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Yves-Marie Adeline
L’Epouse
- I –
Je rêve au maître de Ronsard
Ciselant inconnu des sonnets inédits
Chevalier fier, aimant sans fard
Ni Hélène, ou Cassandre, ou Marie
Mais une femme vraie, dont il connut le corps :
Qui n’offrit au poète aucune offense altière
Ni dédain, ni cheveux tantôt bruns sitôt d’or
Ni tétins de quinze ans, mais le sein d’une mère
Je rêve à celui plus que Wagner
Chargé d’enfances ribambelle
Pressé, levé par la misère
Et courant pitance pour elles :
Aux notes nues de sa musique
Il ne fut roi, pour l’écouter
Que les clochards des républiques
Et l’espérance abandonnée.
Je rêve à qui, passant l’œil de Monet
S’est perdu dans la nuit vagabonde
Suivi, chassé comme une laie
Non par quelque censeur indolore
Mais la meute des chiens du monde
Je rêve à l’homme qui a vaincu le sort
Je rêve à Dieu qui triomphe de l’homme.
- II -
Je ne suis pas la fiancée promise
Mais la petite sœur en tablier
Voulez-vous que je vous conduise
Auprès de l’amante aimée ?
Mes yeux pleurent, pardonnez-moi :
C’est l’émotion qui nous habite
Mes mains tremblent, laissez-moi
Je vais marcher un peu plus vite
Mon âge n’importe qu’à ma mère
Et ne sait rien de vos détours
Que suis-je à vous dans mes prières ?
Voici la porte de l’amour
Voici la porte ouvrez-la
Mes mains tremblent, peut-être
Laissez mes lèvres laissez-moi
Qui me poussez vers la fenêtre
Oh prenez mes lèvres amour infini
Je vous suivrai dans mes atours
Je vous aime je vous aime oui
Mon souverain pour toujours.
- III -
Les monstres d’enfer ont vagi leurs hurlements
Et fait trembler le monde
Infestant les êtres que nous avons aimés
Tandis que très haut sous la voûte étoilée du ciel
Nos mains se sont trouvées enfin
Et l’éclair a jailli de nos forces soudain angéliques
Aimée, ton amour et le mien sont les dons de l’auguste Madone
Qui sema en nos cœurs enfantins des songes mystérieux
Vois je te regarde sainte déjà dans le Livre des Hommes
Et je prie sous l’ardeur en l’oracle des Cieux
Des myriades alors procèdent, embrasant les ténèbres autour
Et déposent à nos genoux meurtris l’épée michaëlique ; ainsi
Tremblent nos membres par nos lèvres brûlées de serments extatiques
Ô guerre d’amour, que nous viendrons étendre
Du reniement accepté de nos pères jusques au sang pleuré des enfants malédictes !
- IV -
Tes bas blancs vierge Amour signent ta pureté
Et promettent à mon corps le don d’un sang fidèle
Que je veux recueillir à l’étreinte blessée
Sous la féconde nuit où nos passions se mêlent
Feinte est la mort ainsi par nos chairs épousées
Dont les eaux passagères font éclore nos serments :
En tes reins amoureux qui se donnent à l’amant
S’ouvre au monde un temple de l’immortalité
- V -
Viens ombre de mes rêves
Tu es ce que mes yeux n’ont pas su voir
Amour promis appel enchanté
Cœur à mon corps par le sourire de Dieu
Exhale sur ma peau la fraîcheur des clairières
Où tu reçus l’onction des ciels du Nord
Viens par le souffle froid magie des vents de ton enfance
Ressuscite en mon âme le serment de t’aimer
Rappelle-moi au souvenir de mes prières
Que je criais alors à mon Dieu tant chéri :
A moi, guerrier sauvage, esseulé, semant le feu,
Qu’Il reprenne mes armes et me fasse docile
Holocauste à l’amour.
- VI-
Tu fermes les yeux
Et tu t’étires
Confiante dans mes caresses comme un chaton heureux
Retenant, parfois, un rire
Ou bien encore, soufflant dans mes oreilles un air chaud
Que ta bouche expire lentement
Tes doigts s’agrippent à ma nuque, tantôt raidissent, sitôt
Filant
Des boucles à mes cheveux
Mon visage se pose au fond de ton épaule
Tes bras se meuvent, vivent, tremblent de tes vœux
Et ta tempe mouillée, que ma joue frôle
Semble me dire en silence des mots
Qui ne sont faits que pour vivre une seconde
Des mots
Qui portent avec nous les secrets où notre amour se fonde.
- VII -
Devant l’immensité de tes paysages
Où ma raison s’arrête au seuil de forêts inviolées
Je crois être ce vagabond dextre voyageur habitué
Me guidant sous tes étoiles vers de secrets présages
Et recueillant aux sources de tes vierges monts
Des eaux que ta voix chante lointaine en soudain abandon.
- VIII –
Par le doux sursaut de sa chair, qu’un geste souverain pénètre
A cet endroit secret où passe l’émotion
Comme un chat impassible se condamne au présent
Elle regarde…
Les bras levés au vide elle semble retenir
Le temps qu’une main frêle arrête
Et puis comme un vent qui apaise
Elle s’élance à l’encens et signe de ses reins
Le vide qui se comble au firmament.
- IX –
Touche-moi
Porte-toi vers mon désir
Ta main tremblante se pose et sursaute d’émoi
Au feu humide et dur que l’amour fait frémir
Les sources jaillissent-elles du miracle des gestes que
La mémoire hâtive implore en appels silencieux ?
Le secret de tes songes a rougi ton visage
Et recouvre mes yeux de tes folles images ; leste
Je laisse mes reins épouser notre couche
Poussé par la chaleur de tes joues enflammées
Et je viens recueillir au profond de ta bouche
L’eau murmurée ensemble où nos langues nouées
Se baignent et longent seule à seule des berges infinies
Pour plonger à nouveau dans notre mer intime
Et s’abreuver encore aux fontaines marines
Qui surgissent aux aveux de nos raisons vaincues
Et nos esprits se taisent, un instant solitaires
Egarés loin de l’autre dans le vide soudain
Laissé par le poids dissous d’innombrables prières :
Roche rugueuse acérée que flétrit l’exaucement
Poussières éparses abandonnées aux ténèbres divins…
Peu à peu nous reviennent les bruits de nos attouchements
Et nos lèvres gonflées se séparent au bout de notre souffle
S’approchent et se frôlent, roses chairs languissantes des
Mots qui semblent porter la fièvre en nos yeux impatients
Regarde-moi tu es comme ces mers chaudes où j’ai plongé mon corps
Au large de Ceylan
Et je rêve que scintillent au travers de tes cils
Des saphirs de Jaïpur
Lentement s’ouvrent tes jambes et s’enroulent à mes hanches
Et pour quelques secondes ma vie ma force et ma conscience
Se rassemblent soudain en un feu solitaire
Qui vient combler l’offrande de tes chaudes abîmes…
Dans la moite pénombre où nos yeux s’engloutissent
Des étoiles vont s’animent de
Lueurs intenses et silencieuses où le temps, peu à peu, s’épuise et
S’abandonne à notre firmament
Et l’univers s’étend vers notre empire, et tremble tout à coup se renverse
Emportant avec lui des cris de victoire, et des fleuves de vie, enfin…
…
Blottie comme un bonheur au fond de mon épaule
Tes doigts me serrent encore et puis, infiniment,
Des larmes glissent sur ta joue molle, de tes yeux à mes lèvres
Confiant à nos secrets tes solitudes d’hier
Et mes larmes viendront te conter à l’oreille
Combien les anges adorent en longues et douces veilles
L’objet mystérieux des divines patiences
Que notre amour recueille aux limbes de silence.
