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UNIVERSITE PARIS SUD FACULTE JEAN MONNET 2012 / 2013 LES MESURES EDUCATIVES EN DROIT PENAL DES MINEURS Mémoire M2 Recherche Mention Droit Privé Fondamental présenté par Julie KLEIN Sous la direction de M. Emmanuel DREYER

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UNIVERSITE PARIS SUD

FACULTE JEAN MONNET

2012 / 2013

LES MESURES EDUCATIVES EN DROIT PENAL DES MINEURS

Mémoire M2 Recherche Mention Droit Privé Fondamental

présenté par

Julie KLEIN

Sous la direction de

M. Emmanuel DREYER

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AVERTISSEMENT

« L'Université n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions contenues dans ce

mémoire, lesquelles doivent être considérées comme propres à l'auteur »

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PRINCIPALES ABREVIATIONS

AJCT : Actualité juridique collectivités territoriales

AJDA : Actualité juridique de droit administratif

AJ Famille : Actualité juridique famille

AJ Pénal : Actualité juridique pénale

Cons. Constit. : Conseil constitutionnel

Crim. : Chambre criminelle de la cour de cassation

D. : Recueil Dalloz

Dir. : Sous la direction de

Dr. pén. : Revue de droit pénal

Fam. : Revue droit de la famille

Gaz.Pal. : Gazette du palais

Idem : Référence identique

J.Cl. Pén. : Jurisclasseur pénal

JCP : La semaine juridique

JO : Journal Officiel

Loc.cit. : Même source, même référence

Obs. : Observations

Op.cit. : Même source, nouvelle référence

p. : page(s)

RSC : Revue de science criminelle

S. : Sirey

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INTRODUCTION

1.Le droit pénal des mineurs est souvent au cœur des discussions, qu'elles soient politiques ou

sociales. Aussi on peut entendre soit qu'il serait trop « laxiste », soit qu'il serait trop

« répressif » ; et les différents acteurs politiques se prononcent souvent sur le sujet. La

question des « mineurs délinquants » est récurrente. Les journaux titrent alors souvent de

grandes interrogations sur le sujet, « Faut-il enfermer les mineurs délinquants ? »1, « Que

faire des mineurs délinquants ? »2, …

2.Il semble admis par un consensus général que la « délinquance juvénile » est un mal contre

lequel il faut lutter, ce qui en fait un nom commun dans les programmes politiques

notamment.

3.La sensibilité des réactions sur le sujet peut s'expliquer par la nature des auteurs de cette

délinquance : les mineurs, ou plus simplement les enfants. Si la délinquance simple est déjà

répréhensible et réprimée, elle touche encore plus lorsqu'elle est le fruit des fruits de la

société : ses enfants. Si pour certains il est difficilement concevable qu'un enfant puisse avoir

un comportement appelant une réponse pénale, cela n'en reste pas moins une réalité, les

enfants aussi commettent des infractions pénales.

4.« On ne peut nier que des comportements soient délinquants sous prétexte que leurs auteurs

sont très jeunes »3. Pour certains même « La délinquance est toujours juvénile. Comme l'acné.

Les jeunes grattent leur acné et délinquent à tout va 4». Les mineurs, s'ils ne sont pas capables

juridiquement dans l'ordre français, n'en sont pas pour autant incapables matériellement

d'actes punissables par la branche pénale du droit. On assisterait même à une augmentation de

cette criminalité, qui aurait plus que doublé en trente ans, de sorte à recouvrir un peu moins

1 www.politis.fr/Faut-il-enfermer-les-mineurs,19737.html

2 www.marianne.net/Que-faire-des-mineurs-délinquants_a226206.html

3 L. JOSPIN,

4 F. CAVANNA

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d'un cinquième du total des mis en cause5.

5.Une fois que le phénomène est repéré, il faut savoir comment y répondre. Certains pays ont

trouvé une réponse radicale à la délinquance des mineurs : au Yemen une vingtaine de

mineurs se trouvent dans le couloir de la mort en attendant leur exécution. La minorité ne

semble donc pas exclure la réponse irréversible de la peine de mort, ce qui a pu être dénoncé

par Human Rights Watch6 7. Une telle situation existe également aux États Unis, où le mineur

sera parfois jugé comme un adulte et la peine de mort pourra alors être prononcée à son égard.

6.En France une branche spéciale du droit pénal existe pour les agissements des mineurs, le

droit pénal des mineurs. Cette expression vise également pour certains le droit pénal touchant

au mineur lorsqu'il est victime ; toutefois elle sera ici envisagée comme recouvrant le droit

pénal applicable au mineur délinquant.

7.Le droit pénal des mineurs est un droit spécial, il n'est plus aujourd'hui seulement

dérogatoire au droit pénal commun – applicable aux majeurs. Il ne serait plus alors un « droit

mineur » mais un droit à part entière8. Il est habituellement découvert autonome à l'égard de

deux particularités : la responsabilité du mineur et les mesures applicables à celui-ci. En effet

une de ses particularités est la possibilité de prononcer non pas des peines, comme c'est

généralement le cas en matière pénale, mais des mesures éducatives. Afin de reconnaître puis

étudier les mesures éducatives en droit pénal des mineurs, il semble indispensable d'en

connaître la définition, l'origine, les particularismes et l'expression.

DEFINITION

8.La mesure éducative peut être définie9 comme une « mesure de sûreté applicable à des

mineurs, prononcée par l'autorité judiciaire et constamment révisable jusqu'à la majorité

accomplie, qui constitue un mode de traitement obligatoire pour les mineurs délinquants de

treize ans et facultatif pour ceux de dix-huit ans, et un mode de traitement des mineurs non

émancipés en danger moral ».

9.D'ores et déjà une nature double de la mesure éducative ressort de cette définition, puisque

5 P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, DALLOZ, 1re édition, 2008, p. 681 - 683

6 Organisation indépendante consacrée à la protection et à la défense des droits humains

7 www.hrw.org/fr/news/2013/03/04/yemen-des-mineurs-délinquants-risquent-d-etre-executes

8 J.-F. RENUCCI, « Le droit pénal des mineurs, entre son passé et son avenir », RSC 2000, p. 79

9 ASSOCIATION CAPITANT, dir. G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 8

e édition mise à jour, 2007, p.

588

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c'est à la fois une mesure de sûreté pour les mineurs délinquants, et une mesure de protection

pour les mineurs en danger. S'agissant des mesures éducatives en droit pénal des mineurs, ce

sont celles qui visent les mineurs délinquants, puisque la matière pénale porte sur la

délinquance en général. Aussi les mesures éducatives en tant que mesures de protection sont

elles civiles et n'entrent donc pas dans le champ d'étude. Il faut toutefois relever que c'est la

même entité qui gère les mineurs en danger et les mineurs délinquants, la Protection Judiciaire

de la Jeunesse et que les mesures se recoupent parfois entre les deux matières (c'est par

exemple le cas de l'AEMO, l'action éducative en milieu ouvert).

10.La mesure de sûreté est elle-même dédoublée, puisque son caractère obligatoire ou non est

conditionné à l'âge du mineur qui se la verra appliquer, la frontière étant posée à treize ans.

11.Puisque la mesure éducative est assimilée à une mesure de sûreté dans le cadre du droit

pénal des mineurs, il semble nécessaire de donner également une définition de la mesure de

sûreté : il s'agit d'une « mesure de précaution destinée à compléter ou suppléer la peine

encourue pour un délinquant qui, relevant en principe, comme la peine, de l'autorité

judiciaire ne constitue pas un châtiment mais une mesure de défense sociale imposée à un

individu dangereux, afin de prévenir les infractions futures »10

.

12.Sont alors donnés pour exemple la mesure éducative, et l'internement d'un aliéné. La mise

sur le même plan de ces deux mesures pourrait a priori choquer mais les ressemblances ne

manquent finalement pas, ce qui sera évoqué dans les développements futurs. Il est d'ores et

déjà remarquable que, dans les deux cas, les mesures vont s'appliquer à une personne qui

n'entre pas dans les canons de la personne juridique habituelle. Aliéné et enfant ont souvent

été rapprochés sur le concept du discernement, bien que pour le deuxième il lui a finalement

été reconnu, sauf à être aliéné ou spécifiquement reconnu comme n'ayant pas de

discernement11

. D'ailleurs le droit romain assimilait mineur et aliéné, aucun des deux n'étant a

priori doté de la faculté de distinguer le bien du mal, ce qui se retrouverait dès le Décret de

Gratien. Toujours est-il que ces deux catégories de personnes sont visées spécialement par le

droit (et pas seulement la branche pénale) comme devant se voir appliquer un traitement

spécifique, tendant plutôt vers une protection, tant de la personne elle-même que de la société.

13.Il en ressort que la mesure éducative pénale ne peut être assimilée à un châtiment mais doit

plutôt s'apparenter à une mesure de défense sociale. Si la mesure éducative civile vise la

10

Idem., p. 587 11

Un arrêt de principe de la Chambre criminelle de la Cour de cassation de 1956 a pu préciser que les mineurs

non dotés de discernement étaient exclus du champ pénal, en l'espèce un enfant de six ans. Crim. 13 déc.

1956, n° 55-05.772, D. 1957, Jur. p. 349, note M. PATIN ; J. PRADEL et A. VARINARD, Les grands arrêts

du droit pénal général, DALLOZ, 4e éd., 2003, n° 42, p. 549

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protection du mineur lui même, le cadre pénal se sert apparemment de la mesure éducative –

mesure de sûreté – pour protéger non plus seulement le mineur mais également la société qui

l'entoure.

14.La mesure de sûreté n'est a priori pas une peine au sens strict, elle doit soit s'y suppléer,

soit la compléter. Son application aux mineurs délinquants peut apparaître logique dès lors

que les mineurs délinquants ne peuvent en principe pas être réellement « punis » pénalement,

une peine ne pouvant être prononcée à leur égard.

15.Ce principe est à nuancer par la lecture de l'article 122-8 du Code Pénal, dans sa version

issue de la loi du 9 septembre 200212

, en vertu duquel les mineurs capables de discernement

sont pénalement responsables13

et cette responsabilité entraîne une réponse pénale : une « loi

particulière » (qui s'avère être l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 dont il sera ensuite

question) détermine les « mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation

dont ils peuvent faire l'objet ».

16.Seules des mesures, appelées éducatives dans leur ensemble, sont donc a priori

prononçables à l'encontre d'un mineur délinquant. Cependant le deuxième alinéa de l'article

restreint la portée de ce principe en admettant que des « sanctions éducatives » puissent être

prononcées à l'encontre des mineurs de dix à dix-huit ans, et des peines peuvent tout de même

être prononcées si le mineur a entre treize et dix-huit ans. L'interdiction de prononcer une

peine est donc effective pour les mineurs de treize ans, au delà et dans certaines conditions

l'interdiction peut être dépassée, pour donner lieu à un concours des mesures face aux peines

et aux sanctions. D'ailleurs le Conseil Constitutionnel a lui même admis qu'il n'existe pas

réellement de règle « selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient

toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives » 14

.

17.La loi n° 2002 – 1138 du 09 septembre 2002 a permis de « revigorer » ce principe, tout en

distinguant la peine de la sanction éducative, laquelle ne s'assimile en principe pas non plus à

la mesure éducative. La création de cette nouvelle catégorie de réponse pénale à la

délinquance d'un mineur irait donc dans le sens d'une confirmation de ce refus quasi-

catégorique de prononcer une peine à l'égard d'un mineur, la sanction éducative pouvant

s'appliquer à un mineur de treize ans seulement parce qu'elle n'est pas une peine.

