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Pascale Navarro
Boréal
Les femmes
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Le moNde ?
De plus en plus de femmes exercent le pouvoir au sein d’un parti, d’un ministère, d’un gouvernement, symbo lisant peut-être plus qu’on ne le pense le fait qu’elles entrent enfin dans l’histoire par la grande porte. Mais y a-t-il un pou voir fémi nin ?
Les genres sont définis par une vision de la société, et cette vision se retrouve en chacun de nous. Pascale Navarro défend dans ce livre l’idée selon laquelle le pouvoir féminin n’existe pas en tant que tel, mais qu’un grand nombre de femmes en politique peuvent changer lois, règlements et milieux de vie, parce qu’elles trans-mettent dans l’exercice de leur pouvoir les valeurs du groupe auquel elles appartiennent.
Elle fait d’abord un historique des premiers contacts des femmes avec la politique, afin de comprendre les raisons de leur enga-gement, au Québec et ailleurs. Elle analyse ensuite la nouvelle image maternelle en politique et en examine les enjeux straté - gi ques : sont-ils différents de ceux des hommes ? Elle réfléchit également sur la place qu’occupe le « féminin » en politique.
Pour écrire ce livre, Pascale Navarro a interviewé une vingtaine de politiciennes sur les scènes tant québécoise que canadienne.
Pascale Navarro est journaliste, contribuant à diver ses publi cations montréalaises. Elle est également chroni queuse à Télé-Québec. Au Boréal, elle a publié Interdit aux femmes (1996, avec Nathalie Collard) et Pour en finir avec la modestie féminine (2002).
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ISBN 978-2-7646-2072-4 Boré
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Pascale NavarroLes femmes en politique changent-elles le monde ?
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Extrait de la publication
Les Éditions du Boréal4447, rue Saint-Denis
Montréal (Québec) h2j 2l2
www.editionsboreal.qc.ca
Les femmes en politique changent-elles le monde?
Extrait de la publication
du même auteur
Interdit aux femmes. Le féminisme et la censure de la pornographie (avec Nathalie Collard), Boréal, 1996.
Pour en finir avec la modestie féminine. Essai sur la modestie et le conformisme féminins, Boréal, 2002.
Pascale Navarro
Les femmes en politique changent-elles le monde?
Boréal
Extrait de la publication
© Les Éditions du Boréal 2010
Dépôt légal: 4e trimestre 2010
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Diffusion au Canada: DimediaDiffusion et distribution en Europe: Volumen
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Navarro, Pascale, 1962-
Les femmes en politique changent-elles le monde?
Comprend des réf. bibliogr.
isbn 978-2-7646-2072-4
1. Femmes en politique. 2. Femmes politiques. 3. Féminisme – Aspect politique. I. Titre.
hq1236.n38 2010 320.082 c2010-941879-4
isbn papier 978-2-7646-2072-4
isbn pdf 978-2-7646-3072-3
isbn epub 978-2-7646-4072-2
Extrait de la publication
Pour Alain et Bruno
Extrait de la publication
Introduction Pourquoi les femmes font-elles de la politique?
Lorsque j’ai commencé la recherche pour ce livre, en 2004, Angela Merkel s’apprêtait à devenir chancelière, Mary McAleese gouvernait l’Irlande depuis sept ans; puis Ellen Johnson-Sirleaf fut élue au Liberia (2006), Michelle Bache-let au Chili (2006), Cristina Kirchner en Argentine (2007). Ségolène Royal se lança dans la course présidentielle fran-çaise et Hillary Rodham Clinton dans celle de l’investiture démocrate américaine. Puis ce fut au tour de l’Espagne de prendre ce même virage, quasi féministe, inattendu, et de présenter un gouvernement paritaire.
Chez nous, Pauline Marois annonçait le 20 mars 2006 son retrait de la vie politique, après avoir dirigé une quin-zaine de ministères au sein du gouvernement avec le Parti québécois et avoir perdu la course à la direction de son parti. Elle revint pourtant à l’avant-scène de la politique québé-coise le 13 mai 2007, jour de la fête des Mères, et fut plébis-citée et acclamée comme la sauveuse du parti après le départ d’André Boisclair. Elle dit alors vouloir se mettre «en mode écoute» pour redonner de la cohésion à son parti.
introduction v
Extrait de la publication
10 les femmes en politique changent-elles le monde?
