Les déterminants de l'investissement

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Les dterminants de l'investissementRapport d'information n 35 (2002-2003) de M. Joseph KERGUERIS, fait au nom de la dlgation du Snat pour la planification, dpos le 29 octobre 2002 Disponible au format Acrobat (873 Koctets)

INTRODUCTION PREMIRE

PARTIE :

LA RELATIVE LANGUEUR DE L'INVESTISSEMENT COMPROMET LA CROISSANCE

FAIBLE

I. L'INVESTISSEMENT DES ENTREPRISES EN FRANCE, UN DYNAMISME

A. LE PROFIL HSITANT DE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF FRANAIS B. UNE TENDANCE PROCCUPANTE C. UN REL RETARD DANS UNE PERSPECTIVE INTERNATIONALE D. UN DOMAINE PARTICULIREMENT TOUCH : LES NOUVELLES TECHNOLOGIES E. L'ATONIE DE L'INVESTISSEMENT EN CONSTRUCTION II. UN FAIBLE RYTHME D'INVESTISSEMENT DFAVORABLE LA CROISSANCE DE L'CONOMIE FRANAISE A. UNE DCOMPOSITION DES FACTEURS DE LA CROISSANCE SOULIGNE LE RLE DTERMINANT DE L'INVESTISSEMENT B. LE RSULTAT D'UNE DCENNIE DE FAIBLE INVESTISSEMENT : UNE CROISSANCE POTENTIELLE PLUS FAIBLE EN EUROPE QU'AUX ETATS-UNIS

1. Evaluations de la croissance potentielle : 2. Une inflexion ncessaire de l'effort d'investissement C. LES LIENS POSITIFS ENTRE INVESTISSEMENT ET

:

EMPLOI III. LES INVESTISSEMENTS TRANGERS EN FRANCE NE PERMETTENT PAS DE COMPENSER LA FAIBLESSE DE L'INVESTISSEMENT INTERNE A. LA FRANCE ACCUEILLE UN MONTANT LEV D'INVESTISSEMENTS DIRECTS TRANGERS B. MAIS LE SOLDE NET DES FLUX D'INVESTISSEMENTS ENTRE LA FRANCE ET L'TRANGER EST NGATIF

DEUXIME DE LA CONNAISSANCE THORIE DES

PARTIE : CONOMIQUE DTERMINANTS L'INVESTISSEMENT

L'APPORT LA DE

I. LES DTERMINANTS TRADITIONNELS DE L'INVESTISSEMENT

A. LA DEMANDE ANTICIPE : B. LE RLE DU COT DES FACTEURS DE PRODUCTION C. LA PROFITABILIT D. LES CONTRAINTES D'ACCS AU FINANCEMENT II. MODLISATIONS DES COMPORTEMENTS D'INVESTISSEMENT A. LE MODLE ACCLRATEUR-PROFIT B. UNE FORMULATION ALTERNATIVE : LE Q DE TOBIN III. LA FAIBLESSE DE L'INVESTISSEMENT DANS LA DCENNIE COULE RESTE, EN PARTIE, INEXPLIQUE PAR LES MODLES USUELS

A. UN INVESTISSEMENT RALIS PLUS FAIBLE QUE CELUI ANTICIP B. UN RENFORCEMENT DES CONTRAINTES FINANCIRES PESANT SUR LES ENTREPRISES ? C. LE RLE DE L'INVESTISSEMENT EN CONSTRUCTION TROISIME PARTIE :

POLITIQUES

PUBLIQUES

ET

INVESTISSEMENT

I. PROMOUVOIR UN ENVIRONNEMENT MACROCONOMIQUE FAVORABLE L'INVESTISSEMENT A. DES TAUX D'INTRT BAS SONT FAVORABLES L'INVESTISSEMENT B. POUR UN ENVIRONNEMENT MACROCONOMIQUE STABLE II. ADAPTER LA FISCALIT L'INVESTISSEMENT

A. LE POIDS DE LA FISCALIT PESANT SUR LES INVESTISSEMENTS B. LES MESURES DE RGULATION CONJONCTURELLE DE L'INVESTISSEMENT SEMBLENT PEU EFFICACES C. DES MESURES INCITATIVES PERMANENTES PEUVENT, EN REVANCHE, ORIENTER L'INVESTISSEMENT DES ENTREPRISES. III. POUR UNE DPENSE PUBLIQUE PLUS FAVORABLE L'INVESTISSEMENT GLOBAL

A. ALORS QUE LA DPENSE PUBLIQUE PEUT EXERCER UN EFFET D'ENTRANEMENT SUR L'INVESTISSEMENT PRIV,

B. LES DPENSES D'INVESTISSEMENT PUBLIC SONT EN DIMINUTION C. ET L'ETAT A RDUIT SON EFFORT EN FAVEUR DE LA RECHERCHE PUBLIQUE IV. FACILITER LE FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS

LA

A. L'IMPRATIF D'UNE RPARTITION QUILIBRE DE VALEUR AJOUTE

1. Principales volutions 2. Elments d'explication B. FACILITER LE FINANCEMENT DES PME C. POUR UN SOUTIEN EN FINANCEMENT DES ENTREPRISES INNOVANTES V. PRENDRE EN COMPTE LA RELATION ENTRE FLEXIBILIT DES MARCHS ET INVESTISSEMENT A. INTENSIT DE LA CONCURRENCE ET INVESTISSEMENT B. MARCH DU TRAVAIL ET INVESTISSEMENT QUATRIME PARTIE :

LES

PHNOMNES

DE

SURINVESTISSEMENT

I. LES PISODES RCENTS DE SURINVESTISSEMENT : JAPON, ETATS-UNIS, EUROPE : A. UN PRCDENT PROCCUPANT : LE CAS JAPONAIS : B. SYMPTMES DU SURINVESTISSEMENT AMRICAIN : C. SURINVESTISSEMENTS SECTORIELS : LE CAS DES TL-COMMUNICATIONS :

1. Une croissance des capacits de production sans lien avec la progression de la demande : 2. Les stratgies d'internationalisation ont eu un cot lev : 3. La vente des licences UMTS, facteur dclenchant de la crise des tlcoms ? 4. Le financement de ces investissements a prcipit le lourd endettement du secteur : II. ELMENTS D'INTERPRTATION :

A. LE ANTICIPATIONS :

PROBLME

DE

LA

FORMATION

DES

1. Anticiper la demande pour des produits nouveaux est un exercice difficile : 2. Un pari sur la recomposition venir du march : B. LE RLE DES FACTEURS FINANCIERS :

1. Influence des cours de Bourse sur l'investissement

des entreprises : 2. Le surinvestissement est favoris par une politique montaire peu restrictive : C. INTERPRTATION DU SURINVESTISSEMENT PAR LA THORIE DES CYCLES CONOMIQUES : III. QUELLES RPONSES DE POLITIQUE CONOMIQUE ?

A.

DISPOSITION

OUTILS DE DES

POLITIQUE CONOMIQUE LA AUTORITS MONTAIRES :

1. L'arme des taux d'intrt 2. Des rponses plus cibles B. DIFFICULTS DE MISE EN oeUVRE DE CES INSTRUMENTS DE POLITIQUE CONOMIQUE :

1. Les rgulateurs sont-ils lgitimes ? 2. Les marchs sont-ils parfaits ?

CONCLUSION PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORT BIBLIOGRAPHIE ANNEXE M. BRUNO

1: CRPON, 2:

COMPTE-RENDU DE L'AUDITION DE ADMINISTRATEUR DE L'INSEE, LE 5 JUIN 2002 ANNEXE

COMPTE-RENDU DE L'AUDITION DE M. CHRISTOPHE RUDELLE, ET DE MME LUCILE SIMON, CONSULTANTS AU BIPE, SPCIALISS DANS LE SECTEUR DES TLCOMMUNICATIONS (23 JUILLET 2002). ANNEXE 3 : COMPTE-RENDU DE L'AUDITION DU 10 SEPTEMBRE 2002, DE MME FRANOISE GRI, PDG D'IBM FRANCE, ET DE M. JEAN-PATRICE SAVEREUX, DIRECTEUR DES RELATIONS EXTRIEURES D'IBM FRANCE ANNEXE 4 LES DTERMINANTS DE L'INVESTISSEMENT INTRODUCTION CHAPITRE 1 PRSENTATION GNRALE ET PRINCIPAUX RSULTATS DE L'TUDE

I. 1. L'VOLUTION RCENTE DE L'INVESTISSEMENT EN II. 2. LES TENDANCES LONGUES DE L'INVESTISSEMENT EN

FRANCE

FRANCE

A. 1. L'EXAMEN DES TENDANCES LONGUES NE SUGGRE PAS PREMIRE VUE UN RETARD D'INVESTISSEMENT EN FRANCE. B. 2. LE CONSTAT EST ANALOGUE POUR LE TAUX D'INVESTISSEMENT (INVESTISSEMENT EN VALEUR RAPPORT LA VALEUR AJOUTE). C. 3. LE CONSTAT DIFFRE LGREMENT SI L'ON EXAMINE LE TAUX DE CROISSANCE DU STOCK NET DE CAPITAL PRODUCTIF (SELON LES CALCULS DES COMPTES NATIONAUX). III. 3. LA POSITION DE LA FRANCE VIS VIS DES AUTRES PAYS TUDIS

A. 1. LE TAUX D'INVESTISSEMENT DES ENTREPRISES FRANAISES VIENT DE RETROUVER LE NIVEAU DES GRANDS PAYS INDUSTRIALISS B. 2. DES SIMILITUDES DANS LA RACTION DE L'INVESTISSEMENT LA CROISSANCE... C. 3. ...MAIS LA TENDANCE LONGUE DU VOLUME DE L'INVESTISSEMENT EST PLUS FAIBLE EN FRANCE D. 4. LE RLE DES CONTRAINTES FINANCIRES DANS LA DCISION D'INVESTISSEMENT EST FORTE DANS TOUS LES PAYS, MAIS IL EST DIFFICILE DE PORTER UN DIAGNOSTIC SUR LE POIDS RELATIF DE CES CONTRAINTES SELON LE PAYS. IV. 4. LES FLUX D'INVESTISSEMENTS ENTRE LA FRANCE ET L'TRANGER V. 5. UN RETARD FRANAIS DE L'INVESTISSEMENT DANS LES NOUVELLES TECHNOLOGIES VI. 6. LES ENJEUX D'UNE POLITIQUE DE L'INVESTISSEMENT

A. 1. LES DBATS SUR LA CROISSANCE POTENTIELLE B. 2. LES ORIENTATIONS POSSIBLES D'UNE POLITIQUE DE L'INVESTISSEMENT C. A. L'IMPORTANCE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES D. B. LE RLE ESSENTIEL DE LA PROFITABILIT E. C. UNE POLITIQUE MACROCONOMIQUE ADAPTE F. D. LES POLITIQUES STRUCTURELLES CHAPITRE 2 L'INVESTISSEMENT : DFINITION ET CONCEPT

I. 1. LA FBCF : UNE CONCEPTION LIMITATIVE DE L'INVESTISSEMENT II. 2. LES DIFFRENTS SECTEURS INVESTISSEURS CHAPITRE 3 LES DTERMINANTS DE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF

