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MEMOIRE LES CONTRATS DESEQUILIBRES Directrice de mémoire : Mlle Isabelle ALVAREZ 2011 Réalisé par M. Nordine ALLAOUI Master 2 Droit du marché UFR Droit Montpellier 28/01/2011

LES CONTRATS DESEQUILIBRES - Centre de droit de la ... · L'autonomie de la volonté est en déclin, mais domine toujours le droit des contrats. Pour la majorité de la doctrine,

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MEMOIRE

LES CONTRATS DESEQUILIBRES Directrice de mémoire : Mlle Isabelle ALVAREZ

2011

Réalisé par M. Nordine ALLAOUI Master 2 Droit du marché UFR Droit Montpellier

28/01/2011

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SOMMAIRE

I) Les manifestations des contrats déséquilibrés

A) D'un principe d'équilibre contractuel aux contrats déséquilibrés

1) L'abandon du principe d'équilibre contractuel

2) La reconnaissance de l'existence des contrats déséquilibrés

B) L'identification des contrats déséquilibrés

1) En droit civil

2) En droit des affaires

II) Le sort des contrats déséquilibrés

A) Les réactions du droit positif à l'égard des contrats déséquilibrés

1) En droit civil

2) En droit des affaires

B) La recherche d'une conciliation entre sécurité juridique et justice contractuelle

1) La sécurité juridique comme finalité fondée sur le principe de liberté contractuelle

2) La justice contractuelle comme finalité fondée sur la protection de la partie faible

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INTRODUCTION GENERALE

e code civil de 1804 repose sur un postulat libéral, où les parties sont présumées capables

de défendre leurs intérêts. En effet, le code napoléonien repose sur deux principes

fondamentaux, à savoir le principe de l'autonomie de la volonté et celui de la force

obligatoire des contrats.

"Qui dit contractuel dit juste"; cette formule de Kant1 exprime la conception du contrat retenu par

les rédacteurs du code civil de 1804. Le droit civil repose donc sur un principe d'équilibre

contractuel et reconnait aux contrats privés une présomption d'équilibre. Autrement-dit, en l'absence

de vices de consentement, le contrat ne peut qu'être équilibré.

L'impératif de sécurité juridique commande de ne pas modifier la loi des parties, au risque de

perturber ce à quoi elles pouvaient s'attendre lors de la conclusion.

Une partie de la doctrine, notamment le solidarisme contractuel, a estimé que l'autonomie de la

volonté ne devait pas être le seul fondement de la théorie générale des obligations contractuelles et

qu'il fallait rompre avec l'idée selon laquelle les contrats étaient automatiquement équilibrés. Dés

lors, un impératif de justice contractuelle se fait sentir.

Par contrats déséquilibrés, il faut entendre un déséquilibre économique et intellectuel du contrat.

Dans sa thèse consacrée aux contrats déséquilibrés, V. Lasbordes estime qu'il existe deux type de

contrats déséquilibrés : les contrats déséquilibrés par nature et ceux déséquilibrés en pouvoir2.

"Le déséquilibre contractuel a encore de beaux jours devant lui". Cette citation du professeur Denis

Mazeaud nous montre la réalité de ce phénomène des déséquilibres contractuels en droit privé, qui a

tendance à perdurer car il va jusqu'à se manifester dans les contrats conclus entre professionnels.

L'évolution des relations contractuelles contemporaines constate que la vision moderne du

libéralisme est inadaptée à la réalité; il faudra désormais aller au delà du postulat libéral du code

civil. D'où l'intervention constante du législateur et du juge, où ces derniers n'hésitent pas à

s'immiscer dans les contrats susceptible d'être déséquilibrés dans un souci de justice contractuel.

Cette intervention ne nous surprend pas au vue de la gravité de ces contrats déséquilibrés.

1 E.Kant, Éléments métaphysiques de la doctrine du droit, trad, Garni, 1854, p, 53, cité par B. Starie, H.

Roland et L. Foyer, Droit civil, Les obligations, 2. Contrat, LITEC 6° éd., 1998, spéculos., N° 7, p. 5. 2 V. Lasbordes, Les contrats déséquilibrés, Thèse Aix-en-Provence, Presses universitaire d'Aix-Marseille,

2000.

L

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4

Le législateur va parfois jouer un rôle de prévention contre les déséquilibres, notamment en matière

de droit de la consommation et de droit de la concurrence. Le juge, quant à lui, va réviser certains

contrats, voir en annuler dans des cas exceptionnelles, annuler certaines clauses, en imposer

d'autres, etc. En droit civil, la loi et la jurisprudence se sont consacrées au phénomène de la lésion,

vu comme un défaut d'équivalence entre les prestations, au moment de la conclusion du contrat, à la

théorie de l'imprévision, rejeté depuis 1836 par un arrêt de principe dit arrêt "du canal de

Craponne3, aux clauses abusives, au déséquilibre significatif, etc.

« Qui dit contractuel dit injuste », voilà ce à quoi conduit l'examen d'un grand nombre de contrats

en droit privé4. Malgré la libre volonté des parties, le droit positif n'hésitera pas à aller à l'encontre

de la loi des parties, à la loi du plus fort, en dépassant la vision des contractants, libres et égaux, au

moment de la conclusion du contrat, au profit d'une approche réaliste, adaptée au caractère

inégalitaire des relations contractuelles contemporaines.

Aujourd'hui, dire que le droit est indiffèrent aux déséquilibres des contrats est faux, bien au

contraire. Il est intéressant de constater que le droit positif réagit aux déséquilibres affectant

l'économie des contrats privés, en instaurant des règles impératives destinées à assurer l'équilibre,

voir à rééquilibrer les contrats injustes.

Ce constat atteste donc de l'existence des contrats déséquilibrés et justifie une étude de ce

phénomène envahissant. Avant d'entamer notre étude sur ces contrats déséquilibrés, il convient de

se pose la question de savoir comment se manifestent-ils. Dés lors, afin de remédier à cette

insécurité juridique, comment le droit positif réagit face à ces contrats déséquilibrés tout en

conciliant l'impératif de sécurité juridique à celui de justice contractuelle?

Afin de rechercher ces contrats déséquilibrés, il conviendra d'observer les manifestations du

phénomène dans les différentes branches du droit (I). De ce fait, il sera intéressant de voir quelles

seront les réactions du droit positif à l'égard de ces contrats déséquilibrés en droit civil et

notamment en droit des affaires (II).

I) Les manifestations des contrats déséquilibrés

Afin de savoir comment ces contrats déséquilibrés se manifestent dans la société contemporaine, il

3 Cass civ 6 mars 1876, D. P. 1876, 1, p. 193, note giboulot F terré Y. Léquette les grds arret de la jurisp civ

Dalloz 10éme éd 1994 p 406.

4 G. Virassamy, Les contrats de dépendance, Essai sur les activités professionnelles exercées dans une

dépendance économique, thèse Paris I, LGDJ, 1986, préface J. Ghestin, spéc., n°1. P. .

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convient d'abord de voir comment le droit positif a évolué depuis l'idée du Code Civil selon laquelle

tous les contrats sont équilibrés (A), pour ensuite les identifier (B).

