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Jean-Jacques Urvoas 20 avril 2015 1 LES 10 PRINCIPAUX APPORTS DU DEBAT PARLEMENTAIRE SUR LE PROJET DE LOI RELATIF AU RENSEIGNEMENT Soucieuse de garantir les libertés individuelles, l’Assemblée nationale a considérablement enrichi le projet de loi relatif au renseignement : accroissement des pouvoirs et capacités de contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de recueil du renseignement (CNCTR), renforcement de la procédure d’autorisation de mise en œuvre des techniques, renforcement des conditions d’indépendance des membres de cette autorité administrative indépendante, création d’un statut de lanceur d’alerte afin de pouvoir révéler les illégalités commises, etc. En commission des Lois (172), comme en séance publique (88), de très nombreux amendements ont été adoptés, en provenance de tous les groupes politiques, afin de renforcer les garanties initiales figurant dans le texte gouvernemental. 1. Renforcement de la composition, de l’indépendance et des pouvoirs de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement La composition et les pouvoirs de la CNCTR ont fait l’objet d’un souci particulier. – une commission de 13 membres (au lieu de 9 dans le texte initial) comprenant trois députés et trois sénateurs (au lieu de deux), trois membres du Conseil d’État et trois magistrats de la Cour de cassation (au lieu de deux) et une personnalité qualifiée en raison de ses connaissances en matière de communications électroniques ; – une commission dont les membres sont nommés directement par les autorités dont ils sont issus et non par le pouvoir exécutif ; – une composition respectant la règle de la parité ; – un président de la Commission nommé parmi les membres du Conseil d’État ou les magistrats de la Cour de cassation par le président de la République ; – un renforcement des outils mis à la disposition de la Commission par rapport au texte initial : *accès aux locaux, *accès aux dispositifs de traçabilité, *contrôle des opérations de transcription,

Les 10 principaux apports du débat parlementaire sur le projet de loi relatif au renseignement

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  • Jean-Jacques Urvoas 20 avril 2015

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    LES 10 PRINCIPAUX APPORTS DU DEBAT PARLEMENTAIRE SUR LE PROJET DE LOI RELATIF AU RENSEIGNEMENT

    Soucieuse de garantir les liberts individuelles, lAssemble nationale a considrablement enrichi le projet de loi relatif au renseignement : accroissement des pouvoirs et capacits de contrle de la Commission nationale de contrle des techniques de recueil du renseignement (CNCTR), renforcement de la procdure dautorisation de mise en uvre des techniques, renforcement des conditions dindpendance des membres de cette autorit administrative indpendante, cration dun statut de lanceur dalerte afin de pouvoir rvler les illgalits commises, etc.

    En commission des Lois (172), comme en sance publique (88), de trs nombreux amendements ont t adopts, en provenance de tous les groupes politiques, afin de renforcer les garanties initiales figurant dans le texte gouvernemental.

    1. Renforcement de la composition, de lindpendance et des pouvoirs de la Commission nationale de contrle des techniques de renseignement

    La composition et les pouvoirs de la CNCTR ont fait lobjet dun souci particulier.

    une commission de 13 membres (au lieu de 9 dans le texte initial) comprenant trois dputs et trois snateurs (au lieu de deux), trois membres du Conseil dtat et trois magistrats de la Cour de cassation (au lieu de deux) et une personnalit qualifie en raison de ses connaissances en matire de communications lectroniques ;

    une commission dont les membres sont nomms directement par les autorits dont ils sont issus et non par le pouvoir excutif ;

    une composition respectant la rgle de la parit ;

    un prsident de la Commission nomm parmi les membres du Conseil dtat ou les magistrats de la Cour de cassation par le prsident de la Rpublique ;

    un renforcement des outils mis la disposition de la Commission par rapport au texte initial :

    *accs aux locaux,

    *accs aux dispositifs de traabilit,

    *contrle des oprations de transcription,

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    *pouvoirs dinformations accrus,

    *moyens humains, techniques et financiers garantis,

    *saisine largie du Conseil dEtat ;

    2. Renforcement de la procdure dautorisation de mise en uvre des techniques de recueil de renseignement

    LAssemble nationale sest galement attache renforcer la procdure dautorisation confie la Commission nationale de contrle des techniques du renseignement, une autorit administrative indpendante. Plusieurs garanties ont t adoptes :

    tout avis rendu individuellement par la CNCTR doit ltre par lun des six magistrats, procdure reconnue comme une garantie par la Cour europenne des droits de lHomme ;

    ltablissement des relevs de la mise en uvre des techniques de recueil de renseignement est ralis sous lautorit des services du Premier ministre et sous le contrle permanent de la CNCTR ;

    -motivation des dcisions du Premier ministre qui ne suivent pas les avis de la CNCTR et capacit pour celle-ci de saisir le Conseil dEtat en consquence ;

    amnagements des deux procdures durgence (urgence absolue et urgence oprationnelle) aux critres restreints et soumis lapprciation de la CNCTR qui, en cas de dsaccord, peut saisir le Conseil dEtat ;

    - exclusion des professions protges (magistrats, avocats, journalistes) et des parlementaires de la mise en uvre de techniques de recueil de renseignement en urgence ou dintroduction dans un lieu priv dhabitation ; obligation de runion plnire de la CNCTR pour mettre un avis sur une demande de surveillance dune personne ; encadrement strict de la transcription qui doit respecter les secrets protgs de ces professions.

    dfinition dans la loi (et non par dcret) des dures de conservation des renseignements compter de la premire exploitation et dans un dlai maximal de six mois : 30 jours pour les correspondances interceptes et 90 jours pour les renseignements obtenues par sonorisation, localisation et captation dimages lexclusion du recueil des donnes de connexion (5 ans compter de leur recueil).