- X -
Je baise la beauté nue
Des vieilles encres noires
Sous mes lèvres émues
Répondent les grimoires
De souvenirs anciens
De passions malheureuses
Où frissonne ma main
Sur les pages rugueuses
Et des ombres m’appellent
A suivre le corps du rêve :
S’érode ainsi ma trêve
Au sel des parchemins
Est-ce d’avoir tant lu
Qui souille la mémoire
De plaisir éperdu
Et de parfums mortels ?
Je prie ma repentance
En un vœu ambigu :
Amant des beautés nues
Sous le regard fidèle.
- XI –
Reviens aimée ma main tremble à présent de t’écrire
Et l’averse résonne sur mes yeux transparents
Viens étoile dans ma nuit car je suis seul errant
Sous mes pas esseulés reviens aimée
Quoi ! faut-il que mes langueurs apaisent ton silence ?
Ou bien éprouves-tu mon courage d’aimer ?
Les aubes de mes veilles s’égalent en suivance
Et je me traîne ainsi de misère en prières égarées
Reviens aimée déjà le temps s’efface
Où je n’étais pas tien, où les heures vécues
Déroulaient mon savoir serpentin vers une ombre inconnue…
… Et sombrent mes souvenirs dans le néant des mues
Reviens aimée déjà le temps s’efface
Reviens aimée mais il est vain encore et j’attends à ma porte
Un cri d’appel une couleur agitée au loin et que mon regard suit
Mirage désiré où mon amour me porte
Ves ton image enfuie reviens aimée
Reviens.
- XII –
Tu sauras mon fils que j’ai été si peu poète
Et musicien déçu et peintre aux doigts petits
Car il fallait courir aux hordes d’infamie
Des brumes du passé ou des cieux à venir
Tout m’a été repris rien ne me fut donné
Je suis le guerrier nu dont le sort est à Dieu
Parfois je songe à la douceur des gloires et des joies
Ô délices des arts ! ô plaisir éperdu
Ecrivain du bonheur et compagnon d’un roi !
Sous mon œil engourdi, des ombres s’étirent
Un écho un murmure : serait-ce une rumeur ?
Non, je n’entends rien, hélas !
Ainsi est ma fortune : déesse aux seins de glace
Muse qui jamais ne m’embrasse
Mais le fer l’épée le feu !
Et mes larmes tombées sur la terre d’orgueil
Sont au soleil levant une oeuvre de lumière
J’ai engendré un siècle. Plaise à Dieu !…
Tu sauras, mon fils, tu liras a douleur
De ces liens de ces mains fiancées
Parce que le Ciel m’a aimé
Comprends-tu ce bonheur pourtant ?
Par-dessus tout ?
Le talent
M’eut donné de pouvoir ce que j’ai voulu :
C’est lui que je préfère
Le génie est misère
Mais je vois où nul autre n’a vu.
- XIII –
(Le Blason)
Blanche, le bel émail en ta bouche
Qui s’ouvre en souriant à l’aurore de nos nuits :
Tandis que l’ombre est pâle et la lune se couche
La lumière y s’éveille et le soleil reluit
Blanche, ta gorge écrin de chair
Où l’Orfèvre du monde a déposé ton cœur :
Je penche mon visage aux portes du sanctuaire
Et n’entends que le pas d’invisibles pudeurs
Blanche, ta main ouverte, abandonnée
Aux muses qui m’inspirent un poème indiscret :
Qu’un chaste frisson alerte, en l’attente animée
Des mots que je vais dire à tes plus doux attraits
Noire, l’épi de tes sourcils
Etendus sur le champ radieux de mes songes :
Qui bordent le sommet d’un lac où je me plonge
A l’appel enchanté des nymphettes graciles
Noire, tes yeux qui m’engloutissent
Et m’entraînent soudain aux cavernes profondes :
Sous des voûtes secrètes, nos yeux se répondent
Qui font briller ainsi tes coupoles d’iris
Noire, le frou-frou délicieux de ta perfection
Où mon regard s’enroule aux bouclettes de soie
Qui mènent prisonniers mes plus tendres émois
Vers l’éminence ombreuse et ma dilection
Rouge, tes joues empourprées des folles confidences
Où nos amours parées d’orgueilleuse élégance
Invitent ma passion à dévoiler tes ors
Quand la sage raison me retiendrait encor
Rouge, tes lèvres gonflées de chaleur et d’un sang
Qui bouillonne et les ouvre au trouble sentiment :
Et les miennes les couvrent, et je m’y désaltère
Et je goûte exaucé tes salives amères
Rouge, ton mamelon comme un fruit mûr d’été
Où s’endorment repus nos enfants allaités :
Mais en d’autres saisons nos amours y reviennent
A l’appel éperdu des ardeurs souveraines
Ronde, ton cou de satin clair
Hisse d’une colée ta nuque vers le haut :
Offrant à mes baisers la colonne de chair
Qui se dresse ou replie au gré de mes assauts
Ronde, tes bras forts te protègent
Bandent leurs muscles fins contre mon torse lourd :
Repoussant affolés l’audacieux arpège
Qui monte les allées d’un merveilleux parcours
Ronde, que tu laisses paraître si tu fuis :
Eblouissante courbe, et ta révolution
Comme un astre qui tourne, et ton jour, et ta nuit
Embraseraient mes yeux d’une égale émotion
Longue, tes jambes sous l’ineffable sphère
Elèvent mon regard du Nadir au Zénith :
Mais il me faut jurer qu’elles semblent sans limites
Et ne point voir briller ton étoile polaire
Longue, ta main dessine sur le drap
Les signes inconnus de ton consentement
Que tu daignes ouvrir à mon entendement
Et tout autre que moi ne les comprendrait pas
Longue, tes cheveux répandus sur l’épaule
A cette heure ambiguë où mon esprit s’égare :
Et je crois aviser des floraisons bizarres
Qui viennent s’emmêler aux pleuraisons des saules
Large, ton front austère et droit
Disperse les chimères et m’impose ta loi :
Mais je sais incarnées ces fronces hiératiques
Et le désir igné de ma déesse antique
Large, ton torse fier m’accorde son asile
Où ma tête repose, amoureuse, docile :
Et dans la chambre close et l’aube qui s’attarde
Je fais une prière à Dieu qui nous regarde
Large, tes hanches recueillent l’ambroisie
Quand au creux de l’amphore le Seigneur a choisi
De consacrer ton corps, neuvaine maternelle
Où s’épanche à l’enfant la vigueur immortelle
Fine, tes doigts, au toucher de la Fée
Croisent, décroisent et sur pointes se dressent :
Et crissent le ballet des jeunes coryphées
Sous l’entrechat des rimes et des mâles adresses
Fine, tes sourcils, comme deux ailes aux yeux
Portent ma rêverie au double mont désert
Lorsque lassés, tes cils élancés vers les cieux
Découvrent assoupis la dune des paupières
Fine, tes lèvres se desserrent et je hume l’haleine
Expirant les fragrances où des mots me répondent,
Murmurés en silence, et l’on présume à peine
Une langue éphémère sous la peau rubiconde
Menue, tes dents pincent la lippe,
Abaissant à la hâte une herse d’ivoire
Sur la chair amollie, défense dérisoire
Emportée par un feu que tes sens émancipent
Menue, l’oreille qu’un souffle chaud effleure,
Où se glisse incurvé sous les plis elliptiques
Un tourbillon sonore et de sourde musique
Bourdonnant à l’entrée de l’intime demeure
Menue, ton sein force l’espace
Et ferme l’horizon aux plus fières beautés :
Olympe d’harmonie où règne en majesté
La douce tyrannie que tu me dédicaces
Etroite, ta taille campe ta noblesse
Et garde le mystère des saintes promesses
Ecrites sous l’anneau que nous portons au doigt :
Ainsi l’amour te cambre et tu m’ouvres ta voie
Etroite, mais je te sais craintive et l’honneur impérieux
Si je livrais au monde un secret de ces lieux
Où la nature aimante a conçu le plus doux
Pour mener au bonheur l’hommage de l’époux
Etroite, ton genou replié sous ma paume
Attarde l’intrépide aux portes du royaume :
Et du sommet aride où deux versants m’attirent,
Je vois à tes remous lequel il faut choisir
Grande, ta cuisse lentement descendue
Sur la crête prudente et la peau granuleuse
Ou le satin lissé des pentes étendues
Vers le ravissement des arrivées heureuses
Grande, ta taille élance ton allure
Et promet à mes yeux toutes les séductions
De planes et de courbes, et ta silhouette pure
Enseigne le chef-d’œuvre de la Création
Grande, ton bras, au-dessus de ton corps
Alangui par mon ode aux grâces féminines
Accueille cette gloire et m’enlace à m’enclore
Et me presse à baiser tes lèvres purpurines
Petite, ton pied remue sous la fraîcheur
D’une aube que j’ai cru retenir immobile :
Et le jour a laissé ta nudité fragile
Avérer sur le drap l’objet de ma ferveur
Petite, ton menton rehausse ton visage,
Dessinant un genou pour la bouche et le cou :
Faut-il choisir encore, et causer ton courroux
De m’entendre sans fin chanter mon vasselage ?