Autant dire que la politique se féminise de plus en plus. Et bien qu’il reste beaucoup à faire pour atteindre l’égalité en politique, je choisis plutôt de regarder le verre comme étant à moitié plein. En effet, les dernières années ont vu l’histoire s’accélérer. En 1995, année du grand rassemble-ment des femmes à Beijing1, la participation des femmes en politique et dans les postes de pouvoir était identifiée comme l’une des douze clés du changement des mentalités au sujet des femmes et de leur condition sociale. Selon les chiffres de l’Union interparlementaire, organisation poli-tique fondée en 1889 et regroupant 155 parlements dans le monde, la proportion de femmes parlementaires est passée, en quinze ans, de 11,3% à 18,8%, un nombre jamais atteint auparavant. De ce nombre, 16,7% des parlements comptent plus de 30% de femmes2.
Bref, de plus en plus de femmes exercent le pouvoir au sein d’un parti, d’un ministère, d’un gouvernement.
Mais pourquoi en sommes-nous si contentes? D’ac-cord, nous voulons l’égalité. Mais que font les femmes en politique qui nous satisfait tant? Ont-elles un pouvoir magique, et sinon, pourquoi tant désirer cette égalité?
Cette question peut avoir l’air d’une boutade, et lorsque je l’ai posée aux politiciennes québécoises, elles m’ont toutes regardée un peu hésitantes, éberluées que je ne perçoive pas
1. Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, tenue à Beijing en septembre 1995.2. Voir ipu.org/news-f/wop/37/5.htm
introduction 11
cela comme l’évidence. Liza Frulla, dans toute sa fougue, m’a répondu: «Ce n’est que justice que les parlementaires représentent équitablement la population, et la répartition des députés, hommes et femmes, doit être égale3.»
Ce même argument revient toujours, et j’avoue que, spontanément, c’est aussi ma première réponse. Mais je me dis pourtant que si 50% des femmes au pouvoir étaient réactionnaires et conservatrices, le monde ne tournerait pas mieux. En clair, est-ce que ce ne sont pas les idées, les valeurs et les engagements, plutôt que les femmes elles-mêmes, qui font la différence?
Selon 100% des femmes politiques que j’ai interrogées pour ce livre, les parlements «doivent» refléter les sociétés qui les ont élus. Penser que la représentation égale est sym-bole de démocratie est l’opinion généralement admise.
Pourquoi cette unanimité? Que voulons-nous au juste quand nous exigeons, au nom de la justice et de l’égalité des sexes, que la politique soit exercée par 50% de femmes? Que la société soit plus humaine, plus égalitaire, plus sou-cieuse du bien commun. Est-ce le bon moyen d’y arriver? C’est en partie ce à quoi je tente de répondre dans ce livre.
Y a-t-il un pouvoir féminin?
Voilà la question. Selon moi, il n’y a pas de pouvoir qui soit féminin «en soi» et qu’on adopterait quand on est une
3. Entrevue, mai 2007. Voir la liste des entrevues en fin de volume.
12 les femmes en politique changent-elles le monde?
femme, ni de pouvoir masculin, quand on est un homme. Cela dit, le féminin et le masculin sont des genres, et les genres se construisent sur un ensemble de valeurs, de traits culturels et de croyances. Donc, théoriquement, hommes et femmes exercent le pouvoir en tant que tels (hommes et femmes), avec plus ou moins de nuances.
C’est la grande affaire de notre temps. Il y aurait d’un côté des valeurs masculines, notamment le goût du risque, l’importance de la hiérarchie et de l’autorité, et de l’autre les valeurs féminines, que l’on pourrait résumer à l’empathie, la sollicitude, la tendance à préserver la vie. Cette vision fut développée par la psychologie et la biologie, et contestée par des féministes opposées à l’essentialisme, théorie selon laquelle nos comportements et attitudes sont déterminés par notre sexe. Nombre de recherches vont dans le sens de cette théorie, en démontrant que parmi les qualités du leadership féminin, on retrouve l’esprit de collaboration, le besoin de faire consensus.
