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UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS PARIS II Année universitaire 2009-2010 Travaux Dirigés - Master 1 DROIT PUBLIC DE L’ÉCONOMIE II Cours de Mme la Professeure Martine LOMBARD Distribution en travaux dirigés du 22 au 27 mars 2010 Séances n° 6 et 8 LES AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES Pour préparer la séance de travaux dirigés, les étudiants pourront se reporter aux fiches synthétiques sur le droit communautaire des aides d’Etat disponibles sur le site : http://europa.eu/legislation_summaries/competition/state_aid/index_fr.htm 1°/ BIBLIOGRAPHIE A/ Ouvrages abordant les aides publiques aux entreprises CHEROT (J-Y), Droit public économique, Paris, Economica, 2 ème éd., 2007, spéc. p 178 et s., p 915 ; DECOCQ (A), DECOCQ (G), Droit de la concurrence : droit interne et droit de l’Union européenne, Paris LGDJ, 3 ème éd., 2008 ; DONY (M), Contrôle des aides d’Etat, Bruxelles, éd. Université de Bruxelles, 2007, spéc. p 15 et s. ; NICINSKI (S), Droit public des affaires, Montchrestien, 2009, spéc. p 183 à 223 ; SIRINELLI (J), Les transformations du droit administratif par le droit communautaire : une contribution à l'étude du droit administratif européen, thèse, Paris 2, 2009, spéc.p 317 et s. et p 350 et s. B/ Articles abordant les aides publiques aux entreprises CASTELNAU (R de), FAY (P de), Le nouveau régime des interventions économiques des collectivités territoriales, AJDA, 2005, p 121 ; CASTRIC (O), Les évolutions récentes du droit des interventions économiques des collectivités territoriales, LPA, 2005, n°137, p 3 ;

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UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS PARIS II

Année universitaire 2009-2010 Travaux Dirigés - Master 1 DROIT PUBLIC DE L’ÉCONOMIE II Cours de Mme la Professeure Martine LOMBARD Distribution en travaux dirigés du 22 au 27 mars 2010 Séances n° 6 et 8

LES AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES Pour préparer la séance de travaux dirigés, les étudiants pourront se reporter aux fiches synthétiques sur le droit communautaire des aides d’Etat disponibles sur le site : http://europa.eu/legislation_summaries/competition/state_aid/index_fr.htm 1°/ BIBLIOGRAPHIE A/ Ouvrages abordant les aides publiques aux entreprises CHEROT (J-Y), Droit public économique, Paris, Economica, 2ème éd., 2007, spéc. p 178 et s., p 915 ; DECOCQ (A), DECOCQ (G), Droit de la concurrence : droit interne et droit de l’Union européenne, Paris LGDJ, 3ème éd., 2008 ; DONY (M), Contrôle des aides d’Etat, Bruxelles, éd. Université de Bruxelles, 2007, spéc. p 15 et s. ; NICINSKI (S), Droit public des affaires, Montchrestien, 2009, spéc. p 183 à 223 ; SIRINELLI (J), Les transformations du droit administratif par le droit communautaire : une contribution à l'étude du droit administratif européen, thèse, Paris 2, 2009, spéc.p 317 et s. et p 350 et s. B/ Articles abordant les aides publiques aux entreprises CASTELNAU (R de), FAY (P de), Le nouveau régime des interventions économiques des collectivités territoriales, AJDA, 2005, p 121 ; CASTRIC (O), Les évolutions récentes du droit des interventions économiques des collectivités territoriales, LPA, 2005, n°137, p 3 ;

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CHEROT (J-Y), Le plan d’action de la Commission dans le domaine des aides d’Etat, AJDA 2007, p 2412 ; CHEYNEL (B), Récupération des aides versées en violation du droit communautaire : interrogation, confirmation, sanction, Revue Lamy Concurrence, n°9/2006, p 74 ; COLLET (M), Le juge administratif et le contrôle des aides d’Etat : de la réception à l’instrumentalisation du droit communautaire, RDP, 2009, p 1311 ; DISANT (M), Le juge administratif et l’obligation communautaire de récupération d’une aide incompatible, RFDA, 2007, p 547 ; GROUD (H), La sécurisation des aides publiques locales aux entreprises, AJDA, 2003, p 1584 ; GROUD (H), Réflexions sur le nouveau droit de l’interventionnisme économique local et régional, RDP 2005, p 1247 ; KARPENSCHIF (M), Les aides des collectivités locales aux entreprises ; quelques interrogations sur la règle de minimis, JCP A, 2006, p 1018 ; KARPENSCHIF (M), Regard sur le droit des aides d’Etat, LPA 2007, n°239, p 48 ; KARPENSCHIF (M), Le RGEC : nouveau départ pour le droit des aides d’Etat, JCP A, n°5, 2009, 2023 ; LEROY (M), Récupérer une aide publique, RDP, 2009, p 1007 ; MOREAU (J), Les aides locales aux entreprises et le développement économique, JCP A, 2006, p 1106 ; RIVEL (G), Les nouvelles modalités d’intervention des collectivités territoriales auprès des entreprises en matière immobilière, JCP A, 2007, n°41, p 40 ; ROUSSEL GALLE (P), Les aides publiques aux entreprises en difficulté, Revue des procédures collectives, 2006, n°2, p 127. A propos de la crise économique et financière : Les Actes de l'Atelier de la concurrence sur « le droit de la concurrence à l'épreuve de la crise économique », Atelier du lundi 27 avril 2009 (http://www.dgccrf.bercy.gouv.fr/documentation/publications/actes_ateliers/crise_economique.pdf) BAZEX (M), Aides d’Etat et crise, Cont. Conc. cons., n°6, juin 2009, comm. 168 ; CONAN (M), De la garantie de l’Etat en lois de finances rectificatives Plan de financement et plan de relance de l’économie, DA, n°5, 2009, études n°10, p 17 ; IDOUX (P), Le droit public économique vu à travers la crise, DA n°3, 2009, études n°5, p 7 ; MARTIN (S), Contrôle communautaire des aides d'État : la recherche de la coopération avec les États membres, JCP A, n°45, 2009, 2257 ; NOGUELLOU (R), La relance et le droit administratif, DA, n°1, 2009, focus, p 3 ; NICINSKI (S), Le plan de relance de l’économie, RFDA, 2009, p 273 ; PASTOR (J-M), Adoption du plan de relance de l’économie, D., 2009, p 287. C/ Références complémentaires Plan d’action dans le domaine des aides d’Etat présenté par la Commission le 7 juin 2005, COM 2005 107 final (http://europa.eu/legislation_summaries/competition/state_aid/l26115_fr.htm)

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2°/ LISTE DES DOCUMENTS I – Généralités

A) La notion d’aide d’Etat Document n°1 : CJCE, 26 septembre 2006, Enirisorse Spa c/ Sotacarbo Spa, C-237/04 ; AJDA, 2006, p 1161 ; Document n° 2 : Comm. CE, déc. n° 2009/845/CE, 26 nov. 2008 concernant l'aide d'État C 16/07 accordée par l'Autriche à l'entreprise Postbus dans le district de Lienz : JOUE n° L 306, 20 nov. 2009, p. 26 ; GRARD (L), Aide d’Etat ou rémunération normale d’une activité de service public ?, Revue de droit des transports, n°2, février 2010, comm. 34.

B) Le contrôle des aides d’Etat Document n° 3 : Règlement n°659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 [devenu 88] du traité CE, JOCE, n° L83, 27 mars 1999 ; Document n° 4 : CJCE, 12 février 2008, Centre d’exportation du livre français (CELF), C-199/06 ; Document n° 5 : CE, 19 décembre 2008, Centre d’exportation du livre français, n° 274923 ; DA, n° 3, 2009, comm. n°36 ; Document n° 6 : CJCE, 11 mars 2010, Centre d’exportation du libre français (CELF), Ministre de la Culture et de la Communication c/ Société internationale de diffusion et d’édition (SIDE), C-1/09 ; Document n° 7 : CE, Ass., 7 novembre 2008, Comité national des interprofessions des vins à appellations d’origine et autres, n° 282920 ; AJDA, 2008, p 2384, chron. E. Geffray et S.-J. Liéber. II – Exemples d’aides publiques locales

A) Les garanties d’emprunt Document n° 8 : CE, 2 mars 2007, Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France, RJEP, 2007, p 370, note L.T.

B) Les aides à l’immobilier d’entreprise Document n° 9 : CE, Sect. 3 novembre 1997, Communes de Fougerolles ; CJEG, 1998, p. 16, concl. L. Touvet ; RFDA, 1998, p 12, concl. L. Touvet ; AJDA, 1997, p 1010, note L. Richer ; JCP, 1998, p 270, note F. Chouvel ; D. 1998, jur., p 131, note J.-F. Davignon.

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C) Les aides aux entreprises en difficulté Document n° 10 : TC, 14 février 2000, Société anonyme Imphy ; RGCT, 2000, n°12, p 372, note C. Devès. III – Aides d’Etat et crise économique Document n° 11 : Rapport de la Commission - Tableau de bord des aides d'État - Rapport sur les aides d'État accordées par les États membres de l'UE – Mise à jour de l'automne 2009 – {SEC(2009)1638} /* COM/2009/0661 final */ (extraits) 3°/ Thèmes de débat La notion d’aide publique dans la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne est-elle adaptée aux objectifs de l’Union européenne ? Les aides publiques locales aux entreprises sont-elles trop encadrées ?

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I – Génralités

A) La notion d’aide d’Etat Document n°1 : CJCE, 26 septembre 2006, Enirisorse Spa c/ Sotacarbo Spa, C-237/04 ; AJDA, 2006, p 1161. […] Sur la première question 26 D’emblée, il convient de rappeler que la question ainsi reformulée ne porte que sur l’interprétation de l’article 87, paragraphe 1, CE. Dès lors, il y a lieu d’examiner si les conditions d’application de cette disposition sont réunies. 27 En premier lieu, il convient de vérifier si Sotacarbo constitue une entreprise au sens de ladite disposition. 28 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le contexte du droit de la concurrence, la notion d’«entreprise» comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir, notamment, arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41/90, Rec. p. I-1979, point 21; du 21 septembre 1999, Albany, C-67/96, Rec. p. I-5751, point 77; du 12 septembre 2000, Pavlov e.a., C-180/98 à C-184/98, Rec. p. I-6451, point 74, et du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C-222/04, non encore publié au Recueil, point 107). 29 Constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (arrêts du 16 juin 1987, Commission/Italie, 118/85, Rec. p. 2599, point 7; du 18 juin 1998, Commission/Italie, C-35/96, Rec. p. I-3851, point 36; Pavlov e.a., précité, point 75, et Cassa di Risparmio di Firenze e.a., précité, point 108). 30 En l’espèce, bien que l’appréciation définitive à cet égard appartienne à la juridiction nationale, il convient de constater que divers éléments du dossier à la disposition de la Cour font apparaître que l’activité de Sotacarbo est susceptible de présenter un caractère économique. 31 En effet, ainsi que le relève M. l’avocat général au point 25 de ses conclusions, Sotacarbo a, notamment, pour tâche de développer de nouvelles technologies d’utilisation du charbon et de prester des services de soutien spécialisé aux administrations, organismes publics et sociétés intéressées au développement de ces technologies. Or, c’est précisément dans ce genre d’activités que consiste généralement l’activité économique d’une entreprise. Par ailleurs, il n’est pas contesté que Sotacarbo poursuit un but lucratif. 32 Contrairement à ce que soutient le gouvernement italien, cette appréciation n’est pas remise en cause par le fait que Sotacarbo a été constituée par des établissement publics et financée au moyen de ressources provenant de l’État italien afin d’exercer certaines activités de recherche. 33 En effet, d’une part, il ressort d’une jurisprudence constante que le mode de financement n’est pas pertinent afin de déterminer si une entité exerce une activité économique (voir point 28 du présent arrêt). 34 D’autre part, la Cour a déjà jugé que le fait qu’une entité s’est vu confier certaines missions d’intérêt général ne saurait empêcher que les activités en cause soient considérées comme des activités économiques (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C-475/99, Rec. p. I-8089, point 21). 35 Il s’ensuit que le fait que Sotacarbo a été créée en vue d’exercer certaines opérations de recherche n’est pas déterminant à cet égard, contrairement à ce que soutient cette dernière.

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36 Dans ces conditions, il ne saurait donc être exclu que Sotacarbo exerce une activité économique, et, partant, elle est susceptible d’être qualifiée d’entreprise au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. 37 En second lieu, il convient d’examiner les différents éléments constitutifs de la notion d’aide d’État visée à ladite disposition. 38 En effet, la Cour a itérativement jugé que la qualification d’aide requiert que toutes les conditions visées à l’article 87, paragraphe 1, CE soient remplies (voir arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit «Tubemeuse», C-142/87, Rec. p. I-959, point 25; du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278/92 à C-280/92, Rec. p. I-4103, point 20; du 16 mai 2002, France/Commission, C-482/99, Rec. p. I-4397, point 68, et du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C-280/00, Rec. p. I-7747, point 74). 39 Ainsi, premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêts Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, précité, point 75, et du 3 mars 2005, Heiser, C-172/03, Rec. p. I-1627, point 27). 40 En l’espèce, étant donné que les observations des parties visent principalement la troisième condition, il convient d’examiner d'abord celle-ci. 41 Ainsi, alors que la demanderesse au principal soutient que l’article 33 de la loi n° 273/2002 constitue un avantage, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE dans le chef de Sotacarbo, cette dernière, soutenue par la Commission, considère que tel n’est pas le cas. 42 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que la notion d’aide comprend non seulement des prestations positives, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (voir, notamment, arrêts du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C-143/99, Rec. p. I-8365, point 38, et Heiser, précité, point 36). 43 En l’espèce, il convient de constater que les lois nos 140/1999 et 273/2002, qui, ainsi que le rappelle M. l’avocat général au point 32 de ses conclusions, ne sauraient être considérées isolément, instaurent un régime dérogatoire aux dispositions de droit commun réglementant le droit de retrait des actionnaires des sociétés anonymes découlant, notamment, de l’article 2437 du code civil. En effet, ce dernier n’accorde un droit de retrait qu’aux actionnaires opposés aux décisions concernant le changement d’objet ou de type de société, ou bien le transfert du siège social à l’étranger. 44 Ainsi, la loi n° 140/1999 offre aux actionnaires de Sotacarbo une faculté exceptionnelle de retrait, moyennant la liquidation des parts non encore libérées, dont ils n’auraient pas pu bénéficier si cette loi n’avait pas été adoptée, les conditions d’application de l’article 2437 du code civil n’étant pas remplies en l’espèce au principal. 45 En outre, l’article 33 de la loi n° 273/2002 n’exclut le remboursement des actionnaires que dans la mesure où ceux-ci font usage de cette faculté, dérogatoire au régime de droit commun. 46 Or, ladite faculté ne saurait être considérée comme un avantage, dans le chef de Sotacarbo, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. 47 En effet, ainsi que le relève à juste titre la Commission, la réglementation nationale en cause au principal n’offre un avantage ni aux actionnaires, qui peuvent se retirer exceptionnellement de Sotacarbo sans obtenir le remboursement de leurs actions, ni à ladite société, les actionnaires étant autorisés mais non pas obligés de se retirer de la société alors même que les conditions prévues à cet égard par le droit commun ne sont pas remplies.

