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Rossignol, Jean-Pierre (1803-1893). Les métaux dans l'antiquité : origines religieuses de la métallurgie, ou les Dieux de la Samothrace représentés comme métallurges d'après l'histoire et la géographie ; De l'orichalque, histoire du cuivre et de ses alliages.... 1863. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

Les métaux dans l'Antiquité

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Rossignol, Jean-Pierre (1803-1893). Les métaux dans l'antiquité : origines religieuses de la métallurgie, ou les Dieux de la Samothrace représentés comme métallurges d'après

l'histoire et la géographie ; De l'orichalque, histoire du cuivre et de ses alliages.... 1863.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitsélaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sansl'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateurde vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

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LES MÉTAUX

DANS I/ANTIQUITÉ

ORIGINES RELIGIEUSES'

DE LA MÉTALLURGIE

OULESDIEUXDE LA SAMOTHRACEREPRESENTESCOMMEMÉTALLURGESD'APRÈSL'HISTOIREET LA GÉOGRAPHIE

DE L'ORICHALQUEHISTOIREDU CUIVREET DE SESALLIAGESSUIVIED'UNAPPENDICE

SUR LES SUBSTANCESAPPELÉESELECTRE

PAR J. P. ROSSIGNOLMEM11IIEDE I,'l2liSTITUT

PROFESSEURDE LITTÉRATURE"GRECQUEAU COLLEGEDE FRASCE

PARIS

AUGUSTE DURAND, LIBRAIRE-ÉDITEURRUE DES GRÈS, M0 7

1863

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LES METAUX

DANS L'ANTIQUITE

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PARIS.— IMPRIMERIE'DE CH. LAHURERue de Fleurus, 9

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LES MÉTAUX

DANS L'ANTIQUITÉ

}ORIGINES RELIGIEUSES

DE LA MÉTALLURGIE

OU LESDIEUXDE LA SAMOTHRACEREPRÉSENTÉSCOMMEMETALLURGESD'APRÈS T.'mSTOIREET LA GÉOGRAPHIE

DE L'ORICHALQUEHISTOIREDU CUIVREET DE SESALLIAGESSUIVIED'UNAPPENDICE

SUR LES SUBSTANCESAPPELÉESELECTRE

PAR J. P. ROSSIGNOLMEMBREDE I.'lXSTITUT

PROFESSEURDE LITTERATUREGRECQUEAUCOLLEGEDE FRANCE

PARIS

AUGUSTE DURAND, LIBRAmE-ÉDITEURRUE DRS GRÈS, S" JL^,

1863

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DES ORIGINES RELIGIEUSES

DE LA MÉTALLURGIE

ou

LES DIEUX DE LA SAMOTHRAGE

LES DACTYLES, LES CABIRES

LES CORYBANTES, LES CURETES ET LES TELCHINES

REPRÉSENTÉSCOMMEDES METALLURGES

D'APRÈS L'HISTOIRE ET LA GÉOGRAPHIE

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AVANT-PROPOS.

Lorsque je publiai mon Traité sur torichalque,j'avais déjà le dessein de le faire précéder des ori-

gines religieuses de la métallurgie. Les deux sujets,en effet, ainsi rapprochés, se préparaient et se com-

plétaient j mais le dernier me parut encore embar-rassé de tant de difficultés, que je dus en ajourner la

publication. Toutefois, je puis dire que de primeabord j'avais été frappé de celte particularité remar-

quable , que tous les pays fréquentés de nos Génies

métallurges étaient des pays féconds en métaux; jepuis dire aussi que, presque en même temps, je dis-

tinguais dans la digression théologique de Strabon le

problème que l'antiquité nous a laissé à résoudre.C'est la lumière qui a éclairé ma route, et qui m'a

découvert, je l'espère, la vérité. Sans cela, je me se-rais bien gardé de m'engager en un pareil sujet, sur-tout pour y suivre l'exemple de mes devanciers. Jen'ai jamais été homme à ramasser de l'érudition pourpréparer des matériaux à celui qui les saurait mettre

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en oeuvre, et je ne me suis jamais senti le goût des

systèmes où l'imagination remplace la raison, et oùles hypothèses tiennent lieu des faits.Comme j'expose dans une courte introduction par

quel ordre et quel développement d'idées je suis arrivéà ce que j'appelle ma découverte, en réduisant le motà son sens le plus modeste, je m'occuperai ici à signa-ler quelques-unes des conséquences qui ressortent demon travail.Ce sujet, en effet, est très-complexe et touche aux

points les plus divers et les plus importants. Il re-monte jusqu'au berceau de la civilisation, puisqu'iltraite de la découverte des métaux, l'instrument le

plus actif et peut-être la cause première de la civilisa-tion. Il remonte à l'origine des arts plastiques, puis-que les métaux dont il s'occupe ne sont pas seule-ment travaillés par l'industrie, mais encore mis enoeuvre par la main de l'artiste. Il intéresse surtout, etc'est là sa plus haute importance, l'histoire des reli-

gions antiques, en nous révélant dans le sanctuairede la Samothrace une institution de mystères fondéesur la métallurgie, et en nous montrant comme déri-vés de la même source les mvstères fondés sur ladécouverte du blé et sur celle du vin. Il éclaire aussid'une lumière inattendue l'histoire métallurgique de

plusieurs contrées de la Grèce, et rattache ces peu-ples, par les rapports qu'ils eurent avec les Génies

métallurges, à la religion du sanctuaire commun,Enfin , il proclame un des premiers cette leçon de

sagesse et de bonne philosophie que nous donnent

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les plus antiques traditions; toutes s'accordent, en

effet, à rapporter à la Divinité les origines mystérieusesainsi que les grandes découvertes qui sont le fonde-ment de la vie sociale : la création de l'homme, l'in-vention du langage, la découverte des métaux, du bléet de la vigne. C'est là qu'aboutissent aussi tous lesefforts de la raison, même de celle qui voudrait se

pouvoir passer de Dieu.Je veux encore aller au-devant d'une fausse opi-

nion que l'on se pourrait faire de la nature de montravail. En supposant que je n'aie point été assezheureux pour résoudre la question, serait-il possiblede la reprendre dans un sens différent et de l'envisa-

ger sous une nouvelle face? Je réponds non, sanshésiter. Il ne sera possible désormais de traiter ce su-

jet qu'en se plaçant sur le terrain où je me suis établi

moi-même, car ce terrain m'a été imposé par l'étude

générale des faits et par les nécessités du sujet.Si l'on a bâti jusqu'ici tant de chimériques hypo-

thèses, qui pouvaient être renversées au même titre

qu'elles avaient été élevées, c'est qu'on ne s'est ap-puyé que sur un petit nombre de faits, et que l'on nes'est nullement préoccupé du problème que nous alégué l'antiquité, problème dont l'existence mêmen'a point été soupçonnée.Sans doute la haute antiquité sut à quoi s'en tenir

sur la nature et sur le rôle de nos métallurges; maisavec le temps cette notion s'obscurcit, et déjà lesécrivains consultés par Strabon en étaient à soutenir,les uns que ces personnages composaient une même

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famille, les autres qu'ils étaient parents entre eux, et

séparés seulement par de légères différences.Il s'agissait donc, en tenant compte du jugement

de ces écrivains, de retrouver le caractère essentielet véritable de nos métallurges. Voilà le problèmequi nous a été transmis et que nous avons essayé de

résoudre, mais dont on devra, dans tous les cas, res-

pecter dorénavant les termes.Et il ne faudrait pas maintenant s'étonner de voir

l'antiquité posséder d'abord de telles vérités, les

perdre ensuite, et ne savoir plus les découvrir denouveau. La religion grecque manqua toujours d'uncentre d'unité, parce qu'elle n'eut jamais ni supré-matie ni livres canoniques; et parla le dogme, aban-

donné aux interprétations individuelles, s'éloigna de

plus en plus de son vrai sens et finit par devenirtout à fait inintelligible.C'est à la critique moderne à retrouver ces tradi-

tions primitives, en y appliquant son investigationméthodique et sa patiente sagacité. Il y a sous cesfouilles d'une nouvelle espèce toute une histoire à

découvrir, qui sera le préambule des histoires ordi-

naires, et qui, après nous avoir restitué les titres etles archives de la civilisation , nous permettra de re-monter de cette civilisation rudimentaire jusqu'à lavie agreste et sauvage et de toucher ainsi au débutde l'humanité.C'est là une grande et belle étude à faire, et d'où

pourrait sortir pour l'histoire morale un tableau dignede rappeler celui que nous avons de l'histoire phy-

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— 7 —

sique : le tableau des époques de l'humanité, aprèscelui des époques de la nature.

Déjà, dans un article intitulé : Des origines de lacivilisation et de l'art, nous avons donné, il y a peud'années, un échantillon de la manière dont nousvoudrions voir exécuter un pareil travail ; l'histoire

que nous entreprenons offre un essai plus étendu, et

qui pourra faire pressentir l'importance et l'intérêtde l'étude que nous recommandons.Mais à quoi bon (car je veux prévenir toutes les

difficultés qu'on pourrait élever), à quoi bon, pense-ront les esprits vulgaires, s'enfoncer ainsi dans les

âges reculés ? A quoi bon , pensent-ils aussi sans

doute, se préoccuper des temps à venir ? L'hommeest le seul être qui ait le sentiment de la pérennité deson espèce, et, quand il remonte les âges, c'est pourse chercher dans le passé, de même qu'en se préoccu-pant de l'avenir il songe encore à soi. Il tient à con-naître ce qu'il fut, afin de mieux savoir ce qu'il est,et, non content de se posséder dans le passé, il veutencore se prolonger dans l'avenir et vivre dans lamémoire de la postérité, embrassant ainsi son espècedans toute sa durée. Mépriser ceux qui furent et ceux

qui seront, c'est donc mépriser ses semblables, c'estse mépriser soi-même, c'est mépriser l'oeuvre la plusdivine de Dieu.

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j)ES ORIGINES RELIGIEUSES

DE LA MÉTALLURGIE

ou

LES DIEUX DE LA SAMOTHRACE

LES DACTYLES, LES CABIRESLES CORYBANTES, LES CURETES ET LES TELCHINES

REPRÉSENTÉSCOMMEDES MÉTALLURGES,D'APRÈS L'HISTOIRE ET LA GÉOGRAPHIE.

Dans mes recherches pour l'histoire du cuivre, j'a-vais souvent rencontré sur ma route un ordre de per-sonnages jouant le rôle de prêtres et adorés commedieux, renommés surtout pour leur enthousiasme

inspiré, pour leurs transports frénétiques et la fureurdivine qui les saisissait, remplissant aussi auprès decertaines divinités des fonctions qui demandaient desmouvements violents et un grand bruit. Mais bientôtje m'aperçus que tous les lieux où la tradition faisaitrésider ces personnages étaient riches en métaux, et jeconstatai en même temps qu'il existait entre les per-sonnages et les métaux la même relation qu'entre l'in-venteur et la découverte, entre la matière et l'ouvrier

qui la façonne. Ce n'est pas tout: à mesure que j'étu-diais dans le détail chacun de ee's personnages, je vis

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s'établir entre eux une véritable gradation, qui figu-rait exactement le progrès de l'art métallurgique.D'abord, le minerai extrait de la terre et se purgeant,sous l'action du feu, des matières hétérogènes, et seconvertissant en pur métal ; ensuite ce métal devenantductile sous les coups du marteau, et se pliant à divers

usages de la vie ; bientôt l'art naissant de l'industrie,et le cuivre se transformant en casques, en bouclierset en lances, et apprenant même, au moyen de l'alliage,à se rendre plus sonore; enfin, le métal recevant sa

plus noble consécration, et cédant aux efforts de l'es-

prit pour représenter la forme humaine.Il me parut dès lors avoir trouvé le caractère primi-

tif de ces êtres équivoques envisagés sous tant d'aspectsdivers; il me parut que ceux qu'on avait pris tantôt

pour des fanatiques suscités par la fureur divine, tantôt

pour des initiateurs de mystères et des fondateurs de

religions n'étaient que les premiers hommes quiavaient exploité la terre minérale et montré l'usagedes métaux, et que c'était sur ce fondement qu'onavait édifié leur histoire religieuse. Enfin, j'acquis laconviction que nous n'avions ici qu'un même art sym-bolisé dans les divers degrés de son développement,depuis son premier départ jusqu'à son dernier terme,depuis l'extraction du minerai jusqu'au moment où lemétal devient un monument sous la main de l'artiste.Ceux qui savent ce qu'ont dit sur le sujet les sym-

bolistes et les hiérologues, notamment Sainte-Croix et

Creuzer, croiront que je viens aussi essayer mon

hypothèse aventureuse et proposer mon roman mys-tique; mais, je le répète, mon guide est la géographie,mon garant est l'histoire, et je m'appuie partout sur

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— 11 —.

des textes bien compris. A la différence de ces hom-mes qui font hardiment, ou plutôt témérairement,penser et parler l'antiquité comme eux, je ne ferai

que la citer et la traduire. J'appelle l'attention deslecteurs sérieux sur ce travail. Il ne s'agit de rienmoins que de rallier dans une même religion desdieux jusqu'ici errants et sans culte, et que l'on a,faute de mieux, pêle-mêle logés dans la Samothrace.Il s'agit, en un mot, de montrer que, comme l'inven-tion du blé et de la vigne, la découverte des métauxservit de fondement à une institution de mvstères.Chez les Grecs, toute découverte un peu impor-

tante se rattache à la théologie ; c'est l'oeuvre de l'ad-miration et de la reconnaissance des hommes. Ainsi,à l'origine des sociétés, nous voyons déjà diviniser lesmortels qui les premiers maîtrisèrent le feu, domptè-rent les métaux et les firent servir aux usages de lavie et aux plaisirs de l'esprit. De là les Dactyles, lesCabires , les Corybantes , les Curetés et les Telchines,ministres de divinités plus ou moins augustes, oudieux eux-mêmes plus ou moins relevés, mais com-

posant une même famille par la communauté de leurrôle et la nature des pays où ils s'étaient fixés. Lesanciens ne paraissent pas s'en être fait une autre idée,et c'est le moment de dire un mot d'un passage deStrabon , dont nous étions loin de soupçonner la

portée avant d'avoir pénétré la nature des Génies mé-

tallurges. L'historien nous apprend que parmi lesécrivains savants qu'il consulta, « Ceux-ci déclaraient« que les Corybantes, les Cabires, les Dactyles fdéens« et les Telchines étaient les mêmes que les Curetés,« ceux-là prétendaient qu'ils étaient parents entre eux

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« et séparés les uns des autres par quelques légères« différences. — Ttov [/.èv xoù; aùfoùç TOÎÇKoupvjm TOÙ;« KopuêaVTaç xai Kaësipov; xai 'IoViouç Aay.TuAouç, x.ala TeX)(Jvaç âivofpaivovTtoV TÔV c'a (JU•yy£ve't,;àXAvftwv, xat« puxpaç Tiva; aùrwv repoç C&AYÎÀOU;o\a<popàç o\acTeXXûv-« TWV'. »Ce n'était pas là donner l'explication de ces per-

sonnages, ce n'était pas non plus s'en écarter beau-

coup; et il faut que ces écrivains aient recueilli quel-ques rayons d'une lumière qui se cachait à eux en

partie. L'antiquité nous a donc légué ici un problèmeà résoudre, et nous étions obligé d'en tenir compte,soit pour montrer qu'elle s'était fait complètementillusion, soit pour achever de mettre la vérité dansson jour. Jusqu'à présent, malgré son importance, ce

problème, il y a lieu d'en être surpris, n'avait pas mêmeété remarqué ; pour nous, nous en avons fait l'objetprincipal "de notre travail, et si quelque chose nous

pouvait faire croire que nous avons atteint le but outrouvé la solution, c'est qu'en déterminant le carac-tère des Génies métallurges, c'est-à-dire en montrant

qu'ils n'étaient que le développement symbolisé d'unmême art, nous avons du même coup concilié lesdifférentes opinions des écrivains consultés parStrabon.Mettons d'abord en lumière le rôle qui fut commun

à tous ces Génies, et qui forme leur caractère fonda-

mental; nous les suivrons ensuite dans le sanctuairede la Samothrace, pour y chercher le secret des attri-butions religieuses que la piété reconnaissante fit sortir

i. X, p. 466.

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de ce rôle, et dont elle gratifia les divers membres decette famille. Et à cette occasion nous tracerons unehistoire succincte du célèbre sanctuaire, pour passeren revue les divinités qui se vinrent associer aux dieux

métallurges, pour détruire plusieurs erreurs et lâcherde rétablir le peu de vérité qu'il est possible de savoirsur ce lieu vénéré.Pour la première fois, j'introduis parmi ces per-

sonnages un ordre que l'on ne s'expliquera peut-êtrepas tout d'abord, mais qui m'était imposé par la na-ture des choses, et qui se justifiera à mesure quenousavancerons. La progression demande que nous com-mencions par les Dactyles, et elle appelle ensuite suc-cessivement les Cabires, les Corybantes, les Curetéset les Telchines.

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CHAPITRE PREMIER.

DACTYLES.

Rivalité entre la Crète et la Phrygie. — Documents pour l'histoire desDactyles : la Phoronide, les Theologoumena de Strabon. — La Crèteet la Phrygie regardées tour à tour comme leur séjour primitif; avan-tage en faveur de la Phrygie. — Origine des Dactyles; l'allégoriecommence à s'emparer d'.eux. — Faux jugement de Loheck redressé.— Les Dactyles sont des métallurges; on le prouve par l'histoire etpar les lieux qu'ils habitèrent, tous féconds en métaux, tels que laPhrygie et les îles de Crète, de Chypre et de Samothrace. — Ilsreprésentent les rudiments de la métallurgie.

Nouvelle histoire des Dactyles tout entière éclose de l'abus du nom. —Appelésmagiciens.— Dactyles mâles et Dactyles femelles.—Ils peu-vent envoyer des maléficeset les retirer.— Us passent pour inventeursdes lettres éphésiennes. — On les confond avec les dieux lares; ilspassent pour inventeurs de la musique instrumentale et les maîtresd'Orphée. — Explication de ces divers rôles. — Conclusion.

Dès le début, se fait jour une rivalité qui se repro-duira très-souvent dans le cours de l'histoire que nous

entreprenons, la rivalité entre la Crète et la Phrygie.Nous en devons dire ici un mot et en signaler la cause.A une époque reculée, il y eut entre les deux pays des

rapports de colonisation. De quel côté étaient venusles fondateurs? Le plus grand nombre des témoigna-ges se prononce en laveur de la Crète ; je crois cepen-dant que, si l'on poussait jusqu'à l'extrême origine,l'avantage resterait à l'Asie. Ce qu'il y a de sûr, ce sont

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les antiques rapports; ils seraient déjà suffisammentattestés par les nombreux traits de ressemblance quiexistèrent entre les deux contrées. Les colons cher-chaient à retrouver sur la terre où ils s'étaient trans-

plantés une image de celle qu'ils venaient de quitter,et redonnaient des noms connus aux lieux et aux

objets nouveaux. C'est ce qui arriva dans cette circon-

stance, mais c'est ce qui devait aussi amener plus tardde fâcheuses confusions dans l'histoire des deux pays.Les anciens eux-mêmes ont signalé la ressemblance

pour se plaindre des équivoques. Démétrius de Scepsis,reprochant à quelques critiques une confusion de ce

genre, ajoute : « Il se peut aussi que l'homonymie des(c lieux ait contribué, pour une égale part, à leur« erreur. Le mont Ida est, en effet, commun à la Troade« et à la Crète, et le lieu que l'on appelle Dicté, dans« la Scepsie, est aussi une montagne dans la Crète;« Pytna est une colline de l'Ida, d'où la ville d'Hiéra-« pytna en Crète. 11 y a Hippocorona dans l'Adramyt-« tène, et Hippocoronium en Crète. Samonium est un« promontoire du côté oriental de l'île, et c'est une« plaine dans la Néandride et le pays des Alexan-H dréens. — IIpoç TOÙTO&è jwtl TTIV TWVTOTCWVop.wvup.iav« cup.Trpà^ai TUYJWtcwç aÙTOtç. "IÔ'Y)yàp TO opoç TOTeTpwïxùv« xal TO Kp7|Tix.ov• xai AIXTYITOTVOÇev TTJ2x7n]na xat opoç ev« T7J Kpv)T7i

• TT,Çàg "lo^ç lo'cpoç IIuTva, àcp' ou 'IepairuTva 'h«'WÎXlÇ. ÏTÏTCOXOpwvà-Te.T^ÇX&pap.UTT71V7JÇY.cà.'iTCTCOÎlopWVlOV« ÈVKpYÎTYI'2ap,wviov T£ TO âwÔivov OCîipWTTipiOVTY)Çv/fcyou, xocl« Tceàiov ev T-?JNeavàpio\ xal TTÎ 'A.'Xe^avà'pgwv1. »

L'homonymie, qui embarrassait les anciens, nous

1. Ap. Strab., X, p. 472.

Page 30: Les métaux dans l'Antiquité

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arrêtera aussi plus d'une fois dans ce travail, et nousallons la rencontrer en commençant. Il s'agit, en effet,de savoir quel fut le point de départ des Dactyles, et

pour cela, il faut décider entre les prétentions de la

Phrygie et de la Crète.Nous possédons, pour l'histoire des Dactyles, deux

documents d'une grande importance. Le premier estun fragment du poème intitulé la Phoronide, mor-ceau de poésie d'un prix inestimable et d'une anti-

quité qui ne le cède qu'à celle d'Homère et d'Hésiode.11 nous a été conservé par le scoliaste d'Apolloniusde Rhodes, qui, dans une note érudite sur les DactylesIdéens, s'exprime ainsi : « C'étaient des enchanteurs« et des magiciens. On dit que les premiers ils tra-it vaillèrent le fer et exploitèrent les mines Voici« ce que le poète , qui a composé la Phoronide,«. écrit :« Là les enchanteurs de l'Ida, les Phrygiens, hommes

« montagnards, avaient fixé leur demeure : Celmis et« le grand Damnaménée et l'irrésistible Acmon, ser-« viteurs industrieux de la montagnarde Adrastée, qui« les premiers trouvèrent dans les bois des montagnes« l'art de l'ingénieux Vulcain, le fer noir, et le por-« tèrent au feu, et produisirent une oeuvre des plus« remarquables. »« rôVre; Se viGav xai <papp.ax.gtc. Kai o'vip.toupyol ctSvîpou

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Page 31: Les métaux dans l'Antiquité

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Ot irptoroi tv(yr\V KOkuy.r^ioç'HaaicrioioE&povlv otjpEirjdiva7caiç loevza ciovjpov'Eç TtùpT' vjvEYxavxat àpmpETtèçÈpyovEOEiijav1.

Le second document nous est fourni par Strabon.Dans un très-curieux chapitre intitulé ©Eo^o-pup-eva {Re-cherches thc'ologiques), le savant géographe a résuméavec une brièveté substantielle, mais trop concise etaussi trop désordonnée, les traditions mythiques re-latives aux Génies métallurges dont nous devons nous

occuper. Toutefois, tandis qu'il mêle, qu'il enchevêtre,on pourrait dire, ces personnages, déjà fort peu dis-

tincts, comme s'il les voulait rendre dans toute leur

équivoque, il a, par une exception unique, consacréun paragraphe particulier aux Dactyles. Nous ferons

usage de tous ces détails, en les rétablissant à leur

place convenable.

Interrogeons d'abord le fragment de la Phoronide.Il appelle les Dactyles enchanteurs, nous reviendrons

plus bas sur cette qualification, et il les dit Phrygiens.La plus ancienne autorité se prononce donc en faveurde ia Phrygie. Il est vrai que l'on oppose Hésiode :Hésiode avait composé un poème sur les DactylesIde'ens dont il ne reste aujourd'hui aucun fragment,mais qui a été quelquefois allégué en témoignage decertains faits. Or, Pline nous dit: « Aristote pense que« Scythes le Lydien enseigna l'art de fondre et d'allier« l'airain; Tliéopbrasle pense que ce fut Délas le« Phrygien ; quelques-uns attribuent le travail de« l'airain aux Chalybes, d'autres aux Cyclopes ; Hésiode« pense que les Dactyles qu'on appela Idéens décou-

1. Ad Jrgimaïu., I, U 29. /V ,^''--'^

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ce vrirent le fer dans la Crète. — Ms conflare et tem-« perare Aristoteles Lydum Scythen monstrasse ; Theo-« phrastus Delam Phrygem putat ; aerariam fabricant><alii Chalybas, alii Cyclopas; ferrum Hesiodus in« Creta eos qui vocati sunt Idoei Dactyli (1 ). »Mais de là faut-il conclure qu'Hésiode faisait les

Dactyles Cretois? C'est l'opinion de Lobeck, ou toutau moins voudrait-il infirmer le témoignage de Pline,en soupçonnant le compilateur d'avoir ajouté de sonchef in Creta : « Nisi ille quos Hesiodus ambiguo no-« mine Idoeos vocaverat, suo arbitrio ldoe Creticm assi-<i gnavil ut notiori 2. » C'est un double tort. Absolu-ment parlant, il ne s'ensuivrait point de la phrase dePline que les Dactyles étaient Phrygiens; car avoirdécouvert une chose dans un pays ne prouve pas quel'on soit de ce pays. Mais, en outre, j'ai fait voirailleurs 3

que très-fréquemment dans Pline invenire si-

gnifie faire connaître, instituer le premier une chosedans un endroit, et cela, en parlant d'un étranger quia fait connaître la chose.

Après l'auteur de la Phoronide vient Sophocle, qui,au rapport non de Strabon, comme l'a écrit par inad-vertance Lobeck 4, mais du scholiaste d'Apollonius de

Rhodes, appelait aussi, dans un de ses drames, les

Dactyles Phrygiens : « 2o<pox>.vj; àè aÙToù; <ï>puya; xaÀei gva Kwcpoïç SaTupot;s. »

1. Nat. Hist., VII, 57.2. Aglaopham., p. 1156.3. Dans un article sur Cygès, Lydien qui passe pour avoir in-

troduit la peinture en Egypte, page 12. Paris, Paul Dupont, 1855.k. Aglaopham., p. 1157.5. Ad Argonaut., 1,1129.

Page 33: Les métaux dans l'Antiquité

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À Sophocle doit succéder l'historien Éphore, quifait également de la Phrygie le séjour primitif desDactyles: « Il y en a, rapporteDiodore de Sicile, il y« en a, et parmi eux se trouve aussi Éphore, qui ra-ce content que les Dactyles Idéens habitaient autour de« l'Ida de la Phrygie, et qu'ils passèrent en Europe« avec Minos. —"Evioi 8' tffTopoÙGiv, wv iazi xal "Ecpopoç,« TOÙÇ'i^aiouç ÀaxTUAouç ygve'cÔai piv xaTa TYIV"IoNiv TTIVa èv <I>puyia, tW.êvïvai Se p.gvà Mivwoç si; Tr,v EùpwTT/iv'. »Strabon rappelant les diverses traditions qui avaient

cours sur les Dactyles: « Les uns, dit-il, font des ré-« cits fabuleux d'une façon, les autres d'une autre,« joignant l'incertain à l'incertain ; ils se servent aussi« de noms et de nombres différents, et appellent ces« Dactyles Celmis, Damnaménée, Hercule et Acmon.« Il y a en a encore qui disent qu'ils sont originaires« de l'Ida ; d'autres, qu'ils s'y sont venus établir; mais« tous assument que ce sont eux qui ont travaillé le fer« pour la première fois dans l'Ida ; tous ont présumé« qu'ils étaient des enchanteurs, employés au service« de la mère des dieux, et résidant dans la Phrygie,« autour de l'Ida. — 'AXXot o° OXÏMÇ, p.uGguou<7(,v,âTuopoiç'« anopa cuvaTïTovTgç• o\acpopciiç Se xal TOÎÇ ôvo'p.ao"i xal TOI;« àpiÔp.oïç ^oûvTai, wv KgAp.iv ôvop.a'(oucri Tiva, xal Aap.vap.g-« vg'a, xal 'Hoax'Xga xal "Axp.wva. Kal 01 piv gTui)(wpiouç TYÏÇ« "ioviç, oî og g7ïoixouç' Travre; oï xal yo'viTa; ûivgiV/]'(paGt, xala Ttgpl TYIVp.viTgpa TWVÔgwv, xal èv <I>puy£awxvixoTaç xgpl TY]V« "Io'-yiv. »Clément d'Alexandrie déclare nettement que les

Dactyles Idéens étaient Phrygiens et barbares, c'est-

1. V, 64.

Page 34: Les métaux dans l'Antiquité

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à-dire non Grecs : « <I>puyg;àè r,o-av xal (ïapéapot ol 'Itîaïoi« AaxTuXo'.i. »Tous ces témoignages, toutes ces opinions, plus ou

moins fondées, s'accordent à faire sortir les Dactylesde la Phrygie. Écoutons maintenant les partisans dela Crète.

Le plus ancien c'est Apollonius de Rhodes, qui ca-ractérise ainsi les Dactyles : « Dactyles Idéens de la« Crète, que jadis la nymphe Anchialé fil naître dans« l'antre de Dicté, après avoir saisi de ses deux mains« la terre de l'Oaxus. »

AâxiuXoi 'IoaToi Kpr^aiÉE;, GÏiçTOTENuu,tpr('AYytocAv]AixTaïov àvà <JTCÉ<K,au.t&OTE'pviaivApaÇau.évï)Ya'riS Oïa;{co;, I6Xà<TT7|ae2.

Strabon, à la suite du passage cité, mentionne aussiles traditions relatives à la Crète, et il ajoute : « On« conjecture encore que les Curetés et les Corybantes« sont les descendants des Dactyles Idéens; ainsi l'on« dit que les cent premiers hommes nés en Crète furent« appelés Dactyles Idéens, et qu'il y eut neuf Curetés« issus d'eux, et que chacun de ces Curetés engendra« dix enfants appelés les Dactyles Idéens. — 'YITOVOOÛGI« SETWV 'làaiwv AaxruAtov gxyovou; eivai TOU; Tg Koup^Taç xal« TOÙÇK-opuêavTaç" Toùç yoûv TïpwTou; ygvv/iOgVTaç gv KpvfTvja gxaTov avàpa; 'lo'aiou; AaxTuXouç xV/iGTJvai*TOUTCOVO" àivo-« •yovou; cpacl Koup-?ÎTaçêvvsa yevg'tîOaf TOUTCOVO" gxacjTov àgxace ratoaç Tgxvwcai TOÙ; 'làatouç xaVjup.g'vou; AaxTuXou; 3. »

•J. Stromat., I, p. 300, éd. Pott.2. Argonaut., I, 1129 sqq.3. X, p. 473.

Page 35: Les métaux dans l'Antiquité

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Ces derniers détails doivent avoir été tirés des his-toriens de la Crète; car Diodore de Sicile, qui lésa re-

produits, nous assure les avoir puisés à cette source.En commençant à parler de la Crète, il annonce qu'ilexposera les faits conformément à ce qui a été dit parles plus renommés des auteurs qui ont rédigé les his-toires de cette île. Puis il continue : ce Ceux que l'once appela les Dactyles Idéens habitèrent les premiersce autour de l'Ida de la Crète. Les uns ont rapporté« qu'ils furent au nombre de cent, les autres préten-ce dent qu'ils n'étaient que dix, et qu'ils reçurent cece nom parce qu'ils étaient égaux en nombre aux doigtsu des deux mains. — IIpcÔToi ô'y/.r.ay.yT-Z; ROTITT r̂apl TY;Vce "là"/jv ol TïpoGayopguOg'vTg; 'toaïot AKXTUVJI.TOUTOU;à oî p.èvce gxaTov TOV apiGp.ov ygyovg'vai T7apaàgo\ôxaGi.v, oî àè cîsxa<ccpaclv ÛTvâV/ovTaç, Tuygîv Taùrr,; T^'Ç TïpoGTiyopia;, TOI; SVce Taïç yepGi cWxTuXot; ô'vTaç ÎGaplOp.ou; 1. »Voilà toutes les autorités qui parlent en faveur de la

Crète, et il n'y faut compter ni Strabon ni Diodore;car le premier ne prend point ici parti, et le seconds'est prononcé ailleurs pour la Phrygie. A propos del'Ida Phrygien, il dit : ce On rapporte que c'est aussice sur cette montagne qu'existèrent les Dactyles Idéens,ee ceux qui travaillèrent les premiers le fer, ayantce appris cet art de la mère des dieux. — rgvg'GÛaice à gv TOUTCO(TCOô'pgi) 'Xg'-ygTa!.xal TOÙ; 'iftaio'j; AaxTuAouç,ce oùç cioTipov spyaGaaÔai upcoTou;, p.a9o'v7aç TYJVspyaGiav Tïapà« TTJÇTWVGgWVp.T.TpOÇ2. »Les plus anciens, les plus graves et aussi les plus

1. V, 64.2. XVII, 7.

Page 36: Les métaux dans l'Antiquité

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nombreux témoignages s'accordent donc à faire les

Dactyles Phrygiens. C'était un point important à éta-

blir; car, en avançant, nous verrons tous les Génies

métallurges partir de la même contrée, et suivre lamême direction, c'est-à-dire ce grand mouvementde civilisation que constitue la connaissance de la

métallurgie, s'opérer d'Orient en Occident, d'Asie en

Europe.Il s'agit maintenant de savoir de quels parents

étaient issus les Dactyles. S'il en faut croire le grandÉtymologique, Stésimbrote, dans son livre sur les

Mystères, disait qu'ils étaient fils de Jupiter et de la

nymphe Ida : ce 2T7]Gip.ëpoTo; <$i, gv TCOirspl TglgTwv, Ato;ce xal "Û-K vup.epviçaÙToù; "k'ygi ', » sans s'inquiéter si les

personnages qui avaient protégé l'enfance du dieu

pouvaient être en même temps les enfants de ce dieu.Du reste, au sujet de ces contradictions, je dirai unefois pour toutes que nous en rencontrerons de pareilles,mais qu'elles n'infirment en rien le fond de l'histoire.Avec le temps, les traditions se multiplient, et ne se

guidant plus par le fil des événements, se mettent en

opposition les unes avec les autres et avec elles-mêmes.