Petite, ta bouche où mon ode s’achève
Et les trente-trois normes des canons anciens :
J’ai voulu sous la forme des jeux patriciens
Louer ainsi la couche et les feux de mon Eve.
- XIV –
Bienvenue, mon nouveau-né
Bienvenue à la vie que l’amour t’a donnée
Avant que tu renaisses au sacrement de l’onde
Pardon pour le plus dur des mondes
J’aurais voulu pouvoir tout te promettre :
Un ciel serein et l’herbe verte
Et le mal retenu dans les recoins obscurs,
J’aurais voulu un ciel d’azur
Pour accueillir la joie de ton doux babillage
Et l’écho de tes jeunes printemps
Qu’un air pur eût envoyé au vent
Et tu aurais ainsi atteint le plus bel âge ;
Alors, lâchant la main de ma vieillesse
Et laissant derrière toi le foyer de tes jeux
Tu serais parti vers d’autres caresses,
Souffler sur d’autres braises, te chauffer à ton feu
Tu n’auras pas ce monde beau
Et les fées qui se penchant sur ton berceau
Ne courent plus les bois et les palais des reines
Mais la laideur, le mensonge et la haine
Tu connaîtras la guerre, et le sang, et l’effroi
Et des cités ne flammes et de sourdes clameurs
Blasphémant vers le Ciel, et du fond de l’horreur
Un démon rugissant viendra saisir ses proies
Mais dans cette géhenne où ton Dieu t’a fait naître
J’ai combattu le jour et j’ai veillé la nuit
Et le monde qui vient, que je ne puis connaître
J’en ai vu le reflet aux yeux qui m’ont souri
Je te promets un temps inexpugnable
Si tu restes fidèle aux serments de ton père,
Et si l’attente est longue, et lourde la misère,
Tu porteras mon nom dans un siècle innommable
Jusqu’au temps que je vois briller dans ton sourire
Et le siècle d’un roi que Dieu viendra bénir.
- XV –
Femme
Tu es femme dans la ville
Où des seins flasques ridés inutiles
N’ont pas donné de fruit
Et pendent vers le vide et le temps qui s’enfuit
Dans la brume des rues où les passants t’ignorent
Aveugles et perdus de misère et d’ennui
Qu’un charme lentement repousse vers la mort
Tu es femme de corps et d’un ventre qui vit
Femme
Nous deux avons défié le monde
Toi pleine d’espérance et moi qui me consume
Au feu de tes avances et moi qui te féconde
Et des vagues d’amour ont laissé leur écume
Alanguie sur la chair avide des rivages
Qui bordent la houle chaude où mon corps a bercé
Femme ainsi devenue mère d’un lignage
Dans la brume des rues et ton enfant caché.
- XVI –
(Les oriflammes)
Je n’ai pas su mouiller notre navire au fond d’un port tranquille
Ni jeter l’ancre dans les eaux sereines
Affaler la grand’voile et mener ma famille
Au doux zéphyr la belle méridienne
Et le soleil de juin, les cyprès de Provence
Elevant vers le ciel leurs flammes de verdure :
Où la chaleur amie fait remuer l’azur
A l’heure de midi nous aurions reposé…
… Silence du gréement et nos corps allongés
Dans le scintillement du clapotis de l’anse
où bercent les paupières endormies sous la danse
Des vives lumières en manège muet…
Ah ! l’ouragan tonne l’air et brise ma vision
Dans le déferlement des vagues rugissantes
O Dieu ! ayez pitié de ma tourmente
Et guidez mon beaupré aux étoiles d’Orion !
Au royaume où s’inclinent les trois puissants Mages
Adorant la venue de l’Enfant roi des rois
O Dieu ! Pour mon salut je cherche son visage
Dans la nuit ténébreuse où j’ai gardé la Foi !
Mais l’océan se creuse et les abîmes noirs
Immergent ma prière au fond du désespoir
Tandis que des haubans claque une folle plainte
Et le vent déchaîné resserre son étreinte
Je n’ai pas su relâcher au bel havre
Où la paix demeure toujours
Et les enfants de notre amour
Faut-il que mon destin les navre ?
Mais pouvais-je les mener à bon port ?
O folie de ma jeunesse !
Tu connaissais le serment que j’honore
Le secret de ma promesse
J’avais alors la moitié de mes ans
Le monde avait perdu son âme
Et j’écoutais pleurer mes grands-parents
Au souvenir des oriflammes
Plantées sur le sommet d’une île.
J’étais ardent pour le combat :
- Donnez-moi l’île et les soldats
Disais-je : il n’est pas de péril
Qu’un sang noble n’affronte pour l’âme du monde.
- Tu n’auras pas cette île, que si tu la conquiers
Soupiraient les Anciens ; tu seras solitaire :
Il n’est plus de soldat sur la terre inféconde
Et si la mer est ronde et dans la solitude
Il n’est aucun marin qui sous la Croix du Sud
N’ait imploré le Ciel de ramener les voiles
Et conduire sa nef à la première étoile
Mais j’étais téméraire et tu voulais me suivre
Nous n’avions ici-bas nulle raison de vivre
Sinon que de courir à la quête lointaine
Et laisser sur les eaux filer notre carène
O, les charmes des commencements !
Etarque le grand foc, envoyez le génois !
Laissons nos larmes au Continent :
Nous allons à l’aurore pour le festin des rois !
Ainsi notre vaisseau s’en fut prendre son erre
Et se fondre dans l’horizon limpide,
Et quand nous eûmes passé l’Hespéride
Il n’y eut que le vent, le soleil, et la mer…
J’ignorais la douleur de cette aventure,
Nos rêves désenchantés
Ces trombes de souillure,
Je l’ignorais : sauras-tu me pardonner ?
Lors il n’est plus langueur ni passé ni remords
Mais la nuit de terreur que l’épreuve réclame
Et si Dieu y consent je veux chercher encor
Sous le grand firmament, les oriflammes…
- XVII –
Tes yeux brillaient dans la pénombre de l’alcôve
Où l’amour a tendu son rideau cramoisi
Nous étions allongés sur un drap d’or et mauve
Et des sphinx de bronze aux quatre coins du lit
Souriaient en silence à l’éternelle énigme.
