Les interactions bactériennes dans le tube digestif
of 21/21
Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1989, 8 (2), 291-311. Les interactions bactériennes dans le tube digestif R. DUCLUZEAU et P. RAIBAUD * Résumé : Les interactions entre bactéries qui constituent la microflore du tube digestif peuvent être antagonistes ou synergiques. Certaines bactéries forment une barrière qui s'oppose à l'établissement dans l'intestin de bactéries d'autres espèces, ou de souches différentes de la même espèce. Les auteurs passent en revue les recherches actuelles, qui utilisent l'expérimentation sur animaux gnotoxéniques et portent, notamment, sur Escherichia coli et des bactéries appartenant aux genres Clostridium, Lactobacillus et Bacteroides. MOTS-CLÉS : Anaérobies - Animaux gnotoxéniques - Antagonisme bactérien - Appareil digestif - Bactéries - Enterobacteriaceae - Flore intestinale - Recherche - Synergie. INTRODUCTION Le tube digestif de l'homme et des animaux est une enclave du milieu extérieur qui héberge une population bactérienne caractérisée par sa densité et sa complexité. A l'état d'équilibre, c'est-à-dire chez l'adulte sevré, la flore microbienne des parties distales du tube digestif atteint entre 5 x 10 10 et 2 x 10 11 cellules viables par gramme de contenu frais ; plus de 190 espèces ont été isolées de la flore humaine (20). Malgré quelques variations individuelles, cette flore reste remarquablement stable au sein d'une même espèce. Chez un hôte en bonne santé, une dizaine d'espèces, toujours les mêmes, cohabitent aux plus hauts niveaux de population. Les autres espèces qui constituent la flore sous-dominante sont présentes en nombre moins élevé (Fig. 1). Par ailleurs, des inoculums bactériens, parfois de taille très importante, sont quotidiennement introduits dans le tube digestif, apportés par l'alimentation ou par l'ingestion occasionnelle de débris souillés. Dans la très grande majorité des cas, ces inoculums transitent à travers le tube digestif sans s'y multiplier et sans modifier l'équilibre de l'écosystème. Un exemple frappant, qui montre la stabilité de l'écosystème microbien du tube digestif, est celui du rat et de la souris qui reçoivent le même aliment et sont élevés dans un même local. La flore dominante des fèces de la souris, celle que l'on voit lorsqu'on regarde au microscope optique une goutte d'une dilution au 1/100 entre lame et lamelle, est très différente de celle des rats et cette différence persiste indéfiniment. Les interactions microbiennes sont les responsables principales du maintien et de la régulation de l'écosystème que représente l'hôte et les micro-organismes qu'il héberge dans son tube digestif. Nous envisagerons successivement dans cet article les méthodes d'étude des interactions bactériennes, les différents types d'interactions, leurs variations en fonction de l'hôte et de l'aliment, et ce que l'on sait de leurs mécanismes. * Laboratoire d'Ecologie microbienne, Centre de Recherches de Jouy, 78350 Jouy-en-Josas, France.
Les interactions bactériennes dans le tube digestif
Text of Les interactions bactériennes dans le tube digestif
Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1989, 8 (2), 291-311.
Les interactions bactériennes dans le tube digestif R. D U C L U Z
E A U et P . R A I B A U D *
Résumé : Les interactions entre bactéries qui constituent la
microflore du tube digestif peuvent être antagonistes ou
synergiques. Certaines bactéries forment une barrière qui s'oppose
à l'établissement dans l'intestin de bactéries d'autres espèces, ou
de souches différentes de la même espèce. Les auteurs passent en
revue les recherches actuelles, qui utilisent l'expérimentation sur
animaux gnotoxéniques et portent, notamment, sur Escherichia coli
et des bactéries appartenant aux genres Clostridium, Lactobacillus
et Bacteroides.
MOTS-CLÉS : Anaérobies - Animaux gnotoxéniques - Antagonisme
bactérien - Appareil digestif - Bactéries - Enterobacteriaceae -
Flore intestinale - Recherche - Synergie.
INTRODUCTION
Le tube digestif de l'homme et des animaux est une enclave du
milieu extérieur qui héberge une population bactérienne
caractérisée par sa densité et sa complexité. A l'état d'équilibre,
c'est-à-dire chez l'adulte sevré, la flore microbienne des parties
distales du tube digestif atteint entre 5 x 1010 et 2 x 1011
cellules viables par gramme de contenu frais ; plus de 190 espèces
ont été isolées de la flore humaine (20). Malgré quelques
variations individuelles, cette flore reste remarquablement stable
au sein d'une même espèce. Chez un hôte en bonne santé, une dizaine
d'espèces, toujours les mêmes, cohabitent aux plus hauts niveaux de
population. Les autres espèces qui constituent la flore
sous-dominante sont présentes en nombre moins élevé (Fig. 1).
Par ailleurs, des inoculums bactériens, parfois de taille très
importante, sont quotidiennement introduits dans le tube digestif,
apportés par l'alimentation ou par l'ingestion occasionnelle de
débris souillés. Dans la très grande majorité des cas, ces
inoculums transitent à travers le tube digestif sans s'y multiplier
et sans modifier l'équilibre de l'écosystème. Un exemple frappant,
qui montre la stabilité de l'écosystème microbien du tube digestif,
est celui du rat et de la souris qui reçoivent le même aliment et
sont élevés dans un même local. La flore dominante des fèces de la
souris, celle que l'on voit lorsqu'on regarde au microscope optique
une goutte d'une dilution au 1/100 entre lame et lamelle, est très
différente de celle des rats et cette différence persiste
indéfiniment. Les interactions microbiennes sont les responsables
principales du maintien et de la régulation de l'écosystème que
représente l'hôte et les micro-organismes qu'il héberge dans son
tube digestif. Nous envisagerons successivement dans cet article
les méthodes d'étude des interactions bactériennes, les différents
types d'interactions, leurs variations en fonction de l'hôte et de
l'aliment, et ce que l'on sait de leurs mécanismes.
* Laboratoire d 'Ecologie microbienne, Centre de Recherches de
Jouy, 78350 Jouy-en-Josas , France.
292
10 7-1( ¡ Streptococcus
5 x 1 0 9 - 1 x Bacteroides Eubacterium Pepto.
1010
1 0 " ^
Es tomac D u o d é n u m Sécrétions biliaire et pancréat ique
Jé junum Iléon Cæcum + côlon
Anaérobies facultatifs à Gram positif
Anaérobies facultatifs + anaérobies stricts
Anaérobies stricts à G r a m négatif et positif
FIG. 1
Répartition schématique de la flore microbienne dans les divers
compartiments du tube digestif chez l'homme et le rat
(les chiffres représentent le logarithme du nombre de bactéries par
gramme de contenu frais)
MÉTHODES D'ÉTUDE DES INTERACTIONS BACTÉRIENNES DANS LE TUBE
DIGESTIF
La méthode qui consiste à étudier une interaction donnée entre deux
ou plusieurs souches bactériennes en les cultivant in vitro, dans
un milieu de culture artificiel, puis à extrapoler le résultat
obtenu à ce qui se passe in vivo dans le tractus digestif, conduit
le plus souvent à des théories erronées. Combien de fois n'a-t-on
pas dit et écrit que les bactéries lactiques agissaient dans le
tractus digestif en détruisant les entérobactéries grâce à leur
propriété de produire de l'acide lactique. On oublie seulement que
l'interaction entre bactéries lactiques et entérobactéries a lieu
in vitro dans un milieu riche en sucre, notamment en lactose, où
l'acide lactique s'accumule, alors que les parties basses du
tractus digestif, où se produisent les interactions bactériennes,
contiennent des quantités limitées de sucres fermentescibles dans
les conditions normales d'alimentation, et que l'acide lactique
produit est absorbé rapidement à travers la muqueuse
intestinale.
