51
~ 1 ~ L'endoctrinement des L'endoctrinement des L'endoctrinement des L'endoctrinement des jeunes filles allemandes jeunes filles allemandes jeunes filles allemandes jeunes filles allemandes du début des années du début des années du début des années du début des années trente jusqu'en 1945. trente jusqu'en 1945. trente jusqu'en 1945. trente jusqu'en 1945.

L'endoctrinement des jeunes filles allemandes du début … · décidé de revenir sur son journal intime. Elle a commencé à l'écrire à l'âge de 14 ans, en 1933 et a arrêté

Embed Size (px)

Citation preview

~ 1 ~

L'endoctrinement des L'endoctrinement des L'endoctrinement des L'endoctrinement des

jeunes filles allemandes jeunes filles allemandes jeunes filles allemandes jeunes filles allemandes

du début des années du début des années du début des années du début des années

trente jusqu'en 1945.trente jusqu'en 1945.trente jusqu'en 1945.trente jusqu'en 1945.

~ 2 ~

Introduction.Introduction.Introduction.Introduction.

Il m'a fallu beaucoup de temps pour me décider sur ce que je voulais faire comme

travail de maturité, j'ai longtemps hésité à me lancer dans l'une ou l'autre voie, et

bizarrement c'est une simple discussion avec une amie qui m'a décidée à choisir

l'endoctrinement des jeunes Allemandes comme sujet. En lui disant ce que je pensais

faire elle a répondu : « Ne les épargne pas ! » (Les Allemandes) et cela m'a tellement

choquée que j'ai décidé de choisir ce thème pour essayer de faire en sorte que plus

jamais quelqu'un ne redise une chose pareille. Je sais bien que c'est utopique et que

mon travail n'aura pas beaucoup d'impact, mais j'espère sincèrement que si un jour

quelqu'un le lit, il n'aura plus d'idée pareille.

Je me suis principalement basée sur le livre de Lore Walb. C'est une vielle dame qui a

décidé de revenir sur son journal intime. Elle a commencé à l'écrire à l'âge de 14 ans,

en 1933 et a arrêté en 1945. Elle y raconte sa vie, ses doutes et ses espérances, ce qui

m'a permis de mieux me rendre compte de la vie de ces jeunes filles vivant à l'époque

nazie. Lore Walb, en étudiant ce journal quarante ans plus tard, l'a commenté, et le

livre qui est paru en Allemagne contient les notes de la jeune Lore et les

commentaires de la Lore d’aujourd’hui. C'est pour cela qu'en allemand le livre se

~ 3 ~

nomme : « Ich, die Alte, Ich, die Junge. » Ce livre n'est jamais paru en France. Mon

père, il y a quelques années, l'a traduit en français et lui a donné le

titre : « Confrontation avec ma jeunesse nazie » ; c'est pour cela que j'ai pu étudier ce

document. D'autre part, j'ai aussi le témoignage de ma grand-mère, qui m'a raconté

des anecdotes intéressantes sur sa jeunesse à Berlin. Ma grand-mère, Claire Bordier

est née le 28 décembre 1930 à Berlin. Elle y est restée jusqu'en 1939, année où ses

parents ont fui en Suisse.

Dans cette recherche, je me suis attachée à deux points particuliers de l'histoire. Le

premier est l'endoctrinement de la jeunesse non seulement dans le cadre scolaire,

mais également dans les organisations nationales socialistes. Deuxièmement, je me

suis posé la question du statut de la femme à cette époque. Comment vivaient-elles

au milieu de cette société allemande cultivant un réel délire de la virilité et au sein de

leur couple ?

~ 4 ~

Première partiePremière partiePremière partiePremière partie....

L'endoctrinement au sein de la famille, de l'école et L'endoctrinement au sein de la famille, de l'école et L'endoctrinement au sein de la famille, de l'école et L'endoctrinement au sein de la famille, de l'école et

des organisations étatiques.des organisations étatiques.des organisations étatiques.des organisations étatiques.

~ 5 ~

1. La notion de conformisme était très importante dans l’éducation bourgeoise à l’époque.

Il fallait absolument être comme les autres pour ne pas se faire remarquer et rester

dans le groupe. On éduquait les enfants en leur répétant qu’il faut être un clone,

avoir les mêmes idées que les autres, se comporter comme les autres… En bref,

cacher l’originalité que l’on porte en soi. « […] Les sentences maternelles, dont l’âme est marquée à vie, et qui produisent soumission, adaptation et dépendance d’autorités extérieures,

étaient rabâchées. Que vont dire les gens ?! Ou aussi : si quelqu’un voit cela ! L’indépendance

d’esprit, l’esprit critique étaient des notions étrangères, tout comme l’aptitude à faire un

compromis et à gérer un conflit. » (Lore Walb, Ich, die Alte, Ich, die Junge, page 14). Les

inquiétudes de la mère quant à l’image de sa fille montrent que les gens se souciaient

beaucoup de ce que l’on pensait d’eux. C’était un peu comme une chasse aux

sorcières où tout le monde observe tout le monde. Si Lore Walb avait montré une

certaine liberté d’esprit, elle aurait été traitée en originale et rejetée, ce qui aurait été

une catastrophe dans une société qui attachait tant d’importance au sentiment

d’appartenance que procure le fait de vivre à l’intérieur d’un groupe. La mère de

Lore Walb n’a donc pas mis en valeur l’originalité ou la pensée critique et a privilégié

l’adhésion à la communauté, qui exigeait que l’on soit ordonné, obéissant et soumis

envers toute autorité supérieure, particulièrement loyal, fidèle et respectueux de la

hiérarchie.

Les parents se conformaient à cette éducation bourgeoise, car ils pensaient que c’était

le mieux pour leurs enfants, sans évidemment pouvoir se rendre compte qu’ils

dégageaient le terrain pour les nazis, qui allaient se faire un plaisir de mettre à profit

cet enseignement. Lore Walb reparle de son enfance en ces termes : « Dans la famille, le climat émotionnel était cordial, spontané et chaleureux. J’avais de bons parents, aimants, pas

spécialement sévères. Cela n’excluait pas des réprimandes et des gifles maternelles […] Ils

transféraient sur nous enfants les buts éducatifs de leur temps. Un enfant est gentil quand il

est sage, les enfants indociles sont méchants. Les enfants - alors ça vient ? - ont à obéir, et à se

taire quand les adultes parlent […] De la hiérarchie dans les grandes comme dans les petites

choses. Sois par avance fidèle et loyal ; l’ordre, l’application, le zèle, le sens du devoir et la

fiabilité son des valeurs dignes d’effort. […] Serviabilité, compassion, abnégation étaient des

valeurs qui ne nécessitaient pas grand commentaire […] Mes parents ne transmettaient pas

seulement leurs normes à leurs enfants, mais aussi leurs préjugés, l’aversion des « rouges » et

des socialistes, aussi grande que celle des « tripes noires », la minorité catholique de la petite

~ 6 ~

ville, sans parler du rejet des « homos » et des « romanichels » et des méprisés « pêle-mêle »

[…]. » (Lore Walb, page 13-14.) Cette éducation très stricte, attachant beaucoup de

poids à l’honneur et à la parole donnée était le terrain idéal pour l’endoctrinement

des enfants. Les parents avaient déjà fait une partie du travail en leur inculquant ces

valeurs utilisées ensuite par les nationaux socialistes.

2. Dès leur plus jeune âge, les petites filles étaient inscrites dans les formations de

la jeunesse allemande nationale-socialiste.

L’éducation n’était alors plus assurée par les parents, qui la confiaient à l’état.

L’organisation et la discipline des FJA1 étaient très strictes. La hiérarchie y était en

effet très présente. Les petites filles grandissaient dans un cadre quasi militaire où

l’on ne pouvait gravir les échelons qu’en montrant des qualités nazies comme

l’honneur, le sacrifice et la loyauté. Kurt-Ingo Flessau, Schule der Diktatur, Lehrpläne

und Schulbücher des Nationalsozialismus, page 79: « Les structures du mouvement de jeunesse des Wandervögel 2, empruntées en partie à l’armée prussienne, ont été conservées par

les formations politiques de jeunesse national-socialiste. La pédagogie national-socialiste les a

en outre reportées sur toutes les institutions éducatives, l’école y compris. Dès sa prime

jeunesse, l’écolier doit être conscient qu’il y a des guides et des guidés, des commandants et

des commandés, l’élite et le commun. »

Les sentiments de peur et de compassion étaient fortement réprimés. Le serment au

chef rappelait aux enfants qu’ils devaient tout à leur chef et qu’en contrepartie ils

devaient à leur tour tout lui donner sans hésitation. Seul un traître hésiterait. Ce

serment de fidélité que tous les membres de la FJA devaient prêter lors de

1 « Bund Deutscher Mädel », c’est la fédération des jeunes allemandes, traduction de DUDEN FRANÇAIS,

dictionnaire illustré de la langue française, de A. Snyckers, Bibliographisches Institut AG. / Leipzig 1938.

2 Les Wandervögel sont un mouvement de jeunesse antérieur au nazisme et qui a été intégré aux

jeunesses hitlériennes. C'était un des mouvements « chargés de promouvoir la culture et l'identité allemandes. »

Ceux-ci « commémoraient les exploits des tribus germaniques et les héros de la mythologie allemande,

obéissaient à des rituels, proposaient à leurs membres des distractions en plein air ou collectives. »

Aycard /Vallaud, page 60.

~ 7 ~

cérémonies grandioses était : « Je promets de faire en tout temps dans la jeunesse

hitlérienne mon devoir dans l’amour et la fidélité au Chef et à notre drapeau. » (Lore Walb,

page 78). Lore Walb en parle en ces termes : « Il y a cinq minutes a été prêté le grand serment, qui n’a pas son pareil dans l’histoire, tel que le monde n’en a encore jamais connu

[…], tous, au son des violons du chant allemand, ont pu se demander en conscience s’ils

avaient effectivement la force de tenir, pour toujours, leur parole. »(Lore Walb, page 40)

C’était un moment intense pour tous ses participants, car ils avaient tous

l’impression de ne faire qu’un avec le Chef, de constituer une union mystique avec

les Allemands contemporains, mais aussi ceux du passé, comme Frédéric le Grand

par exemple. On engageait les jeunes à porter une admiration sans borne à Hitler.

Chacun pensait avoir un lien particulier avec le Chef idolâtré.

Kurt-Ingo Flessau, Schule der Diktatur, page 83 : « Il est important par-dessus tout d’éveiller chez les enfants à l’école primaire déjà un sentiment de sympathie pour le guide

charismatique et de développer à son égard un engagement moral, affectif et émotionnel : une

fidélité inconditionnelle envers son absolue autorité. » (Lehrpläne und Schulbücher des

Nationalsozialismus)

3. Les FJA devaient figurer la jeunesse allemande parfaite selon les conceptions

d’Hitler.

On habillait les petites filles d’uniformes (une veste brune sur une chemise blanche

ainsi qu'une longue jupe bleu foncé) et on leur apprenait des danses avec des

massues ou des flambeaux, dans lesquelles elles devaient être toutes pareilles pour

bien se fondre en une unité. Cela accentuait encore l’importance du groupe par

rapport à l’individu, qui au final disparaissait. Ingeborg Seldte, une fille des FJA, dit : « A cet âge-là, où l’on n’a pas encore vraiment de personnalité, c’est merveilleux de sentir que

l’on fait partie d’une telle masse de gens, que l’on pense la même chose, que l’on éprouve la

même chose, que l’on fait la même chose. » (Arte : « Les mercredis de l’Histoire (2/5) la

jeunesse sous Hitler. »)

Les chefs des FJA disaient d’ailleurs aux filles qu’elles devaient danser avec un

ensemble parfait pour que l’harmonie ne soit pas détruite. Doris Schmid Gewinner se

souvient : « J’étais extrêmement fière d’en faire partie, mais on nous disait aussi que si nous

faisions un seul faux mouvement, cela détruirait tout le tableau. » (Arte : « Les mercredis

de l’Histoire (2/5) la jeunesse sous Hitler. »)

~ 8 ~

Les jeunes filles prenaient un grand plaisir à danser en rythme dans des défilés et des

fêtes grandioses. Faire le même mouvement en même temps que des milliers d’autres

filles était rassurant. On se trouve au milieu de gens qui nous ressemblent et qui nous

comprennent, car ils ont les mêmes opinions que nous. L’expression « entre soi », qui

insiste sur l’idée que l’identité des autres est la même que la nôtre, exprime

exactement ce sentiment. Il n’y a pas d’étranger par la différence duquel on puisse se

sentir agressé. On faisait aussi chanter les jeunes filles en chœur des chants

patriotiques comme : « En avant clairons et fanfares, en avant, la jeunesse ne connaît nul danger, Allemagne, tu dois te dresser dans la lumière, même si pour cela nous

succombons,… » (Sabine Schauer, Arte : « Les mercredis de l’Histoire (2/5) la jeunesse

sous Hitler ») et cela des centaines de fois.

