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LENSEIGNEMENT DE LHISTOIRE DES DOCTRINES ECONOMIQUES A LA FACULTE DE DROIT DE LYON (1895-1944) Entre la fin du XIXe siècle et la Seconde guerre mondiale, des recherches non négligeables, en particulier sur les rapports entre le droit et l'économie et sur la législation ouvrière se sont développées au sein de la Faculté de Droit de Lyon. Parmi les juristes les plus représentatifs de la période, on doit citer les nom d'Emmanuel Lévy, d'Edouard Lambert, de Paul Pic. On connaît moins aujourd'hui l'apport des économistes de cette faculté. Nous nous intéresserons dans cette étude à ceux qui avaient en charge les cours d'Histoire des doctrines économiques, entre 1895 et 1944. Il faut noter qu'il existe à l'heure actuelle encore bien peu de tra- vaux sur l'histoire de ce type d'enseignement dans les facultés de pro- vince en France. Peut-on parler d'une spécificité locale dans l'enseigne- ment universitaire de !'Histoire des doctrines économiques ? Quel était le contenu des cours professés par les économistes-juristes ? Nous allons tenter de répondre à certaines de ces questions, à travers l'étude du cas lyonnais. Mais au préalable, il est utile de retracer l'histoire de l'intro- duction de cette matière à Lyon. Ensuite, nous nous attacherons à la per- sonnalité la plus marquante de la période, René Gonnard. Avant de remonter aux origines du cours lyonnais d'Histoire des doc- trines économiques, rappelons brièvement les grandes étapes de l'intro- duction de ce type d'enseignement en France. Ce n'est qu'à partir du décret du ministre de l'Instruction publique Waddington, du 26 mars 1877, que l'économie politique entre comme matière obligatoire, en deuxième année de licence de droit (diplôme obtenu en trois ans) ; aucun cours n'était prévu en première et en troi- sième année, ni en doctorat (diplôme obtenu en deux ans). En 1889, les

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LENSEIGNEMENT DE LHISTOIRE DES DOCTRINES ECONOMIQUES

A LA FACULTE DE DROIT DE LYON (1895-1944)

Entre la fin du XIXe siècle et la Seconde guerre mondiale, des recherches non négligeables, en particulier sur les rapports entre le droit et l'économie et sur la législation ouvrière se sont développées au sein de la Faculté de Droit de Lyon. Parmi les juristes les plus représentatifs de la période, on doit citer les nom d'Emmanuel Lévy, d'Edouard Lambert, de Paul Pic. On connaît moins aujourd'hui l'apport des économistes de cette faculté. Nous nous intéresserons dans cette étude à ceux qui avaient en charge les cours d'Histoire des doctrines économiques, entre 1895 et 1944. Il faut noter qu'il existe à l'heure actuelle encore bien peu de tra­vaux sur l'histoire de ce type d'enseignement dans les facultés de pro­vince en France. Peut-on parler d'une spécificité locale dans l'enseigne­ment universitaire de !'Histoire des doctrines économiques ? Quel était le contenu des cours professés par les économistes-juristes ? Nous allons tenter de répondre à certaines de ces questions, à travers l'étude du cas lyonnais. Mais au préalable, il est utile de retracer l'histoire de l'intro­duction de cette matière à Lyon. Ensuite, nous nous attacherons à la per­sonnalité la plus marquante de la période, René Gonnard.

Avant de remonter aux origines du cours lyonnais d'Histoire des doc­trines économiques, rappelons brièvement les grandes étapes de l'intro­duction de ce type d'enseignement en France.

Ce n'est qu'à partir du décret du ministre de l'Instruction publique Waddington, du 26 mars 1877, que l'économie politique entre comme matière obligatoire, en deuxième année de licence de droit (diplôme obtenu en trois ans) ; aucun cours n'était prévu en première et en troi­sième année, ni en doctorat (diplôme obtenu en deux ans). En 1889, les

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études de droit sont réorganisées, ce qui permet l'instauration de nou­veaux cours, tels que la philosophie du droit, le droit international public, la législation industrielle, la législation financière, la législation coloniale ; par ailleurs, le cours unique d'économie politique est trans­féré en première année. Mais l'étape capitale qui nous intéresse directe­ment est celle du décret du ministre de l'instruction publique Raymond Poincaré, du 30 avril 1895, qui sépare en deux le doctorat en droit. On trouve alors d'un côté, le doctorat ès sciences juridiques et d'un autre côté, le doctorat ès sciences politiques et économiques. Dans la seconde modalité, apparaissent parmi les matières obligatoires, !'Economie poli­tique et !'Histoire des doctrines économiques (ces cours faisant l'objet d'examens oraux). A cette étape, il va donc exister dans une faculté de droit au maximum trois enseignements d'économie : en première année, un cours d'économie politique générale (de l'ordre de 90 leçons (1)), en doctorat, un cours approfondi d'économie politique (40 leçons) et un cours d'Histoire des doctrines économiques (de 40 à 50 leçons, selon les universités). De pl us, en vertu de l'arrêté ministériel (Fallières) du 10 janvier 1885, il existe des conférences, dirigées par des professeurs ou des docteurs agréés par les facultés. Ces conférences de licence et de doc­torat, destinées à réviser les cours, étudier des auteurs et approfondir cer­

taines questions, sont facultatives, mais les étudiants qui choisissent de s'y inscrire doivent acquitter des droits supplémentaires ; elles font l' ob­jet d'interrogations et de travaux écrits. En 1896, on crée quatre sections distinctes pour l'agrégation des facultés de droit : droit privé et criminel, droit public, histoire du droit et sciences économiques. Dès l'année sui­vante, un recrutement spécifique est ainsi introduit pour les économistes (L. Le Van Lemesle, 1983). En 1898, Auguste Souchon, qui comme nous le verrons plus loin, inaugure à Lyon l'enseignement de !'Histoire des doctrines économiques, propose un projet visant à la création d'un doctorat spécifique pour les économistes (A. Souchon, l 898b), mais qui ne rencontre pas d'écho. En 1902, les discussions battent leur plein en France au sujet de la réforme des études de droit et des commissions se mettent en place dans les facultés. A Lyon, la commission de la Faculté demande au sujet du cours de première année "que le titre en soit légè­rement modifié et que l'histoire des doctrines économiques y soit adjointe à l'exposé des principes de l'économie politique générale qui

(1) Chaque "leçon" dure en général une heure et quart.

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forme présentement l'unique objet de cet enseignement" (2). Cette démarche révèle un intérêt particulier pour la matière dont nous allons nous occuper dans cette étude.

Le décret du ministre Jean-Baptiste Bienvenu-Martin du Ier août 1905 étend !'enseignement économique en licence : deux cours obliga­toires annuels doivent être assurés en première et en deuxième année.

Plus tard, une nouvelle réforme du doctorat intervient avec le décret ministériel (A. De Monzie) du 2 mai 1925. On crée alors quatre Diplômes d'études supérieures, correspondant aux quatre sections de !'agrégation de 1896 (droit privé et criminel, droit public, histoire du droit, sciences économiques). Le Diplôme d'études supérieures d'écono­mie politique existe donc à partir de 1925-26, mais sans l'instauration d'un doctorat spécifique pour les économistes. Douze ans plus tard, Gaëtan Pirou (1937, p. 35) préconisera à nouveau une telle création (3).

Qu'en est-il maintenant de la naissance de !'Histoire des doctrines économiques à la Faculté de droit de Lyon ?

La Faculté de droit de Lyon, qui succède à !'Ecole de droit, a été créée par décret du 22 octobre 1875. Les cours débutent, le 15 novembre 1875, au "Petit Collège" (5 Place du Petit Collège) (4), sur la rive droite de la Saône, dans le quartier Saint-Jean. La Faculté comprend à l'origine dix chaires, autour du doyen Exupère Caillemer (1837-1913) : trois chaires de Droit civil, deux chaires de Droit romain et cinq autres chaires (Procédure civile, Droit criminel, Droit commercial, Droit admi­nistratif et Economie politique) (5). Le cours d'économie politique est confié à Jean-Claude-Paul Rougier (1826-1901), qui sera titularisé sur la chaire le 5 août 1879. Paul Rougier, disciple de Jean-Baptiste Say et de Michel Chevalier, a été le promoteur à Lyon de nombreuses sociétés de secours mutuels et de bienfaisance ; il est aussi un disciple de Frédéric

(2) Rapport d'Edouard Lambert du 22 mai 1902 au nom de la commission, Faculté de Droit de l'Université de Lyon, Compte rendu des délibératiom de La Faculté relatives à une réorganisation des études pour la licence en droit, Lyon, Imprimerie du Moniteur judi­ciaire Waltener et Cie, 1902, fJ· 37.

