38
LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE L’ETAT Sommaire Accueil des participants 1 Claude ROCHET Chargé de mission DIRE Allocution introductive 1 Michel SAPIN Ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat Les conclusions de l’enquête nationale 4 Claude ROCHET Chargé de mission DIRE L’ANDRA : L’ASSOCIATION D’UNE POLITIQUE PUBLIQUE 10 ET D’UN ETABLISSEMENT PUBLIC NATIONAL La mise en place de l’Andra 10 Christian BATAILLE Député Le rôle de la tutelle de l’Andra 12 Stéphane GRIT Sous-directeur au ministère de l’Industrie Le fonctionnement actuel de l’Andra 16 Yves LE BARS présidentde l’Andra Questions 21 COMPTE RENDU DES ATELIERS ET DISCUSSION SUR LES ORIENTATIONS 26 Restitution de l’atelier Concevoir la politique 26 Claude ROCHET Chargé de mission, DIRE Restitution de l’atelier mettre en oeuvre la politique 28 Jean-Loup PETIT et Elisabeth LULIN Chargé de mission DIRE et Consultante Paradigmes Restitution de l’atelier Evaluer la politique Erreur ! Signet non défini. Pascal VINE, chargé de mission DIRE, et Walter Detomasi (Area) Allocution de clôture 33 Jacky RICHARD Délégué interministériel à la réforme de l'Etat Questions 36

LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE L’ETAT

Sommaire

Accueil des participants 1 Claude ROCHET Chargé de mission DIRE

Allocution introductive 1 Michel SAPIN Ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat

Les conclusions de l’enquête nationale 4 Claude ROCHET Chargé de mission DIRE

L’ANDRA : L’ASSOCIATION D’UNE POLITIQUE PUBLIQUE 10 ET D’UN ETABLISSEMENT PUBLIC NATIONAL

La mise en place de l’Andra 10 Christian BATAILLE Député

Le rôle de la tutelle de l’Andra 12 Stéphane GRIT Sous-directeur au ministère de l’Industrie

Le fonctionnement actuel de l’Andra 16 Yves LE BARS présidentde l’Andra

Questions 21

COMPTE RENDU DES ATELIERS ET DISCUSSION SUR LES ORIENTATIONS 26

Restitution de l’atelier Concevoir la politique 26 Claude ROCHET Chargé de mission, DIRE

Restitution de l’atelier mettre en oeuvre la politique 28 Jean-Loup PETIT et Elisabeth LULIN Chargé de mission DIRE et Consultante Paradigmes

Restitution de l’atelier Evaluer la politique Erreur ! Signet non défini. Pascal VINE, chargé de mission DIRE, et Walter Detomasi (Area)

Allocution de clôture 33 Jacky RICHARD Délégué interministériel à la réforme de l'Etat

Questions 36

Page 2: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 1

Les établissements publics nationaux : un axe majeur de la réforme de l’Etat

Accueil des participants

Claude ROCHET Chargé de mission DIRE

Bienvenue à tous. Vous allez contribuer, par votre participation, à la réussite de cette journée d’étude sur les établissements publics nationaux.

Nous accueillons tout d’abord Michel Sapin, ministre de la Fonction publique, qui a diligenté l’enquête sur le pilotage des politiques publiques par les établissements publics nationaux. Je vous restituerai les résultats de cette enquête, qui sont pour partie consignés dans le rapport que vous avez tous reçu. Ensuite, nous étudierons de manière approfondie le cas de l’Andra et nous accueillerons Christian Bataille, député, Stéphane Grit, qui représente le ministère de l’Industrie, ministère de tutelle de l’Andra, et Yves Le Bars, président de l’Andra. Leurs présentations seront suivies d’une discussion avec la salle.

Trois ateliers se réuniront ensuite autour des thèmes suivants :

• concevoir la politique • mettre en œuvre la politique • évaluer la politique.

Enfin, une synthèse de ces ateliers sera présentée et Jacky Richard, délégué interministériel à la réforme de l’Etat, fera part des suites à donner à notre journée.

Allocution introductive

Michel SAPIN Ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat

Je vous remercie de m’accueillir aujourd’hui. Hélas, je serai obligé de vous quitter après avoir introduit votre journée pour participer à une réunion importante sur les questions de précarité, qui peuvent concerner vos établissements.

Page 3: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 2

I. La place particulière des établissements publics

L’objet de cette journée est de faire de point sur l’enquête réalisée l’an dernier au sujet de la gestion et de l’autonomie des établissements publics. Ces derniers, ainsi que les administrations centrales, ont été très nombreux à répondre au questionnaire que nous leur avons envoyé et je profite de cette journée pour tous les remercier. Votre participation active va en effet permettre de dégager des pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics. Un des objectifs de notre journée est de vous restituer les résultats de cette enquête.

Les établissements publics nationaux sont une des structures qui permettent à l’Etat de définir, de conduire et d’animer les politiques publiques. Ils sont souvent qualifiés de bras séculier de l’Etat, pour leur action dans tel ou tel secteur de la vie économique ou sociale. Les agences sanitaires sont les exemples les plus probants. Un bras séculier n’est pas un démembrement, mais un prolongement de l’action administrative. Les établissements publics représentent ainsi une manière souple et adaptée de conduire une politique publique.

Il n’est pas difficile de trouver, au sein de nos administrations, des modèles de conduite ou des modes de pilotage et de contrôle exemplaires et je suis profondément convaincu que la forme de l’établissement public doit engendrer un mode de gestion publique exemplaire. Le point de référence et le point d’aboutissement de la modernisation de la gestion publique est à l’heure actuelle la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finance. Ce texte concrétise enfin la refonte de l’ordonnance du 2 janvier 1959, mais il n’a pas d’influence directe sur la gestion des établissements publics qui sont, par définition, des personnes morales distinctes de l’Etat. Les procédures conformes aux plans de marche définis par le CIRE du 12 octobre 2000 et le CIRE du 15 novembre 2001 s’inspirent cependant du mode de fonctionnement présent et futur des établissements publics.

En premier lieu, l’établissement public peut incarner, plus qu’une administration, la conduite d’une politique publique identifiée. Le mode de gestion du programme ministériel n’est donc pas sans lien avec celui de l’établissement public. En second lieu, l’autonomie de l’établissement public par rapport à l’Etat est inhérente au statut. Le système de la contractualisation est progressivement appliqué dans l’ensemble des établissements et correspond au mode de gestion que nous souhaitons développer dans les administrations, suite aux nouvelles règles budgétaires. En troisième lieu, le mode de contrôle des établissements publics est intéressant. Le contrôle financier peut être assoupli, ou adapté, à l’établissement. Ce dernier est doté d’une comptabilité plus proche de la comptabilité privée que de la comptabilité de l’Etat et le plan comptable s’apparente au plan comptable général. Les comptes rendus d’activité sont en outre plus courants dans les établissements publics que dans les services de l’Etat.

L’établissement public n’est pas pour autant une préfiguration exacte du futur programme ministériel. Je considère toutefois qu’il faut, dès maintenant et dans chaque ministère, mettre en relation les pratiques de gestion des établissements publics et celles des services de l’Etat.

II. Les évolutions possibles des établissements publics

Il nous faut maintenant réfléchir, à partir des conclusions de l’enquête réalisée en 2001, à des pistes d’évolution destinées à rendre exemplaire la gestion des établissements publics. Je ne souhaite pas

Page 4: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 3

anticiper sur les réflexions et sur les propositions que vous formulerez aujourd’hui. Quelques champs méritent cependant d’être abordés :

• Le principe de responsabilité, qui concerne l’action des dirigeants des établissements publics et les directeurs des administrations de tutelle des établissements ;

• La définition optimale du rôle du conseil d’administration de l’établissement, ce dernier assurant la définition, la mise en œuvre et le contrôle de la stratégie ;

• L’exercice de contractualisation pluriannuelle sur les objectifs et les moyens mis en place entre l’Etat et l’établissement public ;

• L’autonomisation de la gestion des personnels des établissements ; • La pratique du compte rendu d’activité.

Ces pistes ne sont pas exhaustives, mais au-delà de l’exemplarité, la modernisation de la gestion publique repose sur ces 5 éléments.

Je tiens à remercier, en votre nom, le ministère de la Recherche, qui nous accueille aujourd’hui, ainsi que la délégation interministérielle à la Réforme de l’Etat, pour l’organisation de cette journée. Je remercie enfin Christian Bataille d’avoir accepté de vous apporter son témoignage sur le cas particulièrement pertinent de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

Page 5: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 4

Les conclusions de l’enquête nationale

Claude ROCHET Chargé de mission DIRE

Je vous présente la synthèse de l’enquête nationale menée en 2001. Nous ne discuterons pas aujourd’hui le rapport, qui n’est pas parfaitement terminé à l’heure actuelle. La problématique est définie, mais il reste un certain nombre de points à étudier. Nous sommes d’ailleurs prêts à apporter des corrections à la suite des observations que vous voudrez bien faire quant à l’interprétation de vos réponses.

Un certain nombre d’idées convergentes ont été dégagées malgré des modes opératoires particulièrement hétérogènes. Nous avons noté des points communs entre vos réponses, notamment au sujet des divergences d’appréciation entre les établissements publics et leurs tutelles. Nous avons dégagé quelques idées structurantes.

I. L’établissement public : un élément d’une politique publique

Nous avons cherché à définir le cadre de référence permettant de situer l’établissement public dans la mise en œuvre d’une politique publique. Il semble utile de distinguer ce qui fait la valeur d’une politique d’une politique de la valeur. La conception et le pilotage stratégique d’une politique publique doivent en effet être distingués de la gestion de cette même politique. D’après l’enquête, vous considérez que les problèmes sont toujours abordés sous l’angle de la gestion plutôt que sous l’angle des finalités. Par exemple, la valeur d’une politique de l’eau est importante, mais la gestion de la politique de l’eau n’apporte pas de valeur ajoutée, bien qu’actuellement le coût du traitement de l’eau augmente fortement. La valeur de la politique est liée à la qualité du débat parlementaire.

Le nouveau cadre défini par la loi organique relative aux lois de finances organise maintenant le vote par missions et par programmes et procède d’une analyse de l’environnement politique, économique, social et institutionnel, ce qui correspond aux règles de l’analyse stratégique. Le gouvernement va définir chaque année des orientations qui seront retranscrites dans la loi de finances. Des politiques publiques seront alors établies. Nous verrons avec Christian Bataille comment l’Andra s’inscrit dans le dispositif général d’une politique publique de gestion des déchets radioactifs.

De manière générale, la politique publique est mise en œuvre tant par régies directes que par divers organismes, dont les établissements publics. Ils sont liés à l’Etat selon différentes modalités : les conventions d’objectifs, les contrats pluriannuels, les plans stratégiques, les plans annuels, etc. Dans le cadre de l’enquête sur les établissements publics, nous avons constaté l’hétérogénéité des pratiques de planification stratégique. Le pilotage stratégique interne, le contrôle de gestion et le pilotage de la performance ne seront pas étudiés aujourd’hui, mais vous pourrez lire à ce sujet la brochure sur le contrôle de gestion et la contractualisation qui vous a été remise.

L’évaluation est la dernière étape de l’enquête. La pratique de l’évaluation permet d’actualiser la pratique du pilotage de la politique par l’établissement public et d’actualiser la politique elle-même.