On rabâche sans arrêt des phrases comme « je ne suis rien, mon peuple est tout », et

cela entre ainsi lentement dans les esprits des enfants. Cette maxime signifie que

l’individualité de chacun doit disparaître pour renforcer le groupe.

Le groupe empêche donc l’individualité des personnes, mais en contrepartie, il

donne un sentiment de force et de sécurité, il est comme un bouclier entre le monde

et l’individu.

C’est pour cela que les jeunes filles voulaient toutes aller aux FJA, car là, elles

s’amusaient ensemble en formant un groupe fort et soudé. Elles dansaient ensemble

par milliers, toutes dans la même petite robe blanche, comme un seul individu

collectif. Elles se pliaient aux lois du groupe pour ne pas se sentir seules, faibles, et

écrasées par la masse qui ne tolérait pas la singularité.

4. Ces organisations étatiques ne donnaient pas que des cours de danse, mais

aussi de politique.

Kurt-Ingo Flessau, à la page 120, écrit : « Le cours de géographie (« Education et

enseignement à l’école secondaire », édition officielle du ministère de la science, de

l’éducation et de la formation du peuple, Berlin, 1938), devait « premièrement promouvoir l’amour de la patrie et ainsi « renforcer dans le peuple la conscience de la

communauté de destin de l’ensemble des Allemands » (p. 109), deuxièmement expliquer que

~ 9 ~

les frontières du « diktat » de Versailles étaient injustes (p. 112), troisièmement « donner

abondamment l’occasion et faire l’obligation d’une instruction de géographie militaire (p.

119), quatrièmement exhorter « à une pensée et à une action politiques dans l’esprit du

national-socialisme » (p. 119), cinquièmement expliquer « la nécessité d’une puissante force

de défense sur terre, sur mer et dans les airs, ainsi que d’une défense aérienne » (p.118), sixièmement faire connaître dans le détail la science raciale. Enfin l’élève, de terminale

surtout, devait apprendre à connaître « l’importance de la race nordique pour le

développement culturel de la Terre ».

Les jeunes filles apprenaient comment les pauvres Allemands avaient été attaqués,

comment ils se défendaient et à quel point la présence du Chef était une bénédiction.

Le Vendredi 1er Septembre 1939, Lore écrit dans son journal : « Le Chef parle ! Pour l’honneur de notre nation, nous ne pouvons plus admettre ces provocations et comme le Chef a

attendu vainement pendant deux jours un plénipotentiaire polonais, il n’y a donc plus de

possibilité de négocier. Et maintenant nous allons répondre à la Pologne ! » (Lore Walb,

page 131). En fait, cet ultimatum n’a été envoyé que pour la forme, les exigences

d’Hitler étaient tellement importantes que les Polonais étaient incapables d’y

répondre et Hitler le savait pertinemment. L’ultimatum servait juste de prétexte pour

entrer en guerre. Lore Walb écrit aussi le vendredi 6 Octobre 1939 : « […] pour la dernière fois […] le Chef a tendu la main aux puissances de l’Ouest pour faire la paix ! On ne

pourra pas lui reprocher d’avoir voulu la guerre. Car il saisit chaque occasion pour manifester

sa volonté de paix. » (Lore Walb, page 80). La propagande avait persuadé la jeunesse

que la guerre n’était pas de la faute d’Hitler et que l’Allemagne était la victime de

l’agressivité des autres pays. Gertrude Hocke (cheffe de sous district FJA) dit : « Je n’avais absolument pas conscience de tout l’arrière-plan politique à l’époque, absolument pas,

j’avais simplement une mission qui était de transmettre autant de choses que possible. »

(Arte : « Les mercredis de l’Histoire (2/5) la jeunesse sous Hitler. ») Cette fille des FJA

était persuadée que ce qu’elle enseignait aux autres était juste, elle ne se rendait pas

compte qu’on la manipulait.

~ 10 ~

5. Les FJA avaient la tâche de former la parfaite jeune fille nationale socialiste. Il

fallait qu’elle soit sportive et de race pure pour mettre au monde de bons

Allemands qui formeraient la future race germanique.

La pureté était l’un des caractères essentiels pour la jeunesse. En effet, le rêve des

nationaux socialistes était d’arriver à recréer la perfection de la race allemande qui

avait été entachée par des gènes slaves ou, encore pire, juifs. A la page 16, Kurt-Ingo

Flessau écrit :

« La doctrine raciale est un important pilier de l’idéologie national-socialiste. A cause d’elle, le cours d’histoire doit veiller « à mettre en évidence expressément les forces raciales

fondamentales, de nature principalement nordique, actives dans le peuple allemand ».

(Education et enseignement à l’école primaire, Breslau, sans date, p. 15.) Plus loin, il

faut faire remarquer « le lien entre race, patrie et culture spécifique ».

L’avenir de la nation devait donc être racialement irréprochable et les jeunes ne

devaient pas fréquenter des gens inférieurs à eux de ce point de vue. Et cela pour que

les enfants issus des unions soient racialement plus « purs » que leurs parents. Le

sang allemand devait peu à peu retrouver toute sa « pureté ».

Lore Walb écrit dans une de ses compositions : «Toutes les erreurs de hommes […] peuvent […] être réparées, sauf une seule : l’erreur sur l’importance et la conservation de son

sang, de sa nature et par conséquent de la forme que Dieu lui a donnée […]. Il n’y a pas de

plus grand crime que le changement ou la destruction de l’essence de l’âme du peuple. » (Lore

Walb, page 92) Il est clair que « l’essence » désigne le sang allemand, qui ne doit pas

se mélanger à un sang impur. Cela rejoint les lois pour la protection du sang et de

l’honneur allemand de Nuremberg (15 septembre 1935) prescrivant des règles très

strictes :

Paragraphe 1 Les mariages entre juifs et citoyens de sang allemand […] sont

interdits.

Paragraphe 5 Celui qui contrevient à l’interdiction du paragraphe 1 sera puni par

une peine de réclusion. »

On disait aux jeunes filles : « Garde ton sang pur, il n’est pas le tien seulement, il vient de

loin et il va loin, il contient tout l’avenir. Garde pure la robe de ton immortalité. » (Magarete

Kassen sur Arte : « Les mercredis de l’Histoire (2/5) la jeunesse sous Hitler. ») Le

message est limpide, ton sang appartient à l’Allemagne et pour le garder pur, il faut

rester chaste et ne se marier qu’avec un homme lui-même racialement pur. « La robe

~ 11 ~

de l’immortalité » désigne bien entendu la virginité. D'ailleurs, la devise des FJA était

« Sois fidèle, sois pure, sois allemande ! »

Hitler désirait également une jeunesse sportive et combative qui ne devait avoir peur

de rien et ne montrer aucun sentimentalisme. On engageait donc fortement les jeunes

à suivre une activité sportive.

Kurt-Ingo Flessau, page 55 : « Cet entraînement méthodique du corps a pour but d’élever pour notre peuple une jeunesse active et prête au combat, disposée à tout service pour l’état

national-socialiste et son guide. Le but final de toute éducation physique est constitué par des

hommes énergiques et des mères saines. La jeunesse doit être à tout moment prête à défendre le

Reich contre ses ennemis, y compris au péril de la vie. » (Plan d’éducation et

d’enseignement pour l’école primaire à huit degrés. Edité par le département de

l’éducation de Saxe, sans date,

Le corps des filles devait être parfaitement sculpté pour représenter la beauté

germanique. Leni Riefenstahl montre très bien dans ses films ce qu’Hitler voulait dire

en parlant de la « vraie » femme allemande, qui devait faire du sport aussi pour être

capable de donner naissance à plusieurs enfants sains et robustes, dont les garçons

deviendraient les guerriers qui allaient conquérir le monde.

« C’est avec la jeunesse que je commencerai ma grande œuvre éducatrice, dit Hitler. Nous, les vieux, nous sommes usés, […] Nous n’avons plus d’instincts sauvages. […] Mais ma

splendide jeunesse ! […] Quel matériel humain ! […] Nous ferons croître une jeunesse devant

laquelle le monde tremblera. Une jeunesse violente, intrépide, cruelle. C’est ainsi que je l’a

veux. Elle saura supporter la douleur. Je ne veux en elle rien de faible ni de tendre. […] Je la

ferai dresser à tous les exercices physiques. Avant tout qu’elle soit athlétique ; c’est là le plus

important. […] Je ne veux aucune éducation intellectuelle. Le savoir ne ferait que corrompre

mes jeunesses. » (Extrait de Hermann Rauschning, « Hitler m’a dit » édité pour la

première fois en Allemand en 1939 sous le nom : « Gespräche mit Hitler »). D’ailleurs

il doit en être de même partout :

« On ne devrait pas s’aviser de dire aux peuples soumis des choses sur leur passé. Il est bien

préférable de placer dans chaque village un haut-parleur de manière à raconter aux gens des

nouvelles et leur offrir de quoi se divertir, plutôt que de les rendre capables d’acquérir par eux-

mêmes des connaissances politiques, scientifiques, etc. Il faut leur fournir par la radio de la

musique et encore de la musique. Car la musique gaie favorise la joie au travail. » (Propos de

table d’Hitler, édition de Henry Picker, cités par Ralph Giordano, « Wenn Hitler den

Krieg gewonnen hätte », page 193.)

~ 12 ~

Hitler veut donc une jeunesse sportive et inculte. Les études corrompent selon lui la

jeunesse. En réalité, le savoir permet de développer l’esprit critique, et c’est

précisément cela qu’Hitler ne veut pas. Il préfère avoir une population docile qui

obéit sans réfléchir au doigt et à l’œil.

Le sport est un des moyens de rendre la jeunesse endurante à l’effort ainsi qu’à la

douleur et de la diriger plus facilement. Il permet de la mettre au pas et de la

canaliser dans la direction voulue. Le sport était considéré comme une première étape

vers l’armée. Autant pour les filles que les garçons, l’appartenance à une équipe

demande une grande discipline et de l’obéissance envers l’autorité. Chacun sait où

est sa place et il faut se soumettre à la hiérarchie. Alors que les enfants auraient

normalement été jouer dans la cour, on leur faisait faire des exercices physiques très

encadrés.

Même au cours des études universitaires, le gouvernement faisait en sorte qu’il soit

impossible à quiconque de ne pas pratiquer une activité sportive. Il a même réussi à

inventer la « philologie3 sportive » (!) pour y obliger les étudiants en lettres.

Philologie et sport n’ont rien à voir ensemble, mais leur association permettait de

contraindre les intellectuels à faire du sport.

C’était l’état qui prenait en charge les jeunes au lieu des parents. Lore Walb dit dans

son journal : « Le 1er septembre, c’était l’anniversaire de papa. Je n’ai hélas même pas pu y

être pour le café, à cause de la fête sportive de la Fédération des jeunes Allemandes » (Lore

Walb, page 58). Les enfants sont peu à peu éloignés de la sphère familiale pour être,

si l’on peut dire, nationalisés. Ils deviennent le « matériel humain » de l’état.

6. En-dehors des FJA, beaucoup d’organisations s’occupaient de la jeunesse.

Les jeunes étaient envoyés au Service du Travail4. Ils découvraient le travail des

champs ou des usines. Pendant ces semaines, la discipline était militaire. Il y avait un 3 «Science historique ayant pour objet l’étude des civilisations passées, fondée sur les documents

qu’elles nous ont légués.» Le Grand Robert de la langue française, deuxième édition dirigée par Alain Rey, 2001.

4 « Reichsarbeitsdienst (RAD) ». « Institution née de la crise et à laquelle la République de Weimar

recourt pour tenter de résorber le chômage, le Service du travail volontaire devient Service du travail obligatoire

~ 13 ~

emploi du temps heure par heure, qui se répartissait entre des cours portant sur la

science raciale ou la politique extérieure et le travail à l’extérieur d’une part, la

couture ou d’autres tâches dévolues aux femmes de l’autre. On ne laissait pas le

temps aux filles de prendre par rapport à ce qu’elles faisaient de la distance et de

penser par elles-mêmes.

Lore Walb a retranscrit dans son journal son emploi du temps au service du travail : « Le déroulement de la journée était exactement réglé : 5.10 Gymnastique.

5.30 Toilette, habillement, faire les lits, hisser le drapeau.

6.30 Café, guère bon, avec du pain à la marmelade, puis une demi-heure de chant avec la cheffe

du camp, suivi de formation politique. Aujourd’hui, elle a fait brièvement le tableau de la

situation politique extérieure et intérieure de ces derniers jours. […]

8.30 Début du travail.

10.30 Petit déjeuner, pommes de terre et boulettes d’avoine ! !

12.00 Déjeuner. Soupe, pommes de terre et salade de chou rouge et blanc cru.

Poursuite du travail jusqu'à 16.30.