Néanmoins, comme l’ont démontré Margaret That-cher à son époque et, à la nôtre, Barack Obama, ces valeurs ne sont pas toujours assignées au genre que l’on croit: le rigorisme et la dureté de Thatcher, tout comme l’empathie d’Obama, sont la preuve qu’on se trompe en divisant les genres aussi catégoriquement. Nos perceptions et préjugés nous font associer sans nuance certains comportements aux femmes et aux hommes. Nous préjugeons donc des valeurs que pratiquent les uns et les autres. Or, il faut dé-sexuer les valeurs. Elles sont bien plus mouvantes qu’on voudrait le croire.
Ce qui est vrai, en revanche, c’est que les genres sont
introduction 13
définis par une vision de la société, et que cette vision se retrouve en chacun de nous. Je postule donc que le pouvoir féminin n’existe pas en tant que tel, mais qu’un grand nombre de femmes en politique peuvent changer lois, règlements et milieux de vie parce qu’elles transmettent dans l’exercice de leur pouvoir les valeurs sociales du groupe auquel elles appartiennent. Ainsi, les femmes sont souvent mères et, plus largement, pourvoyeuses de soins, elles ont un corps différent de celui des hommes (et donc des besoins particuliers) et des aptitudes qu’elles ont déve-loppées en partie parce qu’elles bâtissent leur identité sur ces différences et sur un rôle social sexué. Le mot social est ici important, car il veut dire que, collectivement, nous avons des attentes envers les femmes. Elles s’efforcent donc ou non de correspondre à ces attentes, selon leurs valeurs personnelles.
En clair, cela signifie que, collectivement, les femmes changent la politique et le monde dans lequel on vit, mais que, individuellement, elles ne possèdent pas de pouvoir magique! Elles ne transforment pas la politique en entrant dans les parlements.
Valeurs féminines, valeurs masculines
On attend beaucoup des femmes. De Kofi Annan, ex- secrétaire général des Nations unies et Prix Nobel de la paix (2001), aux cabinets de recrutement, tous sont convaincus que les femmes exercent un pouvoir «différent». Des études se succèdent qui concluent que le pouvoir féminin
14 les femmes en politique changent-elles le monde?
influence la gouvernance sociale à un moment de notre histoire où il nous faut transformer notre vision de la poli-tique et de l’économie. Tout d’un coup, on percevrait les comportements traditionnellement assignés aux femmes (le soin aux autres, le dialogue et l’écoute, l’empathie) et développés en grande partie par elles comme des qualités nécessaires au changement social. C’est la thèse, entre autres, des auteurs de Enlightened Power: How Women Are Transforming the Practice of Leadership, un collectif publié aux États-Unis dans lequel on démontre que les valeurs féminines ont une influence sur la bonne marche du monde. Selon l’anthropologue Helen Fisher, les femmes améliorent tous les domaines de la société:
Les femmes insufflent déjà compassion, patience et esprit
d’équipe, elles apportent une perspective élargie aux pra-
tiques de guérison. Elles mettent à contribution leur créa-
tivité dans les salles de classe. Et comme elles ont tendance
à voir différemment les mauvais traitements infligés aux
enfants, le harcèlement sexuel, l’avortement et la crimina-
lité en général, les femmes impliquées dans le processus
juridique approfondissent notre conception de la justice.
[…] En politique, elles contribuent à élever les domaines
de l’éducation, de la santé, des soins aux enfants, de la pau-
vreté et de l’environnement au rang de préoccupations
nationales et internationales4.
4. Helen Fisher, «The Natural Leadership Talents of Women», dans Linda Coughlin (dir.), Enlightened Power: How Women Are
Extrait de la publication
introduction 15
C’est un vaste programme! L’auteure développait sa thèse en 1999 dans un essai retentissant, The First Sex: The Natural Talents of Women and How They Are Changing the Leadership. Lorsque je l’ai interviewée à la parution de son livre, elle était formelle: il ne s’agit pas d’un jugement de valeur sur les hommes, mais d’observations, qu’il faut considérer comme telles et non comme émanant d’une idéologie féministe.