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48 Il en découle que la loi n° 273/2002 se borne à éviter que le budget de Sotacarbo soit grevé par une charge qui, dans une situation normale, n’aurait pas existé. Partant, cette loi se limite à encadrer la faculté de retrait exceptionnelle accordée aux actionnaires de ladite société par la loi n° 140/1999 sans viser à alléger une charge que cette même société aurait normalement dû supporter. 49 À cet égard, il convient d’ajouter que si l’article 33 de la loi n° 273/2002 avait exclu le droit au remboursement également dans le cas d’un retrait exercé dans les conditions de l’article 2437 du code civil, ladite disposition aurait été susceptible de constituer un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Or, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que tel serait le cas. 50 Étant donné que les conditions visées à l’article 87, paragraphe 1, CE sont cumulatives (voir point 38 du présent arrêt), il n’y a plus lieu d’examiner si les autres éléments de la notion d’aide d’État sont réunis en l’espèce. 51 Il convient donc de répondre à la première question qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui accorde aux associés d’une société contrôlée par l’État une faculté, dérogatoire au droit commun, de retrait de cette société à la condition de renoncer à tout droit sur le patrimoine de ladite société, n’est pas susceptible d’être qualifiée d’aide d’État au sens de l’article 87 CE. […]

Document n° 2 : Comm. UE, déc. n° 2009/845/CE, 26 nov. 2008 concernant l'aide d'État C 16/07 accordée par l'Autriche à l'entreprise Postbus dans le district de Lienz : JOUE n° L 306, 20 nov. 2009, p. 26 ; GRARD (L), Aide d’Etat ou rémunération normale d’une activité de service public ?, Revue de droit des transports, n°2, février 2010, comm. 34. […] 4. APPRÉCIATION JURIDIQUE (61) La Commission doit d’abord rejeter l’argument de l’Autriche, selon lequel l’article 87, paragraphe 1, du traité CE ne serait pas applicable à un contrat de service public couvert par le règlement (CEE) no 1191/69. (62) En effet, le règlement (CEE) no 1191/69 est un règlement qui permet notamment de déclarer compatibles avec le marché commun certaines aides accordées par les États membres sous forme de compensations pour l’imposition d’une obligation de service public, et qui exempte les États membres de l’obligation prévue par l’article 88, paragraphe 3, du traité CE de notifier les aides à la Commission avant leur mise en œuvre. (63) Cependant, les règles relatives aux aides d’État prévues par le règlement (CEE) no 1191/69 s’appliquent uniquement aux mesures qui constituent une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE. En d’autres mots, le règlement (CEE) no 1191/69 est un règlement de compatibilité. (64) Il y a donc lieu, dans un premier temps, d’analyser si les paiements prévus par le contrat entre Postbus et Verkehrsverbund Tirol constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE. Si tel est le cas, il faut dans un deuxième temps analyser s’ils sont compatibles avec le marché commun. 4.1. Existence d’une aide d’État (65) Selon l’article 87, paragraphe 1, du traité CE, "sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources de

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l’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions". (66) Les opérateurs de bus, tels que Postbus, exercent une activité économique, à savoir le transport de personnes moyennant une rémunération; ils sont donc des entreprises au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE. (67) Le paiement des subventions pour Postbus est fait par Verkehrsverbund Tirol, qui est financé par le Land de Tyrol et le gouvernement fédéral. Le paiement de ces sommes est donc effectué au moyen de ressources d’État. (68) Se pose ensuite la question de savoir si Postbus reçoit, à travers le contrat de service public qui fait l’objet de la présente décision, un avantage économique sélectif. La Cour a détaillé les critères qu’il faut appliquer pour apprécier si l’on est en présence d’une compensation pour un service public dans son arrêt "Altmark Trans" [19]: "Des subventions publiques visant à permettre l’exploitation de services réguliers de transports urbains, suburbains ou régionaux ne tombent pas sous le coup de cette disposition dans la mesure où de telles subventions sont à considérer comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public. […]" Selon la Cour, tel est le cas si les quatre critères suivants sont remplis: - "— premièrement, l’entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations ont été clairement définies, - — deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation ont été préalablement établis de façon objective et transparente, - — troisièmement, la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations, - — quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’obligations de service public n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations." 4.1.1. Entreprise bénéficiaire effectivement chargée de l’exécution d’obligations de service public clairement définies (69) L’article 2, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 1191/69 donne la définition suivante des obligations de service public: "Par obligations de service public, il faut entendre les obligations que, si elle considérait son propre intérêt commercial, l’entreprise de transport n’assumerait pas ou n’assumerait pas dans la même mesure ni dans les mêmes conditions". (70) Le contrat conclu entre Postbus et Verkehrsverbund Tirol formalise des exigences spécifiques imposées au pourvoyeur de services afin de garantir la réalisation d’un réseau de transport équilibré au vu du caractère rural et de la faible densité de population ainsi que des caractéristiques géographiques des zones desservies. Ces éléments sont à même de dissuader un opérateur de tels services de proposer ceux-ci sur une base strictement commerciale. L’entreprise Postbus a une obligation de proposer de tels services et horaires à respecter, et les lignes correspondantes sont clairement établies de manière contractuelle comme précisé au point 2 du contrat.

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(71) Il résulte donc du contrat conclu entre Postbus et Verkehrsverbund Tirol que Postbus est effectivement chargé d’un service public de transport dans le district de Lienz. Dès lors, le premier critère Altmark est rempli. 4.1.2. Paramètres sur la base desquels est calculée la compensation établis préalablement de façon objective et transparente (72) En second lieu, il convient de déterminer si les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation ont été préalablement établis de façon objective et transparente. (73) Le contrat distingue entre le paiement pour les Bestellleistungen et les paiements pour les Bestandsleistungen. Comme clarifié par l’Autriche dans sa réponse à la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, le contrat prévoit pour les deux catégories de service de transport à fournir une rémunération par kilomètre de transport presté. Le prix par kilomètre est de 2,57 EUR/km pour les Bestellleistungen et de 1,77 EUR/km pour les Bestandsleistungen. Les Bestandsleistungen ne se distinguent des Bestellleistungen qu’en ce qu’une des composantes de la compensation est ajustée afin que le montant de 1,77 EUR/km soit systématiquement respecté. (74) Il y a lieu d’observer que la fixation de la compensation sur la base d’un prix par kilomètre à prester et du nombre total des kilomètres à prester constitue une pratique courante pour les contrats de transport par autocar, notamment si c’est l’autorité publique en charge de l’organisation du transport en commun qui assume le risque pour les revenus provenant de la vente des billets. Ayant réexaminé le contenu des contrats sur base des explications additionnelles de l’Autriche, la Commission constate que, contrairement au résultat de son analyse préliminaire dans les points 64 à 71 de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, le contrat conclu entre Postbus et Verkehrsverbund Tirol constitue un contrat de ce type. (75) La fixation de la compensation sur la base d’un prix par kilomètre à prester et du nombre total des kilomètres à prester remplit le deuxième critère Altmark, car le prix par kilomètre et le nombre total des kilomètres à prester sont établis préalablement et de façon objective et transparente. (76) Il y a lieu d’en conclure que le deuxième critère Altmark est rempli. 4.1.3. Absence de surcompensation (77) Il résulte des points 96 à 102 de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen que la Commission considère que la méthode choisie par Verkehrsverbund Tirol pour assurer une absence de surcompensation, à savoir la vérification du prix demandé par l’entreprise de bus en utilisant trois méthodes différentes de comparaison avec les valeurs moyennes observées dans le secteur en question, peut être acceptée comme preuve d’une absence de surcompensation. (78) Dans le présent cas, la Commission avait néanmoins considéré qu’en vue du fait qu’il n’y a pas eu d’appel d’offres, et qu’un concurrent direct de Postbus alléguait que Postbus reçoit une surcompensation, il était opportun de donner l’occasion à ce concurrent ainsi qu’à tous les tiers intéressés de se prononcer sur les méthodes de vérification des coûts par l’Autriche, avant de pouvoir conclure avec certitude que Postbus ne recevait pas de surcompensation. (79) Il y a lieu d’observer tout d’abord que le plaignant a informé la Commission qu’il n’était plus intéressé par la présente affaire. Il y a lieu d’observer ensuite qu’aucun tiers n’a contesté l’absence de surcompensation.

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(80) La Commission considère en outre que l’Autriche a fourni des explications supplémentaires qui démontrent que le prix payé par Verkehrsverbund Tirol à Postbus constitue un prix plausible et adéquat en vue des coûts moyens observés dans le secteur en question et les expériences de l’administration publique. Les sections 3.3.1 à 3.3.3 ci-dessus récapitulent les méthodologies de calcul et les comparaisons et conclusions qui en découlent. Plus généralement, une méthode comme celle de l’espèce qui compare systématiquement a posteriori de trois manières différentes la compensation avec les coûts du secteur permet d’assurer l’absence de surcompensation. Dans l’hypothèse où une telle comparaison conduirait à l’observation d’une surcompensation, l’Autriche devrait en exiger le recouvrement. (81) Il y a lieu d’en conclure que Postbus ne reçoit pas de surcompensation pour l’exécution du contrat de service public qui fait l’objet de la présente décision, et que le troisième critère Altmark est donc rempli. 4.1.4. Prix correspondant au coût d’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport (82) Il reste à vérifier si le prix payé par Verkehrsverbund Tirol à Postbus correspond au coût d’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport. Afin de vérifier si ce critère est rempli, il y a lieu d’analyser ses trois composantes de manière séparée. 4.1.4.1. Coût d’une entreprise moyenne (83) À ce titre, il y a lieu d’observer d’abord que l’Autriche s’est basée, pour ses calculs de vérification, sur des paramètres standards, observés en moyenne dans le secteur en question. Ils peuvent donc être considérés comme reflétant la moyenne du secteur en question. (84) Par conséquent, le coût de Postbus correspond au coût d’une entreprise autrichienne moyenne. 4.1.4.2. Coût d’une entreprise bien gérée (85) Il se pose ensuite la question de savoir si le coût de Postbus correspond aussi au coût d’une entreprise bien gérée. Dans le secteur du transport en bus, qui a pendant longtemps été dominé par des monopoles et l’attribution des marchés sans appel d’offres, toute entreprise active sur le marché n’est pas nécessairement une entreprise bien gérée. (86) Il y a lieu de constater d’abord que l’Autriche n’a pas fourni d’explication selon laquelle ces paramètres reflètent aussi la moyenne d’une entreprise bien gérée. A titre d’exemple, la Commission considère que l’Autriche aurait pu se baser sur les coûts moyens des entreprises qui, au cours des dernières années, ont pu emporter un nombre significatif d’appels d’offres dans le secteur. (87) Il y a lieu d’observer ensuite qu’il y a un écart de 0,80 EUR/km entre le prix par kilomètre pour les Bestellleistungen et le prix par kilomètre pour les Bestandleistungen. Ceci semble indiquer que Postbus dispose d’une certaine marge pour améliorer son efficacité en ce qui concerne les Bestellleistungen. (88) Il y a lieu d’en conclure que l’Autriche n’a pas démontré que le prix payé par Verkehrsverbund Tirol à Postbus correspond au coût d’une entreprise bien gérée, et que par conséquent, le quatrième critère Altmark n’est pas rempli. 4.1.4.3. Conclusion sur le respect des critères Altmark (89) Les quatre critères étant des critères cumulatifs, le fait qu’un des quatre critères n’est pas rempli amène la Commission automatiquement à la conclusion que les paiements en objet

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doivent être considérés comme octroyant un avantage économique sélectif à l’entreprise Postbus. 4.1.5. Distorsion de concurrence et impacts sur les échanges (90) L’entreprise Postbus est active sur le marché du transport en bus partout en Autriche, et détient une part importante du marché. L’octroi d’un avantage économique à cette entreprise peut donc créer une distorsion de concurrence. (91) Dans le cas d’espèce, une distorsion de concurrence peut notamment résulter du fait que le financement public est accordé à l’entreprise qui détient la licence pour le transport en bus dans le district en question. Ce financement public a donc le potentiel d’empêcher d’autres entreprises d’obtenir les licences d’exploitation pour les lignes du transport en commun, car il renforce la position des entreprises bénéficiaires et leur permet d’offrir des conditions commerciales plus attractives au moment du renouvellement des licences. (92) En ce qui concerne le potentiel de la mesure en objet d’affecter les échanges entre les États membres, il y a lieu d’observer d’abord que le marché des transports local ou régional du transport en commun est un marché ouvert à la concurrence en Autriche et dans d’autres États membres, dans le sens où il n’y a pas de monopole national sur ce marché pour une ou plusieurs entreprises. (93) Il convient, dans ce contexte de rappeler les points 77 et suivants de l’arrêt Altmark Trans, où la Cour a décidé que: "[…] Il n’est nullement exclu qu’une subvention publique accordée à une entreprise qui ne fournit que des services de transport local ou régional et ne fournit pas de services de transport en dehors de son État d’origine puisse, néanmoins, avoir une incidence sur les échanges entre États membres. En effet, lorsqu’un État membre accorde une subvention publique à une entreprise, la fourniture de services de transport par ladite entreprise peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de fournir leurs services de transport sur le marché de cet État en sont diminuées (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1988, France/Commission, 102/87, Rec. 1988, p. 4067, point 19; du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-305/89, Rec. 1991, p. I-1603, point 26, et Espagne/Commission, précité, point 40). … […] Dès lors, la deuxième condition d’application de l’article 92, paragraphe 1, du traité, selon laquelle l’aide doit être de nature à affecter les échanges entre États membres, ne dépend pas de la nature locale ou régionale des services de transport fournis ou de l’importance du domaine d’activité concerné." (94) Il ne peut donc pas être exclu que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de fournir leurs services de transport sur le marché autrichien soient diminuées par la mesure en objet. (95) Par conséquent, le financement public accordé à Postbus par Verkehrsverbund Tirol a le potentiel de créer des distorsions de concurrence et d’affecter les échanges entre États membres. 4.1.6. Conclusions (96) Le quatrième critère Altmark n’étant pas rempli, et toutes les autres conditions de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE étant remplies, il y a lieu d’estimer que les paiements en objet constituent une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE.

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(97) Il y a donc lieu d’examiner si ces aides peuvent être déclarées compatibles avec le marché commun. 4.2. Compatibilité de l’aide (98) L’article 73 du traité CE prévoit pour le transport terrestre que "sont compatibles avec le présent traité les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public". 4.2.1. La jurisprudence dans l’affaire Altmark sur l’applicabilité de l’article 73 (99) Selon la Cour, "l’article 77 (devenu article 73 CE) du traité prévoit que les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public sont compatibles avec le traité. […] À la suite de l’adoption du règlement (CE) no 1107/70, relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, les États membres ne sont plus autorisés à invoquer le bénéfice de l’article 77 du traité, prévoyant que les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public sont compatibles avec le traité, en dehors des cas visés par le droit communautaire dérivé. Ainsi, dans les hypothèses où le règlement (CEE) no 1191/69, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, n’est pas applicable et où les subventions en cause tombent sous le coup de l’article 92, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE), le règlement (CEE) no 1107/70 énonce, de manière exhaustive, les conditions dans lesquelles les autorités des États membres peuvent accorder des aides au titre de l’article 77 du traité" [20]. (100) Il se pose donc la question de savoir si le règlement (CEE) no 1191/69 ou le règlement (CEE) no 1107/70 contiennent des règles de compatibilité pour les aides d’État qui sont applicables dans le présent cas. 4.2.2. Compatibilité sur la base du règlement (CEE) no 1191/69 4.2.2.1. Champ d’application du règlement (CEE) no 1191/69 (101) Le champ d’application du règlement (CEE) no 1191/69 est défini comme suit en son article 1er, paragraphes 1 et 2: "1. Le présent règlement s’applique aux entreprises de transport qui exploitent des services dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable. Les États membres peuvent exclure du champ d’application du présent règlement les entreprises dont l’activité est limitée exclusivement à l’exploitation de services urbains, suburbains ou régionaux. 2. Aux fins du présent règlement, on entend par: - "services urbains et suburbains", les services de transport répondant aux besoins d’un centre urbain ou d’une agglomération, ainsi qu’aux besoins du transport entre ce centre ou cette agglomération et ses banlieues, - "services régionaux", les services de transport destinés à répondre aux besoins en transports d’une région." (102) L’Autriche a fait usage de la faculté d’exclure certaines entreprises du champ d’application du règlement: selon l’article 2 du Privatbahnunterstützungsgesetz 1998 [21], les

