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LES ACTIVITÉS MÉDICO- LÉGALES AU MAROC La nécessité d’une réforme globale

les activités médico- légales au maroc

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LES ACTIVITÉSMÉDICO-LÉGALESAU MAROCLa nécessité d’une réforme globale

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LES ACTIVITÉSMÉDICO-LÉGALESAU MAROCLa nécessité d’une réforme globale

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P u b l i c a t i o n d u C o n s e i l n a t i o n a l d e s d ro i t s d e l ’ H o m m eJu i n 2 0 1 3 - R a b a t

LES ACTIVITÉSMÉDICO-LÉGALESAU MAROCLa nécessité d’une réforme globale

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Table des maTières

inTroducTion

objeT eT objecTifs de la mission

médecine légale eT droiTs de l’Homme : normes eT principes

cHapiTre i : les eXperiences inTernaTionales en maTiere d’acTiViTes medico-legales

1. les modèles d’organisation des activités médico-légales2. les cursus de formation en médecine légale

cHapiTre ii : la medecine legale eT les acTiViTesmedico-legales au maroc

1. la médecine légale au maroc : un rappel historique2. le cadre législatif et réglementaire des activités médico-légales2.1 L’encadrement législatif et réglementaire des prestations médico-légales2.2 L’encadrement institutionnel des prestataires des services médico-légaux

3. etat des lieux3.1 Activités médico-légales dans les morgues hospitalières et municipales3.2 Activités de délivrance des certificats médico-légaux dans les hôpitaux 3.3 Les expertises médico-judiciaires

cHapiTre iii : recommandaTions pour une reformedes acTiViTes medico-legales

1. refonte du cadre législatif et réglementaire1.1 Créer un cadre institutionnel national pour l’activité médico-légale1.2 Créer un cadre légal et réglementaire pour les activités médico-légales

2. mettre le service public hospitalier au cœur du dispositif2. 1. Justifications de l’intégration hospitalière de la médecine légale2. 2. Place des morgues municipales, des médecins des Bureaux municipaux d’hygiène et des médecins du secteur privé dans le dispositif proposé

3. révision des conditions d’inscription dans les tableaux des experts4. créer un maillage territorial avec un schéma régional4. 1. Concernant l’activité des autopsies4. 2. Concernant l’activité clinique et les levées de corps

5. conforter la formation de tous les intervenants5.1. La formation pré-graduée5. 2. La formation post-graduée5. 3. La formation médicale continue5. 4. La formation des autres intervenants non médecins

6. Assurer un financement juste et pérenne6. 1. Réaffirmer le principe d’un financement de la médecine légale sur frais de justice6. 2. Réexaminer les tarifs dus au titre des frais de justice6. 3. Rationaliser et simplifier les procédures de paiement

conclusion

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inTroducTion

Conscient des enjeux importants des activités médico-légales pour une bonne administration de la justice, tant civile que pénale et de l’intervention, de plus en plus croissante, des sciences médicales pour garantir l’accès à un procès équitable, respectueux des droits de la défense et des victimes ;

Considérant que la médecine légale est un outil important pour la constatation de cas de violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire ;

Et dans le cadre de ses attributions telles que stipulées par le Dahir N° 1-11-19 du 01/03/2011, visant notamment la protection et la promotion des droits de l’Homme, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a entrepris une consultation sur les activités médico-légales, afin de déterminer les modalités de mise en œuvre au Maroc d’une réforme de ce secteur auxiliaire de la justice.

Cette mission s’inscrit également dans l’esprit des recommandations de l’Instance Equité et Réconciliation, reprises par la Commission de suivi et de mise en œuvre desdites recommandations dans son rapport de 2009, dans lequel la Commission souligne l’importance de développer les services de médecine légale, de renforcer leurs moyens humains, d’augmenter leur budget et de réviser leurs relations hiérarchiques avec le ministère concerné par les expertises qu’ils mènent.

Cette mission tient sa légitimité d’abord des enjeux judiciaires multiples liés à l’activité médico-légale. En effet, les constats médico-légaux sont appelés à jouer un rôle souvent déterminant pour établir la qualification et le déroulement des faits, quand il s’agit d’atteintes ou de suspicion d’atteintes à la vie, ou à l’intégrité physique des personnes, grâce à la pratique de levées de corps ou d’autopsie en cas de décès, et à la délivrance de certificats médico-légaux en cas de blessures volontaires ou involontaires ou d’agressions sexuelles. Ces constats sont également décisifs dans les investigations sur les allégations de torture, ou dans les procédures d’identification des victimes de catastrophes de masse ou de restes squelettiques, ainsi que pour le dépistage d’une consommation récente d’alcool ou de drogues et du transport intracorporel de drogues. De même, l’expertise médico-légale est également fondamentale lorsqu’il s’agit d’apprécier le degré de responsabilité de l’auteur d’une infraction, sa personnalité ou son âge, d’apprécier la compatibilité de l’état physique ou psychique de la personne avec une mesure restrictive ou privative de liberté, notamment durant la garde à vue.

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A côté des enjeux judiciaires qui sont intimement liés aux droits des victimes, des mis en cause ou des condamnés, les activités médico-légales comportent également une dimension médico-socio-psychologique étroitement liée à médico-légal. Ainsi, l’accueil des victimes de violences constitue une occasion pour leur apporter une écoute bienveillante, un soutien psychologique et une orientation correcte vers d’autres médecins spécialistes, services de soins, intervenants institutionnels ou associations d’aide aux victimes. L’examen des personnes en garde à vue et des victimes de violences sexuelles permet d’apprécier les risques sanitaires liés à la mesure privative de liberté pour les premiers, ou à l’agression elle-même pour les seconds (risque de grossesse et d’infections sexuellement transmissibles ...).De ce fait, les actes médico-légaux sont le plus souvent indissociables de l’acte de soins lui-même.

Enfin, l’activité médico-légale comporte des enjeux financiers non négligeables. Certes, les dépenses liées à cette activité n’ont jamais été évaluées. Mais, si on prend en considération les dépenses au titre des frais de justice, auxquelles on ajoute les frais de mise à disposition des locaux, des équipements et du personnel par les hôpitaux et les municipalités, on s’aperçoit rapidement de l’importance des dépenses associées à cette activité, qui ne sont couvertes que dans une faible proportion par les frais de justice.

Les enjeux financiers associés à l’activité médico-légale sont également évidents lorsqu’il s’agit d’évaluer le dommage corporel en vue de l’indemnisation des victimes, tant pénale que civile. L’équilibre financier des compagnies d’assurance et des organismes tiers payeurs peut être fortement affecté par les évaluations médico-légales du dommage corporel.

Tenant compte de ces enjeux multiples, la consultation diligentée par le CNDH a été confiée à une équipe multidisciplinaire qui a ainsi questionné trois champs d’activités médico-légales : le champ thanatologique comprenant les autopsies et les examens externes des cadavres, qu’ils soient effectués dans des morgues hospitalières ou municipales(i), le champ des certificats médico-légaux de tous genres y compris pour les femmes et enfants victimes de violences et qui sont principalement dispensés par les hôpitaux(ii) et enfin le champ des expertises médico-judiciaires, principalement exécutées par des médecins inscrits sur les tableaux des experts auprès des Cours d’appel(iii).

Dans cette optique, l’équipe a commencé par étudier les textes législatifs et réglementaires permettant ou imposant le recours aux services d’un médecin pour les besoins de la justice.

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De même, une étude comparative avec plusieurs expériences internationales d’organisation de la médecine légale a été effectuée, afin de mieux appréhender les particularités de la situation marocaine et inspirer des propositions de réforme. Cette comparaison a concerné également le champ de la formation en médecine légale et dans les activités d’expertise médicale.

L’équipe a ensuite tenu des séances préliminaires d’information et de coordination en matière de visites et de documentation au sein des administrations centrales. Au ministère de la Santé, elle a rencontré le directeur des hôpitaux et des soins ambulatoires et la directrice de la réglementation et du contentieux. Au ministère de la Justice et des Libertés, elle s’est entretenue avec le directeur des affaires civiles et au ministère de l’Intérieur, elle s’est réunie avec des responsables de la direction générale des collectivités locales. Ces réunions ont permis de planifier les visites qui ont été effectuées ultérieurement au niveau des tribunaux, des hôpitaux et des morgues municipales. Elles ont également permis de collecter à l’échelle centrale des informations sur les structures dispensant des activités médico-légales, leur infrastructure, leur équipement, leur organisation générale, le personnel en charge de ces activités et leur financement.

Considérant que seule des visites de terrain sont à même de rendre compte fidèlement des conditions de réalisation des activités médico-légales étudiées par la mission, l’équipe a élaboré un guide d’entretien et de collecte des informations au niveau des sites visités en liaison avec les objectifs visés par la mission.

Le choix des villes à visiter a été minutieusement étudié pour rendre compte de la diversité des pratiques et des modèles d’organisation des activités médico-légales. Ces visites ont concerné dans chacune des villes :

Le Tribunal de première instance avec des entretiens avec le président du tribunal, des magistrats, le chef-greffier et le Bureau des expertises ; L’Hôpital principal de la ville (Centre hospitalier universitaire, Hôpital régional ou

provincial) avec des entretiens avec le directeur et son staff et le service des urgences, de l’Unité d’accueil des femmes et enfants victimes de violence et de la morgue hospitalière ; Le Bureau municipal d’hygiène de la ville lorsqu’il dispense des activités médico-

légales avec un entretien avec le directeur et la morgue municipale.

Les visites aux tribunaux ont permis de recueillir des informations relatives au nombre et aux qualifications des médecins inscrits sur les tableaux des experts, les modalités de désignation des experts, de notification de leur mission et leur rémunération. Des échantillons de rapports d’expertise médico-judiciaire dans différentes instances ont été aussi collectés.

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Les visites aux urgences hospitalières ont permis d’identifier les différents circuits de délivrance des certificats médico-légaux et les éléments existants d’enregistrement et de traçabilité de cette activité. La prise en charge médico-psycho-sociale des femmes et enfants victimes de violence a été également évaluée, conformément aux standards établis par le ministère de la Santé. Enfin, les visites des morgues hospitalières et municipales ont permis de constater l’état des infrastructures et des équipements offerts pour l’activité thanatologique, les conditions de travail du personnel en charge de cette activité et son niveau de qualification, le nombre d’actes médico-légaux dispensés et le niveau de coordination existant entre les autorités judiciaires et les prestataires de service.

Ont pris part à ces visites les membres de l’équipe pluridisciplinaire mobilisée et, selon la structure visitée, des membres des Commissions régionales du CNDH.

Calendrier des visites :

Une fois les visites de terrain réalisées et le projet d’étude rédigé, une réunion de présentation des principaux constats et des recommandations a été organisée le 21 mai 2013 avec les principales parties prenantes. Cette réunion de travail a rassemblé des représentants de la Gendarmerie Royale, de la Direction du contentieux et de la Direction des hôpitaux du ministère de la Santé, des Directions des affaires civiles et des affaires pénales et de la grâce du ministère de la Justice et des Libertés, de la Direction générale des collectivités locales du ministère de l’Intérieur, et de la Police scientifique à la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN).

Ville date de la visite

Tanger 18/1/2013

El Jadida 22/1/2013

Safi 23/1/2013

Khouribga 5/2/2013

Rabat 6/2/2013 et 12/2/2013

Fès 7/2/2013

Casablanca 8/2/2013

lieux visités

Tribunal de première instance, Centre hospitalier provincial Mohammed V, Morgue communale à l’hôpital Duc de Tovar Tribunal de première instance, Centre hospitalier provincial Mohammed V Tribunal de première instance, Centre hospitalier régional Mohammed V, morgue communale Tribunal de première instance, Centre hospitalier provincial Mohammed V tribunal de première instance, Hôpital Avicenne, Morgue municipale tribunal de première instance, Centre hospitalier provincial Al Ghassanitribunal civil de première instance, Hôpital régional Moulay Youssef, Hôpital Ibn Rochd, Morgue municipale

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objeT eT objecTifs de la mission

La présente étude est la première du genre consacrée aux activités médico-légales effectuées au Maroc dans leur globalité. Elle a pour vocation d’accompagner le chantier actuellement ouvert de la réforme profonde et globale du système judiciaire.

Cette étude est conçue avec les objectifs suivants :

Attirer l’attention sur les enjeux cruciaux liés à l’activité médico-légale et leur rapport étroits avec les droits des victimes, les mis en cause ou les condamnés et ce, à toutes les phases du processus judiciaire ; Analyser les textes législatifs et réglementaires permettant de désigner un médecin

comme auxiliaire de la justice et d’encadrer son activité ; Disposer de modèles internationaux d’organisation de la médecine légale et des

expériences de la formation dans ce domaine ; Identifier, à travers l’observation des structures médico-légales et le profil des médecins

prestataires d’actes médico-légaux, les déficits du système national de médecine légale; Formuler des propositions et recommendantions aux départements ministériels

concernés, visant à donner un cadre institutionnel à l’activité médico-légale avec un réseau de structures homogène, cohérent et évolutif impliquant des dispositifs de contrôle et d’évaluation, afin de répondre aux exigences d’efficacité, de sécurité et d’égalité des citoyens devant la justice ; Inciter à une meilleure coordination entre les acteurs institutionnels et ceux de la

société civile pour la création d’un espace de réflexion et de conception des politiques visant à promouvoir la médecine légale et la formation dans ce domaine.

médecine légale eT droiTs de l’Homme :normes eT principes

La médecine légale a été toujours considérée comme un outil important pour l’investigation sur les cas de violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire.

Ainsi, l’ancienne Commission des droits de l’Homme dans sa résolution 2000/321 constatait que :

La médecine légale est un outil important pour recueillir des éléments de preuve de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que d’exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ; La pratique de la médecine légale consiste à examiner non seulement des personnes

décédées, mais aussi des personnes en vie, et comporte également des procédures d’identification ;

1- Résolution de la Commission des droits de l’homme 2000/32 : Les droits de l’Homme et la médecine légale ; 60ème séance, 20 avril 2000.

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De nombreux pays intéressés n’ont pas suffisamment de spécialistes en médecine légale et de disciplines apparentées pour enquêter efficacement sur les violations des droits de l’Homme ; Les gouvernements, les organisations intergouvernementales et les organisations

non gouvernementales ont besoin de spécialistes en médecine légale à l’occasion d’enquêtes sur des morts ou des disparitions.

La Commission s’était félicitée par ailleurs du recours accru à la médecine légale pour des enquêtes sur des situations ayant donné lieu à de graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, et avait préconisé une coordination plus poussée concernant notamment, la planification et la conduite de telles enquêtes par des gouvernements, des organisations intergouvernementales et des organisations non gouvernementales. De même, elle avait recommandé au Secrétaire général d’établir, dans un souci de qualité et de cohérence, des procédures permettant d’évaluer le recours à des spécialistes de médecine légale et le bilan des efforts en la matière.

Dans le cadre de la protection des personnes soumises à la détention ou à l’emprisonnement, le principe 24 de l’Ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement2

stipule que «Toute personne détenue ou emprisonnée se verra offrir un examen médical approprié dans un délai aussi bref que possible après son entrée dans le lieu de détention ou d’emprisonnement ». Le principe 25 prévoit même que : « la personne détenue ou emprisonnée ou son conseil a, sous la seule réserve des conditions raisonnablement nécessaires pour assurer la sécurité et le maintien de l’ordre dans le lieu de détention ou d’emprisonnement, le droit de demander à une autorité judiciaire ou autre un deuxième examen médical ou une deuxième opinion médicale».

Les Règles des Nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté3 prévoient au paragraphe 50 que : « Dès son admission dans un établissement pour mineurs, chaque mineur a le droit d’être examiné par un médecin afin que celui-ci constate toute trace éventuelle de mauvais traitement, ... ».

Les Principes des Nations unies relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et d’établir la réalité de ces faits, insistent sur l’importance d’une investigation médicale efficace et indépendante4.

2 - Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 43/173 du 9 décembre 1988.3- Règles des Nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté, adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 45/113 du 14 décembre 1990.4 - Principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour établir la réalité des faits, adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies le 4 décembre 2000 (résolution 55/89)

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Le Protocole d’Istanbul, qui constitue le manuel adopté par les Nations unies pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants5

comporte des directives pour les experts médecins en vue du recueil des preuves physiques et psychologiques de la torture tout en respectant les règles d’éthique applicables.

Les Principes des Nations unies relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement sur ces exécutions6, comportent des directives importantes pour les États sur la manière de conduire ces enquêtes. Ainsi, le principe 12 stipule : « Il ne sera pas pris de disposition au sujet de la dépouille mortelle tant qu’une autopsie adéquate n’aura pas été effectuée, ... Les personnes effectuant l’autopsie auront accès à toutes les données de l’enquête, au lieu où le corps a été découvert et à celui où le décès est censé s’être produit, ...». Le Principe 13 ajoute que : « La dépouille mortelle devra être mise à la disposition de ceux qui effectuent l’autopsie pendant une période de temps raisonnable pour permettre une enquête approfondie. L’autopsie devra à tout le moins viser à établir l’identité du défunt ainsi que la cause et les circonstances du décès. La date, l’heure et le lieu du décès devront être précisés autant que possible. Des photographies en couleurs détaillées du défunt seront incluses dans le rapport d’autopsie afin d’étayer les conclusions de l’enquête. Le rapport d’autopsie devra relater toutes les lésions constatées, y compris toute preuve de torture».