(3) Le décret du 24 mars 1948 va instituer enfin en France le doctorat ès-sciences éco­nomiques.

(4) Ce bâtiment est aujourd'hui le siège de l'Annexe de la Mairie du S· arrondissement de Ly:on.

l5) Voir UNIVERSITÉ DE LYON, Cinquantenaire de la Faculté de Droit, le 18 mars 1926, Lyon, Imprimerie Bosc et Riou, 1926.

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Ozanam. Son cours annuel comprend autour de 90 leçons (6). Après l'achèvement du "Palais des Facultés" destiné au Droit et aux Lettres, sur la rive gauche du Rhône (15 quai Claude Bernard), le transfert de la faculté a lieu au milieu de l'année universitaire 1895-96 ; le 1er mars 1896, le Président de la République Félix Faure vient inaugurer les nou­veaux locaux (G. Vallet, 1900, p. 82).

Dès l'année universitaire 1895-96, le doctorat ès-sciences politiques et économiques est mis en place et comporte les cours d'Economie poli­tique et d'Hisroire des doctrines économiques, assurés par Auguste Sou­chon (1866-1922), premier au concours de l'agrégation (9 novembre 1891), professeur d'abord à Montpellier puis à Lyon (nommé dans cette ville le 2 octobre 1893). Un décret du 31 juillet 1896 crée à la Faculté de Droit de Lyon la chaire d"'Histoire des doctrines économiques et d'économie politique" (7). Mais l'enseignement de Souchon dure seule­ment trois années universitaires, c'est-à-dire jusqu'à l'été de 1898, car il est appelé à enseigner à la Faculté de Droit de Paris en remplacement de Paul-Victor Beauregard, élu député (8). Le 26 juillet 1898, Charles­Joseph Guernier (1870-1943) est nommé chargé de cours d'Economie politique et d'Histoire des doctrines économiques (D. Guernier, 1946, p. 44 et 55). L'année précédente, Charles Guernier a soutenu à la Faculté

(6) Le programme du cours de Paul Rougier en seconde année de Droit est le sui­vant: (Annuaire des facultés de Lyon-1887-1888, Lyon, Imprimerie Pitrat, 1887, p. 13):

Première partie : Introduction historique. Deuxième partie : Production de la richesse. -Trois facteurs : travail, terre ou agents natu­

rels, capital. Propriété - Association. Troisième partie: Circulation de la richesse. - Conditions de l'échange - Valeur - Prix -

Monnaie métallique, monnaie fiduciaire. Quatrième partie : Distribution de la richesse. - Mécanisme - Rémunération du travail,

des agents naturels, du capital - Population - Misère - Assistance - Prévoyance. Cinquième partie : Consommation des richesses. - Consommations privées, publique -

Ressources des Etats - Impôts et emprunts. Ce cours, jugé par les collègues de qualité médiocre, attirait peu d'auditeurs (30 à 40

étudiants environ).

(7) Un second décret du 31 juillet 1896 nomme A. Souchon titulaire de cette chaire à compter du le novembre 1896. Voir ACADÉMIE DE LYON, Faculté de Droit de Lyon, année scolaire 1895-1896, Lyon, A.-H. Srorck, 1897, p. 5.

(8) Nommé professeur-adjoint par décret du 9 novembre 1899, A. Souchon est offi­ciellement transreré à Paris le 23 juillet 1900, EOUr enseigner "Législation et économie rurales". Voir UNIVERSITÉ DE LYON, Faculté de Droit de Lyon, année scolaire 1899-1900, Lyon, A. Storck, 1901, p. 6-7. A. Souchon va devenir un spécialiste d'économie agraire et il publiera La propriété paysanne (Etude d'économie rurale), 1899 ; Les cartells de l'agriculture en Allemagi:_e, 1903; ra crise de la main d'œuvre agr_icole en France, 1914. Depuis 1901, il enseigne à l'Institut agronomique et depuis 1918 à !'Ecole libre des sciences politiques.

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de Droit de Rennes une thèse de doctorat sur Les Crofters écossais (9) et il est chargé de conférences à la Faculté de Droit de Paris. La même année, il devient membre titulaire de la "Société d'Economie politique nationale", qui vient de se constituer sous la présidence de Paul Cauwès. A Lyon, il remplace Auguste Souchon un an, jusqu'à l'été 1899 ; reçu premier au concours d'agrégation, il va être rattaché à la Faculté de Droit de Lille (arrêté du 11 novembre 1899). Dans le repérage des res­ponsables du cours d'Histoire des doctrines économiques en doctorat en 1900, réalisé par Richard S. Howey (1982, p. 214), son nom apparaît pour Lyon, en compagnie notamment d'Auguste Deschamps (Paris), Alfred Jourdan (Aix-en-Provence), René Worms (Caen), Henri Truchy (Dijon), Auguste Dubois (Lille), Charles Gide (Montpellier), Charles Turgeon (Rennes). Ensuite, Charles Guernier abandonne l'enseignement et se lance dans la carrière politique : député de l'ile-et-Vilaine de 1906 à 1924 et de 1928 à 19 36 (gauche radicale), il deviendra Ministre des Postes dans le gouvernement Laval (1931-32), puis Ministre des Travaux publics et de la marine marchande dans le gouvernement Tardieu (1932) (IO).

Par deux arrêtés du 11 novembre 1899, Charles Brouilhet (1870-1955), premier au concours d'agrégation (1" novembre 1895), est ratta­ché à la Faculté de Droit de Lyon et chargé des deux cours d'Economie politique et d'Histoire des doctrines économiques en doctorat (11). Il avait fait ses études dans la faculté lyonnaise. Il va assurer les deux cours de 1899-1900 à 1901-1902. Il est intéressant de signaler que, de 1895 à 1897, comme d'autres collègues, il avait suivi le cours d'Histoire des doctrines économiques de Charles Gide à la Faculté de Droit de Mont­pellier (C. Brouilhet, 1910b, p. 243).

En 1898-99 et en 1899-1900, René-Charles Gonnard, docteur ès sciences politiques et économiques en 1898, puis docteur en droit en 1899 (12), était chargé de conférences à la Faculté de Droit de Lyon.

(9) C. Guernier étudie la situation juridique de certains tenanciers agricoles des Highlands et des îles écossaises ; descendants d'hommes de clan, ceux-ci disposent d'un "holding" constitué d'une propriété privée cultivable et de l'usage d'une propriété col­lective pour la_pâture des moutons.

(1 OJ Voir D. GUERNIER, 1946, p. 44-48, Dictionnaire des parlementaires français, tome V, 1968, p. 1900-1901.

(11) UNIVERSITÉ DE LYON, Rapport d'Exupère Caillemer, doyen de la Faculté de Droit, sur les travaux de cette fàculté pendant l'année scol.aire 1898-1899, l..yon, Imprimerie H. Starck et Cie, 1900, p. 79.

(12) Les deux thèses de R. Gonnard sont les suivantes : La dépopulation en France, Lyon, A.-H. Starck, 1898 (préparée sous la direction d'Auguste Souchon) ; Essai sur l'évolution du droit romain au sujet du contrat en faveur de tiers, Lyon, Imprimerie des facultés, 1899 (pré­parée sous la direction de Charles Appleton).

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Ayant échoué au concours d'agrégation de sciences économiques de 1899, il est reçu troisième au concours suivant, le 18 novembre 190 l, et il va être rattaché à la Faculté de Droit de Lyon (23 novembre 1901). On lui confie aussitôt le cours d'Economie politique en première année de licence, antérieurement assuré par Paul Rougier (décédé le 6 novembre 1901). Mais en 1902-1903, Charles Brouilhet et René Gon­nard échangent leurs enseignements. René Gonnard cède à son collègue le cours de première année, tandis que ce dernier lui cède les cours d'Economie politique et d'Histoire des doctrines économiques en docto­rat. René Gonnard devient professeur titulaire sur la chaire correspon­dante, le 30 décembre 1903.