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entreprises qui sont actives exclusivement dans les services urbains et suburbains sont exclues du champ d’application du règlement (CEE) no 1191/69. (103) Dans le présent cas, les services en question sont cependant des services régionaux. Par conséquent, le règlement (CEE) no 1191/69 leur est applicable. 4.2.2.2. Régime choisi par l’Autriche (104) L’article 1er, paragraphes 3 à 5, du règlement (CEE) no 1191/69 décrit les deux différents régimes, à savoir le régime de l’imposition des obligations de service public et le régime contractuel, parmi lesquels les États membres peuvent choisir pour l’organisation et le financement du transport en commun: "3. Les autorités compétentes des États membres suppriment les obligations inhérentes à la notion de service public, définies dans le présent règlement, imposées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable. 4. Pour garantir des services de transport suffisants, compte tenu notamment des facteurs sociaux, environnementaux et d’aménagement du territoire, ou en vue d’offrir des conditions tarifaires déterminées en faveur de certaines catégories de voyageurs, les autorités compétentes des États membres peuvent conclure des contrats de service public avec une entreprise de transport. Les conditions et les modalités de ces contrats sont arrêtées à la section V. 5. Toutefois, les autorités compétentes des États membres peuvent maintenir ou imposer les obligations de service public visées à l’article 2 pour les services urbains, suburbains et régionaux de transport de voyageurs. Les conditions et les modalités, y compris les méthodes de compensation, sont arrêtées aux sections II, III et IV. Lorsqu’une entreprise de transport exploite à la fois des services soumis à des obligations de service public et d’autres activités, lesdits services publics doivent faire l’objet de divisions particulières satisfaisant au moins aux conditions suivantes: a) les comptes correspondant à chacune de ces activités d’exploitation sont séparés et la part des actifs correspondants est affectée selon les règles comptables en vigueur; b) les dépenses sont équilibrées par les recettes d’exploitation et les versements des pouvoirs publics, sans transfert possible de ou vers un autre secteur d’activité de l’entreprise." (105) L’Autriche a opté pour un régime contractuel (paragraphe 19 ÖPNRV-G). Par conséquent, les règles applicables pour les mesures en objet se trouvent dans la section V du règlement (CEE) no 1191/69. 4.2.2.3. Application de la section V du règlement (CEE) no 1191/69 (106) La section V du règlement (CEE) no 1191/69 consiste en un seul article, l’article 14, qui dispose: "1. Par "contrat de service public" on entend un contrat conclu entre les autorités compétentes d’un État membre et une entreprise de transport dans le but de fournir au public des services de transport suffisants. Le contrat de service public peut en particulier comporter: - des services de transport répondant à des normes fixées de continuité, de régularité, de capacité et de qualité, - des services de transport complémentaires, - des services de transport à des prix et des conditions déterminés, notamment pour certaines catégories de voyageurs ou pour certaines relations, - des adaptations des services aux besoins effectifs. 2. Le contrat de service public comprend, entre autres, les points suivants: (a) les caractéristiques des services offerts, notamment les normes de continuité, de régularité, de capacité et de qualité;

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b) le prix des prestations faisant l’objet du contrat, qui soit s’ajoute aux recettes tarifaires, soit inclut les recettes, ainsi que les modalités des relations financières entre les deux parties; c) les règles concernant les avenants et modifications du contrat, notamment pour prendre en compte des changements imprévisibles; d) la durée de validité du contrat; e) les sanctions en cas de non-respect du contrat. 3. Les actifs impliqués dans la fourniture des services de transport qui font l’objet d’un contrat de service public peuvent appartenir à l’entreprise ou être mis à sa disposition. 4. Toute entreprise qui a l’intention de mettre fin ou d’apporter des modifications substantielles à un service de transport qu’elle fournit au public de manière continue et régulière et qui n’est pas couvert par le régime du contrat ou de l’obligation de service public en informe les autorités compétentes de l’État membre avec un préavis d’au moins trois mois. Les autorités compétentes peuvent renoncer à ladite information. Cette disposition ne porte pas atteinte aux autres procédures nationales applicables concernant le droit de mettre fin à des services de transport ou de les modifier. 5. Après avoir reçu l’information visée au paragraphe 4, les autorités compétentes peuvent imposer le maintien du service en question encore pendant une année au maximum à compter de la date du préavis et elles notifient cette décision à l’entreprise au moins un mois avant l’expiration du préavis. Elles peuvent également prendre l’initiative de négocier l’établissement ou la modification d’un tel service de transport. 6. Les charges qui découlent pour les entreprises de transport des obligations visées au paragraphe 5 font l’objet de compensations selon les méthodes communes fixées aux sections II, III et IV." (107) Le contrat conclu entre Postbus et Verkehrsverbund Tirol est un contrat conclu entre une autorité compétente d’un État membre et une entreprise de transport dans le but de fournir au public des services de transports suffisants. (108) Ce contrat comporte en particulier: des services de transport répondant à des normes fixées de continuité, de régularité, de capacité et de qualité, des services de transport à des prix et des conditions déterminées, notamment pour certaines catégories de voyageurs; des adaptations des services aux besoins effectifs. (109) Ce contrat peut donc être qualifié de contrat de service public au sens de l’article 14 du règlement (CEE) no 1191/69. (110) Il y a lieu d’observer que tant la finalité ("fournir au public des services de transport suffisants") que le contenu des contrats de service public ("normes fixées de continuité, de régularité, de capacité et de qualité", détermination des tarifs, conditions de service "pour certaines catégories de voyageurs ou pour certaines relations", "adaptation de services aux besoins effectifs", etc.) ne s’écartent pas de ceux pouvant faire l’objet d’obligations de services public imposées par l’État ou les collectivités publiques. Il a toutefois déjà été explicité ci-dessus que la compensation pour de telles prestations est une aide en faveur du prestataire. (111) À ce sujet, il y a lieu d’observer d’abord que l’objectif du législateur en adoptant le règlement (CEE) no 1191/69 était de définir sous quelles conditions "les aides […] qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public" mentionnées à l’article 73 du traité CE sont compatibles avec le marché commun. Or, l’application de l’article 73, et donc aussi l’application du règlement (CEE) no 1191/69, présuppose la présence d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE. Or, si le contenu des contrats peut être couvert par la notion de l’article 73 CE "servitudes inhérentes à la notion de service public", la forme de l’instrument, contrat et non obligation imposée unilatéralement, ne devrait, en soi-même, être un obstacle à la possible déclaration de compatibilité des aides contenues éventuellement dans le prix. En effet, le facteur décisif pour

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qualifier une prestation, qu’elle soit imposée par l’État ou agréée par les parties dans un contrat, d’obligation de service public réside dans sa substance, et non pas dans la forme sous laquelle elle naît [22]. Il y a lieu d’en conclure que rien ne s’oppose juridiquement à ce qu’une aide contenue dans le prix des prestations prévu par un contrat de service public puisse être déclarée compatible avec le marché commun par la Commission. On notera que cette solution a aussi été retenue par les colégislateurs dans le nouveau règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route [23]. Cependant, d’après son article 12, ce règlement n’entre en vigueur que le 3 décembre 2009. Il n’est donc pas applicable au contrat en objet, qui a été conclu avant l’entrée en vigueur de ce règlement. (112) En l’absence de conditions précises pour la compatibilité dans le règlement (CEE) no 1191/69, la Commission considère que les principes généraux qui résultent du traité, de la jurisprudence et de sa pratique décisionnelle dans d’autres domaines seraient applicables pour déterminer la compatibilité de telles aides. (113) Ces principes ont été résumés par la Commission sous une forme générique dans la partie 2.4 de l’encadrement communautaire des aides d’État sous forme de compensations de service public [24]. En ce qui concerne la compatibilité des aides contenues dans le prix payé par un pouvoir public à un prestataire d’un service public, cet encadrement prévoit au point 14: "Le montant de la compensation ne peut pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. Le montant de la compensation comprend tous les avantages accordés par l’État ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit." (114) Les paiements du Verkehrsverbund Tirol à Postbus doivent donc être déclarés compatibles avec le marché commun s’ils remplissent ces conditions. (115) Ces conditions correspondent très précisément au troisième critère Altmark qui — comme cela a été expliqué — est rempli dans le cas d’espèce. (116) Par conséquent, il y a lieu d’en conclure que l’aide d’État accordée par Verkehrsbund Tirol à Postbus dans le cadre du contrat de service public est compatible avec le marché commun sur la base de l’article 14 du règlement (CEE) no 1191/69. 4.3. Pas de dispense de l’obligation de notification (117) L’Autriche considère qu’il résulte de l’article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1191/69 que le contrat de service public entre Verkehrsverbund Tirol et Postbus est dispensé de l’obligation de notification en vertu de l’article 88, paragraphe 3, du traité CE. (118) L’article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1191/69 énonce que "les compensations qui résultent de l’application du présent règlement sont dispensées de la procédure d’information préalable prévue à l’article 93, paragraphe 3, du traité instituant la Communauté économique européenne". (119) La question se pose donc de savoir si les paiements que Verkehrsverbund Tirol effectue en vertu du contrat de service public avec Postbus constituent des compensations au sens de l’article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1191/69. Dans l’arrêt Danske Busvognmænd précité, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a considéré que les relations contractuelles établies à l’issue d’une procédure d’appel d’offres entre l’entreprise de transport et l’autorité compétente comportent, en vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement (CEE) no 1191/69, un régime de financement spécifique qui ne laisse aucune place à des compensations selon les méthodes fixées aux sections II, III et IV de ce règlement [25].

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(120) Il résulte de cet arrêt que la notion de "compensation de service public" au sens de l’article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1191/69 doit être interprétée de manière très restrictive. Elle ne couvre que les compensations pour les obligations de service public imposées de façon unilatérale à une entreprise selon l’article 2 du règlement, qui sont calculées selon la méthode décrite aux articles 10 à 13 du règlement et qui ne doivent pas être notifiées à la Commission sous la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 3, du traité CE. (121) En revanche, les paiements prévus par un contrat de service public au sens de l’article 14 du règlement (CEE) no 1191/69 ne constituent pas des compensations au sens de l’article 17, paragraphe 2, du même règlement. (122) Par conséquent, les paiements prévus par un contrat de service public au sens de l’article 14 du règlement (CEE) no 1191/69, tel que le contrat conclu entre Verkehrsverbund Tirol et Postbus, ne sont pas dispensés de l’obligation de notification prévue à l’article 88, paragraphe 3, du traité CE. Leur compatibilité doit donc être appréciée par la Commission. 5. CONCLUSIONS (123) Il y a lieu d’observer que l’Autriche a illégalement mis à exécution le contrat de service public entre Verkehrsverbund Tirol et Postbus, qui fait l’objet de la présente décision, en violation de l’article 88, paragraphe 3, du traité. Cependant, l’aide d’État prévue par ce contrat peut être déclarée compatible sur la base de l’article 73 du traité CE, […] [19] Arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans, affaire C 280/00, [p. I-7747, permettant d’évaluer si une compensation de service public constitue ou non une aide d’État]. [20] Arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, affaire C 280/00, Altmark Trans, points 101, 106, 107. Règlement (CEE) no 1107/70 du Conseil (JO L 130 du 15.6.1970, p. 1). [21] Bundesgesetzblatt I 1994/519. [22] Voir dans ce sens arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, affaire C 280/00, Altmark Trans, qui concernait un contrat de service public allemand, ce qui n’a pas empêché la Cour de faire une analyse aide-non aide fondée sur le contenu et pas sur la forme de l’instrument; voir aussi l’article 4 de la décision 2005/842/CE de la Commission du 28 novembre 2005 concernant l’application des dispositions de l’article 86, paragraphe 2, du traité CE aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO L 312 du 29.11.2005, p. 67), qui fait aussi abstraction de la forme de l’instrument. [23] JO L 315 du 3.12.2007, p. 1. [24] JO C 297 du 29.11.2005, p. 4. [25] Arrêt du Tribunal de première instance du 16 mars 2004 dans l’affaire T-157/01, Danske Busvognmænd, Recueil 2004, p. II-917, points 77 à 79.

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B) Le contrôle des aides d’Etat Document n° 3 : Règlement n°659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 [devenu 88] du traité CE, JOCE, n° L83, 27 mars 1999. […] CHAPITRE II PROCÉDURE CONCERNANT LES AIDES NOTIFIÉES Article 2 Notification d'une aide nouvelle 1. Sauf indication contraire dans tout règlement pris en application de l'article 94 du traité ou de toute autre disposition pertinente de ce dernier, tout projet d'octroi d'une aide nouvelle est notifié en temps utile à la Commission par l'État membre concerné. La Commission informe aussitôt l'État membre concerné de la réception d'une notification. 2. Dans sa notification, l'État membre concerné fournit tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission de prendre une décision conformément aux articles 4 et 7 («notification complète»). Article 3 Clause de suspension Toute aide devant être notifiée en vertu de l'article 2, paragraphe 1, n'est mise à exécution que si la Commission a pris, ou est réputée avoir pris, une décision l'autorisant. Article 4 Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission 1. La Commission procède à l'examen de la notification dès sa réception. Sans préjudice de l'article 8, elle prend une décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4. 2. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision. 3. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu'elle entre dans le champ de l'article 92, paragraphe 1, du traité, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée «décision de ne pas soulever d'objections»). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée. 4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité (ci-après dénommée «décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen»). 5. Les décisions visées aux paragraphes 2, 3 et 4 sont prises dans un délai de deux mois. Celui-ci court à compter du jour suivant celui de la réception d'une notification complète. La notification est considérée comme complète si, dans les deux mois de sa réception ou de la réception de toute information additionnelle réclamée, la Commission ne réclame pas d'autres informations. Le délai peut être prorogé par accord mutuel entre la Commission et l'État membre concerné. Le cas échéant, la Commission peut fixer des délais plus courts. 6. Lorsque la Commission n'a pas pris de décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4 dans le délai prévu au paragraphe 5, l'aide est réputée avoir été autorisée par la Commission. L'État membre concerné peut alors mettre à exécution les mesures en cause après en avoir avisé préalablement la Commission, sauf si celle-ci prend une décision en application du présent article dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de cet avis.

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Article 5 Demande de renseignements 1. Si la Commission considère que les informations fournies par l'État membre concerné au sujet d'une mesure notifiée conformément à l'article 2 sont incomplètes, elle demande tous les renseignements complémentaires dont elle a besoin. Si un État membre répond à une telle demande, la Commission informe l'État membre de la réception de la réponse. 2. Si l'État membre ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission, ou les lui fournit de façon incomplète, celle-ci lui adresse un rappel, en fixant un délai supplémentaire adéquat dans lequel les renseignements doivent être communiqués. 3. Si les renseignements demandés ne sont pas fournis dans le délai fixé, la notification est réputée avoir été retirée, à moins que le délai n'ait été prorogé avant son expiration par accord mutuel entre la Commission et l'État membre concerné, ou que l'État membre concerné n'informe la Commission, avant l'expiration du délai fixé, et par une déclaration dûment motivée, qu'il considère la notification comme étant complète parce que les renseignements complémentaires exigés ne sont pas disponibles ou ont déjà été communiqués. Dans ce cas, le délai visé à l'article 4, paragraphe 5, commence à courir le jour suivant celui de la réception de la déclaration. Si la notification est réputée retirée, la Commission en informe l'État membre. Article 6 Procédure formelle d'examen 1. La décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d'une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La décision invite l'État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai. 2. Les observations reçues sont communiquées à l'État membre concerné. Toute partie intéressée peut demander, pour cause de préjudice potentiel, que son identité ne soit pas révélée à ce dernier. L'État membre concerné a la possibilité de répondre aux observations transmises dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai. Article 7 Décisions de la Commission de clore la procédure formelle d'examen 1. Sans préjudice de l'article 8, la procédure formelle d'examen est clôturée par voie de décision conformément aux paragraphes 2 à 5 du présent article. 2. Lorsque la Commission constate que la mesure notifiée, le cas échéant après modification par l'État membre concerné, ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision. 3. Lorsque la Commission constate, le cas échéant après modification par l'État membre concerné, que les doutes concernant la compatibilité de la mesure notifiée avec le marché commun sont levés, elle décide que l'aide est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée «décision positive»). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée. 4. La Commission peut assortir sa décision positive de conditions lui permettant de reconnaître la compatibilité avec le marché commun et d'obligations lui permettant de contrôler le respect de sa décision (ci-après dénommée «décision conditionnelle»). 5. Lorsque la Commission constate que l'aide notifiée est incompatible avec le marché commun, elle décide que ladite aide ne peut être mise à exécution (ci-après dénommée «décision négative»). 6. Les décisions prises en application des paragraphes 2, 3, 4 et 5 doivent l'être dès que les doutes visés à l'article 4, paragraphe 4, sont levés. La Commission s'efforce autant que