Car, qu’on le veuille ou non, qu’on soit féministe ou pas, les différences entre hommes et femmes existent. Bien sûr, les valeurs entretenues par les femmes depuis si longtemps peuvent avoir leur place dans l’exercice du pouvoir. Le fait de prendre soin des autres, comme le leur ont enseigné des siècles d’histoire et de conditionnement social, peut être mis à profit. Collectivement, elles ont appris à soigner, à nourrir, à administrer pour le bien de tous. Ça ne veut évi-demment pas dire qu’elles ne savent faire que ça, ni que toutes les femmes sont des mères Teresa! Et cela ne signifie pas non plus que seules les femmes en sont capables. Mais comment ne pas voir que ces qualités sont nécessaires pour gouverner? Et qu’elles caractérisent souvent les dirigeants éclairés et visionnaires?
Pour mettre les choses en contexte, je commencerai donc cet essai en disant quelques mots sur les premiers contacts des Canadiennes avec la politique, afin qu’on com-prenne les raisons de leur engagement, au Québec comme
Transforming the Practice of Leadership, San Francisco, Jossey-Bass, 2005, p. 139 (ma traduction).
Extrait de la publication
16 les femmes en politique changent-elles le monde?
ailleurs au pays. Puis, j’analyserai la nouvelle image mater-nelle en politique: être mère n’est plus aussi nuisible que par le passé, bien au contraire. Quels sont les enjeux de cette réhabilitation?
Par ailleurs, les femmes ont beau être plus nom- breuses qu’avant en politique, il est toujours difficile de les convaincre d’y entrer. J’essaierai d’identifier quelles sont les demandes des femmes, leurs hésitations, et quelle place occupe le «féminin» dans notre perception du pouvoir.
Enfin, j’aborderai les différents moyens possibles pour augmenter le nombre de femmes en politique, et j’analyse-rai leurs enjeux.
Pour les fins de ma recherche, j’ai interviewé une ving-taine de politiciennes entre 2007 et le début de l’année 2010. Âgées de 30 à 70 ans environ, elles sont issues de différents partis, élues aux paliers municipal, provincial et fédéral; certaines ne sont plus en politique, d’autres sont encore députées et ministres. Je leur ai demandé pourquoi elles avaient fait le choix de la politique et je leur ai posé des questions sur leur engagement, leur vision du pouvoir et de «leur» pouvoir. Leurs propos accompagnent ma réflexion en toute simplicité, et ont été recueillis sans visée politique ni partisane. Cet essai s’inscrit donc dans une perspective féministe et nullement politicienne. Toutes ces interlo- cutrices (y compris celles que je ne cite pas mais qui ont documenté ma recherche) ont été d’une grande générosité et ont pris le temps de réfléchir à ces questions qui les préoc- cupent, elles aussi, depuis des années. Je veux les remercier de ces échanges, qui constituent un témoignage important de leur participation à la vie publique.
Extrait de la publication
1
Des «personnes», des «mères», des femmes
Depuis toujours, les femmes n’ont cessé, par soubresauts, de vouloir prendre leur destin politique en main. Par exemple, réclamer le droit de vote a été un passage obligé. Car, cela va de soi, il faut voter pour pouvoir s’occuper de ses affaires.
Pourquoi les «cinq fabuleuses» ont fait de la politique
À travers l’histoire (et le monde), il y aurait des milliers d’anecdotes à raconter pour illustrer l’entrée des femmes dans les instances politiques. Mis bout à bout, ces épisodes forment la grande Histoire. Il suffit d’en choisir quelques-uns pour saisir la chose suivante: il est indispensable pour les femmes d’être dans les instances du pouvoir si elles veu-lent améliorer leur sort et leurs conditions de vie. C’est d’ailleurs pour cela qu’elles sont entrées en politique. Nous en trouvons au Canada une illustration éloquente à travers l’affaire Personnes, qui a joué un rôle clé dans l’intégration des femmes en politique. Cette histoire a été maintes fois
des «personnes», des «mères», des femmes 17
18 les femmes en politique changent-elles le monde?
racontée, mais étudier le contexte dans lequel elle s’est déroulée s’avère particulièrement instructif.
