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Les logiques de travail chez les Mourides http://www.dhdi.free.fr/recherches/etudesdiverses/memoires/sowmemoir.htm[06/05/2015 8:57:54] Université de Paris I. Panthéon-Sorbonne UFR 07 Etudes Internationales et Européennes Mémoire de D. E. A. d'Etudes Africaines Option : Anthropologie juridique et politique LES LOGIQUES DE TRAVAIL CHEZ LES MOURIDES Présenté par Fatoumata SOW Directeurs de recherche : M. Etienne LE ROY M. Camille KUYU Année 1997-1998 Session de juin 1998 TABLE DES MATIÈRES Les logiques de travail chez les mourides Page Introduction 6 Titre I Les Logiques de travail des acteurs 12 Introduction 13 Chapitre 1 Le travail chez les disciples 14

Les Logiques de Travail Chez Les Mourides

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    Universit de Paris I. Panthon-Sorbonne

    UFR 07 Etudes Internationales et Europennes

    Mmoire de D. E. A. d'Etudes Africaines

    Option : Anthropologie juridique et politique

    LES LOGIQUES DE TRAVAIL CHEZ LESMOURIDES

    Prsent par Fatoumata SOW

    Directeurs de recherche :

    M. Etienne LE ROY

    M. Camille KUYU

    Anne 1997-1998

    Session de juin 1998TABLE DES MATIRES

    Les logiques de travail chez les mourides

    Page

    Introduction 6

    Titre I Les Logiques de travail des acteurs 12

    Introduction 13

    Chapitre 1 Le travail chez les disciples 14

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    I. L'acquisition d'un savoir spirituel (al amal) 15

    A. Le savoir religieux comme domaine rserv 15

    1. Domaine de la caste suprieure 15

    2. Elargissement par Cheikh Ahmadou Bamba 16

    B. L'apprentissage spirituel du mouride (murd) 17

    1. Cadre de travail 17

    a. La Daara 17

    b. Les Dahiras urbains 18

    2. Les formes d'instruction mouride 19

    a. l'Imam 19

    b. l'Islam 19

    c. Ihsan 20

    3. Travail spirituel et travail physique 21

    II. La ncessit d'un travail physique (al kasbou) 22

    A. Rle de rgulation sociale 22

    1. Scurisation du disciple 22

    a. Scurisation matrielle 22

    b. Scurisation spirituelle 22

    2. Moyen d'aider la communaut 23

    a. Communaut familiale et musulmane 23

    b. Communaut spirituelle 24

    B. Rle de rgulation statutaire 24

    1. La lgitimit d'un statut social 25

    2. Statut l'intrieur de la confrrie et gnrosit 25

    a. Origine de la rivalit dans la gnrosit 25

    b. La rivalit dans la gnrosit dans la confrrie mouride

    la reconnaissance 26

    III. Rendre des services la communaut (al khidmat) 26

    A. Lors de crmonies 27

    1. Le Grand Magal de Touba 27

    2. Le fanatisme mouride ? 27

    B. " Al khidmat " lors d'un " ndigueul " 28

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    Chapitre 2 Le travail chez le marabout 29

    I. L'enseignement spirituel du marabout 29

    A. Fondement de la confiance spirituelle envers le marabout 30

    1. Le statut de Cheikh 30

    a. Processus 30

    b. Une ncessit incontournable 30

    2. La baraka 31

    a. Notion de Baraka 31

    b. Origine et extension par la philosophie soufi 31

    B. L'application de la science religieuse (" al amal ") 32

    1. Education religieuse 32

    2. Education de l'me 33

    II. Les services rendus la communaut (al khidmat) 34

    A. " Prsence de la naissance la mort du disciple " 34

    1. Une assistance matrielle et financire 34

    2. Une assistance sociale, morale 35

    3. Remplacement du chef de village traditionnel " borom dekke" 36

    B. Conservateur de l'unit de la " tariqa " mouride 36

    1. Charisme du Khalife gnral et unit de la confrrie 36

    2. Matre d'ouvrage des grands travaux mourides 37

    a. Le " ndigueul " pour les ouvrages communautaires : les " chelles " 37

    b. Intgrit/Transparence 38

    Titre 2 Les logiques de travail des acteurs mourides et leurs implications dans la

    socit sngalaise 39

    Introduction 40

    Chapitre 1 Logiques de travail mourides et l'conomie capitalistique sngalaise 41

    I. Adaptation la socit moderne 41

    A. Essor des entreprises des disciples 42

    1. A Dakar 42

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    a. Origine de l'installation en milieu urbain 42

    b. Les commerants mourides Dakar 43

    2. La Diaspora : un travail en rseau 43

    B. Adaptation des marabouts 44

    1. Au Sngal 44

    2. A l'tranger 44

    C. Logique d'accumulation capitalistique ? Adaptation du Kasbou ? 45

    1. L'opportunisme 45

    2. Logique d'accumulation capitalistique du mouride ? 46

    a. Absences de parts sociales et d'actions dans les infrastructures ralises 46

    b. Rejet de la notion d'accumulation 46

    II. Le khidmat : La russite mouride comme exemple ou valeur fondamentale de la socit sngalaise ? 47

    A. Supplance de l'Etat dans certains domaines 47

    1. A l'poque coloniale : culture de l'arachide 47

    2. A l'heure actuelle 48

    a. A Touba 48

    b. Interventions ponctuelles 49

    B. Les ralisations mourides comme systme reprsentatif du Sngal 40

    1. La Confrence des Nations Unis Istanbul 50

    2. La reconnaissance du travail mouride par les Chefs d'Etat sngalais

    (M. Senghor et M. Diouf) 51

    Chapitre 2 Le travail mouride s'inscrit dans une tradition sngalaise 52

    I. Ide de communaut dans les trois logiques de travail des mourides 52

    A. La communaut s'inscrit dans une tradition africaine et sngalaise 53

    1. Notion de communaut africaine : lments et lieux 53

    2. Intgration de ces concepts dans la communaut mouride 54

    B. Fonction sociale de la communaut (particularisme mouride) 54

    1. Diaspora et rgulation sociale distance 55

    2. Communaut islamique avec des valeurs ngro-africaines 55

    II. Le travail contribue au maintien statutaire 56

    A. Les travaux mourides participent la notion traditionnelle de " Liggey ndey " (travail de la

    mre) 56

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    1. Notion de " Liggey ndey " 56

    2 Contribution des logiques de travail mourides au " warougal " de l'enfant 57

    B. Mise en valeur du travail de la mre de Cheikh Ahmadou Bamba 57

    1. Valeurs rattaches Sokhna Mame Diarra 58

    2. Conscration du travail de Sokhna Mame Diarra par le Magal de Porokhane 58

    Conclusion 59

    Annexes 61

    Annexe 1 Carte du Sngal et zones gographiques mourides originelles et les daaras 62

    Annexe 2 Couverture du dossier prsent par l'Etat sngalais et la confrrie mouride

    lors du Sommet des Villes Istanbul, juin 1996 63

    Annexe 3 Photo sur Internet de Cheikh Ahmadou Bamba par le Dahira de Chicago 64

    Annexe 4 Quelques extraits de pages sur Internet relatives aux mourides 65

    Bibliographie 62

    Remerciements

    Je tiens remercier en premier lieu Serigne Mame Balla MBACKE pour sa disponibilit et sa volont de communiquer ses connaissances quiont clair ce mmoire du surcrot de connaissance ncessaire tout travail de recherche. Je remercie galement l'ensemble des mourides quiont bien voulu rpondre mes nombreuses questions ainsi que MM. Camille KUYU et Ibra Cir Ndiaye pour leur soutien durant l'anneuniversitaire.

    INTRODUCTION GENERALE

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    La confrrie sngalaise des mourides, fonde par Cheikh Ahmadou Bamba (1850 ?-1927), a fait l'objet denombreux travaux notamment des chercheurs de l'ORSTOM et du CEAN. Les valeurs dveloppes, par cettecommunaut ont suscit la curiosit de ces chercheurs. L'une d'elles est fonde sur la notion de travail, dit" liggey " en langue wolof. Ce terme de travail, englobe des ralits multiples chez les mourides, des conceptions,des logiques diffrentes de celles que nous connaissons, et que nous allons essayer de dvelopper dans cemmoire.

    Le Mouridisme est une confrrie musulmane d'Afrique noire, plus prcisment du Sngal, qui compted'autres confrries musulmanes (la Qadriyya, la Tijaniyya, les Layennes, les Hamalistes). Il est n auSngal, ainsi que la confrrie des Layennes. Les autres confrries sont d'origine arabe, du Maghrebsurtout. Ceci nous amne rappeler la pntration de l'islam en Afrique noire puis au Sngal et lesformes adoptes.

    L'islam a fait son apparition en Afrique noire au VIIIe sicle sur les ctes de la Mer Rouge, avec la prsence decommerants ymnites. Ces derniers avaient install des comptoirs sur les ctes orientales (" Port Soudan,Berbera, Zanzibar. "). Leurs objectifs n'taient cependant pas l'islamisation des peuples noirs mais la recherche de" poudre d'or, des plumes d'autruche, de l'ivoire, mais aussi des esclaves pour les plantations du sud de l'Irak ".L'islamisation dbute vritablement, au XIe sicle, par les berbres du Maghreb qui se sont installs vers le " fleuveSngal, le Niger et jusque sur les rives du Tchad ".

    L'islam est donc arriv au Sngal dans la rgion du fleuve Sngal au XIe sicle. Cette rgion, du Fouta,tait habite par l'ethnie toucouleur qui fut la premire islamise. La famille de Cheikh Ahmadou Bambaest d'ailleurs d'origine toucouleur, wolofise par leur installation sur plusieurs gnrations en pays wolof.Et l'islam n'est arriv en pays wolof que des sicles plus tard, mais avant le XVIe sicle, puisqu'unvoyageur portugais, V. Fernandes, avait not la prsence de " mahomtans " dans la rgion du Djolofentre 1506 entre 1510. Cette expansion de le religion musulmane prendra essentiellement la formeconfrrique.

    En arabe, le terme de " tarqa " est employ pour dsigner la confrrie. Il signifie une " voie et une rgle de vie ".Selon Fernand Dumont, la tarqa a d'abord dsign une " mthode de psychologie morale pour guider pratiquementdes vocations individuelles " ; elle est devenue un ensemble de " rites d'entranement spirituel prconiss pour lavie commune, dans diverses congrgations musulmanes ". Ces rites consistent appliquer, observer, " desobligations islamiques ordinaires, mais aussi des prescriptions spciales chaque confrrie. ". Ces prescriptionssont tires du Coran, de la Sunna (tradition issue du Prophte Mouhammed) ou des faits et dits du fondateur de laconfrrie. Cette imitation du comportement du fondateur, qui guide vers la " voie " menant Dieu, constitue laspcificit de chaque confrrie. Chaque guide fondateur a ses particularits et celles-ci constituent mme l'une desbases du soufisme. En effet les confrries se rattachent la philosophie du soufisme et les guides ou fondateurs sontdes soufis. Cheikh Ahmadou Bamba est lui-mme un soufi. Ce terme est issu de l'arabe " sf " dsignant unvtement en laine simple port par ces hommes.