17.00- 18.00 Repos sur le lit (dont, contre le règlement, j’usais après le contrôle pour ma

considérable correspondance.)

18.30 Diner, aujourd’hui, pommes de terre, chou-fleur et boulettes […]»

Ici Lore Walb (âgée) ajoute que : « L’emploi du temps après le dîner était fixé aussi. Les soirées en commun étaient passées à chanter, lire, exécuter des danses folkloriques, rapiécer et

ravauder. […] Puis toutes formaient le cercle autour du mât et le drapeau était amené, un peu

cérémonieusement bien sûr, marche silencieuse, chant, etc. » Puis le journal à proprement

parler reprend avec la fin du récit de la journée de la jeune Lore Walb :

« 20.30 Préparation au repos nocturne, […]

21.30 Alors vient « l’état-major », c'est-à-dire les quatre cheffes, qui disent bonne nuit, chaque

cheffe donne la main à chaque fille » (Lore Walb, page 63).

à partir du 26 juin 1936. Tous les Allemands, hommes et femmes, âgés de dix-huit à vingt-cinq ans doivent se

consacrer pendant une année à des travaux ruraux (…) Il (le service du travail) renforce l’esprit communautaire

et oblige les intellectuels à expérimenter au moins une fois dans leur vie le travail manuel. » Aycart/ Vallaud,

page 459.

~ 14 ~

La « formation politique » consistait en des cours sur la race ou la situation politique

extérieure. Lore Walb se rappelle qu’on lui avait donné comme sujet durant l’un de

ces camps : « Le sens de l’Etat » ou encore : « Pourquoi prenons-nous soin de la

race ? »(Lore Walb, page 111). C’est ainsi qu’on endoctrinait systématiquement la

jeunesse.

Les jeunes étaient d’autre part très courtisés. Le « Front du travail allemand 5 »

organisait des vacances pour les jeunes filles, qui allaient montrer aux minorités

allemandes des pays occupés (ici la Tchécoslovaquie) ce que devait être une bonne

Allemande. Elles représentaient l’Allemagne, c’étaient les enfants des Allemands.

Elles étaient en conséquence très bien accueillies par les dirigeants et les

communautés allemandes, dont l’immigration datait de plusieurs siècles, mais moins

par les autochtones, qui les considéraient comme les enfants des envahisseurs.

Chaque fois, reçues en grande pompe par un comité d’accueil prestigieux, les

étudiants étaient ravis. Lore Walb a rapporté dans son livre son expérience à ce sujet :

« Nous sommes arrivés à Prague à 12h30. Nous avons déjeuné dans la « maison Langemarck 6 ». Vers 4 heures, nous avons fait un tour de ville en bus, nous ne sommes descendus qu’au

Hradschin, nous avons vu la cathédrale St Guy, la salle espagnole et quelques chambres. A 6

heures a été donnée au palais Czernin une réception, non par le protecteur de l’empire lui-

même, mais par un sous-secrétaire d’état, qui a eu pour nous des mots gentils. […] Le

lendemain matin, balade à travers la belle vieille ville. […] L’après-midi, encore au Hradschin.

[…] Prague a vraiment tout à fait l’air d’une ville allemande. » (Lore Walb, page 197). On

5 Deutsche Arbeitsfront (DAF). « Cette organisation, une des plus puissantes du régime, fut fondée en

mai 1933 pas Robert Ley […] En 1939, la DAF emploie 44 500 permanents rétribués et gère des assurances

sociales, des coopératives, des banques, des agences de voyage… Elle englobe tous les salariés, patrons et

ouvriers confondus, afin d’étouffer la lutte des classes, réhabilite le travail manuel par rapport au travail

intellectuel et se soucie de l’amélioration des conditions de vie et des loisirs des travailleurs (logements sociaux,

congés payés). » Aycart/ Vallaud, page 325.

6 Langemark est une bataille célèbre de la première guerre mondiale, qui est devenue le symbole de

l’héroïsme allemand. C’était le 22 Octobre 1914. Des régiments principalement constitués d’étudiants

volontaires ont donné l’assaut et ont subi de très grosses pertes. Ils ont été vaincus, mais sont devenus des

légendes grâce à leur bravoure. En 1934, pour le vingtième anniversaire de cette bataille, a été instituée une

section Langemark par la Direction de la jeunesse du Reich. Ceux qui en faisaient partie avaient pour but

d’honorer les héros du passé. Et cela parce que la jeunesse allemande était tenue de remplir son devoir, selon

l’exemple de Langemark, en donnant sa vie pour la patrie. Baldur Von Schirach, le ministre de la

jeunesse pensait d’ailleurs que le devoir consiste à « servir une idée plus grande que nous-mêmes. » Zentner et

Bedürftig, Das grosse Lexikon des dritten Reiches,Augsburg, 1993, page 343.

~ 15 ~

réserve à ces écolières un accueil prestigieux. En effet, elles sont reçues dans le palais

Czernin qui est l’un des plus beaux palais baroques de Prague. Le sous-secrétaire est

même là pour accueillir les étudiantes du Reich.

C’était une méthode efficace pour embrigader la jeunesse. En montrant aux jeunes

filles allemandes qu’on leur accordait de l’importance et qu’on les traitait comme des

adultes, on s’assurait leur sympathie et leur adhésion prochaine au parti. Ainsi les

jeunes filles, heureuses de l’attention qu’on leur portait, étaient-elles fières d’être

allemandes.

7. Dans les écoles, on incitait les élèves à avoir des sentiments haineux envers les

juifs.

Les persécuter n’était pas un acte punissable, au contraire, si un élève le faisait, toute

la classe faisait de même, y compris le professeur. Celui-ci discriminait les élèves juifs

dans les cours et allait parfois jusqu’à les chasser de l’école. A la page 149 et 153,

Kurt-Ingo Flessau écrit : « Dans le « Peuple éternel » d’E. Sablotny et d’A. Schmudde, un livre de lecture pour l’école secondaire, volume 7, Leipzig, 1941, Luther appelle les juifs « le

peuple méchant, au cou raide, qui ne s’est laissé convertir du mal au bien par aucune

prédication, réprimande ou enseignement des prophètes » (p. 44), de vrais menteurs,

« déterminés par la soif du sang, de vengeance, le désir et l’espoir de meurtre », « entre eux

pleins de malice, d’avarice, d’envie, de haine, et contre nous païens, d’arrogance, d’usure,

d’orgueil et d’exécration », « chiens assoiffés de sang et meurtriers de toute la chrétienté ».

Lore Walb se souvient qu’un jour, après la prise du pouvoir par Hitler, l’instituteur

avait crié sur les élèves juives de l’école en disant : « qu’ont-elles encore affaire à l’école,

qu’elles rentrent chez elles et qu’on ne les voie plus ! » (Lore Walb, page 19). L’enseignant

encourageait ces démonstrations de violence de la part des enfants ; il faisait plus, il

désignait une proie, un bouc émissaire sur lequel les élèves pouvaient se déchaîner en

toute impunité.

~ 16 ~

On peut ici se référer à Alice Miller 7. Elle dit que l’éducation bourgeoise qui réprime

toutes les émotions, parce qu’il n’est pas convenable de les montrer, fait que les

enfants sont constamment sous tension. Ils sont dans l’impossibilité constante

d’exprimer leurs contrariétés, ce qui fait qu’à la première occasion, ils déchaînent leur

colère restée trop longtemps enfouie. Les enfants de l’époque sont donc très contents

quand on leur permet enfin de s’exprimer et ainsi de se soulager : ils jettent des

choses sur les enfants juifs chassés de l’école et les insultent. Alice Miller dit que les

Allemands «ont tous été des enfants dressés de bonne heure à l'obéissance. Eduqués par des moyens brutaux, humiliés, ils se sont ensuite défoulés sur des innocents de leurs sentiments

réprimés de colère et de rage impuissante - parce qu'ils pouvaient enfin, avec la bénédiction

d'Hitler, le faire sans risquer d'être punis. » (C'est pour ton bien - Racines de la violence

dans l'éducation de l'enfant, Alice Miller.) Michael Haneke, un réalisateur et

scénariste autrichien, né en Mars 1942 s’est d’ailleurs basé sur le travail d’Alice Miller

pour son dernier film : « Das weisse Band » qui eut la palme d’or au festival de

Cannes 2009. Ce film montre comment les enfants étaient éduqués au début du

XXème siècle, en l’occurrence l’action se déroule à la fin de l’année 1913. Les

réprimandes, les humiliations, la violence et les abus que subissaient les enfants

« pour leur bien » sont bien montrés dans le film. Le propos est de dire que ces

enfants qui en 1913 avaient entre 6 et 12 ans sont les adultes qui en 1933 ont porté

Hitler au pouvoir et que l’éducation qu’ils ont reçue y est pour quelque chose.

Cet endoctrinement payait et l’idée que le juif est forcément méchant s’ancrait dans

les esprits. Ma grand-mère, Claire Bordier, m’a une fois raconté que, pendant son

enfance à Berlin, elle s’amusait avec son frère (qui portait le prénom biblique de

Gad !) au bon policier de la Gestapo et au méchant juif. C’était comme aujourd’hui,

quand les enfants jouent au gendarme et au voleur. Les enfants avaient enregistré que

les juifs étaient ceux qu’il fallait arrêter et enfermer. Lore Walb décrit les juifs dans

une composition en 1934 comme « une influence dissolvante » qui divisait l’Allemagne

et créait son malheur.

7 Alice Miller est née le 12 janvier 1923 à Lviv en Pologne. C’est une doctoresse suisse en philosophie,

psychologie et sociologie et une chercheuse sur l'enfance. Ses ouvrages et ses thèses sur la violence cachée, qui,

selon elle, caractérise souvent les relations entre parents et enfants, l'ont rendue célèbre. Elle est morte le 14

avril 2010 à Saint Rémy de Provence. Alice Miller, C'est pour ton bien : racines de la violence dans l'éducation

de l'enfant, édition Aubier, Paris, 1985.

~ 17 ~

8. Les discours importants des représentants du pouvoir et d’Hitler lui-même

étaient écoutés dans les classes, pendant les heures de cours.

Lore Walb écrit le 12 novembre 1933 : « Le 10, à 1h de l’après midi, notre chef a parlé à l’ensemble du peuple allemand depuis une usine berlinoise. Dans tout l’empire ont retenti

avant 1h les sirènes qui annonçaient l’interruption de la circulation. […] Le discours du chef a

été retransmis à l’école dans la salle de dessin. Nous avons tous dû y écouter le discours. »

(Lore Walb, page 38).

La politique entre donc dans les écoles et le NSDAP s’y fait de nouveaux membres.

Mais d’autres organes du pouvoir s’insinuaient aussi dans les écoles. Il y avait des

défilés des FJA, des SA8 , des Jeunesses hitlériennes, pendant les cours. Lore Walb se

souvient : « Hier (27 mai 1933), il y a eu un défilé des SA à l’école d’enseignement secondaire accéléré. Le gouverneur Sprenger était attendu à 3h40. […] Des bouquets de fleurs lui ont été

offerts. » (Lore Walb, page 34). Au milieu de tous ces bruits et de ces couleurs, de la

belle symétrie du groupe, de la joie peinte sur la figure des filles et de la

détermination sur celle des garçons, les élèves étaient emballés et voulaient faire

partie de ces organisations. C’est comme quand on a une grande sœur qui part avec

ses amies, on a envie d’aller avec elles, de faire partie du groupe. Les nazis jouaient

sur cette envie de faire partie d’une communauté, d’y avoir des responsabilités et d’y

compter comme un adulte.

Toutes les petites filles voulaient faire partie des FJA et tous les garçons des Jeunesses

hitlériennes. Je me souviens que ma grand-mère m’avait raconté qu’elle aussi voulait

aller aux FJA et qu’elle avait été très triste quand mes arrière grands-parents le lui

avaient strictement interdit. Toutes ses amies étaient aux FJA et elle était la seule à ne

pas pouvoir en faire partie. Finalement, ma grand-mère a fui l'Allemagne en 1939

avec ses parents. Aujourd’hui, elle se rend bien compte que ça aurait été une folie d’y

entrer, mais à l’époque elle avait été très peinée. Même les enfants juifs voulaient

entrer aux FJA et étaient attristés que cela leur soit interdit. Evelyn Eigermann (Arte : 8 Sturmabteilung (SA). « Formation paramilitaire de la NSDAP. Mélange d’anciens combattants,

notamment de corps francs, de têtes brulées de l’université et de chômeurs, cette section, créée en 1921,

encadre les meetings de Hitler et perturbe ceux de ses rivaux politiques. Elle s’avère indispensable à la prise du

pouvoir. Identifiable à son uniforme brun, elle compte […] 700000 (hommes) en 1933 et peut-être près de 2,5

millions au début de 1934. Göring est le premier chef de la SA en 1923, puis Röhm la dirige jusqu'à la fin de

1925. […] la SA peine à enter dans le rang [de la NSDAP], refuse toute tutelle et s’apparente souvent encore à

une bande armée. » Aycart/ Vallaud, page 457.