Emily G. Murphy (1868-1933) fut nommée juge pour la Ville d’Edmonton, en Alberta, puis pour la province, devenant ainsi la première femme magistrate de l’Empire britannique. Mais, dès ses débuts, son autorité fut contestée par un avocat, qui invoqua une décision rendue en 1876 par un tribunal anglais selon laquelle les femmes n’étaient pas légalement des «personnes»; on pouvait leur imposer peines et châtiments, mais elles ne bénéficiaient d’aucun droit ni privilège. Or, disait cet avocat, l’exercice du droit étant un privilège, Emily Murphy ne pouvait y prétendre.
Cet adversaire a fourni à Murphy l’occasion rêvée de faire avancer les droits des femmes. Ses collègues recom-mandèrent sa nomination au Sénat, car, depuis sa création, c’est cette instance qui entérine ou rejette les projets de loi que formulent les gouvernements.
Dans les années 1920, Emily Murphy se heurta donc à la loi: pour siéger au Sénat, il fallait être reconnue comme une «personne». En 1927, Murphy obtint l’aide de ses amies qu’étaient les militantes canadiennes Nellie McLung, Irene Parlby, Louise McKinney et Henrietta Muir Edwards; les cinq demandèrent au gouverneur général et au Parle-ment, puis à la Cour suprême, de se prononcer sur la défi-nition des «personnes» selon l’article 24 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. La Cour trancha en faveur du statu quo et refusa de reconnaître les femmes comme des «personnes».
Elles firent donc appel au Comité judiciaire du Conseil privé de Londres, pour que la mère patrie délibère sur le
des «personnes», des «mères», des femmes 19
statut des femmes: sont-elles oui ou non des «per sonnes» au sens juridique du terme? En 1929, les Lords du Comité judiciaire du Conseil privé déclarèrent à l’unanimité que l’article 24 représentait pour eux une «relique d’une époque plus barbare que la nôtre». Hommes éclairés! C’est ainsi que les Canadiennes gagnèrent le statut légal de «per-sonnes» et que toutes les femmes de l’Empire britannique purent bénéficier de cette victoire juridique. Ce n’est toute-fois pas Emily Murphy qui devint la première femme à entrer au Sénat, mais Cairine Reay Wilson, en 1930.
L’influence de l’Angleterre
Cet épisode bien connu au Canada met en lumière un aspect important de l’histoire politique des femmes, révélé par Vivien Hugues, agente du Haut-Commissariat du Canada à Londres, lors de la célébration des soixante-dix ans de l’affaire Personnes. Hugues expliqua à cette occasion que lors de l’appel des Famous Five (les cinq «célèbres» Canadiennes) à Londres, les femmes avaient commencé à mener une vie politique active, particulièrement en Angle-terre et au Canada, puisqu’elles venaient d’y acquérir, en 1918, le droit de vote et d’éligibilité. En 1929, en Angle-terre, quatorze femmes faisaient déjà partie du gouverne-ment de Ramsay MacDonald (dix de plus que dans son premier gouvernement). Un certain Lord Sankey, chance-lier, avait reçu pour mission de libéraliser l’appareil judi-ciaire. Surtout, insista Hughes, Lord Sankey avait une nou-velle collègue: Margaret Bondfield, première Britannique
20 les femmes en politique changent-elles le monde?
membre du Cabinet et du Conseil privé. Voilà donc où en étaient les femmes lors de l’affaire Personnes.
Margaret Bondfield et les femmes du gouvernement MacDonald ne firent peut-être pas toute la différence, mais il est possible qu’elles aient eu un certain poids dans les discussions et les décisions de l’époque. Ainsi que l’exposa Vivien Hugues, «le jugement du Conseil privé combiné avec l’évolution de la situation politique rendait tout retour en arrière impossible. Plus personne ne pourrait affirmer que les femmes n’étaient pas des personnes ou qu’elles ne pouvaient pas participer pleinement à la vie publique de la Grande-Bretagne, du Canada ou de tout autre pays de l’Empire1».