Nous avons vu que le décret du 1 °' août 1905 instituait deux cours obligatoires annuels d'Economie politique en première et en deuxième année. La réforme se traduit à Lyon par une nouvelle répartition des enseignements entre Charles Brouilhet et René Gonnard. A partir de 1906-1907, René Gonnard assure en alternance avec Charles Brouilhet les cours de première et de deuxième année et il fonde en un seul cours unique de doctorat !'Economie politique et !'Histoire des doctrines éco­nomiques, peut-être du fait de la faiblesse d'effectif (13). En 1905-06, Charles Brouilhet avait assuré le cours (unique) en première année ; en 1906-07, il prend en charge le cours de deuxième année, tandis que René Gonnard assure le cours de première année. Cette alternance va se poursuivre jusqu'à la veille de la Première guerre mondiale (14). Le plan détaillé du cours en deux ans de René Gonnard, professé en 1906-1907 et 1907-1908 nous est connu grâce sa publication, sans aucun commen­taire ni introduction, dans la Revue internationale de l'enseignement en février 1909 et aussi grâce aux annuaires de la Faculté de Droit de Lyon ; on peut y constater une certaine place occupée par !'Histoire des doc-

(13) En 1895-96, entre novembre et mai, le nombre moyen d'auditeurs du cours d'Histoire des doctrines économiques d'A. Souchon se situe autour de 23 (AC. DE LYON, Faculté de Droit de Lyon, année scolaire 1895-96, Lyon, A.-H. Storck, 1897, p. 27). En 1896-97, l'effectif de la f>romotion (dont fait partie R. Gonnard) est de l'ordre d'une dizaine (Ac. DE LYON, Faculté de Droit de Lyon, année scolaire 1896-97, Lyon, A.-H. Storck, 1898, P.· 27; voir aussi R. GONNARD, 1949, p. 163). En 1899-1900, entre décembre et juillet, le nombre moyen d'auditeurs du cours d'Histoire des doctrines économiques de C. Brouilhet se situe autour de 5 (UN. DE LYON, Faculté de Droit de Lyon, année scolaire 1899-1900, Lyon, A. Storck, 1901, p. 31). Il est possible que l'effectif se soit quelque peu accru durant les années suivantes. Selon les rapports annuels de la Faculté ae Droit de Lyon, les effectifs en D. E. S. d'économie politique (et donc en Histoire des Doctrines économiques) étaient les suivants : 1925-26 (première année d'existence): 6; 1929-30: 16; 1930-31 : 12; 1936-37: 9; 1943-44: 31.

(14) Voir les Livrets de l'étudiant de l'Université de Lyon, édités chaque année.

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trines économiques, conformément d'ailleurs au voeu exprimé par la Faculté en 1902 (15).

A partir d'août 1914 et jusqu'en 1918, les enseignements universi­taires sont suspendus. En 1919, René Gonnard retrouve la Faculté de Droit de Lyon, mais Charles Brouilhet va être muté à sa demande à la nouvelle Faculté de Droit de Strasbourg (16).

Le 20 décembre 1919, Etienne Antonelli est reçu sixième au concours de l'agrégation. Le 27 décembre, il est affecté à la Faculté de Droit de Lyon et pour 1919-20, il est chargé du cours d'Economie poli­tique (1 e année) correspondant à la chaire occupée auparavant par Charles Brouilhet. Sa nomination sur cette chaire date du 8 juillet 1920 avec effet au 1er novembre. Mais par un décret du 20 novembre 1920, il s'opére à Lyon (pour des raisons que nous n'avons pu élucider) une per­mutation de chaires entre Gonnard et Antonelli (17). René Gonnard occupera la chaire d'Economie politique (licence) et Etienne Antonelli la chaire d'Histoire des doctrines économiques et d'Economie politique (doctorat). De 1919 à 1924, René Gonnard assure, outre le cours d'Eco­nomie politique et Histoire des doctrines économiques en doctorat, le cours de première et de deuxième année de licence, en alternance avec Etienne Antonelli.

En mai 1924, Etienne Antonelli est élu député socialiste de la Haute­Savoie ; il sera réélu en 1928 dans la circonscription d'Annemasse. Non seulement, il n'avance plus le travail de préparation de l'édition de la correspondance scientifique de Léon Walras (18), mais il ne peut plus assurer l'intégralité de ses cours. En 1924-25 et 1925-26, en particulier pour maintenir l'alternance des cours d'Economie de licence avec René Gonnard, une délégation provisoire est confiée à René Hoffherr (19), "directeur de conférences" (20) ; cette délégation sera prolongée pour 1926-27.

(15) Voir infra. (16) De 192'0 à 1923, C. Brouilhet est directeur de !'Ecole de Droit de Mayence. (17) Voir UNIVERSITÉ DE LYON, Faculté de Droit de Lyon, année sco/,aire 1920-21, Lyon,

A. Rey, 1922, p. 15. (18) Voir sur ce point !'Introduction générale au vol. I des Oeuvres économiques com­

plètes d'AUGUSTE ET DE LÉON WALRAS, Richesse, liberté et société, Paris, Economica, 1990, p. XXVIII.

(19) R. Hoffherr a soutenu une thèse de Droit à Lr.on en 1923 sur La défense civile des tiers contre le boycottage et les armes de guerre syndicales dans /,a jurisprudence ang/,aise.

(20) Voir UNIVERSITÉ DE LYON, Séance solennelle de rentree (3 novembre 1924), Rapport annuel, année scolaire 1923-1924, par M. René Waltz, Lyon, A. Rey, 1924, p. 12; 'UNI­VERSITÉ DE LYON, Séance solennelle de rentrée (3 novembre 1925), Rapport annuel, année sco­/,aire 1924-1925, par M. Edouard Larnben, Lyon, A. Rey, 1926, p. f3.

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Ensuite, un nouveau venu entre en scène, André Philip (1902-1970), docteur en droit en 1924 de l'Université de Paris et premier au concours d'agrégation de 1926. Il choisit Lyon. De 1927-28 à 1930-31, il va assurer en alternance avec René Gonnard le cours d'Economie poli­tique en première et deuxième année de licence. Si en 19 31-32, le cours de première année revient à François Perroux (1903-1987), reçu premier au concours d'agrégation de 1928, et le cours de deuxième année à René Gonnard, en revanche, en 1932-33, le cours de première année revient à René Gonnard et le cours de 2e année à Etienne Antonelli. De 1933-34 à 1935-36, on retrouve l'alternance René Gonnard-André Philip. Ce dernier étant élu député S. F. I. O., le 3 mai 1936, dans la 4• circons­cription de Lyon, de 1936-37 à 1939-40, pour les cours économiques de licence, on passe à une alternance entre René Gonnard et Albert-Lucien Schatz (1879-1940), qui avait enseigné à la Faculté de Droit de Lille (21).

Quant au doctorat, il faut rappeler qu'en 1925-26, la Faculté de Droit de Lyon introduit le D. E. S. d'Economie politique, conformé­ment au décret du 2 mai 1925. Le cours d'Histoire des doctrines écono­miques est maintenu et confié conjointement à Etienne Antonelli et René Gonnard ; ce binôme fonctionne de 1925-26 à 1931-32. En 1932-33, le cours est assuré seul par Antonelli. En revanche, de 1933-34 à 1943-44 (date ultime de notre examen), René Gonnard reprend le cours. De plus, dans le cadre du D. E. S., un cours d'Economie politique approfondi est créé à partir de 1934-35 et confié à Albert Schatz, qm vient d'être nommé à Lyon ; il sera assuré jusqu'en 1939-40.

(21) On peut indig,uer la répartition des matières d'économie politique en première et deuxième année de licence à cette époque :

Première année : Exposé général des principales doctrines économiques, considérées seu­lement dans leurs éléments essentiels.

Organisation de la production : les facteurs de la production, les modalités de l'entre­prise (au sens le plus large du mot - y compris les entreprises d'Etat), les phénomènes de concentration.

Les instruments monétaires : monnaie métallique, monnaie de papier, effets de com-merce, chèques, règlements sans monnnaie.

Théorie de la formation des prix, mouvements généraux des prix. Le crédit et l'or~isation bancaire. Deuxième année : le commerce intérieur et le commerce extérieur. Le mouvement inter-

national des capitaux. La balance des comptes et les règlements entre nations. Les théories de la répartition : le salaire, l'intérêt, la rente, le profit. Le rythme de l'activité économique, l'historique des crises et 1a théorie des crises. (Livret de l'étudiant - Faculté de Droit de l'Université de Lyon, Programmes des examens de

licence et de capacité, année scolaire 1939-1940, p. 11, note 2).

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Avant d'examiner l'approche de René Gonnard en histoire des doc­trines économiques, nous donnerons quelques brèves indications sur les enseignements précédents d'Auguste Souchon, Charles Guernier et Charles Brouilhet.