~ 18 ~

« Les mercredis de l’Histoire (2/5) la jeunesse sous Hitler. »), une juive allemande

témoigne: « C’est sûr que j’aurais bien aimé en faire partie. J’enviais toutes les filles qui avaient le droit de porter la jupe bleue et le chemisier blanc. Oui, j’en souffrais vraiment. Et

plus tard, j’ai pris conscience que j’étais juive et que je n’avais pas ma place là-dedans. » Quand les enfants en voient d’autres de leur âge ou plus âgés défiler ensemble en

uniforme en faisant de si beaux mouvements en rythme et sembler si heureux, ils ne

peuvent qu’être pleins d’admiration et espérer faire partie de groupes semblables

pour plus tard arriver à en faire autant.

9. L’endoctrinement de la jeunesse se faisait dans les organisations extrascolaires,

mais aussi et surtout au sein même de l’école.

Les cours d’histoire allemande mettaient l’accent sur la grandeur et l’immortalité du

peuple germanique. Les élèves avaient des dissertations à faire sur des sujets comme

un discours d’Hitler, une décision politique récente, ou encore l’Allemagne après le

traité de Versailles.

K-I Flessau, page 107 : « Le peuple allemand, dans son genre d’existence et sa grandeur, dans sa lutte voulue par le destin pour son affirmation de soi intérieure et extérieure, est la

matière du cours d’histoire ». Education et enseignement à l’école secondaire. Edition officielle

du ministère de la science, de l’éducation et de la formation du peuple, Berlin, 1938. Page 108,

Kurt-Ingo Flessau : « L’élève doit se rendre compte de bonne heure combien il était injustifié que tout le monde refusât toujours au peuple allemand une position de puissance dirigeante. »

On apprenait aux élèves à considérer les adversaires comme des ennemis et à faire

leur devoir de patriotes. Par exemple, en février 1935, on demande à Lore Walb

d’écrire une composition en lui donnant comme sujet : « Regard rétrospectif sur la

révolution national-socialiste de 1933, après le discours du Chef le 30.01.1937. » (Lore Walb,

page 91). Il n’est pas question de discuter le discours mais simplement d’expliquer en

quoi le nazisme est bénéfique pour l’Allemagne. Les élèves n’avaient pas la

possibilité de se forger une opinion personnelle et de l’exprimer. On leur demandait

de parler d’un des discours du chef et ils n’avaient d’autre choix que de l’approuver

et de restituer la propagande dont on les imprégnait constamment. S’ils

contredisaient le chef, ils avaient une mauvaise note. De plus, les réponses étaient

déjà dans l’énoncé. Comment faire quand le thème de la dissertation que l’on doit

~ 19 ~

rendre est : « En quoi la révolution national-socialiste de 1933 fut-elle bénéfique pour

l’Allemagne ? » (Lore Walb, page 104). La question de savoir si la prise de pouvoir

d’Hitler a été une bonne chose est déjà tranchée, on ne fait que demander pourquoi

cela l’a été.

On ne donne pas seulement comme sujet de dissertation des discours d’Hitler ou de

ses dignitaires, les professeurs utilisaient aussi les écrivains. Schiller 9 par exemple

était beaucoup étudié dans les écoles parce qu’il exalte la fidélité et l’honneur.

« Sans dignité est la nation qui ne risque pas tout pour son honneur » (Lore Walb, page 47)

est une de ces phrases que l’on donna à Lore Walb pour une composition en

décembre 1934. Vu que l’Allemagne a été humiliée par le traité de Versailles, on

apprend aux jeunes Allemands et Allemandes qu’il faut tout risquer, tout sacrifier,

même sa vie, pour l’honneur de la nation. L’école pervertit les valeurs du bien et du

mal, car l’état veut une jeunesse qui fera tout pour l’honneur de l’Allemagne et par

fidélité au Führer même si cela veut dire faire le mal. Le meurtre devient nécessaire et

juste s’il est commis pour le pays et son chef.

Beaucoup de professeurs étaient nazis. L’un de ceux de Lore Walb, Ernst Krieck10,

était un idéologue nazi qui occupa la chaire d’histoire à Heidelberg. Il a consacré tous

ses efforts à l’élaboration d’une nouvelle anthropologie pour le régime.

Les professeurs donnaient comme héros aux élèves des hommes comme Leo

Schlageter11, qui avait combattu les troupes d’occupation françaises de la Ruhr et qui

9 Schiller est un écrivain allemand né en 1759 à Marbach et mort en 1805 à Weimar. Ses œuvres ont

influencé les romantiques français et se trouve à mi chemin entre la tragédie classique et le drame

shakespearien. Le petit Larousse illustré, Paris, 1999.

10 Ernst Krieck, Vögisheim (Baden) 6.7.1882 – Moosburg/Isar 19.3.1947. Pédagogue. Il a conçu, encore

sous la république de Weimar, la doctrine national-socialiste de l’éducation. En 1933, il devint à Francfort le

premier recteur nazi. Il a par la suite été nommé à Heidelberg, où il a rédigé son ouvrage principal,

l’ « Anthropologie politique nationale ». Il a été révoqué en 1945 et est mort dans un camp d’internement.

Zentner et Bedürftig, Das grosse Lexikon des dritten Reiches, page 330.

11 « Albert Leo Schlageter, né à Shönau en Forêt noire en 1894 et mort à Golzheimer Heide, près de

Düsseldorf en 1923 est un héros nazi. Volontaire pendant la Première guerre mondiale, il rejoint les corps francs

en 1919. Au moment de l’occupation franco-belge de la Ruhr (1923), il s’engage dans la résistance, perpétrant

~ 20 ~

avait été fusillé par elles en 1923. On nourrissait ainsi la haine des enfants envers les

alliés qui avaient imposé le traité de Versailles. Les enfants avaient donc depuis leur

prime jeunesse cette envie de vengeance, alors qu’ils n’étaient même pas nés en 1918.

Lore Walb raconte : «Aujourd’hui il y a des années fut signé le traité de Versailles. Les drapeaux sont hissés à mi- mât, à l’école, introduite par le chant allemand et conclue par le

Horst-Wessel 12, une allocution a été faite sur la signification de cet horrible document. »

(Lore Walb, page 34). L’empire est en deuil et il y a toute une mise en scène pour faire

bien comprendre aux élèves que c’est un jour tragique.

Les professeurs demandaient aussi aux élèves d’écrire sur la guerre, car ainsi ils

s’habituaient aux situations qu’ils étaient destinés à rencontrer. Lore Walb avait par

exemple comme sujet de dissertation la nécessité de la défense aérienne pour se

protéger. L’école faisait croire aux enfants que l’Allemagne serait attaquée par

d’autres pays surarmés, qui avaient pour objectif de l’anéantir. Il fallait donc se

préparer à se défendre contre des ennemis, et non des adversaires. En effet, voilà ce

que dit Lore Walb vers la fin de la guerre : « Quel destin nous attend, nous et l’Allemagne ??? Faut-il que nous soyons encore une fois entièrement abaissés ? Le ciel peut-il

donc permettre que nous soyons anéantis ??? […] Aucun peuple n’a accompli de plus grandes

choses, cela ne peut tout de même pas être simplement effacé. Nous avons le même droit à

vivre que tous les autres peuples. Pourquoi devrions-nous être seuls asservis ? » (Lore Walb,

page 253). C’est un cri de désespoir et d’impuissance. Elle est terrorisée, car elle est

persuadée, comme la propagande le lui a dit, que si l’Allemagne est vaincue, elle

cessera d’exister.

des actes de sabotage. Arrêté par les Français le 9 mai, il est fusillé le 26 mai 1923.Présenté comme un résistant

et un martyr de la République de Weimar, Schlageter, (…) devient un héros national-socialiste. » Aycart/

Vallaud, page 451.

12 Horst Wessel est un militant SA qui fut blessé par un communiste en 1930. Avant de mourir de ses

blessures il écrivit un poème qui devint grâce à Goebbels l’Hymne nazi. C’est un chant violent qui dit : « Le

drapeau brandi, les rangs serrés, /SA défilez d’un pas résolu. /Les camarades abattus par le front rouge

[communistes] et la réaction/ Défilent en esprit dans nos rang. / Que la rue soit libre pour les bataillons bruns, /

Que la rue soit libre pour l’homme des sections d’assaut !/ Ils sont déjà des millions à regarder pleins d’espoir/

Vers la croix gammée… » Aycart/ Vallaud, page 358.

~ 21 ~

Les cours donnés à l’école encourageaient les sentiments nationalistes et haineux

envers les étrangers. Le traité de Versailles et le « coup de poignard dans le dos13 »

sont des thèmes clés de l’enseignement. L’idée que l’Allemagne n’avait pas été battue,

mais trahie, faisait partie du programme nationaliste inculqué aux enfants.

Lore Walb écrit dans une de ses compositions : « Novembre 1918 [..] Au milieu de la désolation gît l’aigle (allemand), épuisé et grièvement blessé et malgré tout, c’est lui le vrai

vainqueur. […] un jour, un bruissement et un coup d’ailes : l’aigle s’envole. Les yeux du

monde sont fixés sur lui : Un miracle a eu lieu, l’aigle allemand vole de nouveau ! » (Lore

Walb, page 61). L’Allemagne n’a donc pas été battue en 1918, c’est elle qui a gagné la

guerre. On ne regarde pas l’aigle comme vaincu, mais comme martyr.

La haine envers les Français et les Anglais était entretenue pour améliorer la

combativité du peuple en vue d’une revanche. Lore Walb traite Churchill

de « provocateur belliqueux » (Lore Walb, page 179). En désignant un ennemi au

peuple, on le rassemble autour de ce but commun : la victoire. Comme l’ennemi

menace, les problèmes intérieurs disparaissent et le peuple accepte beaucoup plus de

mesures contre sa liberté.

Les enfants apprenaient des chants patriotiques sur la beauté, la grandeur et

l’immortalité du peuple allemand, par exemple, « Salut du printemps à la patrie », de

Schenkendorf14, a été appris par Lore Walb. En voici les trois premières strophes :

13 Coup de poignard dans le dos, « Dolchstosslegende ». C’est la légende selon laquelle « l’armée

allemande, invaincue militairement, a été assassinée par de viles intrigues politiciennes. » L’armée aurait pu

gagner la guerre, mais elle a été trahie par l’arrière. C’est une théorie qui a été fabriquée par l’armée pour

échapper aux justes reproches du peuple allemand et qui est réutilisée par Hitler, qui stigmatise « les lâches »

politiques qu’a promus la République de Weimar, mais plus encore les juifs et les communistes. Aycart/

Vallaud, page 57.

14 Gottlob Ferdinand Maximilian Gottfried von Schenkendorf, dit Max von Schenkendorf est né le 11

décembre 1783 à Tilsit en Prusse-Orientale. Il est mort le 11 décembre 1817 à Coblence en Rhénanie. C’est un

écrivain romantique allemand qui exalte l’empire allemand contre l'oppression napoléonnienne. Il fut pour cela

utilisé par la propagande du Reich. Der Brockhaus in fünf Bänden, Neu-Sil, Mannheim, 1994.

~ 22 ~

Quel appel est ton allégresse pour moi

Après la servitude15, après le combat

Patrie, je veux maintenant

M’immerger dans ta splendeur !

Là où les grands chênes bruissent

La tête tournée vers le ciel,

Là où les fleuves puissants grondent

Partout c’est la terre allemande.

Je suis venu des chutes du Rhin,

De la source du Danube,

Et en moi sont montées

Des étoiles d’amour douces et brillantes

Je veux descendre, et je veux porter l’éclat du feu

Sur les heureuses vallées du Neckar

Et le Main bleu argent.

Pénètre plus loin, plus loin,

Toi, mon salut allemand de liberté,

Retentis devant ma chaumière

Jusqu’au bord du lointain Niémen.

Là où il y a encore de valeureux fermiers allemands,

15 La servitude sous Napoléon.

~ 23 ~

Là où les cœurs tendres et forts

Se sont présentés au combat pour la liberté

Là est aussi le saint empire allemand.

Ce poème, que l’on faisait apprendre aux élèves est très nationaliste. Il décrit

l’Allemagne comme un empire gigantesque qui va des sources du Rhin et du Danube

au Niémen (actuellement en Lituanie). Cet empire immense, Hitler en rêvait, et il

essaya de le concrétiser pendant la deuxième guerre mondiale.