A) D'un principe d'équilibre contractuel aux contrats déséquilibrés

Le Code Civil de 1804 repose sur un principe selon lequel tout contrat est nécessairement équilibré

du fait de la liberté contractuelle. Cependant le droit positif, notamment la doctrine va rejeter ce

principe d'équilibre des contrats (1) pour reconnaitre l'existence des contrats déséquilibré, vus

comme un phénomène réel et dangereux (2).

1) L'abandon du principe d'équilibre contractuel automatique

Le droit civil et notamment le code napoléonien repose sur un postulat abstrait et libéral, ou les

parties sont présumés capables de défendre leurs intérêts. Dés lors, les contrats librement conclus ne

peuvent qu'être équilibrés et ont force de loi et s’imposent aux contractants comme au juge.

Autrement dit, le droit civil pose une présomption d'équilibre aux contrats.

La théorie des obligations contractuelles repose sur deux fondements, l’autonomie de la volonté et

la force obligatoire du contrat

Ce postulat n'est autre que l'expression de la formule de Fouillée, à savoir, "qui dit contractuel dit

juste". Cette formule reprenant sur ce point la thèse soutenue par Kant5, exprime la conception du

contrat retenu par les rédacteurs du code civil de 1804. En vertu de la théorie de l'autonomie de la

volonté, le contrat, œuvre de la volonté des parties, est censée être conforme à leurs intérêts

respectifs. En l'absence de tout vice du consentement, le contrat librement conclu ne peut qu'être

équilibré. Cette liberté contractuelle implique la liberté pour les parties, de fixer l'économie générale

du contrat. Le droit civil repose donc sur un principe d'équilibre contractuel et reconnait aux

contrats privés une présomption d'équilibre, dans le sens ou tous les contrats conclus sont

nécessairement équilibrés.

Le principe de l'autonomie de la volonté et la force obligatoire des contrats traduisent une liberté

contractuelle, ou seule la loi des parties prévaut. Le libéralisme met en avant l'idée de l'équilibre

automatique, à condition de laisser les hommes aménager librement leurs échanges.

En ce sens, l'obligation librement acceptée ne peut désormais être injuste.

5Voir note 1.

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Certains prônent l'individualisme et le libéralisme au 18éme siècle, en estimant que "les individu

étant égaux et libres, le contrat librement débattu est nécessairement équitable"6.

Dans la théorie générale contemporaine, le principe de force obligatoire s'assouplit devant les

exigences de justice et d'équilibre contractuel. La souplesse contractuelle, nécessaire à l'adaptation

des contrats aux évolutions des circonstances, est aujourd'hui possible en raison de l'évolution des

fondements de la théorie générale des contrats.

L'autonomie de la volonté est en déclin, mais domine toujours le droit des contrats. Pour la majorité

de la doctrine, dont Malaurie, le dogme de l'autonomie de la volonté est abandonné.

Ghestin a remis en cause ce principe, en proposant de lui substituer d'autres fondements.

Il démontre que l'autonomie de la volonté est affirmée que par la doctrine traditionnelle civiliste,

très critiqué notamment par les positivistes. Selon lui, cette autonomie de la volonté ne doit pas être

le seul fondement de la force obligatoire des contrats, le contrat est obligatoire s'il est juste et utile7.

Les principes de liberté contractuelle, de consensualisme, de force obligatoire, d'effet relatif du

contrat ont été dégagés depuis longtemps par la doctrine.

Les atteintes que les contrats ont subi ont conduit à en rechercher d'autres qui expliquent les règles

auparavant considérées comme dérogatoires aux principes classiques : les principes d'égalité

contractuelle, d'équilibre contractuel, et de fraternité contractuelle sont venus compléter les

précédents. Les déséquilibres contractuels sont les conséquences constatées de l'autonomie de la

volonté fin 19éme début 20éme par Saleilles8, Gounot

9, Ripert

10 et Josserand

11.

Une fois le contrat conclu, il doit s’imposer aux parties, leur liberté étant alors restreinte.

Actuellement la détermination du contenu contractuel échappe en partie aux contractants en raison

de l'existence de contrats imposés tels ceux d'assurance, de lois supplétives, etc...

On considère de plus que le contrat tire non plus sa force obligatoire de la volonté des parties, mais

du droit objectif qui la lui confère. En admettant que le droit objectif poursuit des finalités

supérieures tel le juste et l’utile, la force obligatoire n’apparaît plus comme une fin en soi, mais

comme un moyen aux fins de l’utilité et la justice contractuelle, valeurs objectives supérieures.

Les fondements de la théorie des obligations présentent des imperfections, dont la majeure est le

6H,L et J.Mazeaud, lecon de droit civil,oblig,théorie gén t II vol 1 8° éd 1991. 7J. Ghestin, Traité de droit civil, t. II, Les obligations, le contrat, « l'utile et le juste dans les contrats », 1981,

26 archives de philosophie du droit 35, 39.

8De la déclaration de volonté, thèse 1901. 9Le pcipe de loto de la vol en droit privé thése dijon 1912. 10Les regles morales dans le droit civil 4e édition. 11De l'esprit de droit et de leur relativité - Essai de téléologie juridique Tome 1, Théorie dite de l'abus des

droits 2e édition.

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manque de protection des plus faibles. Les fondements de la théorie générale doivent donc évoluer,

sous peine de la voir vider de sa substance par des droits spéciaux.

Les ajouts contradictoires peuvent être appréhendés par des principes plus larges qui sont à articuler

avec les exigences de sécurité et de liberté contractuelle : l’égalité, l’équilibre et la fraternité

contractuelle.

Le solidarisme contractuel a conduit à abandonné ce postulat libéral du droit civil qui reconnaît un

équilibre contractuel automatique, inhérent au contrat. C'est pour cela qu'il faut abandonner cette

présomption d'équilibre des contrats au regard du phénomène dangereux, qu’est le déséquilibre

contractuel et aller au delà des vices du consentement. En effet, même si le consentement des

parties au contrat n'est pas vicié, ces derniers ne sont pas à l'abri d'un quelconque déséquilibre

contractuel.

Le solidarisme contractuel veut rétablir un certain équilibre de droits entre des parties inégales de

fait. Il propose une nouvelle vision du contrat, adaptée aux relations contractuelles inégalitaires.

La réalité atteste donc bien de l'existence de nombreux contrats déséquilibrés dans la société

contemporaine à travers cette absence d'équilibre que doit contenir le contrat.

2) La reconnaissance de l'existence des contrats déséquilibrés

En l'absence de vice du consentement, un contrat demeure nécessairement équilibré.

L'acceptation des parties au contrat faisant présumer que chacune d'elle s'est engagée au juste prix.

Chaque partie est libre de contracter comme il lui convient, ce qui lui donne toute liberté pour fixer

le prix qu'elle donne à son engagement et pour apprécier le prix qu'elle accepte de l'engagement

réciproque.

Les réalités humaines ne se confinent cependant pas à cette vision idéale du contrat résultant d'une

conception purement libérale du droit ce qui conduit à envisager l'hypothèse qu'un contrat soit

déséquilibré, l'une des parties se trouvant en situation de faiblesse par rapport à l'autre.