Ainsi leurs lèvres closes et leurs yeux de métal
Retenaient les secrets de la nuit paradigme
Et, leurs ailes pliées sur le bois de santal,
Ils eussent arrêté le pas du voyageur
Allant par les chemins qui mènent à Colonne.
Là, dans la forge nuptiale et l’obscure moiteur,
Nous fondions à nous deux l’or de notre couronne.
- XVIII –
Mon cœur mon tout ma vie
Nous avons traversé tant de plaines sauvages
Et de sombres forêts d’où le soleil a fui
Et des gorges profondes et des monts davantage
Nous avons remonté les fleuves du pays
J’ai bu à l’eau des sources et la terre où l’on sème
J’y ai planté mes doigts pour sonder l’avenir
Un jour nos enfants auront faim et je t’aime
L’espérance a quitté ces lieux il faut partir
Entre dans la maison et referme la porte
Laisse la ribambelle à ses rondes joyeuses
Embrasse-moi c’est tout le bien que j’emporte
Demain je m’en irai sous l’aube radieuse
On dit que loin d’ici après un long voyage
Et des routes fouettées de poussière et de vent
Le soleil nous conduit vers de nouveaux rivages
Où la mer fait tinter des pépites d’argent
Là parmi les galets blancs qui brûlent nos pieds nus
De vifs éclairs jaillissent et des vagues turquoises
Inondent ce trésor et dans l’ai inconnu
Montent le goût du sel et l’odeur de l’armoise
Là-bas tout sera bleu gris vert et genêts d’or
Qui fleurissent au flanc de la montagne more
La rose l’olivier et son ombre amicale
Le silence des cieux et le chant des cigales
Et nous habiterons un vieux mas solitaire
Oublié dans le haut d’une allée endormie
Aux cyprès impassibles aux chênes centenaires
Je reviendrai bientôt vous chercher mon amie
Embrasse-moi encore ô douce ô mon aimée
Une larme chagrine a forcé ta paupière
Mais je vous reviendrai tu seras ma lumière
Et ma joie et ma paix et le feu ranimé.
- XIX -
Je n’ai que mon amour à te donner en gage
Ni vertu ni secours ni la frêle innocence
Mais la fumée des flammes au sombre marécage
Où patauge mon âme et la tourbe des sens
Je n’ai que mon amour et le cœur apaisé
D’un homme qui reçut comme un présent du Ciel
Une femme inconnue un doux rayon de miel
Accordé sans retour à mes rêves blasés
Et toi qui es si pure tu ne saurais comprendre
Un bonheur aussi fort sous tes caresses tendres
Quand la blanche parure que le soir tu dévoiles
Allume dans mon corps un firmament d’étoiles
Je n’ai que mon amour je n’ai pas d’autre bien
Mais les yeux éblouis des pauvres qui n’ont rien
Que le bonheur entoure au passage des reines
Et les mots que j’écris te feront souveraine.
- XX –
Feuille blanche rétive à l’amour qui m’étreint
Tu souffres de boire l’encre liée par ma main
Serais-tu jalouse ? Ou quelque démon t’inspire
Toi dont les fibres vierges refusent mes soupirs
Feuille blanche rétive à l’amour qui m’étreint
Je veux l’écrire encor et la chanter toujours !
Ouvre-toi stérile je vais creuser sur ta face
Le sillon de ton maître Et que rien ne l’efface
Ni le temps ni la mort ni la tombée du jour
Je veux l’écrire encor et la chanter toujours !
Quoi ! tu te fermerais ainsi à ma puissance ?
Tu guettes mon repli tu résistes à mes sens
Et rêves de me voir dessiner dans les marges
Des courbes de lierre bleu des ronds pleins et larges
Quoi ! tu te fermerais ainsi à ma puissance ?
Sais-tu que mon cœur est plus grand que ton désert
Où tu prétends garder l’eau qui me désaltère ?
Un poème jaillit du fond des pages lisses
Et tu voudrais qu’ici ma lourde mine glisse
Sais-tu que mon cœur est plus grand que ton désert ?
Feuille blanche rends-moi le bien qui me fait vivre !
Je n’ai point d’autre ami que les mots de ce livre
Où je conte une femme à nulle autre pareille
Il faudra que demain les hommes s’émerveillent
Feuille blanche rends-moi le bien qui me fait vivre !
- XXI –
La main posée sur ton berceau
J’ai tenu l’avenir du monde
Remuant la nacelle et te chantant tout bas
Un conte d’autrefois que ma grand’mère chantait
Ecoute mon enfant le secret de mon cœur
Toi dont le cœur est pur
Et la Parque n’a pas encore filé tes jours
Ecoute mon secret
Il est une forêt verte et profonde
Où le soleil à l’aube inonde
A longs rais de lumière
La cime des vieux chênes
On y entend parfois un cri aigu
C’est l’oiseau mystérieux
Qui te connaît déjà
Et voit sans être vu
On y entend la marche lente
D’un cheval blanc aux brides amarantes
Ses reins portent une selle d’or
Les feuilles sèches se froissent sous ses pas
Il s’arrête. Ses naseaux soufflent de temps en temps
Il est seul et attend
Celui qui le montera
La main posée sur ton berceau
J’ai tenu l’avenir du monde
Remuant la nacelle et te chantant tout bas
Un conte d’autrefois que ma grand’mère chantait.
- XXII –
Où est-elle ?
Que fait-elle ?
Elle est sortie d’une heure
Peut-être deux
Qu’est-ce ?… Ah !…
Non… J’ai cru…
L’angoisse étreint ma gorge
Durcit mes reins
Mon Amour s’est envolée du nid
Un panier creux sous le pli de son aile
Bravant la route et les rapaces noirs
Ô saint Michel protégez-la !
Des visions d’épouvante me hantent
Ouvrant dans mon cœur un abîme béant
Suis-je fou ? Un songe affreux m’égare
Dans les méandres de la maisonnée
Où s’égayent impassibles nos enfants
Et je prie que mon ange vole à tire-d’aile
Dans la nue consacrée jusqu’à son ange à elle
Offrir à deux épées la garde de son corps
Et ses pas innocents et mon plus doux trésor.
- XXIII –
Lors que je méditais au bord d’une fenêtre nocturne
Tandis que le tronc tordu des oliviers nouait l’effort des siècles
Et la cime élancée d’un cyprès s’enfonçait dans la nuit
Je vis le firmament frémir et les étoiles déchirées
Inondant les ténèbres aveuglées de lumière
C’était un feu ardent et mes yeux éblouis
Buvaient l’oracle violent qui me tombait du ciel
Ô mon Seigneur ! enlevez-moi d’ici !
Laisser voler mon cœur à vos nues éternelles !
« Mon amour, que fais-tu sous la nuit à cette heure ? » me dit-elle
Posant sur mon épaule une joue tendre chaude
Et brisant là mes songes évanouis
Je l’embrassai.
- XXIV –
J’ai bu tes perles de chagrin
Versées sur mon impatience
Et le feu mauvais s’est éteint
Où ne gît que ma repentance
Il me reste à compter les heures
Qui te consolent mieux que moi
Dieu qui souffle sur la douleur
Saura me rendre ainsi à toi
Que te dire qui te sourie ?
Ô sphinx ailé de mon amour !
Sous tes larmes il renaît toujours
Tu es mon sel tu es ma vie
Regarde-le s’envoler haut
Il prend la couleur des étoiles
Crois-tu que notre amour ne vaut
Que le temps passé sous nos voiles ?