Page 6: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 5

II. Les principaux sujets de l’enquête

Lorsque nous avons lancé l’enquête nationale auprès des établissements publics nationaux, nous avons défini quelques buts précis

• Améliorer la contribution des établissements publics à la mise en œuvre des politiques publiques. Nous cherchions à savoir si les établissements publics étaient un outil efficace et performant, si ces derniers pouvaient répondre aux nouveaux défis et aux nouveaux besoins. Nous avons obtenu des réponses satisfaisantes. Par exemple, l’ANPE avait pour mission, lors de sa création, de fluidifier le marché de l’emploi dans une situation de plein emploi. Depuis, l’ANPE est devenu une agence de lutte contre le sous-emploi.

• Améliorer la qualité du débat public et du contrôle démocratique. Le cas de l’Andra est intéressant à ce sujet et Yves Le Bars apportera des précisions.

• Evaluer l’impact des politiques publiques et les modes de pilotages centraux des établissements publics. Stéphane Grit évoquera à ce sujet l’élaboration du contrat pluriannuel entre les tutelles et l’Andra

Par ailleurs, nous nous sommes posés la question du rôle, de la composition et du niveau d’autonomie souhaitable du conseil d’administration d’un établissement public. Nous cherchons à savoir comment optimiser le recours au conseil d’administration, qui caractérise les établissements publics, dont la personnalité morale est autonome.

III. Les conclusions de l’enquête

1. Un point de vue général sur les établissements publics

Les établissements publics sont un facteur d’efficacité dans la mise en œuvre des politiques publiques. L’enquête ne met pas en avant l’idée que les établissements seraient créés pour faciliter la gestion, voire pour démembrer le service public et échapper aux règles de gestion de ce dernier.

Le conseil d’administration joue, dans de nombreux cas, un rôle dynamique, notamment dans le cadre de la planification stratégique. Nous chercherons à définir la responsabilité, les missions et le rôle du conseil d’administration.

La différence EPA-EPIC ne paraît plus pertinente, mais nous ne traiterons pas ce point aujourd’hui, car il relève de modifications législatives. Il est toutefois possible qu’Yves Le Bars, qui est président d’un EPIC et a été directeur d’un EPA, apporte son témoignage sur cette question.

Les établissements publics sont un lieu d’expression du débat public et développent le pilotage stratégique, sans qu’il existe de pratique structurée. Nous allons d’ailleurs chercher aujourd’hui à codifier ces pratiques, pour l’instant expérimentales.

Les établissements publics contribuent à l’évaluation de la politique par la publication du rapport d’activité, dont le rôle n’est pas négligeable. Ces rapports sont de différentes formes et certains cherchent uniquement à informer les professions et le grand public.

Page 7: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 6

La raison d’être des établissements publics réside principalement dans l’efficacité, plus que dans les commodités de gestion. Les réponses des tutelles et des établissements à la question portant sur ce point convergent.

De fait, l’établissement public contribue à l’élaboration des politiques publiques, en communiquant aux tutelles les nouveaux enjeux stratégiques de son secteur d’activité. Les professionnels des établissements sont en contact avec les réalités et proposent des cadrages stratégiques aux tutelles.

L’établissement public peut créer des centres d’expertise indépendants, comme les agences sanitaires, nées du besoin d’externaliser l’expertise.

L’établissement public structure le corps social. Il définit des territoires, comme des agences de bassin. Il peut structurer des professions, comme dans le domaine agricole.

L’établissement public structure le débat public. Plus de 86 % des établissements publics déclarent disposer de structures de coordination et de débats avec les citoyens.

Plus le conseil d’administration est ouvert et autonome, plus la politique menée par l’établissement public est dynamique et responsable. La concertation avec les tutelles a alors lieu sur les enjeux et non sur les aspects de gestion et l’établissement devient un lieu de concertation avec les usagers et les parties prenantes.

La différence entre les EPA et les EPIC est double : l’accès aux ressources propres n’est pas identique et l’orientation vers les clients diffère. La gestion des compétences spécifiques, hors statuts, n’est pas différente dans les EPA et les EPIC. Le statut d’EPIC n’est pas réellement un gage d’indépendance. Les interventions de la tutelle hors conseil d’administration semblent d’ailleurs plus nombreuses pour les EPIC que pour les EPA. Les différenciations traditionnelles entre EPA et EPIC ne semblent plus pertinentes.

84 % des établissements publics déclarent disposer de mécanisme d’implication des usagers. Plus le domaine traité est à risque, plus la politique d’implication est active. On le constate notamment à l’Andra ou dans les agences de sécurité sanitaire. En outre, la légitimité des établissements est plus forte quand ces derniers sont ouverts sur la société. Ils ne « perdent pas leur âme » à discuter avec la population. Le débat public est un risque et des déviations, comme la démagogie, sont possibles, mais quand il est bien mené, la légitimité de l’établissement public et de la politique publique est renforcée.

Les établissements et les tutelles considèrent que le pilotage stratégique permet d’optimiser les dotations budgétaires et de mesurer la performance d’un établissement. Toutefois, les pratiques de planification sont très différentes selon les établissements et vont de la planification de moyens au plan pluriannuel. Les concepts et les procédures ne sont pas encore maîtrisés et codifiés. De fait, les établissements publics sont actuellement un laboratoire de bonnes pratiques pour le développement du management des politiques publiques.

L’évaluation de la politique passe par l’amélioration des rapports d’activité. Le compte-rendu au Parlement reste une situation exceptionnelle et procède de dispositions spécifiques, prévues par la loi. D’autres pays, comme les pays anglo-saxons, prévoient au contraire une présentation presque systématique des rapports d’activité au Parlement. En France, la qualité des rapports d’activité est liée à l’exposition au débat public et à l’obligation de rendre compte au Parlement. De fait, elle est très hétérogène et en lien avec le pilotage stratégique. En effet, l’évaluation du rapport d’activité

Page 8: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 7

sert à actualiser le pilotage stratégique et n’a pas de finalité en l’absence d’un tel pilotage. Le rapport est parfois une corvée pour l’établissement public.

2. 10 principes pour réussir

Vous pouvez tous lire dans les documents qui vous ont été remis ce matin les 10 principes pour réussir que nous avons retenus de l’enquête nationale. Nous les avons regroupés en fonction des 3 thèmes choisis pour notre journée d’étude :

• définir la politique ; • mettre en œuvre la politique ; • évaluer la politique.

Le premier principe concerne l’administration de tutelle, qui doit formaliser un pilotage stratégique permettant de cadrer les établissements publics dans une politique publique. Nous constatons dans l’enquête que les établissements publics ont tendance à définir eux-mêmes le pilotage, du fait de la carence des tutelles. De fait, pour prendre une comparaison marine, l’équipage demande au capitaine d’indiquer le cap à suivre. Ce déséquilibre sera corrigé dans le cadre du nouveau dispositif de la loi de finances, qui oblige le capitaine à donner le cap.

Le deuxième principe consiste à faire des établissements publics un lieu pilote d’implantation des nouvelles procédures issues de la réforme de la loi organique de finances. L’établissement est alors considéré comme un outil de politique publique.

Le troisième principe consiste à faire des conseils d’administration l’instance réellement dirigeante de l’établissement, assurant une maîtrise d’ouvrage stratégique déléguée. Nous introduisons ici une innovation et il faut définir le niveau pertinent de délégation et le pilotage de la délégation. En outre, cette maîtrise va de la négociation du plan stratégique à la mise en œuvre de ce dernier. Il devient nécessaire de clarifier la mission et le statut des administrateurs, du président et du directeur.

Le quatrième principe a pour but de rendre responsable le directeur d’administration centrale de tutelle en charge du pilotage du plan stratégique. La notion de responsabilité est centrale dans la nouvelle loi organique. Il faut savoir à qui peuvent être imputés les résultats obtenus.

Le cinquième principe consiste à donner, au travers d’un contrat de performance négocié, un mandat clair aux établissements, comportant des objectifs chiffrés et des indicateurs de performance faisant apparaître les priorités stratégiques de l’Etat. Il s’agit de passer du discours sur les grandes orientations à des objectifs chiffrés et donc de mettre en œuvre la politique publique. Il faut définir des indicateurs et des objectifs et piloter en ayant l’œil sur les indicateurs.

Le sixième principe consiste à décliner ces contrats dans un système formalisé de pilotage stratégique de l’établissement. Ce principe est relatif à la gestion interne, dont nous n’allons pas parler aujourd’hui.

Le septième principe a pour objet d’implanter un système de contrôle stratégique de gestion basé sur le pilotage par activité. Nous avons relevé dans le cadre de l’enquête des pratiques innovantes dans ce domaine.

Page 9: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 8

Le huitième principe consiste à utiliser pleinement le potentiel des technologies de l’information et de la communication.

Le neuvième principe consiste à s’appuyer sur les personnels pour repenser les processus organisationnels. Nous parlerons aujourd’hui de la mobilisation du personnel au service de la stratégie.

Le dixième principe concerne l’évaluation et cherche à voir comment rendre compte de l’exécution du mandat par un rapport d’activité destiné tant aux tutelles qu’au Parlement et au public concerné par la politique gérée par l’établissement.

IV. Le déroulement de notre journée d’étude

Le cadre d’analyse que nous avons choisi pour notre journée d’étude est classique et se décline en 4 temps, selon le principe de l’analyse stratégique. Nous allons commencer par analyser la genèse d’une politique. Christian Bataille va nous indiquer comment est née la politique définie par la loi qui porte son nom. Un programme sur 15 ans a été mis en place, avec pour bras séculier l’Andra.

Nous chercherons alors à comprendre les changements permanents de l’environnement. Nous progressons continuellement et évoluons dans un environnement incertain. De fait, ces changements ont un impact sur les politiques publiques et les structures internes des établissements publics. Réfléchir à ces questions est important car les établissements doivent s’adapter aux enjeux qui se renouvellent. La stratégie ne doit pas être définie en fonction des structures, mais ces dernières doivent évoluer avec la stratégie. La confrontation des contingences institutionnelles et de l’environnement permet de définir la vision stratégique et les missions des établissements. Les enjeux stratégiques sont inscrits dans un plan et des conventions d’objectifs, qui supposent parfois des ruptures dans l’organisation, dans la pratique, dans les modes de gestion des personnels, etc. Afin de bien vivre ces ruptures, il est nécessaire de définir des objectifs de performance. La mesure des résultats obtenus aide à actualiser les enjeux stratégiques qui permettent d’atteindre les objectifs.

De manière générale, le pilotage se fait en 4 temps :

• analyser ; • planifier ; • piloter ; • évaluer.

Aujourd’hui, nous allons travailler sur 3 niveaux :

• la formulation de la politique par l’administration centrale ; • la mise en œuvre de la politique par le pilotage de la performance ; • l’évaluation par un compte rendu destiné aux autorités de tutelles, au Parlement et au public.

Par ailleurs, le cadre de référence du pilotage stratégique des établissements publics est modifié par la loi de finance. Vous connaissez tous cette loi. A partir de cette année, le Parlement va définir des politiques publiques. Les finalités seront regroupées en missions, qui se déclineront en programmes

Page 10: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 9

ministériels. Les modes de mise en œuvre pourront passer par des établissements publics. Les administrations doivent maintenant se demander dans quelle circonstance le recours à un établissement public est intéressant. De fait, le cadre d’analyse devient identique pour toutes les politiques publiques. Certains établissements publics correspondent à un seul programme, d’autres concernent plusieurs programmes. En outre, il devient obligatoire d’évaluer les résultats et de rendre compte de la performance. Nous faisons face à de nouveaux enjeux, qui modifient les liens entre les établissements publics et les tutelles. Il faut réfléchir à la stratégie du programme, sans céder à la tentation d’habiller la situation actuelle pour définir un programme. D’après la loi, le programme est l’émanation d’une stratégie, qui s’applique dans l’établissement public, sur la base d’un contrat de plan pluriannuel. L’établissement s’occupe du pilotage de la performance et de la coordination avec les autres intervenants de la politique concernée. La maîtrise d’ouvrage stratégique doit coordonner l’ensemble des intervenants.