12

Article 11 de ladite loi. 13

La question de la responsabilité des mineurs a longtemps été discutée, une présomption d'irresponsabilité

étant parfois déduite de la primauté de l'éducatif et de l'impossibilité de prononcer des peines aux mineurs de

treize. La loi de 2002 a donc clarifié la situation en énonçant la formule visée. 14

Cons. Constit., Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, JO 10 sept. 2002, p. 14953 ; RSC 2003, p. 606 et

s., obs. Bück, dans le considérant n° 26

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HISTORIQUE

18.Ce refus primaire de prononcer une peine à l'égard d'un mineur peut se retrouver

historiquement. On distingue traditionnellement trois phases dans le droit pénal appliqué aux

mineurs : l'atténuation de peine, le concept de discernement puis l'éducabilité15

. Longtemps

l'enfant a été un « Homme miniature », on lui appliquait donc les peines identiques à celles

des adultes mais de façon atténuée. Cette conception était matérialisée par l'excuse de

minorité prévue dans les codes pénaux de 1791 et 1810.

19.Ensuite le mineur délinquant était jugé selon que lui soit reconnu ou non un discernement

(celui-la même qui entraîne un régime d'irresponsabilité pénale chez les aliénés16

). En cas de

discernement il était puni comme un adulte, en l'absence de discernement son absolution

devait passer par le biais d'une mesure éducative, n'étant alors pas considérée comme une

peine mais comme une « mesure de police propre à rectifier son comportement ».

20.Après un siècle relativement répressif, que ce soit dans les colonies (correctionnelles ou

pénitentiaires) comme celle de Mettray ou dans les prisons pour adultes, la loi du 12 avril

1906, abrogeant et remplaçant celle du 30 novembre 1894, est allée dans le sens d'une

diminution du répressif et d'une augmentation du régime éducatif.

21.La loi du 22 juillet 1912 a continué dans cette lancée, en réformant le droit des mineurs

délinquants et en danger. Une scission a été placée à l'âge de treize ans (elle sera gardée), en

deçà le mineur est irréfragablement présumé irresponsable, seules des mesures éducatives

peuvent être prononcées à son encontre. La question du discernement reste présente

puisqu'elle se posera pour les mineurs dont la responsabilité peut être retenue.

22.La loi de 1942 a remplacé toutes les dispositions précédentes portant sur la délinquance

des mineurs. Ce serait alors pour DONNEDIEU DE VABRES « le véritable Code de l'enfance

délinquante »17

. Auparavant les articles 66 à 69 du Code pénal18

trouvaient encore à

s'appliquer19

. À plusieurs égards la loi de 1942 est apparue plus répressive à l'égard du mineur

15

www.afmjf.fr/Historique-de-la-justice-des.html 16

Article 122-1 du Code Pénal : «N'est pas pénalement responsable la personne qui est atteinte, au moment des

faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes » 17

H. DONNEDIEU DE VABRES, « Loi du 2 février 1945, Commentaire », Recueil critique 1945 : législation,

DALLOZ, 1945, p. 178 18

Les articles 66 et 67 distinguaient selon que le mineur ait ou non un discernement, les articles 68 à 72

envisageaient les différentes peines prononçables. 19

S. FISHMAN, La bataille de l'enfance, Délinquance juvénile et justice des mineurs en France pendant la

Seconde Guerre mondiale, p. 225-231

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délinquant. Cependant c'est elle qui va remplacer le concept de « correctionnel », propre au

Code Pénal, pour y substituer celui de « rééducation », qui encore aujourd'hui semble être la

colonne vertébrale du droit pénal des mineurs. Dans ce cadre l'Institution Publique

d’Éducation Surveillée prenait une place importante, d'autant qu'elle n'était pas considérée

comme une réponse répressive. Celle-ci n'était toutefois pas inexistante, des établissements

spécifiques existaient pour les mineurs les plus « difficiles », que l'on envoyait en « colonie

corrective ». De véritables sanctions pouvaient être prononcées dans des cas exceptionnels,

les peines étant allégées en cas de mesures temporaires, mais pouvaient être la copie exacte de

celles des majeurs en cas de véritable condamnation, et ce jusqu'à la peine de mort !

23.Cependant cette loi introduisait déjà la notion d'éducabilité, à l'instar de celle du

discernement. Bien que promulguée par le gouvernement de Vichy elle ne sera jamais suivie

d'un décret d'application, de sorte que l'ordonnance de 1945, en reprenant cette notion, a pu la

mettre en œuvre, ce qui a eu pour conséquence que l'on place à son actif la réforme de la

matière20

.

24.L'ordonnance du 2 février 1945 est souvent citée comme un texte majeur, et elle peut l'être

à plusieurs titres. Déjà par sa date, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ce qui pour

certains en fait l'illustration que la Libération de la France a fait office de rupture en matière

de justice des mineurs. Aussi elle a pu être qualifiée « d'acte fondateur de la justice des

mineurs »21

. Si ce caractère a pu être discuté22

, notamment parce que la justice des mineurs

trouvaient des fondements antérieurs encore appelés suite à la libération, notamment la loi du

27 juillet 1942 précitée, l'ordonnance de 1945 apparaît comme la pierre angulaire du droit

pénal des mineurs contemporain, et celle-ci s'avère être la loi particulière qui définit les

mesures devant ou pouvant être prononcées à l'exclusion des peines et autres sanctions.

DROIT COMPARE

20

C. ROSSIGOL, « La législation "relative à l'enfance délinquante" : de la loi du 27 juillet 1942 à l'ordonnance

du 2 février 1945, les étapes d'une dérive technocratique »,Revue d'histoire de l'enfance « irrégulière », 2000

, n°3 : L'enfant de justice pendant la guerre et l'immédiat après-guerre, p. 17 – 54, http://rhei.revues.org/70 21

Le Monde, 29 mai 1998, p. 8 22

M. BECQUEMIN – GIRAULT, « La loi du 27 juillet 1942 ou l'issue d'une querelle de monopole de l'enfance

délinquante », Revue d'histoire de l'enfance « irrégulière », 2000 , n°3 : L'enfant de justice pendant la guerre

et l'immédiat après-guerre, p. 55 – 76, http://rhei.revues.org/71

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25.La réticence à prononcer des peines à l'encontre des mineurs provient de l'influence du

modèle du Welfare State, généralement associé à la protection de la jeunesse reprise par le

droit pénal des mineurs en Europe au XXe Siècle. Cette doctrine pose notamment huit

principes dont l'un associe primauté des mesures éducatives (ce qui fera l'objet d'un

développement ultérieur) et refus – sauf cas particulier – des peines ou sanctions privatives de

liberté23

.

26.Puisque le modèle a influencé de nombreux pays d'Europe, il est légitime de se demander

si ces autres pays connaissent véritablement un système comparable à celui auquel est

parvenu la France. Il s'avère en fait que, comme dans de nombreux domaines, si le modèle

français des mesures éducatives se révèle être à la fois traditionnel – les bases communes avec

l'Europe se ressentent à plusieurs égards – il n'en est pas moins unique – aucune autre

législation ne semble avoir retenu de solution complètement identique.

27.À titre d'exemple plusieurs pays peuvent être évoqués. En Belgique différentes mesures

peuvent être prononcées à l'égard du mineur délinquant, et celles-ci sont hiérarchisées par

ordre de priorité lorsque le juge devra se prononcer. Au Portugal il existe des mesures dites de

« protection, d'assistance et d'éducation » et elles étaient jusqu'à récemment prévues tant pour

les mineurs délinquants que pour les mineurs en danger. En Roumanie le mineur de quatorze

ans va se voir appliquer des mesures de protection spéciale, qui vont tendre à voir empêchée

la commission d'autres délits, et vont aller dans le sens de sa réhabilitation.

NATURE DES MESURES

28.Puisqu'une peine ne peut pas être prononcée à l'égard du mineur, mais puisqu'il est de

l'objet même du droit pénal de trouver des réponses à une infraction pénale tant pour

préserver la société que pour punir son auteur, il a fallu déterminer quelle réponse pouvait être

donnée au mineur délinquant.

29.Le droit pénal non spécifique au sort des mineurs connaît effectivement des réponses qui

ne sont pas des peines : les mesures de sûreté. Celles-ci étaient envisagées et discutées dès la

fin du XIXe Siècle (notamment lorsque la loi du 27 mai 1885 organise la relégation) mais se

heurtaient à la doctrine française et restaient purement administratives. La réforme

pénitentiaire de 1945 va soulever un changement de conception quant à la peine privative de

23

F. BAILLEAU, Y. CARTUYVELS et D. de FREANE (dir.), « La justice pénale des mineurs en Europe et ses

évolutions. La criminalisation des mineurs et le jeu des sanctions », Déviance et société, 2009, p. 255 - 468

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liberté en ce qu'elle est portée vers l'avenir, la réinsertion du délinquant. C'est finalement

l'ordonnance du 2 février 1945 qui va, la première, franchir le pas en créant des mesures

spécialisées pour les mineurs, qui ne sont pas des peines privatives de liberté24

.

30.De nombreuses discussions existent sur la réalité de l'absence de confusion entre peine et

mesure, et ce notamment parce que la qualification qui va être donnée par le législateur peut

être contestée pour le Conseil Constitutionnel25

. Il lui est donc déjà arrivé de placer sous

l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 178926

, et donc sous la

qualification de peine, des mesures présentées comme des mesures de sûreté. L'un des

domaines où la confusion semble régner est celui, proche du sujet étudié, des mesures

appliquées aux personnes atteintes de troubles mentaux27

, les peines et les mesures de sûreté

n'étant séparées que par une frontière peu étanche et semblant avoir le même but.

31.La difficulté tient à ce que le législateur lui-même n'a pas défini ce qu'était une peine, et si

l'on ne sait pas ce qu'est une peine, on ne sait pas non plus ce qui n'en est pas une. Le Conseil

Constitutionnel ne l'a pas fait non plus, et n'a jamais vraiment formulé de critères de la peine.

Souvent semble être prise en compte, pour déceler une peine, sa dimension afflictive et

infamante. À l'inverse donc une mesure qui n'est pas une peine ne devrait être ni l'une ni

l'autre. Un des critères qui semble également déterminant est la prononciation par un tribunal.

Dans ce cas la distinction avec la mesure de sûreté et la mesure éducative semble impossible.

Pourtant elle est rappelée habituellement, et ce notamment en s'appuyant sur l'objectif

différent que couvrent les peines et les mesures de sûreté.

32.Quant à la surveillance judiciaire par exemple, le Conseil Constitutionnel relève un but de

prévention contre la récidive, « dépourvu de tout caractère punitif »28

, tendant ainsi à

« garantir l'ordre public et la sécurité des personnes qui sont nécessaires à la sauvegarde des

droits de valeur constitutionnelle ». De la même façon puisqu'en dehors du cadre des peines,

le juge pénal a pu considérer que les mesures de sûreté sont soustraites à l'article 112-1 du

Code pénal, un des textes fondateurs des règles de procédure de la matière pénale. Aussi les

24

H. MATSOPOULOU, « Le renouveau des mesures de sûreté », D. 2007, p. 1607 25

M. VAN DE KERCHOVE, « Le sens de la peine dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel français »,

RSC.2008, p. 805 26

« La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en

vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée », il existe un principe

de légalité des peines. 27

H. MATSOPOULOU, « L'application des "peines", puis des "mesures de sûreté", aux personnes atteintes de

troubles mentaux : l'incohérence jurisprudentielle et ses conséquences – (à propos de l'arrêt de la chambre

criminelle du 16 décembre 2009), Droit Pénal n°2, Février 2010, étude 4 28

Cons. Constit. Décision n° 2005 – 527 DC du 08 déc. 2005, JO, 13 déc. 2005, p. 19162 ; AJDA, 2006, p. 547,

F. ROUVILLOIS

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mesures prévues en cas de trouble mental (le parallèle est facile avec les mesures éducatives)

pourront se voir appliquer immédiatement des règles nouvelles29

.

33.Quant aux mesures éducatives elles-mêmes, il a pu être rappelé récemment qu'elles

n'étaient pas des peines dans une affaire de dénonciation calomnieuse30

. Ce délit pénal

suppose la dénonciation d'un fait de nature à entraîner des sanctions judiciaires,

administratives ou disciplinaires31

. Il était en l'espèce question d'une personne qui se

prétendait victime d'une infraction commise par un mineur de dix ans. La cour de cassation a

pu approuver les juges du fond en ce qu'ils avaient écarté cette qualification pénale, dès lors

que le mineur, âgé de huit ans, ne pouvait se voir appliquer que des mesures éducatives. Il en

ressort donc que les mesures éducatives ne peuvent être assimilées à des « sanctions

judiciaires », elles ne peuvent présenter un caractère répressif prépondérant en ce sens32

.