Le sacrifice de la vie était exalté dans les écoles comme preuve ultime d’amour de la

patrie. La nation vaut que l’on meure pour elle, c’était le mot d’ordre. Le rôle de

l’école était de former des soldats fanatiquement nationalistes, prêts à offrir leur vie

pour sauver et défendre la nation allemande. La fierté d’être né allemand et le

nationalisme étaient exaltés. En septembre 1939, Lore Walb, en parlant des victoires

allemandes en Pologne, dit : « Nos troupes allemandes […] ont magnifiquement combattu. Et comme nous sommes fiers d’elles ! Car une telle campagne, l’anéantissement de

l’adversaire, et ceci en à peine quatre semaines, l’histoire mondiale ne l’a encore jamais vu. Il

est vraiment merveilleux d’être allemand » (Lore Walb, page 141).

10. Les nationaux socialistes se sont approprié beaucoup d’éléments de l’antiquité comme par exemple l’aigle de César, ou la croix gammée.

Le premier fait penser à l’empire romain que le Reich avait pris comme modèle.

L’aigle a toujours représenté le pouvoir et la force. Le second vient en fait du svastika.

Le svastika est un symbole de vie utilisé en Inde, en Chine, en Eurasie, en Afrique du

nord, en Océanie et en Amérique. Mais les nazis n’étaient pas de cet avis et ils ont

donc crée leur propre histoire de la croix gammée. « Le national-socialisme et

l’Antiquité » de Johann Chapoutot, édition PUF,2008, page 47 : « Issue du nord originel, la croix gammée, écrit Rosenberg, a migré avec les Indogermains : « Bien avant 3000 avant

notre ère, les vagues de peuplement nordique ont apporté ces signes en Grèce, à Rome, à Troie,

en Inde. » Symbole de la renaissance allemande, la croix gammée évoque

désormais « l’honneur d’un peuple, l’espace vital, l’indépendance nationale, la justice sociale,

et la fertilité régénératrice de la vie », tout en demeurant « liée au souvenir de ces temps où,

~ 24 ~

signe de salut, elle guidait les conquérants nordiques vers l’Italie, vers la Grèce ». Les nazis

ont repris ce symbole à leur compte en inclinant la croix de 45 degrés.

Si on arrive à lier un gouvernement à l’antiquité, cela le rend légitime. Personne ne

remettra en question le pouvoir nazi s’il découle de la mythologie, en particulier

allemande. Donc, celle-ci fut beaucoup utilisée dans la propagande. Dans les écoles,

les enfants apprenaient la fabuleuse histoire des Nibelungen.

La Chanson des Nibelungen est une épopée dont le sujet est un épisode de l’histoire

légendaire allemande. Elle fait penser à une sorte de mélange de Lancelot16 et de la

Chanson de Roland17.

C’est l’histoire d’un prodigieux guerrier, Siegfried, qui a réussi par sa bravoure à

entrer en possession du fabuleux trésor des Nibelungen. Il est d’autre part protégé de

n’importe quelle arme par le sang du dragon qu’il a tué. Mais lorsqu’il s’en est enduit,

une feuille s’est posée sur son épaule. C’est son « talon d’Achille ».

Le roi des Burgondes, Gunther, lui donne sa sœur Kriemhild en mariage. En échange,

il aide Gunther à conquérir Brunhild, et c’est ce qui amène sa perte. Il soumet celle-ci

de manière que Gunther puisse jouir de ses droits de mari, et lui prend un anneau et

une ceinture qu’il offre à Kriemhild. Les deux reines sont d’abord en bons termes.

Mais il s’élève une dispute entre elles, car Brunhild ne comprend pas pourquoi

Siegfried ne se comporte pas en vassal envers son mari. Kriemhild se fâche et lui dit

qu’avant d’être à ce dernier, elle a été à Siegfried, qui est bien plus puissant que

Gunther. Brunhild ne la croit pas, mais lorsqu’elle voit que Kriemhild porte son

anneau et sa ceinture, elle ne peut plus en douter. Elle est naturellement humiliée et

pleure toutes les larmes de son corps. C’est alors que Hagen, un vassal de Gunther,

décide de venger la reine Brunhild en tuant Siegfried. Hagen, sous prétexte de

protéger Siegfried amène Kriemhild à lui dévoiler ce point faible :

« Dans le confiant espoir que tu resteras loyal envers moi, je vais te faire savoir, très cher

parent, en quel endroit on peut blesser mon époux bien-aimé. Je vais te le dire, je m’en remets à

ta loyauté. Alors que des blessures du dragon, le sang s’écoulait tout chaud et que le chevalier

hardi et valeureux s’y baignait, une feuille de tilleul très large lui tomba entre les omoplates.

16 « Lancelot du Lac » est un roman en prose du XIIIème siècle. C’est l’histoire de Lancelot et de Guenièvre

ainsi que de la recherche du Graal. Dictionnaire historique, thématique et technique des littératures, littératures

française et étrangères, anciennes et modernes. Librairie Larousse, 1986.

17 La chanson de Roland est une chanson de geste française que l’on date de la fin du XIème siècle.

L’auteur est inconnu. Dictionnaire historique, thématique et technique des littératures, Librairie Larousse, 1986.

~ 25 ~

C’est là qu’on peut le blesser. » (La chanson des Nibelungen. Traduit du moyen-haut-

allemand par Danielle Buschinger et Jean-Marc Pastré, présenté et annoté par

Danielle Buschinger. NRF L’aube des peuples Gallimard, 2001, pages 238 et 239.)

Hagen tue Siegfried par fidélité envers son roi et sa reine. Il prend le trésor des

Nibelungen. Kriemhild est très abattue. Elle reste veuve pendant des années avant de

se remarier à un roi très puissant, Etzel. Afin de se venger, elle invite son frère

Gunther et sa suite, dont Hagen, dans son nouveau pays. Gunther et ses vassaux

arrivent en se méfiant, car une ondine18 les a prévenus qu’aucun ne reviendrait

vivant. Les hommes de Kriemhild engagent la bataille sanglante où tous les

Burgondes trouvent la mort, sauf Hagen et Gunther, qui sont faits prisonniers.

Kriemhild fait décapiter son frère et parachève sa vengeance en tuant de ses propres

mains Hagen, avec la dague même qu’il avait prise à Siegfried. Mais son mari la fait

abattre, car aucune femme ne peut tuer un guerrier sans encourir la mort.

La plupart des gens considéreraient que le héros de la Chanson est Siegfried. Mais

pour les nazis, c’est Hagen. S’il tue Siegfried, c’est par fidélité et loyauté envers sa

suzeraine. Il est vu comme un héros solitaire et tragique. Il renonce à ses amis et

même à son propre honneur pour défendre celui de Brunhild. Il n’est pas considéré

comme un traître, mais plutôt comme un vassal fidèle et loyal. C’est un homme

admirable, qui a eu le courage d’aller contre tous ses amis et de mourir par fidélité.

Plus encore, Hagen est à plaindre. Il est le seul à avoir eu le cran de se sacrifier pour

Brunhild. C’est un incompris dont le seul réconfort est la certitude de faire son

devoir. Hagen endure tous les tourments par loyauté, et c’est ce que les Allemands

doivent eux aussi faire pour Hitler. Lore Walb, jeune fille de 17 ans en 1936, écrit

dans sa dissertation sur Hagen : « Sa vie n’avait pas été vaine, car il était resté fidèle à son

roi, fidèle jusque dans la mort, même s’il en avait lui-même le plus souffert » (Lore Walb,

page 69). Le fait que Hagen soit élevé au rang de héros n’est pas anodin, car il est le

modèle que chaque soldat, chaque femme, chaque enfant doit chercher à imiter pour

servir la grande Allemagne. La devise des SS était d’ailleurs : «la fidélité est la moelle de

l’honneur ». Hagen, pour les Allemands, fut « grand jusqu’à l’inhumanité dans la fidélité,

sa solitude et sa propre douleur » (Lore Walb, page 69). En conclusion, c’est un héros. Le

meurtre de Siegfried, parce qu’il a été fait en vertu d’un serment de fidélité, devient

honorable. C’est pour les nazis un but digne d’admiration.

18 Une ondine est une déesse des eaux. Le Grand Robert de la langue française, deuxième édition dirigée

par Alain Rey, 2001.

~ 26 ~

On mettait cette histoire dans la tête des enfants pour qu’ils aient le même but :

mourir pour le chef. Les SS19, les SA, les JH20, les FJA, tous font le « serment de

fidélité au chef » et promettent de donner leur vie pour le défendre lui et l’Allemagne.

Les Allemands juraient fidélité à la personne d’Hitler et après seulement à leur pays,

ce qui est assez particulier. Le serment de la SS était : « Je te jure, Adolf Hitler, Führer et chancelier du grand Reich allemand, fidélité et bravoure. Je fais vœu d’obéir jusqu'à la mort à

toi et aux grands chefs par toi désignés. Que Dieu me soit en aide ! » (Allemagne IIIème

Reich Histoire/ Encyclopédie, édition Perrin, 2008.) C’est cette notion de loyauté et

de sacrifice qui était au centre de la société allemande.

11. Les filles étaient peu nombreuses à faire des études supérieures, car ce n’était pas la place qui leur était destinée.

« Le but de l’éducation féminine doit immuablement être la future mère. » disait Hitler

La plupart des jeunes filles arrêtaient les études avant l’Abitur21 et se mariaient. Les

amies d’enfance de Lore Walb se sont mariées et n’ont pas continué leurs études.

Tel fut le cas pour Rotraut et Liselotte, qui se sont mariées avec des officiers. La

place des femmes était au foyer et non dans les salles de cour. Les seuls

enseignements qu’on leur donnait volontiers portaient sur l’entretien de la maison, la

cuisine et le soin des enfants. Toutes les filles devaient obligatoirement passer le

diplôme professionnel d’arts ménagers pour apprendre leur futur rôle de mères de

19 « SS-Schutzstaffel, unité de protection. L’ordre noir. Police militarisée de la NSDAP, créée le 4 avril

1925, en tant que branche particulière de la SA, comme garde personnelle d’Hitler. Dés 1929, les SS, dirigés par

Himmler, lui-même sous l’autorité directe du Führer, établissent […] la dictature de la terreur. […] La SS attire

d’anciens officiers, des adhérents des formations paramilitaires, des universitaires et des aristocrates

déclassés. » Aycart/ Vallaud, page 465.

20 Hitlerjugend (HJ). C’est une organisation nazie qui regroupe la jeunesse allemande. Elle est créée en

1926 et dépend principalement des SA. Balduch von Schirach en est le dirigeant à partir de 1933 comme « chef

de la jeunesse du Reich ». Le 1er

décembre 1936, tous les jeunes ayant entre 10 et 18 ans sont obligée de

s’inscrire aux JH. Aycart/ Vallaud, page 363.

21 La maturité.

~ 27 ~

famille. C’était en quelque sorte pour elles l’équivalent de baccalauréat. C’était cela

l’avenir des jeunes filles allemandes et non les études. L’accomplissement personnel

se limitait à donner des enfants au Chef. La pression de la société sur les femmes

pour qu’elles se marient et fassent des enfants était très forte.

Lore Walb est une exception, car elle a eu la chance que sa mère, malgré ses

réticences, accepte qu’elle quitte la classe d’études ménagères pour rejoindre celle de

sciences et lettres et ainsi pouvoir aller à l’université. Mais peu de filles allemandes

ont eu une telle chance.

Les filles étaient très mal vues par la société et par leurs proches quand elles

continuaient leurs études. Lore Walb raconte la réaction de sa famille à l’annonce de

ses études : « Je sais que maman n’est pas favorable à ce que je fasse un doctorat. […] Elle craint […], peut-être pas à tort, qu’il soit plus difficile à une « demoiselle docteur » de trouver

un mari qu’à une universitaire sans « docteur », qui a de toute manière déjà des exigences

plutôt grandes. » (Lore Walb, page 238). Dans cette société machiste, une femme

indépendante intellectuellement n’est pas très appréciée. En effet, vu le modèle du

couple nazi, l’homme travaille et domine et la femme dépend de lui et adopte ses

opinions – il est donc difficile pour une femme titulaire d’un doctorat de trouver à se

marier. Si elle travaille et est donc indépendante, cela diminue la supériorité de

l’homme ; si, de plus, elle est intelligente, cultivée et a un esprit critique, l’écart

devient nul, ce qui est très difficile à accepter pour un homme qui vit dans ce monde

machiste où la virilité est exaltée. Lore Walb raconte dans son journal comment elle

était considérée par ses connaissances masculines : « Je suis peu enthousiasmée à être traitée en petite fille. […] Ce qui me sépare d’eux est la conscience qu’intellectuellement ils ne

voient pas du tout la valeur d’une femme. […] Je vois devant moi Günther (un de ses amis)

avec son arrogance, et je crois que j’ai raison. » (Lore Walb, page 216) Le délire de virilité

nazi empêche Lore de s’amuser. L’homme est censé être supérieur en tout, et donc

les hommes de l’époque regardaient les femmes intelligentes avec une

condescendance misogyne à peine dissimulée. Ils ne faisaient pas attention à

l’intellect féminin, puisqu’ils pensaient que de toute manière une femme n’en a pas

l’usage.