Nous avons choisi de nous appuyer aujourd’hui sur le cas de l’Andra qui montre les liens entre la loi, l’établissement et le système d’évaluation devant le Parlement dans un domaine à risque, exposé au débat public et dominé par l’incertitude. L’établissement est en outre autofinancé. Le risque que l’Andra devienne un établissement privé est d’ailleurs évoqué par certains, l’Etat n’ayant pas le contrôle financier de l’établissement. Stéphane Grit, qui représente la tutelle, présentera le contrat pluriannuel de l’Andra et Yves Le Bars présentera l’activité de l’Andra et les questions relatives au débat public.

Page 11: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 10

L’Andra : l’association d’une politique publique et d’un établissement public national

La mise en place de l’Andra

Christian BATAILLE Député

Je vous remercie d’avoir choisi le cas de l’Andra pour illustrer cette journée. Je vais vous rappeler un certain nombre de faits relatifs à la création de cet établissement, pour lequel il est délicat de produire des comptes rendus d’activités exacts. J’ai moi-même participé à la création de l’Andra, en jouant plusieurs rôles politiques successifs. En 1990, j’ai été chargé de rédiger un rapport sur les déchets radioactifs. En 1991, j’ai été rapporteur de la loi du 11 décembre 1991, dont nous allons parler aujourd’hui. En 1992-93, j’ai contribué à la traduction de la loi sur le terrain. Une telle action est rarement menée, alors qu’elle correspond à une bonne méthode de travail parlementaire. En effet, les parlementaires, qui sont souvent à l’origine de textes difficilement applicables, devraient plus souvent aller constater la traduction des lois sur le terrain.

I. La politique de gestion des déchets radioactifs

A la fin des années 1980, le gouvernement est confronté à une situation de blocage pour la gestion des déchets nucléaires et notamment les déchets à haute activité. Le gouvernement se heurte à des jacqueries sur le terrain, car les populations ne comprennent pas les projets techniques et ne retiennent que les notions inquiétantes véhiculées par les déchets nucléaires. Le but était d’enfouir en profondeur des déchets nucléaires, pour une très longue durée. Le gouvernement de Michel Rocard a, en désespoir de cause, sollicité l’Assemblée nationale et l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui m’a chargé de rédiger un rapport. J’ai analysé la situation et formulé un certain nombre de propositions pour mener à bien la politique de gestion des déchets radioactifs à haute activité. J’ai notamment proposé le recours aux collectivités territoriales et suggéré d’élaborer une loi, votée par le Parlement. Le gouvernement, et notamment le ministre de l’Industrie Roger Fauroux, a entendu ces propositions.

Ce dernier a élaboré une proposition de loi, qu’on peut qualifier d’indigente. Le Parlement a examiné cette proposition et l’a enrichie, en définissant notamment une méthode de gestion des déchets à haute activité et en encourageant toutes les voies de recherche. Les parlementaires ont en effet considéré que le stockage souterrain n’était pas la seule voie de recherche et qu’il fallait travailler en parallèle sur le retraitement poussé et l’entreposage en surface. Le texte de loi du 30 décembre 1991 définit une politique des déchets et met en place l’Andra. Auparavant, cette structure était une direction du CEA (commissariat à l’énergie atomique) et ne disposait pas d’une autonomie. L’Andra était critiqué sur le terrain, car le CEA était considéré comme juge et partie pour la gestion des déchets. Les notions de contrôle n’étaient pas aussi développées qu’aujourd’hui et la politique était unique et conduite par le gouvernement. Le CEA, la Cogema et EDF constituaient un bloc homogène pour les questions nucléaires. Le CEA existe d’ailleurs toujours

Page 12: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 11

aujourd’hui. Je ne porterai pas de jugement sur cette situation, qui date de l’après-guerre et s’explique notamment par les origines militaires de l’énergie nucléaire. Le nucléaire civil était souvent considéré comme un sous-ensemble du nucléaire militaire.

II. Le rôle de l’Andra dans la gestion des déchets radioactifs

En 1992, le périmètre d’intervention et le programme de travail de l’Andra sont définis par la loi. Yves Le Bars reviendra sur cette question. L’Andra doit, dans le cadre de la gestion des déchets à haute activité, mettre en œuvre un programme de recherche sur des sites souterrains. Il s’occupe également des déchets faiblement radioactifs. C’est un établissement public, qui agit sur commande de l’Etat. Après le vote de la loi, en 1992 et 1993, j’ai été désigné par les gouvernements successifs de Pierre Bérégovoy et d’Edouard Balladur pour être parlementaire en mission, afin de proposer des territoires susceptibles d’accueillir des laboratoires de recherches souterrains en vue de construire un centre de stockage profond. La question se pose toujours à l’heure actuelle, bien que nous ayons avancé dans nos démarches.

A la suite de cette mission, j’ai proposé 4 sites réunissant les conditions scientifiques, géologiques et humaines pour accueillir un laboratoire de recherche. Le site doit en effet être géologiquement reconnu, mais doit également être situé sur un territoire où la population est capable d’accepter un tel laboratoire. Le gouvernement a choisi de regrouper 2 sites et a donc retenu les sites du Gard, de la Vienne et le site situé entre la Meuse et la Haute-Marne. Le Conseil général est désigné comme la collectivité-pivot pour l’installation de ces centres. Le gouvernement a, par la suite, choisi de construire un premier laboratoire dans la Meuse. Nous attendons maintenant qu’un second laboratoire soit construit, comme la loi le suggère. L’Andra peut en effet construire des laboratoires. En outre, les résultats de l’Andra seront examinés par le Parlement au plus tard 15 ans après le vote de la loi de 1991, c’est-à-dire avant le 30 décembre 2006.

Actuellement, l’Andra travaille dans le laboratoire de la Meuse, comme Yves Le Bars vous l’indiquera. Le fonctionnement financier est assuré, car les producteurs de déchets sont les payeurs. EDF étant le principal producteur de déchets, elle estime parfois qu’elle finance elle-même l’Andra. Je considère personnellement qu’EDF dispose des moyens financiers nécessaires pour créer 2 laboratoires. En effet, l’industrie nucléaire fonctionne bien et rapporte suffisamment à EDF pour qu’elle assure, avec les autres producteurs de déchets, comme la Cogema ou les hôpitaux, le financement de l’Andra. Des modalités spécifiques sont définies pour les petits producteurs.

En tant que parlementaire, j’espère être encore présent en 2006, quand le Parlement examinera la situation de l’Andra. Je n’imaginais pas être toujours député lors du vote de la loi. Aujourd’hui, je regretterais de ne pas être présent !

Page 13: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 12

Le rôle de la tutelle de l’Andra

Stéphane GRIT Chargé de la sous-direction de l’industrie nucléaire au ministère de l’Industrie

au ministère de l’Industrie

Je vais dans un premier temps rappeler le rôle de la direction générale de l’Energie et des matières premières face à l’Andra et dans un second temps témoigner du rôle de la tutelle dans l’élaboration du contrat pluriannuel avec Andra.

I. La direction générale de l’Energie et des matières premières et les tutelles qu’elle exerce

1. L’organisation du ministère de l’Industrie

La direction générale de l’énergie et des matières premières est une des directions du ministère de l’Industrie, intégré depuis 1997 au ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Deux directions composent cette direction générale. L’une s’occupe plus spécialement des questions « amont » de l’énergie, c’est-à-dire l’approvisionnement en énergie, dont les ressources énergétiques, et inclut la sous-direction de l’industrie nucléaire, que je dirige. L’autre s’occupe des questions « aval » de l’énergie et travaille notamment sur l’application de la loi de modernisation du secteur de l’électricité votée au mois de février 2000. Cette dernière, la direction de la demande et des marchés énergétiques, exerce la tutelle d’EDF.

Les missions de la sous-direction de l’industrie nucléaire consistent à préparer, mettre en œuvre et suivre les décisions du gouvernement en matière de politique nucléaire. De ce fait, nous réfléchissons à l’opportunité des décisions d’investissement ou de d’orientations de la recherche prises pour la filière nucléaire, en liaison avec ce ministère. La loi du 30 décembre 1991 a été l’occasion de définir des orientations fortes en matière de recherche sur la gestion des déchets radioactifs. L’industrie nucléaire doit par ailleurs faire face bien naturellement à des contraintes sanitaires et environnementales ; mais les décisions d’opportunité sont prises par le ministère de l’Industrie, alors que le rôle de “ gendarme ” est assuré par une autre direction, la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, qui sera créée dans quelques jours et rassemblera les autorités en charge de la radioprotection et de la sûreté nucléaire, précédemment séparées.

La filière nucléaire est composée en France d’entreprises majoritairement publiques et d’établissements publics. Le CEA est un établissement public de 10 000 personnes et dispose d’un budget d’environ 1,5 milliard d’euros. Il est sous tutelle du ministère de l’Industrie et du ministère de la Recherche. L’Andra est un établissement sous tutelle des ministères de l’Environnement, de l’Industrie et de la Recherche. Le directeur général de l’énergie et des matières premières en est en outre commissaire du gouvernement de l’Andra. L’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire va bientôt être créé, avec le statut d’établissement public, et sera sous quintuple tutelle. Ces tutelles multiples peuvent poser certaines difficultés, dont je vais reparler.

Concernant les entreprises publiques du secteur nucléaire, je ne parlerai pas d’EDF, qui n’est pas sous tutelle de la sous-direction de l’industrie nucléaire. Toutefois, cette dernière examine avec

Page 14: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 13

EDF les questions transverses ayant trait aude démantèlement, à la et de gestion des déchets et au cycle du combustible du nucléaire en général. Ma sous-direction a la tutelle du holding AREVA, qui regroupe depuis le mois de novembre dernier les anciennes participations de CEA Industrie, principalement Framatome et Cogema.

2. Les spécificités de l’Andra

L’Andra est un établissement sous « haute surveillance ». En effet, il se trouve sous une triple tutelle. Les objectifs de chaque tutelle peuvent d’ailleurs être différents et nous avons cherché, lors de l’élaboration du contrat pluriannuel, à les coordonner.

Cinq ministères sont représentés au conseil d’administration de l’Andra. Le ministère de la Santé est présent en tant que contrôleur et en tant que producteur de déchets, par le biais des hôpitaux. Le ministère de la Défense est également un usager des services de l’Andra. Christian Bataille a déjà indiqué que cet établissement était majoritairement financé par les producteurs de déchets. Il y a 2 ans, l’Etat contribuait au financement de l’établissement à hauteur d’un million de francs, pour un budget annuel de 600 millions de francs. Seule la mission d’inventaire, consistant à inventorier les sites français contenant des déchets radioactifs, était financée par l’Etat.

Les travaux de l’Andra sont évalués scientifiquement par la commission nationale de l’évaluation. 12 sages, nommés pour moitié par le Parlement et pour moitié par le gouvernement, publient chaque année un rapport, transmis au Gouvernement et au Parlement, sur l’avancement des recherches menées par l’Andra, le CEA ou le CNRS sur les modes de gestion des déchets radioactifs de haute activité à vie longue. L’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques contrôle également chaque année l’application de la loi Bataille.