Le déséquilibre n’est pas pris en compte par le droit privé d'où l'intervention du droit positif pour

rechercher les contrats susceptibles de déséquilibres. Le positivisme et le solidarisme contractuel

vont rejeter ce libéralisme des contrats, qui selon eux est source de danger pour les contrats.

Ces différents auteurs font preuve de réalisme en allant au delà du postulat libéral du code civil;

l'évolution des relations contractuelles contemporaines constate que la vision moderne du

libéralisme est inadaptée à la réalité. Dés lors, la loi doit intervenir dans les relations contractuelles

en s'immisçant dans les contrats pour rétablir le déséquilibre.

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La doctrine et certains auteurs, notamment V. Lasbordes ont tenté d'identifier ces contrats

déséquilibrés, afin de remédier à ce grave problème récurent affectant les contrats.

En affirmant qu'il existe des contrats déséquilibrés, on assiste à l’abandon d'une présomption

d'équilibre des contrats. Avec l’avènement et l’intensification de relations sociales déséquilibrées,

les contractants ne se trouvent pas dans une situation économique équivalente.

Le contrat n’est plus l’expression d’une rencontre de volonté duquel découle la convergence

d’intérêts commun.

Il a donc fallu que le droit positif réagisse face à cette nouvelle situation contractuelle. Pour cela il a

fallu examiner les raisons d’un déséquilibre des prestations contractuelles entre les parties.

Désormais, même si le consentement n'a pas été vicié, le contrat n'est pas à l'abri d'un déséquilibre.

Par déséquilibre, il faudra entendre un déséquilibre financer, un déséquilibre dans les prestations des

parties, un déséquilibre intellectuel, etc. C’est pour cela qu’il semble légitime de se poser la

question suivante, quelles sont les contrats susceptibles d'être déséquilibrés?

"Qui dit contractuel dit injuste" ; voila ce à quoi conduit l'examen d'un grand nombre de contrats.

V. Lasbordes dans sa thèse sur "les contrats déséquilibrés, estime qu'il existe deux types de

déséquilibre. D'une part, les déséquilibres en valeur et d'autre part, les déséquilibres en pouvoir.

Par contrat déséquilibré en valeur, il faut entendre un contrat présentant un grave déséquilibre dans

les prestations des parties au contrat. Dans les contrats déséquilibrés en pouvoir, une des parties

dispose d'un pouvoir déséquilibrant, imposant une volonté unilatérale à un partenaire économique

qui n'est pas en mesure de discuter. Le déséquilibre est le résultat d'un abus dans l'exercice de ce

pouvoir unilatéral."12

Avec l’évolution suivie par les contrats modernes, et notamment avec la multiplication des contrats

d’adhésion, une partie pouvait se trouver dans une position de faiblesse par rapport à son

cocontractant, produisant alors un déséquilibre. Tel est le cas notamment en droit de la

consommation, avec la multiplicité des clauses abusives, en droit de la concurrence, avec les

déséquilibres significatifs entre professionnels. Il existe donc bien un phénomène de déséquilibre

dans les contrats, c'est pour cela que la loi des parties ne doit pas être la seule force obligatoire des

contrats.

En abandonnant cette présomption d'équilibre automatique des contrats, le droit positif reconnait

bien l'existence de ces déséquilibres des contrats au regard des différentes branches du droit.

12 V. LASBORDES, Les contrats déséquilibrés,Thèse Aix-en-Provence, Presses universitaire d'Aix-

Marseille, 2000.

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Pour remédier aux déséquilibres des contrats, il conviendra d'identifier ces contrats déséquilibrés à

travers diverses branches du droit, notamment le droit civil et celui des affaires.

B) L'identification des contrats déséquilibrés

Les contrats déséquilibrés ne cessent de se multiplier, dés lors il sera utile de les identifier,

notamment en droit civil (1) et en droit des affaires (2).

1) les différentes formes de déséquilibre ou en droit civil

Au regard des différents types de contrats en droit privé, il et possible en identifiant certaines

formes de déséquilibre, de qualifier ces contrats de déséquilibrés.

C'est le cas notamment du contrat à titre gratuit. Ce type de contrat, prévu à l'article 1105 du code

civil, laisse entendre que l'une des parties au contrat procure à l'autre un avantage sans rien recevoir

en contrepartie. Cette absence de contrepartie dégage un sentiment d'inégalité entre les parties,

engendrant nécessairement un déséquilibre dans les prestations. Cependant ce déséquilibre est

volontaire et inhérent au contrat, dés lors le droit positif estime que ces contrats à titre gratuit ne

peuvent être qu'équilibrés du fait qu'il s'agit d'une libéralité.

Qu'en est-il des contrats aléatoires, prévus à l'article 1104 du code civil?

Dans ce type de contrat, la prestation de l'une des parties dépend d'un événement incertain; dés lors

chaque partie court une chance de gain et un risque de perte. Dans ces contrats, le déséquilibre est

absent à la conclusion du contrat mais il se réalisera par la suite pendant l'exécution. Il faudra donc

intéresser à la théorie de l'imprévision. Cette dernière est rejeté depuis 1876 par un arrêt de principe

dit arrêt "du canal de Craponne"13

. Dans cet arrêt, la Cour de Cassation déclare que "dans aucun cas,

il n'appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse apparaître leur décision, de prendre en

considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer

des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants;".

En effet, dans les contrats aléatoires, le risque de déséquilibre est grand, même s'il apparait pendant

l'exécution du contrat et non dés sa formation, mais le droit civil n'accorde aucune protection aux

victimes, notamment par le mécanisme de la nullité.

Dans le contrat de vente, les déséquilibres sont nombreux, pouvant se traduire par un défaut de

13Cass civ 6 mars 1876, D. P. 1876, 1, p. 193, note giboulot F terré Y. Léquette les grds arret de la jurisp civ

Dalloz 10éme éd 1994 p 406

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validité du contrat. Pour identifier les contrats de vente pouvant être déséquilibrés, il faudra surtout

s’intéresser à l'objet et à la cause du contrat ; « un objet certain qui forme la matière de

l’engagement » et « une cause licite dans l’obligation » sont, au terme de l’article 1108 du Code

civil, essentiels à la validité du contrat. Le contrat peut être déséquilibré suite à un non respect du

principe énoncé à l’article 1108 du code civil, à savoir que pour qu’un contrat soit valide il faut

qu’il comporte un objet certain ainsi qu’une cause licite.

Pour qu’un objet soit certain, il faut qu’il existe, qu’il soit déterminé et qu’il soit licite.

Pour qu’une cause soit licite il faut que cette cause soit licite mais avant tout qu’elle existe.

En cas de non respect de ces règles le contrat sera en effet déséquilibré.

En cas de déséquilibre issu de l'objet on parlera de lésion. Celle-ci peut se définir comme un défaut

d'équivalence entre les prestations, au moment de la conclusion du contrat.

Ce déséquilibre résulte le plus souvent du prix. Cependant la lésion n'est pas systématiquement

admise. En effet, l'article 1118 du code civil dispose que « la lésion ne vicie les conventions que

dans certains contrats ou à l'égard de certaines personnes[...] ».

L’article 1118 du Code civil a prévu d’user de la lésion mais uniquement pour des cas bien précis.

