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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le nier secteur mi Rapport de recherche Élise Ledoux, IRSST PierreSébastien Fournier, Université Laval Sylvie Ouellet, UQAM Sylvie Beaugrand, IRSST Caroline Jolly, IRSST Avec la collaboration de : Jean Bernier et AnneMarie Laflamme, Université Laval Esther Cloutier [Mars 2014]

Les conditions d'une intégration sécuritaire et … · Chacun des cas a été documenté à partir d’une analyse de la structure organisationnelle et du fonctionnement des sites

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le 

nier secteur miRapport de recherche 

Élise Ledoux, IRSST Pierre‐Sébastien Fournier, Université Laval Sylvie Ouellet, UQAM Sylvie Beaugrand, IRSST Caroline Jolly, IRSST  Avec la collaboration de :  Jean Bernier et Anne‐Marie Laflamme, Université Laval Esther Cloutier  [Mars 2014] 

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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REMERCIEMENTS

En 2009, dans un contexte d’effervescence du secteur et de départ prochain de nombre de baby-boomers, c’est avec conviction que M. Jean Drolet, alors directeur de l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur minier (APSM), a approché des chercheurs de l’IRSST afin que soit initiée une recherche portant sur les conditions d’intégration des nouveaux travailleurs. Nous le remercions chaleureusement d’avoir, dès lors et jusqu’à sa retraite, partagé son enthousiasme et sa connaissance du milieu et facilité les démarches nécessaires pour mener à bien cette étude.

Un grand merci à M. Paul Potvin, actuel directeur de l’APSM, de même qu’à tous les autres membres du comité de suivi. Par leur grande expérience, ils ont contribué à valider et enrichir le portrait des enjeux d’intégration tirés de notre étude terrain. De ces riches échanges ressort un point particulièrement marquant soit l’engagement profond des intervenants en SST du secteur à véritablement prévenir les lésions professionnelles, ce qui représente un réel défi dans un contexte de croissance rapide. Merci à : André Lavoie, Pierre Thibault1 et Tanguy Paquot de l’Association minière du Québec (AMQ); à Michel Bélanger1, Luc Baillargeon et Françoise Colombani du Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’industrie des mines (CSMO Mines); André Racicot et Alain Croteau du Syndicat des Métallos; Claude Bénard de la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM-CSN); Claude Ferland1 et France Gauthier de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST); Pascale Larouche du Conseil des ressources humaines de l’industrie minière (MIHR-RHIM); et Serge Guertin, ergonome.

Le cœur de l’étude reposait sur la collecte de données effectuée dans deux entreprises minières. Ces minières ont déployé les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs de recherche visés. Qui plus est, les personnes rencontrées, personnel de direction, gestionnaires, représentants des travailleurs et mineurs ont partagé avec générosité leurs connaissances, savoir-faire et fierté du métier. Un sincère merci pour la richesse de leur contribution et la chaleur de leur accueil.

De nombreuses personnes ont aussi apporté leur support au cours de cette recherche et nous souhaitons leur exprimer notre gratitude. Charles Gagné, conseiller en valorisation de la recherche à l’IRSST, qui a su tisser les liens indispensables avec les acteurs du secteur. Christian Larue, professionnel scientifique à l’IRSST, a mis son ingéniosité au service de notre équipe pour développer le système nous ayant permis de filmer et d’enregistrer les échanges entre les travailleurs. Esther Cloutier, chercheuse, Jean Bernier, professeur retraité, Chloé Thuillier, professionnelle scientifique et Louis-David Poirier, étudiant ont apporté une contribution essentielle à cette recherche.

Finalement, nous tenons à souligner notre reconnaissance envers les organismes subventionnaires sans lesquels l’étude n’aurait pu être réalisée : La Commission des partenaires du marché du travail (CPMT) avec le Fonds de développement et de reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre (FDRCMO), l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST), le Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’industrie des mines (CSMO Mines) et le Réseau de recherche en santé et sécurité du travail (RRSSTQ).

1 Ont changé d’emploi en cours de projet.

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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SOMMAIRE

Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’un appel à proposition lancé pour le programme de subvention à la recherche appliquée (PRSA) portant sur le transfert des compétences pour le compte de la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT). Les questions d’intégration d’une nouvelle main-d’œuvre et de transmission des savoirs se placent au cœur des préoccupations des entreprises minières qui doivent faire face à un vieillissement de la main-d’œuvre conjugué à des problèmes récurrents de recrutement, et ce, dans un contexte de croissance fluctuant au gré du marché des métaux. C’est dans ce contexte qu’une demande a été formulée par l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur minier (APSM) à un groupe de chercheurs de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail, de l’Université du Québec à Montréal et de l’Université Laval pour que soient documentées les conditions favorisant une intégration sécuritaire et compétente des nouveaux mineurs, notamment celles favorisant la transmission des savoirs entre travailleurs expérimentés et nouveaux travailleurs. Dès l’élaboration du projet de recherche, des mécanismes ont été mis en place pour faire en sorte que les objectifs de cette étude puissent répondre aux préoccupations des partenaires du secteur minier. Un comité de suivi a donc été formé afin de soutenir l’équipe de recherche, de suivre l’avancement des travaux et de contribuer au transfert des résultats, non seulement au sein des entreprises participantes, mais à l’ensemble du secteur minier.

Le projet a été réalisé dans deux entreprises minières sélectionnées sur une base volontaire. Une approche par étude de cas (Yin, 1994) a été retenue. Chacun des cas a été documenté à partir d’une analyse de la structure organisationnelle et du fonctionnement des sites miniers et par des analyses ergonomiques du travail s’appuyant sur de nombreuses entrevues et observations de l’activité de travail. Ainsi le dispositif mis en place pour soutenir l’intégration est décrit à travers un examen de l’activité de travail des personnes qui participent au processus. Par une approche compréhensive des situations d’action dans lesquelles sont engagées ces personnes, nous avons tenté de dégager les conditions pouvant avoir une influence sur ce processus.

Ce rapport présente les résultats issus de l’étude d’une mine à ciel ouvert et d’une mine souterraine. Plus particulièrement, trois postes liés aux activités d’extraction du minerai ont été ciblés dans cette étude : le poste d’opérateur d’équipement minier-conducteur de camion à benne et le poste de préposé au camion de service, tous deux des postes d’entrée; le poste de boulonneur et le poste d’opérateur d’équipement minier-opérateur de chargeuse occupés par des travailleurs ayant cumulé de l’ancienneté. Les résultats publiés dans ce rapport s’inscrivent dans le cadre d’un projet de recherche plus vaste, réalisé dans cinq mines, dont l’ensemble des résultats sera publié dans un rapport de recherche de l’IRSST2.

Après avoir décrit les sites miniers participants et leur main-d’œuvre, les dispositifs formels mis en place pour soutenir l’intégration des nouveaux travailleurs ainsi que leur évolution sont présentés. Par la suite nous illustrons les particularités du travail et les difficultés rencontrées par les nouveaux travailleurs aux deux postes d’entrée et au poste spécialisé puis nous décrivons différentes situations de compagnonnage. Enfin nous décrivons les conditions influençant le processus d’intégration des nouveaux travailleurs, en insistant sur le fait que ces conditions se situent à différents niveaux organisationnels, soit au niveau du collectif de travail, de

2 IRSST : Institut de rechercher Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail http://www.irsst.qc.ca/

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l’organisation du département mine, de l’organisation de l’entreprise et même de l’organisation du secteur minier lui-même.

Cinq constats tirés des études de cas ont guidé la formulation des pistes d’intervention présentées à la fin du rapport. Compte tenu de l’importante mobilité interne de la main-d’œuvre, des exigences de polyvalence, des exigences de production et de la variabilité des situations de travail :

La formation des nouveaux travailleurs n’est pas une activité ponctuelle ciblée dans le temps, réalisée à la suite d’une vague d’embauche, mais représente plutôt une activité courante qui fait partie intégrante des opérations minières quotidiennes;

Un nouveau travailleur n’est pas seulement un employé nouvellement embauché mais caractérise aussi les employés qui changent de poste; les personnes qui reprennent le travail après une longue absence; les employés qui sont relève sur des postes et qui n’y ont pas travaillé depuis un certain temps;

Les postes d’entrée sont plus complexes à apprendre qu’il n’y paraît et les conditions d’organisation de la production influencent les conditions d’apprentissage;

Une part très importante de la formation au métier et du soutien à l’intégration est assumée par des travailleurs expérimentés à qui on demande de transmettre leurs savoirs d’expérience. Cette activité de compagnonnage lors de la formation à la tâche se poursuit de façon informelle après la formation prévue par le dispositif d’accueil et d’intégration. Ce complément essentiel est toutefois plus ou moins reconnu dans les sites miniers;

La conduite des projets d’investissement peut créer des conditions qui fragilisent les dispositifs d’accueil et de formation des nouveaux travailleurs mis en place par les entreprises, avec des impacts possibles à la fois sur la santé et la sécurité des travailleurs et sur la productivité.

Les résultats de cette étude montrent que les dispositifs élaborés pour soutenir l’intégration des nouveaux ne peuvent se limiter à mieux structurer la formation. Ils concernent l’ensemble de l’organisation des opérations minières et des conditions mises en place pour opérer. L’intégration et la transmission des savoirs sont un processus qui se construit progressivement dans le temps et dans l’action. Ce processus varie beaucoup en fonction des conditions d’exercice du travail rencontrées par les nouveaux travailleurs, mais aussi par les travailleurs expérimentés et les collectifs de travail.

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS........................................................................................................................ i 

SOMMAIRE.................................................................................................................................. iii 

TABLE DES MATIÈRES ...............................................................................................................v 

LISTE DES TABLEAUX.............................................................................................................. ix 

LISTE DES FIGURES .................................................................................................................. ix 

LISTE DES SIGLES...................................................................................................................... xi 

1.  INTRODUCTION ..................................................................................................................1 

2.  PROBLÉMATIQUE...............................................................................................................3 2.1  Le contexte de croissance des activités d’exploitation minière et des besoins de main-

d’œuvre qualifiée ...........................................................................................................3 2.1.1  Les initiatives du secteur des mines pour surmonter les problèmes ..................4 

2.1.1.1  La formation préalable........................................................................4 2.1.1.2  L’accueil et les formations en milieu de travail..................................5 2.1.1.3  Des stratégies d’attraction de la main-d’œuvre ..................................6 

2.2  Les défis du savoir de métier et de la santé et sécurité du travail ..................................7 2.2.1  Le travail minier, un secteur à risques ...............................................................7 

2.2.1.1  Le contexte de diligence raisonnable..................................................8 2.2.2  Expérience, conditions de travail et conditions d’emploi ..................................9 

2.3  Objectif de l’étude........................................................................................................11 

3.  REVUE DE LITTÉRATURE...............................................................................................13 3.1  L’intégration en entreprise...........................................................................................13 

3.1.1  Un processus dynamique dans le temps...........................................................14 3.2  La transmission des savoirs au cœur de la socialisation organisationnelle .................15 3.3  Modèle d’analyse du processus d’intégration des nouveaux travailleurs....................17 

4.  MÉTHODOLOGIE...............................................................................................................21 4.1  L’approche générale.....................................................................................................21 4.2  Le cadre du projet ........................................................................................................22 

4.2.1  Les liens avec les acteurs du milieu.................................................................22 4.2.2  Le recrutement des mines participantes...........................................................23 

4.2.2.1  L’engagement et l’éthique ................................................................24 4.2.3  Les postes à l’étude..........................................................................................24 

4.3  Le recueil de données...................................................................................................25 4.3.1  Les documents de l’entreprise .........................................................................26 

4.3.1.1  L’analyse des données de main-d’œuvre..........................................26 4.3.1.2  L’analyse des documents relatifs aux conditions de travail..............26 

4.3.2  Les entretiens ...................................................................................................26 4.3.3  Les observations...............................................................................................28 

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vi Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

4.3.3.1  Les défis de la collecte de données ...................................................28 4.3.3.2  La planification des observations et les conditions observées..........29 

4.3.4  Le retour collectif, la validation et l’enrichissement du portrait......................31 4.4  L’approche par convergence des données : la triangulation........................................31 

5.  LES SITES MINIERS ET LEUR MAIN-D’ŒUVRE .........................................................33 5.1  Les caractéristiques des sites miniers ..........................................................................33 5.2  Les caractéristiques de la main-d’œuvre......................................................................33 

5.2.1  Mine-A.............................................................................................................33 5.2.1.1  Profil, à l’embauche, des mineurs participant à l’étude....................34 

5.2.2  Mine-B .............................................................................................................34 5.2.2.1  Profil, à l’embauche, des mineurs participant à l’étude....................35 

5.2.3  Le personnel cadre ...........................................................................................36 5.3  Le cheminement professionnel dans la mine ...............................................................37 

5.3.1  Mine-A.............................................................................................................37 5.3.2  Mine-B .............................................................................................................37 

6.  LES DISPOSITIFS MIS EN PLACE POUR SOUTENIR L’INTÉGRATION DES NOUVEAUX TRAVAILLEURS.........................................................................................39 6.1  Des dispositifs de formation en évolution ...................................................................39 

6.1.1  Mine-A.............................................................................................................39 6.1.2  Mine-B .............................................................................................................39 

6.2  La planification proactive des besoins de main-d’œuvre versus la gestion de nécessité40 6.2.1  Des modes et des bassins de recrutement variés..............................................40 6.2.2  Les préalables pour se porter candidat au poste...............................................41 

6.3  Le dispositif d’accueil et d’intégration ........................................................................42 6.3.1  Les principaux acteurs et leurs ressources .......................................................42 6.3.2  Les étapes et la durée .......................................................................................43 

6.3.2.1  L’accueil et la familiarisation ...........................................................44 6.3.2.2  La formation théorique/technique.....................................................46 6.3.2.3  La formation à la tâche .....................................................................46 6.3.2.4  L’accréditation ..................................................................................47 6.3.2.5  Le suivi..............................................................................................48 

6.4  Les compléments de formation....................................................................................48 

7.  ILLUSTRATION DU TRAVAIL AUX POSTES D’ENTRÉE...........................................51 7.1  Préposé au camion de service ......................................................................................51 

7.1.1  Le statut du poste et les conditions de travail ..................................................51 7.1.2  Une journée de travail type ..............................................................................52 

7.1.2.1  Avant de descendre sous terre : préparation et première planification52 7.1.2.2  Une fois arrivé au niveau où le véhicule est stationné : inspection et

entretien du véhicule .........................................................................53 7.1.2.3  Les déplacements sous terre : conduite dans la circulation et

vérification des inventaires des dépôts .............................................54 7.1.2.4  Entrepôt principal : planification et chargement du matériel............55 7.1.2.5  Tunnel – rampe : déplacement avec chargement..............................56 7.1.2.6  Déchargement du matériel dans les dépôts.......................................57 

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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7.1.2.7  L’ajout de demandes prioritaires ......................................................57 7.1.2.8  La diversité des situations et les tâches connexes.............................58 7.1.2.9  Finalisation de la journée ..................................................................59 

7.1.3  Les défis et difficultés rencontrés par les nouveaux préposés au camion de service ..............................................................................................................59 7.1.3.1  Les difficultés durant la formation à la tâche....................................59 7.1.3.2  Les difficultés lors du début seul au poste – La transition................61 

7.1.4  Le temps pour être à l’aise au poste et le recrutement des compagnons .........62 7.2  Opérateur d’équipements miniers ................................................................................63 

7.2.1  Le statut du poste et les conditions de travail ..................................................63 7.2.2  Une journée de travail type ..............................................................................64 

7.2.2.1  La rencontre de début de quart et l’attribution des équipements ......65 7.2.2.2  L’inspection et l’entretien du camion ...............................................66 7.2.2.3  L’attente et le chargement.................................................................67 7.2.2.4  Les déplacements ..............................................................................69 7.2.2.5  Le déchargement...............................................................................71 

7.2.3  Les défis et difficultés rencontrés par les opérateurs sur les camions à benne74 7.2.3.1  Les difficultés pendant la formation sur le camion...........................74 7.2.3.2  Les difficultés du début seul au poste ...............................................74 7.2.3.3  Les difficultés du métier de conducteur de camion à benne.............75 

8.  ILLUSTRATION DU PROCESSUS D’INTÉGRATION SUR UN POSTE SPÉCIALISÉ77 8.1  La formation à la tâche au poste d’opérateur de boulonneuse.....................................77 

8.1.1  Le statut du poste et les conditions de travail ..................................................77 8.1.2  Les grandes étapes du travail ...........................................................................78 

8.1.2.1  Précisions sur le boulonnage.............................................................79 8.1.3  L’évolution des préalables pour débuter la formation à la tâche au poste de

boulonneur .......................................................................................................79 8.1.4  Les préalables et leurs enjeux lors de la formation à la tâche au poste de

boulonneur .......................................................................................................80 8.1.5  La planification des formations à la tâche .......................................................81 8.1.6  Stratégies de formation à la tâche et enrichissement du contenu par le

compagnon.......................................................................................................81 8.1.6.1  Stratégies de formation à la tâche .....................................................81 8.1.6.2  L’enrichissement du contenu par le compagnon ..............................82 8.1.6.3  Les difficultés rencontrées durant la formation à la tâche ................86 

8.2  Les défis lors du début seul au poste : l’auto-formation avec le soutien de l’équipe ..86 8.2.1  La diversité et la complexité des situations de travail .....................................87 8.2.2  Les bris.............................................................................................................88 8.2.3  La prise en compte du manque d’expérience dans l’attribution des places de

travail et la pression de production ..................................................................89 8.2.4  L’entraide.........................................................................................................90 

8.3  Le cas des boulonneurs de relève.................................................................................90 8.4  Le temps pour être à l’aise au poste.............................................................................91 

9.  ILLUSTRATION DE SITUATIONS DE COMPAGNONNAGE.......................................93 9.1  La planification de la formation à la tâche et le choix des compagnons .....................93 

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viii Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

9.2  Le choix des tâches pour soutenir la progression de l’apprentissage ..........................94 9.3  Illustration de l’activité de compagnonnage au chargement du minerai .....................95 9.4  Des savoirs transmis orientés vers l’adaptation au contexte et la planification… en

tenant compte du collectif ............................................................................................96 9.4.1  Une transmission des savoirs souvent en différé .............................................99 9.4.2  Les déplacements : une occasion d’inspecter la mine .....................................99 

9.5  Une forme de « compagnonnage » qui se poursuit dans le temps .............................100 9.6  Difficultés et préoccupations rapportées par les compagnons...................................101 

10.  LES CONDITIONS INFLUENÇANT L’INTÉGRATION DES NOUVEAUX TRAVAILLEURS ..............................................................................................................103 10.1  Les caractéristiques du secteur et de l’environnement externe..................................104 

10.1.1  Un secteur en croissance et la pression des projets d’investissement............104 10.1.2  Un besoin de main-d’œuvre cyclique ............................................................104 10.1.3  La loi C-21et le souci de faire diligence raisonnable.....................................105 

10.2  L’organisation du site minier .....................................................................................105 10.2.1  Les critères d’embauche des nouveaux travailleurs.......................................105 10.2.2  Des ententes avec des programmes de formation professionnelle.................106 10.2.3  La structuration du dispositif d’accueil et d’intégration ................................106 

10.2.3.1  La reconnaissance du statut de formateur.......................................106 10.2.3.2  Les critères de sélection des formateurs .........................................106 10.2.3.3  La reconnaissance du statut de compagnon ....................................107 10.2.3.4  La progression formation technique / formation à la tâche ............107 10.2.3.5  Des contextes d’apprentissage différents de ceux dans lesquels les

nouveaux commenceront à travailler seuls .....................................108 10.2.3.6  L’accès à des « environnements d’apprentissage protégés » de la

pression de production ....................................................................108 10.2.3.7  La succession de compagnons lors de la formation à la tâche........109 

10.2.4  Le processus d’achat de nouveaux équipements et leurs caractéristiques.....109 10.2.5  La place et l’organisation de la SST ..............................................................110 

10.3  L’organisation du « département mine » ...................................................................111 10.3.1  Planification de la production et la place de la formation .............................111 10.3.2  Planification de la production et la transition seul au poste...........................112 10.3.3  Pression de la production sur la durée de la formation..................................112 10.3.4  Disponibilité des véhicules pour la formation ...............................................112 10.3.5  Retard dans la production et temps supplémentaire ......................................112 10.3.6  Le rôle des superviseurs.................................................................................113 

10.4  L’équipe et le collectif de travail ...............................................................................114 10.4.1  Les compagnons : un rôle élargi, inscrit dans la continuité...........................114 10.4.2  L’équipe, un accompagnement dans la durée ................................................114 

11.  DISCUSSION.....................................................................................................................117 11.1  L’intégration de nouveaux travailleurs, un processus inscrit dans les opérations

minières......................................................................................................................118 11.1.1  Vers un élargissement de la notion de « nouveaux travailleurs »..................119 11.1.2  L’intégration, un processus à inscrire dans la durée ......................................120 11.1.3  L’intégration au groupe de travail : un domaine de socialisation à soutenir .121 

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

ix

11.1.4  L’intégration des nouveaux : un processus à considérer dans la conduite des projets d’investissement.................................................................................122 

11.2  Situation, ressources et difficultés des nouveaux ......................................................123 11.2.1  Des postes d’entrée plus complexes qu’il n’y paraît .....................................123 11.2.2  Au-delà des ressources dédiées à la formation, une action collective sur les

conditions d’apprentissage.............................................................................125 11.2.3  Des difficultés particulières lors du début seul au poste................................125 

11.3  Le compagnonnage : une activité particulière à soutenir...........................................126 11.3.1  Des contextes variés de compagnonnage.......................................................126 11.3.2  Des ressources pour soutenir les compagnons...............................................128 

12.  DES PISTES D’INTERVENTION POUR SOUTENIR LE PROCESSUS D’INTÉGRATION DES NOUVEAUX TRAVAILLEURS DANS LES MINES ............131 

BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................................................137 

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Principales caractéristiques des deux mines à l’étude ................................................24 Tableau 2 : Période de l’étude et présence pour la collecte de données ........................................25 Tableau 3 : Personnes rencontrées en entretien .............................................................................27 Tableau 4 : Conditions d’observation pour les deux postes ciblés à la mine-B ............................30 Tableau 5 : Conditions d’observation à la mine-A ........................................................................31 Tableau 6 : Étapes et durée du processus de prise en charge à la mine-A.....................................44 Tableau 7 : Étapes et durée du processus de prise en charge à la mine-B.....................................44 Tableau 8 : Les sujets abordés lors de l’accueil.............................................................................45 Tableau 9 : Statut et conditions de travail au poste de préposé au camion de service (mine-B) ...51 Tableau 10. Statut et conditions de travail au poste d’opérateur d’équipement minier affecté au

camion à benne (mine-A).......................................................................................................64 Tableau 11 : Les conditions influençant l’intégration des nouveaux travailleurs dans le contexte

minier issues de l’analyse des deux études de cas ...............................................................103 

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Construction d’expérience sur le cours de vie (tiré de Fournier, 2003) ........................18 Figure 2 : Modèle d’analyse du processus d’intégration des nouveaux travailleurs (tiré de

Cloutier et coll., 2012a) .........................................................................................................19 Figure 3 : Principales étapes de la méthodologie...........................................................................22 Figure 4 : Représentation schématique du travail de préposé au camion de service.....................52 Figure 5 : Représentation schématique du travail de l’opérateur d’équipement minier – opérateur

de camion à benne..................................................................................................................65 Figure 6 : Vieux camion (à gauche) vs nouveau camion (à droite) ...............................................66 Figure 7 : Étapes de positionnement au chargement. 1) avancer vers la chargeuse; 2) et 3) se

placer parallèlement à la chargeuse; 4) amorcer la manœuvre de recul; 5) reculer en tournant et en s’assurant d’être à bonne distance de la chargeuse; 6) aligner la boîte sous le godet. ..68 

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x Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

Figure 8 : Éblouissement des lumières pendant le positionnement au chargement.......................68 Figure 9 : Étapes du déchargement au concasseur.........................................................................72 Figure 10 : Déchargement du stérile sans tracteur.........................................................................73 

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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LISTE DES SIGLES

AMQ Association minière du Québec

APSM Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur minier

CPMT Commission des partenaires du marché du travail

CSD Centrale des syndicats démocratiques

CSMO Mines Comité sectorial de main-d’oeuvre de l’industrie des mines

CSST Commission de la santé et de la sécurité du travail

DEP Diplôme d’études professionnelles

DREAM Développement Rétention Emploi Autochtone Minier

EPI Équipement de protection individuelle

ETC Équivalent temps complet

FDRCMO Fonds de développement et de reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre

FIM- CSN Fédération de l’industrie manufacturière-Confédération des syndicats nationaux

FMTM Formation modulaire du travailleur minier

FTQ Fédération des travailleurs du Québec

INRS Institut national de recherche et de sécurité (France)

IRSST Institut de recherché Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

MELS Ministère de l’éducation, du loisir et du sport

MRNF Ministère des ressources naturelles et de la faune du Québec

NIOSH National institute for occupational safety and health

PAMT Programme d’apprentissage dans les milieux de travail

PAMT Programme d’apprentissage en milieu de travail

RH Ressources humaines

RHIM Conseil des ressources humaines de l’industrie minière

RRSSTQ Réseau de recherche en santé et sécurité du travail

RSST Règlement sur la santé et la sécurité du travail

SARIM Stratégie d’attraction, de recrutement et de rétention pour l’industrie minière

SST Santé et sécurité du travail

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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1. INTRODUCTION

Les questions de recrutement et d’intégration d’une nouvelle main-d’œuvre sont au cœur des préoccupations des entreprises minières qui font face à un vieillissement de leur main-d’œuvre conjugué à des absences pour cause de maladies ou de blessures et à des problèmes récurrents de recrutement. C’est dans ce contexte qu’une demande a été formulée par l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur minier (APSM) à un groupe de chercheurs de la communauté de recherche Âge, rapports intergénérationnels et santé et sécurité du travail du Réseau de recherche en santé et sécurité du travail du Québec (RRSSTQ)3 pour documenter les conditions favorisant une intégration sécuritaire et compétente des nouveaux mineurs (d’âges et de parcours professionnels variés), notamment celles aidant à la transmission des savoirs entre travailleurs expérimentés et nouveaux travailleurs. Il ressort d’ailleurs d’une enquête menée par le Comité sectoriel de main-d’œuvre des mines (CSMO Mines) (Auger, 2011) sur les pratiques de gestion des ressources humaines dans l’industrie minière que des améliorations seraient souhaitables en matière d’accueil des nouveaux employés et d’intégration des travailleurs issus des bassins d’emplois non traditionnels.

Pour atteindre cet objectif, trois questions sont abordées :

1. Quelles conditions favorisent la transmission des savoirs entre travailleurs expérimentés et nouveaux travailleurs ?

2. Quels rôles peuvent jouer les travailleurs expérimentés notamment dans la transmission des savoirs de métier et de prudence ?

3. Comment l’organisation du travail et de la production peuvent-elles soutenir cette intégration des nouveaux travailleurs ?

Cette démarche a pour but de dégager des pistes d’amélioration du processus d’intégration des nouveaux mineurs et de la transmission des savoirs.

Le projet a été réalisé dans deux entreprises minières sélectionnées sur une base volontaire. Ce rapport présente le processus d’intégration dans une mine à ciel ouvert et une mine souterraine, plus particulièrement pour trois postes liés aux activités d’extraction du minerai soit les postes d’entrée d’opérateur d’équipement minier-conducteur de camion à benne (mine-A), et de préposé au camion de service (mine-B) et le poste de boulonneur (mine-B), occupé par des travailleurs cumulant de l’ancienneté. Les résultats publiés dans ce rapport s’inscrivent dans le cadre d’un projet de recherche plus vaste, réalisé dans cinq mines, dont l’ensemble des résultats sera publié dans un rapport de recherche de l’IRSST4.

Une approche par étude de cas (Yin, 1994) a été retenue. Chacun des cas a été documenté à partir d’une analyse de la structure organisationnelle et du fonctionnement des entreprises minières et par des analyses ergonomiques du travail.

3 Cette communauté de recherche regroupe des chercheurs de l’Université du Québec à Montréal, de l’Université

Laval et de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail. 4 IRSST : Institut de rechercher Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail http://www.irsst.qc.ca/

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2 Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

Ce projet a bénéficié d’un octroi dans le cadre du Programme de subvention à la recherche appliquée (PSRA), financé par le Fonds de développement et de reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre (FDRCMO), piloté par la Commission des partenaires du marché du travail. Il a été obtenu en réponse à l’appel de propositions spécifiques (2009-2010) portant sur « les transferts des compétences de la main-d’œuvre en emploi au Québec selon différents enjeux pour les entreprises : qu’en est-il de ses obstacles, ses contraintes et ses conditions facilitantes ».

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2. PROBLÉMATIQUE

2.1 Le contexte de croissance des activités d’exploitation minière et des besoins de main-d’œuvre qualifiée

En décembre 2012, le Québec comptait 23 mines actives, dont 16 mines de minerais métalliques produisant en tout 17 métaux (MRNF, 2013, chap. 6). Les mines se localisent dans diverses régions du Québec, particulièrement en Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord et le Nord-du-Québec. Elles se situent aussi bien à proximité des centres urbains qu’en régions éloignées. Tout dépendant du type de gisement, elles peuvent être souterraines ou à ciel ouvert, mécanisées ou conventionnelles. On compte une majorité de mines syndiquées affiliées soit à la FTQ, la CSN, ou la CSD.

Le ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec (MRNF, 2012) indique que le nombre d’emplois directs dans le secteur minier, en 2011, était de près de 17 0005. De ce nombre, les 7 888 emplois liés aux activités d’extraction de minerais métalliques se répartissaient sur une quinzaine de sites miniers situés en Abitibi-Témiscamingue, sur la Côte-Nord, le Nord-du-Québec. En 2011, pour une septième année consécutive, le niveau des investissements miniers au Québec était à la hausse, avec plus de 3 milliards $ (Institut de la Statistique du Québec, 2012).

Le secteur minier voit croître ses besoins en main-d’œuvre et cette progression, qui devrait s’amplifier dans les prochaines années, s’explique par plusieurs phénomènes notamment la hausse des valeurs des matières premières sur les marchés mondiaux, les départs massifs à la retraite d’une partie de la main-d’œuvre, le roulement de la main-d’œuvre. Ainsi, le Conseil des ressources humaines de l’industrie minière (RHIM, 2011) faisait état, en 2011, de l’instabilité de l’emploi dans le secteur minier lequel dépend largement de la valeur des minéraux sur les marchés. Le prix des métaux, en particulier celui du fer, de l’or et du cuivre, a connu une forte croissance depuis 2003 et l’expansion du secteur émane surtout, actuellement, des besoins de la Chine (PricewaterhouseCoopers, 2011). Par ailleurs, au Canada, la combinaison du roulement de la main-d’œuvre et du départ à la retraite imminent de travailleurs de la génération du baby-boom nécessitera l’embauche de dizaines de milliers de travailleurs, même dans un scénario récessionniste (RHIM, 2011, p.7). Toujours selon le RHIM (2011, p.17), les besoins cumulatifs d’embauche au Québec devraient se situer à 11 170, en 2013, et 20 710, en 2021, et plus spécifiquement, pour les emplois de mineurs d’extraction et de préparation dans les mines souterraines, à 540 et 1000 pour ces mêmes années (p.19). Le Comité sectoriel de main-d’œuvre des mines (CSMO Mines, 2012) indiquait, dans son rapport annuel 2011-2012, que les investissements qui seront réalisés dans le cadre du Plan Nord6 amèneront pour la période 2011-2021 une hausse annuelle moyenne de 5,7 % des effectifs de main-d’œuvre de l’industrie minière québécoise. Or, les personnes qualifiées et expérimentées ne sont pas en nombre suffisant pour répondre à cette demande.

5 Ceci inclut : mines, carrières, sablières et tourbières, les emplois dans la première transformation (sauf aluminerie),

les emplois dans les entreprises de forage à diamant. 6 Rendu public en mai 2011, le Plan Nord a pour objectif de développer le potentiel économique du territoire se

situant au nord du 49e parallèle, dans plusieurs secteurs économiques dont celui des ressources minérales (MRNF, rapport sur les activités minières au Québec 2011; Gouvernement du Québec, 2011).

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4 Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

En 2009, le CSMO Mines menait, auprès d’entreprises minières, un recensement dont les résultats ont été publiés dans un rapport intitulé « Estimation des besoins de main-d’œuvre du secteur minier au Québec 2010-2020 » (CSMO Mines, 2010). Les entreprises répondantes représentaient 71 % des mines du Québec. Ce rapport relève l’importance du phénomène de mobilité de la main-d’œuvre qualifiée.

Le Nord-du-Québec a été, en 2009, la région embauchant le plus de personnes, soit 69 % comparativement à 16 % pour l’Abitibi-Témiscaminque et 10 % pour la Côte-Nord. Cependant les données présentées par le CSMO Mines sur l’origine des travailleurs embauchés montrent qu’ils proviennent majoritairement de l’Abitibi-Témiscaminque, avec 58 %, pour seulement 13% du Nord-du-Québec et 5% de la Côte-Nord. La région la plus touchée par le roulement de main-d’œuvre est le Nord-du-Québec avec un taux de roulement de 10,4 %. Ce taux s’expliquerait principalement par un départ vers d’autres secteurs industriels et l’éloignement des sites miniers dans cette région. Pour les autres régions, le taux de roulement s’établirait à près de 2 % en Abitibi-Témiscaminque et 8 % sur la Côte-Nord. Ces flux témoignent d’un phénomène important de mobilité régionale des nouveaux travailleurs miniers.

Au-delà de la mobilité régionale, ces résultats montrent l’importance de la mobilité d’une entreprise à l’autre. Par exemple, en 2009, 49 % des travailleurs nouvellement embauchés provenaient d’une autre mine. Les autres travailleurs provenaient de centres de formation dans le domaine (formation initiale) ou d’autres secteurs industriels (par exemple, l’industrie forestière), dans des proportions respectives de 22 % et 26 %; 2 % des recrues étaient auparavant sans-emploi (CSMO Mines, 2010).

Finalement, le taux de travailleurs quittant l’industrie minière québécoise était estimé à 6,84 %, trois facteurs importants contribuant à ces départs: 1) les départs à la retraite, pour 2,97 %; 2) les départs vers un autre secteur industriel, pour 3,05%; 3) les départs vers une mine hors Québec, pour 0,82 % (CSMO Mines, 2010).

2.1.1 Les initiatives du secteur des mines pour surmonter les problèmes

Le secteur minier québécois et canadien est un milieu très organisé qui compte de nombreux organismes, associations, regroupements s’intéressant aux différents enjeux de l’industrie. Ces acteurs ont développé des initiatives pour répondre à la problématique de la formation des nouveaux travailleurs et accroître l’intérêt de la population pour embrasser une carrière dans les mines.

2.1.1.1 La formation préalable

Les activités minières sont régies notamment par le « Règlement sur la santé et la sécurité du travail dans les mines » (Gouvernement du Québec 2013; chapitre S-2.1, r. 14). Ce règlement stipule qu’aucun travailleur âgé de moins de 18 ans ne peut travailler dans une mine souterraine. Il précise également les obligations concernant la Formation modulaire du travailleur minier (FMTM) publiée par la Commission scolaire de l'Or-et-des-Bois. Ainsi, toute personne qui travaille sous terre doit recevoir les modules I, II et III dans les 4 mois et, les modules IV, V et VII dans les 6 mois suivant la date de son embauche (Gouvernement du Québec, 2013) et être

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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titulaire d'une attestation délivrée par cette commission scolaire. Tant que l’employé n’a pas rempli ces exigences, il doit être accompagné par une personne ayant réalisé les modules I, II, et III. Les travailleurs qui ont obtenu leur DEP en extraction de minerai sont réputés répondre à ces exigences. Les travailleurs occasionnels ne sont pas tenus de faire les modules miniers, mais ils doivent être accompagnés par une personne conforme au règlement. Les six modules présentement obligatoires représentent 76 heures de formation (Centre de formation professionnelle de Val-d’Or.)

Pour les activités d’exploitation des mines souterraines, la formation offerte et non obligatoire est le DEP en extraction de minerai d’une durée de 930 heures (Inforoute FPT). Certaines entreprises exigeront ce diplôme comme condition d’embauche pour les postes d’entrée et d’autres non. De plus, un programme de formation professionnelle spécifique Opérateur/opératrice d’équipement minier pour les mines à ciel ouvert est en élaboration et devrait être disponible en 2013 (CSMO Mines, 2012).

2.1.1.2 L’accueil et les formations en milieu de travail

Le processus d’accueil est considéré comme important par l’ensemble des entreprises minières, bien que peu d’investissement lui soit consacré. Au moment de l’accueil, les entreprises mettent surtout l’accent sur la santé et la sécurité du travail et se centrent principalement sur la tâche (Auger, 2011).

Les entreprises minières investissent néanmoins fortement dans la formation en milieu de travail. Pour les organisations minières, la formation est une des trois composantes importantes du processus de gestion des ressources humaines au même titre que le recrutement et la rémunération (Auger, 2011). La majorité des entreprises posséderaient une politique de formation et investiraient en moyenne 3% de leur masse salariale à la formation, principalement pour l’acquisition de compétences liées directement à la tâche. L’urgence serait un moteur de développement des formations.

Pour le personnel de métiers, la majorité du contenu des formations est conçue à l’interne et dispensée par des formateurs internes (Auger, 2011) bien que certaines formations puissent être fournies par des organismes publics ou privés (ex. l’APSM donne le cours de gréage et appareil de levage et de conduite de chariots élévateurs). Un sondage mené à ce sujet en Abitibi-Témiscamingue, auprès de l’industrie minière, révèle que le coaching par des employés expérimentés est une méthode utilisée par près de 73% des entreprises pour former les employés (Écho Sondage-Industrie minière-Abitibi-Témiscamingue, 2009).

Soulignons, que le secteur s’est doté en 2012 d’une norme professionnelle pour le métier de « mineur/mineuse sous terre » et qu’un programme d’apprentissage en milieu de travail (PAMT) en extraction de minerai est mis à la disposition des entreprises et de leurs travailleurs (CSMO Mines, 2012).

Dans une perspective d’un renouvellement accéléré de la main-d’œuvre, le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) a publié aux États-Unis en 2008 des lignes directrices pour le développement d’un curriculum pour l’entraînement des nouveaux mineurs (Vaught et Mallett, 2008). Ce curriculum considère que la plupart des mineurs embauchés ou qui le seront

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dans les prochaines années, n’auront pas le luxe de profiter d’une intégration lente au travail sous la supervision d’un mentor expérimenté. Les équipes constituées de travailleurs ayant relativement peu d’expérience devront alors compter sur leur propre entraînement. Une telle approche ne figure cependant pas dans les projets du secteur minier québécois.

2.1.1.3 Des stratégies d’attraction de la main-d’œuvre

En plus de ces stratégies de développement de la main-d’œuvre, des stratégies d’attraction de la main-d’œuvre ont été déployées par les entreprises.

Dans la rubrique carrière de leur site internet et les offres d’emploi, les entreprises minières mettent en valeur des conditions susceptibles d’attirer les candidats : des salaires et avantages sociaux compétitifs, leur implication sociale, une reconnaissance de la grande valeur de leurs employés et, un souci pour l’environnement et pour la santé et sécurité du travail. D’autres attraits sont aussi mentionnés tels la possibilité de réaliser des rêves, d’être ambassadeur du changement, la promotion de la forme et de la santé, la possibilité d’être formé et de progresser. Les sites en lieu éloigné font valoir l’aventure, le dépassement de soi, les horaires particuliers voire exceptionnels, les installations de loisirs et sportives. Plusieurs entreprises ajoutent des témoignages d’employés pour rendre leur propos plus concrets.

La rémunération semble en effet un attrait important pour plusieurs personnes. Elle varie selon le poste de mineur, qu’il soit au développement ou à la production. Elle se base en général sur un salaire horaire et des primes à la productivité auxquelles peuvent s’ajouter des primes d’éloignement. Actuellement, en incluant les heures supplémentaires, le salaire moyen atteindrait 100 000$ pour les travailleurs d’établissements d’extraction de minerais métalliques, ce qui est plus du double du revenu moyen de l’ensemble des travailleurs québécois. (MRNF, 2012).

L’environnement dans lequel travaillent les mineurs a évolué au cours des dernières années. La mécanisation du procédé d’extraction aurait transformé le métier de mineur. Par exemple, le forage des trous de dynamitage et la pose de soutènement se fait à l’aide de foreuses mécanisées. Les mineurs seraient devenus « des opérateurs de machinerie lourde » (Dupuis et Kuzminski, 1998). De plus, aux horaires de travail rotatifs qui caractérisent le temps de travail des mineurs, s’ajoutent des horaires de type « fly-in/fly out » dans le cas de sites miniers plus éloignés : les mineurs travaillent plusieurs jours consécutifs (ex. 14, 21, 28 jours), environ 11 heures par jour, puis repartent chez eux pour une période de quelques jours (ex. 14 jours). Les sites miniers sont alors pourvus de complexe d’hébergement assurant une pension complète et mettant à la disposition des travailleurs, dans certains cas, des installations sportives. Ces stratégies d’attraction sont perçues comme plus compatibles avec les impératifs de la vie personnelle.

Aussi, différentes stratégies sont déployées par des acteurs du secteur pour faire la promotion des métiers des mines. Elles visent notamment les jeunes. Par exemple, pour intéresser les étudiants du secondaire au secteur, un concours de courtes vidéos scientifiques dont le sujet est les mines et les minéraux dans la vie de tous les jours permet d’accéder à des prix (CSMO Mines7). Les

7 http://www.explorelesmines.com/concours-reglements.html

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bourses offertes aux étudiants des sciences de la terre sont aussi des incitatifs de rapprochement du secteur (AMQ et MRNF du Québec8).

De nombreuses initiatives sont aussi mises en place pour faire connaître les métiers des mines et les emplois disponibles, par exemple : le CSMO Mines, via son site « Explore les mines »; l’AMQ par la publication de dépliants s’adressant aux jeunes « choisir les mines, c’est brillant »9 ou la publication de « 50 carrières de l’industrie minière » en collaboration avec le CSMO Mines et Jobboom10, Minalliance11 par le partage de vidéos sur les carrières de l’industrie. D’autres moyens comme les congrès sont des occasions de rapprochements directs entre les entreprises minières et les chercheurs d’emplois. Le congrès « Québec Mines »12, initiative du ministère des ressources naturelles du Québec, rassemble des milliers de participants (exposants commerciaux, gouvernementaux, élèves du primaire et secondaire, chercheurs d’emploi) et se veut notamment un carrefour éducatif et de recherche d’emploi.

Pour faire face aux besoins grandissant de main-d’œuvre, le RHIM a aussi lancé le projet SARIM qui est une stratégie d’attraction, de recrutement et de rétention pour l’industrie minière. Le guide « Explorer la diversité »13, qui fait partie de ce projet, vise à outiller les employeurs pour favoriser l’emploi de travailleurs de groupes sous représentés : les femmes, les néo-canadiens, les jeunes, les travailleurs d’âge mur, les travailleurs d’industries en déclin. Le modèle DREAM, une initiative du CSMO Mines (2012), est un autre exemple visant le développement d’une stratégie d’intégration des autochtones dans le secteur minier.

2.2 Les défis du savoir de métier et de la santé et sécurité du travail

2.2.1 Le travail minier, un secteur à risques

Le secteur minier se classe parmi les secteurs les plus concernés par les lésions et les maladies professionnelles ainsi que par les décès. Bien que les conditions se soient améliorées au cours des dernières années, le taux de fréquence ETC (équivalent temps complet) de lésions professionnelles indemnisées avec perte de temps (2005-2007) au Québec, pour le groupe « Extraction minière », était de 7,9 % soit un taux 2,3 fois supérieur à la moyenne québécoise (Duguay et coll., 2012). De plus, il se situe au 8e rang des groupes cibles dont la proportion de lésions excédant une durée d’absence de 180 jours est la plus élevée (22 % des lésions indemnisées avec perte de temps).

Des écrits font état des nombreux risques associés au travail minier (Eger et coll., 2006; Eger et coll., 2004; Kumar, 2004; McPhee, 2004; Joy, 2004, McBride, 2004; Donoghue et Bates, 2000). Ces risques peuvent découler de l’environnement de travail propre aux types d’exploitation (de surface ou souterraine), à la nature des activités qui y sont réalisées et à la façon dont l’excavation souterraine a été effectuée. En effet, l’exploitation des gisements par excavation

8 http://www.amq-inc.com/images/stories/pdf/Depliant%20bourse%20industrie%20miniere%202006.pdf 9 http://www.amq-inc.com/images/stories/pdf/brochure_finale-low.pdf 10 http://fr.canoe.ca/publications/editions/librairie/livres/JEDI-MIN7.html 11 http://www.minalliance.ca/industrie-minerale/carrieres 12 http://quebecmines.mrn.gouv.qc.ca/index.asp 13 http://www.mihr.ca/fr/priorities/resources/ExplorerlaDiversitKIT.pdf

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souterraine pose plusieurs défis dont celui de la sécurité liée à la stabilité des excavations. Chaque année, des accidents liés aux chutes de terrain se produisent dans les mines souterraines au Québec ou ailleurs dans le monde ce qui a incité les chercheurs à mener plusieurs travaux sur cette problématique (Payeur et coll., 2006; Hadjigeorgiou et Lemy, 2005; Zipf et Mark, 2005; Dubinski et Konopko, 2004; Aubertin et coll., 2002; Hadjigeorgiou et coll., 2001; Benzaazoua, et Belem, 2000; Corthésy et coll., 1997). Quant à l’environnement de travail souterrain, il est souvent hostile aux travailleurs puisqu’on y retrouve bruit, poussières, vibrations, fumée d’échappement, chocs répétés, etc. (Atalla et coll., 1998; Cohen et coll., 2002).