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possible d'adopter une décision dans un délai de dix-huit mois à compter de l'ouverture de la procédure. Ce délai peut être prorogé d'un commun accord entre la Commission et l'État membre concerné. 7. À l'issue du délai visé au paragraphe 6, et si l'État membre concerné le lui demande, la Commission prend, dans un délai de deux mois, une décision sur la base des informations dont elle dispose. Le cas échéant, elle prend une décision négative, lorsque les informations fournies ne permettent pas d'établir la compatibilité. Article 8 Retrait de la notification 1. L'État membre concerné peut retirer sa notification au sens de l'article 2 en temps voulu avant que la Commission ne prenne une décision en application de l'article 4 ou 7. 2. Dans le cas où la Commission a déjà ouvert la procédure formelle d'examen, elle clôture celle-ci. Article 9 Révocation d'une décision La Commission peut révoquer une décision prise en application de l'article 4, paragraphe 2 ou 3, ou de l'article 7, paragraphe 2, 3 ou 4, après avoir donné à l'État membre concerné la possibilité de présenter ses observations, dans le cas où cette décision reposait sur des informations inexactes transmises au cours de la procédure et d'une importance déterminante pour la décision. Avant de révoquer une décision et de prendre une nouvelle décision, la Commission ouvre la procédure formelle d'examen conformément à l'article 4, paragraphe 4. Les articles 6, 7 et 10, l'article 11, paragraphe 1, ainsi que les articles 13, 14 et 15 s'appliquent mutatis mutandis. CHAPITRE III PROCÉDURE EN MATIÈRE D'AIDES ILLÉGALES Article 10 Examen, demande de renseignements et injonction de fournir des informations 1. Lorsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu'en soit la source, elle examine ces informations sans délai. 2. Le cas échéant, elle demande à l'État membre concerné de lui fournir des renseignements. L'article 2, paragraphe 2, et l'article 5, paragraphes 1 et 2, s'appliquent mutatis mutandis. 3. Si, en dépit du rappel qui lui a été adressé en vertu de l'article 5, paragraphe 2, l'État membre concerné ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission ou les fournit de façon incomplète, la Commission arrête une décision lui enjoignant de fournir lesdits renseignements (ci-après dénommée «injonction de fournir des informations»). Cette décision précise la nature des informations requises et fixe un délai approprié pour leur communication. Article 11 Injonction de suspendre ou de récupérer provisoirement l'aide 1. La Commission peut, après avoir donné à l'État membre concerné la possibilité de présenter ses observations, arrêter une décision enjoignant à l'État membre de suspendre le versement de toute aide illégale, jusqu'à ce qu'elle statue sur la compatibilité de cette aide avec le marché commun (ci-après dénommée «injonction de suspension»). 2. La Commission peut, après avoir donné à l'État membre concerné la possibilité de présenter ses observations, arrêter une décision enjoignant à l'État membre de récupérer provisoirement toute aide versée illégalement, jusqu'à ce qu'elle statue sur la compatibilité de cette aide avec le marché commun (ci-après dénommée «injonction de récupération»), à condition que les critères ci-après soient remplis: - selon une pratique établie, le caractère d'aide de la mesure concernée ne fait pas de doute et - il y a urgence à agir et

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- il existe un risque sérieux de préjudice substantiel et irréparable pour un concurrent. La récupération a lieu selon la procédure visée à l'article 14, paragraphes 2 et 3. Après récupération effective de l'aide, la Commission prend une décision dans les délais applicables aux aides notifiées. La Commission peut autoriser l'État membre à accompagner le remboursement de l'aide du versement d'une aide au sauvetage à l'entreprise concernée. Les dispositions du présent alinéa ne sont applicables qu'aux aides illégales mises en oeuvre après l'entrée en vigueur du présent règlement. Article 12 Non-respect d'une injonction Dans le cas où l'État membre omet de se conformer à une injonction de suspension ou de récupération, la Commission est habilitée, tout en examinant le fond de l'affaire sur la base des informations disponibles, à saisir directement la Cour de justice des Communautés européennes afin qu'elle déclare que ce non-respect constitue une violation du traité. Article 13 Décisions de la Commission 1. L'examen d'une éventuelle aide illégale débouche sur l'adoption d'une décision au titre de l'article 4, paragraphes 2, 3 ou 4. Dans le cas d'une décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen, la procédure est clôturée par voie de décision au titre de l'article 7. Au cas où un État membre omet de se conformer à une injonction de fournir des informations, cette décision est prise sur la base des renseignements disponibles. 2. Dans le cas d'une éventuelle aide illégale et sans préjudice de l'article 11, paragraphe 2, la Commission n'est pas liée par le délai fixé à l'article 4, paragraphe 5, à l'article 7, paragraphe 6, et à l'article 7, paragraphe 7. 3. L'article 9 s'applique mutatis mutandis. Article 14 Récupération de l'aide 1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée «décision de récupération»). La Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général de droit communautaire. 2. L'aide à récupérer en vertu d'une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d'un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l'aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu'à celle de sa récupération. 3. Sans préjudice d'une ordonnance de la Cour de justice des Communautés européennes prise en application de l'article 185 du traité, la récupération s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire. Article 15 Délai de prescription 1. Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l'aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. 2. Le délai de prescription commence le jour où l'aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d'aide individuelle ou dans le cadre d'un régime d'aide. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l'égard de l'aide

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illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. Le délai de prescription est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l'objet d'une procédure devant la Cour de justice des Communautés européennes. 3. Toute aide à l'égard de laquelle le délai de prescription a expiré est réputée être une aide existante. […] CHAPITRE VII CONTRÔLE Article 21 Rapports annuels 1. Les États membres communiquent à la Commission des rapports annuels sur tous les régimes d'aides existants qui ne sont pas soumis à une obligation spécifique de présentation de rapports par une décision conditionnelle prise en application de l'article 7, paragraphe 4. 2. Si, en dépit d'un rappel, un État membre omet de présenter un rapport annuel, la Commission peut agir conformément à l'article 18 à l'égard du régime d'aides concerné. Article 22 Contrôle sur place 1. Lorsque la Commission a de sérieux doutes quant au respect des décisions de ne pas soulever d'objections, des décisions positives ou des décisions conditionnelles, en ce qui concerne les aides individuelles, l'État membre concerné, après avoir eu l'occasion de présenter ses observations, l'autorise à procéder à des visites de contrôle sur place. 2. Les agents mandatés par la Commission sont investis, aux fins de vérifier le respect de la décision en cause, des pouvoirs ci-après: a) accéder à tous locaux et terrains de l'entreprise concernée; b) demander sur place des explications orales; c) contrôler les livres et les autres documents professionnels et en prendre ou en demander copie. La Commission peut être assistée, le cas échéant, par des experts indépendants. 3. La Commission informe en temps utile et par écrit l'État membre concerné de la visite de contrôle sur place et de l'identité des agents et des experts qui en sont chargés. Si le choix des experts de la Commission se heurte à des objections, dûment justifiées, de l'État membre, ces experts sont nommés d'un commun accord avec ledit État membre. Les agents de la Commission et les experts mandatés pour effectuer le contrôle sur place présentent à leur arrivée une autorisation écrite spécifiant l'objet et le but de la visite. 4. Des agents mandatés par l'État membre sur le territoire duquel la visite de contrôle doit avoir lieu peuvent assister à cette visite. 5. La Commission remet à l'État membre une copie de tout rapport établi à la suite d'une visite de contrôle. 6. Lorsqu'une entreprise s'oppose à une visite de contrôle ordonnée par une décision de la Commission en vertu du présent article, l'État membre concerné prête aux agents et aux experts mandatés par la Commission l'assistance nécessaire pour leur permettre de remplir leur mission. À cette fin, les États membres prennent, après consultation de la Commission, les mesures nécessaires dans un délai de dix-huit mois à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement. Article 23 Non-respect des décisions et arrêts 1. Si l'État membre concerné ne se conforme pas à une décision conditionnelle ou négative, en particulier dans le cas visé à l'article 14, la Commission peut saisir directement la Cour de justice des Communautés européennes conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité.

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2. Si la Commission considère que l'État membre concerné ne s'est pas conformé à un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, la Commission peut agir conformément à l'article 171 du traité. […] Document n° 4 : CJCE, 12 février 2008, Centre d’exportation du livre français (CELF), C-199/06 […] Sur les questions préjudicielles Sur la première question 32 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE doit être interprété en ce sens que le juge national est tenu d’ordonner la récupération d’une aide mise à exécution en méconnaissance de cette disposition, lorsque la Commission a adopté une décision finale constatant la compatibilité de ladite aide avec le marché commun au sens de l’article 87 CE. 33 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 88, paragraphe 3, première phrase, CE édicte, à la charge des États membres, une obligation de notification des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. 34 Conformément à l’article 88, paragraphe 3, deuxième phrase, CE, si la Commission estime que le projet notifié n’est pas compatible avec le marché commun au sens de l’article 87 CE, elle ouvre sans délai la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. 35 Conformément à l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE, l’État membre qui envisage d’accorder une aide ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que ladite procédure ait abouti à une décision finale de la Commission. 36 L’interdiction prévue par cette disposition vise à garantir que les effets d’une aide ne se produisent pas avant que la Commission n’ait eu un délai raisonnable pour examiner le projet en détail et, le cas échéant, entamer la procédure prévue au paragraphe 2 du même article (arrêt du 14 février 1990, France/Commission, dit «Boussac Saint Frères», C-301/87, Rec. p. I-307, point 17). 37 L’article 88, paragraphe 3, CE institue ainsi un contrôle préventif sur les projets d’aides nouvelles (arrêt du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471, point 2). 38 Alors que la Commission est tenue d’examiner la compatibilité de l’aide projetée avec le marché commun, même dans le cas où l’État membre méconnaît l’interdiction de mise à exécution des mesures d’aide, les juridictions nationales ne font que sauvegarder, jusqu’à la décision finale de la Commission, les droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle, par les autorités étatiques, de l’interdiction visée à l’article 88, paragraphe 3, CE (arrêt du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, dit «FNCE», C-354/90, Rec. p. I-5505, point 14). Il importe, en effet, de protéger les parties affectées par la distorsion de concurrence engendrée par l’octroi de l’aide illégale (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich e.a., C-368/04, Rec. p. I-9957, point 46). 39 Les juridictions nationales doivent, en principe, faire droit à une demande de remboursement des aides versées en violation de l’article 88, paragraphe 3, CE (voir, notamment, arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39/94, Rec. p. I-3547, point 70).

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40 En effet, la décision finale de la Commission n’a pas pour conséquence de régulariser, a posteriori, les actes d’exécution qui étaient invalides du fait qu’ils avaient été pris en méconnaissance de l’interdiction visée par cet article. Toute autre interprétation conduirait à favoriser l’inobservation, par l’État membre concerné, du paragraphe 3, dernière phrase, de l’article 88 CE et le priverait de son effet utile (arrêt FNCE, précité, point 16). 41 Les juridictions nationales doivent donc garantir que toutes les conséquences d’une violation de l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE seront tirées, conformément à leur droit national, en ce qui concerne tant la validité des actes d’exécution des mesures d’aide que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition (arrêts précités FNCE, point 12, et SFEI e.a., point 40, ainsi que arrêts du 21 octobre 2003, van Calster e.a., C-261/01 et C-262/01, Rec. p. I-12249, point 64, et Transalpine Ölleitung in Österreich e.a., précité, point 47). 42 Toutefois, des circonstances exceptionnelles peuvent se présenter, dans lesquelles il serait inapproprié d’ordonner le remboursement de l’aide (arrêt SFEI e.a., précité, point 70). 43 À cet égard, la Cour a déjà jugé, à propos d’une situation dans laquelle la Commission avait adopté une décision finale négative, que la possibilité, pour le bénéficiaire d’une aide illégale, d’invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder sa confiance dans le caractère régulier de cette aide, et de s’opposer, par conséquent, à son remboursement ne saurait être exclue. Dans un tel cas, il appartient au juge national, éventuellement saisi, d’apprécier, le cas échéant après avoir posé à la Cour des questions préjudicielles d’interprétation, les circonstances de la cause (arrêt du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C-5/89, Rec. p. I-3437, point 16). 44 En ce qui concerne la Commission, l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), prévoit expressément que, en cas de décision négative, elle n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire. 45 Dans une situation telle que celle du litige au principal, où une demande fondée sur l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE est examinée après que la Commission a adopté une décision positive, le juge national, nonobstant la constatation de la compatibilité avec le marché commun de l’aide en cause, doit statuer sur la validité des actes d’exécution et sur le recouvrement des soutiens financiers accordés. 46 Dans un tel cas, le droit communautaire lui impose d’ordonner les mesures propres à remédier effectivement aux effets de l’illégalité. Cependant, même en l’absence de circonstances exceptionnelles, il ne lui impose pas une obligation de récupération intégrale de l’aide illégale. 47 En effet, l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE est fondé sur l’objectif conservatoire de garantir qu’une aide incompatible ne sera jamais mise à exécution. Cet objectif est atteint dans un premier temps, provisoirement, au moyen de l’interdiction qu’elle édicte, et, dans un second temps, définitivement, au moyen de la décision finale de la Commission, qui, lorsqu’elle est négative, fait obstacle pour l’avenir à la mise en œuvre du projet d’aide notifié. 48 La prévention ainsi organisée vise donc à ce que seules des aides compatibles soient mises à exécution. Afin de réaliser cet objectif, la mise en œuvre d’un projet d’aide est différée jusqu’à ce que le doute sur sa compatibilité soit levé par la décision finale de la Commission. 49 Lorsque la Commission adopte une décision positive, il apparaît alors que l’objectif visé aux points 47 et 48 du présent arrêt n’a pas été contredit par le versement prématuré de l’aide.

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50 Dans ce cas, du point de vue des opérateurs autres que le bénéficiaire d’une telle aide, l’illégalité de celle-ci aura eu pour effet, d’une part, de les exposer au risque, en définitive non réalisé, d’une mise en œuvre d’une aide incompatible et, d’autre part, de leur faire subir le cas échéant, plus tôt qu’ils ne l’auraient dû, en termes de concurrence, les effets d’une aide compatible. 51 Du point de vue du bénéficiaire de l’aide, l’avantage indu aura consisté, d’une part, dans le non-versement des intérêts qu’il aurait acquittés sur le montant en cause de l’aide compatible, s’il avait dû emprunter ce montant sur le marché dans l’attente de la décision de la Commission, et, d’autre part, dans l’amélioration de sa position concurrentielle face aux autres opérateurs du marché pendant la durée de l’illégalité. 52 Dans une situation telle que celle du litige au principal, le juge national est donc tenu, en application du droit communautaire, d’ordonner au bénéficiaire de l’aide le paiement d’intérêts au titre de la période d’illégalité. 53 Dans le cadre de son droit national, il peut, le cas échéant, ordonner en outre la récupération de l’aide illégale, sans préjudice du droit de l’État membre de mettre celle-ci à nouveau à exécution, ultérieurement. Il peut également être amené à accueillir des demandes d’indemnisation de dommages causés en raison du caractère illégal de l’aide (voir, en ce sens, arrêts précités SFEI e.a., point 75, et Transalpine Ölleitung in Österreich e.a., point 56). 54 S’agissant de l’aide elle-même, il doit être ajouté qu’une mesure qui consisterait uniquement en une obligation de récupération sans intérêts ne serait pas propre, en principe, à remédier aux effets de l’illégalité dans l’hypothèse où l’État membre mettrait à nouveau à exécution ladite aide postérieurement à la décision finale positive de la Commission. En effet, dès lors que la période écoulée entre la récupération et la nouvelle mise à exécution serait inférieure à celle écoulée entre la première mise en œuvre et la décision finale, le bénéficiaire de l’aide supporterait, s’il était amené à emprunter le montant restitué, des intérêts d’un montant moins élevé que ceux qu’il aurait acquittés si, dès l’origine, il avait dû emprunter l’équivalent de l’aide accordée illégalement. 55 Il convient donc de répondre à la première question posée que l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE doit être interprété en ce sens que le juge national n’est pas tenu d’ordonner la récupération d’une aide mise à exécution en méconnaissance de cette disposition, lorsque la Commission a adopté une décision finale constatant la compatibilité de ladite aide avec le marché commun au sens de l’article 87 CE. En application du droit communautaire, il est tenu d’ordonner au bénéficiaire de l’aide le paiement d’intérêts au titre de la période d’illégalité. Dans le cadre de son droit national, il peut, le cas échéant, ordonner en outre la récupération de l’aide illégale, sans préjudice du droit de l’État membre de mettre celle-ci à nouveau à exécution, ultérieurement. Il peut également être amené à accueillir des demandes d’indemnisation de dommages causés en raison du caractère illégal de l’aide. Sur la seconde question 56 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans une situation procédurale telle que celle du litige au principal, l’obligation, résultant de l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE, de remédier aux effets de l’illégalité d’une aide s’étend également, aux fins du calcul des sommes à acquitter par le bénéficiaire, à la période écoulée entre une décision de la Commission constatant la compatibilité de cette aide avec le marché commun et l’annulation de ladite décision par le juge communautaire. 57 Cette question concerne soit les aides éventuellement mises à exécution entre les deux dates en cause ainsi que les intérêts, si la conséquence tirée par le droit national de l’illégalité d’une aide, même dans l’hypothèse d’une constatation de la compatibilité de celle-ci avec le marché commun, est la récupération de ladite aide, soit les seuls intérêts des aides perçues pendant la même période, si la récupération d’une aide illégale compatible n’est pas prévue par le droit national.