Cette histoire illustre la manière dont les mentalités et la société évoluent. Qui influence qui? Difficile de le mesu-rer précisément. Mais un fait demeure: s’il n’y avait pas eu de femmes pour argumenter, s’opposer, s’imposer, si elles n’avaient pas eu le droit de vote, le droit de représentation, le droit de décision, les choses n’auraient pas bougé. La pré-sence de ces Anglaises en politique avait donc créé un pré-cédent.
1. «Répercussions internationales de l’affaire Personnes», exposé prononcé le 17 octobre 2000 par Vivien Hugues, agente du Haut-Commissariat du Canada à Londres, dans le cadre des célébrations des soixante-dix ans de l’affaire Personnes, en ligne: http://www.collectionscanada.gc.ca/04/0431_f.html
Extrait de la publication
Table des matières
Introduction • Pourquoi les femmes font-elles de la politique? 9
Y a-t-il un pouvoir féminin? 11
Valeurs féminines, valeurs masculines 13
1 • Des «personnes», des «mères», des femmes 17
Pourquoi les «cinq fabuleuses» ont fait de la politique 17
L’influence de l’Angleterre 19
De la politique «en tant que mère», «en tant que femme» 21
Des femmes pour le Rwanda 24
2 • Mère, père: leader 27
La figure maternelle en campagne 27
La maternité «humanise» les femmes 30
Stratégie, mais évolution sociale 32
Maternité et prise en charge 35
3 • L’apport des femmes: des sujets pour tous 37
L’exemple des garderies 40
table des matières 127
128 les femmes en politique changent-elles le monde?
L’égalité des sexes est plus importante que le «pouvoir féminin» 43
4 • Ce que les femmes pensent de leur pouvoir 47
Le pouvoir pour des objectifs communs 48
Moins d’«instinct du tueur», plus de bonnes manières 52
Afficher ses doutes 56
La peur du conflit et de la stratégie 60
5 • Faire exister le féminin en politique 67
Les femmes ne sont pas des politiciens en jupe 68
Autorité ou séduction 69
Rester une femme, féminine ou non 71
La colère de Ségolène Royal 73
Les priorités des femmes 77
Empathie, éthique, transparence 81
6 • Qu’est-ce que la solidarité féminine? 87
La stratégie de la solidarité 88
La vraie solidarité: des contenus féminins en politique 89
Les femmes du président 92
Les femmes ne sont pas toujours solidaires 96
7 • Comment élire plus de femmes 99
Les origines de la parité 99
Les quotas 102
La proportionnelle 106
table des matières 129
Le dilemme féministe 109
Les Parlements traduisent-ils la mixité des sociétés qui les élisent? 111
Conclusion • Pourquoi élire plus de femmes? 113
Le féminin et l’apprentissage de la différence 114
L’avantage féminin 116
Remerciements 123
Liste des entrevues 125
Extrait de la publication
Extrait de la publication
crédits et remerciements
Les Éditions du Boréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour ses activités d’édition et remercient le Conseil des Arts du Canada pour son soutien financier.
Les Éditions du Boréal sont inscrites au programme d’aide aux entreprises du livre et de l’édition spécialisée de la SODEC et bénéficient du programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres du gouvernement du Québec.
Couverture: Christine Lajeunesse
Extrait de la publication
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Marcos Ancelovici et Francis Dupuis-Déri L’Archipel identitaire
Bernard Arcand Abolissons l’hiver! Le Jaguar et le Tamanoir
Margaret Atwood Cibles mouvantes Comptes et Légendes
Denise Baillargeon Naître, vivre, grandir. Sainte-Justine, 1907-2007
Bruno Ballardini Jésus lave plus blanc
Maude Barlow Dormir avec l’éléphant
Maude Barlow et Tony Clarke L’Or bleu
Pierre Beaudet Qui aide qui?