La nature des activités réalisées dans la pratique des métiers peut en outre entraîner d’autres risques. Par exemple, les conducteurs d'équipements lourds manœuvrent des engins de chantier consacrés aux travaux d'exploitation tels les bulldozers servant à débroussailler et à essoucher ou les pelles excavatrices utilisées pour enlever la roche, le minerai ou autre matériel dans les mines à ciel ouvert ou encore les camions de taille impressionnante pour transporter le minerai. Or des études ont montré que la manœuvre de ces équipements peut présenter des risques d’accidents et de maladies professionnelles associés à plusieurs facteurs comme le manque de visibilité, le bruit et la vibration (Eger et coll., 2006; Eger et coll., 2004; Kumar, 2004). Eger et coll. (2004), rapportent en effet que certains éléments de la machinerie, par exemple la cabine, sont estimés nuisibles à la visibilité par les opérateurs. D’autres facteurs environnementaux tels que les poussières, le brouillard, les collines escarpées, le faible niveau de lumière, la trop grande luminosité, les bruits distrayants et la vibration ont aussi été identifiés comme étant des obstacles à la visibilité. Il est à souligner que le tiers des opérateurs ont mentionné que cette problématique liée à la visibilité n’était pas abordée durant la formation ni discutée au cours des rencontres de sécurité. Une formation inadéquate comme facteur d’accidents de véhicules lourds a aussi été identifiée par Kecojevic et Radomsky (2004). Enfin le manque de visibilité, pour d’autres types d’équipements pouvant s’opérer en position debout ou assise (ex : locomotive), peut inciter les opérateurs à opérer ces équipements debout ce qui est alors susceptible d’augmenter l’effet vibratoire sur tout le corps.

Le personnel travaillant au forage et au dynamitage des mines souterraines et à ciel ouvert s’exposent à des risques d’explosions; l’utilisation de certains outils (ex. : foreuses) peut également les exposer entre autres à des niveaux vibratoires et sonores importants (McBride, 2004; Donoghue, 2004, Boileau et coll. 1990; Marcotte et coll., 2011).

Ces données statistiques et les résultats de travaux scientifiques présentés ici mettent en évidence qu’il existe toujours de nombreux risques dans le secteur minier. Cette situation a d’ailleurs incité la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à lancer un Plan d’action en vue d’accroître la sécurité des travailleurs miniers (CSST, 2005).

2.2.1.1 Le contexte de diligence raisonnable

Un important accident ayant causé la mort d’une vingtaine de mineurs dans une mine de Nouvelle-Écosse en 1992 a conduit à l’adoption et la mise en application de la Loi C-21 en 2004 (Desbiens, 2005). Cette loi a modifié le code criminel afin de faciliter les poursuites dans le cas de négligence en matière de santé et sécurité au travail. L’article 219 du code criminel rend coupable de négligence criminelle quiconque montre une insouciance déréglée ou téméraire à

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l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui: a) soit en faisant quelque chose; b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir.

L’étude de la jurisprudence et des critères pris en compte par la Cour supérieure du Québec montre que l’employeur qui veut faire preuve de diligence raisonnable doit se conformer à trois composantes distinctes et essentielles : le devoir de prévoyance, le devoir d’efficacité et le devoir d’autorité (Saulnier; 2013). Cette auteure souligne que pour remplir le devoir de prévoyance, chaque nouvelle tâche, même ponctuelle doit être analysée pour en identifier les risques. L’employeur doit aussi s’assurer que les employés ont la compétence et l’information nécessaires pour accomplir leurs tâches. L’employeur a le devoir de prendre en compte la fatigue et les erreurs de jugement de ses employés qui pourraient entraîner des situations dangereuses. Concernant le devoir d’efficacité, l’employeur a le devoir de prendre des mesures concrètes afin de s’assurer que ses directives soient respectées, il ne doit pas présumer qu’elles seront suivies. Ceci implique notamment un système comprenant : des directives et des procédures écrites, de l’entrainement et la supervision des employés et des superviseurs, le renouvellement de l’entrainement et l’évaluation périodique du système entier. Il est spécifié que la formation donnée doit être adaptée aux tâches particulières de chaque employé et couvrir l’aspect technique et de sécurité. Quant au devoir d’autorité, pour s’y conformer l’employeur ne doit pas tolérer le non-respect des instructions et doit imposer des sanctions dans le cas où ces règles sont clairement établies et communiquées (Saulnier, 2013).

Ces obligations de l’employeur mettent clairement en évidence des enjeux relatifs à l’accueil, la formation et l’intégration du nouveau travailleur. Ces obligations s’ajoutent donc à celles de la loi plus générale sur la santé et la sécurité du travail et du règlement sur la santé et la sécurité dans les mines.

2.2.2 Expérience, conditions de travail et conditions d’emploi

À ces risques inhérents au travail minier, s’ajoute la question de la relève et de l’expérience requise pour y faire face. Des études révèlent en effet que les jeunes travailleurs seraient davantage exposés aux accidents que les plus vieux (Ledoux et Laberge, 2007; Blank et coll., 1996). Les études sur l’âge montrent un taux de fréquence plus élevé chez les jeunes, mais une gravité plus importante chez les travailleurs plus vieux (Hämäläinen et coll., 2006). Cela dit, cette différence ne serait pas uniquement due à une question d’âge; elle s’expliquerait surtout par l’expérience et la familiarité avec le milieu de travail. On observe ainsi que le taux de réclamation pour une lésion professionnelle était de cinq à sept fois plus élevé au cours du premier mois d’un nouvel emploi et ce, peu importe le groupe d’âge (Breslin et Smith, 2006). D’ailleurs, dans un contexte de mobilité et de diversité des types d’emplois (contrat à durée déterminée ou indéterminée, sous-traitants, agences de placement, etc.), les jeunes travailleurs ne représentent qu’une partie des nouveaux employés. Nous parlerons donc plutôt de nouvel employé pour désigner autant l’apprenti et l’intérimaire que celui qui revient après une longue absence (maladie ou autres), l’employé affecté à un nouveau poste ou encore le travailleur expérimenté venant d’une autre entreprise (INRS, 2009).

L’expérience semble effectivement constituer un atout indéniable en termes de protection vis-à-vis des risques puisque le taux d’incidence des lésions professionnelles décroît en fonction de l’âge et de l’expérience (Cloutier et Duguay, 1996). À ce sujet, plusieurs études ergonomiques

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montrent que, dans différents secteurs d’activité économiques et pour diverses professions, le personnel expérimenté élabore de nombreuses stratégies de travail, individuelles et collectives, lui permettant de faire face aux multiples contraintes rencontrées dans l’exercice de son travail et ainsi de se protéger des risques (agroalimentaire, Ouellet et Vézina, 2008; éboueurs, Denis et coll., 2007; santé et services sociaux, Cloutier et coll., 2005; camionnage, Fournier, 2003; Gonon, 2003; services des eaux, Chatigny, 2001a; sidérurgie, Pueyo, 1998; restauration collective, Avila-Asuncio 1998; automobile, Gaudart et Weill-Fassina, 1999; éboueurs, Cloutier, 1994). Par exemple, Chassaing (2006) a constaté dans ses travaux réalisés auprès de travailleurs dans l’assemblage automobile et dans le coffrage des ponts d’autoroute qu’il existe une différence dans les informations sensorielles recherchées pour guider le geste lors d’une activité en fonction de l’ancienneté. Les opérateurs qui comptaient moins d’ancienneté évoquaient moins de façons de faire en lien avec des composantes sensorielles, auditives et proprioceptives. Abondant dans le même sens, une étude de Somerville et Loyld (2006) met en relation la façon dont les travailleurs sont formés à la santé et sécurité et la façon dont ils apprennent à travailler de façon sécuritaire. Ces auteurs rapportent que les travailleurs dans les mines de charbon mobilisent des informations sensori-motrices qui leur permettent de savoir s’ils se trouvent dans une situation sécuritaire. Plusieurs mineurs ont mentionné les contradictions existant entre les procédures ou documents formels et leurs sensations, affirmant, lorsque la sécurité est en jeu, se fier davantage à leurs sens développés avec l’expérience.

Au-delà de ces enjeux liés à l’expérience, l’arrivée dans un nouvel environnement de travail est souvent associée à des conditions de travail et d’emploi différenciées. Dans plusieurs milieux, l’entrée sur le marché du travail se caractériserait par une précarité contractuelle et des emplois soumis à d’importantes contraintes physiques (Molinié, 2003), ce que révèle notamment la popularité grandissante des agences de location de main-d’œuvre et de la sous-traitance — souvent portes d’entrée au marché du travail pour les jeunes — et des emplois atypiques. Ces conditions de travail différenciées se répercutent sur la santé et la sécurité du travail (Bernier, 2012). Dans le secteur minier, on estime que 13 % des emplois relèveraient de la sous-traitance (CSMO Mines, 2010). Les entreprises minières utiliseraient cette sous-traitance pour quatre raisons principales : 1) accéder à de l’expertise spécifique pour la réalisation de travaux; 2) surmonter la rareté de la main-d'œuvre; 3) réaliser des économies financières; 4) combler des besoins ponctuels de main-d’œuvre (ibid).

En 1998, l’Enquête sociale et de santé du Québec soulignait l’importance du cumul de contraintes d’organisation (horaires irréguliers, horaire de nuit, faible rémunération) ou contraintes physiques de travail (travail répétitif, efforts, manipulation d’objets lourds, bruit, solvants, vibration outils, vibration machines, poussières) chez les travailleurs de tous âges (Gervais et coll., 2006). Or, les contraintes environnementales, physiques, organisationnelles et autres peuvent conduire à l’exclusion (ex. les ex-postés; Bourdouxhe, et coll. 1997), à des sorties précoces de la vie professionnelle (Derriennic, Saurel-Cubizolles et Monfort, 2003), parfois accentuer l’usure liée à l’âge (ex. charge physique et problèmes ostéoarticulaires; Derriennic, Touranchet et Volkoff, 1996) et même, révéler des problèmes de santé qui ne se seraient pas manifestés dans un autre contexte (ex. consommation de psychotropes augmentant en fonction de l’âge pour les individus placés en présence de contraintes de temps fortes; ibid). Le cumul des contraintes serait également associé à une hausse du taux d’accidents au travail et de lésions professionnelles (Gervais et coll., 2006). De même, la mobilité d’emploi est fortement associée à la survenue précoce d’une lésion professionnelle, situation plus fréquente chez les jeunes qui

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changent régulièrement d’emploi en début de vie professionnelle comparativement aux travailleurs plus âgés (Godin et coll., 2009). D’autres situations, à l’inverse, permettent aux individus de vieillir de façon relativement harmonieuse et en santé. L’Enquête Santé et Itinéraire Professionnels s’est intéressée aux liens entre les caractéristiques des trajectoires professionnelles passées et la santé et a pu montrer que les travailleurs ayant vécu peu de précarité et de mauvaises conditions de travail se déclarent plutôt en bonne santé (Coutrot et coll., 2010).

Dans le contexte de forte croissance des emplois dans le secteur minier, d’embauche massive de nouveaux travailleurs et de taux de roulement élevé pour différentes raisons, la construction de l’expérience et les conditions d’intégration des nouveaux travailleurs dans l’entreprise deviennent des enjeux fondamentaux pour la santé et la sécurité du travail aussi bien que pour l’atteinte des objectifs d’affaires des entreprises.

2.3 Objectif de l’étude

Le secteur minier est un environnement qui se caractérise par de nombreux risques à la santé et à la sécurité du travail dans une conjoncture de transition de la main-d’œuvre : arrivée de nouveaux travailleurs plus ou moins familiers avec cet environnement et transition des travailleurs expérimentés (roulement, départ à retraite, etc.). Se pose alors la question de la transmission du savoir de métier et de l’expérience mais aussi des conditions organisationnelles et de travail dans lesquelles s’effectue cette transition.

L’objectif général du projet est de documenter, dans le contexte minier, les conditions favorisant une intégration sécuritaire et compétente des nouveaux travailleurs (d’âges et de parcours professionnels variés) et notamment celles favorisant la transmission des savoirs entre travailleurs expérimentés et nouveaux travailleurs. Pour atteindre cet objectif, trois sous-questions seront abordées :

Quelles conditions favorisent la transmission des savoirs entre travailleurs expérimentés et nouveaux travailleurs ?

Quels rôles peuvent jouer les travailleurs expérimentés notamment dans la transmission des savoirs de métier et de prudence ?

Comment l’organisation du travail et de la production peuvent-elles soutenir cette intégration des nouveaux travailleurs ?

Plus spécifiquement ce projet de recherche vise à :

1- documenter les conditions d’intégration des nouveaux travailleurs dans les entreprises minières;

2- documenter les principales difficultés rencontrées par les nouveaux travailleurs, leurs superviseurs et leurs collègues plus expérimentés lors de cette intégration;

3- documenter les situations d’action caractéristiques14 propres à un type de poste de mineur et qui posent des défis en matière de transmission des savoirs;

14 En s’appuyant sur les travaux de Cloutier et coll., (2012a), la notion de situations d’action caractéristiques, utilisée

en ergonomie de conception, a été empruntée et adaptée à l’étude de la transmission des savoirs. Dans ce cadre, une situation d’action caractéristiques se définit de la façon suivante : 1- il s’agit de situations auxquelles les

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4- en dégager des pistes d’amélioration du processus d’intégration des nouveaux travailleurs, de l’organisation du travail et de la production soutenant la transmission des savoirs entre les travailleurs expérimentés et les novices.

novices n’ont pas été exposés avant leur entrée dans le métier, et/ou pour lesquelles ils n’ont pas été formés lors de formations formelles, et par conséquent de situations qu’ils ne maîtrisent pas à leur arrivée; 2- la maîtrise de cette situation est critique pour la réalisation du travail et l’intégration dans le métier; 3- cette situation revient fréquemment et peut même avoir un caractère constant dans le travail.

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3. REVUE DE LITTÉRATURE

L’atteinte de notre objectif passe nécessairement par l’exploration du concept d’intégration des nouveaux travailleurs, central pour la construction de l’expérience, tant du point de vue de la santé et de la sécurité que de la réalisation efficace du travail. Notre revue de littérature abordera d’abord l’intégration en entreprise pour ensuite traiter de la transmission du savoir de métier et de prudence dans un contexte de socialisation au travail. Finalement, un modèle d’analyse découlera de cette réflexion

3.1 L’intégration en entreprise

Dans la littérature, l’intégration des nouveaux travailleurs est le plus souvent abordée sous l’angle de la socialisation organisationnelle (en anglais « organizational socialization », « onboarding »). Ce thème de recherche est couvert depuis de nombreuses années notamment par les disciplines du management et de la psychologie. Parmi les auteurs les plus souvent cités, Van Maanen et Schein (1979) définissent la socialisation organisationnelle comme l’apprentissage des ficelles du métier ou le processus par lequel un individu acquiert les connaissances sociales et les habiletés nécessaires pour assumer un rôle organisationnel. Elle implique des interactions et de la convivialité mettant en lien de confiance et de réciprocité des individus qui souhaitent partager leurs savoirs (Lamari, 2010).

Ainsi, aborder la question de l’intégration dépasse largement le seul apprentissage des gestes techniques, pour englober l’ensemble des situations de la vie dans l’organisation. Dufour et Lacaze (2010) parlent d’un processus dynamique d’ajustement entre les besoins du nouvel employé et les attentes de l’organisation. Ils distinguent les besoins et attentes non négociables, négociables et secondaires. Au début, les attentes non négociables sont nombreuses du côté de l’organisation alors que le nouveau travailleur a peu de besoins non négociables. Cette situation évolue et s’inverse au fur à mesure que le nouveau travailleur prend du pouvoir et notamment après la période d’essai (ibid).

Par ailleurs, les entreprises confondraient souvent accueil et intégration. L’accueil consiste à faire connaître l’entreprise par le biais de la documentation, de rencontres et de la formation afin de bien fixer les attentes et les conditions d’entrée du nouvel employé (Lacaze et Perrot, 2010). Or, il appert que cette étape se résume souvent à la transmission d’une grande quantité d’informations, à lire et à mémoriser, sur une courte période de temps, laissant au nouvel employé le sentiment d’être submergé d’information. Après quoi, il se retrouvera laissé à lui-même pour faire le travail et apprendre sur le tas (Bédard, 2010).

Lacaze et Perrot (2010) définissent l’intégration comme suit : « l’apprentissage et l’intériorisation d’un rôle organisationnel, articulé autour des trois domaines de socialisation (le travail, le groupe de travail, et le contexte organisationnel) (p. 3)». L’intériorisation étant définie comme le processus par lequel un individu fait siens des règles, des principes, des critères, etc., au point que ceux-ci guident ses aptitudes, ses valeurs et ses actes (De Landsheere, 1979). Par ailleurs, Lacaze et Perrot (2010) identifient trois domaines de socialisation au travail : 1) domaine du travail (ex. : jargon, procédures, aspects techniques, vision du rôle, responsabilités); 2) domaine relationnel (ex. : fonctionnement, culture, pouvoir par rapport au groupe); 3) domaine organisationnel (ex. : métier, histoire, stratégie, produits, culture, valeurs,

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règles, structure,…). De son côté, Maurice-Desbat (2008, p.141) parle de trois règles maîtrisées par l’intégration : 1) les règles du travail (ex. résultats attendus, consignes à respecter); 2) les règles du métier; 3) les règles du collectif.

3.1.1 Un processus dynamique dans le temps

L’intégration est un processus complexe et long, qui s’étale sur plusieurs mois, voire de nombreuses années (Lacaze et Perrot 2010). Bédard (2010) note que l’intégration prend fin lorsque le nouvel employé s’épanouit dans l’entreprise, qu’il s’implique avec confiance et que sa contribution générale dépasse le cadre de son emploi.

Du point de vue du nouveau travailleur, Lacaze et Perrot (2010) distinguent trois grandes phases : 1) la préparation à l’emploi, c’est-à-dire avant l’embauche, 2) l’intégration dans l’organisation durant laquelle il y a apprentissage dans les trois domaines de socialisation (travail/rôle, personnes, entreprise) et finalement 3) le management de son rôle, c’est-à-dire que le nouvel employé est appelé à résoudre des conflits de rôle, par exemple en termes d’attentes contradictoires et d’adaptation vie privée/professionnelle.

Par ailleurs, l’intégration implique l’interaction avec plusieurs acteurs déterminants dans le processus. Selon un article publié par l’ordre des conseillers en ressources humaines agréées, l’implication du supérieur immédiat permettrait notamment de comprendre le rôle attendu, de favoriser le sentiment d’appartenance, d’effectuer le suivi sur le travail et les performances (Bédard, 2010). La littérature scientifique regorge, au demeurant, d’études sur le rôle prépondérant du supérieur immédiat dans le processus d’engagement et d’implication au travail et dans l’entreprise (Vandenberghe & Bentein, 2009; Rouleau & Balogun, 2010; Mearns & Reader, 2008; Fournier et coll., 2012; Paillé et coll., 2011). De même, les collègues et le collectif sont identifiés comme essentiels à la réussite du processus. Maurice-Desbat (2008) suggère que ce sont les coopérations internes qui permettent au nouveau travailleur d’intérioriser les règles et le fonctionnement quotidien.

Finalement, les conditions d’intégration prévues dans l’organisation sont aussi fondamentales dans le processus. Maanen et Schein (1979) proposent un modèle visant à caractériser les pratiques mises en place dans les organisations selon six dimensions. Pour chaque dimension, ils proposent un continuum où s’opposent des pratiques « institutionnalisées », c’est-à-dire des pratiques structurées dans l’entreprise, à des pratiques « individualisées », c’est-à-dire des pratiques informelles variant selon les acteurs impliqués (Jones, 1986). Selon ces auteurs, les pratiques institutionnalisées produiraient des effets favorables tels un taux de roulement moindre, une meilleure performance, l’engagement et la satisfaction. En contrepartie, les pratiques « individualisées » seraient plus génératrices de créativité et d’innovation. Les six dimensions organisationnelles sont:

1) Pratiques collectives versus individuelles : Intégration collective d’un groupe de nouveaux employés versus intégration individuelle d’un nouvel employé;

2) Pratiques formelles versus informelles : Le nouveau travailleur est plus ou moins séparé des travailleurs réguliers, il expérimente dans un contexte explicitement développé pour

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les recrues versus le nouveau travailleur est intégré aux autres membres et la socialisation se fait sans structure particulière, par essai/erreur;

3) Pratiques séquentielles versus aléatoires : La séquence des étapes à réaliser sont définies, elles sont identifiables et distinctes versus les étapes sont inconnues, ambiguës ou changent continuellement;

4) Pratiques fixes versus variables : La recrue sait exactement le temps nécessaire pour compléter une étape versus la recrue a peu d’indices sur le moment où elle franchira l’étape;

5) Pratiques sérielles versus disjointes : Le nouveau travailleur est formé par un pair expérimenté qui sert de modèle versus le nouveau travailleur ne suit pas un récent prédécesseur, n’a pas de modèle;

6) Pratiques d’investissement versus de désinvestissement : La personnalité propre de chaque nouveau travailleur est valorisée, est jugée utile à l’organisation versus l’organisation cherche à modifier certaines caractéristiques personnelles des recrues.

Ainsi, l’intégration constitue un processus social continu se déroulant sur une longue période de temps où le nouvel employé est en interaction avec plusieurs acteurs et plusieurs situations. Ce processus n’est pas arrêté dans le temps; il se construit avant et pendant l’embauche, mais aussi durant les premières années suivant l’entrée en poste d’un nouveau travailleur. Ce processus dynamique suppose que l’individu évolue dans le temps et franchit des étapes de maîtrise des domaines de son travail.

3.2 La transmission des savoirs au cœur de la socialisation organisationnelle

Dans une perspective socioconstructiviste, la transmission des savoirs implique que la personne développe son savoir en interaction avec d’autres personnes et en étant confrontée à des situations. Dans ce contexte, la transmission des savoirs ne se limite pas seulement à l’acquisition de connaissances techniques et à reproduire une tâche; elle nécessite plutôt de donner des moyens de s’intégrer à une culture ainsi que d’y participer et de la transformer (Hutchins, 1994; Lave, 1996; Lave & Wenger, 1991). Elle est donc au cœur de la socialisation organisationnelle. En effet, les milieux de travail sont un lieu privilégié de construction des rapports sociaux. La nécessité de coopérer pour réussir à accomplir ses tâches, la mise en commun des connaissances de chacun pour résoudre des problèmes quotidiens sont autant de situations où des travailleurs d’expérience et d’âges différents sont appelés à se côtoyer, à se connaître, à apprendre ensemble, à collaborer.

L’apprentissage d’un métier est un processus complexe qui dure tout au long de la vie professionnelle. Même dans le cas où des formations professionnelles existent dans les milieux de travail, qu’un dispositif formel d’accueil et d’intégration des nouveaux travailleurs est mis en place, ces moyens ne suffisent pas (Chassaing, 2006; Gaudart, Delgoulet, Chassaing, 2008; Lave, 1996). En effet, les savoirs de métier continuent à se développer par la suite en étant confrontés à des situations concrètes de travail. Les travailleurs expérimentés peuvent jouer un rôle

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fondamental dans les organisations parce qu’ils ont développé des savoirs d’expérience, des « ficelles du métier » des « règles de l’art » (Delay et Huez-Levrat, 2006) qui tiennent compte du contexte (santé et services sociaux : Cloutier et coll., 2005; Gonon, 2003; sidérurgie : Pueyo, 1998; aviation : Millanvoye et Colombel, 1996; automobile : Gaudart et Weill-Fassina, 1999; camionnage : Fournier, 2003). Ces savoirs d’expérience sont souvent invisibles, très diversifiés et tributaires d’un apprentissage « sur le tas » réalisé de façon informelle (Chatigny, 2001b). Delay et Huyez-Levrat (2006) ainsi que Johansson (2003) notent que les jeunes générations reconnaissent aux plus âgés une expertise relative à la connaissance organisationnelle du fonctionnement informel de l’entreprise ainsi qu’à la maîtrise technique lors de situations critiques comme les pannes ou les changements de produits. Autant les modes opératoires du processus de production (techniques de travail, outils, machines, organisation du travail…), les relations humaines et stratégiques (régulation des collectifs de travail, attitudes prudentielles, réseaux de pouvoir et règles informelles, valeurs et représentations…) que la culture organisationnelle et les valeurs de métier peuvent faire l’objet de transmission entre expérimentés et novices dans les milieux de travail (Ledoux, Cloutier et Lefevbre., 2007; Lefebvre, Charland et Lecompte., 2000; Ouellet et Vézina, 2009; Raoult, Delay et Marchand, 2006). La transmission des savoirs d’expérience s’intègre dans un processus dynamique de transformation des connaissances (Nonaka et Takeuchi, 1995). Les travailleurs s’approprient et transforment des connaissances en construisant ce que Clot appelle leur propre « style » (Clot, 2008). Ces connaissances deviennent des savoirs d’expérience qui sont à nouveau mis en débat entre les travailleurs notamment au sein du collectif de travail.

La reconnaissance de l’importance de ces savoirs permet notamment aux travailleurs plus âgés et expérimentés de jouer un nouveau rôle au sein des organisations (mentors, compagnons, etc.), contribuant ainsi à la fois à la rétention de cette main-d’œuvre et à leur santé en suscitant chez eux un sentiment de valorisation et d’utilité (Guiho-Bailly, 1998). Les entreprises minières privilégient d’ailleurs le coaching par des travailleurs expérimentés pour la formation de leurs employés (cf section 2.1.4.2)

Or, la volonté de transmettre des anciens ne suffit pas. Il faut également mettre en place des conditions favorables à la transmission des savoirs. Il est observé par exemple que les travailleurs rencontraient des difficultés à verbaliser les savoirs d’expérience souvent intimement liés à l’action et au contexte, et complètement intégrés depuis longtemps (Klack et Marquette, 2008; Ouellet et Vézina, 2009; Vézina et coll., 1999). De plus, des facteurs organisationnels tels que les contraintes temporelles, la charge de travail ainsi que la répartition des tâches semblent jouer un rôle déterminant, en faveur ou non de la transmission des savoirs (Cloutier et coll., 2002; David et coll., 2007; Lesemann, 2007; Le Roux, 2006; Raoult, Delay et Marchand, 2006). Dans leur recherche s’intéressant au rôle « d’expert » des travailleurs vieillissants, Cloutier et coll. (2012a) montrent bien que les travailleurs les plus anciens ont une implication centrale dans la transmission des savoirs de métier et de prudence et l’intégration des novices. Par la mise en œuvre de différentes stratégies de transmission, ils se soucient de léguer leurs savoirs et de contribuer à assurer une relève. Plus le novice adopte des comportements se conformant à la culture du métier, plus vite il est intégré au sein du collectif de travail; et c’est l’accès à ce collectif qui lui ouvrira la voie vers des occasions d’apprentissage par la transmission.

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Les déterminants influençant la transmission se retrouvent à différents niveaux organisationnels (collectif de travail, service ou département, entreprise, secteur d’activité) et sont interdépendants. Moins les niveaux supérieurs de l’organisation sont engagés à soutenir la transmission, plus la charge ou la responsabilité revient aux individus et aux gestionnaires de proximité qui sont alors les seuls à pouvoir influencer la situation.

3.3 Modèle d’analyse du processus d’intégration des nouveaux travailleurs

La perspective de la contribution expérientielle des travailleurs vieillissants à la formation des nouveaux employés implique un postulat de l’apprentissage sur le cours de vie. Selon ce postulat, « l’apprentissage ne constitue pas un phénomène exclusif à la formation; il se produit préalablement, pendant et au-delà de cette étape » (De Corte, 1992). Il s’agit d’un processus actif continu de construction de connaissances à travers les situations d’action sur le cours de vie qui, à moins de maladies particulières, débute avec la vie et se termine avec la mort (Dewey, 1963).

La notion du cours de vie attribue un rôle de premier plan à l’expérience antérieure de l’acteur et à son interaction avec sa situation d’action dans ce processus. Toute action est manifestation de connaissances construites à travers les expériences de vie précédente et en interaction avec la situation rencontrée, dans laquelle l’acteur transforme son expérience (Dewey, 1963; Lave et Wenger, 1991; Lave 1996). À travers ces actions, l’individu met en œuvre des savoir-faire qui sont la résultante de la mobilisation d’un ensemble de connaissances construites qui sont continuellement validées et enrichies par la pratique. La notion de «savoir-faire» fait référence à la capacité de l’individu à mobiliser dans son activité un ensemble de savoirs pertinents pour atteindre un objectif (Ouellet et Vézina, 2008). Ces savoir-faire ne sont pas tant déterminés par la quantité de connaissances possédées par l’individu, mais plutôt par sa capacité à organiser ces connaissances pour mobiliser celles qui sont pertinentes dans la situation rencontrée et selon le but poursuivi. Les savoirs transmis dans l’action par les travailleurs expérimentés viennent enrichir l’expérience déjà construite par les nouveaux travailleurs pour faciliter le développement des savoir-faire nécessaires à la réalisation du travail attendu. Ainsi, le postulat de l’apprentissage sur le cours de vie suppose que les connaissances transmises par les travailleurs vieillissants à des nouveaux employés ne sont pas nécessairement appliquées de façon intégrale. Le nouveau travailleur va construire ses actions à travers ses expériences de vie précédente en fonction des situations rencontrées et transformera son expérience dans cette action (Fournier, 2003). La transmission ou le transfert des connaissances n’est donc pas considéré dans ce projet comme un déplacement des connaissances d’experts à apprentis tel que peuvent l’inférer certaines approches (Riffaud, 2007) mais bien plutôt comme un processus d’appropriation par les apprentis des connaissances communiquées par des travailleurs expérimentés.

La figure 1 illustre le processus du cours de vie où l’individu construit son expérience à travers son interaction avec les situations d’action rencontrées (ces situations incluent des personnes individuelles et collectives). Dans ces situations d’action, l’individu manifeste son expérience et transforme son expérience de vie.

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Figure 1 : Construction d’expérience sur le cours de vie (tiré de Fournier, 2003)

Par ailleurs, Cloutier et coll. (2012a) identifient clairement des conditions qui influencent les situations d’action des acteurs et, par le fait même, transforment le processus de transmission. Tel que mentionné précédemment, ces déterminants se situent à différents niveaux organisationnels et sont interdépendants les uns des autres. Ainsi, les conditions organisationnelles créent des situations favorables ou défavorables à la transmission et à l’intégration des nouveaux travailleurs.

Toujours selon Cloutier et coll. (2012a), ces conditions concernent

1) le nouveau travailleur lui-même, avec son expérience de vie, ses besoins et ses attentes;

2) d’autres individus avec lesquels le nouveau travailleur interagit (ex. : un mentor ou un travailleur expérimenté) et qui ont leurs propres situations d’action à gérer et leur propre expérience de vie;

3) le collectif de travail, la dynamique d’équipe dans lequel se vivent ces interactions;

4) l’organisation du travail spécifique à un service, un département ou une unité auquel est rattachée l’équipe;

5) l’organisation de l’entreprise, dans laquelle ces départements sont intégrés, avec ses politiques, ses pratiques et son contexte financiers, ressources humaines, commerciaux, etc.; et finalement,

6) le contexte propre au secteur de l’entreprise, par exemple, le contexte social, la rareté de main-d’œuvre, les politiques gouvernementales (formation, environnement, etc.), les initiatives sectorielles, etc.

Le modèle suivant (figure 2) constitue notre cadre d’analyse du processus d’intégration des nouveaux travailleurs. Au centre se situe le nouveau travailleur avec ses expériences de vie et ses situations d’action en interaction avec d’autres personnes qui possèdent leur propre cours de vie. Ces interactions s’inscrivent dans un contexte organisationnel donné. Ce processus d’intégration

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s’inscrit dans une évolution dans le temps qui débute avant l’emploi et se poursuit dans la trajectoire de vie. En fonction des situations d’action rencontrées, le nouveau travailleur s’intègre graduellement et développe progressivement son expérience. De même, le contexte organisationnel se transforme et s’adapte au fur et à mesure qu’il franchit les étapes dans l’entreprise et dans sa carrière.

Figure 2 : Modèle d’analyse du processus d’intégration des nouveaux travailleurs (tiré de Cloutier et coll., 2012a)

Ce modèle, appliqué à la situation actuelle du secteur minier, laisse voir plusieurs défis possibles pour les entreprises en matière d’intégration. Dans un scénario peu favorable où le renouvellement de la main-d’œuvre et le roulement sont très importants, des recrues peu expérimentées pourraient être intégrées dans un collectif de travail renouvelé et être formés par des compagnons et des gestionnaires eux-mêmes peu expérimentés. De plus, dans les mines souterraines, le collectif est possiblement moins présent par la nature du travail souvent isolée et individuelle; il pourrait moins facilement appuyer le nouveau travailleur dans l’apprentissage du métier. Le choix du type de pratique d’intégration et l’engagement de l’organisation, outre le respect de la législation, seraient alors des plus importants. L’intégration présente un défi d’autant plus difficile pour les sites miniers vu le contexte global fluctuant selon des facteurs échappant à leur contrôle (ex. demande mondiale/prix de métaux, survenue non anticipée de problèmes d’exploitation).

Sur la base de ce modèle d’analyse et de la méthodologie présentée au prochain chapitre, les études de cas feront le point sur des situations d’intégration réellement vécues dans deux entreprises et sur les moyens mis en œuvre pour faire face à ces défis.

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4. MÉTHODOLOGIE

4.1 L’approche générale

Cette recherche s’appuie sur une méthodologie d’études de cas enchâssées (Yin, 1994). Elle comporte deux étapes qui ont été réalisées dans les mines à l’étude : 1) la description des conditions d’intégration des nouveaux travailleurs et des difficultés rencontrées; 2) l’étude du travail et de situations de transmission des savoirs à un poste ciblé par l’entreprise. Les sujets documentés à chaque étape sont les suivants :

Étape 1 : Description des conditions d’intégration et des difficultés rencontrées

Description des caractéristiques des entreprises

Description du processus d’intégration des nouveaux travailleurs

Données sur les lésions professionnelles

Étape 2 : Étude du travail et de situations de transmission des savoirs à un poste ciblé par l’entreprise

Description du parcours professionnel et de la formation des mineurs

Observation de l’activité de travail des mineurs

Analyse de l’activité de transmission des savoirs

Les unités d’analyse considérées sont le type de site minier, l’organisation de la production, l’organisation du travail, le processus d’intégration des nouveaux mineurs et le rôle des mineurs expérimentés, les lésions professionnelles, le parcours professionnel des mineurs (âge, ancienneté, parcours, formation), l’activité de travail des mineurs et l’activité de transmission des savoirs. Soulignons que les données sur les absences des mineurs ont été exclues en cours de projet, car elles se sont avérées non accessibles.

La démarche d’analyse ergonomique du travail (Guérin et coll., 2006; St-Vincent et coll., 2011), reposant sur une approche systémique, a été retenue pour étudier l’activité de travail et l’activité de transmission dans leur globalité. Cette approche permet notamment de documenter différents déterminants (que sont l’entreprise avec sa structure, ses règles de fonctionnement, ses programmes et les conditions de réalisation du travail) qui peuvent avoir une influence sur l’activité de travail, tant du point de vue de la santé des personnes que de l’efficacité de l’entreprise. La présentation et l’analyse des résultats reposent sur l’illustration de cas d’espèce significatifs observés. Ce choix découle des défis que présente l’observation du travail de mineur (voir section 4.3.3.1) couplés à la variabilité et la complexité des situations de travail.

Diverses méthodes de collecte de données, décrites plus en détail à la section 4.3, ont permis de documenter les situations de travail et les situations de transmission et d’intégration des nouveaux travailleurs :

analyse documentaire;

entrevues avec les acteurs du milieu, dont des mineurs;

observations de l’activité de travail ou de situations de transmission des savoirs;

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rencontres d’auto-confrontation individuelles portant sur des situations de travail ou de transmission préalablement observées;

validation des résultats en groupe et discussion sur les améliorations possibles au processus d’intégration.

La multiplication des sources de données conduit à une compréhension des processus en jeu. Il s’agit donc d’une méthodologie dite à paliers successifs, permettant de dégager des conclusions par convergence de résultats et accumulation de preuves.

La figure 3 résume les étapes de la méthodologie suivies dans les deux mines concernées dans ce rapport; celles-ci seront simplement nommées mine-A et mine-B.

Figure 3 : Principales étapes de la méthodologie

4.2 Le cadre du projet

4.2.1 Les liens avec les acteurs du milieu

Cette recherche provient d’une demande formulée par l’APSM. Pour pouvoir étendre sa portée, dès l’étape du protocole de recherche, un comité de suivi a été formé afin de soutenir l’équipe de recherche par l’apport d’informations utiles à la réalisation du projet. Ce comité est paritaire et se compose de représentants des organismes suivants :

Association minière du Québec (AMQ)

Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur minier (APSM)

Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’industrie des mines (CSMO Mines)

Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST)

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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Fédération de l’industrie manufacturière (FIM-CSN)

Conseil des ressources humaines de l’industrie minière (RHIM)

Syndicat des Métallos

À compter du lancement du projet et jusqu’à la fin des études dans les deux mines visées par ce rapport, ce comité de suivi s’est réuni quatre fois (août 2010, avril 2011, avril 2012, avril 2013). Ses réunions ont notamment permis de discuter de l’avancement du projet, de présenter les résultats préliminaires et de les confronter à la réalité vécue par les membres. Il a également pour rôle d’aider à la diffusion des résultats dans les milieux de travail.

4.2.2 Le recrutement des mines participantes

Deux portes d’entrée ont permis aux chercheurs de recruter les mines à l’étude. D’une part, l’APSM a joué un rôle clé pour identifier des entreprises minières susceptibles d’être intéressées à participer. D’autre part, à la suite d’une présentation du projet au comité des ressources humaines de l’AMQ, les chercheurs ont pris contact avec les entreprises ayant manifesté leur intérêt. Outre l’ouverture de l’entreprise à accueillir l’équipe de recherche et à autoriser les disponibilités nécessaires à la collecte de données (particulièrement exigeantes dans le cas d’études terrain de cette nature), le type de mines — souterrain ou ciel ouvert — a été retenu comme critère de sélection.

Les deux mines retenues exploitent des minerais métalliques en sol québécois, la mine-A par un accès à ciel ouvert et la mine-B par voie souterraine (tableau 1). Certaines précisions dans leur description sont volontairement omises afin d’éviter de les identifier et d’assurer ainsi la confidentialité conformément aux règles éthiques de la recherche.

Dans la mine à ciel ouvert, les roches minéralisées libérées suite au forage et au dynamitage sont chargées par des chargeuses dans des camions à benne qui les remontent à la surface, par des chemins tracés dans la mine, et les acheminent au concasseur d’où elles seront transportées vers l’usine de traitement.

Dans la mine souterraine, l’exploitation est dite mécanisée puisqu’elle s’effectue principalement avec des équipements lourds et que l’utilisation de foreuses manuelles y est rare. Dans cette mine, le minerai dégagé par le sautage est transporté par des chargeuses navette et versé dans une cheminée à minerai où il tombe vers le concasseur. Le minerai réduit en taille est ensuite acheminé à la trémie de chargement puis déversé dans le skip et remonté à la surface grâce à un treuil. Il est subséquemment traité à l’usine. Ce type d’exploitation nécessite notamment des aménagements permettant l’aération des lieux et l’alimentation en eau et en électricité indispensables au fonctionnement des nombreux équipements.

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Tableau 1 : Principales caractéristiques des deux mines à l’étude

Mine-A Mine-B

Méthode d’exploitation À ciel ouvert Souterraine

Matière extraite Métallique Métallique

Méthode d’extraction Chargeuse et camion Mécanisée

Nombre total d’employés 200-500 500-1000

4.2.2.1 L’engagement et l’éthique

Les chercheurs se sont engagés à respecter la confidentialité conformément au protocole d’éthique délivré par l’Université Laval (2010-205 R-1 / 10-11-2011). Avant tout entretien ou toute observation, chaque participant était rencontré. Un formulaire de consentement, abordant les aspects suivants, était remis et expliqué à chaque volontaire avant qu’il ne donne son accord par écrit : objectifs de l’étude, résultats attendus, étapes de la recherche, implication, risques encourus, avantages pour le participant, participation volontaire, droit de retrait et confidentialité. Dans chaque mine, un document d’engagement mutuel a d’abord été signé en début de projet par un représentant de la mine, un représentant des employés et un chercheur.

4.2.3 Les postes à l’étude

Les chercheurs ont demandé aux responsables de chaque mine d’identifier un ou deux postes qu’ils jugeaient stratégiques en termes d’intégration par exemple en raison de considérations de santé et sécurité au travail (SST) ou de production.

À la mine-A, le poste d’opérateur d’équipement minier, et plus spécifiquement le conducteur de camion à benne, a été retenu puisqu’il constitue le poste d’entrée dans la production. Deux autres fonctions d’opérateurs d’équipement minier ont également pu être observées de façon complémentaire, lors de situation de transmission, soit celle d’opérateur de chargeuse-pelleteuse et opérateur de chargeuse.

À la mine-B, deux postes ont été choisis. Tout d’abord, le poste de préposé au camion de service, c’est-à-dire le poste voué à l’alimentation en pièces et en matériel des divers entrepôts répartis dans la mine. Ce poste constitue le poste d’entrée et confronte le nouveau travailleur à l’apprentissage du monde minier.

Le travail de préposé au camion de service consiste principalement à aller chercher, dans un entrepôt principal, le matériel nécessaire au développement pour le porter dans des entrepôts aux différents étages afin que les boulonneurs et autres métiers puissent s’y approvisionner. Le principal équipement utilisé est un camion à flèche; cependant, selon le secteur de la mine dans lequel il travaille, le préposé peut aussi être amené à conduire un tracteur pour le transport du plus petit matériel. Il effectue aussi bon nombre de tâches connexes : par exemple, s’occuper du plan à ciment, monter des étagères à matériel, manutentionner des pneus de chargeuse-navette, faire du ménage et des inventaires des entrepôts, entreposer des palettes d’huile et de produits combustibles, etc. Pour accomplir ses tâches, le préposé doit se déplacer à travers la mine ce qui l’amène à passer un fort pourcentage de son temps dans la circulation sur la rampe. Le

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superviseur prescrit les tâches au début du quart de travail, mais des appels de service du superviseur ou de mineurs de l’équipe de développement sont fréquents en cours de journée ce qui amène les préposés à devoir revoir les priorités et leur planification.

Deuxièmement, le poste de boulonneur consiste à sécuriser les parois des galeries par l’installation de grillages et de boulons. Ce poste, dont le travail est jugé critique pour les opérations et la SST, est réservé à des mineurs ayant de l’ancienneté.

Le boulonneur intervient suite au ramassage des roches dégagées par le sautage, en préparant les surfaces et en posant de façon appropriée le support de terrain, notamment des grillages et des boulons à partir de plans et devis d’ingénierie. Ce poste, considéré comme un des plus importants de la mine, est assez complexe : le boulonneur doit apprendre à opérer des boulonneuses, c’est-à-dire de grosses machines très sophistiquées, il doit faire face à différents types de terrain et ne doit pas s’exposer à des roches instables.

4.3 Le recueil de données

La collecte de données a été effectuée lors de deux séjours pour la mine-A et lors de cinq séjours pour la mine-B, répartis sur une période d’un peu plus d’un an. Pour chaque mine, cela a représenté respectivement huit et douze jours de présence sur le terrain, dont quatre et cinq jours d’observation (tableau 2). La collecte s’est déroulée en fonction des disponibilités des personnes accompagnant les membres de l’équipe sur le terrain. Pour la mine-B, la collecte a essentiellement été réalisée de jour puisque les chercheurs relevaient du personnel travaillant à la surface, dont l’horaire est de jour. Pour la mine-A des entretiens et des observations ont pu être effectués de jour et de soir.

Tableau 2 : Période de l’étude et présence pour la collecte de données

Mine-A Mine-B1

Période de l’étude Automne 2011-printemps 2012 Automne 2010 – début 2012

Nombre de séjours; Nombre total de jours passés en entreprise

2 séjours

8 jours

4 séjours

12 jours

Nombre jours d’observation sur le terrain

4 jours de calendrier ou 9 jours-personne2

5 jours (calendrier et total)2

1. Ceci exclut la journée de présentation du projet à la direction de l’entreprise durant laquelle les chercheurs ont aussi pu visiter la mine.

2. À la mine-A, pendant les quatre jours sur le terrain, une équipe de trois chercheurs a fait des observations simultanées de façon individuelle sur des situations de travail différentes. Ainsi, le temps total d’observation pour ce terrain est de 9 jours-personne. À la mine-B, les deux chercheurs observaient la même situation de travail; ainsi les jours de présence sur le terrain équivalent le nombre de jours d’observation.

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4.3.1 Les documents de l’entreprise

Dans les deux mines, les chercheurs ont eu accès à des documents portant notamment sur : l’entreprise et son organisation, l’accueil et l’intégration des nouveaux travailleurs, le portrait de la main-d’œuvre, la SST, la formation théorique/technique, la formation à la tâche et le travail aux postes concernés. Plusieurs documents étaient sous forme électronique, dont quelques bases de données.

Dans les deux mines, les bases de données de lésions/incidents ont fait l’objet d’un recodage et d’une analyse afin d’extraire un portrait de la situation pour les postes à l’étude.

4.3.1.1 L’analyse des données de main-d’œuvre

Une analyse statistique de base a été faite sur les données d’un fichier de la mine-B afin d’extraire l’âge et l’ancienneté des employés du secteur mine.

4.3.1.2 L’analyse des documents relatifs aux conditions de travail

Une analyse des documents encadrant les relations et les conditions de travail a été effectuée dans les deux mines pour rechercher les éléments pertinents à l’intégration des nouveaux employés.

Le repérage systématique de toutes les dispositions pertinentes dans chaque type de document a été fait, pour ensuite effectuer un regroupement et une synthèse en fonction des thèmes suivants :

santé et sécurité du travail; formation; rémunération incluant :

– les primes au rendement; – les heures supplémentaires;

présence des agences de location de personnel.

4.3.2 Les entretiens

Dans chaque mine, des entretiens individuels semi-dirigés, d’une durée d’environ une heure, ont été conduits avec plus d’une dizaine de cadres ou de personnes impliquées en formation, santé et sécurité du travail (SST), ressources humaines (RH), opérations mines (tableau 3). Des entretiens ont été réalisés avec plus d’une dizaine de mineurs, auxquels s’ajoute un entretien avec les représentants des travailleurs. Quelques-unes de ces personnes ont été rencontrées plus d’une fois, notamment pour des rencontres d’auto-confrontation dans le cas de la mine-B. Au total, plus de 25 entretiens ont été réalisés dans chaque mine. À la mine-A, les entretiens avec les opérateurs ont été réalisés au poste de travail (voir détails en 4.3.3.2). Le directeur, les cadres et les formateurs ont été rencontrés individuellement dans les locaux administratifs et les contremaîtres au poste de contrôle des opérations. À la mine-B, tous les entretiens étaient conduits dans une salle où seuls la personne rencontrée et les chercheurs étaient présents.