I. 1. LE MODLE NO-CLASSIQUE PUR II. 2. LE MODLE DE L'ACCLRATEUR SIMPLE III. 3. LE MODLE ACCLRATEUR PROFIT IV. 4. LE Q DE TOBIN CHAPITRE 4

L'INVESTISSEMENT

PRODUCTIF

EN

FRANCE

LES

I. 1. EVOLUTION DE L'INVESTISSEMENT DE 1970 2001 II. 2. LA DYNAMIQUE DE L'INVESTISSEMENT S'EXPLIQUE PAR DTERMINANTS CLASSIQUES

A. UN PROBLME SPCIFIQUE DE L'INVESTISSEMENT EN CONSTRUCTION B. L'ACTIVIT EST UN DTERMINANT MAJEUR... D. ... MAIS LA PROFITABILIT AUSSI E. UN TAUX D'AUTOFINANCEMENT DE L'INVESTISSEMENT FIXE LEV DANS LES ANNES 1990 III. 3. A LA RECHERCHE DES DTERMINANTS DE L'INVESTISSEMENT : LE RLE DES CONTRAINTES FINANCIRES A. LES MODLES ACCLRATEUR-PROFIT B. DES CONTRAINTES DE FINANCEMENT PLUS FORTES POUR LES PETITES ENTREPRISES C. LE CANAL DU CRDIT SUR LES PETITES ENTREPRISES CHAPITRE 5 L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF EN ALLEMAGNE

I. 1. EVOLUTION DE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF DE 1970

2001 II. 2. LA PROFITABILIT ET L'INVESTISSEMENT III. 3. L'INFLUENCE DU MARCH EXTRIEUR IV. 4. ANALYSES EMPIRIQUES EN ALLEMAGNE SUR L'INFLUENCE DES TAUX D'INTRT CHAPITRE 6 EVOLUTION DE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF AU ROYAUME-UNI

I. 1. CYCLES DE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF ET CYCLES CONOMIQUES II. 2. LA FAIBLESSE DE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF AU DBUT DES ANNES 1990 : QUELS FACTEURS EXPLICATIFS ? III. 3. ANALYSE THORIQUE ET EMPIRIQUE DE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF

A. L'APPROCHE PAR LE Q DE TOBIN

CHAPITRE 7 EVOLUTION DE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF AUX ETATS-UNIS I. 1. LE BOOM DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION II. 2. LA CRISE IMMOBILIRE DATE DU DBUT DES ANNES

1980 III. 3. LA PROFITABILIT S'AMLIORE EN 1992 IV. 4. LES ANALYSES QUANTITATIVES DOIVENT PRENDRE EN COMPTE L'EFFET DES TIC BIBLIOGRAPHIE

N 35 SNAT SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003 Annexe au procs-verbal de la sance du 29 octobre 2002 RAPPORT D'INFORMATION FAIT au nom de la dlgation du Snat pour la planification (1) sur les dterminants de l'investissement, Par M. Joseph KERGUERIS, Snateur. (1) Cette dlgation est compose de : M. Jol Bourdin, prsident ; Mme velyne Didier, MM. Serge Lepeltier, Marcel Lesbros, Jean-Pierre Plancade, vice-prsidents ; MM. Pierre Andr, Yvon Collin, secrtaires ; MM. Grard Bailly, Joseph Kergueris, Patrick Lassourd, Michel Pelchat, Daniel Percheron, Roger Rinchet, Grard Roujas, Bruno Sido. Politique conomique - Comparaisons internationales - Cot des facteurs de production Croissance - Demande anticipe - Financement des investissements - Fiscalit - Investissements directs trangers - Investissement public - Marchs - Modles macroconomiques - Nouvelles technologies - Profitabilit - Surinvestissement - Taux d'intrt - Valeur ajoute.

INTRODUCTIONLa croissance dpend doublement de l'investissement. En effet, l'investissement est, au ct de la consommation, une des composantes importantes de la demande. Une diminution de l'investissement se traduit, toutes choses gales par ailleurs, par un ralentissement de la croissance, comme l'illustre l'actuel pisode conjoncturel. Mais il joue aussi un rle dterminant pour modeler la capacit productive d'une conomie. Du niveau et de la composition de l'investissement dpendent fortement les capacits productives de l'conomie, lesquelles conditionnent largement la prosprit des pays dvelopps. Ce lien trs fort entre investissement et croissance incite analyser les dterminants de l'investissement, afin notamment de mieux comprendre quelle stratgie de politique conomique serait susceptible de soutenir une progression quilibre de l'investissement. C'est l'objet du prsent rapport, tay par une tude commande, publie en annexe, de l'institut Rexecode, qu'il convient de remercier pour la qualit de sa collaboration avec le service des Etudes du Snat. Nulle tude sur l'investissement ne peut ignorer les difficults que posent les mthodes de comptabilisation aujourd'hui en vigueur. L'investissement consiste en l'acquisition de biens et services en vue de la production ultrieure d'autres biens et services.

En Comptabilit nationale, source statistique fondamentale, l'investissement est habituellement apprhend travers la notion de Formation brute de capital fixe (FBCF). Cet agrgat reprsente la valeur des biens durables acquis par les units de production rsidentes sur le territoire franais afin d'tre utilises pendant au moins un an dans le processus productif. Il est donn brut d'amortissement . Cette dfinition conventionnelle de la FBCF est souvent juge limitative. Elle exclut en effet les acquisitions de terrain, et l'investissement dit immatriel , qui comprend les achats de brevets, marques de fabrique, modles, droits d'auteur, fonds de commerce, les dpenses de recherche et dveloppement, les actions de formation du personnel, la publicit et le marketing. L'INSEE a ainsi procd en 1999 une rvision des rgles comptables pour mieux prendre en compte l'investissement incorporel ; l'ensemble des achats de logiciel, prcdemment traits en consommations intermdiaires sont dsormais intgrs au calcul de la FBCF. En faisant passer des dpenses de la rubrique consommations intermdiaires la rubrique FBCF, l'INSEE a procd par la mme occasion une lgre rvaluation du PIB. Il n'en reste pas moins que la plupart des dpenses d'investissement immatriel demeurent exclues de la dfinition conventionnelle de la FBCF. Cette exclusion peut se justifier par de solides arguments comptables, notamment la grande difficult qu'il y a distinguer les investissements immatriels des dpenses courantes de consommation intermdiaire. Il est galement difficile de transposer aux investissements immatriels les rgles applicables aux investissements physiques en matire d'amortissement et de dprciation des stocks. Il n'en reste pas moins qu'une part importante, et croissante, de l'investissement productif des entreprises n'est pas prise en compte par la comptabilit nationale. C'est ainsi que, si la structure de l'investissement se dforme au profit de l'immatriel, l'investissement global peut augmenter alors que l'investissement mesur par la FBCF diminue. Or un tel processus est probablement l'oeuvre depuis une quinzaine d'annes. D'aprs les calculs du Crdit National, l'investissement immatriel reprsentait, en 1987, 30 % de l'investissement matriel ; aujourd'hui, l'investissement immatriel non inclus dans la FBCF reprsenterait plus de 40 % de la Formation brute de capital fixe, selon les calculs de Rexecode1(*). Une constante attention mrite donc d'tre porte aux mthodes de recensement de l'investissement. L'investissement est le fait de trois grandes catgories d'agents conomiques : les mnages, les administrations publiques et les entreprises. En 2000, la FBCF totale s'est leve en France 276,5 milliards d'euros. L'investissement des mnages, correspondant aux dpenses d'achat et d'entretien de logement, reprsentait prs de 30 % de ce total, soit quelque 81,5 milliards d'euros. L'investissement des administrations publiques reprsentait environ 15 % du total, soit 42,2 milliards d'euros. Les 55 % restant taient donc le fait des entreprises, pour un montant de 152,8 milliards d'euros. C'est l'investissement des entreprises qui retiendra l'attention dans cette tude, mme si on ne peut oublier le rle de l'investissement public, qui est un instrument important de politique conomique. L'analyse thorique de l'investissement a connu une relance ces dernires annes. On distinguait traditionnellement trois types d'investissements dfinis en fonction de leurs motivations : l'augmentation des capacits de production, le remplacement de matriel obsolte, et l'amlioration de la productivit. Dans la ralit, il est cependant bien difficile de faire la part entre ces diverses motivations. Comme il est rare qu'une entreprise achte des

machines dpasses, tous les investissements de remplacement, ou de capacit, ont aussi un impact sur la productivit du travail. Les investissement raliss niveau de demande gale, donc de productivit, s'accompagnent gnralement d'une augmentation des capacits, puisque les nouveaux quipements, plus modernes, permettent de produire davantage. Ces distinctions conservent cependant un intrt pour la discussion du lien entre investissement et emploi. Mais, ce sont surtout les dbats autour de l'mergence de la nouvelle conomie , l'apparition de nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), qui ont relanc, dans la priode rcente, l'intrt port l'analyse de l'investissement, au moins sous son aspect de vecteur par lequel les innovations technologiques se diffusent dans l'conomie. La vigueur de la croissance amricaine, au cours de la dcennie 1990, a ainsi t mise en relation avec le haut niveau d'investissement en NTIC observ dans ce pays. A contrario, le retard relatif de l'Europe et de la France en matire de croissance pourrait dcouler d'un investissement insuffisant dans les nouvelles technologies. De fait, le taux d'investissement franais a connu, dans la dcennie 1990, des niveaux historiquement bas, que la reprise de l'investissement amorce partir du second semestre 1997 n'a pas suffi compenser. Cette faiblesse prolonge de l'investissement contraste dfavorablement avec la vigueur de l'investissement amricain, et fait craindre pour le potentiel de croissance de l'conomie franaise. Le rattrapage du retard d'investissement europen et l'lvation de la croissance potentielle de l'Europe, semblent devoir tre des proccupations majeures pour les annes venir. Les analyses traditionnelles des causes de l'investissement peinent rendre compte de certaines volutions observes au cours de la dcennie coule. Il est donc intressant d'approfondir l'tude d'autres dterminants possibles de l'investissement, en particulier, les variables financires dont l'analyse a t renouvele dans la priode rcente. Le constat d'un retard d'investissement franais invite rflchir aux mesures de soutien que les pouvoirs publics seraient susceptibles d'adopter pour y remdier. Une stratgie macroconomique favorable l'investissement apparat, en premier lieu, souhaitable. Elle pourrait tre complte par une politique de soutien l'investissement dans les infrastructures, et dans la recherche-dveloppement, publique et prive. La question de l'accs au crdit, notamment pour les petites et moyennes entreprises, doit tre pose. Le contexte prsent de globalisation conomique, et le niveau trs lev atteint par les investissements franais l'tranger ces dernires annes incitent s'interroger sur la dimension internationale de l'investissement. La question d'un ventuel effet d'viction de l'investissement l'tranger par rapport l'investissement national est souvent envisage. Outre la question de l'lvation du niveau de l'investissement, il importe d'examiner les phnomnes de surinvestissement, qui ont affect depuis deux ans d'importants secteurs de l'conomie mondiale et europenne, au premier chef le secteur des tlcommunications. Une rflexion devrait tre engage pour dfinir les conditions d'un meilleur suivi de l'investissement productif des entreprises.

