n’est pas rejetée.

D. Définition de la variable de revenu

L’ensemble des ressources du ménage perçues au cours des 12 mois précédantla demande est pris en compte dans l’étude des droits à la CMU-C. Tous lesrevenus réellement perçus sont pris en compte : revenus imposables et revenusnon imposables (les prestations familiales, les pensions diverses, les revenus ducapital notamment, voir le Tableau D.2).

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Page 27: L’effet de la Couverture maladie universelle

L’effet de la CMU-C sur le nombre de consultations médicales

Tableau C.1 : Test de manipulation de la variable de sélection de McCrary (2008)

Note : θ̂ = lnf – – lnf + estime la discontinuité de la fonction de densité autour du seuil d’éligibilité. Unestatistique de test positive et significative indique la présence de manipulation du revenu. Le paramètre delissage (h) automatique est celui proposé par McCrary (2008). La taille de chaque classe (l) est égale à 30 e. Lesestimations ont été exécutées à l’aide de la commande stata « DCdensity.ado », développée par McCrary (2008).

Figure C.1 : Densité estimée par le test de manipulationde la variable de sélection de McCrary (2008)

Les avantages procurés par un logement sont pris en compte de façon forfaitaire.Les personnes locataires percevant une aide au logement, les propriétaires, ou lespersonnes logées à titre gratuit, se voient appliquer un forfait logement qui estajouté à leurs ressources. Ce forfait varie selon la composition du foyer. Lesmontants appliqués pour les bénéficiaires d’une allocation logement sont reportésdans le tableau D.1.

La variable de revenu utilisée dans cette étude est construite à partir des infor-mations transmises par la CAF. Le tableau D.2 présente les ressources demandées

économiepublique119

Page 28: L’effet de la Couverture maladie universelle

dossier Sophie Guthmuller, Jérôme Wittwer

Tableau D.1 : Forfait logement pour les bénéficiaires d’une allocation logement (pour 2007 et 2008)

Source : Code de la Sécurité Sociale (2011).

par la CPAM pour l’étude des droits à la CMU-C. Nous comparons ces ressourcesà celles déclarées à la CAF pour former notre variable de revenu. Les types deressources qui diffèrent sont soulignés.

La variable de revenu utilisée dans notre analyse est égale aux ressourcesdéclarées à la CAF + le montant de la prime pour l’emploi + (l’ensemble desprestations versées de manière « régulières » par la CAF – l’allocation d’éducationde l’enfant handicapé et ses compléments – les prestations d’accueil du jeuneenfant – l’aide au logement + le montant forfaitaire de l’aide au logement)

Par ailleurs, nous n’avons pas pu récupérer les informations concernant lepatrimoine des individus. Nous ne savons donc pas si l’individu est propriétaire deson logement ou s’il est logé à titre-gratuit. Le forfait logement est par conséquentuniquement appliqué aux personnes bénéficiaires d’une allocation logement. Celane devrait pas engendrer d’importantes erreurs de mesure dans la variable de revenucar plus de 90 % des individus de notre échantillon bénéficient d’une allocationlogement. De même, nous ne savons pas si les personnes sont bénéficiaires del’allocation du fonds de solidarité pour les anciens combattants d’Afrique du Nord.Cette allocation est incluse dans les ressources déclarées à la CAF, mais elle estdéduite pour le calcul de l’éligibilité à la CMU-C. Comme le montant de cetteallocation est supérieur au plafond d’éligibilité à la CMU-C, nous aurions puinclure, de manière erronée une partie des bénéficiaires de cette allocation dans lapopulation des éligibles. L’exclusion de notre échantillon des personnes de plus de60 ans remédie à ce problème.

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L’effet de la CMU-C sur le nombre de consultations médicales

Tableau D.2 : Comparaison des ressources prises en compte dans le calcul de l’éligibilité à la CMU-Cavec les ressources déclarées à la CAF

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