Ajoutons qu'en ce qui touche nos Génies métallurges,elles en ont a.dmis de divers âges, et les ont regardéscomme des familles qui se perpétuaient.

Apollonius de Rhodes, nous l'avons entendu, faitnaître les Dactyles de la nymphe Anchialé. Mnaséas de

Patare, historien géographe, dans son premier livresur l'Asie, donnait les Dactyles pour fils de Dactyluset d'Ida : ce 'Çlc,$k MvaGg'aç, gv TïpcoTeoTugpl 'AGiaç, 'Io'aîoi

1. V.'ISaïoi.

Page 37: Les métaux dans l'Antiquité

— 23 —

ee AaxTuXot 'XgyovTat àiro TOÛ"iraTpoç AaxTuAou xal TÎÎÇ p.7]Tpoçce "ICÎYIÇ1. ».Une origine plus autorisée et plus vraisemblable est

celle qui donne Rhée pour mère aux Dactyles. Mais icicommence l'allégorie, qui a régné en souveraine surtoute la destinée de ces Génies. La signification dunom a joué, comme on sait, dans l'histoire et la my-thologie des Grecs un rôle considérable ; mais nulle

part peut-être son action ne se montre plus sensible

que dans l'histoire des Dactyles. Ce nom, qui signifieproprement les doigts de la main, va se prêter aux

applications les plus détournées et parfois les plusétranges. x

e<Au dire d'une tradition, Ops ou Rhée, portée dans« sa fuite sur le mont Ida de l'île de Crète, appuya« ses mains sur cette montagne, et mit ainsi au jource son enfant ; et de l'impression de ses mains surgirentce les Curetés ou les Corybantes, que l'on appellece Dactyles Idéens, du nom de la montagne et de la<cnature de l'action. — Aiunl Opem in Idam montemce insulse Crelse fugiendo delatam manus suas impo-ec suisse 2 memorato monti, et sic infantemipsum edi-ee disse; et ex manuum impressione emersisse Curetasce sive Corybantas, quos a montis nomine et a. quali-ec tate facti Ida?os Dactylos appellant 3. »C'est un docte grammairien, Diomède, qui nous

apprend cela , à propos du pied poétique appelé dac-

i. Ap.scbol. Apollon. Rhod., &àArgonaut,,l, 1129.2. Lobeck dit en note : « Impressisse Putschius edidit (Aglao-

pham., p. 1159). » C'est une erreur; le texte de Putsch offre im-posuisse.3. Diomed., p. 474, Putsch.

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tyle» II devait puiser à bonne source ; car Nonnns,poète savamment versé dans ces antiquités mythiques,a dit aussi des Dactyles Tdéens, en les confondantcomme lui avec les Corybantes :

~Qv irOTô'Psir;'Ex yGovoçCCÛTOTÉXSCTOVscvs6Xccar/]crEY-VE'0ÀT)V'.

ce Dont Rhée fit jadis pousser de la terre la race for-ée mée de soi-même. » AÙTOTIAgGTov, formée de soi-

même, née, à proprement parler, sans le secours d'un

père et d'une mère : c'est sous l'impression des doigtsde la déesse, en effet, qu'auraient poussé ces doigtspersonnifiés que l'on appela Dactyles.Cette tradition nous ramène à celle d'Apollonius.

On a généralement cru, et les anciens aussi bien queles modernes, que le poète, en disant d'Anchialé qu'elleavait saisi la terre de ses deux mains, avait voulu ex-

primer la douleur de cette mère, se prenant, dans lemal de l'enfantement, aux objets qui l'entouraient,comme autrefois Latone au palmier qui se trouvait àcôté d'elle. Un ancien de grande autorité l'entendaitmême ainsi. Varron l'Atacin (de la Gaule Narbon-naise ), qui traduisit en vers latins les Argonautiquesd'Apollonius, rendait de la manière suivante le pas-sage qui nous occupe :

Quos magno Ancliiale partus aclducta dolore,Et geminis capiens tellurem OEaxida palmis,Edidit in Dicta 2.

On peut encore faire valoir à l'appui de ce sens

l'explication d'un scholiaste d'Apollonius.

1. Dionrs., XIV, 25 sq.2. Poet. Lai. Min., t. V, P. II, p. 1412.

Page 39: Les métaux dans l'Antiquité

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Mais une autre interprétation, proposée et soutenueaussi par les anciens, faisait dire au passage d'Apol-lonius que la nymphe Anchialé, ayant pris de laterre dans ses deux mains, en avait produit les Dac-

tyles. Ecoutons un scholiaste des Argonautiques: «"OTIce àè vup.epvi 'AyytaAv] TIÇ OîaÇiooç "p[ç àpac;ap.gV/i TOÙÇxaXou-cc pivou; 'ieîatouç AaxTuAouç g7ïOiV5GS,racpà 2T7]Gip.êpoTou eik'tioz'ce xal on o"ià TO ôuïivai aÙToùç àtà TWVygipwv AaxTu7^oi SXÀY)-ee Gyjcav. — C'est de Stésimbrote que le poète a em-« prunté la tradition qui voulait qu'une nymphe<cAnchialé, en prenant de la terre de l'Oaxus, eût« produit les Dactyles Idéens : on ajoute que c'est« parce qu'ils s'étaient écoulés à travers ses mainsce qu'ils furent appelés Dactyles. »

Stésimbrote, à qui nous devons la tradition quenous avons citée plus haut sur la naissance des Dacty-les, en avait aussi rapporté d'autres dans son ouvragesur les Mystères, témoin la dernière, relative à An-chialé. C'est peut-être encore à lui qu'il faut attribuercelle qui, dans le grand Étymologique, vient immé-diatement à la suite du passage que nous avons cité.e< Il dit, continue le grammairien, que Jupiter ordonnace à ses propres nourrices de prendre de la poussièrece et de la jeter en arrière, et que ce fut de cette pous-eesière que naquirent les Dactyles Idéens. — 4>T]GIVSrice Zguç gV.gAguGgTa; JSia? Tpocpoùç laëgîv xovtv xal picjwci cîçce TOÙTÏLGW,xal gx TTJ; xo'vgwç ygvg'cGai TOUS 'IcWouç AaxTU-ee 'Xouç. »Cette variété de traditions se ramène aisément à

l'unité; et c'est cependant leur apparente oppositionqui élevait dans l'esprit de Lobeck un essaim desoupçons et de doutes, dont pas un ne lui semblait

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pouvoir être éclairci : ce Verum hinc velut examence quoddam suspicionum et dubitationum erumpit,ee quarum nulla satis explicari potest 1. » Mais Lobeckne cherchait qu'à opposer des textes, non à les expli-quer; son but est d'arriver à cette conclusion, quenous trouvons quelques lignes plus loin, et qui estson éternel refrain : ce Adeo caduca sunt fundamentace a quibus tota hoec nostra disputatio proficiscitur 1!ce — Tant sont ruineux les fondements d'où part toutece notre discussion actuelle! » Comment sait-il queces fondements sont ruineux, s'il ne les a pas sondés,et comment les aurait-il sondés, s'il ne discute pas ?car il ne discute jamais. Au reste, je mettrai mes lec-teurs à même d'estimer à son prix ce livre un peu sur-

fait, beaucoup trop admiré et non encore jugé.Pour nous le symbole est aussi sensible que l'allé-

gorie explicable. C'est de l'Asie que sont envoyés cesGénies ; et par qui ? par Rhée, qui enverra tous leursfrères en Europe. Mais, instruments plus dociles encore

que les autres, les Dactyles remplaceront en quelquesorte pour la déesse les doigts de sa main. C'est à cesserviteurs intimes qu'elle confiera le soin de Jupiterenfant sous la direction de la nourrice Adraslée ; etde là le titre de serviteurs d'Adrastée, GgpaxovTg;'A&pviGTer/ii;, que la Phoronide leur donne. C'est par eux

qu'elle fouillera, dans la Phrygie ou ailleurs, les en-trailles de la terre, pour en extraire les métaux ; et delà cette poussière dont le rôle a paru si ridicule dansla fable, et qui n'est qu'un emblème expressif. Je ne

1. Aglaopham., p. 1157.2. Aglaopham., p. 1159.

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suis encore ici, comme je le serai partout, qu'un inter

prête de l'antiquité. Pollux avait dit avant moi :ce Les uns prétendent que les Dactyles Idéens furentce ainsi appelés à cause de leur nombre, parce qu'ilsce sont cinq ; les autres, à cause de leur absolue soumis-ce sion aux volontés de Rhée, parce que les doigts dece la main sont à la fois et les artisans et les exécuteursce de toutes choses. — Toùç 'leWou; AaxTu^ou; xgx>7iGGaice le-youGiv ol p.èv xaTa TOVàpiGp.ov, OTI -irgVTg, oî à g xaTa TOce T-ô 'Pga TCOCVUÙTvoup'ygtv, OTI xal oî TTJÇxeipoç O\XXTUXOIce TgyvÎTai Tg xal TOXVTWVgpyârai 1. »Les Dactyles furent avant tout, et par essence, des

mineurs, représentant les rudiments de la métallurgie,ce qui les distingue des autres métallurges. Le scho-liaste d'Apollonius de Rhodes nous a dit plus haut,avant de citer le fragment de la Phoronide : <cOn râp-ée porte que les premiers ils travaillèrent le fer et ex-ce ploitèrent les mines. » Et l'auteur du poème nous adit ensuite : ee Les premiers ils trouvèrent dans leste bois des montagnes l'art de l'ingénieux Vulcain, lece fer noir, et le portèrent au feu, et produisirent unece oeuvre des plus remarquables. »Les noms qu'on leur donnait, et que nous a fait

connaître la Phoronide, indiquent la nature de leurs

opérations ; ils s'appelaient Celmis, Damnaménée etAcmon. Celmis, en effet, doit signifier le feu : Hésy-chius interprète Ké"Xp,aç par Ggpp.r;, chaleur, le dérivantde xviAgoç, chaud, brûlant, épithète donnée au feu parHomère 2; Damnaménée, de &ap.vw et pivo;, signifie

1. II, 156.2. II., 2', 346.

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qui dompte par sa vigueur; Acmon, deaxp.wv, désigneYenclume.Plus tard, on leur adjoignit un Hercule, comme

nous l'avons vu par un passage de Slrabon, et commenous l'apprend Diodore de Sicile : <c 'icTopoûGi à' aÙTtôvce gva piv 7rpoGayopguG-?ivat,'llpax^ga 1; » mais cet Herculen'eut de commun que le nom avec le fils d'Alcmène,comme le remarque Diodore au même endroit. Dansle temple de Mégalopolis, on voyait une statue d'Her-cule aux pieds de celle de Cérès, et Pausanias rap-porte qu'Onomacrite, dans ses poésies, assurait aussi

que cet Hercule était l'un des Dactvles Idéens : « Tou-te TOVTQV Hpaxlviv givai TCOVlàalwv xaloup.g'vwv AaxTuXwv,ce 'Ovop.axpiTo'ç <pr,G'.vèv roïç ziviai'. » Cicéron, parlant desdifférents Hercules, nous dit : ce Tertius est ex Ida'isce Digitis ; cui inferias afferunt 3. — Le troisième estce un des Dactyles de l'Ida; on lui offre des sacrifices« funèbres. »C'est dans la Phrygie qu'eut lieu la découverte des

métaux, et que se firent les premiers essais de l'art

métallurgique; les plus nombreux et les pius gravestémoignages l'ont déjà établi. Strabon a même affirmé

que les opinions, si divergentes sur les autres pointsde l'histoire des Dactyles, semblaient être d'accordsur celui-ci : ceMais tous assurent, dit-il, que ce sontce eux qui ont travaillé le fer pour la première foisce dans l'Ida; tous-ont présumé qu'ils étaient des en-ce chanteurs employés au service delà mère des dieux,ce et résidant dans la Phrygie autour de l'Ida. »

1. V,64.2. VIII, 31, 1.3. De Nat. D., III, 16.

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— 29 — «Dans le même passage, s'appuyant sur l'autorité de

Sophocle, qui faisait les Dactyles Phrygiens, commenous l'a appris plus haut le scholiaste d'Apollonius de

Rhodes, Strabon nous dit : « Sophocle pense que cece furent les cinq premiers Dactyles mâles qui décou-« vrirent le fer et le mirent en oeuvre les premiers, etic à qui l'on dut aussi beaucoup d'autres inventionsce de celles qui sont utiles à la vie, et qu'ils eurent cinqce soeurs, et qu'à cause de ce nombre on les appela« Dactyles. — 1o<aoy.~)Sr,ç&è ouTai ravTg TOÙÇ 7rpcoTou;ce apGevaç ygvgGGai,, oî cio^viptjvTg èc;gupovxal gîpyacavTO TupwToi,ce xal aD-a Ttollà TCOVTTpoçTOVfitov ypYiGip.wv' TTévTgoè xalce ao'g'XeûàçTOUTWV àiro e^g TOÙexpt.6jj.oijAaxTulou; x7.7,G;Àvat. »Nous avons entendu également Diodore de Sicile

nous dire, à propos de l'Ida Phrygien : ceOn rapportece que c'est aussi sur cette montagne qu'existèrent lesce Dactyles Idéens, ceux qui travaillèrent les pVemiers« le fer, ayant appris cet art de la mère des dieux. »Dans tout autre sujet, il suffirait, pour garantir la

vérité, d'alléguer de pareils témoignages ; mais ici leslaits ont. une double relation : ils tiennent à l'histoireet à la géologie, et, pour les prouver, il faut montrernon-seulement qu'ils se sont passés en tel endroit,mais que cet endroit les a provoqués et les explique ;et cela, non pour avoir pu leur servir de théâtre parsa position et sa configuration, mais pour leur avoirfourni de son sein l'aliment et la matière. Par là sansdoute la tâche de l'historien se complique d'une diffi-culté toute nouvelle; mais, d'un autre côté, l'on sentquelle doit être la solidité d'une preuve que confirmentà la fois la nature et l'histoire. Et peut-être jugera-t-onque ce n'est pas trop de ce nouvel auxiliaire, si l'on

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songe que nous avons à établir des faits qui semblent

trop souvent imaginaires, et n'avoir pu se passer quedans une région idéale. En suivant donc les Génies

métallurges à la trace, après avoir appris de l'histoireles noms des lieux où ils firent leur résidence, nqusdemanderons à la géographie la raison physique duchoix de ces lieux.Ce serait le moment de faire voir combien la Phrygie,

à cause de sa fertilité en métal, fut convenablementchoisie pour être le berceau des Dactyles et de leurs

frères; mais je renvoie ce développement à l'articledes Cabires. Comme les mêmes circonstances se re-

produisent dans l'histoire de nos métallurges, et qu'onles fait aussi résider dans les mêmes endroits, j'aicru devoir répartir ces détails entre les divers ar-ticles, afin de n'en pas trop surcharger quelques-uns.Après la Phrygie, le pays qui réclamait avec le plus

de droit le privilège d'avoir donné naissance aux Dac-

tyles, c'est la Crète^ avons-nous vu ; mais la Crète

disputait aussi à la Phrygie l'invention des métaux, etc'est aux Dactyles qu'elle faisait honneur de cettedécouverte. La découverte des métaux forme une datesolennelle dans l'histoire de l'humanité, et l'on n'est

point surpris de voir les chronographes de l'antiquitéfaire de cet événement une époque.Le rédacteur de la Chronique de Paros nous dit :

« Depuis que Minos, premier du nom, régna et fondace Cydonie, et que le fer fut découvert sur l'Ida, leste inventeurs étant les Dactyles Idéens Celmis et Dam-ce naménée, sous le règne de Pandion, roi d'Athènes,ce il s'est écoulé onze cent soixante-huit ans. — Av.,ce J. C. 1432. — 'Aep où Mivwç 6 irpioTo; ïèaaikzxxji, xal

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ceKueWuav tSxtGg, xal Gi&yjpoç gupg'Grj gv TYI "IOVI, gûpovTwvceTWV 'làaiwv AaxTulwv, Kg"Xp.io; xal Aap.vap.gvgwc, STV)ceXHIÏIATIIII, paGi'XguovToç AGTIVÛVIlavowvo; . »

Eusèbe, dans sa Chronique, place les Dactyles Idéenssous le règne d'Erichthonius, gep' ou 'I&aïoi AaxTuAot., en-viron 1500 ans avant l'ère chrétienne 2.

Hésiode, nous l'avons entendu, faisait inventer lefer par les Dactyles, dans la Crète.Diodore de Sicile, parlant d'après les historiens de

la Crète, poursuit ainsi, à la suite d'un passage déjàcité : ceCe qu'il y a de sûr, c'est que d'après la tradi-te tion, ce furent les Dactyles Idéens de la Crète, quite découvrirent l'usage du feu et la nature du cuivrece et du fer, ainsi que l'opération par laquelle on obtientce les métaux. — Oî à' ouv xaTa TYJVKpvrr/]v 'icWot,ceAaxTuXoi racpaog'ôovTai TV,VTg TOU—upo; ypTÎGivxai TVJVTOÏÏce yjx.~ky.ovxal Giorfpou epuGiv gi;gupgîv, xal TYIVgpyaGtav en vj;ce xaTaGXguaÇgTat,3. »Si les auteurs de l'antiquité, et surtout les historiens

crétois, ont fait découvrir les métaux dans la Crète,c'est que cette île possédait nécessairement des mines.

Cependant l'histoire ne nous apprend pas positive-ment que la Crète ait été riche en métaux ; mais lestraditions mythiques suppléent souvent à son silence.Une autre preuve que nous avons maintenant del'existence de ces mines, et qui équivaut pour moi àune affirmation de l'histoire, c'est le séjour des Dac-tyles en Crète. Telle est l'affinité de nos métallurgesavec les métaux que les mines produisent sur eux l'effet

1. Epoch. XI.2. Chronic., p. 135, éd. Mai et Zohr.3. V, 64.

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de l'aimant sur le fer, et que là où ils se trouvent on

peut dire avec assurance : Là se trouvent des métaux.Cette règle s'étend à tous, et sera sans exception. C'est

ainsi que ces courses vagabondes, et sans but en appa-rence, pourront désormais fournir d'utiles indicationsà l'histoire, à la géographie et à la science.Les Dactyles allèrent-ils aussi à Chypre ? Clément

d'Alexandrie est le seul qui nous l'assure. Parlant des

principales inventions, il dit : ceDe leur côté, Celmiste et Damnaménée, deux des Dactyles Idéens, décou-cc vrirent les premiers le fer à Chypre, et Délas, unce autre Idéen, trouva l'alliage du cuivre, ou, commeec le dit Hésiode, ce fut Scythes. — Ké/\p.i; Tg au xalce Aap.vap-gvgù;, oî TWV Iàai'cov AaxTuXoi, TrpwToi Gtorjpov gùpovce dv Ku—pep, Ag"Xa; àè aÀAo; 'Ie)aîo; gùpg yocXxoùxpâciv, wç àèce 'llGtoej'oe;, SXUGYIÇ1. » Du reste, celte île avait tout àsouhait pour les attirer et les retenir ; nous auronsoccasion plus loin de le montrer.Ce qui est plus certain, c'est la résidence des Dac-

tyles en Samothrace, l'île sainte et vénérée, le rendez-vous mvstérieux de tous nos métallurges. Diodore de

Sicile, dans l'endroit cité plus haut, après nous avoirdit que les Dactyles avaient passé de la Phrygie en

Europe, nous les montre dans la Samothrace étonnant

par leur science merveilleuse les habitants de cette île :te Et, comme ils étaient magiciens, dit-il, ils s'adon-ee nèrent aux enchantements, aux initiations et aux(î mystères, et, s'élant arrêtés dans la Samothrace,ce ils ne surprirent pas médiocrement les habitants dete ce pays par ces pratiques. — 'ïTCapçavTa; cîè yo'nTaç,

1. Strom., I, 16, p. 362, éd. Pott.

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— 33 —

cegnri.TYiej'guGaiTaç Tg gircoâàç, xal Tg'XgTaç xal p.uGTV)'pia,xalceTOOISap.oGpaxviv SiaTpi^avTaç, où p.gTpiwç gv TOUTOIÇèxit>Vz)T-ccTEIVTOÙÇsyywpîouç 1. »Nous ferons connaîtrelesol delà Samothrace quand

nous en serons aux Cabires.Ici finit chez les Dactyles le rôle de métallurges, pour

faire place à d'autres rôles, tous différents entre eux etfort éloignés du premier, mais tous dérivés du mot

Dactyle. C'est un curieux spectacle que celui de l'es-

prit grec, saisissant d'abord par sa subtilité les rapportsles plus délicats, et prenant ensuite, par son amour dela fiction, ces rapports pour des réalités; puis, imagi-nant encore de nouvelles analogies à la suite des der-nières, et se laissant sur cette pente entraîner quelque-fois assez loin de son point de départ. Ce spectacle vanous être offert dans ce qui reste à dire des Dactyles.On les appela magiciens, enchanteurs, et ce nom

s'explique sans peine. Que l'on se représente, en effet,rélonnement des premiers hommes, quand ils virentla terre ordinaire se transformer sous les doigts despremiers métallurges en une substance solide, brillanteet sonore, et l'on concevra qu'ils aient supposé danscet art quelque vertu surnaturelle.Les doigts des deux mains ne sont ni d'une égale

force ni d'une égale dextérité; c'est pourquoi l'on ad-mit des doigts mâles et des doigls femelles, ou desfrères et des soeurs. Les frères furent les doigts de lamain droite et les soeurs ceux de la main gauche ; etce furent les frères, ou les plus adroits et les plus forts,qui trouvèrent le fer et le travaillèrent.

•1. V, 64.3

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On n'en resta pas là; comme la droite passait pourêtre de bon augure et la gauche de mauvais augure,on étendit celte vertu aux doigts, et ceux de la main

gauche purent envoyer des maléfices, ceux de la droiteles retirer.Ne traitons pas légèrement ces croyances; elles se

recommandent à plus d'un titre : Sophocle est le ga-rant des premières, Phérécyde et Hellanicus ont rap-porté les autres. Nous avons déjà entendu le poète,écoutons les logographes : ce On dit, nous apprend lece docte scholiaste d'Apollonius de Rhodes, que lesce Daclyies Idéens sont au nombre de six et de cinq ;ce que ceux qui sont à droite sont les mâles, que ceuxce qui sont à gauche sont les femelles. Phérécyde ditce que ceux qui sont à droite sont au nombre de vingt,ce que ceux qui sont à gauche sont au nombre dece trente-deux. C'étaient des enchanteurs et des magi-ce ciens. Us furent ainsi appelés de leur mère Ida, leste enchanteurs parmi eux se trouvant à la gauche,<ecomme dit Phérécyde, et ceux qui rompaient l'en-te chantement se trouvant à la droite, comme dit Hel-ce lanicus. — *E^ xal TOVTg(pacl TOUTOU;givai.

' e^g^ioùç p.èv,te TOÙ;âpGgvaç- àpiGTgpoù; oè, Ta; Ôvi'Xeiaç. eDEpgxuàvi; de TOÙ;te p.gv ôg^toù;, SÏXQGI'Xg'ygf TOU; ai guwvup.au;, TpiaxovTa àuo.ce rovirec bï vicav xal epapp.axst';. 'fivop.aGGyiGav Se à—o TYJ'Ç• ce p.y;Tpo; "leîvi;, àpiGTgpol p.gv, eu; epviGiepepexuiÎTiç, oî yoviTg;te aÙTwv' oî oè àvalùovTg;, àg^coî, eb; 'E'XTiavixoç1. »Ne nous inquiétons pas de la variété de ces chiffres;

elle prouve ce que disait plus haut Strabon, que lesanciens ne s'accordaient ni sur les noms ni sur les

•1. Ad Argonaut., I, 1129.

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nombres des Dactyles; mais elle laisse subsister le fait

que nous voulions montrer.Ces sortilèges, qu'ils pouvaient envoyer et rompre

à volonté, firent attribuer plus tard aux Dactylesl'invention des lettres Ephésiennes. ce On rapporte,ce dit Clément d'Alexandrie, que parmi les Dactylesce Idéens il y en eut quelques-uns des premierscequi furent habiles, auxquels on attribue l'inven-te lion des lettres dites Ephésiennes. — Tivè; TWVce 'Idattov AaxTÙlwv GOtpoù;Tivaç TïpwTOu;ygvaGGat TigyouGtv,cegï; où; 7) Tg TWV 'EepgGowv 'Xgyop.g'vwvypap.p,ârwv supeciçce àvatpg'psTai1. »Les deux superstitions se valaient. Les lettres Ephé-

siennes étaient des caractères ou des mots magiques,dont la vertu détournait ou arrêtait les malheurs, et

que l'on portait comme des amulettes, te Les magi-ec ciens, dit Plutarque, ordonnent à ceux qui sontte possédés des mauvais Génies, de parcourir et dece nommer en eux-mêmes les lettres Ephésiennes. —ce Oî p.ayoi TOÙ;daip.ovtÇop.g'vou; xg'XgùouGiTa 'EcpgGta ypap--ce p.aTa irpà; aÙTûù; xocxa^éyEiv xal ôvop.a(,£iv2. »

Hésychius, qui nous a conservé les six noms dontla réunion formait les lettres Ephésiennes, en cite un,qui est celui d'un Dactyle, Damnaménée, qu'il inter-

prète par le soleil : ceAap.vap.gvgù; bi, vi7\io?s. » La pré-sence de ce nom est le cachet de la découverte. Pource qui est de l'interprétation, on conçoit que les sym-bolistes des âges postérieurs aient attribué, en vertude l'étymologie, la qualification de Damnaménée au

•1. Strom., I, p. 360, éd. Pott.2. Sympos., VII, 5, t. VIII, p. 823, éd. Reisk.3. V. 'Ecj>Ê(rtaYpaiAp.aTex.

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dieu du jour, qu'elle caractérisait encore mieux, ejuele métallurge.Mais si l'invention était invoquée comme un gage

de salut, à plus forte raison devait-on réclamer le se-cours des inventeurs. Aussi implorait-on le secoursdes Dactyles, et leurs noms prononcés tout bas, oumême dits mentalement, passèrent pour de tout-puis-sants préservatifs, ce Ceux qui ont appris par coeur, dit<c encore Plutarque, les noms des Dactyles Idéensce s'en servent comme de préservatifs contre les ter-ce reurs, en les parcourant tout bas l'un après l'autre.ce — Oî £xp.gp.aGviX()TE; rv. TCOVtoaiwv ôvo'p.aTa AaxTÙAeov« ypôvTat 7;po; TOU; epo'êou; aÙTOÎ; e!>; ixAgçixaxoc; , aTpsp.ace xaTaAgyovTg; IxaGTtJV '. »Ce caractère protecteur les fit rapprocher plus tard,

bien plus tard, des dieux Lares. Je dirai ici un mot,pour n'y plus revenir, d'une tradition purement la-tine, ou propagée par des Grecs latinisés. Comme les

Dactyles , les Curetés et les Corybantes avaient été

chargés de la garde de Jupiter enfant, et qu'en outreles Dactyles joignaient à ces fonctions leurs attributs

magiques, on eut l'idée d'assimiler ces Génies auxLares, qui étaient eux aussi les gardiens du foyer etles protecteurs de la maison. Arnobe nous montrece rapprochement tiré des écrits de P. Nigidius :ce In diversis • Nigidius scriptis Lares dicit modoce tectorum domuumque custodes, modo Curetasce illos, qui occultasse perhibentur Jovis aeribus ali-ce quando vagitum, modo Digilos Samothracios,ce quos quinque indicanl Grajci Idaos Dactylos nuu-

]. De ProfWl. vin., I. VI, p. 316, éd. Reïsk

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ee cupari 1. — Dans ses divers écrits, Nigidius dit,ce tantôt que les Lares sont les gardiens des toits etce des maisons, tantôt qu'ils sont ces Curetés quice passent pour avoir dissimulé jadis par le bruit dete leurs armes d'airain le vagissement de Jupiter,« tantôt qu'ils sont ces Doigts de Samothrace qui,te d'après les Grecs, se nomment les cinq Dactylesce Idéens. »Dans le chapitre qu'Hygin a consacré aux Curetés,

nous lisons : ce Amalthea, Jovis nutrix , impubèresec convocavit, eisque clypeola senea et hastas dédit, etce jussit eos circum arborent euntes crepare : quice Graece Curetés sunt appellati ; aliis Corybantes di-te cunlur; bis aulem Lares appellaulur 2. — Amalthée,ce la nourrice de Jupiter, fit venir des adolescents, etce leur donna de petits boucliers d'airain et des lances,ce et leur ordonna de les faire retentir, en tournantte autour d'un arbre. On a appelé en grec ces adoles-« cents Curetés (impubères est en effet la traductionce de XOÙGYITEÇ); d'autres les nomment Corybantes;" ceux-ci Lares. »Le grammairien Diomède, à la suite du passage que

nous avons déjà cité, ajoute : ceQuelques-uns pensentte qu'ils sont trois, que l'on croit être des Lares, Dam-ce naménée, Acmon, Celmis.— Hos quidam très pu-ce tant, qui Lares esse creduntur, Damnameneus,ce Acmon, Celmis. »Nous voici arrivés au dernier rôle que fil jouer aux

Dactyles la fortune si changeante et si variée de leur

1. III, 41.2. Fab. CXXXIX.

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nom. Les Dactyles passèrent non-seulement pourd'excellents musiciens, mais pour inventeurs de la

musique instrumentale; or, d'où leur vint cette nou-velle attribution? Ce ne fut pas seulement, comme onle pourrait croire, de ce qu'ils avaient frappé leursarmes en cadence autour du berceau de Jupiter; ce futencore et surtout de ce qu'ils portaient le nom du piedpoétique, ou du rhythme musical que l'on appelledactyle. Plutarque, dans son dialogue sur la Musique,nous dit : ce Alexandre (c'est le philologue qui futce nommé Polyhislor, ou YErudit), dans le Recueilce des choses concernant la Phrygie, a assuré qu'Olym-« pus porta le premier chez les Grecs la musiquete instrumentale, et que celte introduction fut duece aussi également aux Dactyles Idéens. — 'kléZavbçoçce de , sv T7] Suvaywy TWVTïgpî <J>puy£aç,xpoùp.aTa "OAup.Tïovce eepi irpcÔTOVEt; TOÙ; "EWvViva; xop-iGac, ETI oè xal TOÙ;ce 'Idaîou; AaxTÙAou; 1. »

Solin, à propos de la Crète, dit de son côté-: ceStu-ee dium musicum inde coeptum, cum Idaei Dactyli mo-ce dulos crepitu ac tinnitu aeris deprehensos in versi-ee ficum ordinem transtulissent 2. — L'étude de late musique commença du moment où les Dactylesce Idéens eurent transformé en rhythme de la versi-ee fication (en rhythme dactylique principalement) lesce cadences qu'ils avaient saisies dans le bruit et lece son perçant de l'airain. »De ces deux érudits qui travaillèrent dans le même

genre, l'un fait naître la musique en Phrygie, l'autre

1. T. X, p. 654, éd. Reisk.2. Polyhist.,Xl.

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en Crète; c'est la même rivalité qui se continue,comme on voit, en tout et partout. Mais Solin s'esttenu plus près de l'étymologie, c'est-à-dire de la vraieraison qui fit les Dactyles inventeurs de la musique.Ce rapport va se trouver plus clairement encore in-

diqué par Clément d'Alexandrie et par le grammairienDiomède. Le premier : ce Kal ô xaTa IAOUGIXTIVsûpEGi;ce pu6p.wv, EI; aÙToù; àvaopÉpgTai

• eu yjv aiTiav oî irapà TOI;ce p.ouGixoîç o'axTu^ot TT|VTCpoer/iyopîaveiV/îepaejt1.— On leurce attribue aussi l'invention des rhythmes en musique;te et c'est de là que les dactyles, chez les musiciens,et ont pris leur nom. » Diomède, donnant l'étymologiedu mot dactyle: « Ou bien encore, dit-il, le motte vient des Dactyles Idéens, que les poètes appelaient« Curetés ou Corybantes. Ceux-ci, en effet, pendantce qu'ils gardaient Jupiter dans l'île de Crète, allant àce la rencontre les uns des autres avec de petits bou-te cliers d'airain, dissimulèrent la voix du jeune enfantce par le son bruyant de l'airain entre-choqué ente même temps que par l'exécution rhylhmique duce pied qu'on appelle dactyle.—Vel ab Idoeis Dactylis,ce quos Curetas sive Corybantas poetae appeilabant.« Hi namque in insula Creta Jovem custodiendo, cly-« peolis aeneis inter se concurrentes, linnitu seris illisi,te rhythmica etiam pedis dactyli compositione cela-ei vere vocem infantis 2. »Un autre grammairien, Marins Plotius, pense que

c'était le pied appelé amphimacre ou crétique, com-

posé d'une bijeve entre deux longues, que faisaient

1. Strom., I, p. 360.2. III, p. 474, éd. Putsch.

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entendre les Dactyles ou Corybantes : ce Ce pied, dit-il,ce a été aussi appelé crétique, parce que les Coryban-ce tes, dans l'île de Crète, pour cacher à Saturne leee vagissement de Jupiter, qui venait de naître, pro-ee duisirent ce rhythme avec le son de leurs boucliers,ce une longue, une brève, une longue. — Diclus estce hic pes etiam creticus, quoniam in Creta insula Co-et rybantes, ut vagitum Jovis nati celaient Saturnum,ce scutis suis sic sonuerunt graviter, breviter, grâ-ce viter 1. »C'est sans doute celte réputation d'inventeurs de la

musique, plutôt encore que celle de fondateurs de

mystères, qui valut aux Dactyles l'honneur d'être re-

gardés comme les maîtres d'Orphée, ce A l'époquece précisément où ils passèrent en Europe, nous ap-ee prend Diodore de Sicile, et où ils émerveillaient lesce habitants de la Samothrace par leur science desce enchantements et des mystères, on raconte qu'Or-ce phée, doué d'un génie supérieur pour la poésie etce la mélodie, devint leur disciple, et qu'il transportace le premier chez les Grecs les initiations et les mys-ce teres. — K«6' Ôv brt ypo'vov xal TOVOp'pg'a, epuGgi ^tarpopcoce x£yop"/;y7]p.£vov T^pô; TTOLTJG!.Vxal p.g'Xcodiav, p.aGyiTVjvygvsGGat,ee TOÙTWV, xal TCOWTOVgî; TOU; EAAviva; Èçgvgyxgïv TgAgTa;ee xal p.UGT7]'pt,a2. «Ceux qui ne connaissent les Dactyles que par les

Mystères de Sainte-Croix s'étonneront peut-être deme voir passer sous silence un des titres qui hono-reraient le plus nos Génies métallurges, s'il fallait en

i. De Metr., p. 2625, éd. Putsch.2. V, 64.