PREMIRE LA RELATIVE LANGUEUR

PARTIE : DE

L'INVESTISSEMENT CROISSANCE

COMPROMET

LA

Un des phnomnes conomiques marquants de la dcennie 1990 est l'apparition d'un cart significatif de croissance dans les performances des Etats-Unis et de l'Europe. Entre 1991 et 1999, la croissance moyenne du PIB en volume a t de 2,7 % par an outre-Atlantique, contre un peu plus de 1,5 % dans l'Europe des 15, et 1,3 % pour la France. Cette premire partie s'efforcera de l'expliquer. En moyenne, le niveau d'investissement de l'conomie franaise est demeur faible au cours de la dcennie, alors qu'il progressait un rythme soutenu aux Etats-Unis. Il semble donc exister une corrlation entre performances de croissance et rythme de l'investissement.

I. L'INVESTISSEMENT DES ENTREPRISES FRANCE, UN FAIBLE DYNAMISME

EN

L'examen du profil de l'investissement productif accrdite-t-il la thse d'un retard d'investissement franais ? Plusieurs approches sont envisageables pour analyser le profil de l'investissement productif franais. On peut comparer la progression du volume de l'investissement, et la progression du stock de capital, par rapport leurs tendances passes. On peut analyser le taux d'investissement des entreprises, c'est--dire le rapport entre la FBCF et la valeur ajoute qu'elles dgagent. On peut enfin s'engager dans des comparaisons internationales. De ces trois approches, c'est la dernire qui donne le plus de poids la thse d'un retard franais d'investissement. Ce retard serait plus particulirement marqu dans le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC).

A. LE PROFIL HSITANT DE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF FRANAISL'investissement des entreprises ne reprsente qu'une partie de l'investissement total (de l'ordre de 55 %). Dans les annes 1990, l'investissement des entreprises a oscill autour de 10 % du PIB. Un peu plus de la moiti de ce montant est assur par le secteur des services. Environ 30 % est assur par le secteur industriel (secteur de l'nergie inclus). L'agriculture et le BTP (btiment et travaux publics) reprsentent respectivement 6 et 4 % du total. Les 10 % restants sont assurs par les secteurs du commerce et des transports. L'tude ralise par Rexecode, publie en annexe de ce rapport, prsente de manire dtaille le profil de l'investissement depuis dix ans. L'investissement brut progresse, sur longue priode (1970-2000), un rythme de 2,6 % l'an en volume. Au cours de la dcennie 1990, le rythme de progression de l'investissement a fluctu autour de cette tendance, mais sans s'en carter durablement. On note toutefois un creux assez marqu sur la priode 1993-1998. Le rythme de progression de l'investissement est revenu au-dessus de sa tendance historique aprs 1998. Le rythme de l'investissement productif s'est cependant inflchi nouveau ds 2001. Graphique 1

Un autre indicateur pertinent en matire d'investissement est la progression du stock de capital physique2(*). Si le stock de capital augmente au mme rythme que le PIB, l'conomie peut continuer crotre de manire quilibre sans buter sur les capacits physiques de production. Si le capital physique augmente moins vite que la production, un effort d'investissement est ncessaire pour viter l'apparition de goulots d'tranglement, venant entraver la croissance. Si, en revanche, le stock de capital augmente plus vite que la production, l'apparition de capacits de production excdentaires est craindre. Pour l'ensemble des secteurs de l'conomie, le taux d'accroissement du capital productif physique, net d'amortissements, tait de 6 % par an au dbut des annes 70. Il est tomb moins de 3 % au milieu des annes 80. La vague d'investissements de 1986-1990 l'a fait remonter 4,4 % en 1990. Puis, il a fortement diminu pour se situer un niveau infrieur 2 % en 1994 et 1995. Il remonte ensuite trs lgrement partir de ce point bas. Mais il faut attendre l'anne 2000 pour que le taux d'accumulation3(*) du capital retrouve son niveau de 1984, soit le niveau qu'il avait avant le cycle de reprise de l'investissement de la fin des annes 80. Il diminue pourtant ds l'anne 2001. Le mouvement de reprise de l'investissement, observ la fin des annes 90, apparat donc bien modeste en comparaison de celui constat une dcennie plus tt. Le ralentissement du rythme d'accumulation du capital productif apparat, en outre, plus marqu que le ralentissement de la croissance. Une insuffisance du stock de capital est susceptible de faire obstacle une acclration - durable de la croissance du PIB au-del de 2 % l'an. Un troisime indicateur intressant suivre en matire d'investissement est le taux d'investissement des entreprises, dfini comme la FBCF des entreprises rapporte leur valeur ajoute. Cet indicateur mesure l'effort financier que les entreprises consacrent l'investissement. Il rvle une certaine faiblesse de l'investissement depuis une dizaine d'annes. En comparaison avec la croissance de la valeur ajoute, l'effort d'investissement a t peu soutenu jusqu'en 1997. Le taux d'investissement des socits non financires chute dans la premire moiti des annes 90 pour atteindre en 1997 un niveau historiquement bas (voir graphique 2 ci-dessous). La phase ascendante qui s'amorce partir du second semestre 1997 ne permet toutefois pas de retrouver les niveaux de la fin des annes 80. Compte tenu de la dure de vie des investissements raliss la fin des annes 80, les entreprises auraient d ressentir le besoin de renouveler leurs quipements vers le milieu des annes 90, ce qui ne semble pas s'tre produit, ou seulement partiellement. Les chefs d'entreprise semblent tre devenus plus prudents depuis la rcession de 1993. Le non-renouvellement d'une partie des investissements risque d'entraner une relative obsolescence de l'appareil productif. Se pose aussi la question de l'incorporation l'appareil de production des nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui n'ont pleinement merg que dans la dcennie coule.

B. UNE TENDANCE PROCCUPANTEPlusieurs arguments ont pu tre avancs pour relativiser l'importance de la baisse tendancielle du taux d'investissement des entreprises. En premier lieu, comme cela a t indiqu en introduction, le concept de FBCF, au sens de la comptabilit nationale, exclut la plupart des investissements immatriels. De ce fait, il est possible que les sries statistiques disponibles ne retracent pas convenablement le profil rel de l'investissement des entreprises franaises. En second lieu, l'volution diffrencie des prix doit galement tre prise en considration. Les prix de l'investissement tendent progresser moins vite que l'indice des prix la consommation. La baisse rgulire des prix du matriel informatique en est l'illustration la plus flagrante. La baisse apparente de la part des investissements dans la valeur ajoute pourrait ainsi cacher une progression en volume, les entreprises payant de moins en moins cher leurs quipements. En troisime lieu, les progrs dans les mthodes d'organisation du travail, et le travail en quipes ont accru le taux d'utilisation des quipements. Le facteur capital est utilis de manire plus intensive, comme l'atteste l'augmentation de la dure d'utilisation des quipements (DUE). A l'automne 2000, la DUE hebdomadaire a atteint 53,7 heures, soit son plus haut niveau depuis 19634(*). Les machines elles-mmes tendent tre de plus en plus adaptables : elles peuvent produire des pices ou des produits varis sans qu'il soit ncessaire de procder des modifications coteuses. Tous ces lments se conjugueraient pour

expliquer que les entreprises aient des besoins d'investissement moindres que par le pass, pour un niveau de production donn. Ces lments d'explication sont, au moins partiellement, contrebattus par d'autres considrations. Plusieurs tendances lourdes de l'conomie contemporaine devraient en effet conduire, au contraire, une hausse du taux d'investissement des entreprises. L'acclration du progrs technique, qui entrane un vieillissement plus rapide de certains biens d'quipement (en informatique notamment), devrait entraner logiquement une hausse du taux d'investissement des entreprises, contraintes de renouveler plus souvent leurs quipements. L'intensification de la concurrence incite galement les entreprises renouveler plus frquemment leurs produits, ce qui entrane de nouveaux besoins en biens d'quipement. Enfin, et surtout, la situation franaise contraste dfavorablement avec les volutions observes aux Etats-Unis, o les dpenses d'investissement des entreprises ont fortement augment au cours de la dcennie coule.

C. UN REL RETARD DANS UNE PERSPECTIVE INTERNATIONALEAprs avoir examin le profil de l'investissement productif par rapport sa tendance historique, il convient de le replacer dans son contexte international. L'exprience franaise et europenne - s'oppose ici nettement l'exprience amricaine ; l'investissement est rest peu dynamique en Europe, alors qu'il a fortement progress outre-Atlantique. Outre une analyse en termes de niveau, il faudra s'intresser galement la nature des dpenses d'investissement effectues. L'investissement des entreprises franaises, rapport au PIB, est demeur, depuis 1995, un niveau faible (moins de 12 %), infrieur celui de nos principaux partenaires, ainsi que l'illustrent les graphiques suivants.

Graphique

3

L'cart apparat particulirement marqu avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Un lment d'explication peut tre trouv dans les positions diffrencies des pays dans le cycle. Sur les quinze dernires annes, les cycles d'investissement europen et amricain ont en effet volu en sens oppos. Aux Etats-Unis, il y a eu une baisse du taux d'investissement jusqu'en 1992, puis un redressement spectaculaire, qui a dbouch sur l'une des plus longues phases d'expansion de l'aprs-guerre. En Europe continentale, au contraire, l'essor du taux d'investissement jusqu'en 1990-92 a fait place une rduction, puis une stagnation des niveaux proches de ceux du milieu des annes quatre-vingt. Il est donc possible que l'cart des taux d'investissement productifs entre les Etats-Unis et l'Europe traduise pour partie un dcalage cyclique dans le temps. La progression particulirement forte du volume de l'investissement aux Etats-Unis, ces dernires annes, permet cependant d'envisager que des mutations plus profondes soient l'oeuvre. Une rupture de tendance dans l'augmentation de l'investissement productif amricain semble s'tre produite au cours du dernier cycle. Le rythme d'accroissement du volume de l'investissement amricain a t multipli par deux au cours de la dcennie 1990-2000, par rapport la tendance passe. De 1970 1990, le volume de l'investissement productif a progress en moyenne de 4 % l'an. De 1990 2000, l'augmentation moyenne a t de 8,1 % par an. Aucun phnomne similaire n'a t observ en France, ni en Europe. L'investissement productif dans l'Union europenne a progress en moyenne de 2,8 % sur la priode 1990-2000 (1,8 % pour la France), contre 2,6 % sur la priode 1970-1990 (2,7 % pour la France). L'investissement massif des entreprises amricaines dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication explique pour une large part cette divergence entre Etats-Unis et Europe.