    Le soufisme a t travers par deux tendances. La premire est base sur l'interprtation littrale du Coran, de laSunna. Elle a donn naissance des soufis vivant dtachs de toute relation avec le terrestre, marchand pieds nus,portant des vtements uss et vivant en tat de quasi marginalit. Ils taient surnomms les " shariatiques ". L'autretendance est dite " mystique " et " prconise une interprtation symbolique ou allgorique des textes sacrs " dontelle recherche le " sens sotrique ", cach. C'est cette seconde tendance que Cheikh Ahmadou Bambas'apparente.

    Le fondateur du mouridisme est un mystique qui, refusant l'islam monastique, dveloppe ce qui va tre appel laphilosophie du travail. Elle dsigne effectivement, en premier lieu, le travail physique, au sens occidental du terme,qui permet d'acqurir une indpendance financire et permet de vivre dcemment, sans mendier. Cette ide deCheikh Ahmadou Bamba est, baptise par les diffrents auteurs par l'expression de " sanctification par le travail "et rsume par la clbre formule de Cheikh Ahmadou Bamba : " Travaille comme si tu ne devais jamais mourir,et prie comme si tu devais mourir demain ". Ce qui l'poque de Cheikh Ahmadou Bamba tait nouveau, comptetenu du systme de castes issu des royaumes wolofs o ceux qui travaillaient, les castes professionnelles, avaient unstatut infrieur. Cette valorisation du travail physique, chez Cheikh Ahmadou Bamba, diffre galement de laconception originelle occidentale o le travail tait considr comme une torture et comme une sanction au dbutdu christianisme. En effet, le terme de travail vient du latin " tripaliare " qui signifie " tourmenter, torturer " avec le

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    " trepalium " qui est un instrument de torture. Et dans le christianisme, l'homme a t amen travailler, la suitede la damnation d'Adam. Dans la Gense, il est dit Adam : " maudit soit le sol cause de toi ! A force de peinestu en tireras subsistance tous les jours de la vie [...] A la sueur de ton front tu mangeras ton pain jusqu' ce que turetournes au sol ".

    Cependant cette exaltation du travail, dont le travail physique pour gagner sa vie, n'est qu'une des conceptions, deslogiques de travail des mourides, ce que Cheikh Ahmadou Bamba nomme le " Kasb ". Dans son pome mystique(" khassates " en wolof ou " qasida " selon la traduction de Fernand Dumont), Massalik-Al-Jinan, traduit par letraducteur de la confrrie mouride, Serigne Samb Mbaye, il parle du travail pour gagner sa vie, en terme de" kasb ", en disant " Sache que l'abandon Dieu, exclut nullement la " kasb " (le travail pour gagner son pain). Neperds pas ton temps. ". Le terme de " kasb, kasbou ou kasaba ", a le sens de travailler mais dans l'ide de gagnerquelque chose. Dans le dictionnaire franco-arabe de De Biberstein Kazimirski A., il dsigne bien la notion de" gagner, acqurir ", " chercher gagner sa vie ".

    Il parle galement d'un autre travail, al " amal " qui signifie effectivement en arabe moderne le mot " travailler ",d'ailleurs en pays arabe on parle du Ministre du amal en rfrence au Ministre du travail. Mais ce " amal " signifiechez Cheikh Ahmadou Bamba, le savoir spirituel ou religieux et plus prcisment de son application, sa diffusion :" Sache que la science et l'action [amal] constituent les deux le moyen pour atteindre le bonheur ternel, oui. ". Lemot amal n'a pas le sens de travail physique mais se situe dans l'ordre du spirituel, du savoir religieux.

    Le troisime travail dont Cheikh Ahmadou Bamba parle est " al khidmat ", le fait de rendre service lacommunaut, d'tre serviable, d'avoir de l'humanit. Le terme de " khidmat " comme celui de " khadim rassoul ",serviteur du Prophte, dont se rclame Cheikh Ahmadou Bamba, viennent tous les deux de la mme racine : " kh-d-m " qui signifie " servir quelqu'un, tre dvou au service de quelqu'un ". Et le fondateur du mouridisme en tantque khadim rassoul, le serviteur du Prophte, il travaille pour ce dernier, il est son service. Et les mourides par lesservices rendus la communaut, travaillent galement, leur faon.

    Ces trois termes " al kasbou ", " al amal " et " al khidmat ", constituent les trois logiques de travail des mourides.Les deux acteurs de la confrrie auront chacun un rle dfini dans les diffrentes logiques de travail. Le premier,est le guide spirituel (" murshid ") ou marabout en franais. Au Sngal, le terme wolof de Serigne est utilis. Lesecond acteur est le disciple, taalib en wolof et murd en arabe (dsignant un novice). Ce dernier mot, " murd " adonn son nom la confrrie de Cheikh Ahmadou Bamba.

    Cependant, le " kasbou " chez le guide spirituel est absent, ce qui interpelle les observateurs. Et souvent, de ce fait,la vision du marabout s'enrichissant grce l'exploitation de ses disciples, est dveloppe. Or paradoxalement, sinous regardons de plus prs, l'activit conomique des mourides ne profite pas seulement au marabout, mais l'ensemble de la confrrie, y compris le disciple et parfois mme au-del, l'ensemble de la socit sngalaise. Etil faut galement noter que malgr la modernit, le dveloppement de la culture occidentale, capitalistique, lenombre de mourides est croissant avec des disciples universitaires, instruits l'cole occidentale, qui trouvent unesatisfaction dans le mouridisme.

    Les logiques de travail des mourides participent la rgulation, la scurisation, non seulement des acteurs maisde la socit, par la dynamique qu'elle a engendr pour l'conomie sngalaise. En effet au sein de la confrrie, ledisciple est un citoyen sngalais, qui trouve une satisfaction, une scurisation qu'il n'a pas rencontr dans d'autresinstitutions (Titre I). Et par leurs travaux, les mourides participent deux type de solidarits : horizontale etverticale. Leurs activits ont un rle complmentaire et bnficient l'ensemble de la socit (solidarithorizontale). Et travers les valeurs dveloppes comme celle de travail " liggey " en wolof et celle decommunaut dans laquelle le travail s'insre, ils contribuent la prservation de l'identit et de la culture ngro-africaine, sngalaise, dont les gnrations futures pourront hriter (solidarit verticale) (Titre II).

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    Titre 1

    Les logiques de travail des acteurs

    Il existe deux acteurs dans la confrrie mouride : le disciple (Chapitre 1) et le Cheikh (Chapitre 2). Ils ontchacun un rle au sein de la confrrie et dans les trois logiques de travail. Et chaque acteur trouve saraison d'tre dans le comportement de l'autre.

    Chapitre 1 Le travail chez le disciple

    Le travail chez le disciple prend en compte les trois logiques de travail des mourides. L'accomplissementde chacune d'elles est ncessaire, pour le taalib qui veut suivre les prceptes de Cheikh AhmadouBamba, et pour le fonctionnement de la communaut.

    Il s'agit en premier lieu d'un travail spirituel des disciples, l'acquisition de connaissances religieuses,musulmanes. Cette tape est selon Cheikh Ahmadou Bamba ncessaire car le travail au sens" occidental " de gain d'argent sans le savoir est nul. Un mouride se doit de s'investir, de travailler pourapprendre le Coran, les rgles de vie musulmanes, les crits de Cheikh Ahmadou Bamba pour tre un" bon mouride " ( I ).

    Le disciple doit galement tre indpendant conomiquement, afin de pratiquer librement sa foi. Il doittre l'abris de soucis matriels pour, mieux vivre sa foi, rpondre aux besoins de l'existence humaine,aider ses proches et participer la vie de la confrrie ( II ).

    Il doit dvelopper un esprit d'entraide et donner de son temps au service de la communaut ( III ).

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    I. L'acquisition d'un savoir spirituel (al amal)

    Le mouridisme ce n'est pas seulement des gens qui se regroupent pour cultiver l'arachide, un socialisme l'africaine. C'est surtout une communaut musulmane, et en tant que telle, les membres doivent avoirdes connaissances islamiques. C'est un travail qui implique un investissement de la part du disciple, quicommence souvent bas ge. Cet apprentissage religieux est ncessaire puisque de celle-ci va dcoulerle comportement du mouride qui le distinguera d'autres groupements musulmans.

    A l'origine, cette ducation spirituelle au Sngal tait rserve une certaine catgorie de la socit (A).Elle sera tendue une population plus large avec Cheikh Ahmadou Bamba. Le disciple mouride va ainsibnficier d'un cadre de travail et de formateurs constitus au dpart de Cheikh Ahmadou Bamba lui-mme, de ses frres et de ses compagnons " Cheikhs " (B).

    A. Le savoir religieux comme domaine rserv

    Le savoir islamique tait, l'origine, rserv la caste aristocratique. Avec le mouridisme les " castes "vont bnficier de l'application de la science islamique.

    1. Domaine de la caste suprieure

    Le premier travail dont parle Cheikh Ahmadou Bamba est relatif l'application de la science ou savoirislamique. Or celle-ci a t rserve pendant longtemps la caste suprieure. Les premiers musulmansdu Sngal taient les toucouleurs puis les wolofs. Ces deux socits sont trs hirarchises. En effet,dans ces deux groupes ethniques, les individus se dfinissaient par rapport leur appartenance soit lacaste suprieure " Geer " chez les wolofs ou " toorobe " chez les toucouleurs, soit la caste infrieuredes " neeno " pour les premiers et " nyeenybe " pour les seconds. Ces derniers sont diviss en sous-groupes professionnels (artisans, griots, bcherons etc.).

    La science islamique tait donc dtenue par des familles de la caste suprieure. Et elles utilisaient cesconnaissances pour avoir une certaine situation sociale. Et Yaya Wane, parlant des toucouleurs, montrecomment ces derniers, l'origine, " manipulent l'enseignement islamique dans une stratgie de" reproduction " de leur suprmatie sociale l'gard des castes artisanales (" nyeenybe "). ". Il expliquecomment les marabouts renvoient rapidement les enfants des castes infrieures aprs l'apprentissage dequelques sourates et la poursuite des tudes coraniques par les nobles, " afin de leur faire acqurir cesavoir islamique o les " toorobe " puisent l'essentiel de la primaut exerce sur leurs concitoyens ". Chezles wolofs, le systme tait similaire. Les premiers savants de l'islam taient appels les " DomouSokhna ", en rfrence aux enfants d'un certain niveau social, issus d'une famille aristocratique.

    Avec le mouridisme l'enseignement islamique va toucher une population plus large.

    2. Elargissement par Cheikh Ahmadou Bamba

    Cheikh Ahmadou Bamba va avoir un rle rgulateur dans la transmission du savoir religieux. Les castesartisanales, mais aussi les anciens esclaves et les tieddos (anciens guerriers des royaumes wolofs) vonttre nombreux rejoindre la confrrie mouride. Tous ces individus vont bnficier d'un enseignementislamique. Et c'est d'ailleurs, auprs des mourides que se rencontreront, le plus frquemment, des guidesspirituels, des Cheikhs " casts ". Ils ne le deviennent qu'aprs " de nombreuses annes de travail

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    comme taalib ".