Le Conseil de l’Europe a adopté en 1999 une recommandation relative à l’harmonisation des règles en matière d’autopsie médico-légale7 en soulignant qu’au cours de l’autopsie médico-légale, les modalités d’investigation, de description des lésions, de documentation photographique et de prélèvement des échantillons doivent être conformes aux principes fondamentaux de l’art médical et de la science, tout en prenant en considération les impératifs des procédures judiciaires en vigueur.

Le Principe I de cette recommandation souligne que : « Particulièrement en cas d’homicide ou de décès suspect, le médecin légiste devrait être informé sans délai et, le cas échéant, se rendre immédiatement sur les lieux, et y avoir immédiatement accès. A cet égard, une structure de coordination adéquate entre toutes les personnes concernées, notamment entre les organes de justice, le médecin légiste et la police devrait être mise en place ». Il est également précisé que le médecin légiste doit être informé sans délai de toutes les circonstances relatives à la mort.

5- Haut commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme : Protocole d’Istanbul : manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants ; HR/P/ PT/8/Rev.1.; 2005.6- Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement sur ces exécutions, recommandés par le Conseil économique et social dans sa résolution 1989/65 du 24 mai 1989.7- Conseil de l’Europe, Comité des ministres : Recommandation N°R (99) 3 du Comité des ministres aux Etats membres relative à l’harmonisation des règles en matière d’autopsie médico-légale, adoptée le 2 février 1999 lors de la 658ème réunion des délégués des ministres.

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Le principe II stipule que : « Les autopsies médico-légales devraient être pratiquées, dans la mesure du possible, par deux médecins, dont l’un au moins devrait être médecin légiste ».

Les principes III, IV et V traitent des procédures d’identification, de l’examen externe et de l’examen interne du corps. La procédure des prélèvements est variable d’un cas à l’autre, mais doit comporter au minimum un échantillonnage de base des principaux organes pour des examens histologiques et un échantillon de sang, d’urine et du contenu gastrique.

La recommandation détaille également les procédures particulières d’autopsie dans certaines circonstances de décès (ex. strangulation, noyade, mort subite, par arme à feu, ...) La médecine légale est également concernée par les droits des victimes d’atteintes à leur intégrité physique. Outre l’assistance et l’orientation que les médecins légistes pourraient apporter à ces victimes, ils participent au recueil des preuves médico-légales des violences subies et à la réparation du préjudice subi, par une évaluation efficiente et indépendante des dommages corporels. Ainsi, la Déclaration des Nations unies sur les principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir8 stipule à l’article 4 que : « Les victimes doivent être traitées avec compassion et dans le respect de leur dignité. Elles ont droit à l’accès aux instances judiciaires et à une réparation rapide du préjudice qu’elles ont subi, comme prévu par la législation nationale ». Elle ajoute à l’article 5 « Il faut établir et renforcer, si nécessaire, des mécanismes judiciaires et administratifs permettant aux victimes d’obtenir réparation au moyen de procédures officielles ou non qui soient rapides, équitables, peu coûteuses et accessibles, ... »

Les Principes fondamentaux et directives des Nations unies concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’Homme et de violations graves du droit international humanitaire9 incluent le principe de l’indemnisation (principe 20) qui : « devrait être accordée pour tout dommage résultant de violations flagrantes du droit international des droits de l’Homme et de violations graves du droit international humanitaire, qui se prête à une évaluation économique, selon qu’il convient et de manière proportionnée à la gravité de la violation et aux circonstances de chaque cas, tel que :

a) Le préjudice physique ou psychologique ; b) Les occasions perdues, y compris en ce qui concerne l’emploi, l’éducation et les prestations sociales ; c) Les dommages matériels et la perte de revenus, y compris la perte du potentiel de gains; d) Le dommage moral ; e) Les frais encourus pour l’assistance en justice ou les expertises, pour les médicaments et les services médicaux et pour les services psychologiques et sociaux».

8- Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir, adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 40/34 du 29 novembre1985.9- Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire ; Résolution 60/147 adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 2005.

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Des interventions médico-légales sont également prévues pour la protection de personnes avec des incapacités. Ainsi l’article 5 de la Déclaration des Nations unies sur les droits du déficient mental10 stipule que : « Le déficient mental doit pouvoir bénéficier d’une tutelle qualifiée lorsque cela est indispensable à la protection de sa personne et de ses biens. »

Le recours aux expertises médico-légales est également requis pour l’appréciation des facultés mentales dans le cadre de la responsabilité pénale et pour déterminer l’aptitude d’un prévenu à suivre son procès en raison d’une incapacité physique ou mentale.

10- Déclaration des droits du déficient mental, adoptée le 20 décembre 1971 par l’Assemblée générale des Nations unies.

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cHapiTre i : les eXperiences inTernaTionales en maTiere d’acTiViTes medico-legales

1. les modèles d’organisation des activités médico-légales

Mieux connaître l’organisation de la médecine légale dans quelques pays étrangers permet d’éclairer l’appréciation pouvant être portée sur notre propre système et d’en tirer tous les enseignements utiles dans la perspective d’une réforme de celui-ci.

D’une manière sommaire, il est possible de distinguer deux grandes conceptions de l’organisation de la médecine légale. Dans une première conception, celle-ci apparaît comme une mission particulière du service public de la justice assurée comme telle par des structures publiques spécifiques, dotées de moyens propres et de personnels permanents ayant le statut de fonctionnaires. Dans une seconde conception, la médecine légale se présente comme une activité d’expertise confiée à des médecins, choisis au cas par cas et rémunérés à l’acte, qui exercent leur art, soit en dehors de toute structure publique, soit au sein de structures publiques ou privées. En réalité, aucun de ces deux modèles, institutionnel ou personnel, ne représente un réel type dans les différents pays, toutes les nuances et les combinaisons étant possibles. Toutefois, le financement de l’activité médico-légale est, quant à lui, assuré dans la quasi-totalité des cas par le budget du ministère de la Justice selon des modalités variables.

On retrouve le modèle institutionnel en Suisse, en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas, en Egypte, en Suède et au Portugal.

En Suisse, il existe six instituts de médecine légale, dont cinq ont un statut universitaire (Bâle, Berne, Genève, Lausanne et Zurich). Le sixième, à St-Gall, a un statut hospitalier. Dans les cantons ne disposant pas d’un institut de médecine légale, des médecins légistes indépendants interviennent à titre libéral ou comme salariés de l’administration cantonale. Les instituts, tous structurés selon le même modèle, comportent une unité de médecine légale, une unité de médecine de la route en charge de la détermination de l’aptitude à la conduite automobile, un laboratoire de toxicologie et un laboratoire de génétique médico-légale. La durée de la formation spécialisante est de quatre ans.

En Allemagne, la médecine légale thanatologique, clinique et même biotechnologique est pratiquée dans des instituts médico-légaux régionalisés relevant des universités et exécutée par des universitaires. Ces instituts sont ainsi financés par les facultés de médecine dont ils dépendent. Etant donné que la dotation ne couvre pas les activités de médecine légale accomplies sur mandat judiciaire, celles-ci font l’objet d’un paiement à l’acte par l’autorité requérante sur la base d’une tarification fixée par une loi fédérale.

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Une partie de la somme versée est destinée à couvrir les frais de structure (30% en moyenne du prix des autopsies), l’autre partie est destinée à couvrir les honoraires du médecin. L’activité principale des instituts est thanatologique et la plupart sont dotés d’un département de toxicologie et d’empreintes génétiques. La médecine légale du vivant est peu développée et les premières constatations des blessures et dommages corporels sont souvent délivrées par des cliniciens. La médecine légale clinique est reconnue comme sous-spécialité de la médecine légale dans quelques Länder seulement.

En Espagne, des instituts spécialisés existent dans presque chaque communauté autonome. Ils sont rattachés au ministère de la Justice qui finance directement leur création et leur fonctionnement. Les médecins légistes étant alors salariés de l’administration de la Justice, leurs prestations ne donnent pas lieu à un paiement à l’acte sur frais de justice.

Aux Pays-Bas, un institut unique assure la totalité des prestations de médecine légale, les médecins qui y sont rattachés peuvent se déplacer pour procéder aux autopsies.

En Egypte, les médecins légistes sont constitués en un corps hiérarchisé relevant directement du Parquet général.

Le Portugal et la Suède disposent chacun d’un Institut national de médecine légale, coordonnant des services régionaux et locaux et possédant une autonomie financière et administrative.

L’Institut national de médecine légale au Portugal, établi au centre du pays à Coimbra, comporte trois branches : celle du nord à Porto, celle du centre à Coimbra et la branche du sud à Lisbonne. Chaque branche supervise des centres de médecine légale qui sont au nombre de 31 dans tout le pays et sont établis dans les hôpitaux, en vertu d’une convention liant ces hôpitaux à l’Institut national. Les centres de médecine légale réalisent toutes les activités thanatologiques et cliniques (examens médico-légaux des victimes en urgence, évaluation du dommage corporel dans différents contextes, ...). Les activités d’analyses toxicologiques et génétiques sont centralisées aux sièges des trois branches.

Le deuxième modèle, caractérisé par une faible structuration de la discipline à l’échelle nationale est représenté en Italie et en France.

En Italie, quatre types de structures coexistent. Les instituts universitaires de médecine légale se consacrent à la recherche et à l’enseignement et effectuent une grande partie des autopsies. Les services de médecine légale des assurances et des instituts de protection sociale ont une activité orientée vers l’évaluation des incapacités de travail et des invalidités.

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Les services hospitaliers de médecine légale, peu nombreux, assurent une activité de conseil médico-légal pour l’hôpital et parfois des autopsies. Enfin, les services de médecine légale des unités sanitaires locales, créés en 1978, couvrent presque tout le territoire national, et concourent à l’activité d’autopsie, d’expertise judiciaire, de détermination des incapacités au travail ou de l’invalidité.

En France, l’intégration de la médecine légale dans sa globalité au sein du service public hospitalier a été décidée en 1974. Entre 8.000 et 8.500 autopsies ont été effectuées en 2004 dont 80 % réalisées dans des établissements publics de santé, avec plus de 11.000 levées de corps et près de 400.000 actes de médecine légale du vivant, pour un montant global de 80 millions d’euros, soit plus de 25% du montant total des frais de justice en matière pénale.

Malgré cette activité de masse aux enjeux importants, il n’y a pas en France de cadre légal ou réglementaire pour l’exercice de la médecine légale. Avant 2010, il n’existait pas de circulaires Santé-Justice relatives à la création de consultations médico-judiciaires d’urgence œuvrant. La circulaire du 27/12/2010, relative à la mise en oeuvre de la réforme de la médecine légale, abroge les circulaires précédentes en la matière et instaure un cadre réglementaire global pour la médecine légale.

En l’absence d’une politique nationale, les acteurs locaux (centres hospitaliers et juridictions) ont souvent pris l’initiative de coordonner leurs interventions par l’élaboration de conventions portant soit exclusivement sur la thanatologie, soit uniquement sur les consultations médico-judiciaires soit sur les deux. Le financement se fait généralement sur acte selon des périodicités variables. Les honoraires versé aux médecins sont à des taux variables. La somme retenue par l’établissement correspond aux frais de mise à disposition de la salle, du consommable et de l’assistance technique. Les médecins versent fréquement une partie de leur honoraires aux structures où ils interviennent. Certaines juridictions combinent enfin un versement à la structure et un versement aux médecins y exerçant.

Toutefois, un nouveau schéma directeur de l’organisation de l’activité médico-légale a été adopté en mars 2010 par les ministères de la Santé et de la Justice. Il a pour socle des structures dédiées de thanatologie et/ou du vivant implantées dans les établissements de santé.

Le financement se fait de manière annuelle et forfaitaire en fonction du volume de l’activité, par le biais d’une dotation budgétaire allouée à l’établissement public de santé et non plus à l’acte comme avant la réforme.

C’est ainsi qu’un centre de thanatologie employant à plein temps une moyenne de 2.5 praticiens hospitaliers, 1.5 secrétaires et 3 agents d’amphithéâtre, prévu pour effectuer plus de 300 autopsies par an, recevra annuellement près de 500.000 euros. Alors qu’une unité médico-légale du vivant, assurant une ligne de garde 24h/24 pour l’examen des victimes

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et des gardés à vue et employant à plein temps six praticiens hospitaliers, trois infirmiers diplômés d’état, une secrétaire et un agent de service se verra attribuer annuellement près de 1.000.000 euros.

Plus proche de nous, l’Algérie a connu un développement important de la discipline. Un Comité médical national de médecine légale, chargé de conseiller le ministre de la Santé sur le développement de la médecine légale et son organisation, a été mis en place par un arrêté qui date du1er juillet 1996. Les services de médecine légale sont entièrement intégrés dans les hôpitaux où ils ont :

Soit un statut de service hospitalo-universitaire assurant la formation des étudiants en médecine et la formation des résidents en médecine légale. Ces services sont au nombre de 13 répartis sur autant de Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) ; Soit un statut de services de santé publique, dont le nombre s’élève à 29 services.

Ces services employaient en 2006 près de 90 médecins légistes.

Les services les mieux structurés sont les services hospitalo-universitaires de médecine légale dans les villes universitaires qui comportent jusqu’à cinq unités créées par arrêté interministériel conjoint des ministères de la santé et de l’enseignement supérieur :

Une unité des explorations médico-judiciaires ; Une unité de thanatologie ; Une unité d’éthique et de droit médical ; Une unité d’hospitalisation des détenus ; Une unité de toxicologie médico-légale.

Certains services ont également une unité d’écoute et de prise en charge des toxicomanes.

Le financement des structures est assuré exclusivement par le ministère de la Santé. Les médecins perçoivent toutefois, à titre individuel et pour chaque mission accomplie au profit de la justice, une rémunération très ‘‘symbolique’’.

En Tunisie, il existe quatre services hospitalo-universitaires et autant de CHU (Tunis, Sousse, Monastir, Sfax). A l’instar de l’Algérie, les médecins légistes ont la priorité au niveau de l’inscription au tableau des experts. Seuls les médecins légistes et les médecins ayant le certificat d’aptitude à l’évaluation du dommage corporel sont en effet inscrits sur les listes des experts. Le mode de financement de l’activité médico-légale est le même qu’en Algérie.

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2. les cursus de formation en médecine légale

S’agissant de la formation en médecine légale, les dispositifs mis en place dans les différents pays sont d’une grande diversité. A l’échelle de l’Europe, on note une tendance à faire converger la durée et le contenu de la formation d’un médecin légiste. Ainsi, l’European Council of Legal Medicine (ECLM) dans un document soumis à l’Union européenne des médecins spécialistes le 14/9/201111 a délimité les champs de compétences et de connaissances en vue de se spécialiser en médecine légale. Ces connaissances concernent aussi bien :

Le champ de la médecine légale clinique qui inclut le domaine de l’évaluation et de l’interprétation des blessures, quels qu’en soient l’origine et le mécanisme de survenue, les addictions et les problèmes médico-légaux y afférents, les différents xénobiotiques d’intérêt médico-légal, les problèmes liés à la capacité et à la responsabilité pénale en cas de troubles psychiatriques ; Le champ thanatologique incluant des connaissances des différents modes de décès,

des phénomènes cadavériques, des techniques habituelles et particulières lors de l’examen externe et interne du corps ainsi que les différents prélèvements pour les investigations complémentaires en thanatologie ; Le champ du droit médical, de l’éthique et de la jurisprudence correspondante.

L’ECLM estime que la durée minimale de formation d’un médecin légiste est de quatre ans.

Une revue des différentes durées de formation en médecine légale en Europe fait ressortir une tendance à uniformiser la durée de formation en cinq ans (Suisse, Allemagne, Belgique).

En Allemagne, il est exigé du candidat à la spécialité d’effectuer au minimum 300 autopsies, 25 investigations de scènes de crime, 2000 examens histologiques et 25 examens ostéologiques et odontologiques.

En Belgique, le candidat doit avoir effectué 100 autopsies et 600 expertises pénales.

En Suisse, le candidat devra exécuter personnellement 50 investigations de scènes de crime, 100 autopsies médico-légales, 25 examens clinico-judiciaires et 25 appréciations du taux d’alcoolémie. Il devra en outre participer à l’exécution et à l’évaluation de 10 cas d’analyses chimio-toxicologiques, 10 cas de filiation biologique, 10 cas de traces génético-judiciaires, et 10 cas d’autres traces biologiques, et exécuter 200 expertises visant à établir la causalité. Le candidat doit également reconstituer des faits, déterminer l’aptitude à la conduite d’automobile et analyser des questions en relation avec la médecine pénitentiaire.