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58 En l’état du litige au principal, deux périodes sont concernées, comprises entre les décisions prises par la Commission les 18 mai 1993 et 10 juin 1998 et, respectivement, les arrêts du Tribunal ayant prononcé leur annulation les 18 septembre 1995 et 28 février 2002 (voir points 11 à 21 du présent arrêt). 59 La question posée met en présence, d’une part, le principe de la présomption de légalité des actes des institutions communautaires et, d’autre part, la règle édictée par l’article 231, premier alinéa, CE. 60 La présomption de légalité des actes des institutions communautaires implique que ceux-ci produisent des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité (arrêt du 5 octobre 2004, Commission/Grèce, C-475/01, Rec. p. I-8923, point 18, et la jurisprudence citée). 61 En vertu de l’article 231, premier alinéa, CE, lorsqu’un recours en annulation est fondé, le juge communautaire déclare nul et non avenu l’acte contesté. Il en résulte que la décision d’annulation du juge communautaire fait disparaître rétroactivement l’acte contesté à l’égard de tous les justiciables [arrêt du 1er juin 2006, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, C-442/03 P et C-471/03 P, Rec. p. I-4845, point 43]. 62 Dans des circonstances telles que celles du litige au principal, la présomption de légalité et la règle de la rétroactivité d’une annulation s’appliquent successivement. 63 Les aides mises à exécution postérieurement à la décision positive de la Commission sont présumées légales jusqu’à la décision d’annulation du juge communautaire. Ensuite, à la date de cette dernière décision, conformément à l’article 231, premier alinéa, CE, les aides en cause sont réputées ne pas avoir été déclarées compatibles par la décision annulée, de sorte que leur mise à exécution doit être considérée comme illégale. 64 Il apparaît ainsi que, dans ce cas, la règle résultant de l’article 231, premier alinéa, CE met un terme, rétroactivement, à l’application de la présomption de légalité. 65 Après l’annulation d’une décision positive de la Commission, la possibilité, pour le bénéficiaire des aides illégalement mises à exécution, d’invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder sa confiance dans leur caractère régulier, et de s’opposer, par conséquent, à leur remboursement ne saurait être exclue (voir, par analogie, arrêt Commission/Allemagne, précité, point 16, en ce qui concerne une décision finale négative de la Commission). 66 Toutefois, la Cour a déjà jugé, à propos d’une situation dans laquelle la Commission avait initialement décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre d’aides litigieuses, qu’une telle circonstance ne pouvait pas être considérée comme susceptible d’avoir fait naître une confiance légitime de l’entreprise bénéficiaire, dès lors que cette décision avait été contestée dans les délais de recours contentieux, puis annulée par la Cour (arrêt du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C-169/95, Rec. p. I-135, point 53). 67 La Cour a également jugé que, tant que la Commission n’a pas pris une décision d’approbation, et même tant que le délai de recours à l’encontre d’une telle décision n’est pas écoulé, le bénéficiaire n’a pas de certitude quant à la légalité de l’aide envisagée, seule susceptible de faire naître chez lui une confiance légitime (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C-91/01, Rec. p. I-4355, point 66). 68 Il doit être constaté que, pareillement, lorsqu’un recours en annulation a été introduit, le bénéficiaire ne peut nourrir une telle certitude tant que le juge communautaire ne s’est pas définitivement prononcé. 69 Il convient donc de répondre à la seconde question posée que, dans une situation procédurale telle que celle du litige au principal, l’obligation, résultant de l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE, de remédier aux effets de l’illégalité d’une aide s’étend

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également, aux fins du calcul des sommes à acquitter par le bénéficiaire, et sauf circonstances exceptionnelles, à la période écoulée entre une décision de la Commission constatant la compatibilité de cette aide avec le marché commun et l’annulation de ladite décision par le juge communautaire. […] Document n° 5 : CE, 19 décembre 2008, Centre d’exportation du livre français, n° 274923 ; DA, n° 3, 2009, comm. n° 36. Vu, avec les pièces qui y sont visées, la décision du 29 mars 2006 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur les pourvois enregistrés sous le n° 274923 et le n° 274967, présentés respectivement pour le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS (CELF) et le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION et tendant à l'annulation de l'arrêt du 5 octobre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leurs requêtes d'appel dirigées contre le jugement en date du 26 avril 2001 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du directeur du livre et de la lecture du 9 octobre 1996 rejetant la demande de la société internationale de diffusion et d'édition (SIDE) tendant à ce que le montant de l'aide d'Etat versée au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANCAIS soit restitué, et après rejet du pourvoi incident de la société internationale de diffusion et d'édition, a sursis à statuer sur les pourvois jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur les questions suivantes : 1°) L'article 88 CE permet-il à un Etat dont une aide à une entreprise est illégale, illégalité constatée par les juridictions de cet Etat en raison de ce que cette aide n'a pas fait l'objet d'une notification préalable à la Commission (...) de ne pas récupérer cette aide auprès de l'opérateur économique qui en a été le bénéficiaire en raison de ce que la Commission, saisie par un tiers, a déclaré l'aide compatible avec les règles du marché commun et a ainsi assuré de manière effective le contrôle exclusif qu'elle exerce sur cette compatibilité ' 2°) Si cette obligation de restitution est confirmée, y a-t-il lieu de tenir compte, dans le calcul du montant des sommes à restituer, des périodes pendant lesquelles l'aide en cause a été déclarée compatible avec les règles du marché commun par la Commission avant que ces décisions ne fassent l'objet d'une annulation par le Tribunal de première instance des Communautés européennes ' Vu l'arrêt C-199/06 de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 12 février 2008 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2008, présentée pour le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2008, présentée pour le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 novembre 2008, présentée pour la société internationale de diffusion et d'édition ; Vu le traité instituant la Communauté européenne ; Vu le règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en oeuvre du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE ; Vu le code de justice administrative ;

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Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Martine Denis-Linton, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION et de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la société internationale de diffusion et d'édition, - les conclusions de M. Julien Boucher, Commissaire du gouvernement ; Considérant que, par un arrêt du 12 février 2008, la Cour de justice des Communautés européennes, statuant sur les questions préjudicielles qui lui avaient été soumises par la décision susvisée du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 29 mars 2006, a dit pour droit que : 1) L'article 88 paragraphe 3, dernière phrase, CE doit être interprété en ce sens que le juge national n'est pas tenu d'ordonner la récupération d'une aide mise à exécution en méconnaissance de cette disposition, lorsque la Commission des Communautés européennes a adopté une décision finale constatant la compatibilité de cette aide avec le marché commun au sens de l'article 87 CE. En application du droit communautaire, il est tenu d'ordonner au bénéficiaire de l'aide le paiement des intérêts au titre de la période d'illégalité. Dans le cadre de son droit national, il peut, le cas échéant, ordonner la récupération de l'aide illégale, sans préjudice du droit de l'Etat membre de mettre celle-ci à nouveau à exécution, ultérieurement. Il peut également être amené à accueillir des demandes d'indemnisation de dommages causés en raison du caractère illégal de l'aide. / 2) Dans une situation procédurale telle que celle du litige au principal, l'obligation résultant de l'article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE, de remédier aux effets de l'illégalité d'une aide s'étend également, aux fins du calcul des sommes à acquitter par le bénéficiaire, et sauf circonstances exceptionnelles, à la période écoulée entre une décision de la Commission des Communautés européennes constatant la compatibilité de cette aide avec le marché commun et l'annulation de cette décision par le juge communautaire ; Considérant que la cour administrative d'appel de Paris, par les articles 2, 3 et 4 de son arrêt du 5 octobre 2004, a d'une part, rejeté les requêtes d'appel DU MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION et du CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS (CELF) dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 26 avril 2001 qui a annulé la décision en date du 9 octobre 1996 par laquelle le directeur du livre et de la lecture a rejeté la demande de la société internationale de diffusion et d'édition tendant à ce que le montant de l'aide versée depuis 1980 par l'Etat au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS pour le traitement des petites commandes de livres d'expression française soit restitué et d'autre part, enjoint à l'Etat de procéder à la mise en recouvrement des sommes qui ont été versées au titre du traitement des petites commandes de livres par des libraires étrangers ; que la cour administrative d'appel, en jugeant que, dans l'attente d'une décision définitive de la Commission des Communautés européennes sur la compatibilité de l'aide avec le traité, le juge national, lorsqu'il constate l'illégalité d'une aide d'Etat, au motif qu'elle n'a pas fait l'objet d'une notification préalable à la Commission en méconnaissance de l'article 88 §3 du traité, est tenu d'ordonner la restitution du montant de l'aide, sans rechercher si, à la date où le juge statue, une décision statuant sur la compatibilité de l'aide n'est pas intervenue, alors que la Cour de justice des Communautés européennes interprète l'article 88 §3, dans son arrêt en date du 12 février 2008, comme donnant seulement au juge national, sans y être tenu, la faculté d'ordonner la récupération de l'aide illégale, a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que par suite, le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS et le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que, par ses articles 2, 3 et 4, il a rejeté leurs appels, il a enjoint à l'Etat

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de mettre en recouvrement les sommes qui ont été versées au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS et il a mis à la charge de l'Etat et du CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS les frais exposés par la société internationale de diffusion et d'édition et non compris dans les dépens ; Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Considérant que, par les motifs pertinents de la décision avant dire droit du 29 mars 2006, les moyens concernant la qualification d'aide d'Etat des sommes versées au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS et l'obligation de la notifier à ce titre ne peuvent qu'être écartés ; Sur la restitution de l'aide d'Etat : Considérant que par un arrêt du 15 avril 2008 devenu définitif, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a annulé l'article 1er de la décision de la Commission des Communautés européennes en date du 20 avril 2004 en tant qu'il déclare l'aide compatible avec le marché commun au titre de l'article 87, paragraphe 3 point d) du traité ; que la société internationale de diffusion et d'édition soutient que l'annulation de la décision déclarant la compatibilité de l'aide implique l'obligation pour le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANCAIS de restituer l'aide versée depuis 1980 ; Considérant, d'une part, que le litige relatif à la récupération de l'aide pose la question de savoir si le juge national peut surseoir à statuer sur la question de l'obligation de restitution de l'aide jusqu'à ce que la Commission des Communautés européennes se soit prononcée par une décision devenue définitive sur la compatibilité de l'aide avec les règles du marché commun, lorsqu'une première décision de la Commission déclarant cette aide compatible a été annulée par le juge communautaire ; Considérant, d'autre part, qu'en l'espèce, la Commission a déclaré à trois reprises l'aide compatible avec le marché commun, par des décisions du 18 mai 1993, du 10 juin 1998 et du 20 avril 2004, avant que ces décisions soient annulées par le Tribunal de première instance des Communautés européennes, respectivement par des arrêts du 18 septembre 1995, du 28 février 2002 et du 15 avril 2008 ; qu'ainsi, le litige relatif à la récupération de l'aide pose aussi la question de savoir si une telle situation est susceptible de constituer une circonstance exceptionnelle pouvant conduire le juge national à limiter l'obligation de récupération de l'aide ; Considérant que ces questions sont déterminantes pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat ; qu'elles présentent une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice des Communautés européennes en application de l'article 234 du traité instituant la Communauté européenne et jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur les conclusions présentées par la société internationale de diffusion et d'édition à l'encontre du refus de l'Etat de procéder à la récupération de l'aide versée au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS depuis 1980, ainsi que sur les conclusions tendant, d'une part, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de procéder au recouvrement des sommes en cause dans un délai de 3 mois sous astreinte, d'autre part, à ce que la société internationale de diffusion et d'édition soit informée de l'exécution de cette décision et enfin au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Sur les intérêts : Considérant que, selon l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 15 février 2008, le juge national est tenu, en application du droit communautaire, d'ordonner le paiement des intérêts afférents à la période d'illégalité de l'aide non notifiée en violation de l'article 88, paragraphe 3, dernière phrase, du traité, y compris pour les périodes qui s'écoulent entre la décision de la Commission constatant la compatibilité de l'aide avec le marché commun et l'arrêt d'annulation de cette décision par le juge communautaire ; qu'ainsi, le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS et le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision refusant de procéder à la récupération des avantages indus conférés au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS, en tant qu'elle concerne les intérêts ; Considérant qu'en l'espèce, la décision du Tribunal de première instance des Communautés européennes en date du 15 avril 2008 qui annule la décision de la Commission déclarant la compatibilité de l'aide implique nécessairement, tout au moins, le paiement des intérêts afférents à l'aide d'Etat versés au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS depuis 1980 jusqu'au jour de la présente décision ; que la société internationale de diffusion et d'édition est recevable à demander pour la première fois en appel, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, une injonction relative au paiement des intérêts dus par le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre au MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, sans qu'y fasse obstacle la prescription quadriennale invoquée par le ministre, de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la mise en recouvrement des intérêts afférents à l'aide d'Etat versée au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS depuis 1980 et jusqu'à la présente décision, calculés conformément au règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ; Considérant qu'il y a également lieu d'enjoindre au ministre de procéder ultérieurement à la mise en recouvrement des intérêts qui seront dus entre la date de la présente décision et la date où, soit il aura définitivement été constaté la compatibilité de l'aide avec le marché commun, soit il aura été procédé, à titre définitif, à la restitution de l'aide ; D E C I D E : Article 1er : les articles 2, 3 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 29 mars 2006 sont annulés. Article 2 : Sous réserve des questions tranchées par la présente décision, il est sursis à statuer sur les conclusions présentées par la société internationale de diffusion et d'édition à l'encontre du refus de l'Etat de procéder à la récupération de l'aide versée au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS depuis 1980, ainsi que sur les conclusions tendant d'une part, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de procéder au recouvrement des sommes en cause dans un délai de trois mois sous astreinte, d'autre part, à ce que la société internationale de diffusion et d'édition soit informée de cette décision et enfin au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur les questions préjudicielles suivantes : 1. Le juge national peut-il surseoir à statuer sur la question de l'obligation de restitution d'une aide d'Etat jusqu'à ce que la Commission des communautés européennes se soit prononcée par une décision définitive sur la compatibilité de l'aide avec les règles du marché commun,