Ainsi, une vente d’immeuble, si elle apparaît comme manifestement déséquilibrée, pourra faire

l’objet d’une rescision pour lésion, sous des conditions très strictes, c'est-à-dire qu’elle ne peut être

ouverte que par le vendeur. De plus, la lésion, dans ce cas, ne peut intervenir que si ledit vendeur

n’a pas obtenu une certaine contrepartie, dont la valeur a été déterminée par la loi à hauteur des sept

douzièmes.

S’agissant, du partage en matière successorale, la rescision peut être ouverte par l’héritier qui subit

une lésion de plus du quart, c'est-à-dire qu’il reçoit une part inférieure aux trois quarts de ce qu’il

attendait.

L'invocation de la lésion ne concerne donc que les ventes d'immeubles et les partages. Autrement

dit, dans les autres cas, aucune protection ne sera accordée aux victimes de déséquilibre lésionnaire

dans leur relation contractuelle. Dés lors, on peut estimer que les contrats comportant une lésion,

autrement dit, un grave déséquilibre dans les prestations des parties dés la formation du contrat,

peuvent être qualifiés de déséquilibrés.

Par ailleurs, le déséquilibre contractuel pourra résider dans les contrats dont le consentement a été

vicié par l'une des parties. Tel est le cas du dol notamment, défini comme étant toute ruse, tromperie

ou manœuvre employée pour induire en erreur une personne afin de la conduire à contracter.

Le dol ne se présume pas, il doit être prouvé. La victime de la réticence dolosive est en situation

d'infériorité par rapport à son partenaire au contrat, ce qui entraine nécessairement un déséquilibre.

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Les différents contrats cités précédemment montre que l'équilibre contractuel n'est pas souvent

respecté. Il est encore moins respecté en droit des affaires, où le consommateur comme le

professionnel n'est jamais à l'abri d'un déséquilibre dans ses relations contractuelles.

Il faudra à cet effet, s'intéresser à la notion de déséquilibre significatif, dans les contrats entre

consommateurs et professionnels et entre professionnels.

2) les différents contrats "déséquilibrés" ou en droit des affaires

En droit de la consommation, le consommateur est souvent victime d'abus dans ses relations

contractuelle avec un professionnel en raison d'une infériorité de compétences, d'un pouvoir

économique et intellectuel à l'avantage du professionnel. D'où la notion de clause abusive, définie

par la loi. Une clause est considérée comme abusive quand elle instaure un déséquilibre manifeste

entre les droits et obligations des deux parties, dans les contrats conclus entre professionnels et non-

professionnels.

Les dispositions du code civil contre les vices du consentement en matière contractuelle se

révèlent alors insuffisantes pour assurer une protection du contractant le plus faible : le

consommateur, voir le professionnel non spécialiste.

Selon l'article. L.132-1 du code de la consommation, issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995,

J.O. du 2 février, art. 1er, " dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou

consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du

non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations

des parties au contrat". Ces clauses abusives vont entrainer un déséquilibre au contrat. De ce fait, le

consommateur verra ses droits diminuer et ses obligations contractuelles élargies.

Ces clauses abusives résident le plus souvent dans les contrats de crédit à la consommation, le

contrat de vente, le contrat de crédit immobilier, le contrat d'assurance, etc.

L'article R. 132-1 du code de la consommation liste les clauses présumées abusives, au sens des

dispositions du premier et du troisième alinéa de l’article L 132-1 et dès lors interdites, dont

notamment celles réservant au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du

contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre,

celles reconnaissant au professionnel le droit de résilier de manière discrétionnaire le contrat, sans

reconnaître le même droit au non-professionnel ou au consommateur, etc.

Le décret 2009-302 du 18 mars 2009 a dressé une liste de clauses qui seront désormais soit

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considérées comme abusives de façon irréfragable, soit présumées abusives.

Le professionnel disposera d'un pouvoir déséquilibrant, imposant une volonté unilatérale à un

partenaire économique qui n'est pas en mesure de discuter.

« Le déséquilibre est le résultat d'un abus dans l'exercice de ce pouvoir unilatéral »14

. Ce pouvoir

déséquilibrant sera notamment économique et intellectuel .

Le législateur doit aussi assurer une protection aux opérateurs économiques en raison des effets

néfastes sur le marché du déséquilibre de puissance financière entre opérateurs économiques.

Le déséquilibre significatif n'existe pas que dans les contrats de consommation, ils résident aussi

dans les contrats concluent entre professionnels.

En droit de la concurrence, la loi de modernisation de l'économie (loi LME) du 4 août 2008 vient

ajouter un deuxième alinéa à l'article L442-6 du code de commerce disposant qu'« engage la

responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur,

commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de

tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif

dans les droits et obligations des parties ». Le législateur ajoute, par ces dispositions, un nouvel

abus restrictif de concurrence que l'on pourra rencontrer au moment de l'établissement de la relation

entre un distributeur et un fournisseur. Il n’échappera à personne que le vocabulaire utilisé

« soumettre », « déséquilibre significatif » est empreint d’une certaine violence. Cette violence est

en outre une violence contractuelle. c’est bien un déséquilibre significatif dans les droits et

obligations des parties dont il s’agit, ce qui replace la question de savoir ce que le droit de la

concurrence peut bien avoir à faire avec cette question qui a peut-être à voir avec celle de la

violence économique ou bien encore des formes subtilement substituées de la lésion.15

Ce déséquilibre significatif doit être rapproché de celui des règles du droit de la consommation et

notamment de l’article L. 132-1 du code de la consommation sanctionnant les clauses abusives.

La seule différence est selon Daniel. Mainguy, que les clauses abusives des contrats de

consommation sont envisagées de manière unilatérales et celles présentes dans les relations entre

professionnels, le sont de manière bilatérale 16

.

Cependant, qu’ils s’agissent des contrats entre un professionnel et un consommateur ou entre

professionnel, le déséquilibre significatif entraine un déséquilibre contractuel en raison du pouvoir

économique de l'une des parties au détriment de non professionnel ou du professionnel non

14V. Lasbordes, Les contrats déséquilibrés,Thèse Aix-en-Provence, Presses universitaire d'Aix-Marseille,

2000. 15D. Mainguy et J.-L. Respaud, Droit des obligations, Ellipses, 2008. 16D. Mainguy, Le déséquilibre significatif entre contractants professionnels, Lexcellis avocats.

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spécialiste.

Les contrats déséquilibrés peuvent être notamment identifiés au regard des pratiques

anticoncurrentielles et de celles restrictives de concurrence .

L'exemple type sera l'abus de dépendance économique, prohibé et prévu à l'article L420-2 du code

de commerce qui dispose que, « Est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1,

l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le

marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en

refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture

de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des

conditions commerciales injustifiées. Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter

le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un

groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une

entreprise cliente ou fournisseur ».

Face au pouvoir économique et intellectuel du professionnel, le consommateur et parfois même, le

professionnel, se retrouvent dans une situation d'inégalité dans leur relation contractuelle, du fait

d'un déséquilibre significatif synonyme de déséquilibre contractuel.