11- Description of Legal and Forensic Medicine as a Medical Specialty in the EU. Aims and Objectives for Specialist Training;The Executive Board of the European Council of Legal Medicine (ECLM), for and on behalf of the European Council of Legal Medicine, following approval of the Document by the Delegates of the Member States of the ECLM. 14.9.2011

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En France, le Certificat d’étude spécialisé (CES) de médecine légale qui permettait de se voir reconnaître la spécialité en médecine légale n’est plus délivré depuis 1985. Le Diplôme d’étude spécialisé complémentaire (DESC) de médecine légale et expertise médicale fut établi dans le prolongement des DES à l’intention de médecins possédant déjà un titre de spécialité. Il dure deux ans. La dernière année du DES constitue la première année du DESC.

Mais devant l’insuffisance du nombre de candidats à la formation par voie du DESC, une capacité de pratique médico-judiciaire sur deux années fut créée en 2000, permettant essentiellement aux médecins généralistes d’acquérir une compétence en médecine légale. Cette capacité qui ne comporte que l’obligation d’assister à une trentaine d’autopsies ne permet pas à ses titulaires de procéder seuls à une autopsie. Mais dans la mesure où les activités thanatologiques ne sont exercées qu’au sein des grands centres hospitaliers, cette formation est complétée, dans le cadre du compagnonnage, par une pratique de centaines d’autopsies avec des professionnels expérimentés.

A côté de ces formations abordant les champs thanatologiques et cliniques de la médecine légale, il existe d’autres diplômes d’université réservés à la réparation du dommage corporel. Ces formations tendent à devenir un préalable indispensable pour l’inscription sur les listes d’experts. Le Médiateur de la République Française cite parmi les propositions de réforme de l’expertise médicale judiciaire12, l’obligation pour le candidat à l’inscription sur les listes d’experts d’être titulaire d’un diplôme de médecine légale ou de réparation juridique du dommage corporel.

Du côté de l’Algérie et de la Tunisie, la formation spécialisante en médecine légale dure quatre années et vise l’acquisition de connaissances et de compétences approfondies dans le domaine thanatologique et de la médecine légale clinique, ainsi que dans le domaine du droit médical, de l’éthique, de la déontologie et des connaissances dans les autres sciences forensiques.

12- Le Médiateur de la République : Proposition de reforme de l’expertise médicale judiciaire, 8/7/2009.

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cHapiTre ii : la medecine legale eT les acTiViTes medico-legales au maroc

1. la médecine légale au maroc : un rappel historique

L’histoire de la médecine légale au Maroc est relativement récente. Certes, la discipline a toujours été enseignée aux étudiants en médecine au cours de leur formation initiale. Mais aucune formation post-graduée n’était prévue jusqu’en 1990 où, à l’initiative de l’Amicale des médecins de Casablanca, deux diplômes interuniversitaires de réparation juridique du dommage corporel et de médecine légale ont été créés conjointement par les Universités d’Angers et de Rennes. Ces formations durent respectivement une et deux ans.

Deux promotions de médecins, d’une vingtaine de praticiens chacune, appartenant à divers secteurs d’activité et de spécialisation, ont été formées. Mais la disparité du contexte d’exercice des lauréats et leur appartenance en majorité au secteur privé n’ont pas permis de tirer profit de leur formation dans l’activité thanatologique de la médecine légale, cette dernière étant restée cantonnée dans le secteur public.

En 1993, la médecine légale fait son entrée parmi les spécialités médicales à part entière avec une durée de formation de 4 ans13.Un an plus tard, le premier service universitaire de médecine légale voit le jour dans l’enceinte du CHU Ibn Rochd de Casablanca sous la direction du Pr. Said Louahlia.

Mais il a fallu attendre jusqu’en février 1999 pour accueillir la première promotion de résidents ; le résidanat étant la seule voie de spécialisation en médecine au Maroc.

A ce jour, ce service universitaire a formé 13 spécialistes en médecine légale dont deux Professeurs assistants et un Professeur agrégé. Un seul résident poursuit actuellement sa formation dans le service.

Le peu d’engouement des médecins pour cette discipline s’explique, selon le chef de service de médecine légale du CHU Ibn Rochd, par l’absence d’une valorisation de cette discipline. D’une part parce que les activités médico-légales peuvent être réalisées par n’importe quel médecin, quelle que soit sa spécialité et, d’autre part, parce que les médecins légistes ne sont pas autorisés à s’inscrire sur les tableaux des experts, au motif avancé par le ministère de la Santé que l’expertise judiciaire est une activité libérale, dont l’exercice est incompatible avec le statut de la fonction publique. Et enfin, parce que les conditions de travail des médecins légistes affectés dans les morgues hospitalières sont loin de motiver des vocations.

13- Décret N° 2-92-182 du 22 kaada 1413 (14 mai 1993) fixant le régime des études et des examens en vue de l’obtention du diplôme de spécialité médicale. Bulletin Officiel N° : 4207 du 16/06/1993

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Le rythme de formation des médecins spécialistes ne permettant pas de parer aux besoins urgents du pays en médecins légistes, l’orientation vers une formation en thanatologie des médecins des Bureaux municipaux d’hygiène (BMH) et de la Gendarmerie Royale s’est imposée, d’autant plus que dans bon nombre de villes, les autopsies sont pratiquées dans les BMH. Avec le soutien de la Direction générale des collectivités locales et de l’Etat-major des Forces Armées Royales, un Certificat d’études spéciales en médecine légale a été instauré à la Faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca en 2002, comportant une douzaine de séminaires durant les fins de semaine, répartis sur deux ans. Cette initiative a permis de former trois promotions, totalisant environ 70 médecins des BMH et 15 médecins de la Gendarmerie Royale.

En parallèle, une formation en expertise médicale et en évaluation du dommage corporel est instaurée en1996 sous forme d’un certificat universitaire étalé sur une année, avec une douzaine de séminaires durant les fins de semaine. A ce jour, ce module a permis de former environ 300 médecins dans l’art expertal.

Ainsi, la formation académique en médecine légale est encore à ses premiers balbutiements, avec la disponibilité de trois enseignants dans cette discipline pour tout le Royaume, et l’absence de service hospitalo-universitaire dans quatre CHU sur les cinq que compte le pays.

La structuration de l’activité médico-légale n’est pas meilleure. En effet, cette discipline ne s’inscrit dans aucune structure organisée au niveau national. Une tentative de remédier à cette lacune a été la création par une circulaire du ministre de la Santé en date du 7/5/2002 de l’Institut national de médecine légale au sein de l’administration centrale du ministère de tutelle. Cet institut est chargé, en vertu de la circulaire, de participer à l’élaboration d’un schéma d’organisation de la médecine légale au Maroc en tant que structure de conception, de mise en œuvre, de formation et de suivi de l’ensemble des actions afférentes aux activités médico-légales.

Malheureusement, cette circulaire est restée lettre morte, probablement faute d’une concertation préalable avec les administrations concernées par cette discipline. Ainsi, à ce jour, cet institut ne dispose ni de siège, ni de directeur, ni de textes réglementaires.

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2. le cadre législatif et réglementaire des activités médico-légales

2.1 L’encadrement législatif et réglementaire des prestations médico-légales

2.1.1 Le Code de procédure pénale14

Dans le cadre de l’enquête de flagrance, l’article 64 permet à l’officier de police judiciaire (OPJ) de faire appel à toute personne qualifiée pour procéder à des constatations qui ne peuvent être différées. C’est dans ce cadre que les médecins peuvent être requis pour établir des constats de décès ou des certificats médico-légaux pour des victimes de violences physiques et/ou sexuelles, ou pour tout autre acte médico-légal urgent sur une personne.

L’article 77 traite de la procédure à suivre en cas de découverte d’un cadavre, qu’il s’agisse ou non d’une mort violente, si la cause en est inconnue ou suspecte. L’OPJ qui en est avisé informe immédiatement le Procureur du Roi, se rend sans délai sur les lieux et procède aux premières constatations.

Le Procureur du Roi se rend sur place s’il le juge nécessaire, et se fait assister de personnes capables d’apprécier la nature et les circonstances du décès (enquête pour recherche des causes de la mort).

Les articles 73 et 74 recommandent au représentant du parquet de soumettre tout prévenu à un examen médical si, lui ou son conseil, en font la demande ou s’il constate des traces qui justifient cet examen. S’il s’agit d’un mineur qui porte des traces de violence ou qui se dit avoir été victime de violence, l’examen médical doit être entrepris avant tout interrogatoire. L’examen médical réalisé dans ces circonstances aura essentiellement pour objectifs de se prononcer sur la compatibilité de l’état de santé avec le maintien en garde à vue, et la vérification de l’existence de lésions de violence et leur compatibilité avec les doléances et les allégations de l’intéressé.

L’article 88 donne la possibilité au juge d’instruction d’ordonner d’office ou sur demande de l’inculpé ou de son conseil un examen médical ou un examen médico-psychologique.

Les articles 194 et suivants traitent de la procédure relative aux expertises ordonnées par les juridictions d’instruction ou de jugement. Sauf exception, l’expert commis doit être inscrit au tableau des experts judiciaires. Une procédure de désignation d’un expert assistant par le juge d’instruction est prévue sur demande du parquet ou des parties si l’expertise porte sur des indices susceptibles d’altération. En cas de besoin d’un avis dans un domaine étranger à la compétence de l’expert, celui-ci peut demander la désignation d’un autre technicien qui établit son propre rapport à joindre à celui du premier expert. Enfin, les experts peuvent être entendus à l’audience comme de simples témoins.

14- Dahir N° 1-02-255 du 3 octobre 2002 tel qu’il a été modifié et complété par les lois N° 35.11-58.11 -37.10-36.10-13.10-24.05-23.05 et 03.03 ; version arabe

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2.1.2 Le Code de procédure civile

L’encadrement juridique des expertises en matière civile est assurée essentiellement par les articles 55 et plus du Code de procédure civile15. Sauf cas exceptionnel, l’expert est habituellement choisi parmi les médecins inscrits au tableau des experts. Si l’expert n’exécute pas la mission ou refuse de l’exécuter sans motif valable, il est procédé à son remplacement et il peut être condamné, en plus des sanctions disciplinaires, à des dommages et intérêts à la partie lésée et à une amende au profit du Trésor. L’expert peut être récusé ou se récuser lui-même pour cause de parenté ou d’alliance avec une des parties, s’il a un litige avec une des parties, s’il est commis dans un domaine n’entrant pas dans sa compétence, s’il a déjà émis un avis ou fourni un témoignage sur l’affaire, s’il est conseiller d’une des parties ou pour tout autre motif grave. L’expert doit, sous peine de nullité, convoquer les parties et leurs conseils aux opérations d’expertise. Les parties peuvent être assistées par toute personne dont la présence leur semble utile. L’expert peut recueillir, sous forme de simples déclarations qu’il reproduira dans son rapport, tout renseignement utile, à charge d’en mentionner l’origine. Il peut être convoqué à l’audience pour fournir des explications et des renseignements complémentaires. Enfin, le juge n’est pas obligé de suivre l’avis de l’expert désigné.

2.1.3 Le Code de déontologie des médecins

L’article 22 de ce code16 consacre la délivrance des certificats médicaux comme une prérogative du médecin : « Le ministère du médecin comporte l’établissement, conformément aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations ou documents dont la production est prescrite par la loi »

L’article 8 interdit au médecin d’établir un rapport tendancieux ou de délivrer un certificat de complaisance. L’article 50 défend au médecin d’accepter une mission d’expertise dans laquelle les intérêts d’un de ses clients, d’un de ses amis, d’un de ses proches ou ses propres intérêts sont en jeu, sauf accord des parties.

15- Dahir portant loi N° 1-74-447 (11 ramadan 1394) approuvant le texte du Code de procédure civile (B.O. du 30 septembre 1974), tel qu’il a été complété et modifié16- Arrêté résidentiel du 8 juin 1953 relatif au code de déontologie des médecins ; Bulletin Officiel N°2121 du 19/6/1953 - Page : 828.

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2.1.4 Autres textes législatifs et réglementaires relatifs aux procédures de réparation du dommage corporel

On peut citer dans ce cadre :

Le dahir du 2 octobre 1984 relatif à l’indemnisation des victimes d’accidents causés par des véhicules terrestres à moteur17 et le décret qui lui est annexé du 14 janvier 1985 relatif au barème fonctionnel des incapacités18 ; Le dahir du 6 février 1963 portant modification en la forme du Dahir du 25 juin

1927, tel qu’il a été modifié et complété, relatif à la réparation des accidents du travail19; Le dahir du 31 mai 1943 étendant aux maladies d’origine professionnelle les

dispositions du Dahir du 25 juin 1927 concernant les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail20 ; L’arrêté du Directeur des communications, de la production industrielle et du travail

du 21 mai 1943, relatif au barème indicatif d’invalidité devant servir à la détermination de l’incapacité permanente dont peuvent être atteintes les victimes d’accidents du travail21; L’arrêté du ministre du Développement social, de la Solidarité, de l’Emploi et de la

Formation Professionnelle du 23 décembre 1999, modifiant et complétant l’arrêté du ministre du Travail et des Affaires sociales du 20 mai 1967, pris en application du Dahir du 31 mai 1943 étendant aux maladies professionnelles les dispositions de la législation sur la réparation des accidents du travail22 ; L’arrêté du ministre du Travail et des Affaires sociales du 20 mai 1967, déterminant

les modalités spéciales d’application de la législation sur la réparation des maladies professionnelles aux pneumoconioses professionnelles23.

17- Dahir portant loi N° 1-84-177 du 6 moharram 1405 (2 octobre 1984) relatif à l’indemnisation des victimes d’accidents causés par des véhicules terrestres à moteur (B.O N° 3753 du 3 octobre 1984)18- Décret N° 2-84-744 du 22 rebia II 1405 (14 janvier 1985) relatif au barème fonctionnel des incapacités ; B.O. N° 3768 du 16 janvier 1985 (pp. 55-67)19- Dahir N°1-60-223 du 12 ramadan 1382 (6 février 1963) portant modification en la forme du Dahir du 25 hija 1345 (25 juin 1927) relatif à la réparation des accidents du travail ; B.O.N°2629 du 15 mars 1963 (pp. 357-379)20- Dahir du 31 mai 1943 (26 joumada I 1362) étendant aux maladies d’origine professionnelle des dispositions du Dahir du 25 juin 1927 (25 hija 1345) concernant les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail.21- Arrêté du Directeur des communications, de la production industrielle et du travail, du 21 mai 1943, relatif au barème indicatif d’invalidité devant servir à la détermination de l’incapacité permanente dont peuvent être atteintes les victimes d’accidents du travail, in Répertoire de la législation du travail, 1994, El FekkakMahmed, Librairie Al Wahda Al Arabia, Casablanca, Maroc, pp. 183-230.22- Arrêté du ministère du Développement Social de la Solidarité, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle N° 919-99 du 14 ramadan 1420 (23 décembre 1999) modifiant et complétant l’arrêté du ministre du Travail et des Affaires Sociales N° 100-68 du 20 mai 1967, pris pour l’application du Dahir du 26 joumada I 1362 (31 mai 1943) étendant aux maladies professionnelles les dispositions de la législation sur la réparation des accidents du travail, B.O N° 4788 du 20 avril 2000 (pp. 242-299)23- Arrêté du ministre du Travail et des Affaires Sociales N°101-68 du 20 mai 1967 déterminant les modalités spéciales d’application de la législation sur la réparation des maladies professionnelles aux pneumoconioses professionnelles, B.O. N°2899, 22 mai 1968 (pp. 519-522)

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2.1.5 Les textes consacrés à la rémunération des prestations médico-légales

• La loi 23-86 réglementant les frais de justice en matière pénale24 consacre à l’article 14 les honoraires pour les prestations en médecine légale tels que suit :

Pour une visite judiciaire comportant un ou plusieurs examens du malade ou blessé ou l’examen détaillé d’un cadavre, sans autopsie, avec dépôt d’un rapport : 30 DH ; Pour autopsie avant inhumation : 100 DH ; Pour autopsie après exhumation, ou autopsie du cadavre en état de décomposition

avancé : 150 DH ; Pour autopsie de cadavre de nouveau-né avant inhumation : 50 DH ; Pour autopsie de cadavre de nouveau-né après exhumation ou autopsie de nouveau-

né en état de décomposition avancée : 80 DH ; Pour un examen mental : 50 DH ; Pour un examen médico-psychologique ou examen psychiatrique de mineur : 35 DH ;

• L’arrêté conjoint du ministre de la Santé et du ministre des Finances et de la Privatisation N° 10-04 du 25 mars 2004, fixant les tarifs des services et prestations rendus par les hôpitaux et services relevant du ministère de la Santé25 prévoit à l’article 7 un forfait de 1000 DH pour les actes d’autopsie, et à l’article 10 le montant de 100 DH pour la délivrance des certificats médico-légaux. Toutefois, dans les faits, ces montants ne sont jamais recouvrés par les hôpitaux lorsque les actes sont ordonnés par l’autorité judiciaire. D’une part parce qu’ils sont en contradiction avec les montants prévus par la loi sur les frais de justice en matière pénale et, d’autre part, parce que cette loi ne prévoit pas de rémunération pour l’établissement qui a assuré la prestation. • Une circulaire du ministère de la Santé26 prévoit la gratuité du certificat médico-légal pour les femmes victimes de violence après enquête de l’assistante sociale.