II. Le processus d’élaboration du contrat d’objectif

Je souhaite témoigner aujourd’hui en précisant bien le processus d’élaboration du contrat entre l’Etat et l’Andra. Ce processus ne constitue en rien une référence La sous-direction de l’industrie nucléaire a également signé un contrat avec le CEA pour la période 1995-98.

1. L’élaboration du contrat

L’Andra fonctionnait depuis 8 ans sous sa forme actuelle quand il a été question, en 2000, d’élaborer un contrat pluriannuel. La construction d’un laboratoire souterrain en Meuse / Haute-Marne a été décidée en 1998 et l’année 2000 a été un bon moment pour planifier l’activité de l’Andra vers le rendez-vous parlementaire prévu pour 2006, d’après la loi Bataille. Le ministère de la Recherche cherchait par ailleurs à généraliser le processus de contractualisation à tous les établissements de recherche au cours de cette même année.

La mise en place du contrat a duré un an et a donné lieu à 8 réunions au cours de l’année 2000 entre les tutelles et l’Andra, représentée notamment par Yves Le Bars et François Jacques, son directeur général. Nous avons travaillé sur la base de propositions de l’Andra. Le contrat pluriannuel vous a été distribué. Au-delà du texte, la construction de ce contrat a permis aux trois tutelles de l’Andra de disposer d’une information commune. En effet, lors de l’examen des missions de l’Andra, nous avons été amenés à demander des fiches sur des sujets précis, pour compléter notre information.

Page 15: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 14

Par ailleurs, le ministère de l’Environnement et de l’Industrie sont souvent considérés comme chien et chat au sujet du nucléaire. Or aucun point de désaccord n’a dû être arbitré lors de l’élaboration finale du contrat pluriannuel de l’Andra. Les tutelles techniques sont en effet parvenues à rédiger des textes consensuels. En outre, le conseil d’administration et le personnel de l’Andra ont participé au processus de manière continue. De nombreux groupes de travail ont étudié le fonctionnement des modes d’exercice au sein de l’établissement et ont proposé des amendements, pris en compte dans le projet.

La direction générale de l’énergie et des matières premières est de plus intervenue en tant que tutelle des principaux producteurs de déchets et a souhaité avoir leur avis sur le texte. Je vous rappelle à ce propos que ces derniers financent l’Andra. Il aurait pu paraître paradoxal de rédiger un contrat entre l’Andra et l’Etat, sans associer les financeurs du dispositif.

2. Les résultats du processus de contractualisation

Les tutelles de l’Andra ont réussi à souligner, dans le cadre du contrat pluriannuel, la complémentarité des missions:

• mettre en place des solutions industrialisables de gestion des déchets, fondées sur une recherche de haut niveauet respectueuses de l’environnement ;

• participer à l’information du public en fournissant des données factuelles et vérifiables.

La contractualisation a confirmé le rôle d’agence de programme de l’Andra, qui réunit uniquement 350 personnes, alors que d’autres établissements comptent de nombreux salariés. Le rapport entre le nombre de personnes et le budget est difficilement comparable avec d’autres organismes. À titre d’illustration, mais le coût d’un laboratoire souterrain peut atteindre 150 millions d’euros.

La contractualisation a également permis d’examiner sans complaisance les forces et les faiblesses de l’Andra. Chaque objectif est a été assorti d’une date de mise en œuvre ou d’une quantification. Les tutelles ont identifié les missions de service public dévolues à l’Andra, ce qui a des conséquences financières. Par ailleurs, un système d’évaluation, par différents indicateurs, va permettre de connaître chaque année les réalisations.

3. Les questions financières

L’Andra est financée par les producteurs de déchets radioactifs pour la majeure partie, mais le contrat pluriannuel a permis de réaffirmer un certain nombre de principes, notamment le principe « pollueur-payeur ». Le principe d’ une marge libre d’emploi pour l’ANDRA sur ses contrats industriels a été acté, notamment celui régissant le centre de stockage des déchets faiblement radioactifs et à vie courte situé dans le département de l’Aube,. Ce centre représente aujourd’hui un tiers du budget de l’agence. Les conditions d’emprunt pour certains projets d’intérêt général ont été confirmées. Par ailleurs, l’Etat s’est engagé à démarrer une réflexion sur la surveillance à long terme des centres de stockages. En effet, les centres de stockage de déchets à faible durée de vie mettront tout de même plusieurs centaines d’années pour retrouver une radioactivité proche de la radioactivité naturelle. Il est donc nécessaire de mettre en place des solutions pérennes.

Page 16: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 15

Pour certaines missions, le processus de contractualisation a malgré tout mis en avant la difficulté d’appliquer le principe « pollueur-payeur » quand les pollueurs sont mal identifiés. Ainsi, des sites pollués n’ont plus de propriétaires solvables ou les propriétaires à l’origine de la pollution ne sont pas identifiables. De même, les missions d’inventaire confiées à l’Andra doivent s’accompagner d’une garantie d’indépendance de jugement et peuvent donc difficilement être financées par convention avec les producteurs de déchets ou grâce à la marge financière de l’Andra.

Enfin, l’Andra s’est engagée à présenter un schéma à long terme d’équilibre financier qui sera examiné chaque année par le conseil d’administration.

Pour conclure, l’exercice de contractualisation a été instructif pour l’ensemble des tutelles. L’Andra avait toutefois dû faire face auparavant à des discontinuités dans son activité, liées à la difficulté de mise en place de sites de stockage au niveau local. Des décisions ont été prises à ce sujet en 1998. En outre je tenais à souligner que le contrat que nous avons signé se terminera deux ans avant l’examen par le Parlement des avancées permises par la loi Bataille, en 2006. Le deuxième contrat couvrira donc cette échéance, mais il faudra alors définir des orientations pour les 2 années suivant cette échéance, ce qui constituera un défi à relever.

Claude ROCHET

Stéphane Grit, je vous remercie. Je constate que l’Andra a été à l’initiative d’une partie du contrat pluriannuel, qui a nécessité un certain temps pour être conceptualisé. Toutefois, vous avez réussi à aboutir à des consensus et à formuler des objectifs, qui font l’objet d’une évaluation.

Page 17: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 16

Le fonctionnement actuel de l’Andra

Yves LE BARS présidentde l’Andra

Je suis actuellement président du conseil d’administration de l’Andra. J’étais auparavant directeur général du BRGM et directeur général du Cemagref J’en profite pour saluer mon successeur dans ce dernier établissement de recherche, Patrick Lavarde. J’ai beaucoup appris des établissements avec lesquels je travaillais lorsque j’étais directeur général du Cemagref. Les réseaux européens qui se sont constitués dans les années 1990 m’ont également permis d’apprendre beaucoup de choses. Nous avons d’ailleurs par la suite créé des réseaux en France, qui ont aidé les responsables d’organismes à partager leurs difficultés et leurs espoirs.

Je vais chercher à compléter les propos de Christian Bataille et de Stéphane Grit. Je souhaite en premier lieu vous parler des déchets radioactifs et vous montrer des photographies de ces derniers, car nombre d’entre vous ne connaissent pas ces déchets. Je vous exposerai en deuxième lieu ce qui détermine notre action et en troisième lieu la mise en œuvre par l’établissement, son conseil d’administration et son directeur général du contrat pluriannuel, qui passe notamment par des contrôles et des évaluations.

I. Les déchets radioactifs

Les déchets sont divers. 90 % des volumes de déchets viennent de l’énergie, de même que 99 % de la radioactivité. Les déchets de démantèlement représentent 1 à 2 millions de mètres cubes, ce qui est faible comparé aux déchets ménagers. Les déchets de moyenne activité, issus des centrales nucléaires, représentent 50 000 mètres cubes et les déchets de haute activité 5 000 mètres cubes, mais ils concentrent 95 % de la radioactivité. L’Andra assure les opérations de gestion à long terme pour chacune de ces catégories de déchets.

Je vous présente maintenant des déchets de haute activité à vie longue, dont les volumes sont faibles. Une photographie présente un élément de combustible sortant de son unité de transport. L’élément provient d’une centrale nucléaire et va être retraité à l’usine de la Hague. Une fois traité, il restera des éléments métalliques et des produits de fission vitrifiés, d’une forte densité. Ces objets sont manipulés de manière sure, grâce à des dispositifs appropriés.

De fait, 90 % des volumes de déchets radioactifs sont stockés au centre situé dans l’Aube et un centre de stockage des déchets de démantèlement va ouvrir à la fin de l’année 2003. Environ 50 % des déchets de haute activité à vie longue sont actuellement conditionnés définitivement. Des améliorations sont encore possibles.

Du côté de la société civile, 60 % des Français considèrent que la gestion des déchets nucléaires n’est pas bien assurée. Les déchets radioactifs sont perçus comme plus dangereux que les centrales nucléaires, alors que les déchets n’explosent pas !

Le problème réel des déchets est la gestion à très long terme. On cherche par exemple à savoir ce que deviennent les déchets au-delà de la prochaine glaciation, c’est-à-dire dans un million d’années. Lorsque je travaillais pour l’urbanisme à Grenoble, on n’a jamais considéré l’impact de la

Page 18: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 17

glaciation prochaine sur le devenir des produits comme l’arsenic ou les métaux lourds que les glaciers pousseront vers la mer. Pour la première fois, on se préoccupe de la situation à très long terme. De plus, le débat national sur le futur du nucléaire est en lien avec celui sur la gestion des déchets.

II. L’action de l’Andra

L’Andra a trois missions :

• une mission industrielle ; • une mission d’information ; • une mission de recherche, qui consiste à conduire des études de faisabilité sur le stockage. • L’Andra est une agence de programme qui est responsable du bon exercice des actions de gestion de recherche.

Regardons d'abord les différents éléments dont dispose l’Andra pour agir. Il faut identifier le processus de construction d’une politique publique dans lequel s’inscrit l’Andra et savoir quels sont les acteurs du processus et quel est notre propre rôle dans ce processus. Par ailleurs, nous devons identifier les valeurs que nous véhiculons par notre comportement.

La loi du 30 décembre 1990 confie à l’Andra une mission de recherche qui fait l’objet d’une évaluation indépendante. Ainsi, selon les années, nous nous entendons dire que nous devrions par exemple améliorer les relations de travail avec le CEA, améliorer la compétence de modélisation à long terme, etc. La loi fixe également des échéances et confie un rôle particulier au Parlement. Une instance de débat, le comité local d’information et de suivi, existe également. En outre, l’Etat donne la possibilité à l’Andra d’équilibrer les charges et les bénéfices pour les zones de stockage.

L’Etat s’est engagé sur un certain nombre de points lors du contrat pluriannuel. Il finance notamment les activités d’intérêt général. Concrètement, l’Etat a défini son attente sur ce sujet, comme Stéphane Grit l’a rappelé. L’Etat s’occupe également des concertations locales préalables aux installations de laboratoires de l’Andra. Cette dernière s’engage parallèlement sur des points précis vis-à-vis de l’Etat.

III. La mise en œuvre du contrat pluriannuel

Il me paraît essentiel que l’établissement participe à l’élaboration concrètedu contrat. En effet, une réflexion stratégique menée avec le personnel est nécessaire à la préparation du contrat, qui se construit au cours de réunions fréquentes avec les organismes de tutelle. Le conseil d’administration a en outre examiné un certain nombre de fois le contrat avant de l’approuver.