Les femmes devaient gravir d’autres obstacles que la famille pour arriver à entrer à

l’université. Le gouvernement s’évertuait aussi de les empêcher d’étudier. En 1934,

on mit en place les lycées pour filles. On y enseignait principalement l’art ménager et

le sport. Le diplôme que l’on recevait en sortant ne permettait pas d’accéder aux

études supérieures. Ainsi, on empêchait les filles de se retrouver sur les bancs de

~ 28 ~

l’université. Mais, même si elles y arrivaient, les débouchés n’étaient pas les mêmes

pour elles que pour les garçons. Les filles, à l’issue des études universitaires, se

voyaient surtout offrir des postes dans l’enseignement ou le secrétariat. C’est la

carrière que, sans enthousiasme, envisageait Lore. La guerre lui a permis d’y

échapper !

~ 29 ~

Figure 1 Propagande nazie pour encourager toutes le

petites de dix à quatorze ans à entrer dans les FJA. Il est

écrit: «La jeunesse sert le Chef, tous les enfants de dix

ans dans les jeunesses hitlériennes."

Figure 2 Voici les différents uniformes des FJA. D'abord, il y a le modèle

avec le chapeau et la veste, puis le modèle avec le manteau. Ensuite il y

a le modèle d'été pour la jeune fille ou pour la chef de district.

~ 30 ~

Figure 3 Une affiche de propagande pour la fête du

parti à Nuremberg. Il y a l'aigle allemand en arrière-

plan et la jeune fille aryenne en uniforme des FJA au

premier plan.

Figure 4 Ces jeunes filles sont au service de travail. Elles étaient comme Lore Walb envoyées dans les

zones occupées pour aider les allemands de souche dans leur exploitation. Elles sont très heureuses d'en

faire partie comme le montre cette photo.

~ 31 ~

Figure 5 Affiche encourageant à la maternité. Il est écrit:

"Soutenez l'aide publique Mère et Enfant." Cette

organisation est fondée en 1934 pour venir en aide aux

familles nécessiteuses choisies sur des critères raciaux.

Enzyklopädie des National sozialismus, München, 2007.

F

Figure 6 La couverture du livre de Lore Walb. On y

voit une photo d'elle jeune et une autre d'elle en

1990.

~ 32 ~

Figure 7 Texte: « Le plus beau cadeau de Noël. Avant Noël, Wolfgang chantait toujours:

« Demain, vient le père Noël

Vient avec des cadeaux,

Tambour, fifres et fusil,

~ 33 ~

Drapeau et sabres et plus encore

Oui, toute une armée en campagne

J’aimerais bien avoir »

Et alors il demanda tout impatient à sa mère : « Quand donc est la veille de Noël ? »

Ça y est enfin, Wolfgang peut aller dans le salon décoré pour Noël. Au sapin brûlent beaucoup de lumières, elles

rayonnent comme les étoiles ! Et tout ce qu’il y a dessous !

~ 34 ~

Le Père a de nouveau du travail [grâce à Hitler], c’est pourquoi les parents ont pu bien pourvoir à la table des cadeaux. La

belle veste en laine et les gants chauds, Wolfgang veut les mettre demain, quand il ira faire du patin à glace avec les

enfants des voisins.

Mais il y a là encore des cartons ! Avec curiosité, il soulève un couvercle et alors, il ne peut plus se tenir de joie. Dedans,

ce sont des soldats de plomb. Ceux-là, il avait souhaité les recevoir. Il les déballe tous. Il y a même une fanfare.

Maintenant il la met en ordre de marche ! D’abord la fanfare, ensuite le porte-drapeau, ensuite des officiers, des

fantassins et des cavaliers, et enfin même encore un canon. Wolfgang dépose son armée en campagne sans cesse

autrement.

Et que peut-il bien y avoir dans l’autre carton ? des SA et des SS, des benjamins et des garçons de la jeunesse hitlérienne.

A peine Wolfgang les a-t.il découverts qu’il les met en service. Il les met en rangs comme il l’a vu récemment faire au

grand défilé de novembre.

Enfin, la mère doit l’avertir : « N’oublie pas d’aller dormir ! » Avec précaution, il remet ses nouveaux amis dans le carton,

mais il emporte un soldat de la Reichswehr, un SA et un SS. Ils vont monter la garde à côté de son lit.

Et cela dans un livre d’école pour enfant ! En lisant cela, chaque petit garçon s’identifiait naturellement à ce

personnage et désirait ainsi la même chose que lui.

Figure 8 Ma grand-mère qui est née à Berlin en 1930 et qui a fui

avec ses parents en 1939.

~ 35 ~

Figure 9 On peut voir ici comment on apprenait aux enfants à lire. A la page de la lettre" l" on trouve les différents sons

qui contiennent la lettre "l" comme "la le li lo lu". Et il y a des images dont le nom contient le son "l" : l’échelle, die

Leiter ; le luth, die Laute ; le violon, die Violine ; ainsi qu’un clairon des SS : das Blasinstrument. Au-dessus des images,

on trouve : « ele mele mu [ und raus bist du] ». C’est une comptine, comme en français : « Am stram gram … » Mais le

plus intéressant, c’est l’illustration du haut de la page. Y sont montrées des jeunes filles en uniforme de la FJA qui

chantent près d’une forêt. Cela semble merveilleux, et c’était fait pour que les petites filles comme ma grand-mère

s’identifient et cherchent elles aussi à faire partie de cette organisation ou l’on chante gaiement tous ensemble.

~ 36 ~

Deuxième partieDeuxième partieDeuxième partieDeuxième partie....

Le statut de la femme et sa place au sein du couple.Le statut de la femme et sa place au sein du couple.Le statut de la femme et sa place au sein du couple.Le statut de la femme et sa place au sein du couple.

~ 37 ~

1. C’était compliqué pour une jeune fille de l’époque d’entretenir une relation amoureuse avec un garçon.

En effet, il fallait toujours rester convenable, ne pas montrer de façon trop évidente

son attirance et respecter les bonnes manières pour ne pas se faire remarquer.

Il était impossible d’avoir une vraie relation avec un homme, car si on voulait aller

plus loin que le simple flirt, il fallait se marier et avoir des enfants. La jeune fille

devait rester pure et innocente jusqu’à son mariage. Une fille enceinte sans être

mariée aurait été rejetée par ses camarades d’école et par les FJA. Le mot d’ordre était

donc de rester chaste et convenable. Dans son journal, Lore Walb raconte un rendez-

vous avec un garçon qui l’a emmenée à une manifestation de la « Force par la Joie22 »

pour les soldats :

« De nouveau, un baisemain au moment de prendre congé, cela m’émeut étrangement, […] Je

ne sais comment, peut-être par hasard, comme il me tendait la main, j’ai été plus près de lui

d’un pas. Trop près, […] il semblait peut être que nous voulions nous embrasser, mais je crois

qu’il ne le ferait pas, il est trop correct et convenable pour cela. » (Lore Walb, page 87).

Embrasser son ami en public était manifestement considéré comme inconvenant et

vulgaire. Le sentiment amoureux était restreint à la sphère privée et, même là, il y

avait des règles. Même chez soi, il était strictement interdit de commencer une

relation sérieuse avant le mariage.

2. Les différences entre le statut de la femme en Allemagne et dans les autres pays européens et aux États-Unis.

Le statut de la femme en Europe et aux États-Unis a été grosso modo le même durant

les années vingt et trente. Par exemple, la campagne contre les « doubles salaires 23» a

sévi dans « tous les pays victimes de la grande crise économique, en particulier aux 22

Hitler, en 1933, crée Kraft durch Freude, la « Force par la joie ». Cette branche du Front du travail organise les

loisirs du peuple :spectacles, concerts, excursions, vacances à bon marché, croisières à l’étranger… » Aycart/

Vallaud, page 108.

23 Cette interdiction des doubles salaires visait à cantonner la femme à la maison. Elle ne recevrait pas de

salaire, car seul l'homme travaillerait.

~ 38 ~

États Unis. » (Histoire des femmes en occident, V.Le XXème siècle, page 248.) « D'une

façon générale, le troisième Reich ne fit pas grand-chose pour modifier le statut de la

femme allemande » (La Révolution brune, David Schoenbaum, page 228). Mais, il

faut distinguer ce qui s'est produit à cause de la pression due aux nécessités de la

guerre et les intentions des nazis au départ. Ce n'est pas que les nazis n'ont pas voulu

cantonner les femmes à la maternité et au foyer, mais c'est qu'ils ne l'ont tout

simplement pas pu à cause de la guerre.

« Le démocratie parlementaire et l'émancipation des femmes étaient pour le

national-socialisme des manifestations équivalentes de l'univers qu'ils s'étaient juré

de détruire. C'est dans cet esprit que dès janvier 1921, les femmes furent exclues de la

direction du parti tandis que la maternité était placée au premier plan des vertus

morales et patriotiques » (La Révolution brune, David Schoenbaum, page 218.)

Pourtant, l'image de la femme nazie était incohérente. « S'il était certainement bien

vu que les femmes restent au foyer, on reconnaissait d’emblée que ce rêve était

irréalisable. La femme nazie idéale se devait avant tout à l'état dans son travail

comme dans sa famille. » (Histoire des femmes en occident, V.Le XXème siècle, page

248.) D'ailleurs, lorsque « en 1942, Robert Ley, le leader du Deutchearbeitsfront,

proposa d'étendre le bénéfice de la prime de maternité (réservée aux seules femmes

actives) aux femmes au foyer, Hitler rejeta cette proposition en arguant que les

ressources de l'état devaient être réservées aux « tâches difficiles » [la

guerre] (Histoire des femmes en occident, V.Le XX ème siècle, page 249.) En effet,

devant le départ de millions d'hommes pour le front, ainsi que les milliers de morts,

les nécessités de la guerre et en premier plan le besoin de main d’œuvre des usines

d'armement prenaient le pas sur les théories anti-féministes nationales-socialistes.

L’État encourageait donc les femmes à participer à l'effort de guerre. Celles qui

étaient enceintes étaient même encouragées « à rester à leur poste pratiquement

jusqu’à la veille de l'accouchement. » (La Révolution brune, David Schoenbaum,

page 224.)

« L'élimination des femmes du marché du travail était l'un des principaux points du

programme social de 1933. » (La Révolution brune, David Schoenbaum, page 220.)

Mais si « d'après la Frankfurter Zeitung la proportion de femmes parmi les

travailleurs était tombée de 29,3 pourcents à 24,7 pourcents de 1933 à 1936 », elle

était « remontée à 25 pourcents en 1938. » (La Révolution brune, David Schoenbaum,

page 223) L'économie de guerre s'imposait face à l'idéologie.

Dans son journal, Lore Walb, qui écrit entre l'âge de 14 et 25 ans, fait plus état de

l'idéologie et des projets nazis répétés par la propagande que de la vie au quotidien

~ 39 ~

de l'ensemble des femmes du pays. Elle-même est surtout confrontée à ce qui

constituait l'un des caractères essentiels de l'idéologie nazie, c'est-à-dire « le culte de

la paternité et celui de la virilité. » (Histoire des femmes en occident, V.Le XX ème

siècle, page 258) En effet, « la spécificité de la politique nazie réside d'abord dans le

versement d'allocations non aux femmes et aux mères, mais aux hommes et aux

pères, comme le soulignait un ministre nazi : « La paternité est un concept qui

s'inscrit dans les lois de la nature. » (Histoire des femmes en occident, V.Le XX ème

siècle, page 253) Ce que Lore Walb ne supportait pas alors qu'elle était étudiante,

c'était d'être infantilisée par les jeunes hommes qui s'intéressaient à elle. Ceux-ci ne

considéraient son intellect qu'avec mépris et suffisance, car en tant que femme elle

n'en avait pas besoin.

Finalement « la pénurie de main d'oeuvre dans tous les domaines ne pouvait

qu'améliorer la position des femmes sur le marché du travail » (La Révolution brune,

David Schoenbaum, page 228) et donc aussi dans la vie en général et ceci dans tous

les pays qui se préparaient à la guerre. « Le processus ininterrompu de

modernisation de l'économie était trop fortement engagé pour que le régime puisse

le stopper ou l'inverser. » (Histoire des femmes en occident, V.Le XX ème siècle, page

246) Sans le travail des femmes, l'économie s'écroulait à coup sûr.