Et dans mes yeux qui se font durs
Il n’ay a que ma lassitude
A combattre la multitude
Mais ton visage est sans rayure
Pardonne à ton ami fidèle
Je te reviens sous contrition
Ne garde pas notre querelle
Tes larmes sot ma punition.
- XXV –
Dans le train qui m’emmène la nuit loin de chez nous
A mille kilomètres et sous d’autres climats
- comme il m’arrive au moins une fois dans le mois -
Semer au lendemain l’espérance partout
J’entends le gling-et-glang de nos chemins de fer
Et sonnerie longue effilée en fuseau
Qui semble vous héler quand passent les barrières ;
Et mon corps étendu sur la couche du haut
Laisse l’âme engourdie bercer dans ma mémoire
Un jardin, des fleurs, des jeux, une balançoire,
Des murets de calcaire et des enfants heureux
Qui tournent farandole autour de tes cheveux :
Mon bras s’élève, heurte le plafond noir.
- XXVI –
Oui !
J’entends ton pas dans l’escalier
Qui monte et se rapproche
Et mon cœur t’attend
Et mon cœur s’ouvre en grand
Qui laisse béantes ses portes à deux battants
Où l’amour et le désir de toi s’engouffrent Oui !
Oui ! c’est le mot le seul
Que le seul génie de ma nation inventa
Pour nous comprendre infiniment
J’ouïs je t’entends qui t’enserre en mes bras
Ou me laisse envahir inondé noyé en toi
Oui oui oui !
- XXVII –
A vous je dis, belle figure :
Que m’est votre douceur quand votre âme est si dure ?
Je devine ces formes dont l’homme est avide
Mais votre corps est vide
Ainsi que les amphores des musées romains
Ouvertes au néant de longs siècles futiles
Vous n’êtes à présent vous ne serez demain
Que jeunesse inutile
Et sitôt que sur un autre corps paraîtra
L’ovale souverain d’une beauté nouvelle
Vous songerez alors que cette beauté-là
N’était pas votre bien, pour n’être pas mortelle
C’est Dieu, ma demoiselle, qui donne la beauté
Comme un présent du Ciel à nos yeux éphémères
Elle était devant vous elle passera derrière
C’est ainsi qu’elle demeure en la divinité
Vous n’êtes point déesse et nos yeux vous admirent
Tandis que la beauté vous couvre de ses grâces
Mais nos yeux tourneront avec le temps qui passe
Comment douterez-vous que vous allez mourir ?
A vous je dis, belle figure :
Regardez mon épouse et songez que vous-même
Qui embrasez nos sens et voulez qu’on vous aime
Sous les voiles exquis de vos jeunes vingt ans
Vous seriez mon hiver quand elle est mon printemps.
- XXVIII –
Dans le vacarme de la rue
Où passent en bas de ma fenêtre
A douze ou quinze mètres
Les moteurs à flot continu
Je pense à toi
Quand d’une raison à l’autre sonne
Le roucoulement du téléphone
Et des voix sans crier gare
Se mêlent au tintamarre
Je pense à toi
Parlant aux mains des secrétaires
Entre des murs de papier blanc
Et mes yeux tournés vers la mer
Le port les bateaux le soleil couchant
Je pense à toi.
- XXIX –
Je me souviens du sacrement
Que tu me donnas en Touraine
A l’église de saint Michel
Et le ballet des parentèles
Ouvert au château de Coulaine
Et ton parrain maître céans
Qui sautillait à petits pas
« C’est l’amour ! » disait-il tout bas
Je me souviens ce deux juillet
De mil neuf cent quatre vingt huit
Un ciel de pluie et de soleil
Nous y avons lu des merveilles
Comme une averse d’eau bénite
Au front des jeunes mariés
Et le démon qui fort trépigne
Nous y avons vu comme un signe
Et le démon vaincu par l’Ange
Après un combat dans le ciel
Nuages gris et rayons d’or
La nuit s’en vînt je vois encor
Roulant sous la lune de miel
Passant la route aux vieilles granges
Notre voiture vers le Berry
Nous envoyer vers notre nid
Etait-ce un moulin une tour
Au cœur d’un antique domaine
Hanté par de lointains aïeux
Nous avons dit Merci à Dieu
Monté l’escalier de chêne
Et là, nous avons fait l’amour
Je me souviens d’un champ de blé
Qui s’étendait là à nos pieds.
- XXX –
Tu es ma grâce et la grâce de Dieu
Remplit mon âme d’un amour serein
J’ai déchiré l’habit de l’homme vieux
Pour être nu et renaître au matin
Sous une aube nouvelle amour éclos
Que le soleil inonde de lumière
Et le drap blanc froissé d’un lit nouveau
Est le premier témoin de nos prières
Tu es si pure et moi je suis pécheur
Indigne époux que tu aimes pourtant
C’est un mystère le secret de ton cœur
Où s’est gravé le nom de ton amant
Ne retiens pas mes fautes pardonne moi
Quand je ne suis qu’un homme de ce monde
Tu es fille du Ciel et sous mon toit
Embrasé de vertu la grâce abonde.
- XXXI –
Ne parle pas
Laisse mes yeux te dire ces mots que je ne connais pas
Il me semble qu’à puiser ainsi dans l’eau de ton iris
Je m’avance au mystère intime de ma Nouvelle Isis
Car tu es mon épouse et la sœur que je n’ai jamais eue
Comme dans les vieux mythes éteints la déesse aux seins nus
M’embrase de son corps et me garde au foyer de son âme
Elle qui le jour me désaltère et sous la nuit m’enflamme
Ne parle pas
Laisse tes lèvres closes m’ouvrir une nouvelle voie
Le silence où pénètrent les ondes pures de l’amour
Incline mon cœur à tes yeux et tes lèvres tour à tour
Il me semble qu’enfin je te connais je te possède
Comme le voyageur qui revient sur ses pas
Oh dans tes yeux mon amour te précède
Ne parle pas.
- XXXII –
Devant la crèche de Noël
Nous avons posé de la mousse
Apportée par la ribambelle
A l’Enfant-Dieu une herbe douce
Nous avons posé les moutons
Maman a prêté son miroir
Qui sera l’étang des canards
Nous avons mis un petit pont
Où passent deux et trois santons
Portant le pain dans une hotte
Et sur le côté de la grotte
Nous avons posé du coton
Ce sont les nuages du Ciel
Qui tiennent chaud le pied des anges
Comme l’Enfant dedans ses langes
C’est notre crèche de Noël
Voici Joseph le chaste époux
Dans sa brune robe de bure
Et la sainte Vierge à genoux
Dans sa belle robe d’azur
Couleurs de la terre et du ciel
Unis pour la Nouvelle Alliance
Et même une étoile s’avance
C’est le miracle de Noël
Voici le bœuf et l’âne gris
Couchés près du divin poupon
Tandis que chante sous la nuit
La pastorale des santons
Voici notre progéniture
Qui regarde le doux Jésus
Ils ont le cœur et les yeux purs
Et leurs âmes sont toute nues
Nous allons prier le Sauveur
Donne-moi ta main mon Amour
Nous allons prier que cette heure
Dure encore et encore toujours.
- XXXIII –
Il n’est pas de si doux ni de plus bel hommage
Aux merveilles des Cieux que le corps d’une femme
Et quand la femme est nôtre au feu du mariage
C’est un corps qui se donne habité par une âme
Oh comme il est aimable de t’aimer ainsi
Emporté dedans des profondeurs infinies
Sous le regard de Dieu les œuvres de ma chair
M’ont fait souverain d’un royaume sans frontière
Est-il une autre ligne, un seul autre dessin
Que la nature anime autant qu’une promesse ?