Auguste Souchon est un libéral conservateur, que Charles Rist classe dans l'"aile droite" du "catholicisme social dont Raoul Jay personnifiait avec tant d'éclat et de passion l'aile gauche militante" ( C. Rist, 1922, p. 418). Selon René Gonnard (1943, p. 647, note 16), il a été inspiré en partie par !'oeuvre de Frédéric Le Play. Le cours de Souchon porte exclu­sivement sur les doctrines économiques de la Grèce antique ; sa sub­stance sert de base à l'ouvrage Les théories économiques dans la Grèce antique (1898). Le cours se présente à contre courant des approches habituelles pratiquées à l'époque en histoire des doctrines économiques, qui consistaient à débuter avec les Physiocrates et Adam Smith. Auguste Souchon cherche à expliquer pourquoi les réflexions d'ordre économique demeurent éparses dans la pensée grecque. Il met en avant tout d'abord la faiblesse de la production, la guerre comme grande dispensatrice de richesse et !'esclavage qui rejette les activités productives sur une classe particulière. Il évoque aussi !'absorption de l'économique dans !'éthique et la non-distinction entre léconomie publique et l'économie privée. Dans la sphère de la production, il relève une certaine approche de la division du travail (Xénophon et surtout Platon). Contrairement à de nombreux historiens de la pensée économique, il refuse de lire chez Aristote "un embryon de théorie sur la valeur" (p. 126-127), avec la dis­tinction entre les valeurs d'usage et d'échange. En matière de circulation, il note la condamnation du commerce et du crédit, mais un intérêt pour les questions monétaires (Xénophon, Aristote). En matière de réparti­tion, il ne voit que des réflexions sur la légitimité et l'utilité de la pro­priété individuelle. Le livre d'Auguste Souchon, qui ne prétend pas faire oeuvre d'érudition, est resté longtemps un ouvrage de référence (22).

Nous ne disposons pas d'informations précises au sujet du cours de Charles Guernier, professé seulement en 1898-99. On peut seulement dire qu'il traite des doctrines économiques de Xénophon, Aristote, Pla­ton, problablement en servant du livre de Souchon, mais il semble être

(22) Non seulement il est cité par R. Gonnard (1921), mais il est signalé par Jean LESCURE, "La conception de la propriété chez Aristote", Revue d'histoire des doctrines éco­nomiques, 1908, et par J. Schumpeter (1954).

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allé bien au delà, traitant de la pensée romaine, du Moyen Age (étude détaillée de Saint Thomas d'Aquin), et des doctrines économiques jus­qu'au "Grand Siècle" (D. Guernier, p. 55-56).

La matière du cours du protestant Charles Brouilhet s'est cristallisée dans un ouvrage, Le conflit des doctrines dans l'économie politique contem­poraire (1910). Selon l'auteur, dans toutes les sciences, il existe trois manières de voir les phénomènes : tels qu'ils sont, tels qu'ils évoluent et "au travers des changements brusques qu'ils subissent". Ainsi, dans la pensée économique, nous trouvons une division tripartite en trois écoles : !'Ecole libérale, !'"Ecole de l'intervention et de la solidarité" et !'Ecole socialiste. Ces écoles se trouvent en perpétuel conflit et aucune conciliation n'est possible sur le terrain scientifique, contrairement à !'es­poir exprimé par Charles Gide et Charles Rist dans leur Histoire des doc­trines économiques (1909, p. 736) (23). Avec une manière de traiter quelque peu sommaire, Charles Brouilhet envisage les doctrines écono­miques au sens fort du terme.

Selon lui, !'Ecole libérale à partir de François Quesnay, Adam Smith, jusqu'à son apogée vers 1860, est "essentiellement fondée sur l'idée d'im­

mutabilité" ; les institutions telles que la propriété et la liberté du travail doivent exister en tous lieux et rous temps ; la notion d"'ordre naturel" est tout-à-fait cruciale. Ainsi, selon lui, les libéraux sont-ils proches des naturalistes, qui croient à la fixité des espèces (C. Brouilhet, 1910b, p. 14). Ils n'ignorent pas l'histoire, mais chez eux "sous la diversité des formes, il est des types qui se retrouvent, se sont retrouvés et se retrou­veront partout" (p. 14). Pour eux, la société est vivante, mais dans un cadre immobile. Elle a interprété la doctrine de la lutte pour la vie dans le sens de la lutte entre les hommes et "la liberté de la concurrence a trouvé un précieux appui par analogie dans la doctrine de la sélection" (p. 15).

L'"Ecole de l'intervention et de la solidarité" utilise les méthodes de 1' évolutionnisme ; elle envisage seulement les lentes transformations. L'action consciente des hommes peut modifier l'évolution naturelle de la société. Les courants envisagés ici vont du mercantilisme au radicalisme

(23) A ce sujet, on peur signaler qu'en 1910, Charles Brouilhec rédige un compte rendu de ce livre sous le cirre "L'histoire des doctrines économiques", dans la revue de Paul Pic, Questions pratiques de législation ouvrière et d'économie sociale. En particulier, il reproche aux auteurs de négliger fe sens juridique des doctrines exposées.

ET DE LA SCIENCE JURIDIQUE 295

social (impôt sur le revenu, législation protectrice des travailleurs, assu­rances sociales).

L'Ecole socialiste (depuis Saint-Simon, Fourier et Marx) possède un caractère à la fois antithétique et religieux. Elle prédit, sous différentes variantes, l'arrivée d'une catastrophe sociale. Pourtant, il serait urgent de rajeunir ce courant comme doctrine de méthode. D'après Charles Brouilhet, "le socialisme sera juridique ou ne sera pas" (191 Oa, p. 236) (24).

En résumé, les doctrines économiques constituent un "produit social", issu de milieux spécifiques. Le libéralisme est l'Evangile du grand commerce, de la grande industrie et de la banque, le socialisme est l'Evangile du prolétaire et l'interventionnisme est l'Evangile des poli­tiques (1910c, p. 246).

Nous allons maintenant examiner la contribution de René Gonnard, qui a davantage marqué la période considérée.

Selon cet auteur, !'économie politique, science de l'homme, est "une science avant tout d'observation et d'induction, comme les sciences naturelles et physiques, et aussi, comme la science psychologique, étant d'ailleurs, à bien des points de vue, intermédiaire entre celle-ci et celle­là, ou plutôt mixte, par les données qu'elle emprunte aux unes et aux autres". Il ajoute : "Etudier les faits, les classer, les disposer en séries, s' ef­forcer d'établir entre eux des relations, de distinguer peu à peu leurs rap­ports constants et généraux, voilà son but et sa prétention. Elle ne crée pas son objet : elle le prend tel que la réalité le lui offre comme le fait la physiologie, par exemple" (1917, p. 63). Pour lui, !"'Economie politique en est encore, peut-être pour longtemps, à la période inductive" et ses principaux concepts sont "d'ordre psychologique" (1922, tome 3, p. 338-339 ; voir aussi p. 344).

Comment René Gonnard va-t-il appréhender l'histoire des doctrines économiques ?

Tout d'abord, en quel sens entend-il la "doctrine économique" ? On peut dire qu'il retient un sens faible, assimilable à la pensée économique, englobant à la fois les théories explicatives de la production, de la circu-

(24) C. Brouilhet se réclame, en effet, du socialisme l·uridique selon leq_uel la Cro}'ance crée le droit ; il est en cela un disciple d'Emmanuel évy (sur Lévy, voir Ludo­vic Froberr, 1997).

296 REVUE D'HISTOIRE DES FACULTÉS DE DROIT

lation et de la répartition, et les propositions de politique économique dans la mesure où elles se fondent sur ces théories. Ce choix n'est pas très original en soi, mais diffère d'autres enseignants de la période. Par contre, ce qui est plus original, c'est le refus de débuter !'Histoire des doctrines économiques au milieu du XVIII• siècle (avec Quesnay ou avec Adam Smith), c'est-à-dire avec les doctrines "constituées", ce qui était la démarche la plus courante dans les cours des facultés de Droit (Henri Truchy à Dijon, Auguste Deschamps à Paris, Charles Gide à Montpel­lier .... ). Parmi les motifs, on invoquera l'enseignement de Souchon que Gonnard a suivi, et l'intérêt très marqué pour !'Antiquité : son premier article en histoire de la pensée économique ne porte-t-il pas sur "Les idées économiques d' Aristophane" (Revue d'économie politique, 1904) ? A vrai dire, René Gonnard n'est pas alors le seul à Lyon à commencer son cours d'Histoire des doctrines économiques par !'Antiquité. Cette solu­tion est aussi retenue par Joseph Rambaud (1849-1919) dans son ensei­gnement à la Faculté catholique de Droit (25).