293
Pour étudier les interactions microbiennes à l'intérieur du tractus
digestif, il est indispensable de disposer d'animaux gnotoxéniques,
c'est-à-dire d'animaux hébergeant uniquement des souches connues de
bactéries intestinales. Ces animaux sont obtenus en ensemençant, en
général per os, des animaux totalement dépourvus de bactéries,
appelés animaux axéniques. Les animaux axéniques ou gnotoxéniques
sont élevés dans des enceintes complètement stériles appelées
isolateurs. Ils se nourrissent d'aliments stériles et respirent un
air stérile. Ces enceintes ont été maintenant adaptées à de
nombreuses espèces animales et même au nouveau-né humain et à
l'adulte lorsqu'ils doivent être protégés rigoureusement contre
l'environnement microbien. Des techniques de césarienne stérile ou,
le plus souvent maintenant, de décontamination à la naissance du
nouveau-né humain ou animal obtenu par voie basse, sont utilisées
pour placer des animaux ou des bébés en axénie (15). Les animaux de
laboratoire, rats et souris, sont les plus utilisés à l'état
axénique. Mais, occasionnellement, d'autres modèles peuvent
s'avérer nécessaires pour étudier certaines interactions. Ainsi, le
poulet axénique représente un modèle précieux pour étudier les
facteurs intervenant dans les interactions microbiennes chez le
nouveau-né. C'est en effet une des rares espèces qui puisse être
nourrie facilement dès la naissance. Cailles et poulets
gnotoxéniques permettent d'étudier l'influence de l'anatomie et de
la physiologie des oiseaux sur l'équilibre de leur flore dans les
divers compartiments de leur tube digestif. Le lièvre axénique a
été nécessaire pour mettre en évidence des effets de barrière dus à
une flore complexe à l'égard de Clostridium difficile, très
pathogène chez cet animal (6).
Un autre outil a été développé dans notre laboratoire pour étudier
les équilibres des flores d'espèces sur lesquelles il est difficile
d'expérimenter pour des raisons éthiques comme l'homme, ou
économiques et techniques comme le porc adulte. C'est la souris
axénique ensemencée per os avec la flore fécale du sujet à étudier.
On constate, au moins pendant les premières semaines qui suivent
l'ensemencement, que la flore qui s'établit chez la souris est très
proche de celle du sujet donneur et très différente de celle de la
souris associée à sa flore habituelle. Par exemple, on a ainsi pu
établir que l'absorption d'antibiotiques par des souris à flore
humaine entraînait des effets mimant exactement ceux que l'on
observe chez les sujets recevant le même antibiotique. C'est donc
un des rares cas où l'on peut expérimenter directement sur la flore
humaine par animal axénique interposé (1).
Les techniques d'élevage des animaux gnotoxéniques se sont
considérablement simplifiées depuis quelques années, mais ne sont
évidemment pas disponibles dans tous les laboratoires. Ceci
explique pour une part la pauvreté de nos connaissances actuelles
sur les mécanismes d'interactions bactériennes, d'autant plus que
les méthodes permettant de dénombrer les bactéries du tube digestif
et d'identifier leurs métabolites sont, elles aussi, fort
complexes. En effet, les bactéries qui jouent un rôle prédominant
sont pour la plupart anaérobies strictes. Toutes doivent croître en
l'absence d'air, mais certaines peuvent être manipulées en présence
d'air et les techniques de dénombrement quantitatif qui leur sont
applicables sont relativement simples. D'autres, au contraire, sont
tuées par un contact, même bref (dix minutes dans certains cas),
avec l'oxygène de l'air. Il faut que l'échantillon soit placé le
plus rapidement possible à l'intérieur d'une chambre anaérobie pour
y dénombrer ce type de bactéries. La chambre est remplie d'un
mélange de gaz réducteur (H 2 : 10 %, CO 2 : 5 %, N 2 : 85 %) qui
est en permanence débarrassé des traces d'oxygène grâce à un
catalyseur, l'oxyde de palladium. Pour séparer les innombrables
métabolites bactériens, il faut utiliser les méthodes actuelles de
Chromatographie et d'électophorèse ; pour les doser, il faut faire
appel aux méthodes enzymatiques ou immuno-enzymatiques. En bref,
l'étude des interactions requiert un laboratoire bien équipé dans
un centre de recherche pluridisciplinaire.
294
INTERACTIONS BACTÉRIENNES PORTANT SUR LES NIVEAUX DE POPULATION DES
DIFFÉRENTES SOUCHES DE L'ÉCOSYSTÈME
Facteurs d'établissement d'une souche bactérienne dans le tube
digestif
Lorsqu'on fait ingérer une souche bactérienne quelconque à un
animal axénique, celle-ci s'établit dans le tube digestif en 12 à
24 heures dans la grande majorité des cas, c'est-à-dire qu'au bout
de ce temps, l'inoculum s'est multiplié et la population
bactérienne atteint son niveau maximum dans les divers
compartiments du tractus, niveau qui, sauf rares exceptions,
restera stable aussi longtemps que l'animal restera associé à cette
seule souche bactérienne.
Si la souche bactérienne ne s'établit pas, c'est que les conditions
physicochimiques du milieu digestif ne permettent pas sa croissance
: température trop élevée pour les bactéries psychrophiles
strictes, trop basse pour les thermophiles strictes ; potentiel
d'oxydo-réduction trop bas pour les souches aérophiles, trop élevé
parfois pour les souches anaérobies très strictes ; facteurs
nutritionnels qui ne sont pas apportés par l'alimentation ou au
contraire facteurs bactéricides ou bactériostatiques présents dans
le tube digestif.
Une souche bactérienne donnée, que l'on ensemence chez un animal
gnotoxénique et qui est capable de s'y développer, va s'établir à
un niveau de population variable selon le site gastro-intestinal et
l'aliment que reçoit l'hôte. L'estomac, le rumen et le jabot sont
les premiers réservoirs où le bol alimentaire séjourne quelques
heures et où la bactérie peut se multiplier. Le niveau de
population atteint dépend de son temps de doublement dans les
conditions physicochimiques où elle se trouve et du rythme de
vidange des réservoirs en question. La plus grande partie de
l'intestin grêle, en revanche, n'est pas un lieu de prolifération
bactérienne chez un hôte en bonne santé, simplement parce que le
transit intestinal y est trop rapide pour que les bactéries aient
le temps de s'y diviser. Dans tous les cas où il y a prolifération
bactérienne dans l'intestin grêle - adhésion à la paroi, accidents
mécaniques provoquant une stase du bol alimentaire - on observe des
troubles pathologiques. A la fin de l'intestin grêle, qui
correspond à l'iléon, et dans le gros intestin (cæcum, côlon,
rectum), la stase alimentaire est de règle et toutes les bactéries
intestinales ont le temps requis pour s'y multiplier. Le niveau de
population va dépendre essentiellement des substrats que la
bactérie va pouvoir utiliser pour sa division et, là encore, du
rythme de vidange du gros intestin. Toutes les souches bactériennes
n'atteignent pas le même niveau de population dans le gros intestin
d'animaux gnotoxéniques. Celui-ci peut varier de plus de 10 n
cellules bactériennes viables par gramme de matière fraîche, par
exemple pour une souche Bacteroides, à 5 x 108 pour une souche de
Clostridium difficile.
Antagonismes bactériens
Lorsqu'on ensemence deux souches bactériennes ensemble ou
successivement, deux cas sont possibles. Ou bien les deux bactéries
se développent ensemble aussi bien que lorsqu'elles se trouvent
seules et l'équilibre qui s'établit ainsi est généralement stable,
ou bien une interaction apparaît entre les deux bactéries inoculées
: l'une des bactéries l'emporte sur l'autre et éventuellement
l'élimine totalement, quel que soit l'ordre d'inoculation. Ces
observations permettent de faire table rase de la vieille théorie
du premier occupant, qui voulait que la première souche implantée
«occupe le terrain» et de ce simple fait interdise la prolifération
de n'importe quelle autre bactérie introduite ultérieurement.
295
Lorsqu'on ensemence un nombre plus élevé de souches bactériennes
chez un animal gnotoxénique, on peut constater une véritable
réaction en chaîne, chaque modification d'équilibre entre deux
souches pouvant entraîner un changement dans les populations des
autres. L'observateur ne perçoit que le résultat de cet ensemble
d'interactions que nous avons désigné par le terme de mécanisme
intégré. Ces mécanismes intégrés atteignent un niveau de complexité
maximum chez un hôte holoxénique, c'est-à-dire chez un hôte qui est
élevé depuis sa naissance dans un environnement microbien non
contrôlé. Chez celui-ci, en effet, on constate que les niveaux de
population des différentes souches que l'on sait dénombrer
sélectivement varient entre 103 et 1011
par gramme. Si une souche dont le niveau de population est de 103
chez un hôte holoxénique s'établit à un niveau de population de 109
ou plus par gramme chez un hôte gnotoxénique, lequel reçoit le même
aliment que l'holoxénique, on peut en conclure que des interactions
bactériennes sont responsables de la différence entre les niveaux
de population.