En réalité, ce qui différencie l'Allemagne des autres pays, c'est son idéologie. C'est le

seul État ayant eu une idéologie aussi clairement anti-féministe, et dont celle-ci a dû

reculer devant les nécessités économiques.

3. Pendant le 3ième Reich, les femmes avaient une place d’inférieures dans les relations amoureuses.

Il fallait que, dans le couple, l’homme soit plus âgé que la femme pour la dominer

physiquement et intellectuellement. Les femmes avaient d’ailleurs si bien intégré

cette idée qu’elles choisissaient d’elles-mêmes des hommes plus âgés. En 1938, Lore

Walb parle d’un jeune homme du nom de Peter. Celui-ci, après une petite idylle, part

dans une autre ville. Lorsqu’elle reçoit une lettre de lui où il lui dit qu’il a trouvé

quelqu’un d’autre et qu’il l’a quitte, voilà ce qu’elle se dit en pensant à lui: «J’ai

~ 40 ~

souvent eu l’impression que je devais pour ainsi dire le materner et il me reconnaissait en effet

une certaine supériorité. Et je sais aussi qu’il m’aimait vraiment. Mais maintenant, il y avait

une fille à laquelle il pouvait vraiment être supérieur, et elle lui convenait mieux aussi du

point de vue de l’âge (il avait 21 ans et Lore 19). Je me rendais bien compte de tout, pouvais

tout à fait le comprendre et ne lui en voulais vraiment pas.» (Lore Walb page 115) Lore

accepte sans ciller que malgré l’amour qu’ils éprouvent l’un pour l’autre, leur relation

soit impossible, car Peter n’est pas assez mûr pour vraiment dominer sa partenaire.

Elle-même désire un homme beaucoup plus âgé et plus mûr qu’elle, elle adhère à

cette conception machiste du couple.

La femme était non seulement vue comme un être inférieur à l’homme, mais était

également considérée comme une éternelle enfant, elle était dépendante de son mari.

En effet, quand une femme se mariait, elle arrêtait ses études, renonçait à sa carrière

pour s’occuper de son foyer et vivait alors uniquement du salaire de son mari. Les

femmes étaient donc cantonnées au domaine privé, sans jamais avoir leur mot à dire

sur la place publique. C’était l’homme qui donnait son statut à la femme, qui vivait

grâce à lui et à travers lui. Une femme qui n’acceptait pas cette dépendance était vue

comme une originale et était rejetée par la société.

Voilà ce que Lore écrit quand elle apprend que son amie Rotraut se fiance : « Rotraut vient de se fiancer aussi [plusieurs de ses amies sont déjà mariées], le 13 avril, avec le

lieutenant médecin-chef Wolfgang K., qu’elle a rencontré au mariage de son frère. […] Son

bonheur est sans bornes, je peux me l’imaginer. Je serais ainsi aussi. C’est bien ça le mieux

pour une fille. Tout le reste ne peut être qu’un plus ou moins bon substitut. » (Lore Walb,

page 175). Cela se passe de commentaire, le mariage et la maternité sont considérés

comme l’accomplissement ultime. C’étaient les hommes qui dirigeaient la vie de leur

épouse, sous le prétexte paternaliste que la femme ne sait pas ce qui est bon pour elle.

D’ailleurs, Lore Walb écrit dans son journal : « Il (le Docteur B.) continue à penser que je me marierai avant la fin de mes études et que celles-ci seront pour moi un passe-temps, une

période agréable plutôt qu’une tâche vitale. Il est vrai que ce serait bien, s’il avait raison ! »

(Lore Walb, page 160). Et elle s’en remet à son point de vue, alors qu’elle dit un peu

plus haut que les études ont pour elle : « une signification infinie ». Le docteur B. dit

cela avec paternalisme comme si Lore était une petite fille qui ne sait pas ce qu’elle

fait. Il est « curieux de son évolution », il se distancie d’elle et la regarde de haut. Il y

~ 41 ~

avait donc entre l’homme et la femme cette relation un peu bizarre d’homme-père qui

protège sa compagne-fille et décide pour elle.

Non seulement la femme était en état d’infériorité, mais elle jouait également un rôle

passif dans la relation. C’était l’homme qui courtisait et cherchait la femme, lui qui

agissait. Celle-ci devait au contraire attendre d’être élue par un homme. Cette

passivité de la part des femmes est bien montrée dans un passage du journal de Lore

où elle raconte comment s’est passée sa première rencontre avec un certain Walter

L. : « Je suis allée au séminaire d’allemand, seule- il y a eu là encore une occasion de m’aborder- il ne l’a pas fait. Lassée de toute cette tension, je suis allée au séminaire pleine de

colère. […] Dans l’espoir muet qu’il soit encore dans la salle, dans le désir de lui donner

encore une dernière chance, j’ai traversé la salle [de cours]. […] Il était effectivement encore

toujours là-bas à attendre. A cet instant, il s’est apparemment intérieurement secoué, s’est

dirigé (vers moi). » (Lore Walb, page 269). Lore ne pouvait pas l’aborder elle-même, car

ce n’était pas accepté socialement. Tout ce qu’elle peut faire, c’est attendre, essayer

d’attirer discrètement son attention et espérer être choisie. Si Lore avait fait le premier

pas, elle aurait été considérée comme une femme de peu de vertu, dévergondée et

vulgaire. D’ailleurs, à l’époque, une femme ne pouvait pas entrer seule dans un lieu

public, elle devait être accompagnée par un homme. Et si elle entrait tout de même

seule dans un restaurant, on pensait qu’elle était attendue.

Pour les femmes de l’époque, leur infériorité et leur besoin de protection était un fait.

Elles pensaient comme Lore Walb qu’une journée passée sans un homme était une

journée perdue. Pour qu’une femme se sente bien et qu’elle ait confiance en elle, il

fallait qu’un homme confirme ce sentiment. Lore Walb, dans son journal parle de sa

relation avec le Docteur B : « […] même si notre relation devait être finie, c’était une belle expérience. Je veux vraiment retenir les sincères compliments, car de ce point de vue, ma

confiance en moi peut bien devenir plus grande. » (Lore Walb, page 151) Elle a besoin

qu’un homme la flatte pour qu’elle reconnaisse ses qualités. Son estime d’elle-même

dépend entièrement du regard que les hommes posent sur elle.

En ce qui concernait la fidélité, l’homme pouvait flirter comme il voulait et même

faire des enfants hors mariage (pour autant que sa partenaire fût aryenne), tant que

cela n’affectait pas sa famille. Lore Walb parle dans son journal d’un homme avec

lequel elle sortait, le docteur B. Elle le décrit ainsi : « Un homme distingué, charmant, 33

~ 42 ~

ans, marié. Toujours est-il que c’est un homme qui me fait très forte impression, il me plaît

beaucoup et je sais qu’il m’aime bien aussi. » (Lore Walb, page 149). Le fait qu’il soit

marié ne choque pas Lore, qui envisage sans problème une relation avec lui sans

songer à lui demander l’exclusivité. Un homme marié flirtant avec une étudiante était

quelque chose de normal à l’époque. Il avait la tâche de faire des enfants, dans ou en-

dehors du mariage d’où une si grande liberté. Par contre, la femme ne l’avait pas. Elle

est, en tant que mère, le centre de la famille ; sans elle, le foyer s’écroule. Donc elle ne

peut pas aller voir ailleurs, car elle appartient à la famille.

4. Le but que devait atteindre toute jeune fille était le mariage et la maternité.

Il fallait absolument faire des enfants, non seulement à cause des hommes qui

tombaient sans nombre sur le front, mais surtout pour régénérer la race germanique.

Lore Walb écrit dans son journal : « Seul l’enfant, notre propre sang qui se perpétue, nous garantit l’immortalité, à nous qui sommes exclues de tout autre domaine de création. Vivre

sans être devenue mère me semble dénué de sens. » (Lore Walb, page 321). Voilà ce que

voulait Lore comme des milliers d’autres jeunes filles allemandes. Hitler a dit là-

dessus : « La femme aussi à son champ de bataille. Avec chaque enfant quelle donne à la

nation, elle mène ce combat ! C’est son combat pour la nation ». (Arte : « Les mercredis de

l’Histoire (2/5) la jeunesse sous Hitler. ») Faire des enfants est un devoir civique à tel

point que si on n’en fait pas pour la patrie on peut être considérée comme une

mauvaise Allemande. En effet, page 128, Kurt-Ingo Flessau écrit « tous les domaines des travaux féminins « avant tout la gestion du ménage, son aménagement, et l’éducation des

enfants sont mis de manière vivante en liaison avec les objectifs économiques, politiques et

sociaux de l’état national-socialiste ».( Education et enseignement à l’école secondaire).

5. Pour calmer les ardeurs de la jeunesse, l’état parlait à tout bout de champ de camaraderie et de fraternité.

La camaraderie bride la sexualité. En effet, la camaraderie ou l’amitié se distinguent

de l’amour par l’absence de désir sexuel. L’amitié est une relation de confiance et

d’affection, alors que dans une relation amoureuse, il y a en plus l’attrait sexuel

~ 43 ~

qu’exerce chacun des partenaires vis-à-vis de l’autre. En exaltant la camaraderie, les

nazis promouvaient une relation asexuée. «Juste ces derniers temps, j’ai encore fait la connaissance de quelques étudiants-des juristes-, dont l’un se met très aimablement à ma

disposition : si j’ai envie de sortir le soir, je n’ai qu’à m’adresser à lui. Une attitude de bonne

camaraderie vraiment gentille. » (Lore Walb, page 173). Vu que les filles ne pouvaient

pas sortir seules le soir, les garçons leurs proposaient d’être leurs chaperons. Le seul

moyen pour un garçon de pouvoir fréquenter une fille était de se présenter en

« camarade », car toute autre forme de relation menait au mariage.

Le sexe était d’ailleurs un mot tabou, personne n’en parlait. Les relations entre

hommes et femmes étaient donc de simple camaraderie innocente ou débouchaient

rapidement sur le mariage. Lore Walb se disait à propos de Walter (un homme avec

lequel elle avait flirté) que s’il avait été plus âgé, ils se seraient mariés sur le champ.

(Lore Walb, page 271). Il ne lui vient pas à l’esprit qu’elle pourrait d’abord essayer

d’apprendre à le connaître. Non, pour elle, si la relation a de l’avenir, il faut se marier.

La morale bourgeoise de l’époque exigeait de la part de la jeunesse chasteté et

abstinence. Cela mettait les jeunes dans une situation délicate : ils étaient tiraillés

entre leurs désirs et les exigences de bienséance de la société. Si on était des

camarades, on ne pouvait pas être amoureux. Une morale très stricte empêchait les

jeunes de vivre pleinement leur jeunesse. Ils avaient au-dessus de leur tête une épée

de Damoclès : l’idée de déshonorer leur famille en étant inconvenants, ou l’obligation

de se marier. La camaraderie était exaltée au-delà de toute mesure, à un tel point que

la relation amoureuse, le flirt, un simple baiser faisaient peur. Lore Walb a raconté

dans son journal la réaction qu’elle a eue lorsque, dormant dans la maison familiale

de son copain, celui-ci lui a dit qu’il l’a réveillerait par un baiser le lendemain

matin : « J’entrerai et te réveillerai avec un baiser matinal, m’a-t-il annoncé. Je n’en ai absolument aucune envie, ai-je répondu, et tu vas de plus rester gentiment dehors et sagement

frapper. » Finalement son ami ne l’a pas embrassée le lendemain. En y repensant

après, elle se dit : « Bon, il n’y a eu aucun danger. » (Lore Walb, page 113-114). Donc,

pour elle, il aurait pu y avoir un danger alors que Peter était son petit ami ! La

sexualité était considérée comme un danger qu’il fallait éviter.

Lore Walb, en reprenant son journal quarante ans plus tard, a écrit qu’elle avait

l’impression qu’on lui avait volé sa jeunesse. Le régime nazi l’a empêchée de vivre

pleinement, de s’amuser, de rencontrer des gens, de voyager,… Elle n’a rien vécu

d’autre dans son enfance que la guerre et en est restée très triste.

~ 44 ~

Conclusion.Conclusion.Conclusion.Conclusion.