    Ce travail spirituel a donc eu un effet de rgulateur, social. Et compte tenu de la place qui lui est attribuepar le fondateur, il fallait trouver un cadre appropri pour le dvelopper auprs des aspirants (murd).

    B. L'apprentissage spirituel du mouride (murd)

    L'environnement colonial de l'poque de Cheikh Ahmadou Bamba est trs important dans ladtermination du cadre de travail du disciple. Par la suite, les mourides ont tenu compte de la modernitet trouv un autre cadre pour aider l'instruction des disciples. Les principes de base de l'ducation restentcependant les mmes, savoir l'enseignement du Coran, de la Sunna et des crits de Cheikh AhmadouBamba.

    1. Cadre de travail

    Les mourides ont deux structures au sein desquelles le disciple va travailler son ducation spirituelle, les" daaras " et les " dahiras urbains ".

    a. La Daara

    Il s'agit du lieu d'ducation mouride par excellence. Au dbut, les daaras taient principalement dans largion du Baol, berceau du mouridisme. Ce lieu, loign des grandes villes telles que Dakar ou Saint-Louis n'tait pas au dpart un choix volontaire de Cheikh Ahmadou Bamba. Ces lieux reculs taientimposs par le gouvernement colonial qui considrait le guide mouride comme un lment subversif.

    Mais progressivement les mourides se sont adapts ce nouvel environnement, plus apte dvelopperleurs valeurs. Mais dans aucun crit de Cheikh Ahmadou Bamba, il ne dveloppe l'ide de daara commeun lieu d'ducation spirituel; c'est en tenant compte du contexte que la daara sera considre comme lemeilleur lieu de travail spirituel pour le taalib.

    Le mot daara d'ailleurs vient du mot arabe " dar " qui signifie maison. C'est la maison, le lieu de vie desdisciples. En effet la daara est un lieu d'ducation spirituelle mais aussi une entit conomique et sociale.Au dpart, il s'agissait d'une " communaut de clibataires " selon Jean Copans, et avec les mariages desdisciples, elles vont se transformer en villages. C'est ainsi que vont apparatre les villages ou daaras(comme Darou Marnane, Missirah, Darou Rahmane ou Kaossara). Les disciples travaillent sous ladirection d'un marabout (Cheikh) ou de son reprsentant (" diawrigne ").

    Une autre structure va galement apparatre, constituant un degr moindre que la daara, un lieud'apprentissage de l'enseignement coranique et du comportement d'un " bon taalib mouride " : le dahira.

    b. Les Dahiras urbains

    Comme la daara, la cration des dahiras l'intrieur de la ville est due au contexte, l'urbanisationprogressive de la population. Et ds lors va se constituer dans les villes, des regroupements de mouridesau sein de ce qui est appel " Dahira ", pour travailler ensemble et rester en relation avec leurs guidesspirituels. Dans ces dahiras, les taalibs sont encadrs par le reprsentant d'un marabout le plus souventet non par le Cheikh lui-mme. Cependant le diawrigne est en relation permanente avec le marabout. Ilest le courroie de transmission des directives du guide spirituel rest dans la rgion d'origine. Un dahirapeut toutefois regrouper des disciples de plusieurs marabouts.

    Une fois dans son cadre de travail, le disciple commence son travail spirituel qui doit aboutir uncomportement dit " mouride ".

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    2. Les formes d'instruction mouride

    Le disciple doit " travailler " les trois composantes de la religion musulmane, " la profession de Foi "(Imam), les pratiques cultuelles de soumission Dieu (Islam) et la perfection spirituelle (Ihsan).

    a. l'Imam

    L'iman, est la foi en Dieu, au Prophte Mouhammed comme le dernier, celui qui termine le processus dela rvlation monothiste. Celle-ci a commenc depuis Adam en passant par l'ensemble de prophtes(Abraham, Mose, David, etc.) et ellei se termine par Mouhammed, le sceau des prophtes.

    Il faut galement accepter les livres et les paroles qui ont t amens par ces prophtes (Torah, psaumesde David, Evangile).

    Il doit croire en l'existence de cratures autres que les hommes, la race animale ou vgtale, il s'agit desanges (dont le plus connu est Djibril ou Gabriel).

    Il doit aussi, accepter le Dcret divin selon lequel en toute chose il existe la force ou la grce divinecomme tant la force initiale et finale, la quintessence en tout.

    Ceci amne au domaine de la pratique des choses dont on a foi (une extriorisation de la foi). Quand ona foi en quelque chose d'intouchable, il est ncessaire, dans le social, dans le vcu, de pouvoir constaterla diffrence entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas.

    b. l'Islam

    Cette tape donne son nom l'ensemble de la religion musulmane : l'islam. Il est la pratique de la foi,l'obissance aux principes et prceptes islamiques, qui commence par la " shadada ", principe dumonothiste (croire en l'existence d'un Dieu unique et de son messager Mouhammed comme le dernierProphte). Cette attestation constitue l'identit du musulman.

    Cette partie s'accompagne de pratiques comme la prire (salat) qui en principe doit mener l'individu unethique. La prire a lieu cinq fois dans la journe. L'individu doit aussi jener durant le mois de Ramadan.Au-del de l'abstinence de toute nourriture, cette priode vise rendre l'individu plus humain envers lesplus ncessiteux. L'aumne lgale (" Zakat ") remplit galement une fonction sociale. Elle se veutrelationnelle, une forme de redistribution de revenus. Le Plerinage la Mecque, vise faire uneintrospection, un retour sur soi, il est sens tre un voyage mystique.

    Le disciple doit apprendre tous ces lments et aboutir la troisime tape plus longue et qui constituevritablement le soufisme.

    c. Ihsan

    C'est la science de l'embellissement des actes. L'individu dans son comportement, sa manire de vivredoit tre en accord avec la religion. Cette tape tend vers le mysticisme de Cheikh Ahmadou Bamba. Elleest la plus difficile, c'est l que le disciple suit, voire imite les attitudes de son guide. Dans cette partie lescrits de Cheikh Ahmadou Bamba sont trs importants. En effet, ses crits vont tre les manuelsd'ducation religieuse, morale du taalib. Tout au long de cette ducation spirituelle, selon Serigne BachirM'Back, fils de Cheikh Ahmadou Bamba, le disciple doit avoir un esprit critique car pour le fondateur dumouridisme " le disciple qui reoit un enseignement sans discernement n'est pas comme celui quis'instruit par la comprhension et l'esprit critique ".

    Cependant ce travail spirituel, au sein de la daara surtout, a fait l'objet de nombreux dbats relatifs saplace par rapport au travail physique.

  • Les logiques de travail chez les Mourides

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    3. Travail spirituel et travail physique

    Le dbat relatif la place de chacun de ces deux types de travaux au sein de la communaut mouride afait l'objet de plusieurs thses, lies surtout aux baay-Fall, disciples de Cheikh Ibra Fall, compagnon de lapremire heure et ami de Cheikh Ahmadou Bamba.

    D'aprs A.B. Diop, " la confrrie de Amadou Bamba tait moins exigeante au niveau de la formationspirituelle, de l'instruction religieuse et mme de la pratique rituelle des fidles, auxquelles pouvaient sesubstituer la sujtion envers le marabout et le salut par le travail en faveur de celui-ci ". Il a cit galementune lettre cite par Cruise O'Brien dans lequel Cheikh Ahmadou Bamba " reconnaissait ainsi, de fait, lapossibilit d'appartenir la confrrie et [p. 283] de servir uniquement par son travail physique, sans avoir,pour soi-mme, le souci d'une formation spirituelle (ncessaire une pratique religieuse orthodoxe) ".

    De fait, si certains disciples privilgient le travail physique au dtriment du travail spirituel, selon undescendant de Cheikh Ahmadou Bamba, ce dernier n'a jamais affirm que le travail physique pouvait sesubstituer aux pratiques cultuelles. Il interdisait mme quiconque de raliser un quelconque travailphysique pendant la prire. Pour Cheikh Ahmadou Bamba, le travail physique sans le savoir est nul.Comme d'ailleurs le fait de vivre ascte, loign du monde. Les deux travaux sont lis, ils ne peuvent sesubstituer, dans la pense de Cheikh Ahmadou Bamba.

    L'individu ne doit pas se couper de la ralit quotidienne et de la vie conomique. S'il veut tre libre depratiquer son culte, il doit avoir une indpendance financire. Grce au travail physique, au sensoccidental, qui lui procure un gain immdiat, il peut entretenir son travail spirituel (" amal ") dont la dureest plus longue.

    II. La ncessit d'un travail physique (al kasbou)

    Cette ncessit s'inscrit dans la tradition soufi mystique, pragmatique de Cheikh Ahmadou Bamba.L'individu d'aprs lui, doit tre indpendant conomiquement pour pouvoir pratiquer librement sa foi. Il nedoit pas rester dtach du monde mais vivre dans celui-ci, en travaillant pour gagner, " son pain ", et fairevivre sa famille et la communaut musulmane.

    En suivant ces prceptes certains mourides ont russi obtenir un statut dans la socit, une aisancesociale qui se traduit par une largesse financire l'gard de leurs guides spirituels et de la communautmouride que les observateurs extrieurs ont des difficults comprendre.

    A. Rle de rgulation sociale

    Le travail physique et les gains immdiats procurs vont scuriser les disciples et leur permettre d'aiderleurs deux communauts (familiale et spirituelle).

    1. Scurisation du disciple

    Il va tre libre financirement et pouvoir pratiquer et entretenir son " amal ".

    a. Scurisation matrielle

    Le travail au sens " occidental " qui procure un gain financier, a t une ncessit pour le mouridisme lorsde son apparition, compte tenu de l'environnement colonial o les mourides se mfiaient de l'hommeblanc. Ils ne voulaient pas dpendre financirement de lui.

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    L'environnement va influer sur les comportements des acteurs. Puisque, le travail l'origine considrcomme un moyen de vivre dignement suivant les crits de Cheikh Ahmadou Bamba, va devenir unencessit compte tenu du contexte rpressif l'gard des mourides.

    Ils ont t obligs de cultiver l'arachide qui l'poque tait le meilleur moyen pour monnayer leursrcoltes, et obtenir les gains ncessaires leur indpendance matrielle et par consquent spirituelle.

    b. Scurisation spirituelle

    L'indpendance financire n'est pas une finalit en soi. Elle doit tre " un moyen de vivre et d'approcherDieu, d'o le fruit du travail humain doit engendrer et entretenir l'homme, mais tout court, et le placer surle chemin de Dieu. ".

    En effet, l'ducation spirituelle dans le mouridisme vise se rapprocher de Dieu, d'tre en relation avecl'invisible voire de prparer sa vie future. Cette autre vie, se travaille ici sur terre, parmi les vivants. Ainsigrce aux fruits du " Kasbou ", le mouride doit entretenir son travail spirituel (" amal ") dont la dure estplus longue mais qui lui permettra d'avoir une relation avec l'invisible, en l'occurrence Dieu. Par lesconnaissances religieuses acquises et l'application qu'il en fera, le disciple prparera sa vie future.