D'autre part, lorsqu'une souche est introduite dans le tractus
gastro-intestinal d'un hôte holoxénique et qu'elle ne s'y établit
pas, alors qu'elle s'établit dans celui d'un hôte axénique, c'est
qu'il y a, là encore, interactions entre les souches bactériennes
déjà établies et celle que l'on introduit, volontairement ou
involontairement, dans le tractus gastro-intestinal. Dans ce cas,
on parle plus précisément d'effets de barrière microbiens ou de
résistance à la colonisation.
L'établissement d'une souche bactérienne dans le tube digestif est
défini comme la colonisation permanente après une administration
unique de l'inoculum bactérien. Pour mettre en évidence
l'établissement d'une souche ou au contraire son transit passif, on
dispose d'une méthode microbiologique. Celle-ci utilise un marqueur
de transit constitué par des spores d'un Bacillus thermophile
strict, qui ne germent pas durant leur passage dans le tube
digestif de l'hôte, mais qui résistent à tous les facteurs
inhibiteurs qu'elles rencontrent sans perdre leur viabilité. On
peut facilement les dénombrer sélectivement dans les fèces à leur
température optimum de croissance (60°C) à laquelle pratiquement
aucune autre bactérie du tube digestif ne se multiplie. On associe
à un inoculum de spores de Bacillus un nombre à peu près équivalent
de cellules viables de la souche dont on veut étudier
l'établissement dans le tube digestif. Si la courbe d'élimination
de la souche est parallèle à celle des spores de Bacillus, on en
déduit que cette souche ne fait que transiter passivement comme le
marqueur (Fig. 2). On voit alors que la flore de barrière exerce
seulement un effet bactériostatique sur la bactérie cible qui est
ensuite éliminée passivement par le péristaltisme du tube digestif.
Certaines bactéries disparaissent parfois plus vite du tube
digestif que le marqueur de transit, ce qui indique qu'elles sont
en partie détruites durant le transit. D'autres, au contraire,
subsistent en petit nombre après la disparition du marqueur, ce qui
indique qu'elles continuent à se multiplier à un taux faible, mais
suffisant pour compenser l'évacuation : on retrouve alors des
«porteurs sains» (8). Dans le cas d'une administration journalière
d'une culture d'une souche qui ne s'établit pas mais qui n'est pas
triée par les bactéries résidentes, on peut observer que le niveau
de population fécal de la souche se maintient à des valeurs qui
dépendent du nombre de cellules viables ingérées. Dans ce cas, il
s'agit d'un établissement apparent, qui diffère de l'établissement
proprement dit tel qu'il a été défini plus haut.
Au Laboratoire d'Ecologie microbienne de Jouy-en-Josas, nous
utilisons volontiers divers qualificatifs pour caractériser un
effet de barrière microbien. Lorsqu'une souche, que nous
appellerons souche cible, est soumise à un effet de barrière dû à
une ou plusieurs autres souches, que nous appellerons souches
inhibitrices, diverses
296
heures
F I G . 2
Mise en évidence d'un effet de barrière drastique Transit comparé
de spores de Bacillus subtilis (marqueur de transit inerte)
et de Shigella flexneri dans le tube digestif de souris
holoxéniques (d 'après Ducluzeau et coll., 8)
éventualités peuvent être envisagées. L'effet de barrière exercé
par les souches inhibitrices est dit drastique si la souche cible
est éliminée totalement comme le sont les spores de Bacillus. Il
est dit permissif si la souche cible se maintient dans le tractus
gastro-intestinal à un niveau de population inférieur à celui
qu'elle atteindrait en l'absence d'effets de barrière, c'est-à-dire
si elle est réprimée mais non éliminée par les souches
inhibitrices. Selon l'ordre d'inoculation des souches, l'effet de
barrière est dit curatif si la souche cible est éliminée ou
réprimée par les souches inhibitrices bien qu'elle soit inoculée en
premier. Il est dit préventif s'il se manifeste seulement lorsque
la souche cible est inoculée après les souches inhibitrices. Selon
la nature des souches en présence, l'effet de barrière est
intraspécifique si souches cible et inhibitrices appartiennent à la
même espèce. Il est interspécifique si souches cible et
inhibitrices appartiennent à des espèces différentes. Ces
différents vocables traduisent les diverses modalités des effets de
barrière microbiens.
Exemples d'effets de barrière intraspécifiques
Les travaux de Duval-Iflah et coll. (17, 18, 19) illustrent les
effets de barrière intraspécifiques entre souches de Escherichia
coli. Chez des souris gnotoxéniques, ils montrent qu'une souche de
E. coli n'hébergeant aucun plasmide exerce en général un effet de
barrière préventif, le plus souvent permissif, sur des souches
cibles de E. coli qui ne diffèrent de la souche inhibitrice que par
un ou plusieurs plasmides, que l'on y introduit par conjugaison. Le
rôle d'un tel effet de barrière est important si l'on songe que les
souches cibles réprimées sont porteuses de plasmides codant pour la
résistance aux antibiotiques ou pour la production de substances
entérotoxiques. Duval-Iflah et coll. (18) ont montré qu'une telle
souche inhibitrice, si elle est
297
administrée oralement à des nouveau-nés humains dans les heures qui
suivent la naissance, peut réprimer les souches de E. coli
porteuses de plasmides de résistance (Fig. 3). Certains nouveau-nés
non inoculés acquièrent d'ailleurs spontanément des souches de E.
coli sans plasmide (il en existe encore, même dans une maternité
d'hôpital), qui ont le même effet que la souche inoculée.
Expérimentalement, Duval- Iflah et coll. (17) ont démontré en outre
que la souche inhibitrice pouvait acquérir un effet de barrière
curatif et pas seulement préventif vis-à-vis des mêmes souches
cibles si elle était maintenue pendant un mois dans le tractus
gastro-intestinal de souris gnotoxéniques. Cette caractéristique
disparaît dès le premier repiquage dans un bouillon de culture de
la souche «adaptée».
Jours après la naissance
FIG. 3
Effe t de barrière intraspécif ique entre souches d'Escherichia
coli dans le tube digestif d 'un n o u v e a u - n é h u m a i
n
(d 'après Duval-Iflah et coll., 18)
D'autres effets de barrière intraspécifiques et permissifs ont été
observés par Ducluzeau et coll. (16) entre souches de E. coli
sensibles et résistantes à un bactériophage, entre souches de
Lactobacillus acidophilus qui ne différaient que par la
fermentation du tréhalose (13), entre souches de Lactobacillus
fermenti différant par la présence de plasmides chez la souche
inhibitrice. Tout récemment, une
298
interaction intraspécifique entre une souche de Clostridium
difficile toxinogène et un mutant spontané non toxinogène a été
observée par Corthier et Muller. Le mutant non toxinogène exerce un
effet de barrière préventif sur la souche parentale toxinogène (4).
Cette interaction a une conséquence importante puisqu'elle permet
de protéger toutes les souris inoculées avec la souche toxinogène,
qui les tue toutes si elle est inoculée seule.
Exemples d'effets de barrière interspécifiques
Plusieurs modèles expérimentaux utilisant des animaux gnotoxéniques
ou des animaux inoculés avec une flore dont la composition n'est
pas connue, mais qui sont élevés en isolateur comme les animaux
gnotoxéniques, permettent de mettre en évidence des effets de
barrière interspécifiques contre de nombreuses souches cibles,
notamment celles qui sont potentiellement pathogènes : Clostridium,
entérobactéries telles que salmonelles, shigelles, staphylocoques,
Candida. A notre connaissance, un seul article démontre un effet de
barrière interspécifique chez un nouveau-né. II s'agit de l'article
de Hudault et coll. (25), qui montre l'élimination d'une souche de
Lactobacillus casei du tractus gastro-intestinal d'un enfant élevé
en isolateur à cause d'une suspicion de déficit immunitaire sévère.