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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Tableau 3 : Personnes rencontrées en entretien

Mine-A

(n=30)

Mine-B

(n=27)

Cadres, conseillers, formateurs, superviseurs : SST, RH, opération mines, (agence location de personnel)

13 15

Représentants des travailleurs 2 1

Mineurs (et compagnons) 15 11

À la mine-A, pour le poste d’opérateur de chargement sur le camion, huit travailleurs récemment embauchés et cinq travailleurs expérimentés ont participé aux entretiens. Deux compagnons chargés de la formation pratique des nouveaux sur la chargeuse et la chargeuse-pelleteuse comptent également au nombre des personnes interrogées. À la mine-B, un préposé au camion de service en formation, deux préposés comptant un an ou moins d’expérience ainsi que deux compagnons, en poste depuis un et trois ans, ont été rencontrés en entretien. Finalement, deux boulonneurs en formation, un boulonneur comptant moins d’un an d’expérience et trois compagnons cumulant plus de quatre ans d’expérience au poste ont été rencontrés.

Un canevas d’entretien général a été élaboré pour couvrir les aspects suivants :

cheminement professionnel : formation, expérience professionnelle dont l’expérience au poste et dans la mine;

rôle, responsabilités, journée typique de travail;

organisation, déroulement de l’intégration et des formations;

défis, difficultés rencontrées lors de l’intégration et des formations;

satisfaction par rapport au processus actuel d’intégration;

suggestions d’amélioration.

Ce canevas était enrichi selon les personnes rencontrées afin de documenter des aspects plus spécifiques à leurs responsabilités. Par exemple :

– ressources humaines : organisation du travail, évolution des besoins en main-d’œuvre, recrutement, pré-requis et cheminement professionnel des mineurs;

– SST : défis/enjeux en matière de SST, lésions/incidents, actions en matière de prévention, préoccupation quant à l’intégration de nouveaux travailleurs;

– opérations mine : besoins de personnel, objectifs de production, aménagement du temps et du travail nécessaire à l’intégration d’un nouveau travailleur, relations entre nouveaux et plus anciens, enjeux en SST aux postes à l’étude.

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Les entretiens étaient enregistrés avec l’accord des personnes rencontrées et ont fait l’objet d’une réécoute systématique avec retranscription de type verbatim ou quasi-verbatim (simplification du texte en gardant l’idée).

4.3.3 Les observations

4.3.3.1 Les défis de la collecte de données

L’observation du travail dans les mines exige d’abord une bonne planification pour l’organisation du séjour, plus particulièrement lorsque la mine se situe en région éloignée et que le transport et le logement sont limités. Le déroulement du séjour sur le site peut être sujet à modification; l’adaptation et la flexibilité sont donc essentielles.

Pour suivre les équipes de mineurs à observer, les chercheurs doivent se vêtir adéquatement et porter les équipements de sécurité nécessaires. Cela requiert une planification, particulièrement pour les mines souterraines où les équipements sont plus spécialisés.

Pour la descente dans la mine souterraine, les chercheurs devaient être accompagnés d’une personne d’expérience ayant accès à un petit véhicule tel un tracteur. Plusieurs défis se présentaient alors à l’observation et à la compréhension du travail : la noirceur, le bruit, les poussières, les risques à la sécurité exigeant de se maintenir à une distance appropriée des activités et des véhicules, les déplacements à pied sur des surfaces boueuses et inégales, les déplacements en véhicule nécessitant de se cramponner, que l’on soit debout ou assis. Dans ces conditions, il devient en effet difficile de poser des questions, entendre des conversations, prendre des notes, voir, etc.

Dans le cas de la mine à ciel ouvert, les superviseurs emmenaient les chercheurs en camionnette du bâtiment administratif jusqu’au camion de l’opérateur participant à l’entrevue. L’obligation de se déplacer en véhicule sur la mine obligeait les chercheurs à s’adapter à l’emploi du temps des superviseurs. Le mélange des bruits — mécanique des camions, chutes de roches dans la benne lors du chargement, radio FM et radio de communication — rendait parfois difficile la communication entre les chercheurs et les opérateurs. De plus, l’état de la chaussée et les mouvements du camion pendant le chargement ne favorisaient pas la prise de notes.

Pour accéder de plus près au travail et également aux échanges entre le compagnon et le nouveau, des équipements tels que des micros, des mini-caméras, des caméras, ont été utilisés.

Dans la mine-B, une mini-caméra était fixée sur le casque du mineur au-dessus de la lampe et un micro était fixé près du col de son couvre-tout; le tout était relié à un petit module d’enregistrement fixé à sa ceinture. Ce système était porté par le compagnon ce qui permettait de voir le nouveau effectuant le travail et d’entendre les conversations entre eux. Par ailleurs, afin de ne pas perdre d’information, le nouveau portait un micro relié à un enregistreur vocal placé dans sa poche de couvre-tout et les chercheurs filmaient, caméra à la main, certaines séquences du travail. Toutes les caméras utilisées étaient sensibles aux infrarouges.

Dans le cas de la mine-A, toutes les entrevues ont été effectuées avec un enregistreur vocal. Lors des observations, les chercheurs ont photographié ou filmé des séquences de l’activité. Le

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système de module d’enregistrement avec caméra a également été utilisé; la nature plus statique du poste de conduite permettait de l’installer sur la structure de la cabine du camion.

4.3.3.2 La planification des observations et les conditions observées

Pour la mine-B, les journées de terrain étaient planifiées d’avance. Néanmoins, des contraintes et imprévus ont parfois affecté cette planification. Par exemple, en raison de problèmes électriques dans la mine ou en l’absence de nouveaux travailleurs à former durant cette période, des observations de situations de travail et de situations de transmission n’ont pu être réalisées comme prévu. Malgré ces contraintes, la richesse des situations observées et la qualité des données recueillies ont permis de comprendre l’activité, de faire ressortir certains déterminants du travail et de l’intégration au poste et de cerner les questions à débattre lors des rencontres d’auto-confrontation.

De façon concrète, près de 24 heures d’observation ont été réalisées avec enregistrement vidéo dans la mine B (tableau 4) : une journée de compagnonnage sur la boulonneuse, une journée de compagnonnage au camion de service et une journée de mise-à-jour pour un futur compagnon au camion de service. Seize autres heures d’observation ont été réalisées simplement avec prise de notes sur papier, sans caméra vidéo. Lors de ces observations, les chercheurs ont pu visiter la mine, observer différents opérateurs au travail, notamment sur les deux postes à l’étude. Dans leurs déplacements sous terre, et selon la situation, les chercheurs étaient accompagnés d’un conseiller SST ou d’un compagnon qui répondait à leurs questions permettant ainsi d’enrichir leur compréhension sur les enjeux du travail et d’intégration.

Les échanges enregistrés lors des situations de compagnonnage sur le camion de service et sur la boulonneuse ont été intégralement retranscrits. Ces échanges ont permis d’accéder aux questions posées par le nouveau, au contenu informatif communiqué par le compagnon et aussi aux trucs, repères, stratégies transmises du même coup par celui-ci. La vidéo était suffisamment claire pour faire le lien entre la conversation entre le compagnon et le nouveau et l’action en cours.

Dans la mine-B, le départ de deux mineurs vers d’autres mines a limité les rencontres d’auto-confrontation pour le poste de préposé au camion de service. Trois auto-confrontations ont été réalisées, deux avec des boulonneurs (dont deux compagnons) et une avec un compagnon du poste de camion de service. Des extraits vidéo, présentant différentes étapes du travail, ont été sélectionnés pour discuter des enjeux du travail et de l’entraînement au poste ou pour préciser des situations ou valider notre compréhension. Le temps consacré à ces auto-confrontations était d’environ 30 minutes.

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30 Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

Tableau 4 : Conditions d’observation pour les deux postes ciblés à la mine-B

Poste observé Conditions observées Durée d’observation

Support technique

Compagnon + nouveau

(À la fin de la période de compagnonnage)

8 heures Audio/vidéo Préposé au camion de service

Compagnon + préposé au camion de service

(Mise-à-jour en vue de devenir compagnon)

8 heures Audio/vidéo

Boulonneur Compagnon + nouveau

(À la fin de la période de compagnonnage. Le nouveau a déjà une expérience sur une autre boulonneuse dans un autre secteur de la mine)

8 heures Audio/vidéo

Boulonneur, préposé au camion de service, autres postes.

Compagnon + nouveau 16 heures aucun

Pour la mine-A, la présence des chercheurs était également planifiée. La planification des observations s’effectuait toutefois sur le tas, en fonction des activités de production organisées pour la journée.

Le tableau 5 présente les conditions d’observation à la mine-A. Huit nouveaux opérateurs et cinq opérateurs expérimentés travaillant au camion ont fait l’objet d’une quarantaine d’heures d’observation en situation réelle de travail. Les observations ont été réalisées à bord des camions par trois chercheurs de l’équipe. Chaque chercheur accompagnait un opérateur durant son travail en prenant place dans le siège du passager. Les entretiens portant sur l’intégration et aussi sur l’activité de travail en cours ont été conduits pendant cette période d’observation en profitant notamment des temps d’attente, avant les chargements, pour poser des questions. Le tout a été réalisé de façon à respecter l’engagement d’éthique visant à perturber le moins possible le travail des opérateurs. Les entrevues ont été menées avec un enregistreur vocal. Des photos et des vidéos ont été prises afin de saisir certains éléments importants.

Les observations des situations de transmission sur la chargeuse-pelleteuse et la chargeuse, totalisant près de 16 heures, se sont déroulées en deux journées. Pour ces postes, le chercheur n’accompagnait pas le travailleur. Le chercheur était à proximité, simplement debout à l’extérieur ou dans une camionnette, et était accompagné d’un travailleur expérimenté jouant le rôle de compagnon. Ainsi, deux compagnons ont été rencontrés en entretien. Comme pour les camionneurs, des enregistrements audio, vidéo et photographiques ont été effectués.

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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Tableau 5 : Conditions d’observation à la mine-A

Poste observé Conditions d’observation Durée d’observation

Support technique

Travailleur nouvellement en poste (n=8)

(1 semaine à 6 mois d’expérience)

26 heures Audio/vidéo Opérateur d’équipement minier : Camion

Travailleur expérimenté (n=5) 13 heures Audio/vidéo

Opérateur d’équipement minier : Chargeuse-pelleteuse et chargeuse

Compagnon + nouveau (compagnon+nouveau : n=2)

16 heures Audio/vidéo

4.3.4 Le retour collectif, la validation et l’enrichissement du portrait

Les données d’entretien ont été regroupées selon les thèmes structurants et enrichies par les observations et les documents de l’entreprise.

Le portrait du dispositif d’intégration, des difficultés rencontrées de même que quelques pistes d’amélioration ont été présentées à deux groupes de travailleurs dans la mine-B et à un comité formé de cadres, de formateurs et du représentant à la prévention. Cet exercice avait pour but de valider le portrait et de recueillir les commentaires et suggestions sur des améliorations possibles au processus en place.

Dans la mine-A, les résultats de l’analyse des situations de travail et de transmission ont été validés par les opérateurs d’équipements miniers ayant participé à l’étude. Pour ce faire, un membre de l’équipe de recherche, embarqué dans le véhicule avec un opérateur, lui présentait les résultats, le plus souvent pendant les moments d’attente. Le lendemain, l’ensemble des résultats a été présenté à un comité formé de cadres, d’un formateur et du représentant à la prévention. Différentes pistes d’aménagement ont également fait l’objet de discussion.

4.4 L’approche par convergence des données : la triangulation

La méthode de l’étude de cas est recommandée pour comprendre « comment » se produit un phénomène sur lequel le chercheur ne peut avoir de contrôle et lorsque l’influence du contexte est importante (Yin, 1994). Une des forces majeures des études de cas, selon Yin (1994), est la possibilité de recueillir différents types de données pour enrichir la compréhension de l’objet à l’étude. L’avantage principal est de faire converger de multiples sources de données, se complétant, se corroborant ou s’infirmant les unes les autres, afin de faire une démonstration plus précise et plus convaincante, et donc de plus grande qualité scientifique. C’est la convergence de données sur un même objet, appelée « triangulation ». Elle contribue à consolider la validité du

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processus d’enquête. Selon Patton (1987), le processus de triangulation porte également sur d’autres composantes de la recherche concernant à la fois les membres de l’équipe de recherche (triangulation des chercheurs), les méthodes (triangulation méthodologique) et les perspectives théoriques sur les données.

Dans cette étude, tous les niveaux de triangulation sont présents soit la triangulation :

des données : les différentes sources de données ont été traitées et ont ensuite été mises en perspective globale pour renforcer la validité des résultats obtenus;

des chercheurs : cette étude s’appuie sur des chercheurs, ergonomes et juristes qui ont développé des champs d’expertise différents tels que la gestion de la SST, la formation en milieu de travail, la transmission des savoirs d’expérience, le droit du travail;

des méthodes : plusieurs méthodes ont été utilisées telles que des analyses documentaires, des analyses de contenu, des analyses du travail, des statistiques descriptives;

Plusieurs approches théoriques sont également mises à contribution pour mieux comprendre les multiples dimensions du processus d’intégration des nouveaux mineurs (ergonomie centrée sur l’activité, socialisation organisationnelle, habilitation, gestion des connaissances dans une perspective d’aide à l’apprentissage).

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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5. LES SITES MINIERS ET LEUR MAIN-D’ŒUVRE

5.1 Les caractéristiques des sites miniers

La mine-A appartient à un grand groupe industriel possédant des installations, ou divisions, partout dans le monde. La division à l’étude exploite, à ciel ouvert, une mine de minerai métallique/industriel qui fonctionne par extraction conventionnelle à partir de foreuse rotative.

La mine-B est une division d’une société exploitant du minerai métallique et possédant aussi des installations sur différents continents. La mine étudiée est une mine souterraine; il est estimé qu’elle sera exploitée pendant encore une dizaine d’années.

Les deux sites se distinguent par leur structure organisationnelle. Alors qu’à la mine-B les services des ressources humaines, de la formation et de la santé et sécurité du travail se trouvent sous la direction du directeur de la mine, ces mêmes services, pour la mine-A, relèvent d'autres directions, localisées au centre administratif d’une autre région.

Dans les deux cas, la structure du département « mine » présente différents niveaux hiérarchiques. Le département est dirigé par un surintendant appuyé par des superviseurs généraux (appelés aussi capitaines ou coordonnateurs). Ces derniers supervisent le travail de plusieurs superviseurs eux-mêmes responsables des équipes de travail. Ces « équipes » sont constituées de travailleurs ayant un même horaire rotatif de travail, mais occupant différents postes. Pour la mine-B, les équipes comptent aussi des employés d’agence de location de personnel.

5.2 Les caractéristiques de la main-d’œuvre

Pour la mine A, un renouvellement important de la main-d’œuvre avait déjà commencé quelques années avant le début de cette étude en 2010. Cette mine était alors en période d’embauche massive de nouveaux travailleurs. À cette même époque, la mine B a également connu des mouvements de personnel mais le nombre total d’employés était considéré comme relativement stable. Dans les deux sites, bon nombre de travailleurs et de superviseurs, cumulent peu d’années d’expérience à leur poste.

5.2.1 Mine-A

La mine-A a amorcé un processus de renouvellement de sa main-d’œuvre vers 2005. En cinq ans, elle avait renouvelé près de 70 % de sa main-d’œuvre en remplacement surtout des nombreux départs à la retraite; par exemple, en 2009 seulement, 28 personnes prenaient leur retraite. Cette période de transition fut jugée difficile par plusieurs des personnes rencontrées considérant qu’il y avait eu alors une perte de savoir-faire. Vers 2010, un important projet d’expansion a vu le jour afin d’optimiser la production et de prolonger la période d’exploitation de la mine. Ce projet a généré une nouvelle vague d’embauches pour répondre à la création de plusieurs dizaines de nouveaux postes (dont des postes d’opérateur d’équipements miniers et de superviseur de mine). Ces besoins ont pratiquement tous été pourvus à ce moment-là par une main-d'œuvre de la région. Les travailleurs nouvellement embauchés représentaient environ 30 % de la main-d’œuvre. L’arrivée massive de travailleurs peu expérimentés sur une courte

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période de temps — telle l’arrivée de près de 50 personnes en un seul mois — donne lieu en corollaire à des transformations importantes sur le plan du savoir-faire de métier aussi bien que de l’organisation des équipes et du collectif. Et cette réorganisation engendre à son tour un mouvement de personnel à l’interne, certains travailleurs profitant de l’occasion pour solliciter un changement de poste de travail, accroissant d’autant les besoins en matière d’intégration et de formation interne.

5.2.1.1 Profil, à l’embauche, des mineurs participant à l’étude

Huit nouveaux opérateurs d’équipements miniers affectés à la conduite du camion ont participé à l’étude. À leur embauche, la majorité avait une formation professionnelle en lien avec la conduite d’engins de chantier. Leur expérience professionnelle est diversifiée.

Formation : Cinq possédaient un DEP en conduite de machinerie lourde en voirie forestière; deux ont leur permis pour conduire des véhicules routiers lourds (classe 1) et un, ancien retraité, a déjà eu une formation sur l’opération d’équipement minier.

Expérience professionnelle : Ces nouveaux travailleurs dans la mine n’en sont pas à leur première expérience de travail; seuls deux d’entre eux ont autour de 20 ans, plusieurs sont dans la trentaine et quelques-uns au-delà. Les expériences antérieures sont diversifiées, par exemple : mécanicien, soudeur, chauffeur. Ces expériences étaient hors secteur.

Cinq opérateurs d’équipements miniers expérimentés affectés à la conduite du camion ont été rencontrés. À leur embauche, ils avaient un profil similaire à celui que nous venons de décrire pour les recrues.

Formation : Trois d’entre eux possédaient un DEP dans des programmes impliquant la conduite de véhicules (engins de chantier, transport par camion ou machinerie lourde en voirie forestière).

Expérience professionnelle : Ces travailleurs avaient une expérience professionnelle mais dans des secteurs autres que les mines (note : données manquantes pour deux personnes).

Par ailleurs, nous ne disposons pas des données sur le profil des deux compagnons chargés de la formation pratique des nouveaux sur la chargeuse et la chargeuse-pelleteuse .

5.2.2 Mine-B

À la mine-B, au cours des cinq années précédant le début de cette étude, environ 50 % du personnel avait soit changé de mine ou de poste de travail à l’interne. Un changement de poste à l’interne pouvait en occasionner plusieurs autres, comme un effet de domino. Toutefois, au commencement de notre projet de recherche, les besoins en main-d’œuvre étaient considérés comme relativement stables.

Le contexte du prix élevé des métaux, aux abords de 2010, incite des entreprises concurrentes à s’engager dans l’exploitation de nouveaux projets, ce qui a naturellement des répercussions sur l’offre de main-d’œuvre : « la pile de cv n’est plus grosse pour les mineurs, la crème est partie, on se les arrache tous ». Cette situation amènerait surtout les salariés d’agence de location de

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main-d’œuvre à dire « si je n’ai pas de chance de progresser et d’être engagé par la mine, je vais peut-être quitter ». En cours de projet, nous avons constaté le départ de quelques employés occupant le poste d’entrée vers d’autres mines en développement.

L’entreprise a souligné le manque d’hommes de métier d’expérience, comme les mécaniciens, électriciens et soudeurs. La rareté de main-d’œuvre obligerait la mine à opter en conséquence pour une relève moins expérimentée, jusqu’à recruter des finissants d’un programme de formation et investir dans leur formation en les jumelant à des travailleurs d’expérience. Cette situation exerce une pression plus grande sur la formation et les services connexes. Les entreprises minières ont également conçu des stratégies alternatives de recrutement; ce fut le cas de la mine-B qui a misé sur des travailleurs de la forêt, industrie en grande difficulté, comme source de main-d’œuvre.

Les informations concernant le profil de la main-d’œuvre chez les nouveaux travailleurs n’ont pas pu être consultées puisqu’il s’agit majoritairement d’employés d’agence de location de personnel demeurant en marge des données formelles de l’entreprise. Les personnes rencontrées suggèrent cependant que 50 à 95 % de ce personnel n’ont jamais travaillé dans le secteur minier. Il appert que les nouveaux travailleurs sont tantôt de jeunes personnes dont certaines viennent de terminer leur DEP en extraction de minerai, et tantôt des travailleurs avec une grande expérience de travail mais sans expérience du domaine minier.

Les données de main-d’œuvre du département mine montrent que la moyenne d’âge des travailleurs (excluant les cadres et techniciens et les employés d’agence de location de personnel) était de 42 ans en 2012 et la médiane de 43 ans. Quatre pourcent de ces travailleurs ont moins de 25 ans et 12 % ont 55 ans et plus dont quelques rares personnes ayant 65 ans et plus. Selon le service des ressources humaines, les gens partent à la retraite vers 58 ans. Ces chiffres montrent donc que 12 % des travailleurs pourraient prendre leur retraite d’ici 2015. Le groupe 45 à 54 ans représente 34 % des travailleurs dont 10 % auront 58 ans ou plus en 2018. Le département des ressources humaines prévoit ainsi un boom de départs à la retraite en 2017-2018 qui toucherait principalement le département « mine » représentant 60 % du personnel. Les défis de recrutement et d’intégration des nouveaux travailleurs ne constituent donc pas un phénomène passager et devraient se poursuivre pendant plusieurs années encore.

En 2012, l’ancienneté médiane des travailleurs de la mine (excluant les cadres et techniciens et les employés d’agence de location de personnel) était de 6 ans; 23 % des travailleurs avaient moins de 2 ans d’ancienneté alors que 12 % en avaient plus de 20 ans. D’après les informations recueillies en entrevue, 50 % de la main-d’œuvre aurait moins de 2 ans d’expérience à son poste de travail15, ce qui est considéré par certains cadres comme un grand obstacle pour la santé et la sécurité du travail.

5.2.2.1 Profil, à l’embauche, des mineurs participant à l’étude

Trois nouveaux préposés au camion de service ont participé à l’étude (engagé depuis 1 an ou moins). Tous sont jeunes et ont terminé depuis peu de temps leur formation scolaire. Deux

15 Notons que la base de données des ressources humaines consultée à la mine-B ne précise pas l’ancienneté à un

poste de travail donné.

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d’entre eux ont une connaissance du monde minier soit par leurs études ou soit par une expérience comme étudiant durant l’été.

Formation : Un possédait un DEP en extraction de minerai, les deux autres ont leur diplôme d’études secondaires.

Expérience professionnelle : Ces jeunes travailleurs ont peu d’expérience sur le marché du travail. Un a une expérience de travail dans un atelier mécanique de la mine à titre d’étudiant (opportunité offerte aux enfants des employés durant l’été) et a également occupé à son embauche un poste d’entretien des salles sous terre.

Les deux compagnons au poste de préposé au camion de service possédaient à leur embauche une expérience professionnelle dans d’autres mines ainsi que dans différents secteurs (notamment la foresterie). L’un d’eux détenait un DEP en extraction de minerai.

Trois nouveaux boulonneurs ont participé à l’étude, deux étaient en formation à ce poste et un avait moins d’un an d’expérience comme boulonneur. À leur embauche, chacun possédait une formation différente; deux ont exercé, pendant de nombreuses années, un métier sans lien avec le secteur minier.

Formation : DEP en extraction de minerai, DEP de soudeur-monteur, technique liée aux soins de la santé.

Expérience professionnelle : une seule personne a occupé différents postes dans les mines avant d’être engagée à la mine-B; les deux autres ont travaillé quelque peu dans ce secteur mais ont ensuite entrepris un parcours les amenant à exercer différents métiers (arts, santé, social) pendant plusieurs années avant de faire un retour dans le secteur minier.

Les trois compagnons boulonneurs rencontrés ont plus de 20 ans d’expérience dans le secteur minier; bien que tous n’avaient pas une formation en lien avec ce secteur, ils avaient tous une expérience dans les mines à leur embauche.

Formation : un possédait un DEC en technique minière et un avait DEP en foresterie (formation initiale du troisième non connue).

Expérience professionnelle : Un boulonneur a toujours travaillé dans la mine-B, un a cumulé de l’expérience dans différentes mines avant d’être embauché et le dernier a d’abord travaillé dans le secteur forestier puis dans différentes mines.

5.2.3 Le personnel cadre

À la mine-B, en 2012, l’âge moyen (43 ans) et médian (43 ans) du personnel cadre (incluant les techniciens) du département mine se comparent à ceux des employés horaires. Cependant, le personnel cadre compte très peu d’employés très jeunes (aucun employé de moins de 25 ans) ou très près de la retraite (3 % ayant 55 ans et plus). L’ancienneté médiane dans l’entreprise est de près de sept ans; mais on compte 7 % du personnel qui ont moins de deux ans d’ancienneté et 10 % qui en cumulent vingt ans et plus.

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Les problèmes liés aux départs du personnel ou à la mobilité interne ne se limitent pas qu’aux travailleurs. Plus de 70 % des cadres rencontrés en entretien (n=15), ont deux ans ou moins d’ancienneté à leur poste mais ils avaient tous plus de 5 ans d’expérience dans le secteur minier et 75 % d’entre eux cumulaient au moins 10 ans d’expérience. Notons qu’en cours de projet, plusieurs cadres ont changé d’emploi ou de poste. Selon les cadres interviewés, les mouvements de personnel touchent les superviseurs, certains sont donc peu expérimentés, nécessitant formation, coaching et intégration. Ils mentionnent de même leurs difficultés à recruter des superviseurs. En effet, ce poste est reconnu comme étant exigeant et serait par conséquent peu convoité compte tenu de ses conditions de travail : très longues journées, défis et responsabilités importants, rémunération peu attirante par rapport aux postes de mineurs, bonne expérience terrain souhaitable pour être crédible auprès des mineurs, bonnes habiletés techniques (ex. calcul de boni, lecture de plans), leadership et compétence en supervision. La loi C-21 modifiant le Code criminel — les responsabilités et l’imputabilité qui en découlent — gênerait de surcroît plusieurs personnes.

5.3 Le cheminement professionnel dans la mine

Le cheminement professionnel dans la mine varie beaucoup d’un site à l’autre. Alors que dans la mine-A, les nouveaux travailleurs sont affectés sur une plus longue période aux postes d’entrée d’opérateur d’équipements miniers, on observe au contraire à la mine-B une grande mobilité interne et externe menant à un avancement vers d’autres postes, selon les besoins de la production.

5.3.1 Mine-A

Dans la mine-A, le nouvel employé débute principalement au poste d’opérateur d’équipements miniers ce qui l’amènera à assurer l’opération de plusieurs types de véhicules : camion à benne, chargeuse, niveleuse, tracteur, etc. Il sera ainsi affecté, à son arrivée, aux camions à benne qui constituent la principale flotte d’équipements miniers et sont utilisés pour transporter le minerai vers les concasseurs ou le stérile vers les dépôts. Il apprendra progressivement selon une séquence bien établie, à opérer les autres véhicules en fonction des besoins de la production.

5.3.2 Mine-B

Dans la mine-B, le principal poste d’entrée est celui de préposé au camion de service, un véhicule surtout affecté à l’alimentation des entrepôts souterrains en matériaux essentiels aux opérations. On trouve également des nouveaux travailleurs au poste de préposé au transfert qui consiste à opérer un camion et/ou une chargeuse navette pour transporter le stérile des galeries de développement vers les chutes à stérile ou des lieux à remblayer. Le travail à ces différents postes s’effectue seul.

Le poste de préposé au camion de service est considéré comme idéal pour évaluer un nouveau travailleur. Les gens ne restent pas longtemps à ce poste; dès qu’ils maîtrisent la tâche et ont les aptitudes requises, et que de nouveaux travailleurs terminent leur formation, la mine les fait « graduer » vers le poste de transfert du stérile puis du minerai (chargeuse télécommandée) ou vers l’opération de la niveleuse et des équipements lourds. Graduellement, ils seront appelés à travailler sur les postes de mineur conventionnel, de boulonneur et ultimement de jumbo.

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6. LES DISPOSITIFS MIS EN PLACE POUR SOUTENIR L’INTÉGRATION DES NOUVEAUX TRAVAILLEURS

6.1 Des dispositifs de formation en évolution

6.1.1 Mine-A

À la mine-A, la conception de la formation actuelle remonte aux années ’90. À la suite d’une réorganisation de l’équipe de production, les postes d’opérateur de camion, de chargeuse, de niveleuse et d’autres équipements servant à la production ont été regroupés en un poste unique : opérateur d’équipements miniers. Dans la circonstance, pour opérer ces équipements, les employés travaillant à ce poste ont dû devenir polyvalents. Et c’est la raison pour laquelle une formation d’opérateur d’équipements miniers a été mise en place. Un superviseur a donc été nommé formateur. Ayant occupé antérieurement plusieurs fonctions (mécaniciens, conducteur d’équipements puis superviseur), il a lui-même élaboré le programme de formation, en en assumant tant la partie théorique que pratique. Il jugeait notamment important que les opérateurs connaissent quelques notions sur le fonctionnement mécanique de l’équipement qu’ils utilisent, comme le système de freinage.

Vers 2007, ce formateur prend sa retraite et est remplacé par un formateur professionnel n’ayant pas d’expérience dans l’opération pratique d’équipements miniers. Ce changement de garde requiert conséquemment la création d’une nouvelle structure de formation s’appuyant sur une collaboration entre le formateur et les opérateurs expérimentés, respectivement pour la partie théorique et la partie pratique. Le compagnonnage est né et devient officiel quelques années plus tard.

En 2011, le projet d’investissement est mis en route. Au début de la vague d’embauche de cette même année, en réponse à une augmentation d’incidents répertoriés, la formation est modifiée notamment par une augmentation de la période de compagnonnage.

6.1.2 Mine-B

À la mine-B, le processus d’encadrement des nouveaux travailleurs est en constante évolution. Ainsi, avant 1997, la formation était principalement assumée par les représentants du fabricant de machinerie et portait sur l’utilisation des équipements. Avec l’expansion de la mine et l’acquisition d’équipements supplémentaires, les travailleurs expérimentés ont été sollicités pour former des collègues. Le travail de ces accompagnateurs consistait alors à montrer le métier aux nouveaux sans toutefois devoir documenter par écrit la progression et les points couverts. L’apprenant pouvait passer quelques jours avec un accompagnateur, puis changer d’accompagnateur et ainsi apprendre les trucs de l’un et de l’autre. La durée des formations était variable en fonction de l’habileté et de la progression du nouveau. Aujourd’hui, ce type de compagnonnage existe toujours pour des postes comme celui de préposé à l’hygiène des salles de repos. Mais en ce qui a trait aux autres postes, la façon de faire a été considérablement modifiée dans un souci de professionnalisme et de rigueur dont l’élimination de la transmission de méthodes jugées inappropriées. De plus, en raison des exigences de la loi C-21 modifiant le Code criminel, la standardisation de la formation au métier - en termes de contenu, de durée et de documentation – est devenue une préoccupation pour la mine.

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40 Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

6.2 La planification proactive des besoins de main-d’œuvre versus la gestion de nécessité

Il appert qu’au moins deux types de planification des besoins de main-d’œuvre sont mis en œuvre tant à la mine-A qu’à la mine-B.

D’une part, il y a planification des besoins temporaires de personnel. Par exemple, pour couvrir la période des vacances, les congés parentaux ou autres, les deux mines forment du personnel de relève. Ainsi, la mine-B forme des mineurs conventionnels en tant que boulonneur pour être à même de répondre à des besoins sporadiques. Au reste, lorsqu’un poste régulier de boulonneur s’ouvre, l’entreprise possède déjà les ressources pour combler rapidement le besoin. À la mine-A, les opérateurs d’équipements miniers sont formés progressivement au travail sur les autres types de véhicule (chargeuse, niveleuse, tracteur, etc.), favorisant la polyvalence et la flexibilité au sein de l’équipe de production.

D’autre part, les entreprises sont confrontées à une gestion de nécessité lorsque les besoins en personnel sont immédiats, essentiels ou connus tardivement, créant une situation pressante pour l’embauche et l’intégration. Il peut s’agir d’un départ d’employé vers une autre mine, de l’embauche pressante dans le cadre d’un projet d’investissement majeur comme nous avons pu le constater à la mine-A.

Finalement, les mines ont souvent recours au temps supplémentaire comme stratégie pour compenser les besoins immédiats tels le manque de personnel ou les retards de production (ex. diminution de la production en lien avec la formation technique et la formation à la tâche). Dans les deux mines, le temps supplémentaire prend la forme d’une journée de travail durant les jours habituels de congés et à la mine-A, cela peut aussi vouloir dire des heures prolongeant la journée normale de travail. Dans les deux cas, le mineur travaillant en temps supplémentaire travaille dans une équipe autre que son équipe habituelle.

6.2.1 Des modes et des bassins de recrutement variés

Pour combler les postes d’entrée, les sites miniers procèdent à l’embauche directe ou multiplient les sources de recrutement selon trois principaux modes :

recrutement d’employés d’une agence de location de personnel (mine-B); accueil d’employés transférés d’une autre division de l’entreprise (mine-B); sélection des futurs employés par le Diplôme d’études professionnelles (DEP) (mine-A).

La portée de ces trois modes fluctue au cours du temps, selon les besoins. Par exemple, dans le cas de la mine-B, il était mentionné, au début du projet, que 90% des nouveaux employés avaient d’abord travaillé à titre de salarié d’agence; en fin de projet, cette pratique est devenue moins fréquente au profit d’autres sources. Dans les deux mines, le personnel embauché aux postes d’entrée est majoritairement de la main-d’œuvre locale et homogène (c’est-à-dire sans minorités visibles). L’une des mines tente actuellement des rapprochements avec les communautés autochtones en vue de recruter des candidats.

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Les deux mines engagent des sous-traitants afin de réaliser des travaux spécialisés pour lesquels elles ne disposent pas de ressources à l’interne. Il s’agit de contrats particuliers pour des postes précis autres que ceux traités dans la présente étude.

Par ailleurs, la mine-B fait appel à du personnel dont elle loue les services auprès d’une agence de location de personnel. Il s’agit dans ce cas-ci de main-d’œuvre, qualifiée ou non, pour un poste qui pourrait également être occupé par des employés réguliers de la mine. Dans ce cas, les salariés d’agence de location de personnel sont principalement sollicités pour combler les postes de préposé au camion de service et préposé au transfert. En revanche, les postes clés demandant plus d’expérience, comme le poste de boulonneur, sont normalement réservés aux employés réguliers de la mine. Il peut arriver cependant qu’un salarié d’agence soit exceptionnellement envoyé à un poste de développement pour dépanner le temps d’une journée ou pour faire face à un surplus de travail à court terme.

Deux principales raisons motivent le recours aux salariés d’agence. La première est que cette façon de faire permet d’évaluer les compétences, l’assiduité et la sécurité des travailleurs sur une période pouvant s’échelonner de 6 mois à un an, voire deux ans; suivant une entente avec l’agence de location de personnel, le travailleur manifestant un bon potentiel pourra être embauché comme employé régulier de la mine lorsqu’un poste se libère. La seconde est que cette voie de recrutement procure une marge de manœuvre pour accueillir du personnel d’autres divisions advenant la fermeture d’une mine qui aurait atteint sa durée de vie. Les employés ainsi mutés prendraient la place du personnel d’agence.

Pour ce qui est de la mine-A, des relations étroites ont été développées avec les responsables du DEP16 foresterie. Les personnes s’inscrivant au programme signent une feuille d’autorisation permettant aux cadres de la mine d’entrer en contact avec les professeurs du DEP. Ainsi, la mine entreprend son processus de recrutement dès l’étape de formation des futurs postulants.

6.2.2 Les préalables pour se porter candidat au poste

Les personnes posant leur candidature à la mine-A pour le poste d’opérateur d’équipements miniers doivent minimalement détenir un DEP, un diplôme de secondaire 5 ou équivalent et avoir cumulé de l’expérience professionnelle dans tout type de secteur d’activité. En 2012, il n’existait pas de DEP spécifique à la conduite d’équipements miniers pour les mines à ciel ouvert17. Les DEP requis par l’entreprise sont donc les DEP « Conduite de machinerie lourde en voirie forestière » et « Conduite d’engins de chantier ».

La mine-B exige que tout candidat au poste de préposé au camion de service ait complété son secondaire 5 ou un DEP en extraction de minerai. Les candidats doivent aussi répondre aux exigences réglementaires (voir section 2.1.1.1). Rappelons que les entretiens révèlent que de 50 à 95 % des employés qui commencent au poste de préposé au camion de service n’auraient aucune expérience du secteur minier.

16 DEP : Diplôme d’études professionnelles 17 Rappelons que le MELS (ministère de l’éducation, du loisir et du sport) et le CSMO Mines (comité sectoriel de la

main-d’œuvre du secteur mines) conçoivent présentement une formation spécifique qui devrait être parachevée en janvier 2013 (Rapport annuel 2011-2012, CSMO Mines, p. 11).

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42 Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

Les travailleurs de la mine-B, une fois devenus employés réguliers de la mine, peuvent poser leur candidature aux différents postes qui seront attribués en respectant l’ancienneté et les compétences. Ce ne sera donc pas nécessairement la personne ayant le plus d’expérience sur l’équipement (ex. quelqu’un ayant déjà travaillé au poste dans une autre mine) qui obtiendra le poste. Généralement, pour poser sa candidature au poste de boulonneur, il faut l’ancienneté nécessaire dans la mine et occuper un poste de mineur conventionnel.

6.3 Le dispositif d’accueil et d’intégration

L’intégration du nouveau travailleur requiert une planification préalable dans les entreprises notamment pour concevoir un dispositif d’accueil, pour recruter et développer les ressources humaines nécessaires à l’encadrement, tout en s’assurant par la suite de leur disponibilité. À cela peut s’ajouter la planification des besoins en équipements nécessaires.

Notons que, d’une façon générale, les documents relatifs aux conditions de travail dans les deux mines à l’étude ne traitent pas spécifiquement de la question de l’intégration des nouveaux travailleurs. Néanmoins, ils contiennent, à des degrés divers, des dispositions susceptibles de favoriser l’intégration sécuritaire des nouveaux travailleurs. D’une part, la santé et la sécurité sont présentées comme une valeur essentielle des entreprises dans l’atteinte de leurs objectifs de production. D’autre part, parmi les dispositions susceptibles de produire des impacts positifs, notons, par exemple, la non comptabilisation des heures supplémentaires dans le parachèvement de la période d’essai, l’exclusion du salarié qui ne réussit pas une période d’apprentissage après deux tentatives, le caractère volontaire du travail exécuté en heures supplémentaires, l’importance accordée à la formation et la poursuite du cumul de l’ancienneté durant une absence pour accident ou maladie. Par ailleurs, d’autres mesures soulèvent des questions comme celles relatives aux coupures d’une portion de la prime annuelle qu’entraînent les absences justifiées de courte durée.

6.3.1 Les principaux acteurs et leurs ressources

La mine-B s’est dotée d’une structure assez formelle pour accompagner les employés dans l’apprentissage de leur métier. Le département des ressources humaines a mis sur pied une équipe de formateurs constituée de mineurs de grande expérience pour prendre en charge les formations théoriques/techniques (ex. apprentissage de procédures, de l’utilisation sécuritaire et du fonctionnement d’un équipement) et encadrer les formations à la tâche (apprentissage du métier). Ceux-ci sont accrédités par la Commission scolaire pour enseigner la formation modulaire du travailleur minier (FMTM) aux employés qui ont été engagés par la mine sans avoir leurs préalables requis et ils ont suivi un cours d’une semaine consacré à l’approche pédagogique. Ces formateurs ont leur bureau à la surface et suivent le même horaire que le personnel de bureau, soit un travail de jour du lundi au vendredi. La structure et le contenu des formations théoriques/techniques et des formations à la tâche sont sous la responsabilité de cette équipe, de même que l’accréditation des nouveaux et le suivi au poste. La formation est plutôt uniforme dans l’ensemble des divisions de l’entreprise et les formateurs des différentes divisions communiquent entre eux, échangent des pratiques et se visitent.

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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L’apprentissage du métier se fait maintenant par la formation à la tâche qui constitue une forme de compagnonnage structurée. Cette formation est donnée par des mineurs expérimentés sélectionnés, nommés compagnons et occupant le poste sur une base régulière. Pour le poste de préposé au camion de service, le compagnon peut être aussi bien un salarié d’agence qu’un employé de la mine; mais les compagnons au poste de boulonneur sont des employés de la mine.

Les compagnons sont choisis par consensus par le personnel de prévention, des opérations et de formation à partir de différents critères tels que l’aptitude à travailler de façon sécuritaire, la facilité à communiquer et à identifier les moyens pour aider l’apprenant et le désir de transmettre leur expertise. Un formateur mentionne observer le candidat compagnon pour s’assurer de ses bonnes pratiques. Les compagnons reçoivent une formation de deux jours sur la formule de supervision18. Un compagnon au poste de boulonneur mentionne avoir reçu une formation de deux jours pour l’aider à adapter son enseignement à la personnalité des apprenants.

Des conditions sont mises en place afin de faciliter la formation à la tâche et de ne pas pénaliser les compagnons. De cette façon, les compagnons au poste de boulonneur n’ont pas à se préoccuper d’objectifs de production durant la formation à la tâche. Ils bénéficient d’une majoration du salaire de base de quelques dollars et reçoivent le boni moyen. Le nouveau travailleur en apprentissage du métier sur la boulonneuse reçoit 50 % du boni, peu importe la production réalisée dans la journée. Au poste de préposé au camion de service, le travail attendu n’est pas modifié ou spécifié durant la formation à la tâche. Le salaire des compagnons employés de la mine est également majoré.

Dans le cas de la mine-A, cette structure d’accompagnement des nouveaux travailleurs s’appuie sur trois formateurs-superviseurs travaillant sur le quart de jour. Ils assurent l’accueil des nouveaux employés et la formation théorique pour le poste d’opérateurs d’équipements miniers. Deux d’entre eux sont contractuels, il s’agit d’anciens travailleurs de la mine, à la retraite. La formation pratique au poste se fait par jumelage avec différents opérateurs d’expérience. Les « compagnons » sont des opérateurs d’équipements miniers se portant volontaires pour accompagner les nouveaux employés et reçoivent, pour ce faire, une prime journalière. Il n’existe pas de formation spécifique pour les personnes désirant devenir compagnon.

Dans les deux cas, une liste de contrôle, appelée feuille de route, sert de guide au compagnon pour couvrir les points essentiels retenus par l’équipe de formation.

6.3.2 Les étapes et la durée

Les principales étapes du dispositif d’intégration débutent à l’accueil et se terminent lorsque l’employé est jugé qualifié pour entreprendre le travail au poste, soit après l’évaluation ou l’accréditation. Ainsi, avant son entrée officielle en poste, le nouvel opérateur de la mine-A sera pris en charge, pendant trois semaines, sur le quart de jour (du lundi au vendredi) et cheminera au travers de différentes étapes (tableau 6).

18 La formule de supervision est un outil de gestion de la santé et sécurité du travail développé par l’Association

minière du Québec.

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44 Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

Tableau 6 : Étapes et durée du processus de prise en charge à la mine-A

Accueil Formation théorique Compagnonnage Accréditation

2 jours + 1 jour 2 jours 3 jours + 1 semaine ½ journée

À la mine-B, le processus est similaire, mais il inclut une étape de familiarisation plus ou moins longue et une formation à la tâche d’une durée d’au moins trois semaines de travail (cédules) (tableau 7).

Tableau 7 : Étapes et durée du processus de prise en charge à la mine-B

Accueil Familiarisation Formation théorique Formation à la tâche Accréditation

Employé engagé par la mine 2,5 jours

Salarié d’agence de location de personnel 2-4 heures

Préposé au camion de service Quelques jours à quelques semaines

Boulonneur Aucune

Préposé au camion de service 4 – 8 heures (total)

Boulonneur Aucune

Préposé au camion de service 120 – 140 heures

Boulonneur 120 -160 heures

Préposé au camion de service et boulonneur

4 heures

6.3.2.1 L’accueil et la familiarisation

Deux étapes ont été mises en place par les sites miniers pour mieux faire connaître l’entreprise au nouveau travailleur avant qu’il n’accède à son poste de travail : l’accueil et la familiarisation. Dans chaque mine, une structure d’accueil permet son initiation à l’entreprise. Les personnes interviewées considèrent qu’il s’agit d’un « gros accueil ».

Le tableau 8 présente les sujets abordés dans chaque mine durant l’accueil avec des nouveaux travailleurs. Les employés de la mine-A sont accueillis les deux premiers jours dans les locaux administratifs de la compagnie par différentes présentations de la part du formateur, du directeur, du service de santé, du commis général administration, etc. Les informations couvrent une trentaine de thèmes relatifs au fonctionnement organisationnel et à la sécurité au travail. Le troisième jour, les nouveaux embauchés sont amenés sur le site de production de la mine. Ils y rencontrent l’équipe de production et les futurs collègues, effectuent une visite complète du site et réalisent un tour de camion à benne.

À la mine-B, l’accueil des employés diffère selon qu’ils appartiennent à l’agence de location de personnel ou qu’ils soient engagés directement par la mine. L’agence de location de personnel doit d’abord dispenser aux nouveaux travailleurs la formation modulaire (FMTM), leur donnant ainsi une première expérience sous terre. Le salarié d’agence reçoit par la suite un accueil d’une durée de 2 à 4 heures dispensé par la mine; cet accueil comprend le visionnement d’un DVD présentant la compagnie, une introduction à la SST et une formation sur la mise à énergie zéro. Le contremaître de l’agence explique aussi certaines procédures, présente les nouveaux à leurs

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supérieurs de la mine et leur fait voir certains lieux, comme les casiers, afin de faciliter leurs premières journées de travail.

Les personnes rencontrées en entretien, salariés d’agence et employés de la mine confondus, mentionnent que, outre l’accueil et les conditions salariales, les salariés d’agence sont intégrés au collectif de travail comme les autres salariés.

L’accueil à la mine-B de toute personne directement embauchée par la mine est d’une durée de 2,5 jours. Le même accueil est réservé aux cadres, aux mineurs, même si ceux-ci ont préalablement travaillé pendant plusieurs mois dans la mine à titre de salariée d’une agence de location de personnel. L’objectif est de faire connaître la philosophie de la compagnie et d’offrir un point de départ identique à tout un chacun.