    Au del de cette scurisation personnelle, l'individu pourra subvenir aux besoins de sa communaut,familiale et spirituelle.

    2. Moyen d'aider la communaut

    En monnayant son travail, le mouride va pouvoir tre actif pour sa famille et les autres. Et il pourraparticiper financirement aux activits de sa confrrie.

    a. Communaut familiale et musulmane

    La famille sngalaise est une famille largie, le taalib mouride en gagnant dignement sa vie peutparticiper l'entretien des siens. Il peut remplir aussi ses obligations musulmanes comme l'aumne lgale(" zakat "). Cette redistribution de revenus a un rle de rgulateur social, l'gard des membres de safamille dans le besoin ou pour les ncessiteux. Il pourra aussi accueillir un hte quelconque chez lui etaccomplir la " teranga ", autrement dit l'hospitalit sngalaise dont le pays est si fier, pour tous lestrangers. Ses subsides lui permettront galement, d'aider sa communaut spirituelle.

    b. Communaut spirituelle

    Il s'agit ici du " addiya ", un don en argent ou en nature vers au marabout. C'est un lment essentielpour le disciple. Un disciple mouride ne peut s'imaginer obtenir des gains, sans donner une partie auxmarabouts ou sans participer aux oeuvres collectives de la confrrie. D'aprs un taalib, ce don est unbonheur pour le mouride et lui permet d'avoir confiance en lui. Grce celui-ci, il sent une main invisiblequi le soutient dans tous les domaines. Le don (l'addiya) est vers dans le cadre de la " ziara " qui vientdu verbe " zra " qui signifie " visiter ". C'est la visite que rend " l'infrieur au suprieur ", en l'espce dudisciple son guide spirituel ou d'autres marabouts.

    Ce don doit tre pieux, donc avoir une origine licite. La licit du " kasbou " est un lment important etconstitue l'thique que tout mouride doit respecter.

    Certains ont vu dans cette gnrosit apparente, un intressement cach de la part du disciple.

    B. Rle de rgulation statutaire

    Par le travail physique, l'individu, le mouride en l'espce, acquiert de l'argent lui permettant d'avoir une

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    certaine aisance et mme d'avoir un nom connu et reconnu dans la confrrie.

    1. La lgitimit d'un statut social

    Le fait de vouloir russir sa vie et d'avoir une ascension sociale est dans la nature humaine. Le mouridecomme tout homme dsire une meilleure situation tout naturellement. Si dans son domaine d'activit lemouride russit gravir les chelons sociaux, rien ne le lui interdit, ds lors qu'il accomplit ses devoirs l'gard de la communaut mouride. Il est vrai que beaucoup de mourides ont russi socialement mais pastous, certains sont toujours dans de modestes situations. La garantie d'une ascension sociale n'est pascertaine, par le seul fait d'tre mouride.

    Cependant qu'ils aient un statut social lev ou non, les disciples rivalisent de gnrosit, grce aux fruitsde leurs travaux physiques.

    2. Statut l'intrieur de la confrrie et gnrosit

    La concurrence et la rivalit dans la gnrosit, par des dons en nature et en argent offerts la confrrieou aux marabouts, surprennent beaucoup les observateurs. Mais ce phnomne existait bien avantl'avnement du mouridisme et existe d'ailleurs toujours dans la socit wolof et toucouleur notamment.

    a. Origine de la rivalit dans la gnrosit

    Boubakar Ly, dans sa thse a dvelopp cette ide de gnrosit que l'honnte homme se doit d'avoir.La gnrosit est intgre dans la dynamique de l'honneur et vise montrer son " dsintressement vis vis des biens ", ce qui est " un lment moral important " dans ces deux cultures.

    Cette rivalit dans la gnrosit a lieu dans le cadre de crmonies (baptme notamment), d'logesvenant d'un griot ou tout simplement dans la vie quotidienne. En effet, " il suffit d'tre en possession d'unbien (auquel on peut tenir rellement) que quelqu'un l'apprcie pour qu'on soit oblig de le lui donner ".Toutes ces pratiques visent selon lui viter la honte, le mpris, lis l'attachement aux biens matriels.

    Dans la confrrie mouride, se retrouve cette ide de rivalit dans la gnrosit avec d'autres acteurs etdans des contextes diffrents.

    b. La rivalit dans la gnrosit dans la confrrie mouride : la reconnaissance

    Les disciples mourides rivalisent de largesse notamment les " grands taalibs " auprs de leursmarabouts en versant des " addiyas " trs importants.

    Pour le taalib mouride c'est une fiert de participer, grce aux fruits de son travail, aux grands travaux dela confrrie. Car selon certains disciples cette largesse leur permet de plaire la communaut, de sentirune certaine confiance, une considration et d'tre en agrment avec Dieu. Et ds lors, se sentant enaccord avec Dieu, c'est normal qu'il ait un esprit de comptition, vouloir gagner plus en reconnaissance,par la sueur de son front.

    Cette rivalit peut se traduire par, des dons mais aussi des services, avec la troisime logique de travaildu disciple mouride (" al khidmat ").

    III. Rendre des services la communaut (" al khidmat ")

    Le disciple mouride doit donner de son temps libre s'il en dispose, pour rendre des services sacommunaut. Cette troisime logique de travail a son importance et prend toute sa dimension lors de

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    crmonies religieuses ou d'un " ndigueul " lanc par un guide spirituel.

    A. Lors de crmonies

    La crmonie la plus importante dans la vie de la confrrie mouride est, le Magal (plerinage) annuel dela ville de Touba. Il commmore le dpart en exil au Gabon de Cheikh Ahmadou Bamba, le 21 septembre1895. Il existe galement, les nuits de chants religieux. Le dvouement des mourides lors de cesvnements religieux, est souvent critiqu et considr comme un signe de fanatisme religieux.

    1. Le Grand Magal de Touba

    Durant tout le Magal, les disciples ne cessent de " travailler ", comme ils disent en wolof de " liggeyeulSerigne Touba ", littralement de travailler pour le marabout de Touba qui est cheikh Ahmadou Bamba.Mais ils travaillent dans le sens de rendre service la communaut, pour accueillir, guider, cuisinergratuitement pour les autres. En effet lors des prparatifs et pendant le Magal, on peut voir des hommesdans diverses activits (bouchers, cuisiniers, porteurs, etc.), mais " Ne vous y trompez pas. Nombred'entre eux sont cadres ou chefs d'entreprise. Ils sont venus de Washington, de Rome ou de Londressimplement pour servir ". Ils sont l pour rendre service tous les plerins et Cheikh Ahmadou Bamba.

    Lors du Magal, cet enthousiasme du mouride vouloir assidment oeuvrer, servir la confrrie est perucomme un fanatisme.

    2. Le fanatisme mouride ?

    Selon Madicke Wade, le fanatisme du disciple mouride est un moindre mal. Pour lui, il ne fait que traduirela connaissance de Cheikh Ahmadou Bamba. Ils connaissent ses crits, sa vie et sa philosophie, il estdevenu concret pour eux. Cette concrtisation et comprhension expliquent d'aprs lui, leur dvouementet leur investissement l'gard de la communaut. Selon lui, lors du Magal " tout le monde connatquelque chose des crits et de l'histoire du matre et tout le monde raconte ou chante quelque chosedans les cours des maisons comme sur les places publiques ". Ainsi ce que nous pourrions considrercomme un fanatisme, est pour les disciples une marque de reconnaissance. Et le Magal de Touba est unmoyen pour les disciples de se ressourcer, de garder Cheikh Ahmadou Bamba toujours vivant.

    Le mouride est galement prt rendre des services la confrrie ds qu'un marabout le recommandeou l'ordonne lors d'un " ndigeul ".

    B. " Al khidmat " lors d'un " ndigueul "

    Le " ndiguel " est une recommandation ou ordre parfois, d'un chef religieux pour inciter les disciples faire ou cesser de faire un acte. Dans le cadre d'un projet notamment, il s'agira d'un appel de fonds ou demain d'oeuvre humaine, pour une construction, une tche prcise pour la confrrie, comme ledfrichement de la fort de Xelcom (proprit du Khalife gnral des mourides). Tout mouride disposantd'un temps libre peut s'y rendre et aider la culture du champ pendant le temps qu'il jugera ncessaire.

    Cet altruisme est difficile concevoir dans la pense occidentale. Le disciple qu'il s'agisse du " Kasbou ",du " amal ", ou du " khidmat ", trouve sa raison dans la fonction assure par le marabout, qui est le lienentre sa vie terrestre et son autre vie.

    Chapitre 2 Le travail chez le marabout

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    Le marabout ou guide spirituel assure dans la logique mouride, deux types de travaux, " al amal " et " alkhidmat ". Il n'assure pas titre principal " al kasbou ", le travail physique, qui procure des gainsimmdiats d'argent. Cette absence du " kasbou " chez le marabout l'a fait considr comme un " groupesocial non productif ". Mais dans la logique mouride, le travail ralis par le marabout n'est pasquantifiable, valuable en argent. Il est tout aussi important que le travail " occidental ", dit productif carprocurant des gains immdiats.

    Le guide spirituel mouride a une double fonction " sur les plans matriel et spirituel consistant dansl'ducation des mourides et dans l'assistance aux faibles ".

    I. L'enseignement spirituel du marabout

    Le rle spirituel du marabout est double, celui d'un professeur d'ducation religieuse, et d'un guide(murchid) transmettant une ducation spirituelle, un savoir, dit en wolof " xam-xam ".

    Ce rle de professeur et de guide, qui le disciple donne sa confiance, sa personne pour l'orienter dansla vie sur terre (" adina ") et dans la vie dans l'au-del (" alakhira "), le marabout l'acquiert selon unprocessus particulier.

    A. Fondement de la confiance spirituelle envers le marabout

    Le mouridisme s'inscrit dans la philosophie soufi, et en tant que tel, le Cheikh ou matre, constitue larfrence des disciples. Le Cheikh ne doit pas seulement possder une science islamique, il doit dtenirun surplus, appel " baraka ".

    1. Le statut de Cheikh

    a. .Processus

    Le Cheikh est le guide et matre du novice (murd). Il peut tre un saint homme (wali) comme le ProphteMouhammad ou un fondateur de confrrie musulmane comme Cheikh Ahmadou Bamba. Certainsindividus par leurs investissements dans le travail spirituel peuvent obtenir le titre de cheikh, donn pardes personnes au sein de la confrrie habilites le donner. Chez les mourides, Cheikh AhmadouBamba pouvait donner le titre de matre, de guide, ceux qui ont durement travaill le ct " amal ". Ainsi l'poque du fondateur tout le monde pouvait accder au statut de Cheikh. Il y eu ainsi des cheikhs dansles castes artisanales.