    3. Amlioration du contrle de laccs aux donnes de connexion et aux interceptions de scurit

    LAssemble nationale a galement apport un soin particulier aux procdures encadrant la collecte des renseignements. Plusieurs mesures capitales ont t prises :

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    renforcement du rle de centralisation des renseignements collects grce au Groupement interministriel de contrle (GIC) ; accs permanent de la CNCTR au GIC des fins de contrle ;

    mise en place dune procdure dautorisation pralable du Premier ministre pour le recueil en temps rel des donnes de connexion sur les rseaux des oprateurs ;

    interdiction de la procdure durgence pour la mise en uvre de la technique mentionne larticle L. 851-4 du code de la scurit intrieure (algorithme) ; accs permanent de la CNCTR au code source des fins de contrle ; capacit de saisine du Conseil dEtat si une anomalie est constate; limitation de la collecte des donnes des seuls terroristes en cas de menace avre ; interdiction daccs au contenu des changes ;

    mise en place dun quota dIMSI-catcher pouvant tre utiliss simultanment et capacit de suivi en temps rel ; centralisation des donnes collectes et imposition dun dlai de 90 jours pour dtruire les donnes non pertinentes.

    alignement de la procdure applicable aux chevaux de Troie administratifs sur celle applicable en matire judiciaire (autorisation ministrielle prise aprs avis de lAgence nationale de la scurit des systmes d'information). - Enfin, la protection des donnes personnelles a t inscrite dans la loi.

    4. Dispositions relatives aux agents spcialiss des services de renseignement

    Un statut de lanceur dalerte a t cr afin dapporter une protection juridique tout agent des services de renseignement souhaitant rvler des illgalits commises.

    Une protection a galement t envisage lorsquils agissent ltranger.

    Enfin, les dputs ont introduit la possibilit de raliser des cyber-patrouilles afin de rpondre une demande de la CNIL dans son avis rendu public le 19 mars.

    5. Amlioration des garanties en cas de recours devant le Conseil dtat

    Le contrle juridictionnel confi au Conseil dEtat, lment dterminant de la protection des liberts individuelles des citoyens qui pourront le saisir tout moment, a t amlior :

    cration dune formation particulire de la section du contentieux ou de lassemble du contentieux pour juger certaines requtes sensibles, pour limiter le nombre de membres habilits s-qualits au secret de la dfense nationale ;

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    possibilit de transfrer toute question de droit la section du contentieux ou lassemble du contentieux en formation ordinaire, la requte au fond tant examine par une formation de jugement spcialise ;

    -capacit pour un juge ou les parties de saisir le Conseil dEtat dans le cadre dun contentieux concernant des techniques de recueil du renseignement.

    6. Prcisions sur les finalits de la politique de renseignement

    LAssemble nationale, jugeant trop peu prcises les notions de scurit nationale et de violences collectives portant gravement atteinte la paix publique , a entrepris de dtailler les intrts publics que les services de renseignement pourront protger dans les seuls cas o leur dcret constitutif les y autorise.

    Ces deux finalits ont donc t dtailles grce lintroduction de notions juridiques connues et ne pouvant pas faire lobjet dinterprtation : la prvention des atteintes la forme rpublicaine des institutions (en rfrence larticle 89 de la Constitution), des violences collectives de nature porter atteinte la scurit nationale (en sappuyant sur larticle L. 1111-1 du code de la dfense) ainsi que la prvention de la prolifration des armes de destruction massive.

    Pour faire face une situation gopolitique marque par une mondialisation hyperconcurrentielle et lusage du renseignement par nos partenaires comme dun lment stratgique, lAssemble nationale a souhait remplacer la notion de sauvegarde par celles de dfense et promotion. De manire indniable, les services de renseignement participent dj la promotion de nos intrts diplomatiques, militaires et conomiques, il convenait donc de reconnatre cette fonction dcisive et inhrente au renseignement lui-mme.

    Il a t clairement raffirm la nature de politique publique du renseignement ainsi que son rattachement exclusif aux activits de lEtat afin dviter toute privatisation.

    7. Renforcement des sanctions pnales

    Les parlementaires ont voulu procder au durcissement de lchelle des sanctions pcuniaires en cas de cyberattaque, comme la rcemment illustr le piratage du site de TV5 monde : doublement des sanctions pcuniaires applicables en cas de manuvre frauduleuses l'encontre d'un systme de traitement automatis des donnes et triplement lorsque les pirates s'attaquent un systme de traitement automatis de donnes caractre personnel mis en uvre par l'tat.

    8. Capacit pour les oprateurs de transport routiers proposant des prestations internationales de plus de 250 km de rpondre des demandes cibles effectues par Tracfin

    Il sera dsormais possible daccder aux donnes de voyage concernant les djihadistes qui se rendent en Syrie en empruntant des transports afin deffectuer un meilleur suivi du danger quils reprsentent.

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    9. Cration dun fichier judiciaire national automatis des auteurs dinfractions terroristes (FIJAIT)

    Sur proposition du Gouvernement, un amendement a t adopt afin de crer un fichier consacr la lutte contre le terrorisme.

    10. Possibilit pour les services de renseignement spcialiss du ministre de la Dfense davoir recours la rserve oprationnelle et la rserve citoyenne

    Dans la mesure o les services de renseignement doivent souvrir sur la socit, il tait ncessaire dassouplir les rgles encadrant le recrutement des rservistes dsirant uvrer au sein de ces administrations.