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croire le docte baron. Il nous dit, en effet: «.Assezce semblables aux jongleurs de l'Amérique, ces Dac-« tyles de l'Asie cherchèrent d'abord à se rendre né-ce cessaires, en exerçant chez un peuple sauvage lace médecine. Ils y étaient devenus si habiles que leurce nom désigna longtemps en Grèce ceux qui profes-ee saient cet art 1. » Et, pour prouver ce qu'il avance,il nous renvoie à Hésychius, au mot AaxTÙXw; ; or,voici ce que nous lisons à l'article indiqué : ceAaxTÙAw;<c oaoïAaxiTïic, ôv oî tuaoïAaxoTTwAa!,gîwGaGi TrnvcaGxgiv CCVTIte <papp.axou.— Anneau médicinal, que les marchandste de drogues ont coutume de vendre en guise dece remède. »Il s'agit de ces anneaux prétendus magiques si con-

nus, et dont nous aurons nous-mème occasion de

parler un peu plus loin, anneaux que vendaient lescharlatans comme ayant une vertu curative. Mais onvoit la méprise du baron: l'excellent homme! il aconfondu CW-TÙAIO;avec CW.TUAOÇ,il a pris un anneau

pour un doigt, et transformé ainsi nos Dactyles enmédecins ou plutôt en droguistes.Bien que le nom des Dactyles ait toujours été allé-

gorique , je crois avoir mis en évidence le caractèrefondamental de ces personnages, en mappuyant surles témoignages de l'histoire et de la géographie. Plustard, à mesure que nous avancerons, il s'y joindra le

signe de reconnaissance, commun à tous ces Génies,et, pour ainsi dire, l'air de famille. Les Dactyles sont

1. Recloerches sur les Mystères, etc., p. 44 de la 1" édition, ett. I, p. 60 de ,1a 2e. Dans la 2° édition, on a supprimé le renvoien laissant subsister dans le texte le fait principal dénué d'au-torité.

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donc essentiellement des métallurges qui prirent l'artà son point de départ; toutes leurs autres attributionsne reposent que sur des interprétations arbitraires dunom, et qui pouvaient être variées à l'infini, commeles caprices de l'esprit qui les imagina.

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CHAPITRE II.

CABIRES.

Leur descendance. —On en comptait trois; noms profanes et mystiquesqui leur furent donnés. — Ils sortaient de la Phrygie, et furent soumisà Rhée. — Ils s'annoncent comme métallurges par la contrée d'où ilsviennent et les îles où ils vont. — La Phrygie riche en mines. —Opinion des anciens sur une fusion primitive des métaux, due auhasard. Les uns plaçaient cet événement dans les Pyrénées; pourquoi?Les autres, dans la Phrvgie ; raisons sérieuses qui les y déterminaient.— De la Phrvgie les Cabires passent dans la Samothrace; cette îledut posséder des mines de fer. — Ils se rendent à Lemnos, où toutles appelait, et de là à Imhros. — Les Cabires sont habiles dans laforge, et mettent en oeuvre les métaux. — Un mot sur Vulcain et surles Cyclopes. — Dans le progrès de l'art métallurgique, les Cabiress'élèvent au second degré.

Liaison intime des Dioscures avec les Cabires; d'où vinrent ces rap-ports? — Les Dioscures sont adorés dans la Samothrace comme lesautres Génies métallurges. Explication du prodige et de l'oracle quiles firent entrer en partage de ces honneurs. — Ils obtiennent dans lesanctuaire la prépondérance que les Cabires y avaient usurpée.

De tous les membres de la famille qui nous occupe,les Cabires sont ceux dont l'histoire est la plus obs-cure/ la plus embrouillée, et aussi la plus pauvre enrenseignements. Toutefois, elle nous fournit quelquesdétails sur le caractère primitif que nous tenons àmettre en lumière.« Phérécyde dit que de Cabira, fille de Protée, et

« de Vulcain, naquirent trois Cabires et trois nym-

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— U —'

ce phes Cabirides, et qu'il y eut un culte particulierce pour les frères et un pour les soeurs. C'est sanscedoute à Lemnos et à Imbros, continue l'historien,ce que l'on fut particulièrement dans l'usage d'hono-ee reries Cabires; mais ils reçurent aussi déshonneurste dans les différentes villes de la Troade. — 4noey.{>b\lçce bl Ag'ygiÈx KaÉeîpviç TYJ;IlpeoTg'to;xal 'HepaiGTOu Kaëgîpou;ceTp£Ï; xal vùp.cpa;Tpaî;Kaësipîda;' ÉxaTé'po!.;d'îgpà ygv.ÉGGai.ceMal'.GTa piv oùv gv Arîp.vcoxal "Ip.épto TOU;Kaêsipou; Tipië-ccoGat Gup.égêv,xEv' à),7ià xal iv Tpola xaTa TroAgi;1. »Hérodote fait également les Cabires fils de Vulcain.

Après avoir dit que Cambyse à Memphis entra dansleur temple, et qu'il brûla leurs statues, l'historien

ajoute : ce "EGTt bi xal Taûra op.oïa TOÎGITGU 'HcpaÎGTou'ceTOUTOUbé Q^J.C, Tïaîtîa; Xg'youGt.EÎvat,2. — Ces statueseeressemblent aussi à celles de Vulcain, et l'on dit queet les Cabires sont fils de ce dieu. «Acusilas donnait une généalogie un peu différente;

Strabon, au même endroit : ce Acusilas d'Argos ditee que de Cabira et de Vulcain naquit Casmilus; de ce-ce lui-ci, trois Cabires, et de ces derniers les nymphesee Cabirides. — 'AxejuGi'XaQ;V ô Apygïo; lx Kaêgîpr,; xalce HepatGTouRacp.î.'Xov>iyei- TCJÙbi Tpsï; Kaêgipouç, cov vùp.-ee epa; KaêEipuîa;. »Les plus imposants témoignages, celui des logo-

graphes et du père de l'histoire, s'accordent donc àfaire descendre les Cabires de Vulcain.

D'après quelques auteurs, il semblerait, au rapportde Strabon, qu'on les eût faits aussi, comme les Cory-

1. Ap. Strabon., X, p. 472.2. III, 37.

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hantes, fils de Jupiter et de Calliope. ceD'autres, dit-il,« prétendent que les Corybantes sont fils de Jupiter« et de Calliope, étant les mêmes que les Cabires. —

te "AXkoi bi TOUA'.ôç xal Ka^ioir/iç epacl, TOÙ; aÙToùç TOÎÇceKaëgîpot; OVTK;1. »S'il fallait en croire une glose tres-corrompue du

Lexique de Photius, les Cabires auraient été pris en-core pour des Titans : ce Kaëeipoi" âaîp.ovg; .... EÎGI bic<r,~oi "HcpaiGTo1-r, TITÔVE;2. »Mais que signifie "Hepat.GToi? Welcker s'imaginait que

c'était le pluriel de "HoaicTo;, et il traduisait le mot parGénies de Vulcain; Lobeck lui a très-justement ré-

pondu que la langue grecque ne se prêterait pas àcette fantaisie 3.Pour tirer du passage un sens raisonnable, il faut

lire 'HcpaÎGTou [TO^E;] : « Et ce sont ou des fils de Vul-ce cain ou des Titans. >>

Quant à l'opinion qui voyait des Titans dans les Ca-

bires, elle ne mérite pas plus de nous arrêter que celle

qui a été conservée par le scholiaste d'Apollonius deRhodes : ce D'autres, dit-il, croient qu'il y a deux Ca-cc bires; que le plus âgé, c'est Jupiter, et le plus jeune,ceBacchus. — Oî bi bûo gîvai TOU; Kaëgîpou;- —pgcêÙTgpovce p.gv, Aîa" vgtoTEpov bi, AIO'VUGOV4. »Ces Génies eurent des noms profanes et mystiques.

Nonnus, dans des vers que nous citerons plus bas, aconservé deux des premiers ; c'étaient 'A'Xxwv, le vigou-reux, et Eùpupiàwv, le puissant souverain. On leur

1. X, p. 472.2. V. Kàês.pot.3. Aglaopham., p. 1249.4. Ad Argonaut., I, 917.

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donna les noms mystiques, lorsque les mystères sefurent emparés d'eux. « Leurs noms, dit Strabon,te sont mystiques.—Ta o° ovop.aTa aÙTtovgCTl p-ùcTixa 1. »C'est-à-dire qu'on ne les révélait qu'aux seuls ini-tiés. Mnaséas cependant nous les a fait connaître;ces noms sont :.'Ac;Σpo;, 'Aé;ioxEpca et 'A^wîcgpGo;. Plus

tard, on joignit aux trois Cabires un ([uatrième asses-

seur, qui fut appelé KaGp.iAo;. Mnaséas interprète le

premier par A^pÎT-zip, Cérès; le second par IlgpGgcpo'v/i,Proserpine; le troisième par "Aà\i;, Platon; le qua-trième par 'Epp-vj;, Mercure*.Les métallurges avaient fait bien du chemin à cette

époque, et ils étaient devenus bien différents d'eux-

mêmes; revenons à eux.Le premier endroit où nous les voyons paraître,

c'est la Phrygie. De là ils se rendirent dans la Samo-

thrace, à Lemnos et à Imbros. ce Les Cabires, dit lecescholiaste d'Apollonius de Rhodes, paraissent s'êtrece ainsi appelés des Cabires, montagnes de la Phry-cc gie, puisque ce fut de là qu'ils se transportèrentce dans la Samothrace. — Kaêsipoi bi CW-OÙGITîpoGviyopgu-te cQat, 'âw} Kaêgîpwv TCOVxaTa «tpuytav ôpwv, gTïgî gvTEùGevce p.gT'/;vé'yGYjcavgï; 2ap.oGpaxr,v 3. »Démélrius de Scepsis, cité par Strabon, dérive leur

nom de la même source : ce K.a7iEÏGQat bi tp-/iciv aÙToù;ce àrco TOÙ ôpou; TOÙ Èv r?i Bgpgxuv-îa KaÊgîpou''. — Et ilee dit que les Cabires furent ainsi appelés du mont Ca-te bire, dans la Bérécyntie. »

1. X, p. 473.2. Ap. Schol. Apoll. Rh. ad Argonaut., I, 917.3. Ad Argonaut., I, 917.4. X, p. 472.

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Pausanias vient corroborer ces témoignages : ce On« rapporte, dit-il, que le pays que les Pergaméniens ha-ie bitent fut anciennement consacré aux Cabires. — *Hvcebi vép.ovTai oî riEpyap.7)Vol, Kaëeipwv îgpav epaGiv e'tvat, TOceaoyaîov'. »Aucune tradition n'est venue nous apprendre qu'ils

fussent fils de Rhée, la déesse de la Phrygie; maisnous les voyons soumis à sa toute-puissance commetous les autres métallurges. Un grammairien du Lexi-

que de Gude, après avoir remarqué que l'on écrivaitaussi leur nom avec un simple i, au lieu de la diph-thongue et, ajoute : e<Kaêipot bé elai o"aîp.ove; TTEOITYJV'Péavceoîx-flGavTg; TYIV2ap.oQpax-/ivs. — Quant aux Cabires,e ce sont des Génies au service de Rhée, qui habitè-eerent la Samothrace. »

Méprenons ces détails. Les Cabires sont fils de Vul-cain ; cette descendance annonce déjà leur vocation :

qu'était-ce, en effet, que Vulcain? ceOn dit, raconteeeDiodore de Sicile, que Vulcain fut l'inventeur dece tout ce qui concerne le travail du fer et du cuivre ette de l'or et de l'argent et de toutes les autres matièreste qui se mettent en oeuvre à l'aide du feu. —"HtpawTovce ôs Ag'youGivgùpgTr,v ygvgcGat TTÎÇirepl TOVGidvipov gpyacîa;cearat-GY);xal TTÎÇTrepl TOVya'Xxov xal XPUIΰV"*' «pyupov, xalte TWVa^Awv ôca TTÎVEXTOÙTïupô; gpyacîav imàéyjrou 3. »Ils tiraient leur nom de celui de leur mère, ou plu-

tôt des montagnes de la Phrygie; et ce pays, d'où onles fait généralement sortir, va nous révéler encoreleur aptitude et leur génie.L 1,4,6.2. V. Kdéêtpot.3. V, 74.

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La Phrygie était riche en mines : ceAu-dessus de lace contrée des Abydéniens, dans laTroade, dit Strabon,« se trouve la ville d'Astyra, possédant des mines d'or,te qui maintenant donnent peu, épuisées qu'elles sont.te — YirgpxgiTat dg T-?,; TWVAêucjYjvwv ycopa;, gv rr, Tpwao\te Ta "AGTupa, ypuGgîa gyovTa, a vuv Grozvta gGTiv, gçavaÀw->c p.g'va1. »ce Au-dessus de Cisthene, ville de la Troade, dans

ce l'intérieur des terres, dit encore Strabon, est unece mine de cuivre. — 'ÏTwEp aÙT?,ç, gv T-ÎJ p.EGoyaîa, TOTEceTOÙyaAxoù p.gTa7.).ov 2. »C'est dans ce même pays, à Andira, que se trouvait

la pierre calaminaire, dont nous nous sommes longue-ment occupé dans notre ouvrage sur l'Orichalque.Enfin, c'est dans cette contrée que, selon la tradi-

tion, se produisit un événement d/une grande impor-tance pour Tari de la métallurgie. On sait que lesanciens attribuaient au hasard la première fonte desmétaux. A la suite d'un incendie des forêts, le métal

que la terre recelait avait d'abord coulé en ruisseauxde feu, et s'était ensuite figé en lingots, et l'homme,témoin de cet effet, avait du même coup découvertles métaux et l'art de les rendre fusibles. Lucrèce par-tageait cette opinion :

Quocl superest, ses alquc aurum fcrriimqtie repertum est,Et simul argenli pondus, plumbieruc poleslas,Ignis ubi ingentes silvas arclore cremaratMontibus in magnis

3

1. XIII, p. 591.2. XIII, p. 607.3. V, 1240 serq.

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Il en était de même de Posidonius : ce Posidonius,« dit Strabon, assure qu'il ne refuse pas sa créance à« cette fable, que les forêts s'étant jadis embrasées, lace terre, qui se trouvait contenir de l'argent et de l'or,ce se liquéfia, et mit ces métaux en évidence par l'é-ce ruption qui s'en fit à sa surface. — IIoGgid\6vi,o; oùxClOMTtGTEÏVTCOp.ùGw epY)Glv,Sri TWVdpup.WV 1Ï0TEgp.TUpVlGQgVTWV,cey] y TaxEÎGa, aTg àpyupÎTt; xal y^puGÎTi;, EI; TVÎVSTnepàvEiavce gc;g/ÇgGE,.»Mais Strabon, en discréditant l'opinion qu'il rap-

porte, montre assez qu'il n'avait pas la même foi.Quoi qu'il en soit, la tradition faisait arriver l'accidenten divers lieux. Elle le plaçait assez volontiers dansles Pyrénées, se laissant abuser par une fausse étymo-logie de ce nom, où elle croyait voir du feu, xùp, dansla première syllabe. Dés bergers ayant mis le feu àune forêt de ces montagnes, raconte Diodore de Si-cile, toute la contrée fut entièrement brûlée : ceEt de« cet accident il résulta, continue l'historien, d'un« côté que ces montagnes furent appelées Pyrénées;ce d'un autre côté, que la surface du sol, qui avait été« tout à fait consumé, laissa couler une grande quan-« tité d'argent, et que la matière dont on tire ce métalte s'étant fondue, il se forma de nombreux ruisseauxce d'argent pur. — Rai Ta p,èv opv) bik TO oup.ëgëyixo; xV/i-« Gyjvat IIupTivaïa, TT)V eî' gTutpavgiav TVJ; xaTaxExaup.gv/i;ce ywpa; âpyùpw puvîvai TÇO'A'AW,xal ywvc'jGgiG'/]; TYÎ; cpuGgw;, le;« vi; ô apyupoç xaTaGxguà'(£Tat,, pùaxa; ygve'oôai TTO'X'XOÙI;âpyùpouce xaQapoù 2. »

i. m, p. 147.2. V, 35.

4

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La tradition plaçait aussi la fonte accidentelle desmétaux dans la Phrygie. Clément d'Alexandrie, éta-blissant un synchronisme entre les faits de l'histoiresainte et ceux de l'histoire grecque, nous dit : ceDepuiste le déluge de Deucalion jusqu'à l'embrasement dec<l'Ida, et à la découverte du fer, et aux Dactyleste Idéens, il s'est écoulé soixante-treize ans, comme lece dit Thrasylle : et depuis l'embrasement de l'Idate jusqu'à l'enlèvement de Ganymède, soixante-cinq« ans. —A—o de TOU xaTax^usp/yj ETTITÔV"làr,ç Èp.-^pr,Gp.ovce xal TVjVgùpgGiv TOÙGtd\îpou xal 'l<Wou; AaxTuXouç, Irr, ÉÊdo-ec p.rîxovTa Toîa, eo; epviGiv©saGuXXo;

" xal à—o Idv,; gp.T7oy;Gp.ûOee g—î ravup.vfàou; âpiîayvjv Krr, ÉçvfxovTa TTE'VTE'.» Mais icila tradition avait des raisons plus sérieuses qu'unefausse étymologie. Cette terre n'était pas seulementtrès-féconde en métal, c'était là que Rhée, lanière desdieux, la grande déesse de la Phrygie, avait fixé sa de-meure, et qu'elle avait, dit-on, enseigné elle-mêmel'art de travailler le fer.Suivons les Cabires à leur départ de la Phrygie. Ils

se rendent dans la Samothrace, à Lemnos et à hnbros;c'était presque n'avoir pas changé de lieux; car cestrois îles ne faisaient, pour ainsi dire, qu'un avec laPhrygie, à cause de leur proximité et de la commu-nauté d'origine de leurs habitants. Scymnus de Chioappelle très-justement la Samothrace une île troyenne :

lUpoev 2a[/.o0pep.7) o' e<m, vyjcxoi;Tpw'Htrç2.

Et Homère semble avoir voulu montrer l'inséparable

1. Strom., I, 21, p. 401, éd. Pott.2.' Perieges., 678.

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union de la Samothrace, d'Imbros et de Lemnos, enles groupant dans le même vers :

'Eç 2oéu.ov,Iç T' "Iuëpov, y.ai Avjavov àu.i/ôaÀo'ecriTav1.

Mais un rapport qui nous intéresse davantage,parce qu'il explique mieux le passage des Cabires dansleurs nouvelles demeures, c'est qu'elles étaient fécon-des en métal comme la Phrygie.L'histoire ne dit rien de positif à cet égard sur la

Samothrace; mais je tire une induction d'un com-merce particulier que fit anciennement cette île. Jeveux parler de ces anneaux de fer qu'elle répandaitdans tout le monde connu, anneaux magiques, espè-ces de talismans dont la superstition s'est continuée

jusqu'à nous. Lucrèce, ayant à signaler un des effetsde l'aimant sur le fer, a montré celte action sur lesanneaux de Samothrace : « J'ai vu aussi bondir des« anneaux de fer de la Samothrace. »

Exsultare etiam Samothracia ferrca vidi 2.

Que le fer employé à ces amulettes sortît de cetteterre sacrée, on n'en saurait douter; de là lui venait

même, aussi bien que de la religion, sa vertu mira-culeuse.Quant à Lemnos, tout y appelait les Cabires. C'est

dans Lemnos qu'était tombé Vulcain, précipité duciel ; de là l'attachement du dieu pour cette île, et laconsécration de l'île tout entière à ce dieu. Mais icicomme ailleurs, la Fable n'avait fait que voiler ingé-

1. ll.,Q', 753.2. VI, 1042.

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nieusement des raisons physiques et historiques. Lesanciens l'ont remarqué ; Eustathe, leur interprète,nous dit : « Ce lieu est, en effet, tout naturellement« propre à Vulcain, faisant jaillir du feu, et offrantce d'autres signes de chaleur, comme l'émission des« eaux chaudes qui s'y trouvent Quanta l'histoire,« elle approprie d'une autre façon Lemnos à Vulcain,te par cette raison que l'île produisit jadis des hommeste adonnés au travail des métaux, qui ayant les prê-te miers fabriqué des armes d'airain, furent pour cela« surnommés Sintiens (pillards), de ce qu'ils avaient« pillé ou endommagé par la découverte des armes.—ce ÏIooGOur,; TTSÉVTW;TCO 'HcpatGTW TO~O;, 7:ïïp TE àvaêlù'wvee xal alla er/;p.gïa Ê'ywv 6£pp.oV/iTo;, oiov TVJVTWVE'XEI6spp.wvce ûoaTwv àvadOGiv.... H oè ÎGTopta xal allw; TTpoaoixgi,oî TWce 'HtpatGTW TYJVA-?ïp.vov, bwri yaAxsî; à'vdpaç vivgyxg JTOTEvîtt V/JGO;, oî i7pwTOi yalxEucap-EVot pg'lv;, dtà TOÙTOSîvTtg; iizi-(t XA-/f8-/iGaV,blk TO GtVgGQai TITO!,(31âVrglV TV) EÛpÉGEt.TCOV« ô'-lwv 1. »Eustathe ajoute que si les Lemniens et Vulcain se

convenaient mutuellement, ce n'était pas seulement àcause du feu de l'île, car il se trouvait ailleurs du feu

pareil, mais encore et surtout à cause de l'habileté desLemniens dans le travail des métaux, habileté quiavait fait surnommer le dieu lui-même, KIUTOTE'^VVIÇ(illustre dans son art) : ce Et xal àllayo'Qi ToiaÙTa eiaice irupà, ôp.w; oî AvfjAviot wxgîwvTat TW 'HepatGTw p.aAtGTa xalce bik TT)V yalxguTixxv TÉyv/jv, bi vjv xal xluTOTgyvv); aÙTÔçce léygTat. »l\ous pouvons encore indiquer la source où parais-

1. Ad//., A', 593, p. 157 sq.

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sent avoir été puisés tous ces détails, c'est l'ouvraged'Hellanicus Sur la fondation de Chio. Tzetzès nousdit : eeC'est à Lemnos que l'on découvrit pour la pre-cemière fois et le feu et la fabrication des armes,cecomme le raconte même Hellanicus, dans son livre« Sur la fondation de Chio. — 'Ev Avip-vw wpwTw; e^psôvite TO TE 7tùp xal aï ôirloupytat, xaGw; xal Èv TW rieol Xtoute XTIGEW;, Ellavixo; ÏGTopgt '. »Les scholies sur l'Odyssée nous disent à leur tour :

ceLes Lemniens étaient appelés Sintiens, comme le ra-ceconte Hellanicus dans son livre Sur la fondation deceChio Leurs voisins les appelaient Sintiens, parce« qu'il se trouvait parmi eux quelques artisans fabri-cequant des armes de guerre. — SiVrig; Èxa'XoùvTo oî Avî-ce p.vioi, cb; 'ElXavixo; ÏGTopgt lv TCOIlspl Xtou XTtGgw;ceTOUTOU;gxalouv oî IÎEOÎOIXOIStVTia; , OTI TiGav aÙTwv by-ce ptoupyot TIVE;Tvolgp.iGTvîpi.a oVXa gpya£o'p.gvot 2. »Mais il est probable qu'Hellanicus ajoutait l'étymo-

logie de Sintiens y car la phrase, telle que la donnentles scholies sur YOdyssée, n'a pas de sens. Et, eneffet, le scholiaste d'Apollonius de Rhodes, puisant àlà même source, nous dit : ce Hellanicus rapporte que« les Lemniens furent appelés Sintiens, à cause qu'ilsce firent les premiers des armes de guerre pour piller etce endommager leurs voisins.—'Ellavtxo; bi <p-/)GiStvTta;ceôvop.aG9-?îvaiTOU; Av]p.vtouç, âià TO TupwTou; ôVXa 7ïoiîJGaiceTtoAEp.txàn:po; TO GivEGÛatTOU;TÏAYIGÎOVxal pAaVrgiv 3. »

Lemnos, terre de feu, terre des métaux, peupléedes hommes qui les mettent en oeuvre, devait être le

1. Ad Lycophr., 227.2. Ad Odyss., ©', 294.3. Ad Argonaut., I, 608.

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séjour'préféré des Cabires, comme elle l'était de Vul-cain. Aussi avons-nous entendu le plus ancien prosa-teur de la Grèce, Phérécyde, nous dire qu'ils furenttout particulièrement honorés dans cette île. Hésy-chius nous dit de même : eeLes Cabires sont absolu-<ement honorés à Lemnos comme des dieux, et on lesce dit fils de Vulcain. — Ilavu de Tip.covTa'. OÙTOIgv Avfp-veote w; Ggol, Ag'yovTai de givat HepatGTOu iraïdeç 1. »Dans un passage plein de poésie et d'une sombre

grandeur, que relève très-bien le rhythme anapesti-que, Lucius Attius nous montre le dieu et ses fils ado-rés dans Lemnos, et n'ayant leur temple séparé quepar la hauteur d'une colline.Dans le Philoctète, le personnage qui se fait l'exé-

gète des endroits remarquables de l'île dit à l'autre:ce Tout près sont les rivages déserts de Lemnos, et tuce es arrivé au temple élevé des Cabires, et au sanc-ce tuaire de ces antiques mystères voilés sous dece saintes cérémonies. Le temple de Vulcain est au piedce même de la colline, à cet endroit 6ù l'on dit que lete dieu tomba du haut de la demeure céleste. »

...;... Lemnia prasstoLitora rara, et celsa CabirumDelubra tenes, mysteriaquePristina, castis conccpta sacris ;

Volcania templa sttb ipsisCollibus, ia quos delatu' locosDicitur alto al) limine coeli 2.

Les Cabires, selon une tradition, abandonnèrent

1. V. Kccêeipoc.2. Varron. De Lingua Lat., VII, 11.

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Lemnos, à cause du crime dont s'étaient souillées lesLemniennes, lorsque, par suite de la vengeance de

Vénus, dont elles avaient négligé les autels, ces fem-mes en vinrent à égorger les hommes de leur île.

Photius, dans son Lexique, nous dit: te Kaéapor baî-cc p.ovs; Ix Arlp.vou enà TO To'Ap.7]p.a TCÔVyuvaixwv p.gTEvs-teyOa'vTE;1. — Cabires, Génies qui s'en allèrent dete Lemnos, à cause du crime audacieux des femmes. »Pour ce qui est d'Imbros, Etienne de Byzance nous

dit simplement qu'elle était consacrée aux Cabires età Mercure, que les Cariens appellent Imbramus, ce

qui fait songer au mystique assesseur des Cabires, ap-pelé Casmilus, que Mnaséas a interprété plus haut parMercure: ce 'Ip.ëpo;- VYJGO;ïgoà Kaêgîpwv xal Epp.où. ôvce"ip.6pap.ov AE'-'OUGIVoî Kâpe; 2. » Nul ne nous a parlé des

productions d'Imbros ; niais la conformité du sol decette île avec celui des deux îles voisines et, par-dessus tout, la présence des Cabires nous autorisentà penser qu'il y avait là aussi des mines et des forgerons.D'après leur descendance et la nature des pays où la

tradition les faisait résider, les Cabires s'annoncent évi-demment comme des hommes livrés au travail desmétaux. Toutefois, nous n'avons encore produit aucuntexte qui nous les montre formellement à l'oeuvre;niais Nonnus, dans son inépuisable répertoire de tra-ditions mythologiques, va nous offrir ce que nouscherchons.

Lorsque Rhée lève l'armée que Bacchus doit con-duire contre les Indiens, les premiers soldats qu'elle

'1. V. KocëEtpoi.2. V. 'Iu.6poç.

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fait appeler, ce sont les Cabires : ce D'abord, du rocce escarpé aux pointes de feu de Lemnos, la renomméeee orageuse arma près du pin mystique de Samos deuxte Cabires, fils de Vulcain, ayant le nom de famille deee leur mère, que Cabiro, deThrace, enfanta tous deuxce auparavant au céleste forgeron : c'était Alcon et Eu-« rymédon, habiles dans la forge. »

ÏIpWTOCp.EVSXAv-|U.VOtOTTUpil'AW^tVOÇÈptTrVY]Ç4>vîu.v)oèEAXr]E(jaa,2oiu.ou Tiapà jj.ôcm£i TOUX?)YiÉaç HïiaurToio ôûco Ocopr,;EKaêsipouç,OuvGjxa [xv)Tpb;E/ovTaç 6|/.OYVIOV,où; Ttapo; au.9(oOùpavio) yaAxîj't TE'XE©prît'auce KaêEtpco •

"ÀAxwv,Eùpu[AÉ5wvTE, 3avîy.ov£; Id^apsôivoç 1.

Habiles dans la forge! Plus loin, ils seront dits/>««•-sants par le feu : ce Habitants puissants par le feu de laet Samos de Thrace. »

©prjïxïïiç Sa 2au.oio TrupcaOevEEç7roXcvJTat2.

Plus loin encore, nous les verrons établis dans la

forge de leur père, et se livrant aux rudes travaux du

métier, battant le métal sur l'enclume. Eurymédon va

répondre aux bravades du pugile Mélissée, qui a inso-lemment défié tous les combattants : ce Mais Eurymé-ee don seul se leva contre lui, Eurymédon, fils dete Vulcain, qui, se tenant auparavant auprès de sonce père, s'occupait constamment de la forge, battant late solide enclume. »

EùpupiScov SE 01 oloq àvioraxo 8c;TOcpoçceielIlaTpeocp [/.EU,SXT)TOTzaor,ijAVOilayapeéovi,Hepae.<jT7]ïaS7)ç,CTcpup^Xatovàxp.ova TUTTTCUV3-

1. Dionys., XIV, 17 sqq.2. Dionys., XXIX, 193.3. Dionys., XXXVII, 500 sqq.

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Ce sont bien là maintenant des métallurges, ou il

n'y aurait plus de signes pour les reconnaître.

Après les traditions mythiques, consultons une au-torité plus positive, celle des médailles.