    Le Cheikh est une ncessit dans le soufisme " pour progresser sur le chemin du contrle de soi et deson propre perfectionnement ".

    b. Une ncessit incontournable

    Il constitue la rfrence pour le novice, " le cheikh personnifie l'idal recherch (murd) de la qutemystique que le disciple (murd) s'efforce d'atteindre. ". Cette ide du cheikh comme rfrence seretrouve dans les crits de Cheikh Ahmadou Bamba, car pour lui celui qui n'a pas un cheikh pour guide,aura le diable (Satan) pour guide. Donc l'accs Dieu, passe par le cheikh puisque " dans la doctrinemystique, la voie du salut passe par la connaissance intime de Dieu ; elle ne peut-tre ouverte au fidleque par un guide, un saint qui a fait cette exprience d'ordre affectif ".

    En effet, le novice mouride ne connat pas le chemin qui mne vers Dieu. Il n'a pas conscience des obstacles et" seul un cheikh peut l'aider affronter les dfis et franchir les tapes sur le chemin qui mne Dieu. Seul uncheikh, qui est un ami de Dieu, peut le faire pntrer dans l'amiti de Dieu. ". Cette amiti ou bndiction de Dieu

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    est inclue dans la notion de baraka.

    2. La baraka

    La baraka ou " barke " chez les mourides, est une notion importante dont l'origine date du Prophte.

    a. Notion de Baraka

    La baraka peut se dfinir comme une " parcelle de grce " que Dieu confre certains individus. Elle estlie, l'ide selon Alphonse Gouilly, de pouvoir magique, " tenant la fois d'un pouvoir de bndiction, oucharismatique, et en quelque sorte, d'un flux magntique ". Ce pouvoir charismatique, magique ou non,est trs important pour un marabout qui se veut un homme de Dieu.

    La baraka fait l'objet d'une transmission particulire permettant au cheikh d'tre un guide reconnu, unconfident privilgi du disciple et un matre digne de confiance.

    b. Origine et extension par la philosophie soufi

    Selon A. Gouilly, " la baraka appartenait uniquement aux Chorfa, descendants de Mahomet ".

    Le soufisme l'a tendue aux chefs de confrries. Et ceux-ci peuvent la dlguer leurs reprsentants oula transmettre leurs successeurs et " mme toute personne qu'ils jugent la plus apte ou la plusdigne. ".

    Et en Afrique noire, tous les fils des chefs de confrrie bnficient de cette baraka. Ils s'appuient d'aprsA. Gouilly sur deux versets du Coran. (Sourate LII, verset 21 et Sourate XVIII, verset 81).

    Lorsque le Cheikh runit ces conditions, il peut remplir pleinement sa fonction lie au " amal ", l'application de la science islamique, et tre un guide spirituel.

    B. L'application de la science religieuse (" al amal ")

    Le guide mouride n'est pas un simple enseignant d'cole coranique que l'on rencontre partout en paysislamique. C'est un guide qui doit mener le disciple vers la bonne voie, celui de Dieu par la diffusion deson savoir (" Xam-Xam ").

    1. Education religieuse

    Cheikh Ahmadou Bamba a crit beaucoup de pomes mystiques (" khassates " ou " qasida "),concernant l'ducation du mouride. Ses crits sur ce sujet sont considrables, ils servent de manuels auxmarabouts mourides. Il avait un souci particulier l'gard de l'ducation des jeunes, selon lui " Instruireles vieux, c'est crire la surface de l'eau, instruire les jeunes, c'est graver sur pierre ". Ainsi en travaillant l'ducation des jeunes, le marabout dans la pense mouride contribue une solidarit verticalepuisqu'ils travaillent pour les gnrations futures, ceux qui seront les adultes et la socit de demain.

    Les thmes des " khassates " de Cheikh Ahmadou Bamba sont varis et parlent mme du comportementdu disciple en public que les Cheikhs mourides doivent apprendre leurs novices.

    Outre l'enseignement religieux, le marabout, dans la pense de Cheikh Ahmadou Bamba, a un rlepurificateur.

    2. Education de l'me

    Selon Cheikh Ahmadou Bamba, il faut faire " la guerre sainte nos mes ". Le Cheikh peut commencerson travail de purification, ds que le disciple se soumet lui (" Djebblu ") et dcide de lui obir sansrsistance.

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    Le Cheikh est sens possder une science islamique que le jeune disciple n'a pas, celui du " batin "(science cache). Grce cette science cache, " batin ", le marabout connat le dfaut de chacun. Etcomme un " mdecin ", il va soigner, en l'espce, purifier le coeur de chacun, des lments rprhensifs.Cette phase l'origine, tait mise en application avec l'ide de solidarit. Et la daara tait le meilleurcadre pour dvelopper la solidarit et la puret de l'me.

    Dans la daara, le marabout contraint le disciple, qui s'est donn lui, mettre en commun les fruits deson travail avec les autres disciples. Durant toute cette priode, le mouride travaille mais ne possde rien.L'objectif du Cheikh est de dtacher le novice de toute proprit prive, qui mne l'gosme car selonCheikh Ahmadou Bamba " le mouride ne possde rien et rien ne le possde ". A l'issue de cette phase, ilpeut rester dans la daara ou partir vivre en ville o il est sens tre moins matrialiste que les autres.

    Le marabout adapte, durant cette phase, ses conseils au cas individuel. Ainsi, la mendicit ne figure dansaucun des crits de Cheikh Ahmadou Bamba qui rappelons le, est un soufi mystique, attach la dignithumaine. Mais celle-ci peut tre utilise pour rendre l'individu plus humble. Une seule fois, le fondateur autilis la mendicit pour duquer un disciple, il s'agissait du fils du Roi Lat Dior, M'Bakhane Diop afin de lerendre plus modeste, moins hautain. Aujourd'hui, de fait , certains marabouts font mendier leurs disciples,mais d'autres le dsapprouvent puisqu'elle ne figure dans aucun des crits de Cheikh Ahmadou Bamba,comme principe d'ducation du mouride.

    Le marabout doit donc purifier, le cur, l'me du disciple et lui transmettre le savoir dit " profond " (XamXam). Il hte les lments rprhensifs mais d'un autre ct, il doit lui donner des lments desubstitutions, qui le guideront vers la " Voie " de Dieu. Et c'est dans ce sens que le guide spirituel seral'intercesseur au Paradis, et aura rempli convenablement sa mission.

    Le marabout mouride, a ainsi une fonction spirituelle laquelle s'ajoute une fonction plus matrielleenvers ses disciples. Il a , lui aussi, des services matriels rendre la communaut mouride. Le bonfonctionnement de la confrrie et la scurisation du disciple passe galement par cette fonction dumarabout, qui contribue la confiance du novice et la rgulation des rapports entre des deux acteurs.

    II. Les services rendus la communaut mouride (al khidmat)

    Le marabout mouride n'est pas seulement un guide spirituel, il est aussi un accompagnateur social. Il estprsent, selon l'expression de Fernand Dumont, de la " naissance la mort " du disciple. Et en tantqu'autorit suprme, le Khalife gnral, est charg de l'unit de la " tarikha " mouride.

    A. " Prsence de la naissance la mort du disciple "

    Le marabout mouride doit rendre des services ses disciples, remplir sa part du " khidmat ". Il les assistematriellement, moralement, ce qui dans certains aspects rappellent le chef de village wolof traditionnel.

    1. Une assistance matrielle et financire

    Le marabout, l'issue de la priode d'ducation dans la daara, aide si ncessaire le disciple qui souhaites'installer notamment en ville. Il va le recommander gnralement un de ses disciples dj install.

    Lors des ftes musulmanes comme la tabaski au Sngal (" Ad al Adha "), les disciples qui n'ont pas lesmoyens d'acheter un mouton peuvent le demander au marabout qui gnralement le leur fournitgratuitement.

    Ce rle de relais de solidarit assur par le marabout pour aider les individus dans le besoin, est assur

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    grce l'argent issu du " kasbou " des disciples. Il redistribue les sommes reues. En occident, cesystme sera celui de la scurit sociale, chez les mourides, c'est le marabout qui remplit cette fonction.En effet, en cas de maladie, d'arrt de travail, de dcs ou d'autres difficults, il prend en charge les fraisfinanciers spontanment ou sur demande d'un disciple. Et aujourd'hui encore Touba, les disciplesviennent " tous les samedis pour solliciter l'attribution d'une parcelle qui leur permettre de s'installer Touba. Le taalib peut tre assur qu'il sera log mais aussi nourri, vtu si besoin est par son Cheikh ".

    Il assure galement, un soutien moral et amical toute personne qui le souhaite.

    2. Une assistance sociale, morale

    Le marabout intervient dans les conflits individuels et essaie de canaliser les antagonismes. II dirige lescrmonies comme les baptmes, mariages ou enterrements o sa prsence est un honneur pour lesfamilles.

    Les disciples viennent le voir pour demander des conseils, discuter d'un problme ou d'un souci. Parfois,ces derniers n'ont pas de vritables problmes. Ils ont tout simplement besoin d'une coute, d'un soutienpsychologique, pour tre rassur. Et le marabout doit trouver les mots qui les aideront reprendreconfiance en eux.

    Dans certains de ces aspects, le rle social du marabout, rappelle le chef de village traditionnel dans lasocit wolof " borom dekke ".

    3. Remplace le chef de village traditionnel " borom dekke"

    Le Cheikh par son rle d'assistant, rappelle le " borom dekke ". Et Paul Marty, cit par Jean Copans,estimait qu'avec la dsagrgation de l'ancienne socit wolof avec la colonisation, c'est autour dumarabout que " la socit noire tend se rorganiser ". Et aujourd'hui le voyageur est sr de trouver unlogis provisoire dans la maison du marabout, avant il trouvait refuge chez le Chef de village. Le marabout,assure un rle de rgulateur social en se substituant au " borom dekke ", dans l'hospitalit.

    Le Cheikh est galement charg de l'unit de la confrrie (" tarikha ") mouride. Le Khalife gnral, estcelui qui est gnralement considr, comme le plus apte assumer ce rle.

    B. Conservateur de l'unit de la " tarikha " mouride

    L'unit de la " voie " mouride, est dvolue principalement au Khalife gnral . Il est le matre d'ouvragedes grands travaux mourides, par sa capacit de mobilisation, lors d'un " ndigeul " surtout.

    1. Charisme du Khalife gnral et unit de la confrrie

    Le Khalife gnral est charg de grer les valeurs du groupe. En gnral, il s'agit du fils le plus g vivantde la progniture de Cheikh Ahmadou Bamba, aujourd'hui c'est Serigne Cheikh Saliou Mback. Il est le" gardien des symboles matriels " de la confrrie tels que le tombeau de Cheikh Ahmadou Bamba et laGrande Mosque de Touba.

    Il a une autorit sur les mourides, qui incluent les autres Cheikhs et les disciples. Il reprsente aujourd'huiune autorit lgitime et incontestable par l'ensemble de la confrrie.

    Il est charg de la politique extrieure de la confrrie et supervise les entreprises collectives grces auxsommes reues des " taalibs " ou d'autres Cheikhs mourides.