Les analyses immunologiques ayant montré que l'enfant n'était pas
atteint, s'est posé le problème de sa sortie d'isolateur. Le
protocole expérimental prévoyait l'inoculation de quatre souches
appartenant aux quatre espèces les plus fréquemment isolées dans
les selles de nouveau-nés holoxéniques, à savoir une souche de E.
coli, une de Streptococcus, une de Bifidobacterium, une de
Bacteroides. Toutefois, avant d'introduire ces quatre souches, le
nouveau-né a été préalablement inoculé avec une souche de L. casei,
vendue en pharmacie sous l'appellation de L. acidophilus et censée
s'établir dans le tractus gastro intestinal humain. La souche
s'est effectivement établie chez le nouveau-né, elle a produit des
acides D et L-lactiques, qui ont amené le pH des selles aux
environs de 5,5. Cependant, lorsque les quatre souches habituelles
ont été inoculées en une seule fois à l'enfant, la souche de L.
casei a été éliminée des selles en quelques jours. Comme la souche
de E. coli avait été la première à s'établir dans le tractus
gastro-intestinal de l'enfant, Hudault et coll. ont pensé qu'elle
était responsable de l'effet de barrière curatif exercé contre la
souche de L. casei (Fig. 4). En effet, cette interaction a été
reproduite chez des souris gnotoxéniques. Nous avons décrit en
détail cette observation car elle montre à l'évidence que les
études in vivo peuvent donner des résultats exactement opposés aux
études in vitro. Une telle interaction explique probablement
pourquoi les lactobacilles, y compris L. acidophilus, ne font pas
partie de la flore dominante des nouveau-nés, qu'ils soient nourris
au lait maternel ou au lait maternisé, puisque E. coli est la
souche qui s'installe la première dans leur tractus
gastro-intestinal (28).
Un autre type d'interactions interspécifiques, mettant en jeu un
couple de souches E. coli et Staphylococcus pyogenes, a été décrit
par Ducluzeau et Raibaud (12). Cette interaction pourrait rendre
compte du fait que les staphylocoques sont très rarement des
bactéries atteignant des niveaux de population élevés, bien
qu'elles soient capables de le faire chez un animal
gnotoxénique.
Lorsqu'on tente d'isoler, dans la flore dominante d'un animal ou
d'un homme adulte, les bactéries réellement responsables d'un effet
de barrière précis, on se heurte à d'importantes difficultés
techniques liées au grand nombre de souches et de mélanges de
souches à tester et à l'impossibilité fréquente de cultiver
certaines souches de bactéries anaérobies strictes. C'est pourquoi
il existe très peu de travaux rapportant
299
F I G . 4
Effe t de barrière interspécif ique chez le n o u v e a u - n é h u
m a i n
Elimination d 'une souche de Lactobacillus casei par une flore
complexe chez un enfant gnotoxénique
(d'après Hudaul t et coll. , 25)
l'identification complète d'une flore de barrière. On peut citer
ici ceux de Corpet et coll. (2) et de Yurdusev et coll. (31), qui
ont décrit l'effet inhibiteur de souches anaérobies strictes
isolées des fèces de porcelets holoxéniques sur une souche cible de
Clostridium perfringens (Fig. 5). Ducluzeau et coll. (10) ont
observé deux souches de Clostridium extrêmement sensibles à
l'oxygène, issues de la flore dominante de la souris holoxénique,
inhibant chez des souris gnotoxéniques la croissance de Shigella
flexneri mais seulement en présence d'une souche de E. coli. Le
plus souvent, les travaux rapportent l'effet inhibiteur de mélanges
de souches cultivables globalement mais dont ni le nombre exact, ni
la nature exacte ne sont connus. Certes, Freter et coll. (23) ont
décrit l'interaction entre une souche cible de E. coli et une
collection
300
F I G . 5
E x e m p l e d'effet de barrière interspécif ique dû à une assoc
ia t ion bactér ienne c o n n u e
Barrière drastique exercée par l 'association de Fusobacterium sp.
(F), Clostridium sp. (C) et Bacteroides sp. (B) à l 'égard de
diverses souches de Clostridium perfringens isolées
du rat ( P R ) , du porc ( P P ) et du lièvre (PL)
(d 'après Yurdusev et coll., 31)
de 100 souches inhibitrices anaérobies strictes, isolées de la
flore fécale de la souris holoxénique. Mais ils n'ont pas démontré
que les 100 souches étaient nécessaires à l'activité inhibitrice,
ni d'ailleurs qu'elles étaient réellement implantées chez les
animaux. Hudault (26) a de même cultivé à partir du cæcum de souris
holoxéniques un mélange non totalement déterminé de Clostridium
fusiformes actifs sur une souche cible de C. perfringens. De
nombreux travaux, à la suite de ceux de Nurmi et coll. (27), ont
cherché à déterminer les souches présentes dans les fèces de
poulets adultes et capables d'inhiber la croissance des salmonelles
dans le tube digestif des poulets. Nurmi et coll. ont réussi à
obtenir un mélange efficace de souches cultivables, mais dont la
composition est restée inconnue. Une telle culture mixte, dont on
peut contrôler la constance, est naturellement difficile à
exploiter en pratique. Hudault et coll. (24) ont réussi à obtenir,
à partir de la dilution au millionième de fèces de poulets
301
holoxéniques, un mélange connu de 14 souches anaérobies strictes et
de 2 souches anaérobies facultatives, exerçant à l'égard de
Salmonella typhimurium un effet de barrière seulement partiel chez
le poulet holoxénique.
Les caractéristiques principales des barrières
interspécifiques
Malgré le petit nombre d'exemples clairement décrits, on peut déjà
discerner certaines caractéristiques communes aux flores de
barrière présentes dans la flore dominante des animaux adultes et
donc constituées pour l'essentiel de souches bactériennes
anaérobies strictes.
Les barrières connues sont toutes dues à des mélanges de bactéries
agissant en synergie : trois ou même deux dans les barrières
anti-C. perfringens issues de porcelet (31), plusieurs également
dans les barrières de souris anti-C. perfringens (25) (Fig. 6) ou
anti-Shigella flexneri (10). Dans tous les cas étudiés, chaque
souche de barrière ensemencée seule n'exerce qu'un effet faible,
voire nul à l'égard de la souche cible.
F I G . 6
Effe t de synergie entre bactéries exerçant un effet de
barrière
Elimination de C. perfringens (CP) par une association de souches
de Clostridium (souches 10, C 3 et C1) isolées du caecum de souris
holoxéniques
(d 'après Hudaul t et coll., 26)
Ces effets de barrière sont spécifiques en ce sens que certaines
souches cibles y sont sensibles et d'autres non. Cette spécificité
ne dépend pas de la position taxonomique de la souche cible : par
exemple, C. perfringens type A et S. flexneri sont inhibés de la
même façon par une barrière simplifiée issue de la souris, alors
que C. perfringens type C ne l'est pas. De même, la barrière de
porcelet à deux souches est plus active sur le type C que sur le
type A de C. perfringens.
La propriété d'exercer un effet de barrière est l'apanage exclusif
de certaines souches de bactéries et n'est pas non plus liée à leur
position taxonomique. Ainsi,
302
dans les deux exemples de barrière anti-C. perfringens rapportés
précédemment, on a constaté qu'on ne pouvait pas remplacer
indifféremment les souches actives de Bacteroides et de
Fusobacterium par d'autres souches appartenant au même genre, voire
à la même espèce, isolées des mêmes animaux. En revanche, ces
barrières sont dites «redondantes» au sens anglo-saxon. Ceci
signifie qu'on peut trouver dans la flore d'un holoxénique
plusieurs souches capables d'exercer le même effet de barrière sur
la même cible. Si l'on pense à l'importance capitale qu'a pu
revêtir, au cours de l'évolution d'une espèce animale, le maintien
constant dans le tube digestif d'une barrière dirigée contre un
micro-organisme pathogène majeur de l'environnement, on comprend
bien l'intérêt de la sélection, au cours du temps, d'un ensemble de
systèmes de défense capables de se compenser en cas de déficience
de l'un d'eux (Fig. 7). La nature curative ou préventive, drastique
ou permissive des barrières microbiennes est une caractéristique
des souches qui les composent. Dans certains cas de barrière
seulement préventive, on a pu démontrer que la persistance des
souches cibles implantées en premier était due à un phénomène
d'adaptation. On voit en effet apparaître, dans la population de
souches sensibles à la barrière associée à un animal axénique, des
clones mutants, résistants à la barrière, qui forment
progressivement la population dominante (14). Le mécanisme d'une
telle sélection reste inconnu et ce phénomène n'est pas
général.