1. Le pilotage du contrat

Des indicateurs de mise en œuvre doivent être définis. Ils peuvent rejoindre, comme à l’Andra, ceux définis pour l’intéressement du personnel en cas de résultat positif. Des critères de respect de jalon et d’absence d’accident sont ainsi fixés pour établir le niveau de l’intéressement. L’Andra fait actuellement évoluer son organisation interne, pour l’inscrire dans la logique du contrat

Page 19: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 18

quadriennal. La structuration du secteur industriel, pour la gestion de sites, la gestion des colis de déchets et la gestion commerciale sont en train d’évoluer. Nous réalisons également un effort pour structurer les secteurs de la sûreté, de l’environnement, de la qualité et de l’inventaire. Nous devrions ainsi à terme disposer d’une interface forte avec l’Etat. La gestion des compétences est également nécessaire. En outre, dans un établissement public de petite taille (350 personnes), les conventions de mobilité doivent être nombreuses. Faire carrière uniquement dans l’établissement ne peut être une perspective pour tous.

Le président et le directeur général de l’Andra ont chacun leur rôle. Le président définit la stratégie avec les tutelles et le conseil d’administration. En accord avec le directeur général, le président est aussi le porte-parole de l’ensemble de l’Agence et assure la représentation internationale. Le président propose également, d’après les textes, la nomination d’un directeur général. J’ai moi-même proposé un nom à la fin de l’année 1999. Le directeur général est responsable de la mise en œuvre de la politique et dirige l’ensemble des services. Je participe au comité de direction présidé par le directeur général. Je suis également certains dossiers, notamment celui de l’inventaire, selon la mission que le gouvernement m’a fixé quand je suis devenu président.

2. L’évaluation du contrat pluriannuel

L’évaluation et les contrôles de l’Andra sont nombreux. L’Office parlementaire d’évaluation scientifique et technique évalue la politique de l’Andra, dont le rôle a été défini par la loi et par le contrat d’objectif. Le conseil d’administration, les tutelles et le Parlement effectuent des contrôles, et l’Andra fait l’objet d’une évaluation scientifique, de contrôles des normes ISO 9 001 et 14 001, pour lesquelles l’Andra a été certifié en 2000.

Au sein du conseil d’administration, les producteurs de déchets et les tutelles ont un poids certain. Christian Bataille participe en tant que député, ainsi que Pierre Radame, président de l’ADEME, nommé sur proposition du ministre de l’Environnement. Le Conseil examine le budget dans le cadre d’un plan sur 5 ans qui facilite la réflexion. Il définit et met en œuvre la politique. Dans ce cadre, le conseil d’administration a approuvé le contrat quadriennal et doit examiner chaque année un rapport faisant le point sur l’avancement du contrat. Les projets de l’Andra sont examinés par le conseil, comme les projets pour les déchets très faiblement actifs. Le conseil d’administration bénéficie par ailleurs de l’appui d’un conseil scientifique qui se réunit 4 fois par an et peut émettre avis et motions. Par exemple, des motions ont été rédigées sur le deuxième laboratoire de traitement des déchets à haute activité à la fin de l’année 2000. Ces motions ont permis de préciser le diagnostic de la situation.

Les tutelles pilotent et contrôlent l’Andra. Le conseil d’administration est préparé avec le commissaire du gouvernement. Avant le contrat quadriennal, le pilotage était parfois discontinu et l’Andra a attendu par exemple la décision du gouvernement pour réaliser un inventaire des déchets radioactifs. Le contrat quadriennal a permis de formuler les objectifs et les attentes communes des tutelles.

Les contrôles réglementaires de la gestion financière sont nombreux à l’Andra. Un comité financier se réunit ainsi avant le conseil d’administration. Le contrôleur d’Etat joue pleinement son rôle et les producteurs de déchets contrôlent également les conventions qui structurent l’ensemble des recettes. Environ 60 % des recettes proviennent d’EDF, 18 % du CEA, 12 % de la Cogema et 10 % des autres producteurs comme les producteurs d’engrais ou les hôpitaux. Les contrôles

Page 20: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 19

réglementaires portent par ailleurs sur la sûreté. La direction générale de la Sûreté surveille l’activité de manière attentive.

La commission nationale d’évaluation réalise chaque année une évaluation scientifique de l’activité de l’Andra. Les auditions sont nombreuses. Le contrôle de l’application des normes ISO 9 001 et 14 001 demandent également un audit interne et des audits externes.

De fait, les équipes techniques emploient 15 à 20 % de leurs temps de travail à la préparation et aux réunions de reporting. L’Andra travaille en effet sur un sujet sensible et participe à un travail collectif.

Par ailleurs, les collectivités territoriales dans lesquelles nous sommes implantés surveillent notre action. Ce regard du public nous pousse à affirmer les valeurs qui guident nos comportements, notamment l’exemplarité scientifique et technique. Nous devons en effet être exemplaire lors de la publication de nos résultats, dans la diversité des expertises que nous mobilisons et dans la façon dont nous expliquons nos résultats. Ainsi, bien que l’Andra soit chargé d’approfondir les questions liées au stockage géologique, nous ne sommes pas plus les avocats de cette solution que d’une autre.

En outre, l’Andra représente un poids important dans certains territoires faiblement peuplés. Toutefois, elle ne doit pas jouer le rôle d’aménageur à la place des élus, mais rester disponible et laisser chacun s’exprimer, pour ou contre le nucléaire. Nous devons délivrer une information fiable et complète sur notre activité, nos projets et nos actions. Nous devons également respecter les limites du mandat de l’Agence. En période d’incertitude, l’Etat est parfois tenté de faire sortir l’Agence de son rôle, mais cette dernière ne peut pas être porte-parole du gouvernement, ni des producteurs de déchets. Elle ne doit pas non plus militer pour une solution ou une autre en matière de déchets.

IV. Conclusion

La stratégie de l’Andra est exprimée selon le processus décidé par le Parlement et l’organisation interne de l’Agence doit s’adapter. L’Andra se transforme au fur et à mesure que la politique se définit :

• de 1978 à 1992, l’Andra était une direction du CEA ; • de 1992 à 2000, l’Andra était à la recherche de ses fondamentaux, elle consolidait ses sites de

stockage et réalisait l’inventaire des déchets. Elle travaillait sur les résultats de la mission de Christian Bataille pour les déchets à haute activité ;

• de 2000 à 2006, l’Andra est l’acteur d’un contrat avec l’Etat.

Une incertitude plane sur la période qui suivra 2006, date d'échéance de la loi de 1991 sur les déchets de haute activité, car le rôle d’agence de recherchen’est pas encore bien reconnu au niveau national.

Je souhaite maintenant parler du cycle de vie des organisations, défini par le Mayer Brig Test Indicator . Le cycle de vie d’une structure commence par le rêve et l’intuition qu'un rôle nouveau est possible. On a ainsi eu l’intuition de la nécessité d’une structure autonome pour la gestion des déchets radioactifs. Ensuite, le rêve doit devenir réel. L’Andra a ainsi également eu à gérer des sites de stockage ou de laboratoire et doit les consolider dans un contexte difficile. Il faut alors

Page 21: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 20

s’organiser, en mettant en place des procédures, par exemple obtenir une certification et disposer d’une stratégie écrite. Ensuite, la structure peut devenir incontournable dans son secteur, en créant notamment des liens avec l’extérieur (et l'Andra en est là). Puis la structure devient une institution, ce qui représente un danger, car on en arrive alors à se méfier des idées nouvelles. Ce stade peut mener à l’enfermement sur soi. L’organisation commence alors à s’imiter, avant de mourir, ce qui est rarement le cas des organismes publics.

La formule de l’établissement public est un instrument puissant, mais qui pose quelques questions, car les établissements ne meurent pas. Il faut trouver la cohérence entre les différents établissements. J’ai travaillé dans un EPA et dans un EPIC et je pourrais en parler longuement. La différence principale me semble être la gestion des ressources humaines. Le rôle du contrôleur d’Etat est également plus important dans les EPIC que dans les EPA. La capacité de pilotage des tutelles doit être forte, et les différentes tutelles doivent être cohérentes entre elles. Les contrats pluriannuels sont un outil particulièrement intéressant pour définir cette cohérence. Le rôle des tutelles est essentiel pour arbitrer entre différents établissements publics.

La concrétisation des politiques publiques se fait dans un contexte de débat national et local. L’interaction et l’apprentissage de la société sont liés à l’intervention des établissements publics.

Page 22: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 21

Questions de la salle

Claude ROCHET

L’Andra est un organisme qui répond à ses missions, mais qui rencontre des obstacles dans la perception par la population.

Danielle VILCHIEN, chef de service au ministère de l’Emploi et de la Solidarité

Suite à ces exposés très riches, je souhaite formuler une réflexion d’ordre général. L’Andra me semble être un modèle de relation entre les administrations centrales et les établissements publics. Les éléments présentés sont positifs et intéressants, notamment la démarche de mise en place d’un contrat d’objectif. Vous avez agi en prenant du temps et de manière concertée entre la direction, le conseil d’administration et les autorités de tutelle. Le rôle respectif de chacun semble avoir été clairement établi pour tous, ce qui a permis de définir des objectifs, des indicateurs de résultats et des modalités de contrôle opérants.

Il me semble que cet exemple n’est pas représentatif de la situation de l’administration française. Le secteur d’activité de l’Andra est en effet particulièrement sensible et intéresse les hommes politiques et l’opinion publique. De plus, l’Andra est en cours de construction, ce qui la contraint à réussir. Le contexte a nécessité une forte cohésion interne et une forte cohérence des autorités de tutelle. L’Andra est également obligé, pour des raisons de clarté vis-à-vis de l’opinion publique, de définir des méthodes d’évaluation pertinentes. L’Etat définit en outre son rôle dans l’institution.

Cet exemple ne me paraît pas transposable à d’autres établissements publics, qui sont pour la plupart des institutions, selon la classification utilisée par Yves Le Bars. Les administrations de tutelle de ce type d’établissements ne peuvent pas agir de la même manière que les tutelles de l’Andra.

Christian BATAILLE

Le sujet des déchets nucléaires est très médiatisé pour des raisons sociales et politiques. La réussite de l’Andra est liée à 2 idées principales :

• les déchets nucléaires existent de manière évidente, les déchets à haute activité sont dans les centrales nucléaires ou stockés à la Hague ou à Marcoule et il faut trouver des solutions pour ces déchets, à moyen terme. Actuellement, nous ne disposons pas de solutions réelles, car l’industrie a, en premier lieu, cherché à produire de l’énergie, avant, en second lieu, de se préoccuper de la gestion des déchets ;

• la possibilité de continuer à construire des centrales nucléaires de deuxième génération ne peut pas être envisagée sans avoir résolu le problème des déchets. L’industrie ne serait en effet pas crédible si elle n’assurait pas la gestion des déchets.

Par ailleurs, l’Andra aura un rôle de plus en plus important à l’avenir et il est possible qu’un deuxième laboratoire soit construit. Le Parlement devrait également décider la construction d’un centre de stockage souterrain profond. La gestion des déchets suppose une pluralité de voies, car

Page 23: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 22

chacune (entreposage en surface, stockage souterrain, traitement avancé) est complémentaire des autres. L’Andra devrait vivre longtemps et n’est pas remise en question pour l’instant.