D. UN DOMAINE PARTICULIREMENT TOUCH : LES NOUVELLES TECHNOLOGIESLes comparaisons internationales en matire de nouvelles technologies sont souvent malaises. En effet, les contours du secteur des technologies de l'information et de la communication ne sont pas identiques dans les diffrents systmes statistiques nationaux. Les donnes chiffres prsentes dans cette section sont tires, pour l'essentiel, d'une tude parue dans la Revue de Rexecode du deuxime trimestre 20015(*). La dfinition du secteur des TIC, retenue par les auteurs de cette tude, est celle du Dpartement amricain du Commerce, dfinition au demeurant proche de celle de l'OCDE. Selon cette dfinition, le secteur des TIC recouvre la production de matriel informatique (hardware), de logiciels (software), de services informatiques, de matriel de communication, et de services de communication. L'ensemble des activits de distribution de nouvelles technologies informatiques, y compris les activits de vente au dtail de matriel informatique, sont prises en compte dans cet agrgat. On observe que l'investissement du secteur priv en biens et services des TIC est, depuis 10 ans, nettement plus leve aux Etats-Unis qu'en France, le Royaume-Uni occupant une position intermdiaire. Tableau 1 : FBCF en produits et services des TIC du secteur priv non rsidentiel (en % du PIB) 1990 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

France Royaume-Uni Etats-Unis

1,5 nd 3,1

1,4 1,8 3,1

1,3 1,8 3,3

1,3 1,9 3,3

1,3 2,2 3,6

1,4 2,3 3,7

1,5 2,4 3,8

1,7 2,5 4,1

Source : Rexecode (2001) L'cart est manifeste galement si l'on examine la seule composante informatique de l'investissement en TIC. L'investissement franais en informatique n'a que faiblement progress au cours de la dcennie passe. La supriorit amricaine se manifeste aussi bien dans le secteur du hardware que du software . A la fin des annes 1990, les entreprises amricaines investissaient pour 0,6 point de PIB par an en matriel informatique, contre 0,3 point pour les entreprises franaises. Et elles consacraient 1,6 point de PIB l'achat de logiciels et de services informatiques, soit un point de plus que les entreprises franaises. En terme de stock, les TIC ne reprsentent que 4,8 % du capital des entreprises franaises, soit un taux trois fois moindre que celui observ aux Etats-Unis. En outre, les niveaux de Formation brute de capital fixe, en biens et services des technologies de l'information et de la communication, divergent entre la France et les Etats-Unis. La part des TIC dans la FBCF productive totale aux Etats-Unis a plus que doubl en dix ans, passant de 21 % au dbut de 1990 prs de 47 % la fin 2000. En France, cette proportion est passe de 16 24 % sur la mme priode, soit une progression de huit points, de bien moindre ampleur qu'aux Etats-Unis. Les entreprises franaises ont pourtant intensifi leur effort d'investissement dans les TIC depuis cinq ans, comme l'atteste le graphique 4. Une phase d'expansion de l'investissement beaucoup plus longue serait cependant ncessaire pour amener la France au niveau amricain.

E. L'ATONIE CONSTRUCTION

DE

L'INVESTISSEMENT

EN

L'investissement des entreprises est compos d'investissements en quipements, en logiciels, mais aussi d'une part importante d'investissement en btiments. En 2001, l'investissement en btiment reprsentait, en valeur 25 % de la FBCF des entreprises. Dans les annes 1990, la faiblesse de l'investissement en construction a contribu l'atonie de l'investissement total des entreprises franaises. L'investissement en construction a fortement progress du milieu des annes 1980 jusqu'en 1992. Sur cette priode, la FBCF en construction passe de 33 milliards d'euros (aux prix de 1995) un sommet historique de 44,5 milliards d'euros. Puis, l'investissement en construction traverse une priode de morosit prolonge (cf. graphique 5). En 2001, le niveau de la FBCF en construction retrouve peine son niveau de 1980, 36,2 milliards d'euros. Graphique 5

La part de l'investissement en construction dans la FBCF productive tend historiquement dcliner. Elle reprsentait 36 % de la FBCF en valeur des entreprises en 1978, contre seulement 25 % en 2001. Les modes de production des entreprises deviennent plus conomes en espace, mais davantage utilisateurs de biens d'quipements et de nouvelles technologies. Le niveau relativement bas de l'investissement en France, dans la dernire priode, s'est traduit par un taux de croissance du PIB galement ralenti. Une dcomposition des facteurs de la croissance montre qu'une part importante de l'cart de croissance entre la France et les Etats-Unis peut tre attribue la diffrence dans les niveaux d'investissement.

II. UN FAIBLE RYTHME DFAVORABLE LA L'CONOMIE FRANAISE

D'INVESTISSEMENT CROISSANCE DE

La progression lente de l'investissement franais est une cause majeure de la modestie de la croissance enregistre dans les annes 1990. Elle affecte le potentiel de croissance de l'conomie franaise. Un niveau plus lev de l'investissement serait favorable la croissance et l'emploi.

A. UNE DCOMPOSITION DES FACTEURS DE LA CROISSANCE SOULIGNE LE RLE DTERMINANT DE L'INVESTISSEMENTQuels facteurs ont contribu la croissance franaise, dans la dernire dcennie, et quels facteurs ont contribu la croissance amricaine ? Les services de la Commission europenne ont apport des lments de rponse ces questions dans une tude trs clairante publie en 20006(*). Il ressort de ces travaux que la croissance plus forte observe aux Etats-Unis, compare la croissance europenne et franaise, a t la rsultante de deux phnomnes concomitants : une plus forte mobilisation du facteur travail, et une augmentation sensible, partir de 1995, des gains de productivit. La mobilisation du facteur travail est un important lment explicatif des diffrences de rsultats de croissance entre pays durant les deux dernires dcennies. Un taux d'emploi, et une dure moyenne du travail, plus levs aux Etats-Unis qu'en Europe expliquent les deux tiers de l'cart de PIB par habitant. Cet aspect du problme, tout fait majeur, se situe cependant en dehors du champ de notre tude, et ne sera donc pas dvelopp ici. Le second facteur de croissance conomique, savoir la croissance de la productivit, entretient, en revanche, des liens troits avec l'investissement. Deux lments doivent en fait tre distingus : la croissance de la productivit apparente du travail, d'une part, et la productivit globale des facteurs, d'autre part. La productivit apparente du travail dpend notamment de l'intensit capitalistique de la combinaison productive. A priori, plus le stock de capital par travailleur est lev, plus la production par travailleur l'est galement. L'investissement permet d'accrotre le stock de capital par travailleur ( condition que le taux d'investissement soit suprieur au taux de dprciation du capital), et donc la productivit du travail. A nombre de travailleurs inchang, l'conomie pourra crotre plus rapidement. A long terme, l'amlioration de la productivit du

travail est essentielle pour soutenir une croissance durable : le facteur travail ne peut, en effet, tre augment l'infini. Une fois pris en compte l'apport du facteur travail, et celui du facteur capital, une part de la croissance reste inexplique, d'un point de vue comptable. Cette part de croissance inexplique est attribue un rsidu, la productivit globale des facteurs (PGF), qui mesure l'apport du progrs technique. L'investissement est un moyen d'lever la productivit globale des facteurs, en ce qu'il permet d'incorporer le progrs technique l'appareil de production. Pendant longtemps toutefois, le haut niveau d'investissement dans les TIC observ aux EtatsUnis ne s'est traduit par aucune acclration des gains de productivit, ce qui a aliment le fameux paradoxe de Solow, selon lequel : on voit des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de productivit . Le paradoxe de Solow semble s'tre dnou dans la deuxime moiti des annes 1990, aux Etats-Unis. Les statistiques fdrales amricaines mettent, en effet, en vidence une forte monte des gains de productivit depuis fin 1995. Dans l'ensemble des secteurs marchands non agricoles, le taux de croissance annuel de la productivit horaire du travail aurait t en moyenne de 2,15 % entre 1995 et 1999, contre 1,1 % entre 1972 et 1995, la productivit globale des facteurs connaissant, elle aussi, une acclration sensible, d'environ 0,6 point. Le graphique ci-dessous, ralis par les services de la Commission europenne, prsente une dcomposition de la productivit horaire du travail. Il met en relief la part prpondrante de la croissance de la PGF dans l'acclration des gains de productivit observe aux Etats-Unis partir de 1995. Il souligne les volutions divergentes entre les Etats-Unis et l'Europe : alors que la croissance de la productivit du travail s'est acclre aux Etats-Unis dans les annes 1999, elle a ralenti d'environ 0,5 point dans l'Union europenne.

Source : Commission europenne (2000)

La tendance franaise s'inscrit dans la tendance europenne. Selon une valuation de Cette, Mairesse et Kocoglu7(*), la croissance de la productivit du travail, en France, aurait baiss de 0,5 point depuis 1992-1993. Ces auteurs soulignent que ce ralentissement, effectif, de 0,5 point, pourrait masquer un ralentissement structurel plus important encore, de l'ordre de 1 point. L'ampleur du ralentissement structurel des gains de productivit aurait t en partie masque par une hausse conjoncturelle de la productivit, rsultant de la reprise conomique de la fin des annes 1990. La France aurait connu cependant une augmentation des gains de productivit globale des facteurs, value 0,6 point par ces auteurs, soit un niveau comparable celui observ aux Etats-Unis ; les deux tiers de cette hausse seraient localiss dans les secteurs producteurs des TIC. Dans le cas de la France, la dclration des gains de productivit s'expliquerait donc surtout par une diminution de l'intensit capitalistique du systme productif. Cette diminution de l'intensit capitalistique n'est autre que le corollaire de l'enrichissement de la croissance en emplois, observ en France la fin de la dcennie 1990 et en 2000. Les conclusions de Cette, Mairesse et Kocoglu doivent cependant tre traites avec prudence. D'autres auteurs8(*) soulignent que l'incertitude quant l'ordre de grandeur des effets de la diffusion des NTIC sur l'conomie franaise depuis 1995 est extrmement forte . Ils considrent que l'impact sur les gains de productivit du travail de l'accumulation en capital NTIC est positif, mais faible , et l'estiment seulement un dixime de point long terme.

B. LE RSULTAT D'UNE DCENNIE DE FAIBLE INVESTISSEMENT : UNE CROISSANCE POTENTIELLE PLUS FAIBLE EN EUROPE QU'AUX ETATS-UNISLa croissance potentielle dsigne le rythme de croissance compatible avec la stabilit des prix. Si l'conomie crot un rythme suprieur celui de la croissance potentielle, des tensions inflationnistes apparaissent, qui dgradent la comptitivit de l'conomie nationale et la ramnent sur un sentier de croissance plus faible. Ds lors, un enjeu important de la politique conomique est d'lever le niveau de la croissance potentielle, afin que le pays puisse soutenir une croissance plus leve, sans qu'apparaissent de dsquilibres.