La première demi-journée est dédiée aux ressources humaines. Toute l’équipe des ressources humaines est présentée à l’employé afin qu’il se sente accueilli, pris en charge et sache à qui s’adresser en cas de besoin; les documents d’embauche sont alors complétés et les bénéfices, politiques, le fonctionnement des relations de travail, etc. sont aussi expliqués. Le nouvel employé assiste en outre à une présentation audiovisuelle sur l’historique et les valeurs de la compagnie. Cette première journée se termine par une visite du concentrateur du site minier. La deuxième journée comporte une succession de courtes formations et de présentations transmises par différents départements. Après quoi, lors de la troisième journée, les nouveaux font une visite sous terre et sont finalement initiés à leur département : ils rencontrent leur superviseur qui leur explique le fonctionnement du département (l’équipe, les horaires de travail, la gestion interne du département, les éléments de sécurité, les attentes, la description du poste).

Tableau 8 : Les sujets abordés lors de l’accueil

Type de sujet abordé Mine-A Mine-B

Information RH et administratives (ex. : avantages sociaux, convention collective, comités sociaux, assurances)

x x

Présentation de l’entreprise (ex. vidéo corporatif, politique sur le respect, déontologie) x x

Services offerts par le bureau de santé et très courtes formations sur des aspects de santé (ex. contraintes thermiques, le dos).

x

Procédure générale SST (ex. EPI, cadenassage, travail en hauteur, espace clos, risque électrique, incendie, simdut, mesures d’urgence)

x x

Procédure mine SST (ex. manipulation câble minier, permis de conduire mine, signaux de la cage, écaillage, respect des plans et devis)

x x

Loi et Norme (ex. C-21, norme de santé, règlement sur les mines) x x

Introduction en environnement (ex. disposer des déchets, politique environnementale). x

Introduction au contrôle de terrain. x

Accueil dans le département (ex. organisation, présentation de l’équipe, description du poste, attentes)

x x

Visite du site x x

À la mine-B, suite à l’accueil, une étape plus ou moins formelle appelée « familiarisation » consiste à initier le nouveau aux activités de la mine. Le nouveau passe ainsi parfois quelques jours à accompagner des superviseurs dans leurs déplacements pour découvrir la mine. Il pourra

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également accompagner et aider un travailleur d’expérience se déplaçant au moyen d’un véhicule à deux places. Cette étape peut être plus ou moins importante, de quelques jours à quelques semaines, selon les connaissances préalables du nouveau. Il serait rare que des nouveaux soient envoyés en formation à la tâche immédiatement après l’accueil, sans avoir eu une forme de familiarisation.

6.3.2.2 La formation théorique/technique

Les formations sont généralement de courtes séances, souvent techniques, visant à acquérir des connaissances, par exemple sur les méthodes d’inspection et d’opération sécuritaire d’un équipement.

À la mine-A, deux jours sont consacrés à la formation théorique relative à la conduite d’un camion à benne. Au cours de la présente recherche, le formateur, ancien opérateur d’équipements miniers, a quitté la mine et la formation est maintenant donnée par un formateur qui n’est pas un ancien opérateur. Cette formation aborde les spécificités mécaniques du camion ainsi que les recommandations d’utilisation de différents dispositifs techniques présents sur le camion, tels les freins. Les trajets pour se positionner au chargement sont présentés sous forme de schémas. Des éléments de sécurité sont montrés tels : l’accès au camion avec les trois points d’appui; la signalisation. À la fin de ces deux jours, les travailleurs utilisent un simulateur pour se familiariser avec les commandes et les manœuvres d’un camion. Pour clore la formation théorique, ils passent un examen, sous forme de questionnaire avec réponses à choix multiples.

Au poste de camion de service de la mine-B, les nouveaux employés doivent recevoir deux formations spécifiques : une formation portant sur les petits véhicules comme les tracteurs et une formation sur la manutention et le gréage. Ces formations, d’une durée de quatre heures ou moins, sont données tant aux employés de la mine qu’aux salariés d’agence. Elles sont obligatoires avant d’opérer l’équipement de façon autonome. Le moment des formations peut varier; par exemple, la formation sur la manutention et le gréage est parfois donnée plus tardivement, lors de la phase de formation à la tâche.

Lorsqu’ils arrivent en formation au poste de boulonneur, il est généralement admis que les nouveaux ont reçu les préalables de formation identiques à ceux du poste de mineur conventionnel. Dans les faits, il arrive que les nouveaux n’aient pas eu l’opportunité de participer aux formations de lecture de plans et de contrôle de terrain. Ils doivent donc en faire la demande.

6.3.2.3 La formation à la tâche

À la mine-A, à la suite des formations, le nouveau travailleur commence l’apprentissage de la conduite du camion accompagné d’un travailleur expérimenté tenant le rôle de compagnon. Ce dernier s’appuie sur la fiche de compagnonnage et sur son expérience personnelle pour guider le nouveau dans son apprentissage du métier, notamment en regard de la conduite et des manœuvres du camion ainsi que du repérage dans la mine. Le site comporte en effet plusieurs routes et plusieurs lieux de chargement et de déchargement. Cet accompagnement dure trois jours au cours desquels le nouveau travailleur complète, avec le compagnon, la feuille de route en précisant, pour chacune des tâches, si cette dernière a été montrée, pratiquée ou si le nouveau se sent à l’aise pour l’effectuer. Les compagnons soulignent que l’essentiel est que le nouveau ait

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eu l’occasion d’accomplir au moins une fois les tâches prévues à la feuille de route, ce qui n’en garantit pas pour autant la maîtrise.

À la mine-B, avant la formation à la tâche, le formateur-chef d’équipe rencontre le travailleur pour une introduction et une explication du rôle de chacun (apprenant, compagnon et formateur) et il invite l’apprenant à l’informer de toute insatisfaction concernant le déroulement de la formation.

Le jumelage avec le compagnon se fait selon la disponibilité de ce dernier. L’apprenant change d’équipe et d’horaire au besoin pour rejoindre le compagnon à son poste. Durant la formation à la tâche, le compagnon est tenu d’accompagner le nouveau en tout temps et de produire un rapport quotidien que lui et l’apprenant doivent signer. Ce rapport traite notamment des travaux réalisés, des normes couvertes, des points forts ou à améliorer par l’apprenant. Le compagnon doit aussi s’assurer que tous les éléments de la feuille de route aient été couverts à l’issue de la formation à la tâche. Les rapports quotidiens, feuilles de route, cartes de travail, carte d’inspection sont conservés dans des dossiers.

Au poste de préposé au camion de service, la formation à la tâche de base dure 120 heures, réparties sur environ trois cédules de travail. Sur la boulonneuse, la durée de cette formation a évolué au fil du temps, passant de 120 heures à 160 heures dû au fait que les nouveaux candidats n’ont plus l’opportunité de poser du support de terrain lorsqu’ils occupent le poste de mineur conventionnel. La durée peut être adaptée aux besoins de l’apprenant et être allongée de 20, 30 heures. En revanche, une personne ayant déjà opéré ailleurs le même équipement aura une formation à la tâche se limitant à 20, 30 ou 40 heures pour présenter les procédures, les exigences et le fonctionnement de la mine.

La formation à la tâche prévoit un apprentissage par étape. Par exemple, durant un ou quelques jours, le nouveau est appelé à observer le travail, poser des questions et contribuer à des tâches simples comme la manutention manuelle. Il est ensuite initié à la manipulation du mât, tant pour le camion de service que pour la boulonneuse. Puis, il se verra confier d’autres éléments du travail, comme la conduite dans les tunnels, pour le camion de service, ou la pose de grillage à la boulonneuse. Afin de couvrir tous les éléments apparaissant sur la feuille de route du poste de boulonneur, le compagnon planifie avec son superviseur l’accès à différents types de boulonneuses, de front de taille (« face ») ou de terrain.

Dans une mine comme dans l’autre, une fois le compagnonnage terminé, le nouvel employé débute le travail seul au poste, sans accompagnateur. Le superviseur devient alors la personne à contacter en cas de besoin. Aucun document consulté ne traite de cette étape de transition où le nouveau doit maintenant accomplir le travail seul. Dans la mine-B, au travers des entretiens, il appert que les superviseurs adaptent les attentes au fil du temps et ne confient que graduellement les tâches les plus complexes. Ces aménagements ne sont toutefois pas formalisés.

6.3.2.4 L’accréditation

L’accréditation est l’étape consistant à évaluer le niveau de maîtrise du nouveau travailleur. À la mine-A, après une semaine de travail autonome, le formateur-superviseur observe le nouvel employé pendant un ou plusieurs trajets (loader-crusher-loader). Sur la base de la feuille de

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route, quinze éléments sont alors examinés telles les méthodes de travail sécuritaires, les procédures de travail, les règles de conduite, etc. Le nouvel employé qui respecte ces impératifs reçoit son accréditation et devient officiellement opérateur d’équipements miniers, conducteur de camion à benne. On demande parfois l’avis des compagnons qui, généralement, ne souhaitent pas entériner cette accréditation compte tenu de leurs appréhensions face à la loi C-21.

À l’instar de la mine-A, le formateur de la mine-B procède à l’accréditation de l’employé nouvellement en poste, après une période tout au plus de trois mois, sur la base à la fois des rapports quotidiens remplis par le compagnon, de la feuille de route listant les éléments qui devaient être couverts durant la formation à la tâche, de l’avis favorable du compagnon et d’observations. Les travailleurs éprouvant des difficultés peuvent être envoyés à nouveau en formation à la tâche, avec un autre compagnon. Selon la nature des difficultés, la mine peut proposer d’essayer un autre poste. Dans les deux mines, les aspects particulièrement évalués sont les procédures et les méthodes de travail sécuritaires; la question de la performance n’est pas retenue.

6.3.2.5 Le suivi

À la mine-A, un suivi formel ne semble pas prévu. C’est du moins ce qui ressort des entretiens avec les compagnons. Mais un suivi informel est assuré par les équipes de travail, les opérateurs les plus expérimentés, compagnons ou non du nouvel employé, lui transmettant des conseils en réponse à une question de sa part ou en réaction à une situation observée par le travailleur plus expérimenté. Si du reste les formateurs n’assurent pas de suivi formel, les superviseurs peuvent malgré tout leur demander de faire le point, au besoin, avec le nouvel opérateur sur certains aspects, telle la vitesse de conduite sur le site.

À la mine-B, l’équipe de formation qui s’est agrandie ces dernières années, procède maintenant à un suivi auprès de tous les employés, qu’ils soient experts ou novices. Ce suivi a des objectifs semblables à ceux de l’accréditation et se conduit de la même façon soit par observation et sur la base des critères mentionnés à la feuille de route.

6.4 Les compléments de formation

La mine-A étant une mine à ciel ouvert, les conditions météo influencent directement l’activité de travail des opérateurs d’équipements miniers. Or en fonction de la saison à laquelle ils entrent à la mine, il se peut que les nouveaux n’aient pas été confrontés, au cours de leur période de compagnonnage, aux conditions hivernales ou automnales de neige ou de pluie. Dans ce cas, des formations ponctuelles sont offertes, le moment venu, pour leur permettre d’adapter leur conduite à la saison : la pluie, par exemple, rend les chemins boueux, et donc glissants, ce qui oblige à réduire la vitesse et à anticiper le freinage pour éviter tout dérapage et perte de contrôle du véhicule.

De plus, d’autres contenus spécifiques peuvent être présentés au cours des rencontres mensuelles ou journalières qui ont été instaurées à la suite de nombreux incidents survenus lors de la mise en route du projet d’investissement. Ces rencontres ont pour objectif d’aborder les pratiques de travail ou de sécurité.

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À la mine-B, des besoins de formation complémentaires sont parfois identifiés. Il peut s’agir de lacunes relevées par le département SST à la suite d’une analyse d’accident. Les superviseurs généraux seraient les mieux à même de soulever ces besoins parce qu’ils possèdent, pour chaque travailleur, un portrait d’ensemble de la production, des bris de machinerie et des lésions professionnelles. Par exemple, un suivi de formation sera effectué si un travailleur circule trop vite avec un équipement ou qu’il fait des raccourcis (shortcuts).

Des démarches de résolution de problèmes de production peuvent aussi conduire à la modification des contenus de formation. Un comité de fiabilité impliquant entre autres les départements de mécanique et de formation et un opérateur s’est réuni pour étudier les fréquents problèmes de bris de la boulonneuse. Suite à leur analyse, le comité a demandé à ce que des vérifications supplémentaires soient ajoutées à la feuille de route servant à la formation et qu’un complément de formation soit donné dans chaque équipe.

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7. ILLUSTRATION DU TRAVAIL AUX POSTES D’ENTRÉE

Cette section décrit le travail général au poste de préposé au camion de service et d’opérateur d’équipements miniers et illustre, au moyen d’observations (directes ou par récits d’entretiens) mises en encadré, des enjeux relatifs à l’intégration des nouveaux travailleurs.

7.1 Préposé au camion de service

7.1.1 Le statut du poste et les conditions de travail

Tel que mentionné précédemment, le poste de préposé au camion de service est souvent occupé par des gens sans expérience du marché du travail et/ou du domaine minier. Le tableau 9 résume le statut et les conditions de travail à ce poste. Il s’agit d’un poste important pour assurer la continuité des activités du développement, mais où les travailleurs ne restent que peu de temps soit de six mois à un an. Les personnes rencontrées en entretien mentionnent que cette fonction, qui amène le préposé à se déplacer à de nombreux endroits dans la mine, lui permet d’observer toute la chaîne d’opération et de connaître les autres travailleurs. Contrairement au poste de préposé au transfert dont le travail est plus circonscrit, celui au camion de service est jugé avantageux par certaines recrues car il est à même de les faire connaître et de favoriser ainsi leur avancement.

La rémunération à ce poste comporte un salaire horaire de base, auquel s’ajoute un boni fixe. Quatre équipes travaillent en alternance afin d’assurer une production continue. Le calendrier de travail est composé de quatre blocs récurrents alternants plusieurs jours travaillés et plusieurs jours de congé (a jours travaillés, b jours de congé, b jours travaillés, a jours de congé). Ce calendrier amène périodiquement chaque équipe à travailler la fin de semaine de même que de jour et de nuit. Les préposés travaillent 10 heures par jour, mais quelques-uns ont des ententes particulières et travaillent 12 heures par jour.

Tableau 9 : Statut et conditions de travail au poste de préposé au camion de service (mine-B)

Statut Poste d’entrée Permet l’évaluation des nouveaux travailleurs/ permet de se faire connaître Personnel d’agence de location ou employé de la mine Poste important pour assurer la continuité de développement Peu d’intérêt pour rester à ce poste

Rémunération Salaire horaire Boni fixe

Horaire L’horaire amène périodiquement le mineur à travailler la fin de semaine. Alternance des périodes travaillées de jour et de nuit 10 heures par jour pour la plupart/ 12 heures par jour pour certains, selon une entente particulière. Le temps supplémentaire s’effectue lors des journées de congé.

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52 Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

7.1.2 Une journée de travail type

Une part importante du travail de préposé au camion de service est de s’assurer que les dépôts de matériel répartis aux différents niveaux soient bien garnis afin que les mineurs, principalement les boulonneurs, puissent s’y approvisionner. Certains décrivent toutefois le poste en question en ces termes : « le gars de service, c’est lui qui va rendre service ». Ce travail comporte en effet une part de tâches sur appel, selon les besoins, comme livrer du matériel aux boulonneurs à leur place de travail, s’occuper du plan à ciment, déménager des entrepôts ou déplacer divers objets lourds. Certaines tâches sont en outre récurrentes tels l’inventaire et le ménage des lieux de stockage et l’entreposage des produits inflammables. La figure 4 schématise ce travail. Les principales étapes sont décrites aux paragraphes suivants.

Figure 4 : Représentation schématique du travail de préposé au camion de service

7.1.2.1 Avant de descendre sous terre : préparation et première planification

Après s’être vêtu de façon appropriée, le travailleur rencontre son contremaître, à un guichet à la surface, qui lui remettra sa carte de travail en lui indiquant l’équipement à utiliser, l’endroit où il se trouve, les priorités, les besoins spécifiques aux différents niveaux et les tâches supplémentaires à accomplir, si le temps le permet. Les cartes de travail sont préparées à partir

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des informations laissées par le préposé et le superviseur du quart de travail précédent. Le préposé prend aussi possession d’autres notes rédigées à son intention par son collègue du quart précédent. Le travailleur pose son badge au tableau afin d’indiquer sa présence sous terre. Il se rend, environ 20 minutes à l’avance, sur la plate-forme à proximité du puits où il attend la cage, en compagnie des autres mineurs, pour descendre au niveau qui lui a été désigné.

Les occasions d’échange entre mineurs.

Observation 1. L’attente de la cage est considérée comme un moment privilégié d’échange entre les mineurs. Les compagnons encouragent les apprenants à profiter de ce moment pour poser des questions aux mineurs expérimentés au sujet des problèmes rencontrés. Compte tenu que la plupart des mineurs travaillent seuls à leur poste, les échanges se font par la suite peu fréquents si ce n’est lors de rencontres avec quelques mineurs à la salle de refuge, pour le repas, ou lors de l’attente de la cage de retour.

7.1.2.2 Une fois arrivé au niveau où le véhicule est stationné : inspection et entretien du véhicule

Une fois rendu au niveau du stationnement spécifié, le préposé au camion de service inspecte son véhicule et effectue l’entretien nécessaire en utilisant la fiche d’inspection prévue à cet effet. Il vérifiera par exemple les niveaux de fluides, le fonctionnement du klaxon, des lumières, des freins ou encore la condition des élingues. La plate-forme du camion doit normalement être vide au début du quart.

Le travail effectué par le quart précédent et les conséquences de ne pas pouvoir terminer le travail à l’heure prévue.

Observation 2. Un préposé descend pour prendre possession de son camion, mais celui-ci n’est pas stationné à l’endroit attendu. Il marche dans les couloirs et demande finalement de l’aide à un collègue qui lui offre de monter dans son véhicule pour arpenter les environs, ce qui permet finalement de trouver le camion.

Observation 3. Alors que les priorités inscrites par le contremaître sur la carte de travail est d’aller porter des rebuts, un préposé se rend compte, en arrivant au stationnement, que son collègue du quart précédent n’a pas eu le temps de décharger le camion avant de remonter à la surface. Ce préposé, qui débute son quart, doit donc revoir la planification et trouver où décharger son camion avant de pouvoir reprendre les priorités programmées.

Observation 4. En lien avec l’observation précédente, le travailleur de l’autre quart a élingué le matériel d’une façon qui rend ardu le dépôt dans un entrepôt où les boulons doivent être déposés à angle plutôt qu’à l’horizontal. Ceci allongera et compliquera le travail de dépôt.

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7.1.2.3 Les déplacements sous terre : conduite dans la circulation et vérification des inventaires des dépôts

En général, lorsqu’il n’y a pas de tâche spécifique identifiée par le contremaître, la tâche principale du préposé est de s’assurer que les dépôts répartis sur différents niveaux de la mine soient suffisamment remplis de matériel pour que les mineurs, particulièrement les boulonneurs, ne manquent de rien. En quittant le stationnement pour se rendre à l’entrepôt principal en prévision d’un premier chargement, le préposé au camion de service jettera donc souvent un œil sur les dépôts permettant de la sorte une mise à jour des besoins. Le déplacement dans la rampe19 exige en outre de connaître le protocole de communication et de priorité des véhicules; la rampe étant de la largeur d’un véhicule, aucune rencontre n’est praticable.

L’évolution des besoins en matériel et les aides à la planification.

Observation 5. Certains préposés disent ne pas se fier aux notes laissées par le quart précédent car la situation dans les entrepôts peut différer de celle qui y a été décrite. Par exemple, la situation peut avoir évolué à l’entrepôt après que le préposé précédent soit passé; ou bien, ce dernier, pressé par des urgences, peut avoir oublié de noter certains besoins ou le travail qu’il a déjà réalisé. Se fier à des informations non à jour a des impacts sur la production. Il est par ailleurs possible qu’un nouveau travailleur ne soit pas au fait de la terminologie du matériel et ne note donc pas adéquatement les besoins. La bonne communication avec le préposé de l’autre quart est néanmoins jugée importante pour la planification et la réalisation du travail.

Le repérage géographique et les protocoles pour la conduite en tunnels.

Observation 6. La densité de circulation sur la rampe, de jour, est importante puisqu’il y a présence d’entrepreneurs, d’ingénieurs, etc., en plus des véhicules miniers habituels. La conduite dans ces conditions exige de bien connaître : a) les lieux où se trouvent notamment les baies de rencontre permettant, lorsque nécessaire, de se retirer de la circulation pour laisser passer un autre véhicule; b) l’utilisation des phares (éteints/allumés) pour repérer les autres véhicules et se faire repérer; c) l’utilisation du klaxon; d) l’écoute des communications radio et l’appel des niveaux où l’on se dirige afin de limiter les rencontres de véhicules venant en sens inverse et par conséquent, les obligations de reculer. Une personne mentionne qu’il faudrait en vérité trois mains pour faire tout cela.

Obervation 7. Un travailleur, peu habitué sous terre, ne retrouve plus son chemin à un certain niveau de la mine où le réseau de tunnels est plus complexe. Après avoir erré près de 10 minutes, il appellera finalement le superviseur pour connaître le chemin à prendre.

19 La rampe est une voie de circulation en pente et spiralée permettant aux véhicules d’accéder aux différents

niveaux de la mine.

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7.1.2.4 Entrepôt principal : planification et chargement du matériel

Le préposé arrive à l’entrepôt principal avec les besoins inscrits sur sa carte de travail et sa propre mise à jour des besoins à certains dépôts. Il doit procéder par priorité et ainsi charger le matériel nécessaire (ex. paquets de treillis et de boulons divers) sur la plate-forme du camion en utilisant les élingues appropriées et la flèche du camion. Le chargement peut aussi impliquer des manutentions manuelles lorsque les charges sont plus petites, comme dans le cas des résines et des plaques pour boulons.

L’importance d’une vision globale pour la planification et la priorisation.

Observation 8. À cette étape, le préposé doit penser à la planification de sa journée en priorisant. Des cadres soulignent que la débrouillardise et l’esprit de planification sont des qualités nécessaires à ce poste pour « voir ce qu’il va manquer avant qu’il en manque » et « essayer d’optimiser quand on fait du transport parce que le territoire est grand ». Ainsi, un préposé nous dit :

« C’est énormément de planification pour avoir un beau shift complet, c’est la manière qu’on va le planifier»

Le préposé doit en effet avoir en tête, entre autres:

• les priorités des différents dépôts et la vitesse de roulement de marchandises aux dépôts (selon le développement qui se fait à proximité);

• le nombre de voyages qu’il peut faire par quart (soit 2 ou 3 voyages car les distances sont grandes et près de 75 % de son temps est consacré aux déplacements entre l’entrepôt principal et les dépôts). Il doit donc connaître la distance entre l’entrepôt et les dépôts;

• l’heure et le lieu pour dîner;

• la configuration du dépôt pour planifier la pose d’élingues : dans certains lieux le plafond est plus bas ce qui requiert des élingues plus courtes; dans d’autres, le matériel doit être déposé à angle et non directement à l’horizontal, dans les supports, réclamant des techniques différentes pour attacher les paquets de boulons.

• l’ordre de chargement du camion en fonction de l’ordre du déchargement;

• la capacité du camion : le camion ne doit pas être surchargé afin d’éviter la surchauffe lors de la montée sur la rampe.

Observation 9. Les préposés sont parfois confrontés à des situations où ils estiment que les priorités du superviseur sont en contradiction avec les priorités de la production. Certains prennent alors eux-mêmes la décision de revoir les priorités qui leur avaient été communiquées.

« Nous autres, on a comme mentalité -nos gars, il ne faut pas qu’ils manquent de gear-. Souvent, nos bosses viennent nous demander – mettez tout ça propre-. Mais moi, avant de mettre ça propre, (…) je vais mettre la gear sur les pads».

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Des stratégies développées pour accomplir le travail de façon efficace.

Observation 10. Les préposés utilisent certaines stratégies pour être efficaces et sauver du temps, par exemple : faire les petites commissions demandées en même temps que la vérification des besoins dans les dépôts, utiliser un autre véhicule plus rapide pour livrer le petit matériel ou encore partager certaines tâches avec un autre collègue dont le véhicule est plus rapide.

7.1.2.5 Tunnel – rampe : déplacement avec chargement

Lorsque le camion est chargé, le préposé se déplace sur la rampe vers l’emplacement du dépôt. Encore une fois, les transports dans le trafic exigent d’observer les protocoles de conduite et de communications. Les préposés soulignent que lorsqu’ils circulent avec un chargement, ils doivent surveiller l’état de la surface de roulement et la configuration des virages et il arrive, comme lors de tout déplacement, que des imprévus interrompent le travail imposant alors des ajustements à la planification : ce peut être le cas d’un véhicule bloquant le passage ou d’un bris du camion de service lui-même. Dans ce dernier cas, le mécanicien sera appelé pour réparer et cela peut occasionner des délais de plusieurs heures.

Les habiletés d’un opérateur de camion

Observations 11. Un compagnon très expérimenté mentionne la nuance qu’il y a entre chauffer et opérer un camion :

Un « chauffeur », n’importe qui est capable de partir un véhicule et de tourner un steering. Le chauffeur va conduire et tenir son véhicule dans la trail c’est son but principal. L’opérateur, c’est plus que ça dans sa tête, il sait qu’il a une journée d’ouvrage à faire. (…) Opérer ça veut dire que tu penses « j’ai du matériel en arrière de moi. Il ne faut pas que je le perde ». (…) L’opérateur va tenir compte qu’il transporte du matériel alors que le chauffeur va voir un trou et ne slackera pas. L’opérateur va essayer de l’éviter, va slacker parce qu’il sait que son véhicule c’est son outil de travail, l’autre ne le sait pas et certains ne le sauront jamais.

L’état du chemin (boueux, cahoteux) et la configuration des tunnels (étroits, en S) peuvent causer des difficultés pour les déplacements et le transport des charges : charges qui sautent et se déplacent sur la plate-forme; charges très longues accrochant les murs lors de déplacements en S.

Les événements impromptus nécessitant de revoir la planification.

Observation 12.

« On dirait que tu pars avec un objectif, mais souvent ça change en cours de route. Ou tu brises. »

Le préposé au camion de service se déplace vers un dépôt, mais un véhicule en panne bloque la voie pour une durée indéterminée. Il prend la décision de ne pas attendre puisque le délai risque

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d’être long. Le chargement ne pourra donc pas être déposé au lieu prévu; il faut revoir la planification et déterminer un nouvel endroit où déposer le matériel.

7.1.2.6 Déchargement du matériel dans les dépôts

À cette étape, le camion est stationné en utilisant les pieds stabilisateurs pour procéder au déchargement. Les élingues étant toujours sur les charges, il faut installer les manilles pour les accrocher à la flèche et manœuvrer celle-ci pour soulever les charges. Le préposé doit retirer les bases de bois sous les paquets de treillis avant de les déposer. Selon le support d’entreposage, certains paquets de boulons seront posés à plat, ou à angle, imposant des méthodes différentes pour les déposer; les élingues auront été posées en conséquence. Une fois levée, la charge doit être positionnée au bon endroit ce qui nécessite de la diriger, en la stabilisant lorsqu’elle oscille, ou de la faire pivoter en s’aidant d’appuis, par exemple sur les murs, ou en utilisant un outil à long manche. Une fois le matériel déposé, le préposé retire les élingues et les attaches métalliques qui tiennent les pièces ensemble. Ce travail de dépôt nécessite des allers-retours entre la zone de la charge et la zone des commandes de la flèche.

Le positionnement du camion et de la flèche et les espaces restreints

Observation 13. La configuration des lieux de dépôt varie. Certains endroits sont restreints et contraignent à un positionnement précis du camion, ou encore limitent les possibilités de déploiement de la flèche en raison d’un toit bas ou de la présence de tuyaux de ventilation. Le type de charge levée, comme les palettes d’huile qui sont fragiles, est aussi un facteur qui rend les manutentions plus difficiles.

7.1.2.7 L’ajout de demandes prioritaires

Remplir les dépôts de matériel est une partie du travail qu’apprécient plusieurs préposés: elle est souvent considérée comme le cœur même du travail. Mais à tout moment, en cours de journée, peuvent s’ajouter des demandes du contremaître ou d’autres collègues. Un boulonneur, par exemple, demande directement, ou par la voie de son contremaître, au préposé de lui apporter quelques treillis qui devraient lui faire défaut sous peu pour achever le front de taille (« face »), cherchant ainsi à éviter une perte de temps non négligeable : il ne sera pas obligé en fait d’interrompre sa production en se désinstallant pour se rendre lui-même au dépôt. Or ces livraisons directes de matériel aux boulonneurs amèneront le préposé à circuler dans des sections de la mine qu’il connaît moins. Par ailleurs, dès qu’il est avisé, le préposé doit aussi entreposer sans délai, dans les lieux prévus à cet effet, tout produit combustible. Et lorsqu’un problème survient avec le plan à ciment, il doit s’y rendre de façon prioritaire.

Les demandes prioritaires et la replanification

Observation 14. Au sujet des demandes qui s’ajoutent, on nous mentionne par exemple :

« Le plan à ciment est une des grosses priorités de la mine »

« C’est assez compliqué (les demandes qui s’insèrent) car toi tu aimerais ça faire ta job mais il y a tout le temps des choses qui se rajoutent, et t’as pas le choix. Dans le fond je

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délaisse un peu mes pads pour faire ce que mon contremaître demande» « Il y en a toujours toujours à chaque shift c’est immanquable ».

« Ça dépend où je suis dans la mine, ça se peut que je sois en haut et qu’il faut que je redescende en bas et que je remonte. C’est sûr, il faut gérer ton temps.

« On essaie qu’il y en ait le moins possible (de demandes directes des boulonneurs) car les gars qui demandent se gâtent et prennent ça pour acquis. Le matin, ils ne prennent pas assez de matériel puis ils appellent le gars de service. Le gars de service ne fait plus son travail, il ne fait que rendre des services. » (cadre)

7.1.2.8 La diversité des situations et les tâches connexes

Le travail de préposé au camion de service comprend des tâches connexes nécessitant l’utilisation d’un camion à flèche. Il peut s’agir d’aller chercher ou porter un pneu de chargeuse sur la rampe où se trouve le véhicule. Dans ce cas, le travail du préposé sera plus délicat en raison de l’espace restreint, mais aussi parce qu’il y a une certaine pression à faire vite à cause du trafic sur la rampe qui se trouve alors immobilisé. D’autres tâches peuvent être de monter un support pour les conduits, charger un ventilateur, faire l’inventaire, faire le ménage des dépôts, etc. Les entretiens révèlent que la diversité des tâches ne peut être couverte durant la formation ce qui amène le préposé à trouver par lui-même les moyens de faire face à la situation. La débrouillardise est souvent mentionnée comme attente, mais la possibilité de demander de l’aide à des collègues est également évoquée.

Des situations peu fréquentes, la débrouillardise et l’apprentissage sur le tas

Observation 15.

« Ici, il y a bien des affaires qui ne sont pas dédiées à une personne en particulier. C’est pour ça que dans la formation ils ne le montrent pas non plus. Ça va être dans une formation à part. Ce n’est pas une formation décrite, c’est quelqu’un qui te le montre vite fait. C’est une forme de compagnonnage rapide. »

« C’est un travail qu’on apprend beaucoup tout seul parce qu’il n’y a jamais une journée pareille. »

« Il faut que tu improvises, il faut trouver un moyen pour que ça marche. C’est toujours de même en dessous. Chaque moment si tu n’as jamais fait ça tu improvises, tu mets des élingues. Il y a des charges qui sont moins fréquentes à soulever, il faut que tu trouves un moyen de le lever pour le mettre dans ton truck et de l’attacher. »

« La personne qui va s’en venir, comme partout ailleurs je pense, il faut qu’il soit fonceur tout en ayant une tête qui dit « oh, attends un peu, avant de faire ça, est-ce qu’il peut y avoir un danger pour moi? ». C’est pas mal ça. Parce que la personne qui ne sera pas fonceur, il se met quasiment en danger. Parce qu’il n’ose pas, il n’ose pas assez il crée un autre problème. (…) Débrouillard, ça ça va ouvrir une porte beaucoup plus grande. » (cadre)

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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7.1.2.9 Finalisation de la journée

Les préposés doivent emprunter la cage à l’heure prévue. Ils doivent donc clore leur journée et retourner le camion au stationnement à temps. Souvent ils iront compléter leurs notes à la salle de refuge avant de se présenter aux abords du puits pour y attendre la cage. Arrivés à la surface, ils déposent leurs équipements (casque, lampe) et retirent leur badge du tableau qu’ils remettent à leur contremaître avec les documents remplis (notes pour le préposé du quart suivant, fiche d’inspection, carte de travail).

7.1.3 Les défis et difficultés rencontrés par les nouveaux préposés au camion de service

Le nouveau travailleur qui intègre pour la première fois un poste dans le secteur minier se verra confronté à des apprentissages multiples, notamment :

comprendre le domaine minier et les opérations;

s’intégrer au collectif de travail;

se repérer dans la mine;

manœuvrer le camion à la noirceur dans les galeries, à travers les gros équipements;

réaliser le gréage et se servir de l’équipement de levage pour manutentionner des charges diverses dans des environnements variés;

planifier et prioriser les besoins en matériel pour différents postes dont en grande partie pour celui de boulonneur;

planifier, réorganiser les priorités selon des demandes ad hoc et les imprévus;

apprendre et appliquer les normes et procédures;

inspecter et entretenir le camion de service.

Enfin, lors du travail aux niveaux inférieurs de la mine, le préposé devra s’acclimater à la chaleur.

Les nouveaux travailleurs commencent selon un horaire de travail régulier. Un cadre mentionne qu’il n’est pas toujours possible de donner toutes les formations à l’employé avant son entrée en poste; il peut y avoir un retard de un ou de quelques mois. Mais, donner une formation en rafale, dans une courte période de temps (bourrage de crâne) n’est pas non plus considéré comme la meilleure des solutions. La voie à privilégier, selon ce cadre, serait de donner le temps à l’apprenant d’assimiler graduellement chaque formation, en autant que ce processus ne soit pas trop long; l’employé n’étant pas autorisé à entrer en fonction sans les formations requises.

7.1.3.1 Les difficultés durant la formation à la tâche

Les principales difficultés rencontrées par les nouveaux travailleurs durant la formation à la tâche peuvent se résumer ainsi :

intégrer beaucoup d’informations en peu de temps;

reconnaître le matériel, apprendre la terminologie;

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60 Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

se déplacer et se repérer dans la mine, opérer le camion dans le trafic;

opérer la flèche.

Le nouveau travailleur fait donc face à beaucoup de nouveautés et doit pouvoir utiliser rapidement les informations pour devenir fonctionnel : les procédures, le nom et les dimensions du matériel, la localisation des dépôts, …

Il doit aussi développer une bonne représentation spatiale de la mine. Conduire le camion de service dans la circulation implique non seulement de faire fonctionner le camion, de savoir le manœuvrer en marche avant et en marche arrière avec sa direction articulée au centre, de connaître ses dimensions, mais de savoir aussi où se trouvent la baie de rencontre la plus proche pour laisser la place à un autre véhicule si nécessaire et de connaître les protocoles de communication (radio, phares, klaxon, priorités de véhicules). Il faut se déplacer efficacement et sécuritairement et ne pas nuire aux autres véhicules. D’après nos observations et l’estimé d’un préposé expérimenté, environ 75 % du temps est consacré aux déplacements. Ceux-ci constituent donc une part importante de l’apprentissage au poste.

Finalement, l’opération de la flèche oblige, dans un premier temps, à mémoriser les fonctions des quatre leviers de contrôle. Il faudra ensuite développer la dextérité, l’évaluation des distances et l’habileté de combiner les actions pour positionner la flèche à l’endroit voulu.

Comment ces points sont-ils abordés dans le cheminement du nouveau travailleur ?

La formation modulaire permet entre autres une initiation aux activités et à la terminologie minières. La mine organise dans les entrepôts et les dépôts l’identification du matériel; certains éléments sont identifiés par code de couleur. Le préposé peut aussi avoir accès aux plans de la mine s’il en fait la demande au superviseur. On retrouve des inscriptions sur les murs pour indiquer les niveaux bien que cette information soit parfois déficiente. Durant la formation à la tâche, certains compagnons conseillent au nouveau travailleur de « prendre des photos dans sa tête » pour l’inciter à remarquer les particularités des différents niveaux.

Les procédures sont enseignées durant l’accueil et durant la formation à la tâche, mais parfois hors contexte (lecture dans la salle de refuge par exemple).

Durant la période de familiarisation (voir section 6.3.2.1) qui peut être plus ou moins longue, les nouveaux travailleurs sont initiés à la configuration de la mine en accompagnant un autre employé. Ceux qui ont déjà été étudiants dans la mine ou ont occupé un autre poste avant, tel le nettoyage des refuges, détiennent au départ une base connaissances du domaine minier et de la configuration. Durant la formation à la tâche, certains compagnons avisent les autres mineurs de la présence d’un nouveau travailleur et leur recommandent d’être compréhensifs à son égard. L’attention, la compréhension et l’aide du collectif seraient très appréciés des apprenants.

L’apprentissage de la conduite et de l’utilisation de la flèche se fait de façon progressive durant la formation à la tâche.

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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7.1.3.2 Les difficultés lors du début seul au poste – La transition

Une fois la formation à la tâche terminée, le nouveau préposé doit faire seul ce qu’il était habitué de faire à deux et il doit être opérationnel.

Les principaux défis ou difficultés rencontrés durant cette transition sont :

opérer dans des espaces restreints, manutentionner des charges particulières;

développer ses propres méthodes de travail pour être efficace;

planifier et replanifier pour gagner du temps;

faire face, pour certains, au stress et à la pression de la production.

Le premier point est relatif à des situations abordées durant la formation à la tâche et pour lesquelles le nouveau préposé n’a pu s’exercer suffisamment pour être à l’aise, ou encore relatif à des situations qui n’ont pu être couvertes durant la formation à la tâche.

La variabilité

« Ici, le service c’est tellement gros qu’une formation de 6 mois t’en n’aurait pas assez. »

« Durant la formation on check surtout le principal sur les pads, apprendre à nous élinguer, mettre les attaches. À part ça, les autres stocks pas vraiment, ça arrive jamais quasiment. (Les pneus) ça arrive souvent mais je n’ai pas eu à le faire dans ma formation. »

Le second point a trait à la fois au développement de façons de faire pour traiter un problème de manutention et à la découverte de façons d’utiliser la flèche pour réaliser les manutentions dans des situations particulières, en recherchant l’efficacité. Ce point et les deux derniers touchent aux aspects de la production. Un des défis pour les nouveaux travailleurs est d’apprendre comment fonctionne globalement le service pour perdre le moins de temps possible. On nous cite le cas d’un employé qui était capable d’opérer le camion tout en étant incapable d’effectuer le travail attendu parce qu’il avait du mal à optimiser ses déplacements. Or, la feuille de route de formation est exempte de points spécifiques portant sur la planification. Jusqu’à quel point considère-t-on la planification comme un élément important à intégrer à la formation à la tâche? Les nouveaux travailleurs ont-ils l’opportunité de prendre en charge la planification durant leur formation ?

La planification

« Ça demande quand même une certaine logistique pour les gens qui sont sur le service, on leur demande de planifier le matériel à amener dans différents entrepôts, c’est lui qui gère un peu ces entrepôts-là. C’est à eux de gérer les besoins. C’est eux qui font les commandes de matériel, ils font les inventaires (treillis, boulons). Certains ont plus de mal à planifier ça. »

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Alors que les cadres et les préposés expérimentés disent qu’il ne faut pas exercer de pression pour réaliser le travail, les nouveaux préposés, eux, affirment ressentir une pression ou un stress dans l’accomplissement des tâches qui leur sont confiées. La perspective que les boulonneurs puissent manquer de matériel, ce qui retarderait la production voire nuirait à leur bonus, est une source de stress. Autre exemple, un nouveau préposé a travaillé pendant plusieurs semaines en l’absence d’un employé sur le quart de relève; cette situation générait chez lui un stress compte tenu qu’il tentait de palier le travail non accompli en cette absence. Les longs déplacements et le fait que tout doit être bouclé pour parvenir à la cage à l’heure sont probablement aussi cause de cette pression.

Les nouveaux travailleurs et la pression de rendement

« Faut pas que tu te mettes de la pression. Moi je trouve que c’est comme ça que les accidents arrivent. Puis dans la réalité, t’es pas vraiment pressé. T’as 10h à faire et tu fais ce que tu peux. Et ça dépend comment ça va aussi. Tu peux arriver sur un pad, et t’es chargé, il y a une boulonneuse de brisée sur le pad. Tu pourras pas travailler pareil. Ça sert à rien de courir tant qu’à moi. » (expérimenté)

« Prendre le temps, c’est le gros défi qu’on a avec les nouveaux ». (expérimenté)

« Le monde me dit : ne te presse pas, tu es payé à l’heure. Si lui (boulonneur) perd son bonus à cause de moi, je vais me le faire dire tu comprends? (…) S’ils manquent de quoi, qu’ils ne peuvent plus driller, c’est un peu la faute du gars de service. C’est pas de sa faute mais c’est de même que la mentalité est faite. »

« Mais il y a de la pression tout le temps car souvent il faut que tu ais terminé ça en temps »

« Des fois je n’ai pas le temps de dîner, ça arrive souvent. »

Devant les difficultés rencontrées, le préposé peut se poser la question : Faire preuve de débrouillardise tel qu’il est souvent attendu ou faire appel aux collègues prêts à aider mais non facilement disponibles ?

L’accréditation est une étape qui semble causer certaines inquiétudes aux nouveaux. Un cadre mentionne qu’il est préférable de laisser un nouvel employé travailler seul un certain temps avant de procéder à l’accréditation, le temps que le préposé constate qu’il est capable d’accomplir le travail seul. De plus, la présence du formateur peut être perçue négativement, comme une police qui pourrait leur taper sur les doigts et qui peut les faire échouer.

7.1.4 Le temps pour être à l’aise au poste et le recrutement des compagnons

Selon les données d’entretien, s’il faut un mois au nouveau travailleur pour bien maîtriser le contrôle de la flèche, trois mois lui seraient nécessaires pour être à l’aise avec l’ensemble des fonctions du poste.

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Considérant qu’un préposé ne reste en poste que de six mois à un an et qu’il lui faut trois mois pour être à l’aise en poste, lorsque les compagnons sont recrutés dans le bassin de préposés ils comptent une expérience modérée pour former les nouveaux travailleurs. Il y a conséquemment un risque de perte d’expertise.

Pour faire face aux besoins de formation et au manque de compagnons qualifiés, l’entreprise déploie des stratégies complémentaires. D’une part, une entente particulière (compensant les bénéfices perdus à ne pas progresser immédiatement sur un autre poste) a été convenue avec un compagnon pour le maintenir au poste un peu plus longtemps pour former des nouveaux préposés. D’autre part, lors de périodes de recrutement de plusieurs nouveaux travailleurs, des préposés ne portant pas le statut de compagnon montrent le métier aux recrues. Après une période correspondant à peu près au nombre d’heures habituelles de formation à la tâche, le compagnon qualifié passe une semaine avec le nouveau travailleur afin de compléter la formation et de procéder à l’accréditation.

7.2 Opérateur d’équipements miniers

7.2.1 Le statut du poste et les conditions de travail

L’employé engagé à titre d’opérateur d’équipement minier est d’abord formé sur le camion à benne pour transporter le matériel du lieu d’extraction à un lieu de déchargement variant en fonction du type de cargaison. L’opérateur d’équipement minier est aussi amené à travailler sur d’autres équipements tels que le camion de service (faire le plein d’essence, amener de l’eau et du lave-glace, etc.), le camion à eau (remplir la citerne, circuler sur les routes principales en arrosant) ou le camion à sel (étendre du sel sur les routes et aux endroits verglacés). Enfin, il peut aussi être appelé comme journalier.

La rémunération à ce poste est un salaire horaire auquel s’ajoutent une prime d’équipe (selon le quart travaillé) et une prime du dimanche. Les opérateurs d’équipements miniers sont répartis en cinq équipes se relayant pour couvrir les trois quarts de travail durant la semaine et les deux quarts de fin de semaine et effectuent une rotation entre le travail de jour et de nuit. Le calendrier de travail est composé de cinq blocs récurrents alternants plusieurs jours travaillés et plusieurs jours de congé (a jours travaillés, a jours de congé, b jours travaillés, c jours de congé, d jours travaillés). Le nombre d’heures travaillées, par quart, est de 8 heures les jours de semaine, et de 12 heures la fin de semaine.

La mine est en production 24 h/24. Une procédure appelée « hot-change » a été instaurée pour assurer la relève immédiate des opérateurs sur les équipements miniers afin de ne pas interrompre la production. L’équipe qui termine son quart de travail est aussitôt relevée par l’autre équipe et les temps de pause sont divisés au sein de l’équipe afin de maintenir les camions et les chargeuses en opération. Par exemple, pendant les repas des opérateurs de camions, les opérateurs suivant une formation sur d’autres équipements sont assignés à un camion. Le tableau 10 résume le statut et les conditions à ce poste.

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Tableau 10. Statut et conditions de travail au poste d’opérateur d’équipement minier affecté au camion à benne (mine-A)

Statut Poste d’entrée Poste permettant de se familiariser avec le groupe d’opérateurs d’équipements miniers (chargeuse, chargeuse-pelleteuse, niveleuse, etc.). Employé de la mine Poste amenant l’employé à travailler sur d’autres équipements (camion de service, camion à eau, camion à sel).

Rémunération Salaire horaire Prime d’équipe (selon le quart travaillé)

Horaire L’horaire amène périodiquement le mineur à travailler la fin de semaine. Alternance des périodes travaillées de jour et de nuit 8 heures par jour pendant la semaine/ 12 heures par jour pendant la fin de semaine Le temps supplémentaire s’effectue lors des journées de congé ou après le quart travaillé.

7.2.2 Une journée de travail type

À chaque début de quart de travail, les opérateurs d’équipement minier se réunissent avec leurs superviseurs puis sont reconduits à leur camion. Ils vérifient leur équipement puis commencent leur cycle de chargement-déchargement. Certains facteurs peuvent perturber ce cycle comme la prise des repas, un bris matériel ou un changement de lieu de chargement. Les opérateurs peuvent aussi être amenés à effectuer d’autres tâches en plus, ou à la place de leur cycle. La figure 5 schématise les étapes de la journée type d’un opérateur. Le détail de ces étapes est décrit dans les paragraphes suivants.