Yves LE BARS

Il existe 2 types d’établissements publics : les établissements menacés et ceux qui ne le sont pas. J’ai toujours travaillé dans des établissements publics menacés. La menace s’exprime de manière différente selon les lieux. Dans le cadre de l’Andra, la société est très vigilante. L’indifférence peut également être une menace et constituer le point de départ d’une remise en cause. Le management a pour rôle de faire percevoir la fragilité de la situation actuelle ou future d’un établissement. Rendre perceptible la menace est toutefois plus ou moins aisé selon les cas. Pour l’Andra, les déclarations politiques pour arrêter les travaux du laboratoire de Bures sont nombreuses et constituent une menace visible. J’insiste, le management doit rendre perceptible l’incertitude de l’avenir d’un établissement.

Stéphane GRIT

S’agissant de la pérennité de l’Andra, les déchets à vie courte font l’objet d’une solution industrielle pour plusieurs centaines d’années. L’établissement public permet la gestion à long terme et la surveillance des lieux de stockages, ce que ne permettrait pas un groupement d’intérêt économique des producteurs de déchets.

Claude ROCHET

En tant qu’organisme de tutelle, avez-vous appris, dans le cadre de la construction du plan quadriennal de l’Andra, des choses qui peuvent vous être utiles pour l’exercice de la tutelle d’autres établissements ?

Stéphane GRIT

La sous-direction de l’industrie nucléaire est un organisme de tutelle pour 3 établissements. Les missions du CEA sont plus variées que celle de l’Andra et les méthodes ne semblent pas transposables. Ces dernières peuvent toutefois servir pour l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

Bernard BACHELIER, Cirad

Le Cirad est un établissement public à caractère industriel et commercial. Je souhaite revenir sur la question des ressources humaines, qui me paraît déterminante. J’aimerais savoir pourquoi vous avez choisi de ne pas aborder ces questions aujourd’hui. L’enquête permet de tirer des conclusions sur les EPA et les EPIC, et il me semble que ces dernières sont très liées au statut des personnels. Dans la majorité des EPIC, les personnels ne sont pas fonctionnaires et sont régis par le droit du travail, dans le cadre d’une convention d’entreprise. Les statuts dérogatoires des EPA sont très différents de ces statuts, qui ont par exemple amené le Cirad à mettre en place un plan de licenciement économique quelques années après sa création. La sécurité de l’emploi n’est pas absolue. La prééminence de l’évaluation hiérarchique et de la réalisation des objectifs est certaine.

Page 24: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 23

Le personnel n’a pas la même attitude que dans les autres établissements. Il me paraît intéressant de s’interroger sur la gestion du personnel et les mécanismes de motivation du personnel. Or le rapport présentant les conclusions de l’enquête nationale n’aborde pas ces questions.

Par ailleurs, il me paraît intéressant de s’interroger sur la composition des conseils d’administration. J’ai moi-même été membre de plusieurs conseils d’administration et la place des représentants du personnel dans les établissements de recherche transforme parfois ces conseils en dialogue entre la direction et le personnel. Les personnalités qualifiées externes rencontrent souvent des difficultés pour influer sur les politiques. L’enquête ne pose pas non plus cette question, qui me paraît importante.

Claude ROCHET

Nous avons choisi de ne pas aborder les questions de ressources humaines dans l’enquête nationale auprès des établissements publics, car ces dernières représentent un champ de recherche sensible, alors que nous souhaitions nous concentrer sur les questions de pilotage stratégique. Cette contrainte sera abordée dans les ateliers et Jacky Richard nous en parlera cette après-midi.

Yves LE BARS

J’ai toujours peur, en tant que président, que le conseil d’administration se transforme en dispute entre les élus du personnel et la direction devant les personnalités qualifiées et les tutelles. Je me suis déjà mis en colère à ce sujet en conseil d’administration. Afin d’éviter le problème, je réunis les élus du personnel avant le conseil d’administration pour parler des questions internes de gestion du personnel. Il ne faut pas confondre le comité d’évaluation, le comité d’entreprise et le conseil d’administration. Chaque structure doit jouer son rôle. Dans certains établissements, on constate un basculement vers un affrontement entre la direction et les élus du personnel.

Alain MANGEOL, Chargé de mission DIRE

La multiplicité des tutelles de l’Andra m’étonne. Cinq ministères sont représentés au conseil d’administration. Yves Le Bars, n’avez-vous pas eu l’impression d’être l’arbitre entre les différentes tutelles lors de la mise en place du contrat pluriannuel ? Stéphane Grit, une concertation entre les différentes tutelles est-elle prévue avant les conseils d’administration, afin de dégager une position commune ?

Yves LE BARS

Nous devons respecter strictement notre rôle et notamment refuser de rendre service, même à l’Etat. Personne ne nous aurait reproché de mettre en place un inventaire, mais nous avons considéré que l’Etat était responsable du cahier des charges et du mécanisme de financement de cet inventaire. Ainsi, il faut parfois savoir s’abstenir d’agir.

Page 25: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 24

Stéphane GRIT

Le commissaire du gouvernement a joué un rôle important, notamment pour les questions financières, lors de la mise en place du contrat. La sous-direction de l’industrie nucléaire est d’ailleurs la seule tutelle à participer au comité financier de l’Andra. La question du financement des missions d’intérêt général n’était pas connue des autres organismes de tutelle avant le contrat d’objectif. Aujourd’hui, les 3 tutelles se contactent avant les conseils d’administration, mais les questions d’implantation de site de stockage et d’autres questions éminemment politiques dépassent le rôle des tutelles administratives et sont discutées entre les ministres.

Hervé HAGUE, chargé de mission au ministère de l’Agriculture et de la Pêche

Le lien entre le pilotage des établissements publics et les dispositifs de la loi organique du 1er août 2001 sont à l’ordre du jour de notre journée d’étude. A ce sujet, j’aimerais savoir si le développement de la programmation a introduit au sein de l’Andra des modifications dans les pratiques d’élaboration budgétaire. Le budget est-il conçu en fonction des programmes et envisagez-vous une démarche de type EPST ?

Yves LE BARS

Le budget est élaboré de manière pluriannuelle, dans le cadre d’un plan quinquennal, comme je l’ai indiqué. La présentation est analytique, par activité, comme pour tout EPIC. Le budget répond aux règles de la société anonyme. L’amélioration que le directeur général met en œuvre réside dans l’expression de la synthèse. Les administrateurs peuvent maintenant mieux lire et comprendre les tableaux fournis lors du vote du budget. Notre but est de faire comprendre clairement les choix budgétaires.

Claude ROCHET

Nous allons maintenant chercher à créer des pratiques à partir de l’exemple de l’Andra, expérience réussie de contractualisation. Dans le cadre des ateliers, nous présenterons notamment des règles pour réussir à échouer ! L’Andra est un exemple réussi, mais il n’a pas été mis en œuvre par des hommes disposant de pouvoirs différents des nôtres. Nous sommes tous capables d’inventer et d’innover quand nous rencontrons des difficultés.

Nous allons travailler sur le cycle suivant :

• la conception d’une politique ; • la mise en œuvre d’une politique ; • l’évaluation d’une politique ; • l’actualisation d’une politique.

La conception consiste à définir les grands enjeux de la politique, qui sera ensuite pilotée. Le premier atelier s’intéressera à cette question et cherchera à définir des objectifs et des stratégies. Les représentants des tutelles ne seront pas les seuls membres de cet atelier, car les établissements publics ont un rôle à jouer dans la définition de la politique.

Page 26: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 25

La gestion de la politique sera l’objet du deuxième atelier, qui traitera des décisions budgétaires et des décisions relatives au personnel. Les processus d’organisation et de production, ainsi que les activités, seront discutés dans cet atelier.

Le troisième atelier traitera de l’évaluation, des choix des bons indicateurs et de la formalisation du compte rendu d’activité, qui doit permettre de réaliser les évolutions nécessaires, notamment dans le cadre d’un processus apprenant.

Nous nous inscrivons dans un cadre itératif, en définissant le schéma concevoir, mettre en œuvre, évaluer et ajuster. Ce cadre est utilisable pour la conception des politiques et pour l’exécution, de la conception de la loi au contrôle stratégique de gestion, propre à un établissement. En outre, le mode de raisonnement est identique pour les régies et les établissements publics, comme l’a rappelé Michel Sapin. Toutefois, la démarche prend du temps. Par exemple, l’Andra a travaillé pendant un an sur son plan stratégique.

Cette après-midi, nous verrons avec Jacky Richard comment continuer à travailler ensemble dans cette logique. Pour l’instant, nous allons chercher à identifier, à partir d’un monde idéal, comment nous pouvons évoluer, en tenant compte de nos contingences particulières.

Page 27: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 26

Compte rendu des ateliers et discussion sur les orientations

Restitution de l’atelier Concevoir la politique

Claude ROCHET Chargé de mission, DIRE

Nous allons présenter une synthèse des travaux de chaque atelier. Je vais moi-même vous communiquer les résultats des discussions du premier atelier, qui avait pour thème la conception d’une politique.

Nous avons commencé par rappeler un certain nombre de bons principes pour échouer, comme de ne jamais consulter et de décider seul, ou de consulter en permanence sans jamais décider. Les établissements publics peuvent également « habiller » comme programme stratégique ce qui avait été prévu dans le cadre de la mise en œuvre de la loi organique d’août 2001. Pour certains établissements, toutes les dépenses sont prioritaires et il est impossible d’en supprimer une. En revanche, on peut toujours en ajouter. Autre attitude possible pour les établissements publics, qui ont parfois recours à un médiateur pour connaître la situation de la société : ignorer les autres acteurs de la politique publique. Or ce médiateur éloigne les établissements de la réalité et leur donne une bonne raison de ne pas agir.

Ensuite, nous avons discuté des modalités d’élaboration d’une stratégie. Il faut tenir compte d’un certain nombre d’incertitudes. Le risque est irréductible et doit être identifié. Il l’est par exemple à l’Andra ou dans les agences sanitaires. En outre, se limiter au contexte français restreint l’analyse : mieux vaut une vision internationale. Par ailleurs, pour commencer à travailler sur le plan stratégique, il faut avant tout que les personnes concernées acceptent de se réunir. Il faut donc identifier les tutelles et les pousser à travailler pour l’établissement public. Certains de ces établissements ont en effet l’impression d’être délaissés par les tutelles.

Une fois les personnes réunies, il faut dépasser le stade de la réactivité aux événements et prendre le temps de construire la stratégie, comme l’a montré Stéphane Grit en présentant le cas de l’Andra. Les réunions peuvent, pour les tutelles, représenter un investissement, non pas chronophage, mais inscrit dans la durée. Toutefois, cet investissement est rentable, car les réunions sont productives.

Au sein de l’atelier, nous nous sommes demandé comment relier l’action de l’établissement public aux programmes des tutelles. Quelles techniques de budgétisation peuvent être utilisées et qui va être responsable du résultat ?

De fait, pour élaborer un plan stratégique, il est particulièrement important de se mettre au travail. Il n’existe pas de recettes universelles, mais le savoir se construit au fur et à mesure, en conduisant le projet. Chaque établissement peut s’inscrire dans une démarche de contractualisation, sans attendre que la doctrine soit entièrement définie. En effet, la démarche en elle-même a un effet

Page 28: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 27

structurant, car elle pousse à se poser un certain nombre de questions. La finalité est un élément central et les autres composantes doivent s’organiser en fonction d’elle.