1. Evaluations de la croissance potentielle :L'histoire conomique amricaine rcente semble montrer que les Etats-Unis pouvaient soutenir une croissance du PIB de 4 % l'an, assortie d'un faible taux de chmage, sans qu'apparaissent de tensions inflationnistes significatives. Le potentiel de croissance de l'conomie franaise et europenne est bien moindre. Une tude de S. Doisy, de la direction de la Prvision, indique que la croissance potentielle de l'conomie franaise serait passe, dans la deuxime moiti des annes 1990, de 2 2,5 % par an9(*). Comme il apparat dans le tableau ci-dessous, les experts de CDC-Ixis retiennent un chiffre un peu infrieur pour la croissance potentielle franaise autour de 2 %. Ces diffrences peuvent s'expliquer par des estimations divergentes quant la tendance des gains de productivit. Tableau 2 : Croissance potentielle

Productivit/tte lisse Croissance de la population de 20 59 Croissance ans potentielle Etats-Unis Allemagne France Espagne Italie 2,6 1,8 1,6 1,3 1,3 1,0 - 0,5 + 0,4 + 0,5 - 0,2 - 0,2 3,6 1,3 2,0 1,8 1,1 1,6

Royaume-Uni 1,8 Source : CDC Flash (2002)

2. Une inflexion ncessaire de l'effort d'investissement :Dans sa Lettre en date du 15 septembre 2002, l'Institut Rexecode propose une valuation du niveau d'investissement industriel qui serait ncessaire pour que l'conomie franaise puisse crotre, de manire quilibre, un rythme de 3 % l'an. Historiquement, un taux de croissance global de l'conomie de 3 % est associ un taux de croissance de la production industrielle de l'ordre de 3,5 4 % par an. Pour atteindre ce rythme de croissance de la production industrielle, un taux de croissance annuel moyen du stock de capital industriel de prs de 2 % par an serait ncessaire dans les annes venir. Cela supposerait, en retenant l'hypothse d'une augmentation tendancielle du taux de dprciation, que l'investissement industriel progresse d'environ 4 % par an, en moyenne, d'ici 2010. Or, comme il a t indiqu prcdemment, l'investissement industriel a progress au rythme annuel moyen de 2,6 % sur la priode 1970-2001. Une forte inflexion du taux d'investissement national serait donc ncessaire pour que l'conomie franaise connaisse un niveau de sa croissance potentielle plus lev. Et cette inflexion du taux de croissance de l'investissement devrait encore tre complte par une augmentation moyenne de 0,5 % par an du nombre d'heures travailles dans l'industrie (alors que la tendance, au cours des trente dernires, a t une diminution de 1,7 % par an du nombre d'heures travailles dans ce secteur).

C. LES LIENS POSITIFS ENTRE INVESTISSEMENT ET EMPLOIInvestissements et emploi ont parfois t prsents comme antinomiques travers l'analyse des effets des investissements de productivit. Par dfinition, un investissement de productivit rduit les besoins en main-d'oeuvre d'une entreprise, ce qui a un effet ngatif sur l'emploi, au moins court terme. Le faible niveau de

l'investissement en France dans les annes 1990 a conduit un ralentissement de la substitution du capital au travail, et, par l, un enrichissement du contenu de la croissance en emplois . Faut-il dplorer cette volution, dans un contexte franais qui demeure marqu par un niveau de chmage lev ? Les mesures structurelles qui ont pour effet de modifier le cot relatif des facteurs de production incitent les entreprises adapter leurs combinaisons productives. Les entreprises privilgient des modes de production plus intensifs en travail, et moins intensifs en capital, ce qui a, temporairement, un effet positif sur les crations d'emplois. Mais ces mesures ne modifient pas le potentiel de croissance de l'conomie. Ainsi, une fois cette phase d'adaptation passe, le niveau des crations d'emplois redevient dpendant du rythme de la croissance, qui est lui-mme contraint par le niveau de la croissance potentielle. Par ailleurs, la substituabilit entre facteurs de production est, au mieux, partielle. Il n'est pas possible de faire baisser indfiniment la part du capital dans la combinaison productive. Dans les secteurs o la complmentarit entre travail et capital est forte, l'augmentation du stock de capital et l'lvation du niveau de l'emploi vont de pair. Les estimations de Crpon et Gianella suggrent que l'lasticit de substitution entre les facteurs de production est assez faible, de l'ordre de 0,7 dans le secteur secondaire, et de 0,4 dans le tertiaire 10(*). Une autre conclusion importante de leurs recherches conomtriques est que la demande de facteurs de production est beaucoup plus influence par les variations de la demande adresse aux entreprises que par le cot relatif des facteurs de production. Or, un pays dont les entreprises investissent trop peu s'expose au risque de voir la comptitivit-prix de ses produits se dgrader, et ses parts de march se rduire, ce qui risque d'entraner des destructions d'emplois bien plus importantes que celles obtenues grce aux modifications du cot relatif des facteurs. Les travaux mens sur longue priode, et un niveau macroconomique, montrent une corrlation forte entre croissance de la productivit, croissance du PIB, lvation du niveau de vie, et crations d'emplois. Une tude rcente de la Banque de France 11(*), portant sur les pays du G 7, ainsi que sur les Pays-Bas et la Belgique, indique que ce sont les pays ayant connu les gains de productivit les plus faibles aprs le choc ptrolier de 1973, qui ont les performances de croissance et de crations d'emplois les plus mdiocres. Les gains de productivit permettent, en effet, de librer des ressources, en capital et en travail, qui autorisent une progression plus soutenue de l'activit. Au niveau microconomique, diffrentes observations suggrent que les entreprises qui investissent et innovent beaucoup sont davantage cratrices d'emplois que les autres. Une tude de l'OCDE de 199512(*) indique que les entreprises ayant lanc des produits nouveaux au cours des deux annes prcdentes prsentent un niveau d'emploi suprieur de 4 % celui des entreprises n'ayant pas signal d'innovation de ce genre. A long terme, donc, l'investissement est favorable la cration d'emplois, parce qu'il permet de soutenir une croissance plus forte. Les crations d'emplois engendres par une croissance plus forte sont bien plus importantes que les destructions d'emplois rsultant d'une croissance des gains de productivit, ainsi que l'atteste l'exprience amricaine des annes 90.

III. LES INVESTISSEMENTS TRANGERS EN FRANCE NE PERMETTENT PAS DE COMPENSER LA FAIBLESSE DE L'INVESTISSEMENT INTERNE

Mme si la notion d'investissement direct tranger (IDE)13(*) n'appartient pas directement au champ de l'investissement tudi dans ce rapport, dans un contexte de globalisation conomique, accentue depuis une dizaine d'annes, il est difficile d'analyser l'investissement en France sans la mentionner. Un examen des flux entrants et sortants d'IDE montre que les investissements trangers en France sont significatifs, et tendent crotre sur longue priode, mais que le solde net (investissements entrants - investissements sortants) est lgrement, mais structurellement ngatif.

A. LA FRANCE ACCUEILLE UN MONTANT LEV D'INVESTISSEMENTS DIRECTS TRANGERSAinsi que l'illustre le graphique suivant, le montant des investissements directs trangers en France progresse tendanciellement depuis 10 ans. En 2000, les investissements directs trangers en France avoisinaient les 50 milliards d'euros.

Le stock des investissements directs trangers en France est valu, par la Banque de France14(*), 277,1 milliards d'euros, au 31 dcembre 2000, ce qui place la France au quatrime rang des pays industrialiss pour l'accueil des IDE, derrire les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne. L'estimation, propose par la Banque de France pour le stock d'investissements directs trangers en France la fin 2001, fait ressortir une nouvelle hausse sensible de ce stock, puisque celui-ci s'tablirait 335 milliards d'euros. En raison d'une diffrence de primtre, on ne peut induire directement des donnes relatives aux investissements directs trangers des enseignements sur la FBCF. En effet, une partie importante des IDE reus par la France correspond l'acquisition de parts de capital d'entreprises franaises, et non des investissements physiques supplmentaires. Cependant, une enqute, ralise chaque anne par l'Agence franaise pour les investissements internationaux (AFII)15(*), renseigne sur les crations d'emplois dues des investisseurs internationaux. Etant donn la complmentarit, plus ou moins grande, qui existe entre le facteur travail et le facteur capital, on peut voir dans la progression du nombre de crations d'emplois dues des investisseurs trangers le tmoignage d'une contribution accrue de ces mmes investisseurs l'extension du stock de capital physique. Selon l'AFII, les

IDE en France ont permis de crer ou sauvegarder, entre 1993 et 2000, plus de 221 000 emplois, principalement dans les secteurs des services, de l'automobile et des nouvelles technologies.

B. MAIS LE SOLDE NET D'INVESTISSEMENTS ENTRE LA L'TRANGER EST NGATIF

DES FLUX FRANCE ET

Important pays d'accueil, la France est aussi un grand investisseur l'tranger. En 2000, la France s'est ainsi classe au deuxime rang des investisseurs mondiaux, seulement devance par les Etats-Unis. Les flux entrants et sortants d'IDE se sont longtemps situs des niveaux trs proches, les flux sortants ayant tendance, toutefois, dpasser lgrement les entres de capitaux. Depuis 1998, le solde net de la France s'est considrablement dgrad, suite un essor des investissements franais l'tranger, sans commune mesure avec la progression des IDE entrants. En 1999, le solde net reprsentait prs de 5 points de PIB, et prs de 10 points de PIB en 2000. Ces chiffres sont rapprocher de la FBCF moyenne des entreprises au cours de la dcennie 1990, qui est de 11,6 points de PIB. Cette situation, sans prcdent dans l'histoire conomique rcente de la France, s'explique par la trs forte croissance des oprations de fusions et acquisitions entre 1999 et 2000. Les entreprises franaises ont massivement investi pour s'implanter sur des marchs trangers (achat de Seagram par Vivendi, d'Orange par France Tlcom...). L'ampleur nouvelle de ces sorties de capitaux, hors du territoire national, est difficile interprter. On peut y voir le signe d'une prfrence des entreprises franaises pour les investissements l'tranger, qui traduirait une perte d'attractivit du territoire national, et des perspectives de profit plus leves sur les marchs extrieurs. Mais, on peut y voir aussi le signe d'un dynamisme des entreprises franaises, qui s'internationaliseraient pour mieux faire face la concurrence des multinationales trangres, et conqurir des parts de march l'tranger. On observe que la croissance des investissements directs franais l'tranger ne s'est pas faite au dtriment de l'investissement intrieur. Au contraire, il semble y avoir une corrlation positive entre ces deux types d'investissements. Lorsque les entreprises ont les moyens d'investir, et qu'elles anticipent une hausse de la demande, elles dveloppent leurs investissements en France et l'tranger. De fait, l'envole des investissements franais l'tranger partir de 1998 concide avec une phase de reprise de l'investissement productif intrieur.

Au total, l'apport de l'investissement international l'conomie franaise est ambigu : les IDE localiss en France rehaussent le niveau de l'investissement productif total ; mais le solde net des flux d'investissement est dfavorable la France. Le niveau satisfaisant de l'pargne nationale a permis, ces dernires annes, de financer des investissements trs importants l'tranger, sans vincer l'investissement intrieur. Des contraintes plus fortes sur le financement des investissements pourraient conduire, l'avenir, les entreprises franaises devoir arbitrer de manire plus exigeante entre investissements en France et investissements l'tranger, ce qui poserait de manire plus aigue la question de l'attractivit des territoires. Par ailleurs, la prise en compte des flux internationaux d'investissement ne remet pas en cause les conclusions des comparaisons entre pays faites prcdemment. En effet, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, qui devancent nettement la France en matire de FBCF productive intrieure, la devancent galement quant au niveau des flux d'IDE entrants. Le fait que les Etats-Unis, et, dans une moindre mesure, le Royaume-Uni, bnficient d'un niveau de croissance potentielle suprieur celui des pays d'Europe continentale, rend ces destinations particulirement attractives pour les investisseurs trangers. * ** Au terme de cette premire partie, il est possible de poser un diagnostic : la relative faiblesse de l'investissement productif franais, dans la dcennie coule, explique, pour une large part, des performances de croissance plutt dcevantes. La croissance franaise ne devrait pas tre plus soutenue l'avenir, moins qu'une reprise durable de l'investissement ne permette d'lever la croissance potentielle de l'conomie franaise. La question qui se pose alors est celle des voies et moyens mme d'encourager l'investissement des entreprises. Avant d'arriver des recommandations de politique

conomique, un dtour par les thories relatives aux dterminants de l'investissement apparat indispensable.