34.Sur ces points il sera donc possible de distinguer ce qui est une peine de ce qui n'en est pas

une, et ainsi de vérifier en négatif la régularité des mesures de sûreté et donc des mesures

éducatives. Il faut toutefois relever que cette notion de peine reste discutée, notamment parce

qu'elle serait finalement vidée de ce qu'elle était censée recouvrir, l'idée de sanction ayant le

caractère d'une punition33

. Le sens de la peine est lui-même sujet à réflexions34

, qui s'insèrent

généralement dans des considérations plus larges sur la matière pénale ou sur l'institution

pénitentiaire française, notamment parce qu'il existerait en France de « fortes contradictions

sur la question des sanctions pénales et notamment de la prison »35

.

CARACTERE EDUCATIF DES MESURES

35.En faisant fi des débats quant à la véritable maternité du concept, ce serait donc

l'ordonnance du 2 février 1945 qui serait à l'origine des mesures éducatives, en créant ce

nouveau mode de réponse pénale à la délinquance, lorsqu'elle est l’œuvre d'un mineur.

29

S. DETRAZ, « Rétroactivité des mesures de sûreté applicables en cas de trouble mental », JCP G n°1, 11

janvier 2010, 15 30

Crim. 19 juin 2012, Bull. Crim. 2012 n° 150 ; D2012 p. 2084, S. DETRAZ ; Fam. 2012, comm. 163, P.

BONFILS ; Dr. Pén. 2012, comm. 126, M. VERON 31

Article 226-10 du Code pénal 32

S. DETRAZ, « Dénonciation calomnieuse : une discutable interprétation stricte », D. 2012, p. 2084 33

E. DREYER, « Le Conseil constitutionnel et la « matière pénale ». - La QPC et les attentes déçues ... », JCP

G n° 37, 12 septembre 2011, 976 34

C. CARDET, « Le sens de la peine », Synapse n°1, École nationale d'Administration pénitentiaire, Mai 2001 35

Réflexions sur le sens de la peine, texte adopté par l'assemblée plénière de la Commission Nationale

Consultative des Droits de l'Homme, 24 janvier 2002

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36.L'ordonnance de 1945 porte une idée relativement nouvelle, celle de l'éducation de l'enfant

délinquant36

, voire de sa rééducation. Les mesures éducatives répondent donc à la

reconnaissance de la possibilité de l'éducabilité : chaque humain est perfectible et peut se

transformer par l'éducation. Si jusque là l'Homme était rattaché à sa nature, l'éducation ne

pouvant aller au delà de ce que l'Être est déjà, on va finalement admettre que l'Homme est

perfectible, surtout l'enfant, et que l'éducation pourra jouer un rôle dans le changement.

37.L'idée de perfectibilité comme perçue ici semble renvoyer aux œuvres de Rousseau37

,

l'éducation elle-même lui était connue, bien que ne visant pas le mineur délinquant38

. En effet,

selon lui, l'éducabilité, la perfectibilité serait le propre de l'Homme, ce qui permet de le

distinguer de l'animal qui, lui, restera le même tout au long de sa vie. C'est donc permettre à

l'Enfant d'être Homme que de lui faire accéder à la perfection, et ce par le biais de l'éducation.

38.Si longtemps l'éducation a été le fait de la famille ou de l’École, elle s'étend ici à une plus

grande échelle puisque la justice et ensuite parfois des organismes spécialisés auront à en

traiter. La société elle-même va se charger de l'éducation, et il existe en ce sens un proverbe

africain qui énonce que : « Pour qu'un enfant grandisse, il faut tout un village ». L'éducation

n'est alors plus seulement une prérogative domestique, la société va être amenée à prendre le

relais.

39.Il est possible d'utiliser l'éducation envers le mineur délinquant puisque sa jeunesse

présume qu'il puisse encore être resocialisé, rééduqué. C'est parce qu'il est en pleine

construction de sa personnalité que l'on va tenter d'influer dans le bon sens sur cette

personnalité, à tout le moins pour qu'elle ne soit pas celle d'un délinquant.

40.La notion d'éducation, si elle reste considérée comme un fondement de la justice pénale

des mineurs, a pu trouver plusieurs acceptions depuis 1945. Pendant longtemps la prise en

charge pouvait ressembler à une réponse thérapeutique (la ressemblance avec les mesures

prononcées contre l'aliéné étant alors forte). Il semble désormais qu'une nouvelle pédagogie

ressort de l'action éducative sur les mineurs délinquants, fondée sur deux principes :

socialisation et développement des capacités du mineur39

.

41.L'éducation est aujourd'hui entendue notamment comme emportant la compréhension de

l'acte et de sa responsabilité par son auteur, ce qui « doit traverser tout le déroulement de la

36

D. YOUF, Juger et éduquer les mineurs délinquants, DUNOD, 2009, p. 17 et 18 37

J.-J. ROUSSEAU, Discours sur l'origine de l'inégalité entre les hommes, FLAMMARION, 2008, 302 p. 38

J.-J. ROUSSEAU, Emile ou De l'éducation, FLAMMARION, 2009, 849 p. 39

D. YOUF, op. cit. p. 175 - 225

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mesure éducative »40

. C'est notamment par cette responsabilisation41

que l'action éducative

envers les mineurs délinquants diffère de la protection des mineurs en danger.

42.Cette vision de la rééducation n'est pas pour autant totalement innovante puisque dans son

ouvrage « référence » J. CHAZAL expliquait que la rééducation ne consistait pas seulement à

la réadaptation à la vie sociale mais aussi à lui provoquer des prises de conscience, afin qu'il

puisse choisir et devenir responsable42

.

43.En allant plus loin, il semble également désormais que « loin d'être opposées, sanctions et

éducation sont deux dimensions indissociables de l'action éducative exercée dans un cadre

pénal »43

. Les mesures éducatives auraient donc un double rôle dans le cadre pénal (les

dédoublements ne manquent pas en la matière) : celui d'être une véritable sanction44

face à

une infraction pénale, et celui d'éduquer l'auteur d'un tel acte.

44.Les mesures préconisées par l'ordonnance de 1945, puis par les lois qui s'y ajoutent, sont

qualifiées d'éducatives, elles devaient donc permettre le perfectionnement du mineur

délinquant tout en prenant en plein leur rôle de réponse pénale à un comportement délictueux.

45.De toutes ces considérations il ressort que les mesures éducatives sont, en droit pénal des

mineurs, considérées comme des non-peines applicables à un mineur délinquant qui, sans être

irresponsable, se voit du fait de sa minorité appliquer un régime particulier. Si juridiquement

les mesures ne devraient pas se confondre avec les peines, elles ne devraient pas non plus

l'être matériellement, notamment parce que leur qualification « d'éducatives » emporte en

principe un certain nombre de conséquences. Ce sont en effet en théorie des mesures de sûreté

propres à favoriser la rééducation du mineur délinquant, dans tout ce que la rééducation peut

emporter sur le fond comme sur la forme. Elles doivent en ce sens être parfaitement

identifiables, notamment par rapport aux autres réponses pénales auxquelles un mineur peut

être soumis.

46.Face à ce constat on aperçoit un mouvement général de durcissement du droit pénal des

mineurs, au point que la protection et l'éducation semblent parfois relayées au second degré,

au profit d'une répression qui se veut adaptée à une délinquance juvénile accrue. Face en effet

40

Circulaire d'orientation relative à la protection judiciaire de la jeunesse, NOR:JUSF9950035C, 24 févr. 1999 41

La « responsabilisation » est un processus, celui qui amène le délinquant à prendre conscience de son acte et

des conséquences que celui-ci peut avoir. Elle entre dans une recherche de pédagogie de la sanction, le

mineur doit en quelque sorte pouvoir tirer profit de la sanction. On pourra alors parler de « capacité pénale ». 42

J. CHAZAL, « L'enfance délinquante », Que sais-je ?, PUF, 10e édition mise à jour : 3° trimestre 1979, p. 10

- 14 43

Circulaire d'orientation relative à la protection judiciaire de la jeunesse, NOR:JUSF9950035C, 24 févr. 1999 44

Dans un sens strict la sanction est une « punition », une véritable « mesure répressive », ASSOCIATION

CAPITANT, dir. G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, op.cit., p. 844

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à des infractions souvent reconnues comme plus violentes, et commises par des délinquants

plus jeunes, la tentation est grande de renforcer les réponses pénales.

47.On peut alors se demander, dans un tel contexte, quelle place peuvent avoir les mesures

éducatives constitutives a priori d'un système non répressif.

48.Si l'existence des mesures éducatives trouve à s'expliquer il semble nécessaire de vérifier si

elles sont pour autant parfaitement justifiées, et si elles constituent la réponse adaptée à ce

que l'on en exige abstraitement. Aussi faudra-t-il rechercher en quoi leur existence est

nécessaire (PARTIE 1). Si cette nécessité se vérifie, toujours est-il qu'elles subissent la

concurrence du répressif. Aussi il va falloir s'assurer de leur effectivité (PARTIE 2).

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PARTIE 1. NECESSITE DES MESURES EDUCATIVES EN

DROIT PENAL DES MINEURS

49.Les mesures éducatives s'avèrent nécessaires à plusieurs égards, et leur existence va se

justifier par plusieurs considérations. Tout d'abord parce qu'il existe en droit pénal des

mineurs une primauté de l'action éducative, et les mesures du même nom pourraient

permettre son effectivité (SECTION 1). Ensuite parce que les mesures pénales, a fortiori

lorsqu'elles visent des personnes aussi spécifiques que les enfants, doivent répondre à un

certain impératif de « personnalité » vis à vis de son sujet (SECTION 2).

SECTION 1 / LA PRIMAUTE DE L'ACTION EDUCATIVE

50.Le modèle du droit pénal des mineurs a été construit comme un modèle mixte, puisque

proposant deux puis (depuis 2002) trois branches : les mesures éducatives, les sanctions

éducatives et les peines à proprement parler. Face à cette mixité le juge aura un choix a faire

(parfois limité), et ce choix emportera de préférer l'éducation ou la répression.

51.Or face à un mineur le juge va, selon le principe de primauté de l'éducation sur la

répression, préférer « naturellement » la réponse éducative à la réponse répressive45

. Ce

principe de primauté de l'éducation semble ressortir d'émanations constitutionnelles (§1)

comme internationales (§2).

§1 – Considérations constitutionnelles

52.Le Conseil Constitutionnel est décomplexé, depuis 1971, pour énoncer l'ensemble des

normes internes supérieures auxquelles la loi va devoir se conformer, au même titre qu'à la

Constitution. Font alors partie du bloc de constitutionnalité tant le Préambule de 1946 que

certains principes, parmi lesquels les principes fondamentaux reconnus par les lois de la

République. C'est à ce titre qu'il va reconnaître au droit pénal des mineurs certains principes

primordiaux, dont l'un est communément appelé « primauté de l'éducatif ».

53.L'examen a priori par le conseil constitutionnel de la loi du 09 septembre 2002 a permis la

constitutionnalisation des principes de la justice pénale des mineurs, occasion qui sera reprise

45

P. BONFILS, « La primauté de l'éducation sur la répression », Droit pénal n°9, Septembre 2012, étude 18

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lors des lois du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, du 9 mars 2004 portant adaptation

de la justice aux évolutions de la criminalité, du 5 mars 2007 relative à la prévention de la

délinquance et du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des

mineurs.

54.Le Conseil constitutionnel énonce alors : « Considérant que l'atténuation de la

responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme de la nécessité de rechercher

le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge

et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures

appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République ... »46

. Le

relèvement éducatif et moral du mineur délinquant est donc reconnu sans équivoque comme

étant un principe reconnu par les lois de la République. Il prend la deuxième place, faisant

suite au principe d'atténuation de la responsabilité, et précédant celui d'une procédure

particulière et propre au mineur. Un principe reconnu par les lois de la République a une

valeur constitutionnelle. Celle-ci est issue du caractère constant de son affirmation, dont le

Conseil Constitutionnel tire les conséquences pour en faire un principe, de sorte que nul ne

semble pouvoir remettre en cause que le droit pénal des mineurs a pour vocation de faire

primer l'éducatif, en recherchant le relèvement éducatif des mineurs.