Pour conclure, nous avons pu voir comment les jeunes filles allemandes ont été

endoctrinées depuis leur plus tendre enfance par les nationaux socialistes. De par

l’école, les institutions telles que les FJA, et la pression de la société pour qu'elles

suivent exactement les idées nazies, les filles n'avaient que très rarement la possibilité

de faire preuve d'autonomie. Aujourd’hui, ces petites filles souriantes, avec des

tresses blondes et un bouquet de fleurs des champs dans les bras, ces adolescentes

faisant « Sieg heil » avec une joie extatique nous font peur. Elles sont considérées

comme des coupables qui ont eu à la fin de la guerre un sort trop enviable comparé à

ce qu’elles ont commis. Et voilà où je voulais en venir en choisissant ce sujet: la

jeunesse allemande est-elle responsable ?

A mon avis, il y a deux aspects de la responsabilité. D’abord, il y a ce que j’appellerais

le fait : la jeunesse allemande s’est enthousiasmée pour Hitler et n’a pas été assez

vigilante ; cela a permis à Hitler de mener à bien ses projets. Dans ce sens-là, oui, les

jeunes Allemands sont responsables de ne pas avoir assez réfléchi et ainsi d’avoir

permis l'accession au pouvoir à l’un des plus dangereux dictateurs du XXème siècle.

Cependant, il y a, à mon avis, aussi un autre aspect de la responsabilité : les gens à

l’époque avaient-ils la possibilité de faire autrement ? En effet, quand on a des

~ 45 ~

parents nazis, que les principes nationaux socialistes se recoupent avec l’éducation

que l’on a reçue depuis tout petit, que tous autour de nous sont nazis et à l’école et

aux FJA, que tous les sujets que l’on aborde sont directement ou indirectement liés au

nazisme, que faire ? Les jeunes avaient-ils réellement d’autre choix que de suivre le

mouvement ? A mon avis, non. C'est pour cela que je ne considère pas la jeunesse

allemande comme responsable de la guerre ; on l'a utilisée et elle en est une des

nombreuses victimes.

Hans Mayer dit du livre „Woyzeck“ de Georg Büchner que: „Die Tat selbst ergab

sich aus dieser Konstellation von Arbeitslosigkeit, Hunger, Erniedrigung aller Art,

Hass und Eifersucht“24. On peut reprendre cette phrase pour parler des Allemands

durant la seconde guerre mondiale. En effet, les gens qui se sont engagés dans le

parti nazi l’ont fait à cause des conditions dans lesquelles ils évoluaient. A l’époque

où Hitler a réussi à prendre le pouvoir, c’était un temps de crise et de famine dues au

krach de 1929. La plus grande partie de la population était au chômage et mourait de

faim. Beaucoup de gens étaient malheureux comme le père de Lore Walb qui, ayant

tout perdu en 1929, a adhéré au NSDAP. Hitler a apporté l’espoir, la richesse et le

travail. D'ailleurs, avant que la crise de vingt-neuf mette à genoux l'économie

allemande, le NSDAP n'était pas considéré comme une menace pour la démocratie,

mais plutôt comme un groupuscule d’extrême-droite. En mai 1928, les nationaux

socialistes ne récoltent aux élections du Reichtag que 2,6% des voix. Par contre, en

mars 1932, aux élections présidentielles, Hitler réunit 39,1% des voix. Ce sont les

circonstances économiques et politiques qui ont amené les nazis au pouvoir.

L’Allemagne avait été humiliée par le traité de Versailles et les réparations qu’elle

devait payer n’arrangeaient pas la situation.

Les Allemands se sentaient humiliés, impuissants et ils ressentaient un grand

sentiment d'injustice. Ils voulaient se venger. Ils étaient évidemment haineux et

jaloux des autres pays qui les opprimaient. Le gouvernement et surtout l'armée les

avaient encouragés à croire en la thèse du « coup de poignard dans le dos ». La

population pensait réellement avoir été trahie en 1918 et attendait de prendre enfin

sa revanche. L’humiliation, la haine et la jalousie qui ont résulté du chômage et qui

étaient entretenues par le gouvernement étaient le nid idéal pour les idées d'Hitler.

L’Allemagne était alors une bombe à retardement qui ne demandait qu’un leader

pour embraser l’Europe.

24 Le forfait lui-même résulte de cette constellation de causes:chômage, faim, humiliation de toute sorte,

haine et jalousie. (traduit par Madame Marvel Simon).

~ 46 ~

Ces raisons qui ont poussé les Allemands à soutenir les nazis ne permettent bien

entendu pas de les excuser et ce n'est de toute manière pas le but de la recherche que

j'ai entreprise. Je veux juste que l'on se rende compte que tout n'est pas blanc ou noir.

Les adultes qui ont voté pour Hitler en 1933 sont responsables de la guerre et de ses

conséquences. Plus qu'une erreur, ils ont commis une faute, mais cela ne veut pas dire

que tous les Allemands étaient foncièrement mauvais. L'éducation extrêmement

sévère était la cause d'une frustration chez les adultes, qui se sont jetés sur ceux

désignés par le pouvoir comme la source de leurs malheurs.

Ici, je veux mettre les choses au clair; je ne parle pas des hauts fonctionnaires qui ont

participé aux atrocités nazies et les ont organisées, ou des agents de la propagande,

qui sont, eux, pleinement responsables, mais bien de la population, qui, pour les

raisons citées plus haut, s'est laissé prendre à la propagande nazie. Je parle des

enfants qui non seulement à l'école, mais aussi chez eux, étaient bombardés par la

propagande nazie et qui par la force de celle-ci ont fait partie des organisations de la

jeunesse national-socialiste. Ce que je voudrais faire passer dans mon travail est que

tous les Allemands de l'époque n'étaient pas de mauvaises personnes. Ils ont fait face

dans la mesure de leurs moyens à une situation désastreuse, ainsi qu'à une pression

gigantesque de la part de l’État. Cela ne diminue pas leur responsabilité, mais, à mon

avis, il faut rester humble quand on parle des choix qu'ont faits les gens de l'époque.

Beaucoup de personnes jugent aujourd'hui les Allemands en se disant qu'eux, ils

auraient mieux agi et que jamais ils n'auraient voté Hitler. Facile à dire quatre-vingts

ans plus tard, mais en voyant la pression qu'il y avait sur ceux qui n'étaient pas

d'accord avec le régime et qui risquaient non seulement leur vie, mais aussi celle de

toute leur famille, il est beaucoup plus difficile d'être aussi catégorique. Personne ne

sait s'il aurait eu le cran de résister au rouleau compresseur nazi, personne n'a donc le

droit de juger ceux que l'on nomme aujourd'hui les « suiveurs ».

Les hommes ne sont ni bons ni méchants; ils réagissent simplement à telle ou telle

situation. Les adultes qui ont voté pour Hitler sont responsables malgré des

circonstances atténuantes, mais les enfants, les adolescents, eux, ne le sont pas.

C'étaient juste des enfants qui se sont vu voler leur enfance et leur adolescence et qui

eux aussi ont été victimes de la terreur nazie.

J'ai énormément appris en effectuant cette recherche. Mon envie d'étudier cette

période n'a fait que croître tout au long de cette année de travail, et je suis réellement

triste que cela soit déjà terminé. Ce travail m’a fait vraiment comprendre

l’importance de l’éducation pour n’importe quel régime politique. C’est un des

~ 47 ~

éléments essentiels qui détermine quel type de gouvernement sera au pouvoir. En

décidant des programmes scolaires on peut contrôler un pays. La jeunesse, comme

l’a montré la deuxième guerre mondiale, peut être utilisée comme une arme

destructrice.

~ 48 ~

Bibliographie.Bibliographie.Bibliographie.Bibliographie.

Lore Walb, Ich, Die Alte, Die Junge :konfrontation mit meinen Tagebüchern 1933-1945,

Berlin, 1997.

Mathilde Aycard/ Pierre Vallaud, Allemagne IIIème Reich Histoire/ Encyclopédie,

édition Perrin, Paris, 2008.

Benz, Graml, et Weiss, Enzyclopädie des National socialismus, dtv, München, 2007.

Der Brockhaus in fünf Bänden, Neu-Sil, Mannheim, 1994.

Dictionnaire historique, thématique et technique des littératures, littératures française et

étrangères, anciennes et modernes, Librairie Larousse, Paris, 1986.

Georges Duby et Michelle Perrot, Histoire des femmes en occident, V. Le XX ème siècle,

sous la direction de Françoise Thébaud, édition Perrin, Paris, 2002.

DUDEN FRANÇAIS, dictionnaire illustré de la langue française, de A. Snyckers,

Bibliographisches Institut AG. / Leipzig 1938.

Kurt-Ingo Flessau, Schule der Diktatur: Lehrpläne und Schulbücher des Nationalismus,

Frankfurt am Main, 1979.

Le Grand Robert de la langue française, deuxième édition dirigée par Alain Rey, Paris,

2001.

Le petit Larousse grant format illustré, Paris, 1999.

~ 49 ~

Alice Miller, C'est pour ton bien : racines de la violence dans l'éducation de l'enfant, édition

Aubier, Paris, 1985.

David Schoenbaum, La Révolution brune: la société allemande sous le troisième Reich

(1933-1939), édition Gallimard, Paris, 2000.

Zentner et Bedürftig, Das grosse Lexikon des dritten Reiches, München, 1985.

Arte: «Les mercredis de l’Histoire (2/5) la jeunesse sous Hitler. »

Hermann Rauschning, Gespräche mit Hitler (Hitler m’a dit), 1939, Allemagne.

Johann Chapoutot, Le national-socialisme et l’Antiquité, édition PUF, 2008

Traduit du moyen-haut-allemand par Danielle Buschinger et Jean-Marc Pastré,

présenté et annoté par Danielle Buschinger, La chanson des Nibelungen, NRF L’aube

des peuples Gallimard, 2001

~ 50 ~

Table des matièresTable des matièresTable des matièresTable des matières

Introduction.Introduction.Introduction.Introduction. ............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................ 2222

Première partie.Première partie.Première partie.Première partie. .................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 4444

L'endoctrineL'endoctrineL'endoctrineL'endoctrinement au sein de la famille, de l'école et des organisations ment au sein de la famille, de l'école et des organisations ment au sein de la famille, de l'école et des organisations ment au sein de la famille, de l'école et des organisations

étatiques.étatiques.étatiques.étatiques. ........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................ 4444

1. La notion de conformisme était très importante dans l’éducation bourgeoise à

l’époque. ...................................................................................................................5

2. Dès leur plus jeune âge, les petites filles étaient inscrites dans les formations de la

jeunesse allemande nationale-socialiste. ........................................................................ 6

3. Les FJA devaient figurer la jeunesse allemande parfaite selon les conceptions d’Hitler. 7

4. Ces organisations étatiques ne donnaient pas que des cours de danse, mais aussi de

politique. ................................................................................................................... 8

5. Les FJA avaient la tâche de former la parfaite jeune fille nationale socialiste. Il fallait

qu’elle soit sportive et de race pure pour mettre au monde de bons Allemands qui

formeraient la future race germanique. ........................................................................10

6. En-dehors des FJA, beaucoup d’organisations s’occupaient de la jeunesse. ................ 12

7. Dans les écoles, on incitait les élèves à avoir des sentiments haineux envers les juifs. 15

8. Les discours importants des représentants du pouvoir et d’Hitler lui-même étaient

écoutés dans les classes, pendant les heures de cours. .................................................... 17

9. L’endoctrinement de la jeunesse se faisait dans les organisations extrascolaires, mais

aussi et surtout au sein même de l’école. ...................................................................... 18

10. Les nationaux socialistes se sont approprié beaucoup d’éléments de

l’antiquité comme par exemple l’aigle de César, ou la croix gammée. ....................23

11. Les filles étaient peu nombreuses à faire des études supérieures, car ce n’était

pas la place qui leur était destinée. ........................................................................ 26

Deuxième partie.Deuxième partie.Deuxième partie.Deuxième partie. .................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 36363636

Le statut de la femme et sa place au sein du couple.Le statut de la femme et sa place au sein du couple.Le statut de la femme et sa place au sein du couple.Le statut de la femme et sa place au sein du couple. ............................................................................................................................ 36363636

~ 51 ~

1. C’était compliqué pour une jeune fille de l’époque d’entretenir une relation

amoureuse avec un garçon. .................................................................................... 37

2. Les différences entre le statut de la femme en Allemagne et dans les autres

pays européens et aux États-Unis. .......................................................................... 37

3. Pendant le 3ième Reich, les femmes avaient une place d’inférieures dans les

relations amoureuses. ............................................................................................ 39

4. Le but que devait atteindre toute jeune fille était le mariage et la maternité. .. 42

5. Pour calmer les ardeurs de la jeunesse, l’état parlait à tout bout de champ de

camaraderie et de fraternité. .................................................................................. 42

Conclusion.Conclusion.Conclusion.Conclusion. .................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 44444444

Bibliographie.Bibliographie.Bibliographie.Bibliographie. ............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................ 48484848

Table des matiTable des matiTable des matiTable des matièresèresèresères ............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................ 50505050