Il - I 2 : Premier et deuxième inoculums de C. difficile (C.d.) et
du marqueur de transit (T .m. ) , c 'est-à-dire de spores d 'une
variété thermophi le stricte de Bacillus subtilis. Les chiffres
indiquent le l o g 1 0 du nombre de cellules viables et de spores
inoculées.
En trait plein, nombre de cellules viables de C. difficile, en
trait discontinu, nombre de spores du mar queur de transit .
Les deux premiers inoculums de C. difficile sont éliminés dras t
iquement , plus vite que le marqueur de transit . Au 66 e j ou r d
'expérience, l'effet de barrière a brusquement cessé, sans
modification apparente de l 'envi ronnement .
FIG. 7
Variabil ité de l 'effet de barrière. Cinét ique du n o m b r e de
cel lules viables
de Clostridium difficile dans les fèces de souris g n o t o x é n i
q u e s
hébergeant une f lore fécale humaine
303
Effets synergiques
Les interactions ayant trait aux niveaux de population ne sont pas
seulement des forces antagonistes. Il peut s'agir aussi de forces
synergiques. Ainsi, l'établissement de souches anaérobies strictes
très sensibles à l'oxygène (EOS) dans le tractus gastro intestinal
d'animaux gnotoxéniques n'est possible que si d'autres souches
résistantes à l'oxygène s'établissent au préalable et amènent le
potentiel d'oxydo-réduction de l'intestin à un niveau compatible
avec l'établissement des souches EOS. D'autres exemples montrent
une interaction plus spécifique entre deux souches. Ainsi, Dubos et
coll. (7) ont montré qu'une souche de C. difficile permettait
l'établissement d'une souche de C. perenne dans l'intestin de
souris gnotoxéniques recevant un aliment semi- synthétique. Dans ce
cas, la souche de C. difficile hydrolyse un dipeptide très
particulier, ß-aspartique-e-lysine, apporté dans l'aliment par la
caséine chauffée, non absorbable et qui est un inhibiteur du
développement de C. perenne lorsqu'il chélate le cuivre de
l'aliment dans l'intestin. Dans le rumen, Fonty et coll. (21) ont
montré que le développement des souches cellulolytiques,
essentiellement Bacteroides succinogenes, Ruminococcus flavefaciens
et R. albus, dépendait de l'établissement préalable d'autres
souches bactériennes. Ducluzeau et coll. (11) ont étudié la
synergie entre un mutant auxotrophe de E. coli exigeant en acide
diaminopimélique (DAP), utilisé comme receveur en génie génétique,
et diverses souches de Clostridium contenant du DAP dans leur
paroi. Ils ont observé que la présence dans le tube digestif de
certaines de ces souches de Clostridium fournissaient assez de DAP
au mutant de E. coli pour leur permettre de s'implanter. Il est
hautement probable, mais non encore démontré, que des synergies
entre souches sont indispensables pour que se construise la flore
complexe d'un adulte holoxénique. Au fur et à mesure que les
souches pionnières s'établissent, des facteurs inhibiteurs
disparaissent, des facteurs de croissance apparaissent et la flore
se diversifie jusqu'à atteindre un état d'équilibre régi par les
antagonismes bactériens, dont l'expression dépend de l'hôte et de
son environnement.
INTERACTIONS MÉTABOLIQUES ENTRE SOUCHES BACTÉRIENNES PRÉSENTES DANS
LE TUBE DIGESTIF
Ce type d'interactions ne nécessite pas que les niveaux de
population des souches qui interagissent soient profondément
modifiés. Un exemple récent l'illustre. La souche toxinogène de C.
difficile étudiée par Corthier et coll. (3) tue 100 % des souris
gnotoxéniques. Elle n'en tue aucune lorsque certaines souches de E.
coli ou de Bifidobacterium bifidum sont au préalable établies chez
les souris gnotoxéniques. Et cependant, ces souches n'exercent
aucun effet antagoniste à l'égard de la population de C. difficile.
Mais, si l'on dose la cytotoxine de la souche cible dans les
contenus intestinaux, on s'aperçoit que sa concentration diminue
fortement lorsque les souches inhibitrices sont présentes dans
l'écosystème. Il y a donc inhibition de la production de la
cytotoxine de C. difficile sans modification notable de son niveau
de population (Fig. 8). Un phénomène analogue a été observé par
Duval-Iflah et coll. (17) chez des porcelets gnotoxéniques inoculés
d'abord avec une souche non toxinogène, puis avec une souche
toxinogène de E. coli. La souche non toxinogène protège le porcelet
sans pour autant faire baisser d'une manière importante le niveau
de population de la souche toxinogène. Mais, dans ce modèle
expérimental, les toxines n'ont pas pu être dosées et donc on n'a
pas pu démontrer qu'il s'agissait d'une interaction
métabolique.
304
Clostridium difficile
log10 Titre de cytotoxine N b C. difficile/g fèces ( l o g 1 0
dilution)
* p < 0,001 vs contrôles C. : contrôles a : souris mortes
S.b. : traitées b : souris survivantes
Taux de mortal i té , colonisation fécale par Clostridium difficile
et titre de cytotoxine observés chez des souris gnotoxéniques 2
jours après l ' inoculat ion orogastr ique de 5 x 10 7 C.
difficile. Les souris traitées (S.b.) recevaient ad libitum une
solution contenant 5 x 10 9 Saccharomyces boulardii par ml depuis
le quatr ième jou r précédant l ' inoculat ion, les souris
contrôles (C) recevaient de l 'eau. On constate que si la
colonisation fécale par C. difficile n 'es t pas influencée par le
t rai tement, le titre de cytotoxine est réduit de près de 1 000
fois chez les souris survivantes protégées par S. boulardii. Il est
à noter que le taux de mor ta lité est resté stable après l
'arrêt du trai tement par S. boulardii (10 jours au tota l )
.
FIG. 8
E x e m p l e d' interact ion m éta bo l i que
(d 'après Corthier et coll., 3)
A l'inverse, il existe aussi des cas de synergie métabolique. Par
exemple, les bactéries méthanigènes ne produisent du méthane dans
le tractus gastro-intestinal du ruminant que si d'autres bactéries
leur fournissent l'hydrogène et les précurseurs carbonés
nécessaires. Chez le poulet gnotoxénique recevant de l'amidon et du
lactose, Szylit et coll. (30) constatent une production supérieure
d'acides gras volatils par une souche de Clostridium et une souche
de Veillonella en présence d'une souche de Lactobacillus
amylolytique qu'en l'absence de celle-ci. La production d'acide
lactique par le lactobacille et sa réutilisation ultérieure par les
bactéries anaérobies strictes semble donc, dans ce modèle, une
façon de mieux utiliser les substrats carbonés de l'aliment. Dabard
et Dubos (5) ont démontré que la mortalité néonatale du levraut
était liée à une action toxique synergique de deux Clostridium
toxinogènes, C. difficile et C. perfringens.
Sacquet et coll. (29) ont décrit un autre type de synergie
métabolique pour la production d'un métabolite bactérien de l'acide
ß-muricholique, qui est l'un des deux acides biliaires fabriqués
par le foie du rat, sous forme d'un dérivé de la taurine
305
principalement. Le métabolite en question, l'acide q-muricholique,
qui diffère du précédent par la position de l'hydroxyle attaché au
carbone 6 de la molécule, est produit par une souche de Clostridium
lorsqu'on lui associe une souche de Bacteroides. Dans ce cas, le
Bacteroides hydrolyse l'acide tauro-ß-muricholique, le dérivé de la
taurine qui arrive dans le cæcum du rat, rendant ainsi accessible
au système enzymatique du Clostridium l'acide ß-muricholique.