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lorsqu'une première décision de la Commission déclarant cette aide compatible a été annulée par le juge communautaire ' 2. Lorsque la Commission a déclaré à trois reprises l'aide compatible avec le marché commun, avant que ces décisions soient annulées par le Tribunal de première instance des Communautés européennes, une telle situation est-elle susceptible de constituer une circonstance exceptionnelle pouvant conduire le juge national à limiter l'obligation de récupération de l'aide ' Article 3 : Il est enjoint au MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la mise en recouvrement des intérêts afférents à l'aide d'Etat versée au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS depuis 1980 et jusqu'à la présente décision, calculés conformément au règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004. Il est également enjoint au ministre de procéder ultérieurement à la mise en recouvrement des intérêts qui seront dus entre la date de la présente décision et la date où, soit il aura définitivement été constaté la compatibilité de l'aide avec le marché commun, soit il aura été procédé, à titre définitif, à la restitution de l'aide. Article 4 : La présente décision sera notifiée au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS, au MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, à la société internationale de diffusion et d'édition et au président de la Cour de justice des Communautés européennes. Document n° 6 : CJCE, 11 mars 2010, Centre d’exportation du libre français (CELF), Ministre de la Culture et de la Communication c/ Société internationale de diffusion et d’édition (SIDE), C-1/09. […] Sur les questions préjudicielles Sur la première question 23 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si une juridiction nationale, saisie, sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3, CE, d’une demande visant à la restitution d’une aide d’État illégale, peut surseoir à l’adoption de sa décision sur cette demande jusqu’à ce que la Commission se soit prononcée sur la compatibilité des aides avec le marché commun après l’annulation d’une précédente décision positive. 24 Aux points 61 et 63 de l’arrêt CELF I, la Cour a souligné que: – en vertu de l’article 231, premier alinéa, CE, lorsqu’un recours en annulation est fondé, le juge communautaire déclare nul et non avenu l’acte contesté, de sorte que la décision d’annulation fait disparaître rétroactivement l’acte contesté à l’égard de tous les justiciables; – à la date de l’annulation par le juge communautaire d’une décision positive, les aides en cause sont réputées ne pas avoir été déclarées compatibles par la décision annulée. 25 Il en résulte qu’une situation telle que celle du litige au principal est analogue à une situation dans laquelle le juge national serait saisi sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3, CE, alors qu’aucune décision n’aurait encore été adoptée par la Commission sur la compatibilité d’une aide en cours d’examen. 26 Or, il convient de relever que l’article 88, paragraphe 3, CE confie aux juridictions nationales la mission de sauvegarder, jusqu’à la décision finale de la Commission, les droits

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des justiciables face à une méconnaissance éventuelle, par les autorités étatiques, de l’interdiction édictée par cette disposition (arrêt CELF I, point 38). 27 À cet égard, la Cour a déjà jugé en substance, dans l’arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (C-39/94, Rec. p. I-3547, points 44 et 50 à 53), que: – l’ouverture par la Commission d’une procédure d’examen ne saurait décharger les juridictions nationales de leur obligation de sauvegarder les droits des justiciables en cas de violation de l’obligation de notification préalable; – lorsqu’il est vraisemblable qu’un certain temps s’écoulera avant que la juridiction nationale statue définitivement, par exemple lorsqu’elle demande des éclaircissements à la Commission aux fins de l’interprétation de la notion d’aide d’État qu’elle peut être amenée à donner ou lorsqu’elle pose à la Cour une question préjudicielle, il lui appartient d’apprécier la nécessité d’ordonner des mesures provisoires afin de sauvegarder les intérêts des parties. 28 Elle a ainsi souligné l’obligation du juge national de ne pas différer l’examen des demandes de mesures de sauvegarde. 29 L’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE est fondé sur l’objectif conservatoire de garantir qu’une aide incompatible ne sera jamais mise à exécution. La prévention ainsi organisée vise donc à ce que seules des aides compatibles soient mises à exécution. Afin de réaliser cet objectif, la mise en œuvre d’un projet d’aide est différée jusqu’à ce que le doute sur sa compatibilité soit levé par la décision finale de la Commission (arrêt CELF I, points 47 et 48). 30 L’objet de la mission des juridictions nationales est, par conséquent, de prononcer les mesures propres à remédier à l’illégalité de la mise à exécution des aides, afin que le bénéficiaire ne conserve pas la libre disposition de celles-ci pour le temps restant à courir jusqu’à la décision de la Commission. 31 Une décision de sursis à statuer produirait, de facto, le même résultat qu’une décision de rejet de la demande de mesures de sauvegarde. Elle aboutirait, en effet, à ce qu’aucune décision sur le bien-fondé de cette demande ne soit prise avant la décision de la Commission. Elle reviendrait à maintenir le bénéfice d’une aide pendant la période d’interdiction de mise à exécution, ce qui serait incompatible avec l’objet même de l’article 88, paragraphe 3, CE et priverait cette disposition de son effet utile. 32 Dès lors, le juge national ne saurait surseoir à statuer, sauf à priver l’article 88, paragraphe 3, CE de son effet utile, en méconnaissance du principe d’effectivité des procédures nationales applicables. 33 L’annulation par le juge communautaire d’une première décision positive de la Commission ne saurait justifier une solution différente, qui serait inspirée par la considération selon laquelle, dans ce cas, l’aide pourrait ultérieurement être à nouveau déclarée compatible par la Commission. 34 En effet, l’objectif de l’article 88, paragraphe 3, CE est clairement inspiré par la considération selon laquelle, jusqu’à l’adoption par la Commission d’une nouvelle décision, le contenu positif de celle�ci ne peut être préjugé. 35 L’obligation de statuer sans attendre sur la demande de mesures de sauvegarde n’impose pas à la juridiction saisie d’adopter effectivement de telles mesures. 36 Une obligation d’adopter des mesures de sauvegarde n’existe que si les conditions justifiant de telles mesures sont réunies, à savoir si la qualification d’aide d’État ne fait pas de doute, si l’aide est sur le point d’être ou a été mise à exécution et si ne sont pas constatées des circonstances exceptionnelles rendant inappropriée une récupération. Si ces conditions ne sont pas réunies, la juridiction nationale doit rejeter la demande. 37 Lorsqu’il statue sur la demande, le juge national peut ordonner ou bien la restitution des aides avec intérêts, ou bien, par exemple, ainsi que l’a suggéré la Commission au point 62 de sa communication 2009/C 85/01 relative à l’application des règles en matière d’aides d’État

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par les juridictions nationales (JO 2009, C 85, p. 1), le versement des fonds sur un compte bloqué, afin que le bénéficiaire n’en conserve pas la disposition, sans préjudice du paiement d’intérêts pour la période comprise entre la mise en œuvre anticipée de l’aide et son versement sur ce compte bloqué. 38 En revanche, l’obligation de «standstill» édictée à l’article 88, paragraphe 3, CE ne serait pas respectée, à ce stade, par une simple condamnation au paiement d’intérêts sur des sommes qui demeureraient dans les comptes de l’entreprise. En effet, il n’est nullement acquis qu’une entreprise ayant perçu illégalement une aide d’État aurait pu, à défaut, obtenir un prêt d’égal montant auprès d’un établissement financier aux conditions normales du marché et ainsi disposer dudit montant antérieurement à la décision de la Commission. 39 En définitive, l’obligation première du juge national est de statuer, positivement ou négativement. 40 Il convient donc de répondre à la première question qu’une juridiction nationale, saisie, sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3, CE, d’une demande visant à la restitution d’une aide d’État illégale, ne peut pas surseoir à l’adoption de sa décision sur cette demande jusqu’à ce que la Commission se soit prononcée sur la compatibilité de l’aide avec le marché commun après l’annulation d’une précédente décision positive. Sur la seconde question 41 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’adoption par la Commission de trois décisions successives déclarant une aide compatible avec le marché commun, qui ont ensuite été annulées par le juge communautaire, est, en soi, susceptible de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier une limitation de l’obligation du bénéficiaire de restituer cette aide, lorsque celle-ci a été mise à exécution en méconnaissance de l’article 88, paragraphe 3, CE. 42 Il convient de rappeler que, dans l’arrêt CELF I, la Cour a réservé la possibilité de prendre en compte des circonstances exceptionnelles lors de l’examen de l’étendue de l’obligation de remédier à l’illégalité d’une aide, y compris lorsque cette obligation est limitée au versement d’intérêts. 43 Au point 65 de cet arrêt, la Cour a admis la possibilité, pour le bénéficiaire d’aides illégalement mises à exécution, d’invoquer des circonstances exceptionnelles qui ont légitimement pu fonder sa confiance dans leur caractère régulier, et de s’opposer, par conséquent, à leur remboursement. 44 Elle a statué en ce sens en considération d’une situation au principal dans laquelle trois décisions positives de la Commission avaient déjà été adoptées, dont deux avaient été annulées. 45 Toutefois, la Cour a immédiatement souligné, en substance, qu’une confiance légitime du bénéficiaire de l’aide ne peut naître d’une décision positive de la Commission, d’une part, lorsque cette décision a été contestée dans les délais de recours contentieux puis annulée par le juge communautaire, ni, d’autre part, tant que le délai de recours n’est pas expiré ou, en cas de recours, tant que le juge communautaire ne s’est pas définitivement prononcé (arrêt CELF I, points 66 à 68). 46 Enfin, elle a précisé que la réponse à la question posée était donnée au regard d’une situation procédurale telle que celle du litige au principal (arrêt CELF I, point 69). 47 L’articulation de cette motivation était ainsi de nature à suggérer que trois décisions positives suivies de recours en annulation exercés dans les délais, dont les deux premiers avaient été accueillis et le troisième était encore pendant, n’étaient pas constitutives d’une circonstance exceptionnelle.

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48 Le libellé de la seconde question posée dans la présente affaire fait apparaître que la juridiction de renvoi envisage, au contraire, qu’une succession de trois décisions positives pourrait constituer une circonstance exceptionnelle. 49 Or, à la date du prononcé de l’arrêt CELF I, les trois décisions positives de la Commission avaient déjà été adoptées. 50 Un seul événement nouveau s’est produit avant le second arrêt de renvoi, à savoir l’annulation de la troisième décision positive par l’arrêt du Tribunal du 15 avril 2008, SIDE/Commission, précité. 51 Un tel événement n’est pas, en soi, de nature à faire naître une confiance légitime et à constituer une circonstance exceptionnelle. En effet, la succession peu courante de trois annulations traduit, a priori, la difficulté de l’affaire et, loin de faire naître une confiance légitime, apparaît plutôt de nature à accroître les doutes du bénéficiaire quant à la compatibilité de l’aide litigieuse. 52 Il peut, certes, être admis qu’une succession de trois recours aboutissant à trois annulations caractérise une situation très rare. De telles circonstances s’inscrivent néanmoins dans le fonctionnement normal du système juridictionnel, lequel offre aux sujets de droit estimant subir les conséquences de l’illégalité d’une aide la possibilité d’agir en annulation de décisions successives qu’ils considèrent être à l’origine de cette situation. 53 Dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, l’existence d’une circonstance exceptionnelle ne saurait davantage être retenue au regard du principe de sécurité juridique, la Cour ayant déjà jugé, en substance, que, aussi longtemps que la Commission n’a pas pris une décision d’approbation et que le délai de recours contre une telle décision n’est pas expiré, le bénéficiaire n’a pas de certitude quant à la légalité de l’aide, de sorte que ne peuvent être invoqués ni le principe de protection de la confiance légitime ni celui de sécurité juridique (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C-91/01, Rec. p. I-4355, points 66 et 67). 54 Dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, l’existence d’une circonstance exceptionnelle ne peut, enfin, être retenue au regard du principe de proportionnalité. En effet, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité, de sorte que la récupération de cette aide, en vue du rétablissement de la situation antérieure, ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité CE en matière d’aides d’État (voir, notamment, arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C�298/00 P, Rec. p. I-4087, point 75 et jurisprudence citée). 55 Il y a donc lieu de répondre à la seconde question que l’adoption par la Commission de trois décisions successives déclarant une aide compatible avec le marché commun, qui ont ensuite été annulées par le juge communautaire, n’est pas, en soi, susceptible de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier une limitation de l’obligation du bénéficiaire de restituer cette aide, lorsque celle-ci a été mise à exécution en méconnaissance de l’article 88, paragraphe 3, CE. […]

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Document n° 7 : CE, Ass., 7 novembre 2008, Comité national des interprofessions des vins à appellations d’origine et autres, n° 282920 ; AJDA, 2008, p 2384, chron. E. Geffray et S.-J. Liéber. Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juillet et 22 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le COMITE NATIONAL DES INTERPROFESSIONS DES VINS A APPELLATIONS D'ORIGINE, dont le siège est 12, rue Sainte Anne à Paris (75001), le COMITE INTERPROFESSIONNEL DES VINS D'ALSACE, dont le siège est Maison des Vins d'Alsace, 12, avenue de la Foire aux Vins, BP 11217 à Colmar Cedex (68012), le CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE BORDEAUX, dont le siège est 1, cours du XXX Juillet à Bordeaux Cedex (33075), le CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DU LANGUEDOC, dont le siège est 6, place des Jacobins, BP 221 à Narbonne Cedex (11102), le COMITE NATIONAL DU PINEAU DES CHARENTES, dont le siège est 112, avenue Victor Hugo à Cognac Cedex (16121), le CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DU ROUSSILLON, dont le siège est 19, avenue de Grande-Bretagne à Perpignan (66000), le CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE PROVENCE, dont le siège est Maison des Vins à Les Arcs-sur-Argens (83460), l'INTERPROFESSION DES VINS A.O.C COTES DU RHONE et VALLEE DU RHONE, dont le siège est Hôtel du Marquis de Rochegude, 6, rue des Trois Faucons à Avignon Cedex 1 (84024), l'UNION INTERPROFESSIONNELLE DES VINS DU BEAUJOLAIS, dont le siège est 210, en Beaujolais, BP 317 à Villefranche Cedex (69661), le CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE LA REGION DE BERGERAC, dont le siège est 1, rue des Récollets à Bergerac Cedex (24104), l'INTERLOIRE, dont le siège est 12, rue Etienne Pallu, BP 61921 à Tours Cedex 1 (37019), le BUREAU INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE BOURGOGNE, dont le siège est 12, boulevard Bretonnière, BP 150 à Beaune Cedex (21204) ; le COMITE NATIONAL DES INTERPROFESSIONS DES VINS A APPELLATIONS D'ORIGINE et autres demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé respectivement par le Premier ministre et par le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les demandes des organisations requérantes en dates des 17, 20, 21 et 31 mars 2005, 1er et 11 avril 2005, 9 mai 2005, 21 et 23 juin 2005 et 20 juillet 2005 tendant à ce que le Gouvernement procède à la notification à la Commission européenne, en application du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne, du dispositif autorisant l'institution de cotisations par les organisations interprofessionnelles prévu par l'article L. 632-6 du code rural ; 2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre une décision de notification de ce dispositif, sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; 3°) subsidiairement, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur le point de savoir si le financement des actions menées par les organisations interprofessionnelles agricoles, au moyen des cotisations prélevées sur les membres des professions les composant, constitue une aide d'Etat ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 88 ; Vu le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 [88] du Traité CE ;

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Vu le code rural, notamment son article L. 632-6 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Agnès Daussun, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat du COMITE NATIONAL DES INTERPROFESSIONS DES VINS A APPELLATIONS D'ORIGINE et autres, - les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ; Considérant qu'aux termes de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne : ... 3. La Commission est informée en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. ; Considérant qu'il appartient au Gouvernement, pour l'application des stipulations précitées du Traité instituant la Communauté européenne, de notifier à la Commission les projets tendant à instituer ou à modifier des aides ; que le Gouvernement doit aussi, notamment quand il est saisi d'une demande en ce sens, notifier à la Commission les textes relatifs à des aides qui n'auraient pas fait l'objet d'une notification avant leur adoption, alors que le droit communautaire impose cette notification ; Considérant que la décision par laquelle le Premier ministre ou un ministre refuse de notifier un texte au titre de la réglementation communautaire des aides d'Etat se rattache à l'exercice par le Gouvernement d'un pouvoir qu'il détient seul aux fins d'assurer l'application du droit communautaire et le respect des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes ; qu'une telle décision est, y compris lorsque le texte en cause est de nature législative, susceptible d'être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir ; qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un tel recours, de déterminer si le texte dont la notification est demandée est relatif à une aide d'Etat dont la Commission doit être informée ; Considérant, en revanche, que le juge administratif ne peut connaître d'une contestation dirigée contre la décision de notifier un acte au titre des aides d'Etat, qui n'est pas détachable de la procédure d'examen par la Commission ; Considérant que les douze organisations interprofessionnelles requérantes demandent l'annulation des décisions implicites de rejet opposées par le Premier ministre et par le ministre de l'agriculture et de la pêche à leurs demandes tendant à ce que le Gouvernement notifie à la Commission, en application des stipulations de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne, le dispositif prévu par l'article L. 632-6 du code rural permettant l'institution, dans le cadre d'organisations interprofessionnelles reconnues, de cotisations obligatoires pour tous les membres des professions composant ces interprofessions ; Considérant que l'article L. 632-6 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date des refus opposés aux organisations requérantes, dispose : Les organisations interprofessionnelles reconnues, mentionnées aux articles L. 632-1 et L. 632-2, sont habilitées à prélever, sur tous les membres des professions les constituant, des cotisations résultant des accords étendus selon la procédure fixée aux articles L. 632-3 et L. 632-4 et qui, nonobstant leur caractère obligatoire, demeurent des créances de droit privé... ;