2.2 L’encadrement institutionnel des prestataires des services médico-légaux

2.2.1 Pour les médecins relevant du ministère de la Santé

• Le décret N° 2-99-651 du 6 octobre 1999 portant statut particulier du corps interministériel des médecins, pharmaciens et chirurgiens dentistes27 inclut parmi les activités de diagnostic, de traitement et des soins d’urgence dont sont chargés les médecins et les chirurgiens dentistes relevant du ministère chargé de la Santé ce qui suit :

24- Dahir N°1-86-238 du 28 rebia II 1407 (31 décembre 1986) portant promulgation de la loi N° 23-86 règlementant les frais de justice en matière pénale, B.O. N° 3877, 18 février 1967 (pp. 39-47)25- Arrêté conjoint du ministre de la Santé et du ministre des Finances et de la Privatisation N° 10-04 du 3 safar 1425 (25 mars 2004) fixant les tarifs des services et prestations rendus par les hôpitaux et services relevant du ministère de la Santé, B.O. N° 5210, 6 mai 2004 (pp. 705-707)26- Circulaire du ministre de la Santé N°162 du 17 décembre 2010 relative à la gratuité des certificats médicolégaux pour les femmes et enfants violentés.27- Décret N° 2-99-651 du 25 joumada II 1420 (6 octobre 1999) portant statut particulier du corps interministériel des médecins, pharmaciens et chirurgiens dentistes, B.O. N° 4736, (pp. 858-862)

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La délivrance des certificats médicaux et tout acte d’expertise médico-légale dont ils sont requis ; Le constat de décès et la délivrance des certificats médicaux y afférents ; Les autopsies dans un but de recherche dans le respect de la législation et de la

réglementation en vigueur, ou à des fins médico-légales.

• L’arrêté de la ministre de la Santé N° 456-11 du 6 juillet 2010, portant règlement intérieur des hôpitaux28 n’a pas affecté les activités médico-légales thanatologiques et cliniques à un service individualisé, mais les a inclues dans le service d’accueil et d’admission, service médico-technique géré par un médecin. Outre l’enregistrement des actes médico-légaux et la gestion de la morgue hospitalière, ce service gère également l’accueil et l’orientation des malades, organise leur admission, leur sortie et leurs rendez-vous, établit les statistiques et la facturation des prestations, gère l’information hospitalière et la communication interne et externe de l’hôpital, assure l’assistance sociale aux patients et organise les archives médicales. Par contre, les certificats médicaux délivrés aux victimes des accidents du travail ou de maladies professionnelles sont à établir par des médecins désignés à cet effet au niveau de l’unité chargée des accidents du travail. Selon ce règlement également, l’admission à l’hôpital d’une personne décédée est interdite sauf inexistence d’une morgue municipale ou réquisition des autorités compétentes.

2.2.2 Pour les médecins inscrits aux tableaux des experts judiciaires

Les médecins experts judiciaires sont des auxiliaires de la justice qui doivent se conformer pour l’exercice de leurs fonctions aux dispositions de la loi N° 45-00 relative aux experts judiciaires.

2.2.2.1 L’inscription au tableau des experts

Le médecin candidat à l’inscription doit remplir les conditions suivantes :

Etre de nationalité marocaine ; Etre âgé au moins de 30 ans révolus ; Etre en situation régulière vis-à-vis du service militaire ; Jouir de ses droits civiques et être de bonne moralité et de bonnes mœurs ; N’avoir pas été condamné pour crime ou délit, à l’exception des délits involontaires ; N’avoir pas été condamné à une peine disciplinaire pour des faits contraires à

l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ; Satisfaire aux critères de qualification fixés par voie réglementaire pour chaque discipline

d’expertise ; ces critères ont été fixés par l’arrêté du ministre de la Justice N° 1081-03 du 3 juin 2003 (B.O. N° 5121, 30 juin 2003, pp. 2179-2196) et exige en particulier pour

28- Arrêté du ministre de la Santé N° 456-11 du 23 rejeb 1431(6 juillet 2010) portant règlement intérieur des hôpitaux, B.O. N° 5926, 17 mars 2011 (pp. 291-308)

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les médecins généralistes une pratique médicale effective de 15 ans et pour les médecins spécialistes une pratique médicale effective de 10 ans. L’article 2 du précédent arrêté permet, sur proposition du Procureur général du Roi près la Cour d’appel concernée, de réduire la durée de l’expérience exigée sans qu’elle ne soit inférieure à la moitié de la durée requise ; Disposer d’un domicile dans la circonscription de la Cour d’appel dans laquelle il

entend exercer ses fonctions.

Pour l’inscription d’une personne morale, son représentant légal ainsi que les personnes physiques qui supervisent les expertises doivent remplir les conditions précitées.

Ainsi, l’inscription des médecins sur les tableaux des experts judiciaires est essentiellement conditionnée par une ancienneté dans l’exercice de la médecine. Par contre, il n’est nullement exigé du candidat à l’inscription la preuve d’une formation quelconque en expertise médicale, tant au niveau de la connaissance des règles et des procédures qu’au niveau des techniques d’évaluation du dommage corporel.

L’inscription peut se faire au tableau d’une Cour d’appel et/ou au tableau national avec mention de la spécialité.

La demande d’inscription au tableau national peut être formulée par l’expert cinq ans après son inscription au tableau d’une Cour d’appel.

Les demandes d’inscription sont instruites par une commission relevant du ministère de la Justice qui élabore et révise annuellement en plus les tableaux des experts judiciaires. Cette commission est présidée par un représentant du ministre de la Justice et composée de trois premiers Présidents de Cours d’appel, de trois Procureurs généraux du Roi près des Cours d’appels et de deux experts judiciaires parmi lesquels le président de l’ordre ou le président d’une association professionnelle, lorsqu’il s’agit d’un candidat à l’inscription à une discipline d’expertise relevant d’un ordre ou représentée par une association.

L’inscription est valable pour une année mais il n’y a pas lieu de renouveler les demandes d’inscription.

2.2.2.2 Droits et obligations des experts

Ces droits et obligations ont été également stipulés dans loi n° 45-00 relative aux experts judiciaires. Parmi les droits, on cite :

• Acquisition et utilisation du titre d’expert agréé près une Cour d’appel ou d’expert à l’échelle national ; • Priorité pour l’exécution des expertises judiciaires : la désignation d’un expert non inscrit doit rester exceptionnelle ;

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• Droit à une rémunération :

En matière civile, la rémunération est fixée par le juge et la provision est consignée au greffe, sauf en cas d’assistance judiciaire ; En matière pénale, il y a application des tarifications du Dahir réglementant les frais

de justice en matière pénale.

Les experts doivent en outre :

Prêter serment devant la Cour d’appel lors de la première inscription ; Participer aux sessions d’études relatives aux aspects juridiques de l’expertise organisées

par le ministère de la Justice au profit des experts judiciaires ; Exécuter personnellement la mission dans les délais impartis ; Ne pas refuser, sans motif valable, l’exécution d’une expertise surtout pour insuffisance

des honoraires. L’expert peut toutefois, après accomplissement de sa mission, demander des honoraires complémentaires ; Respecter les règles et les délais de procédures ; Adresser en fin de chaque année au ministre de la Justice un rapport d’activité relatif

aux expertises effectuées au cours de l’année.

2.2.2.3 Le contrôle et la discipline des experts

Le premier Président et le Procureur Général du Roi près la Cour d’appel assurent un contrôle sur les experts inscrits au tableau de ladite cour, alors que le premier Président et le Procureur Général du Roi près la Cour suprême assurent le contrôle sur les experts inscrits au tableau national.

Ils procèdent à des enquêtes d’office, à la demande du ministre de la Justice ou sur plainte des justiciables en auditionnant, au besoin, l’expert mis en cause.

Les résultats de l’enquête, sous forme d’un rapport, sont transmis au ministre de la Justice qui les transmet à la commission sus-citée. Le rapport d’enquête est accompagné d’un document contenant l’appréciation du premier Président et du Procureur général. Il est assorti des documents relatifs à l’affaire.

Le président de la commission convoque l’expert à comparaître devant la commission. L’expert peut se faire assister par un avocat de son choix. Il prend connaissance des documents du dossier, à l’exception des appréciations du premier Président et du Procureur général du Roi.

La sanction disciplinaire est prononcée par arrêté motivé du ministre de la Justice, sur proposition de la commission. Les sanctions disciplinaires sont prononcées à l’encontre de tout expert qui a commis une infraction aux textes législatifs ou réglementaires relatifs à l’expertise, a manqué à ses obligations professionnelles ou a commis des faits contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs.

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Les sanctions disciplinaires sont l’avertissement, le blâme, l’interdiction provisoire d’exercer l’expertise pour une durée maximum d’un an ou la radiation du tableau.Les décisions disciplinaires peuvent faire l’objet de recours pour excès de pouvoir devant les tribunaux administratifs, conformément aux règles et procédures prévues par la loi N° 41-90 instituant les tribunaux administratifs.

3. état des lieux

3.1 Activités médico-légales dans les morgues hospitalières et municipales

Ces activités concernent essentiellement les examens externes et les autopsies sur les corps. Les levées de corps sont rarement pratiquées sur les lieux de découverte des cadavres.

Les visites dans les villes, nous ont permis de constater que ces activités sont exécutées soit exclusivement à l’hôpital (ex. El Jadida, Khouribga, Fès), soit exclusivement dans une morgue municipale à l’extérieur de l’hôpital (ex. Rabat) ou plus rarement intra-hospitalière (Tanger). Dans certaines villes, les activités médico-légales thanatologiques sont effectuées aussi bien dans la morgue hospitalière que dans la morgue municipale (ex. Casablanca, Safi).

Les visites effectuées dans les morgues des villes mentionnées ci-dessus ont permis de constater des réalités différentes, que ce soit sur le plan des infrastructures et des équipements, ou sur le plan des ressources humaines et de leur compétence, ou encore sur le plan des modalités de gestion et de coordination avec les autres intervenants.

3.1.1 État des structures visitées

3.1.1.1 Une répartition inégale

L’exercice des activités médico-légales thanatologiques est réparti d’une manière non uniforme entre les morgues hospitalières et les morgues municipales. Ceci reflète l’absence de structuration de cette activité à l’échelle nationale, ce qui donne libre cours à la prépondérance des initiatives locales ou à la mise en place de stratégies non concertées à l’échelle centrale entre la Direction générale des collectivités locales et le ministère de la Santé. Bien souvent, la création et l’équipement d’une structure et l’organisation d’une activité médico-légale dépendent plus de la personnalité, du dynamisme de tel directeur d’hôpital ou de l’intérêt porté par telle collectivité locale que d’une stratégie concertée à l’échelle centrale.

A titre d’illustration, nous avons relevé l’absence de toute activité médico-légale thanatologique dans les deux Centres hospitaliers universitaires (CHU) de Rabat et de Fès, sachant que la formation spécialisante en médecine légale ne se fait qu’au niveau des CHU.

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Parallèlement, les villes d’El Jadida, de Khouribga et même de Fès n’abritent pas d’activités thanatologiques médico-légales au sein de leurs Bureaux municipaux d’hygiène (BMH).

3.1.1.2 Des disparités flagrantes

La plupart des morgues gérées par les administrations hospitalières se caractérisent par la vétusté des locaux. Et pourtant, en termes de risque biologique, la morgue est une zone classée à très hauts risques, qui nécessite une séparation des zones techniques et des zones destinées au public. Au sein de la zone technique, deux circuits séparés doivent être mis en places, le premier dédié à la personne décédée, et le deuxième au personnel médico-technique selon le principe de la marche en avant. Le revêtement du sol, les murs, le plafond et les portes doivent être en matériaux durs, lisses et imputrescibles. Un système de traitement de l’air doit être prévu avec un dispositif d’extraction et de renouvellement d’air suffisant. Les effluents liquides issus de l’autopsie sont considérés comme des déchets de soins à risque infectieux et doivent être gérés par l’installation d’une cuve de décantation-inactivation des effluents liquides avant leur déversement dans le tout à l’égout.

Aucune de ces recommandations et spécificités n’a été observée lors des visites des morgues hospitalières. Les autopsies sont effectuées la plupart du temps dans une petite salle sordide, sans aération, ni climatisation (El Jadida, Safi), sur des tables d’autopsie en céramique, parfois inconfortables (trop élevées du sol à Khouribga), parfois même sans arrivée d’eau au niveau de la table d’autopsie ou même dans toute la salle (ex. El Jadida, Safi). L’absence d’aération et de climatisation entraîne l’émanation en permanence d’odeurs putrides. Les médecins à El Jadida préfèrent même effectuer les autopsies dans la cour de la morgue, à ciel ouvert, sur des brancards afin de contourner le problème de l’aération de la salle minuscule d’autopsie. Assez souvent, dans l’enceinte même de la morgue hospitalière ou à proximité (ex. El Jadida, Safi), le matériel en réforme de l’hôpital est entassé (lits, brancards, instruments divers, ...)

Les morgues municipales visitées sont relativement en meilleur état avec une séparation nette entre la zone technique et la zone publique, bien que des défaillances architecturales aient été relevées concernant le sens de circulation des corps et du personnel dans les locaux techniques. La nouvelle morgue municipale de Safi est encore en chantier avec les travaux en arrêt depuis plusieurs mois en raison du manque de budget. Les autopsies sont alors effectuées par le seul médecin du BMH affecté à cette tâche à même le sol. Quant à la morgue municipale d’El Jadida, récemment construite et disposant de 16 casiers frigorifiques, elle n’est pas encore fonctionnelle.

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3.1.2 Etat des équipements

3.1.2.1 Installations frigorifiques délabrées et non adaptées

A ce niveau, les mêmes disparités sont constatées entre les morgues hospitalières et celles gérées par les municipalités. Les chambres frigorifiques des morgues hospitalières sont généralement en insuffisance numérique : une seule chambre froide non compartimentée de 4 m x 4 m dans les hôpitaux d’El Jadida et de Khouribga, avec une réfrigération insuffisante, 6 casiers frigorifiques à l’hôpital de Safi, 21 casiers frigorifiques pour le CHU Ibn Rochd de Casablanca (pour un nombre de décès et de morts nés de plus de 4000 par an), 12 casiers frigorifiques pour l’hôpital Avicenne de Rabat, une chambre froide non compartimentée et 4 casiers frigorifiques fonctionnels à l’hôpital d’El Ghassani pour toute la ville de Fès, puisque le CHU Hassan II de cette ville ne dispose pas encore de chambre frigorifique fonctionnelle.

Lorsque les casiers ou les chambres frigorifiques sont encore en marche, le système de réfrigération est très insuffisant et inadéquat, ne permettant pas d’obtenir des températures négatives. A cela s’ajoute également les pannes récurrentes des chambres frigorifiques en raison de l’ancienneté des équipements ou de l’absence d’une maintenance régulière. Aucune morgue hospitalière visitée ne dispose d’une salle qui pourrait être réfrigérée en cas d’afflux massif de cadavres (ex. lors d’une catastrophe de masse), ou pour entreposer temporairement les corps en cas de panne des casiers frigorifiques. Tout cela aboutit à la décomposition rapide des corps en quelques jours et au dégagement des odeurs putrides, parfois perçues de l’extérieur de la morgue. Pour les cadavres devant être conservés pour de longues durées, surtout ceux non identifiés ou non réclamés par leurs familles, ou si l’enquête sur les circonstances du décès est encore ouverte, ils deviennent rapidement altérés rendant difficile toute éventuelle reconnaissance physique ultérieure par leurs familles pour les premiers, et compromettant les chances de toute nouvelle investigation sur les corps pour les seconds.

Par opposition à l’état lamentable dans lequel se trouvent les installations frigorifiques des morgues hospitalières, celles des morgues municipales sont mieux nanties, parfois à l’excès. Ainsi, la morgue municipale de Casablanca dispose de 120 casiers frigorifiques et 20 chambres froides dont 4 permettant des températures négatives. La morgue municipale de Tanger dispose de 30 casiers frigorifiques en parfait état de fonctionnement.

3.1.2.2 du matériel de récupération pour les autopsies

Le matériel nécessaire pour la réalisation d’autopsies est également insuffisant ou dans un état déplorable. Les outils utilisés (ex. ciseaux, pinces...) sont souvent du matériel de récupération mis en réforme par les blocs opératoires (El Jadida, Safi, Fès).

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La scie électrique pour l’ouverture du crâne fait parfois défaut (absente à Khouribga et en panne à Fès depuis 8 mois - visite effectuée le 07/02/2013). Ce qui signifie que des autopsies sont effectuées sans l’ouverture du crâne. Pour les cas de morts suspectes ou de cause inconnue, ceci est inadmissible et constitue un manquement grave aux règles les plus élémentaires dans la conduite des autopsies. Aucun crédit ne devrait être accordé aux rapports établis dans ce contexte. Le médecin légiste de l’hôpital de Khouribga, qui a une formation académique complète en médecine légale, nous a expliqué que pour les cas qu’il juge « sérieux », il les réfère tout simplement à Casablanca. C’est alors un parcours de combattant auquel les familles endeuillées sont contraintes de se livrer pour le transfert et la récupération de leurs dépouilles.