Comme beaucoup d'historiens de la pensée (Ingram, Haney ... ), René Gonnard affirme la forte interrelation entre les faits et les doctrines éco­nomiques. En 1947, il déclare à ce propos : "Entre les faits et les doc­trines, il y a une double relation de causes à effets, ceux-là et celles-ci prenant, alternativement, pourrait-on dire, la position de cause ou celle d'effet ; à tel point que, suivant les dates que l'on prend comme point de départ, on peut placer, à ce point de départ, une influence de doctrine, ou une influence de faits, et, par conséquent, tendre à une interprétation générale de l'évolution, intellectualiste ou matérialiste. Dans le premier cas, on dira, - avec Balzac, - que "la pensée est constamment le point de départ et le point d'arrivée de toute société" ; dans le second, on affir­mera, - avec Marx, - que ce point de départ est dans des actes de pro­duction matérielle" (1947, Introduction, p. 5-6). En fait, René Gonnard a tranché entre les deux voies possibles, puisque la citation de Balzac figure en exergue sur la première page à partir de la 2• édition de l' His­toire des doctrines économiques (1930).

Dans la Préface de la P" édition (1921 ), René Gonnard explique que "la doctrine engendre le fait, et réciproquement, par une action et une

(25) Voir]. RAMBAUD, 1909, le livre I, "L'économie politique avant les écono­mistes", ou les "précurseurs" ; les thèmes suivants sont traités: l'antiquité, le moyen âge, la Renaissance, fa Réforme, les Mercantilistes, les financiers.

ET DE LA SCIENCE JURIDIQUE 297

réaction continues. La doctrine est elle-même, un fait, qui s'insère parmi les autres faits, dans la série indéfinie des causes et des conséquences. Et ces autres faits, ceux de la législation ou de la pratique économique, ne prennent toute leur signification qu'à la lueur des doctrines dont ils sont issus, de même que les doctrines ne dégagent tout leur sens, qu' éclairées par les faits au milieu desquels elles sont nées [ ... ]. Non seulement la connaissance historique d'une doctrine complète et interprète la connaissance des faits, mais on peut dire qu'au point de vue des ensei­gnements à tirer de celle-ci, elle la corrige" (p. 11-12).

René Gonnard se place au point de vue théorique du côté de l'école historique. Les accusations de "cosmopolitisme", de "dédain de l'his­toire" d'abus de méthode abstraite et déductive, de tendance chrématis­tique et amorale dans l'école classique libérale (1922, tome 2, p. 266 et 269, tome 3, p. 226 et 321) le rapproche de Friedrich List et aussi de !'Ecole historique allemande. Cependant, il ne verse jamais dans le pro­tectionnisme et il plaide au contraire en faveur du libre échange. Pour Werner Stark, le traumatisme de la Première guerre mondiale et des évé­nements politiques immédiatement postérieurs a donné une nouvelle impulsion en Europe à une démarche de type "historiciste". Le vieux libéralisme subit une désaffection, tandis qu'il devient urgent d'affronter la menace socialiste ; l'espoir se porte donc du côté des doctrines inter­médiaires. CHistoire des doctrines économiques de Gonnard serait un cas représentatif de cette nouvelle démarche historique ; l'ouvrage serait même "the most mature achievement in this realm that international historicism has yet produced" (W Stark, 1994, p. 47). En fait, Gonnard rejette l'"historisme pur" en affirmant que beaucoup d'économistes alle­mands "ont versé dans le pur collectionnage des faits, et réduit l' écono­mie politique à n'être qu'un monceau de monographies" (1922, tome 3, p. 253-254). Même si un auteur tel que Gustav Schmoller se situe sur la position la plus modérée, celle-ci n'est pas complètement satisfaisante à ses yeux. Cependant René Gonnard conclut : 'Técole historique a incontestablement rendu service à l'économie politique, en l'armant d'un nouveau et puissant instrument de recherches, et en la mettant en garde contre les abus d'une psychologie trop rudimentaire, et d'un cos­mopolitisme outré. En revanche, elle a nourri des illusions excessives quand elle a voulu ramener la méthode économique à n'être que la méthode historique, et elle a pêché aussi parfois par découragement quand elle a déclaré inutile et impossible toute recherche de lois écono-

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miques. Au total, elle a rappelé de nombreux esprits à l'examen plus sérieux des réalités" (souligné par R. G., 1922, tome 3, p. 260).

l',Histoire des doctrines économiques, ainsi que de nombreux articles de René Gonnard sont imprégnés d'un nationalisme virulent. Lauteur a été très marqué par la Première guerre mondiale à laquelle il a participé et qui lui a enlevé à Verdun, en 1916, son frère cadet. Il prend un réel plai­sir à pourfendre, d'une part le pacifisme libéral, qui cherchait à démontre l'impossibilité d'une guerre longue entre les nations euro­péennes pour des raisons économiques et d'autre part le pacifisme socia­liste (Jean Jaurès).

Avant la Première guerre mondiale, il existait sur le marché deux principaux livres, rédigés par des enseignants du cours d'Histoire des doctrines économiques en doctorat, dans les facultés de Droit d'Etat : celui d'Auguste Dubois (1903), mais dont le premier tome, seul paru, couvre !'Antiquité jusqu'au mercantilisme et celui de Charles Gide et Charles Rist (1909), qui débute par les Physiocrates. En écrivant son livre, René Gonnard n'avait pas l'ambition de rivaliser avec ces travaux. Il a préféré réaliser un travail de vulgarisation, destiné "au public ins­truit, mais non spécialiste" (1922, tome 1, p. 7), qui part de !'Antiquité pour aboutir au X:Xe siècle. Ce travail laisse percevoir une solide culture littéraire et philosophique (l'auteur, licencié en philosophie, a publié aussi quelques pièces de théâtre et morceaux de poésie) (26). Pour René Gonnard, !"'histoire des. doctrines économiques, envisagée avec quelque largeur d'esprit, se déroule comme une épopée" (1947, p. 7). En effet, c'est bien d'une épopée qu'il s'agit si l'on jette un coup d'oeil à la démarche générale du livre. Toutefois, l'auteur ne propose ni une galerie de portraits, ni une série de biographies ou de monographies d'ouvrages. Son découpage est le suivant :

- Antiquité et Moyen Age : la doctrine de la modération ;

- Le mercantilisme : le triomphe de Plutus (27)

- La physiocratie : la revanche de Cérès (28) ;

(26) Voir en particulier Fernando de Tolède, drame en deux actes (1894), Un amour de Lucain, drame en un acte (1895), Faute d'ailes, pièce en un acte (1898), Pour la harpe d'or, drame en vers, en trois actes et quatre tableaux (1907), Télémaque chez Circé, comédie mythologigue (1932).

(27) Plutus est le dieu de la richesse que Zeus a frappé de cécité pour l'empêcher de favoriser les hommes honnêtes.

(28) Cérès est chez les latins une divinité de la fertilité.

ET DE LA SCIENCE JURIDIQUE 299

- L'école libérale : Prométhée déchaîné ; - Le socialisme aux XIX' et XX' siècles : la révolte de Vulcain ; - Les écoles réalistes : la leçon de !'expérience.

Mais il convient d'examiner de plus près l'évolution de la structure de l'ouvrage entre 1921 et 1943.

En 1921-22, la table des matières de !'Histoire des doctrines écono­miques est ainsi décomposée :

Livre I : Doctrines de !'Antiquité et du Moyen Age: la leçon de modé­ration

Introduction Chap. 1 : Doctrines de !'Antiquité

Section I - Doctrines grecques Section II - Doctrines romaines

Chap. II : Doctrines médiévales

Livre II : Le mercantilisme : le triomple de Plutus Chap. 1 : Considérations générales Chap. II : Origines du mercantilisme Chap. III : Le mercantilisme espagnol et italien Chap. IV : Le mercantilisme français Chap. V : Le mercantilisme anglo-hollandais Chap. VI : L'arrière-garde du mercantilisme Chap. VII : Les précurseurs du libéralisme économique Chap. VIII : Cantillon

Livre III : La physiocratie : la revanche de Cérès Chap. 1 : Quesnay et !'école physiocratique Chap. II : L'agrarianisme des physiocrates Cha p. III : De !' agrarianisme à la liberté Chap. IV: La doctrine de l'ordre naturel Chap. V : Dissidents et indépendants Chap. VI : Les adversaires

Livre IV : L'école libérale : Prométhée déchaîné Chap. 1 : La Révolution industrielle Chap. II : David Hume et Adam Smith Chap. III : La Richesse des nations Chap. IV : La terre décriée : Malthus et Ricardo Chap. V: L'industrialisme: J.-B. Say

300 REVUE D'HISTOIRE DES FACULTÉS DE DROIT

Cha p. VI : Caractères généraux de l'école classique Chap. VII : L'optimisme franco-américain Chap. VIII : Stuart Mill