Lorsque les Cabires furent devenus les dieux pré-pondérants de la Samothrace, ils attirèrent d'abord àleur sanctuaire les peuples circonvoisins. Dès le qua-trième siècle avant l'ère chrétienne, nous voyons laMacédoine y envoyer ses jeunes enfants pour être ini-tiés. Plutarque nous apprend que Philippe, étant encoretout jeune homme, se fit initier dans l'île sainte avecOlympias, qui n'était alors qu'une enfant, et que ce fut

pendant ces cérémonies secrètes qu'il s'éprit d'amourpour elle. « AlyETai bi <Pi"kiiïTïoç, gv 2ap.oQpax7] TA 'Olup.-eemctài Gup.p.urjGgl;, aÙTo; TE p.g'.paxiov wv êri, xàx£Îv/j; racido;ceÈpaGGvivat1. » Quelques siècles après, la Macédoineimporta le culte même des Cabires, et montra pourl'un d'eux une profonde vénération, nous dit Lac-tance : « Macedones sunima veneratione colueruntCabirum 2. » Une des principales villes de cette con-trée, Thessalonique, se distingua par sa ferveur, etvoulut perpétuer le souvenir de sa foi sur ses mon-naies. Un grand nombre de médailles thessaloni-ciennes représentent sur la face une tète de femmetourelée, Cybèle ou Rhée, et pour type de leursrevers un Cabire avec la légende KABEIPOC; or,quels sont les attributs que Thessalonique a donnésa son Génie de prédilection? On dirait qu'elle s'estinspirée du tableau que nous a offert Nonnus. Le

1. Alex. Fit., t. IV, p. 2, éd. Reisk.2. Institut, divin., I, 15, 8.

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Cabire tient de la main droite un objet que l'on a

pris tantôt pour une enclume, tantôt pour un rhy-ton, mais qu'il est difficile de déterminer; et de la

gauche, le signe de la profession qu'il exerça, l'outildu forgeron, un marteau. Une médaille représente leCabire portant le marteau sur l'épaule gauche 1. Dureste, ce culte et ces honneurs rendus à nos Génies

métallurges et à la déesse leur souveraine s'expli-quent de la part d'un pays aussi fertile en métaux

que la Macédoine, surtout aux environs de Thessa-

lonique 2.J'ai dégagé les Cabires de l'entourage mystique

qui s'épaissit autour d'eux pendant des siècles, et

qui les refoula jusqu'à n'en faire que l'idéal supportde cet amas de superstitions connues sous le nom demvstères de la Samothrace. Je les ai rattachés aux(Smétallurges leurs frères par leur métier de for-

geron, par les lieux qu'ils habitèrent et par leur sou-mission à la déesse de la Phrygie, c'est-à-dire parleurs liens de famille. Ils ont reparu tels que les

envisagèrent les historiens critiques de l'antiquité,non plus ces augustes divinités que grandit succes-sivement la superstition, mais de simples serviteurs,d'humbles ministres du culte de Rhée, mis sur lemême rang que les Corybantes, comme le dit Stra-bon : TIpoTTOAou;,GspaTCUTa; TCOVîgpeov gxaÀouv KaÉgîpou; xat

KopùéavTa; 3.Ministres du culte de Rhée ; c'est là le grand signe

1. Kckhel, Doctrina cet. num., t. II, p. 70-80; Mionnet, Des-cript. des méd. ant., t. I, p. 490-505.2. Voy. la monographie de Tafel, De Thessalonica, p. 267 stjq.3. X,"p. 470.

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qui n'avait point échappé aux anciens. Par là lesCabires sont rattachés, ainsi que leurs frères, à la

métallurgie terrestre et réelle dont la déesse de Phrygiedaigna donner elle-même les premières leçons auxhommes. Par là, ils sont soustraits à l'autorité de Vul-

cain, et c'est le moment de revenir en quelques motssur ce qui a été dit précédemment, afin de ne laissersubsister aucune incertitude.Vulcain n'était point essentiellement le dieu des

métaux ; c'était plutôt le dieu du feu intérieur de la

terre, le dieu des volcans, auxquels il a donné sonnom : aussi toutes les résidences qui lui sont assignéessont-elles volcaniques avant tout, la Sicile, les îles de

Lipari, Lemnos. Mais l'Olympe avait besoin de sonartiste métallurge, et ce fut Vulcain qui le devint natu-

rellement, à cause de l'intime rapport du travail desmétaux avec le feu. Il devait en même temps devenirle dieu qui préside aux opérations métallurgiques, etc'est ce qui arriva ; aussi son culte alla-t-il se mêler etse confondre avec ceux des dieux souterrains, avecceux de la Samothrace, comme on le verra dans lerésumé général que nous donnerons à la fin de cetravail.

Maintenant, si les traditions mythiques nous mon-trent les Cabires dans l'atelier de Vulcain, gardons-nous, je ne dirai pas seulement de les prendre pour.des Cyclopes, mais même de les en rapprocher. Les

Cyclopes, attachés aux mêmes officines que leur maître,ne travaillaient, comme lui, que pour le service de1 Olympe. Leurs noms indiquent la nature de leur tra-vail le plus ordinaire, la fabrication des armes deJupiter. Selon Hésiode, ils s'appelaient BpovTYi;, de

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jîpovT'èi, tonnerre, STgodir/;;, de GTgpoirÀ, éclair, et "Apy/iç,de àpyo;, éblouissant :

BpÔVT7)VTS 2tEpÔTÏY)VTE xa'iApYY)v ou.6piuo6uu.rJV'.

Virgile a remplacé "Apy/jç par Pyracmon, enclumebrûlante :

Brontesque Steropesque et nudus membra Pyracmon 2.

Les Cabires, au contraire, comme tous les autres

métallurges, sont des missionnaires de Rhée, qui par-tent de la Phrygie, où ils ont dû se livrer auparavantaux travaux métallurgiques, pour aller à Imbros, àLemnos, et de là se rendre et se fixer dans la Samo-thrace. Pourquoi cependant les a-t-on représentés dansla forge de Vulcain ? C'était une conséquence inévitablede la tradition, qui les faisait fils de ce dieu. On crut,en effet, qu'il était impossible que des Génies métal-lurges, regardés comme enfants de Vulcain, n'eussenlpas exercé leur art dans l'atelier de leur père ; mais onle crut, sans les soustraire au pouvoir d'une déesse

plus puissante que Vulcain, même sous le rapport dela métallurgie.

Quant à la tradition en elle-même, j'y vois un ingé-nieux symbole de la nécessité du feu dans la métallur-gie, et je la supposerais accréditée par les habitants deLemnos. Cette île avait fait de Vulcain sa grande divi-nité ; mais Phérécyde nous a dit plus haut que lesCabires y reçurent aussi des honneurs particuliers;Hésychius a même ajouté qu'ils y étaient absolumentadorés comme des dieux. Or, quelle fut la cause de

•1. Theogon,, 140.2. Mn., VIII, 425.

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ce double culte ? Ce ne fut pas seulement le désir

d'opposer un sanctuaire rival au sanctuaire de laSamothrace ; ce fut encore le dessein secret et mysté-rieux de figurer par cette alliance la double naturede son sol, volcanique à la fois et métallique.Dans le progrès de l'art métallurgique, les Cabires

succèdent aux Dactyles. Ils n'ont plus à extraire lemétal de la terre, à le fondre et à le purifier; ils le tra-vaillent dans l'atelier, ils le plient aux divers usages.J'arrive à deux divinités qui sembleraient devoir

être tout à fait étrangères à nos métallurges, mais quicependant se mêlent si intimement à leur histoire qu'ilest impossible de les en séparer : ce sont les deuxjumeaux éclos du même oeuf, Castor et Pollux. D'où

naquirent ces rapports et comment se forma cette as-sociation? La question est encore assez obscure, et jevais tâcher de l'éclaircir de mon mieux.Descendons de quelques siècles au-dessous de l'é-

poque où nous étions placés. Tous nos métallurges ontété divinisés, et sont devenus, dans la Samothrace,l'objet du culte le plus saint et des mystères les plusvénérés. Je dis tous nos métallurges, et non pas seule-ment les Cabires. Bien que ces derniers, en effet, aienttendu à usurper les adorations du sanctuaire, c'estune erreur de croire que les dieux de la Samothracen aient pas compris aussi tous les autres Génies dontnous écrivons l'histoire. ,Le pseudonyme Orphée, qui est une grave autorité

dans ces antiquités mystiques, s'adressantaux Curetés,leur dit :

XaXxoxpoxocKoupYJTE;,'Apvî'iaTEUJ(E'EyjsvTsi;,Oùpâvioi, j^GôvcoîTExai EivâXwi,

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Oi TS 2HU.o6pYJxYjV,iEp'/)vyOo'va, vatETcéovtEi;,Kivouvouç ÔVIJTCOVàTîEÇijxETSTcovToirXaviiTWV•TU.EÎÇxal TSXETT;VnrpcoTOiUEpentEO-aivEQECÔE,'AOâvaTOcKoupîJTEçAat'u.0VEçàôavocroi, xpoosEç i£ xal aux' oXETïjpEç,KoupvjTEçKooûêavTSç, àvaxTOpEç, EÙouvaToiTE,Ev —apo0p-(]x7]avaxxsç, ôfjuotîZïjvôç xo'poi OCÛTGÎ1.

ce Curetés, qui faites retentir l'airain, qui portez desce armes martiales, Génies célestes, terrestres et marins,ce et qui, habitant la Samothrace, terre sacrée, écartezce les dangers des mortels qui errent sur la mer; c'es!« vous qui lès premiers aussi avez établi parmi lesec hommes l'initiation, Curetés immortels. Génies im-ee mortels, nourriciers, et d'un autre côté destructeurs,ec Curetés Corybantes, souverains et lout-puissants,et rois dans la Samothrace, en même temps que vousce êtes les fils de Jupiter. »Dans sa Prière à Musée, le poète associe aux Cabires

les Corybantes, les Curetés et les Dactyles :

KoupvJTai;T' IvÔ7rXou;,Kopuêavrâç T", ^SÈ KaSsépouç,Kai u.EyaXou<;StoxTjpxç ôu.oti, Aiô; acpOiTaTÉxva,'Ioaiouç TEGEOÛÇ2.

ee J'invoque les Curetés armés, et les Corybantesec ainsi que les Cabires, et les puissants Sauveurs ence même temps, fils impérissables de Jupiter, et lesce dieux Idéens. »Je ne ferai pokit valoir le suspect témoignage du

prétendu Sanchoniathon, cité par Eusèbe, et d'où ilrésulterait cependant que nos Génies furent appelés

1. Hymn. XXXVIII, 1-21.2. Hymn. I, 20 sqq.

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Dioscures ou Cabires ou Corybantes ou Samothraces :ce'Ex TOÙSu&ùx Aiocjxoupot, vi KaSeipoi -vi KopuêavTs;, vj Sa-it poGpaxg; 1. — De Sydyc naquirent les Dioscures ou« Cabires ou Corybantes ou Samothraces. »Tous ces Génies, c'est-à-dire tous nos métallurges,

passaient, nous venons de l'entendre, pour les protec-teurs et les libérateurs de ceux qui les invoquaient surterre ou sur mer, et on leur avait sans doute attribuéce rôle généreux de ee qu'ils furent les serviteurs deRhée et les gardiens de Jupiter. Remarquons, en effet,que, si tous ne furent pas nourriciers de Jupiter, tousils furent di: moins ministres de Rhée, ou xoùpoi, selon

l'acception particulière que donnaient les Grecs au

mot, dans celte circonstance, comme il se verra

quand nous en serons aux Curetés.La puissance dont on les avait investis leur valut

naturellement la qualification de dieux puissants ou

grands dieux. Aussi, lorsque les Argonautes se rendentde la Troade dans la Samothrace, les voyons-nousacquitter pour la seconde fois les voeux qu'ils avaientadressés aux grands dieux, en consacrant dans le

temple des coupes, qui y subsistent encore à présent,ajoute Diodore de Sicile : ceToù; o" ApyovaÙTa; epaalvte EX T-?j; Tpwado; àvavGgvTa;, gî; 2ap.oQpax7iV xop.iG6-?ivai,« xai TOI; p.gyctAoi; Ggoî; Ta; gùyje,; â-odo'vTa; TCXXIV,àva-« Ggïvat -à; cpiaXa; eiç TO TÉp.Evo;, TOC;ETC. xal vùv dtap.g-te voÙGa;2. »Tels étaient le culte et les titres augustes que rece-

vaient depuis longtemps les dieux de la Samothiace,

1. Prxpar. Ëvang., I, p. 36.2. IV, 49.

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lorsque deux héros vinrent s'asseoir parmi ces dieux,et s'associer à leurs honneurs. Grâce au récit de Dio-dore de Sicile, nous pouvons assister en quelque sorteà l'apothéose des Tyndarides et à leur intronisationdans l'île sacrée.Les Argonautes ayant été assaillis d'une violente

tempête, ce On dit qu'Orphée, le seul de ses compa-te gnons de navigation qui eût été admis à l'initiation,ce fit des voeux pour leur salut aux dieux de la Samo-ec thrace. Et le vent s'étant aussitôt apaisé, et deux« étoiles s'étant posées sur la tête des Dioscures, tousce furent frappés du prodige, et pensèrent qu'ils avaient;e été préservés du danger par la providence desce dieux. De là vient que, l'événement s'étant transmisce par la tradition aux générations suivantes, l'usagece s'est établi parmi les navigateurs battus de la tempêlece d'adresser des voeux aux dieux de la Samothrace, e!« d'attribuer l'apparition des étoiles à la manifestationec des Dioscures. — «tjcciv 'Opcpéa TYJ; Tg7,gTyj; p.ovov wCCGUp.TÎASOVTWVp-ETEG^V-OTa, TïOlYiGaGGat,TOI; Sau.o'GpaÇLTI;ce ÛTîgpT-?,;GWTTipta; gùycéç. EùGù; de TOÙirvgup.aTo; EVOOVTO;,xalce duotv aGTgowv èrcl Ta; TWV Aiocxoùpwv xgtpa^à; gTïiTCgGo'vTCOv,ee aracvTa; p.gv EX7ïX.ayv;vai, TO TOzpàdoc;ov, ÛTro^aésïv bi GE»ce 7ïpovoîa TWV xivdùvwv èauToù; à.ivft'k'kkyda.i. Aw xal TOÎ;te gTCtytvop.EVOi;Tïapao'oGip.ou ygygVYip.Évvi; TYJ; TCEpc.ivETsîa;,Mec TOÙ; ^sip.a(op.gvou; TWV TVIEOVTWVEÙ-/à; piv TtÔgoGai TOÎIce 2ap.oGpat;t,, TTJVbi TWVexGTgpwvTvapouGiav àvaivÉp.TCEi.vgî; TVce TWVAioGXoùpwv gTCt.cpavgi.av1. »Examinons les circonstances du prodige. Des voeu*

sont adressés aux dieux de la Samothrace, pour obte-

1. IV, 43.

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nir le calme de la mer, et ces voeux sont exaucés.Mais au même instant, une étoile brille sur la tête dechacun des deux héros, Castor et Pollux ; et ce signeva être désormais nécessaire pour annoncer la ratifi-cation divine en pareil cas. L'apparition des deux

jumeaux devient donc une confirmation de l'accom-

plissement du voeu, un gage indispensable pour ras-surer le navigateur sur le succès de sa prière. L'exis-tence des Dioscures se trouve donc fatalement liée àcelle des dieux qui pacifient les tempêtes.Nous ne les avons pourtant pas encore vus déifiés,

et les deux héros ne sont encore pour nous que les

Tyndarides ; mais complétons le récit de Diodore, ennous transportant quelques chapitres plus loin.Les Argonautes ont été de nouveau assaillis par la

tempête : ce Mais Orphée ayant adressé des voeux,« comme la première fois, aux dieux de la Samothrace,« les vents cessèrent, et celui qu'on appelle Glaucuscemarin apparut auprès du vaisseau. Et il prédit d'a-cebord à Hercule ses travaux et son immortalité, et« ensuite aux Tyndarides, qu'ils seraient appelés Dios-te cures, et qu'ils obtiendraient auprès de tous les

. « hommes le même honneur que les dieux. — Toù' te o 'OpcpÉw;, xaGarap xal -âpo'Tgpov, EÙyà; iroiYiGap.g'vou>Tot;« 2ap.c!6pat;i, "krfoni p.èv TOU; âvsp.ou;, epavflvat de IÎX.Y)GIOVTYJ;

; <(VECO;TOVlïpoGayopEuo'p.gvov GaTiârTiov Diaùxov. TOÙTOVbite raoEiTCÎv p.èv Hpax'Xsï -rcEpl TWVaGXcov xal TYJ; àGavaGta;'tt TOI; r)è Tuvdapidat;, OTI TïpoGayopEuQYiGûVTaip.gv Aïo'oxoupot,eeTip.-?,;à ïcoGgou Tgùc;ovTai uapà TOXGCVàvGpcoitoi; 1. »

, Loracle de Glaucus s'accomplit, et les Dioscures

1. IV, 48.5

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furent invoqués, comme les Corybantes, dans les mo-ments critiques 1. Et on les confondit tantôt avec cesderniers, tantôt avec les Curetés, quelquefois avec lesCabires. Pausanias ayant vu à Brasioe, dans la Laconie,trois statuettes d'airain, ne savait si on les regardaitcomme les Dioscures ou les Corybantes 2. A Amphissa,dans la Phocide, on célébrait des mystères en l'hon-neur des enfants Anaces, et Pausanias nous dit qu'aurapport des uns, ces Anaces désignaient les Dioscures,au rapport des autres, les Curetés : ce Et ceux qui« croient savoir quelque chose de plus, ajoute-t-il,cedisent que ce sont les Cabires. — Ol bi TCXg'ovTI èm-« GTaoGat vopuÇovTg;, Kaëgtpouç Xiyouciv 3. »Voilà donc les Dioscures reçus dans le sanctuaire

de la Samothrace, et nous connaissons maintenant lelien qui les rattache aux dieux qu'on y adore. Si latradition les mit plus particulièrement en rapportavec les Cabires, la cause en est dans la prépondé-rance que ceux-ci avaient acquise ou plutôt usurpéesur leurs frères, prépondérance qu'il leur fallut, parune vicissitude dont les dieux mêmes ne sont pasaffranchis, abandonner aux derniers venus, aux Dios-cures.Le baron de Sainte-Croix, qui a consacré aux

Cabires le premier chapitre de son livre, et qui cepen-dant n'a presque rien touché de ce que nous avons ditsur ces Génies, si ce n'est pour rappeler leurs noms

mystiques, se borne à dire sur les Dioscures : « Lesce Argonautes, battus d'une violente tempête, firent1. Aristoph. Ecoles., 1069.2. III, 24, 4.:\. X, 38, 3.

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cevoeu de relâcher à Samothrace. Aussitôt l'orage« s'apaisa, et on vit paraître au bout des mâts les« flammes que nos matelots appellent feux Saint-Elme :ceelles indiquaient, suivant les anciens, Yépiphanie,« ou la présence des Dioscures, pris pour les divinités« cabiriques 1. »Les Argonautes qui font voeu de relâcher à Samo-

thrace : singulier voeu, en vérité! Et les Dioscures quisont pris pour des mâts : quelle intelligence des texteset quel sentiment de l'antiquité !Plus tard, je dirai un mot des mystères de nos Ca-

bires; mais j'avertis ici que je viens de traiter toute la

partie sérieuse de leur histoire, celle qui se recom-mande par l'importance des faits et l'autorité des té-

moignages, celle qui nous révèle le fondement mêmedes mystères, et qui nous achemine à la solution quenous cherchons. Tout le reste est loin d'inspirer lamême confiance et d'offrir le même intérêt; je ne parlepas des mystères, dont nous ignorons tout, mais desdétails qui ont pu transpirer à travers les âges sur quel-ques formes extérieures du culte, sur quelques privi-lèges du sanctuaire et sur le rôle de quelques prêtres.Ces détails dérivent tous de sources relativement ré-centes et assez souvent suspectes, et datent d'une épo-• que où le temple de Samothrace, après avoir reçu lesaffluents d'une multitude de religions, était devenunon plus seulement un Panhellenium, mais le sanc-tuaire commun de toute l'antiquité.Je crois utile d'ajouter que nos Cabires ne visitèrent

1. Recherches sur les Mystères, etc., p, 31 dé la lrc édit., et t. I,p. 45 de la 2e.

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point, il s'en faut, tous les pays où nous les voyonsadorés. Rien de plus court et de plus borné que l'itiné-raire de ces Génies considérés comme métallurges. Dela Phrygie ils se rendent à Imbros, à Lemnos, et pas-sent en Samothrace, pour s'y arrêter. On peut assurer

qu'ils ne poussèrent même pas jusqu'en Macédoine.

Mais, en revanche, leur culte voyagea fort loin. Héro-dote nous dit que Cambyse, après avoir profané le

temple de Vulcain, à Memphis, entra aussi dans celuides Cabires, pour y porter la destruction avec l'irrévé-rence, ce Bien qu'il ne fût permis, ajoute l'historien, àte nul autre d'entrer dans le temple, si ce n'est du moinste au prêtre. — 'E; TO OÙ6Ep,t,To'v SGTI ÈGigvat aXXov yeîce TOV îpÉa 1. »Pausanias parle d'un temple consacré aux Cabires

auprès du temple de Cérès et de Proserpine, à Anthé-

don, dans la Béotie 2. Le Périégète signale aussi unautre temple élevé aux mêmes dieux, à une certainedistance d'un bois sacré de Cérès Cabiria et de Pro-

serpine, qui se trouvait près de Thèbes*.

Quoique l'établissement du culte des Cabires ne fût

pas nécessairement subordonné à l'existence des mé-taux dans un pays, et qu'il pût dépendre de causesdifférentes, comme, par exemple, en Béotie, du cultede Cérès et de Proserpine, culte qui vint se joindreplus tard, ainsi que nous le verrons, à celui des dieuxde Samothrace, il est cependant remarquable que touslés pays qui se montrèrent adorateurs de nos Génies

métallurges se faisaient aussi distinguer par leur ri-

1. III, 37.2. IX, 22, 5.3. IX, 25, 5 sqq.

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chesse métallique. Nous avons déjà parlé de la Macé-doine; qui ne connaît la fertilité de l'Egypte eu métaux?Diodore de Sicile, qui suivait ici d'autres historiens

plus anciens, notamment Agatharchide de Cnide, enles contrôlant par ses propres renseignements, fait dé-couvrir, à l'aurore de la civilisation égyptienne, les

premières mines de cuivre et d'or dans la Thébaïde :ceC'est pourquoi, dit-il, des mines de cuivre et d'or« ayant été découvertes dans la Thébaïde, on en fa-ct briqua des armes, à l'aide desquelles on tua les bêteste et on cultiva la terre. — Aïo'-ïïEpÈVT-?I@-$aCibi ya)aoup-ecygi'tov sùpgGÈVTwvxal YOUGELWV,OTCAaTE xaTaGXEuaGaGGai,cebi eovTa GviptaXTgtvovTa; xal TYIVy?jv gpya^op.gvou; 1. »Quant à la Béotie, Denys le Périégète vante le fer de

ce pays comme célèbre dans l'antiquité :

AovîcoTu.YjQEÏ<7airoXuYXwy^tvici<$T]pep!.

eeLa mer divisée par le fer Aonien armé de plu-tt sieurs pointes. » II.s'agit du trident de Neptunefait de fer Aonien ou Béotien. Eustathe expliqueainsi ce vers, dans son commentaire de Denys lePériégète : ec Le poète dit fer Aonien comme qui' te dirait Béotien; car les Aoniens étaient un peuple(t barbare, qui habita jadis la Béotie, où Neptune était•« honoré : quant au fer Aonien, ce n'est assurément« pas le meilleur. — 'Ao'vtov bi Gi^Yipov ~ki^zi, w; <xv TI;« émoi BOWOTJOV."AOVE;yàp g'Gvo; Papêapov oïx-TÏGâvTOTE ÈV•« BoitoTia, gvGa iloGgiàwv ÈTip-âro, xal où O\]'TTOUxaTAiGTo';« etmv ô 'Aovto; Gibmoç, »

1. I, 15; conf. III, 11.: 2. Perieges., 47G.

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Cependant un des scholiastes du poète assure posi-tivement que de la Béotie on tirait le meilleur fer:e< "ApiGTOç yàp tvôev aibtiçoç. »Il y a ici un milieu à prendre, tout en reconnaissanl

que le poète a dû choisir un fer distingué pour fabri-

quer le sceptre du dieu des mers.

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CHAPITRE III.

CORYBANTES ET CURETES.

Raisons qui ont obligé de réunir les Corybantes et les Curetés sous unmême chapitre.

Corybantes; leur origine. — Primitivement établis dans la Troade. —Ils se rendent en Samothrace. — On les a fait venir aussi de la Bac-triane et de la Colchide, contrées riches en métaux. — Ils séjournenten Eubée. — On les voit à Chypre, patrie du cuivre. — Ils visitentla Crète.

Curetés; leur origine. — Leur première résidence est-elle la Phrygie oula Crète? Division des anciens sur ce point. — On prouve qu'ilsétaient Phrygiens. — Rôle particulier qui les distingua des Corybantes.— Ils se rendent en Samothrace, dans la Crète et dans l'Eubée. —Fécondité de cette dernière île en fer et surtout en cuivre. — LesCorybantes et les Curetés firent les premiers des boucliers, des casqueset des lances.

Les Corybantes et les Curetés confondus et donnés comme identiquespar quelques auteurs. — Moyen de démêler leur ambiguïté indiquépar Strabon. — Ils marquent un perfectionnement dans l'art métal-lurgique.

Représentez-vous deux courants sortis d'une mêmesource, allant d'abord parallèlement, réunissant en-suite leurs eaux, se séparant encore, et enfin se con-fondant une dernière fois pour disparaître ensemble,et vous aurez une image assez fidèle de l'histoire desCorybantes et des Curetés. Ce sont les membres lesplus intimement unis de la famille que nous étudions,unis parfois jusqu'à ne pouvoir être divisés, parfois

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assez distincts pour garder une sorte d'individualité.De là résultait l'impossibilité de les considérer sépa-rément, comme aussi de les réduire à un même per-sonnage. J'ai suivi leur existence dans tous ses acci-dents ; j'ai réglé ma marche sur le cours de leurdestinée.

CORYBANTES.

Voici les plus populaires des Génies mystérieuxdont nous cherchons à pénétrer le caractère primitif.Ils durent cette célébrité à la musique bruyante etaux danses fanatiques qu'on leur faisait exécuter :leurs mouvements devinrent des ternies de compa-raison, et leur nom une métaphore de la langue. Cesattributions finirent même par prévaloir à tel pointqu'elles effacèrent presque le caractère primitif. Sui-vons cependant le guide que nous avons choisi. Ce serala première fois sans doute que la géographie phy-sique aura conduit, en indiquant les productions du

sol, à la solution d'une question mythique et reli-

gieuse; mais, si elle nous conduit sûrement, l'exemplesera bon à suivre.

Phérécyde, selon Strabon, faisait les Corybantesfils d'Apollon et de Rhytie, et il en comptaitneuf: ce <&zçty.\>b-i\c,b' i\ ATTOÀACOVO;xal 'PuTta; KoouëavTa:ce Èvvga '. »Au dire d'Apollodore, les Corybantes naquirent de

Thalie et d'Apollon : « Oa'Xgîa; c^g xal 'AirolX.wvo; iyévorroce KopuëavTEç 2. »

1. X, p. 472.2. I, 3, 4.

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Tzetzès a reproduit cette opinion dans les mêmestermes 1.Évidemment la musique des Corybantes, qui influa

tant sur leur destinée, leur fit supposer cette origine.ceCependant, nous dit Strabon, quelques-uns encore« prétendent que les Corybantes sont fils de Saturne,« d'autres de Jupiter et de Calliope, étant les mêmes« que les Cabires. —"ETI bi Kpo'vou TIVE;TOÙ;KopuêavTa;,ceaXloi bi TOÙAw; xal KaXAioV/); cpaGl , TOÙ; aÙTOÙ; TOI;te Kaëeipoi; ovTa; 8. »Ce dernier membre de phrase a paru embarrassant

à Lobeck : « Quo loco et in tota Strabonis relatione« molestiam nobis facessit vox ambigua oî aÙTo£\ »Mais l'identité ne portait dans l'esprit des anciens cri-

tiques que sur le rôle principal et le caractère essen-tiel de ces personnages; or, à cet égard, ils étaientdans le vrai. C'est ce que nous voulons montrer, etce que n'a pas vu ou n'a pas voulu voir Lobeck,guide peu sûr et peu sincère dans l'histoire des reli-gions antiques.Le lieu de leur première résidence fut la Troade ;

on le peut induire du passage suivant de Strabon :« Les lieux, dit-il, consacrés au culte de ces Génies-là« sont inhabités, comme, par exemple, leCorybantion,« dans l'Hamaxitie, actuellement du territoire des« Alexandréens, près de Sminthion, etCorybissa, danste la Scepsie. Et il est vraisemblable, prétend Démé-« trius de Scepsis, que les Curetés et les Corybanteste sont les mêmes, qui, jeunes garçons et adolescents,1. kàLycophr., 78.2. X, p. 472.3. Aglaopham., p. 1143.»

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ce se trouvent chargés d'exécuter une danse en armesce pour célébrer les cérémonies religieuses de la mère« des dieux. Et, en effet, le mot Corybantes dérive dece xopuiuTovTa; (îaiveiv, marcher en se heurtant avec unce mouvement de danse. — "EGTI b' àoixY]Ta rk yuface TYJ; TWV datp.o'vwv TOUTWVTip/Tj;

' TO re KopuëavTtov TO ÈVTT,te 'Ap.ai;ma TYI; VOV'A'XEctave^pÉwv)(wpa; êyyù; TOÙSpuvGtou, xaice -fiKopuëiGGa èv TYJ'2x7]i]ua. IIiGavov bi, ep-ziclvô SXYÎ^IO;, KOU-ce pîiTaç pàv xal KopuëavTaç givat Toù; aÙToùç, oî TCgpl TexçTrçee MYiTpà; TCOVGEWVàytGTEta; Tvpo; Èvo'7rX.iovô'p^YiGiv YVÎ'GEOIxalee xo'pot, Tuy^cxvouGi TOepEt,XY]p.p.Èvoi.Rai KopuëavTE; bï, âiro TOÎce xopuTCTOVTa; (3atVEtv ôpvjiGTixw; 1. »Une preuve plus positive, c est celle que nous four-

nit Plutarque, dans un passage qui nous apprend enmême temps que l'on regarda nos métallurges comme

ayant fait partie des Génies déchus de la vie divine,et condamnés à être emprisonnés dans un corps hu.main : ceCeux, dit-il, qui se tenaient autour de Saturnece ont assuré qu'ils étaient eux-mêmes du nombre desce meilleurs de ces Génies, et qu'ils furent d'abord lesce Dactyles Idéens en Crète et les Corybantes dans lace Phrygie. —'Ex bi TWV (klTioywv exgtvwv oî TE mpl TWce Rpovov OVTE;, Ê'epacav aÛToù; sïvac., xal Tvpo'TgpovÈv TYJKpiÎTjce TOÙ; TeWouç AaxTuAou;, EV TE 4>puyta Toù; KopuëavTaç fi-ee vgoGat*. »De la Troade les Corybantes passent en Samothrace.

Strabon, après nous avoir parlé de leur généalogie,ajoute : ce Et l'on dit qu'ils passèrent dans la Samo-etthrace, appelée auparavant Mélité.— 'AUE'XGSÎV$

1. X, p. 473.2. De Fac. Lun., t. IX, p. 722, éd. Reisk.

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ee epaGiv TOUTOU;Et; 2ap.o6paxYiv, xaX.oup.gVY)virpoTgpov Mski-« TYIV1.» Et quelques lignes plus loin, continuant lacitation de Phérécyde que nous avons rapportée :ceefspgxutVfl;bi >.Éygt oiXYJGataÙToùç Èv 2ap.ôGpaxY].

— Phéré-eecyde dit qu'ils habitèrent en Samothrace. » Lyco-phron appelle la Samothrace Yétablissement bien for-tifié des Corybantes, Èpup.vov xTtGpia KupëavTwv, 2aovs;Priscien, la haute Samothrace des Corybantes:

Post CorybantumMoenibus antiquis Samothracia cernitur alta 3;

et Denys le Périégète, signalant la ville du même nom

que l'île, la nommera capitale des Corybantes :

.... 0pY|ïxÎ7) TS2a(X0ç, KopuëocvTiova<JTU4.

Jusqu ici, c'est le même itinéraire que celui des

Cabires, et nous pouvons faire valoir les mêmes rai-sons minéralogiques pour les uns que pour les autres;suivons-les, et les métaux nous vont expliquer pourquoion leur assigna telle résidence plutôt que telle autre.Nous avons dit qu'ils avaient dû partir de la Troade ;

mais on leur assignait une origine plus lointaine :« .D'après Strabon, selon quelques-uns, les Corybantes« furent donnés par les Titans à Rhée comme des« serviteurs armés venus de la Bactriane ; selon d'au-« très, de la Colchide. — Ol V ûwo Tt/ràvwv 'Pg'a àoGïivaite it/poTTOAou;ÈvôVXou; TOÙ; KopuêavTa; Èx TYÎ;BaxTpiav/iç âepi-

L X, p. 472.2. Alexandr., 78.3. Perieges., 546 sq.4. Perieges., S24.