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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Figure 5 : Représentation schématique du travail de l’opérateur d’équipement minier – opérateur de camion à benne

7.2.2.1 La rencontre de début de quart et l’attribution des équipements

Lors de la rencontre d’équipe en début de quart, les deux superviseurs présentent les différentes tâches à effectuer et indiquent les équipements disponibles. Par ordre d’ancienneté et en fonction des formations complétées les opérateurs choisissent l’équipement sur lequel ils veulent travailler. Selon les des équipements restant, le nouvel employé sera affecté au camion à benne, au camion à eau, au camion de service ou assigné comme journalier. Dans le cas exposé ici, l’opérateur travaille à la production au poste de camion à benne.

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S’adapter à des postes de conduite différents 

Observation 1. Il existe deux types de camion à benne, l’un étant plus récent que l’autre. Ils se distinguent notamment par la disposition de la cabine et de certains équipements. S’ensuivent des différences au plan du travail.

- Les points de repère visuels ne sont pas similaires d’un camion à l’autre : positionnement du siège à droite vs à gauche dans la cabine (figure 6); taille et orientation des miroirs (« dans les deux miroirs tu ne vois pas le même angle »); caméra de recul présente uniquement sur les nouveaux camions; vitres de plus grandes dimensions sur les camions plus récents.

Figure 6 : Vieux camion (à gauche) vs nouveau camion (à droite) - Les commandes ne sont pas toutes situées à la même place et leur manipulation est

différente. Sur les nouveaux camions, par exemple, la commande pour la benne est à droite du conducteur, près de l’appui-bras, alors que sur les anciens, elle est placée à gauche, comme un frein à main, et est, de plus, difficile à actionner.

- La cabine des nouveaux camions est mieux insonorisée.

Il est important de souligner la différence entre les équipements parce que si l’apprentissage s’effectue sur l’un des camions, les habiletés développées devront forcément être adaptées, lorsque exigé, à la conduite des autres types de camion.

7.2.2.2 L’inspection et l’entretien du camion

La répartition des équipements terminée, les superviseurs emmènent en camionnette les opérateurs sur la mine où se trouvent leurs équipements. Pour des raisons de sécurité et pour garantir l’immobilité du camion, le travailleur doit d’abord s’assurer, visuellement, qu’il n’y ait plus personne dans la cabine. Il procédera, ensuite, à l’inspection de début de quart, en suivant la liste de vérification soit 1) l’extérieur du véhicule comme les boulons des roues, la présence des cales, etc., 2) l’intérieur comme les voyants lumineux, la propreté de la cabine et 3) le fonctionnement comme les freins. Une fois l’inspection terminée et la liste de vérification

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remplie, il démarre et se dirige vers la chargeuse qui lui a été affectée par son superviseur. Les opérateurs peuvent malgré tout rencontrer des problèmes mécaniques au cours du quart de travail et devoir ramener leur camion au garage pour s’en procurer un autre, manœuvre délicate pour les nouveaux opérateurs telle qu’en témoigne l’observation 2.

L’entraide dans des opérations de manœuvre complexe 

Observation 2.  Un opérateur ayant un problème avec son camion appelle un mécanicien. Celui-ci va sur la mine constater l’état du camion et demande alors à l’opérateur de conduire le camion au garage. Des travaux sont en cours autour du garage et l’accès y est difficile. De plus, de nombreux ouvriers se déplacent autour des travaux, ce qui exige une très grande vigilance de la part de l’opérateur. Il stationne le camion à l’extérieur mais doit récupérer, en remplacement, un camion stationné dans le garage. À noter qu’en raison de leur largeur, les nouveaux camions ne peuvent rentrer dans le garage sans avoir préalablement rabattu leurs miroirs. L’opérateur s’assure d’avoir l’accord du mécanicien puis effectue les vérifications de règle. Il remplit la liste de vérification avant de prendre possession du camion. Pour des raisons de sécurité, il doit être guidé par deux personnes pour sortir du garage. L’opérateur doit attendre le retour des mécaniciens, occupés en réunion, pour procéder. Il part ensuite en direction de la mine : il repasse au niveau des travaux et se fait aider par les personnes présentes pour passer le virage, encombré par les équipements du chantier. Certains sont obligés de déplacer des barrières pour qu’il puisse passer. Les manœuvres à réaliser sont délicates d’autant plus que l’opérateur observé n’a qu’une semaine d’ancienneté. Observation 3. Lorsque les opérateurs doivent aller au poste d’essence, ils ne doivent suivre, pour se stationner, que les consignes du journalier. Celui-ci veille au bon positionnement du camion, d’une part pour ne pas accrocher le poste d’essence ou les équipements l’environnant et d’autre part, pour aligner la trappe à carburant du camion face à la pompe. S’il fait nuit, l’opérateur éteint ses phares en arrivant au poste pour éviter d’éblouir le journalier. Certains opérateurs affirment qu’il faut : « avoir une confiance aveugle envers le gars de service lors de cette manœuvre ».

7.2.2.3 L’attente et le chargement

Lorsque d’autres camions attendent leur chargement, l’opérateur se met en file d’attente et stationne 50 mètres en arrière, légèrement décalé vers la gauche pour que le chauffeur de devant puisse le voir dans son miroir. Lorsqu’il devient premier de la file, il doit attendre que la chargeuse soit immobile, godet en l’air (souvent appelé « bucket »), pour s’avancer (figure 7-1). À ce signal, il se place parallèlement à la chargeuse (figure 7-2 et 7-3) et généralement du côté gauche de celle-ci. Ensuite, il recule (figure 7-4) pour se placer perpendiculairement de façon à aligner sa benne sous le godet (figure 7-5 et 7-6).

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6 5 4

3 2 1

Figure 7 : Étapes de positionnement au chargement. 1) avancer vers la chargeuse; 2) et 3) se placer parallèlement à la chargeuse; 4) amorcer la manœuvre de recul; 5) reculer en tournant et en

s’assurant d’être à bonne distance de la chargeuse; 6) aligner la boîte sous le godet.

Des trucs de métier à acquérir et à développer pour bien se positionner 

Observations 4. L’enlignement du camion sous le godet est complexe en raison du gabarit et des nombreux angles morts des véhicules. Les opérateurs développent par conséquent des trucs de métier, des points de repère permettant d’effectuer la manœuvre de façon sécuritaire et efficace. Ces trucs sont transmis par les compagnons aux nouveaux opérateurs qui développeront à leur tour leurs propres points de repère, avec la pratique. Environ 50 trucs de métier ont été recueillis lors des observations, dont 16 relatifs au chargement, par exemple : → étape 1 : « Tu dois toujours faire ton approche par en avant de lui pour qu’il te voie. On va

de face autant que possible si l’espace le permet » → étape 5 : « Pour reculer au loader, on m’avait dit que si on voyait le pneu avant gauche du

loader dans mon miroir, je suis correct dans ma distance » → étape 6 : « Sous le bucket du loader, tu as des rectangles autour, il faut qu’ils soient

parallèles à ta boîte »

Observation 5. Les nouveaux opérateurs rapportent des difficultés à se positionner pour le chargement lors du quart de nuit à cause de l’éblouissement causé par les lumières extérieures (figure 8).

Figure 8 : Éblouissement des lumières pendant le positionnement au chargement

L’opérateur de chargeuse déverse de trois à cinq godets dans la boîte du camion et indique, à la fin du chargement, par un coup de klaxon s’il s’agit de minerai ou par deux ou trois coups s’il s’agit du stérile (souvent appelé « waste »).

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7.2.2.4 Les déplacements

Une fois la boîte chargée, l’opérateur communique par la radio avec son superviseur et lui transmet deux types d’information : premièrement le numéro du camion, par exemple 10, et deuxièmement le matériau chargé. Ainsi, l’opérateur peut dire « 10 minerai » ou « 10 waste ». Le déchargement du minerai se fait au concasseur (communément appelé « crusher »), alors que le stérile est déversé sur une des haldes pour stérile. Le superviseur répondra en fonction du message de l’opérateur et précisera le lieu de dépôt, par exemple le concasseur ou le nom de la halde de stérile. L’opérateur doit obligatoirement attendre la confirmation du lieu de dépôt par son superviseur avant de décharger son camion et donc le relancer, s’il n’obtient pas de réponse.

Les difficultés de communication par radio 

Observation 6. Sur le quart de jour, la radio est très achalandée. Les sous-traitants embauchés pour des travaux spécialisés utilisent la même fréquence et le personnel de la mine est plus nombreux que sur les deux autres quarts de travail. Ainsi, il est parfois difficile pour un opérateur de placer son message, d’autant plus qu’une des règles est de ne jamais couper une conversation.

La radio est utilisée par les opérateurs lors des situations suivantes : – indiquer aux superviseurs la fin de chargement; – indiquer aux collègues son intention de dépassement; – indiquer aux superviseurs la fin de déchargement; – autres (remarques sur l’état de la route, remarques à un collègue sur l’état de

l’équipement,…).

Le site comprend plusieurs chemins menant aux lieux d’extraction, de déchargement, aux bâtiments administratifs, aux garages, etc. Malgré la visite du site lors de l’accueil à la mine et le jumelage avec le compagnon, le nouveau travailleur peut trouver difficile, au début, de retenir le chemin pour se rendre à un point X de la mine et de retenir le nom des différents lieux. De plus, il est très probable que pendant la formation à la tâche, l’ensemble des lieux d’extraction et de déchargement n’aient pas été utilisés. L’opérateur qui manque d’information ou qui se perd sur le site demandera alors conseil par la radio au superviseur ou à un de ses collègues.

L’aide du collectif pour se repérer dans la mine 

Observation 7. La radio permet également des échanges d’informations entre travailleurs expérimentés et les nouveaux, tel qu’exprimés dans la situation ci-dessous. Un opérateur nouvellement entré dans l’entreprise doit aller décharger son camion, cependant il n’est plus sûr de savoir se rendre au lieu indiqué par le superviseur. Il aperçoit un de ses collègues qui descend le chemin en face de lui, il l’appelle par la radio:

Nouveau : « Camion 11 es-tu à l’écoute ? Camion 11 ?» Expérimenté : « Oui » Nouveau : « Je vais-tu dumper ça en haut de la waste ? » Expérimenté : « Oui tu montes en haut. Le tracteur est en haut. » Nouveau : « Je vais le suivre en haut, d’habitude on venait dumper ici, mais là c’est un peu partout ici… »

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L’opérateur conduit son camion jusqu’à la zone de dépôt. Un sens de conduite est déterminé pour les déplacements dans la mine : les gros équipements roulent dans le sens des aiguilles d’une montre afin de limiter le nombre de croisements. Cependant, les camionnettes, le camion à eau, ou autres roulent dans un sens ou l’autre sans distinction. La circulation se fait du côté droit de la chaussée. Dans ce cas-là, les opérateurs doivent s’approprier la largeur du camion et apprendre à se positionner sur la chaussée. Un parapet permet de sécuriser le bord de la route du côté de la fosse. Lorsque l’opérateur circule sur la rampe et que le parapet se situe sur sa droite, il utilise des points de repère sur le camion pour se placer à bonne distance du parapet et éviter ainsi un risque de chute. La conduite doit aussi être adaptée à l’état de la chaussée, à la visibilité qui varie d’un quart à l’autre et en fonction de la poussière sur la voie. Notons que la fosse n’est pas éclairée la nuit; les seules sources de lumières sont celles des équipements miniers en opération. Les opérateurs identifient la tombée de la nuit comme une période critique pour la visibilité puisque la lumière du jour faiblit et les lumières des équipements miniers n’éclairent pas suffisamment. De même, lorsque la nuit est tombée, la poussière soulevée au passage des véhicules et par le vent crée un « nuage » devant les phares et gêne la visibilité.

Adapter sa conduite selon l’état de la chaussée, le climat, la luminosité, etc.

Vingt-et-un trucs de métier, spécifiques aux déplacements, ont été recueillis pendant les observations. En voici quelques exemples :

Observation 8. Un opérateur expliquant les repères utilisés pour positionner son camion sur la chaussée lors des déplacements : « je me fie à mon coin de vitre et le stoppeur pour voir mes distances du côté droit. De soir tu ne peux pas faire ça, tu ne vois pas »

Observation 9. « C’est sûr que tu ralentis quand il pleut. Le sol devient « bouetteux » et c’est comme de la glace ». Observation 10. Un opérateur expliquant les particularités de la conduite de nuit : « Là, tu vois il y a plein de lumières qui reflètent dans la vitre. On ne voit absolument rien. Ça joue vraiment sur la vision. Il faut faire attention, car des fois, tu ne sais pas si c’est un véhicule. Quand tu arrives à une intersection, il faut vraiment être prudent, car tu ne sais pas si c’est un autre camion… tu vois il fait plus noir là, ma vision s’améliore »

Lors des déplacements dans la mine, l’opérateur doit apprendre à interagir avec les autres sur la route soit pour signifier sa présence, informer de son intention de dépasser, protéger ses angles morts, informer un collègue d’un bris détecté en suivant un autre camion, éviter d’éblouir une autre opérateurs, etc.

Interagir avec les autres sur la route 

Observation 11. Pour tenter de limiter les problèmes de visibilité la nuit, les opérateurs roulent avec les feux de croisement (basse intensité), jamais avec les feux de route (haute intensité). Ils éteignent également leur phare en arrivant au loader pour ne pas éblouir les autres opérateurs.

Observation 12. Un opérateur part du poste d’essence et s’apprête à s’arrêter à l’arrêt pour

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retourner sur la route principale. Un autre opérateur monte sur le chemin principal et s’apprête à tourner vers le poste d’essence. Ces deux routes sont parallèles; la route principale est en contrebas et monte. Les deux opérateurs ne se sont aperçus que lorsqu’ils se sont retrouvés presque face à face. Les angles morts, pouvant être causés par la configuration de la route, la différence de dénivellation, la présence des remblais, la vitesse de déplacement et la cabine du camion, les empêchaient de se voir plus précocement. 

La formation théorique accorde une part importante au fonctionnement du camion et à ses systèmes de freinage. Au-delà de la technologie existante, les opérateurs doivent apprendre à anticiper la réaction du camion dans différents contextes pour éviter d’avoir à les utiliser.

Apprendre à protéger l’état de son camion 

Observation 13. À l’approche d’une descente, un opérateur décide de changer de vitesse manuellement car il trouve sa vitesse trop élevée.

Observations 14. Un opérateur expérimenté explique comment préserver l’état des freins lors des descentes en 3e vitesse « Là le témoin indique que mon retarder20 automatique est embarqué. Là je touche à aucune pédale et il n’ira pas plus vite que ça. Sinon, si tu n’as pas ça tu brûles les breaks, ça peut être dangereux, tu peux ne plus en avoir »

7.2.2.5 Le déchargement

Lorsque le camion est chargé en minerai, le conducteur le vide au concasseur où il sera broyé et, après plusieurs étapes, transféré dans des wagons. Il arrive que le concasseur soit fermé pour diverses raisons. Dans ce cas, une lumière rouge est allumée. Le travailleur doit alors communiquer avec le superviseur pour obtenir l’autorisation de déverser son chargement dans la réserve située à proximité du concasseur. Lorsque celui-ci redevient opérationnel, un opérateur de chargeuse doit déplacer le minerai entreposé dans la réserve vers le concasseur.

La figure 9 présente les différentes étapes du déchargement au concasseur : (1) approcher et s’assurer que le feu vert d’autorisation soit allumé – (2) avancer jusqu’à la hauteur de la lumière et tourner à gauche – (3) se positionner perpendiculairement au concasseur- (4) reculer en regardant dans les miroirs, surtout à gauche- (5) s’aligner dans l’entrée du concasseur et venir accoter les deux roues arrière à la butée- (6) lever la boîte.

20 Le « retarder », en français ralentisseur, est un frein complémentaire installé sur l'un des organes de la

transmission, permettant au conducteur de stabiliser ou de réduire la vitesse d'un véhicule, mais non de l'arrêter. (Grand dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française).

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Figure 9 : Étapes du déchargement au concasseur

D’autres trucs de métier à apprendre pour bien positionner le camion et l’entraide du collectif Cinq trucs de métier propres au déchargement ont été recueillis pendant les observations, dont en voici certains exemples : Observation 15. Étape 2 : (au concasseur) « Quand j’arrive ici vis-à-vis (à peu près à la hauteur de la lumière), hop je me mets à tourner. Ici quand la lumière est rouge on va dumper dans la réserve » Observation 16. Étape 4 et 5 : « Là je recule et je me fie à la barre jaune pour que je sois bien centré. Mon compagnon me l’a dit aussi. Quand je suis accoté, je peux « dumper » Le développement des trucs de métier se poursuit bien au-delà de la période « formelle » d’intégration. Les autres opérateurs de l’équipe jouent alors un rôle important de transmission des savoirs dans une dynamique d’entraide. Observation 17. Un nouvel opérateur, en poste depuis une semaine, arrive au concasseur pour décharger sa benne. Après plusieurs essais, il n’arrive toujours pas à vider son chargement car sa benne est trop lourde. Il demande de l’aide, à la radio. Arrivent alors deux camions qui lui donnent des conseils pour décharger, par communication radio. Ils lui proposent de reculer dans la réserve un peu plus vite qu’à l’habitude, pour se donner un élan, et de freiner sec pour donner un coup au « panel » afin de l’aider à monter. Après deux ou trois tentatives, le nouvel opérateur parvient à décharger à la réserve.

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S’il transporte du stérile, le conducteur doit décharger dans l’une ou l’autre des haldes pour stérile. Le superviseur, en répondant au message initial du travailleur « 10 waste », indiquera le numéro du camion suivi du nom de la halde. Le conducteur roule jusqu’à cette halde et peut alors se retrouver devant deux choix de déchargement.

Le premier est un déchargement libre, illustré à la figure 10: (1) arriver sur la halde - (2) se placer face au parapet - (3) s’aligner parallèlement au bord - (4) bifurquer vers la droite pour se placer de manière perpendiculaire au bord - (5) reculer perpendiculairement au parapet – (6) vider la boîte.

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3 2 1

Figure 10 : Déchargement du stérile sans tracteur

Le second est un déchargement en présence d’un bouteur (bulldozer). L’opérateur de bouteur est responsable de l’état de la plate-forme de la halde et des lieux de dépôt. Le bouteur se stationne de manière perpendiculaire au parapet en marche avant. Le camion arrive perpendiculairement vis-à-vis l’arrière du tracteur (fenêtre conducteur du côté du bouteur) pour ensuite reculer parallèlement à lui. L’opérateur du bouteur donne un coup de klaxon ou fait des appels de phare la nuit quand le camion est assez reculé. Puis la boîte est déchargée.

L’opérateur ne signale pas son déchargement de stérile au superviseur puisqu’il est comptabilisé par le superviseur dès l’annonce de chargement. Après le déchargement au concasseur ou à la réserve, l’opérateur avise de nouveau le superviseur par la radio « 10 déchargé ». Lorsque le superviseur lui répond simplement « ok 10 », l’opérateur retourne alors vers la même chargeuse. Le superviseur peut aussi donner d’autres indications comme de changer de lieu de chargement ou d’aller mettre de l’essence.

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7.2.3 Les défis et difficultés rencontrés par les opérateurs sur les camions à benne

7.2.3.1 Les difficultés pendant la formation sur le camion

Les principales difficultés que rencontrent les nouveaux opérateurs lors de la formation sur le camion à benne se rapportent au gabarit du camion et aux manœuvres lors du chargement et du déchargement.

L’appropriation du gabarit du camion est essentielle afin de pouvoir se déplacer dans la mine en toute sécurité et pour réussir les manœuvres de positionnement au chargement et au déchargement. Le bon positionnement du camion lors des déplacements sur les chemins se fait grâce à des points de repère permettant d’estimer la distance du côté droit du camion par rapport au bord de la chaussée. Ceci est plus délicat lorsque l’opérateur circule du côté de la fosse et croise d’autres véhicules (présents surtout de jour).

Les manœuvres de positionnement du camion au chargement et au déchargement exigent aussi de positionner le camion dans l’espace et supposent de surcroît des manœuvres en marche arrière. Les nombreux angles morts rendent nécessaire l’utilisation des miroirs, combinée à des points de repère. Des trucs de métier sont transmis par les compagnons comme l’alignement avec la roue avant gauche de la chargeuse, le positionnement de la boîte sous les triangles noirs présents sous le godet, la sensation que les deux roues touchent en même temps au concasseur, etc. C’est en répétant ces manœuvres plus ou moins à chaque cycle que les opérateurs finissent par en développer la maîtrise.

7.2.3.2 Les difficultés du début seul au poste

Lorsque l’opérateur de camion a complété sa formation au poste, il est souvent intégré dans une équipe travaillant de soir ou de nuit. Bien que le travail reste sensiblement le même, d’un quart de travail à l’autre, les opérateurs de camions à benne, doivent alors composer avec une luminosité variable et apprendre à conduire dans la noirceur. Ceci implique de développer de nouveaux repères pour réussir à bien positionner son camion dans l’espace et à composer avec les sources d’éblouissement. Plusieurs nouveaux opérateurs ont rapporté des difficultés lors de ce passage.

De plus, pendant la formation sur le camion, le nouveau travailleur a l’occasion de découvrir la mine et ses différents lieux de chargement et de déchargement. Cependant, la maîtrise de la cartographie de la mine peut prendre plus de temps que la période dédiée à la formation et constitue une difficulté rapportée par les nouveaux employés lors du début seul au poste.

Comme l’opérateur se retrouve seul dans son camion pendant son quart de travail, l’unique moyen mis à sa disposition pour s’informer ou poser des questions aux superviseurs ou à ses collègues est la radio. Or, les communications par radio sont délicates pour deux raisons. Premièrement, les communications échangées sont diffusées à l’ensemble du personnel de la mine et le nouveau travailleur peut être gêné de poser une question qui sera entendue par tous. D’autre part, dû à l’important achalandage des ondes, les échanges doivent être les plus courts possible. Les nouveaux opérateurs rapportent donc qu’il est parfois difficile, en cours

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d’opération, d’avoir réponse à certaines de leurs questions. Dans ce contexte, la rencontre de début de quart, le repas du midi et le transport collectif de fin de journée deviennent des lieux où certains trucs de métier sont susceptibles de se transmettre.

Enfin, la maîtrise du camion dans différentes conditions climatiques est une autre difficulté rapportée par les nouveaux opérateurs. En effet, le nouveau travailleur n’aura souvent pas expérimenté les différentes conditions climatiques lors de sa formation au poste. Par exemple, la pluie transforme les chemins de terre en boue, les rendant parfois aussi glissants qu’un chemin de glace. Ainsi dans ces conditions, il est nécessaire d’adapter la vitesse et le freinage puisque le blocage des roues peut entraîner le dérapage et la perte de contrôle. L’équipe de travail joue ici un rôle important en transmettant par radio des avertissements sur les secteurs de la mine particulièrement glissants. Le site minier prévoit aussi, dans la mesure du possible, de courtes formations complémentaires lorsque les premières neiges arrivent.

7.2.3.3 Les difficultés du métier de conducteur de camion à benne

La gestion de la fatigue reste une difficulté rapportée par les opérateurs de camion plus expérimentés, surtout sur les quarts de soir et de nuit ou lorsqu’ils acceptent de faire du temps supplémentaire (après une journée de travail ou lors de leur jour de congé). La baisse de vigilance entraînée par la fatigue peut engendrer des risques pour l’opérateur ou ses collègues de travail. Les superviseurs, conscients de cette difficulté, autorisent des courtes périodes de repos soit pour faire une courte sieste dans le camion ou pour se dégourdir les jambes. On leur demande aussi d’être vigilants à ce niveau et de tenter de détecter les signes de fatigue chez les opérateurs.

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8. ILLUSTRATION DU PROCESSUS D’INTÉGRATION SUR UN POSTE SPÉCIALISÉ

Cette section décrit l’intégration à un poste autre que celui d’entrée dans la mine et traite donc des dispositifs créés pour accompagner un travailleur expérimenté qui s’oriente vers un nouveau poste dans la mine exigeant qu’il développe de nouvelles habiletés. Les observations présentées se focalisent cette fois-ci davantage sur la relation entre le compagnon et l’apprenant dans une situation d’apprentissage afin de faire ressortir les enjeux d’intégration; elles visent aussi à faire connaître le rôle des compagnons, leurs stratégies, leurs responsabilités et les difficultés qu’ils rencontrent.

8.1 La formation à la tâche au poste d’opérateur de boulonneuse

8.1.1 Le statut du poste et les conditions de travail

La mine compte trois sortes de boulonneuses très différentes. Le poste de boulonneur dont il est question ici concerne la sorte de boulonneuse la plus utilisée pour laquelle de nombreux employés sont formés.

Le poste de boulonneur est considéré comme l’un des plus importants puisqu’il permet d’assurer la sécurité de tous les travailleurs sous terre par la pose de support de terrain. Un cadre décrit les attentes à ce poste en termes de qualité du travail, de production et de sécurité :

« Boulonneuse, ça prend un travailleur qui s’applique à son ouvrage, pas qui pose le support de terrain tout croche. Il faut qu’il soit un bon travaillant aussi pour livrer l’ouvrage qu’il y a à faire. Puis qu’il soit sécuritaire aussi, parce que boulonneuse, il y a beaucoup de petits bobos là-dessus. » (cadre)

Tel que mentionné à la section 3, les critères de recrutement au poste de boulonneur sont de type administratif : la sélection se fait généralement parmi les travailleurs occupant un poste de mineur conventionnel et selon l’ancienneté dans la mine. Une personne mentionne toutefois que la mine encourage également l’avancement de ceux qui ont des aptitudes et le désir de progresser même s’il y a parfois des exceptions à ces règles. Il arrive aussi qu’un travailleur d’une agence de location de personnel occupe temporairement ce poste pour pallier des besoins particuliers, par exemple lors de la finalisation de grands travaux. Des employés ayant acquis une expérience de boulonneur dans une autre mine n’accéderont pas directement à ce poste à la mine-B puisqu’ils n’ont pas d’ancienneté.

Il existe deux statuts au poste de boulonneur : boulonneur et boulonneur de relève. Le boulonneur est un travailleur qui occupe ce poste sur une base régulière, quotidienne; le boulonneur de relève est un travailleur dont le poste régulier est généralement celui de mineur conventionnel mais qui est appelé à faire des remplacements à la boulonneuse en l’absence d’un boulonneur régulier pour cause de maladie ou de vacances. Bien qu’on nous dise que plusieurs travailleurs souhaiteraient obtenir une formation pour accéder au poste de boulonneur, voire qu’il y aurait liste d’attente, la situation est différente en ce qui a trait aux boulonneurs de relève : ce poste serait peu convoité. Des cadres soulignent que certaines personnes ont été quelque peu

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contraintes de suivre la formation à la tâche parce qu’il manquait une relève dans certaines équipes.

La rémunération à ce poste se compose d’un salaire de base fixe et d’une prime de rendement. Cette prime dépend notamment de l’atteinte ou non des objectifs d’équipe et du nombre de boulons posés. Un nombre « N » de boulons doit en effet être posé pour avoir droit à la prime complète. Au-delà de ce nombre, la prime demeure inchangée alors qu’en deçà, la prime est établie au prorata de ce que le boulonneur aura pu poser. Par exemple, le boulonneur qui ne peut utiliser sa boulonneuse durant quelques heures en raison d’un bris, recevra néanmoins une part de la prime tenant compte de sa production de la journée. La prime complète permet de doubler la rémunération quotidienne.

Le temps supplémentaire est fréquent pour remplacer des congés, combler un retard avec une boulonneuse en extra ou effectuer des travaux spéciaux. Selon un cadre, les nouveaux boulonneurs font un peu de temps supplémentaire, mais lorsqu’il s’agit de rattraper un retard, on fait surtout appel aux boulonneurs expérimentés. Le temps supplémentaire s’effectue dans une équipe de travail et sur une boulonneuse autre que celle utilisée lors du travail habituel.

Les boulonneurs travaillent 10 heures par jour en alternant des séquences d’horaire de jour et de nuit.

8.1.2 Les grandes étapes du travail

À l’instar du préposé au camion de service, le boulonneur rencontre son superviseur au début de son quart de travail pour recevoir la carte de travail, les plans et devis et les instructions particulières laissées par le quart précédent. Il prend aussi possession d’un sac de trépans. Il pose son badge au tableau puis se rend sur la plate-forme pour attendre la cage qui l’amènera au niveau où se trouve la boulonneuse. Rendu sous terre, il inspecte sa boulonneuse et en fait l’entretien conformément à sa liste d’inspection journalière. Il gagne par la suite le site à boulonner qu’il inspectera, sécurisera et préparera (ex. rubans de sécurité, ventilation, inspection visuelle, écaillage, nettoyage,…) et planifie le travail (ex. réparations à faire, lecture des devis, emplacement de la boulonneuse pour débuter,…). Il procède à l’installation de la boulonneuse (ex. : stabilisateurs, électricité, eau,..) et débute le travail d’installation de support de terrain.

Le superviseur rencontre le boulonneur une ou deux fois par jour pour faire le point sur la situation. Les boulonneurs peuvent manger à la salle de refuge, mais certains dîneraient à leur place de travail. En fin de journée, le boulonneur doit en principe se désinstaller afin de préparer la boulonneuse pour le prochain quart en allant chercher le matériel nécessaire dans les dépôts (notamment : treillis, boulons, plaques d’ancrage, résines); remplir la boulonneuse exige des manutentions manuelles considérées comme pénibles, notamment lorsqu’elles s’effectuent à la chaleur. Le boulonneur va ensuite se garer et emprunter la cage pour remonter à la surface. Il rapporte son sac de trépans qui seront affilés par une compagnie spécialisée et remet son badge et les documents remplis à son superviseur.

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8.1.2.1 Précisions sur le boulonnage

Plusieurs étapes doivent être répétées pour procéder à l’installation des treillis, mais certaines varient en fonction du type de boulons à poser. On pourrait résumer ces étapes comme suit :

Choisir, installer le matériel approprié (l’acier, le trépan, l’adaptateur [dolly] ) et régler la vitesse d’installation des boulons selon le type de boulons à poser;

Placer la flèche en position, placer le treillis de sorte que le trépan soit dans le carreau approprié (selon le devis de boulonnage) et coincer le treillis contre le mur avec le butoir de caoutchouc;

Reculer la plate-forme et se servir des manettes fixes afin de débuter le forage dans une position sécuritaire, la boulonneuse n’ayant ni cabine ni toit. Pendant le forage, préparer le boulon et sa plaque ou, le cas échéant, le tube pour l’insertion des résines. À la fin du forage, retirer la tête de forage en se servant des commandes fixes;

Avancer la plate-forme et faire la rotation du pivot d’alimentation pour placer le boulon et sa plaque (ou d’abord insérer manuellement les résines à l’aide d’un outil à tige à coulisse);

Commander l’insertion du boulon avec la commande à boutons. Tenir compte des spécificités pour la pose de boulons avec résine (temps de durcissement, tension). Commander le retrait de la foreuse d’installation des boulons avec la commande à boutons. Commander la rotation du pivot d’alimentation. La flèche — et la boulonneuse lorsque nécessaire — est ensuite déplacée pour forer et poser le prochain boulon.

8.1.3 L’évolution des préalables pour débuter la formation à la tâche au poste de boulonneur

Les exigences pour postuler à la boulonneuse, dans la mine-B, ont évolué depuis quelques années. L’expérience préalable exigée à titre de mineur conventionnel est passée de trois ans à un an et même moins, au moment de faire l’étude. Autrefois, avant d’aller à la boulonneuse, le mineur devait avoir boulonné manuellement avec le marteau perforateur sur béquille (« jackleg » appelé aussi foreuse pneumatique ou foreuse à béquille) ou la perforatrice ascendante (« stoper » appelé aussi foreuse verticale) sur une plate-forme élévatrice à ciseaux. Il pratiquait ce travail pendant trois ou quatre ans ce qui l’amenait à connaître, en plus de la pose des services (ventilation, eau), le cycle de minage, dont la pose du support de terrain. Cette expérience permettait aussi d’acquérir une bonne connaissance des différents types de terrain. Le travail à titre de mineur conventionnel s’effectuait à deux; ainsi, le nouveau mineur conventionnel apprenait en compagnie d’un mineur expérimenté, et cette présence assurait du même coup sa sécurité.

Plusieurs raisons expliquent la réduction, voire l’abandon, d’exigences se rapportant à la pose manuelle de support de terrain avant d’entreprendre une formation au poste de boulonneur : en premier lieu, le développement de la mine ayant entraîné l’achat de plusieurs boulonneuses et le besoin, de ce fait, de recruter rapidement de nouveaux boulonneurs; en second lieu, l’exposition des travailleurs à des contraintes physiques et aux chutes de roche rendant le travail conventionnel plus à risque; enfin, la non-disponibilité de la plate-forme élévatrice à ciseaux pour la formation de mineur conventionnel.

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Au moment de terminer notre projet de recherche dans l’entreprise, celle-ci venait tout juste de mettre sur pied une nouvelle formation de mineur conventionnel pour pallier le manque d’expérience en support de terrain des futurs candidats à la boulonneuse. Selon un apprenant à la boulonneuse, une centaine d’heures seraient nécessaires pour comprendre les patrons de boulonnage et être quelque peu à l’aise avec les équipements manuels. Un boulonneur expérimenté estime qu’un mineur conventionnel devrait boulonner trois mois (450 heures approx.) et avoir travaillé physiquement, pour comprendre le métier de mineur. Pour occuper le poste de mineur conventionnel, les mineurs doivent avoir suivi les cours de lecture de plans et de contrôle de terrain.

8.1.4 Les préalables et leurs enjeux lors de la formation à la tâche au poste de boulonneur

Les changements apportés aux conditions préalables ont eu des impacts sur la formation à la tâche au poste de boulonneur. Autrefois, selon des compagnons et des cadres, les mineurs conventionnels qui arrivaient au poste de boulonneur maîtrisaient déjà bien les patrons de boulonnage. Leur apprentissage se limitait, par conséquent, à apprendre à utiliser l’équipement. Aujourd’hui, les mineurs qui ne possèdent pas ou peu cette expérience, doivent tout apprendre. De plus, certains apprenants arrivent à la boulonneuse sans avoir pu suivre le cours portant sur la lecture de plans ou le contrôle de terrain. Le compagnon doit alors consacrer du temps à combler cette lacune. La durée de la formation à la tâche est récemment passée de 120 heures à 160 heures, avec possibilité de prolongation si nécessaire, précisément pour tenir compte de ces apprentissages supplémentaires. En revanche, il semble, selon les informations recueillies en entretien, qu’il n’y ait pas eu d’autres adaptations formelles à la formation à la tâche telles que des modifications à la feuille de route.

Des boulonneurs expérimentés et des cadres soulignent que l’expérience s’acquiert au fil du temps et permet de bien évaluer les risques dans différentes situations notamment les conditions de terrain. Mais certains considèrent qu’à la fin de la formation à la tâche, les nouveaux boulonneurs ayant peu de connaissance du support de terrain n’auront toujours pas l’expérience nécessaire pour reconnaître suffisamment les terrains à risque. C’est pourquoi, dans ces conditions, certains travailleurs expérimentés hésitent à être compagnons.

Le cheminement rapide et les préalables insuffisants

« Je fais des farces avec ça mais des fois je dis il y a des jeunes qui paquetaient l’épicerie la semaine dernière et là il est rendu un an plus tard opérateur de boulonneuse à la mine. Entre les deux il y a un moyen gap, il manque d’expérience c’est sûr. C’est juste parce qu’il y a un manque de main-d’œuvre qualifiée. Le temps que ça prend pour devenir pas pire c’est une couple d’années, eux-autres ont une couple de mois ».

« Généralement, quand on les renvoie en formation, c’est parce qu’ils n’ont pas bien compris le support de terrain. Ils ont mis les mauvais boulons, ils ne lisent pas leur plan, c’est affaires-là ».

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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8.1.5 La planification des formations à la tâche

La formation à la tâche exige de la planification de la part du compagnon et du superviseur afin de couvrir l’ensemble des situations de la feuille de route. Étant donné que la formation à la tâche se fait sur le lieu de travail du compagnon et sur sa boulonneuse habituelle, une planification est nécessaire pour utiliser, par exemple, une boulonneuse de plus ancienne génération ayant un embrayage manuel, pour trouver des emplacements où poser un certain type de boulons ou pour boulonner dans un front de taille de côté. Le compagnon communique ces besoins au superviseur qui planifiera le travail en conséquence. Un cadre indique par ailleurs qu’il n’est pas de mise d’envoyer quelqu’un en formation dans un secteur de la mine où le travail presse. Enfin cette planification doit aussi tenir compte du fait que le compagnon est contraint d’utiliser un petit véhicule pour accompagner l’apprenant puisqu’une seule personne peut prendre place dans la cabine de la boulonneuse.

8.1.6 Stratégies de formation à la tâche et enrichissement du contenu par le compagnon

Outre les entretiens, les constats exposés dans cette section se basent sur l’observation au cours d’une journée de formation à la tâche d’un employé ayant déjà quelques mois d’expérience de boulonnage, mais avec une boulonneuse de location, de modèle différent de celles utilisées dans la mine.

8.1.6.1 Stratégies de formation à la tâche

Les compagnons doivent se conformer au cadre et au contenu établis, mais ils ont de la latitude pour montrer le métier à l’apprenant. Ils mettent en œuvre différentes stratégies de transmission des savoirs et d’accompagnement de l’apprentissage.

Approche graduelle, apprentissage prioritaire du contrôle de l’équipement hydraulique et chance d’expérimenter et de se tromper

Une des approches décrites consiste à amener l’apprenant à prendre graduellement le contrôle de l’activité de travail. Au début, le compagnon boulonne en expliquant ce qu’il fait. Puis, il fore le trou et l’apprenant pose le boulon. Un des aspects importants à apprendre rapidement est l’utilisation du boîtier de commandes contrôlant les fonctions de la flèche. Ce boîtier comprend plusieurs boutons dont l’action varie selon les deux modes d’opération; un bouton possède deux fonctions et le boîtier autorise une douzaine de fonctions en tout. Puis l’apprenant fait graduellement le travail par lui-même. Un compagnon rapporte qu’il laisse l’apprenant faire des erreurs lorsqu’il positionne la flèche, par exemple, et qu’il intervient au bout de quelques minutes pour lui montrer comment il aurait dû s’y prendre.

Une philosophie de formation à la tâche – l’expérimentation

« La personne à qui il est arrivé plein d’épreuves avec le [compagnon] va savoir comment faire lorsqu’il arrive seul. Dans le cas contraire, le gars va être pris au dépourvu. Il ne s’agit pas qu’on dise à l’apprenant comment le faire, il faut qu’il le fasse. »

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« Je vais essayer de lui trouver une place où c’est payant pour lui d’apprendre »

Utiliser des simulations pour les situations difficiles à couvrir et intégrer des situations particulières qui posent problème.

Pour couvrir différentes situations de travail non susceptibles d’être vécues durant la formation à la tâche, les compagnons utilisent la simulation. Dans certains cas, ils y sont forcés lorsqu’une situation inscrite à la feuille de route n’a pu être couverte lors de la réalisation du travail. Dans d’autres cas, ils prennent l’initiative d’ajouter la simulation d’un cas de figure peu fréquent auquel ils ont été eux-mêmes confrontés et qu’ils ont trouvé difficile à surmonter. Des personnes disent cependant que ça demeure toujours différent lorsqu’on y est confronté réellement.

Profiter des opportunités pour aborder d’autres aspects du travail que celui en cours.

Les observations nous montrent que le compagnon profite, par exemple, de la phase d’inspection et d’entretien du véhicule ou d’inspection de la place à boulonner pour expliquer d’autres points en rapport avec l’opération, par exemple :

Aide au diagnostic : dans le cas d’un problème avec la pompe à eau, il peut s’agir tout simplement d’un bouton abaissé par inadvertance par un objet qui lui est tombé dessus.

Prévention des bris : il faut surveiller le trop-plein et la pression de la pompe à eau pour la pose des swellex21. S’il y a blocage, il peut y avoir bris.

Prévention des incidents : vérifier l’enroulement du câble puisque, contrairement à d’autres boulonneuses, le modèle utilisé n’a pas de guide pour l’enroulement. Le compagnon souligne que le câble ne doit pas trop s’entremêler car il y a déjà eu accident.

Opération particulière de la boulonneuse : comment faire fonctionner la flèche lorsque la boulonneuse est sur l’alimentation diésel.

8.1.6.2 L’enrichissement du contenu par le compagnon

Le compagnon explique le fonctionnement de la boulonneuse, fait ressortir ce qui distingue les différentes boulonneuses, rappelle les procédures et suit les documents d’inspection et d’entretien. Mais, tout au long de ses échanges avec l’apprenant, il introduit des éléments issus de sa propre expertise afin d’aider à la compréhension et à la réalisation du travail.

Les observations de la situation de formation à la tâche révèlent que le compagnon transmet des repères, des trucs et stratégies pour faciliter ce travail : des repères pour savoir quand intervenir, par exemple, lorsque le son change durant le forage, ce qui peut annoncer que la foreuse rentre dans un boulon déjà posé; ou encore des repères sur l’ordre et la priorité des actions à entreprendre en lien avec la compréhension ou la « lecture » du terrain. Dans la situation observée, les repères relatifs au positionnement des treillis et au positionnement stratégique de la boulonneuse sont les plus récurrents.

21 Swellex : boulon ancré par friction; tube de métal replié qui se déplie lors de l’insertion d’eau sous haute pression

pour ainsi épouser le contour du trou de forage.

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Beaucoup d’interventions du compagnon portent sur la lecture du terrain et la planification du travail. Par exemple, spécifier à partir d’où la vérification doit se faire, repérer les réparations nécessaires, expliquer en quoi le boulonnage d’un front de taille de côté est plus difficile, repérer l’écaillage à faire compte tenu du type de terrain et savoir quelle barre à écailler utiliser. Dans la situation observée, le compagnon se rend compte de l’absence de spécification au devis de boulonnage et il planifie ce qui peut être fait en attendant d’obtenir cette information. En entretien, un compagnon très expérimenté explique l’importance de prendre connaissance du terrain au préalable pour planifier, trouver des solutions et gagner du temps.

« Côté terrain, je vais toujours voir la face à boulonner avant de setuper22. Le screen est croche ce bord-là, il y a un lousse ce bord-là. Quand je partais me setuper, j’avais déjà un fil dans ma tête qui se faisait. Tu commences à travailler, tu as déjà une avance, tu sais où tu t’en vas. Pour gagner un petit peu de vitesse dans le fond. (…) J’aime bien aller voir la face pour l’histoire. »

Repères qui aident à savoir quand intervenir. Exemples :

la couleur des huiles, lorsque contaminées;

le son produit par un split23 rentrant dans un autre boulon déjà posé et les actions à accomplir dans ce cas.

Repères qui guident la planification et la compréhension du terrain. Exemples :

À partir de l’accès, quand tu arrives au no. X tu vérifies visuellement en t’en allant.

On va commencer par arranger le terrain, car ça va accrocher de partout.

Ne pas oublier de mettre un split dans le carreau d’en haut parce qu’il est déchiré.

Y’a pas d’indication c’est quel type de boulonnage! De toute façon on va faire ça juste quand tu as dépassé la face. Tu ne peux pas faire ça dans la face présente. Ça va être du DS bien ordinaire. (planification du boulonnage en attendant le devis qu’apportera le superviseur).

(au sujet de l’écaillage) Ça a l’air pas pire là. D’habitude, il ne tombe pas grand-chose ici pareil. (…) Ici, ça va bien revoler cette partie-là. Là ça va bêcher ça va tomber.

Repères pour guider le positionnement des treillis et le positionnement stratégique de la boulonneuse. Exemples :

Le chevauchement et le décalage des treillis dans les fronts de taille de côté – décalage avec le patron d’en arrière.

Ne monte pas trop haut, parce que quand on va bouger on va l’avoir en pleine tête

22 « Setuper » : préparer, installer la boulonneuse pour effectuer le boulonnage. 23 Split : boulon ancré par friction; tube d’acier fendu sur toute sa longueur qui est rentré par percussion dans le trou

de forage.

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(plate-forme versus tuyau de ventilation).

Il va falloir que tu recules pareil pour aller poser ta bolt d’en bas. Il faut que tu sois droit de même.

Tu y vas doucement… c’est toujours mieux d’être trop par-là que trop par ici.

Il faut que tu englobes jusqu’ici en partant.

(En plaçant le treillis sur la flèche au plafond) Rendu de même, tu le lèves un petit peu plus si jamais le treillis commence à glisser, il faut que tu couvres ça ici avec l’acier qui va là. Mets ça dans le troisième carreau. Il faut que tu watch ça pour ne pas qu’il parte à glisser… justement comme ça (rire)!

Par ailleurs, le compagnon partage ses trucs pour réduire les contraintes musculo-squelettiques, résoudre ou éviter des problèmes et accroître l’efficacité. Notons que la plupart des interventions — planification, gestion ou prévention de problèmes — ont par le fait même une incidence sur l’efficacité.

Trucs pour diminuer les contraintes musculo-squelettiques. Exemples :

Graisser certaines parties de la boulonneuse par l’arrière : les pièces sont ainsi plus accessibles et cela évite de se mettre à quatre pattes. Mais peu de personnes le feraient ainsi.

Pour faciliter le décrochage d’un treillis du support sur la boulonneuse : pousser le treillis et utiliser la pointe du pied comme appui.

Trucs et moyens pour résoudre ou éviter des problèmes. Exemples :

Pour résoudre un problème de mauvais contact électrique, le compagnon recommande à l’apprenant d’entrer et sortir à répétition les deux bouts du connecteur ce qui a pour effet de les nettoyer par friction.

(Au sujet du dégagement vertical qui n’est pas assez grand pour boulonner au plafond). Non, ce n’est pas haut. Tu peux essayer de le steeler un peu voir si ça peut tomber. Si ça accroche, c’est celle-là qui accroche à terre. C’est elle qui dépasse en bas. Tout ce qui est plus bas dépasse en bas. Quand tu remontes de même, tu viens de la regagner en bas, c’est automatique.

Des stratégies pour mettre de côté des trépans neufs en prévision de la pose de splits dans les terrains plus durs (les trépans usés sont de plus petit diamètre et les splits sont alors plus difficiles à rentrer).