EFFET DE L'HÔTE ET DE SON ALIMENT SUR L'EXPRESSION DES INTERACTIONS
BACTÉRIENNES
Le fait qu'il existe de très nombreuses différences dans la
composition de la flore gastro-intestinale selon l'espèce animale
considérée implique un rôle prééminent de l'hôte. Pourtant ce rôle
est pratiquement inconnu. On peut le concevoir ainsi : le mode
alimentaire, la nature de l'aliment et celle des sécrétions et des
excrétions de l'hôte orientent probablement les premières séquences
d'établissement bactérien, dont on sait qu'elles diffèrent selon
l'espèce animale. Puis, l'évolution des paramètres physiologiques
et alimentaires de l'hôte, qui diffère aussi selon l'espèce
animale, influe probablement sur l'évolution des interactions
bactériennes qui sont permissives pour certaines souches mais en
excluent d'autres. Plusieurs auteurs ont observé que la souris
axénique est un bon accepteur de flores bactériennes d'origine
variée : porcs, rats, poussins, humains, en ce sens que beaucoup de
fonctions exercées par la flore chez son hôte d'origine s'exercent
aussi chez la souris receveuse. Toutefois, si la souris receveuse,
qui est élevée en isolateur, est placée dans un élevage
d'holoxéniques, en quelques jours elle acquiert une flore de type
souris. Ceci montre que les souches de souris holoxéniques sont
capables d'exercer des effets de barrière drastiques et curatifs
sur les souches provenant d'autres espèces animales.
Les travaux de Yurdusev et coll. (31) mettent en évidence un effet
de l'hôte sur l'expression de l'effet de barrière exercé par deux
souches inhibitrices contre une souche cible de C. perfringens.
Alors que cet effet de barrière est drastique chez la souris
gnotoxénique, il n'est que permissif chez le rat hébergeant les
mêmes souches inhibitrices (qui atteignent les mêmes niveaux
d'implantation), et recevant le même aliment. Un autre exemple du
rôle de l'hôte nous est montré dans l'article de Ducluzeau et
Raibaud (14) : une souche de Shigella flexneri est éliminée par une
souche de E. coli lorsque 5. flexneri est associée à la souris
gnotoxénique depuis une semaine seulement. Mais, si S. flexneri est
associée pendant trois mois à la souris gnotoxénique, elle n'est
plus éliminée par la souche de E. coli. L'hôte a donc sélectionné
en trois mois une population de S. flexneri différente de la
population initiale.
L'effet de l'aliment sur l'expression des interactions bactériennes
est tout aussi mal connu que celui de l'hôte, mais tout aussi
intéressant. Les travaux de Sacquet et coll. (29), notamment,
montrent clairement que des changements d'aliments peuvent se
traduire par des modifications profondes des métabolites bactériens
dans l'intestin, donc par des modifications des interactions
bactériennes. Pour revenir aux modèles expérimentaux étudiés par
Yurdusev et coll. (31), le simple fait de stériliser par
autoclavage l'aliment des souris, au lieu de l'irradier, a pour
conséquence de transformer l'effet de barrière drastique exercé par
les deux souches inhibitrices vis- à-vis de la souche cible en un
effet de barrière permissif. Il s'agit bien, dans ce cas, d'une
modification de l'expression de l'effet de barrière et non d'une
action directe de l'aliment autoclavé sur le niveau de population
des souches inhibitrices, puisque ce dernier reste inchangé (Fig.
9).
306
P = Clostridium perfringens
B = souches de barr ière (Clostridium C, Fusobacterium et
Bacteroides B 2 )
• = lot de rats recevant d ' abo rd le régime irradié, puis le
régime autoclavé
O = lot de rats recevant d ' abo rd le régime autoclavé, puis le
régime irradié
Influence du mode de stérilisation du régime alimentaire de rats
gnotoxéniques sur l'effet de barrière exercé par trois souches
bactériennes
anaérobies strictes sur Clostridium perfringens
(d 'après Yurdusev et coll., 31)
MÉCANISMES DES INTERACTIONS BACTÉRIENNES
S'il est un domaine où le manque de connaissances fondamentales se
fait cruellement sentir, c'est bien celui des mécanismes des
interactions bactériennes dans le tractus gastro-intestinal. Il est
tellement plus simple d'étudier ces interactions dans un tube de
culture ou dans un fermenteur ! Les mécanismes de synergie entre
souches bactériennes sont probablement multiples ; nous en avons
cité deux exemples. Dans le cas de l'interaction C. difficile-C.
perenne, le mécanisme était l'hydrolyse du dipeptide ß-aspartique
-e-lysine par C. difficile. Dans le cas de l'interaction entre une
souche de Clostridium et une souche de Bacteroides, le mécanisme
était l'hydrolyse de la liaison amide tauro-ß-muricholique. Mais on
est loin de connaître tous les
307
mécanismes de synergie qui interviennent sans doute dans les
séquences d'établissement des souches dans le tractus
gastro-intestinal, même si on peut supposer qu'ils aboutissent soit
à la disparition de facteurs inhibiteurs, soit à la production de
facteurs de croissance. La connaissance précise de ces facteurs
serait du plus grand intérêt pour comprendre et, éventuellement,
corriger le déroulement depuis la naissance des phénomènes qui
aboutissent à la flore complexe de l'adulte.
Les mécanismes des antagonismes bactériens dans le tractus
gastro-intestinal sont eux aussi très mal connus. Peut-on penser
que les différents types d'antagonismes mis en évidence in vitro
peuvent agir in vivo ? La réponse est très probablement non dans la
plupart des cas. L'acide lactique est un puissant bactéricide in
vitro. Chez un monogastrique pourvu d'une lactase intestinale,
l'acide lactique est produit en faible quantité dans le gros
intestin, seulement lorsque la capacité d'hydrolyser le lactose de
l'intestin grêle est saturée. Chez le nouveau-né inoculé avec une
souche de L. casei, l'acide L-lactique était présent dans les
selles. Néanmoins, E. coli a éliminé L. casei. Beaucoup d'auteurs
ont prétendu que les acides gras volatils étaient responsables des
antagonismes bactériens in vivo comme in vitro. Lorsque les
mécanismes sont étudiés in vivo, on s'aperçoit qu'il n'en est rien.