3.1.2.3 Les conditionnement et les conservation inadéquats des prélèvements

Quant aux pratiques des prélèvements, les flacons adéquats de conditionnement font souvent défaut, aussi bien au niveau des morgues hospitalières qu’au niveau des morgues municipales. Ainsi, sont utilisés habituellement des flacons prévus pour la pratique clinique souvent non adaptés à de longues périodes de conservation en congélation. Les morgues hospitalières manquent en général de congélateurs pour la conservation des prélèvements à visée toxicologique ou pour des tests ADN. Les prélèvements sont conservés soit dans de simples réfrigérateurs encombrés, soit à l’intérieur des chambres frigorifiques à des températures totalement inadaptées. La qualité et la fiabilité des analyses toxicologiques ne peuvent qu’en être fortement affectées, puisque largement dépendantes de la qualité de la phase pré-analytique. Pour les prélèvements à visée anatomo-pathologique, ils sont rarement effectués dans la plupart des villes visitées, à l’exception de Casablanca et de Tanger. Cette dernière envoie régulièrement ses prélèvements au service de médecine légale du CHU Ibn Rochd de Casablanca, où ils sont traités en collaboration avec le service d’anatomie-pathologique du CHU. L’absence du recours aux examens anatomo-pathologiques à l’issue de l’autopsie s’explique, parfois, par la méconnaissance de l’apport et l’utilité de cette investigation complémentaire, parfois par l’absence d’un spécialiste en cette discipline, ou encore par l’absence de solution pour la conservation des prélèvements.

3.1.2.4 Les fourgons mortuaires

Les fourgons mortuaires ne sont disponibles que dans les morgues municipales. Ceci génère beaucoup de contraintes pour les familles lorsqu’il y a besoin de transférer les corps vers une autre ville pour autopsie. C’est le cas des transferts des corps d’El Jadida et de Khouribga vers Casablanca qui sont, soit assurés par les fourgons mortuaires de la morgue municipale de Casablanca après des délais interminables d’attente, soit entrepris aux frais des familles par des fourgons mortuaires privés lorsqu’un fourgon municipal local n’est pas disponible.

A Fès, les corps sont transférés du CHU vers l’hôpital El Ghassani à bord d’ambulances médicales, en contravention avec les règlements interdisant l’usage des ambulances pour le transport des cadavres.

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3.1.3 Les ressources humaines

3.1.3.1 Un personnel médical compétent en nombre insuffisant

Les visites sur le terrai, ont permis d’identifier trois profils de médecins qui effectuent les autopsies :

Les médecins spécialistes en médecine légale, affectés exclusivement dans des morgues hospitalières dont la plupart sont dans un état déplorable (Fès, El Jadida, Khouribga). Même s’ils ont reçu une formation académique des plus complètes (4 années à plein temps), ils sont souvent contraints, soit de référer les corps à Casablanca par manque de matériel d’autopsie -pourtant non coûteux- comme c’est le cas à Khouribga, ou par manque d’autres médecins compétents pour constituer une équipe de roulement (ex. El Jadida), soit d’effectuer des autopsies incomplètes par manque de scie électrique (ex. hôpital El Ghassani à Fès). Cinq autres médecins spécialistes en médecine légale, deux à Rabat et trois à Casablanca, ont été affectés dans des établissements n’abritant pas une activité thanatologique médico-légale. Quatre d’entre eux font des vacations au service de médecine légale du CHU Ibn Rochd de Casablanca pour ne pas perdre tout contact avec cette activité professionnelle ;

Les médecins ayant reçu une formation en thanatologie dans le cadre du Certificat d’Etudes Spéciales en Médecine Légale, travaillant exclusivement dans des morgues municipales bien équipées pour la plupart. Certains parmi eux ont pu compléter leur formation initiale -durant laquelle ils n’ont pu assister qu’à un nombre limité d’autopsies- par leur implication personnelle dans une activité thanatologique, sous la supervision de collègues plus expérimentés dans le cadre du compagnonnage ou en concertation avec des collègues hospitaliers. D’autres médecins des BMH travaillent dans un isolement total de l’environnement hospitalier sans aucun encadrement, ni contrôle quelconque de leur activité.

Enfin, une autre catégorie de médecins des BMH, quoique ayant reçu une formation universitaire en pratique d’autopsie, ne désirent pas s’y atteler. Ceci risque de causer dans un proche avenir un réel souci pour la relève des médecins des BMH exerçant aujourd’hui et dont certains ont déjà atteint la limite d’âge et sont pour beaucoup d’entre eux en préretraite ;

La troisième catégorie de médecins rencontrés dans l’activité thanatologique médico-légale est celle des médecins hospitaliers qui n’ont reçu aucune formation dans la pratique autopsique. Ils sont pour la plupart affectés aux services des urgences des hôpitaux, et se relaient à tour de rôle sur les autopsies qu’ils considèrent comme une corvée, à laquelle ils reconnaissent n’avoir jamais été formés (ex. El Jadida, Safi, Khouribga). Leurs rapports

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d’autopsie sont réduits généralement à une page avec des constatations maigres, dont l’interprétation mêle quelques vérités à beaucoup de préjugés sans fondement scientifique. De tels rapports peuvent tout simplement déboucher sur de véritables sinistres judiciaires.

Globalement, cette activité d’autopsie souffre du manque de médecins formés :

Un seul médecin du BMH de Tanger formé, secondé par deux médecins hospitaliers non formés ; Un seul médecin spécialiste en médecine légale à l’hôpital de Khouribga, secondé par

quatre autres médecins hospitaliers non formés ; Un seul médecin spécialiste en médecine légale à El Jadida secondé par un autre

médecin hospitalier non formé ; Un médecin spécialiste en médecine légale et un médecin hospitalier formé à Fès ; Cinq médecins hospitaliers non formés à l’Hôpital de Safi et un médecin du BMH de

Safi formé, chacun travaillant isolément dans la structure dont il relève ; Trois médecins formés à la morgue municipale de Casablanca ; Une dizaine de médecins du BMH de Rabat, la plupart formés à l’activité thanatologique.

3.1.3.2 Le personnel administratif et technique

Les mêmes disparités entre les morgues hospitalières et les morgues municipales sont constatées quant au nombre du personnel paramédical affecté à la morgue. Dans les hôpitaux, ce sont souvent des agents bénévoles qui font office d’assistants d’autopsie. Ils n’ont aucune couverture de risque et se font rémunérer grâce aux donations des familles endeuillées (CHU Ibn Rochd de Casablanca, El Jadida, Fès). Le personnel administratif est réduit en général à une seule personne chargée d’accueillir les corps et les familles, de procéder à leur enregistrement et à leur orientation pour l’accomplissement des formalités administratives.

La situation dans les morgues municipales est différente. A titre d’exemple, la morgue de Tanger dispose d’un major, de deux secrétaires et de cinq agents de la morgue, tous relevant de la commune urbaine de Tanger en plus d’un infirmier polyvalent relevant de l’hôpital.

3.1.4 Les prestations de service

3.1.4.1 Des pratiques non uniformisées

Les disparités dans les pratiques médico-légales thanatologiques tiennent essentiellement au fait qu’il n’existe pas de procédures uniformes à l’échelle nationale à appliquer aux situations de décès devant faire l’objet d’une investigation médico-légale. L’exemple des autopsies est édifiant. Les règles de compétence d’attribution ne sont pas définies. La découverte

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de cadavre, si la cause en est inconnue, aboutit, en fonction des villes, à une ordonnance d’autopsie tantôt établie par le Tribunal de première instance, tantôt par la Cour d’appel. Selon les juridictions, la mortalité accidentelle (exemple par accidents de trafic) aboutit soit à un examen extérieur du cadavre seul, soit à une autopsie et ce, même si le décès a été constaté sur les lieux de l’accident par le Service des accidents de la circulation ou une Brigade de la Gendarmerie Royale. C’est en fin de compte au représentant du parquet général que revient la décision de recourir à un examen externe ou à une autopsie, même si le médecin peut avoir éventuellement en sa possession des documents médicaux (un dossier d’hospitalisation par exemple). On peut même trouver des disparités dans les pratiques au sein d’une même juridiction d’un procureur à un autre. A Rabat, les accidentés de la voie publique décédés ne font même pas l’objet d’un quelconque examen médico-légal.

Les cas de recours à la collégialité des experts ne sont pas également uniformes. A Casablanca, se dégage une tendance au recours à une autopsie collégiale pour tous les cas de décès des détenus et pour les cas de mise en jeu de la responsabilité médicale. Ce n’est pas le cas dans la plupart des autres villes.

Les cas où les dépouilles non identifiées ou non réclamées par leurs familles ne sont pas traités partout d’une manière uniforme. Si dans certains parquets, l’autorisation d’inhumer peut être délivrée au bout de deux mois, des délais plus importants sont observés pour les autres. Ce qui entraîne l’encombrement et la décomposition des corps dans les morgues hospitalières à faible capacité de stockage et de réfrigération, et rend difficile l’entretien des installations frigorifiques.

3.1.4.2 Une pratique rare des levées de corps

Même si les normes et standards internationaux recommandent la présence obligatoire d’un médecin légiste ou d’un médecin rompu aux techniques d’examen médico-légal sur les lieux de découverte d’un cadavre -particulièrement s’il s’agit d’un homicide ou d’une mort suspecte- le recours aux médecins pour procéder à un examen des lieux et des corps est une option très rare. Ceci tient d’une part à l’indisponibilité de médecins formés à ces pratiques en nombre suffisant et, d’autre part, à l’absence d’une structure de coordination adéquate entre le parquet général, les médecins légistes et la police.

Les rares levées de corps pratiquées le sont par les médecins des BMH de Tanger et de Casablanca. Cependant le nombre insuffisant des médecins formés dans ces morgues municipales (un à Tanger et trois à Casablanca) ne leur permet pas une disponibilité à toute heure pour répondre à toutes les injonctions des autorités policières et judiciaires. Les autres médecins hospitaliers, même s’ils ont une formation académique ou une formation post-universitaire en médecine légale, ne peuvent tout simplement pas se déplacer puisqu’aucun fourgon mortuaire n’est à leur disposition.

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Et pourtant la levée de corps médico-légale ne peut jamais être remplacée par le seul examen externe ou interne du cadavre à la morgue. Par contre, dans bien des cas, elle pourrait faire l’économie d’une autopsie si elle arrive à apporter toutes les réponses sur les circonstances et la cause de la mort.

3.1.4.3 Une implication insuffisante des médecins légistes dans les enquêtes

En plus de l’absence fréquente des médecins légistes de la scène de découverte des cadavres, beaucoup d’entre eux ont fait part de leur mise à l’écart des circonstances du décès et des enjeux de l’enquête. Avant de commencer une autopsie, les seules informations disponibles sont alors fournies par les membres de la famille du défunt, ce qui soulève le souci de leur exhaustivité et de leur fiabilité. Parfois, les informations sont puisées dans les colonnes des journaux, qui relatent les détails et les développements de l’enquête auxquels les médecins devant pratiquer l’autopsie n’avaient pas accès.

Le manque d’informations préalables sur les différentes hypothèses des circonstances de décès soulevées par l’enquête ne permet pas, parfois, d’envisager les vérifications nécessaires et de faire les investigations médico-légales qui s’imposent. Les conclusions se résument alors aux causes directes de la mort sans aucun avis sur les circonstances possibles du décès.

L’isolement des médecins légistes existe également vis-à-vis des praticiens en charge d’analyser les prélèvements issus de l’autopsie dans le cadre de la toxicologie, de l’anatomo-pathologie, ou de toute autre discipline des sciences légales. Les laboratoires d’analyse répondent uniquement à l’autorité qui les a requis. Et pourtant, le résultat des analyses ne peut être interprété par le parquet seul, mais doit être analysé par le médecin légiste à la lumière des données autopsiques et autres informations en sa possession. Ainsi, les investigations scientifiques réalisées sur un cadavre ne font pas l’objet d’une synthèse globale mais sont livrées de façon fragmentée, ne permettant pas à l’autorité requérante de comprendre toujours leurs significations.

3.1.4.4 Gestion inadéquate des prélèvements à visée toxicologique et génétique

Outre les problèmes que soulève la qualité des prélèvements réalisés à l’issue de l’autopsie, leur conditionnement et leur conservation, se pose également le problème de l’authenticité des prélèvements comme pièces à conviction. En effet, les prélèvements ne font pas l’objet d’une procédure de mise sous scellés, ce qui ne garantit pas leur inviolabilité. Cette mise sous scellés suppose la présence d’un OPJ lors de l’autopsie, ce qui est exceptionnellement noté.

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Par ailleurs, l’acheminement des prélèvements vers les laboratoires compétents se heurte parfois à l’absence de moyens de transport adéquats. Si les morgues municipales arrivent à juguler ce problème en acheminant les prélèvements par l’intermédiaire des fourgons mortuaires, plusieurs morgues hospitalières continuent à envoyer ces prélèvements via les services de messagerie des sociétés de transport avec le même conditionnement que celui de n’importe quel colis banal.

La situation a quelque peu changé depuis l’affectation de médecins légistes dans les hôpitaux d’El Jadida, de Khouribga et de Fès. Ces prélèvements sont dorénavant récupérés, sur réquisition du parquet général, après demande du médecin légiste, par les éléments de la Police scientifique ou de la Gendarmerie Royale et acheminés par leurs moyens aux laboratoires correspondants.

3.1.4.5 Absence d’encadrement et d’évaluation des pratiques thanatologiques

Les activités thanatologiques pouvant être exercées par n’importe quel médecin, il n’existe aucune instance nationale chargée de concevoir des actions de contrôle de qualité et de supervision des actes thanatologiques effectués par les médecins sur mandat judiciaire. Ces médecins, n’étant pas inscrits dans les tableaux des experts, échappent aux contrôles, aux obligations et au pouvoir disciplinaire auxquels sont assujettis leurs confrères médecins experts. Le seul contrôle, très théorique, sur ces médecins est celui des magistrats qui les désignent. Mais quelle pourrait être l’appréciation d’un magistrat à la formation purement juridique sur la qualité d’une prestation très technique qui, dans le cas d’une autopsie, ne peut se faire correctement qu’une seule fois ?

Le seul pouvoir disciplinaire est celui qui est exercé par la hiérarchie administrative du médecin fonctionnaire. Le président de la collectivité locale a de larges pouvoirs pour attribuer une fonction de médecin légiste ou une autre fonction à tel ou tel médecin du Bureau municipal d’hygiène. Mais aucune procédure n’est établie pour que les nominations soient motivées par des critères de compétence.

Aucun contrôle n’est fait, non plus, sur les actes d’autopsies réalisés par les médecins des hôpitaux. Ce contrôle ne pourrait être concevable, du moins concernant la prestation purement technique, par l’administration. Ceci du fait de l’indépendance professionnelle qui est un trait fondamental de l’exercice de la médecine.

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3.1.5 Un financement faible et non adapté

Les actes thanatologiques requis par le parquet sont généralement rémunérés en tant que frais de justice en matière pénale conformément à la loi 23-86 promulguée par le Dahir N° 1-86-238 du 31/12/1986 (voir supra). Les patients ou leurs ayants droits ne supportent aucun frais des prestations servies dans ce cadre.

Ces montants sont très insignifiants et ne reflètent même pas le coût de la prestation intellectuelle du médecin (y compris les frais de rédaction et de dépôt du rapport au greffe du tribunal). Ils ne prétendent pas non plus couvrir les frais de structure et de mise à disposition des locaux et du matériel. D’ailleurs, la rémunération est dûe seulement au médecin ayant effectué l’acte. Aucun versement n’est prévu pour l’établissement qui offre le personnel et l’infrastructure dédiée à l’activité médico-légale.

Pourtant, l’arrêté conjoint du ministre de la Santé et du ministère des Finances et de la Privatisation N°10-04 du 25/03/2004 a fixé la rémunération de l’acte d’autopsie à un forfait de 1000 DH à tarifer dans le cadre des frais d’hospitalisation en sus du forfait journalier. Toutefois, cette tarification n’a jamais été imposée ou même proposée par les hôpitaux aux familles des défunts, car l’acte d’autopsie est une mesure d’instruction qui s’inscrit dans le cadre d’une procédure pénale à l’initiative du parquet.

Par ailleurs, certaines dépenses ne font l’objet d’aucune rémunération. En effet, la conservation des corps ou des ossements à des fins d’identification ou dans l’attente d’une autorisation d’inhumer, ainsi que la conservation des prélèvements à visée toxicologique ou génétique ou d’autres prélèvements effectués à titre conservatoire, ne font l’objet d’aucune indemnité car cette conservation se fait sans mise sous scellés. Pourtant, ces corps ou ces prélèvements peuvent être conservés des semaines et des mois dans l’intérêt et sur demande de la justice.

Ceci explique le peu d’enthousiasme manifesté par certains hôpitaux (ex. El Jadida, Avicenne de Rabat et El Ghassani de Fès) pour équiper et entretenir des morgues dont le fonctionnement profite en grande partie aux autorités judiciaires sans aucune contrepartie financière pour les établissements.