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Trucs pour accroître l’efficacité. Exemples :

Vérifier les roues et leurs écrous tout en faisant le tour de la boulonneuse pour vérifier les autres points

Tu peux faire ton pivot en même temps que tu rentres ta zig24.

Tu peux reculer en attendant.

Le quoi, le comment et le pourquoi

À travers les interventions faites par le compagnon, on note le souci de transmettre le « comment et le pourquoi » des actions à l’apprenant. Ces explications peuvent aussi s’accompagner de démonstrations.

Le souci de transmettre « le comment et le pourquoi ». Exemples :

Exemple du positionnement de la boulonneuse :

Quoi : aller poser le boulon du bas

Comment : il faut reculer et être droit « de même »

Pourquoi : parce qu’en restant sans bouger, il ne sera pas possible d’installer l’autre boulon d’en bas. Parce qu’en baissant sans bouger « regarde ce que ça fait, ça s’en va par là ».

Exemple du problème avec le mécanisme d’anti-blocage (« anti-jamming ») :

Quoi : résoudre un problème impliquant « l’anti-jamming »

Comment : pour désenclencher le mécanisme, il faut fermer la rotation avec le bouton. Il faut avancer avec la foreuse pour se rapprocher et retirer le bouton. Le mécanisme va peut-être rembarquer, il faut avancer encore un peu et tirer sur le bouton. Au lieu de prendre le bras et essayer (zigonner), il faut tirer sur le bouton.

Pourquoi : il y a « l’anti-jamming » sur la rotation. Il y a des valves qui font que ça tire sur la foreuse, et celle-ci veut sortir du trou.

Exemple du changement de type de boulons à installer :

Quoi : ajuster la vitesse de rotation de la foreuse pour l’insertion des boulons

Comment : tirer « le petit bras » pour que la foreuse aille moins vite en montant (démonstration)

Pourquoi : lors de la pose des boulons split, ça ne donne rien de pousser plus et que ça brise. Quand ça va trop vite, ça crochit.

24 « zig » : foreuse pour l’installation des boulons.

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Les exemples présentés montrent bien que de nombreuses dimensions du travail ont été enseignées au nouveau boulonneur et ce, même si celui-ci avait une expérience d’utilisation d’un type de boulonneuse. On y observe que la pose de support de terrain dans un front de taille de côté et l’opération d’une autre génération de boulonneuse constituent des apprentissages centraux. Ces exemples ne constituent qu’une photo « instantanée » d’un moment donné dans l’ensemble du processus d’apprentissage. Les points abordés et la façon de les aborder seront évidemment différents selon l’étape à laquelle est rendu l’apprenant.

8.1.6.3 Les difficultés rencontrées durant la formation à la tâche

Les entretiens révèlent qu’une difficulté commune à tous les nouveaux, à ce poste, est l’apprentissage du contrôle de l’équipement hydraulique : c’est souvent le premier contact qu’ils ont avec un équipement hydraulique autre qu’un équipement lourd. La mémorisation des fonctions de chaque bouton constitue un apprentissage clé pour faire ce travail. Une personne estime qu’un mineur sachant déjà boulonner manuellement peut se concentrer sur l’apprentissage exclusif des contrôles de la boulonneuse.

« Tu perds du temps à placer ton acier dans les bons trous de ta feuille. Il faut que je taponne et là elle est prête et tout, je vais juste la tasser un peu, ah, je me suis trompé de bord et là la feuille tombe! Ça arrive! »

Tel que mentionné à la section sur les préalables (8.1.4), les employés n’ayant pas d’expérience en support de terrain devront faire l’apprentissage de la pose du support de terrain, ce qui présente des difficultés pour certains. Le cumul des choses à apprendre constitue aussi un défi pour ces personnes : apprendre à reconnaître le terrain, les patrons de boulonnage, les plans, la planification du travail (ex. voir d’avance où poser son boulon), le contrôle de l’équipement et même pour certains employés, moins familiers avec la mine, les déplacements et l’orientation.

La chaleur est mentionnée comme un facteur de pénibilité qui s’ajoute pour tout travailleur.

8.2 Les défis lors du début seul au poste : l’auto-formation avec le soutien de l’équipe

Sur avis favorable du compagnon et après avoir couvert tous les éléments de la feuille de route, le nouveau boulonneur débute seul au poste. Un nouveau boulonneur ayant de l’expérience en support de terrain disait avoir hâte de commencer seul, après qu’il eut maîtrisé toutes les fonctions de la boulonneuse.

« Ce n’est pas pareil quand quelqu’un te regarde toute la journée ».

Un cadre insiste sur la nécessité de laisser la chance au nouveau boulonneur de travailler seul et de voir ainsi s’il est apte à travailler seul, avant d’accéder à l’accréditation. Il rapporte que certains perdent patience et qu’à d’autres, « tout leur arrive comme épreuve ».

Un autre cadre mentionne par ailleurs que les nouveaux, sans expérience préalable dans la pose de support de terrain et qui se sont exercé pendant leurs trois semaines de formation à la tâche, se

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retrouvent finalement désemparés aussitôt arrivés à une aire de travail non identique à celles déjà vues. L’apprentissage en solitaire et la débrouillardise semblent donc caractériser cette étape.

« Quand tu commences seul, il me semble qu’il y a plein de choses que tu n’as pas vues. -Comment ça? Je ne savais pas ça!- Tu l’apprends tout seul».

« Tu pars tout seul quand la formation est finie… Tu pars tout seul avec la boulonneuse puis il faut que tu te débrouilles… » (un cadre)

Certaines personnes mentionnent qu’un des défis est de devenir productif, d’atteindre le nombre de boulons donnant droit à la totalité de la prime et de développer des stratégies pour être efficace.

8.2.1 La diversité et la complexité des situations de travail

Les entretiens font voir plusieurs sources de variabilités dans le travail des boulonneurs, entre autres :

la variabilité des terrains (ex. qualité et dureté du terrain, stérile/minerai, remblai, réhabilitation);

la variabilité des emplacements (ex. front de taille de côté, terrain en pente);

la variabilité des boulonneuses (différentes générations);

la variabilité du matériel à utiliser (type de boulons, résines, treillis, plaques);

la variabilité de coopération dans l’équipe et inter-équipe.

Le nouveau boulonneur qui sera appelé à travailler dans un secteur « S » de la mine peut devoir être formé dans un autre secteur où se trouve le compagnon. Il pourra conséquemment être formé sur un terrain de nature différente de celui qu’il rencontrera plus tard en travaillant seul à son poste. La boulonneuse principalement utilisée durant la formation à la tâche pourra aussi être différente de celle qu’il utilisera plus tard. Cette formation comprend la pose de support pour différents types de terrain. Le nouveau formé bénéficierait d’un accompagnement à sa nouvelle place de travail, lorsque nécessaire, mais ceci ne semble pas formalisé.

Les nouveaux boulonneurs sont à l’occasion confrontés à des situations inédites ou qu’ils n’ont pu expérimenter suffisamment durant la formation à la tâche, par exemple :

Au sujet des remblais en pâte. « C’est donné dans la formation mais ça arrive que pendant les trois semaines il n’y a pas de place comme ça, le travailleur qui sera formé il ne l’aura pas. Il va l’apprendre, il se le fait expliquer. Le formateur me l’a tout expliqué (…) mais je ne l’ai pas fait moi-même. (…) Normalement, quand tu sais bien lire le plan, t’as pas de problème avec ça. Mais c’est pas pareil le lire sur une feuille que d’arriver dans la place d’ouvrage… » (cadre)

« Quand on veut boulonner dans les coins de pilier, il y a des positionnements, il faut s’installer d’une certaine façon. Dans sa [formation à la tâche] il peut en voir des

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situations comme ça mais quand il est laissé à lui-même de façon autonome, il va apprendre avec le temps. (cadre)

Plusieurs mineurs d’expérience ou cadres ayant eux-mêmes travaillé à titre de boulonneurs soulignent le temps requis pour bien maîtriser le travail dans diverses situations. Un cadre nous explique qu’il peut arriver que la situation soit plus à risque, que le terrain ait changé subitement. Dans ce cas, il peut y avoir une entente entre le travailleur et le superviseur; le terrain sera fermé temporairement pour s’en remettre à l’ingénierie, aux spécialistes de la mécanique des roches lesquels décideront de la meilleure façon de supporter le terrain. Ce cadre ajoute que « ça reste un travail d’observation et avec le temps tu vois les différences et tu te dis je me sens à risque, j’attends, je vais parler avec mon superviseur ». Ainsi, l’appréciation du risque dans une situation donnée et de la pertinence de recourir à des mesures de prévention supplémentaires se développent avec le temps.

Lors de la présentation du bilan des entretiens aux employés de la mine, pour validation, certains travailleurs ont fait remarquer que le boulonnage était comme aller à bicyclette, c’est-à-dire que ça ne s’oublie pas même après une période prolongée sans y travailler ou que la formation à la tâche permettait pas mal de faire le tour de toutes les situations.

Il semble donc y avoir deux visions différentes qui cohabitent au sujet du travail à la boulonneuse : une expertise qui se développe à long terme et des apprentissages relativement circonscrits en nombre et dans le temps.

8.2.2 Les bris

Il a été entendu, à travers les entretiens, que les nouveaux boulonneurs étaient souvent plus durs avec les équipements et donc plus sujets à avoir des bris de boulonneuse. Plusieurs boulonneurs ont parlé de la chance de pouvoir expérimenter des bris durant leur formation à la tâche; c’est une opportunité d’apprendre à faire face à des situations susceptibles de se produire lorsqu’ils travailleront seuls. Un cadre l’exprime de cette manière :

« Dans le meilleur des cas, il faudrait que quand il est en [formation], qu’il brise le plus souvent possible. »

Les bris de tuyaux sont courants durant la formation à la tâche et le remplacement de certaines pièces est enseigné. Cependant, plusieurs autres problèmes mécaniques ou électriques sont possibles sur la boulonneuse et le nouveau qui s’y trouve confronté, lorsqu’il est seul, les vit souvent difficilement. D’un côté, il ne sait pas nécessairement à quoi le bris est dû, s’il devrait être en mesure de le réparer lui-même ou s’il doit faire appel au mécanicien ou à l’électricien. De l’autre, tout bris entraîne un temps non productif qui affecte la prime de rendement. Ce bris peut aussi avoir une incidence sur le travailleur du quart suivant qui utilisera la même boulonneuse.

On rapporte que certains boulonneurs d’expérience deviennent experts en réparation de bris au point de pouvoir en montrer aux nouveaux mécaniciens. Mais il arrive aussi que certains types de problèmes à la boulonneuse soient difficiles à diagnostiquer, parce que complexes, et l’information ne circule pas toujours entre boulonneurs. Encore une fois, comme pour d’autres volets du métier, la débrouillardise est ici de rigueur :

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« Mais il faut que tu te débrouilles, c’est sûr que si tu restes assis et que tu attends ce n’est pas l’idéal. »

L’entreprise a mis sur pied un comité de fiabilité pour étudier les causes des bris et trouver des solutions pour augmenter le taux d’utilisation des équipements. Des actions concrètes ont été posées, par exemple : une boulonneuse de relève est disponible lors de l’entretien planifié ou lors d’un bris et une flèche supplémentaire permet un remplacement rapide en cas de bris.

8.2.3 La prise en compte du manque d’expérience dans l’attribution des places de travail et la pression de production

Bien qu’il ne semble y avoir de ligne directrice officielle à propos de l’affectation des nouveaux boulonneurs aux places de travail, les personnes rencontrées s’accordent pour dire que les superviseurs tiennent généralement compte de l’expérience dans l’attribution du travail. Par exemple, une personne nouvellement formée ne sera pas envoyée à une place où le travail presse, durant le quart de travail, pour compléter le front de taille. En effet, mis en situation pressante pour atteindre, comme ses collègues, le nombre de boulons requis pour l’obtention de la pleine prime de rendement, un nouveau boulonneur pourrait faire des erreurs ou des raccourcis (short-cuts), avec des conséquences pour la sécurité et les bris à la boulonneuse (comme négliger de faire les graissages; opérer de façon brusque).

Chez les cadres comme chez les boulonneurs, certains considèrent qu’il existe une pression pour atteindre le nombre de boulons donnant droit à la prime entière alors que d’autres affirment que les cadres ne sont pas vraiment à la source de cette pression, celle-ci étant plutôt le fait des mineurs eux-mêmes.

« Si quelqu’un ne veut pas se mettre de pression, c’est chacun. Il y en a qui se mettent gros de pression parce qu’ils veulent performer tout de suite tout de suite en commençant. C’est plus dur sur l’équipement, c’est plus dur pour l’opérateur aussi. Mais il y en a qui se disent on va commencer par la base, une chose à la fois et plus ça va aller, plus il va prendre de la vitesse et de l’habileté. Mais ce n’est pas la compagnie qui va mettre de la pression. Même nous autres on est habitué et on n’a pas cette pression-là ».

Au sujet du rendement des boulonneurs, un cadre affirme que le rythme de certaines personnes est en-deçà du nombre de boulons attendus pour un contrat de 10 heures, mais que cela ne le dérange pas si le travail est bien fait et de façon sécuritaire.

Un cadre mentionne que c’est difficile pour les nouveaux boulonneurs de commencer sur une équipe de développement puisqu’il y a de la pression. Ils débutent souvent sur une boulonneuse de réhabilitation (ex. réparer des treillis défaits ou poser des boulons lorsqu’il y a eu mouvement de la roche), leur travail peut alors être fait de façon indépendante de l’équipe de développement. Un boulonneur expérimenté ajoute qu’un nouveau ne sera pas envoyé sur un mauvais terrain : un terrain qui descend et devra être cimenté par la suite. Il faut en effet éviter de rester trop longtemps en ces lieux, près de la zone non supportée, car il y a risque de détachement de roche. Compte tenu que les nouveaux boulonneurs éprouvent une certaine difficulté à mettre leur treillis en place, ils s’exposeraient trop longtemps à ce risque. C’est pourquoi les superviseurs y envoient généralement du personnel expérimenté et productif.

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Le choix des situations de travail pour les débutants dépend donc essentiellement de trois considérations : 1) les objectifs de production; 2) la sécurité; 3) les bris possibles de la boulonneuse.

8.2.4 L’entraide

L’entraide et la présence de personnes expérimentées à qui se référer sont assez unanimement reconnues comme des moyens de faire face aux difficultés rencontrées dans le travail. Cependant, les occasions d’échange sont plutôt limitées au cours de la journée étant donné que le travail s’effectue seul au poste. La salle de refuge est un lieu pour partager des connaissances mais le moment d’attente à la cage, en début de quart, constitue en fait la meilleure opportunité d’échange puisque tous les travailleurs y sont réunis pendant une quinzaine de minutes. Des compagnons et des boulonneurs très expérimentés y sont présents et généralement ouverts à répondre aux questions.

« Quand le matin tu t’en vas là (sur le « deck25 »), il y a 3-4 boulonneurs qui attendent avec nous autres. C’est là qu’on pose le plus de questions. Si on a une question sur quelque chose, il y a X gars sur le deck, c’est sûr qu’il y en a un qui a de l’expérience là-dedans qui va pouvoir répondre. »

8.3 Le cas des boulonneurs de relève

Les nouveaux boulonneurs de relève peuvent travailler plusieurs mois consécutifs sur les boulonneuses et ce, dès leur accréditation. Mais il arrive que dans certaines équipes, le travailleur formé comme relève ait très peu d’opportunité de travailler à la boulonneuse. Plusieurs semaines, voire des mois, peuvent s’écouler avant que la nouvelle relève ne soit appelée à remplacer. Il n’aura donc pas eu la chance de développer ses habiletés et risque d’avoir perdu les acquis de la formation à la tâche au moment de travailler à la boulonneuse. On relate le cas d’une relève qui avait tout oublié après plusieurs mois. L’entreprise souligne toutefois que dans de telles circonstances, un complément de formation est donné. Ajoutons que les relèves, qui remplacent différents travailleurs de l’équipe, sont aussi susceptibles de changer de boulonneuse à chaque remplacement et donc d’être confrontées à des nouveautés et plus sujets à des bris dans l’opération de l’équipement.

On constate deux autres conséquences au fait de ne pas travailler promptement et suffisamment longtemps au poste après la formation à la tâche : 1) le boulonneur de relève ne développe pas suffisamment d’aisance en poste pour atteindre le nombre de boulons nécessaires pour gagner l’entièreté de la prime, ce qui le pénalisera au plan salarial par rapport à son poste régulier; 2) le compagnon, lui, s’interroge sur sa responsabilité d’entériner la fin de la formation alors qu’il sait que l’apprenant ne retouchera peut-être pas à la boulonneuse avant longtemps.

Dans ces conditions, certaines relèves formées ne veulent plus retourner au poste alors que d’autres considèrent que cette formation n’est probablement pas rentable.

25 « deck » : plancher à proximité du puits où les mineurs se regroupent dans l’attente de la cage qui les amènera

sous terre.

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Les relèves formées juste avant la période des vacances estivales ont en général plus de chance de travailler à la boulonneuse que celles formées en septembre. La disponibilité de personnel pour le remplacement en cas de besoin est certes un atout, mais la viabilité de ce moyen repose sur l’équilibre entre une planification proactive des besoins futurs et l’opportunité de faire travailler suffisamment les relèves.

8.4 Le temps pour être à l’aise au poste

Plusieurs dimensions du métier de boulonneur sont maîtrisées avec le temps. Certains affirment, par exemple, qu’il faut de quelques jours à trois semaines pour la seule maîtrise des fonctions du boîtier de commande de la flèche de la boulonneuse.

L’objectif que se fixent la plupart des nouveaux boulonneurs est de poser le nombre de boulons requis pour l’obtention de la prime entière. Pour certains, cet objectif pourra être atteint dès la fin de la formation à la tâche; d’autres, toutefois, l’atteindront difficilement, même après plusieurs mois, voire ne l’atteindront jamais. Un boulonneur expérimenté et habile, et placé dans de bonnes conditions, serait à même de poser, dans son quart de travail, de 1,5 à 2 fois le nombre de boulons inscrits au contrat. Un nouveau boulonneur ayant de l’expérience préalable en support de terrain estime pour sa part que la formation à la tâche permet de poser les boulons prévus au contrat; cela dit, il y aura par la suite recherche d’efficacité en étant stratégique, comme savoir sauver du temps sur des actions ou savoir dans quel ordre faire certaines actions, ce qui contribuera à augmenter le rendement.

Il est estimé qu’il faut généralement de cinq à six mois pour « être à l’aise, productif et régler plein de situations » et un an pour « être à son top », mais dans le cas des boulonneurs de relève, plus spécifiquement, le temps pour être à l’aise dépendra de l’opportunité de travailler à ce poste.

Une constante qui se dégage à travers les entrevues est que chaque personne est différente et par la suite, le temps nécessaire à l’apprentissage et à l’adaptation sera également différent. Un cadre mentionne par exemple que certains boulonneurs ont besoin de formations complémentaires parfois pour le contrôle de la machine mais la plupart du temps parce qu’ils n’ont pas bien compris le support de terrain.

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9. ILLUSTRATION DE SITUATIONS DE COMPAGNONNAGE

Cette section décrit des situations de compagnonnage observées dans la mine-A lors de la formation à la tâche d’opérateurs d’équipements miniers et ce, plus particulièrement sur la chargeuse. Rappelons que l’employé engagé à titre d’opérateur d’équipements miniers dans une mine à ciel ouvert est d’abord formé sur le camion à benne pour transporter le matériel du lieu d’extraction à un lieu de déchargement variant en fonction du type de cargaison. Il peut également être appelé à opérer différents types de camion de service tel que le camion à essence, à eau ou à sel. Par la suite, en fonction des besoins de la production, il sera formé sur la chargeuse, la niveleuse, la chargeuse-pelleteuse, la pelle, etc. Aux fins de ce chapitre, plusieurs observations concernent la formation sur la chargeuse, équipement muni d’un godet et servant à déplacer du matériel (minerai, stérile, gravelle, sable, neige, etc.); elle est utilisée pour dégager une zone ou charger les camions à benne. Opérer une chargeuse au site de chargement du minerai est un poste stratégique pour la production puisqu’il détermine, en partie, le rythme de transport du minerai vers le concasseur et peut donc avoir une influence sur le tonnage journalier.

Nous présenterons, dans un premier temps, comment se planifie le compagnonnage sur l’ensemble des équipements miniers et le rôle joué par les compagnons désignés. Après quoi, nous traiterons des choix concernant les conditions pour optimiser l’accompagnement du nouveau travailleur. Troisièmement, nous aborderons l’activité d’un compagnon dans l’encadrement du travail d’opérateur de chargeuse laissant voir que le rôle de compagnon se prolonge dans le temps au-delà de la période formelle d’encadrement. Finalement, nous exposerons les difficultés et les préoccupations des travailleurs dans leur rôle de compagnon.

9.1 La planification de la formation à la tâche et le choix des compagnons

En collaboration avec le formateur, et selon les besoins en formation, le coordonnateur de la mine prévoit le compagnonnage dans la planification hebdomadaire de la production. Un document s’intitulant « horaire des employés » précise quels opérateurs seront en formation. Au début du quart de travail, il est alors demandé aux opérateurs ayant le plus d’ancienneté s’ils acceptent d’être compagnon et sur quel équipement ils souhaitent former.

« En début de quart, par exemple, le lundi, le contremaitre dit, bon ben on a formation niveleuse, pelle, et loader. Il prend les plus vieux, X tu veux être compagnon sur quoi…pelle, Y ? Sauf que ce qui arrive c’est que les formations pelle, niveleuse, tracteur, sont toutes populaires, la formation camion l’est moins »

Ce sont donc les opérateurs les plus anciens, dans chaque équipe travaillant sur le quart de jour, qui sont approchés pour être compagnons. Une de ces équipes se compose d’opérateurs d’équipements miniers comptant plus de 25 ans d’ancienneté et bénéficiant d’un horaire de travail exclusivement de jour. Ils sont souvent interpellés pour être compagnons, bien que l’entreprise ne leur confère pas de statut particulier comme c’est le cas dans la mine-B.

Selon la durée de la phase de compagnonnage, deux ou trois opérateurs expérimentés peuvent se succéder, ce qui est perçu comme bénéfique.

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« Peut-être que X (l’autre compagnon), a montré des choses que moi j’ai peut-être oubliées, puis peut-être que moi j’ai montré d’autres choses. Le fait de passer avec deux-trois personnes ben deux-trois têtes valent mieux qu’une. C’est sur ce principe-là que je me base. Puis quand je m’aperçois qu’un problème est récurrent. Ben je communique au formateur »

Toutefois, étant donné la rotation des horaires, ces derniers ont rarement l’occasion d’échanger sur la progression de l’apprentissage. Un travailleur expliquait d’ailleurs que la fiche de parrainage, sur laquelle sont précisées les tâches devant être enseignées, reste parfois entre les mains du premier compagnon, ce qui empêche le second d’apprécier les éléments précédemment transmis.

9.2 Le choix des tâches pour soutenir la progression de l’apprentissage

De l’avis de plusieurs opérateurs d’expérience rencontrés, apprendre à opérer la chargeuse débute bien avant que le nouvel opérateur amorce sa formation. En effet, comme opérateur de camion, il a déjà eu l’occasion d’observer le travail de plusieurs opérateurs de chargeuse lors de l’attente de son chargement… périodes d’observation qui vont faciliter sa formation plus tard.

« Puis, pour les chargeuses, en étant camion(neur) tu peux regarder beaucoup la personne opérer. Puis là tu peux voir les bons coups qu’elle faisait puis les mauvais coups qu’elle faisait. Ça m’a beaucoup aidé, autant de voir les personnes qui chargeaient bien que les personnes qui chargeaient mal ».

Lorsque la formation à la tâche sur la chargeuse est planifiée, le compagnon désigné et l’apprenant se déplacent dans la mine à l’aide d’un petit véhicule pour repérer les tâches qui pourraient être réalisées, dans un secteur jugé sécuritaire et en dehors du site de production et ce, pour les premiers jours du compagnonnage. La formation débute alors sur une plus petite chargeuse. Les tâches choisies ne sont pas toujours planifiées par la supervision :

« Avant d’aller au loader, on a été faire un tour pour voir les petites jobbines qu’il pouvait faire. On s’est concentré dans le secteur ici. Parce qu’avec ce loader-là c’est pas mal juste la neige que l’on peut faire. En même temps, j’aime mieux pas qu’on s’aventure dans des places inconnues… »

Les compagnons considèrent bénéfique de commencer la formation avec une plus petite chargeuse et pour des tâches considérées comme étant hors production (c’est-à-dire des tâches autres que celles au chargement de minerai).

« La première semaine, le gars va prendre le petit loader puis il va faire du service. Il ne va pas charger le camion tout de suite, on va attendre qu’il prenne le feeling de la machine, puis après ça, la 2e, 3e semaine il va commencer à charger les camions.

Cette progression semble toutefois récente car auparavant, on affectait directement les opérateurs en formation au chargement du minerai. Selon les propos recueillis auprès d’un compagnon, ce changement fait suite à une période au cours de laquelle la mine a enregistré une baisse

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significative de son tonnage journalier après avoir formé plusieurs opérateurs directement sur les chargeuses. Ce fait influence du reste la manière dont le coordonnateur de la mine planifie la formation en accord avec les besoins de la production.

« Ce qui nuit le plus c’est d’avoir un nouveau en formation à la chargeuse de chargement. C’est certain que j’essaie de ne pas mettre 4 gars de formations chargeuses la même semaine, sinon ça n’aura aucun bon sens. Mais on en met tout le temps un par semaine »

9.3 Illustration de l’activité de compagnonnage au chargement du minerai

Des observations réalisées lors du compagnonnage au chargement de minerai démontrent la difficulté de la transmission lorsque l’apprentissage se fait sous la contrainte de la production.

Lors de nos observations, un opérateur d’équipement minier comptant 25 ans d’ancienneté commence sa deuxième semaine de compagnonnage sur la chargeuse avec un opérateur travaillant dans la mine sur les camions à benne depuis deux ans. Cette deuxième semaine est dédiée à la formation sur la chargeuse au chargement de minerai. L’observation débute alors que l’apprenant embarque pour la première fois dans ce type de chargeuse, plus grosse que celle avec laquelle il opérait durant la première semaine de formation. Après l’inspection de la chargeuse, où l’apprenant détecte que le godet a un couteau en moins, risquant de nuire au pelletage du minerai, il conduit la chargeuse jusqu’au secteur de chargement. Pendant ce temps, le compagnon positionne son véhicule dans le haut du secteur de chargement d’où il pourra voir l’apprenant opérer. Peu de temps après le début du chargement, quatre camions sont déjà en attente. Le compagnon est nerveux car il sait que cette situation exerce une pression sur le nouvel opérateur et limite par conséquent ses interventions pour « ne pas défaire son plan de travail ». Le compagnon contacte alors le répartiteur (dispatch) afin de demander s’il est possible de réduire le nombre de camions acheminés vers ce secteur; mais puisque les camions continuent à arriver, il décide de prendre la place de l’apprenant afin d’opérer la chargeuse plus rapidement. Il opérera pendant environ 40 minutes alors que l’apprenant le regarde, à distance, au-dessus du secteur de chargement. L’arrivée du camion-citerne entraîne l’arrêt du chargement et, pendant que se fait le plein de carburant, le compagnon propose à l’apprenant de reprendre l’opération de la chargeuse. Après l’avoir regardé opérer pendant une dizaine de minutes, le compagnon décide de quitter le secteur du chargement et « d’aller faire un tour dans la mine» afin de « laisser le nouvel opérateur travailler et voir comment il va se débrouiller ». Il n’y a que deux camions en attente. Il y reviendra une quarantaine de minutes plus tard, mais ne fera aucune intervention.

En fin de matinée, à cause d’un bris à la deuxième chargeuse, le nouvel opérateur assurera seul le chargement des camions dans ce secteur. Dans ce contexte, le compagnon fait part à l’observateur de l’équipe de recherche de plusieurs éléments qu’il aurait pu partager avec le nouvel opérateur n’eut été du nombre de camions en attente; la situation l’a toutefois contraint à limiter ses interactions pour ne pas ralentir davantage la production. Lorsque le nouvel opérateur embarque dans le véhicule du compagnon, en route pour le dîner à la cafétéria, il en profite pour aborder certaines questions relatives à la manière de distribuer le minerai dans la benne du camion à l’aide de son godet pour une meilleure stabilité du chargement lors du transport.

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9.4 Des savoirs transmis orientés vers l’adaptation au contexte et la planification… en tenant compte du collectif

Les compagnons reçoivent une feuille de route précisant l’ensemble des tâches qu’ils auront à enseigner et à faire exécuter par le nouvel opérateur. La feuille de route pour la chargeuse compte une trentaine de tâches dont cinq sont à maîtriser pour assurer le chargement des camions : 1) charger un godet, 2) positionner un camion pour chargement, 3) charger un camion, 4) nettoyer un plancher, 5) niveler un plancher. Chaque tâche est divisée en trois ou quatre opérations (ex. « pénètre la pile en première vitesse ») et comprend aussi certains éléments à considérer pour ne pas endommager la machinerie (ex. « ne fait pas forcer la transmission pour qu’elle chauffe ») ou assurer la sécurité (ex. « positionner le camion à une distance sécuritaire selon la pile »).

Or, lors des interactions avec le nouvel opérateur, plusieurs savoirs sont transmis portant sur la manière d’inspecter et de prendre connaissance de l’état du secteur de chargement (le blast ou la pile) et de planifier son travail. Cet aspect n’apparaît pas explicitement dans la feuille de route.

Inspecter et prendre connaissance de l’état du secteur de chargement et planifier son travail

Observation 1. Lorsque le compagnon reconduit l’apprenant vers la chargeuse stationnée à proximité du secteur de chargement, il lui demande ce qu’il ferait. Le nouveau répond : « j’enlèverais les roches sur le chemin ». Le compagnon est manifestement heureux de la réponse parce que cela signifie, pour lui, que le nouvel opérateur est conscient de la nécessité d’assurer le bon état de la rampe d’accès au chargement.

Observation 2. En arrivant près de l’aire de chargement, au secteur de chargement, une pelle s’y trouve positionnée. Le compagnon explique au nouveau qu’il faut toujours vérifier s’il y a un opérateur dans l’équipement, en lui rapportant un incident où un opérateur a failli être frappé par une pelle en marchant vers sa chargeuse.

Observation 3. Au moment de l’inspection de la chargeuse, le compagnon explique à l’apprenant qu’il doit pouvoir juger dans son aire de chargement si l’amoncellement du minerai est droit ou courbe. Le chargement est toujours plus facile à faire lorsque le minerai est droit. Dans le cas contraire, il est préférable de déplacer le minerai avant de commencer à charger les camions. C’est d’ailleurs ce que fera le compagnon lorsqu’il reprendra l’opération de la chargeuse (cf. exemple décrit plus haut), avant de commencer à charger les camions, même si plusieurs camions étaient en attente.

Observation 4. Lorsque l’apprenant embarque dans la chargeuse, le compagnon lui rappelle de prendre le temps de regarder « son blast », de se faire un plan de travail et de « tester son terrain en prenant des buckets un peu partout ».

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Observation 5. Arrivé au secteur du chargement, le compagnon fait remarquer au nouvel opérateur qu’il vente beaucoup. Il lui explique alors l’importance de positionner la chargeuse devant son chargement de manière à avoir le vent dans le dos, tout d’abord pour mieux voir, mais aussi protéger le système de ventilation de la cabine de conduite.

Observation 6. Lors du déplacement vers la cafétéria pour le dîner, après une première matinée à charger des camions, le compagnon explique à l’opérateur qu’il devra préparer son secteur en après-midi en fonction de l’orientation du soleil pour ne pas être ébloui lors des opérations.

On constate également que plusieurs savoirs transmis mettent différents éléments en relation comme expliquer comment contrôler l’opération en tenant compte de la variabilité du contexte tout en protégeant son équipement et en assurant sa sécurité et celle des autres.

Une famille de savoirs transmis concerne par exemple différentes façons de faire pour adapter l’opération en cours aux caractéristiques variables de la pile, des roches à charger, etc.

Adapter l’opération en cours à la variabilité du matériel à charger

Observation 7. Après avoir observé le nouvel opérateur s’acharner sur une pile plus difficile à pelleter, le compagnon profite du fait qu’il n’y a qu’un camion en attente pour se rendre en véhicule dans le secteur du chargement et pour faire arrêter l’opération. Il embarque dans la chargeuse et donne des repères visuels pour pouvoir juger si la pile sera ou non facile à pelleter et précise quoi faire pour la rendre plus malléable.

Observation 8. Le nouvel opérateur décharge une grosse roche au centre de la benne du camion et il éprouve par la suite de la difficulté à transférer ses autres pelletées. Le compagnon explique alors à l’observateur de l’équipe de recherche ce qu’il aurait dû faire pour remédier à la situation, mais comme la roche semble stable (donc pas de danger possible lors du transport) il décide de ne pas communiquer avec l’apprenant : il y a en effet quatre camions en attente et il ne veut pas ralentir la production. En fin de matinée, lorsque le compagnon raccompagne le nouvel opérateur à la cafétéria, il évoque cette situation et lui explique ce qu’il aurait pu faire.

Les compagnons insistent beaucoup sur l’importance que prend la sécurité dans la formation. De fait, les observations montrent que les enjeux de sécurité sont très présents dans les échanges, mais qu’assez rapidement, les compagnons transmettent aussi des trucs pour pouvoir charger plus efficacement le minerai.

Comment opérer en gagnant du temps, mais aussi assurer sa sécurité et celle des autres

Observations 9 Après avoir laissé le nouvel opérateur charger des camions pendant environ une heure, le compagnon lui explique comment, après avoir pris une pelletée de minerai, il peut reculer tout en levant en même temps son godet et aussi comment il peut réduire la distance parcourue dans son aire de chargement pour se positionner devant le camion avant de déverser le minerai dans

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la benne. En réduisant la distance parcourue, il réduit aussi le risque d’échapper des roches.

Observation 10. En route vers la cafétéria, le compagnon rappelle l’importance de positionner la chargeuse face à la pile parce que, d’une part, le minerai se prend ainsi plus facilement et d’autre part, le godet de la chargeuse peut protéger l’opérateur s’il y a éboulement.

Enfin plusieurs échanges concernent différents trucs ayant comme objectif de protéger l’équipement, un enjeu important dans les mines, compte tenu des coûts associés à l’entretien et au nombre réduit d’équipements de rechange.

Comment protéger la machinerie tout en opérant

Observation 11. Pendant que la chargeuse recule avec son godet rempli, le compagnon signale par radio la présence de roches au sol et explique que cela peut endommager les pneus.

« Regarde, tu laisses des roches traîner sur le sol c’est dangereux pour les tires… »

Observations 12. Pendant que le compagnon observe à distance le nouvel opérateur charger un camion, il constate que lorsqu’il charge le minerai dans le godet, les roues arrière glissent, ce qui peut accélérer l’usure des pneus. Il décide d’en parler au nouvel opérateur un peu plus tard, lorsque le camion-citerne viendra remplir le réservoir de la chargeuse et que le chargement sera arrêté. Observation 13. Le compagnon rappelle par radio l’importance de faire un « lit de roche » au fond de la benne, avant de déposer de plus grosses roches afin de protéger la benne du camion. Observation 14. Le compagnon rappelle à l’apprenant l’importance de consigner la présence d’un bris, même si cela ne gêne pas trop à l’opération.

Au-delà de tous ces savoirs liés à l’opération, à la lecture du contexte, à la planification du travail, les compagnons soulignent l’importance de transmettre l’idée que le travail de chacun a une influence sur le travail de l’autre. Chacun, par la qualité de son travail, peut éviter de surcharger les autres membres de l’équipe. Un opérateur d’expérience exprimait cette interrelation de la façon suivante :

« L’importance de montrer qu’on est tous liés, quand on travaille, il faut penser à ne pas surcharger l’autre. Tout le monde a les moyens de ne pas surcharger le travail de l’autre. Tout le monde dans le fond essaie de faire attention à l’autre autant pour la sécurité que pour les charges de travail. On essaie d’éviter de donner du travail aux autres inutilement. Tant que ce soit que l’opérateur de chargeuse charge trop son camion, puis que ça fasse tomber des roches pour l’opérateur de niveleuse, tant l’opérateur de camion quand il va dumper au tracteur ben il fait attention à par exemple pas déverser du matériel sur la halde pour rien. L’opérateur de tracteur ben il fait sa dump correctement pour éviter les risques d’accident… »

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9.4.1 Une transmission des savoirs souvent en différé

Les conditions particulières dans lesquelles s’exerce le compagnonnage sur la chargeuse lors du chargement de minerai posent des défis au plan de la transmission des savoirs. Alors que le nouvel opérateur opère la chargeuse, le compagnon se trouve éloigné de la zone de chargement afin d’assurer sa propre sécurité. L’emplacement choisi lors des observations ne permettait pas non plus au nouvel opérateur de voir le compagnon. Le contact radio était le seul moyen de communication entre les deux. Rappelons que la radio est utilisée par l’ensemble des personnes dans la mine; l’achalandage est donc important. Bien qu’un second canal soit disponible pour des échanges plus longs, cette option coupe le contact avec tous les autres échanges radios qui se déroulent sur le canal général. Lors des observations, le compagnon n’a pas retenu cette manière d’entrer en contact avec le nouvel opérateur.

Une part importante de l’activité de compagnonnage se caractérise par l’observation, le compagnon intervenant très peu directement lors de l’opération et de moins en moins lorsque le nombre de camions en attente augmente. Lors de son observation, il détecte différentes difficultés, qu’il garde en mémoire et sur lesquelles il reviendra plus tard (ex. observation 8 et 12). Un retour sur ces difficultés se fera dans différentes situations :

– Il profitera, par exemple, d’un arrêt de la production engendré par l’arrivée du camion chargé de faire le plein de carburant de la chargeuse pour transmettre certains trucs et expliquer pourquoi le nouvel opérateur a connu ce type de difficulté;

– Il utilisera les déplacements avec le nouvel opérateur dans son véhicule pour revenir sur ce qu’il a constaté et orientera beaucoup ses échanges sur la progression de l’apprentissage.

Cependant, lorsqu’une situation semble avoir un impact plus sérieux, il établit alors un bref contact radio avec le nouvel opérateur pour l’informer qu’il viendra le voir dans la chargeuse. L’apprenant arrête alors l’opération et attend l’arrivée du compagnon. Ce type de stratégie a été observé particulièrement lorsque le compagnon considérait que l’apprenant ne pelletait pas au bon endroit le minerai et qu’il éprouvait de la difficulté à « lire son blast » et à « planifier son ouvrage », ce qui avait une influence importante sur la vitesse de chargement des camions.

Après avoir observé le nouvel opérateur un certain temps, le compagnon choisit de quitter le secteur du chargement afin de le laisser « travailler tranquille » et « prendre de l’expérience ». Il revient plus tard afin de juger, par observation, de la progression de l’apprentissage; les interactions avec l’apprenant demeurent rares au cours de cette opération.

9.4.2 Les déplacements : une occasion d’inspecter la mine

Lors du compagnonnage, le compagnon se déplace régulièrement que ce soit pour aller reconduire l’apprenant à son véhicule, se positionner afin de mieux voir l’opération en cours ou encore « laisser travailler tranquille » le nouvel opérateur. Ces déplacements sont alors une occasion d’inspecter l’environnement de la mine et de demander, parfois, que soient réalisées certaines interventions pour améliorer cet environnement, dans un souci de sécurité et de préservation de la santé des opérateurs à long terme.

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Être à l’affût et prendre action pour prévenir les problèmes de santé.

Observation 15 En se rendant vers une halde de stérile à la demande d’un opérateur de tracteur qui devait concevoir une rampe, le compagnon constate le mauvais état du plancher. C’est une halde d’hiver qui n’a pas été retravaillée depuis la fonte de la neige. Il y a plusieurs trous et le chemin est très cahoteux.

« c’est dur pour les camions et pour les gars. A long terme, c’est dur pour le dos et les genoux »

Il contacte alors le répartiteur et demande si une niveleuse peut venir régler la situation ce qui se fait quelque temps plus tard.

Lors des observations, le compagnon a détecté une foule d’éléments comme la qualité des butées qui délimitent le chemin, la présence de matériaux meubles (« loose ») sur le front de taille (« face »), l’utilisation des cales de roue sur les équipements miniers et les véhicules à l’arrêt. Il a aussi noté si les sous-traitants (nombreux sur le site) respectaient les règles de conduite en avertissant par radio leur intention de dépasser un véhicule ou si les véhicules à l’arrêt étaient délimités par une zone de sécurité et visibles, etc. Toutefois, ces constats, partagés avec l’observateur, n’ont pas fait l’objet d’une intervention particulière.

9.5 Une forme de « compagnonnage » qui se poursuit dans le temps

Le compagnonnage ne se limite pas à la formation de l’apprenant. Il arrive régulièrement que des opérateurs affectés à d’autres équipements fassent appel à l’expertise des compagnons lorsqu’ils les savent sur le site. Cette disponibilité leur permet d’assurer un certain suivi des apprentissages et une continuité dans le soutien aux nouveaux opérateurs, même après qu’ils aient été accrédités.

Soutenir des opérateurs nouvellement en poste.

Observation 16. En route vers le chargement, où se trouve l’apprenant, le compagnon reçoit un appel de la part du répartiteur afin qu’il aille guider l’opérateur du tracteur responsable de la conception d’une rampe. Il s’y rend, analyse le terrain avec l’opérateur du tracteur et lui explique comment il s’y prendrait pour concevoir la pente.

De plus, lorsque les compagnons sont à nouveau affectés comme opérateur, une certaine forme de compagnonnage se poursuit, en essayant parfois de créer des situations où un nouvel opérateur sera appelé à réaliser une tâche qu’il a vue lors de sa formation, mais n’a peut-être pas eu l’occasion de pratiquer.

« ….Moi souvent quand je suis sur la niveleuse et que j’ai besoin de me faire étendre de la gravelle, je demande au nouveau…(…) et j’essaie de guider le gars… »

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Certains opérateurs d’expérience proposent également à la supervision d’accompagner un nouvel opérateur lorsqu’il est affecté la première fois au quart de soir ou lors des premières bordées de neige.

9.6 Difficultés et préoccupations rapportées par les compagnons

Les opérateurs expérimentés qui acceptent de faire du compagnonnage affirment qu’il ne va pas toujours de soi de passer d’opérateur à « formateur ». Certains disent qu’ils doivent « apprendre à faire de la psychologie » ou « travailler la confiance en soi et s’adapter à chaque personne ». Aucune formation, aucun accompagnement n’existe pour les aider à développer les compétences nécessaires pour « apprendre à aider à apprendre », comme l’un d’eux l’a exprimé. Un compagnon raconte qu’il fait des efforts pour essayer de ne pas trop en dire en même temps à l’apprenant afin de ne pas le surcharger d’information.

« …pas que je trouve ça dur…mais c’est dur de prendre quelqu’un des fois qui part à zéro. Des fois on dirait qu’avec l’habitude il faut comme recommencer à la base, c’est dur des fois dans le fond de se mettre au niveau de la personne »

Les compagnons soulèvent également le défi que pose la progression de l’apprentissage, selon les acquis et les habilités de l’apprenant.

« Tu sais moi je suis habitué et je fais une affaire d’une manière, puis peut-être que si je lui montre…c’est peut-être trop dur pour le stade où il est rendu »

Ils font également une distinction entre le fait d’avoir enseigné une tâche et le temps nécessaire pour la maîtriser. Tous sont bien conscients que la durée de la formation n’est pas suffisante pour atteindre cet objectif.

« Parce qu’un opérateur…tu ne fais pas ça dans 2 semaines, oubliez ça ! »

Ils considèrent qu’un suivi sur une plus longue période pourrait être bénéfique.

« Souvent on dit - lui c’est un bon opérateur- parce qu’il charge beaucoup, mais ce n’est pas rien que ça…il est capable de charger, mais pas de faire son terrain. Il est capable de charger, mais son loader est brisé tout le temps. Il est capable de charger puis il y a une défaillance majeure sur son loader et il n’est pas capable de la voir »

L’arrimage entre la production et la planification de la formation est une préoccupation. En entretiens, les compagnons estiment essentiel d’avoir la possibilité de faire exécuter des tâches par les opérateurs en formation « en dehors de la production », c’est-à-dire dans des situations ou des zones non soumises aux exigences de la production. L’un d’eux rapporte d’ailleurs que le développement annoncé par la mine ne prévoit toujours pas ce type de zones. Or les compagnons insistent sur la difficulté d’enseigner des tâches qui n’ont pas été planifiées à la production. Dans ces conditions, ils doivent ou bien trouver le moyen de simuler ces tâches, lorsque c’est possible, ou tout simplement opter pour leur suspension du cours de formation. Ils déplorent également le fait de devoir parfois former avec des équipements ayant des bris, ce qui rend les opérations plus difficiles, même s’agissant de bris mineurs.

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Les compagnons sont par ailleurs préoccupés par la responsabilité qui leur incombe au moment de l’accréditation de l’apprenant. En réalité, le formateur — qui a un statut de cadre dans l’entreprise — est la personne responsable de l’accréditation. Mais il demande généralement l’avis des compagnons avant d’amorcer l’évaluation menant à l’accréditation. Or, dans certains cas, ce formateur n’est pas lui-même un opérateur d’expérience. En conséquence, l’avis des compagnons peut devenir ici déterminant. C’est la raison pour laquelle les compagnons s’inquiètent relativement à leur responsabilité dans le cadre de la loi C-21 si un accident grave venait à se produire. L’un d’eux affirme du reste que la formation à la tâche est rapidement mise en cause dans les enquêtes et analyses d’accident bien que des facteurs organisationnels (ex. planification des tâches, équipement surdimensionné pour faire la tâche, etc.) aient, selon lui, souvent plus d’impact dans la survenue d’événements accidentels.