DEUXIME

PARTIE :

L'APPORT DE LA THORIE CONOMIQUE LA CONNAISSANCE DES DTERMINANTS DE L'INVESTISSEMENTOn distingue traditionnellement quatre dterminants principaux de l'investissement : la demande anticipe par les entreprises ; le cot des facteurs de production ; les contraintes de financement et la profitabilit des projets d'investissement des entreprises. A partir de ces quatre dterminants, les conomistes ont formalis deux modles permettant de reprsenter, et de prvoir, le comportement d'investissement des entreprises. Il s'agit du modle acclrateur-profit, et du modle Q de Tobin. Dans la priode rcente, ces deux modles ont cependant parfois chou retracer fidlement le comportement d'investissement des entreprises. D'o l'intrt de se pencher sur les derniers dveloppements de la recherche conomique, qui apportent des clairages nouveaux sur la question de l'investissement.

I. LES DTERMINANTS L'INVESTISSEMENTA. LA DEMANDE ANTICIPE :

TRADITIONNELS

DE

Cette section se propose de passer de passer en revue les quatre dterminants traditionnels.

Il semble admis que la demande anticipe est le dterminant principal de l'investissement16(*). En priode de faible croissance ou de rcession, les entreprises adoptent une stratgie d'investissement prudente, elles ne cherchent pas augmenter leurs capacits de production, et parfois mme ne renouvellent pas les quipements devenus obsoltes. Au contraire, en priode de croissance soutenue, les entreprises sont incites investir pour augmenter leurs capacits de production, afin de profiter de la hausse de la demande. Les enqutes ralises par l'INSEE17(*), auprs des chefs d'entreprises semblent confirmer ce raisonnement thorique. Les chefs d'entreprise interrogs citent surtout la demande comme motif dterminant de leurs projets d'investissement. Si l'on suppose que le capital physique ncessaire la production est proportionnel au niveau de la production raliser, et que les entreprises veulent adapter rapidement leur niveau de capital, la croissance de l'investissement sera plus forte que celle de la demande. Ce phnomne est connu sous le nom d'acclrateur. Il s'explique par le fait que les biens d'quipement participent au processus de production au-del de la seule priode o ils sont acquis. En raison du phnomne d'acclration, une faible variation de la demande, dans une situation de plein emploi des capacits de production, suscite une forte variation de

l'investissement. A l'inverse, un simple ralentissement de la demande peut suffire provoquer une baisse de l'investissement. La mesure de l'acclrateur se fait par le rapport entre le stock de capital et le niveau de production : la constante obtenue, appele coefficient de capital mesure l'intensit du phnomne d'acclration. Plus elle est leve, plus l'investissement doit tre important pour atteindre le niveau de production souhait. L'effet d'acclration s'inscrit dans la vision keynsienne d'un quilibre conomique contraint par les dbouchs. Dans ce cadre thorique, une politique de relance budgtaire, suscitant une demande autonome supplmentaire, est un instrument efficace de relance de l'investissement (l'efficacit de la politique budgtaire est cependant moindre en conomie ouverte). Cette analyse de l'investissement par le facteur demande doit cependant tre tempre par la prise en compte du cot des facteurs de production.

B. LE RLE DU COT DES FACTEURS DE PRODUCTIONDans un cadre d'analyse microconomique, la maximisation du profit par la firme fait dpendre le niveau de capital dsir du cot des facteurs travail et capital. Les entreprises ont le choix entre plusieurs combinaisons productives possibles, et choisissent celle qui minimise les cots, et maximise donc leurs profits. A court terme, lorsque le niveau de production est contraint par les dbouchs, c'est le cot relatif des facteurs de production qui est pris en compte. Ainsi, si le cot du capital s'lve par rapport aux charges salariales, l'entreprise a intrt limiter les dpenses d'investissement, en substituant une plus grande quantit de travail au capital. Dans un cadre de plus long terme, o le programme de production n'est pas contraint par les dbouchs, c'est le cot rel de chaque facteur qui intervient dans la dcision d'investissement. Cette relation entre cot des facteurs de production et niveau de l'investissement apparat thoriquement solide. Pourtant, les tudes empiriques ralises au niveau macroconomique ont longtemps chou mettre en vidence l'incidence du cot des facteurs de production sur l'investissement. En 1997 encore, Dormont18(*) ne parvenait pas identifier de lien clair entre la demande des facteurs et le cot relatif capital/travail, et encore moins avec le seul cot du capital. Mais, au prix d'autres hypothses de travail, Crpon et Gianella ont, rcemment, mis en vidence, conomtriquement, un impact significatif du cot d'usage du capital sur l'investissement19(*). Le concept de cot d'usage du capital , utilis dans cette tude, intgre de nombreux lments : taux d'intrt bancaire propre chaque entreprise, structure du bilan, fiscalit pesant sur les socits et les dtenteurs d'actions, inflation et amortissements. Cet indicateur permet d'valuer de manire rigoureuse le cot effectif du capital, alors que, sur donnes agrges, le cot du capital est gnralement approch par le taux d'intrt rel. Au cours de la priode considre dans cette tude (1984-1997), le cot du capital a sensiblement baiss, principalement sous l'effet de la dtente des taux d'intrt rels. La fiscalit n'a contribu que marginalement la baisse du cot d'usage du capital. Ses variations ont t erratiques : l'impt sur les socits a diminu du milieu des annes 1980 1995, mais la pression fiscale a augment ensuite. Crpon et Gianella distinguent deux effets d'une variation du cot d'usage du capital : un effet de substitution et un effet de profitabilit. Une hausse du cot du capital devrait inciter les

entreprises substituer du travail au capital ; ainsi, la demande de travail devrait s'accrotre (effet de substitution). Mais, dans le mme temps, une hausse du cot du capital augmente le cot de production unitaire pour l'entreprise, ce qui alourdit ses prix, et risque, in fine, de rduire la demande qui lui est adresse (effet de profitabilit). Les estimations proposes suggrent que l'effet de profitabilit domine l'effet de substitution. Une hausse du cot du capital entranerait donc une baisse de la demande pour les deux facteurs de production, capital et travail, et pnaliserait donc l'emploi. L'tude simule les effets qu'aurait eu une augmentation, de 36,7 % 50 %, du taux de l'impt sur les socits en 1995. Un tel relvement du taux d'imposition aurait conduit une progression substantielle du cot du capital, de 9 % en moyenne, galement rpartie entre les secteurs industriel et tertiaire. Le choc aurait t moins important pour les entreprises fortement endettes, qui dduisent les intrts pour tablir leur rsultat fiscal. D'aprs le modle, les entreprises auraient alors rduit l'intensit capitalistique de leur combinaison productive, de 6 % en moyenne dans l'industrie, et de 3,1 % dans le tertiaire. Cette rpercussion plus faible dans le tertiaire s'explique par de moindres possibilits de substitution entre les facteurs de production. La production devenant moins intensive en capital, la productivit du capital augmente substantiellement. Au total, la simulation met bien en vidence une baisse de la production (en valeur), ainsi qu'une diminution du volume de chacun des facteurs. La diminution est, logiquement, plus forte pour le capital que pour le travail. Les effets mis en vidence dans cette tude sont d'une ampleur non ngligeable. Ils suggrent qu'une hausse du cot de capital a bien un effet ngatif, et significatif, sur l'investissement des entreprises. Les conclusions de cette tude prsentent un intrt certain pour la dfinition de la politique conomique. Elles suggrent qu'une politique d'expansion budgtaire, qui s'accompagnerait d'une hausse des taux d'intrt, aurait un effet beaucoup moins positif pour l'conomie que ce que la seule prise en compte de l'effet d'acclration laisserait supposer. Le taux d'intrt agit sur l'investissement par l'augmentation du cot du capital qu'il induit. Mais il exerce aussi un effet sur l'investissement par l'intermdiaire de la profitabilit.

C. LA PROFITABILITL'effet de la profitabilit ne doit pas tre confondu avec celui du profit, qui sera examin dans la section suivante. Il fait rfrence une notion distincte, celle de la rentabilit de l'investissement compare au cot du capital. COMMENT MESURER LA PROFITABILIT DU CAPITAL ? Il faut d'abord calculer le rendement du capital, c'est--dire le montant de la rmunration du capital rapport au stock de capital. En comptabilit nationale, la fraction de la valeur ajoute qui rmunre le capital correspond l'excdent d'exploitation. Cette rmunration peut tre nette ou brute (ENE ou EBE), selon que l'on tient compte, ou non, de l'usure ou de l'obsolescence du stock de capital. Afin qu'il reprsente de manire plus prcise la rmunration du stock de capital, il est ncessaire d'en retirer la rmunration des non-salaris qui lui est incorpore dans les donnes de la comptabilit nationale. Comme cette rmunration n'est pas prcisment connue, on procde une correction qui consiste affecter chaque non-salari une rmunration moyenne des salaris. On peut alors calculer le rendement brut du capital, qui correspond au rapport de l'excdent brut

d'exploitation sur le stock brut de capital, ou le rendement net, qui correspond l'excdent net d'exploitation rapport au stock net de capital. La profitabilit du capital productif mesure l'cart entre le rendement du capital, et le rendement, en termes rels, d'un placement sans risque, assimil au niveau des taux d'intrt long terme. L'cart entre le rendement d'un investissement physique, et celui d'un investissement sans risque doit tre suffisant pour que le chef d'entreprise dcide d'investir. Edmond Malinvaud considre qu'une profitabilit de 4 % est incitatrice l'investissement. Plus prcisment, la profitabilit mesure l'cart entre le rendement anticip du capital physique et un rendement financier (taux d'intrt ou valorisation boursire des actifs). Lorsqu'une entreprise dispose d'une capacit de financement, ses dirigeants ont le choix entre utiliser leur capital pour financer des investissements physiques, ou le placer sur les marchs financiers. Si la rentabilit attendue de l'investissement est infrieure la rentabilit d'un placement financier sans risque, l'investissement n'aura pas lieu. Lorsqu'une entreprise veut financer un projet par l'emprunt, ses dirigeants doivent s'assurer que le rendement attendu de l'investissement est suprieur au cot du capital, sans quoi, il n'est pas rentable d'investir. Derrire ce modle abstrait, trs simple, se cachent des ralits d'une grande complexit. La thorie conomique montre, en particulier, que l'valuation de la profitabilit d'un investissement, par un chef d'entreprise, doit intgrer des donnes multiples. L'incapacit les matriser toutes confre la dcision d'investissement les caractristiques d'une dcision risque. Cela n'est pas sans consquence, puisque l'on sait que l'aversion au risque varie selon la position des acteurs et leur environnement. Abel20(*) et Hayashi21(*) ont ainsi insist sur la ncessit pour les entreprises lorsqu'elles valuent la profitabilit d'un investissement, de tenir compte des cots d'ajustement du capital productif. Ces cots d'ajustement augmentent avec le volume de l'investissement, et sont composs, notamment, de cots d'organisation, et de cots de formation dans l'entreprise. L'investissement optimal rsulte alors de l'arbitrage entre le surcrot des profits engendrs par l'investissement et celui des cots occasionns par son installation. Edmond Malinvaud22(*) a, quant lui, insist sur les notions d'incertitude, et d'irrversibilit des investissements, pour mettre en relief l'importance des calculs de profitabilit dans les dcisions d'investissement. Les capacits de production ne peuvent s'adapter instantanment aux inflexions de la conjoncture (irrversibilit), et il est coteux pour une firme d'avoir des capacits excdentaires ou insuffisantes. La dcision d'investir consiste alors dterminer un taux d'utilisation des capacits de production moyen sur la base d'une demande anticipe, et d'un risque li l'erreur d'anticipation (incertitude). La profitabilit sera d'autant plus faible que la demande anticipe est modeste et incertaine. Plus rcemment, Abel et Eberly23(*) ont cherch montrer, dans le cadre d'un modle noclassique, qu'il existerait un seuil de profitabilit en de duquel il serait prfrable de ne pas investir et d'attendre de meilleures perspectives de profit. Ils rattachent ce seuil de profitabilit l'existence de cots fixes lors de l'installation du capital physique. Au-del de ce seuil, l'investissement deviendrait positif, et fonction croissante de la profitabilit.