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Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 632-6 du code rural ont pour seul effet d'autoriser les organisations interprofessionnelles reconnues qu'elles régissent à instituer des cotisations obligatoires pour financer des mesures définies dans le cadre d'accords tendant à la réalisation des objectifs énoncés à l'article L. 632-3 du code rural, qui sont conclus au sein des interprofessions et qui ont fait l'objet d'une extension par arrêté ministériel à tous les membres des professions composant l'interprofession ; qu'ainsi, ce sont les arrêtés procédant à l'extension des accords interprofessionnels instituant des cotisations obligatoires que le Gouvernement devrait seuls notifier, dans l'hypothèse où ils institueraient des aides d'Etat au sens des stipulations des articles 87 et 88 du Traité ; que, dès lors, et sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes, les organisations requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'en refusant de notifier à la Commission les dispositions précitées du code rural, le Premier ministre et le ministre de l'agriculture auraient méconnu les stipulations de l'article 88 du Traité ; que, par suite, leur requête doit être rejetée ; Considérant qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions des organisations requérantes aux fins d'injonction ainsi que celles qui tendent à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; D E C I D E : Article 1er : La requête du COMITE NATIONAL DES INTERPROFESSIONS DES VINS A APPELLATIONS D'ORIGINE et autres est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée au COMITE NATIONAL DES INTERPROFESSIONS DES VINS A APPELLATIONS D'ORIGINE. Copie en sera adressée au COMITE INTERPROFESSIONNEL DES VINS D'ALSACE, au CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE BORDEAUX, au CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DU LANGUEDOC, au COMITE NATIONAL DU PINEAU DES CHARENTES, au CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DU ROUSSILLON, au CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE PROVENCE, à l'INTERPROFESSION DES VINS A.O.C COTES DU RHONE et VALLEE DU RHONE, à l'UNION INTERPROFESSIONNELLE DES VINS DU BEAUJOLAIS, au CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE LA REGION DE BERGERAC, à l'INTERLOIRE, au BUREAU INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE BOURGOGNE, au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et de la pêche.

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II – Quelques exemples d’aides publiques locales

A) Les garanties d’emprunt Document n° 8 : CE, 2 mars 2007, Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France, RJEP, 2007, p 370, note L.T. Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août et 5 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE, venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD, et dont le siège est 10, avenue Foch BP 369 à Lille (59020) ; la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 31 mai 2005 par lequel le tribunal administratif de Lille, saisi par la commune de Condé-sur-Escaut de la question préjudicielle soulevée par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 17 octobre 2002 concernant la délibération du 8 novembre 1988 du conseil municipal de Condé-sur-Escaut, a déclaré que ladite délibération n'autorisait pas le maire de cette commune à cautionner l'ouverture de crédit consentie par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD à la SARL Cap-Condé-sur-Escaut ; 2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Condé-sur-Escaut le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée, notamment son article 6-I ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Laurent Touvet, Conseiller d'Etat, - les observations de Me Spinosi, avocat de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE et de Me Jacoupy, avocat de la commune de Condé-sur-Escaut, - les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ; Considérant que le maire de Condé-sur-Escaut a signé le 30 juin 1989 un contrat notarié dans lequel était notamment inclus l'octroi d'une caution de la commune aux dettes que la SARL Cap-Condé-sur-Escaut pourrait contracter par l'ouverture d'une ligne de crédit prévue pour 18 ans vis-à-vis de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL (CRCAM) DU NORD dans la limite de 8 millions de francs ; qu'appelée en garantie à la suite de la liquidation judiciaire de la société, la commune de Condé-sur-Escaut a fait valoir devant le juge judiciaire l'invalidité de l'engagement pris par son maire ; que la CRCAM NORD DE FRANCE, venant aux droits de la CRCAM DU NORD, fait appel du jugement du 31 mai 2005 par lequel le tribunal administratif de Lille, saisi par la commune de Condé-sur-Escaut de la question préjudicielle soulevée par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 17 octobre 2002 concernant la portée de la délibération du 8 novembre 1988 du conseil municipal de Condé-sur-Escaut, a déclaré d'une part que la caution incluse dans le contrat du 30 juin 1989 portait sur l'ensemble des dettes que la SARL pourrait contracter dans le cadre d'une ouverture globale de crédit à elle consentie par la CRCAM et d'autre part que cette délibération n'autorisait pas le maire de cette commune à cautionner cette ouverture de crédit ;

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Considérant qu'aux termes des trois premiers alinéas du I de l'article 6 de la loi du 2 mars 1982 dans sa rédaction alors en vigueur : Une commune ne peut accorder à une personne de droit privé une garantie d'emprunt ou son cautionnement que dans les conditions fixées au présent paragraphe. / Le montant total des annuités d'emprunts déjà garanties ou cautionnées à échoir au cours de l'exercice, majoré du montant de la première annuité entière du nouveau concours garanti, et du montant des annuités de la dette communale, ne peut excéder un pourcentage, défini par décret, des recettes réelles de la section de fonctionnement du budget communal ; le montant des provisions spécifiques constituées par la commune pour couvrir les garanties et cautions accordées, affecté d'un coefficient multiplicateur fixé par décret, vient en déduction du montant total défini au présent alinéa. / Le montant des annuités garanties ou cautionnées au profit d'un même débiteur, exigible au titre d'un exercice, ne doit pas dépasser un pourcentage, défini par décret, du montant total des annuités susceptibles d'être garanties ou cautionnées en application de l'alinéa précédent ; Considérant qu'aux termes de la délibération du conseil municipal de Condé-sur-Escaut du 8 novembre 1988 : le conseil municipal accorde sa garantie communale à hauteur de 8 millions de francs à la société Captain/Condé pour le remboursement en principal, intérêts et accessoires de l'emprunt en écus d'un montant équivalent en francs français de 16 millions de francs moyennant le taux du marché pour une durée de 15 ans... / Monsieur le maire est : / autorisé à intervenir, au nom de la commune, à la souscription du contrat relatif à l'emprunt garanti, à hauteur de 8 millions de francs ; / chargé d'établir et signer la convention fixant, dans les relations entre la commune et l'emprunteur, les conditions d'exercice de la garantie et de mise en oeuvre des sûretés offertes, les modalités du contrôle exercé par la commune sur l'utilisation de l'emprunt et des mesures prises pour son remboursement, les modalités de paiement des avances éventuelles consenties en exécution de la garantie ; Considérant que la cour d'appel de Douai a sursis à statuer dans l'attente de l'interprétation par le juge administratif de la portée de la délibération du 8 novembre 1988 ; qu'en analysant et en précisant, pour les interpréter, les notions employées par la délibération, le tribunal administratif n'est pas sorti du champ de la question posée par le juge judiciaire ; Considérant qu'eu égard aux différences entre un prêt et une ouverture de crédit, le choix du conseil municipal de décider la garantie par la commune d'un emprunt au taux du marché pour une durée de quinze ans ne peut pas être regardé comme autorisant, ce qu'il n'aurait pas pu légalement faire, la garantie d'une ouverture d'une ligne de crédit bancaire, laquelle donne lieu à une succession de prêts, de durée variable et non programmée, qui entrent en application au fur et à mesure de l'utilisation de cette ligne ; qu'au surplus la durée pour laquelle la délibération du 8 novembre 1988 habilitait le maire à cautionner un emprunt était de quinze ans et non de dix-huit ans ; que par ailleurs le tribunal a exactement analysé la portée de l'acte du 30 juin 1989 en jugeant que le maire s'y était porté caution de l'ensemble des prêts susceptibles d'être octroyés par la CRCAM pour la réalisation de l'ouverture de crédit de 16 millions de francs consentie par cette banque à la SARL Cap-Condé-sur-Escaut ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CRCAM NORD DE FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, saisi par la commune de Condé-sur-Escaut de la question préjudicielle soulevée par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 17 octobre 2002 concernant la délibération du 8 novembre 1988 du conseil municipal de Condé-sur-Escaut, a déclaré que cette délibération n'autorisait pas le maire de cette commune à cautionner l'ouverture de crédit consentie par la CRCAM DU NORD à la SARL Cap-Condé-sur-Escaut ; qu'en conséquence les dispositions

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de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Condé-sur-Escaut une quelconque somme à ce titre ; qu'en revanche il y a lieu de mettre à la charge de la CRCAM NORD DE FRANCE le versement de la somme de 3 000 euros que la commune de Condé-sur-Escaut demande au même titre ; D E C I D E : Article 1er : La requête de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE est rejetée. Article 2 : La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE versera à la commune de Condé-sur-Escaut la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE, à la commune de Condé-sur-Escaut et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

B) Sur les aides à l’immobilier d’entreprise En dehors du régime des aides à l’immobilier industriel modifié récemment (D. n° 2009-1717, 30 déc. 2009 : Journal Officiel 31 Décembre 2009), une commune ne peut pas céder un bâtiment à un prix très inférieur à l'estimation du service des domaines, dans la mesure où celle-ci correspond à la valeur vénale de l'immeuble (CE, 8e et 3e ss-sect., 25 sept. 2009, n° 298918, Cne Courtenay ; Eckert (G), Contrats et Marchés publics n°11, novembre 2009, comm. 366). Document n° 9 : CE, Sect. 3 novembre 1997, Communes de Fougerolles ; CJEG, 1998, p. 16, concl. L. Touvet ; RFDA, 1998, p 12, concl. L. Touvet ; AJDA, 1997, p 1010, note L. Richer ; JCP, 1998, p 270, note F. Chouvel ; D. 1998, jur., p 131, note J.-F. Davignon. Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mai 1995 et 2 juin 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la commune de Fougerolles, représentée par son maire en exercice à ce dûment habilité par une délibération du conseil municipal du 28 avril 1995 ; la commune de Fougerolles demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 6 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Besançon a, sur déféré du préfet de la Haute-Saône, annulé la délibération du 9 septembre 1994 du conseil municipal décidant de céder un terrain communal à la S.A.R.L. Leuvrey moyennant un franc symbolique et l'engagement de créer cinq emplois ; 2°) de rejeter le déféré du préfet devant le tribunal administratif ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution ; Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ; Vu la loi n° 82-6 du 7 janvier 1982 ; Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ; Vu la décision n° 86-207 du Conseil constitutionnel des 25 et 26 juin 1986 ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

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Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mme Daussun, Maître des Requêtes, - les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ; Sur la régularité du jugement : Considérant qu'il ressort de la minute du jugement produite au dossier que les mémoires présentés par la commune de Fougerolles devant le tribunal administratif de Besançon ont été visés par le jugement attaqué ; que le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant ce tribunal aurait été irrégulière du fait de l'absence de ces visas manque donc en fait ; Sur la légalité de la délibération attaquée : Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 2 mars 1982 : "L'Etat a la responsabilité de la conduite de la politique économique et sociale, ainsi que de la défense de l'emploi./ Néanmoins, sous réserve du respect de la liberté du commerce et de l'industrie, du principe de l'égalité des citoyens devant la loi ainsi que des règles de l'aménagement du territoire définies par la loi approuvant le Plan, la commune peut intervenir en matière économique et sociale dans les conditions prévues au présent article./ I - Lorsque son intervention a pour objet de favoriser le développement économique, la commune peut accorder des aides directes et indirectes dans les conditions prévues par la loi approuvant le Plan (...)" ; qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 7 janvier 1982 approuvant le plan intérimaire 1982-1983, toujours en vigueur à la date de la délibération contestée : "Les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les régions peuvent, lorsque leur intervention a pour objet la création ou l'extension d'activité économique, accorder des aides directes ou indirectes à des entreprises, dans les conditions ci-après : Les aides directes revêtent la forme de primes régionales à la création d'entreprises, de primes régionales à l'emploi, de bonifications d'intérêt ou de prêts et avances à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations. Les aides directes sont attribuées par la région dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat (...) Ces différentes formes d'aides directes peuvent être complétées par le département, les communes ou leurs groupements, lorsque l'intervention de la région n'atteint pas le plafond fixé par le décret en Conseil d'Etat mentionné à l'alinéa précédent./ Les aides indirectes peuvent être attribuées par les collectivités territoriales ou leurs groupements, ainsi que par les régions, seuls ou conjointement./ La revente ou la location de bâtiments par les collectivités locales, leurs groupements et les régions doit se faire aux conditions du marché. Toutefois, il peut être consenti des rabais sur ces conditions, ainsi que des abattements sur les charges de rénovation de bâtiments industriels anciens, suivant les règles de plafond et de zones prévues par le décret mentionné au deuxième alinéa./ Les autres aides indirectes sont libres" ; Considérant que, par délibération du 9 septembre 1994 le conseil municipal de Fougerolles a autorisé le maire à céder une parcelle de terrain appartenant au domaine privé de la commune, d'une superficie de 36 ares environ, à la société anonyme à responsabilité limitée Leuvrey moyennant le versement d'un franc symbolique et l'engagement de créer cinq emplois dans un délai de trois ans ; Considérant, en premier lieu, que si la liberté reconnue aux collectivités territoriales par l'article 4 précité de la loi du 7 janvier 1982 d'accorder certaines aides indirectes à des entreprises en vue de permettre la création ou l'extension d'activités économiques ne peut légalement s'exercer que dans le respect des principes constitutionnels, la cession par une

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commune d'un terrain à une entreprise pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général, et comporte des contreparties suffisantes ; Considérant que la cession de terrain autorisée par la délibération litigieuse a pour contrepartie l'engagement de l'entreprise de créer cinq emplois dans le délai de trois ans, assortie, en cas d'inexécution de cet engagement, de l'obligation de rembourser à la commune le prix du terrain tel qu'il a été évalué par le service des domaines, soit environ 36 000 F ; qu'il n'est pas allégué que la commune aurait consenti des cessions comparables en échange de contreparties différentes ; que, compte tenu de la finalité et des modalités de cette cession, la commune de Fougerolles n'a méconnu aucun principe constitutionnel en l'autorisant ; Considérant, en second lieu, que la cession à une entreprise par une commune d'un terrain pour un franc symbolique ne constitue pas au sens de la loi du 7 janvier 1982 une aide directe subordonnée à l'intervention de la région, mais une aide indirecte ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que la délibération de la commune de Fougerolles autorisant cette cession méconnaîtrait un principe constitutionnel et la loi du 7 janvier 1982 ; Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par le préfet de la Haute-Saône devant le tribunal administratif ; Considérant que si le préfet soutient que l'article 4 de la loi du 7 janvier 1982 instituerait un régime d'aide contraire à l'article 92 du traité instituant la Communauté européenne, les stipulations de cet article ne créent pas de droit dont les requérants puissent se prévaloir devant une juridiction nationale ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE Fougerolles est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la délibération susvisée de son conseil municipal en date du 9 septembre 1994 ; Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 6 avril 1995 est annulé. Article 2 : Le déféré du préfet de la Haute-Saône devant le tribunal administratif de Besançon est rejeté. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Fougerolles, au préfet de la Haute-Saône et au ministre de l'intérieur.