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« ypivou;' oî o° ÈXKOV/WV cpaGiv1.» Or, pourquoi les avoirfait venir de la Bactriane et de la Colchide ? La raisonen est claire : ces deux pays étaient également re-nommés pour le nombre et la richesse de leursmines.Dans un extrait de YHistoire de F Inde de Ctésias,

Photius nous dit : ceII y a dans ce pays de l'argent ente abondance et des mines d'argent non profondes;ce mais Ctésias assure que celles de la Bactriane sontce plus profondes. — VEGTI de aÙTo'Gt, apyupo; TTO'XÙÇxalee âpvjpsa'p.gTa^a, où paGéa, âlXa (BaQuTgpa givat <p-/iGiTa h« BaxTpoi; 2. »

Quant à la Colchide, ses mines d'or, d'argent et defer étaient si productives qu'elles auraient suffi, au

jugement de Strabon, pour justifier l'expédition quePhryxus et beaucoup d'autres après lui entreprirentcontre cette terre : ce 'O TJAOÛTO;T-?J; èxeï x^Paç > v/- ™vee vpuGgiwv xal àpyupEtwv xal Gi&YipEtwv, xal eîtxatav Ttvà ûiïa-ee yopguEc TTpo'epaGtvTY;; GTpaTgta; 3. »C'est encore la présence des métaux qui nous va

donner le mot de quelques traditions regardées jus-qu'ici comme des énigmes indéchiffrables.

Le scholiaste de Venise, interprétant le nom de Xal-xl; donné par Homère à une espèce d'oiseau, nous dit :a Quelques-uns prétendent que Chalcis est la mèrece des Corybantes. — Oî bi TYIV p//)TÉpa TCOVKopuéavTwvce Xoùxiboc tpaGtv 4. » Il ajoute que cet oiseau, selon les

traditions, n'était qu'une héroïne métamorphosée,

1. X, p. 472.2. Biblioth. cod. LXXII, p. 46, éd. Bekker.3. I, p. 45.4. Ad II. S', 291.

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et que son nom lui venait ou de la couleur de son

plumage cuivré, ou de ce que l'héroïne, pendant savie humaine, avait habité Chalcis, en Eubée.

L'allégorie est transparente ; tout nous parle ici ducuivre, yaly.%, et nous y voyons une allusion mani-feste aux armes et aux instruments à'airain dont seservaient les Corybantes, et dont ils étaient les inven-teurs, comme il sera montré tout à l'heure. Nous ytrouvons surtout une preuve que les Corybantes, aussibien que les Curetés, séjournèrent dans l'Eubée, l'îlela plus richement pourvue de cuivre après Chypre.Ce nom de Chypre nous conduit à une tradition

moins connue et plus curieuse encore que la précé-dente. Servius,' dans son Commentaire sur Virgile ,rapportant les étymologies que l'on donnait du mot

Corybantes, dit que les uns le dérivent de xo'pYi(jeunefille), surnom de Proserpine; ce D'autres, continue-« t-il, prétendent que les Corybantes sont ainsi nom-cemes du cuivre, parce qu'à Chypre il y a une mon-te tagne riche en cuivre, que les Cbypriens appellent« Corium. 1. — Alii Corybantes ab aère appellatos, quod« apud Cyprum mons sit oeris ferax, quem Cyprii Co-« rium vocant!. »De cette dernière opinion il faut conclure que les

Corybantes furent regardés comme ayant habité Chy-pre ; car autrement on ne concevrait pas que, le cui-vre se trouvant si abondamment dans tant d'autrespays, on eût précisément songé à tirer leur nom d'unemontagne de Chypre parce qu'elle était abondante en

1. Lisez plutôt Corion, du grec xdptov (petite fille), diminutifde xôpY).2. Ad,»*.,m,m.

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cuivre. La tradition nous dit à demi-mot, mais assez

clairement, que, comme dans l'Eubée, les Cory-bantes forgèrent à Chypre leurs armes et leurs instru-ments d'airain, et que cette terre leur en fournit am-

plement la matière.Voilà ce qui sort du passage de Servius, et ce qui

nous rend cette phrase de son Commentaire si pré-cieuse. Que penser, après cela, du jugement si dédai-

gneux et si peu critique de Lobeck, qui, après avoircondamné quelques gloses de grammairiens et de lexi-

cographes , ajoute : ce Nec Servii ratio habenda adte Mn. III, 111, etc. ? ' » Sans doute Lobeck ne se pré-occupait point de l'idée générale qui nous sert de

guide dans ce travail ; mais de quel droit dire absolu-ment d'un texte, qui peut être si diversement utile,qu'on n'en doit tenir aucun compte : Nec ratio ha-benda ? Pour moi, je suis heureux du renseignementinespéré qui m'est venu apprendre le séjour des Cory-bantes à Chypre, cette terre, patrie du cuivre, appeléecuivreuse par excellence, oerosa*, et dont le nom es!devenu celui du cuivre même.

Que les Corybantes aient visité aussi la Crète, c'es!une conséquence inévitable de leur inséparable unionavec les Curetés. Mais'du reste Nonnus le dit expressé-ment, en appelant cette île Corybantide, séjour des

Corybantes :

Où Suvaixat Kp7)T7)$KopuêavTiSoe; CCGTU7tEprje;at3.

1. Aglaopham., p. 1156.2. Festus nous dit, en effet : « JErosam appellaverunt antiqi»

« insulam Cyprum, quod iu ea plurimum airis nascatur. (V. Mro-sâm.) »3. Dionys., XXXV, 381.

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ceJe ne puis traverser la cité de la Crète, séjour desceCorybantes. »

Ainsi, tous les pays où Ton a fait résider les Cory-bantes nous les signalent déjà comme des métallurges;et les deux traditions que nous venons de rapporternous les montrent comme s'occupant du travail desmétaux. L'antiquité croyait qu'ils avaient fabriquéeux-mêmes les armes et les instruments dont ils se

servaient; on le verra plus clairement au sujet desCuretés. Euripide, nous transportant à une époqueoù les Corybantes étaient attachés au culte de Bac-chus,les représente armés d'un triple casque et lesfait inventeurs du tambour, du cercle couvert de cuirtendu : Tpixo'puGg; (îupGOTOvovxux'Xwp.a KopuëavTg; gûpovl.

CURETES.

Passer des Corybantes aux Curetés, c'est à peinechanger de sujet ; nous dirons cependant aussi ce queces derniers semblaient avoir de particulier.D'après Strabon, Hésiode, dans quelqu'un de ses

ouvrages, faisait les Curetés fils des filles d'Hécatée etde la fille de Phoronée, et les appelait dieux amis de' la gaieté, dieux danseurs : te 'HctodNj; 'ExaTatoo xal TYJ;« ttopcovs'w;GuyaTpo; TCEVTEygvg'oGai.GuyaTgpa; tpYiolv, et* wv

:-, « KouprjxÉçTE6EOI,eptÀo7raiY[Jt.ov£<;°py_Y|<TTYJpE<;!.»

J accepte le vers; mais je ne puis admettre cette sin-gulière généalogie, qui pousse jusqu'à la troisième gé-

1. Bacch., 123.2. X, p. 471.

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nération, sans nommer ni la mère, ni le père, ni la

grand'mère; le passage est évidemment altéré. Quanlau grand-père Hécatée, autre altération à laquelle neremédie point Welcker, en lisant 'Exa/rou, épitbète d'A.

pollon; il n'est guère admissible, quoi qu'en ait dit

Lobeck', que l'on eût désigné le dieu, dans ce cas,par une épithète seule.

Toutefois, le même Apollon, d'après d'autres té-

moignages, leur est donné pour père : ce Les Curetés,ce rapporte Tzetzès, étaient fils de Danaïs, nymphece crétoise, et d'Apollon; et les Corybantes, fils dtce Thalie et d'Apollon. — Oî p.àv Koup-^TEç Aavatào; WJI-ce ep-/j; KpYÎGGYi;xal 'ATÏO''X'XWVO;izcubeç oî bi KopuëavTe; 02-ce Agta; xal ATTO'A'XWVO;S. » Cette fraternité expliquerai!naturellement leur ressemblance historique.Il y en avait aussi qui les disaient fils de la Terre,

et armés de boucliers d'airain: ce"AAAOI bi TYiygveïçiice yaAxaGTïi&a; 3. »Les Curetés eurent-ils le même berceau que lesCo-

rybantes ? Les anciens se sont vivement partagés si»ce point, les uns faisant les. Curetés Cretois, les autres,

Phrygiens.L'auteur de la Phoronide, au rapport de Strabon,

faisait les Curetés joueurs de flûte, et Phrygiens : « 'ce à g TYIVcfopcovîda ypa'tpa;, ccokrtrkç xal <ï>puyx; foù; Ko'jp'flîce ÀgyEt 4. »

ec Ceux-là, continue le géographe, prétendentqce ce ne sont pas les Curetés, mais les Corybantes, q

1. Aglaopham., p. 1116.2. Ad Lycophr., 78.3. Strab., X, p. 472.4. X, p. 472.

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cesont Phrygiens, et que les premiers sont Cretois. —

ceOî o"'où TOÙ;Koup-flTa;, àXkk TOU; RopùëavTa; tjpuya;, ÈXSI-cevou; bi Rp-flTa;. »Démétrius de Scepsis, autorité grave en toute ren-

contre, mais particulièrement ici, où il parlait de l'his-toire de son propre pays, étant de Scepsis, dans la

Mysie, et qui avait en outre recueilli les traditions my-thiques dont nous nous occupons, comme l'attesteStrabon ', Démétrius plaçait les Corybantes et les Cu-retés dans la Phrygie, auprès de Rhée ; nous l'avons vu

plus haut. Il faisait naître aussi Jupiter dans la même

contrée, nous le savons par le scholiaste d'Apolloniusde Rhodes : ee Les Tioyens, nous dit-il, revendiquentceaussi la naissance de Jupiter, ainsi que l'assure Dé-« mélrius de Scepsis. — 'AvTnrotoùvTat xal Tpws; TYJ;TOÙ« Aiôç ygvÉGgw;, xaGa epYiGiAYip.YÎTpio;6 Sxr^io?*. »'Comme Démétrius, Ovide met les Corybantes et les

Curetés près du berceau de Jupiter en Phrygie :

Pars clypeos sudibus, galeas pars tundit inanes ;Hoc Curetés habent, hoc Corybantes opus 3.

ceUne partie frappe des boucliers avec des pieux,« une partie des casques vides; les Curetés sont char-« gés de l'un de ces exercices, les Corybantes, de« l'autre*. »

i. X, p. 472.2. Ad Argonaut., III, 134.3. Fast., IV, 209.4. Sainte-Croix, dans ses Mystères, rappelant ces deux vers

tl Ovide, nous dit : KOvide représente les Corybantes occupés"avec les Curetés a fabriquer des armes défensives. (P. 57,'.« lreéclit., et t. T, p. 79, -2" édit.). »

Que nous paile-l-il là d'armes // fabriquer? elles sont fabriquées6

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Sénèque, au contraire, place la même scène et lesmêmes personnages dans la Crète :

Fleat Alciden caerula Crète ;Nunc Curetés, nunc Corybantes,Arma Idoea cpiassate manu *.

ee Que la Crète, baignée de la mer azurée, pleurece Alcide ; maintenant, Curetés, maintenant, Coryban-ee tes, de votre main Idéenne agitez vos armes. »

Aristide, on le conçoit, revient à l'Asie Mineure etfait de sa ville de prédilection le théâtre de l'événe-ment : c'est à Smyrne qu'il place les Curetés, qu'il faitnaître Jupiter. Parlant de l'ancienne Smyrne sur le

'montSipyle : ce C'est là certainement, dit-il, que l'once rapporte que sont et les demeures des dieux et lesce choeurs de danse des Curetés autour de la mère de« Jupiter. — Où brt Ta; TE GEWVEÙvà; givai lÉyouGi xal TOÙ;ce RoupYÎTwv yopoù; rapl TYIVTOÙAIOÇp.Y]TÉpa!. » Et ailleurs,s'adressant à Commode, qui faisait son entrée à

Smyrne : ce Tu te souviens donc, dit-il à l'empereur,et d'avoir entendu les antiques récits touchant notreet ville, cette naissance de Jupiter et les choeurs deet danse des Curetés. —Ta piv oùv izaCkank pip-v/iGat âxou-tt caç, Ato; Tiva yévgGiv xal yopgia; RoupYfrwv 3. »Cet antagonisme d'exemples qu'il serait aisé de pro-

depuis longtemps ces armes ; il a pris tundit pour fabriquer. Est-ceque le baron de Sainte-Croix n'aurait pas mieux su le latin que legrec par hasard ? Dans tous les cas, je le demande, quelle con-fiance méritent des recherches où l'on trouve de pareilles mé-'prises ?1. Herrul. OEt., 1877.2. T. I, p. 372, éd. Dind.3. T. 1, p. 440, éd. Dind.

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longer, et que l'on pourrait compliquer des préten-tions de plusieurs peuples 1, aboutit, à ce résultat : le

plus grand nombre des témoignages fait naître et éle-ver Jupiter dans l'île de Crète, et lui donne les Curetésseuls pour serviteurs.De là on serait porté à conclure que vraisemblable-

ment les Curetés furent Cretois ; mais ce serait uneillusion. Je crois pouvoir établir, et par un témoignagequi ne sera pas suspect, que ces serviteurs étaient

Phrygiens. Il n'est pas de peuple assurément qui fût

plus intéressé que les Cretois à faire naître les Curetésaussi bien que Jupiter dans leur île ; voici cependantce que nous lisons dans Strabon : te Dans les histoireste Cretoises, les Curetés sont dits nourriciers et gar-cediens de Jupiter, qui furent appelés par Rhée de lacePhrygie en Crète. — 'Ev bi TOÏ; Rp-iTixoï; Aoyot; oî Rou-te pviTg; Ato; TpoepEÏ; 'XlyovTai xal epù^axg; Et; RpYiV/iv ÈX<Î}ÛU-ccy ta; p.ETaTïgp.cpGEVTEçÙTCOTYJ; PÈa; 2. »

Après avoir donné le jour à Jupiter dans la Crète,Rhée fit donc venir de la Phrygie, du siège principalde sa puissance, des Curetés pour élever et protéger son

jeune fils, et lui aider à elle-même à déjouer la vora-cité de Saturne. Rappelons-nous maintenant l'impo-sant témoignage de l'auteur de la Phoronide, et nousaurons tout droit de conclure que, comme les Cory-bantes, les Curetés étaient Phrygiens.

1. « 11serait impossible, dit Pausanias, à celui-là' même qui s'y* appliquerait avec soin, d'énumérer tous les peuples qui pré-« tendent que Jupiter est né et a été élevé chez eux. — nâvToeç1 xocT5!pi6[/.ï]<ja(j6aixai TtpoôujjcYiOÉvTiairopov, bizoaoi OÉXouaty^Eciôai1 xcùTpasîjvai Trapa enptcriAîa (IV, 33, 2). t.2. X, 472.

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Ici je ne dois pas négliger de rappeler une tradi-tion peu connue, qui voulait que Rhée, après avoirdonné le jour à Jupiter en Crète, eût chargé troisCretois assermentés de transporter le divin enfanldans la Phrygie ; nous trouvons cette tradition chezun poète sibyllin, ce Rhée, dit-il, mit au monde unce enfant mâle, qu'elle envoya promptement en Phry-cc gie, afin qu'on l'y élevât en secret et à l'écart, aprèsce avoir choisi pour cette mission trois Cretois engagésec par serment. »

'PéY] TSXEVOCpCEVOCTtocTSct,*

Tov TGC^E'CUÇSlËTTEtiq/EÀotQpv)îSb] 0= TpSCBE<<6ai,'Eç OpuYiyjv, Tpsi; avopa; Ivdpxouç KpYJTocc;ê/.oïïaa 1.

Cette précaution de la déesse ressemble beaucoupà la défiance, et fait songer au proverbe qui avaitcours contre les Cretois : Rp-^Tg; àsl digùcTat : Les Cre-tois sont toujours menteurs*.Mais si les Corybantes et les Curetés eurent une

même patrie, jouèrent-ils aussi le même rôle auprèsde Jupiter ? Nous avons avancé que le plus grandnombre des témoignages donnait au dieu enfanl lesCuretés seuls pour serviteurs; c'est un point que noussommes tenus, avant d'aller plus loin, de mettre plei-nement en lumière, car il constitue une des princi-pales différences qui séparent ces Génies entre eux.Déjà nous avons entendu Aristide nous parler à

deux reprises des Curetés comme seuls chargés deveiller sur l'enfance de Jupiter; écoutons Apollodore.

1. Oracula Sibyll.,l\\, 138 sqq.2. Callimachi Hymn. in /av., 8.

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Il raconte que Rhée, indignée de voir Saturne lui dé-vorer tous ses enfants, se retira dans l'île de Crète,lorsqu'elle fut enceinte de Jupiter, et que là, après luiavoir donné le jour dans l'antre de Dicté, elle le confiaaux Curetés et aux nymphes Adrastée et Ida : te En« conséquence, ajoute le mythographe, les nymphes,« de leur côté, nourrissaient l'enfant du lait de la« chèvre Amalthée, et, de leur côté, les Curetés en« armes, gardant le petit dieu dans l'antre, frappaient« leurs boucliers de leurs lances, afin que Saturnete n'entendît pas la voix de l'enfant. — AÙTai piv oùv TOVtt 7raîda ETpEtpovTCÙTYJ; Ap-alGEia; yaXaXTt.

' oî dÈ KoùpYiTs;« £VOT:AOI,gv TCÔàvTptii TO ppÈcpo; epuAaGGOVTs;,TOÎ; do'paGi Ta;ceàfJT.ibac, cuvgxpouov, iva' p.Y) TOÙ Traid^o; epwvô; ô Rpdvo;« caoùV/; '. »Aralus nous dit aussi : ecLorsque les Curetés de Tan-

te Ire de Dicté trompaient Saturne. »

AIXTOTOIKoôpï|TE<;oie Kpo'vov!I{/SÔSOVTO2.

Et semblablement Apollonius de Rhodes : ee Lorsque<<Jupiter était encore élevé sous l'antre de Crète, au« milieu des Curetés Idéens. »

'0 8=RpY)tacovÛ7c'avrpovZïÙÇEUKoup^TEGStp.£TETpE'tpET'ToaioidtV S.

Et Lucrèce, les yeux sur les modèles grecs :

Dictseos referunt Curetas, qui Jovis illumVagitum in Creta quondam occultasse feruntur'.

L 1,1,3.2. Phxnom., 35.3. Argonaut., IT, 123 sqq.'*. II, 033 se).

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Je ne multiplierai pas davantage les exemples; ilest cependant encore un ordre de témoins que nousdevons écouter, ce sont ceux qui parlent aux yeux àl'aide des images matérielles et contemporaines du

passé ; aussi bien l'érudition pourra éclaircir ici une

question d'art.L'éducation de Jupiter et les circonstances qui l'ac-

compagnèrent formaient une scène d'un intérêt lou-chant et dramatique, que les arts du dessin reprodui-sirent souvent.Le bas-relief qui décore la troisième face de l'autel

quadrilatère du Musée Capitolin1représente deux Cu-

retés coiffés du casque, frappant leurs boucliers deleurs épées en présence de Rhée, tandis qu'entre cesserviteurs Jupiter est allaité par la chèvre Amaltbée.Mais on demandera peut-être s'il ne serait pas loi-

sible de voir ici des Corybantes. Je réponds non, enme fondant sur les passages que je viens de citer. Je

pourrais alléguer encore un vers de Claudien, où,sans décrire la scène de l'antre de Dicté, le poète nous

représente, comme le bas-relief, la mère de Jupiterregardant complaisamment les épées dégainées desCuretés.

. Seu strictos Curetum respicis enses 2.

Deux médailles précieuses, publiées pour la pre-mière fois par Ch. Patin 5, nous offrent le même ta-bleau.Sur la première, frappée par les Laodicéens, sous

1. T. IV, tab. 7.2. Rapt. Proserp., Il, 270.3. Thesaur. Nitmism. a Petr. Mauroceno, p. 74 et 82.

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Caracalla, on voit Rhée tenant Jupiter dans ses bras,et autour d'elle trois Curetés qui la protègent du bruitde leurs boucliers.Sur la seconde, frappée sous Maximin, Rhée est

aussi entourée de trois Curetés, qui font retentir leursarmes.Je ne dois point omettre de signaler une troisième

et rare médaille qu'a publiée P. Séguin '. Frappée parles Apaméens, sous Dèce, cette monnaie reproduit,avec quelques détails de moins, le revers de celle desLaodicéens : trois Curetés armés couvrant de leur

protection la mère, qui tient son enfant dans ses bras.Je dis Curetés pour les raisons apportées plus haut,et sans laisser, comme le savant numismatiste Séguin,la faculté de voir ici des Corybantes, si mieux onaimait : ce Quis non videat viros illos très Curetés« esse aut Corybantes ? »

Remarquons encore au sujet de ces médaillesqu'elles appartiennent à la Phrygie, et que ce sontpar conséquent autant de voix qui réclament pourcette contrée le privilège d'avoir servi de berceau àJupiter. Toutefois, ces nouveaux témoignages n'enlè-vent point à la Crète la supériorité que nous avonsconstatée en sa faveur.C'est donc un fait bien établi que l'antiquité confia

généralement aux Curetés seuls la garde de Jupiterenfant. Et puisque nous en sommes sur les différencesqui les pouvaient distinguer des Corybantes, disonsaussi que les Curetés figurent généralement au nombrede trois.

1. Select. Numism., p. 188.

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Comme les Corybantes, les Curetés passèrent-ils dela Phrygie en Samothrace ? Lors même qu'aucuntexte ne le dirait explicitement, le silence n'autorise-rait point ici la négative; car rien n'assure que l'affir-

mation, qui a été si positive relativement aux Cory-bantes, ne comprend point les Curetés : nous avons

vu, et nous verrons plus clairement encore, que,pour beaucoup d'écrivains, ces deux noms désignaientabsolument les mêmes personnages. Mais je puis heu-reusement alléguer un témoignage positif. Dans

l'hymne orphique adressé aux Curetés, on leur dé-cerne comme litres à la vénération de faire retentirl'airain, de porter des armes martiales et d'être leshabitants de la Samothrace, terre sacrée :

Oï TE2!au.o6pr'x7)V, t£pr,v /Ôova, vaiETOtovTE;1.

Et quelques vers plus bas, le poète, confondant lui-même les Curetés avec les Corybantes, va jusqu'à les

appeler rois de la Samothrace : Roup-^Tg; RopùêavTg;, ÈV

2ap.o6pYÎXYiavaxTg;.Suivons maintenant les Curetés où la tradition leur

faisait jouer leur plus grand rôle, dans la Crète. Aprèsce qui a été dit de la richesse métallique de celte

terre, avons-nous besoin d'ajouter qu'ils durent s'ytrouver non pas seulement comme gardiens de Jupi-ter, mais comme métallurges ? Suivons-les donc dansune autre île, dont le sol devait exercer sur eux uneattraction encore plus puissante que la Crète, dansl'île d'Eubée.Le sol de la Grèce fut riche en mines de cuivre,

1. Hymn. XXXVIII, 1-4.

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témoin les noms si fréquents de Chalcé, de Clialcis,de Chalcitis, donnés à des îles et à des villes, et quine peuvent dériver que de yalxo;, cuivre, et indiquerque ce métal abondait en ces différents endroits. Lenom de Chalcis, en Eubée, n'a pas d'autre origine.Etienne de Byzance, passant en revue les étymologiesque l'on donnait de ce nom, arrive à la véritable etdit : ec Mais quelques-uns assurent que les Chalci-ecdiens furent appelés de ce nom à cause que l'on vitcechez eux pour la première fois des fonderies fiececuivre. — TivÈ; bi XaAxid^EÏ; tpaGt x^viG-^vat bik TO val-tt xoupygîa TTptÔTov77ap aÙTOÏ; oepGYJvai\ »11 n'y a qu'une voix, en effet, dans l'antiquité pour

célébrer l'Eubée comme fertile en cuivre. Le mêmeEtienne de Byzance y ajoute ailleurs le fer : ce II yceavait, dit-il, dans l'Eubée des mines de fer et deet cuivre ; car les Eubéens excellaient à travailler leet fer et le cuivre. — 'Hv bi xal aibr^ôi xal y^Axà p-éra^Aa« xaTa Eùfioiav • oî yàp EÙSOEI; c(.&Y)poupyolxal ycû\V.îïç expi-éeGTot2. » Quel séjour convenait mieux aux divins

métallurges dont nous faisons l'histoire? Aussi est-celà qu'on raconte qu'ils se montrèrent les premierssous des armes d'airain ; Strabon nous dit : ce D'au-« très rapportent que les Curetés revêtirent les prê-te miers des armes d'airain dans l'Eubée, et que ce« fut pour cela qu'on les appela aussi Chalcidéens« (cuivrés).— Oî bi 'XgyouGi.TUEptGE'cGaiTOU; RoupYÏTa; 0Tt>.a« yy.hià TvpcdTou;ÈV Eùëoia' bib xal Xa'Xxc.dg'a; aÙToù; x/vYi-eeGr.vai3. »

C V. XotAxCç.2. V. AWrieJ/oç.3. X, p. 472.

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Eustathe, dans son commentaire sur Denys le Pé-

riégète, confirme ainsi la tradition : ee On racontece qu'il y a aussi dans la Chalcis d'Eubée des mines dete fer et de cuivre, et que l'on trouve en cet endroitce d'excellents forgerons. On dit encore que non-seu-ec lement là furent découvertes les premières mines dece cuivre, mais que les Curetés y revêtirent encorece pour la première fois le cuivre avec Jupiter. — 'IGTO-ee pgiTat bi xal GidYi'pou xal ya^xoù y.éraXkcn g'cvai xaTa TYJVce EùëotXYiV Xa'Xxtoa, xal OTI.â'ptGTOi Èxst cid\)poupyot

• xal OTIce où p.o'vov gxgï TCpédTovtacpGYiyctky.EÏa., àXkk xal irptoToi yjx~ky.wec Èxgî ÈvgouGavTO Roupr.Tg; p.gTa Ato'; 1. »Nonnus fait de l'Eubée la principale résidence des

Corybantes et des Curetés, et il les représente, lorsqueBacchus prépare son expédition contre l'Inde, levant

pour lui un corps d'Eubéens.Le poète, après les avoir

appelés Corybantes, les nomme un peu plus bas Cu-

retés, et caractérise ainsi le genre de vie de ces Gé-

nies, te Pour qui la vie était le chant des flûtes, le bruitce des épées agréablement retentissantes, et qui avaientec pour exercice de mouvoir leurs pieds en cercle avecce un certain rhythme, et d'exécuter des danses arméesce de boucliers. »

' OTç piXoç aÙAwv,Oïç pîoç EûXEÀbcScovÇecpscovXTUTOÇ,oïç xivt (5u6péoKuxAa TIOSCOVp.E[/.ÉÀr,TO,xat cxaTriooEcrcTayopEiY]8.

Maintenant, quels furent les auteurs de ces armes,telles que boucliers, casques et lances ? Les Cory-bantes et les Curetés, sans contredit; car il n'est pas

1. Ad Perieges., 764.2. Dionys., XIII, 15b sejq.

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possible d'admettre que ces Génies aient recouru à de

plus habiles qu'eux. Du reste, Diodore de Sicile l'af-firme expressément;• parlant des Curetés: ce On ra-eeconte, dit-il, qu'ils imaginèrent et les épées et les« casques et les danses armées ; au moyen de quoi,« faisant de grands bruits, ils trompèrent Saturne. —

te Eûpsïv bi (ÎGTopoÙGt) xal È;t<pY)xal xpâVfl xal Ta; ÈvoirTaou;ceÔOVYÎGEI;,dY wv iroioùvTa; p.EyaXou; cjjcxpou;, Èt;a7ïaTav TOVceRpovov i. »

CORYBANTES ET CURETES CONFONDUS.

Ce passage de Nonnus nous sert de transition à ladernière phase sous laquelle' se montrent les Cory-bantes et les Curetés. Ici les deux courants, toujoursrapprochés jusqu'à se toucher, vont se confondre.Nous avons cité l'opinion de plusieurs anciens, quipensèrent que les Corybantes et les Curetés ne diffé-raient nullement entre eux ; il nous reste à citer quel-ques exemples de cette confusion.

Nonnus, on vient de le voir, les a déjà donnés dansle passage précédent comme les mêmes personnagessous deux noms différents. Ailleurs, après avoir mon-tré les Corybantes s'élançant au combat avec fureur,il ajoute : ec Et la population Indienne des pasteurs« habitants des montagnes était taillée en pièces par« le fer du Curète. » .

'OpEatraûXwvSEvopîwvIVSCOÏ]OESOCÏXTOYOVY)KoupvJTiaiSïjpeo2.

Il était difficile d'exprimer une identité plus cora-

1. V, 65.2. Dionys., XXIX, 216.

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plète. Longtemps auparavant Callimaque avait donné

l'exemple de cette intime assimilation dans YHymneà Jupiter, où il appelle Curetés, a*u vers 52, ceux qu'ilvient d'appeler Corybantes, au vers 46. Plus haut,nous avons déjà cité le vers où le pseudonyme Orphéesemble ne plus faire qu'un mot composé des nomsdes Curetés et des Corybantes : Roup-^TE; RopuêavTE;.Faut-il donc se résigner à laisser les Corybantes el

les Curetés comme des personnages dont rien ne

pourra jamais préciser l'équivoque et démêler l'ambi-

guïté ? L'antiquité elle-même vient à notre secours.Strabon nous offre une distinction qui pourra toutconcilier : ce Dans la Crète, dit-il, se célébraient parti-ce cutièrement des fêtes en l'honneur de Jupiter, avecec orgies et concours de ministres, tels que sont lesce Satyres des fêtes de Bacchus. On les nommait Cu-cc rètes, sortes de jeunes gens exécutant en dansantce des mouvements sous les armes. Et pour expliquerec ces usages, on rappelait la fable relative à la nais-ec sance de Jupiter, fable où l'on représente, d'unce côté, Saturne, habitué à dévorer ses enfants aussitôtce après leur naissance, et, de l'autre, Rhée, s'effor-ce çant de cacher ses enfantements el de faire dispa-« raître le nouveau-né, et de le sauver autant qu'ilce était en elle. Ils ajoutaient que c'était à cause deec cela qu'elle avait pris pour aides les Curetés, lés-ée quels, entourant la déesse avec des tambours etce d'autres bruits semblables, et une danse en armesa et du tumulte, cherchaient par là à troubler Sa-e< turne, et à lui soustraire l'enfant, sans qu'il s'en« aperçût : et que c'était avec la même précaution« que Jupiter leur avait été remis, et qu'il avait été

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« élevé par eux ; de sorte que les Curetés furent ho-cenorés de cette qualification, soit pour avoir rempli« leur ministère étant adolescents et jeunes garçons« (xoùooi), soit pour avoir élevé le jeune (xoùpov) Jupiter«(car on donne les deux explications), jouant en« quelque sorte le rôle d'espèces de Satyres auprès decece dieu. — 'Ev TY;RpYjTY)Ta TOÙAià; îspà îdîw; ËirgTglgtToce \i.zr opyiaGp.où xal T0C.0UTWVTïpOTTo'Awv,olot Tîgpl Tov Atovu-« co'v giGiv oî SaTupoi

' TOUTOU;O ertVi3p.a^ovRoup-?JTa; , vÉou;ceTivà;, ÈvoVXwvXWYIGIVp.£T' opyj/jGgw; âiTOàioMvTa;, TOOGTYI-

cecap-EVOtp.ùGovTOVTcepl TY]; TOÙALO;ygvÉGgw;• Èv el) TOVp.gv

ceKpovov gîcayouGiv EÎÔicp.Évov xaTaTïtvgtv Ta Tgxva àîro TYÏ;ceyEvÉGEfcj;EÙGU;

' TYIVas 'PÈav 7ïeipwp.èV/iv ÈT7txpu~TgG6at Ta;« woïva;, xal TO ^WYIGYIVPpÈtpo; ÈXTÏOOWVTCOIEIV,xal irepiaw-« Çgivgï; «"ûvap-tv

" T:OO;bi TOÙTOejuvgpyoù; 'Xaêgîv TOÙ; Roupv« Ta;, ol p.gTa Tup/jîavwv, xal TOtouTwv a)^wv cj/o'epwvxal Èvo-« T:\iou yopsiaç, xal Gopuêou, TVEpiÉTTovTE;TYJVGEOV,EX.TC'XYlÇeiVet EpEXXovTOV Rpovov, xal AYI'GEIVÙTCOGiïacavTE; aÙToù TOVte 77aîda" T?i o' aÙT-?iÈiup.g^sîa xal Tpgtpop.gvov ûir' aÙTwv mxpa-eeoîoocGai • COGG'oî Roupr.Tg; , YI'TOIoià TO vÉot, y.al xopot« OVTE;ÛTïoupygiTv,YI e^tà TO xoupoTpoepstv TOVAia CXsyETatceyap âp.tpoTEpco;) TauTYj; Y]c;i,coGY)GavTYJ; 7vpoGYiyopia;, oîovglceSaTupoi Ttvg; ô'vTg; rapt TOVAia. »

Ensuite, après avoir ajouté que les Phrygiensoffraient à Rhée le même culte que les Cretois à Ju-

piter, Strabon continue : ec Et les Grecs appellent leste minisires de la déesse Curetés, du même nom que« les ministres de Jupiter; non toutefois en vertu de« la même fable, mais à un autre titre, comme qui di-te rait des espèces de serviteurs ayant du rapport avecceles Satyres. Les Grecs appellent encore ces mêmes« ministres Corybantes. — Oî b' "EXXYivg;TOU;-npoTOAou;

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ce aÙTYJ; ôp.wvùp.w; RoupYjTa; Ig'youGiv, où p.Y)'v yg CXTCOTYJ;ee aÙTYJ; • p-uGoiroua;, à).!' gTgpou;, w; àv ùiroupyou; Tivaç,ce TOI; SaTÙpot; âvc&oyov. Toù; o aÙToù; xal RopùëavTa; xa-t< IOÙGI1. »

Remarquons que les Grecs auraient pu à la rigueurappeler Curetés les serviteurs de Rhée, en dérivantaussi le mot de xoupoTpoepgîv, puisque Jupiter était filsde Rhée ; mais il paraît d'après Strabon que, dans ce

cas, ils faisaient venir le nom de xoùpo;, en donnant

simplement à ce dernier substantif le sens de ÛTroupyék,aide, serviteur. On peut encore induire de ce passageque les ministres de Rhée s'appelaient indifféremmentCuretés et Corybantes, et ceux de Jupiter, Curetés. Et

par là s'expliquera comment le plus ordinairement onattribua les Corybantes à Rhée et les Curetés à Jupi-ter, bornant ceux-ci à la Crète, ceux-là à la Phrygie,et comment aussi assez souvent on confondit ou l'ondoubla les deux rôles dans les deux cas. La lumière sefait : les Curetés et les Corybantes formaient unemême classe de personnages chargés des mêmes fonc-

tions, mais qui servaient des divinités différentes, et

qui prirent, pour distinguer ce service, un nom par-ticulier.Le point de départ de ces Génies subalternes est la

Phrygie, et la souveraine qui les envoie est la mèredes dieux.Ainsi, par les pays où ils faisaient leur habituelle

résidence, par le goût naturel qui les portait à fabri-

quer et à manier des armes d'airain, les Corybantes etles Curetés appartiennent essentiellement à la métal-

1. X, p. 468 sq.

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lurgie. Ils marquent aussi un progrès sensible danscet art. Jamais jusqu'ici nos métallurges n'avaient rienexécuté de si délicat ni de si élégant; et même l'on

pourrait induire de la sonorité des armes que faisaientretentir les Corybantes et les Curetés, qu'ils connais-saient déjà l'alliage du cuivre avec l'étain. Clémentd'Alexandrie nous a dit : ce Celmis et Damnarnénée,« deux Dactyles Idéens, découvrirent les premiers lecefer à Chypre, el Délas, un autre Idéen, trouva Tal-éeliage du cuivre. » Quel est ce Délas ? Il désigne sansdoute un Corybante ou un Curète ; dans tous les cas,on doit voir en lui un membre de cette famille 1.Si quelque lecteur, curieux des matières que nous

traitons, jetait les yeux, après avoir parcouru cet arti-cle, sur de certains ouvrages où l'on s'est occupé dumême sujet, il trouverait sans doute que nous avonsappauvri le rôle de nos métallurges, des Curetés sur-tout, de plusieurs attributions importantes. On les a

transformés, en effet, en cultivateurs, en civilisateurset même en astronomes ; mais par quels moyens ? Pardes moyens qui ne sont pas à notre usage : en con-fondant les Curetés peuple avec les Curetés mission-naires de Rhée, bien que Strabon eût mis en gardecontre cette confusion, ainsi qu'on le verra à l'articledes Telchines; en donnant des inductions arbitrairespour des faits positifs ; enfin, en prêtant aux auteursce qu'ils n'ont dit ni voulu dire.