Éric Bédard Les Réformistes
Thomas R. Berger La Sombre Épopée
Gilles Bibeau Le Québec transgénique
Gilles Bibeau et Marc Perreault Dérives montréalaises La Gang: une chimère à apprivoiser
Michel Biron La Conscience du désert
Michel Biron, François Dumont et Élizabeth Nardout-Lafarge Histoire de la littérature québécoise
François Blais Un revenu garanti pour tous
Mathieu Bock-Côté La Dénationalisation tranquille
Jean-Marie Borzeix Les Carnets d’un francophone
Gérard Bouchard et Alain Roy La culture québécoise est-elle en crise?
Serge Bouchard L’homme descend de l’ourse Le Moineau domestique Récits de Mathieu Mestokosho, chasseur innu
Gilles Bourque et Jules Duchastel Restons traditionnels et progressifs
Philippe Breton et Serge Proulx L’Explosion de la communication à l’aube du xxie siècle
Dorval Brunelle Dérive globale
Georges Campeau De l’assurance-chômage à l’assurance-emploi
Jean Carette L’âge dort? Droit d’aînesse
Claude Castonguay Mémoires d’un révolutionnaire tranquille
Luc Chartrand, Raymond Duchesne et Yves Gingras Histoire des sciences au Québec
Julie Châteauvert et Francis Dupuis-Déri Identités mosaïques
Jean Chrétien Passion politique
Adrienne Clarkson Norman Bethune
extrait du catalogue
Extrait de la publication
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Nathalie Collard et Pascale Navarro Interdit aux femmes
Douglas Coupland Marshall McLuhan
Gil Courtemanche La Seconde Révolution tranquille Nouvelles Douces Colères
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Tara Cullis et David Suzuki La Déclaration d’interdépendance
Louise Dechêne Habitants et Marchands de Montréal au xviie siècleLe Peuple, l’État et la guerre au Canada sous le Régime français
Serge Denis Social-démocratie et mouvements ouvriers
Carl Dubuc Lettre à un Français qui veut émigrer au Québec
André Duchesne Le 11 septembre et nous
Christian Dufour La Rupture tranquille
Valérie Dufour et Jeff Heinrich Circus quebecus. Sous le chapiteau de la commission Bouchard-Taylor
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Shirin Ebadi Iranienne et libre
Joseph Facal Quelque chose comme un grand peuple Volonté politique et pouvoir médical
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Ce livre a été imprimé sur du papier 100% postconsommation, traité sans chlore, certifié ÉcoLogo
et fabriqué dans une usine fonctionnant au biogaz.
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Le moNde ?
De plus en plus de femmes exercent le pouvoir au sein d’un parti, d’un ministère, d’un gouvernement, symbo lisant peut-être plus qu’on ne le pense le fait qu’elles entrent enfin dans l’histoire par la grande porte. Mais y a-t-il un pou voir fémi nin ?
Les genres sont définis par une vision de la société, et cette vision se retrouve en chacun de nous. Pascale Navarro défend dans ce livre l’idée selon laquelle le pouvoir féminin n’existe pas en tant que tel, mais qu’un grand nombre de femmes en politique peuvent changer lois, règlements et milieux de vie, parce qu’elles trans-mettent dans l’exercice de leur pouvoir les valeurs du groupe auquel elles appartiennent.
Elle fait d’abord un historique des premiers contacts des femmes avec la politique, afin de comprendre les raisons de leur enga-gement, au Québec et ailleurs. Elle analyse ensuite la nouvelle image maternelle en politique et en examine les enjeux straté - gi ques : sont-ils différents de ceux des hommes ? Elle réfléchit également sur la place qu’occupe le « féminin » en politique.
Pour écrire ce livre, Pascale Navarro a interviewé une vingtaine de politiciennes sur les scènes tant québécoise que canadienne.
Pascale Navarro est journaliste, contribuant à diver ses publi cations montréalaises. Elle est également chroni queuse à Télé-Québec. Au Boréal, elle a publié Interdit aux femmes (1996, avec Nathalie Collard) et Pour en finir avec la modestie féminine (2002).
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ISBN 978-2-7646-2072-4 Boré
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Pascale NavarroLes femmes en politique changent-elles le monde ?
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Extrait de la publication