Dés lors, pour éviter cela afin d'assurer un minimum d'équilibre au contrat, il appartiendra au droit

positif de s'immiscer dans le contrat contrairement au postulat libéral du droit civil et de son code

napoléonien. Il en est de même pour les clauses abusives contenues dans les contrats de

consommation. Le législateur et notamment le juge, devront intervenir dans les relations

contractuelles entre consommateurs et professionnels et aussi dans les contrats conclus entre

opérateurs économiques afin de rétablir l'équilibre au sein des contrats, du au principe de liberté des

contrats et de l'abus de pouvoir de la partie forte au contrat .

Dés lors, nous nous intéresserons aux réactions du droit face à ces contrats déséquilibrés, avec

l'intervention du législateur et du juge dans la protection de la partie faible au contrat, limitée par la

confrontation entre la justice contractuelle et la sécurité juridique .

"Le déséquilibre contractuel a encore de beaux jours devant lui". Cette citation du professeur Denis

Mazeaud montre l'ampleur de ce phénomène des déséquilibres contractuels, qui a tendance à

perdurer malgré l'évolution du droit français des contrats .

C'est pour cela que le droit positif va réagir face à cette insécurité juridique afin de rétablir ces

déséquilibres affectant les contrats.

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II) le sort réservé aux contrats déséquilibrés

Le droit positif et notamment le pouvoir législatif et judiciaire vont tenter de combattre ce

phénomène de déséquilibre contractuel par le rééquilibrage des contrats de droit privé et les contrats

d'affaires (A) tout en essayant de concilier la sécurité juridique avec la justice contractuelle (B).

A) les réactions du droit positif à l'égard des contrats déséquilibrés

Le droit contemporain des contrats permet de plus en plus souvent au juge de s’immiscer dans le

contrat. Le juge se voit investi d’un pouvoir de rééquilibrer les prestations ou les pouvoirs

contractuels . L'évolution de la loi va permettre une meilleure protection contre les déséquilibres des

contrats. Le législateur et le juge vont donc réagir à l'égard des contrats déséquilibrés notamment en

droit civil (1) et en droit des affaires (2) par un rééquilibrage contractuel

1) En droit civil

Concernant les déséquilibres survenant pendant l'exécution du contrat, la jurisprudence est

intervenu pour une possible consécration de la théorie de l'imprévision, qui depuis 1876 est rejetée

par l'arrêt canal de Craponne17

. Le principe de cette théorie est de permettre au juge de réviser

judiciairement le contrat en cas de survenance d'un évènement imprévisible, indépendamment de la

volonté des parties.

Si la révision judiciaire du contrat n'est toujours pas autorisée en cas de bouleversement des

circonstances économiques, la Cour de Cassation a eu l'occasion d'indiquer, dans son rapport de

2007 sur l'avant-projet de réforme du droit des obligations, qu'elle était favorable à l'introduction

d'une telle théorie18

. Cet avant projet de réforme propose : « Si un changement de circonstances,

imprévisibles et insurmontables, rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui

n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation à son

cocontractant mais doit continuer à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de

refus ou d'échec de la renégociation, le juge peut, si les parties en sont d'accord, procéder à

l'adaptation du contrat, ou, à défaut, y mettre fin à la date et aux conditions qu'il fixe ».

17Voir note 9. 18Kami HAERI, La prévision dans le contrat, Gazette du Palais, 30 décembre 2010 n° 364, P. 14.

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De plus, la Cour de Cassation vient d’affirmer dans un arrêt du 16 mars 2004 qu’elle n’était pas

hostile à l’obligation de renégocier19

. Une négociation qui, sous certaines conditions, pourra

permettre de remédier au déséquilibre du contrat de longue durée.

De plus, un récent arrêt datant du 29 juin 2010 a été rendu par la cour de cassation, vu comme une

consécration de la théorie de l'imprévision et donc un possible revirement par rapport à canal de

Craponne20

. Dans cet arrêt, la Cour de cassation casse un arrêt ayant ordonné l'exécution d'un

contrat sans avoir recherché si l'évolution des circonstances économiques n'avait pas eu pour effet

de déséquilibrer l'économie générale du contrat et de priver de toute contrepartie réelle

l'engagement souscrit. Cette jurisprudence traduit peut-être moins l’émergence de l’imprévision en

droit privé que la naissance d’un droit à la revendication de l’équilibre contractuel exercé par le

biais d’une négociation imposée.

Concernant la lésion, déséquilibre survenant pendant la formation du contrat, cette dernière

concerne que les ventes d'immeubles et les partages.

En effet, selon l’article 1118 du code civil, « La lésion ne vicie les conventions que dans certains

contrats ou à l’égard de certaines personnes ».

La lésion concerne la vente d'immeubles de plus de 7/12 du prix, en matière successorale, de

partage, la rescision peut être ouverte par l’héritier qui subit une lésion de plus du quart, c'est -

à-dire qu’il reçoit une part inférieure aux trois quarts de ce qu’il attendait. et les fonds de

commerce. L'action en rescision pour lésion est également envisageable à l'encontre d'un

partage successoral en cas de lésion de plus du quart au regard des articles 889 et suivants du

Code civil français. Le délai pour agir est alors de 5ans à compter du partage.

Cependant, la jurisprudence va combler les lacunes du code civil quant à l'intégration de la

lésion dans les vices du consentement.

De plus, afin de réagir face aux déséquilibres des contrats, on a également admis la lésion à

l’égard de certaines catégories de personnes qui sont les mineurs non émancipés, et plus

généralement, les incapables.

Cette possibilité d'invoquer la lésion offerte aux incapables mineurs et majeurs prévue par le

code civil est très restreinte et a été allongée sous l’impulsion du législateur et de la

jurisprudence moderne. Selon l'article 1305 du code civil, les mineurs non émancipés pourront

invoquer la lésion. Il en sera de même pour les majeurs en curatelle au regard de l'article 510-3 du

code civil et pour ceux sous sauvegarde de justice (article 491-2 du même code). Ces catégories de

19Cass. 1re civ., 16 mars 2004, no 01-15.804, P. 20Cass. com., 29 juin 2010 no 09-37369 Sté d'exploitation de chauffage c/ Sté Soffimat.

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personne pourront donc invoquer la lésion dont ils sont victimes peu importe le contrat.

Il s'agira d'une exception du législateur à la possibilité d'invoquer la lésion qu'en matière de vente

d'immeuble et de partage. Le but de législateur, est bien sur de rétablir un certain équilibre au

contrat devenu déséquilibré.

Si traditionnellement, la révision du contrat par le juge est prohibée en dehors des hypothèses

où le législateur lui en donne expressément le pouvoir, on assiste à un essor contemporain de

la révision judiciaire du contrat à l'initiative des juges. La révision devient ainsi un remède

aux déséquilibres contractuels. C’est par la détermination de l’objet du contrat, et notamment

du prix, que le juge va pouvoir contrôler l’équilibre des prestations contractuelles, lorsqu'une

fixation abusive du prix dans le contrat a lieu pendant l’exécution du contrat. En effet, s’il se

situait lors de la formation, il s’agirait d’une lésion que le juge ne peut réviser, sauf cas très

précis, vus précédemment. Le contrôle de l’abus dans la détermination du prix par le juge a

permis de pallier aux déséquilibres contractuels.

La sanction de la lésion, écartée en principe, n'est-elle admise que de façon exceptionnelle.