Ainsi, Hudault et coll. (24) ont montré qu'il n'y avait aucune
relation de cause à effet entre la teneur en acides gras volatils
dans les cæcums et l'élimination de Salmonella typhimurium du
tractus gastro-intestinal chez des souris et des poussins
gnotoxéniques. La production d'un antibiotique non absorbable, de
type bacitracine, par une souche de Bacillus a été démontrée par
Ducluzeau et coll. (9) dans le tractus intestinal de souris
gnotoxéniques. Elle est suffisante pour inhiber une souche
sensible. Mais, dès qu'un lactobacille est introduit dans
l'écosystème, le Bacillus ne produit plus d'antibiotique et la
souche sensible coexiste avec lui et le lactobacille. A notre
connaissance, aucune souche productrice in vivo d'antibiotiques,
capable d'être décelée par les tests classiques de diffusion en
gélose, n'a été isolée d'un tractus gastro intestinal. La
production de bactériocines a souvent été invoquée pour expliquer
les interactions intraspécifiques. Or, la souche sans plasmide de
E. coli qui inhibe in vivo les souches cibles porteuses de
plasmides est sensible in vitro à la colicine produite par l'une de
ces souches cibles. Le rôle des microcines, qui sont résistantes à
la trypsine, reste à démontrer. En fait, l'une des hypothèses les
mieux élaborées est celle de Freter (22). Il a d'abord montré que
l'effet de barrière exercé par une collection de cent souches
inhibitrices contre une souche cible de E. coli était reproductible
dans un système de culture continue qu'il a mis au point. Il a
démontré ensuite que, dans ce système, E. coli n'était plus capable
d'utiliser les facteurs de croissance présents dans le milieu de
culture dialysé lorsque H 2S était produit. Dans ces conditions, le
niveau de population de E. coli dans le dialysat de la culture
continue est le même que dans le tractus gastro-intestinal. Lorsque
du glucose est introduit dans le dialysat, ou lorsque H 2S est
éliminé par agitation, la croissance de E. coli reprend. Freter en
tire une conclusion qu'il estime pouvoir expliquer beaucoup
d'interactions in vivo : en présence de certains métabolites
bactériens, en l'occurrence H 2 S, certaines souches se trouvent en
carence alimentaire et leur niveau de population reste bas dans le
tractus gastro-intestinal. Toutefois, cette hypothèse n'explique
pas les interactions décrites par Yurdusev et coll. (31) que l'on
n'a pas reproduites dans le système de culture continue décrit par
Freter. En revanche, ces interactions ont été reproduites dans un
système d'incubation statique de suspensions fécales provenant des
souris gnotoxéniques. De ces essais in vitro, il ressort qu'il n'y
a ni épuisement du milieu de culture en facteurs de croissance de
la souche cible, ni apparition de substances inhibitrices
diffusibles. Mais il existe une corrélation inverse hautement
significative
308
entre le nombre de cellules vivantes des deux souches inhibitrices
présentes dans la suspension au début de l'incubation et le nombre
de divisions que la souche cible de C. perfringens peut effectuer
durant l'incubation in vitro. L'hypothèse que l'on peut formuler, à
partir des résultats obtenus in vivo qui ont été reproduits in
vitro, est que la souche cible entre en bactériostase lorsqu'elle
se trouve en présence d'un nombre suffisamment élevé de cellules
vivantes des souches inhibitrices. Si la bactériostase est totale,
l'effet de barrière in vivo est drastique, la souche cible étant
éliminée comme les spores de Bacillus thermophile strict. L'origine
de cette bactériostase pourrait être la production synergique par
les deux souches inhibitrices d'une ou de plusieurs substances
bactériostatiques capables d'atteindre la souche cible sans
s'accumuler dans le milieu intestinal. Cette hypothèse diffère de
celle de Freter quant à la nature des substances bactériostatiques.
Il pourrait s'agir de substances capables de se fixer à des
récepteurs spécifiques de la souche cible, produites par les
souches inhibitrices à partir de substrats présents dans le gros
intestin. On rejoint ici la notion encore futuriste de médicaments
«missiles».
CONCLUSION
Les interactions bactériennes, qu'il s'agisse de forces
antagonistes ou synergiques, jouent un rôle primordial dans la
perennité de l'écosystème hôte-flore bactérienne de son tractus
gastro-intestinal. Elles sont responsables de la complexité de
cette flore bactérienne et des mécanismes par lesquels, une fois
établie, elle s'oppose à l'établissement des souches bactériennes
que l'hôte ingère quotidiennement. Lorsque ces souches sont des
bactéries pathogènes, on conçoit très facilement l'intérêt de
maintenir en continu l'intégrité des barrières microbiennes. Une
des conséquences appliquées immédiates de ce concept a été
d'étudier l'impact des antibiotiques ingérés par l'hôte sur
l'équilibre de sa flore, de façon à choisir ceux qui perturbent le
moins l'écosystème. Aucune molécule antibactérienne nouvelle
n'apparaît plus sur le marché sans une étude soigneuse en modèles
gnotoxéniques de son impact sur la flore du tube digestif. Bien
entendu, les effets de barrière s'exercent aussi à l'égard des
bactéries non pathogènes qui arrivent parfois en masse dans notre
tube digestif, apportées par notre alimentation. C'est en
particulier le cas des bactéries lactiques des aliments fermentés.
Cet apport, même massif, n'est pas suivi d'implantation durable.
C'est ce qui explique la stabilité de la flore complexe d'un adulte
et, dans ce sens, on peut considérer les effets de barrière comme
des éléments contribuant à l'homéostase de l'individu.
Il existe actuellement un verrou qui s'oppose à la multiplication
des applications pratiques de nos connaissances sur la flore
digestive. C'est l'impossibilité d'implanter dans la flore
dominante d'un individu holoxénique une souche dont l'intérêt pour
l'hôte a été reconnu dans des modèles gnotoxéniques. On trouve là
le mauvais côté de l'effet de barrière. Une telle implantation
n'est possible, nous l'avons vu, qu'à l'instant de la naissance, ce
qui en limite l'intérêt. Un palliatif peut être trouvé dans
l'ingestion continue de quantités massives de bactéries utiles.
Elle continuent alors à métaboliser durant leur transit et peuvent
mimer l'effet d'une flore implantée. C'est ainsi que l'on peut
imaginer l'effet de certains «probiotiques» en alimentation
animale. C'est ce type d'effet que l'on a aussi démontré chez
l'homme lorsqu'il ingère des quantités massives de Saccharomyces
boulardii (ultralevure) ou de ferments lactiques. Mais on voit bien
que les progrès les plus importants viendront de la
connaissance
309
des mécanismes d'interaction qui permettront la maîtrise de
l'écosystème. Des études en cours permettent d'espérer que l'on
pourra bientôt localiser génétiquement les facteurs qui confèrent à
une souche donnée un avantage écologique lui permettant de se
maintenir dans la flore dominante d'un hôte donné. Dès lors, les
techniques du génie génétique permettront de transférer ces
caractères aux bactéries reconnues comme les plus utiles, même si
notre manque de connaissances sur la génétique des bactéries
anaérobies strictes laisse présager bien des difficultés
techniques.
* * *
LAS INTERACCIONES BACTERIANAS EN EL TUBO DIGESTIVO. - R. Ducluzeau
y P. Raibaud.
Resumen: Las interacciones entre las bacterias que constituyen la
microflora del tubo digestivo pueden ser antagónicas o sinérgicas.
Algunas bacterias forman una barrera que impide establecerse en el
intestino a bacterias de otras especies o a cepas diferentes de la
misma especie. Los autores examinan las investigaciones actuales
que utilizan la experimentación en animales gnotoxénicos y que
estudian, principalmente, Escherichia coli y bacterias
pertenecientes a los géneros Clostridium, Lactobacillus y
Bacteroides.
* * *
BIBLIOGRAPHIE
1. A N D R E M O N T A . , RAIBAUD P . , T A N C R E D E C , D U V
A L - I F L A H Y. & DUCLUZEAU R . (1985).
— The use of germ-free mice associated with human fecal flora as an
animal model to study enteric bacterial interactions. In Bacterial
diarrheal diseases. (Y. Takeda & T. Miwatani , eds.) . KTK
Scientific Publishers, Tokyo , 219-228.
2. CORPET D . & NICOLAS J . L . (1979). - Antagonistic effect
of intestinal bacteria from the microflora of holoxenic
(conventional) piglets against Clostridium perfringens in the
digestive tract of gnotoxenic mice and gnotoxenic piglets. In
Clinical and experimental gnotobiotics. (Fliedner et al., eds.).
Zentbl. Bakt. ParasitKde, I . , Suppl. 7, 169-174.
310
3. CORTHIER G . , D U B O S F . & RAIBAUD P . (1986). - Modulat
ion of cytotoxin product ion by Clostridium difficile in the
intestinal tract of gnotobiotic mice inoculated with various
intestinal bacteria. Appl. environm. Microbiol., 4 9 ,
250-252.
4. CORTHIER G . & M U L L E R M . C . (1988). - Emergence in
gnotobio t ic mice of nontoxinogenic clones of Clostridium
difficile from a toxinogenic one. Infect. & Immunity, 5 6 ,
1500-1504.
5. D A B A R D J . , D U B O S F . , M A R T I N E T L . &
DUCLUZEAU R. (1979). - Experimental
reproduction of neonatal diarrhea in young gnotobiotic hares
simultaneously associated with Clostridium difficile and other
Clostridium strains. Infect. & Immunity, 24, 7-11.
6. D U B O S F . , MARTINET L . , D A B A R D J. & DUCLUZEAU R.
(1984). - Immediate postnatal inoculation of a microbial barrier to
prevent neonatal diarrhea induced by Clostridium difficile in young
conventional and gnotobiotic hares. Am. J. vet. Res., 4 5 ,
1242-1244.
7. D U B O S F . , PELISSIER J . P . , A N D R I E U X C ,
DUCLUZEAU R. & RAIBAUD P . (1985). -
Inhibitory effect of a copper-dipeptide complex on the
establishment of a Clostridium perenne strain in the intestinal
tract of gnotobiotic mice. Appl. environm. Microbiol., 5 0
(5), 1258-1261.