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C) Les aides aux entreprises en difficulté Document n° 10 : TC, 14 février 2000, Société anonyme Imphy ; RGCT, 2000, n°12, p 372, note C. Devès. Vu, enregistrée à son secrétariat le 27 mars 1999, rexpédition du jugement du 12 mars 1998 par lequel le tribunal administratif de Poitiers, saisi d'une demande de la SOCIETE ANONYME IMPHY tendant à ce que la commune d'Ingrandes-sur-Vienne soit condamnée à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi du fait d'engagements de cautionnement irréguliers pris par le maire en sa qualité de président-directeur général de la société d'investissement de la région Ingrandaise, a renvoyé au tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ; Vu le jugement du 1er septembre 1992 par lequel le tribunal de commerce de Châtellerault s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ; Vu le mémoire, enregistré le 25 juin 1999, présenté pour la SOCIETE ANONYME INTHY qui conclut à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour connaître du litige ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; Vu la loi du 24 mai 1872 ; Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ; Vu la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Aubin, membre du Tribunal, - les observations de Me Bertrand, avocat de la société ANONYME IMPHY et de Me Odent, avocat de la commune d'Ingrandes-sur-Vienne, - les conclusions de M. de Caigny, Commissaire du gouvernement ; Considérant que, par des actes signés en 1989 et 1990, la société d'investissement de la région ingrandaise, société d'économie mixte dont la commune d'Ingrandes-sur-Vienne possédait 80 % des actions et dont le président était le maire de cette commune, s'est portée, à l'égard de la SOCIETE ANONYME IMPHY, "caution solidaire et indivisible pour le remboursement de toutes les sommes qui peuvent ou pourront lui être dues par la société Ingrandes Inox au titre des achats effectués par celle-ci" entre le 1er mai 1989 et le 30 juin 1991 ; que la SOCIETE ANONYME IMPHY qui détenait, au titre des achats effectués auprès d'elle par cette société pendant la période susmentionnée, une créance d'environ 59 millions de F dont elle n'a pu obtenir le paiement ni de la part de la société elle-même, mise en liquidation judiciaire en novembre 1991, ni de la part de la société ingrandaise d'investissement en raison de l'irrégularité des actes de caution signés par son président, a demandé réparation de son préjudice à la commune d'Ingrandes-sur-Vienne ; Considérant que l'action exercée par la SOCIETE ANONYME IMPHY contre la commune se fonde exclusivement sur la responsabilité que cette collectivité aurait encourue dans la gestion de la société d'économie mixte, en raison de la qualité d'administrateur et de dirigeant de droit de son maire, en vertu des dispositions combinées des articles 98 et 244 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et du quatrième alinéa de l'article 8 de la loi du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d'économie mixte locales, codifié à l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales ; que cette action, qui met en cause des rapports de droit privé, relève des tribunaux de l'ordre judiciaire ;

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Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est déclarée compétente pour connaître du litige opposant la Société Anonyme Imphy à la commune d'Ingrandes-sur-Vienne. Article 2 : Le jugement du 1er septembre 1992 du tribunal de commerce de Châtellerault est déclaré nul et non avenu en tant qu'il se déclare incompétent pour connaître des conclusions de la SOCIETE ANONYME IMPHY contre la commune d'Ingades-sur-Vienne. La cause et les parties sont renvoyées devant tribunal de commerce de Poitiers qui, en application du décret n° 99-959 du 30 juillet 1999, remplace le tribunal de commerce de Châtellerault supprimé. Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Poitiers est déclarée nulle et non avenue à l'exception du jugement du 12 mars 1998. Article : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution. III – Aide d’Etat et crise économique Après avoir élaboré son Plan européen pour la relance économique (26 nov. 2008, COM(2008)800), la Commission est intervenue à plusieurs reprises par le biais de communication. A titre d’illustration, elle a publié son Cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser l'accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle (JOUE n° C 83/1, 7 avr. 2009), a expliqué la méthode adoptée pour apprécier les aides à la restructuration accordées aux banques par les États membres (Comm. CE, communiqué IP/09/ 1180, 23 juill. 2009), ou encore posé le principe selon lequel les mesures de restructuration prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle doivent chercher à limiter les distorsions de concurrence et à garantir un secteur bancaire concurrentiel (Comm. CE, communic. n° 2009/C195-04 sur le retour à la viabilité et l'appréciation des mesures de restructuration prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle conformément aux règles relatives au régime des aides d'État : JOUE n° C 195, 19 août 2009, p. 9 s.). A noter également que la Commission européenne a autorisé, en vertu des règles du traité CE sur les aides d'État, une série de mesures d'aides aux entreprises adoptées par la France pour faire face à la crise économique actuelle (notamment Comm. CE déc. C (2009) 249, 19 janv. 2009).

Document n° 11 : Rapport de la Commission - Tableau de bord des aides d'État - Rapport sur les aides d'État accordées par les États membres de l'UE – Mise à jour de l'automne 2009 – {SEC(2009)1638} /* COM/2009/0661 final */

[…] 3. Les aides d'État dans le contexte de la crise économique et financière 3.1. Orientations fournies par la Commission dans les affaires liées à la crise À la suite de l'aggravation de la crise financière à l'automne 2008, la Commission a fourni des orientations sous forme de communications concernant l'élaboration et la mise en œuvre des aides d'État en faveur des banques [22]. Dans ces communications, la Commission reconnaît que la gravité de la crise justifie l'octroi d'aides en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité CE. Elle y définit un cadre cohérent aux fins de l'octroi, par les États membres, de garanties publiques, de mesures de recapitalisation et de mesures de sauvetage des actifs dépréciés, que ce soit à des banques individuelles ou au titre d'un régime national. La principale raison d'être de ces règles est de garantir que les mesures d'urgence adoptées pour des raisons de stabilité financière assurent des conditions de concurrence égales pour les banques établies dans des États membres différents, de même que pour les banques qui

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reçoivent des aides publiques et pour celles qui n’en bénéficient pas. Le contrôle des aides d'État par la Commission vise à minimiser les retombées négatives des interventions publiques entre les États membres, entre les bénéficiaires d'aides présentant des profils de risque différents, ainsi qu'entre les bénéficiaires d'aides et les banques qui ne reçoivent pas d'aides, tout en facilitant la réalisation des objectifs des régimes. Le Conseil européen [23] a réaffirmé son engagement en faveur du rétablissement de la confiance et du bon fonctionnement des marchés financiers et a souligné que les décisions politiques au niveau de l'UE devaient être compatibles avec les principes du marché unique, assurer des conditions de concurrence équitables et tenir compte d'une stratégie de sortie crédible. Ce processus implique, d'une part, une restructuration majeure des banques qui connaissent fondamentalement des difficultés et, d'autre part, le rétablissement de conditions de marché normales pour les banques fondamentalement saines. De même, les principes sous-jacents s'appliquent aux entreprises de l'économie «réelle» qui se trouvent confrontées à des problèmes structurels et qui doivent procéder à une restructuration afin de recouvrer leur viabilité à long terme. La Commission a brossé un tableau complet de son action dans le domaine des aides d'État accordées dans le contexte de la crise économique et financière et dans une édition spéciale du tableau de bord publié au printemps dernier [24]. Cette dernière fournit un résumé circonstancié de la communication concernant le secteur bancaire, de la communication sur la recapitalisation, du cadre temporaire pour l'économie réelle et de la communication sur les actifs dépréciés [25], ainsi que de l'application de ces communications à ce jour. Le 23 juillet 2009, la Commission a adopté des lignes directrices sur le retour à la viabilité et l'appréciation, conformément aux règles relatives aux aides d'État, des mesures de restructuration prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle [26], qui définissent les critères qui seront appliqués par la Commission aux aides à la restructuration en faveur des banques dans le contexte actuel. 3.2. L'intervention de la Commission dans les affaires liées à la crise La Commission joue, et continuera de jouer, un rôle clé dans la coordination de l'action des États membres en vue du maintien de conditions équitables pour tous, de la préservation de l'intégrité du marché commun et de la lutte contre un protectionnisme préjudiciable. Elle continuera de suivre attentivement la situation sur le marché et d'examiner les mesures d'aide arrêtées par les États membres afin de s'assurer que celles-ci sont conçues de façon à limiter autant que possible les distorsions de concurrence et à assurer le bon fonctionnement du marché unique. Par ailleurs, la Commission a particulièrement insisté sur le fait que les mesures d'aide devaient être élaborées dans une perspective de moyen à long terme, en vue notamment de rétablir rapidement un environnement concurrentiel. Enfin, la Commission encouragera les processus de restructuration dans le contexte du contrôle des aides d'État. Ainsi, par exemple, l'annonce des autorités irlandaises selon laquelle six banques irlandaises seulement bénéficieraient d'un régime de garanties publiques risquait sérieusement de provoquer d’importantes sorties de capitaux chez les concurrents non admissibles à ce régime. À la demande insistante de la Commission, les autorités irlandaises ont confirmé quelques jours plus tard que ce régime de garanties serait offert à l’ensemble des banques possédant en Irlande des filiales ou des succursales largement ancrées dans l'économie nationale [27]. De même, lorsque la France a annoncé qu’elle prévoyait d’accorder une aide au secteur automobile, qui soulevait, à l’origine, des problèmes liés aux règles applicables aux aides

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d’État et au marché unique, la Commission a déclaré sans ambiguïté que toutes les aides assorties de conditions non commerciales supplémentaires se rapportant à la zone à laquelle les investissements sont destinés (et/ou à la distribution géographique des mesures de restructuration dans une autre affaire) ne pourraient être jugées compatibles. Au terme d'une discussion approfondie entre la Commission et les autorités françaises, ces dernières se sont engagées à empêcher toute condition contraire aux règles applicables au marché unique [28]. Cette ligne de conduite a été conservée dans tous les autres cas, en particulier pour ce qui est des projets de l'Allemagne concernant Opel [29]. Dans l'affaire Bradford&Bingley [30], la Commission s'est assurée que les bénéficiaires de l'aide seraient bien les petits épargnants de la banque. L'intervention de l'État a permis la poursuite des activités de détail de cette dernière grâce à la vente de la division «détail», tout en permettant la cessation des activités de la division qui connaissait des difficultés. L'efficacité des plans d'aide aux banques, de même que la situation générale en ce qui concerne la stabilité et le fonctionnement des marchés financiers, a récemment fait l'objet d'une évaluation par le Conseil [31], qui est parvenu à la conclusion que les mesures publiques prises depuis le troisième trimestre 2008 avaient contribué à stabiliser la situation extrêmement tendue sur les marchés financiers. Le contexte dans lequel les banques mènent leurs activités risque toutefois de rester difficile, en raison notamment des pertes de crédit liées à leur portefeuille de prêts. 3.3. Mesures autorisées et taux d'utilisation Entre octobre 2008 et la fin du mois d'octobre 2009, la Commission a autorisé 73 mesures de crise. Ces mesures se composent de 32 régimes (régimes de garanties, plans de recapitalisation, interventions concernant la liquidité et sauvetage d'actifs) et de 41 cas individuels. Le volume total maximum des mesures de crise autorisées par la Commission entre octobre 2008 et octobre 2009 a été de 3 632 milliards d'EUR environ, soit 29 % du PIB de l'UE-27 [32]. En ce qui concerne les systèmes de garanties, le volume maximum a été de 2 738 milliards d'EUR, soit 22 % du PIB de l'UE-27. Les mesures de recapitalisation se sont élevées à 231 milliards d'EUR [33], soit 2 % du PIB de l'UE-27. Les mesures générales ayant trait à la liquidité et les interventions portant sur les actifs en difficulté se sont élevées à 76 milliards d'EUR, soit 0,6 % du PIB de l'UE. Par ailleurs, la Commission a arrêté des décisions concernant plusieurs interventions ad hoc en faveur d'établissements financiers individuels pour un montant total de 587 milliards d'EUR. La plupart des régimes généraux ont été autorisés par la Commission à l'automne 2008 à la suite de la publication des communications relatives au secteur bancaire et à la recapitalisation [34]. Les mesures autorisées en 2008, les régimes d'aides et les aides ad hoc représentent conjointement 3 361 milliards d'EUR. En 2009, les États membres ont jugé peu utile d'instaurer des mesures de soutien supplémentaires. Entre janvier et mars 2009, d'autres mesures de sauvetage et de stabilisation, d'un montant de 96 milliards d'EUR, ont été autorisées par la Commission. Depuis avril 2009, les États membres n'ont adopté qu'un nombre limité de mesures supplémentaires pour un montant maximum global de 175 milliards d'EUR [35]. Le taux d'utilisation par les banques est défini comme étant l'utilisation effective des mesures ayant trait aux montants qui ont été notifiés et autorisés. Il sert de premier indicateur en ce qui

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concerne le fonctionnement des régimes [36]. Le volume d'aides total maximum susmentionné n'a pas été mis à exécution de façon effective. Le taux d'utilisation des mesures liées à la crise, tel qu'indiqué par la Commission [37], est de 33 % environ pour ce qui est des garanties et de 55 % environ en ce qui concerne la recapitalisation. […] [22] Voir la communication de la Commission intitulée «Application des règles en matière d'aides d'État aux mesures prises en rapport avec les institutions financières dans le contexte de la crise financière mondiale», JO C 270 du 25.10.2008, p. 8 («la communication concernant le secteur bancaire»); la communication de la Commission intitulée «Recapitalisation des établissements financiers dans le contexte de la crise financière actuelle: limitation des aides au minimum nécessaire et mise en place de garde-fous contre les distorsions de concurrence indues», JO C 10 du 15.1.2009, p. 2 («la communication sur la recapitalisation»);la communication de la Commission concernant le traitement des actifs dépréciés dans le secteur bancaire de la Communauté, JO C 72 du 26.3.2009, p. 1 («la communication sur les actifs dépréciés»); la communication de la Commission intitulée «Retour à la viabilité et appréciation, conformément aux règles relatives aux aides d'État, des mesures de restructuration prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle», JO C 195 du 19.8.2009, p. 9. [23] Voir le point II des conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles des 18 et 19 juin 2009. [24] Tableau de bord du printemps 2009 - (http://ec.europa.eu/competition/state_aid/studies_reports/studies_reports.html). [25] Ces communications sont présentées de façon succincte au chapitre 3 du document intitulé «Faits et chiffres concernant les aides d'État dans les États membres» en annexe. [26] Communication de la Commission du 19 août 2009 sur le retour à la viabilité et l'appréciation, conformément aux règles relatives aux aides d'État, des mesures de restructuration prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle, JO C 195 du 19.8.2009, p. 9. [27] NN 48/2008 - Régime de garanties en faveur des banques irlandaises. [28] Voir le communiqué de presse Memo/09/90. [29] Voir les communiqués de presse Memo/09/460 et Memo/09/411. [30] NN 41/2008 - Aide au sauvetage de Bradford & Bingley. [31] Annexe au rapport du Conseil (Ecofin) au Conseil européen des 18 et 19 juin sur l'efficacité des mécanismes de soutien financier («Report of the Task Force on reviewing the effectiveness of financial support measures»). [32] Ce chiffre représente le montant maximum global des systèmes de garantie, des mesures de sauvetage et de restructuration et d’autres mesures mises en place par les États membres. [33] Elles incluent les plans de recapitalisation et les régimes combinant des mesures de recapitalisation et d'autres mesures. Les divergences constatées par rapport aux montants publiés dans le tableau de bord du printemps 2009 sont imputables à la classification différente des régimes. La présente édition considère comme relevant d'une catégorie distincte les interventions ayant trait à la liquidité. [34] Le tableau de bord du printemps 2009 met l'accent sur les aides publiques accordées dans le contexte de la crise économique et financière actuelle et présente une vue d'ensemble des mesures examinées par la Commission jusqu'au 31 mars 2009. [35] Soit, entre autres, six régimes fondés sur la communication concernant le secteur bancaire, un régime relevant de la communication relative aux actifs dépréciés et un autre régime spécifique. [36] Le fait que le taux d'utilisation soit élevé dans un État membre donné n'indique pas nécessairement si la mesure est adéquate ou non. Les taux d'utilisation des garanties peu élevés de certains États membres tiennent en partie au fait que les montants annoncés au titre des régimes sont plus élevés que les montants réellement nécessaires. En outre, dans certains États membres, les banques ont pu bénéficier d'un accès aisé aux capitaux, souvent à des conditions plus favorables. [37] Pour de plus amples informations, voir le document de la DG Concurrence du 7 août 2009 examinant les programmes de garantie et de recapitalisation appliqués au secteur financier au cours de la crise actuelle du 7 août 2009 («DG Competition's review of guarantee and recapitalisation schemes in the financial sector in the current crisis»), (http://ec.europa.eu/competition/state_aid/legislation/review_of_schemes_en.pdf).