Soit le juge opte pour la révision du contrat; pour se faire, il faut une disproportion importante

et flagrante entre la peine convenue et le préjudice réel. Le juge peut réviser même d'office,

même si une clause interdit la révision. Le juge pourra réduire ou augmenter la peine mais en

aucun cas la supprimer.

Soit le juge optera pour la rescision; cette dernière consistera en l'annulation sur un contrat

inexécuté soit au niveau de la prestation si elle est déterminante ou si une partie fait défaut par

un vice de consentement. Donc le principe est que l'acte annulé disparaît rétroactivement,

chacune des parties récupère ses prestations.

Selon une conception objective, le déséquilibre lésionnaire doit être pris en compte

indépendamment des vices du consentement. A l'inverse, la conception subjective de la lésion

estimera que le déséquilibre entre la valeur des prestations constitue une présomption de vice du

consentement.

Pour contrôler un possible déséquilibre du contrat, le juge vérifiera que le consentement des parties

ne fait pas l’objet d’une erreur obstacle, sur la nature ou sur l’objet du contrat, ou d’une erreur sur la

substance; dés lors, il sanctionnera de tels vices par la nullité.

La sanction du dol est encore un moyen pour le juge de limiter un déséquilibre contractuel entre les

parties. En effet, le dol vicie le consentement d’une partie, qui ne contracte plus en étant avertie, en

raison des manœuvres de l’autre ou de son silence intentionnel. Dès lors, la nullité relative du

contrat peut être prononcée mais des dommages et intérêts peuvent également être versés, ce qui

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conduit au rééquilibrage économique du contrat par le biais d’une compensation entre la somme

versée en réparation et l’obligation excessive du contractant.

Parfois, le consentement de la partie n’est pas libre puisque l’individu contracte parce qu’il est

menacé et qu’il ressent un sentiment de crainte. La violence se manifeste par l’exploitation d’un état

de nécessité de la partie par le cocontractant afin d’obtenir des avantages excessifs, ainsi que l’a

déterminé la Cour de Cassation dans l’arrêt de sa première Chambre civil du 3 avril 200221

.

Le rééquilibrage se fait alors par la nullité relative du contrat mais surtout par le versement de

dommages et intérêts qui rétablissent un équilibre entre les prestations des parties et réduisent les

obligations exagérées de la partie ayant subie la violence.

Dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation daté du 22 octobre 1996, dit

« Chronopost »22

, la Cour de cassation a éradiqué la clause d’un contrat qui empêchait la réalisation

de l’objectif économique poursuivi par la partie ayant subi un préjudice. Ainsi, la décision de la

Cour de cassation est tout à fait originale puisque la sanction qu’elle applique fait rapprocher la

cause des clauses abusives.

La compétence du juge est alors plus étendue lorsqu’un contrat est manifestement déséquilibré. Le

juge s’autorise encore à rééquilibrer un contrat lorsque sa cause existe mais qu’elle est dérisoire.

Ainsi, comme le montre l’arrêt de la première Chambre civil de la Cour de cassation du 13 juin

2006, la jurisprudence admet qu’une cause dérisoire coïncide avec une absence de cause afin de

protéger une partie d’un prix trop modeste. La sanction de cette absence de cause est alors la nullité

relative de la totalité du contrat.

Les interventions du juge ne sont pas préventives mais plutôt curatives. Seul le législateur joue un

rôle de prévention des déséquilibres contractuels.

2) En droit des affaires

Selon l'article L.132-1 du code de la consommation, "dans les contrats conclus entre professionnels

et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet

de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre

les droits et obligations des parties au contrat". Dés lors, au-delà et à l’encontre du code civil, un

autre outil de mesure du déséquilibre contractuel, les clauses abusives, est apparu dans le droit de la

consommation. Le critère de l’abus se trouve dans l’existence d’un déséquilibre significatif entre les

droits et obligations du contrat, au détriment du consommateur.

21 Civ.1ere, 3 avril 2002, Larousse-bordas contre Mme Kannas. 22 Cas. Com., pourvoi n° 93-18.632, 22 octobre 1996, obs. Fabre-Magnan, D. 1997, Jur. p. 121, note A.

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La particularité de ces clauses abusives réside dans le fait qu’elles s’appliquent dans un domaine

très précis, défini par la qualité des parties contractantes. Les hypothèses concernées en droit

français sont les contrats formés entre consommateurs ou non professionnels et professionnels, afin

de permettre la protection de la partie considérée comme plus faible par le juge.

La sanction appliquée est l’éradication des dites clauses, qui sont alors réputées non écrites.

Quant au contrat, il ne peut être annulé entièrement.

Les différents contrats comportant des clauses abusives entraine dés lors un déséquilibre contractuel

du à une incompétence technique du consommateur, voir du professionnel non spécialiste.

Le consommateur ne pourra ni modifier le contrat, ni le rompre pendant son exécution.

Le déséquilibre survient souvent en matière d'information sur la produit ou service, d'où

l'intervention du législateur dans un but de prévention du déséquilibre.

L'article L111-1 du code de la consommation met à la charge des professionnels vendeurs de biens

ou prestataires de services « l'obligation de fournir au consommateur avant la signature du contrat

toute information susceptible de l'intéresser sur les caractéristiques du bien, produit ou service. De

cette manière, l'acheteur peut se déterminer dans son choix en toute connaissance de cause aux

meilleures conditions économiques, juridiques et techniques ».

L'article L114-1 quant à lui, « oblige le professionnel à mentionner dans le contrat la date limite de

livraison du bien ou d'exécution du service commandé ». L'article L113-1 du même code oblige tout

vendeur à « informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité

contractuelle et les conditions particulières de la vente... ».

Concernant les contrats de vente à distance, le consommateur dispose d'un droit de rétractation

prévu à l'article L121-20 du code de consommation disposant que « le consommateur dispose d'un

délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à

payer de pénalités, à l'exception, le cas échéant, des frais de retour ».

Le décret 2009-302 du 18 mars 2009 a dressé une liste de clauses qui seront désormais soit

considérées comme abusives de façon irréfragable et donc interdites de fait, soit présumées

abusives, les tribunaux devant trancher au cas par cas en cas de litiges. Constater l'adhésion du non-

professionnel ou du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l'écrit qu'il accepte ou qui

sont reprises dans un autre document auquel il n'est pas fait expressément référence lors de la

conclusion du contrat et dont il n'a pas eu connaissance avant sa conclusion sera par exemple une

clause interdite. Prévoir un engagement ferme du non-professionnel ou du consommateur, alors que

l'exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend

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de sa seule volonté sera considéré comme une clause présumée abusive.

La loi du 4 août 2008 dite "Loi pour la Modernisation de l’Économie" ou "Loi LME" a assoupli la

possibilité de négocier les conditions générales des entreprises, mais en contrepartie, a renforcé le

mécanisme de lutte contre les clauses abusives non seulement dans les relations entre professionnels

et consommateurs ou non-professionnels, mais aussi dans les relations entre professionnels.

Désormais? C'est au professionnel de rapporter la preuve contraire. A la lecture de la jurisprudence,

les dispositions de l'article L.132-1 pouvaient s'appliquer à toute personne, particulier ou chef

d'entreprise, qui contractait avec un professionnel sans lien direct avec son activité professionnelle.