1. Dans le traité sur VOrichalque, je prouve, d'après des texteshistoriques, que l'alliage du cuivre avec le zinc doit remonter aumoins au milieu du quatrième siècle avant l'ère chrétienne; dupassage de Clément d'Alexandrie il résulterait que l'alliage ducuivre avec l'étain doit remonter à la plus haute antiquité.

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Si nous ouvrons, par exemple, le livre de Sainte-

Croix, nous y lisons: « 11 paraît certain que les Curetésce défrichèrent les premiers l'île de Crète et travaillé-ce rent à en civiliser les habitants. On leur attribuaitce même des connaissances en astronomie 1. » 'Ne luidemandons compte que des connaissances en astrono-mie ; où a-t-il fait cette découverte ? Jl nous renvoie,dans sa note, aux scholies de Théon sur les Phéno-mènes d'Àratus, au vers 35. Je m'adresse d'abord au

poète, et j'y vois que Jupiter, reconnaissant des soinsdévoués de ses deux nourrices, les plaça dans le ciel,où elles formèrent les deux constellations de la grandeet de la petite Ourse. J'interroge ensuite le scholiaste,et j'y vois le développement de la fable mythologique,et j'y retrouve quelques-uns des détails que nousavons donnés, d'après des autorités plus compétentes,sur le rôle de nos métallurges auprès de Jupiter en-fanl. Mais,-pour ce qui est des connaissances en astrir

nomie, pas un mot qui les rappelle de près ou de loin.

Quelle idée se faire d'une pareille érudition ? Elle res-semble beaucoup à une tromperie, et il faudrait lacaractériser durement, si l'on ne nous assurait quel'érudit fut un galant homme.Ici je dois à mes lecteurs une petite explication. Si

je relève de temps eu temps, dans les Mystères de

Sainte-Croix, quelques-unes des erreurs qui s'y trou-vent en foule, c'est qu'elles ont passé de là dans beau-

coup d'autres livres, et notamment dans un ouvrage

qui aurait suffi pour les mettre en crédit, la Symbfrlique de Creuzer. Creuzer, en effet, a pris dans te

1. P. 51 de la 1" edil., et t. I, p. 69 de la 2r.

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Mystères de Sainte-Croix le fond de sa doctrine ; cen'est pas moi qui le dis, c'est un Allemand, qui faitsans détour ce reproche à son compatriote, c'estLobeck : sa haine pour le symbolisme a été plusforte que la prévention nationale, qui n'a pas habi-tuellement tant de franchise. En commençant à parlerdes mystères d'Eleusis, il annonce qu'il se dispen-sera dorénavant de citer sur ce sujet le nom de

Creuzer, qui ne fait que suivre partout pas ci pasSainte- Croix : ec Kreuzerum, qui in omnibus San-eccrucium pedetentim sequitur, in hac causa posteacenon nominabo 1. »

Ailleurs, il va jusqu'à transformer ce même Creuzeren pedisequus de Sainte-Croix, l'esclave qui marche àla suite du maître : te Creuzerus, Sancrucii pedise-ccquus 2. »Mais croyez-vous que Sainte-Croix à son tour n'ait

pas suivi pas et,pas quelque prédécesseur ? Écoutez unautre Allemand , qui l'appelle tout crûment un pil-lard : ceVoyez, dit Boettiger, Sainte-Croix, qui pillete Fréret. — Siehe Sainte-Croix, der den Freret plùn-te dert 3. »Et admirez ensuite l'équité de Lobeck ! Comme

il détestait Boettiger plus fortement encore que le

symbolisme, il ferme les yeux sur le flagrant délitet repousse avec indignation bien loin de Sainte-Croix cette accusation de plagiat, la plus offensantequi se puisse diriger contre un homme d'honneur :' « Ab hoc crimine plagii, quo homini ingenuo ni-

1. Aglaopham., p, 8.2- Ibid., p. 141.3. Vasengem., t. I, fasc. n, 98.

7

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te hil gravius objici potest, Sancrucius longe all-ée horret 1. »Voilà pourtant l'esprit qui a constamment animé

l'auteur de YAglaophamus !

1. Aglaopham., p. 1259.

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CHAPITRE IV.

TELCHINES.

Confusiondes Telchines, habitants primitifs de Rhodes, avec les Tel-chines métallurges. — Ceux-ci étaient partis de la Crète ; de là ils serendent à Chypre, à Rhodes et à Sicyone. — Ce sont des métallurgeset des artistes; leurs oeuvres et leur renommée comme artistes. —Cette supériorité les fait jalouser et calomnier; on leur attribue desméfaits qui doivent rester à la charge de leurs homonymes ; détailssur ces premiers habitants de Rhodes. — Pourquoi nos métallurgesfurent appelés enchanteurs ut envieux. — Erreurs graves de Lobeckrelevées.— Nos Telchines formaient une corporation de métallurgeset d'artistes. — On en distingua trois principaux dans le commence-ment. — On prouve que tous les lieux qu'ils visitèrent les avaientattirés par des causes physiques ou des circonstances locales relativesà leur industrie. — Ils n'ont pas dû construire le temple de MinerveTelcliinienne en Béotie; réfutation de Pausanias sur ce point. Ils ontdû se rendre en Samothrace.

En commençant à parler des Telchines, il faut d'a-.bord, pour éviter une confusion où sont tombés non-seulement les anciens, mais les modernes, faire unedistinction entre les primitifs habitants de l'île de Rho-des et les personnages dont nous avons à nous occu-per. Le nom de Telchines leur fut commun aux uns etaux autres ; mais il y eut entre eux la différence qui sedoit trouver entre tout un peuple et une classe d'indi-vidus. De là des entreprises qui ne peuvent convenirqu'aux premiers, des qualités et des défauts qu'on ne

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peut attribuer qu'aux seconds. Les Telchines, en un

mot, réclament la même distinction que Strabon a si

judicieusement faite entre les Curetés. Lorsque le cri-

tique historien passe des Curetés, peuple de l'Étolieelde l'Acarnanie, aux Curetés, serviteurs de Rhée, il fail

remarquer la confusion commise par ses prédécesseurspour l'éviter lui-même, en prouvant que l'on ne sau-rait voir de synonymie possible entre ces homonymes 1.Ici sans doute la ligne de démarcation sera souvenldifficile à poser ; mais nous tâcherons du moins de

l'indiquer le plus exactement qu'il se pourra.Nous n'avons aucun témoignage bien ancien de

l'existence historique des Telchines, de sorte qu'onserait tenté de les prendre pour des membres nou-veaux venus dans la famille des métallurges. Stésiclioreest le premier qui en ait fait mention ; or, Stésiclioreflorissait vers l'an 530 avant l'ère chrétienne. Mais di-sons tout : Stésicliore a fait allusion à une très-an-cienne réputation des Telchines, et qui était, nous Ifverrons plus bas, devenue proverbiale, d'où l'on peutinduire un passé très-reculé. Dans la pénurie de documents où nous nous trouvons aujourd'hui, on doilétudier ainsi l'antiquité : tirer parti de tout et ne don-ner à rien une valeur idéale.De qui ferons-nous descendre les Telchines ? Dio-

dore les appelle fils de la mer: ceCeux qui habitèrentce dit-il, les premiers l'île nommée Rhodes furent lesce hommes qu'on appela Telchines ; ceux-ci étaient Ice de Thalassa, comme la fable l'a rapporté. — Tr(viCCVYJCJOVTYIVÔVO[J.aÇojAév7)V'Po'-W TCpéoTOtX,aTCOX,Y]CïaVùl TCpOCÏ-

1. X, p. 466.

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(eyoosuou.evoiTeV/Jve;- OÙTOIb' r,am uîol \i.h Oaloécc-/)?, wç 6ceu.ù8oçraxpaSéàux.e 1. »Nonnus les dira fils de Neptune. Dériades, dans sa

harangue, s'écrie :

ieou.ara TEX/I'VOOVTuu.êeucraTE-(tixovi irovrcoIlarpi IlocreieicttovtpLspLïjXo'xa2.

eeEnsevelissez dans la mer voisine les corps des« Telchines, qui seront l'objet des soins de Neptune,« leur père. »

Déjà la confusion commence entre les deux espèces.Nos Telchines ne furent pas des marins, c'étaient des

métallurges; ceux de Rhodes, au contraire, pouvaientêtre métaphoriquement appelés fils de la mer. La su-

périorité de cette île résida principalement dans son

goût et son génie pour la navigation ; de là vient queles fables qui enveloppent l'origiue de son histoiresont presque toutes des allégories désignant symboli-quement un peuple issu de la mer et fait pour elle.L'extraction de nos métallurges n'est donc pas con-

nue. Mais de quel pays sortaient-ils? Nonnus les faitnaître à Rhodes, car il appelle cette île, nous le ver-rons plus bas, leur nourrice, -uGvîvnv. Une opinion rap-portée par Strabon semble aussi leur avoir assigné lemême lieu de naissance. Le géographe, après nousavoir dit que, selon les histoires Cretoises, ce furent lesCuretés mandés de la Phrygie en Crète par Rhée quiservirent de nourriciers à Jupiter, ajoute : ceD'autres.« prétendent que, comme il se trouvait neuf Telchines

1. V, ss.2. Dionys., XXVII, 107 ; XIV, 40.

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ce à Rhodes, ceux d'entre eux qui accompagnèrentce Rhée en Crète, et qui élevèrent l'enfance de Jupiter,ce furent appelés Curetés (xoopov TpotpYÎcravTeç).— Oî bi,ce Ts.~kyj.v(ùMsv 'Pc$w svvsa OVTCOV,TOÙ;'PMC tj'jvay.o'XouÔTÎcîavTiz;ec sïç KpvÎTTiv, xat TOVAia y.oupoTpotpvîcTavTaç,KoupvÏTa; ôvop-ee erOTJvat,1. »A cette opinion se vient joindre une tradition qui

la confirme pleinement, sans toutefois nous assurer

que les Telchines fussent venus de Rhodes en Crèle.

Aglaosthènes, qui avait fait une histoire de l'île de

Naxos, où paraissent avoir joué un grand rôle les tra-ditions mythiques, disait, au rapport du scholiaste deGermanicus : te.Que Cynosura, nourrice de Jupiter,ce avait habité en Crète dans un certain endroit avecce les Telchines, que l'on appelle Curetés Idéens.—ceAglaosthènes, in Naxiacis carminibus, Cynosuramce dicit, Jovis nutricem, circa eum locum fuisse cumce Telchiniis, qui dicuntur Curetés Idsei 2. »Arrêtons-nous un moment sur cette complète assi-

milation, qui fait des Telchines et des Curetés les mê-mes personnages sous deux noms différents, et, d'unautre côté, rappelons-nous ce qu'a dit plus haut Stra-bon : ecQue, selon l'affirmation de quelques-uns, lesce Corybantes, les Cabires, les Dactyles Idéens et lesce Telchines étaient les mêmes que les Curetés 3. » C'estun rapprochement d'une grande importance pournotre étude, et qui suffirait seul pour faire justice de

l'étrange assertion de Lobeck, assertion qui n'a puêtre inspirée que par un dépit aveugle et sans critique,

1. X, p. 472.2. Ad Arat. Phxnom., 39.3. X, p. 466.

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à savoir, que les Telchines ne ressemblaient en rien àaucun des autres personnages, mais qu'ils formaientune classe entièrement distincte : ceTelchines nul liscepriorum similes, sed prorsus sui generis fuisse vi-cedentur 1. »Faut-il donc supposer la première résidence des Tel-

chines à Rhodes ? Je n'en crois rien ; des témoignagesplus nombreux et d'une gravité prépondérante nousles montrent fixés d'abord en Crète. Strabon par-lant de Rhodes, et sans doute d'après les histo-riens rhodiens, ce qui donne ici un double poids àses paroles, nous dit : ecRhodes s'appelait d'abordceOphiussa et Stadia ; ensuite elle s'appela Telchinie,« du nom des Telchines, qui habitèrent l'île.... Onte assure qu'ils se rendirent de Crète à Chypre, puis àceRhodes.—'Ex.a'XeÎTo bi -h 'Po'&oç Trporepov 'Oepioùtjeîa y.alce2-raotK, ei-ra TeXvtv!;, GCTÏOTWVoïy.viejavTCùvTûc/ivu>v TYIV(( vÂcov 'EXGetv bi epacjtv èv. KpvÎTTiç etç KuTupov TïpwTOV,te eh' et; 'Pciàov 2. »INicolas de Damas, qui s'était naturellement occupé

des Telchines dans son Histoire universelle, nous ditencore aujourd'hui dans un fragment conservé de cetouvrage : ceCeux que l'on nomme Telchines, fixés enteCrète dès la plus haute antiquité , et qui habitèrent« ensuite à Chypre, et qui se transportèrent de là àte Rhodes, et qui s'établirent les premiers dans cette« île, furent des hommes violemment fascinateurs et« envieux. —. Te'XyJveç avOpcoTrai ôvopia£o'f/.evoi TO àvex.aOeva Kp'flTeç, oUTicaVTÉç TE xai èv Ku-reptù, [j.zrma.crâ.vrs.<; b' etç

1- aglaopham., p. 118-1.2. XIV, p. 653.

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" 'Pdo'ov, xal TïptoTot —-/)vv?,-7fivy.aTaer/dvTeç, Paejy.avot Te ercpo-ee ^pa Y,<7avy.ai epôovepot1. »Eustathe : ce II est beaucoup question, dit-il, des

ec Telchines, et dans beaucoup d'écrivains. Il y en a,ce en effet, qui assurent qu'ils sont Cretois et qui lesce appellent Thelgin.es, de G&Xyeiv (charmer, fasciner),ec et qui disent qu'ils sont charlatans et enchanteurs.ce — Etolù; bi d icepl Te),yivcov loyoç xal urapà iroXXoï;.ce Etcl vàp oî xal KpvÏTaç aÙTOuçtpatri, y.al ©e'Xyïvae; 6vo[xà(ou5i,te Tta.uk TO SO.yeiv, y.al yoYiTaç etvai cpacjl y.al <pap(/.ax£Ïç!. »On le voit, c'est bien en Crète que les Telchines font

leur première apparition. Ajoutons même qu'ils y lais-sèrent des traces si profondes, que la Crète s'en appelaTelchinie, et les Cretois, Telchines, au rapport d'E-tienne de Byzance : ec Kal -t\ KpviV/i Tely ma è^e'yeTO, xalce oî Kp-flT£ç Te>/Jve; 3. » Maintenant, étaient-ils vérita-blement Cretois? Malgré l'affirmation d'Eustathe, j'in-clinerais à leur donner la Phrygie pour berceau,non-seulement à cause de leur identification avec lesCuretés, mais encore et surtout à cause de leur sou-mission à Rhée, la souveraine de tous les métallurges.Quoi qu'il en soit, et en l'absence de tout renseigne-ment positif, admettons simplement la Crète comme

point de départ des Telchines. De là ils se rendent à

Chypre et à Pdiodes; mais ils visiteront encore uneautre contrée des plus anciennement célèbres. Etiennede Byzance nous apprend que Sicyone s'appelait aussiTelchinie: ecTeTytvta bi y.al •>,Sixuwv sxaîceÎTo 4. » D'où lui

1. Nicolai Damasc. Fragm.,p. 146. éd. C. Orell.2. Ad //. I', 525, p. 771 sqq.3. V. Ttlyk.4. V. TsXxt'ç.

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venait ce nom? Eustathe répond : ceSicyone fut aussicejadis appelée Telchinie, à cause que les fameux Tel-cechines habitèrent aussi en cet endroit. — 'ExlvifJyi bicemrs. xal Tetyivta, bik TOTOÙÇâooptiyouç TekyïvaLç xal aÙToÔtceoiXYJcat1. »Tous ces noms sont significatifs, on le verra bien-

tôt ; passons au rôle que jouèrent les Telchines. Dio-dore de Sicile nous dit : ceD'après les traditions mythi-« ques, les Telchines élevèrent Neptune avec Caphira,« la fille de l'Océan, Rhée leur ayant confié le dépôt« du petit enfant. — MuSo^oyoûvTat bi \Ktrk Kaepeipaç rr,ç« 'fly.eavoSOuyaTpoç sxGpécjiai Iloejeieîwva, 'Peaç aÙTOt; ivapaxa-« TaOepiv/i; TO (bpecpoç\ »Cette tradition est assurément plus vraisemblable

que celle qu'a suivie Nonnus, si le poète n'a pas voulufaire une pure métaphore, en Taisant les Telchines filsde Neptune. Mais une tradition plus autorisée, c'estcelle qui donne les Telchines pour nourriciers de Ju-

piter, et non de Neptune. Strabon nous a déjà dit :« D'autres prétendent que, comme il se trouvait neuf« Telchines à Rhodes, ceux d'entre eux qui accompa-« gnèrent Rhée en Crète, et qui élevèrent l'enfance de« Jupiter, furent appelés Curetés. » Aglaosthènes nousa dit de son côté, selon le scholiaste de Germanicus,« Que Cynosura 3, nourrice de Jupiter, avait habité en« Crète, dans un certain endroit, avec les Telchines,« que l'on appelle Curetés Idéens. »

1. Mil. B', 572, p. 291.2. V, 55.3. Cynosura et Capheira sont le même personnage, et ne for-

ment peut-être qu'un seul nom , Kuvderoupa ayant pu dégénérertacitement en Koécpeipaou KâepEtpva,selon quelques manuscrits.

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Ce qui résulte avec certitude de tous ces témoi-

gnages, c'est que les Telchines furent regardés commeles nourriciers (xoupoTpoçoi) des fils de Rhée ; or, c'étaitlà un point important à constater.Si les membres -de la famille dont nous écrivons

l'histoire furent tous sans exception des métallurges,on peut dire que les Telchines le furent doublement,Us ne découvrirent pas, en effet, seulement les métaux,ils les travaillèrent encore avec une véritable supério-rité, et les premiers ils firent sortir des produits de l'in-dustrie les oeuvres de l'art, comme une fleur de sa tige,Eustathe nous apprend qu'ils passaient pour avoirdécouvert les métaux et la statuaire : te Kal àyatyaTo-ee Tïoi'av bi eûpeîv so'dxouv xal [JÂraXÏM. » Et un peu plusbas il ajoute : ce Ceux qui ont dit qu'ils étaient troisce leur donnent les noms de l'or, de l'argent et duec cuivre, le nom de la matière que chacun découvrit,ce — Oî bi etirov-reç Tpeïç aÙTOÙç eivat, ôvdjJiaTa xo[M(,ou<nv au-te TOÎÇ ypucov, xal apyupov, xal ya.~ky.bv , dp.tovup.uç vki\ Vec sxaoroç eupe 1. » Remarquons la présence de l'or, quise montre pour la première fois parmi les découvertesde nos métallurges. ec On dit, rapporte Strabon, quece les Telchines mirent les premiers en oeuvre et le ferec et le cuivre. —IIpcoTouç b' èpytwjaffSai tpaci ejtSvipov TEM1

ce ycùxôv 2. vVoilà pour les métallurges. Ici peut-être plus d'un

lecteur demandera comment il se fait que, l'art de la

métallurgie avançant toujours, et touchant même en

ce moment à un dernier progrès qui les doit couron-

1. Ad //. I', 525, p. 772 sq.2. XIV, p. 653 sq.

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nertous, il revienne encore à son point de départ. La

tradition, ou plutôt les traditions, qui ne faisaient detous nos métallurges qu'une même famille, tout en

chargeant les divers membres de cette famille de re-

présenter les perfectionnements successifs de l'art, ne

s'inquiétèrent pas souvent de leur attribuer aux unset aux autres l'invention primitive. Songeons que nousavons affaire ici non à une histoire critique, suivie et

conséquente, mais à une simple transmission de sou-venirs plus ou moins effacés des anciens âges. 11 nefaut donc pas s'arrêter à la mesquine chicane de Lo-beck, qui, pour infirmer le témoignage d'Eustathe,allègue que les autorités les plus considérables n'ont

jamais fait les Telchines inventeurs des métaux : ecVe-cemm locupletiores auctores Telchines metalla inve-« nisse nesciunt 1. » Étaient-elles mieux fondées cesautorités à dire que les Telchines travaillèrent lespremiers le fer et le cuivre? Non, sans doute; et

cependant nous venons d'entendre Strabon, qui amis ainsi les Telchines en concurrence avec les Dac-tyles, car il avait dit précédemment : ceSophocle« pense que ce furent les cinq premiers Dactyles« mâles qui découvrirent le fer, et le mirent en oeuvre« les premiers. »

Voyons les Telchines artistes. Leur gloire fut grandedans l'antiquité, et leurs oeuvres admirées et vénérées.Ce sont eux qui fabriquèrent la fatale faux de Saturneet le puissant trident de Neptune. Strabon, après leuravoir fait honneur de l'invention du fer et du cuivre,continue : ceEt l'on dit notamment qu'ils fabriquèrent

C Aglaopham., p. 1199.

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ce même la faux de Saturne. — Kal br, xal TTIVapir/iv epcwi« TÛ Kpôvw â*7i(;.ioupyYi'e;ai.» Eustathe : ceOn leur attribueec aussi la fabrication de la faux qui servait à Saturne.ce — 'AvaTt8eTai bi aÙTot; xal 'h xaTaer/.suvi TTÎ; xarà TOVKpc!-te vov âpiïïi; 1. » Quant au trident, Callimaque nous peinlle dieu des mers frappant les montagnes ceAvec l'armece à trois pointes que lui fabriquèrent les Telchines. »

"Aopi TptY^ci/ivt, TOoî TEXTJVE;£T£u;av 2.

A propos des deux dernières citations, Lobeck s'est

permis de dire que ce sont là des fictions de fraîche

date, vu que l'antiquité chargea les Cyclopes de la fa-brication des armes des dieux : ceNovitio utrique coin-ce mento; nam antiquitas fabricandis deorurn armisce Cyclopes prsefecit 3. »

Pourquoi ne pas citer aussi Strabon ? Lobeck n'a

point parlé de Strabon. N'est-ce pas ensuite chose cu-rieuse que de lui voir donner une leçon de mytholo-gie à Callimaque? Quelle irrévérence y avait-il doncà mettre les Telchines sur la même ligne que les Cy-

clopes? Un poète latin, véritable Alexandrin pourl'érudition mythologique, a sans scrupule, nous leverrons bientôt, savamment associé nos métallurgesnon-seulement aux Cyclopes, mais à Vulcain lui-même.Les Telchines ne se bornèrent pas à fabriquer ces

armes divines, ils firent encore les statues de plusieursdieux, ceOn dit, au rapport de Diodore de Sicile, qu'ils

1. Ad 11. I', 525, p. 771.2. Hymn. in Del., 31.3. Aglaopham., p. 1184.

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« furent les inventeurs de certains arts, et qu'ils in-« traduisirent parmi les hommes d'autres découvertes,« de celles qui sont utiles à la vie, et que les premiers« ils firent des statues de dieux, et que parmi les. an-o ciens monuments consacrés on en désigne quelques-ceuns de leur nom; que l'on a, par exemple, appelé« chez les Lyndiens un Apollon Telchinien, chez les« Jalysiens, une Junon et des nymphes Telchiniennes,« et chez les Camiréens, une Junon Telchinienne. —te iWejÔat. S' aÙToùç xal Teyvwv Ttvwv eûpeTaç, xal aXka. TWV« EIÇTOV(iîov ypv)t7t[xo)v eîcYiy/i'cacjÔai. roîç àvôpcoTroi;, ayan-te p.Ta Te Geeov-ûpwToi, xaTacxeuacrai }iyovTai, xai Tiva TWV« app-ïtov àeptàpujxaTcov à—' èxetvwv è-!rt>)va[/.ac6at

"roxpà [/.èv

« yap Aivoîot; AiîdXXeova Te'Xyîvi.ov 7ïpotrayopeu67ivat, -rçapààè« 'iaWioiç Hpav xal NufAtpaç Te'Xytvta;, -rcapà oè KafMpeucrw« "Hpav Telyiviav 1. »Nicolas de Damas, dans le fragment déjà cité, com-

plète ces détails : ce Et les Telchines, dit-il, étant aussi« des artistes et ayant imité les oeuvres de leurs devan-ceciers, consacrèrent les premiers une statue de Mi-« nerve Telchinienne, comme qui dirait de Minerve« envieuse. — TevvÏTai, bi OVTEÇxal Ta TCOVirpoTepcov epya« p.ip/)cat7.evoi, 'AÔYrvâçTelytvia; aya^ijca TTpéoTOiîàpuejaVTO,« eooiîepel TI; 'Xe'yoi'AQYIVCXÇ(3a<7xavou. »iJe pareilles oeuvres les firent aisément passer aux

yeux des anciens pour un type de la supérioritédans les arts et pour des modèles d'après lesquelson pouvait estimer le mérite. On les plaça sur lemême rang que les Cyclopes, et l'on alla jusqu'àles comparer à Vulcain. Stace, voulant donner une

*. V, 55.

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haute idée d'une statuette d'Hercule exécutée parLysippe, dira :

Taie nec Idaùs quidquam Telchines in antris,Neo solidus Broutes, nec qui polit arma deorumLeiunius, oxiguu potuisset ludere massa*.

eeNi les Telchines, dans les antres de llda, ni le ro-u buste Broutés, ni le Lemuien qui fabrique avec per-ce feetion les armes des dieux, n'eût pu, par un jeu dea l'art, produire rien de pareil avec un si petit volumece de matière. ->Ailleurs le poète associe encore les mêmes person-

nages à uu même travail, à la fabrication du col'»:d'Harmonie :

Hoc laborantC\ dopes; nottque operuin Telchines arnicaCertattm juvere manu ".

>.<.\ cette parure travaillent les Cyclopes; et lesTel-'.c chines, connus par leurs oeuvresT prêtèrent à l'envi'-c le concours d'une main amicale. »Mais il est difficile d'exceller par tant de qualité*

sans humilier ses rivaux et sans exciter l'envie : celuile sort des Telchines. On- leur prodigua d'abord 1»

épithètes déjà données aux DuetvLes d"'enchanteurs. Ade magiciens. Nous avons entendu Eustathe nous-dire:". Ou les appelle fcteÀyC-'eçf T/i.elgines >, de 'kÀyav,. et.on-.<prétend qu'ils sont enchanteurs et magiciens (you*.<-xal '^apaaxï?- '. »Cette étyuiologie nous conduit a parler de la- que*"

t. Silv., IV, 0, 47.-1. Tkcb., il, 274.

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— 111 —

lion qui divisa les anciens sur le sens et l'orthographedu mot. Les uns le dérivaient de TTÎXCO,consumer, fairedépérir, et écrivaient TeA^ïve;; les autres le dérivaientde fjé)yeo, charmer, fasciner, et écrivaient ©eXyîve;, en

transposant l'aspiration. Hésychius : ceTeV/Jveç- vi wapà« T7]v7ïjc;iv, v] Tvapà TO OIXyEiv1. » C'est à ce dissentiment

grammatical que doit, selon moi, faire allusion Plu-

tarque dans la phrase suivante : « Personne ne peut« dire non plus qu'il soit arrivé du trouble dans unceÉtat au sujet d'une question de prononciation, sur la« manière dont il convient de lire le mot Te'XyJvsç. —« Oùàè TTEOITkpcjGCùàîac;eyei TIÇ etTCetv ejTacjw sv TrdXet yivoi/i-« vr,v-oTepov TeXvîva; avayvwejTSov . » Bien que la forme

TeÀytveçait prévalu, un grand nombre de lexiques grecsdonnent les deux orthographes, comme équivalentes.Hésychius interprète ee'Xyïveç par Te>/tve;s; et Eustathenous dit: ceDe Oe'Tyeiv dérive aussi TeXvJve; De là« vient que dans un lexique de rhétorique, qui suit« l'ordre alphabétique, il est écrit : Thelgines, enchan-<<leurs, magiciens. — 'Ex TOÙÔe^yscv xal Tetyiva;.... 'Ev« yoùv pvjTopixù >Ec;txôS xaTa aroiyzXm -rcpoïdvTc,, ypccepsTai.

•« ©elyïveç- yd-flTe;, epapt/.axot\ »On ne se borna pas pour les Telchines à ces épi-

tnetes 'Yenchanteurs et de magiciens; on les accusauetre encore des Génies envieux et. malfaisants, eti esprit grec, obéissant à sa double tendance vers l'as-sociation des idées et vers la fiction, imagina les im-putations les plus bizarres et les fables les plus chimé-

*• V. TEXVJVEÇ.2. De virt. doc., t. VU, p. 728, éd. Reisk.\- V. QEXYÏVSÇ.k- Ad//. N', 435, p. !)40, et ad Odyss. A', 54, p. 1391.