L’analyse force-faiblesse, opportunité-menace permet de déterminer la spécificité de l’établissement public dans son champ d’intervention, qui peut être concurrentiel. Les établissements ont leur propre raison d’être par rapport aux autres intervenants et aux autres établissements. Chacun participe, dans ce cadre de concurrence, à une politique plus large.

Elaborer une stratégie passe par la fixation d’un calendrier. En effet, aucun objectif n’est atteint si aucune échéance n’est fixée. Il faut identifier les cycles qui correspondent à l’établissement public. Par exemple, l’Andra devra présenter un rapport au Parlement en 2006, c’est-à-dire à la fin d’une échéance électorale, ce qui peut être défavorable.

Traduire les engagements stratégiques en engagements financiers est une nécessité dans le cadre de la conception d’un contrat pluriannuel. L’analyse du contexte et de l’enjeu est en général réalisée avec soin, mais il est parfois plus difficile de traduire ces enjeux en objectifs mesurables. Les Québécois disent ainsi des Français qu’ils sont des “ Grands causeux, petits faiseux ”. Les mécanismes de la loi organique d’août 2001 permettent de s’appuyer sur une méthodologie claire et utile.

L’acquisition de compétence en matière de stratégie est nécessaire, notamment pour les tutelles. La planification stratégique doit être une réalité et ne pas être assimilée au contrôle de gestion. En outre, les structures ministérielles vont devoir, dans les années à venir, évoluer avec la mise en place des programmes et il faudra veiller à garder la lisibilité des politiques publiques.

La définition des objectifs doit être coordonnée avec la mise en place des moyens par le Budget. Les décisions d’allocation de ressource doivent être conformes à la stratégie.

Les tutelles doivent coordonner leurs actions, notamment au sein du conseil d’administration. Quand le rôle de ce dernier est reconnu, les responsabilités de chacun sont claires.

L’atelier sur la conception a donc mis en avant des éléments de doctrine et des principes d’actions, qui peuvent être utilisés immédiatement. Jacky Richard indiquera, en conclusion de cette journée d’étude, comment la DIRE peut aider les établissements publics et les tutelles à mettre en œuvre ces principes.

Je passe maintenant la parole à Jean-Loup Petit, qui s’est occupé de l’organisation matérielle de la journée et a animé avec Elisabeth Lulin, une de nos consultantes, le deuxième atelier.

Page 29: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 28

Restitution de l’atelier

Mettre en œuvre la politique Jean-Loup PETIT et Elisabeth LULIN

Chargé de mission DIRE Consultante Paradigmes

Jean-Loup PETIT

L’objectif de l’atelier était de recueillir les réactions des participants, acteurs de terrain, sur la mise en œuvre du pilotage stratégique au sein des établissements . Les quatre thèmes suivants étaient proposés à la réflexion : -la planification stratégique et le projet d’établissement -le rôle du conseil d’administration -l’organisation interne -les instruments de pilotage Toutes les questions que nous souhaitions traiter n’ont pu être abordées faute de temps. les éléments suivants ressortent de la première partie de la discussion : -si l’établissement public est un outil spécifique et indépendant de mise en œuvre des politiques publiques, il ne peut exercer correctement sa mission que si des objectifs clairs sont fixés. -piloter signifie avoir un cap, se donner de la visibilité, disposer d’instruments de pilotage et savoir manœuvrer. Donc nous avons travaillé d’abord sur la planification stratégique interne et son articulation avec les objectifs définis par la tutelle et sur les projets d’établissement dont le rôle est de décliner les objectifs en actions ; nous nous sommes ensuite interrogés sur le rôle du conseil d’administration : simple chambre d’enregistrement ou instrument de pilotage , d’élaboration et de suivi de la stratégie interne.

Dans un deuxiéme temps, Elisabeth Lulin faisait une présentation du tableau de bord prospectif (TBP) et des bonnes pratiques relevées à partir de l’étude des rapports d’activité de plusieurs établissements et de ce qui se fait à l’étranger ; le groupe a alors travaillé sur les questions de management interne et d’appropriation des objectifs en interne ainsi que sur les indicateurs et outils de pilotage. Tous les établissements se montraient intéressés par la démarche de pilotage par la stratégie, même si il apparaissait clairement des situations très diverses, certains ayant déjà une certaine maîtrise du TBP, d’autres ne travaillant encore que sur l’axe budgétaire.

Elisabeth LULIN

Les sujets de préoccupation des établissements et des tutelles sont à mon avis au nombre de 4 :

• l’implication de la tutelle Certains établissements aimeraient que la tutelle s’implique dans le processus de contractualisation. Ils ne demandent pas des moyens fixes, mais souhaitent que les objectifs fassent l’objet d’un contrat, pour permettre un pilotage stratégique des établissements ;

Page 30: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 29

• le positionnement du conseil d’administration Certains conseils d’administration ne sont pas autonomes par rapport à la tutelle, d’autres sont un lieu d’affrontement entre le personnel et la direction et ne traitent pas les questions de pilotage stratégique. Il faudrait redéfinir la composition, le mode de fonctionnement et les sujets faisant l’objet d’une délibération en conseil d’administration ;

• la définition des objectifs et des indicateurs Certains établissements définissent les objectifs en fonction des indicateurs disponibles ! Il faudrait à l’inverse se fixer des objectifs et bâtir un système d’information par la suite. Toutefois, les indicateurs nécessitent un investissement en système d’information et la mise en place d’une comptabilité analytique. En outre, il faut définir les indicateurs de manière méthodologique : les indicateurs portent-ils sur l’impact social ? De manière générale, les indicateurs permettent la bonne mise en œuvre du pilotage stratégique ;

• le statut juridique de l’établissement public certains établissements exercent leur activité dans un environnement concurrentiel et leurs ressources ne proviennent pas du budget de l’Etat. D’autres établissements exercent des missions régaliennes et sont inféodés à leur ministère de tutelle. Le pilotage stratégique peut entraîner un changement de statut, et un redéploiement vers la régie directe ou vers une forme de privatisation, avec délégation de service public. Le statut doit être adapté à la finalité.

Jean-Loup PETIT

Nous n’avons pas eu le temps d’évoquer les questions liées à la loi organique relative aux lois de finances et a la gestion des ressources humaines. Sur le premier point on peut néanmoins dire que l’esprit de la loi organique était présent tout au long des débats puisqu’il a été largement question de logiques d’objectif et de performance. Sur l’aspect GRH qui est un des leviers de performance dans les EPN, la réflexion devra être creusée.

. Restitution de l’atelier Evaluer la politique

Pascal VINE (DIRE) et Walter DETOMASI (AREA)

Les travaux de l’atelier « évaluer la politique » ont été conduits sur la base de deux termes de référence, à savoir : (1) la mesure des écarts entre les objectifs assignés à l’établissement public et les résultats obtenus et (2) le rapport d’activité dont l’objectif est notamment de présenter les résultats et explicite les causes des écarts.

Page 31: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 30

Si les échanges de cet atelier devaient être synthétisés en une proposition, il pourrait être retenu le souhait clairement exprimé par les participants de voir se développer le concept d’évaluation des politiques publiques.

Plusieurs d’entre eux indiquent en effet que les établissements publics font aujourd’hui l’objet de multiples contrôles nationaux, voire européens. Par contre, les démarches d’évaluation restent plus limitées. Elles exigent selon eux un certain nombre de conditions, dont l’acquisition par l’établissement d’une véritable autonomie au travers notamment du développement de la notion de contrôle a posteriori. Cette proposition rejoint les dispositions inscrites dans la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 et qui feront prochainement l’objet de travaux interministériels dans le cadre des groupes de travail institués par le Comité interministériel pour la réforme de l’État du 15 novembre 2001.

Les participants rappellent que, pour les établissements qui ont fait l’objet d’évaluations, celles-ci sont essentiellement de nature externe. Or, ils reconnaissent que des évaluations internes doivent également être mises en œuvre. Pour ce faire, des procédures spécifiques, de type audit interne, doivent être promues. De telles démarches sont d’ailleurs engagées dans certains établissements, dont ceux impliqués dans des politiques conduites à l’échelle européenne.

Les participants soulignent les difficultés qu’ils rencontrent dans le cadre de l’évaluation en cas de tutelle multiple. Ils attirent plus particulièrement l’attention sur la nécessité d’améliorer la coordination entre les différents ministères et de développer les compétences prospectives des personnels chargés d’assurer cette tutelle. Par ailleurs, les participants demandent que puissent leur être fournis des standards d’évaluation adaptés aux établissements publics.

D’un point de vue concret et immédiat, les participants réclament une meilleure définition de la place des instances d’évaluation, autre que le conseil d’administration, à savoir le comité scientifique, les comités externes à l’établissement, les corps d’inspection et les comités d’usagers. Ils souhaitent également une clarification sémantique des notions de contrôle et d’évaluation afin d’éviter toute ambiguïté. Ils proposent la généralisation du contrôle de gestion au sein des établissements publics et insistent sur la nécessité d’estimer précisément le coût engendré par ces démarches d’évaluation.

Les participants indiquent que, si l’évaluation de l’action conduite par l’établissement dans le cadre des politiques publiques auxquelles il participe est nécessaire, elle peut s’avérer délicate dans la mesure où l’établissement ne peut être qu’un « maillon » du dispositif. L’évaluation d’une participation partielle à une politique paraît complexe et pose des problèmes méthodologiques qu’il convient de prendre en considération.

Aucun participant ne nie l’importance du rapport d’activité. Toutefois, actuellement, force est de constater que l’objectif de communication externe prime sur celui d’évaluation de la politique de l’établissement public. Ce rapport pourrait alors évoluer et devenir une « vitrine » du contrôle de gestion conduit par l’établissement, et ce afin de mieux prendre en compte la dimension liée à l’évaluation.

Page 32: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 31

Synthèse des ateliers

Page 33: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 32

.Claude ROCHET

J’identifie 3 grands leviers de changement après avoir écouté les synthèses des ateliers.

• la loi organique va permettre de définir une doctrine du recours à l’établissement public. Il ne sera plus possible de créer un établissement public pour une activité dont on ne sait pas assurer la gestion. La loi donne l’opportunité de réfléchir à la doctrine du recours à la solution “ établissement public ” ;

• la mise en place des contrats pluriannuels oblige les établissements et les tutelles à se poser des questions structurantes ;

• le conseil d’administration est un organe spécifique à l’établissement public et il paraît essentiel de développer son rôle.

Deux règles découlent de ces leviers de changements. D’une part, les objectifs doivent être définis, soit par l’établissement public soit par la tutelle. Parfois, les tutelles sont moteurs du changement, d’autre fois, les établissements publics sont à l’origine des évolutions. D’autre part, il faut savoir profiter des crises, qu’elles soient internes ou externes. Par exemple, l’IGN a connu une crise de positionnement stratégique du fait de l’évolution des technologies. Les crises peuvent être liées à l’adaptation à la politique publique. Les agences sanitaires se sont modernisées et ont développé un savoir faire. Les établissements publics et les tutelles disposent d’un savoir faire particulier pour mettre en place le pilotage stratégique.

Jacky Richard va maintenant nous présenter les conclusions opérationnelles qu’on peut tirer des travaux que nous avons menés aujourd’hui.

Page 34: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 33

Allocution de clôture

Jacky RICHARD Délégué interministériel à la réforme de l’Etat

Je sais qu’il peut paraître désagréable de voir partir le ministre de lafonction publique et le directeur général de la fonction publique en début de matinée. Hélas, nous devions tous deux participer à une réunion avec les organisations syndicales. Toutefois, j’ai passé un déjeuner studieux, qui m’a permis d’être au courant de la teneur de vos débats de la matinée.