Le législateur est aussi intervenu en matière d'information du professionnel; l'article 33 de

l'Ordonnance du 1er décembre 1986 va assurer la transparence des relations commerciales (alinéa

1er) et va même jusqu'à obliger l'entreprise à de communiquer le baréme des prix et ses conditions

générales de ventes, "les fameuses CGV (ali2).

Il va aussi assurer une protection aux opérateurs économiques en raison des effets néfastes sur le

marché du déséquilibre de puissance financière entre opérateurs économiques.

Il y a déséquilibre dans les relations avec un professionnel lorsqu'une partie n'obtient pas une

prestation équivalente à ce à quoi elle s'est engagée. La jurisprudence comme le législateur ont

œuvré pour rétablir le juste équilibre dans les contrats en renforcant le contrôle du comportement

des acteurs économiques. C'est notamment le cas avec la loi de modernisation de l'économie (loi

LME) du 4 août 2008 qui vient ajouter un deuxième alinéa à l'article L442-6 du code de commerce

disposant qu'« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait,

par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de

soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un

déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Le déséquilibre significatif n'existe pas que dans les contrats de consommation, ils résident aussi

dans les contrats concluent entre professionnelles. Le but n'est pas d'atteindre une égalité mais

d'éviter les excès, les ruptures d'équilibre au sein du contrat d'adhésion, occasionnées par l'inégalité

de puissance des cocontractants. Restreindre les effets de l'inégalité des parties dans la formation du

contrat, c'est tenter d'en limiter les effets. En effet, c'est précisément le but de recherché par l'article

L442-6, 2° du code de commerce, que de restreindre les effets de l'inégalité des parties dans la

formation du contrat, voir même de tenter d'en limiter les effets.

Certains auteurs, œuvrent pour tenter d'introduire une protection contre les clauses abusives dans le

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Code de commerce. C'est le cas notamment de Martine BEHAR-TOUCHAIS23

.

La sanction de l'article L.  442-6, I, 2o, du Code de commerce ne sera pas uniquement de réputer

non écrite une clause comme pour la législation sur les clauses abusives, mais cela pourra entraîner

la responsabilité de son auteur, la nullité du contrat suivie de restitutions, et une amende civile.

L’approche contractualiste est globale mais complexe puisque l’appréciation du déséquilibre

contractuel suppose, d’une part, que le juge puisse s’insérer dans le contrat, ce qui révulse beaucoup

de juristes, et d’autre part qu’il fasse échec au principe sacré selon lequel la lésion, en tant que

concept, est limitée à des contrats désignés et enfin que les prestations réciproques sont réputées

proportionnées. Quant à l’approche concurrentialiste, elle est tout aussi globale mais suppose des

critères d’application propre à sa méthode de raisonnement : un marché, un abus sur ce marché. Tels

sont les propos du professeur D. Mainguy24

.

Le dispositif de l’article L. 442-6 du code de commerce vise à sanctionner civilement les pratiques

illicites restrictives de concurrence devant les juridictions civiles et commerciales.

La loi du 2 août 2005 en faveur des PME a élargi les pratiques considérées comme abusives et la loi

Chatel du 3 janvier 2008 a fait du refus de communication des conditions générales de vente une

pratique civilement sanctionnée. Enfin, la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 a

supprimé l’interdiction de la discrimination abusive, modifié le manquement consistant dans la

pratique de délais de paiement abusivement longs eu égard au plafond nouveau des délais de

paiement et remplacé l’abus de puissance d’achat par le déséquilibre significatif dans les droits et

obligations des parties.

Concernant l'abus de dépendance économique, la loi est intervenu pour sanctionner cette atteinte au

marché. Selon l'article L420-2 du code de commerce, « est prohibée, dans les conditions prévues à

l'article L420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position

dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent

notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires

ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse

de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées. Est en outre prohibée, dès lors qu'elle

est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive

par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se

trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. »

23Martine BEHAR-TOUCHAIS, "Que penser de l'introduction d'une protection contre les clauses abusives

dans le Code de commerce  ?", Revue des contrats, 01 juillet 2009 n° 3, P. 1258. 24Le déséquilibre significatif entre contractant professionnels, lundi 29 novembre 2010, Lexcellis Avocats.

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Le contrôle des abus constitue selon le professeur D. Mainguy, une "sorte de police du

comportement"25

.

Le législateur et le juge, à travers l’équité contractuelle, la justice contractuelle tout en respectant le

principe de sécurité juridique, sanctionnent les abus dans la fixation des prix, éradiquent clauses

abusives, ont de plus en plus tendance à admettre la révision pour cause d’imprévision, notamment

pour cause de lésion.

Après cette brève étude sur les réactions du droit positif à l'égard des contrats déséquilibrés, il est

intéressant de voir que le traitements des déséquilibres n'est pas chose simple compte tenu d'une

confrontation entre la liberté contractuelle (1) et le soucis de protéger la partie faible au contrat (2).

B) La recherche d'une conciliation entre impératif de sécurité juridique et de

justice contractuelle

Il faudra ici, se poser la question de savoir comment concilier de fait la protection d’une des parties

au contrat (2) tout en basant le droit des contrats sur le principe de liberté contractuelle (1).

1) La sécurité juridique comme impératif fondé sur le principe de liberté contractuelle

La force obligatoire assure la sécurité du contrat. S’appuyant sur le vieux concept du respect de la

parole donnée, il a force de loi et s’impose aux contractants comme au juge. Sans sécurité du

contrat, il n’y a plus de commerce et de contrat possible. Les règles du jeu ne peuvent pas être sans

cesse remises en cause. Ce qui handicape le plus les échanges économiques, c’est l’insécurité, le

manque de visibilité de l’avenir. Avec l’essor qu’a pris l’économie libérale, la sécurité du contrat est

donc on ne peut plus nécessaire. Tout échange économique serait remis en cause par une disparition

du principe de force obligatoire du contrat.

Le code civil de 1804 repose sur deux principes majeurs, qui sont la liberté contractuelle et le force

obligatoire des contrats. Dés lors, la sécurité du contrat se doit d'être assurée.

C’est alors que se pose le problème de la justice contractuelle. Doit-on s’en tenir à ce qui a été

convenu, quelle qu’en soit l’injustice, ou faut-il qu’une autorité extérieure aux parties contractantes

s’immisce dans la sphère conventionnelle dans le but de rectifier ce qui a été stipulé ? La réponse à

25D. Mainguy, Premier regard sur l'abus de droit dans les contrats,art, préc., spéc., page. 3.

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cette question n’est point univoque ; elle dépend de la philosophie du contrat, et plus largement de

la philosophie du droit adoptée. En simplifiant, soit la justice contractuelle se réduit à la convention

et le juge doit s’en tenir aux stipulations des parties, soit elle transcende la convention, cette

dernière devant lui être soumise et au besoin rectifiée à son aune.

L'automatisme des équilibres économiques est une fiction, car les ententes entre les entreprises les

plus puissantes a supprimé le libre jeu de la concurrence. L'état a dû intervenir pour protéger les

contractants les plus faibles au nom de l'intérêt général.