55.La notion de « relèvement » peut sembler difficile à appréhender, elle est

traditionnellement en droit pénal associée à la levée d'une peine47

. Toutefois il semble que le

relèvement doive ici être entendu dans un sens commun, c'est à dire dans l'action de relever

quelque chose, voire de le remettre dans sa position « normale ». Le relèvement du mineur

serait donc l'action de le remettre en position « normale », ou selon l'expression consacrée

« dans le droit chemin », celui qui ne comprend pas des étapes délictueuses. L'éducation est

d'ailleurs associée à la morale, association qui encore aujourd'hui fait débat même en dehors

du cadre du droit pénal des mineurs. Cependant il semble ici qu'il puisse être fait une fusion

entre ces deux termes pour viser une éducation du mineur, entendue dans toute son entièreté.

56.Le caractère subsidiaire des peines par rapport aux mesures éducatives semblait jusque là

46

Cons. Constit., Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, JO 10 sept. 2002, p. 14953 ; RSC 2003, p. 606 et

s., obs. Bück. ; Cons. Constit., Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, JO 19 mars 2003, p. 4749 ; Cons.

Constit., Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, JO 10 mars 2004, p. 4637 ; Cons. Constit., Décision n°

2007-553 DC du 3 mars 2007, JO 7 mars 2007, p. 4356 ; Cons. Constit., Décision n° 2007-554 DC du 09

août 2007, JO 11 août 2007, p. 13478 ; D. 2008, Pan., p. 2034, obs. Bernaud et Gay ; RSC 2008, p. 133 et p.

136 obs. De Lamy. 47

ASSOCIATION CAPITANT, dir. G. CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit., p. 796

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couvrir le principe de primauté éducative. Depuis 2002 et la lecture du considérant du conseil

constitutionnel, il apparaît que ce n'est plus sa seule illustration48

. En effet il en ressort

désormais que « la réponse des pouvoirs publics aux infractions que commettent les mineurs

devait rechercher autant que faire se peut leur relèvement éducatif et moral ». Au delà donc du

choix de la catégorie de la mesure appliquée au mineur c'est tout le processus qui doit être

dicté par le concept de l'éducation. Le principe reconnu par le Conseil Constitutionnel va donc

plus loin que ce que l'on entendait traditionnellement par lui auparavant. L'éducatif fait office

de véritable philosophie du droit pénal des mineurs, dont toute l'expression semble donc

devoir faire preuve de pédagogie.

57.Si la priorité éducative est renforcée, il n'en reste pas moins que voie éducative et voie

répressive semblent désormais pouvoir être combinées, sans porter atteinte à ce principe, ce

qu'avait pu reconnaître le Conseil Constitutionnel dans la décision de 2002 précitée.

58.Dès lors qu'un tel principe est reconnu comme constitutionnel, il revient au législateur de

le respecter, ce que le Conseil pourra contrôler (d'autant plus aujourd'hui qu'il existe le

procédé de la question prioritaire de constitutionnalité).

59.Si la plupart du temps le Conseil constitutionnel va reconnaître une adéquation des lois

présentées aux principes du droit pénal des mineurs, certaines dispositions ont déjà été

censurées à ce titre, comme cela a pu être le cas avec la loi du 14 mars 2011 dite LOPPSI II49

.

Ont ainsi pu être déclarées inconstitutionnelles, puisque ne permettant pas le relèvement

éducatif et moral par des mesures appropriées, les dispositions prévoyant l'application de

peines plancher pour les mineurs primo-délinquants ainsi que celles autorisant le parquet à

procéder à une citation directe du mineur délinquant50

.

60.Pour certains, ces principes en général, et celui de la primauté éducative en particulier, ne

seraient pas seulement des reconnaissances constitutionnelles françaises, mais plutôt

l'expression d'une volonté de confortation de ces principes, qui existent déjà, notamment au

niveau international51

.

48

P. BONFILS, « L'autonomie du droit pénal des mineurs, entre consécration et affaiblissement », AJ Pénal

2012, p. 312 49

Cons. Constit., Décision n°2011-625 DC du 10 mars 2011, AJDA 2011, 532, obs. S. BRONDEL ; AJCT

2011. 182 ; étude J.-D. DREYFUS 50

P. BONFILS, « La loi LOPPSI 2 et le droit pénal des mineurs », D.2011, p. 1162 51

Y. MAYAUD, Droit pénal général, PUF, Coll. Droit fondamental, 3e édition mise à jour, Paris, 2010, p. 341

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§2 – Influence internationale

61.L'influence internationale est variée tant par ses sources que par le contenu et la portée de

ses dispositions. Elle semble toutefois cohérente dès lors qu'il s'agit de prôner la nécessité de

faire valoir l'éducatif 52

.

62.Le Pacte international relatif aux droit civiques et politiques, en vigueur en France depuis

le 4 février 1981 dispose dans son article 14 que : « La procédure applicable aux jeunes gens

qui ne sont pas encore majeurs au regard de la loi pénale tiendra compte de leur âge et de

l'intérêt que présente leur rééducation ». La procédure applicable au mineur est ici visée et

celle-ci doit tenir compte du caractère rééducatif de sa mission pour le mineur. Il est donc

prégnant que le droit pénal va s'appliquer au mineur dès lors qu'il aura en ligne de mire la

rééducation de celui-ci, ce qui entre dans la conception des mesures éducatives françaises.

63.L'accord de Beijing de 1985 pose un ensemble de règles a minima pour les Nations Unies

sur l'administration de la justice des mineurs. Ainsi son article 5-1 prévoit la proportionnalité

de l'intervention pénale en énonçant que « le système de justice des mineurs (…) fait en sorte

que les réactions vis-à-vis des délinquants juvéniles soient toujours proportionnées aux

circonstances propres aux délinquants et aux délits ». Déjà dans son article 1-3 il était appuyé

sur la nécessité d'un traitement « efficace, équitable et humain des jeunes en conflit avec la

loi ». Si ce texte ne vise pas spécialement les mesures pouvant être prises à l'égard d'un

mineur délinquant, il n'en reste pas moins un indicatif de la vision des Nations Unies sur le

traitement qui doit en être fait de manière générale. Il en ressort que le mineur doit être traité

d'une façon particulière, autrement dit qui ne soit pas calquée à part entière sur la façon dont

sont traités les majeurs, ce qui sera également permis en France par le biais des mesures

éducatives, modalités propres aux mineurs.

64.Les principes dits de Ryad prévoient eux un encadrement en amont des politiques de

prévention de la délinquance juvénile et en aval édiction des règles primaires de protection

des mineurs privés de liberté. Si ces principes ne portent pas réellement non plus sur la

problématique des mesures éducatives ni même du relèvement éducatif, on peut y voir

l'expression d'une volonté de rendre la responsabilité du mineur pédagogique, et de permettre

au mieux l'insertion des mineurs, notamment en rappelant que la privation de liberté du

mineur ne doit être qu'exceptionnelle. En ce sens on peut y voir l'adéquation avec un principe

52

C. LAZERGUES, « Les principes directeurs du droit pénal des mineurs », Enfance dangereuse, enfance en

danger ? L'appréhension des écarts de conduite de l'enfant et de l'adolescent. Sous la direction de L.

KHAIAT et C. MARCHAL, ERES, 2007, p. 163 - 174

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de primauté éducative, comme il est aujourd'hui appréhendé notamment par le législateur et le

juge constitutionnel français.

65.La Convention internationale des droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1989 par

l'assemblée générale des Nations Unies, et signée par la France le 26 janvier 1990 est entrée

en vigueur le 6 septembre de la même année. La convention indique les domaines de

protection de l'enfant, et le droit pénal en fait partie.

66.Aussi l'article 40 alinéa premier dispose que : « Les États parties reconnaissent à tout

enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui

soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son

respect pour les droits de l'homme et des libertés fondamentales d'autrui, et qui tiennent

compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de

lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci ». Il en ressort que face à un traitement

pénal le mineur doit bénéficier d'une protection particulière. Aussi doivent être pris en compte

tant son âge que sa réintégration dans la société, soit l'impact éducatif que peut avoir un tel

traitement sur ce public. Il est donc du respect de la dignité du mineur de lui attribuer un

traitement spécifique avec l'éducatif en ligne de mire.

67.À l'international également l'importance voire la priorité de l'éducatif semble percer. Bien

que certaines des dispositions invoquées puissent n'avoir qu'une fonction déclarative, et sont

donc dépourvues de caractère coercitif, ou que leur application directe soit largement discutée

(comme c'est le cas de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant), il existe bien une

forme de consensus supranational en ce sens. De ce fait la France va se conformer à une telle

ligne de pensée ou s'en inspirer pour concevoir qu'il existe bien une primauté de l'éducatif,

également reconnue constitutionnellement.

68.Un principe de primauté de l'éducatif semble donc se dégager tant d'une jurisprudence

constitutionnelle que de normes internationales. Les deux sources étant supralégislatives le

principe ne peut en être que conforté, en ce que la loi ira en principe également en ce sens.

Dès lors que l'éducatif doit primer, tant sur le répressif que dans la gestion générale de la

matière pénale appliquée au mineur, les mesures éducatives semblent nécessaires. En effet

elles sont la typologie même de la mesure non répressive et à vocation purement éducative.

69.Toujours est-il que ce principe n'est pas seul à rendre nécessaire l'existence des mesures

éducatives, qui va ressortir également d'une nécessité renforcée de personnalisation de la

mesure qui sera appliquée au mineur délinquant, tout étant finalement assez lié à ce premier

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principe dégagé.

SECTION 2 / L'EDUCATION PERSONNALISEE

70.Il existe un principe de nécessité des peines, de valeur constitutionnelle puisqu'issu de la

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen53

. En découle une obligation de

proportionnalité des peines. Bien que n'étant pas des peines les mesures éducatives tendent à

recevoir pareil traitement. Cela va d'ailleurs les éloigner des mesures de sûreté auxquelles on

les rattachent traditionnellement. De plus il ressort des décisions du Conseil Constitutionnel

que le relèvement éducatif et moral du mineur se fait grâce à des mesures « adaptées à leur

âge et à leur personnalité ». C'est donc l'un des particularismes du droit pénal des mineurs,

mais aussi un facteur de son autonomie. Aussi les mesures éducatives peuvent permettre de

répondre à un soucis de progressivité de la réponse pénale (§1) ainsi que d'adaptabilité de

celle-ci au mineur délinquant (§2).

§1 – Réponse progressive

71.L'idée d'une gradation de la réponse pénale peut se faire en fonction de plusieurs critères.

On retrouve cette optique de progressivité notamment dans la gestion de la réitération ou de la

récidive, la répétition des infractions devant être plus sévèrement considérée. En ce sens la

mesure va s'apparenter à une peine, les mesures de sûreté ne justifiant en principe pas de

prendre en considération ces éléments. Cela s'explique par le fait qu'elles ont

traditionnellement vocation à s'appliquer ante delictum, contrairement à la mesure éducative

qui, comme la peine, vient postérieurement à une infraction.

72.Il n'existe pas en France, contrairement à d'autres pays, une gradation interne aux mesures

éducatives, qui serait impérative pour le juge. Pourtant il existe bien effectivement une

progressivité dès lors que les mesures sont pour certaines douces et compréhensives et pour

d'autres coercitives54

. L'admonestation se révèle en effet bien peu contraignante, ce qui est

moins le cas des mesures de placement en centre éducatif, notamment s'il s'agit d'un centre

53

Article 8 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être

puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». 54

P. BONFILS, « Le droit pénal substantiel des mineurs », AJ Pénal 2005, p. 45

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éducatif fermé.