Une comparaison de la profitabilit du capital, effectue dans six pays dvelopps sur la priode 1965-199924(*), montre que la profitabilit du capital est nettement plus leve aux Etats-Unis qu'en Europe ou au Japon. En moyenne, sur la priode, la profitabilit brute du capital atteint 23 % aux Etats-Unis, 16 % en Allemagne, au Royaume-Uni, ou aux Pays-Bas, 13,5 % en France, et 12,5 % au Japon. La profitabilit du capital a diminu jusqu'en 1982 dans tous les pays, avant de connatre une tendance la hausse jusqu' la fin des annes 1990 (sauf au Japon o elle continue de diminuer depuis une dizaine d'annes). Cette hausse de la profitabilit du capital s'explique par une dtente des taux d'intrts, mais aussi, en Europe continentale, par une remonte du taux de marge des entreprises. Dans les pays anglo-saxons, c'est plutt l'augmentation de la productivit du capital qui est l'origine du redressement de la profitabilit. La France se distingue de ses partenaires la fin des annes 1980 et au dbut des annes 1990 ; la profitabilit du capital a, en effet, diminu pendant cette priode, avant de rattraper la moyenne europenne. Cette divergence, par rapport la tendance gnrale, s'explique par l'volution des taux d'intrt rels. Ils se sont situs des niveaux levs, au cours de la priode considre, ce qui a dgrad la profitabilit moyenne du capital. La hausse des taux d'intrt s'explique par la volont des autorits franaises d'alors de garantir la stabilit du taux de change du franc par rapport au mark. Une profitabilit trop faible, en raison de taux d'intrts rels levs, dcourage l'investissement physique, et peut inciter les entreprises privilgier les placements financiers. Il y a viction de l'investissement par les placements financiers Une analyse plus fine invite cependant distinguer ces deux impacts. Les observations empiriques, et les rflexions des thoriciens de l'conomie industrielle, conduisent penser qu'une partie des investissements financiers est complmentaire des investissements physiques, de sorte que le niveau des taux d'intrt jouerait principalement travers son impact sur le cot d'usage du capital. Les prises de participation dans un but de croissance externe rpondent la mme logique que l'investissement physique, savoir assurer le dveloppement de l'entreprise. Lorsqu'on exclut du montant des investissements financiers les placements en valeurs mobilires correspondant une logique de court terme, on observe une corrlation positive entre investissements financiers et investissements physiques. Autrement dit, les entreprises qui investissent le plus en prises de participations externes sont aussi celles qui dpensent le plus pour leurs investissements physiques. Ds lors que la profitabilit du capital est positive et suffisante, il devient non seulement intressant d'investir, mais aussi de financer l'investissement par recours l'emprunt, en raison de l'effet de levier. Le mcanisme de l'effet de levier est le suivant : lorsque la rentabilit du capital est suprieure au cot moyen de la dette, les dirigeants d'entreprise sont incits recourir davantage un financement par endettement, dans la mesure o ce mode de financement permet, mcaniquement, d'augmenter la rmunration des fonds propres. Mais il y a des limites l'endettement, ce qui pose le problme des contraintes de financement pesant sur les entreprises.

D. LES CONTRAINTES D'ACCS AU FINANCEMENTUne entreprise dispose, en priorit, pour investir de ses ressources propres. Si celles-ci sont insuffisantes, l'entreprise doit emprunter. Elle peut aussi, si sa taille le lui permet, lever des capitaux propres. Les conditions de financement de l'investissement productif dpendent ainsi de caractristiques propres la situation financire de chaque entreprise.

CADRE D'ANALYSE THORIQUE Les rflexions relatives au financement de l'investissement ont longtemps t menes dans un cadre thorique dlimit par le thorme de Modigliani-Miller (1958). Selon ce thorme, il est indiffrent pour une entreprise de financer ses investissements par endettement, mission d'actions, ou rtention des profits. Ce thorme n'est cependant valide que sous des conditions trs restrictives, qui, en pratique, ne sont pas vrifies : hypothse de perfection des marchs financiers, d'absence de conflit entre les dirigeants et les actionnaires, et d'absence de distorsions lies la fiscalit. Les conditions d'application trs strictes de ce thorme ont conduit sa remise en cause, et ont orient les chercheurs vers l'ide d'une structure optimale du capital des entreprises. Les entreprises ont intrt s'endetter pour profiter de l'effet de levier, et de l'avantage fiscal li la dette (les intrts sont dductibles de l'impt sur les socits). Mais la croissance de l'endettement entrane un risque de dfaillance accru. L'entreprise doit arbitrer entre les avantages lis l'endettement, et le cot du risque de dfaillance. La capacit d'emprunt d'une entreprise dpend beaucoup des garanties qu'elle peut offrir, ainsi que des conditions du march (niveau des taux d'intrt). Le niveau des profits et le niveau de l'endettement de l'entreprise sont les deux indicateurs privilgis pour valuer les capacits de remboursement de l'emprunteur. Par ce biais, l'investissement est donc dtermin par le niveau des profits et de l'endettement. La recherche conomique souligne la trs grande htrognit des comportements d'investissement des entreprises. Cette htrognit s'explique largement par les conditions de financement diffrentes qui leur sont offertes. Les variables taux de profit et taux d'endettement ont ainsi un pouvoir explicatif rel pour l'investissement des petites entreprises, mais non pour l'investissement des grands groupes25(*). Les petites entreprises ont moins de garanties offrir aux banques, et ont donc plus de difficults financer leurs investissements. Les contraintes sont renforces en priode de ralentissement de la croissance, ou de rcession. Le modle du canal du crdit26(*) donne un fondement thorique ces observations empiriques. Il souligne le rle important des asymtries d'information qui existent dans la relation entre les banques et les entreprises. Ces asymtries d'information portent sur deux aspects diffrents de la relation entre prteurs et emprunteurs. D'une part, les prteurs sont moins bien informs que l'entreprise qui emprunte sur la situation relle de celle-ci, et sur le caractre plus ou moins risqu des projets qu'elle veut financer. D'autre part, les prteurs ne peuvent contrler que trs imparfaitement l'action de l'entreprise, une fois les prts accords ; le risque est que l'emprunteur adopte un comportement imprudent, qui affecte sa capacit de remboursement ultrieure. De ce fait, les banques sont amenes intgrer dans le cot du crdit une prime de financement externe qui reflte notamment les risques de non-recouvrement. Cette prime prend en compte les caractristiques observables de l'entreprise, qui renseignent sur sa probabilit de dfaillance : sa taille, son endettement, son appartenance ou non un groupe. La prime de financement externe est galement une fonction inverse de la richesse nette de l'entreprise, c'est--dire de la valeur de l'ensemble de ses actifs fixes, immobiliers ou financiers, diminue de ses dettes. Cette richesse nette reflte la capacit de l'entreprise apporter des garanties.

La prime de financement est sensible, par l'intermdiaire de la richesse nette, aux modifications de l'environnement conomique. En particulier, une hausse des taux d'intrt s'accompagne d'une baisse de la valeur des actifs financiers, et donc d'une hausse de la prime de financement. Les effets d'un durcissement de la politique montaire sont ainsi rpercuts de faon amplifie : la hausse des taux d'intrt s'ajoute la hausse induite de la prime de financement. En consquence, les petites entreprises, qui se financent exclusivement par le crdit bancaire, sont plus affectes que les grands groupes par un durcissement de la politique montaire. Une tude de Crpon et Rosenwald27(*), ralise partir de donnes d'entreprises couvrant la priode 1987-1994, montre que la prime de financement externe moyenne serait de l'ordre de 5 %, par rapport au taux d'intrt. Au-del de ce chiffre moyen, l'tude confirme que les diffrences de situations financires entre entreprises conduisent des conditions de financement diffrentes. Pour certaines entreprises, la prime de financement est ngligeable par rapport au taux d'intrt. Pour d'autres entreprises, en revanche, l'effet peut tre ponctuellement important, pouvant aller jusqu' doubler le niveau des taux d'intrt. Sur la base de ces dterminants de l'investissement, dgags par la thorie conomique, deux grands efforts de modlisation ont t raliss. Le modle acclrateur-profit et le modle Q de Tobin tentent de reprsenter, de manire synthtique, le comportement d'investissement des entreprises. Ils sont un outil de prvision des volutions de l'investissement productif. Les carts constats entre les estimations conomtriques et la ralit observe invitent s'interroger sur les transformations intervenues dans les comportements d'investissement des entreprises.

II. MODLISATIONS D'INVESTISSEMENT

DES

COMPORTEMENTS

Les premiers travaux de modlisation des comportements d'investissement datent des annes 1950 et du dbut des annes 1960, avec les travaux de Klein et de Jorgenson. En 1969, James Tobin a propos une mthode de modlisation alternative, connue sous le nom de Q de Tobin.

A. LE MODLE ACCLRATEUR-PROFIT Les premires tentatives de modlisation des comportements d'investissement se sont inscrites dans un cadre thorique noclassique. Ils dcrivent une situation dans laquelle les entreprises maximisent leurs profits en dehors de toute contrainte. Ces modles initiaux - dits de demande notionnelle de capital - ont t contests par des conomistes de l'cole keynsienne28(*). Ces derniers ont introduit l'hypothse d'une contrainte chronique pesant sur les dbouchs des entreprises. Cette contrainte sur les dbouchs permet d'introduire l'effet d'acclration, mentionn prcdemment. Le niveau dsir de capital dpend alors du cot relatif des facteurs de production, de la productivit tendancielle, et du niveau anticip des dbouchs. L'investissement est dpendant de la demande, et augmente avec l'acclration de celle-ci. Ce modle d'acclrateur simple a ensuite t enrichi par la prise en compte de variables de profit. Dans les annes 1980, en effet, le lien entre les facteurs financiers et les dcisions relles des agents a bnfici d'un regain d'attention de la part des conomistes. Les modlisateurs se sont efforcs d'intgrer les problmes poss par les modalits d'accs des entreprises au financement bancaire. Ainsi, dans les nouveaux modles acclrateurprofit , l'investissement est fonction non seulement de la croissance des dbouchs, mais

aussi d'une variable de profit et de cot de l'investissement. Le profit est apprhend par le rapport entre l'excdent brut d'exploitation et le capital valu son cot de remplacement. Le cot de l'investissement est dfini comme le taux d'intrt annuel dflat du glissement annuel du prix de l'investissement. On considre ordinairement que le taux de profit est le dterminant financier le plus robuste Cette modlisation acclrateur-profit est aujourd'hui la plus couramment employe. Elle traduit l'ide qu'une partie des entreprises est contrainte sur la demande, et une autre partie sur les conditions de financement. Toutefois, il convient de noter que l'indicateur de taux de profit introduit dans l'quation ne reflte pas uniquement des problmes de financement : il indique galement l'existence d'opportunits rentables d'investissement.