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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10. LES CONDITIONS INFLUENÇANT L’INTÉGRATION DES NOUVEAUX TRAVAILLEURS

En s’appuyant sur le modèle proposé par Cloutier et coll. (2002), présenté à la section 3.3, le présent chapitre rassemble les principales conditions qui se dégagent de l’analyse des deux études de cas et qui semblent avoir une influence sur l’intégration des nouveaux travailleurs dans le contexte minier. D’après ce modèle, les conditions peuvent se rapporter à différents niveaux organisationnels tels le collectif de travail, le service, l’entreprise ou même le secteur d’activité économique. De plus, ces différents niveaux sont en partie interdépendants. Ainsi, ces conditions organisationnelles qui caractérisent l’environnement interne et externe de l’entreprise peuvent créer des situations plus ou moins favorables à la transmission des savoirs et à l’intégration des nouveaux travailleurs. Le tableau 1 résume les conditions mises en évidence selon les différents niveaux proposés dans le modèle d’analyse. Chacune d’elles sera décrite par la suite.

Tableau 11 : Les conditions influençant l’intégration des nouveaux travailleurs dans le contexte minier issues de l’analyse des deux études de cas

Niveau organisationnel

Conditions influençant l’intégration

Les caractéristiques du secteur

Secteur en croissance et pression des projets d’investissement Besoin de main-d’œuvre cyclique Loi C-21 et le souci de faire diligence raisonnable

L’organisation du site minier

Critères d’embauche des nouveaux travailleurs Ententes avec des centres de formation professionnelle Structure du dispositif d’accueil et d’intégration

- Reconnaissance du statut de formateur - Critères de sélection des formateurs - Reconnaissance du statut de compagnon - Progression formation technique /formation à la tâche - Contexte d’apprentissages différents de ceux dans lesquels les

nouveaux commenceront à travailler seuls - Accès à des « environnements protégés » de la production - Succession de compagnons lors de la formation

Processus d’achat de nouveaux équipements et leurs caractéristiques Place et organisation de la SST

L’organisation du « département mine »

Planification de la production et place de la formation Planification de la production et la transition seul au poste Pression de la production sur la durée de la formation Disponibilité des véhicules pour la formation Retard de la production et temps supplémentaire Rôle des superviseurs

L’équipe et le collectif de travail

Les compagnons : un rôle élargi, inscrit dans la continuité L’équipe, un accompagnement dans la durée

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104 Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

10.1 Les caractéristiques du secteur et de l’environnement externe

10.1.1 Un secteur en croissance et la pression des projets d’investissement

Les investissements par les grandes corporations minières permettent souvent d’augmenter la durée de vie d’une mine, car ils profitent notamment aux communautés voisines de la mine, souvent éloignée des grands centres et dont plusieurs emplois dépendent. Toutefois, leur succès est largement tributaire de la capacité des opérations à atteindre les objectifs fixés afin d’offrir aux investisseurs un retour rapide sur leur investissement. C’est, en partie, ce qui expliquerait l’implantation de projets dans l’urgence. Certains interlocuteurs de la mine-A ont en effet confirmé que, dès l’annonce du nouvel investissement, l’implantation d’un nouvel horaire et le développement de nouvelles équipes de travail ont dû s’effectuer dans les plus brefs délais. Cette situation ne pouvait qu’exercer une pression notable sur le service des ressources humaines pour accélérer l’embauche de même que sur les formateurs et compagnons pour intégrer ce grand nombre de nouveaux travailleurs. Elle a d’autre part amené les préventionnistes à insister pour que soient recensés plus systématiquement les incidents afin d’en faire le suivi, ceux-ci ayant triplé au cours de cette période. Il s’agit donc ici d’un contexte qui se démarque des conditions habituelles de recrutement de personnel particulièrement en ce qui a trait au dispositif d’intégration conçu par les entreprises pour répondre surtout à leurs opérations courantes. Or la fragilisation de ce dispositif peut générer des impacts tant sur la santé et la sécurité des travailleurs que sur la productivité.

10.1.2 Un besoin de main-d’œuvre cyclique

La nature cyclique des opérations minières fait en sorte que le renouvellement de la main-d’œuvre dans les sites s’opère plutôt par vague. Ainsi, les deux sites à l’étude avaient amorcé un renouvellement important de leur main-d’œuvre quelques années avant l’arrivée de l’équipe de recherche sur le terrain. La mine-A, dont la vague de renouvellement avait débuté au milieu des années 2000, a vu 70 % de ses employés changer en cinq ans. À la mine-B, au cours des cinq années précédant le début de cette étude, environ 50 % du personnel avait soit changé de mine ou de poste à l’interne bien qu’au total, le nombre d’employés soit demeuré relativement stable. Cette mine a souvent été mandatée pour former du personnel rattaché à d’autres divisions appartenant à la minière. De plus, selon une entente, le personnel peut être transféré d’une division à une autre. Il arrive donc, par exemple, que la mine-B forme plusieurs employés en même temps pour accueillir le personnel dont une autre division souhaite se départir. Ces dynamiques de mouvement de personnel pourraient avoir favorisé la mise en place d’un dispositif de formation structuré. Dans les deux mines, cette vague de renouvellement de la main-d’œuvre, parfois combinée à une réorganisation des équipes de travail, a engendré à son tour un mouvement de personnel en cascade, certains travailleurs profitant de l’occasion pour solliciter un changement de poste de travail, accroissant d’autant les besoins en matière d’intégration et de formation. De plus, ce sont des opérateurs polyvalents qui partent à la retraite, comme dans le cas des postes d’opérateur d’équipements miniers. Le site minier a donc dû aussi accélérer la formation des opérateurs en poste sur les autres équipements miniers pour pouvoir combler les besoins en production.

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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Afin de pouvoir répondre au besoin de la production, et compte tenu du grand nombre de travailleurs devant être formés, une des options retenues par un site minier a été de réduire le nombre d’heures de formation destinée aux postes d’entrée et d’instaurer le compagnonnage par des travailleurs expérimentés pour prendre ponctuellement la relève des formateurs désignés lorsque la demande en formation était plus importante, notamment lors de ce renouvellement par vague. Cette pratique s’est par la suite enracinée dans le dispositif de formation, les formateurs se chargeant de la formation théorique et de l’accréditation, les opérateurs expérimentés en poste, se chargeant de la formation à la tâche sur les équipements.

10.1.3 La loi C-21et le souci de faire diligence raisonnable

Il semble que l’avènement de la loi C-21, modifiant le Code criminel, ait eu une influence sur la structuration des dispositifs d’accueil et d’intégration ainsi que sur le développement de la formation en milieu de travail à l’intention des nouveaux travailleurs. Dans un des sites miniers à l’étude, la standardisation de la formation au métier – en termes de contenu, de durée et de documentation – est devenue une préoccupation majeure. Ainsi la documentation systématique des actions de formation, de prévention, d’inspection, etc., et les réflexions recueillies auprès des personnes rencontrées en entretien montrent le souci de faire diligence raisonnable tant chez les formateurs, les superviseurs que chez les autres cadres. Certains cadres constatent que beaucoup de temps est consacré à cette documentation systématique et souhaitent une plus grande présence sur le terrain, c’est-à-dire là où à leurs yeux se pratique la véritable prévention.

10.2 L’organisation du site minier

10.2.1 Les critères d’embauche des nouveaux travailleurs

L’embauche de nouveaux travailleurs détenant un DEP en « Extraction de minerai » ou, pour les postes d’opérateurs d’équipements miniers, dans un domaine connexe comme la « Conduite de machinerie lourde en voirie forestière » ou la « Conduite d’engins de chantier » est reconnue comme un élément facilitant l’intégration et la formation au métier. La formation menant au DEP permet d’apprendre à opérer des chargeuses, niveleuses, pelles, etc. même si elle n’inclut pas la conduite de gros camions.

« Ils ne partent donc pas de zéro… ils ont une notion du contrôle des transmissions hydrauliques » (Formateur)

Dans les deux sites, il semble que l’on privilégie de plus en plus les candidats détenant un DEP ou une expérience de travail d’opérateurs d’équipement sur des chantiers de construction ou en forêt. Du point de vue de tous les interlocuteurs rencontrés, cette évolution des critères d’embauche aide grandement le compagnonnage et la formation au métier. Même si certains constatent que les diplômés ont peu d’expérience en support de terrain, le DEP en extraction de minerai permettrait par exemple de mieux maîtriser, dès le départ, l’environnement et le vocabulaire miniers et de progresser plus rapidement vers le poste de boulonneur.

Toutefois, dans les deux sites, un travailleur ayant cumulé plusieurs années d’expérience comme opérateur de véhicule ou comme mineur dans une autre mine sera, comme tous les autres

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106 Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

nouveaux, affecté aux postes d’entrée. Son expérience n’est donc pas mise à profit immédiatement.

10.2.2 Des ententes avec des programmes de formation professionnelle

Une mine à l’étude jouit d’une entente avec une commission scolaire dans le but d’aider au recrutement des nouveaux travailleurs sur les postes d’entrée et de garantir que les candidats détiennent une certaine connaissance de l’opération d’équipements lourds. Cette entente permet au site minier d’assurer en quelque sorte une « pré-sélection » des candidats, avant même leur embauche, ce qui, de l’avis des personnes impliquées dans le processus d’accueil et d’intégration, facilite l’entrée en poste.

10.2.3 La structuration du dispositif d’accueil et d’intégration

10.2.3.1 La reconnaissance du statut de formateur

La reconnaissance du statut de formateur par l’entreprise minière peut avoir une influence sur le processus d’intégration. Dans un des sites à l’étude, à la suite du départ à la retraite du formateur ayant assuré à la fois la formation théorique et la formation à la tâche sur les équipements miniers, l’entreprise a recruté un formateur mandaté également pour superviser un autre service de la mine. L’expérience ne semble pas avoir été concluante puisque la gestion des aléas dudit service entraînait souvent des interruptions voire l’annulation de certaines formations. Selon les formateurs rencontrés, « ce n’est pas possible de tenir les deux ». Manifestement, l’ampleur du rôle de formateur et de ses exigences avait été jusqu’alors mésestimée. Sur ce site, les formateurs peuvent aussi être appelés à assurer le remplacement des superviseurs de production.

Sur l’autre site, les besoins importants en formation et le désir d’effectuer des suivis de formation ont incité la direction des ressources humaines à créer une équipe de formateurs expérimentés dont le rôle et la crédibilité seraient ainsi reconnus. Les formateurs travaillent au contenu de la formation, voient à l’encadrement du compagnonnage, à l’accréditation des nouveaux travailleurs et au suivi après la formation. Ils sont aussi sollicités pour leur expertise par le département des mines et de SST afin de contribuer, par exemple, à des enquêtes d’accident ou à des réflexions sur l’utilisation des équipements au sein de comités de fiabilité.

10.2.3.2 Les critères de sélection des formateurs

Dans la mine souterraine, les formateurs ont été choisis pour leur très grande expérience de travail à titre de mineur. La direction des ressources humaines souhaitait en effet une équipe de formateurs ayant une grande expertise et connaissant bien la mine, ce qui n’aurait pas été le cas avec une personne de l’externe ou un jeune travailleur.

Dans l’autre site minier à l’étude, alors que les formateurs ayant contribué initialement au développement des formations détenaient une expérience de longue date dans le métier, ce critère, bien que considéré comme un atout, n’est pas essentiel. Cette réalité a entraîné certains ajustements, les formateurs devant s’appuyer davantage sur l’avis des compagnons, lors de l’accréditation, par exemple.

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« … donner la théorie c’est une chose mais d’appliquer ta théorie sur des cas réels c’est plus difficile, puis en même temps l’évaluation aussi. Tu viens évaluer une personne, ça peut être un peu plus dur si tu ne connais pas la job …. C’est sûr que là il n’a pas le choix d’être en collaboration avec le compagnon ».

C’est la raison pour laquelle certains compagnons s’interrogent sur la responsabilité qui leur incombe si un accident se produisait après avoir verbalement recommandé l’accréditation d’un nouveau travailleur. Il semble également que les formateurs possédant une bonne expérience des opérations soient plus hésitants à accréditer un nouvel opérateur sur un équipement minier qu’ils connaissent moins et proposent à l’entreprise de faire davantage appel à une firme externe spécialisée. Une réserve qui, selon certains, serait moins formulée par les formateurs ayant peu d’expérience d’opération.

10.2.3.3 La reconnaissance du statut de compagnon

À la mine-A, les dispositifs d’intégration et de formation ont évolué. Les formateurs se chargent de moins en moins de la formation à la tâche sur les équipements, ce mandat étant alors dévolu à des opérateurs expérimentés occupant toujours un poste en production. La contribution des opérateurs d’expérience est reconnue de façon différente d’un site à l’autre. À la Mine-B, les compagnons sont sélectionnés par consensus par le personnel de prévention, des opérations et de formation à partir de différents critères tels que l’aptitude à travailler de façon sécuritaire, la facilité à communiquer et le désir de transmettre. Quelques formations leur sont également proposées et le salaire est bonifié. On peut alors parler ici de conditions favorisant la reconnaissance du statut de compagnon.

La situation est différente à la mine-A. Tous les opérateurs en poste peuvent être sollicités sur une base volontaire pour jouer le rôle de compagnon; cette responsabilité s’accompagne d’un petit supplément salarial. Certains formateurs questionnent toutefois ce processus informel puisque tous les opérateurs ne possèdent pas nécessairement les habiletés pour transmettre leur savoir. Ils s’inquiètent aussi de certaines façons de faire ayant été transmises et qui doivent être finalement corrigées au moment de l’accréditation.

Dans les deux sites, les travailleurs expérimentés appelés à jouer le rôle de compagnon au cours de la période déterminée par le dispositif d’accueil et d’intégration reçoivent une compensation monétaire. Alors qu’à la mine-A, il s’agit d’un montant forfaitaire quotidien, à la mine-B, le compagnon bénéficie d’une majoration du salaire de base et, pour le boulonneur, de la prime de rendement moyenne. Compte tenu du roulement important au poste de préposé au camion de service, une entente particulière a par ailleurs été convenue avec un compagnon pour le maintenir à ce poste un peu plus longtemps que prévu pour poursuivre la formation; cette entente visait à le compenser pour les possibles bénéfices perdus dans sa progression de carrière.

10.2.3.4 La progression formation technique / formation à la tâche

Le dispositif d’accueil et d’intégration décrit dans les deux sites fait cheminer les nouveaux travailleurs à travers différentes étapes (cf. 6.3). Outre l’accueil, la formation au métier prévoit des formations théoriques dispensées par les formateurs (ou des professionnels d’autres départements ou firmes) et une période de formation à la tâche, sous forme de compagnonnage

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d’une durée déterminée, mais modulée au besoin. Dans certains cas, il arrive que la formation théorique soit dispensée plus tardivement, lors de la formation à la tâche, ce qui exige alors des ajustements de la part des compagnons. Il semble également exister à la mine-A un certain flou quant à ce qui est attendu, par exemple en regard de la durée de la formation par jumelage, certains nouveaux rencontrés faisant état d’une durée plus courte que celle décrite dans le dispositif.

10.2.3.5 Des contextes d’apprentissage différents de ceux dans lesquels les nouveaux commenceront à travailler seuls

Sur les deux sites miniers à l’étude, l’apprentissage au métier durant la période de compagnonnage se fait souvent dans des contextes différents de ceux dans lesquels les nouveaux auront à travailler après leur période d’intégration « formelle ». Dans le cas des opérateurs d’équipements miniers à la mine-A, ce jumelage se fait essentiellement pendant le quart de jour. Ainsi, les habiletés de conduite, les repères pour s’orienter dans la mine ou se positionner pour déverser au bon endroit le minerai ou le stérile, l’appropriation des règles de conduite sécuritaire sont peu à peu intégrés en présence d’un travailleur expérimenté occupant la place du passager dans le camion ou suivant le travailleur dans un autre véhicule. Or, dès la fin de la période « formelle » d’intégration, les nouveaux amorcent leur affectation sur des quarts de soir et de nuit. Tous les nouveaux rencontrés rapportent des difficultés lors de cette transition. Les repères pour la conduite sont à reconstruire, et ce, sans la présence d’un opérateur d’expérience à leur côté. Ils signalent notamment le reflet des lumières dans les vitres, qui rend difficile le repérage des autres véhicules en circulation, la combinaison poussière-lumière qui réduit considérablement la visibilité, l’éblouissement important lorsque le camion s’approche des zones où les foreuses sont en activité et enfin, la gestion de la fatigue.

Dans le cas de la mine-B, des secteurs de la mine requièrent des techniques différentes de boulonnage (devis, boulons, grilles) en raison des conditions de terrain distinctes. Or la formation à la tâche se déroule surtout dans une partie de la mine où les contraintes sont moindres. Encore une fois, bien que des simulations de différentes situations de travail aient été présentées au cours de la formation, lorsqu’il sera affecté dans l’autre secteur de la mine, le nouveau sera confronté à des conditions nouvelles auxquelles il devra adapter les repères enseignés, voire utiliser un modèle de boulonneuse avec lequel il a peu travaillé. Un jumelage est parfois offert pour la transition dans une autre section de la mine. Soulignons qu’après leur formation, contrairement aux opérateurs d’équipements miniers, les opérateurs de boulonneuse travaillent seuls dans des galeries en développement, souvent isolés, ce qui rend plus difficile le recours rapide aux conseils de leurs pairs. Cela soulève des enjeux pour leur propre sécurité et pour celle des autres travailleurs puisque la qualité du soutènement des galeries dépend en grande partie de leur travail. Le superviseur, assure un rôle essentiel à cette étape en confiant au nouveau boulonneur des tâches moins à risque et moins pressantes tenant compte de son expérience.

10.2.3.6 L’accès à des « environnements d’apprentissage protégés » de la pression de production

Les formateurs et les compagnons de la mine-A insistent sur l’importance d’avoir accès à des secteurs où ils peuvent assurer une partie de la formation à la tâche sans trop exposer les

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nouveaux travailleurs à la pression de la production. C’est par exemple le cas lors de la formation à la tâche comme opérateur de chargeuse où le compagnon tente de repérer les tâches qui pourraient être réalisées, lors des premiers jours du compagnonnage, dans un secteur jugé sécuritaire et en dehors du site de production. À la mine-A, cette pratique semble toutefois récente, car auparavant on affectait directement les opérateurs en formation au chargement du minerai. Selon les propos recueillis auprès d’un compagnon, ce changement fait suite à une période au cours de laquelle la mine a enregistré une baisse de production. Certains compagnons déplorent d’ailleurs le fait que lors de la planification du développement de la mine, ces zones « protégées » ne soient pas systématiquement prévues ou même préservées. À la mine-B, une pratique similaire est aussi favorisée pour l’apprentissage à la boulonneuse. Le compagnonnage se fait plus souvent dans un secteur de la mine présentant moins de difficulté et non soumis à la pression de production. De plus, il n’y a pas d’attente de rendement particulier durant la formation. Enfin, notons que la formation au poste de mineur conventionnel se déroule dans un secteur de la mine à l’écart de la production.

10.2.3.7 La succession de compagnons lors de la formation à la tâche

À la mine-B, durant la période de formation à la tâche, le nouveau travailleur est continuellement jumelé au même compagnon. Occasionnellement, lorsqu’un complément de formation est requis, un autre compagnon peut être jumelé au nouveau travailleur; on recherche ainsi une approche un peu différente dans l’enseignement du métier lorsqu’un travailleur éprouve par exemple des difficultés. En outre, s’il y a plusieurs employés à former, il peut arriver qu’un nouveau préposé au camion de service soit d’abord jumelé avec un travailleur expérimenté avant de l’être avec le compagnon officiel pour terminer sa formation. La succession de plusieurs compagnons expérimentés au cours de la formation à la tâche est considérée comme bénéfique à la mine-A dans le sens où elle permettrait la transmission d’une plus grande diversité de stratégies, de trucs ou de repères. Toutefois, étant donné la rotation des horaires, les compagnons ont rarement l’occasion d’échanger sur la progression de l’apprentissage, la feuille de parrainage restant parfois entre les mains du premier compagnon, ce qui empêche le suivant de prendre connaissance des éléments qui ont été transmis. Dans l’un des sites, il n’existe d’ailleurs aucun mécanisme ou activité incitant les compagnons à échanger sur ce rôle particulier entre eux.

10.2.4 Le processus d’achat de nouveaux équipements et leurs caractéristiques

Au moment de l’étude, les sites participants étaient engagés dans des projets d’expansion qui se traduisaient notamment par l’acquisition de nouveaux équipements miniers afin d’accroître la production. Du fait de l’évolution rapide des technologies et des avancées sur le plan de l’amélioration du confort des cabines de conduite et des commandes, ces nouveaux équipements possèdent parfois des caractéristiques qui réduisent les retours proprioceptifs mettant en échec les savoir-faire de métier développés avec l’expérience et limitant en conséquence les possibilités de transmission de certaines sensations utiles à l’opération.

« Ça dépend des chargeuses. Il y en a que tu as vraiment plus de sensibilité que d’autres. Le nouveau qu’on a eu …, je ne suis pas capable d’opérer avec ça il y a vraiment zéro sensation puis tu ne vois pas quand tu opères. On dirait que quand tu es habitué avec une machine, quand tu as une bonne visibilité, et que tu as un bon

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ressenti, tu arrives avec ça…là tu n’as plus de feeling du tout puis je ne l’aime pas » (travailleur)

À notre connaissance, les formateurs ou les travailleurs d’expérience de la mine-A sont peu consultés au moment de l’achat de ces nouveaux équipements. Les critères considérés à ce moment-là semblent surtout avoir trait aux coûts, à la fiabilité, à la maintenance et à la capacité de production. Les critères relatifs aux conditions d’opération et d’apprentissage semblent peu ou pas pris en compte dans le processus d’achat.

La mine-B quant à elle développe ou adapte des outils ou des équipements en collaboration avec les compagnies d’équipement dans le but de répondre à des besoins spécifiques. Ce processus d’amélioration fait appel aux opérateurs, compagnons, mécaniciens et autre personnel de la mine.

10.2.5 La place et l’organisation de la SST

Dans les deux sites, la santé et la sécurité sont présentées comme une valeur essentielle des entreprises dans l’atteinte de leurs objectifs de production. Les différentes personnes intervenant auprès des nouveaux travailleurs font unanimement remarquer la place accordée à la SST dans la formation au métier, notamment en ce qui concerne les différents mécanismes mis en place comme la formule de supervision, la carte de travail, les normes corporatives édictées, etc.

« Il n’y a personne qui va me convaincre qu’on fait un opérateur en 2 semaines de formation…un opérateur c’est une expérience, ça vient avec le temps. Je vais autoriser un opérateur à utiliser seul un équipement, quand je serais convaincu qu’il n’est pas dangereux, ni pour lui, ni pour les autres, qu’il a le contrôle de son équipement puis qu’il a le potentiel d’apprendre ».

Plusieurs documents ont été créés afin de systématiser les approches de prévention et de documenter les aspects de la production. Toutefois, un compagnon affirme que la façon de remplir la carte de travail a changé quatre ou six fois depuis 20 ans, et il croit que certains ne la remplissent pas comme il se doit. Un cadre mentionne également la nécessité de mettre à jour le très grand nombre de procédures existantes, certaines s’avérant difficilement applicables. Conscient du temps requis pour la réalisation de cette démarche, compte tenu du nombre de personnes à consulter, il estime malgré cela essentiel de voir à ce que ces procédures soient réellement applicables par les employés.

D’autre part, les sites s’appuient sur des approches de sensibilisation à la prévention interpellant la responsabilité de chaque personne dans l’organisation.

Malgré la place incontestable qu’occupe la SST tant dans le discours que dans de nombreuses pratiques formalisées, les informations recueillies et les moyens pour traiter les évènements accidentels, les incidents, les bris, etc. ne permettent pas vraiment d’être opérationnel dans une perspective de prévention aux différents postes de travail.

Par exemple, les bases de données sur les lésions et incidents sont tenues à jour, mais il est très laborieux d’en extraire un portrait pour le poste occupé au moment de l’événement, en particulier

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en ce qui concerne l’expérience de l’employé à ce poste et les formations suivies pour ce poste. Il est par conséquent difficile pour les sites d’assurer le suivi des événements qui se produisent et de s’appuyer sur cette expérience pour alimenter la formation au métier. Qui plus est, certains compagnons et formateurs considèrent que les facteurs organisationnels sont rarement pointés dans les enquêtes et analyses d’accident, faisant ainsi obstacle aux actions en prévention qui pourraient être plus durables que celles ciblant exclusivement les comportements individuels.

10.3 L’organisation du « département mine »

10.3.1 Planification de la production et la place de la formation

La planification de la production à la mine-A se base sur le nombre d’équipements miniers en opération et ne tient pas vraiment compte du niveau d’expérience des opérateurs.

« Nous autres on planifie avec un opérateur d’équipement minier, c’est un opérateur d’équipement minier, qu’il soit en formation, que ce soit un nouveau, que ça fasse 20 ans qu’il soit ici. … on ne parle pas de gestion de performance nécessairement. On parle de production globale, par exemple, dépendamment du nombre de chargeuses que l’on a ou dépendamment du nombre de camions qui sont disponibles, on devrait faire de la production pour tant de mille de tonnes » (cadre)

Les cadres chargés de la planification de la production sont conscients que la formation peut avoir un impact sur la production, mais plusieurs estiment que « cela fait partie de la game ». Toutefois, des aménagements à la formation sont prévus pour certains postes plus stratégiques tel celui d’opérateur de chargeuse dans les mines à ciel ouvert : afin de minimiser l’impact sur la production et ne pas trop nuire au tonnage hebdomadaire, les cadres essaient, par exemple de limiter le nombre de personnes en formation la même semaine sur ces postes.

« Ce qui nuit le plus c’est d’avoir un nouveau en formation à la chargeuse de chargement. C’est certain que j’essaie de ne pas mettre quatre gars de formations chargeuses la même semaine, sinon ça n’aura aucun bon sens. Mais on en met tout le temps un par semaine. » (cadre)

Cependant, ces aménagements organisationnels visant à préserver à la fois la capacité de production et les conditions d’apprentissage (pression sur les opérateurs en formation) sont parfois mis en échec comme lorsque surviennent des bris d’équipements ou qu’il y a peu d’équipements disponibles. Il peut arriver alors que la seule chargeuse en fonction soit celle opérée par l’opérateur en formation induisant ainsi beaucoup de pression sur ce dernier de même que sur le compagnon, comme nous l’avons illustré à la section 9.3.

La formation sur le camion de service s’effectue dans les conditions de production normales. Étant donné que le compagnon et le nouveau préposé se trouvent ensemble dans le même camion, cela permet si nécessaire d’effectuer les tâches à deux plutôt que seul. Ainsi, les tâches de manutention manuelle peuvent être partagées, l’élingage et le guidage des charges suspendues au mât étant assumés par une personne pendant que l’autre s’occupe des commandes du mât. Enfin, pour le poste de boulonneur, la formation a lieu dans des sites où la production ne presse

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pas et ni le compagnon ni le nouveau boulonneur ne sont soumis à des attentes particulières de production.

10.3.2 Planification de la production et la transition seul au poste

Bien que, de façon générale, la planification de la production ne tienne pas compte du niveau d’expérience des travailleurs, les entrevues révèlent que la supervision le prend en considération à certaines occasions. On évitera ainsi d’affecter un nouveau boulonneur dans une galerie présentant des particularités de terrain. Il existe cependant un certain flou concernant les attentes de production. Bien que l’on reconnaisse l’importance pour les nouveaux de trouver « leur propre rythme », on s’attend malgré tout à ce qu’ils parviennent, après un certain temps, à remplir leur « contrat » (nombre de boulons par quart de travail). Les nouveaux boulonneurs eux-mêmes souhaitent compléter leur contrat, d’autant que cela a une incidence sur leur rémunération. Éventuellement, un nouveau préposé au camion de service, mis dans un contexte où il manque un préposé sur le quart de relève, vivra davantage de stress puisqu’il y a d’emblée déficit sur le travail normalement accompli en 24 heures.

Rappelons également que dans la mine-A, c’est l’ancienneté qui détermine la priorité de choix de l’équipement minier sur lequel un opérateur travaillera. Dans la circonstance, les nouveaux opérateurs, peuvent, une fois leur formation sur le camion terminée, se retrouver à opérer un camion qu’ils connaissent peu ou bien être affectés sur d’autres types de véhicules sur lesquels ils ne peuvent poursuivre leur apprentissage.

10.3.3 Pression de la production sur la durée de la formation

La majorité des personnes impliquées dans la formation des nouveaux travailleurs ne rapportent pas de pression exercée par les besoins de la production pour que soit écourtée la durée prévue de la formation. Malgré cela, dans le passé, un des sites à l’étude a été confronté à une réduction de plusieurs heures de la formation, en période de forte embauche. Constatant après-coup une augmentation du nombre d’incidents, les préventionnistes ont demandé à ce que la durée soit ramenée à ce qu’elle était initialement. À la mine-B, la durée de formation a plutôt suivi une tendance croissante afin de compenser le manque d’expérience préalable des futurs boulonneurs en matière de support de terrain.

10.3.4 Disponibilité des véhicules pour la formation

Dans les deux sites à l’étude, la disponibilité des véhicules pour les formateurs et les compagnons afin de suivre les nouveaux travailleurs est essentielle au bon déroulement de la formation à la tâche. Dans un des sites, un problème de non-disponibilité a été réglé par l’achat de quelques véhicules maintenant dédiés à l’équipe de formation.

10.3.5 Retard dans la production et temps supplémentaire

Les sites à l’étude ont à gérer des retards dans la production. Dans le cas de la mine-A, les mauvaises conditions climatiques combinées à une embauche substantielle de nouveaux travailleurs et à de nombreux bris d’équipements ont influencé l’atteinte des objectifs de production. Le recours au temps supplémentaire est fréquent pour combler ces retards. Les

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besoins sont tels que même les nouveaux opérateurs, cumulant très peu d’ancienneté, sont régulièrement sollicités pour faire du temps supplémentaire soit comme journalier ou opérateur de camion. L’attrait d’une rémunération additionnelle ou de la possibilité de démontrer à l’entreprise leur sens des responsabilités les incitent à assumer de longues journées de travail, même si, pour la plupart, il leur reste encore plusieurs aspects du métier à apprendre. Ce recours régulier au temps supplémentaire peut aussi avoir des répercussions sur la vigilance et le niveau de fatigue des travailleurs plus expérimentés. À la mine-B, les nouveaux travailleurs qui le désirent peuvent faire du travail supplémentaire sous forme d’une journée travaillée durant leurs journées normales de congé, les amenant de ce fait à travailler dans une équipe différente de celle à laquelle ils appartiennent en temps régulier.

10.3.6 Le rôle des superviseurs

Peu d’entretiens ont été conduits auprès de superviseurs. Néanmoins, les aspects suivants quant à leur rôle durant l’intégration se sont dégagés de l’information recueillie auprès de l’ensemble des personnes rencontrées :

Le superviseur de l’équipe du nouveau travailleur :

accueille le nouveau;

voit le nouveau au début et à la fin du quart;

tente de visiter deux fois par jour tous les travailleurs dans les mines souterraines. Il faut noter que ces derniers sont répartis sur de nombreux niveaux de la mine et que le poste de préposé au camion de service est mobile;

peut ne pas être présent lorsque l’entraînement du nouveau se fait dans une autre section de la mine ou dans une autre équipe. Un autre superviseur en aura la responsabilité;

le nouveau doit s’adresser au superviseur en cas de problème ou de question sur les priorités de travail.

Le superviseur fait le lien entre son équipe et l’équipe qui précède/suit. Il planifie les priorités, l’attribution des équipements et les places de travail ce qui requiert donc une présence sur une longue plage horaire afin de pouvoir discuter avec le superviseur de l’autre quart. D’après les informations recueillies, les superviseurs ont de grandes responsabilités notamment en matière de planification de la production et pour s’assurer que le travail s’effectue selon les règles de l’art et dans la sécurité. Compte tenu de ces horaires, de ces responsabilités et du salaire souvent élevé d’un mineur, la rétribution accordée aux superviseurs ne serait pas de nature à attirer des mineurs d’expérience pour occuper ce poste. De plus, la lourdeur de la documentation (procédure, rapports d’accident, réunions) découragerait certains mineurs à devenir superviseur. Un cadre affirme que pour occuper ce poste « il faut que ce soit une passion pour toi. ». Deux cadres mentionnent qu’en passant de mineur à superviseur, il y a certes diminution des contraintes physiques, mais augmentation du stress ou de la fatigue mentale.

Au cours des dernières années, on a vu des postes de superviseur être comblés, par exemple, par des techniciens en génie minier bien formés, mais peu expérimentés. La mine-B ferait d’abord

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travailler ces nouveaux sur des postes de mineurs afin de leur faire connaître le travail et la mine. Cette expérience leur permet également de gagner une meilleure crédibilité auprès des mineurs.

Le personnel en SST de la mine-B accompagne les nouveaux superviseurs pour les guider dans l’application de la formule de supervision. La mine insiste en particulier sur la deuxième visite requise par la réglementation. En général, les objectifs de l’accompagnement sont de voir si le superviseur a tous les outils pour accomplir son travail correctement et de lui apporter le support nécessaire.

À la mine-A, les entretiens mettent en évidence des situations où les superviseurs jouent un rôle clé dans les apprentissages en permettant notamment à des opérateurs expérimentés d’accompagner le nouveau travailleur, lors de son premier quart de soir après sa formation, pour quelques déplacements en camion; l’objectif étant ici de l’aider à transférer les apprentissages dans un nouveau contexte. On note de même que pour des raisons d’apprentissage, le superviseur autorise le compagnon à prendre le temps de faire étendre du gravier au moyen de la chargeuse par le nouveau travailleur, et ce, même si cette tâche n’est pas nécessaire et que le nouveau est affecté au chargement du minerai. Les superviseurs de la mine-B ont un rôle similaire. Le compagnon boulonneur identifie des zones de la mine ou des équipements qui permettent de couvrir différentes situations d’apprentissage et fait une demande au superviseur qui autorise et organise le tout. C’est aussi le superviseur qui veille à confier, graduellement selon leur degré de difficulté, des tâches au nouveau boulonneur.

10.4 L’équipe et le collectif de travail

10.4.1 Les compagnons : un rôle élargi, inscrit dans la continuité

De multiples dimensions de l’activité des compagnons sont apparues lors des observations. Elles laissent voir qu’ils occupent clairement une fonction centrale dans le processus d’apprentissage et d’intériorisation du rôle organisationnel attendu, non seulement par la transmission des savoirs et des valeurs, mais aussi en agissant en véritables gardiens des conditions d’apprentissage. Pour plusieurs, effectivement, ce rôle déborde la période formelle dédiée à la formation à la tâche; il s’inscrit dans la durée par une attitude alerte et de disponibilité envers les autres travailleurs, que ceux-ci soient en train de former ou bien en poste comme opérateur. Les compagnons soutiennent également le travail de supervision en assumant de façon informelle l’inspection de l’environnement de travail au gré de leurs déplacements.

10.4.2 L’équipe, un accompagnement dans la durée

Le dispositif formel de formation ne permet pas de couvrir l’ensemble des situations auxquelles sera confronté le nouveau travailleur. L’équipe assurera alors le relais pour un apprentissage dans la durée. Par exemple, dans la mine à ciel ouvert, durant sa formation, le nouvel opérateur pourrait ne pas rencontrer de situation le plaçant dans l’impossibilité de lever la benne du camion. Lorsque cette situation se présentera une fois en poste, les opérateurs de son équipe pourront le guider par échanges radio. C’est également dans la durée, avec l’aide de l’équipe que s’intériorise une valeur souvent nommée par les compagnons à la mine-A « reconnaître que l’on est tous liés » autour de laquelle se construit le collectif de travail et la place que l’on est prêt collectivement à laisser au nouveau au sein de ce collectif.

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« Tout le monde dans le fond essaie de faire attention à l’autre autant pour la sécurité que pour les charges de travail. On essaie d’éviter de donner du travail aux autres inutilement. Tant que ce soit que l’opérateur de chargeuse charge trop son camion, puis que ça fasse tomber des roches pour l’opérateur de niveleuse, tant l’opérateur de camion quand il va dumper au tracteur ben il fait attention à par exemple par déverser du matériel sur la halde pour de rien. L’opérateur de tracteur ben il fait sa dump correctement pour éviter les risques d’accidents. On est tous lié, tout le monde peut en quelque part… » (travailleur)

Dans la mine souterraine, les travailleurs ont peu souvent l’occasion de se réunir et de se parler, mais considèrent tous l’entraide comme importante. L’attente de la cage pour descendre dans la mine, en début de quart, ou les rencontres dans la salle de refuge sont des occasions pour les nouveaux travailleurs de poser des questions au personnel plus expérimenté. Il y a aussi collaboration entre les préposés au camion de service travaillant dans un même secteur de la mine.

« Quand je me fais poser une question par n’importe quel autre, j’y réponds du mieux que je peux. Il n’y a pas personne ici qui va dire « arrange-toi avec tes troubles! », c’est officiel. »

« Moi quand j’étais sur notre équipe là, c’était comme une famille. Tu passes quasiment plus de temps avec ces gars là que chez vous. (…) Sous terre, on dit tout le temps « si tu craches en l’air, ça va revenir plus vite que dans la vie, sous terre ». Parce que quand il y a quelqu’un qui a besoin d’aide, aide-le, parce que tu sais pas si une heure après, ça va être toi qui va avoir besoin d’aide ».

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11. DISCUSSION

L’objectif général de notre projet était de documenter les conditions favorisant une intégration sécuritaire et compétente des nouveaux travailleurs dans l’industrie minière, dont celles soutenant la transmission des savoirs entre travailleurs expérimentés et nouveaux travailleurs. Cela supposait de comprendre à la fois les conditions dans lesquelles agissent les individus et leur rôle dans ce processus afin de proposer des pistes de réflexion pour améliorer les efforts d’intégration et de transmission des savoirs.

Un modèle d’analyse a été proposé pour ce faire (section 3.3) intégrant :

les individus et leur expérience propre sur le cours de vie, l’expérience étant un processus continu de transformation de l’individu à travers les situations d’action et d’interaction;

les situations d’action et de transmission des savoirs où les individus agissent et interagissent entre eux et avec les situations de travail, celles-ci étant elles-mêmes définies par un ensemble de conditions spécifiques contribuant ou non à l’intégration.

Sur la base de ce modèle, les études de cas font le point sur des situations d’intégration des nouveaux travailleurs réellement vécues dans deux sites miniers et les moyens mis en œuvre pour faire face aux défis posés. Le dispositif formel mis en place pour soutenir l’intégration est décrit à travers un examen détaillé de l’activité de travail des personnes (St-Vincent et coll., 2011) participant à ce processus. En effet, cette étude accorde une place importante à l’analyse de situations d’action sur des postes d’entrée (opérateur de camion de service, opérateur de camion benne) et des postes plus spécialisés (boulonneur, opérateur de chargeuse au chargement) réalisée à partir d’observations sur le terrain et de verbalisations recueillies auprès de travailleurs au cours de leur activité de travail comme opérateur ou compagnon. Nous avons tenté de dégager, par une approche compréhensive de ces situations d’action, les conditions pouvant avoir une influence sur le processus d’intégration et plus particulièrement sur cette phase du processus que l’on nomme « adaptation et stabilisation dans l’entreprise » que l’auteur Maurice-Desbat (2008) estime trop souvent ignorée « car pense-t-on elle semble aller de soi » (ibid p.132).

À propos des actions à déployer en entreprise pour favoriser l’intégration, nos résultats nous suggèrent une approche d’aide à l’apprentissage consistant à proposer un ensemble cohérent de moyens et de ressources pour permettre au nouveau travailleur de mieux comprendre la situation et prendre des décisions d’action au quotidien (Haradji, 1993; Theureau et Jeffroy, 1994). Contrairement aux approches de gestion des connaissances qui cherchent à documenter les connaissances utilisées par les acteurs, les emmagasiner, les enrichir et les modifier pour ensuite les redistribuer (Applehans et coll., 1999; Elias et Hassan, 2004; Lamari, 2010), nos résultats montrent que ce sont les travailleurs qui possèdent le savoir-faire pour surmonter les obstacles dans le travail. Avec les moyens et les conditions appropriés, ils peuvent contribuer à la transmission des savoirs et à l’intégration des nouveaux travailleurs. Les moyens d’aide sont souvent simples et visent à réduire les obstacles et tirer profit des situations d’action. Le fait, par exemple, de pouvoir influencer la répartition des camions aux stations de chargement afin de réduire la pression sur le nouvel opérateur de la chargeuse qui voit grossir le nombre de camions en attente représente un moyen cohérent d’aide à l’apprentissage. Ultimement, l’ensemble de ces moyens devrait permettre de s’intégrer à une culture, d’y participer et de la transformer (Hutchins, 1994; Lave, 1996; Lave & Wenger, 1991).

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À la lumière de nos résultats, il nous semble important de revenir tout d’abord sur la notion d’intégration avant de discuter des situations, des ressources et des contraintes qui influencent l’évolution de l’expérience des nouveaux travailleurs. Il sera par la suite question des caractéristiques particulières de l’activité de compagnonnage et des ressources à développer pour la soutenir. Enfin, nous terminerons en proposant un modèle d’action pour parfaire les dispositifs et soutenir l’intégration des nouveaux travailleurs dans la durée.

11.1 L’intégration de nouveaux travailleurs, un processus inscrit dans les opérations minières

Dans les deux sites, l’accueil de nouveaux travailleurs ou la formation à de nouveaux postes de travailleurs déjà à l’emploi de la mine n’était pas une activité ponctuelle, mais représentait plutôt une activité courante et quasi continue compte tenu du taux de roulement de personnel à certains postes ou de l’évolution rapide des objectifs de production. Au moment de l’étude, le secteur minier connaissait une phase de croissance et une des mines se voyait par conséquent régulièrement confrontée aux exigences de l’intégration de nombreux travailleurs.

D’autre part, une fois devenus familiers avec leur tâche et donc plus sécuritaires et efficaces, les mineurs sont souvent appelés à progresser vers de nouveaux postes les amenant à amorcer un nouvel apprentissage. On estime, par exemple, qu’il faut trois mois à un préposé au camion de service pour être à l’aise à son poste. Or, bon nombre de préposés ne demeureraient en poste que six mois à un an. Leur courte expérience les rend davantage à risque de blessure (Breslin & Smith, 2006). Qui plus est, les travailleurs expérimentés qui intègrent les nouveaux peuvent avoir moins d’un an d’expérience dans le métier.

L’annonce d’un projet d’investissement et l’embauche de plusieurs travailleurs sur une très courte période créeront une pression importante sur les dispositifs et les personnes responsables de l’accueil et de la formation des nouveaux. Or, force est de constater que, malgré la place reconnue à l’intégration et à la formation par les personnes rencontrées dans la cadre de cette étude, ces dimensions de l’activité de la mine semblent occuper peu de place dans les paramètres définissant l’échéancier d’implantation du projet et les objectifs de production.

Les sites miniers modifient régulièrement leur dispositif d’intégration dans le but de les bonifier. S’inscrivant dans cette volonté d’amélioration, notre étude suggère :

de considérer les dispositifs d’accueil et d’intégration comme faisant partie intégrante des opérations minières;

d’opter pour une conception élargie de la notion de « nouveau travailleur »;

d’appréhender l’intégration non comme une période balisée par le temps de la formation au métier, mais davantage comme un processus s’inscrivant dans la durée;

d’accorder une attention à la mise en place de moyens pour soutenir l’apprentissage dans les trois domaines de socialisation proposés par Lacaze et Perrot (2010) soit le travail, le contexte organisationnel et le groupe de travail;

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de mieux tenir compte, dans la conduite de projets d’investissement, des enjeux de formation et d’intégration de la main-d’œuvre sur laquelle repose en grande partie le succès de ces investissements.

11.1.1 Vers un élargissement de la notion de « nouveaux travailleurs »

Les résultats de notre étude révèlent que les nouveaux travailleurs ne sont pas nécessairement synonymes de jeunes fraîchement sortis des écoles. De fait, ils proviennent de tous groupes d’âge et d’expérience. Un nouveau travailleur est, comme le définit un document de l’INRS (2009), un travailleur qui se trouve en décalage (technique, organisationnel, culturel,…) avec son nouvel environnement de travail. Ainsi, certains possèdent une expérience professionnelle antérieure et proviennent de secteurs connexes (conduite de véhicules lourds, équipements forestiers, etc.) tandis que d’autres proviennent de secteurs non afférents (services, santé, arts, etc.). Du reste, les salariés affectés à un nouveau poste dans la mine, ceux qui reviennent au travail après une longue absence ou encore ceux qui proviennent d’une autre mine (du même groupe ou d’une mine concurrente), même s’ils connaissent la conduite technique, se trouvent malgré tout confrontés à un nouvel environnement de travail qui requiert également une intégration : qu’il s’agisse du collectif de travail avec ses méthodes et ses habitudes spécifiques, aux pratiques et politiques organisationnelles, aux outils, ou encore aux caractéristiques du lieu (le sol et la roche, l’architecture des galeries, etc.). La législation américaine (Code of Federal Regulation 30, 2013) considère qu’un mineur est expérimenté lorsqu’il a reçu la formation réglementaire et a au moins 12 mois d’expérience comme mineur (note : d’autres critères spécifiques peuvent aussi s’appliquer); par opposition, le nouveau mineur est défini simplement comme un mineur non expérimenté. Bien que cette définition soit restrictive, la législation prévoit déjà plusieurs cas où un mineur, travaillant dans une mine souterraine ou à ciel ouvert, doit recevoir un complément de formation, suggérant ainsi qu’un travailleur expérimenté peut être non moins exposé à des situations nouvelles et se retrouver en décalage : 1) à chaque année pour une mise à jour; 2) après une absence plus ou moins longue (ex. lorsqu’il y a eu des changements dans l’environnement); ou 3) lors d’assignation à des tâches pour lesquelles le mineur n’a pas d’expérience. Il n’y a pas d’exigences équivalentes spécifiques aux mines dans la réglementation québécoise (RSST dans les mines).

L’élargissement de la notion de nouveaux travailleurs montre, d’une part, la pertinence de mettre en place un dispositif d’accueil et de formation, ce qui converge avec les résultats de Breslin & Smith (2006) qui concluent que les premiers mois dans un nouvel emploi, peu importe l’âge, constituent des périodes particulièrement à risques d’accident et d’incident; mais il laisse entrevoir, d’autre part, des besoins nettement différenciés chez les nouveaux travailleurs en termes de formation et d’intégration. Un jeune diplômé, par exemple, avec peu d’expérience de travail, n’aura pas les mêmes besoins qu’un travailleur expérimenté provenant d’un domaine connexe et dont les expériences acquises seront pour la plupart transférables à son nouveau métier ou encore, un travailleur de retour au travail après plusieurs mois d’absence. Chacun entre dans l’entreprise avec son propre bagage et son histoire (Vaught, 2008).