3.2 Les activités de délivrance des certificats médico-légaux dans les hôpitaux

Les certificats médico-légaux de constatation revêtent une importance capitale dans une procédure judiciaire. Les blessures attestées dans ces certificats peuvent apporter la preuve matérielle d’une infraction (coups et blessures volontaires ou involontaires, violences sexuelles, ...), mais aussi constituer la preuve d’un dommage indemnisable. Ces certificats sont généralement établis sur une démarche personnelle de la victime, plus rarement sur réquisition policière ou judiciaire.

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Les visites entreprises au niveau des hôpitaux des villes ont permis à la mission de constater la faible structuration de cette activité, ce qui ouvre la porte à toutes les dérives, de la simple complaisance à la rédaction de faux certificats et à la corruption caractérisée.

3.2.1 Une structuration insuffisante

La structuration de l’activité de délivrance des certificats médico-légaux (CML) connaît des fortunes variables d’un hôpital à l’autre. Certains hôpitaux ont affecté à cette activité des locaux dédiés (hôpital Mohammed V de Tanger, CHU Ibn Rochd, Hôpital Avicenne, Hôpital El Ghassani, Hôpital de Safi). Dans les autres hôpitaux, les CML sont délivrés au niveau des salles de consultation des urgences (Hôpitaux Moulay Youssef de Casablanca, d’El Jadida et de Khouribga). Le CHU Hassan II de Fès ne délivre que très rarement les CML. Les patients ayant transité par cet hôpital sont obligés de se rendre vers les hôpitaux d’Ibn El Baitar ou d’El Ghassani pour obtenir ces documents. Les médecins dans ce dernier hôpital se plaignent de l’absence de documents médicaux sur lesquels ils peuvent se baser pour établir les CML des patients en provenance du CHU. Assez souvent, l’établissement du CML est tout simplement refusé, laissant les patients dans la perplexité la plus totale.

Les médecins en charge de cette activité sont soit ceux qui sont de garde aux urgences, faisant tour à tour les soins et l’établissement de ces documents, y compris le soir et les jours non ouvrables (Hôpital Moulay Youssef, Hôpital de Khouribga), ou alors des médecins désignés parmi les médecins de garde à tour de rôle pour vaquer à cette activité durant les matinées des jours ouvrables (Hôpitaux Avicenne, El Ghassani, Safi). Toutefois, dans tous les hôpitaux visités à l’exception du CHU Ibn Rochd, les médecins spécialistes établissent les CML pour leurs patients hospitalisés, la plupart du temps en dehors de toute procédure identifiable.

3.2.2 Une traçabilité défaillante source de dérives

Certains hôpitaux ne disposent pas de carnets à souche (ex. Hôpital de Safi). Les CML sont établis alors sur des imprimés volants comportant tout au plus un cachet de l’hôpital et remis par le caissier après paiement par la victime de la prestation à l’avance.

Dans les autres hôpitaux qui disposent de carnets à souche, les formulaires ne sont pas remplis correctement. A l’hôpital Moulay Youssef (Casablanca), le carnet à souche est tenu par le caissier, qui remet à la victime après paiement, l’imprimé et sa souche. Le médecin établit son certificat et garde la souche pour qu’elle soit classée, puis secondairement archivée dans un carnet à souche vide. La consultation des archives montre que seules quelques souches sont conservées, sans aucun classement.

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Certains médecins de l’hôpital Avicenne (Rabat) établissent les CML sur les imprimés des carnets à souche, en prenant le soin de mettre un intercalaire entre l’imprimé et la souche qui demeure ainsi vide. Le Directeur de cet hôpital nous a affirmé que moins d’un dixième des CML établis dans son hôpital est encaissé par la régie. Le reste des CML continue à être établi dans les services hospitaliers ou aux abords de l’hôpital et sont pris en considération par les autorités judiciaires, malgré les multiples correspondances faites à ces autorités par la direction de l’hôpital. A l’exception du CHU Ibn Rochd (Casablanca) où les CML sont exclusivement établis par le service de médecine légale, aucun des autres hôpitaux ne dispose de registre dédié à l’enregistrement des patients ayant reçu des CML.

3.2.3 Un encadrement insuffisant de l’activité

La délivrance des CML souffre de l’absence d’un cadre référentiel national pour la détermination de la durée d’incapacité du travail personnel et de l’incapacité temporaire du travail. Ces deux derniers concepts sont d’ailleurs utilisés d’une manière interchangeable sous le sigle « ITT ». Pourtant, le premier concept est prévu par le Code pénal aux articles 400 et 401. Alors que le deuxième concept trouve sa source dans la législation sociale dans le cadre de la réparation des accidents du travail et ne s’adresse qu’à des salariés pour la durée nécessaire à l’arrêt de leur travail professionnel. Toutefois, ce deuxième concept a été également consacré par le nouveau code de la route à l’article 167, entretenant encore davantage l’ambiguïté sur le concept. Il s’en suit que les appréciations des médecins, même faites de bonne foi, restent très variables vis-à-vis des blessures de la même nature.

Le concept de l’infirmité permanente nécessite également des éclaircissements sur son contenu et ses contours. Les situations qui n’auraient entraîné qu’une diminution de la fonction d’un organe, ou une paralysie partielle d’un membre ne font pas l’unanimité quant à leur inclusion dans ce concept.

Cette notion est par ailleurs rarement signalée par les médecins dans le certificat médical initial pour coups et blessures volontaires. Il s’en suit que la procédure est parfois engagée d’une manière erronée sur la base de violences n’entraînant qu’une incapacité de travail personnel, avant de se rendre compte, alors que le jugement a parfois acquis l’autorité de la chose jugée, que les faits ont entraîné en fait une infirmité permanente. De même, le parquet général n’a aucun contrôle efficace sur la qualité et la pertinence des CML produits. Ces derniers peuvent être produits par n’importe quel médecin et servir en justice. Il est vrai que le nouveau code de la route28 a institué une procédure de contrôle des CML faisant état d’une incapacité temporaire de travail de plus de 21 jours ou d’une infirmité permanente, en obligeant le recours à une expertise médicale ; mais cette disposition n’est pas mise en pratique vue la masse importante des CML produits dans le cadre des accidents de la circulation et l’absence d’un mécanisme souple pour la vérification des CML concernés.

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3.2.4 Une procédure inadéquate pour l’obtention du CML

Les médecins des hôpitaux visités affirment l’existence de frictions et de tensions avec les patients désirant obtenir des CML fixant la durée d’incapacité à plus de 21 jours, alors que leur état ne nécessite pas autant de jours d’incapacité. Pour éviter la grogne de patients mécontents, les médecins annoncent, préalablement à la rédaction du CML, la durée qu’ils envisagent de consigner et laissent le choix aux patients de régler ou non le montant du CML. C’est ainsi que le patient désirant obtenir un CML correspondant à ses attentes a la possibilité de multiplier les tentatives, sans frais, jusqu’à obtention du CML désiré.

Au CHU Ibn Rochd (Casablanca), le CML est d’abord établi sur le carnet à souche, puis il est demandé au patient de le régler à la régie de l’hôpital. Le numéro de la quittance est ensuite apposé sur le CML. Mais parfois, le patient insatisfait de la durée d’incapacité consignée, préfère ne pas régler les frais du CML et part à la recherche d’un médecin plus complaisant dans un autre hôpital, laissant ainsi le CML sur le carnet à souche.

C’est ainsi que, après une agression, c’est la victime qui garde le pouvoir de produire en justice le certificat médico-légal qui lui convient et qu’elle aura cherché auprès du médecin sinon le plus corrompu, du moins le plus complaisant. Une justice prise en otage de certificats médico-légaux produits dans un tel contexte ne peut être que sujette à caution.

D’un autre côté, le CML restant à la charge du patient, les victimes les plus vulnérables socialement et/ou économiquement pourraient être pénalisées, les empêchant ainsi d’accéder à la justice, d’autant plus que le CML ne fait pas partie du panier des soins couverts par le Régime d’assistance médicale (RAMED).

3.2.5 Des prestations de qualité médiocre

La mission a pu constater lors de ses visites que nombre de CML produits sont à peine lisibles, même pour un médecin. Les circonstances du fait dommageable ne sont jamais relatées telles que rapportées par la victime. Les doléances de la victime sont citées d’une manière vague. Les constatations objectives sont parfois inexistantes ; par contre, la durée de l’incapacité est parfois largement surestimée.

Pourtant, outre le rôle joué par les CML dans la qualification pénale des infractions à l’origine des blessures, ces documents constituent la base de discussion des séquelles pour l’indemnisation des victimes. Ainsi des CML estimant largement les durées d’incapacité pourraient conduire à une qualification incorrecte des faits et à une indemnisation indue du dommage.

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3.2.6 Des disparités dans le recours aux réquisitions

Le recours aux réquisitions pour faire constater les violences volontaires et les blessures involontaires se fait de manière aléatoire, sans aucune procédure préalablement concertée. L’essentiel des réquisitions est consacré jusqu’à présent à la constatation des violences sexuelles. Mais ceci ne se fait pas d’une manière systématique. Dans les hôpitaux disposant pourtant de médecins légistes, les prélèvements médico-légaux ne sont pas réalisés sur les victimes de violences sexuelles récentes, en l’absence d’une réquisition qui permettrait la remise de ces prélèvements aux OPJ en vue de leur acheminement aux laboratoires compétents.

3.2.7 Les unités d’accueil des femmes et enfants victimes de violences

C’est dans la prise en charge des femmes et enfants victimes de violences que les efforts institutionnels les plus palpables sont enregistrés, avec la création dans les hôpitaux provinciaux et régionaux d’unités d’accueil et de prise en charge des femmes et des enfants victimes de violences. En principe, ces unités devraient être implantées au niveau des locaux des urgences ou à proximité, et être gérées par un médecin des urgences, ou un médecin légiste, en présence d’une assistante sociale et d’un psychologue.

Il est rare que ces unités soient bien identifiées au niveau de l’hôpital, comme c’est le cas à l’hôpital Moulay Youssef (Casablanca) et à l’hôpital Mohammed V (Tanger). Souvent, l’unité se réduit à un bureau occupé par une assistante sociale qui cumule d’autres tâches dans l’établissement. A l’exception de l’hôpital Moulay Youssef, aucune des unités hospitalières visitées ne disposait d’un(e) psychologue. La collecte des données relatives au profil de la victime et à la nature de la violence subie se fait rarement d’une manière informatisée. Le CML est délivré dans le même cadre que les autres patients, c’est-à-dire par les mêmes médecins qui rédigent les autres CML, sauf dans les hôpitaux d’Avicenne (Rabat), du CHU Ibn Rochd et à l’hôpital Moulay Youssef (Casablanca) où il est délivré par des médecins légistes désignés spécialement pour cette activité. Par ailleurs, ces hôpitaux sont les seuls de notre échantillon qui disposent d’une table d’examen gynécologique au sein même de l’unité. Dans les autres hôpitaux, les victimes sont obligées de se déplacer vers les services de gynécologie pour être examinés par les médecins légistes et/ou les gynécologues.

Le recours aux prélèvements médico-légaux pour les victimes des agressions sexuelles est encore une pratique rare, sinon inexistante dans certains hôpitaux (hôpitaux de Tanger et de Safi).

Par ailleurs, aucune unité ne dispose de médicaments pour la contraception d’urgence ou pour la prévention et le traitement des infections sexuellement transmissibles. Pourtant, nombre de ces médicaments sont disponibles dans les structures de soins ambulatoires.

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3.2.8 Des prestations sur réquisition non rémunérées

Les prestations médico-légales effectuées sur réquisition et comportant un examen de la victime ne sont pas rémunérées, ni pour les médecins, ni pour les établissements de soins. Leur masse relativement peu importante (exception faite du CHU Ibn Rochd de Casablanca), la complexité de la procédure en vue de leur recouvrement en tant que frais de justice en matière pénale et le caractère modique de la rémunération ne dépassant pas 30 DH font que les médecins rechignent à en demander le paiement.

3.3 Les expertises médico-judiciaires

Les expertises médicales ordonnées par les tribunaux et cours du Royaume sont généralement effectuées par des médecins inscrits dans les tableaux des experts près de chaque Cour d’appel. Ces expertises sont de nature diverse. Le cadre de l’évaluation des dommages résultant des accidents de la voie publique, des accidents du travail et des maladies professionnelles est toutefois dominant.

La mission a surtout soulevé l’absence de formation préalable des experts judiciaires en matière d’expertise et une insuffisance de contrôle de leur activité aussi bien à l’échelle des tribunaux, qu’à l’échelle centrale. Ce qui retentit sur la qualité des expertises réalisées et par conséquent sur les jugements rendus.

3.3.1 Une procédure inadéquate pour l’inscription des experts

Les critères de qualification pour l’inscription dans les tableaux des experts ne requièrent qu’une ancienneté dans l’exercice de la profession médicale, de dix ans pour les spécialistes et les chirurgiens dentistes et de quinze ans pour les médecins généralistes. Aucune formation dans les règles procédurales et dans les techniques d’évaluation du dommage corporel n’est exigée.

Par ailleurs, l’inscription des médecins du secteur public n’est pas autorisée par les responsables du ministère de la Santé, au motif que l’exercice de l’expertise est une activité libérale incompatible avec le statut de la fonction publique sauf à obtenir une dérogation à cet effet, signée par le Chef de gouvernement. Cette interprétation discutable des fonctions du médecin expert et qui rend difficile l’accès des médecins du secteur public -au premier rang desquels les professeurs universitaires et les médecins légistes- au tableau des experts judiciaires, prive tout simplement la justice et les justiciables de compétences reconnues en matière d’expertise et vide même le qualificatif « d’expert » de tout sens.

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C’est ainsi que dans son rapport de mission au Maroc (du 15 au 22 septembre 2012), présenté le 28/2/2013 à la vingt-deuxième session du Conseil des droits de l’Homme, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, note «avec préoccupation que la plupart des examens médicaux dans les allégations de la torture sont effectués non pas par des experts médico-légaux mais par de simples cliniciens figurant dans les listes d’ ‘experts’ des tribunaux. Ces personnes n’ont aucune formation ou compétence spécifique en matière de médecine légale. Les rapports médicaux produits à la suite d’allégations de torture et de mauvais traitements sont de très mauvaise qualité ; ils ne sont pas conformes aux normes minimales internationales régissant les examens médico-légaux auxquels ont droit les victimes et ne sont pas acceptables en tant que preuves médico-légales » Il conclut que « le système médico-légal actuel du Maroc, dans le cadre duquel les détenus sont soumis à des examens effectués par des médecins sans spécialisation en médecine légale (de simples cliniciens travaillant comme ‘experts’ auprès des tribunaux), n’est pas conforme aux normes internationales ».

Il est remarquable de noter que les médecins légistes qui ont fait du service de la justice leur vocation professionnelle sont les seuls médecins spécialistes interdits par le ministère de la Santé de s’inscrire aux tableaux des experts, du fait qu’ils sont tous fonctionnaires. Les rubriques intitulées « autopsies » ou « médecine légale » ne sont tout simplement pas prévues dans les tableaux des experts. Par conséquent, les rares médecins légistes que compte le pays, effectuent exceptionnellement, sinon pas du tout, les expertises judiciaires dans le cadre de l’évaluation du dommage corporel, malgré la formation poussée qu’ils ont reçu dans ce domaine.

A titre d’exemple, le Service de médecine légale du CHU Ibn Rochd de Casablanca, qui compte cinq médecins légistes à plein temps et deux à temps partiel, n’a effectué durant l’année 2012 que 22 expertises judiciaires, toutes concernant des accidents du travail et des maladies professionnelles dans le cadre de l’assistance judiciaire. La plupart du temps, les missions effectuées par ce service ont été confiées au Directeur du CHU Ibn Rochd et non pas au Service de médecine légale en tant que tel. Alors que c’est le seul service de formation en médecine légale et en expertise médicale, aucune expertise en matière d’évaluation du dommage corporel dans le cadre d’accidents de la voie publique ne lui a été confiée depuis son inauguration en 1994. Pendant ce temps, un seul chirurgien dentiste a pu effectuer, durant la seule année 2012 et pour un seul tribunal de Casablanca, 181 expertises portant sur des évaluations de dommage corporel, absolument étrangères à l’art dentaire.

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Par ailleurs, dans certaines villes où la démographie médicale est essentiellement hospitalière, très peu de médecins sont inscrits sur les tableaux et la plupart sont des médecins généralistes. Les spécialités très sollicitées en matière d’expertise, telle que la traumatologie, font défaut. A titre d’exemple, la Cour d’appel de Ouarzazate ne compte que 2 médecins généralistes experts. Les Cours d’appel de Laâyoune et d’Al Hoceima comptent chacune 6 médecins généralistes experts et aucun médecin spécialiste.

3.3.2 Une mauvaise exploitation des tableaux des experts

Les tableaux des experts sont très peu actualisés. Certains médecins experts n’exerçant plus la médecine, d’un âge avancé, voire décédés, figurent toujours dans les tableaux. D’autres ont changé d’adresse et de villes et figurent également dans les tableaux près les Cours d’appels d’origine.