Le serment de mon cœur a creusé dans mes mains
Quelque secret d’amour aux nouvelles caresses
Alors la chair n’est plus ce qu’en dit le poète :
Triste, et pâle sujette des plus sombres livres
Je n’attends que de vivre encor au lendemain
Pour humer les parfums de ton corps alangui.
- XXXIV-
Une table de feutrine rouge
Une feuille blanche aux lignes minces
Un feu paisible qui grésille dans l’âtre
Petit Loulou dort à côté
Les grands sont à l’école
Et voilà notre bonheur mon amour
Il est tout simple tout chaud
Comme un édredon de plumes
Qui nous protège du dehors
Laissons nos cœurs s’y reposer
La vie de fait pas tant de cadeaux
Que nous puissions les refuser
Pour des joies plus hautes encor
Non ces joies ne sont que dans les rêves
Des hommes qui n’ont pas vécu
Rien n’est promis et rien n’est dû
Le Diable trompait Adam et Eve
Et nos premiers parents l’ont cru
Voilà notre bonheur et je n’en sais pas d’autre
Ni de plus grand ni de mieux accompli
Ces lignes sont de moi cet amour est le nôtre
Voilà le doux secret du poème infini.
- XXXV-
Petit oiseau dedans sa cage
Où l’in te retient prisonnier
Sans compagnon et sans bagage
Et ton cœur s’est envolé
Il est venu battre des ailes
Tout près de mes lèvres émues
Mon cœur à un autre fidèle
Pleure de l’avoir entendu
Tu m’aimes et je ne dois qu’estime
A ton courage à tes vertus
Et tous les verbes synonymes
Me sont à jamais défendus
Ne brise pas le doux serment
Que j’ai prononcé dans l’honneur
Et tes chagrins et mon tourment
Sont moins qu’une âme qui meurt
Ne force pas la porte close
Où mon bonheur est là blotti
Contre mon amour et je n’ose
Lui raconter ce que j’écris
Petit oiseau dedans sa cage
Où l’on te retient prisonnier
Allons il nous être sages
Je n’ai pas le droit de t’aimer.
- XXXVI-
Aime moi mon Amour
Aime moi pour nous deux
Si mon amour ne suffit pas
Ce soir encor je ne serai pas là
Pour me chauffer à notre feu
Et nos enfants m’appellent dans la nuit
Mais au plus fort de la bataille
Dehors au fatal ennemi
Une ombre passe dans mes yeux
C’est ton ange peut-être ou le doux souvenir
Qui me hante toujours quand je suis loin de toi
Aime moi aime moi pour nous deux mon Amour
Si mon amour ne suffit pas.
- XXXVII -
Il faut parfois souffrir pour savoir que l’on aime
Et mes pâles soucis ne seraient plus les mêmes
Si le destin fangeux devait frapper ma porte
Ouvrir en coup de vent et mon bien tout emporte
Ainsi je resterais adossé aux murs blancs
Figé dans le silence de mon foyer nu
Et de vives douleurs aux longs élancements
Transperceraient mon âme d’un mal inconnu
Mais qu’y puis-je ? tout m’est bonheur auprès de toi
Mon cœur à tes côtés ne connaît pas de loi
Sinon que de t’aimer libre de ta présence
Comme l’air à l’oiseau lui donne l’existence
Je te respire et cela seul me suffit
Contre la folie des sombres questionnements
Je suis heureux pardonne-moi si je t’oublie
Toi qui en es la cause et l’éblouissement.
- XXXVIII-
Ton ventre est rond
Rond comme est le soleil dans l’aube humide océane
Et traversant ta peau étirée diaphane
Une vie darde ses rayons
Ö fille de Dieu qui ramies le feu du Ciel
Ton corps a dessiné la forme de l’histoire
Et le vent remuera les cheveux blonds de l’hoir
Que ton ventre nourrit à présent de son miel
Quatre mois de patience encore mon Amour
Quatre mois longs comme l’année
Mais le miracle vient toujours
Et tu verras ton nouveau-né
Paraître tout à coup rose comme une aurore
Posant sa tête contre ton sein lourd
Et tu seras surprise alors
D’avoir été la Parque de ce jour.
- XXXIX-
Vous qui venez d’elle et moi
Enfants de notre amour enfants de nos enfants
L’immense procession qui nous perpétuera
Vous ne saurez jamais comme il fallut de peine
Et de courage aussi
A semer dans un monde rongé par la haine
Le premier de nos biens qui vous restent : la vie
C’était alors en ces temps de misère et d’alarme
Le fatal ennemi d’une légion damnée
C’était la plus belle arme
Et nous l’avons forgée
Puisant aux profondeurs des sources millénaires
L’eau bleue de notre foi pour y tremper le fil
Au royaume déchu que des hommes reptiles
Etouffaient lentement et vouaient à l’enfer
Ils reniaient leur Dieu notre père et votre créateur
Adorant dans les yeux phosphorescents du Diable
Un reflet de leur âme aux vices misérables
Ils reniaient le Christ notre frère votre divin sauveur
Jurant contre la Croix qui a vaincu la mort
D’arracher toute vie de par le monde encor
Ils reniaient l’Esprit, notre Verbe, et votre inspirateur
Blasphémant la figure et les temples des saints
Profanés, qui s’ouvraient au long Serpent d’airain !
Ils reniaient leur roi, la sainte onction de Reims
Foulant de leurs pieds noirs le Chrême de Colombe
Ils souillaient de leurs fientes nos plus vieilles tombes
Ils reniaient la terre qui les avait vus naître
Où tant de sans reçu la rendait presqu’humaine
Ils brisaient les blasons de leurs pâles ancêtres
Ils reniaient le don de nos fières beautés
Préférant inventer un culte à la laideur
Ils jouissaient à compter nos années de malheur
Ils reniaient l’amour, enfin, que Dieu nous donne
Epuisés de luxure et dérobant ses fruits
Qu’aux limbes de l’oubli les femmes abandonnent
Ainsi courait le monde aux ultimes détresses
Où l’homme ne valait qu’à l’aune d’un seul choix :
La plus haute cime, ou la profonde bassesse
Ainsi courait le monde et vous
Qui venez d’elle et moi
Vous êtes le pardon des fautes de ce temps
Enfants de notre amour, enfants de nos enfants
Gardez en vos foyers sous la cendre la braise
Et songez qu’en votre dernier jour, à Dieu plaise
Vous serez à l’épouse et celui qui l’aima
L’immense procession qui nous embrassera.
-XL-
Je voudrais bien t’aimer sous un ciel africain
Rebelles évadés contre nos suzerains
Esclaves dans la nuit traversant le désert
Amoureux endormis aux rivages des mers
Je voudrais bien t’aimer sur cette île Madère
Foulant dessous nos pieds la nouvelle frontière
Et nous irions ouvrir les portes d’Atlantique
Et les vagues rugir une épopée antique
Je voudrais bien t’aimer si je n’avais ces chaînes
Aux jambes attachées et ces poids qui me gênent
Mais les ombres s’étirent et je compte mes ans
Qui passent à courir aux promesses du temps
Viens suis-moi sur la grève où nos jeunes enfants
Nous parlent de leurs rêves le soir en les couchant
Et leurs yeux clos sourient aux plus belles images
Et en eux s’accomplit l’impossible voyage.