Page 126: Les métaux dans l'Antiquité

viq^es.. 1\>ii;\li^'o*s gaiwlloiil^wwj- d!' IMW- e<DimifiiiiBjionnmll\H> esA KWibé. juiS(,[ji,t;'à jpjféstfJPit;Ï acsaifiilta-cie»—BIKOU»,dita^etili^ toutes, ces. accusatii^cs- * lat change? die- mm inii-

tajlurgçs. : UJU^ bo-n-M# pa.it d.oilt wst'err ;ii teiiii:* lininut-

n-yeacs.,, au:\Tfek'feints., qui, peuplèi'etjL* les-pnemi«ii*lliltde Rhgdçs.. Mais,, pour tâcher d.'éclfdrcir un>pimn.iiit<obscurité, qid sera, frwp souvent; iydiibnuuijlubllt;. HSV-

sii-y.gns.de donner quelques- détails- hislorjquus- sur tics-

primitifs, habitants- de l'île..Çeu.\-Qi paraissent. ê'rt< venus-du. Péloponnèse; lli-y

étaient.établis,, lorsque Phoronée enlrfiprit'.de-lte-nlias-ser. Los Telchines. résistèrent avec un. courage o|fi-niàlre; mais, vaincus, ils. furent: conlrnints-d'alto-donner la-presqu'île., et. allèmul- fonder ffliodàss.fléhdétails, nous sont donnés, par la Chronique- d'ffijasbbr,cl,confirmés, par Paul Orose : ceTelchines-, (iivAx-.dMt*1-ce.nique, et Caryalie adversum Phut'o.tmnmeH'.l'aïrbli*-ce sios. instituunt bellum. ^--Telchines- vieti' Kltodduirce.coudideruul, quaj.prius?Qp.hiusHa.vocahalur:1./d'ifi»Orose, avec. une: variante de: nom,propre,ctd'addilitftd'une épithète destinée, à «iraclériscr la;résistance«ltiTelchines. 'pervicax, opiniâtre-), ii.ous;dit'..sef)jblfthW.'ment : « Telchines.el Carpalhii pervicax p.raîliuuniiJnice versus.Phoionetim et Parrhasios-geaseriiLil.' liilAwce que Tr-lchine.s.eiOarpalbiJ posl paujulùm.jijoilbivicluce.pallia-pi;o.fugi, Rhod.mn Jusulaiu, quu: Ophiussaami« leavocabatur, quasi.lulam postsessiQmsniiceppruirfii'Au boni d\\t\ certain, temps, mui^qui, paraHuW" 1

été asisex.courlv si.l'on peut tirer-celle:induoliuni('tS

1. (hronic, p.,-73 ^q., éd. Mai,:et Zfjlurub.-2. I, 7.

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dernières paroles d'Orose : « Ils prirent l'île de Rhodes,« comme une possession qui leur semblait sûre, » lesTelchiues éprouvèrent le sort qu'ils avaient eu dans le

Péloponnèse. Les Héliades, peuple dont l'origine estinconnue, s'emparèrent de Rhodes et en expulsèrentles possesseurs. « Après les Telchines, nous dit Stra-« bon, les Héliades, selon les traditions mythiques,« occupèrent l'île. — Merà $k TOUÇTekyïvaç oî 'IlXià&ai« u.u(lsuovTat/.aTacyetv TT]VVTJGOV1. »Mais cette fois encore, les Telchines ne cédèrent le

terrain qu'après une opiniâtre résistance. Il paraîtmême qu'exaspérés par leur défaite, ils cherchèreut àrendre inhabitable la terre qu'ils, ne pouvaient plushabiter. Je démêle ces particularités dans le récit équi-voque des auteurs; et celui qui me laisse entrevoir laréalité historique le plus distinctement, ce n'est pas,comme on le pourrait croire, un historien ou mêmeun scholiaste, c'est le poète le plus essentiellement amide la fiction, c'est Nonnus.Parmi les auxiliaires de Bacchus pour l'expédition

de l'Inde, les Telchines tiennent une place considé-rable. Le poète les fait originaires de Rhodes, et il ennomme trois, qui sont nos métallurges; mais il leur aprêté des actions qui ne conviennent évidemmentqu'aux Telchines du Péloponnèse. Voici ce qu'il dit :

'HÀOEAUXOÇ,y.al KéX|xt<;È&éWETOAajji.va|jt.Evîiï,1X'/)Tto)ié|j.ou(j.sxà yaia.v àÀnrXavis; uETavcccTai,<W[J.OVEÇ«Ypovû|j.ot,(jtavtciSeEÇjoù; Tiâpo.çaÙToi,UaT(;ii)ï)çàs'xovxoKà-jroTf*.7i!;avcE<;ocpoupyjç,Qpivaç aùv MaKcipîjï, xai ày^aôç rJXacEVAup)ç,

L XIV, p. 654.8

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YIEE; 'HeXîoto. AUOXO'[/.EVOI8È TIÔ^VÏJÇ1,Xspai Papu^Xoiaiv àpuoutEvoi STUYOÇ85wp,Aditopov EÙxâpiroio 'PôSou Troî-/jo-<xvàXùyjv,TfSaai TaptapîoKJi JtEpjpjiaivovTe; àpoûpaç \

« Arriva Lycus et Celmis, qui suivait Damnaménée,« errant sur la mer, après avoir été bannis de la terre« de Tlépolèmej Génies habitants des champs, sein-« blables à des frénétiques ; eux qu'auparavant expul-« sèrent, après les avoir arrachés, malgré leur résis-« tance, à leurs champs paternels, les fils du Soleil,« Thrinax et le brillant Auge avec Macarée. Mais ainsi« expulsés de la terre nourricière, puisant de leurs« mains funestement envieuses de l'eau du Styx, ils« rendirent stériles les champs de la fertile Rhodes,« en arrosant partout les campagnes de ces eaux in-« fernales. »Si ce récit n'indiquait une lutte de deux races ou de

deux peuples, se disputant la conquête d'un pays et

possédant les forces nécessaires pour se faire la guerre,ce récit serait d'une choquante invraisemblance; or,jamais nos métallurges n'eurent l'ambition ni les

moyens de jouer un pareil rôle.Strabon, dans un passage qui sera cité plus loin, et

où les Telchines de Rhodes sont confondus avec nos

métallurges, a rappelé aussi la résistance désespéréedes premiers.

1. Bien que l'on puisse et que l'on doive, en laissant Ti8rfa(jconstruire ce mot avec 'Pôêou, j'aimerais cependant mieux lireti-ÛvivY)v,et traduire : « Poursuivant leur propre nourrice, » tournai*leur fureur contre la terre même qui les éleva. La phrase seraitplus correcte et la pensée plus poétique.2. Dionys., XIV, ko sqq.

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Il en est de même de Suidas dans l'article suivant :« Kal TeXyïve; ©s'X-yîve; -rivéç elci' Ta yap SaXXovTa, cpacl,« (kraaivovTeç TOÎÇ(ioacri TÎiç (pucewç

1 aùa ÈTTOIOUV,ew? (pjxâiv« paoxaïvovTe;'. — Les Telchines sont des espèces de« Thelgines ( enchanteurs ) : ensorcelant, en effet,« dit-on, ce qui florissait, ils le rendaient sec avec« les eaux du Styx, étendant leurs sortilèges jusqu'aux« plantes. »Diodore de Sicile rapporte une tradition d'après

laquelle les Telchines auraient quitté Rhodes dans la

prévision d'une inondation, et se seraient dispersésde divers côtes. L'un d'entre eux notamment, nommé

Lycus, s'étant dirigé vers la Lycie, y aurait élevé un

temple en l'honneur d'Apollon Lycien, sur les bordsdu fleuve Xanthus : « Au/.ov V èx, TOUTCOVTvapayevojievov sic« TÏIVAir/.t'av, 'ATTOXXCÙVO;AUSCIODtepov topucacGai mxcà TÔV

;•« SàvûovicoTajio'v\ » Plus tard, Hélios (le soleil) auraitdesséché le sol de l'île et l'aurait rendue de nouveauhabitable. Ce n'est là qu'une allégorie voulant figurerle fait que nous cherchons à établir. Diodore ne parledes Héliades qu'au chapitre suivant, mais dans un autre; récit allégorique où il n'est plus question des Telchines,et qui prouve seulement la prétention des Rhodiens àpasser pour des aulochthones éclos sous l'influencedu soleil.Cette distinction entre les Telchines peuple et les

Telchines corporation de métallurges nous sera d'une

. 1. Junius, dans son Catalogu.s artificum, au mot Telchines apropose2/UUY<><;, au lieu de cpôffEwç.La correction me paraît cer-taine.' 2' V. 0EV.3. V, 86.-

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grande utilité pour expliquer bon nombre d'assertionsdont on ne pouvait se rendre compte, et pour accor-der beaucoup de contradictions qui paraissaient bconciliables. Nous voyons déjà maintenant commerJon a pu confondre la vengeance exercée par les pre-miers avec la rivalité envieuse attribuée aux seconàCette confusion se concevra mieux par les détails qiivont suivre.Les Telchines, avons-nous dit, offusquaient l'envie,

et l'envie se vengeait à sa manière, en déprimantsupériorité, en noircissant les intentions et en imaginant des calomnies. « Les fables, dit Eustathe, rep« sentent les Telchines comme des Génies malfaisant« et qui séduisent, non avec des intentions favorables« — nX-OTTOuciv oî [AÙÔoiàaij/.ûvaç Tivaç xaxoTîoioù;, '/.ai'/« sTwtY.CÙ.S)f)IX.yovTaç '. »Les formes variées qu'ils donnaient à la matière,

vie dont ils savaient animer leurs oeuvres, les tire

prendre pour des magiciens qui se transformaient en

mêmes, ou qui transformaient les autres à leur

par des vertus occultes. Écoutons encore Euslalte« Kal oî uiv <pa<ii ©aXâW/iç TOÙ&aç aÙToùç eivai, ot if« TWV TOD Axraiwvo; y.uvûv u.ETaaop<ptoÔ7Jvat. gtç âvÔfûro« TOÛTO oï ôtà TO âypiwç é'j^eiv ûç y.ai [/.uôeuecOai cx:/]ï« âcpiévai, /.ai TCOT7)'piovoW.eîv eyeiv dv a> piÇaç w#u è(papfjt,a<7Gov-j'oviTeuTi'x.ùç. Kai â[j.cptêioi lào'jcouv atvai, ,« Zç.ak'koi. TCCÎÇ[/.opçaîç, ùç èfz/pEcpeïç Ta p.àv <W|i.Q5t, T*ii avaptoiToiç, Ta àè ty0u(jt, Ta àè oopeat. — Les uns« rent qu'ils sont fils de Thalassa, les autres f« sont le produit de la métamorphose des cbi

1. Ad Ji. N', 435, p. 940.

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« d'Acléon en hommes, et cela, à cause de la dureté, « de leur naturel, qui allait jusqu'à faire dire par« la fable qu'ils envoyaient des fléaux et qu'ils pas-« saient pour posséder une coupe dans laquelle, mê-« lant des racines, ils préparaient des breuvages ma-« giques. On les regardait aussi comme des êtres

• « amphibies et étranges par leurs formes, les croyant« semblables en partie à des divinités, en partie à des« hommes, en partie à des poissons, et en partie à« des serpents. »Cette assimilation des Telchines à des poissons

nous conduit à une autre fiction qui vient immé-diatement après dans Eustathe, et qui ne me paraîtplus convenir à nos métallurges, mais bien aux Tel-chines, habitants primitifs de Rhodes; la voici : « M5-« ôoçàè -/.ai aysipaç aÙTÛv Èviouç eivat y.aî airoâaç xai àvà; « (1650VTCOVàax.TuXoiv àgpfMCTa eyeiv y.aTa yr?ia.ç. — La«fable veut encore que quelques-uns d'entre eux« aient été sans mains et sans pieds, et qu'ils aient eu« entre le milieu des doigts des membranes comme« des oies. »Cette allégorie, en effet, qui transforme les hommes

en oiseaux aux pieds palmés, n'a rien d'injurieux etpeut caractériser métaphoriquement un peuple crééparla nature pour voguer sur les mers; mais nos mé-tallurges, nous l'avons dit, n'étaient point des marinset n'y prétendaient pas. Du reste, notre distinction vanous servir à expliquer plus sûrement quelques tradi-tions que l'on n'a pas encore essayé d'éclaircir, et dontLobeck cherche à tirer parti pour répandre sur nosétudes une incertitude décourageante.Dans Ovide, il est dit que Jupiter, en haine des Tel-

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chines et de leurs maléfices, les submergea ainsi quel'île de Rhodes avec les ondes de son frère :

Phoebeamque Rhodon et Ialysios Telchinas,Quorum oculos ipso vitiantes omnia visuJupiter exosus, fraternis subdidit undis 1.

S'il s'agit de nos métallurges, comment croire queces Génies, chargés, dit-on, nous l'avons entendu, de

protéger l'enfance de Jupiter ou de Neptune, aient

précisément péri de la main de ces dieux? Cette hainene se concevrait pas ; mais tout s'explique, s'il s'agitdes autres Telchines. Jupiter est venu eu aide aoe

Héliades, à la race privilégiée d'Apollon, et l'a misesans lutte en possession de l'île.

Une tradition rapportait que les Telchines, anciens

possesseurs de Rhodes, avaient, en prévision d'une

inondation, abandonné leur île, comme l'a raconte

Diodore, ou qu'ils avaient péri submergés par un ca-

taclysme, comme vient de le dire Ovide.Une autre tradition admettait qu'ils avaient péri

sous les traits d'Apollon. Eustathe, au même endroit,continue : « Et les Telchines périrent, dit-on, inondes« de pluie par Jupiter, ou percés de flèches par Àpol-« Ion. — KaT0(iëp7]ÛÉVT£i; àe, «pacîv, Wo Awç, ri ToçeuGevîi;« ÛTCO'Airo>.X.uvoç WXOVTO2. »Nous n'avons ici, chacun le voit, que la lutte victo-

rieuse des Héliades sous une autre forme. Que devientalors l'argument de Lobeck, s'appuyant principale-ment sur cette mort violente pour exclure nos Tel-

•1. Metam., VII, 365 sqq.2. Ad 11. I', 525, p. 771 sqq.

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chines de la société de leurs frères ? « Hoc autem« dempto, omnis fere Telchinum et ceterorum simili-« tudo evaneseit. Illi enim violenta morte perempti,« nec in consortium,, deorum, quos vivi coluerunt,« admissi, etc. '. » Nos métallurges n'ont eu à souffriraucune sorte de mort; ce sont les Telchines peuplequi passent pour avoir été exterminés.Mais nous n'en sommes pas quittés avec les chicanes

de Lobeck, qui trouve des contradictions partout,parce qu'il étudie partout des faits isolés et souventmal compris. Nous venons de voir que, selon Diodorede Sicile, un des Telchines qui avaient quitté Rhodesdans la prévision du cataclysme, Lycus, s'était renduen Lycie et y avait élevé un temple à Apollon Lycien ;mais, d'un autre côté, Servius, exposant les différentesraisons qui avaient pu faire donner le surnom de Lyciusà Apollon, dit : « Ou bien encore ce surnom lui vient« de ce que, sous l'extérieur d'un loup, il tua les Tel-« chines. — Sive quod in lupi habitu Telchinas occi-« derit\ »Comment serait-il possible qu'Apollon, sous la

forme d'un loup, eût tué les Telchines, et que les Tel-chines lui eussent érigé un temple sous le surnom quirappelait celte forme de loup ? Pures imaginations des

mytbographes, qui s'inquiètent peu de se contredire !Ainsi a raisonné Lobeck : « Hos ab Apolline inter-11emptos esse aperte tradit Servius, et quidem in lupi« formam converso ; nempe ad explicandum Apollinis" Lycii nomen, cui alii e contrario, ni sunt mythogra-

'• Aglaopham., p. 1200.2- Ad^„.;iv, 377.

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« phorum commenta, sacrum a Lyco Telcliine consti-« tutum esse voluerunt 1. »Le docte grammairien n'a pas remarqué qu'il s'agit

ici de deux traditions complètement distinctes, et qui,loin de se contredire, ne portent pas sur le même fait.Dans celle de Diodore, les Telchines n'éprouvent au-cun mal; ils préviennent une inondation, donnée parl'historien comme un événement naturel, que pouvaitprévoir l'observation et qu'explique le sol de l'île,peu élevé au-dessus du niveau de la mer. Quant au

temple consacré par Lycus à Apollon Lycien, dansla Lycie, le Telcliine surnomme ainsi le dieu ou dunom de la province ou de son nom propre. Dansla tradition de Servius, au contraire, les Telchinessont tués par Apollon sous la forme d'un loup; mais

y est-il dit que les Telchines aient surnommé Apol-lon Lycien? qu'ils lui aient érigé un temple? Nonassurément. Il y a plus : dans cette tradition, on ne

prétend dériver le surnom du dieu ni de Lycus, le nom

d'homme, ni de Lycie, le nom de la province, niaisde X'jxo;, loup.

Bien que nos métallurges ne fussent pas ici en cause,

j'ai cru devoir discuter les deux traditions, pour ap-prendre à se défier des jugements erronés de Lobeclet de ses fausses préventions..le ne m'arrêterai pas à l'interprétation d'un gram-

mairien de basse époque, Lactance Placide, qui a laissédes arguments plus ou moins courts pour les Mito

morphoses d'Ovide, et qui, à propos du passage q«fnous avons cité du poète latin, nous dit, non corni»

1. Aglaopham., p. 1197.

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son auteur, que ce fût en liaine de leurs maléfices,mais à cause de la haine de Junon, son épouse,,queJupiter submergea les Telchines : « Telchinas Ialysios,« quos Jupiter propter odium conjugis suse Junonis« subjecit mari 1. »Je ne signalerai aussi qu'en passant la glose expli-

cative de l'épithète "Avraioc donnée à Rhée. Le scho-liaste d'Apollonius de Rhodes nous dit : « 'AvTaiV« -<i'PÉa OÛTWleysTai, OIOTI èvavtia TQÏÇ TtkyjGW syéveTo 2.« — AvTaia : Rhée est ainsi appelée parce qu'elle« fut opposée aux Telchines. » L'allusion aujourd'huinous échappe ; dans tous les cas, elle ne sauraits'adresser à nos métallurges, serviteurs absolumentsoumis à la déesse. Reprenons les traditions qui lesconcernent.Ces reproches si souvent adressés aux Telchines de

n'être que des Génies envieux et malfaisants finirentpar rendre leur nom synonyme de l'envie et de laméchanceté. Eustathe, dans le passage si souvent'cite, ajoute : « 'H âe iuapoip.ia TOUÇcpSovepoùç *ai (J/oyepoùç11Telyjvaç wç ix. TÛV eîprip.evuv x.a'Xeï. STïiafyopoç 8i, cpacl,« Taç Rfipaç y.ai Ta; GKOTMCEIÇTslyjva; ifcpcxr/iyopeuce. —« Et le proverbe, comme par suite des choses qui« viennent d'être dites, appelle Telchines les gens en-«.vieux et enclins à blâmer. Aussi, dit-on, Stésichore11a-t-il appelé Telchines les Parques et les ténèbres« infernales. »Mais cette réputation, si méchamment ternie, était-

ce la voix^publique qui l'avait faite? Ou bien des enne-

. 1. Ad Fab. X,libr. VII.2. Ad Argonàut., I, 1141.

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mis, plus intimes et particulièrement intéressés à cedécri, avaient-ils diffamé les Telchines? Nous pouvonsrépondre à cette question, grâce aux renseignementsque nous fournissent les anciens.

Boeckh, dans ses\iotes sur Pindare 1, a comparé lesTelchines de Rhodes aux Dédalides d'Athènes, famillesd'artistes où l'art se transmettait de père en fils commeune sorte de sacerdoce. Les Telchines furent, en effet,des artistes, mais moins hommes que les Dédalides;Boeckh les a trop humanisés. Après lui, Ottfr. Mûlleradit: «Les Telchines paraissent avoir formé une ancienne« corporation de forgerons et de statuaires 5. » Telleest aussi mon opinion, et par là j'explique une expres-sion très-embarrassante de Nicolas de Damas. Il nousa dit plus haut : « Les Telchines ayant imité les oeuvres« de leurs devanciers. — Ta TWVnrpoTspwv è'pya [/.ipiua-« p-svoi. » Si les Telchines étaient des créateurs del'art, de quels devanciers s'agit-il? Des membres deleur propre corporation, qui s'imitaient et se per-fectionnaient successivement. Lobeck a suspecté l'ex-pression, et, à côté de Tï-poTÉpwv, il a mis sic 3; c'està tort*.Mais ces Telchines, si admirés, eurent sans doute

des imitateurs; il se forma des corporations rivales,et par conséquent des jalousies, des inimitiés et des

1. Ad Olymp. VII, 53, t. III, p. 172.2. Manuel d'slrc/iéol., § 70, 4.3. Aglaopham., p. 1188.4. Dans une inscription rapportée par Pausanias, il est dit sim-

plement d'Eutélidès et de Chrysothémis, sculpteurs argiens, qu'ilsont appris leur art de leurs devanciers, TÉyvav SIOO'TÊÇly. 7rooT£pwv(VI, 10,2).

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haines. C'est l'histoire de tous les temps : déjà levieil Hésiode disait : « Le potier porte envie an po-« tier, et le constructeur au constructeur. »

Kai XEpajjtetiçXEpa(i.sîXOTEEIxai TEXTOVITEXTWV1.

De là ces accusations, quelquefois très-violentes,qui ont retenti jusqu'à nous. Les anciens ne leur at-tribuèrent pas une autre origine. Strabon, dans un

passage où la vengeance des Telchines de Rhodescontre les Héliades se trouve un peu confondue avecles attaques dirigées contre nos métallurges par lescorporations rivales, s'exprime ainsi : « Les uns affir-« ment que ce furent des envieux et des enchanteurs,« qui répandirent de l'eau du Styx mêlée avec du« soufre pour faire périr les animaux et les plantes.« Mais d'autres assurent qu'au contraire, étant supé-« rieurs dans les arts, ils furent enviés de leurs rivaux« et en éprouvèrent cette diffamation. — Ou? oî uiv« [3a(r/,avouç <paci y.al yoTiTaç, 8eico2 -/aTappaîvovTaç TO TYÎÇ« STuyo; u'owp, £cowv Te xal ÇUTÛVô^ÉOpouyapiv oî oï xiyyu.\.ç

1. Oper. et D., 25.f. J'avais d'abord songé à lire TtsSi'ou,le champ, la terre, au

lieu de fleîw; mais je sous-entends ch\i devant 6euo, et ne m'arrêtepas à la correction proposée par Lobeck : XYJI'MV,moissons. Ce motse trouve déjà compris dans epu™v; et ferait ici tautologie. Ledocte grammairien, qui rudoie les traducteurs latins pour avoirtraduit : Sulfure admixtam Stygis aquam, prétendant que Strabonn'a pas dit cela : « Sed hoc non dicitur a Strabone (dglaopham.,« p. 1192),» le docte grammairien ne s'est pas souvenu que lesoufre avait une vertu surnaturelle aux yeux des anciens, et quele nom qu'ils lui avaient donné prouvait la céleste origine qu'ilslui attribuaient, ôeTov.Il ne s'est pas souvenu que, dans Homère,toutes les fois que Jupiter lance sa foudre, elle n'est si redoutable

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« £ia<p£povTaç TOÙvavTiov >'J~OTWVavTiTS'/vwv paOT4av9v;vat y.aî« TTIÇ&u<i<pY)fJu'a<;Tu^etv TauV/iç 1. »Ce passage'me semble prouver que les anciens fai-

saient quelquefois à leur insu la différence des deux

espèces de Telchines; car des deux opinions que citele géographe comme se rapportant aux mêmes person-nages , la première évidemment, sauf quelques ex-

pressions, ne saurait atteindre nos métallurges. Cette

fureur, qui dévaste et dépeuple la terre, ne peut rap-peler" que la vengeance des Telchines Rhodiens; maisla confusion était si aisée qu'elle a dû être inévitable.

Nous tenons donc, et sur l'indication même des

anciens, la source des' injures passionnées et des ca-lomnies qui ont poursuivi les Telchines à travers toute

l'antiquité. Mais une cause de haines non moins viveset non moins ardentes entre les hommes qui exercentla même industrie ou le même art, c'est la possessionde secrets, de procédés ou de méthodes, qui passentpour en rendre quelques-uns supérieurs à leurs rivaux.Les Telchines eurent ce tort aux yeux des corporationsrivales; nous le savons par Diodore de Sicile : « On« dit encore, rapporte l'historien, que ces hommes-là« furent des enchanteurs, et qu'ils faisaient arriver à« volonté et les nuages et les pluies et les grêles, et

que par la présence du soufre : Jupiter a lancé sa foudre, «Et« une terrible flamme s'est élevée du soufre embrasé, i

AEW]8EepXbl;ùf-o OSEIOU-/.caopivoto(//. 0', 13b).Jupiter a lance sa foudre, « Et une terrible odeur de soufre sea répand, i

Aeivr]8è OeefouY'YV£taiàop/j (II. S', 415).1. XIV, p. 6T>3sqq. ; cf. Eustath. ad Dionys. Perieg., 504.

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« qu'ils attiraient aussi de même la neige; qu'ils chan-« geaient encore leurs propres figures et qu'ils se mon-« traient envieux dans l'enseignement des arts. — A(-« yovTai o" OÙTOI>caî yovjTSç ysyovevai, xaî -rcapayeiv, OTE» pouloi.VTO, VE'ÇÏITE xaî ô'f/.ëpouç x.al ya'Xâ^aç, ô(/.oi(oç oè xaî« yio'va Ètps^xEcÔai. A^OTTEW àè /.al Taç ïiWç (/.opepàç, xaî« eivai. <p6ovepoùçèv vô ài&acrxaXîa TÔV TE^VÛV1. »7/j je montraient envieux dans l'enseignement des

arts; ils gardaient le secret de leur supériorité et deleur génie : voilà leur crime, et aussi, n'en doutons

pas, la source d'où dérivent toutes ces accusations de

magie, d'enchantements et de sortilèges.Nous n'avons pas encore parlé du nombre des Tel-

cbines. Il dut être considérable, à les prendre danstoute la succession de leur durée; mais ils paraissentavoir eu au commencement trois principaux représen-tants. Euslathe nous a déjà dit qu'on leur avait donnéles noms de l'or, du cuivre et du fer, du métal quechacun d'eux découvrit. Strabon nous a parlé, il estvrai, de neuf Telchines qui se trouvaient à Rhodes;mais Nonnus est revenu au nombre trois. Il est vraiaussi qu'il leur donne les noms des Dactyles, sauf lenom d'Acmon, changé en celui de Lycus, confusionqui montre même, pour le remarquer en passant, laproche parenté, sinon l'identité de ces personnages. Ungrammairien de peu d'autorité, il est vrai, Lftctance, lecommentateur de Stace, nous dit, à propos du passagede la Thébaïde précédemment cité, que nos Telchinesétaient trois frères, minés par l'envie, qui, voyant pro-spérer les champs de leurs voisins, y répandirent la

1. V, 55.

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stérilité avec les eaux du Styx, et qui, après ce méfait,forcés de s'exiler, se retirèrent auprès des Cyclopes :« Telchines très ffatres dicuntur fuisse invidia lividi,qui« quum vicinorum agros vidèrent proventu fertiles,« natura felices, hos sparsisse dicuntur aquis Stygiis, ut« redderent infecundos.Quaculpa poenani metuentes,« solum verterunt, seque ad Cyclopas contulerunt. »Je ne discuterai point cette note, et ne m'arrêterai

pas à montrer que l'idée de la retraite des Telchines

auprès des Cyclopes a été suggérée par le travail queleur fait exécuter en commun le poète latin; je neveux que signaler les trois frères.

On peut donc admettre comme probable qu'il existadans le principe trois Telchines dont les noms noussont inconnus; car le Lycus de Nonnus n'est pas autre

que celui de Diodore de Sicile, et celui-ci appartenaitaux Telchines Rhodiens.Je viens de dire que ces noms sont inconnus, et

cependant Tzetzès va nous en nommer jusqu'à six.« Ils faisaient, dit-il, assurément partie des Génies en-« vieux les Telchines, Anlée, Mégalésius, Hormène et« Lycus, ainsi que Nicon et Mimon, et les autres réu-« nis à ceux-ci. Ces Telchines, arrosant là terre avec« l'eau du Styx, la rendaient inféconde, cherchant à« ne laisser absolument se produire aucun aliment« pour le^ hommes. »

TEI^TVEÇvjuocvS-/jTIVEÇTWV<p6ovsp«vSai[/.6vb>v,'AvTaîoç, M£ya)i7i<Tioç,"Op(/.£vo'<;TE xal Auxoç,Kai Si] Nixwv TE xal Mi|xôbv, xai ETspoi crlivTOUTOIÇ.05TOI ^Tuyài; ™ uSa-ri pou'vovTg;y:0v ^nâp7couv,Tpotfà; àvôptiJTTOLço-itEÛ5ovTEç[AV]yî^vecOat (AïjSÔXwç1.^

1. Chiliad. VII, 123 sqq.

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Mais où a-t-il pris tous ces noms-là ? Outre Lycus,on ne connaissait que Nicon et Mimon, ou plutôtSimon, d'après Zénobius, qui, sous sa responsabilité,en fait deux chefs des Telchines : « TEI^ÎVMV O\JOsyevovTo« 7iy£(j.o'veç,2î(/.uv y.cà Nawv 1. »Si nous ne cherchions qu'à prouver et à établir his-

toriquement que nos Telchines travaillèrent les métauxen forgerons et en artistes, et qu'ils embrassèrent toutela métallurgie, à prendre le mot dans sa grande accep-tion, nous aurions assez dit. Mais le sujet que noustraitons est soumis à des conditions exceptionnelles :nous devons compte de tous les pas que font nos mé-

tallurges , et nous sommes tenu de montrer que tousles lieux qu'ils visitèrent devaient les attirer par descauses physiques ou des circonstances locales relativesà leur industrie. C'est donc maintenant à 3a géographieà confirmer par ses indications les témoignages de

l'histoire, et à nous faire voir à sa manière que nosTelchines furent des métallurges et des artistes.Nous les avons rencontrés pour la première fois en

Crète, et déjà nous avons suffisamment expliqué d'oùvenait l'attraction exercée par cette île sur nos métal-lurges, qui s'y rendirent tous, à l'exception des Ca-bires. De là ils ont passé à Chypre; qu'ajouter encorea ce qui a été dit précédemment de cette riche et iné-puisable minière ?Mais nos Telchines étaient aussi des artistes, et, à

ce titre, ils se distinguaient de leurs frères. N'est-cepas chose remarquable qu'à ce titre encore ils s'ensoient distingués par les pays qu'ils visitèrent ? On

1. Proverb., V, 41.

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nous les a montrés à Rhodes et à Sicyone ; or, ceslieux furent toujours inconnus aux autres métallurges;mais ils devaient naturellement attirer nos Telchinesartistes ; car les métaux y affluaient, et le génie plas-tique y résidait.Je ne dirai pas que du temps de Plirie il y avait, au

rapport de Mucianus, trois mille statues à Rhodes, la

plupart, sinon toutes, d'airain. « Rhodi etiamnumtria« millia signorum esse, Mucianus, ter consul, prodi-« dit 1. » Je ne rappellerai pas même que quatre centsans auparavant cette île était le siège d'une célèbreécole de sculpture, un foyer d'art, qui rayonnait déjàavec éclat ; car cette date est encore récente par rap-port à l'antiquité des Telchines. Mais Pindare, le poètesi intéressé à bien connaître les plus vieilles traditionsde la Grèce, nous fait remonter, par une successionnon interrompue, jusqu'au berceau de la civilisationet de l'art des Rhodiens. Célébrant la naissance de

Minerve, événement qui arriva sous les Héliades, ildit : « De son côté, la déesse aux yeux d'azur accorda« elle-même aux Rhodiens de l'emporter sur les autres« habitants de la terre en toute espèce d'art avec leurs« mains excellemment industrieuses. Et les routes por-'I taient des oeuvres semblables à des êtres vivants qui« marchent. Et la gloire était immense. Chez le vrai« savant la science est encore plus grande quand elle« est sans prestige. »

AiixàAE otpiaiv toroxcTETe'^vavIlacav ÈTTI^OOVKOVrXauxS7nç àpWTcnrôvoïc yEpaî xpaTEtv.

1. Nat. Hàt.,XXMY, 17.

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"Epya SEÇCOOÏGIVipitdv —T£<ra(8' ôaoïa XÉXEUOOIOÉpov. 'Hv SEXXS'OÇBaôû. AaéVutÔÈxat aotpîaMSIÇOJVàSoXoçTE)>É6EI'.