Je vous rappelle que je suis responsable de la délégation interministérielle pour la réforme de l’Etat depuis seulement 9 mois. Cependant, je suis le processus de modernisation de l’administration depuis un certain temps, notamment lorsque j’étais directeur d’administration centrale ou que secrétaire général d’un service déconcentré. J’ai également été chef de service de l’inspection générale de l’administration. Je connais donc bien le jeu des acteurs et les systèmes de responsabilisation et de déresponsabilisation.

I. Les établissements publics, parents pauvres de la réforme de l’Etat

La question des établissements publics m’a toujours interpellé. En effet, au cours de mes différentes fonctions, j’ai parfois constaté que les établissements étaient utilisés à mauvais escients et que les rapports avec la tutelle pouvaient être malsains et confus. La tutelle n’agit pas sur les points où elle devrait et intervient dans des domaines où elle ne devrait pas. La tutelle se débarrasse parfois d’un problème en créant un établissement public ou utilise les commodités juridiques et financières de l’établissement public pour régler des problèmes qu’elle ne peut régler seule. La tutelle est souvent absente quand le président ou le directeur général d’un établissement attendent la définition d’objectifs. Les règles de composition des conseils d’administration sont le reflet de ce problème. Il est possible que ma description de la situation ne corresponde pas à la réalité que vous vivez, car vous cherchez à retrouver l’essence de l’établissement public dans le cadre de votre management.

Par ailleurs, l’établissement public n’a jamais été une priorité pour la réforme ou la modernisation de l’Etat. Les structures chargées de la modernisation se sont attachées à l’organisation territoriale, aux rapports entre les services centraux et les services déconcentrés. Les conséquences de la décentralisation et l’organisation territoriale ont fait l’objet d’un travail important, de même que les directives nationales et les programmes techniques de l’Etat. Les développements des CIRE répondent à cette logique. Par exemple, le CIRE du 15 novembre 2001 s’intéresse aux nouvelles technologies de l’information, à la GRH et aux conséquences de la loi organique.

Les questions de la qualité, de la mesure de la performance et de la gestion des ressources humaines se posent dans le cadre du management des établissements publics, mais ces derniers n’ont jamais fait l’objet d’un discours fortsur la réforme de l’Etat. Quand j’ai constaté le travail d’enquête réalisé auprès des établissements publics, il m’a paru nécessaire d’organiser une journée d’étude, pour restituer les conclusions de l’enquête. Nous devions en effet vous fournir une synthèse de cette enquête. Par ailleurs, un débat devait avoir lieu sur les résultats de l’enquête.

Page 35: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 34

II. La finalité des établissements publics

Je vais maintenant me poser les questions de fond suivantes :

• qu’est-ce qu’un établissement public national ? • à quoi sert un établissement public national ? • pourquoi a-t-on recours à un établissement public ?

Je n’insiste pas sur les mauvaises réponses. Toutefois, il n’est pas toujours aisé de savoir à quoi sert l’EPN, en tenant compte de sa finalité, de sa personnalité juridique et de son autonomie financière. L’enquête infirme l’idée que l’EPN est un artifice de démembrement du service public. L’EPN est utilisé pour optimiser et développer la logique de spécificité. La question de la loi organique d’août 2001 a semble-t-il échappé à certains. Or cette loi met fin à l’ordonnance organique de février 1959, qui avait un statut particulier dans le paysage institutionnel. Le budget va évoluer dans les années à venir du fait de cette loi. En tant que délégué interministériel à la réforme de l’Etat, je suis intéressé par le côté réforme de la gestion publique qu’inclut cette loi. On passe en effet d’une logique de moyens à une logique de résultats, en développant des indicateurs de performance.

Le lien entre l’EPN et la loi organique est étrange. En effet, la loi organique ne s’applique pas aux établissements publics, mais les rédacteurs de cette réforme essentielle ont pu s’inspirer de la situation des établissements publics. Ainsi, la loi définit un objet, une politique publique, des moyens, des personnels et réunit un budget global. Les programmes définissent ces idées simples. Ils représentent l’élément de base de la nomenclature budgétaire. Dès cette année, 150 programmes vont remplacer les 800 chapitres. Les moyens, les personnels et les indicateurs seront bien identifiés pour chaque politique publique. Le Parlement jugera les gestionnaires sur leurs résultats et allouera les moyens nécessaires, à partir du premier euro. De fait, la commodité des services votés et des mesures nouvelles prend fin. Jusqu’à cette année, le Parlement ne se prononçait que sur une part très faible des dépenses, à cause de l’existence des services votés.

Comme je l’ai dit, la loi organique d’août 2001 s’inspire du mode de gestion des établissements publics. La tutelle est transformée et le pilotage des établissements doit évoluer, en rendant notamment compte sur la base d’objectifs précis. Nous assistons à la fin du pilotage par les moyens. Le couple objectif-résultat nécessite la mise en place d’une cohérence globale. Le tableau de bord évoqué ce matin par Claude Rochet doit traduire une politique. Il faut trouver un équilibre entre les coûts engagés et l’impact de la politique. Une réingénierie des processus internes s’impose pour que les prestations soient réalisées selon les normes de qualité et d’efficience exigées.

En outre, en tant que directeur général de la fonction publique, je ne peux ignorer la dimension du personnel. Cet élément ne faisait pas l’objet de la journée d’étude d’aujourd’hui, bien qu’il soit au centre de la différenciation entre EPIC et EPA. En effet, les personnels des EPIC relèvent du code du travail alors que les personnels des EPA relèvent du droit public. D’une manière générale, la gestion du personnel doit être en lien avec les moyens et la ligne stratégique d’un établissement public.

Le tableau de bord prospectif permet de maintenir un équilibre dynamique entre les 4 objectifs définis :

• Avons-nous une stratégie commune et claire ?

Page 36: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 35

• Les investissements sont-ils pilotés par la stratégie et les budgets annuels sont-ils articulés aux plans à long terme ?

• Les personnels sont-ils responsables à tous les niveaux de la réalisation de la stratégie ? • Pratiquons-nous le retour d’expérience pour valider les hypothèses qui fondent la stratégie ?

III. Conclusion

Que pouvez-vous attendre de la DIRE après cette journée d’étude ? Je ne vous ferai pas de promesses inconsidérées et vous pouvez agir chacun dans votre environnement. Une journée comme celle-ci permet toutefois d’échanger des pratiques et de s’enrichir. Je vous propose deux types d’apports. D’une part, la DIRE propose des apports “ froids ”, en légitimant le corpus de doctrines sur l’EPN. Nous pouvons réaffirmer ce qu’est un EPN et ce que n’est pas un EPN. Une sorte de guide méthodologique pourrait être publié pour indiquer de manière doctrinale (et non doctrinaire) ce que doit être un EPN. L’enquête et cette journée nous fournissent des informations à ce sujet.

D’autre part, la DIRE propose des apports “ chauds ”. Nous pouvons réagir face à des situations vécues lors de l’accompagnement de changements ou de projets pilotes. Des situations de doctrines peuvent nous être soumises. Personnellement, je pense que les crises ont des vertus. Ces situations font peur aux personnels et aux dirigeants, mais les font également avancer. La DIRE peut mettre à votre disposition ses réseaux d’experts et ses connaissances des réponses apportées dans telle ou telle situation. Un portefeuille de solutions peut être utile pour résoudre des cas précis.

Page 37: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 36

Questions

Michel DODET, directeur général adjoint de l’INRA

Je souhaite m’adresser au directeur général de la fonction publique. Pourriez-vous préciser les évolutions pour la gestion des ressources humaines ? Nous avons parfois le sentiment que le personnel et sa situation représentent une difficulté pour avancer sur certains sujets.

Jacky RICHARD

Il faut chercher à éviter la tentation du décret liste. Les établissements publics considèrent trop souvent qu’ils peuvent s’affranchir des règles de la fonction publique, en considérant ces dernières comme néfastes. Le décret liste consiste à inscrire pour des postes précis des contractuels, et il me semble que ce n’est pas une bonne chose. Le recours a des contractuels est prévu par la loi de 1984, mais il faut savoir l’appliquer à bon escient. Il est possible de trouver des personnes compétentes pour des postes précis au sein de la fonction publique. Je ne souhaite pas que vous entendiez ces propos comme un manifeste pro domo.

Cependant, il est indispensable que les personnels soient en accord avec les objectifs de l’établissement public, ce qui a des conséquences sur les éléments complémentaires de rémunération, la reconnaissance du mérite, l’avancement et le respect de garanties liées au statut. Il est parfois difficile d’agir dans ce sens. Toutefois, le statut général de la fonction publique reconnaît le mérite. Une certaine pratique a effacé cette question, notamment, dans certains cas, pour maintenir la paix sociale. En tant que gestionnaire, il n’est pas toujours aisé de mettre en valeur le mérite.

Actuellement, nous revoyons le texte de 1959 sur la notation des fonctionnaires, après avoir revu l’ordonnance de la même année pour le budget. La notation est devenue un processus bureaucratique, qui ne reflète pas la valeur des agents et déresponsabilise les notateurs et les notés. Le nouveau texte est passé avec avis favorable des organisations syndicales. Il lie l’évaluation, la notation et la promotion. De même, la refonte des régimes indemnitaires et des règles de mobilité intéresse les établissements publics. En effet, les mouvements entre l’administration centrale et l’établissement permettent un enrichissement mutuel.

Je ne développerai pas plus aujourd’hui sur la question du personnel, qui me paraît toutefois cardinale. La réforme de l’Etat est en effet avant tout une question d’hommes et de femmes.

De la salle

Je remercie tous les intervenants, pour l’intérêt de leurs interventions. On aborde tardivement le point central du cadre de recours aux établissements publics. Les points que nous avons discutés auparavant ne me paraissent pas spécifiques aux établissements publics. Par exemple, le tableau de bord des bonnes pratiques peut être utilisé dans l’ensemble des services, qu’ils disposent ou non d’une personnalité morale. Une consultation sur la doctrine de recours à l’établissement public me paraît nécessaire, car les situations sont très diverses et des raisons différentes poussent à recourir à la formule de l’établissement public.

Page 38: LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX : UN AXE MAJEUR DE LA REFORME DE … · 2016-02-15 · pistes opérationnelles pour l’amélioration de la gestion des établissements publics

Journée d’étude “ Etablissements publics nationaux ” Ministère de la Fonction publique

Paris, le 19 février 2002 37

Claude ROCHET

Je vous remercie. Vous pourrez retrouver l’ensemble des productions de cette journée sur le site intranet de la DIRE vitamin.gouv.fr. Le rapport faisant suite à l’enquête nationale sur les établissements publics sera publié à la fin du mois de mars.

INDEX DES SIGLES

ADEME : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

ANDRA : Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs

BRGM : Bureau de recherches géologiques et minières

CEA : Commissariat à l’énergie atomique

Cemagref : Centre National du Machinisme Agricole, du Génie Rural, des Eaux et des Forêts

CIRAD : Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

CIRE : Comité interministériel pour la réforme de l’Etat

CNRS : Centre national de la recherche scientifique

COGEMA : Compagnie générale des matières nucléaires

EPA : établissement public administratif

EPIC : établissement public industriel et commercial

EPST : établissement public scientifique et technique

EPN : établissement public national

GRH : gestion des ressources humaines

IGN : Institut géographique national

INRA : Institut national de la recherche agronomique

Dépôt légal

2-11-092819-0