- XLI-
C’est la maison aux volets rouges
Qui brûle sans se consumer
A cette heure où plus rien ne bouge
Dans la fournaise de l’été
C’est la maison qui se réveille
Le matin au chant des cigales
A cette heure où le doux soleil
Est l’ami du sage Dédale
C’est la maison qui se rendort
Pleine d’enfants tout éblouis
A l’heure où monte dans la nuit
Mille étoiles aux rayons d’or
C’est la maison de nos pagailles
Où danse sens dessus dessous
Une joyeuse passacaille
De vêtements et de joujoux
Maman ! j’ai perdu mes chaussettes !
Où est passée ma robe bleue ?
Si vous ne rangez les assiettes
Papa vous fera les gros yeux
C’est la maison des mille bosses
Petits enfants, petits chagrins
A cet âge béni des gosses
Qui s’endorment sur un câlin
C’est la maison de nos prières
Le soir avant d’aller dormir
Et le bel ange de lumière
Répond d’un gracieux sourire
C’est la maison de nos amours
Quand l’ombre te revêt de gaze
Mes yeux discernent tes atours
Et les promesses de l’extase
C’est la maison, c’est notre nid
O Dieu qui nous avez unis
Quand il faudra quitter la Terre
Emportez-la tout entière
En Paradis.
- XLII-
O fleur ô ma déesse, elle était endormie
Dans la pose que donne un sommeil étourdi
Ses draps avaient glissé sur la douceur du corps
Dévoilant au milieu d’un sauvage décor
La faveur ignorée d’une intime indécence
Et mes yeux contemplaient sa belle déhiscence
Plus loin, deux globes alanguis soulevaient un soupir
Et leurs couronnes sur de brunes aréoles
O Dieu ! tout cela est votre œuvre et je veux le redire
Il n’est aucun artiste, il n’est aucune école
Quand même ils ont œuvré sous votre mansuétude
Pour avoir su atteindre cette plénitude
Et ces quelques secondes d’émerveillement
Hantent encore mes jours comme l’Eve d’Adam
Mais la ! pouvais-je ainsi offenser sa pudeur ?
Elle aimait son époux et non pas un voleur
Je relevais le drap sur sa frêle innocence
Gardant de son sommeil la douce confidence.
- XLIII-
Ils disent qu’après tant d’années
Lorsque le Seigneur dieu te posera en terre
Et que le soleil se couchera après toi
Dans la nuit de la tombe tes yeux blanchiront
Et le cristallin coulera dans la glaise
Tes cheveux détachés en touffes sèches
Laisseront voir un crâne hideux
Ton visage réduit à deux orbites creuses
Une fosse morbide en ce lieu où ton joli nez pointait
Et le sourire étiré de tes trente-deux dents
Ils me disent alors : tu as chanté son âme
Et bien t’en a pris
Elle était en ce monde ta femme
Elle s’en ira en Paradis
Mais pourquoi voulais-tu honorer son corps ?
Ces yeux qui brillaient dans l’ombre comme l’or
Ces cheveux que tu caressais telle une soie d’hiver
Ces lèvres que tu baisais de tes lèvres d’amant
Tout cela sera donné aux vers
Pour un dîner répugnant
La chair est corrompue doux poète
Elle est mortelle
Depuis la faute originelle
Poussière dérisoire
Laisse-la disparaître au fond des tombes noires !
Ö mes amis
Quel démon vous inspire une affreuse hérésie
Votre cœur s’est-il donc fermé après Noël
Et croyez-vous que l’âme seule est immortelle
Le Fils de Dieu prit chair
Il a vaincu la mort
Il est monté aux Cieux d’âme et de corps
Et après lui, sa Mère
Immaculée conception
Reçut de notre Créateur
La grâce de la dormition
Ö mes amis ouvrez vos cœurs
Nous sommes notre corps :
Blessé dans sa nature
Il tombe en pourriture
Quand triomphe la mort…
Et notre âme soudain esseulée
Rejoint le chœur des âmes fières
Ou bien se purge des péchés
Ou s’enferme à jamais en enfer
Mais je professe qu’au Dernier jour
Après mes peines purgatoires
Mon corps me reviendra en gloire
Pour adorer le Dieu d’amour
Oui je chante son corps à elle
Qui est la forme de son âme
L’une sans l’autre n’est pas elle
Je veux chanter toute ma femme
Et je sais qu’après ce monde
Elle reviendra plus belle encor
Revêtant de nouveau son doux corps
Dans le Ciel où la grâce surabonde.
- XLIV-
Un fil d’argent raye mes cheveux noirs
Et sept vies ont mordu la pointe de tes seins
Ton ventre lâche un peu que ma paume pétrit
L’aîné, déjà, grandit…
Que pleurons-nous notre jeunesse
Nous avons embrassé l’Histoire
Un fil d’argent raye mes cheveux noirs
Le Ciel a tenu sa promesse
Que pleurons-nous nos années tendres
Il n’est qu’à Dieu de nous les rendre
Dans le regard de nos enfants.
- XLV-
Ne te retourne pas
Ne regarde pas de côté
Avance devant toi
Sans colère ni emportement
Ne presse pas le pas
Que tes yeux fixent l’horizon lointain
Et se fondent dans l’azur altier
Regarde ces matins
Tous ces soleils levants
Ils sont à toi
Avance avance d’un seul sens
Ils nous haïssent toi et moi
Parce que nos reins portent la vie
Mais leurs années sont mortes mais leurs os sont flétris
Ils te haïssent d’être là au milieu d’eux
Comme une flamme qui passe répand le feu
Tu les embrases de dépit de chagrin de remords
Tu les éclaires aussi que la nouvelle aurore
Se levant sur la plaine désolée
Eclaire le bois mort
Passe
Ne les regarde pas
Ils te haïssent ils te tueraient peut-être
Avance devant toi
Fille du Ciel qui féconde la Terre
Un ange te conduit
L’heure est venue peut-être qui te suit
Ton heure qui le sait ? Elle appartient au Père
Mais elle demeure derrière toi
Elle glisserait sur ton sillage
Et te pousserait jusqu’aux cieux
Tant dis qu’au bout de leur voyage
Elle se dressera devant eux
Comme un serpent devant sa proie
Va
N’aie pas de crainte fille d’or
Va où pose ton pied
Notre amour est plus fort
Fille d’éternité
Va Lui porter l’offrande de tes œuvres saintes.
- XLVI-
Passant des siècles à venir
Tu es venu sur cette pierre
Muette ainsi qu’un vieux menhir
Mais sa tombe est là sous terre
Laisse les quatre vents gémir
A la Toussaint que tu fleuris :
Ils ne pleurent qu’un souvenir
Mais son âme est en paradis
Lors, tout l’été un oiseau chante
Celle qui fut ma douce amante,
Son corps attend l’aube dernière
Dans la paix des vertes bruyères
Tu es venu pour son histoire
Que j’ai composée en poèmes
Mon encre a séché, mais sa gloire
Te parle encore, toi qui aimes
Je l’ai aimée d’aucune loi
Mais de sa grâce et ses vertus
Et mon amour n’eut point de peine
Et son amour fit mon salut
Le silence couvre la plaine
Recueille-toi.
- XVII-
Regarde-les mon fils : la vie les a conduits
Comme un vent fou sans âme et sans nulle raison
Tourne les feuilles mortes au soleil à midi
Les roule dans la boue sous l’averse des pluies
Ils attendent un jour où viendrait le bonheur
Ils restent là assis au bord de l’existence
Rêvant au bel Alcyon pour les porter ailleurs
Tout cela n’est rien Je t’enseigne la grandeur
N’attend rien ne prie que Dieu Lui seul est ton maître
Qui règne dans la gloire de tes oraisons
Tout le reste est pour toi qu’il te faudra soumettre
A ton feu à ta loi au sang de tes ancêtres
Fais ce que tu voudras mais veuille noblement
Alors ta seule faute serait ton inconstance
Aime Désire Ou soldat ou prêtre ou paysan
La terre s’ouvrira sous tes pas conquérants.