73.La progressivité semble également résulter en France de la distinction faite en premier lieu

entre mesures éducatives et peines, les premières étant a priori moins sévères que les

secondes, puis en second lieu entre les mesures éducatives, les sanctions éducatives, et les

peines. La création d'un « niveau intermédiaire », celui des sanctions éducatives, va bien dans

ce sens. La gradation existe théoriquement entre ces trois catégories, de la moins à la plus

sévère, ce qui va se refléter dans les tranches d'âges qui correspondent à chacune.

74.Puisqu'envisagée par le prisme de l'étude des mesures éducatives, c'est à la progressivité

substantielle qu'il semble falloir se limiter, en laissant à d'autres la question de la progressivité

procédurale.

75.C'est parmi les différentes réponses pénales existantes que le juge devra trouver celle

adéquate au mineur présenté à lui, et pour cela il prendra en compte plusieurs critères.

76.Le premier est, sans surprise, l'âge du mineur. En effet l'âge est un indice primordial dans

le droit pénal des mineurs, notamment parce qu'il va permettre de déterminer si c'est bien ce

droit qui va s'appliquer. L'âge de la majorité pénale est indispensable mais ce n'est pas le seul

seuil pris en compte. Le juge ne pourra prononcer que des mesures éducatives pour un mineur

de dix ans, il pourra prononcer des sanction éducatives à compter de cet âge et des peines si le

mineur a plus de treize ans. La progressivité est donc bien dictée par l'âge de l'intéressé, mais

ce n'est pas le seul critère puisque les tranches d'âge se chevauchent.

77.Un autre critère va alors être celui moins évident à appréhender de la personnalité du

mineur.

78.La gravité de l'infraction va bien évidemment jouer, mais elle n'est pas propre au cas des

mineurs délinquants. Il est effet reconnu dans tout le droit pénal un principe de

proportionnalité des peines, plus l'infraction est grande et plus la réponse sera sévère.

Inversement une infraction minime ne devrait pas pouvoir donner lieu à une réponse extrême.

Le principe de proportionnalité vise seulement les peines, à cause de leur caractère punitif.

Cependant il semble qu'il puisse également valoir pour des mesures autres que les peines, ce

qui est reconnu ici pour les mesures et sanctions éducatives. Enfin le passé pénal du mineur

est pris en compte.

79.La progressivité est donc le reflet de la prise en considération de plusieurs critères touchant

le plus souvent le mineur, et elle est permise par le choix qu'a le juge parmi plusieurs réponses

pénales. Les mesures éducatives y trouvent leur place en tant que mesures en principe les

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moins sévères, et donc applicables à tous les mineurs. Elles y correspondent également quant

à leur diversité et à leurs différents niveaux de sévérité.

80.La progressivité peut s'avérer risquée si elle conduit à cautionner une répression qui serait

excessive, et ce risque semble empêcher de faire de la progressivité un véritable principe55

. En

effet si le choix de la sévérité de la réponse pénale ne se fait qu'au regard des faits, toute la

prise en charge éducative est délaissée, ce qui serait contraire à ce qui est apparu jusque là

comme une des missions du droit pénal des mineurs.

81.La personnalisation de la mesure peut s'entendre d'une progressivité de la réponse pénale

donnée par le juge, mais également d'une volonté plus générale d'adaptabilité de celle-ci.

§2 – Réponse adaptée

82.Si la mesure éducative doit tendre à rendre « parfait », ou en tout cas meilleur, le mineur

délinquant, elle doit être adaptée à celui auquel elle est appliquée, puisque chaque mineur aura

des besoins et des capacités différents. Dès les années 1950 il a pu être souhaité que « la

justice pénale s'attache plus profondément qu'elle ne le fait à l'étude de l'homme et que dans

certains cas elle sache appliquer au délinquant le traitement "éducatif" voire psychologique

que sa personnalité peut commander »56

. Le juge doit avoir une « connaissance sérieuse de sa

personnalité dans ses multiples comportements et dans ses différentes expressions ».

83. L'éducation du mineur délinquant devrait donc être permise par une connaissance précise

de celui-ci, de ses besoins, de sa personnalité, ces éléments pouvant justifier le prononcé de

telle ou telle mesure. La réponse pénale est alors assimilée à véritable traitement, d'où la

nécessité d'être cohérente avec ce qu'elle doit « soigner » et qui elle doit « guérir » (là encore

le rapprochement avec les aliénés se fait sentir, dès lors que ceux-ci vont également pouvoir

être soumis à un traitement).

84.Avoir un éventail de mesures devrait donc permettre un éventail de solutions proposées,

afin de s'adapter au mieux au mineur57

. Le modèle protectionniste pousse à la connaissance de

la personnalité du mineur, ce qui va imposer de prendre du temps, parfois plus que pour les

majeurs. Il existe alors certaines mesures provisoires qui vont permettre d'évaluer la situation

55

Les étudiants du Master II de droit pénal de Bordeaux, « La progressivité de la réponse pénale à la

délinquance des mineurs au stade sententiel », Droit pénal n°9, Septembre 2012, étude 22 56

J. CHAZAL, « L'enfance délinquante »,loc.cit. 57

Il est d'ailleurs dans les pouvoirs du juge des enfants de parvenir à la « connaissance de la personnalité du

mineur ainsi que des moyens appropriée à sa rééducation » - article 8 de l'ordonnance du 2 février 1945

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du mineur et ainsi permettre de lui appliquer la mesure éducative la plus adaptée. De façon

générale les mesures éducatives s'inscrivent dans un phénomène d'adaptabilité au mineur

délinquant.

85.Le 8 juin 1998 le Gouvernement a arrêté de nouvelles orientations en matière de

délinquance juvénile58

, et notamment la volonté de rechercher une dimension éducative dans

toutes les réponses apportées en la matière. Pour atteindre ce but il a été souhaité de

renouveler les méthodes de l'action éducative, et pour cela mieux connaître le public suivi et

mettre en place un « accompagnement éducatif soutenu ». En effet l'efficacité d'une mission

éducative ne semble être possible que si les mesures qui la composent s'adaptent au mineur, ce

que la circulaire relève : « tout projet pédagogique nécessite une bonne connaissance du

public suivi ». Chaque public est spécifique et appelle donc une réponse spécifique, une

pédagogie appropriée. Il faut alors prendre en considération aussi bien son âge, son sexe, de

son comportement ou encore du contexte territorial. C'est donc un véritable travail de

connaissance du mineur qu'il faut mener et actualiser. D'ailleurs il est de la nature même des

mesures éducatives d'être révisables constamment, il est donc normal si les mesures peuvent

souvent changer que ce soit pour se réadapter au mieux aux évolutions du mineur, pour se

mettre à jour.

86.Il est indispensable que le projet éducatif soit unique et personnel au mineur, il doit exister

une unicité de projet éducatif, ce qui va permettre son adaptabilité. Tout cela va ressortir par le

biais des mesures éducatives. Il existe une véritable diversité de mesures éducatives,

lesquelles vont pouvoir s'adapter au mieux aux situations qu'elles sont amenées à régler et aux

personnalités qui vont s'y assujettir.

87.Dans un soucis de protection du mineur délinquant toute mesure va prendre en compte la

personnalité de celui-ci, et ce d'avantage qu'il ne l'est fait en droit pénal des majeurs.

88.Il faut toutefois rappeler que l'adaptabilité n'est pas propre aux mineurs, puisque la

sanction pénale en général n'est jamais définie initialement mais doit se redéfinir de façon

permanente selon l'évolution de celui qui la subit. Chaque sanction pénale comporte en elle-

même ce caractère rééducatif, et les mesures éducatives doivent a fortiori le respecter

pleinement. Il est de la fonction même de la réponse pénale de s'adapter à celui pour lequel

elle est prononcée, c'est d'ailleurs l'expression d'un principe d'individualisation judiciaire des

58

Circulaire d'orientation relative à la protection judiciaire de la jeunesse, NOR:JUSF9950035C, 24 févr. 1999

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peines, dont les mesures éducatives devraient pouvoir également bénéficier.

89.Malgré ces aspirations, certains déplorent le « manque d'adaptabilité des institutions »59

. Si

les mesures elles-mêmes seraient prises en considération d'une obligation d'adaptation aux

mineurs sur lesquelles elles portent, la mise en œuvre de celles-ci pourrait s'avérer freinée vis

à vis de cet objectif dans ce que les institutions seraient elles non adaptées. L'adaptabilité

pourrait alors s'avérer plus théorique que pratique.

90.Pouvoir s'adapter tant au mineur délinquant qu'à la possibilité de sa rééducation est un

particularisme du droit pénal des mineurs, en ce qu'il va plus loin que le droit pénal des

majeurs quant à la « personnalisation » de la mesure pénale. C'est donc à cet égard, ainsi que

face à des considérations de progressivité de la réponse pénale que la catégorie des mesures

éducatives va s'avérer nécessaire. Cette nécessité va confirmer celle tirée d'un principe de

primauté de l'éducatif.

91.Il apparaît que le droit pénal des mineurs ne semble pouvoir exister et n'être ce qu'il est

que par le biais des mesures éducatives. Leur existence est au moins souhaitable, sinon

indispensable. Encore faut-il que les mesures soient effectives pour qu'elles permettent

d'atteindre tous les objectifs qui lui sont prêtés.

59

J.-M. PETITCLERC, Les nouvelles délinquances des jeunes, Violences urbaines et réponses éducatives,

DUNOD, 2e édition, 2005, p. 117

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PARTIE 2 . EFFECTIVITE DES MESURES EDUCATIVES EN

DROIT PENAL DES MINEURS

92.En 2003 64037 condamnations ont été prononcées à l'égard de mineurs délinquants Ont

alors été prononcées des mesures éducatives dans 57% des cas, et des peines dans les 43%

restants60

. Si les chiffres ne sont pas absolus ni réellement exploitables en absence de

précision sur l'age des concernés, il en ressort toutefois que la priorité donnée théoriquement

aux mesures éducatives n'est pas flagrante d'effectivité. On peut alors se demander ce qu'il en

est réellement de ces mesures éducatives, quant à leur utilisation (Section 1) et quant à leur

pérennité (Section 2).

SECTION 1. L'UTILISATION DES MESURES EDUCATIVES

93.Afin de répondre aux différents impératifs qui pèsent sur les mesures éducatives, et qui ont

pu être en partie décelés précédemment, celles-ci disposent d'une variété de nature (§1) et de

modalités (§2).

§1 – Pluralité de mesures

94.La diversité des mesures (au sens large) encourues par un mineur délinquant semble être

un pan de la spécificité du droit pénal des mineurs61

, surtout quant aux mesures éducatives.

Le législateur contemporain n'a pas réduit, au contraire, cette catégorie. En effet il n'hésite pas

à ajouter de nouvelles mesures dans l'éventail déjà à la disposition du juge face à un mineur

délinquant, il est parfois notable qu'un tel « arsenal répressif »62

puisse devenir pervers, en

empêchant l'application de toutes les mesures existantes, puisque trop nombreuses.

95.Les différentes mesures sont généralement présentées selon l'âge des mineurs pour lesquels

elles ont vocation à s'appliquer. Il existe toutefois des mesures qui se retrouvent pour plusieurs

60

P. PEDRON, Droit et pratiques éducatives de la protection judiciaire de la jeune, Mineurs en danger,

mineurs délinquants, GUALINO, 2005, p. 285 - 286 61

P. BONFILS, « L'autonomie du droit pénal des mineurs, entre consécration et affaiblissement », loc. Cit. 62

P. BONFILS, « Le service citoyen pour les mineurs délinquants », Droit de la famille n°3, Mars 2012, comm.

59

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tranches d'âge63

. Schématiquement, sont exclusivement prononçables envers un mineur de

treize ans (article 15 de l'ordonnance de 1945) la remise au service de l'assistance éducative

et le placement dans un internat approprié. Sont propres au mineur de plus de treize ans

(article 16 de l'ordonnance) le placement dans une institution d'éducation surveillée ou

collective et l'avertissement solennel. Le mineur de moins ou de plus de treize ans pourra,

dans l'indifférence de son âge, être remis à ses parents (ou tuteur, personne qui en avait la

garde, personne digne de confiance) ; être placé dans une institution ou un établissement

public ou privé d'éducation ou de formation professionnelle habilité ; être placé dans un

établissement médical ou médico-pédagogique habilité ; ou se voir appliquer une mesure

d'activité de jour. À partir de seize ans, le mineur pourra être mis sous protection judiciaire

(article 16 bis).