La liste des experts inscrits montre une redondance dans les intitulés des différentes spécialités (ex. maladies respiratoires et pneumologie), ce qui ne facilite pas une utilisation correcte du tableau.

Par ailleurs, les coordonnées de certains experts sont incomplètes (ex. pas de numéro de téléphone, numéro de télécopie rarement noté).

Les modalités de choix de l’expert varient entre deux tendances : celle qui privilégie la rapidité d’exécution des missions et celle qui respecte l’ordre de l’inscription dans le tableau.

La première tendance aboutit à la concentration d’un grand nombre d’expertises entre les mains d’un petit nombre d’experts, qui ont ainsi transformé leurs cabinets médicaux en cabinets d’expertise et n’exercent dès lors plus l’activité médicale dans le domaine d’expertise qui leur a été reconnu. Les expertises réalisées se résument souvent à une page et parfois même rédigées à la main d’une manière quasi-illisible.

La deuxième tendance ne permet pas de sélectionner correctement l’expert en fonction de sa spécialité. C’est ainsi que des chirurgiens dentistes, à titre d’exemple, sont commis par les tribunaux de première instance d’El Jadida et de Casablanca pour des évaluations du dommage corporel ne rentrant pas dans le champ de leur compétence.

Dans les deux cas, il en résulte que les expertises sont réalisées par des médecins experts débordés par le nombre important des missions qui leur sont confiés, ou non compétents vis-à-vis de l’objet de l’expertise. Dans les deux cas, les expertises rendues ne peuvent être que de qualité médiocre.

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3.3.3 Des titres et des qualités de médecins experts sujets à caution

La mission a pu relever lors de la documentation de plusieurs rapports d’expertise que certains médecins experts utilisent dans leur papier à en-tête des titres de spécialité qui ne leur sont pas reconnus par le Conseil de l’Ordre des médecins. Ainsi, nombreux sont ceux qui utilisent le titre de médecin légiste alors qu’ils ne sont pas inscrits sous cette spécialité au Conseil de l’Ordre, ce qui constitue une infraction déontologique.

Par ailleurs, certains médecins experts exercent en même temps les fonctions de médecins-conseils pour des compagnies d’assurances parties aux procès. Souvent, la victime de dommage corporel n’a aucune connaissance du conflit d’intérêt existant - hypothéquant l’impartialité de l’expert - et ne recourt pas en conséquence à la procédure de récusation de ce dernier.

3.3.4 Une procédure non standardisée pour la notification des expertises aux experts

Les ordonnances d’expertise sont notifiées aux médecins experts par plusieurs moyens. Assez souvent, ce sont les médecins experts ou leurs assistants qui récupèrent les missions dans les bureaux des expertises dans les tribunaux à l’occasion de la remise de rapports déjà établis.

Parfois, les ordonnances d’expertise sont remises directement aux conseils des victimes ou aux victimes elles mêmes pour se charger de les remettre aux médecins experts. Dans ce cas, il n’est pas accusé réception de l’ordonnance d’expertise d’une manière systématique par l’expert commis, ce qui prive le tribunal de toute possibilité de contrôler la notification effective de sa mission à l’expert.

Les autres moyens de notification de la mission à l’expert comprennent l’huissier de justice et l’agent de notification du tribunal. Mais ces moyens restent relativement peu utilisés.

L’absence de procédures standardisées et d’un suivi adéquat pour la notification des missions aux experts aboutit parfois à des retards préjudiciables dans l’exécution des expertises.

3.3.5 Une absence d’uniformisation des missions d’expertise

L’étude d’un échantillon de missions d’expertise médicale fait ressortir l’inexistence de modèles uniformes au niveau des tribunaux.

Ainsi, certains modèles font référence uniquement au Dahir du 2 octobre 1984 sans citer les dommages à évaluer par le médecin expert. D’autres modèles font référence à

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certains dommages, mais pas à d’autres. Dans le ressort d’un tribunal de première instance d’une grande ville, les modèles de missions d’expertise ne font pas référence au préjudice professionnel. Les rapports établis par les médecins experts de cette ville en exécution de ces ordonnances ne font pas non plus une évaluation de ce chef de préjudice.De même, certains modèles d’ordonnance d’expertise sont utilisés tout aussi bien pour les accidents du travail que pour les maladies professionnelles, alors que les points de la mission sont différents pour l’un ou l’autre fait dommageable.

3.3.6 Des pratiques expertales disparates

L’absence de formation et d’encadrement des experts aboutit à des pratiques expertales disparates.

Ainsi, si les parties sont généralement dûment convoquées par les médecins experts, leurs conseils ne le sont que rarement. La position des tribunaux vis-à-vis de l’absence de convocation des conseils des parties par les experts n’est pas unifiée, même si la tendance est de ne pas frapper de nullité les expertises établies en violation de cette dernière règle.

Par ailleurs, certains experts évaluent les chefs de préjudice indemnisables en signalant, le cas échéant, l’accord convenu en ce sens avec les médecins conseils des compagnies d’assurances. Cette pratique constitue une violation du principe du contradictoire, puisque cet accord intervient à l’insu de la personne expertisée, et qu’il n’est pas du mandat de l’expert de trouver un arrangement avec l’une des parties au détriment de l’autre.

Les rapports établis n’obéissent pas à une méthodologie précise et uniforme. La plupart des rapports ne décrivent pas les circonstances du fait dommageable. Ainsi, dans le cadre des accidents sur la voie publique, il est rarement fait état de la position de la victime et des secours immédiats qu’elle aurait reçus. Les données de l’examen physique sont rarement étoffées et se résument parfois à la consignation de simples doléances de la victime sans aucune objectivation clinique ou explication médicale. Exceptionnellement, sont discutés les éléments d’imputabilité des séquelles relevées à l’événement objet du contentieux. Pourtant, le lien de causalité constitue la pierre angulaire de toute expertise en évaluation du dommage corporel. Quant aux chefs de préjudices, ils sont déterminés d’une manière péremptoire sans aucune justification ou motivation par référence aux chapitres concernés du barème fonctionnel des incapacités ou du barème d’invalidité. Cette absence de motivation donne libre cours aux appréciations les plus divergentes entre les médecins experts. Des écarts inadmissibles de 20% ou 30% dans les taux d’Incapacité Permanente Partielle sont ainsi relevés entre les experts après une contre-expertise ou après interjection d’appel.

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3.3.7 Une rémunération insuffisante des experts avec des procédures compliquées de paiement

La rémunération des experts se fait soit à partir des montants consignés par les parties, en l’occurrence les victimes pour la première expertise, soit par le Trésor public dans le cadre de l’assistance judiciaire. Lorsque les frais de l’expertise sont à avancer par l’une des parties, les montants varient généralement entre 400 DH et 600 DH, et sont consignés au niveau de la caisse du tribunal. Si la procédure de recouvrement est relativement simple, les montants paraissent insuffisants eu égard au temps nécessaire pour mener une expertise dans les règles de l’art et rédiger un rapport circonstancié, nonobstant le coût lié à la convocation des parties et de leurs conseils par des lettres recommandées avec accusé de réception.

En matière d’accidents de travail et de maladies professionnelles, les frais sont avancés par le Trésor public pour la première expertise. Normalement, le Dahir du 6 février 1963 relatif à la réparation des accidents du travail prévoit dans son article 239 que les médecins experts sont rémunérés selon les tarifs d’expertise prévus en matière d’instruction criminelle. Le Dahir du 31 décembre 1986 relatif aux frais de justice en matière pénale a fixé ce tarif à 30 DH. Toutefois, les tribunaux visités par la mission appliquent généralement des tarifs variant entre 100 DH et 200 DH. Ces montants restent très insuffisants et la procédure de leur recouvrement est si compliquée que la majorité des médecins experts ne les réclament pas.

L’insuffisance des honoraires est de nature à encourager les pratiques de corruption et de perception des honoraires directement de la part de la personne expertisée par certains médecins. D’autres praticiens sont acculés à refuser l’exécution de la mission. Le risque définitif est de voir les médecins les plus compétents et les plus honnêtes fuir la pratique de l’expertise au profit de médecins moins compétents et moins consciencieux.

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cHapiTre iii : recommandaTions pour une reforme des acTiViTes medico-legales

L’organisation de la médecine légale au Maroc connaît des défaillances majeures en l’absence d’un cadre institutionnel et d’un pilotage de cette activité. Cette discipline paie en quelque sorte la rançon de son caractère transversal : elle s’exerce dans des structures et par des médecins relevant des départements de la Santé et de l’Intérieur, mais elle profite essentiellement au système judiciaire.

La situation actuelle de l’offre et de l’organisation médico-légale et la volonté d’accompagner la réforme en cours de la justice, dont la médecine légale est un auxiliaire incontournable, autorisent à développer les propositions suivantes qui visent à créer un cadre institutionnel national pour l’exercice de cette activité, assorti d’aménagements législatifs et réglementaires(i), plaçant le service public hospitalier au cœur du dispositif (ii), avec une organisation territoriale sur deux niveaux selon un schéma directeur régional (iii), confortant la formation des médecins, mais aussi de tous les intervenants impliqués (iv) et assurant un financement juste et pérenne des frais de justice en contrepartie d’un service rendu évaluable (v).

1. refonte du cadre législatif et réglementaire

1.1 Créer un cadre institutionnel national pour l’activité médico-légale

La structuration de la médecine légale au Maroc, visant à répondre aux exigences d’efficacité, de sécurité et d’égalité des citoyens devant la justice, passe inévitablement par la création d’une structure centrale de conception et de mise en œuvre d’un schéma directeur de l’activité médico-légale, dans le cadre d’un réseau de structures homogène, cohérent et évolutif avec des dispositifs de contrôle et d’évaluation.

Cette structure centrale pourrait consister en une commission interministérielle dont les acteurs principaux seraient : la direction des affaires civiles et la direction des affaires criminelles et de grâces

dépendantes du ministère de la justice et des libertés ; la direction des hôpitaux et des soins ambulatoires au ministère de la santé ; la direction générale des collectivités locales au ministère de l’intérieur.

Ce noyau peut être élargi à d’autres intervenants et prendre l’appellation de Conseil supérieur ou national de la médecine légale et dont la composition comprendrait, outre les représentants sus-cités, la Direction Générale de la Sûreté Nationale, de l’Administration de la Défense et du Conseil national des droits de l’Homme, en plus de professionnels de la justice, de la santé et des représentants de la société civile œuvrant dans le domaine des droits de l’Homme.

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A côté de cette structure de conception, il pourrait être envisagé de disposer d’une structure capable de promouvoir les activités médico-légales et d’aider à la mise en œuvre des politiques et stratégies décidées à l’échelle centrale. Cette structure à vocation nationale pourrait être un Institut national de médecine légale qui serait chargé des missions suivantes :

L’encadrement et l’harmonisation des pratiques professionnelles, avec l’établissement de normes et de standards pour l’exécution des différentes activités médico-légales, pour la rédaction des rapports d’expertise et la mise en place d’un programme de contrôle de qualité de ces prestations médico-légales ; La contribution à la formation en médecine légale et à la recherche dans le domaine

des sciences médico-judiciaires ; La prestation de services médico-légaux nécessitant une expertise particulière aux

autorités judiciaires, à toute autre entité publique ou privée et aux particuliers.

De tels instituts existent dans les pays ayant fait le choix d’un modèle médico-légal fortement institutionnalisé et hiérarchisé (Portugal, Pays-Bas, Egypte, Jordanie…). Ce type d’institut peut être rattaché fonctionnellement ou statutairement, mais en tout cas financièrement au ministère de la Justice, ou alors être doté d’une large autonomie administrative et financière.

Quoiqu’il en soit, la nature des questions à traiter dans le cadre de tout modèle médico-légal choisi nécessite des aménagements législatifs, pour permettre d’assurer la stabilité et la lisibilité du futur cadre institutionnel. Les initiatives sectorielles n’apportent que des réponses parcellaires aux préoccupations d’une discipline éminemment transversale aux enjeux à la fois judiciaires et médico-sociaux, sans oublier les aspects financiers qui s’y rattachent.

1.2 Créer un cadre légal et réglementaire pour les activités médico-légales

Une organisation rationnelle et opérationnelle des différentes activités médico-légales, répondant aux critères de qualité, d’efficacité, de proximité et d’égalité des citoyens devant la justice, ne peut se concevoir sans un dispositif légal et réglementaire solide, d’autant plus que ces activités touchent au fonctionnement du service public hospitalier et des services communaux, et aux règles de la procédure pénale et civile. Le dispositif à créer doit également garantir l’indépendance tant des magistrats que des médecins prestataires des services médico-légaux.

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Parmi les questions à traiter dans ce cadre légal à concevoir, on peut citer :

1- La définition des qualifications requises pour les médecins en vue de l’exercice des différentes activités médico-légales, gardant à l’esprit que la compétence acquise au terme d’une formation normative devrait être un des critères déterminants ; 2- L’identification des champs d’intervention du médecin légiste en mettant l’accent sur certaines activités qui restent sous-développées dans notre pays, telles que les levées de corps et l’examen des gardés à vue. Une meilleure identification des activités médico-légales passe par une organisation favorisant une approche globale, prenant en compte à la fois la thanatologie et la médecine légale du vivant, les examens des victimes et des auteurs présumés ; 3- La détermination des sites habilités à abriter ces activités médico-légales en définissant leur rattachement institutionnel, les normes requises en termes d’infrastructure et d’équipement ainsi que les modalités d’organisation ; 4- L’établissement de normes et standards pour l’exécution des différentes prestations médico-légales, dans le but d’homogénéiser les pratiques tant des prescriptions par la police et les magistrats que les modalités d’exécution des actes par les professionnels de la santé.

2. mettre le service public hospitalier au cœur du dispositif

2.1. Justifications de l’intégration hospitalière de la médecine légale

De nombreux arguments militent en faveur de la solution plaçant le service public hospitalier au cœur d’une nouvelle organisation de la médecine légale.

D’abord, l’intégration hospitalière de la médecine légale favorise une approche globale de la discipline prenant en compte à la fois la thanatologie et la médecine légale du vivant, les examens des victimes et des auteurs présumés. L’activité thanatologique est greffée tout naturellement sur la morgue et l’activité clinique est exercée dans des locaux bien identifiés à proximité ou au sein des urgences. L’unité de la discipline est ainsi restaurée en tant que médecine exercée sur mandat judiciaire, pour la recherche de la vérité et la garantie des droits des citoyens.

Ensuite, le service public hospitalier offre une très bonne assise territoriale couvrant tout le Royaume, organisée en Centres hospitalo-universitaires, Centres hospitaliers régionaux, Centres hospitaliers provinciaux ou préfectoraux et hôpitaux locaux. Les exigences de neutralité, de permanence, ou encore d’égalité de traitement qui fondent l’organisation de ces établissements sont autant de qualités attendues par l’autorité judiciaire pour l’exercice de la médecine légale.

Ces considérations sont confortées par des aspects pratiques et humains déterminants. Les établissements hospitaliers ont pour vocation d’accueillir, pour les soigner, toutes

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les victimes de violences. Il est de l’intérêt des victimes de trouver également dans ces établissements les compétences nécessaires en matière de constatations médico-légales. Quant à la thanatologie -l’autopsie et sa prémisse, la levée de corps- on conçoit difficilement, compte tenu notamment de la nécessité de la disponibilité d’un équipement radiologique, et de l’intérêt de la proximité du plateau technique apte à traiter les prélèvements effectués, qu’elle puisse trouver un lieu d’exercice mieux adapté que l’hôpital public. Par ailleurs, les impératifs d’hygiène et de sécurité sanitaire sont de première importance. La gestion des déchets issus de l’autopsie est plus facile et plus sûre à l’hôpital, du fait du caractère organisé et réglementé de la collecte des déchets hospitaliers.

Enfin, les Centres hospitalo-universitaires sont les seuls sites pour la formation des médecins dans la spécialité de médecine légale. Les Centres hospitaliers régionaux et provinciaux sont les seuls sites d’affectation des médecins légistes déjà formés. Organiser l’activité médico-légale en dehors de l’hôpital constituerait un obstacle à la formation des médecins en cette discipline et empêcherait ceux déjà formés d’exercer leur spécialité. Il en résulterait une impossibilité de combler la pénurie de notre pays en médecins légistes. En définitive, on peut dire que la médecine légale a une mission de service public auxiliaire du service public de la justice. Considérée sous cet aspect, qui coexiste avec ses missions sanitaires, médico-sociales et universitaires d’enseignement et de recherche, elle trouve naturellement sa place au sein du service public hospitalier.

2.2. Place des morgues municipales, des médecins des Bureaux municipaux d’hygiène et des médecins du secteur privé dans le dispositif proposé

Si le service public hospitalier doit être le maître d’œuvre d’une nouvelle organisation, il ne saurait aujourd’hui assumer à lui seul la totalité de l’activité médico-légale.

Les morgues municipales des grandes villes peuvent apporter un appui aux instituts médico-légaux hospitaliers déjà existants ou à créer. Des médecins légistes peuvent y être affectés provisoirement pour améliorer la qualité de leur prestation. Ceci pourrait bénéficier à des villes comme Casablanca, Rabat, Marrakech et Kénitra.