Livre V : Le socialisme aux XIX' et XX' siècles : la révolte de Vulcain Préface Chap. I : Considérations générales Chap. II : Saint-Simonisme et fouriérisme Chap. III : Le socialisme en Angleterre Chap. IV : Le socialisme français de 1848 Chap. V : Proudhon Chap. VI : Le socialisme allemand Chap. VII : Marx et le marxisme Chap. VIII : Le collectivisme après Marx Chap. IX : Socialisme d'Etat et socialisme municipal Chap. X : Socialisme agraire Chap. XI : Le socialisme du mouvement Cha p. XII : L'anarchie

Livre VI : Les écoles réalistes : la leçon de l'expérience

Chap. 1 : Considérations générales Chap. II : La réaction étatiste : Sismondi et Dupont-White Chap. III : La réaction nationale : Reymond et List Chap. IV : La réaction historique : de Roscher à Schmoller Chap. V : La réaction familiale : Le Play Chap. VI : La réaction professionnelle : le syndicalisme Chap. VII : Les catholiques sociaux Chap. VIII : Coopératisme et solidarisme Cha p. IX : L'école libérale après Stuart Mill et Bastiat Chap. X : Un retour aux méthodes abstraites. Conclusion

Sans relâche, René Gonnard réactualise et améliore le contenu et la forme de son ouvrage.

Dans la 2' édition (1930) de l' Histoire des doctrines économiques, on découvre une réécriture entière de certaines pages, un accroissement du nombre de notes et des références bibliographiques. Les principaux changements sont les suivants :

- au livre III, la création d'un chapitre VII, "Les doctrines écono­miques pendant la Révolution française" ;

ET DE LA SCIENCE JURIDIQUE 301

- au livre IV, l'arrivée en provenance du livre VI, avec des modifica­tions de titres, d'un chapitre IX, "L'école libérale après Mill" et d'un cha­pitre X, "L'école mathématique et l'école psychologique autrichienne" ;

- au livre V, la création d'un chapitre XIII, "Le bolchevisme" ; - au livre VI, la suppression des chapitres IX et X, transférés au

livre IV ; le remaniement du chapitre VII, qui porte maintenant un nou­veau titre, "Catholiques sociaux et démocrates chrétiens" ;

- la Conclusion qui se trouvait à la fin de l'ancien chapitre X du livre VI est maintenant placée à la fin de l'ouvrage avec un ajout en tête d'une dizaine de lignes.

En 1931, cette édition sera traduite en espagnol (Madrid).

Dans la 3c édition (1941) de !'Histoire des doctrines économiques, on note une seule innovation importante : au livre VI, un nouveau cha­pitre VIII, "Le corporatisme" est intercalé entre "Catholiques sociaux et démocrates chrétiens" et "Coopératisme et solidarisme", qui deviennent respectivement les chapitres VII et IX.

En 1942, cette édition sera traduite en portugais {Lisbonne).

Dans la 4c édition (1943) de l' Histoire des doctrines économiques, de nouvelles modifications apparaissent encore au livre VI. Le chapitre VIII "Le corporatisme" devient "La doctrine corporative" et s'accroît dans ses développements introductifs (la bibliographie est mise à jour). En outre, après "Coopératisme et solidarisme", un chapitre X fait son entrée, les "Doctrines totalitaires" {Italie et Allemagne) (29).

A partir des années vingt, les différentes éditions de l' Histoire des doc­trines économiques ont constitué la base des cours de René Gonnard. L'enseignement se faisait sans contact direct avec la pensée des auteurs traités (30), mais seulement à travers le cours magistral annuel {quelques conférences exceptées). René Gonnard ne semble pas avoir professé des cours spécialisés en doctorat, comme cela se pratiquait dans d'autres uni-

(29) La 5' édition, parue en 1947 sous le titre Histoire des doctrines économiques depuis les Physiocrates, sort du champ de notre examen. Nous indiquerons cependant qu'elle est amputée des livres I et II, dont le contenu se trouve résumé dans une nouvelle Introduction. Outre de nouvelles notes et références bibliographiques, on relèvera au livre IV ("Les écoles réalistes") le remplacement au niveau du chapitre X des "Doctrines totalitaires" par "Le dirigisme".

(30) Pour pallier ces insuffisances, courantes dans les facultés de Droit françaises, et aussi pour rendre accessibles certains textes, Paul Gemahling, professeur à l'Université de Strasbourg (ancien membre du Sillon, ami de Marc Sangnier) a publié le recueil Les grands économistes - Textes et commentaires, l'édit., 1925, 2' éd1t., 1933.

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versités, dans les années vingt, avant l'introduction du D. E. S (31). La faiblesse de !'effectif concerné constituait sans doute un frein à des inno­vations à la matière.

Quelles sont les critères utilisés par René Gonnard pour classer les grands courants de pensée ?

Dans le cours d'Economie politique de première année à la faculté de Droit de Lyon, notre auteur consacre le 1er livre à !"'Histoire de !' éco­nomie politique" avec cinq chapitres. Les chapitres I et II sont réservés à

!'Antiquité et au Moyen Age, puis au mercantilisme. Les chapitres III, IV et V abordent successivement les Ecoles libérales (1750-1907), les Ecoles socialistes (1750-1907) et les Ecoles intermédiaires (1850-1907). Dans le dernier champ, on trouve:

- Méthodes nouvelles : écoles mathématique, psychologique, histo­rique, bio-sociologique ;

- Doctrines nouvelles : L'économie nationale, l'interventionnisme, le coopératisme, le solidarisme, les écoles confessionnelles (1909, p. 128) (32).

René Gonnard n'est pas satisfait à la longue de ce traitement par écoles et il va proposer une autre voie dans son cours d' Histoire des doc­trines économiques en doctorat, avant la première guerre mondiale. Le nouveau classement fera l'objet d'un article, en 1913, dans la Revue d'économie politique, intitulé "Individualisme, socialisme, traditionna­lisme". L'auteur s'oppose alors à l'approche courante qui consiste, selon lui, à privilégier, en particulier à partir du XVIIIe siècle, deux pôles de doctrines économiques, d'une part l'individualisme, le libéralisme et d'autre part le socialisme, auxquels on s'efforce de ramener de gré ou de force les auteurs. Inévitablement, il existe une "armée de réserve", formée de plusieurs groupes de théoriciens "non classés". On se résigne alors en

(31) Par exemple, on peut indiquer qu'à cette époque, on trouve en France les cours spéciaux suivants :

- Paris : "Histoire du libéralisme économique" (Auguste Deschamps) ; - Aix-en-Provence : "Histoire des doctrines socialistes" (F. Sauvaire-Jourdan) ; - Dijon : "Histoire des doctrines relatives au commerce internation:il" (L. Baudin) ; - Montpellier : "Les théories de la rente "(M. Roche-Agussol) ; - Nancy: "L'école individualiste" (L. Brocard) : - Strasoourg : "La théorie de la répartition chez les économistes classiques" (P. Gemah-

ling). Voir Chronique des Facultés de Droit - Vie intérieure et activité scientifique, publiée sous

la direction de H.-F. Lalouel, l'~ année, n° 1, année 1924-25, le semestre, numéro unique, p. 13-15.

(32) D'après les annuaires de la Faculté de Droit de Lyon, ce cours est professé en pre­mière année en 1906-07, 1910-11et1912-13.

ET DE LA SCIENCE JURIDIQUE 303

général à les englober sous "la neutre et mouvante dénomination d'écoles nouvelles ou d'écoles intermédiaires" (souligné par R. G., 1913, p. 41). René Gonnard veut donc rompre avec la démarche qui l'animait au départ dans sa présentation des auteurs en histoire de la pensée écono­mique. Il affirme : "la vérité, à ce que je soupçonne, c'est qu'il faudrait, pour obtenir un fil conducteur plus sûr dans le dédale des doctrines éco­nomiques - surtout de celles qui se sont développées depuis 1750 envi­ron - se placer au point de vue d'une antithèse autre que l'antithèse tra­ditionnelle, et dont les deux termes seraient, non pas Individualisme et Socialisme seulement, mais Individualisme et Socialisme d'une part, - Tra­ditionnalisme de l'autre" (souligné par R. G., p. 42). Comment va+il justifier sa nouvelle position ? On peut repérer deux arguments de prime abord.

Premier argument : cette solution permet de mieux résoudre le clas­sement des auteurs "que l'on ballotte du socialisme à l'individualisme", tels que Rousseau, Saint-Simon, Fourier, Proudhon ou John Stuart Mill.