96.La mesure la plus clémente pouvant être prononcée est la remise à parent, elle vise tant les

parents que leur enfant, en rappelant leur devoir de surveillance et d'éducation. C'est donc à

une éducation dans le sens premier du terme qu'il est fait référence. L'admonestation,

avertissement solennel prononcé par le juge des enfants, est elle aussi purement éducative

mais va plus loin en ce sens puisqu'elle vise la prise de conscience par l'enfant de ses actes, et

donc les débuts d'une responsabilisation.

97.À ces mesures éducatives initiales ont été rajoutées certaines mesures pouvant dénoter

avec la ressemblance qui liait les premières. La loi du 4 janv. 1993 a créé la mesure de

réparation. Elle tranche avec l'aspect thérapeutique (illustré par un changement du cadre de

vie) des autres mesures, puisqu'elle s'attache ici plus au dommage causé par l'infraction qu'à la

violation de la loi (et à ses causes). Ce renouveau des mesures semble aller dans le

renforcement du caractère éducatif, dans le sens qui lui est aujourd'hui prêté. En s'appuyant

sur des mécanismes de justice réparatrice, la mesure éducative permet la responsabilisation du

mineur. La circulaire d'application de ladite loi appuie cette vision, puisque la mesure

éducative contemporaine semble pouvoir à la fois être une réponse pénale et avoir un apport

éducatif. En effet ce n'est plus tant le prononcé de la sanction que son exécution qui vont

permettre au mineur de mesurer la portée de ses actes. La détermination du contenu de la

mesure va entrer dans le processus de responsabilisation. Cependant cette même mesure peut

étonner de par sa nature « hybride », en effet elle peut intervenir également en tant

qu'alternative aux poursuites ou en cours d'instruction. De plus cette mesure pourrait

63

B. LAVIELLE, M. JANAS et X. LAMEYRE, Le guide des peines, DALLOZ, 5e édition, 2012, p. 506 - 507

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malmener le principe de la présomption d'innocence64

.

98.La relativement nouvelle mesure de placement de jour a pour vocation l'insertion scolaire

ou professionnelle du mineur, et donc bien de permettre sa rééducation et sa resocialisation.

99.Enfin la dispense de mesure peut elle-même être perçue comme ayant l'aspect d'une

mesure éducative en soi, puisqu'elle a un aspect restaurateur, bien qu'elle ne soit pas,

contrairement aux mesures éducatives à proprement parler, inscrite au casier judiciaire.

100.Certaines mesures prennent la forme d'un placement, elles sont alors parfois sujettes à

critiques, bien qu'elles aient fait figure de pionnières en tant que mesures éducatives. Les

critiques ont pu provenir de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs65

. Ce

sont surtout les conditions de placement qui ont été visées, notamment parce que la protection

judiciaire de la jeunesse a « progressivement abandonné le créneau de l'hébergement en

foyer », et cela parce qu'il est constant de donner la priorité à une prise en charge dans le

milieu éducatif du mineur délinquant. De plus les séjours en centre sont souvent courts et le

mineur qui en sort n'a que rarement un projet et un suivi, de sorte que la récidive s'en trouve

favorisée. Chaque forme d'hébergement a des structures et des règles propres66

. On distingue

alors le foyer d'action éducative, le centre éducatif renforcé, le centre de placement immédiat,

et le centre éducatif fermé. Chaque structure développe ses propres caractéristiques

éducatives, qui vont de la séparation d'un milieu jugé nocif à un contrôle renforcé, en passant

par des projets de réinsertion. Dans la forme la plus forte de ces mesures, l'hébergement

ressemblera fortement à un emprisonnement, ce serait donc presque une peine qui ne se

reconnaît pas comme telle.

101. Il existe donc un véritable panel de mesures éducatives à la disposition du juge pour

faire face au comportement délinquant d'un mineur. Les particularités de chacune devraient

permettre de répondre aux exigences tant de progressivité que d'adaptabilité, tout en facilitant

le choix de l'éducatif sur le répressif.

102. Le deuxième aspect des particularités des mesures éducatives, justifiant notamment leur

utilisation, est celui de leurs modalités, qui s'avèrent spécifiques.

64

J.-F. RENUCCI, « Le droit pénal de mineurs entre son passé et son avenir », loc. Cit.

1.65

www.senat.fr/rap/r01-340-1/r01-340-181.html

66 P. PEDRON, op.cit. p. 290 - 294

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§2 - Modalités spécifiques

103.De façon exceptionnelle la mesure éducative peut intervenir à titre civil, lorsque la

protection n'est pas « répressive » mais « préventive », puisque l'on veut éviter qu'il soit

conduit à la délinquance67

. Au sens pénal, puisque la mesure éducative s'apparente à une

mesure de sûreté, elle ne peut être imposée par le juge qu'à celui qui a commis une infraction.

Elle se rapproche ici d'une peine au sens générique.

104.Cette familiarité avec la mesure éducative emporte les mêmes défauts parfois critiqués, si

les mesures de sûreté sont en général très largement répandues, leur statut reste « imprécis et

flou »68

. Si la mesure éducative est bien qualifiée de mesure de sûreté, elle ne prend pour

certains pas le régime de cette dernière mais celui d'une peine69

. Une telle affirmation paraît

toutefois réfutable, en effet les différentes modalités d'exécution des mesures éducatives

permettent de les distinguer des peines à plusieurs titres70

. De façon nuancée il peut alors être

expliquée que les mesures éducatives ont une nature de mesure de sûreté mais ont un « régime

calqué sur les peines »71

. Il faut relever qu'à différents titres elles s'en distinguent pourtant, ce

qui en fait une catégorie originale.

105. Contrairement aux peines, les mesures éducatives peuvent se cumuler entre elles mais

également avec une peine. À l'aune du cas particulier de la liberté surveillée, il a d'abord été

historiquement considéré comme impossible de la cumuler avec une autre mesure, tant par la

loi72

que par la jurisprudence73

. L'ordonnance de 1945 est revenue sur cette position, son

article 19 alinéa 1 admettant le régime de la liberté surveillée quand bien même le mineur

serait déjà soumis à une mesure d'internement. La loi du 24 mai 1951 est allée encore plus

loin en ouvrant la possibilité de prononcer à l'encontre d'un mineur délinquant à la fois une

sanction pénale proprement dite et une mesure de sûreté, donc de cumuler mesure éducative et

peine. Si une peine a pu être prononcée à l'encontre d'un mineur délinquant, l'adjonction d'une

mesure éducative telle que la liberté surveillée va permettre un « contact éducatif avec le

mineur en cours de peine », c'est donc la mesure éducative qui va remplir le rôle éducatif du

droit pénal des mineurs, là où une véritable peine pourrait en manquer.

67

Article 375 du Code civil 68

H. MATSOPOULOU, « Le renouveau des mesures de sûreté », loc. Cit. 69

A. BEZIZ – AYACHE, Dictionnaire de la sanction pénale, ELLIPSES, 2009 p. 98 70

B. BOULOC, Pénologie, DALLOZ, 3e édition, 2005, p. 393 - 397 71

P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op.cit. p. 713 - 714 72

Loi 22 juillet 1912 73

Crim., 2 mars 1928, S., 1929.I.198

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106.Une autre particularité de la mise en œuvre des mesures éducatives est leur révision, cela

a été vu dans la définition même de la mesure, elle est « constamment révisable », ce que ne

peut être une peine en raison de l'autorité de la chose jugée (sous réserves de certains

aménagements) et d'un principe d'immutabilité. L'article 27 de l'ordonnance du 2 février 1945

dispose que « les mesures de protection, d'assistance, de surveillance, d'éducation ou de

réforme ordonnée à l'égard d'un mineur peuvent être révisées à tout moment ». Bien que

l'article soit relatif à la liberté surveillée on lui reconnaît une portée générale de sorte que

toute mesure prononcée à l'égard d'un mineur délinquant puisse être révisée. (Il en est de

même pour les mesures prononcées pour les mineurs en danger, nouvelle preuve de la

confusion des genres).

107.Cette admission de la révision est liée à la nature des mesures éducatives qui sont, nous

l'avons vu, censées s'adapter au mineur concerné. Aussi dès lors que l'état de celui-ci va

changer, en s'améliorant ou en se détériorant, il faut pouvoir changer la mesure. Toutefois la

révision reste encadrée quant à sa demande (l'article 28 de l'ordonnance donne la liste des

personnes ayant intérêt à agir, le juge lui-même pouvant se saisir d'office ; tandis que l'article

27 pose un délai), la juridiction compétente, et son étendue. La mesure pourra ainsi être

atténuée, aggravée ou même supprimée.

108.Enfin, et toujours en comparaison aux peines, les mesures éducatives ne sont pas

suspendues durant l'exercice des voies de recours et tant qu'une décision définitive n'est pas

intervenue. L'article 22 de l'ordonnance de 1945 dispose alors que « le juge des enfants et le

tribunal des enfants pourront dans tous les cas ordonner l'exécution provisoire de leur

décision nonobstant opposition ou appel ».

109.D'ailleurs le prononcé d'une mesure éducative ne serait pas réellement une condamnation

pénale, ce qui expliquerait les distinctions reconnues avec le prononcé d'une peine qui répond

elle de cette qualification74

. C'est parce qu'en tout cela la mesure éducative se distingue de la

peine que, récemment, la compétence du juge des enfants a pu être calée sur leur application.

Après de nombreuses discussions sur le maintien pour ce juge spécifique de la double

casquette « instruction - jugement », il a ainsi pu être dit par le Conseil constitutionnel que ce

cumul était possible seulement lorsqu'il prononcera des mesures éducatives75

. Cette décision

ferait des mesures éducatives l'axe d'articulation entre procédure spécifique au mineur et

74

S. DETRAZ, « La notion de condamnation pénale : l'arlésienne de la science criminelle », RSC 2008, p. 41 75

Cons. constit., Décision n° 2011-147 QPC du 8 juill. 2011, D. 2012. 1638, obs. V. BERNAUD et N.

JACQUINOT ; AJ fam. 2011. 534, obs. V. A.-R. ; ibid. 391, point de vue L. GEBLER ; AJ pénal 2011. 596,

obs. J.-B. PERRIER ; RSC 2011. 728, chron. C. LAZERGUES ; ibid. 2012. 227, obs. B. de LAMY ; RTD civ.

2011. 756, obs. J. HAUSER

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procédure ordinaire76

.

110.Comme le fond des mesures, leur forme et exécution va porter un aspect éducatif. Aussi,

par exemple, une mesure de liberté surveillée post-sentencielle peut être prononcée à

l'encontre du mineur, le plus souvent d'ailleurs elle double une mesure éducative77

. Une telle

modalité est prononcée afin de « favoriser chez le mineur sa compréhension du passage à

l'acte délictuel afin qu'il ne persiste pas dans de tels comportements ». C'est donc bien sa

rééducation qui est toujours recherchée par la surveillance pendant la liberté, afin que celle-ci

ne soit pas l'occasion de reproduire des faits délictueux, mais également en amenant le mineur

à rechercher son insertion dans un cadre scolaire ou professionnel.

111.Cette même optique justifie également que la mesure éducative puisse être prononcée

dans le cadre de l'instruction et donc avant tout jugement, ce qui est impossible pour les

sanctions éducatives et les peines78

.

112.Les mesures éducatives peuvent parfois laisser perplexe quant à leur régime, notamment

parce qu'on leur prête celui des peines quand bien même elles sont ralliées à une nature de

mesure de sûreté. Cependant l'étude de leurs modalités semble faire pencher pour un régime

distinct de celui de la peine. On pourrait alors admettre que les ressemblances se situent plus

dans leur genre commun de « sanction pénale ».

113.La diversité des mesures et la spécificité de leurs modalités permet aux mesures

éducatives d'avoir leur place dans le droit pénal des mineurs, mais également de se faire le

réceptacle de plusieurs besoins de la matière. Il devient alors important de vérifier si les

mesures éducatives ont pour autant un avenir serein. En effet à plusieurs égards il semble que

leur pérennité pourrait être mise à mal.