    2. Matre d'ouvrage des grands travaux mourides

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    Le Khalife gnral pour toutes les tches concernant la collectivit, commence par donner un motd'ordre, le " ndigueul ", afin de mobiliser tous les mourides. Il a un souci particulier d'intgrit et detransparence l'gard des membres de la confrrie.

    a. Le " ndigueul " pour les ouvrages communautaires : Les " chelles "

    Le Khalife gnral peut faire appel la gnrosit, des Cheikhs et des disciples pour la ralisation d'unouvrage, en mettant un " ndigueul ".

    Le " ndigueul ", mis par le Khalife gnral a des " echelles " de rsonance tonnante, pour toutobservateur de cette confrrie. En effet, il rencontre une coute, locale, nationale, et internationale. Lemouride quelque soit son lieu, se doit de contribuer selon ses moyens l'oeuvre engage par le Khalife.Dans certains cas o le montant des travaux est prcisment valu, il peut rpartir la somme entre lesdiffrents Cheikhs (" sas "), situs dans des zones gographiques diffrentes. Gnralement chaqueCheikh fait appel ses disciples, afin qu'ils contribuent, chacun pour runir la quote-part que le Khalifegnral lui a demand de verser.

    Lorsque ces sommes parviennent Touba, le Khalife gnral en tant que gardien de l'unit de la" tarikha ", a un souci d'intgrit et de transparence dans la gestion de ces fonds.

    b. Intgrit/Transparence

    Les sommes reues font gnralement l'objet d'une allocution publique, trs largement reprise dans lapresse compte tenu de l'ampleur des montants. En effet, pour la rnovation de la Grande Mosque deTouba, l'ancien Khalife gnral, Serigne Cheikh Abdou Ahad, avait recueilli " Trois milliards de FCFA " en1990.

    L'actuel Khalife, a tabli un acte notari en 1992, o il dclarait avoir ouvert un compte bancaire au nomde Cheikh Ahmadou Bamba. Dans l'acte sign par Serigne Cheikh Saliou Mback, il affirmait que cessommes taient exclusivement destines aux oeuvres de la communaut mourides et aucun de sesdescendants ou successeurs. Et il prcise que " Ce compte ne peut en aucune manire tre utilis desfins personnelles ".

    Cette intgrit dont le Khalife gnral tient beaucoup, contribue revaloriser le travail, en l'occurrence le" khidmat " du Cheikh. Elle conforte la confiance du disciple, citoyen sngalais, dans la bonne gestiondes fruits de son travail physique (" kasbou "). Et en utilisant des supports de la socit civile commel'acte notari, le Khalife gnral confirme cette confiance.

    Les acteurs mourides, ont donc su chacun, tout en assumant leurs fonctions premires, s'adapter etvoluer en fonction d'un environnement qui ne cesse de se modifier.

    Titre 2

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    Les logiques de travail des acteurs mourides et leursimplications dans la socit sngalaise

    Les acteurs mourides ont d tenir compte des donnes de la socit moderne, non plus rurale maisindustrielle et commerciale. Ils se sont intgrs dans la socit capitaliste sngalaise, avec un succs" tonnant ", au point qu'on peut se demander s'ils ont gard leurs logiques de travail (Chapitre 1).

    Et par la notion mme de travail, les mourides touchent nouveau la socit sngalaise, par les valeurstraditionnelles attaches ce terme (Chapitre 2).

    Chapitre 1 Logiques de travail mourides et l'conomie

    capitalistique sngalaise

    Le mouridisme est n dans une rgion rurale, par le fait colonial. En effet, l'Administration colonialeconsidrait au dpart, Cheikh Ahmadou Bamba comme un lment subversif. Ce dernier fut dport plusieurs reprises, et vcut des annes en exil. Et lorsqu'il n'tait pas exil, il tait assign rsidencedans des zones rurales.

    C'est cet environnement colonial qui a oblig le mouride, vivre en zone rurale, au sein des daaras. Cesorganisations ne figuraient donc pas dans les crits du fondateur. Mais elles taient les formules trouves l'poque, pour rpondre au contexte hostile l'gard des mourides.

    Ce contexte a chang, la socit s'est modernise avec une urbanisation rapide. Les acteurs mouridesont d tenir compte des changements de l'environnement conomique surtout, pour trouver les moyensde vivre dcemment. Et en s'impliquant dans l'conomie capitalistique sngalaise, les mourides ont euune certaine russite au point qu'on peut se demander, s'il n'y a pas tout simplement une recherched'accumulation de la part de la confrrie (A). On s'interrogera, sur les effets de l'activit des mourides, surla socit sngalaise, savoir, si en rendant service la communaut mouride, ces derniers rendent unservice au pays, un " khidmat " l'chelle nationale (B).

    I. Adaptation la socit moderne

    Les deux acteurs de la confrrie mouride, se sont progressivement introduits dans la socit et

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    l'conomie sngalaise, notamment en milieu urbain. Ont-ils intgr dans leurs logiques de travail, l'ided'accumulation, propre au systme capitaliste? On tentera de dterminer, si les lments de la logiquecapitaliste, figurent dans la confrrie mouride.

    A. Essor des entreprises des disciples

    Les disciples se sont d'abord dirigs, vers les zones urbaines notamment Dakar, puis l'tranger.

    1. A Dakar

    Les taalibs mourides ont t nombreux quitter les daaras et l'agriculture, pour se diriger principalementdans le commerce Dakar.

    a. Origine de l'installation en milieu urbain

    Le changement d'environnement gographique, est d en partie la chute des prix de l'arachide, qui aconduit les disciples quitter les rgions rurales. L'exode rurale a beaucoup touch, les rgions dominante mouride, o le travail de la terre ne procure plus les gains permettant de vivre et faire vivre safamille. Ds lors il fallait trouver une autre source de revenu, pour sa famille, son marabout, et continuer participer aux oeuvres de la confrrie dont l'ducation spirituelle (" al amal ") de ses enfants et de ceuxdes autres confis au Cheikh. En effet dans les daaras, nombreux sont les enfants confis au maraboutpour qu'il s'occupe de leur ducation. Les parents ne versent pas ncessairement une sommergulirement au marabout qui duque et prend en charge l'ensemble des frais de son jeune disciple.Cependant il arrive subvenir ces frais grce aux fruits de ses champs et aux contributions des autresdisciples.

    La premire destination dans la recherche d'un nouveau " Kasbou " pour le mouride, sera la capitale,Dakar.

    b. Les commerants mourides Dakar

    Les mourides sont nombreux s'tre orients vers le commerce. Et les grands commerants de Dakarsont des mourides. Les plus connus taient Djily Mbaye et Ndioga Kb, aujourd'hui dcds

    Les mourides ont su profiter des opportunits de la politique conomique du gouvernement. Ainsi en1986, le gouvernement avait arrt la protection des produits manufacturs sngalais de la concurrencetrangre, " Cela voulait dire que pratiquement tout le monde pouvait se lancer dans l'import-export, queles textes sur les importations taient abaisss et que les quotas taient supprims, sauf sur certainsproduits ". Et progressivement, ils " ont investi l'essentiel de l'conomie sngalaise. Commerce,transport, immobilier ".

    Les mourides comme beaucoup de sngalais ont migr vers l'tranger.

    2. La Diaspora : un travail en rseau

    La dynamique commerciale constate Dakar, existe galement dans la diaspora. Les mourides l'tranger, sont souvent en relation avec les disciples rests Dakar. Ils ont cr des rseaux dedistribution reliant les commerants Dakar et la diaspora, ainsi au dbut des annes 1980 les" marchands de rue mourides Paris ", vendaient " des articles achets dans les quartiers chinois deNew-York ".

    Cette adaptation et cette russite en milieu urbain et l'tranger aujourd'hui en Italie ou aux Etats-Unis,les mourides l'attribuent la vie dans la daara et l'ducation qu'ils y ont reu. Ce que l'observateurextrieur peroit comme une exploitation, le mouride le voit comme une ducation, un apprentissage quilui permettra de faire face tout : " L'exprience de la daara semble constituer une bonne base de dpart.Enfants, les jeunes taalibs, sont loigns de leur famille pendant de longues priodes, ils travaillent dur

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    et vivent collectivement, un mode de vie quotidienne qu'ils continuent suivre dans l'migration. ". Lapolyvalence des tches (travail physique, tude du Coran etc.) au sein des daaras explique leurscapacits faire toutes sortes de mtiers, s'adapter tout contexte et ainsi selon un disciple " C'estpourquoi l'on s'tonne de trouver des taalibs mourides jusqu' Djibouti, au Gabon, en Allemagne, enAmrique, surmontant toutes les difficults et amassant le maximum de richesses. ".

    L'autre acteur de la confrrie mouride, le marabout a galement d tenir compte du contexte et essay des'adapter la socit capitalistique sngalaise.

    B. Adaptation des marabouts

    Certains marabouts sont entrs dans l'activit commerciale. Et ils sont nombreux voyager, s'installer l'tranger.

    1. Au Sngal

    Les marabouts commerants ont t l'origine initis, selon M. C. Diop, par un des frres de CheikhAhmadou Bamba, Cheikh Anta Mback, qui tait le premier exercer une activit commerciale. D'autresmembres de la famille Mback suivirent avec une certaine russite. Ces marabouts ont donc t amens exercer une activit (" al kasbou ") leur permettant d'avoir des gains immdiats pour subvenir leursbesoins, tout en continuant jouer leur rle de Cheikh mouride. Les disciples viennent toujours les voirpour un conseil, une aide, ou pour leur donner leurs dons.

    Le Khalife gnral a d lui aussi exercer de nouveaux rles, notamment syndical en faveur des paysansen 1980. Il tait leur " porte parole ". Il a prsent au Prsident Senghor, les dolances des paysans, lorsd'un entretien repris dans la presse nationale.

    Et aujourd'hui les marabouts voyagent de plus en plus et sortent du Sngal.

    2. A l'tranger

    Les marabouts mourides taient dans le Baol, le Cayor, le Djoloff originellement. Par la suite, ils se sontdirigs vers d'autres rgions. Aujourd'hui, ils se dplacent beaucoup l'tranger pour rencontrer lesdisciples, voire pour s'installer court ou long terme. Ils se fondent sur l'ide, que l'islam est universel, iln'est pas gographiquement limit. Et cette crainte originelle de l'homme blanc a quasiment disparu.Certains marabouts continuent l'tranger exercer un rle de guide spirituel. Lors de leurs visites l'tranger de nouveaux disciples se soumettent (" Djebelu ") eux, aussi bien des sngalais que desnationaux des pays d'accueil.

    Ceux qui vivent sur place continuent leur rle social. Ainsi lors d'une de mes visites, un disciple tait venudemander un conseil concernant le prnom de son enfant. Etant mari une franaise, la famille decelle-ci craignait qu'un nom sonnante trangre ne lui porte prjudice dans sa vie future. Il lui taitdifficile de prendre une dcision car son rle de parent, lui demande d'aider la russite de son enfant etd'un autre ct sa famille, au Sngal, ne risquait pas de comprendre l'attribution d'un prnom occidental.Le marabout dans ce type de contexte est tenu de donner un solution. Il ne peut laisser partir le disciplesans lui proposer une solution, ce qu'il fit dans ce cas d'espce. Pour lui, le prnom le plus important, estcelui du baptme musulman, non celui inscrit sur l'tat civil. Et dans l'ducation de l'enfant, les parentssont tenus de lui faire connatre son vritable prnom afin qu'il le reconnaisse et l'accepte.