La liberté ne doit pas être absolue, car elle porte atteinte à l'égalité, en conduisant au règne de la loi

du plus fort en matière contractuelle. Elle doit être conciliée avec l'égalité réelle et la protection : la

loi doit intervenir pour limiter la liberté contractuelle afin de protéger les contractants faibles.

Il est une autre voie pour le juge de modérer un déséquilibre excessif dans les prestations

contractuelles via sa cause. En effet, une cause peut être fausse et le contrat entier est alors en

principe frappé d’une nullité relative. Pour autant, la Cour de cassation, a pu en décider autrement,

notamment dans l’arrêt de sa première Chambre civil du 11 mars 2003, et préférer la réduction du

montant de la dette à la nullité. Autrement-dit, la survie du contrat prévaut sur la protection de la

partie faible par le mécanisme de la nullité. Dés lors, le principe de liberté contractuelle doit être

privilégié afin d'assurer la survie du contrat.

Selon le Professeur Denis MAZEAUD, la révision représente une alternative à l'anéantissement ou

à la rupture du contrat irrégulier, ou déséquilibré à un point tel que son exécution n'est plus

concevable ; l'illicéité qui affecte le contenu du contrat ou l'instabilité qui perturbe son

environnement économique et social ne sonnent plus fatalement le glas du contrat26

.

Dans cette perspective, la révision apparaît alors comme un facteur de stabilité, de continuité, dans

la mesure où elle seule permet de sauver un contrat promis, dans une vision classique, à une

disparition certaine. La révision se présente donc comme un facteur de sauvegarde du contrat

menacé de disparition. « Réviser, c'est durer ». Cependant, cette volonté du juge de sécuriser les

contrats déséquilibrés par la révision, doit être conciliée avec le souci de protéger la partie la plus

faible au contrat.

26Denis MAZEAUD, « La révision du contrat », Petites affiches, 30 juin 2005 n° 129, P. 4.

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2) La justice contractuelle comme impératif fondé sur la protection de la partie faible

Le principe d’autonomie de la volonté est gravement remis en cause. Ainsi le législateur intervient

dans les conditions de formation du contrat mais aussi dans son exécution, portant ainsi atteinte au

principe de respect de la parole donnée. Le juge peut ré-échelonner les dettes, faire passer un taux

d’intérêt contractuel sous le taux légal, supprimer des clauses abusives, réputées alors non écrites...

Ainsi on pourrait porter atteinte au principe fondamental de sécurité du contrat.

Cependant l’autonomie de la volonté n’apparut souvent n’être qu’une duperie, le contractant

n’ayant en fait dans certaines situation aucune liberté. L’approche du contrat a varié quand à la

liberté des contractants. On assiste à une inversion des impératifs. Auparavant, la liberté de

contracter était presque totale.

Le contrat conclu, il s’imposait aux parties, leur liberté étant alors restreinte. Actuellement la

détermination du contenu contractuel échappe en partie aux contractants (contrats imposés, lois

supplétives,...).

La sécurité contractuelle devient de moins en moins un impératif, les possibilités de révision du

contrat, du retrait d’une des parties ont été accrues. Toutes ces dispositions montrent que de

l’objectif de sécurité du créancier on est passé à la recherche d’une plus grande protection du plus

faible : le débiteur.

On considère de plus que le contrat tire non plus sa force obligatoire de la volonté des parties, mais

du droit objectif qui la lui confère. En admettant que le droit objectif poursuit des finalités

supérieures tel le juste et l’utile, la force obligatoire n’apparaît plus comme une fin en soi, mais

comme un moyen au fin de l’utilité et la justice contractuelle, valeurs objectives supérieures.

Cette volonté de protéger la partie faible nous vient du droit de la consommation, où le

consommateur et le non professionnel bénéficient d'une grande protection, notamment contre les

clauses abusives,. Le droit de la consommation repose sur le postulat de faiblesse du consommateur

face à la supériorité intellectuelle du professionnel.

Il existe plusieurs principe pour une théorie générale des contrat; tout d'abord celui d’égalité

contractuelle, qui s'est renforcée en droit de la consommation, avec notamment le délais de

rétractation et de réflexion. Ensuite il y a celui d’équilibre contractuel, autrement-dit, l’équilibre de

prestations entre les droits et les obligations des parties. Le juge a déjà la pouvoir de réduire les

clauses pénales manifestement excessives, d’annuler les clauses abusives, d’annuler le contrat

déséquilibré par l’absence de cause ou dans certains cas de lésion, ce principe viendrait tempérer la

sécurité contractuelle, sans pour autant la faire disparaître.

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Afin d'arriver à une conciliation entre ces deux fondements que sont la sécurité juridique et la

justice contractuelle, une réforme sur le droit générale des contrats serait la bienvenue.

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CONCLUSION GENERALE

Contrairement un postulat libéral du droit privé, selon lequel il n'existe pas de contrats

déséquilibrés, la réalité des relations contractuelles contemporaines atteste le contraire. Dés lors, il

convenait d'étudier les manifestations de ces contrats à travers les différentes branches du droit.

En effet, en droit civil le déséquilibre résiderait dans les contrats susceptibles, de déséquilibres

lésionnaires, de modifications pour imprévision, de dol par réticence, de comporter des clauses

abusives, des déséquilibres significatifs, etc.

Le contrat à titre gratuit devra bien sur être exclu dans le sens où il s'agit d'une libéralité. Il en sera

de même pour les contrats aléatoires car le déséquilibre est inhérent à la nature du contrat.

Les inégalités existent même dans les contrats conclus entre professionnels, notamment en matière

de droit de la concurrence.

Une fois avoir identifié ces contrats, il était nécessaire de voir quelles allaient être les réactions du

droit positif à l'égard de ces contrats. Le droit n'entend donc pas rester passif à ce phénomène de

déséquilibre des contrats. En effet, le législateur et le juge sont intervenus afin de rééquilibrer ces

contrats, par le mécanisme de la révision, en matière de clauses abusives, de lésion, d'abus de

dépendance économique, etc., à travers l'abus, les vices du consentement et notamment l'objet et la

cause du contrat. La nullité du contrat n'est pas impossible, mais elle doit demeurer exceptionnelle

afin de préserver la survie du contrat.

On assiste à une opposition entre l'impératif de sécurité contractuelle préférant la survie du contrat,

reposant sur le principe de liberté contractuelle et celui de justice contractuelle, fondé sur un souci

de protection de la partie faible et non experte.

Le droit positif va concilier ces deux principes, en ajoutant d'autres principes à la théorie générale

des contrats, à savoir, l'égalité contractuelle, l'équilibre contractuel, la bonne foi, la loyauté, afin

d'assurer un minimum de justice et d'équilibre au contrat.

Une chose est sûre, le droit positif n’est pas indifférent au phénomène de déséquilibre des contrats,

c’est pour cela que le juge et le législateur n’hésitent pas à intervenir dans les relations

contractuelles, quitte à aller à l’encontre de l’impératif de sécurité des contrats, afin de rééquilibre

les contrats et par la même, de protéger la partie faible au contrat.

Face à ces contrats déséquilibrés, l’équilibre contractuel devient de plus en plus l’exigence première

du droit français des contrats.

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www.persee.fr (V.LASBORDES, Les contrats déséquilibrés)