8. DUCLUZEAU R., BELLIER M. & RAIBAUD P . (1970). - Transit
digestif de divers inoculums bactériens introduits per os chez des
souris axéniques et holoxéniques (conventionnelles) : effet
antagoniste de la microflore du tractus gastro-intestinal. Zentbl.
Bakt. ParasitKde, 2 1 3 , 533-548.
9. DUCLUZEAU R., D U B O S F . , RAIBAUD P . & A B R A M S G .
(1978). - Product ion of an
antibiotic substance by Bacillus licheniformis within the digestive
tract of gnotobiotic mice. Antimicrob. Ag. Chemother., 1 3 ,
97-103.
10. DUCLUZEAU R., LADIRE M. , CALLUT C , RAIBAUD P . & A B R A
M S G . (1977). -
Antagonistic effect of extremely oxygen-sensitive Clostridia from
the microflora of conventional mice and of Escherichia coli against
Shigella flexneri in the digestive tract of gnotobiotic mice.
Infect. & Immunity, 1 7 , 415-424.
11. DUCLUZEAU R., LADIRE M. & RAIBAUD P . (1986). - Implantat
ion d 'un mutan t de Escherichia coli exigeant en acide
diaminopimélique dans le tube digestif de souris gnotoxéniques.
Ann. Microbiol. (Paris), 1 3 7 A , 79-87.
12. DUCLUZEAU R. & RAIBAUD P . (1968). — Influence de la
vaccination sur l ' implantat ion d'Escherichia coli et de
Staphylococcus pyogenes dans le tractus digestif de la souris
axénique. Ann. Inst. Pasteur, 1 1 4 , 846-856.
13. DUCLUZEAU R. & RAIBAUD P . (1969). - Ensemencement de douze
souches bactériennes dans le tube digestif de souris axéniques. I.
Etude cinétique de l'implantation et de l'équilibre obtenu dans les
fèces de souris «gnotoxéniques». Ann. Inst. Pasteur, 1 1 6 ,
345-369.
14. DUCLUZEAU R. & RAIBAUD P . (1974). - Interaction between
Escherichia coli and Shigella flexneri in the digestive tract of
"gno tob io t i c " mice. Infect. & Immunity, 9, 730-733.
15. DUCLUZEAU R., RAIBAUD P . , LAUVERGEON B . , G O U E T P . ,
Riou Y . , GRISCELLI C . &
GHNASSIA J . C . (1976). - Immediate postnatal decontamination as a
means of obtaining axenic animals and human infants. Can. J.
Microbiol., 2 2 , 563-566.
16. DUCLUZEAU R., SALOMON J . C . & HUPPERT J . (1967). -
Ensemencement d 'une souche lysogène et d 'une souche sensible
d'Escherichia coli K12 dans le tube digestif de souris axéniques.
Etablissement d 'un équilibre. Ann. Inst. Pasteur, 1 1 2 (1),
153-161.
17. DUVAL-IFLAH Y . , CHAPPUIS J . P . , DUCLUZEAU R. & RAIBAUD
P . (1983). - Intraspecific
interactions between Escherichia coli strains in human newborns and
in gnotobiotic mice and piglets. Prog. Fed. Nutr. Sci., 7 ,
107-116.
18. D U V A L - I F L A H Y . , OURIET M . F . , M O R E A U C , D
A N I E L N . , GABILAN J . C . & RAIBAUD P .
(1982). - Implantation précoce d 'une souche de Escherichia coli
dans l'intestin de nouveau- nés humains : effet de barrière
vis-à-vis de souches de E. coli antibiorésistantes. Ann. Microbiol.
(Paris), 1 3 3 A , 393-408.
311
1 9 . DuvAL-IFLAH Y., R A I B A U D P . & ROUSSEAU M. ( 1 9 8 1
) . - Antagonisms among isogenic strains of Escherichia coli in the
digestive tracts of gnotobiotic mice. Infect. & Immunity, 3 4 ,
9 5 7 - 9 6 9 .
2 0 . FINEGOLD S.M., SUTTER V . L . & M A T H I S E N G.E. ( 1
9 8 3 ) . - Normal indigenous intestinal
flora. In H u m a n intestinal microflora in health and disease (D
.J . Hentges, ed.). Academic Press, New York, 3 - 3 1 .
2 1 . FONTY G . , GOUET P . , JOUANY J . P . & SENAUD J . ( 1 9
8 3 ) . - Ecological factors determining
establishment of cellulolytic bacteria and pro tozoa in the rumen
of meroxenic lambs. J. gen. Microbiol., 1 2 9 , 2 1 3 - 2 2 3
.
2 2 . FRETER R . , BRICKNER H . , BOTNEY M. , CLEVEN D . &
ARANKI A . ( 1 9 8 3 ) . - Mechanisms
that control bacterial populations in continuous-flow culture
models of mouse large intestinal flora. Infect. & Immunity, 3 9
, 6 8 6 - 7 0 3 .
2 3 . FRETER R . , BRICKNER H . , FEKETE J . , VICKERMAN M . M .
& CAREY F . E . ( 1 9 8 3 ) . - Survival
and implantation of Escherichia coli in the intestinal tract.
Infect. & Immunity, 3 9 , 6 8 6 - 7 0 3 .
2 4 . H U D A U L T S., BEWA H . , BRIDONNEAU C . & RAIBAUD P .
( 1 9 8 5 ) . - Efficiency of various
bacterial suspensions derived from cecal floras of conventional
chickens in reducing the populat ion level of Salmonella
typhimurium in gnotobiotic mice and chicken intestines. Can. J.
Microbiol., 3 1 , 8 3 2 - 8 3 6 .
2 5 . H U D A U L T S., D U C L U Z E A U R . , D U B O S F . ,
RAIBAUD P . , GHNASSIA J . C . & GRISCELLI C .
( 1 9 7 6 ) . - Elimination du tube digestif d 'un enfant
«gnotoxénique» d 'une souche de Lactobacillus casei issue d 'une
préparat ion commerciale : démonstra t ion chez des souris
«gnotoxéniques» du rôle antagoniste d 'une souche de Escherichia
coli d 'origine humaine . Ann. Microbiol. (Paris), 1 2 7 B , 7 5 -
8 2 .
2 6 . H U D A U L T S., RAIBAUD P . , DUCLUZEAU R . &
BRIDONNEAU C . ( 1 9 8 2 ) . - Effet antagoniste
à l 'égard de Clostridium perfringens exercé par des souches de
Clostridium isolées de la microflore de souris holoxéniques dans le
tube digestif de souris gnotoxéniques. Ann. Microbiol. (Paris), 1 3
3 A , 4 4 3 - 4 5 9 .
2 7 . N U R M I E . & R A N T A L A M . ( 1 9 7 3 ) . - New
aspects of Salmonella infections in broiler product ion. Nature, 2
4 1 , 2 1 0 - 2 1 1 .
2 8 . P A T T E C , T A N C R E D E C , RAIBAUD P . & D U C L U
Z E A U R . ( 1 9 7 9 ) . - Premières étapes de
la colonisation bactérienne du tube digestif du nouveau-né. Ann.
Microbiol. (Paris), 1 3 0 A ,
6 9 - 8 4 .
2 9 . SACQUET E . , R A I B A U D P . , M E J E A N C , RIOTTOT M .
J . , LEPRINCE C . & LEGLISE P . C .
( 1 9 7 9 ) . - Bacterial formation of w-muricholic acid in ra ts .
Appl. environm. Microbiol., 3 7 , 1 1 2 7 - 1 1 3 1 .
3 0 . SZYLIT O . , R A I B A U D P . , D U R A N D M. , D U M A Y C
. & B E N S A A D A M . ( 1 9 8 4 ) . - Effect of
the interaction between two bacterial species on volatile fatty
acid production in the chicken caecum. Produc. Nutr. Soc, 4 3 , 1 4
1 .
3 1 . YURDUSEV N . , NICOLAS J . L . , LADIRE M . , DUCLUZEAU R .
& R A I B A U D P . ( 1 9 8 7 ) . -