    Cette adaptation des acteurs mourides la socit moderne, a permis la confrrie de s'enrichir grceaux fruits du travail issus du " kasbou ".

    C. Logique d'accumulation capitalistique ? Adaptation du Kasbou ?

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    La russite commerciale des mourides pose le problme de l'opportunisme des nouveaux aspirants etcelui de l'accumulation capitalistique.

    1. L'opportunisme

    Les mourides par leur succs ont contribu crer, de nombreux emplois dans divers secteurs(commerce, transport, etc.). Ces emplois bnficient principalement aux mourides. Ds lors en entrantdans la confrrie, le novice est-il sincre ou souhaite-t-il tre aid, bnficier d'un emploi. Les mouridesreconnaissent l'existence de cette opportunisme. Cependant pour eux, ce dernier n'aura pas labndiction dont bnficiera le mouride sincre. Car dans la logique mouride la recherche de gainsfinanciers mme s'il fait partie du devoir d'un mouride pour tre indpendant, n'est pas un but en soi.Selon Cheikh Ahmadou Bamba, le mouride doit aller au-del, car l'accumulation des richesses ou larecherche unique d'argent n'est que " le rsultat " animal " du travail ".

    2. Logique d'accumulation capitalistique du mouride ?

    Les mourides rejettent donc l'ide d'accumulation propre au systme capitaliste. La confrrie ne secomporte pas comme pas, comme n'importe quel entrepreneur priv, grant son patrimoine.

    a. Absences de parts sociales et d'actions dans les infrastructures ralises

    Tous les ouvrages raliss par la confrrie mouride, appartiennent la communaut de fidles. Ils sontgrs par des marabouts ou des disciples. Mais les membres de la confrrie n'ont pas de parts sociales,ni d'actions dans aucune infrastructure, tout appartient la communaut, quelque soit la contribution dechacun.

    L'argent reu est destin la redistribution, l'utilisation.

    b. Rejet de la notion d'accumulation

    La confrrie mouride possde beaucoup d'argent grce aux dons (" addyas "), fruits du " kasbou " demillions d'adeptes. Ces sommes ne sont pas destines d'aprs les mourides tre thsaurises, dansune banque. Et l'actuel Khalife gnral au moment de son arrive a trouv une somme de 600 millionsFCFA, dans les caisses. Il a dclar, le montant des sommes trouves, et annonc qu'il ne demanderaitaucune contribution financire aux disciples pour la ralisation de projets en cours. Les sommes encaisse pouvaient financer tous les travaux en cours.

    Ce comportement du Khalife gnral est une donne importante pour les mourides. La russite dans lesystme capitaliste, avec les quantits de " addiyas ", ne leur font pas oublier leurs propres logiques danslaquelle l'ide d'accumulation n'est pas la logique dominante.

    Cette russite, au-del des mourides, constitue-t-elle une valeur pour les sngalais en gnral, unexemple voire une fiert nationale ?

    II. Le khidmat : La russite mouride comme exemple ou valeur fondamentale de la socitsngalaise ?

    En travaillant au sens occidental (" al kasbou "), on peut se demander, si le mouride en ralisant le" kasbou ", rend un service au Sngal, un " khidmat " l'chelle nationale. Les mourides sur un certainnombre d'aspects se sont mis en position de supplant de l'Etat. Et, ce mme Etat, les cite commevaleurs reprsentatives du Sngal.

    A. Supplance de l'Etat dans certains domaines

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    Cette supplance a dbut l'poque coloniale avec la culture de l'arachide. Et elle continue l'heureactuelle, dans d'autres domaines.

    1. A l'poque coloniale : la culture de l'arachide

    Les mourides ont souvent t tudis travers la culture de l'arachide, commenc sous le gouvernementcolonial, puisqu' cette poque c'tait le meilleur moyen de monnayer son surplus de production. EtSamir Amin, a montr que le " dveloppement du capitalisme dans le cadre colonial avait t fondd'abord sur la transformation de l'agriculture de subsistance en agriculture d'exportation et sur laproduction minire. ". Au Sngal, l'conomie coloniale sera base sur la production agricole avec laculture arachidire et les mourides vont tre les grands producteurs d'arachides. Par leur logique dukasbou, ils ont contribu l'essor conomique du pays, ils ont rendu un service (" khidmat ") l'conomiesngalaise.

    Et d'aprs un rcit rpandu dans la confrrie mouride et qui fait partie de l'histoire de celle-ci, elle a aid sauver le pays de la famine. Une priode de pnurie avait touch le Sngal et les grains conservs dansles " sakhe " (rserves), par la famille de Cheikh Ahmadou Bamba, ont servi nourrir la population. Legouvernement colonial avait demand acheter ces grains et s'engageait payer sa dette, sur lesprochaines bonnes rcoltes. A dfaut de rcoltes positives, il resta silencieux. Et l'un des frres de CheikhAhmadou Bamba, Serigne Mame Tierno, rpondit que si ce second cas venait venir, il fait le prt Dieu, ce dernier les rtribuera. Il leur permit de prendre les grains mme s'il n'tait pas sr d'tre pay parle gouvernement colonial. Ce rcit, pour les mourides, montrent leurs dtachements aux biens. Il illustred'une certaine manire le " khidmat " l'chelle national, le rle de rgulateur , en l'espce conomique,grce leurs activits.

    Aujourd'hui, les mourides interviennent dans d'autres domaines, dont certains sont gnralement dvolus l'Etat.

    2. A l'heure actuelle

    Les interventions mourides sont essentiellement localises Touba. Ils interviennent de faon ponctuelledans le reste du pays.

    a. A Touba

    En principe, les politiques de sant, d'ducation, appartiennent l'Etat. A Touba, ce sont les mourides quiralisent ces infrastructures, grce aux dons des fidles. Ils ralisent ces constructions en informantuniquement l'Administration qui gnralement ne s'y oppose pas. Elle est mme contente de travailleravec eux, en " vritable partenariat " comme le dit le Prsident Abdou Diouf :

    " Avec d'un ct, l'Etat qui a mis un cadre institutionnel adquat ainsi que des mcanismes de promotionde l'initiative prive. Et de l'autre, les khalifes... "

    En dehors de Touba, il n'y a pas d'infrastructures mourides, hormis des mosques. Ils font desinterventions ponctuelles sur le reste du territoire national.

    b. Interventions ponctuelles

    Les mourides interviennent ponctuellement sur le reste du territoire. Ils estiment qu'ils ne sont qu' leurdbut dans le domaine urbain. Ils privilgient d'abord leur ville sainte. Ils demandent du temps pourtendre leurs infrastructures sur d'autres zones gographiques o se trouvent d'ailleurs de nombreuxCheikhs et disciples mourides.

    Ils contribuent si ncessaire en cas de besoins auprs de la population sngalaise. En 1991, un accidentde la SONACOS, a provoqu des fuites de produits toxiques. Le khalife gnral a vers de l'argent, pouraider les victimes de ce sinistre. Ces interventions ponctuelles sont des lments qui donnent aux

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    mourides " une dimension populaire et nationale dont les sngalais, fidles ou non se montrent fiers ".

    Cette fiert ou retentissement des logiques de travail mourides, sont galement ressentis par l'Etatsngalais.

    B. Les ralisations mourides comme systme reprsentatif du Sngal

    Lors de la Confrence des Nation-Unis Istanbul, l'Etat sngalais a prsent les ralisations urbainesde la ville de Touba comme tant un systme reprsentatif, un modle de dveloppement, d'une ville.Cette reconnaissance des travaux mourides a commenc, sous l'ancien Prsident Senghor et a continusous Abdou Diouf.

    1. La Confrence des Nations Unis Istanbul (Habitat II)

    La confrence des Nations-Unis Istanbul (Turquie) ou Sommet sur les villes, a eu lieu en juin 1996. Etle Sngal a prsent comme " un cas de bonne pratique ", la ville de Touba.

    L'Etat sngalais et la confrrie mouride avaient constitu un dossier sur la ville de Touba et lesamnagements raliss ou en cours. Ces constructions vont des clairages modernes de la ville, laStation de pompage et d'assainissement des eaux pluviales, en passant par la rnovation de la GrandeMosque et les travaux de l'Universit islamique. Les services dconcentrs de l'Etat (" Urbanisme, lesTravaux Publics, le Cadastre, la Sant et l'Hydraulique. "), ont fourni un appui technique, rmunr par leKhalife gnral des mourides.

    Pour l'Etat, ce soutien est facilit par les vertus du travail dveloppes par les mourides.

    2. La reconnaissance du travail mouride par les Chefs d'Etat sngalais (Senghor et Diouf)

    Le nombre de discours du Prsident Senghor sur le travail des mourides ne se compte plus. Et lePrsident Abdou Diouf, l'occasion de la Confrence des Nations-Unis d'Istanbul, a tenu faire un" TEMOIGNAGE " sur l'urbanisation de la ville de Touba. Car pour lui le choix de celle-ci, " parmi les casde meilleures pratiques dans la perspective du Sommet des Villes prvu Istanbul, n'est donc pas unhasard. ". Et il ajoute que, " le rle de facilitateur de l'Etat est d'autant plus ais mettre en pratique quela communaut mouride se distingue au Sngal et travers le monde, par son sens de l'organisation etl'importance qu'elle a toujours accord aux vertus du travail. ".

    Les mourides ont atteint une reconnaissance, dpassant leurs zones gographiques originelles et font lafiert de nombreux sngalais, par leurs " khidmat ", mme s'il reste encore des choses faire surl'ensemble du pays, pour qu'on puisse parler pleinement de " khidmat l'chelle nationale ".

    Ils ont adopt le systme capitaliste et ont contribu la rgulation conomique du pays . Cependant laconfrrie mouride n'a pas le comportement d'une entreprise prive. Ils n'ont pas substitu leurs logiquesde travail, au profit de la logique capitalistique.

    Cette mme socit capitaliste, moderne, lui a donner de nombreux disciples issus de l'cole occidentale.En rejoignant, le mouridisme, ils intgrent ses valeurs. Celles-ci s'inscrivent dans certains aspects, dansune tradition africaine, sngalaise.

    Chapitre 2 Le travail mouride s'inscrit dans une tradition sngalaise

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    Le mot travail, se dit en langue wolof " liggey ". Ce terme est trs important au Sngal. Il traduit luiseul, un certain nombre de valeurs, de la culture sngalaise et africaine.

    Les travaux mourides, qu'il s'agisse de la logique du " amal ", du " khidmat ", ou du " kasbou ", sont lis un tat d'esprit communautaire. Car mme si le mouride travaille individuellement au sens occidental, ildonnera une partie de ses revenus la confrrie. Cette ide de communaut se retrouve dans lessocits africaines, et au Sngal.