Si ce constat peut sembler banal, il suppose néanmoins, en pratique, de tenir compte de l’expérience antérieure du nouveau travailleur et d’adapter en conséquence les moyens et le

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temps consacré à son intégration. La mine-B, par exemple, prévoit une durée de formation qui peut varier en fonction des préalables et habiletés de chaque travailleur arrivant en poste.

11.1.2 L’intégration, un processus à inscrire dans la durée

Selon Lacaze et Perrot (2010), l’intégration est un processus complexe et long, qui s’étale sur plusieurs mois, voire de nombreuses années. La plupart des acteurs rencontrés aux deux sites miniers adhèrent à cette conception en soutenant, chacun à leur façon, que l’on ne devient pas un bon opérateur en quelques semaines. Or cette conception d’une intégration s’inscrivant dans la durée ne transparaît pas toujours au travers du dispositif d’accueil et d’intégration mis en place depuis le milieu des années 2000, lequel a depuis fait l’objet, rappelons-le, d’une attention et d’une amélioration constante. En effet, bien que l’accueil, le contenu de la formation théorique, la durée de la formation à la tâche en situation réelle de travail, l’évaluation et l’accréditation soient clairement structurés, le suivi, par exemple, des nouveaux travailleurs au cours de leur première année d’embauche n’est pas toujours prévu dans le dispositif. Nos résultats montrent pourtant que ce sont les collectifs de travail, à cette étape, qui assurent en partie le relais, lorsque bien sûr les conditions de travail entraînent la proximité des coéquipiers, ce qui n’est pas toujours le cas.

D’après Lacaze et Perrot, (2010), les entreprises confondent parfois accueil et intégration, l’accueil consistant à faire connaître par des rencontres, de la documentation et des formations les attentes et les conditions d’entrée du nouveau travailleur. De son côté, Bédard (2010) souligne que cette étape se résume souvent à la transmission d’une grande quantité d’informations que le nouveau travailleur devra lire et mémoriser dans un court laps de temps, lui laissant le sentiment d’être submergé d’information. Certains acteurs, aux deux sites miniers, ont aussi soulevé cette préoccupation.

Or, l’intégration dépasse largement la démarche d’accueil et de formation. L’intégration constitue plutôt un processus d’apprentissage progressif où l’individu développe et construit une compréhension des modes de fonctionnement de l’organisation, du collectif de travail et de métier et du travail lui-même. Lacaze et Perrot (2010) parlent de trois domaines de socialisation à savoir le domaine du travail (ex. jargon, procédures, aspects techniques, vision du rôle, responsabilités), le domaine relationnel (ex. : fonctionnement, culture, pouvoir par rapport au groupe) et le domaine organisationnel (ex. : métier, histoire, stratégie, produits, culture, valeurs, règles, structure,…). Selon Papet et Louche (2004), la transition lors de l’entrée en entreprise est caractérisée par l’incertitude et c’est l’élaboration d’une représentation de l’entreprise, en tant qu’objet social, qui permettra d’y pallier. Cette représentation se construirait par le processus de communication et aussi par l’influence existant dans les groupes et évoluerait au fil du temps notamment par l’expérience acquise. Par son interaction avec différentes personnes et différentes situations de travail, le nouveau transforme sa compréhension des situations et adapte son action. Il gagne de ce fait une légitimité auprès des autres qui lui reconnaissent une compétence et une confiance au travail. À travers ce processus, il épouse une culture, y participe et la transforme (Hutchins, 1994; Lave, 1996; Lave & Wenger, 1991). Ainsi, l’intégration constituerait un processus dynamique de construction de l’expérience en situation d’action (formation, accueil, travail, etc.).

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De même, la formation, à elle seule, ne suffit pas à l’apprentissage. Nos observations montrent que la complexité du travail rencontrée par le nouvel employé se situe souvent dans la compréhension des situations vécues, dans la capacité à saisir l’environnement dans lequel il intervient et à agir sur celui-ci de façon efficace et sécuritaire. Le travail du boulonneur nécessite par exemple d’analyser l’environnement où il s’apprête à intervenir, de repérer les endroits où il doit écailler de façon plus intensive, de cibler les points où il va placer ses boulons, etc. Ce travail d’analyse dépendra notamment des caractéristiques de la roche à ce lieu précis, de la configuration de la galerie, de la qualité du travail accompli par son prédécesseur, de la machine utilisée, du matériel dont il fera usage (types de boulon, résines, treillis, plaques) et autres. Ainsi, nos observations des compagnons experts montrent que leur rôle de supervision du nouveau consiste principalement à comprendre l’environnement dans lequel il agit. Il intervient en effet pour aider à caractériser l’environnement, les lieux, la roche, la machinerie, le processus d’action pour être sécuritaire et efficace tout en protégeant la machinerie. Une fois cette caractérisation effectuée, le geste technique, sans diminuer sa complexité, s’exécute plus facilement. Peu à peu les opérateurs tirent des leçons des situations vécues et développent leur capacité individuelle et collective à y faire face (Daniellou et coll. 2010).

En somme, les conditions dans lesquelles le nouveau est plongé durant son intégration sont déterminantes pour ses apprentissages. La formation aux gestes techniques et aux règles de sécurité est une étape préalable essentielle, mais insuffisante pour préparer le nouveau à travailler de manière sécuritaire et efficace. L’intégration au poste de travail et au collectif constitue donc une phase indispensable permettant au nouveau d’entrer en interaction avec des situations réelles de travail, de progressivement comprendre son environnement et de construire des liens avec ses coéquipiers et les travailleurs expérimentés qui contribuent à sa formation.

11.1.3 L’intégration au groupe de travail : un domaine de socialisation à soutenir

Rappelons que Lacaze et Perrot (2010) définissent l’intégration comme l’apprentissage et l’intériorisation d’un rôle organisationnel articulé autour de trois domaines de socialisation : le travail, le groupe de travail et le contexte organisationnel. Alors que les dispositifs de soutien à l’intégration mis en place par les deux sites miniers à l’étude visent justement à outiller les nouveaux travailleurs dans la réalisation de leur tâche et la compréhension du contexte organisationnel dans lequel ils sont appelés à œuvrer, ainsi qu’à transmettre la culture de sécurité très présente dans les discours des acteurs qu’ils côtoient à leur arrivée, on constate que l’intégration au groupe de travail et au collectif ne bénéficie pas de la même attention et relève davantage de l’informel. Le fait que la formation à la tâche s’effectue la plupart du temps au sein d’une équipe avec laquelle ils n’auront pas à travailler en est un exemple. Nos observations indiquent pourtant que, pour être réussie, l’intégration au sein du collectif est essentielle puisqu’elle assure une poursuite durable des apprentissages. D’autres études ont également montré comment l’environnement social au travail peut représenter une ressource pour la socialisation (Cohen-Scali, 2008), le développement des compétences professionnelles (Agulhon et Lechaux, 1996; Laberge et coll. 2012) et la construction de l’expérience (Mayen, 2006; Cloutier et coll., 2012a; Fournier et coll., 2007).

Il appert que l’équipe de travail présente trois zones d’influence déterminantes tout au long de l’intégration. Premièrement, elle peut se donner des modes de fonctionnement, de collaboration

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et des priorités qui lui sont propres. Comprendre les spécificités de son équipe et s’y adapter représente donc un apprentissage important pour le nouveau travailleur : le préposé au camion de service, par exemple, doit savoir sélectionner ce qui doit être priorisé parmi les besoins exprimés. Deuxièmement, le nouveau travailleur cherchera à se faire reconnaître et à démontrer ses capacités au sein de l’équipe. Cloutier et coll. (2012a), notamment, ont démontré combien il était crucial pour les machinistes sur les plateaux de tournage de se faire reconnaître comme crédibles dès leurs premières heures sur le plateau, afin de pouvoir accéder aux savoirs et savoir-faire des machinistes plus expérimentés. Le nouveau qui ne réussit pas à établir cette crédibilité sera considéré, à l’inverse, comme un risque et un coût pour le collectif qui devra inévitablement pallier ses lacunes. Sur les chantiers des bâtiments et travaux publics, Gaudart et coll. (2008) constatent que les nouveaux travailleurs, souvent intérimaires, sont confrontés aux exigences de leurs pairs et de la hiérarchie quant au comportement (être courageux, démontrer un intérêt, …) et doivent faire leurs preuves. Troisièmement, l’équipe joue un rôle de support en permettant l’échange d’information et la transmission de savoirs. Un mineur qui demande de l’aide ne sera jamais laissé seul avec sa difficulté. Il ressort ainsi des nombreux entretiens réalisés que l’aide des collègues à surmonter une situation problématique, souvent mentionnée, devient un mode d’apprentissage (mais le nouveau hésite-t-il à y faire appel compte tenu qu’il cherche à prouver sa débrouillardise et à démontrer qu’on peut lui faire confiance?).

Les occasions d’échange en équipe au début et à la fin du quart de travail, de même qu’à la pause des repas, constituent des moments privilégiés de socialisation et de transmission des savoirs. Dans les mines souterraines où les travailleurs sont souvent isolés les uns des autres, le rôle du collectif dans le support et l’apprentissage du nouveau rappelle l’exemple des agents dans une entreprise de gestion des eaux décrit par Chatigny (2001). Ces agents, qui travaillent seuls, doivent se construire eux-mêmes des ressources pour faire face aux situations problématiques et développer leurs compétences. Ils organisent néanmoins des rencontres informelles avec leurs collègues afin d’obtenir une aide à la préparation de leur intervention; ces collègues représentent en fait une ressource en information plus rapide et plus fiable que les ressources matérielles mises à leur disposition. Dans la mine à ciel ouvert, après la formation, c’est l’équipe qui prend la relève de façon informelle et s’assure de transmettre des conseils au nouveau travailleur tout en l’avisant des conditions dangereuses.

11.1.4 L’intégration des nouveaux : un processus à considérer dans la conduite des projets d’investissement

« Dans l’industrie minière, la planification de la main-d'œuvre vise généralement à optimiser la production et à réduire au minimum les coûts en réponse aux contraintes immédiates. » (RHIM, 2013)

La conduite des projets d’investissement semble parfois créer des conditions qui fragilisent les dispositifs d’accueil, de formation et d’intégration des nouveaux travailleurs mis en place par les entreprises et est, par conséquent, susceptible de générer des impacts à la fois sur la santé et la sécurité des travailleurs comme sur la productivité.

Rappelons que, à l’issue d’un projet d’investissement, on aura modifié et conçu, du point de vue ergonomique, de nouvelles situations de travail. On aura doté les opérateurs de nouvelles « ressources » pour travailler : les équipes de travail seront remaniées et leur profil (âge,

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expérience,…) aura parfois changé; les tâches, en partie nouvelles, seront réalisées avec d’autres équipements matériels (machines, outils, etc.) et immatériels (logiciels, méthodes, procédures,…), dans d’autres environnements et avec une autre organisation du travail. Les opérateurs déploieront donc de nouvelles façons de faire (Lamonde et coll., 2010). Or une étude réalisée par l’Anact (2005), par questionnaire et entretiens auprès d’entreprises, révèle que les projets d’investissement sont majoritairement définis par leurs dimensions technique et économique, peu d’attention étant portée au volet humain du travail. Seul un petit nombre d’entreprises considère que, dès son élaboration, le projet d’investissement constitue une opportunité d’améliorer l’organisation (p.22). Cependant, 75 % des entreprises constatent, après la réalisation du projet, que l’organisation a été transformée. De fait, plus l’ampleur du projet est considérable, plus les effets sur les dimensions sociales et humaines sont importantes (p.18). Alors que les dimensions humaines, sociales et organisationnelles devraient s’inscrire le plus tôt possible dans le processus de conception, on observe qu’elles sont intégrées en dernier lieu, et en fonction des seules données économiques et techniques, les réduisant ainsi à de simples variables d’ajustement (Anact, 2005, p.15). Des conséquences en découlent pour la réussite du projet, l’efficacité et la santé des travailleurs, jusqu’à de possibles coûts supplémentaires à long terme pour l’entreprise (Grosjean et Neboit, 2000; p. 35).

11.2 Situation, ressources et difficultés des nouveaux

11.2.1 Des postes d’entrée plus complexes qu’il n’y paraît

Dans les mines étudiées, on utilise des postes spécifiques à l’entrée des nouveaux travailleurs. À la mine-A, on utilise le poste d’opérateur de camion à benne alors qu’à la mine-B, ce sera plutôt celui de préposé au camion de service. Bien que ces postes et leurs contextes opérationnels soient très différents, nos résultats indiquent des caractéristiques comparables.

Tout d’abord, ces postes sont souvent plus complexes à occuper qu’il n’y paraît. Par exemple, Fournier et coll. (2007) ont montré que la conduite de camion exigeait la prise en considération d’un ensemble de facteurs dynamiques (état mécanique, état de la route, interaction avec les autres usagers, etc.) qui complexifie grandement le travail. Or, la représentation que l’on se fait de la complexité ou non de l’activité de travail sur ces postes d’entrée a une influence sur l’orientation qui sera privilégiée en formation. Dans les deux cas, on insiste sur les caractéristiques de l’équipement, ses différentes commandes, le fonctionnement des dispositifs techniques et une série de règles de sécurité à appliquer. C’est d’ailleurs sur l’application de ces différentes règles de sécurité que se concentrent l’évaluation et l’accréditation.

Bien que certains postes nécessitent des compétences techniques assez sophistiquées (par exemple, mineur de développement ou dynamiteur), la complexité des postes d’entrée étudiés réside surtout dans le fait que les nouveaux travailleurs sont appelés à accomplir des tâches polyvalentes un peu partout dans le complexe minier (camion de service) ou à maîtriser l’opération d’un camion à benne en s’adaptant aux changements d’environnement tout en étant astreints à une vigilance pendant de longues heures. Ces deux postes offrent au nouvel employé une position privilégiée pour acquérir une vue d’ensemble des opérations et contribuent en ce sens à son intégration dans le métier.

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Ainsi, un nouveau travailleur intégrant pour la première fois un poste dans une mine souterraine comme préposé au camion de service se verra confronté à des apprentissages multiples. Outre le repérage dans la mine, la maîtrise de la conduite du véhicule dans le noir à travers les gros équipements et la maîtrise de l’équipement de levage, il devra également comprendre le domaine minier et les opérations, et s’intégrer au collectif. Nos analyses montrent également qu’une part importante de l’activité des préposés au camion de service est la planification et la priorisation. Ils sont en effet tenus à l’efficacité pour réduire les coûteux déplacements sur la rampe, tout en répondant aux besoins quotidiens de la production et aux urgences. Enfin, le préposé doit clore son quart de travail à l’heure planifiée pour la remontée à la surface. Pour atteindre ses objectifs, il lui faut non seulement maîtriser son repérage dans la mine et l’opération du camion, mais aussi analyser et déployer des stratégies. Ce travail dépasse donc le volet technique : il comporte en réalité un volet cognitif plus important qu’il n’y paraît au départ. Ce constat est similaire à celui de Vezeau et coll. (2009) au sujet du travail des caristes en entrepôt. Ces auteurs ont mis en évidence que le métier de cariste ne consistait pas seulement à conduire un véhicule, mais aussi « à gérer des flux de production, à préparer, planifier, repérer de la marchandise, à gérer des périodes de rush, des retards, l’annulation de commande, à prendre des décisions et agir à l’intérieur de contraintes temporelles souvent fortes. » (p. 77). Cholez (2011) insiste également sur l’importance de la planification et la réoptimisation dans le travail des livreurs, « car à l’espace théorique qu’ils se sont imaginés au petit matin fait place un espace concret qui présente de multiples surprises » (p.118). Cette auteure souligne la complexité de ces opérations de planification à cause des multiples variables à considérer dont les interactions avec les autres usagers qui partagent le même territoire. Fournier et coll. (2007) montrent que les camionneurs font souvent face à des imprévus nécessitant des adaptations. Les camionneurs expérimentés anticipent ces imprévus en préparant des actions alternatives lors de leur planification (p.220). Écouter, par exemple, les conversations d’autres camionneurs sur CB peut signaler une route bloquée et permettre d’envisager d’autres solutions. Les préposés au camion de service sont journellement confrontés à des situations limitant leur marge de manœuvre (ex. rampe bloquée par un véhicule) et ils développent au fil du temps des stratégies pour être efficaces et répondre aux aléas (ex. écouter les échanges radio, profiter d’un déplacement pour faire plus d’une chose à la fois, actualiser la liste des besoins dans les dépôts, partager des tâches).

Au cœur de l’opération se retrouve donc une activité de prise de décision et de résolution de problèmes à développer dans le cadre du processus d’intégration. Nos résultats illustrent d’ailleurs que c’est sur ce plan que les travailleurs expérimentés impliqués dans le compagnonnage jouent un rôle clé. Cependant, les savoir-faire qu’ils déploient pour planifier et prioriser les besoins et réorganiser les priorités selon les demandes ad hoc et les imprévus ne sont pas nécessairement faciles à verbaliser. La prise d’information et les principes qui mènent au geste peuvent être effectivement difficiles à évoquer, à verbaliser, à observer (St-Vincent et coll., 2011; Gaudart et coll. 2008). De même, lors de verbalisations, des experts d’un domaine pourraient référer à une représentation de leurs actions qu’ils se sont construite plutôt qu’au processus véritablement utilisé (Gufoni, 1996 dans Forget 2013). En ce sens, les travaux menés par le National Institute of Occupational Health suggèrent qu’une analyse du travail soit réalisée en collaboration avec les travailleurs expérimentés qui assument la fonction de compagnon afin d’aider, entre autres, à identifier et mettre en mots les processus cognitifs soutenant les prises de décision réalisées dans l’action et ainsi favoriser la transmission de ces savoirs (Wiehagen, et coll., 2002).

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11.2.2 Au-delà des ressources dédiées à la formation, une action collective sur les conditions d’apprentissage

Les deux sites miniers à l’étude ont investi des ressources afin de structurer les dispositifs d’accueil et de formation, développer des contenus de formation et désigner les personnes responsables de l’organisation et du développement de la formation en milieu de travail. Certaines circonstances semblent avoir favorisé ce mouvement comme l’avènement de la loi C-21 et l’implantation de la polyvalence.

Ces dispositifs sont autant de ressources mises à la disposition des nouveaux travailleurs dès leur entrée à la mine. Toutefois leur existence ne garantit pas toujours, à elle seule, des conditions d’apprentissage soutenant l’apprentissage. Nos résultats indiquent qu’une diversité d’actions est mise en œuvre tant par les compagnons que les superviseurs et les collectifs pour faire en sorte que les conditions régulières de réalisation du travail ne s’imposent pas systématiquement comme conditions d’apprentissage (Chatigny, 2001; Cloutier et coll., 2012a). C’est le cas notamment de compagnons qui vont tenter d’avoir accès à des secteurs particuliers de la mine ou d’identifier une tâche « non urgente» pour assurer leur formation à la tâche sans trop exposer les nouveaux à la pression de la production, du moins dans les premiers jours. Ainsi, à la mine-A, lors de la formation à la tâche sur la chargeuse au chargement de minerai, un compagnon est entré en contact avec le superviseur pour lui demander s’il pouvait rediriger les camions vers une autre aire de chargement afin de réduire la pression sur l’opérateur en formation qui voyait grossir le nombre de camions en attente. Or, il est nécessaire d’offrir au nouveau des conditions de travail favorables et du temps pour lui permettre d’analyser son environnement, penser à la planification, faire ses propres expérimentations, intégrer graduellement les savoirs transmis et développer ses propres façons de faire, son propre tour de main (Ouellet et Vézina, 2009; Szulanski 2000). Dans la formation sur des lignes de production, Ouellet (2012) a aussi mis en évidence plusieurs exemples d’actions réalisées par des formateurs sur les conditions d’apprentissage dans le but de soutenir la progression des apprentissages.

Ces actions se rapportant aux conditions d’apprentissage sont importantes. Nos observations ont d’ailleurs montré que l’organisation de la production pouvait les mettre en échec et par le fait même fragiliser la formation et la transmission des savoirs. La reprise de l’opération de la chargeuse par le compagnon, après avoir constaté que les camions continuaient d’arriver, n’en est qu’un exemple. Cette situation révèle aussi comment est intériorisée cette valeur qui est de « ne pas nuire à la production » et qui se transmet par la même occasion au nouveau travailleur. Dès lors, celui-ci sera confronté à peser l’importance entre l’objectif de sécurité qui prime dans les discours et celui de production qui anime les opérations de la mine. Plusieurs recherches en ergonomie et en sociologie du travail ont montré, en ce sens, que les facteurs organisationnels tels que les contraintes temporelles et la charge de travail jouaient un rôle déterminant dans la présence de conditions moins favorables à la transmission des savoirs (Cloutier et coll., 2002; David et coll., 2007; Lesemann, 2007; Le Roux, 2006, Raoult et coll., 2006).

11.2.3 Des difficultés particulières lors du début seul au poste

Nos résultats montrent que les nouveaux travailleurs rencontrent des difficultés lors de l’intégration. Lors des premières phases, les difficultés ont trait au dispositif d’accueil et de formation de même qu’à la nature de leur nouveau métier. La plupart des personnes rencontrées

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s’entendent pour dire que la grande quantité d’information transmise lors de l’accueil (que certaines qualifient de « bourrage de crâne ») pose problème. Ces personnes se questionnent sur ce qui peut être retenu au terme de l’accueil. Par la suite, les difficultés touchent davantage à la maîtrise de certains gestes techniques dans des conditions variables d’environnement, au repérage spatio-temporel, à l’apprentissage d’un grand nombre de règles de sécurité et de procédures, etc.

Il nous semble toutefois important de revenir ici sur les difficultés rencontrées par le nouveau lorsqu’il a complété sa formation et qu’il débute seul à son poste. L’apprentissage au métier par compagnonnage, dans les deux mines à l’étude, se fait souvent dans des contextes différents de ceux où le nouveau sera affecté subséquemment. Il aura par exemple à opérer le camion de nuit (mine à ciel ouvert) et donc à se construire de nouveaux repères pour opérer dans le noir. Tous les nouveaux ont rapporté des difficultés à ce sujet. Cependant, lorsque les exigences de la production le permettent, le collectif peut apporter de l’aide en proposant, par exemple, un jumelage sur une plus courte période.

Les nouveaux qui débutent seuls au poste ont aussi à se faire reconnaître (Cloutier et coll., 2012b), à construire leur place au sein du collectif et à démontrer leurs capacités. Le préposé verra, par exemple, à ne pas décevoir les attentes d’un boulonneur sur le point de manquer de matériel, d’autant qu’une partie de la rémunération du boulonneur est au rendement (bonus). Le poste de préposé au camion de service, souvent destiné à des travailleurs d’agence de location de personnel, est d’ailleurs considéré comme servant à « évaluer les travailleurs ». Les recrues, qui ont espoir de progresser dans la mine, y voient aussi certains avantages, car ce poste les amène à voyager un peu partout dans la mine et leur donne du même coup une bonne visibilité. Cullen et coll. (2005) ont mis en évidence que les mineurs d’expérience perçoivent les nouveaux comme « un risque potentiel » pour l’équipe si les décisions qu’ils prennent et leur manière de travailler sont en décalage avec la culture du métier.

Cette transition se caractérise aussi par un rythme de travail dorénavant dicté par les contraintes d’opération. Initialement, lors de sa formation, le nouveau paraît protégé des attentes de la productivité. En revanche, dès qu’il se trouve plongé dans la production, il doit répondre aux attentes bien qu’il ne maîtrise pas suffisamment la complexité du travail. C’est pourquoi les nouveaux ressentent un stress dans l’accomplissement des tâches qui leur sont confiées et ce, même si les cadres ou les travailleurs expérimentés affirment qu’il faut éviter de se mettre de la pression, comme cela a été rapporté dans le cas du poste de camion de service. Le nouveau préposé verra aussi son stress exacerbé dans ses tentatives de pallier l’absence prolongée de son vis-à-vis sur l’autre quart de travail. L’intégration dans la durée ne se limite donc pas à l’acquisition de connaissances et à l’application de règles de sécurité. C’est un processus de construction de l’apprentissage en situation de travail où le nouveau travailleur épouse une culture, y participe et la transforme.

11.3 Le compagnonnage : une activité particulière à soutenir

11.3.1 Des contextes variés de compagnonnage

Nos observations révèlent que les compagnons ne font pas qu’enseigner les tâches inscrites à leur feuille de route. Ils aident le nouveau à comprendre l’environnement changeant et variable dans

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lequel il a à opérer en relation avec le collectif de travail et à prendre des décisions judicieuses pour agir de façon sécuritaire et efficace. Billett (1994) précise qu’un rôle clé des compagnons est d’aider l’apprenant à conceptualiser son action dans un contexte plus large lui permettant de comprendre pourquoi ses actions sont posées de telles façons et ce qui pourrait arriver si ce n’était pas le cas. Les deux études de cas présentées dans ce rapport montrent que la transmission des savoirs entre travailleurs expérimentés et nouveaux travailleurs dépasse largement le dispositif d’accueil et d’intégration en place et repose largement sur les différents contextes d’action rencontrés. Dans sa forme la plus courante décrite dans la littérature, la formation du nouveau travailleur est confiée à un compagnon qui a la responsabilité de former et de faire pratiquer l’apprenant jusqu’à ce qu’il intègre certaines connaissances et développe des compétences plus ou moins établies d’avance et ce, en général, en travaillant en même temps que lui (de Bruycker, 2008). Des études ont signalé que la transmission des savoirs pouvait être mise en échec lorsque les exigences de production et les contraintes de temps auxquelles doivent répondre les compagnons, tout en formant, étaient grandes (Cloutier et coll., 2012a; Ouellet, 2012; Cloutier et coll., 2012b). Ces constats nous rappellent l’importance de mettre en place un ensemble cohérent de moyens pour aider le compagnon et le nouveau travailleur à réaliser le travail et construire ensemble des savoirs.

Le contexte de compagnonnage au poste de camion de service et de boulonneuse s’apparente, en partie, au modèle le plus courant, puisque compagnon et apprenant sont alors jumelés pour réaliser un travail qui normalement s’accomplit seul; le compagnon n’a donc pas à assurer sa production en plus de celle du nouveau. Ce contexte a été étudié, entre autres, dans le cadre de l’intégration de nouvelles auxiliaires familiales et sociales en soins à domicile au cours des premiers jours de la formation à la tâche (Cloutier et coll., 2012a). Les résultats ont révélé que le fait d’être à deux pour une même activité facilite la transmission des savoirs mais a aussi comme conséquence que les nouveaux ne seront pas confrontés à certaines situations d’action caractéristiques26 auxquelles ils devront pourtant maintes fois répondre dans l’exercice de leur fonction. Une de ces situations consistait par exemple à effectuer concurremment une activité de soin et de dépistage. Les observations indiquent que pendant la période de compagnonnage, ces activités se divisent plutôt entre les deux travailleuses, la nouvelle auxiliaire prenant en charge l’activité de soin, l’autre posant différentes questions à l’usager pour s’enquérir de son état. Une telle division des opérations dans le cadre d’une tâche qui devrait être normalement sous la responsabilité d’une seule personne a aussi été observée dans le présent projet, au poste de camion de service, notamment lors de la manutention de matériel dans les dépôts à l’aide du camion à flèche. Ce compagnonnage de proximité, favorable à la transmission des savoirs, peut donc parfois écarter les nouveaux de situations caractéristiques, fréquentes et parfois critiques, de leur activité quotidienne.

La nature du travail sur certains postes, particulièrement ceux d’opérateurs d’équipement minier, et les caractéristiques des équipements utilisés, définissent un autre contexte où les compagnons sont en quelque sorte « détachés » des exigences de la production et dédiés à la formation à la tâche pendant quelques jours. Le nouveau travailleur doit dans ce cas atteindre des objectifs de production dont l’importance peut varier selon le poste alors que les compagnons, de leur côté,

26 Il s’agit de situations fréquentes, critiques pour l’accomplissement du travail, auxquelles les nouveaux n’ont pas été exposés

avant leur entrée en poste ou pour lesquelles ils n’ont pas été formés ou préparés. Ce sont donc ces situations qui impliquent la mobilisation d’une diversité de savoirs (technique, relationnel, organisationnel) que les nouveaux ne maîtrisent pas.

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se sentent également interpellés par lesdits objectifs. Ils sont alors plutôt « observateurs » de l’opération en cours et vont tenter de transmettre des savoirs, soit en différé (d’une part, à cause de la densité des communications sur les canaux et aussi par souci de ne pas révéler à tout le collectif les difficultés rencontrées par le nouveau) comme nous l’avons illustré pour le poste d’opérateur de chargeuse au chargement, ou bien en cours d’opération en guidant certaines actions lorsqu’ils se trouvent assis dans le camion à benne. Lorsque les compagnons sont entièrement libérés pour la formation, on note que les périodes d’observation du nouveau sont entrecoupées d’autres activités, afin de le laisser « se faire la main ». Les compagnons ne cessent pas pour autant de jouer leur rôle; ils se rendent disponibles pour répondre à des demandes de travailleurs en poste depuis un certain temps, mais confrontés à une tâche nouvelle requérant un encadrement. Ils assument donc un rôle important dans le processus d’intégration qui est soutenu par le collectif de travail et se poursuit dans la durée (Prévot, 2007; Szulanski, 2000).

Les compagnons sont donc amenés à développer une diversité de stratégies pour s’adapter aux particularités des différents contextes de compagnonnage. Des travaux menés dans des secteurs d’activité divers ont tenté de décrire la richesse de ces stratégies (Ledoux et coll., 2007; Cloutier et coll., 2012a; Ouellet 2012). Sur les postes d’usineurs, par exemple, plus d’une quinzaine de stratégies différentes de transmission des savoirs ont été observées qui différaient selon l’âge des compagnons et leur affectation (Ledoux et coll., 2007). Certaines contraintes, notamment spatio-temporelles (devoir transmettre des savoirs lorsqu’on observe à distance) ou matérielles (la radio est saturée), sont alors autant d’obstacles qu’il faut apprendre à contourner.

11.3.2 Des ressources pour soutenir les compagnons

Bien qu’une part importante de la formation au métier s’appuie sur le compagnonnage, dans les deux sites miniers, force est de constater que peu de ressources spécifiques sont développées pour soutenir les travailleurs expérimentés appelés à intervenir à titre de compagnon. Ce constat conforte celui d’une étude menée sur les plateaux de cinéma, les cuisines collectives et les soins à domicile (Cloutier et coll., 2012a). Nos résultats montrent, premièrement, qu’il n’y a pas toujours de processus de sélection des candidats pour assurer cette fonction, l’ancienneté et le volontariat étant, dans un des cas, les deux critères prédominants. Deuxièmement, bien qu’il y ait des échanges informels entre compagnons lorsqu’ils ont la possibilité de se croiser, peu de formations ou de lieux d’échange s’adressant à la fonction de compagnon ont été à ce jour prévus par les deux sites miniers. Troisièmement, certaines ressources matérielles de base ne sont pas toujours disponibles comme l’accès à des véhicules voués à la formation permettant au compagnon de suivre les nouveaux. Enfin, d’autres ressources matérielles sont peu utilisées tel un canal de communication radio dédié, car son utilisation empêche d’entendre l’ensemble des échanges radio sur le site.

Ouellet et Vézina (2009) soulignent en outre que le travailleur choisi pour devenir compagnon transmettra les savoirs en fonction de sa capacité à les verbaliser. Ainsi, la transmission dépendra de la capacité réflexive du compagnon sur sa pratique et de ses habiletés à communiquer. Wiehagen et coll. (2002) insistent sur la nécessité de mettre en place des ressources à même de soutenir le compagnonnage. Ils conseillent, dans un premier temps, de choisir les personnes qui assumeront le rôle de compagnon dans la phase prévue par le dispositif (ce qui est le cas dans un des sites à l’étude). Des critères de sélection sont avancés par Semb (1995), soit : 1) avoir une expérience reconnue par les pairs, 2) aimer former et 3) vouloir apprendre les moyens par

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lesquels soutenir l’apprentissage d’un nouveau travailleur. Au-delà de la sélection, l’existence même d’une telle démarche permettrait à l’organisation de démontrer l’importance qu’elle accorde à cette fonction. Nos résultats montrent également que dans la durée, l’ensemble du collectif de travail assure une certaine forme de compagnonnage et de soutien à l’apprentissage.

Wiehagen et coll. (2002) soulignent l’importance de mécanismes de soutien dans l’exercice de la fonction de compagnon. Pour enrichir les formations, l’analyse du travail permettrait de révéler, en plus des actions, les dimensions du travail plus difficiles à verbaliser comme les processus de décision et de priorisation. En ce sens, Cloutier et coll. (2012a) suggèrent que soient plutôt identifiées, par cette analyse, des situations d’actions caractéristiques, c’est-à-dire des situations fréquentes, critiques pour l’accomplissement du travail, auxquelles les nouveaux n’ont pas été exposés avant leur entrée en poste ou pour lesquelles ils n’ont pas été formés ou préparés. Ce sont donc ces situations qu’ils ne maîtrisent pas, qui impliquent la mobilisation d’une diversité de savoirs (technique, relationnel, organisationnel) et présentent des défis en termes d’apprentissage et plus largement en termes d’intégration.

Wiehagen et coll. (2002) proposent aussi d’offrir de la formation sur la façon de former et soutenir l’apprentissage en milieu de travail. La récente formation pour les compagnons en milieu de travail développée par le CSMO Mines (2013), s’appuyant sur la norme professionnelle compagnon de la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT, 2006) met l’accent, entre autres, sur la planification de l’apprentissage. Lorsque les compagnons sont désignés le jour même de l’apprentissage, on comprend que des écarts parfois importants peuvent exister entre le modèle de planification proposé et l’organisation actuelle des formations dans certaines mines. Les compagnons rencontrés ont exprimé le besoin en soutien pour « apprendre à faire de la psychologie » ou travailler « la confiance en soi ». Ils ont soulevé aussi la question de savoir si ce qu’ils sont en train de transmettre, dans une situation donnée, est adapté au niveau d’apprentissage de la personne qu’ils forment. Ces mêmes difficultés avaient été identifiées dans le secteur de l’usinage par des compagnons engagés dans un programme d’apprentissage en milieu de travail (Ledoux et coll., 2007).

Au-delà des ressources à mettre en place pour soutenir le développement de compétences des compagnons, nos études ont de plus montré comment les caractéristiques de l’organisation de la production pouvaient agir aussi bien comme ressources que comme contraintes. Ces actions sur le plan organisationnel sont très peu abordées dans les formations offertes au compagnon (par exemple dans la norme professionnelle compagnon proposée par la Commission des partenaires du marché du travail; CPMT, 2006). C’est le cas entre autres du soutien que peut offrir un superviseur au compagnon lorsque ce dernier l’informe qu’il veut prendre le temps de simuler une tâche avec le nouveau et qu’il arrivera donc un peu plus tard sur le lieu de production. Ou encore le cas, si le développement de la mine prévoit des zones réservées à la pratique de certaines tâches ou lorsque la formation peut s’effectuer dans un contexte présentant peu de pression pour la production.

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12. DES PISTES D’INTERVENTION POUR SOUTENIR LE PROCESSUS D’INTÉGRATION DES NOUVEAUX TRAVAILLEURS DANS LES MINES

Lacaze et Perrot (2010, p.3) définissent l’intégration comme « l’apprentissage et l’intériorisation d’un rôle organisationnel articulé autour des trois domaines de socialisation (le travail, le groupe de travail et le contexte organisationnel) ». Ce rôle organisationnel s’inscrit dans une culture de la sécurité très prégnante dans le discours tant des cadres que des employés. En effet, les mines participantes ont mis en place une structure importante pour assurer la sécurité. Des ressources souvent très qualifiées sont dédiées à la SST. Cette préoccupation se reflète dès l’accueil des nouveaux travailleurs alors que plusieurs procédures et informations leur sont présentées habituellement en un court laps de temps. Le canevas de formation et l’accréditation des nouveaux employés au poste sont aussi grandement guidés par la SST. Cette valeur et priorité, qu’est la prévention des accidents, est rappelée à maintes reprises dans les discours et beaucoup d’efforts lui sont consacrés. Tout comme le rapportent Somerville et Abrahamsson (2003, p. 29) le discours d’entreprises minières est souvent « la sécurité d’abord, la production en second » (traduction libre). Mais comme le constatent Simpson et coll. (2010 p.64) il arrive que le comportement sécuritaire recommandé soit compromis dans les conditions opérationnelles quotidiennes. En effet, comme le rappelle Daniellou, (2010, p. 10) « Ce sont les situations qui appellent les comportements ». Les comportements ne sont pas un résultat seulement de la personnalité ou de la formation, les caractéristiques des situations dans lesquelles les personnes sont placées rendent certains comportements plus probables.

Les résultats de cette étude montrent que les dispositifs élaborés pour soutenir l’intégration des nouveaux ne peuvent se limiter à mieux structurer la formation. Ils concernent aussi l’ensemble de l’organisation des opérations minières et des conditions mises en place pour opérer. L’intégration et la transmission du savoir constituent des processus qui se construisent progressivement et naturellement dans le travail, et pour le travail, à travers l’action. Ces processus varient beaucoup selon les conditions de travail et d’intégration rencontrées par les nouveaux travailleurs, mais aussi par les travailleurs expérimentés et les collectifs de travail.

De plus, ce qui détermine une culture de sécurité, ce ne sont pas des messages ou des règles (la sécurité réglée) : « c’est l’expérience partagée de pratiques répétées et convergentes » (Daniellou et coll., 2010, p. 14). Les comportements qui contribuent à la sécurité, ne sont pas seulement les comportements de conformité aux règles, ce sont aussi les comportements d’initiative, qui favorisent l’exploitation attentive de l’état du système, l’alerte par rapport à des situations dangereuses et la collaboration entre les acteurs pouvant contribuer à la sécurité (ibid p. 5). C’est ce qu’on appelle la sécurité gérée. (ibid p. 5). L’adoption de tels comportements dépendra évidemment des moyens techniques et organisationnels qui leur sont favorables.

Pour soutenir l’intégration des nouveaux travailleurs dans les mines, il ne s’agit donc pas seulement d’assurer l’acquisition de connaissance et de veiller à l’application de règles de sécurité, mais plutôt de :

Préparer les nouveaux à prendre des décisions, résoudre des problèmes, en relation avec le collectif, dans un environnement dynamique et présentant des dangers, pour

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qu’ils puissent réaliser leur travail de façon sécuritaire tout en assurant la production et la qualité. Qu’ils ne soient plus perçus comme un « danger » pour le collectif, mais bien comme une personne capable d’adhérer à la culture de sécurité, d’y participer et de contribuer à sa transformation. En somme, qu’ils contribuent à la sécurité gérée.

Pour atteindre cet objectif, différentes pistes d’intervention ont été identifiées et discutées avec les mines participantes dans le cadre de cette étude pour soutenir le processus d’intégration des nouveaux travailleurs. Ces pistes proposent d’agir sur des conditions organisationnelles de différents niveaux (cf chapitre 10).

Rappelons ici cinq constants importants tirés des études de cas qui ont guidé la formulation des pistes d’intervention. Compte tenu de l’importante mobilité interne de la main-d’œuvre, des exigences de polyvalence, des exigences de production et de la variabilité des situations de travail :

La formation des nouveaux travailleurs n’est pas une activité ponctuelle ciblée dans le temps, réalisée à la suite d’une vague d’embauche, mais représente plutôt une activité courante qui fait partie intégrante des opérations minières quotidiennes;

Un nouveau travailleur n’est pas seulement un employé nouvellement embauché mais caractérise aussi les employés qui changent de poste; les personnes qui reprennent le travail après une longue absence; les employés qui sont relève sur des postes et qui n’y ont pas travaillé depuis un certain temps;

Les postes d’entrée sont plus complexes à apprendre qu’il n’y paraît et les conditions de production influencent les conditions d’apprentissage;

Une part très importante de la formation au métier et du soutien à l’intégration est assumée par des travailleurs expérimentés à qui on demande de transmettre leurs savoirs d’expérience. Cette activité de compagnonnage lors de la formation à la tâche se poursuit de façon informelle après la formation prévue par le dispositif d’accueil et d’intégration. Ce complément essentiel est toutefois plus ou moins reconnu dans les sites miniers;

La conduite des projets d’investissement peut créer des conditions qui fragilisent les dispositifs d’accueil et de formation des nouveaux travailleurs mis en place par les entreprises, avec des impacts possibles à la fois sur la santé et la sécurité des travailleurs et sur la productivité.

Compte tenu de ce contexte, les pistes d’intervention proposées, qui sont parfois déjà au nombre des pratiques dans certaines mines, sont les suivantes:

Favoriser un meilleur arrimage entre la planification de la production et la formation

La planification du développement de la mine prévoit « des espaces pour la formation »;

La planification de la production prévoit des tâches pour les nouveaux en formation;

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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Les nouveaux en formation « ne sont pas comptés » dans les effectifs de production;

Des équipements et des véhicules sont disponibles pour la formation.

Structurer le dispositif d’accueil et de formation selon une logique de progression dans l’apprentissage du métier :

Structurer le dispositif autour de quatre groupes d’acteurs complémentaires : les formateurs-cadres, les superviseurs, les compagnons et l’équipe de travail;

Alléger le contenu des informations transmises lors de l’accueil;

Prévoir une étape de familiarisation qui permet au nouveau de comprendre globalement l’entreprise, l’environnement et l’équipe;

S’assurer que la formation théorique jugée essentielle avant la formation à la tâche soit bien dispensée;

S’appuyer sur des méthodes d’analyse du travail pour révéler les dimensions moins visibles de l’activité de travail à un poste de travail donné comme celles liées au processus de décision, à l’identification de repères guidant l’action, aux règles informelles de communication, etc., et ce, en collaboration avec les travailleurs expérimentés;

Débuter la formation à la tâche hors production, mais sur le terrain, particulièrement pour apprendre et s’approprier les rudiments de l’opération;

Poursuivre la formation dans la production, mais en « mode protégé », c’est –à-dire en présence du formateur, sans pression de production et en expérimentant graduellement de nouvelles situations;

Achever la formation à la tâche dans les conditions réelles de production, c’est-à-dire dans les conditions auxquelles sera véritablement exposé le nouveau travailleur;

Veiller à ce que le délai ne soit pas trop long entre la fin de la formation et le moment de l’accréditation;

Valoriser le rôle de l’équipe de travail comme soutien à la poursuite des apprentissages et au processus d’intégration dans la durée;

Prévoir un suivi de formation particulièrement lors de changements dans le contexte de travail : changement d’équipe, arrivée d’un nouvel équipement, conditions particulières (changement de saisons, changement de quart de travail, etc.).

Favoriser l’arrimage entre la gestion de la SST et l’intégration des nouveaux travailleurs

Disposer de bases de données de main-d’œuvre qui permettent de connaître l’ancienneté au poste;

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Structurer les registres d’incidents et d’accidents de manière à pouvoir repérer les événements impliquant des nouveaux travailleurs sur un poste donné;

Enrichir la formation et le compagnonnage des résultats des enquêtes d’incidents et d’accidents en portant une attention particulière aux facteurs organisationnels ayant eu une influence dans la survenue de ces événements.

Reconnaître, préparer et soutenir les travailleurs expérimentés qui acceptent d’assumer le rôle de compagnons lors de la formation à la tâche

Privilégier une implication sur une base volontaire;

Déterminer des critères de sélection, reconnus par tous;

Déterminer des conditions qui encourageraient les travailleurs expérimentés à assumer ce rôle dans la durée;

Reconnaître les multiples dimensions de l’activité de compagnonnage : gardien des conditions d’apprentissage; soutien et accompagnement dans la durée des mineurs qui ont complété la formation structurée; soutien à la supervision pour l’anticipation et le repérage de situations potentiellement dangereuses;

Prévoir des lieux, des moments pour échanger (sur les stratégies pour transmettre, sur les difficultés et les défis, etc.) et se former;

Préparer la relève aussi à ce niveau.

Considérer le début seul au poste comme une période importante d’apprentissage et qui nécessite un soutien de la supervision et de l’équipe de travail

Minimiser les délais entre la fin de la formation et le début au poste pour rapidement mettre en pratique les apprentissages;

Tenter d’équilibrer le niveau d’expérience au sein d’une équipe;

Reconnaître que la productivité d’un nouveau travailleur n’est pas équivalente à celle d’un travailleur en poste de longue date et planifier en conséquence;

Ajuster et faire connaître au nouveau travailleur les attentes de production et de progression;

Prévoir des compléments de formation spécialisée (comme sur les bris), de l’accompagnement pour les situations nouvelles.

Reconnaître que la réussite des projets d’investissement dépend aussi du temps et des ressources qui seront dédiées à l’accueil et à la formation de la main-d’œuvre

Il y a donc un intérêt à ce que l’embauche importante de nouvelle main-d’œuvre soit un élément s’intégrant au processus décisionnel menant à déterminer la période réaliste visée pour un retour sur l’investissement;

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Les conditions d’une intégration sécuritaire et compétente de nouveaux travailleurs dans le secteur minier

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La planification de l’implantation du projet gagne à tenir compte de la capacité des ressources impliquées dans l’intégration et la formation des nouveaux travailleurs;

La planification de l’expansion de la mine pourrait prévoir aussi des zones “dédiées” à la formation qui permettent progressivement de se confronter aux situations réelles de travail.

Les pistes d’intervention pour favoriser l’intégration des nouveaux travailleurs concernent tous les niveaux du modèle d’analyse (réf. section 3.3) : de la planification réaliste des besoins en temps et en ressources dès l’annonce d’un projet, jusqu’aux conditions réelles dans lesquelles s’effectue l’apprentissage du nouveau travailleur. Les pistes s’adressant directement au niveau macro-organisationnel (ex. investisseurs, contexte du secteur, politiques gouvernementales) sont limitées (ex. période à considérer pour retour réel sur investissement) puisque ce niveau n’était pas l’objet d’une analyse en profondeur. Ces études de cas ont par ailleurs montré toute l’importance que prennent les conditions de production qui deviennent, en cours d’intégration, les conditions d’apprentissage du nouveau travailleur. L’expertise du personnel s’avère donc cruciale pour savoir quand, durant l’apprentissage, il est bon de soustraire le nouveau travailleur à certaines conditions et quand il est temps de l’appuyer dans l’expérimentation de l’ensemble de ses véritables conditions de travail.

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