- XVIII-
Je pense à toi que je verrai ce soir
Et nos enfants embrassés dans le noir
Oh j’aurais voulu t’aimer tout le jour
Mais c’est le prix de notre amour
Que de partir ainsi à chaque aube de Dieu
Vers la conquête et la rémission du monde
Nous aurons d’autres jours à vivre tous les deux
Quand tes seins seront vides et mon bras sera vieux
Ne rêve pas d’autre destin
Le nôtre est écrit dans les étoiles
Par une Auguste Main
Et nous aurons un soir et nous aurons un matin
Comme au temps des premières genèses
Quand la gloire était jeune et jolie
Aux ongles d’or et peau de braise
Qu’il fallait mettre dans son lit
Elle renaîtra sur notre terre
Nous la forcerons tout à tour
Et moi à mon heure dernière
Je te dirai adieu mon Amour
Adieu je t’ai aimée je t’aimerai encor
Demande à notre Père aux saints que j’ai connus
Aux héros d’ici-bas à nos amis à Dor
Qu’ils me conduisent à mon salut
Ne rêve pas d’autre destin
Le nôtre est là dans les étoiles
Ecrit par une Autre Main
Et j’attends que se lève un jour qui m’appartient.
- IL –
Quand nous irons prier sous les étoiles
Formant la ronde de nos enfants
Nos mains se chercheront dans la nuit boréale
Et nos yeux contempler l’immense firmament
Vous nous les avez confiés Seigneur
Un jour il faudra vous les rendre
Vous avez fait notre bonheur
Puis enverrez un ange descendre
Ce sera Raphaël Dieu guérit
Celui qui conduit les voyageurs et les époux
Et quelques-uns des nôtres offriront comme nous
Des enfants rachetés pour votre Paradis
Ce sera Michaël Qui est comme Dieu
L’ange de la lumière et l’épée du soldat
Qui sépare l’enfer du Ciel radieux
Et l’un des nôtres peut-être livrera ce combat
Ce sera Gabriel La Force de Dieu
Qui annonce à Marie la toute pure femme
Une promesse inouïe d’un salut merveilleux
Et l’un des nôtre peut-être enseignera les âmes
Accueillez-nous dans nos œuvres Seigneur
Si vous retenez nos fautes comment serons-nous sauvés ?
Indignes de votre regard pauvres pécheurs
Mais nous vous avons aimé
Quand nous irons prier sous les étoiles
Nous veillerons là tant que le ciel se colore
Nos mains se trouveront dans la nuit boréale
Et nous verrons lever une nouvelle aurore.
- L –
Voilà Je referme ce livre
J’ai eu par Elle la grâce de vive
Un amour sans égal
Ne me jalouse point
J’ai brûlé ma jeunesse aux amoures dangereuses
Passant d’une fleur à l’autre comme l’abeille tueuse
Qui se darde soi-même J’aimais d’un amour vain
J’aimais l’amour je n’aimais pas
Sinon que mon reflet dans les yeux aux longs cils
Des femmes qu’embrassaient mes ardeurs inutiles
Et je préfère ce livre-là
Que te dirais-je
Elle était ma princesse des neiges
Et sans jamais l’avoir méritée
Le Ciel me l’a donnée
Pourquoi
Dans ce monde qui profanait l’amour
Elle !
Que te dire que son amour m’enseigna ?
Où posera ton cœur là sera ton destin
Ne le solde jamais au feu de tes passions
Mais pense à ton Seigneur et dans sa communion
Ecoute par la voix de celle que tu aimes
Une vois plus haute qu’elle-même
C’est le chant de l’Esprit-Saint
Ne cherche pas le bonheur auprès d’elle
C’est un fantôme de l’orgueil
Il va il vient comme les feuilles
Que le diable ramasse à la pelle
Et la vie soufflera de ses flammes
Sur ce trésor caché illusoire
Dans ce rêve devenu cauchemar
Tu y perdras elle et ton âme
Non, pas le bonheur mais la joie
La joie sera votre citadelle
Que vous érigerez toi et elle
Sur le ciment de votre foi
Elle s’élèvera jour après jour
Nuit après nuit
Et tu comprendras que l’amour
Est un effort
Il n’y a pas d’autre trésor
Que celui que vous aurez conquis
Le reste tout ce que tu ne peux accomplir
Est dans le plan de Dieu
Oh je ne voudrais pas te mentir
J’ai été follement heureux
Oui je l’ai eu ce bonheur
Que je méprisais à vingt ans
Et je crains pour cela mes vieux ans
De paraître devant mon Seigneur
Car il me fut beaucoup donné
Prends alors ce que j’ai reçu
Prends-le prend tout mon enfant
Pour toi pour celle que tu aimeras
Pour moi aussi
Quand tout sera fini
Je ne veux rien laisser
Je ne passerai pas
Que tout ne soit rendu
Et j’irai calme et nu
Frapper timidement
A mon éternité.
Sommaire
I. Je rêve au maître de Ronsard…
II. Je ne suis pas la fiancée promise…
III. Les monstres d’enfer ont vagi leurs hurlements…
IV. Tes bas blancs, vierge amour…
V. Viens ombre de mes rêves…
VI. Tu fermes les yeux…
VII. Devant l’immensité de tes paysages…
VIII. Par le doux sursaut de sa chair…
IX. Touche-moi…
X. Je baise la beauté nue…
XI. Reviens, aimée, ma main tremble à présent de t’écrire…
XII. Tu sauras, mon fils, que j’ai été si peu poète…
XIII. Le Blason
XIV. Bienvenue, mon nouveau-né…
XV. Femme…
XVI. Les oriflammes
XVII. Tes yeux brillaient dans la pénombre de l’alcôve…
XVIII. Mon cœur mon tout ma vie…
XIX. Je n’ai que mon amour à te donner en gage…
XX. Feuille blanche…
XXI. La main posée sur ton berceau…
XXII. Où est-elle ?..
XXIII. Lors que je méditais au bord d’une fenêtre nocturne…
XXIV. J’ai bu tes perles de chagrin…
XXV. Dans le train qui m’emmène la nuit loin de chez nous…
XXVI. Oui !..
XXVII. A vous, je dis, belle figure…
XXVIII. Dans le vacarme de la rue…
XXIX. Je me souviens du sacrement…
XXX. Tu es ma grâce…
XXXI. Ne parle pas…
XXXII. Devant la crèche de Noël…
XXXIII. Il n’est pas de si doux ni de plus bel hommage…
XXXIV. Une table de feutrine rouge…
XXXV. Petit oiseau dedans sa cage…
XXXVI. Aime-moi, mon Amour…
XXXVII. Il faut parfois souffrir pour savoir que l’on aime…
XXXVIII. Ton ventre est rond…
XXXIX. Vous qui venez d’elle et moi…
XL. Je voudrais bien t’aimer sous un ciel africain…
XLI. La maison aux volets rouges
XLII. Ö fleur ô ma déesse elle était endormie…
XLIII. Ils disent qu’après tant d’années…
XLIV. Un fil d’argent raye mes cheveux noirs…
XLV. Ne te retourne pas…
XLVI. Passant des siècles à venir…
XLVII. Regarde-les, mon fils…
XLVIII. Je pense à toi que je verrai ce soir…
XLIX. Quand nous irons prier sous les étoiles…
L. Voilà Je referme ce livre…
Illustration de couverture : Louis-Joseph de Boisbrunet, gouache sur papier