    Au Sngal, le terme de " liggey ", a une dimension particulire, lie la mre et l'expression de " liggeyndey ", littralement " travail de la mre ". Cette expression attribue la russite, la bonne ducation del'enfant au rle tenu par la mre. En incitant au travail (" liggey "), les disciples de Cheikh AhmadouBamba, contribuent satisfaire et corroborer une valeur fondamentale de la socit wolof et toucouleur,largement rpandue dans la population sngalaise.

    I. Ide de communaut dans les trois logiques de travail des mourides

    La logique communautaire se retrouve dans la quasi-totalit des socits africaines, ce qui les distinguentdes socits occidentales. Les mourides ont intgr cette dimension communautaire dans leurs logiquesde travail, avec certaines particularits.

    A. La communaut s'inscrit dans une tradition africaine, sngalaise

    Le concept de communaut en Afrique noire, comporte des caractristiques propres, que l'on retrouvechez les mourides.

    1. Notion de communaut africaine : Les lments, les lieux

    Selon M. Michel Alliot, plusieurs lments, caractrisent et dfinissent les communauts africaines. Ils seretrouvent dans divers groupes au Sngal.

    La communaut africaine, implique d'abord le partage de valeurs communes : espaces, vie quotidienne,anctres communs, " la soumission un mme systme de forces divines ou de pouvoirs humains ".

    L'autre lment selon M. Alliot est la " diffrence ". D'aprs lui, " Les bonnes socits ne sont pasconstitues de groupes semblables, car alors aucun n'est indispensable aux autres. Elles s'organisent partir de groupes diffrents ayant chacun besoin des autres ".

    Le troisime lment est la " hirarchie ". L'individu se situe par rapport d'autres. Ainsi, souvent enAfrique notamment au Sngal, les rapports familiaux sont d'ans cadets. Le terme de " frre " ou" soeur ", impliquant une ide d'galit n'existe pas dans le vocabulaire wolof notamment.

    Ainsi la communaut africaine s'ordonne autour de plusieurs lments dont les deux principaux sont, lahirarchie et la diffrence plutt que " l'galit et les similitudes ". Et ces lments constitutifs de lacommunaut, on les retrouve au Sngal , dans la famille et dans toutes les confrries musulmanes.

    Les mourides ont galement intgr dans leurs logiques de travail ces donnes.

    2. Intgration de ces lments dans la communaut mouride :

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    Hirarchie-Complmentarit-Exploition

    Dans les trois logiques de travail, le rle du disciple et du Cheikh n'est pas le mme. Cette diffrence estlie au statut des deux acteurs. Le Cheikh est le suprieur hirarchique du disciple qui doit se soumettre lui (" tarbiyou ").

    Cette hirarchie n'implique pas forcment l'ide d'exploitation mais de complmentarit. Le disciple pourtravailler son ducation spirituelle (" amal ") a besoin d'une personne, d'un homme de science (religieuse)qui puisse l'instruire et le guider vers le chemin qui mne Dieu. Et d'un autre ct celui qui utilise sontemps instruire, et distribue son savoir, en l'occurrence le Cheikh, a besoin du disciple pour assurer sasubsistance conomique.

    Cette hirarchie est souvent vue, analyse comme une exploitation du marabout l'gard de sesdisciples, puisque dans nos socits occidentales, on fait surtout prvaloir l'ide d'galit. Or Michel Alliotconsidre que " les communauts d'Afrique noire, valorisent traditionnellement les hirarchies et lescomplmentarits au niveau apparent, la fraternit au niveau cach, tandis que celles d'Europe valorisentl'galit et le similitude au niveau apparent, les hirarchies au niveau cach ". Ainsi, mme si les socitsoccidentales se proclament galitaires, elles ne le sont pas vritablement dans les faits.

    Les caractristiques attaches la communaut africaine se retrouvent donc chez les mourides, aveccependant des particularits.

    B. Fonction sociale de la communaut (particularisme mouride)

    Ce particularisme est li la nature musulmane de la confrrie mouride et son lieu de naissance,l'Afrique noire.

    Les mourides partout o ils se trouvent essaient de trouver des structures qui les runissent mme defaon ponctuelle, pour raliser des travaux en commun.

    1. Diaspora et rgulation sociale distance

    Les mourides sont trs dynamiques l'tranger. Ils continuent leurs logiques de travail. Mme s'ilstravaillent (au sens occidental), ils se retrouvent pour raliser, une tche, un travail en commun commel'achat d'une maison. En effet, les disciples ont achet plusieurs maisons l'tranger, appelesgnralement " Keur Serigne Touba ", qui signifie la maison du marabout de Touba qui est CheikhAhmadou Bamba. Elles sont finances grce aux " kasbou " des disciples. Ainsi Abidjan deux maisonsont t achetes, la premire date des annes cinquante, avant l'Indpendance du Sngal. En France,aux Etats-Unis, ils ont galement acquis des maisons. Ils s'y runissent, lors de ftes musulmanes, pouraccueillir un marabout de passage, ou l'occasion de nuits de chants religieux des pomes de CheikhAhmadou Bamba.

    Souvent les parents rests au Sngal sont rassurs quand ils savent que leurs enfants l'tranger,frquentent une telle communaut. Ils sont srs qu'ils prserveront leur identit, leurs valeurs et qu'ils neseront pas perdus, dracins.

    2. Communaut musulmane contenant des valeurs ngro-africaines

    Cheikh Ahmadou Bamba tenait beaucoup son identit noire, la prservation des valeurs locales. Ildisait que l'individu doit garder l'esprit (" baayi khel "), sur deux choses, la sharia d'une part et lestraditions du pays (" adda dekke bi ") d'autre part.

    Garder la sharia l'esprit signifie en premier lieu, suivre les prceptes musulmans issus de la traditionmusulmane provenant du Prophte Mouhammed. Ensuite, il faut prserver les traditions locales mais

  • Les logiques de travail chez les Mourides

    http://www.dhdi.free.fr/recherches/etudesdiverses/memoires/sowmemoir.htm[06/05/2015 8:57:54]

    celles-ci ne doivent pas tre en contradiction avec l'islam. Cette rfrence aux valeurs locales, ici noires,est une innovation l'poque, o toute rfrence la localit tait considre comme en contradictionsystmatique avec l'islam. Aujourd'hui encore, il existe une connotation noire, voire exclusivement wolof,attribue au mouridisme.

    L'introduction de valeurs locales contribue l'ide de rgulation de la confrrie mouride qui a sduit denombreux sngalais. Et ainsi mme dans la diaspora, le mouride essaie de prserver son identit noire.

    Cette identit et tradition locale dont Cheikh Ahmadou Bamba fait rfrence, se retrouvent dans la notionmme de travail, " liggey " en wolof, que les mourides valorisent.

    II. Le travail contribue au maintien statutaire

    Par l'incitation constante au travail, spirituel, physique, Cheikh Ahmadou Bamba, souhaite que le discipleait un comportement honnte, une indpendance financire, qui matriellement peut se traduire par unerussite sociale du disciple. En acqurant un comportement pieux et honnte, grce au travail (" liggey ")de son " amal " et de son " kasbou ", le disciple satisfait sa famille et honore sa mre. Indirectement leslogiques de travail dveloppes chez les mourides, participent la notion traditionnelle de " liggey ndey ".Et Cheikh Ahmadou Bamba, lui-mme s'intgre dans cette notion, son choix comme guide est li enpartie aux vertus attribues sa mre, son travail.

    A. Les travaux permettent de corroborer la tradition du travail de la mre (" Liggey ndey ")

    La notion de " liggey ndey " est un concept important au Sngal. De celle-ci va dcouler lecomportement et la russite de l'enfant, le statut qu'il aura dans la socit sera li sa mre.

    1. La notion de " Liggey ndey "

    Elle traduit le rle dvolu la mre dans la socit sngalaise. La mre de famille se doit d'tre honnte,loyale, dans son foyer conjugal. Et l'enfant " selon que celle-l aura t honnte ou non dans son foyer,son enfant russira ou ne russira pas dans la vie. ". La mre qui a bien travaill, est celle qui a tpatiente envers son mari, supportant courageusement toutes les injustices, et aura instaur de bonnesrelations avec les parents et amis de son conjoint. Ainsi, des qualits de la mre vont dpendre lesqualits de l'enfant, son bon comportement (honnte), et sa russite sociale.

    2. Contribution des logiques de travail mourides au " warougal " de l'enfant

    Dans la philosophie de Cheikh Ahmadou Bamba, le travail spirituel vise duquer les mourides. Cetteducation doit se traduire par un comportement humble, respectueux, intrieurement mais aussiextrieurement d'o les pomes sur le comportement du disciple. En incitant le mouride travailler pour" gagner son pain ", il l'invite gagner sa subsistance et celui de sa famille. En honorant, sa famille, lemouride honore sa mre avant tout. Il a accompli son devoir (" warougal ") envers elle et sa famille. Il aprserv le statut de sa mre et le sien.

    Le " travail de la mre " de Cheikh Ahmadou Bamba, a t souvent relat. Sa puret est un lment qui acontribu la puret et la russite de Cheikh Ahmadou Bamba.

    B. Mise en valeur du travail de la mre de Cheikh Ahmadou Bamba

  • Les logiques de travail chez les Mourides

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    La puret de Sokhna Mame Diarra, est une des raisons de la puret du Cheikh mouride, car dans latradition musulmane, un tre pur ne peut provenir que d'tres purs. La mre de Cheikh Ahmadou Bamba,est considre comme une femme " ayant travaill " dans son foyer .

    1. Valeurs attaches Sokhna Mame Diarra

    Elle est considre comme une femme " pieuse, chaste, et fidle ". Elle est aussi dcrite comme unbonne musulmane faisant ses obligations religieuses (prires, zakat, jene etc.). Et l encore, on insistebeaucoup sur son rle envers son conjoint et ses enfants. Elle a rempli ses devoirs d'pouse et a duquses enfants dans l'islam et la moralit.

    Elle est honore annuellement Porokhane.

    2. Conscration de Sokhna Mame Diarra par le Magal de Porokhane

    La mre de Cheikh Ahmadou Bamba est dcde dans un village, nomm Porokhane, avant les seizeans de son fils. Elle est honore chaque anne dans ce village lors d'un plerinage annuel auquel tousles mourides sont convis. Elle fait l'objet d'un culte trs populaire au Sngal. Les gens vont " honorercelle qui sans laquelle le mouridisme n'aurait pas exist ".

    Le mouridisme, par la valorisation de la notion mme de travail, valorise galement des valeurs socialesfondamentales de la socit sngalaise. Il contribue ainsi indirectement la prservation d'une certaineidentit africaine, sngalaise. Ceci explique peut tre, la dimension populaire dont parlent certainsauteurs. Cette reconnaissance populaire, au-del de la communaut mouride est une forme de rgulationsociale, dans la mesure o les individus trouvent une satisfaction qu'ils ne rencontrent pas ailleurs.

    Conclusion :

    Les