Dans les autres villes où les autopsies sont habituellement pratiquées au sein des hôpitaux, s’il devait y avoir création de nouvelles morgues par les municipalités, celles-ci devraient le faire au sein des hôpitaux ou à proximité. Les médecins des Bureaux municipaux d’hygiène formés à la pratique autopsique peuvent intégrer l’équipe médico-légale hospitalière. Rien n’interdit en effet que des médecins de santé publique travaillent au sein d’une morgue municipale, qu’elle soit intra ou extra hospitalière. L’inverse est tout aussi vrai. Les médecins des Bureaux municipaux d’hygiène peuvent également officier au sein des morgues hospitalières.

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Les médecins du secteur privé continueraient à contribuer à l’activité médico-légale du vivant. Ils rédigent notamment les certificats médico-légaux pour leurs patients victimes d’agression. Cette activité devrait toutefois être contrôlée. La justice ne devrait pas se laisser prendre en otage entre les mains de certains médecins peu scrupuleux. On peut ainsi proposer que les victimes présumées d’agressions sexuelles et les patients obtenant à la suite de violences des certificats fixant une durée d’incapacité de travail, supérieure à 20 jours ou entraînant une infirmité permanente, soient systématiquement référés sur réquisition policière à une unité médico-judiciaire hospitalière dédiée.

3. révision des conditions d’inscription dans les tableaux des experts

Une refonte des textes réglementaires fixant les critères exigés pour l’inscription au tableau des experts doit intervenir. Le but est que le critère de la compétence soit privilégié quelque soit le type d’exercice du médecin, public ou privé. Les médecins légistes, de par leur vocation professionnelle, devraient être inscrits d’office. Les médecins ayant justifié d’une formation en expertise et en réparation du dommage corporel doivent avoir la priorité dans l’inscription dans les tableaux.

En attendant une telle réforme, les médecins déjà inscrits doivent être astreints dans le cadre de la formation continue à suivre une formation normative en matière d’évaluation du dommage corporel.

Les inscriptions dans les tableaux ne devraient plus se faire à vie. Les demandes d’inscription doivent être renouvelées au terme d’un certain nombre d’années (ex. cinq années) sur production d’un bilan d’activité des années écoulées dans l’activité expertale.

4. créer un maillage territorial avec un schéma régional

L’offre médico-légale doit permettre un maillage du territoire national de nature à apporter à la fois une réponse de proximité pour les cas simples et un haut degré de technicité et de compétence pour les cas compliqués.

Ce maillage pourrait être calqué, sans s’y conformer, sur celui de l’organisation hospitalière, permettant la création de services médico-légaux distincts au sein des hôpitaux de rang provincial et plus. Ces services doivent être correctement budgétisés pour assurer aussi bien les activités médico-légales thanatologiques que cliniques.

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4.1. Concernant l’activité des autopsies

La pratique des autopsies devrait être réservée aux grands hôpitaux provinciaux et aux hôpitaux régionaux et universitaires. Ces derniers - et en leur absence - les hôpitaux régionaux constitueraient les centres de référence pour les cas compliqués. Les autres hôpitaux, faisant d’ailleurs très peu d’autopsie, ne peuvent maintenir de parfaites conditions de sécurité sanitaire, ni un plateau technique adéquat pour satisfaire aux normes d’une autopsie bien conduite.

4.2. Concernant l’activité clinique et les levées de corps

L’approche devrait être différente lorsqu’il s’agit des actes médico-légaux de proximité. En effet, vu leur masse importante, les certificats médico-légaux pour les victimes de violences physiques ou sexuelles et des blessures accidentelles (accidents sur la voie publique, autres accidents du droit commun, accidents du travail,…) pourraient être réalisés par tout médecin.

Toutefois, les enjeux judiciaires de ces certificats incitent à prévoir des mécanismes de contrôle pour éviter les abus et les certificats de complaisance aux conséquences fâcheuses pour une bonne administration de la justice.

Ainsi, on peut suggérer la création d’une unité médico-judiciaire dédiée pour toute l’activité médico-légale clinique dans les grands hôpitaux provinciaux, hôpitaux régionaux et hôpitaux universitaires. Ces unités seraient placées, chaque fois que possible, sous la responsabilité d’un médecin légiste ou, en son absence, d’un médecin ayant eu une formation universitaire en médecine légale ou en expertise médicale et constitueraient, avec l’unité de thanatologie greffée sur la morgue hospitalière, le noyau du service de médecine légale.

Les locaux des unités médico-judiciaires devraient être bien distincts, de préférence à proximité du service d’accueil des urgences. Elles pourraient se greffer sur les unités hospitalières d’accueil des femmes et enfants victimes de violences, ou sur les locaux destinés aux certificats médicaux qui existent dans certains hôpitaux et dont elles absorberaient l’activité.

Le personnel médical de l’unité devrait être nommément désigné et identifié par les services de la police et du parquet. Etant donné la charge du travail prévisible, et selon l’importance de l’hôpital et de la population desservie, un à deux médecins à temps plein devraient y être affectés. D’autres médecins, à compétence générale, pourraient faire des vacations journalières durant les horaires administratifs selon une liste préétablie et participeraient à l’organisation d’une astreinte aux heures non ouvrables, week-end

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et jours fériés pour les levées de corps et l’examen des gardés à vue. En dehors de leurs jours de vacation, ils poursuivraient leurs fonctions habituelles (urgences, chirurgie générale, traumatologie, orthopédie…).

Des médecins dans certaines spécialités (pédiatrie, psychiatrie, gynéco-obstétrique...) pourraient être appelés ponctuellement à participer à l’activité de l’unité eu égard à leur champs de spécialité.

De même, des médecins du secteur privé pourraient être sollicités, en cas de besoin, à œuvrer au sein de ces unités par des vacations dans le cadre du partenariat public-privé.

Enfin, parmi les médecins de l’unité, certains -surtout ceux qui font les levées de corps- participeraient à l’activité des autopsies.

Concernant le fonctionnement de l’unité, celle-ci accueillerait, sur réquisition, les victimes de violences sexuelles et les victimes des accidents de la voie publique ou de violences physiques, ayant produit des certificats médico-légaux faisant état d’une durée d’incapacité de travail personnel supérieure ou égale à vingt et un jours ou d’une infirmité permanente, pour se prononcer sur la pertinence d’une telle estimation.

L’unité concentrerait également la production de tous les autres certificats médico-légaux, demandés par les usagers de l’hôpital ainsi que l’exécution des réquisitions d’examens des gardés à vue et des levées de corps.

L’organisation interne de l’unité devrait privilégier la souplesse pour permettre une adaptation à la très grande diversité des situations locales. Le parquet et les services de police, principaux bénéficiaires, devraient être associés à leur conception et à leur fonctionnement.

Dans les Centres hospitaliers universitaires où l’offre médico-légale est la plus étoffée, on devrait également retrouver au sein du service de médecine légale une unité de toxicologie médico-légale et une unité des empreintes génétiques. Ces disciplines, actuellement concentrées dans les laboratoires scientifiques de la police et de la Gendarmerie Royale, sont de plus en plus sollicitées en criminalistique, mais également par le corps médical pour la première et par les juridictions civiles pour la seconde. Le nombre croissant des affaires impose une décentralisation des laboratoires. Outre l’argument de proximité qu’on peut invoquer pour l’hébergement de ces unités au sein des hôpitaux universitaires, on peut également invoquer celui de la mise à la disposition de la justice de laboratoires indépendants et constituant des terrains pour la formation et la recherche.

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5. conforter la formation de tous les intervenants

La formation est la clé de voûte de la réussite de toute réforme dans l’organisation d’une discipline scientifique donnée. L’extrême rareté de spécialistes en médecine légale dans notre pays est une autre raison pour donner à la formation dans cette discipline toute l’importance qu’elle requiert. Cette formation se décline en formation initiale des étudiants en médecine, formation des spécialistes en médecine légale et formation post universitaire ciblée pour certains champs de l’activité médico-légale, sans oublier la formation de la police et de la magistrature.

5.1. La formation pré-graduée

Le premier pas consisterait d’abord à recruter des enseignants au sein des facultés de médecine. En effet, l’attrait des jeunes médecins pour une discipline ou une spécialité est largement conditionné par la présence au sein de leur faculté d’un professeur développant un certain dynamisme dans le domaine de l’enseignement et de la recherche. Il est donc nécessaire que, au niveau national, les arbitrages rendus par les ministères en charge de l’enseignement supérieur et de la santé portant sur les postes hospitalo-universitaires prennent en compte la médecine légale dans leurs priorités. La présence minimale d’un praticien de rang universitaire dans chaque CHU est de nature à améliorer l’enseignement de base de la médecine légale, actuellement dispensé au cours du deuxième cycle des études médicales avec un volume horaire de 25 à 35 heures.

Le contenu de la formation devrait également être revu pour y inclure un enseignement sur les droits de l’Homme et le rôle du médecin dans la promotion et la défense des droits de ses patients. A cet effet, des partenariats pourraient être établis entre les facultés de médecine et les facultés de droit ou d’autres institutions ou départements disposant de professionnels pour l’enseignement des droits de l’Homme. Le volume horaire pour l’enseignement de la médecine légale doit être revu en conséquence.

5.2. La formation post-graduée

En capitalisant sur l’expérience du service de médecine légale du CHU Ibn Rochd (Casablanca), actuellement seul service de formation en médecine légale, il semble nécessaire de créer au sein de chaque CHU -chaque fois qu’un poste d’enseignant en médecine légale est attribué- un service hospitalo-universitaire de médecine légale doté du personnel médical, technique et paramédical nécessaire, de l’infrastructure permettant la réalisation, dans de bonnes conditions, des autopsies et des examens complémentaires associés ainsi que des locaux constituant l’unité médico-judiciaire.

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La création de services hospitalo-universitaires aurait pour effet de multiplier le nombre des médecins légistes en formation et permettrait de combler à terme la pénurie en spécialistes dans cette discipline.

Les services créés devraient être inscrits d’emblée en tant que personnes morales au tableau des experts. En effet, la création d’un service hospitalo-universitaire de médecine légale ne peut qu’avoir une contrepartie judiciaire : l’engagement des autorités judiciaires à recourir prioritairement à cette structure pour toutes les missions et les expertises qu’elle est en mesure d’accomplir.

5.3. La formation médicale continue

La formation académique en médecine légale étant longue et le nombre de candidats intéressés réduit, il serait justifié de cibler certains champs d’activité médico-légale par des formations de courte durée, destinées à des médecins généralistes ou des spécialistes déjà en exercice.

Ainsi, une formation dans l’art expertal et l’évaluation du dommage corporel est plus que nécessaire pour mettre à la disposition des tribunaux et des compagnies d’assurance des médecins experts compétents. Cette formation existe déjà à la Faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca depuis plus de quinze ans. Des enseignants en droit et des magistrats y participent en plus des enseignants en médecine.Cette formation doit être valorisée en permettant aux médecins diplômés d’avoir la priorité dans l’inscription aux tableaux des experts.

De même, la formation aux pratiques thanatologiques doit se poursuivre en ciblant surtout les praticiens hospitaliers désirant œuvrer au sein des services hospitaliers de médecine légale. Des incitations financières, comme la prise en charge du coût de la formation, devraient être opérées pour susciter l’intérêt de ces professionnels pour cette activité.

5.4. La formation des autres intervenants non médecins

La médecine légale étant une discipline transversale et un outil auxiliaire de la justice, ses principes et ses apports devraient également être diffusés parmi les utilisateurs et les bénéficiaires de cette discipline.

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Ainsi, la formation en médecine légale doit être renforcée et consolidée dans la formation des attachés judiciaires à l’Institut supérieur de la magistrature et dans la formation des futurs commissaires et autres officiers de police à l’Institut Royal de Police.

Les manifestations scientifiques relatives à la médecine légale et disciplines apparentées, réunissant médecins légistes, avocats, magistrats, professionnels du droit et défenseurs des droits de l’Homme doivent être encouragées et soutenues par les pouvoirs publics, d’autant plus que la discipline de médecine légale souffre d’une manière chronique de l’absence de financement de ses activités scientifiques, contrairement aux autres spécialités médicales qui bénéficient de l’appui financier de l’industrie pharmaceutique.

6. Assurer un financement juste et pérenne

Une meilleure identification de la médecine légale devrait nécessairement être accompagnée d’un financement suffisant de ses prestations, avec une procédure adaptée.

6.1. Réaffirmer le principe d’un financement de la médecine légale sur frais de justice

Ce principe, largement admis de par le monde, ne peut souffrir de contestation. Pourtant, en plus de la tarification insuffisante des prestations médico-légales, certains actes médico-légaux ne sont tout simplement pas rémunérés. Il en est notamment des réquisitions policières établies pour l’examen médico-légal des victimes de violence, des détenus et la conservation des corps à des fins médico-légales.

6.2. Réexaminer les tarifs dus au titre des frais de justice

Une revalorisation de ces tarifs est nécessaire pour garantir une viabilité et une transparence du système médico-légal et devrait comporter une contrepartie financière pour le service public hospitalier au titre des frais de structure.

Concernant les examens médico-légaux des victimes de violences et des personnes gardées à vue effectués sur réquisition, ils ne sauraient être tarifés à moins du tarif d’une consultation spécialisée avec une prestation associée qui est la délivrance d’un certificat médico-légal.

Pour ce qui est des expertises médico-judiciaires, il est classique de distinguer entre celles qui sont réalisées dans le cadre de l’assistance judiciaire et celles dont le montant est consigné par l’une des parties. Tenant compte des frais liés à la convocation des parties, la rédaction et le dépôt du rapport, les tarifs actuellement en vigueur devraient être revalorisés, surtout dans le cadre de l’assistance judiciaire.

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6.3. Rationaliser et simplifier les procédures de paiement

La mise en place d’un dispositif structuré pour l’exercice de la médecine légale exige l’instauration de procédures de financement profondément rénovées, globales et sûres.

Puisque cette structuration s’articulerait autour des établissements hospitaliers qui auraient un rôle central dans la constitution et l’animation de réseaux de médecine légale, il pourrait être envisagé de verser aux établissements publics de santé qui abritent des structures dédiées à l’activité médico-légale (Morgue + UMJ +/- laboratoires) une dotation globale annuelle, correspondant à la rémunération prévue pour chaque prestation réalisée et calculée, en considérant l’activité médico-légale prise en charge sur réquisition durant l’année N-1 par l’établissement de santé. Des ajustements en fin d’exercice peuvent être opérés pour corriger tout excès ou insuffisance de rémunération.

Ce mode de financement constituerait un facteur de simplification et d’économie de temps pour les médecins et les juridictions. Mais, il exige un profond remaniement des textes législatifs actuellement en vigueur.

Le paiement sur présentation individuelle de mémoire continuerait toutefois à s’appliquer chaque fois que l’acte médico-légal requis a été confié à un médecin exerçant en dehors des structures hospitalières dédiées à l’activité médico-légale.

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conclusion

L’organisation de la médecine légale au Maroc connait des défaillances majeures en rapport avec l’absence d’un cadre institutionnel et d’un pilotage de cette activité. Cette discipline paie en quelque sorte la rançon de son caractère transversal : elle s’exerce dans des structures et par des médecins relevant des départements de la Santé et de l’Intérieur, mais elle profite essentiellement au système judiciaire.

La faible implication de certains départements concernés par cette discipline s’est traduite par la désaffection du corps médical tout entier par rapport à cette spécialité.

Restaurer sa dignité et sa place à cette spécialité passe par un engagement de tous les intervenants dans la structuration de l’activité médico-légale et la reconnaissance de la valeur des médecins ayant acquis soit la spécialité soit une formation post-universitaire dans cette discipline.

L’impact financier de la structuration préconisée est difficile à mesurer. Il y a tout lieu de penser qu’elle aura pour effet d’augmenter les dépenses, dans la mesure où elle permettra à des parquets de procéder plus commodément à des examens médico-légaux auxquels ils renoncent aujourd’hui, faute de moyens et de structures identifiables et fiables pour les exécuter. Mais, pour l’essentiel, il s’agit moins d’accroître des moyens que d’améliorer l’organisation et d’assainir le financement, en reportant sur le budget de la Justice une charge assumée indûment jusqu’à aujourd’hui par le département de la Santé. En outre, des frais supplémentaires pourraient être limités par une pratique mieux encadrée des levées de corps (de nature à éviter des autopsies inutiles) et par la délivrance de rapports médico-légaux pertinents dispensant du recours à des contre-expertises, coûteuses pour le temps et l’argent des justiciables et de la justice.

Considérant les enjeux considérables pour la sécurité publique et les droits individuels attachés à l’activité médico-légale, indispensables au bon fonctionnement du service public de la justice, il est impératif de réunir dans un premier temps tous les intervenants dans le champs médico-légal avec en priorité les responsables de la Direction des affaires criminelles et des grâces, de la Direction des hôpitaux et des soins ambulatoires et de la Direction générale des collectivités locales pour penser à un modèle médico-légal pour notre pays, capable de relever les innombrables défis qui se dressent devant cette discipline et par extension devant la justice.

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