Deuxième argument : une "parenté profonde" existe entre le libéra­lisme individualiste et le socialisme ; elle se traduit par l'utilisation répé­tée par les socialistes des théories construites par les économistes libé­raux. Ainsi, les théories de la valeur, de la rente, du salaire de Ricardo sont-elles devenues des théories socialistes (1913, p. 43). Dans l' Histoire des doctrines économiques, René Gonnard dira que le "socialisme moderne" est une "formidable excroissance développée sur le premier [l'individualisme]" (1922, tome 2, p. 132).

Pour les besoins de sa démonstration, il va opposer le "socialisme vrai" au "socialisme économique moderne". Le "socialisme vrai" est une doctrine qui affiche la croyance dans la subordination de l'individu à la société, de l'individuel au social (1913, p. 43-44 ; voir aussi 1922, tome 3, p. 15). Des systèmes philosophiques correspondant à cette défi­nition ont existé, tels que celui de Platon (qui "impose la communauté à ses "moines d'Etat" comme un sacrifice très dur") et celui de Hegel. Mais sous le nom de "socialisme", on désigne généralement tout autre chose. En effet, le "socialisme économique moderne", développé depuis Mably, Jean-Jacques Rousseau jusqu'à Marx puis Jean Jaurès, prétend que la socialisation n'est qu'un moyen permettant à l'individu d'obtenir le maximum de bien-être et de liberté. Ce socialisme pose donc le pro­blème dans les mêmes termes que le libéralisme (depuis Quesnay). Leurs divergences quant aux moyens nécessaires pour atteindre le bien-être de

304 REVUE D'HISTOIRE DES FACULTÉS DE DROIT

l'individu ne portent que sur trois questions principales : la propriété (privée/ collective), l'organisation (concurrence/ coordination rationnelle) et l'égalité/inégalité (1922, tome 3, p. 22-26). En somme, "le socialisme moderne est un .frère jumeau, et ressemblant, du libéralisme de Manches­ter ; leurs querelles sont des querelles de famille, et, pour cela, peut-être, si haineuses parfois. Au point de vue de la logique des idées, un libéral peut presque dire, du socialisme contemporain, que c'est un individua­lisme qui a mal tourné' (33).

Ultérieurement, René Gonnard se cherchera des alliés sur cette posi­tion, en se référant, en particulier, à Vilfredo Pareto, à Georges Valois et à Nicolas Berdiaeff (1943, p. 264, note 1 et 591) (34). Dans Les systèmes socialistes (l 902), Vilfredo Pareto relevait le manque d'originalité des auteurs socialistes en matière d'économie politique (35). Dans I.:Econo­mie nouvelle (1919), Georges Valois prétend que "le socialisme est le fils ingrat de l'économie libérale" (36). Le philosophe russe Nicolas Ber­diaeff, dans Un nouveau Moyen Age (l 927), pense que le socialisme est "l'autre face" de l'individualisme et tous deux sont des formes "de l'ato-

(33) Souligné par R. G., 1913, p. 45 ; voir aussi 1922, tome 2, p. 127; tome 3, p. 20 et 1938, p. f31.

(34) A partir de la 2' édition (1930) de l' Histoire des doctrines économiques, la liste des références sur ce thème s'allonge. Harald Mankiewicz (secrétaire général de l'Institut de droit comparé à Lyon) dans sa thèse consacrée à La Weltanschauung Nationale-socialiste - Ses aspects généraux et sa critique du libéralisme, soutenue en 1937 (rééd. Paris : L. G. D. ]., 1937, sous le titre Le national-socialisme allemand), rappelle notamment : "En affirmant la parenté entre libéralisme individualiste, capitalisme et marxisme, les national-socialistes ne font cependant pas oeuvre originale. Cette parenté a été constatée dès 1913 par R. Gonnard [ ... ]. quand il conclut que le véritable socialisme est celui que Platon impose aux "moines d'Etat' , il devance là encore les théoriciens du national-socialisme qui, cfans leurs concep­tions, se réclament volontiers de Platon et opposent au soi-disant socialisme du type marxiste, le véritable socialisme qui est le "socialisme allemand"" (p. 5-6; voir aussi p. 159). R. Gonnard, loin d'éprouver de la sympathie _pour la doctrine nazie, remercie cependant H. Mankiewicz d'avoir rappelé son étude de 1913 (1938, p. 124, note 3).

(35) V. PARETO, Les systèmes socialistes, Paris, V. Giard et E. Brière, 1902, tome 1,

p. 3 ~J'G) G. VALOIS, L'Economie nouvelle, Paris, Nouvelle Librairie Nationale, 1919, p. 95.

R. Gonnard fera un compte rendu du livre de G. VALOIS ("L'Economie nouvelle - A pro­pos d'un livre récent") dans la Revue dëconomie politique (vol. 35, janvier 1921, p. 60-72). En 1927, il rendra compte dans la même revue (vol. 41, 1927, f· 999-1000) de deux livres de G. Valois, parus la même année, Le fascisme et L'Etat syndica et la représentation corpora­tive. On peut signaler que la première édition de !'Histoire des doctrines économiques (f921-22) est paru à la Nouvelle Librairie Nationale (Paris), maison éditrice de L'économie nou­velle de Valois, quand il était encore à l'Action Française ; !'Essai sur l'histoire de l'émigration de R. Gonnard sort en 1928 à la Librairie Valois, la deuxième édition de !'Histoire des doc­trines économi1ues sort dans la même maison en 1930. Georges Valois vient alors juste d'achever sa periode fasciste, celle du "Faisceau des combattants et des producteurs" et du journal Le Nouveau Siècle (1925-28).

ET DE LA SCIENCE JURIDIQUE 305

misation, de la décomposition abstraite de la société et de la personna­lité", hostiles à une conception organique du monde (37).

Pour René Gonnard, le socialisme et l'individualisme franco-anglais sont issus d'une "philosophie cosmopolite de l'individu". L'homme, dépouillé de ses particularités familiales, professionnelles, nationales, est réduit à !"'homo oeconomicus". Cette conception rationaliste méconnaît donc la famille, la région, la nation, le groupe professionnel, en ce sens que le monde social est réduit à deux seuls termes, l'individu et la société. En 1938, René Gonnard complètera l'analyse en disant que cette position consiste à accepter la thèse rousseauiste de la "bonté naturelle de l'homme" (1938, p. 124).

A l'individualisme et au socialisme moderne, il faut opposer les "doc­trines traditionnalistes". Celles-ci refusent de placer l'individu au centre du système et s'inspirent de l'histoire, de l'expérience, de la tradition. Faisant preuve de "réalisme", elles étudient l'individu concret dans son milieu social concret. En particulier, les doctrines traditionnalistes met­tent en avant un ou plusieurs "groupements intermédiaires" existant entre l'Etat et l'individu (voir aussi 1922, tome 3, p. 22 et 204) :

- la famille (cf Frédéric Le Play) ; - le groupe professionnel (cf les doctrines syndicalistes) ; - la nation (cf Friedrich List). Déjà dans son cours d'Economie politique (Revue internationale de

l'enseignement, 1909), dans l'étude du "milieu économique", René Gon­nard consacrait un chapitre aux "groupements économiques", ceux dont "l'homme fait partie naturellement'', familiaux et territoriaux (tels que la commune, l'Etat) et ceux dont "l'homme fait partie volontairement" (associations professionnelles, corporations, syndicats, coopératives, etc.). La famille est pour lui indiscutablement le "groupement intermé­diaire" le plus important (1922, tome 3, p. 264).

En 1938, René Gonnard précise que le vocable de "tradition" ne doit pas être entendu au sens du "conservatisme de parti pris", mais au sens ancien d"'expérience" (1938, p. 125). Il propose alors de désigner sous le nom d"'empirisme" le refus de la "bonté naturelle de l'homme". L'homme a toujours besoin d'être encadré dans des institutions et des

(37) Nicolas BERDIAEFF, Un nouveau Moyen Age - Réflexions sur les destinées de la Rus­sie et de l'Europe, Paris, Pion, 1927, p. 42.

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groupements pour l'orienter vers le bien (famille, corporation profes­sionnelle ... ).

En résumé, les "frères ennemis", libéraux et socialistes, munis de "dogmes rationnels" s'opposent aux doctrines traditionnalistes fondées sur l'expérience et le réalisme (1922, tome 2, p. 127).