SECTION 2. LA PERENNITE DES MESURES EDUCATIVES

114. La pérennité des mesures éducatives tient tant à leur place particulière dans l'ordre

juridique qu'à des considérations plus générales. Aussi l'une des questions récurrentes est

celle de la possibilité et de la stabilité de leur coexistence avec les relativement récentes

76

B. DE LAMY, « Droit pénal des mineurs : une spécificité toujours limitée », RSC 2012, p. 227 77

P. PEDRON, op.cit. p. 287 78

J. CASTAIGNEDE, « Mineur délinquant, Mesures applicables au mineur », J. -Cl. Pén.2006, art. 122-8, fasc.

20, n° 5, p. 3

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sanctions éducatives (§1). D'autres éléments vont également poser la question de l'avenir

probable de ces mesures (§2).

§1 - Articulation avec les sanctions éducatives

115.La loi du 9 septembre 2002, déjà citée, introduit une nouvelle catégorie dans les réponses

pénales au comportement délinquant d'un mineur : les sanctions éducatives. Elles semblent

illustrer un durcissement de ces réponses. Plus que jamais le juge aura à se poser la question

de l'opportunité de la sanction. Si, a priori, elles se distinguent des mesures éducatives, le

rapprochement entre les deux catégories semble inévitable.

116.Les sanctions éducatives sont considérées comme des intermédiaires aux mesures

éducatives et aux peines. Elles sont désormais inscrites dans un article 15-1 de l'ordonnance

du 2 février 1945.

117.Les sanctions éducatives ont en principe un caractère plus punitif que les mesures, ce qui

ressort tant du terme « sanction », plus péjoratif que la mesure, mais aussi de la nature de ces

sanctions : ce sont principalement des interdictions ou des confiscations. On peut alors douter

de leur véritable caractère éducatif, tant elles semblent plus responsabiliser voire neutraliser le

mineur que réellement rééduquer celui-ci79

.

118.D'ailleurs les premières ressemblaient même à des peines : confiscation80

, stage de

formation civique, interdiction de paraître dans un certain nombre de lieux ; ou à des

modalités d'aménagements des peines : l'interdiction de rencontrer la victime, les complices

ou les coauteurs se retrouvent dans l'exécution du sursis avec mise à l'épreuve81

. Le plus

souvent elles se révèlent empruntées à la catégorie des peines complémentaires issues du droit

pénal des majeurs, on va alors jusqu'à parler « d'adultomorphisme ». Leurs ressemblances

avec des peines au sens propre, comme pour le stage, peuvent apparaître étranges dès lors que

la sanction éducative n'est pas censée être une peine mais bien une sanction autonome. On

pourrait alors craindre que l'étiquette de « sanction éducative » soit apposée à des peines afin

79

E. DREYER, Droit pénal général, LITEC LEXIS NEXIS, 2010, p. 783 - 784 80

Article 131-21 du Code pénal : « La peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus

par la loi ou le règlement ». 81

Article 132-45 du Code pénal : « La juridiction de condamnation ou le juge de l'application des peines peut

imposer spécialement au condamné l'observation de l'une ou plusieurs des obligations suivantes […] 12° Ne

pas fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ».

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de pouvoir les appliquer à des mineurs82

.

119.Pourtant le Conseil constitutionnel lui-même semble ne rien trouver à y redire, dès lors

que les sanctions éducatives ont bien pour lui une « finalité éducative » et qu'elles doivent

respecter le principe de « proportionnalité des peines »83

. Il reconnaît donc que les sanctions

éducatives puissent être soumises au régime des peines quand bien même elles seraient plus

« éducatives » que des peines ordinaires. La loi du 5 mars 2007 dans son article 59 a ajouté

quatre nouvelles sanctions, deux étant des mesures de placement, auxquelles s'ajoutent

l'avertissement solennel et l'exécution de travaux scolaires.

120.Mesures et sanctions éducatives semblent entrer dans une même catégorie de sanction au

sens général, c'est à dire celle de réponse spécifique à un certain comportement. Les deux sont

souvent opposées aux peines. C'est d'autant plus vrai que les sanctions se sont éloignés de

leurs débuts punitifs pour ressembler plus à des mesures éducatives : placement dans un

établissement scolaire, avertissement solennel, exécution de travaux scolaire, couvre-feu …En

effet le Conseil Constitutionnel lui-même a pu rappeler que les sanctions éducatives ne sont,

pas plus que les mesures éducatives, des mesures pénales à proprement parler, et qu'elles ont

toutes une « finalité éducative ».

121.Déjà dans leurs modalités, sanctions et mesures se recoupent, notamment dans la

possibilité d'être cumulées. En l'absence de condamnation pénale, un renvoi peut être opéré

tant à certaines mesures éducatives qu'à certaines sanctions éducatives. De plus l'une des

sanctions visées par l'article 15-1 opère un renvoi à l'article 12-1 qui prévoit une mesure

d'aide ou de réparation, laquelle peut également être une mesure éducative. Il est étrangement

possible de recourir à une mesure éducative comme réponse au non respect d'une sanction

éducative non respectée. Aussi une réponse pénale du deuxième niveau, si elle n'est pas

respectée, peut être sanctionnée par une réponse du premier niveau. Ce constat est balayé dès

lors que l'on reconnaît que mesures et sanctions sont en fait à des niveaux équivalents.

122. C'est le qualificatif d' « éducatif » qui emporte une assimilation entre les mesures et

sanctions ici visées, bien que la réalité de ce critère soit discutée quant aux sanctions.

Cependant il semble bien que les sanctions éducatives se rapprochent des mesures éducatives,

et ce parce que le concept d'éducation lui-même a évolué, comme nous l'avons vu

précédemment.

82

P. BONFILS, « Le droit pénal substantiel des mineurs », loc.cit. 83

Cons. Constit., Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, JO 10 sept. 2002, p. 14953 ; RSC 2003, p. 606 et

s., obs. Bück. Considérant n° 32

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123.Ainsi les nouvelles mesures éducatives avaient pour but affiché la responsabilisation du

mineur, ce qui est repris dans la fixation des modalités du stage de formation civique, « qui a

pour objet de faire prendre conscience au mineur de sa responsabilité pénale et civile, et des

devoirs qu'implique la vie en société »84

. La circulaire du 7 novembre 2002 semble expliquer

que les sanctions éducatives sont des mesures éducatives dont le prononcé dépend des règles

tenant à la peine, donc celles qui préconisent la prise en compte des circonstances de la

personnalité du mineur85

.

124.La mesure de réparation est effectivement citée tant au titre des mesures éducatives que

des sanctions éducatives, si la catégorie va jouer sur des limites d'age elle ne devrait pas être

ressentie par le mineur, il devra « réparer » de la même façon que ce soit dans le cadre d'une

mesure éducative ou d'une sanction éducative.

125.De la même sorte les deux catégories se confondent quant à certains de leurs effets,

puisque ni sanction ni mesure éducatives ne peuvent constituer le premier terme qui

permettrait de retenir la récidive légale86

à l'encontre d'un mineur87

. De la même façon ni l'une

ni l'autre ne peuvent donner lieu à inscription sur le fichier national automatisé des empreintes

génétiques88

89

.

126.Cette confusion des genres entre mesures et sanctions éducatives pourrait devenir plus

qu'un constat pour être une réalité affirmée. En effet parmi les différents projets de réforme

qui touchent la justice pénale des mineurs, une des propositions de 2008 consiste à supprimer

la catégorie des mesures éducatives pour n'offrir à nouveau plus qu'une alternative binaire

dans les réponses pénales au comportement d'un mineur : celle entre sanction éducative et

peine. Cette volonté semble illustrer le refus de rester hypocrite quant à la véritable nature des

réponses données au pénal au comportement d'un mineur délinquant, « sanctionner », quand

bien même un objectif éducatif serait poursuivi90

.

84

B. LAVIELLE, M. JANAS et X. LAMEYRE, op. Cit. p. 418 85

C. LAZERGUES, « Fallait-il modifier l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 ? », RSC 2003, p. 172 86

Articles 132-8 et suivants du Code pénal 87

M. BRUGGEMAN, « Lutte contre la récidive : vers un durcissement de la sanction pénale des mineurs »,

Droit de la famille n°9, Septembre 2007, alerte 74 88

Articles 706 – 54 et R53-10 du Code de procédure pénale 89

Dans un arrêt de 2007 la chambre criminelle de la cour de cassation avait déclaré que la mesure de protection

judiciaire prononcée à l'égard d'un mineur ne constituait pas une condamnation pénale de sorte qu'elle ne

pouvait permettre l'inscription au ficher national automatisé des empreintes génétiques. Crim. 12 sept. 2007,

n° 06-85.687, D. 2007. 2981, note S. DETRAZ ; D. 2008 . 1435, obs. H. GAUMONT – PRAT et 1854 obs. P.

BONFILS ; AJ Pénal 2007, 489, obs. G. ROYER ; RSC 2007. 848, obs. R. FINIELZ ; Dr. Fam. 2007. Comm.

212, obs. X. PIN ; JCP G 2008. II. 10018, note C. BYK 90

Dossier – Réforme de la justice des mineurs, « 70 propositions pour réformer la justice pénale des mineurs »,

Droit pénal n°12, Décembre 2008, dossier 6

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127.Les interactions qui existent entre mesures éducatives et sanctions éducatives peuvent

faire douter de l'utilité de leur cohabitation. Aussi la question de la survie des mesures

éducatives semble se poser avec d'autant plus de raisons.

§2 - Perspectives d'avenir des mesures éducatives

128.Parce qu'elles sont le cœur substantiel du droit pénal des mineurs, les mesures éducatives

semblent liées au destin de celui-ci. Sans oublier que la catégorie à elle seule est au cœur de

plusieurs mouvements qui pourraient mettre en doute sa survie, à tout le moins en cet état.

129.Si la rupture historique serait réfutable dès lors que l'ordonnance de 1945 n'a pas été

abrogée, malgré tout ce que a pu être préconisé à ce sujet, rupture il y aurait au regard des

nombreuses réformes qui la concernent, et leur accélération récente91

. Il faudrait donc

observer un étiolement de la matière dès lors que son texte fondateur est sujet à remaniement.

130.L'ordonnance de 1945 essuie depuis de nombreuses années les critiques, et la recherche

de sa réforme semble être perpétuelle, nombreuses sont les incitations et les tentatives en ce

sens.92

. Rien qu'à l'observation de la date du texte, il apparaît que l'ordonnance de 1945 n'est

pas de la première jeunesse, d'où des soupçons quant à son éventuel vieillissement. Celui-ci

serait d'ailleurs une réalité, que les « relookages » législatifs n'ont pas permis de camoufler

suffisamment93

. Certains la qualifient alors d'« usée, rapiécée », et elle ressemblerait même à

un « manteau d'arlequin rapiécé »94

, le pléonasme renforçant l'impression d'extrême usure. Le

fondement du droit pénal des mineurs et des mesures éducatives ne serait donc plus qu'un

patchwork, ce qui ne peut apparaître satisfaisant ne serait-ce que par rapport aux qualités

exigées du droit, a fortiori lorsqu'il est pénal. De nombreuses incohérences sont pointées du

doigt et les raisons de garder un texte maintes fois retouché peuvent trouver à manquer.

131.Pourtant il est douteux que toutes les difficultés qui existent dans le cadre du droit pénal

des mineurs puisse être levées par le « toilettage »95

de son texte fondateur, c'est à dire

l'ordonnance de 1945. Le texte n'est, en effet, pas le seul aspect pouvant être critiqué.