B. UNE FORMULATION ALTERNATIVE : LE Q DE TOBINL'ide de base de ce modle est la suivante : l'entrepreneur investit dans de nouveaux projets si le march les valorise au-del de ce qu'ils ont cot. L'investissement est rentable tant que l'accroissement de la valeur de la firme reste suprieur son cot. James Tobin29(*) propose de suivre un ratio, dit Q-moyen, rapport de la valeur boursire de la firme son capital au cot de remplacement. En effet, sous l'hypothse d'efficience du march boursier, la valeur de march d'une firme est exactement gale la somme actualise de ses flux de profit futurs. Un Q-moyen suprieur 1 rvle que le march anticipe une profitabilit de l'investissement au-del de son cot. Au contraire, si le ratio Q est infrieur 1, le march anticipe une profitabilit de l'investissement infrieure son cot. Dans cette dernire hypothse, l'intrt des actionnaires serait de revendre les quipements existants leur cot de remplacement. Si cela est impossible, il convient au moins de ne plus investir, et d'amortir progressivement le capital existant. En principe, le Q de Tobin rsume toute l'information utile. L'effet du taux d'intrt sur l'investissement est spontanment intgr par le ratio Q. En effet, les marchs valorisent les entreprises en actualisant leurs recettes futures attendues l'aide du taux d'intrt rel ; ainsi, une hausse des taux d'intrt rduit la valeur actualise de l'entreprise, et, de ce fait, le cours actuel de ses actions. La variation du taux d'intrt modifie ainsi la valeur du ratio Q. Le Q de Tobin permet de contourner le problme de la modlisation des anticipations, puisqu'il utilise les anticipations des agents conomiques contenues dans les cours boursiers. Les investisseurs prsents sur les marchs boursiers valuent en permanence les flux de revenus futurs des entreprises, et l'volution de leurs dbouchs. Les cours boursiers, et le Q de Tobin avec eux, fluctuent en fonction de la synthse qu'ils effectuent de toute l'information disponible. Le Q de Tobin prsente nanmoins un inconvnient majeur : il n'est calculable que pour les entreprises cotes. Ds lors, expliquer l'investissement macroconomique partir de ce ratio suppose une agrgation des comportements [des entreprises] pour laquelle on fait l'hypothse que la dcision d'investir des plus grosses entreprises est reproduite sur les plus petites. Cette hypothse apparat forte 30(*). De plus, les marchs boursiers sont parfois affects par des phnomnes de bulles spculatives , qui conduisent une forte divergence entre les cours boursiers et les fondamentaux de l'conomie. Les marchs boursiers connaissent des mouvements plus brutaux et erratiques que l'conomie relle, ce qui peut conduire un cart temporaire entre le comportement d'investissement prdit par le ratio Q, et celui effectivement ralis par les entreprises.

III. LA FAIBLESSE DE L'INVESTISSEMENT DANS LA DCENNIE COULE RESTE, EN PARTIE, INEXPLIQUE PAR LES MODLES USUELSL'investissement observ aprs 1993 a t plus faible que ce que les modles thoriques laissaient prvoir. Un renforcement des contraintes de financement pesant sur les entreprises semble devoir expliquer cette discordance.

A. UN INVESTISSEMENT RALIS PLUS FAIBLE QUE CELUI ANTICIPLa faiblesse de l'investissement depuis 1990 rsulte essentiellement d'un dficit marqu d'investissement sur la priode 1993-1998. Divers travaux raliss par des chercheurs de l'INSEE31(*) soulignent que l'atonie de l'investissement pendant cette priode de cinq ans est mal explique par les modles usuels. La spcification acclrateur-profit retrace convenablement la baisse de l'investissement sur la priode 1990-1993. Aprs la forte croissance de la fin des annes 1980, l'activit conomique a considrablement ralenti, pour finalement dboucher sur une rcession de prs de 1 % en 1993. Le facteur demande tait donc fortement orient la baisse. De plus, la persistance de taux d'intrts rels levs a contribu dtriorer la solvabilit des entreprises, et la profitabilit des projets d'investissement disponibles. Aprs la rcession de 1993, les estimations rendent moins bien compte du profil de l'investissement. En particulier, la reprise de 1995 ne se traduit pas par une hausse de l'investissement conforme ce que l'on aurait pu attendre du lien habituellement constat entre l'investissement et la valeur ajoute. La dconnexion se poursuit pendant les annes 1996 et 1997. C'est seulement depuis 1998 que l'investissement redevient conforme au phnomne d'acclration vis--vis de la valeur ajoute. L'approche par le Q de Tobin pose le mme problme d'interprtation. Herbet et Michaudon32(*) ont montr que le taux d'accumulation et le Q de Tobin ont suivi, au cours de la priode 1975-1991, des volutions parallles, ce qui semble confirmer la validit du modle sur longue priode. Mais la relation entre ces deux grandeurs n'est plus tablie depuis 1993. Le Q de Tobin progresse en effet sensiblement, atteignant, partir de 1995, des valeurs proches de 1,2, indiquant l'existence d'opportunits d'investissement non satisfaites. Pourtant, le taux d'accumulation reste faible pendant cette priode. Graphique 9 : Q de TOBIN et taux d'accumulation

Source : Herbet J.B. (1995). Alors que l'investissement productif franais est rest faible sur la priode 1993-1998, l'investissement amricain a dcoll partir de 1992. La reprise de l'investissement franais entre 1998 et 2000 a t trop brve pour permettre de rattraper le retard accumul dans la priode prcdente. Les lments avancs pour rendre compte de cet cart entre l'investissement ralis et les prvisions des modles tournent autour de la notion de contrainte financire.

B. UN RENFORCEMENT DES CONTRAINTES FINANCIRES PESANT SUR LES ENTREPRISES ?Comme l'analyse des dterminants de l'investissement l'a montr, le rle des contraintes financires est pris en compte dans les thories de l'investissement. Mais diffrents indices laissent penser que le poids de ces contraintes se serait accru dans la priode rcente. Une actualisation des modles en vue d'accrotre le poids de ces facteurs permet d'amliorer leur reprsentation de l'investissement. Michaudon et Vannieuwenhuyze33(*) montrent que l'introduction d'une variable d'endettement amliore sensiblement les performances de l'quation d'investissement pour la priode considre. Ce rsultat peut s'interprter de la manire suivante : suite une phase d'endettement excessif, qui avait conduit de nombreuses dfaillances d'entreprises la fin des annes quatre-vingt, les entreprises franaises ont nettement privilgi leur dsendettement, au dtriment du financement de nouveaux projets. La contrainte d'endettement aurait t particulirement forte pour les petites entreprises, celles-ci subissant plus durement l'impact de taux d'intrt rels levs, en raison du phnomne du canal du crdit. Cette hypothse est confirme par les observations de Duhautois34(*), qui rappelle que le ralentissement de l'investissement est plutt le fait des petites entreprises tertiaires . L'incapacit du ratio Q apprhender convenablement le comportement des petites entreprises expliquerait la dconnexion entre Q de Tobin et investissement productif. Cependant, malgr la baisse des taux d'intrt partir de 1995, et l'assainissement de la situation financire des entreprises, perceptible au niveau macroconomique, l'investissement est demeur faible jusqu'au deuxime semestre 1997. P. Artus35(*) met l'hypothse que les

entreprises, fortement marques par la priode passe de fragilit financire, ont pu continuer se conformer des normes d'endettement restrictives. Une autre interprtation de la faiblesse de l'investissement pourrait tre trouve dans les exigences accrues de rentabilit des actionnaires. L'internationalisation des marchs financiers aurait conduit la diffusion de normes de rentabilit plus leves, en l'occurrence celles en vigueur dans les pays anglo-saxons (taux de rentabilit de 15 %). Les grandes entreprises franaises auraient ainsi t incites limiter leurs investissements ceux offrant les meilleures perspectives de rentabilit. La slection des investissements les plus rentables expliquerait la fois la baisse de l'investissement, et la hausse du Q de Tobin.

C. LE RLE DE L'INVESTISSEMENT EN CONSTRUCTIONSelon une tude conomtrique d'Irac et Jacquinot36(*), c'est l'investissement en construction qui expliquerait l'atypisme de l'investissement observ en France dans les annes 1990. Une phase d'expansion vigoureuse de l'investissement en btiment s'est, en effet, produite de 1985 1992. Elle s'est acheve avec l'clatement de la bulle immobilire. Il a fallu ensuite plusieurs annes pour effacer la suraccumulation qui tait intervenue, d'o une morosit prolonge de l'investissement en construction, qui ne s'achve qu'en 1999. La composante construction de l'investissement a donc diminu, pendant plusieurs annes, la FBCF totale des entreprises. Pour ces auteurs, l'investissement hors construction a eu, dans les annes 1990, un comportement conforme la dynamique observe dans les annes 1980, c'est--dire dtermin essentiellement par l'activit et le profit.

TROISIME

PARTIE :

POLITIQUES PUBLIQUES ET INVESTISSEMENTL'investissement relve d'abord d'une dcision des entreprises du secteur priv, mais les pouvoirs publics peuvent agir pour soutenir et orienter l'investissement. Ils disposent pour cela de plusieurs instruments : la politique montaire, la politique fiscale, l'investissement public, la politique de rglementation, le soutien au crdit bancaire, etc. La politique conomique peut se proccuper du niveau de l'investissement, mais aussi de la qualit des investissements : un investissement plus important en recherche et dveloppement (R&D) est la cl des innovations et de la croissance de demain. La politique conomique devrait galement veiller viter des phnomnes de suraccumulation, prjudiciables la croissance. Il apparat aujourd'hui, par exemple, que l'investissement productif a t excessif aux Etats-Unis, dans le secteur informatique, et en Europe, dans le secteur des tlcommunications. Ces phnomnes de suraccumulation, qui ne sont pas nouveaux, posent la question de la formation des anticipations relatives aux dbouchs. Bien que disposant d'instruments varis pour soutenir et orienter l'investissement productif, la politique conomique franaise volue dans un contexte de contraintes fortes. La matrise de la politique montaire appartient la Banque centrale europenne, qui arrte ses dcisions en fonction de la situation observe dans l'ensemble de la zone euro, et en fonction d'un objectif de stabilit des prix. En consquence, l'arme des taux d'intrt ne peut tre mobilise directement dans un but de soutien l'investissement.

Diffrents lments laissent penser que l'investissement public entretient une relation positive avec l'investissement priv ; mais une politique de relance de l'investissement public est difficile dans un contexte marqu