Dans "Communautés et communisme" (1944), René Gonnard va poursuivre encore ses réflexions sur ces thèmes. Il affirme alors que le "pseudo-socialisme", ou individualisme perverti, détourné, en réalité, "ne propose aux masses qu'un idéal, purement individualiste de "libéra­tions" et de jouissance, de bien-être et de paresse, et dont les gouverne­ments des derniers jours de la Troisième République ont été les pro­phètes, - et, malheureusement, les réalisateurs" (p. 122). En revanche, le "vrai socialisme", "c'est le socialisme de Platon, de Campanella, de Hegel ; c'est en pratique celui des Inka et des Bolcheviks" (p. 122). Au communisme, il faut opposer les "communautés", qui sont des produits de l'histoire, des résultats d'un empirisme constructeur (d'un "empirisme spiritualiste") et non d'un programme idéologique. Les communautés telles que la famille, la profession, la commune, la nation, nous ramè­nent à un "autre individualisme", l'individualisme "de celui qui, précisé­ment parce qu'il se sacrifie pour le troupeau, s'élève au dessus du trou­peau". Ici, les individualités non seulement grandissent, mais elles diffèrent, se hiérarchisent et se spécialisent (p. 125).

Avec le recul du temps, on peut constater que les parties de l' Histoire des doctrines économiques consacrées au Mercantilisme et et à la Physio­cratie sont les plus riches et les plus intéressantes. Par ailleurs, l'analyse de Smith ne manque pas d'originalité. Listant les différentes entorses au pur libéralisme (justification des Actes de navigation, des droits de repré­sailles, etc.), l'auteur conclut: "Le smithianisme, donc, est un cosmopo­litisme de doctrine, corrigé par un assez vif nationalisme de tempéra­ment" (1943, p. 310). En revanche, Ricardo apparaît comme un logicien abstrait, impitoyable, complètement étranger au "sain réalisme".

Une constante dans l'enseignement de René Gonnard reste la critique virulente du marxisme. Son jugement est sans appel. L'oeuvre de Marx se caractérise par "deux traits ethniques" : le germanisme et le judaïsme. Bien loin d'être un penseur original, il est surtout un metteur en oeuvre d'idées empruntées à autrui, c'est-à-dire à la philosophie hégélienne, à l'économie classique anglaise et au socialisme français. Pour René Gan-

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nard, "le goût des catastrophes colossales et des ruines grandioses paraît bien répondre chez Marx et beaucoup de ses disciples, à leur double psy­chologie allemande et hébraïque" (1943, p. 512, note 18).

René Gonnard ne partage pas la critique excessive des tentatives d'ap­plication des mathématiques à l'économie politique formulée par Paul Leroy-Beaulieu, qui parlait de "pur jeu d'esprit analogue aux recherches de martingales à la roulette de Monaco" (38). Pour lui, la méthode mathématique en économie peut rendre quelques services, mais il ne faut pas trop s'illusionner "sur la dose de réalité que contenaient les pré­misses" et donc sur les résultats obtenus grâce à cette méthode. Et, comme l'a dit Charles Gide (1909, p. 622), "les mathématiques sont un moulin qui rend à l'état de farine le blé qu'on lui apporte, mais reste à savoir quel est ce blé" (1922, tome 3, p. 337-338).

Le traitement de Léon Walras dans le manuel reste très superficiel ; classé dans le "socialisme agraire", il figure aussi en compagnie de John Stuart Mill, parmi les partisans de la suppression de l'héritage (1943, p. 589, note 1). René Gonnard paraît bien moins informé à ce propos que ses collègues Paul Pic et Emile Bouvier.

En résumé, on soulignera le rejet de Ricardo, de Marx et de Walras, typique de la tradition économique française jusqu'à la Seconde guerre mondiale.

Selon notre auteur, la "réaction professionnelle" s'est exprimée tout d'abord avec le syndicalisme puis, à partir des années vingt, sous une forme plus large avec la doctrine corporative.

Pour lui, le syndicalisme pacifique et modéré laisse l'Etat trop faible, tandis que le syndicalisme révolutionnaire, violent, hostile à l'Etat, est condamnable. A ses yeux, "la vérité ne serait-elle pas dans un syndica­lisme assagi, débarrassé de ses scories, prenant en main avec compétence la réglementation de la profession, et contenu dans la limite légitime de son action par un Etat fort, médiateur et arbitre des intérêts, gardien suprême de l'équilibre, renonçant aux immixtions trop multipliées et indirectes, mais vigoureusement armé en ce qui concerne l'accomplisse­ment de sa mission propre, et décidé à se faire obéir ?" (1922, tome 3, p. 290).

(38) P. LEROY-BEAULIEU, Traité théorique et pratique d'économie politique, Paris, Guillaumin, 1896, tome III, p. 62.

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Une vingtaine d'années plus tard, à partir de la 3' édition de l' Histoire des doctrines économiques (1941), dans le chapitre consacré à la "doctrine corporative", René Gonnard manifeste une forte sympathie pour le régime de Salazar au Portugal. Il explique que la réforme mise en place "sous la direction bienfaisante et sage d'Oliveira Salazar", a permis "en une douzaine d'années, le merveilleux relèvement économique, financier et social du Portugal". La doctrine corporative portugaise "n'est pas tota­litaire. C'est-à-dire que l'Etat ne s'y présente pas comme la réalité suprême, à laquelle tout doit être subordonné ; il ne s'érige pas comme la fin par excellence de l'individu [ ... ]. Il reste essentiellement spiritua­liste. Il veut être "l'Etat fort, mais limité, l'Etat chrétien" [ ... ]. Toute la doctrine salazarienne accuse une conception humaine, modérée et souple, des rapports de l'Etat et de la corporation ; elle se défend d'être individualiste, quoique exaltant l'initiative privée, comme d'être socia­liste, ou même étatiste, quoiqu'elle veuille l'Etat capable de diriger, coor­donner, et donner l'impulsion" (souligné par R. G., 1941, p. 681-682).

En revanche, en 1941, René Gonnard prendra une position critique vis-à-vis des "doctrines totalitaires", italienne et allemande. Il voit dans ces doctrines une convergence entre l'étatisme, le socialisme et le natio­nalisme (1943, p. 697). Il s'interroge sur la question de "savoir si une doctrine absolue pourra jamais s'imposer durablement, sans que l'his­toire l'amène à réintégrer en partie, au moins, certains éléments de celles qui l'ont précédée, ou qui se sont, avec des alternances de succès et de revers, opposées à elle dans le passé" (1943, p. 698).

Plusieurs générations d'étudiants ont suivi l'enseignement de René Gonnard : on peut citer, par exemple, François Perroux, François Tré­voux, Auguste Murat ; ce dernier enseignera, après 1945, !'Histoire des doctrines économiques à Lyon. Pour certains d'entre eux, il sera leur directeur de thèse. A ce propos, on peut mentionner les noms de Fran­çois Perroux, avec Le problème du profit (1926) et de Robert Gibrat (1904-1980), avec Les inégalités économiques (1931).

François Perroux prononcera un mémorable éloge en 1946 à Lyon, lors de la présentation des Mélanges en l'honneur de Mr le Professeur René Connard (F. Trévoux, 1966, p. 28-29). Beaucoup plus tard, il a évoqué son premier maître lyonnais en ces termes : "A l'Université de Lyon, la personnalité de René Gonnard donnait à la Chaire d'histoire des doc­trines économiques un lustre exceptionnel, unissant une pensée person­nelle à l'analyse aiguë de ses prédécesseurs. Outre cet hommage, je lui

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dois une inaltérable gratitude : les mots sont impuissants à l'exprimer quand un aîné révèle ses ambitions d'esprit et sa capacité d'effort à un tout jeune homme qu'il traite comme un fils" (1987, p. 197).

Après la Seconde guerre mondiale, jusque dans les années cinquante environ, !'Histoire des doctrines économiques figurait toujours dans les bibliographies (39). Durant les années soixante, il était encore utilisé pour s'initier à la matière.

René Gonnard enseignait l'histoire des idées économiques et en même temps il participait aux débat~ contemporains ; à ce titre, il a été le témoin de son époque très troublée.

Jean-Pierre POTIER

Professeur de Sciences Economiques à l'Université Lyon II

(Centre Auguste et Léon Walras)

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(39) Ce manuel n'a pas retenu l'attention de J. SchumP.eter, qui mentionne R. Con­nard parmi des auteurs d'"œuvres notables" (1954, traèl. française, 1983, tome 3, p. 132) ; en revanche, !'Histoire des doctrines de la population (1923) est signalée plusieurs fois (tome l, p. 358 note 1, tome 2, p. 280 note 1, tome 3, p. 197 note 2).

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Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), Paris, P. U. F. Annuaires des facultés de Lyon. Académie de Lyon - Faculté de Droit de Lyon, année scolaire ... Université de Lyon - Séance solennelle de rentrée, Rapport annuel, année

scolaire ... Livrets de l'étudiant de l'Université de Lyon.