91

C. LAZERGUES, « La mutation du modèle protectionniste de justice des mineurs », RSC 2008, p. 200 92

C. LAZERGUES, « Fallait-il modifier l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 ? », loc.cit. 93

J.-F. RENUCCI, « Le droit pénal des mineurs entre son passé et son avenir », loc.cit. 94

A. MARON, « Arlequin se penche sur les mineurs », Droit pénal n°7, Juillet 2007, repère 7 95

Entretien avec J.-P. ROSENCZVEIG, « La refondation de l'ordonnance sur la jeune délinquante », D. 2008,

p. 1536

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132.Le droit pénal des mineurs subit un mouvement de durcissement, qui se ressent tant dans

son organisation générale que dans les mesures elles-mêmes. Ce mouvement est mis en

lumière depuis plusieurs années par des amendements sénatoriaux proposant un abaissement

important de l'âge minimal requis pour se voir appliquer une véritable peine, mais aussi

remettant en question la priorité de la prévention et de l'éducation96

. Il s'inscrit dans des

conditions plus générales de « pénalisation » de la vie courante et d'alourdissement des peines

effectivement prononcées.

133.La « frénésie sécuritaire » actuelle pourrait pousser à revoir les principes du droit pénal

des mineurs et par là le primat de l'éducatif sur le répressif97

. La prééminence des mesures

éducatives pour les mineurs délinquants serait alors sérieusement remise en cause. Face à ce

durcissement, il est reproché de façon récurrente au droit pénal des mineurs sa perte de

spécificité, à l'instar d'un rapprochement sensible avec le droit pénal « classique », celui qui

s'occupe des délinquants majeurs.

134.Cette perte de spécificité s'illustrerait par un retour d'une politique criminelle de la

sanction basée sur une crainte de la dangerosité98

. En recherchant à tout prix la sanction,

l'objectif éducatif peut passer si ce n'est à la trappe au moins au second plan, ce qui influe sur

les mesures éducatives.

135.Il ressort bien des dernières mesures inscrites dans le panel des réponses pénales au

comportement d'un mineur que c'est la sanction qui est recherchée, aussi le Projet de loi

d'orientation et de programmation pour la justice 2003-2007 du 12 juillet 2002 comptait

parmi ses axes d'orientation le « renforcement de la responsabilité pénale des mineurs » et

prévoyait la « création d'établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs ». La justice

en général, et sur le plan des mineurs délinquants en particulier, a pour objectifs premiers la

« sécurité » et « l'efficacité de la police et de la justice »99

. Pour atteindre ces buts il semble

que la recherche éducative a été laissée sur le pavé. Il a été reconnu que sanction et éducation

ne s'opposent pas mais au contraire se complètent La répression est indispensable face à une

infraction, quand bien même elle doive s'inscrire dans une optique éducative. Les mesures

éducatives n'auraient alors plus droit de cité dès lors que seules des réelles sanctions seraient

96

Réflexions sur le sens de la peine, loc. cit. 97

C. LAZERGUES, « La mutation (...) », loc. Cit. 98

Club Droits, Justice et Sécurités ; « Redonner sa spécificité à la Justice des mineurs », Une justice protectrice

des droits, 10 mai 2011 99

B. BRUNET, « La lutte contre la délinquance, Entre répression, éducation, processus démocratique et rôle de

l'institution judiciaire », Gaz. Pal. 2002, p. 1284

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envisagées.

136.La perte de spécificité n'est pas purement substantielle, on peut l'observer également

quant à la procédure, la loi 10 août 2011 a modifié plusieurs aspects procéduraux de

l'ordonnance de 45, qui semblent rapprocher la procédure pénale des mineurs à celle des

majeurs, notamment en créant un tribunal correctionnel pour mineurs.

Cependant il n'y aurait pas là rupture avec la dimension éducative du droit pénal des

mineurs100

.

137.En effet, il faut noter que ces modifications ont été faites en prenant en compte les

censures du Conseil constitutionnel, lequel dénonçait une inadéquation avec la dimension

éducative du droit pénal des mineurs. Cette vision n'est toutefois pas unanime101

. On sait que

la connaissance du mineur est l'un des pans de l'action éducative, et elle est malmenée dès lors

que des procédures rapides voire expéditives sont instituées dans le cursus judiciaire, que ce

soit par les alternatives aux poursuites ou par les procédures de jugement elles-mêmes

rapides.

138.Le durcissement de la matière critiqué trouve également à s'illustrer par le biais des

nombreuses tentatives de supprimer les mesures éducatives du panel des réponses pénales à la

délinquance d'un mineur.

139.Il en a été notamment ainsi lors du projet de réforme de l'ordonnance relative à la

délinquance des mineurs (la proposition était alors la troisième sur soixante-dix, elle résultait

donc d'une volonté certaine), présenté le 16 mars 2009 à la garde des sceaux. Cette

suppression serait alors un moyen de favoriser la compréhension de la loi, ce qui serait

empêché par la répartition actuelle102

. On a également pu proposer de changer non les

mesures en elles-mêmes mais leur dénomination, en gardant les « sanctions » dans le cadre

pénal pour réserver les « mesures » au cadre civil.

140.Lors des élections présidentielles de 2012, les candidats ont tous eu leur mot à dire sur le

droit pénal des mineurs, et on a pu voir poindre des divergences quant au sort des mesures

éducatives103

. Si chacun trouve la primauté de l'éducation sur la répression incontestable, les

mesures éducatives ne font pas l'unanimité sur plusieurs de leurs aspects, et nombreuses sont

100

P. BONFILS, « La réforme du droit pénal des mineurs par la loi du 10 août 2011 », D. 2011, p. 2286 101

C. LAZERGUES, « La démolition méthodique de la justice des mineurs devant le Conseil

constitutionnel », RSC 2011. 728. 102

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les propositions tendant à relier répression et éducation. La difficulté tient alors à l'équilibrage

entre ces deux options, ou plus généralement entre protection et répression104

, question

récurrente s'il en est, puisqu'elle semble être le « nœud de la guerre » de cette matière aussi

particulière.

141.Les principes qui fondent la matière pourraient toutefois se révéler attachés à une

nouvelle conception de la matière, ce qu'illustre notamment un mélange des genres entre

mesures sévères et peines éducatives, renforcé par la création des sanctions éducatives. Il ne

semble donc désormais plus impossible de combiner éducation et répression, quand bien

même le principe est souhaité dans chaque projet de réforme comme devant recevoir une

consécration formelle105

.

142.C'est bien la matière entière, et par là même la question des mesures éducatives, qui a un

avenir incertain à cause des nombreux mouvements juridiques et idéologiques qui soufflent

des vents contraires106

.

CONCLUSION

143. Il a pu être vu que les mesures éducatives s'avéraient être l'apanage du droit des mineurs,

notamment s'agissant de la répression de leur comportement délinquant, et donc dans la

branche du droit pénal des mineurs. Elles se révèlent indispensables à la matière, dès lors

qu'elles peuvent être l'expression du principe de primauté de l'éducatif sur le répressif, issu de

l'esprit de l'ordonnance du 2 février 1945, et confirmé par les autres textes législatifs, la

jurisprudence, et la doctrine. Elles peuvent également, et dans la continuité de ce principe,

répondre à un impératif de personnalisation de la réaction pénale. C'est en effet la recherche

de rééducation qui doit diriger le choix du juge, et une marge de manœuvre doit lui être

laissée, ce qui est à première vue permis par la diversité des mesures éducatives, et leurs

modalités d'application.

144. L'une des difficultés, lorsqu'il s'agit d'étudier les mesures éducatives, tient à déterminer

leur nature et leur régime. Si elles sont définies comme faisant partie de la famille des

mesures de sûreté, elles s'en éloignent dans leur application pour se rapprocher des peines. Il

104

J. POUYANNE, « Le nouveau droit pénal intéressant les mineurs, ou la difficulté d'être entre protection et

répression », Droit pénal n°5, Mai 2003, chron. 14 105

P. BONFILS, « La primauté de l'éducation sur la répression », loc.cit. 106

M.-C. GUERIN, « Dix ans d'évolution de la justice pénale des mineurs : bilan et perspectives », Droit pénal

n°9, Septembre 2012, repère 9

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peut alors être difficilement tenable de poser un principe visant à préférer les mesures

éducatives aux peines, dès lors qu'elles seraient en fait similaires à plusieurs égards.

145. Les pistes ont été d'autant plus brouillées qu'une nouvelle catégorie a fait apparition, se

plaçant théoriquement comme intermédiaire, mais se révélant finalement comme étant des

emprunts choisis à l'une ou l'autre des catégories originaires. Le mélange des genres pourrait

trouver à se concrétiser dans le futur, si les réformes projetées aboutissent à fusionner mesures

et sanctions éducatives.

146. La classification des mesures éducatives n'est pas le seul point sujet à bouleversement, la

matière qui les contient subissant un mouvement de durcissement, pouvant remettre en cause

la primauté éducative, à tout le moins dans sa conception traditionnelle. En effet désormais

l'éducation n'est plus opposée à la répression, de sorte que l'opposition traditionnelle entre

mesures et peines pourrait devenir ténue, si elle ne l'était pas déjà.

147. Aussi si les mesures éducatives trouvent facilement leur place dans le système répressif

tenant aux mineurs délinquants, l'évolution de ce système pourrait mettre à mal leur survie sur

le long terme.

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Table des matières

AVERTISSEMENT .................................................................................................................... 2

PRINCIPALES ABREVIATIONS ............................................................................................. 3

INTRODUCTION ..................................................................................................................... 4

DEFINITION..................................................................................................................... 5

HISTORIQUE .................................................................................................................. 8

DROIT COMPARE .......................................................................................................... 9

NATURE DES MESURES ............................................................................................. 10

CARACTERE EDUCATIF DES MESURES ................................................................ 12

PARTIE 1. NECESSITE DES MESURES EDUCATIVES EN DROIT PENAL DES

MINEURS ................................................................................................................................ 16

SECTION 1 / LA PRIMAUTE DE L'ACTION EDUCATIVE ...................................... 16

§1 – Considérations constitutionnelles ................................................................. 16

§2 – Influence internationale ................................................................................ 19

SECTION 2 / L'EDUCATION PERSONNALISEE ...................................................... 21

§1 – Réponse progressive ..................................................................................... 21

§2 – Réponse adaptée ........................................................................................... 23

PARTIE 2 . EFFECTIVITE DES MESURES EDUCATIVES EN DROIT PENAL DES

MINEURS ............................................................................................................................... 26

SECTION 1. L'UTILISATION DES MESURES EDUCATIVES ................................. 26

§1 – Pluralité de mesures ...................................................................................... 26

§2 - Modalités spécifiques .................................................................................... 29

SECTION 2. LA PERENNITE DES MESURES EDUCATIVES ................................. 31

§1 - Articulation avec les sanctions éducatives ..................................................... 32

§2 - Perspectives d'avenir des mesures éducatives ............................................... 35

CONCLUSION ........................................................................................................................ 38

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NOTES ET OBSERVATIONS

Observations

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Notes

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Cons. Constit., Décision n° 2011-147 QPC du 8 juill. 2011, D. 2012. 1638, obs. V.

BERNAUD et N. JACQUINOT ; AJ fam. 2011. 534, obs. V. A.-R. ; ibid. 391, point de vue L.

GEBLER ; AJ pénal 2011. 596, obs. J.-B. PERRIER ; RSC 2011. 728, chron. C.

LAZERGUES ; ibid. 2012. 227, obs. B. de LAMY ; RTD civ. 2011. 756, obs. J. HAUSER

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comm. 163, P. BONFILS ; Dr. Pén. 2012, comm. 126, M. VERON

SITES INTERNET

Journaux en ligne :

- www.politis.fr/Faut-il-enfermer-les-mineurs,19737.html (consulté en mars 2013)

- www.marianne.net/Que-faire-des-mineurs-délinquants_a226206.html (consulté en mars 2013)

Site de l'association française des magistrats de la jeunesse et de la famille :

www.afmjf.fr/Historique-de-la-justice-des.html (consulté en février 2013)

Site de Human Right Watch : www.hrw.org/fr/news/2013/03/04/yemen-des-mineurs-délinquants-risquent-

d-etre-executes (consulté en mars 2013)

Site de la Revue d'histoire de l'enfance « irrégulière » : rhei.revues.org

Site du Sénat - Rapport de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs :

www.senat.fr/rap/r01-340-1/r01-340-1.html (consulté en janvier 2013)