Ces derniers vers renferment une allusion délicateet savante, qui n'a point échappé à l'érudition de

Heyne. Pindare oppose certainement l'habileté desHéliades à celle des Telchines. Des deux parts elle fut

grande; mais les Telchines passaient pour appeler la

magie au secours de leur art, tandis que les Héliadesdemandaient au seul mérite le succès de leurs oeuvres.De là la pensée du poète, que le prestige, qui semble-rait devoir rehausser un grand talent, le rabaisse plutôtet l'amoindrit. Confirmant et développant les idées deson auteur, le scholiaste nous dit : « AÙTOÎ -TOÔTOIoî« 'Po'oioi TVJVTWVâvdptavTwv s£c5pov ôvi(ji.i.oupyîav,TOTTpOTEpov« oùyOUTWTtfjiMjAÉ'vtov.— Ce furent les Rhodiens qui lesHpremiers trouvèrent l'art de faire des statues que l'onHestima au-dessus de toutes celles qu'on eût vues« jusque-là. »

Malgré cette antique illustration de Rhodes, Sicyoneétait peut-être encore un séjour plus digne d'attireret de fixer nos Telchines. Siège illustre d'une école depeinture et de sculpture, Sicyone possédait le géniecomplet des arts d'imitation, et, ce que nous tenionssurtout à savoir, Pline nous apprend qu' « Elle fut« longtemps la patrie des ateliers de tous les métaux.« —Sicyonem, qusediu fuit officinarum omnium rae-

î « tallorum patria 2. »

L Olymp. VII, 91-99.2. Nat. Hist., XXXVI, 4.

6508 9

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De Sicyone les Telchines passèrent-ils en Béotie?Ecoutons Pausanias : « Il y a, dit-il, à Teumesse, ville« de la Béotie, un temple consacré à Minerve Telchi-« nienne, qui n'a pas de statue. Au surnom de la« déesse, on peut conjecturer qu'une partie des Tel-ce chines, qui habitèrent jadis à Chypre, étant venue« en Béotie, construisit un temple en l'honneur de« Minerve Telchinienne. — Kal 'AÔvjvà; sv Têuir/imrâ« Te^yiviaç ECTIV îepàv, aya>.u.a oùx. ïym

• sç dï TYIViitah-CCCIV aÙT-TiçEGTIVEtXa^EW, <î)ÇTCOVÈVKuTCpto TT0TÉ0tX7)<ïâvTWV« Te^yîvuv â<pixo[/.évvi p.otpa è; BottoTûùç, îepàv îopu'caTO 'A.ÔÏI-« vâç Te^iviaç 1. »Comme il est très-loisible d'opposer sa conjecture à

celle de Pausanias, je dirai d'abord qu'il me paraît peuprobable que les Telchines aient visité la Réotie, bien

que cette terre donnât du fer d'une qualité supérieure,ainsi qu'on l'a vu à l'article des Cabires. J'objecteraien second lieu que nos artistes ne s'occupèrent jamaisque de reproduire les images des dieux ou des objetssymboles de leur toute-puissance, la faux de Saturne,le trident de Neptune.

Une objection beaucoup plus grave, et la remarques'étend à tous les membres de la famille dont nousfaisons l'histoire, c'est que ni les Telchines ni les autres

métallurges ne touchèrent jamais à la pierre, mais tra-vaillèrent exclusivement les métaux.

Quant au surnom de Telchinienne donné à la déesse,je l'explique ainsi. A l'origine, nos métallurges ont unitinéraire inflexiblement tracé, dont ils ne s'écartent

pas, nous l'avons vu. Mais lorsque la piété reconnais-*

1. IX, 19, 1.

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santé en eut fait des dieux, et qu'elle les eut voilésd'une institution de mystères, leur culte s'étendit.Qu'il ait passé dans la Béotie, on n'en saurait douter.J'en vois un signe dans le surnom de Minerve, et j'entrouve des traces mieux marquées dans ce que Pausa-nias rapporte un peu plus loin. Le Périégète nous ap-prend qu'à Anthédon, non loin de Teumesse, on avaitélevé un temple aux Cabires 1. Un peu plus loin en-core nous rencontrons un bois sacré de Cérès Cabi-

rique et de Proserpine, et, à une certaine distance, un

temple consacré aux Cabires. Maintenant, faudrait-ilconclure de là que les Cabires allèrent en Béotie? As-surément non. Et cependant les Thébains cherchaientà le faire accroire, et Pausanias ne fut pas très-éloignéd'ajouter foi aux contes des exégètes 8.Une dernière question : les Telchines allèrent-ils en

Samothrace ? Je n'ai découvert aucun texte qui le dé-clarât positivement ; mais nous avons des témoignagesindirects. Comment admettre, en effet, qu'ils aient

manqué au rendez-vous général des métallurges,lorsque nous' voyons les Génies auxquels l'antiquitéles associa, et ceux avec qui elle les confondit plusparticulièrement, les Curetés, s'y trouver ?Les Telchines furent donc des métallurges comme

tous les membres de leur famille, et, de plus, des ar-tistes renommés; tels nous les ont montrés de concert1histoire et la géographie. Les métaux ont rendu toutce qu'ils peuvent produire, et la métallurgie a dit sondernier mot à nos Telchines.

1- IX, 22, 4.2- IX, 25, 5-7.

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CHAPITRE V.

CONCLUSION DE L'HISTOIRE DES GÉNIES MÉTALLURGES.

SANCTUAIRE DE LA SAMOTHRACE.

Énoncé du problème que l'antiquité nous a légué sur les Génies mé-tallurges ; l'avons-nous résolu ? — Jugement sur Lobeck et sur sonAglaophamus. — Origine des mystères de la métallurgie ; ils passentdelà Phrygie en Samothrace.— Nos Génies, d'abord simples ministresde Rhée, sont associés à son culte. — Divinités qui se joignent à eux,à cause de l'affinité qu'elles ont avec les métaux. — Comment peut-onrattacher la métallurgie à ces mystères? — Mort cabirique; qu'était-ceque cette mort tant célébrée ? Erreurs graves où l'on est tombé à cesujet. — La mort cabirique n'est explicable que par l'histoire de nosmétallurges. — La commémoration n'en avait pas lieu dans le sanc-tuaire de Samothrace. — Autres usages que l'on croit faussementavoir été pratiqués dans ce sanctuaire. Particularités connues de la re-ligion de Samothrace : le Koiès en était un des principaux prêtres.-Détails sur la ceinture de pourpre que le myste s'attachait autourdesreins.— Les dieux samothraces invoqués dans les dangers. —Aquelleépoque furent institués les mystères de la Samothrace ? — A quelleépoque ont-ils cessé ? — Comment se sont-ils propagés dans le monde?— Leurs rapports avec les mystères de la Phrygie et d'Eleusis.

J'ai fini cette histoire, en tâchant de mettre quelqueordre et un peu de clarté dans la matière la plus con-fuse peut-être et la plus embarrassée que l'antiquiténous ait donnée à débrouiller. Aurais-je trouvé, jen'ose m'en flatter, la solution d'un problème que lesanciens eux-mêmes agitèrent tant de fois sans le re-

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soudrer* Ce qu'il y a de sûr, c'est que l'explicationque je propose concilie naturellement leurs différentes

opinions.Nous avons vu qu'au dire des uns les Dactyles, les

Cabires, les Corybantes, les Curetés et les Telchines nedifféraient que par le nom, et formaient une mêmeclasse de Génies; que, selon d'autres, ils étaient pa-rents entre eux, et présentaient seulement de légèresdifférences : or, en montrant que nous n'avions ici

qu'une même industrie symbolisée dans ses dévelop-pements progressifs, j'ai embrassé tout à la fois l'iden-tité et les différences, j'ai fait ressortir dans le mêmesujet l'unité et la variété. Comme métallurges, les Dac-tyles, les Cabires, les Corybantes, les Curetés et lesTelchines furent identiques; comme représentants,duprogrès de leur industrie, ils offrirent les différencessignalées par les anciens.11 paraît que de bonne heure la notion de leur rôle

primitif, c'est-à-dire du rôle de simples métallurges,se perdit ainsi que la connaissance de leurs premiersrapports avec le sanctuaire de Samothrace. Les auto-rités consultées par Strabon, les historiens de la Crète,de la Phrygie et de Rhodes l'ignoraient. Strabon lui-même ne semble pas s'en être douté; je l'infère d'unpassage de cette savante et curieuse digression, surlaquelle nous nous sommes si souvent appuyé et quia servi de fondement à notre travail.Au commencement de ses Theologoumena, le géo-

graphe dit : « Telle est la diversité qui règne dans ces '« traditions : ceux-ci déclarent que les Corybantes, les« Cabires, les Dactyles Idéens et les Telchines étaient« les mêmes que les Curetés; ceux-là prétendent qu'ils

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« étaient parents entre eux, et séparés les uns des« autres par quelques légères différences; mais qu'à« dire la chose en somme et en général, tous sans ex-ce ception étaient des espèces de fanatiques et de Bac-« chants qui, sous forme de serviteurs sacrés, frap-« paient les esprits pendant la célébration des sacrifices,« en se livrant à des danses armées avec tumulte et« avec bruit, et en faisant retentir des cymbales, des« tambours et des armes, ainsi que la flûte et des cris,« Aussi ces cérémonies, et celles de Samothrace, et'< celles de Lemnos, et beaucoup d'autres encore, sont-« elles regardées comme ayant une sorte de commu-« nauté entre elles, par la raison que ceux qui y exer-ce cent les fonctions de ministres sacrés sont désignésce sous un même nom. — Too-auT7i à' eWtv ÈVTOI; Myoïçce TouTotç TCoiy.Oaa, TMV p.èv TOUÇaÙToù; TOI; Koup-flCi TOÙ;Ko-cc pubaVTaç, îtai Kaëetpouç, y.aî 'Ioaiou; AaxTuXouç, xaî 1ù-« yjva.ç àTCOcpaivo'vTwv,Tcov 81, cruyyevst'; àW/fXwv,y.aî (uxpâça Tiva; aÙTtôv -repoç àXk^"kouç otatpopàç otacïTe'Xlo'vTwv " ûç oî

a TUTCWEÏTÏEÏVy.a.1 y.a.TX. TÔ •rc'Xé'ov, airavTaç èvÔouc;iaGT««w;« Tiva; x-ai Bay.ytx.oùç, jtal ÈVOTTXIM-/.IV/I'CJEI[/.ETa ÔopuéouKM

« d/o'epou, y.at, xujxëàlcov, xal TupL-ravcov, -/.ai Ô'TCXWV,ETI O »J-

« "XoCî,xai (3OTÏ<;Èz.TrTiTiTTovTa;y.aTa Taç ÎEpoupyiai; sv ay-^em« Siaxdvcov * toCTE xai Ta ÎEpà Tpo'-TrovTtvà xoivoiroiEicrGat Taû-race TE xai TCÙV2a[j.o6pa-/.tov xal Ta ÈVAïîp.vw, /.ai âXXa iïtaf« cîtà TO TOÙ; irpoiuéXo'jç 'XÉ-^EO-OaiTOÙ; aÙToù; 1. »De là il suit en effet que les écrivains dont Strabon

nous offre ici l'extrait ne connurent pas le caractère

qui seul pouvait leur expliquer les ressemblances et

les différences des Génies qu'ils étudiaient, ce carac-

1. X, p. 466.

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tère qui en faisait les représentants personnifiés des

progrès successifs de la métallurgie, depuis son pointde départ jusqu'à son dernier terme. Mais ils virentfort justement qu'un rôle qui leur avait été commun àtous, c'était celui de ministres sacrés, upo'-rcolot ; tousfurent eh effet, nous l'avons constaté, les serviteurs deRhée. Cependant ces mêmes écrivains se trompèrent,en croyant que ces serviteurs avaient tous été des fa-natiques et des Bacchants', ÈvÔouo-iacmy.oùçxalBaxjrixouç 1.Ce caractère ne leur fut pas essentiel ni commun à

tous, car il paraît très-indécis chez les Telchines, etne se montre point du tout chez les Cabires.Parmi les écrivains modernes, le nombre est grand

de ceux qui se sont occupés de nos Génies, soit pouren étudier une classe séparément, soit pour les consi-dérer toutes ensemble. Je ne m'arrêterai pas, commeon le pense bien, à exposer leurs différentes opinions,encore moins à les examiner-, ce serait un travail aussi

1. C'est la thèse qu'a développée Heyne, en étendant ce carac-tère de furieux enthousiasme à la célébration de plusieurs autrescultes, dans une dissertation intitulée : Religionum et Sacrorum cumfuroreperacturum origines et caussse {Comment. Societ. Gotting.,t. VIII, p. 3-24).Heyne était certainement un homme d'un savoir étendu et varié,

et, ce qui est encore plus rare, un homme de goût ; mais c'étaitaussiun de ces esprits faciles, qui courent en restant à la surface etqui pénètrent peu avant dans l'intérieur de leur sujet. Ici, parexemple, il a pris pour un caractère essentiel et fondamental unsigneextérieur et tout superficiel. Ce n'est cependant pas le cas dejuger son travail avec la dure sévérité de Lobeck, qui n'a pas craintde dire : « Cette dissertation de Heyne est louée par beaucoup de« monde; à moi, elle me paraît écrite en chaise de poste. —Lau-« (laiiu-hîecHeynii commentatio a multfe; mihi in cisio scripta vi-« àelur (Jglaopham., p. 1130), »

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long qu'inutile. Je me bornerai à dire que presque toussemblent avoir cru que l'antiquité nous avait laissé fortpeu de renseignements sur les personnages en ques-tion, ou que du moins ils n'étaient pas obligés d'eutenir compte. De là des systèmes plus aventureuxles uns que les autres, où ces écrivains n'hésitent

pas à nous donner leurs pensées pour des faits et lesrêves de leur imagination pour des croyances de

l'antiquité.Le premier qui ait senti la nécessité de recueillir les

divers passages relatifs à nos Génies, c'est Lobeck,dans cet ouvrage un peu prétentieusement intitulé dunom à'Àglaophamus, l'initiateur de Pythagore à ladoctrine des mystères ; mais il a fait de son éruditionun emploi qui ne prouve ni une grande rectitude de

jugement, ni beaucoup ^'élévation d'esprit, ni desvues très-étendues. Lobeck s'indigna de voir une foulede romanciers déguisés sous les noms de mystiques, de

symbolistes et d'hiérologues, s'emparer de la doctrinedes mystères de l'antiquité, et la traiter comme un

champ libre aux hypothèses, sans s'inquiéter de ce

qu'avait pu penser et dire l'antiquité elle-même; et il

entreprit de leur montrer qu'ils affirmaient sans preuve,qu'ils bâtissaient sans fondement, et que leurs spécu-lations n'avaient pas même le mérite d'être d'inno-centes fantaisies, mais qu'elles pouvaient encore ca-lomnier l'antiquité. Jusqu'ici j'approuve son desseinet le sentiment qui l'inspira. Mais Lobeck est allé plusloin; il a prétendu non-seulement que l'on avait parlejusqu'à présent sur la matière sans savoir, mais qu'ilétait impossible de rien savoir sur la matière. Cette

assertion, un peu téméraire dans tous les cas, deve-

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nait présomptueuse, si elle ne s'appuyait sur une dis-cussion solide et concluante; or, comment l'énidita-t-il établi ce qu'il avance? Il a mis en regard les pas-sages dont le sens lui paraissait incertain, équivoqueou contradictoire, et, les balançant les uns par lesautres, il lui a semblé que cette opération ne donnait

qu'un résultat négatif, que le plus souvent c'était de

part et d'autre une obscurité impénétrable, que ce

qu'on affirmait ici on le niait là,et que partout régnaitl'incertitude. Si ce jugement était fondé en effet, il necondamnerait pas seulement toutes les vaines hypo-thèses que l'on a imaginées jusqu'à présent, il interdi-rait encore toute étude des religions antiques. Mais

par quelles raisons Lobeck l'a-t-il motivé? Le plus sou-vent par des affirmations gratuites, et quelquefois parune tentative d'impuissante discussion. Avec un espritplus pénétrant et plus critique, il eût vu que ce qui luia semblé équivoque et contradictoire s'explique et seconcilie, que les ténèbres qu'il a épaissies à plaisirs eclaircissent ou même se dissipent entièrement. Avecun esprit un peu plus généralisateur, il eût remarquéque ce qui lui a paru vague, incertain et sans liaison,présente des analogies et se laisse rattacher à des causeset ramener à un principe. Mais Lobeck manquait dephilosophie; on ne peut lui contester sans doute unsavoir étendu et varié, mais il est avant tout l'hommedu détail, descendant jusqu'à la minutie. 11 accumuleles passages sans en chercher ou en saisir les rapports :cest une érudition à la Meursius, avec une connais-sance plus approfondie des sources, mais moins decandeur et de sincérité que n'en. montre partout legrand compilateur. Son dépit, tout légitime qu'il était,

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l'a mal servi, en le poussant à un sujet, qui était horsde ses moyens et au-dessus de son aptitude.Toutefois, il lui faut savoir gré d'avoir senti que

l'histoire des religions antiques doit reposer sur lestémoignages de l'antiquité. Tel est, en effet, le fonde-ment qu'il lui faudra donner désormais, à la conditionde féconder ces recherches, c'est-à-dire de comhinerles faits, d'en montrer les rapports généraux, et de selaisser ensuite mener aux résultats par unelogiquedebonne foi. Far là sans doute on ne sera plus libre decréer des systèmes à son gré; mais le devoir de l'his-torien est de constater, non d'inventer les faits. Icidonc la gêne deviendra tout profit, et, s'il nous estdonné d'arriver à quelque vraisemblance en un pareilsujet, ce ne sera que par la méthode que nous venons

d'indiquer.Mais, dira-t-on, lorsque les faits manquent ou qu'on

en est réduit à de douteuses et suspectes traditions,comme pour la doctrine intérieure des mystères, n'est-il pas loisible et même nécessaire de recourir aux con-

jectures? Je réponds non sans hésiter; où les faits

manquent, l'historien se tait; au delà commenceraitl'oeuvre du romancier. Il faut savoir ignorer en unematière qui nous restera toujours inconnue. Les an-ciens ne nous ont rien révélé de ce qui se passait entrel'initiateur et l'initié, et le secret a été bien gardé,Voici, je pense, tout ce qu'il est loisible de faire. Ces

religions avaient une histoire vulgaire, et, s'il est per-mis de dire, profane; on connaissait aussi leur éta-

blissement, leur culte et leurs pratiques extérieures;or, en s'autorisant de ces faits connus et en s'aidantdes vagues rumeurs qui passaient pour avoir transpire

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du sanctuaire, on peut sinon dévoiler tous les secretsde l'initiation, du moins en interpréter quelques sens

allégoriques. C'est ce sage principe d'induction quenous allons appliquer à l'histoire religieuse de nos

métallurges.•

En remontant dans l'histoire mythologique la lon-

gue chaîne des effets et des cau^s secondaires, nousarrivons à deux causes génératrices, le Ciel et la Terre.« Salut, s'écrie l'hymnographe homérique, mère des« dieux, épouse du Ciel étoile : »

Xaîpe, 6EWV[XV^TV]p,aXo/J Oùpavoû àuTEpo'evTOi;'.

C'est le couple primitif, en effet, qui passe pouravoir produit l'innombrable multitude de dieux, quifinit par envahir tous les éléments. Bientôt le vaste

empire de la Terre se partage entre plusieurs divinités,ou plutôt c'est la même mère régnant sous des nomsdifférents, dont la Fable a fait sa nombreuse postérité.Cérès, sa fille, et Proserpine, la fille de cette dernière,président à la germination et à la fructification desplantes. On pense bien que parmi ces plantes, cellequi valut aux deux déesses le plus de reconnaissanceet de vénération de la part des hommes, c'est le blé.Nourricier des hommes, en effet, le blé devint une descauses les plus effectives de la civilisation, et le sou-venir de son invention et de sa culture fut consacrépar l institution d'une religion et des mystères les pluscélèbres de l'antiquité. Après le blé, la plante qui eutle plus d'action sur la vie des hommes, c'est la vigne.Aussi fonda-t-on un culte et des mystères en l'honneur

L flrww.XXX, 17.

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du dieu qui avait fait connaître le vin, en l'honneurde Bacchus, le fils de Jupiter et de Proserpine.Mais les métaux furent aussi un instrument de civi-

lisation non moins efficace que le blé, et dont la dé-couverte doit être plus ancienne. C'est à la Terre elle-même, c'est à Rhée que les hommes rapportaient cebienfait, et ils le reconnurent en établissant dès la plushaute antiquité dan^la Phrygie un culte en l'honneurde la déesse qui avait enseigné l'usage des métaux.Le culte des métaux fut d'abord sans mélange, ayant

nos métallurges pour ministres, les mêmes que ladéesse était censée avoir formés de ses mains. De bonneheure il passa dans la Samothrace, et s'y arrêta commeà une première "halte au sortir de la Phrygie; maisl'établissement devint permanent et dura pendant plu-sieurs siècles. C'est qu'en effet le lieu était heureuse-ment situé : la Samothrace, ayant l'Asie à l'orient,l'Europe à l'occident, touchait à la Thrace par le nord,et commandait du côté du midi toutes les îles dont est

peuplée la Méditerranée; on l'eût dite choisie pourservir de réunion aux peuples de l'antiquité, commeelle devint en effet le rendez-vous général de leur dé-votion. Ajoutons que, pour servir de sanctuaire auculte de la métallurgie, nul endroit ne semblait encore

plus convenablement choisi qu'une île entourée de la

Phrygie, de la Thrace et de la Macédoine, c'est-à-diredes pays les plus fertiles en métaux.

Toutes les religions de l'antiquité avaient leurs céré-monies secrètes : les anciens connaissaient l'empire du

mystère sur l'esprit de l'homme, et savaient de quelsliens puissants enchaîneraient la foi des croyants ces

espérances et ces craintes. Le culte de Rhée eut donc

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— 141 —

aussi ses mystères, dont la célébrité balança presquecelle des mystères de Cérès. Le scholiaste de Clément

d'Alexandrie, interprétant le passage où son auteur

rapporte qu'Éétion fonda les Orgies et les initiationsde la Samothrace, nous dit : « 'HETIMV, 0'vofz.a>wpiov TOQ« tuTOpODuivouTCpwTOuy.aTapc;ai TWVÈV2ajjt.o6pay.7iTYÏ Péa TE-« TioupivwvpffT/ipiwv 1. — Éétion est le nom propre de« celui que l'on raconte avoir institué le premier dans« la Samothrace les mystères célébrés en l'honneur de« Rhée. » Le scholiaste d'Aristide interprétant le pas-sage suivant de son auteur : « 2ap9pây.E; âyaXlovTai TOÏ;« iepoîç, xal TaÙTa uravTcov ôvojJ-affTo'TaTa ÈGTI, IÏXVIVTWV« 'EXêuciviuv2. — Les Samothraces se glorifient de leurs« mystères, qui sont, en effet, les plus renommés de« tous après ceux d'Eleusis, » nous dit : « OUTOI[/.uffTïîpia« efyov tpoëepà TVÎÇ'Ps'a;'. — Ces Samothraces étaient en« possession des redoutables mystères de Rhée. »Mais avec le temps la bonne déesse abandonna aussi

ce sanctuaire à ses enfants, et sembla s'effacer elle-même. Les ministres associés à sa religion reçurent leshonneurs divins, et à ce culte se vinrent joindre Cérès,Proserpine, Pluton et Mercure, toutes divinités sou-terraines, c'est-à-dire habitant les entrailles de la terre.Plus tard, nous l'avons vu, lorsque les Cabires se

furent emparés à peu près exclusivement du sanctuairede Samothrace, ils représentèrent Cérès, Proserpine,I luton et Mercure sous les noms mystiques à'Axiérus,à'Jxiocersa, à'Jxiocersus et de Casmilus.A ces divinités s'en ajoutèrent successivement d'au-

1. Ad Rom. Protrept., p. 12, éd. Pott.2. Aristid. Oper., t. I, p. 308, éd. G. Dindorf.3- T. III, p. 324.

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très dont nous devons dire un mot, car toutes ellesfurent attirées au sanctuaire par leur affinité communeavec la cause première de cette religion, avec la dé-couverte des métaux.A. côté de Proserpine se trouvait naturellement une

déesse que l'histoire mythique en a rapprochée jusqu'àles confondre : c'est Hécate, la même qui s'appelaitDiane sur la terre et Lune dans le ciel. Indépendam-ment de sa participation au culte des divinités réuniesde la Samothrace, Hécate recevait des adorations par-ticulières dans un antre de cette île appelé Zérinthe, et' on immolait des chiens en son honneur, comme nous

l'apprend Lycophron. Parlant de Dardanus, il dit qu'ilpassa dans la Phrygie, « Après avoir quitté Zérinthe,« l'antre de la déesse à laquelle on immole des chiens,« et Saos (Samothrace), l'établissement bien fortifié« des Corybantes. »

Zr^ptvOovavrpov TvjçxuvotxipayotjçôsaçÀuràv IpufAvbvXTi<T[j(.aKupëâvctov Sàûv 5.

Nonnus nous représente Harmonie faisaut ainsi sesadieux à la Samothrace : « Antres des Cabires, adieu;« adieu, rochers élevés des Corybantes, je ne verrai« plus J.a torche nocturne des fêtes d'Hécate, adorée« comme mère. »

'Avxpa Kaêsîpojv,XaipETE, xal uxoiriai KopuSavriSeï; • oùxstt XeôffffwMï]Tpc(W]çeExaTY)i;vvyir{v Oiaao'iSsa rauxr)v 2.

Mais si Hécate se trouvait par là deux fois adorée

1. Alexandr., 77.2. Dionys., IV, 183 sqq.; cf. XXIX, 214.

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dans la Samothrace, faut-il croire qu'il en ait été demême de Cérès et de Proserpine ? Strabon nous dit :« Le géographe Artémidore assure que près de la Bre-« tagne est une île où l'on offre à Cérès et à Proser-« piue uii culte semblable à celui qui leur est rendu« dans la Samothrace. — *7)<TIVEtvai VYJCJOV-rcpo; T7\ BpE-KTavvix/i, xaÔ' -/|v6p.oîa TOI; ÈV2ap.o0pay.vi irepi TTJVAv]p.-/)Tpav« -/.aiTTJVKo'pviv ÎEpoTtoiEÎTai '. »Je pense qu'il n'y a qu'une conséquence possible à

tirer de la phrase de Strabon : c'est que Cérès et Pro-

serpine, indépendamment des honneurs qu'elles par-tageaient avec les autres divinités du sanctuaire, enrecevaient encore de particuliers ; car on ne peut sup-poser que les insulaires dont il parle aient rendu à cesdéesses un culte qui rappelât les mystères de la Samo-thrace.Un dieu qui avait sa place marquée dans le temple

ou se célébraient des mystères fondés sur la métallur-gie, c'était assurément Vulcain, dieu du feu et desmétaux, Vulcain, qui présidait aux travaux de la forge.Aussi lui en ouvrit-on les portes : toutefois, aucuntexte ne le déclare expressément; mais il y a des in-dications qui font foi.Il suffirait déjà des rapports mystérieux que d'his-

toire mythologique établit entre Vulcain et la Terre ausujet de la naissance d'Érichthonius. Nonnus, faisantsavamment allusion à la production incomplète etpartagée de cet enfant, à cette paternité commencéeavec Minerve et consommée avec la Terre, fait dire àVulcain par Jupiter : « Et toi, Vulcain, amoureux d'une

LIV, p. 198.

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« Vierge, fiancé de la Terre, qui acheva ta progéni-« ture. »

Kai au, TEXECTCTIYÔVO'JçtXoirâpOEVEvu|xtp!e rai'-/)?,"HcpaicxE 1.

L'histoire mythologique nous montre en second lieuVulcain assistant dans la Samothrace avec les autresdieux aux noces d'Harmonie, et faisant un riche pré-sent à la jeune épouse de Cadmus.Enfin la prépondérance que les Cabires avaient ac-

quise dans le sanctuaire de Samothrace ne permetpoint de supposer qu'ils n'y aient pas attiré le dieu

qui passait pour être leur père.Mais on demandera peut-être s'il n'y eut point alors

conflit d'attributions entre Rhée et Vulcain au sujet del'invention des métaux. L'opposition n'est qu'appa-rente; Vulcain n'envahit pas le sanctuaire, il y fut

reçu. On reconnaissait plusieurs Vulcains, au rapportdes théologiens cités par Cicéron, et le plus ancien

passait pour fils du Ciel 2. Mais en admettant le plusanciennement autorisé, celui d'Homère et d'Hésiode,né de Junon et de Jupiter, il s'ensuivra toujours quenous n'avons en lui qu'un fils ou un petit-fils de Rhée,c'est-à-dire une divinité subalterne, qui tenait peut-être son industrie de la grande mère phrygienne, et

qui ne put entrer qu'accessoirement en partage des

mystères de la Samothrace.J'ai encore à signaler une différence essentielle entre

les deux espèces de métallurgie que représentaient les

1. Dionys., XXVII, 317.2. De Nat. D., III, 22.

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deux divinités, différence qui a été déjà touchée à l'ar-ticle des Cabires. Celle de Rhée fut d'abord tout élé-

mentaire, et s'éleva ensuite progressivement ; celle deVulcain se révèle tout d'un coup, comme une inspira-tion que le dieu envoie aux mortels. Vulcain ne quittepas l'Olympe pour enseigner son art, et il n'exécute

que des travaux destinés aux dieux ou commandés parles dieux; la déesse se fait l'institutrice des hommes,et suit pas à pas le développement de leur intelligence,donnant à la fois l'exemple et le précepte, comme lefera Cérès en enseignant la culture du blé.Le voisinage de Vulcain semblait devoir à son tour

attirer Minerve, non-seulement à cause de l'aventure

que nous venons de rappeler, mais encore parce quel'antiquité les associait dans l'invention des arts : « La« plupart, dit Phurnutus, attribuent à Minerve et à« \ulcain l'invention des arts. — Oî ifXEiou; TVJîàSyivà« m\ TW 'HcpawTw Taç Téyvaç àvaTiÔÉaGi 1. » Mais Minervene fut jamais comprise parmi les divinités souterraines,et jamais elle ne s'occupa des arts qui concernent lamétallurgie.Une déesse plus étrangère encore en apparence aux

dieux de la Samothrace, et qui cependant fut admiseau milieu d'eux, c'est Vénus; mais ce ne sera pas sansdiscussion qne nous lui pourrons assurer sa place ausanctuaire.Dans le temple de Vénus, à Mégare, on voyait de la

main de Scopas les statues d'Éros (l'Amour), d'Himé-ros (la Passion amoureuse), et de Pothos (le Désir),nous apprend Pausanias : « 2y.o'-a £è "Epwç y.al wIp=çoç xal

1. DeNat.D.,XlX.10

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« rio'Oo; 1. » De son côté, Pline, qui n'a point parlé deces statues, nous dit : « Scopas fit Vénus et Pothos et« Phaéthon, qui sont adorés à Samothrace avec les« plus saintes cérémonies. — Is fecit Venerem et Po-« thon et Phaelhontem, qui Samothrace sanclissimis« cserimoniis coluntur . »Pline aurait-il commis là quelque confusion ? Après

y avoir mûrement réfléchi, je n'en crois rien. Vénusétait solennellement adorée à Lemnos, l'île de Vulcain;la vengeance qu'elle tira des Lemniennes, qui avaient

négligé ses autels, suffirait pour le prouver. Elle étaitaussi adorée dans la Thrace, et de là l'épilhète deZe-

rinthienne, Z?ipuv(h'a, qui lui est donnée deux fois parLycophron 3, du nom de Zérinthe, ville de Thrace,située près de l'embouchure de l'Hèbre, et cju'il nefaut pas confondre avec l'antre de Zérinthe, qui setrouvait dans la Samothrace, et dont nous avons parléà propos d'Hécate. Que de la Thrace ce culte ait passédans la Samothrace, rien de plus naturel; il y était

appelé par Vulcain et par les Cabires eux-mêmes, Le

témoignage de Pline confirme donc la vérité d'un fait

déjà très-vraisemblable.Que faire cependant de Phaéthon? Un manuscritde

Pline l'a supprimé, et, sur cette autorité, M. Sillig,dans son Catalogue des Artistes, à l'article Scopas, aréduit à deux les trois statues du sculpteur. C'est un

grand tort. Pour respecter ce nom, il suffisait de si

rappeler l'ancienne tradition consacrée par Hésiode.Parlant de Phaéthon, non le fils du Soleil et deCly-

1. I, 43, 6.2. Nat. Hist,, XXXVI, 4, 7/3. Alexandr., 449 et 9S8.

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mène, mais le fils de l'Aurore et de Céphale, Hésiodenous apprend.que Vénus, éprise de cet adolescent, ou

plutôt de cet enfant, qui n'avait encore que les goûtsde son âge .(-aïà' à.xalk cppovéovTa), «S'élança dans les« airs, après l'avoir enlevé, et en fit pour son temple« merveilleux un ministre nocturne, un Génie divin. »

~12p-:'àvEpsuJ/atisV/j,xai |xiv ÇaQsoiçéVivrfllt;NïiOîiôXovvûynovTto\.r,<ja.xo,oatuiova oïov1.

Mais la difficulté n'est pas encore par là tout à faitrésolue. Comment est-il arrivé que Scopas se soitexercé deux,fois sur le même sujet? Pausanias nous

suggère la réponse. Après avoir donné quelques détailssur le temple de Minerve à Tégée, qui remplaça celuiqu'un incendie avait détruit, il ajoute : « J'ai appris« que l'architecte de ce nouveau temple fut Scopas de« Paros, qui fit aussi des statues en beaucoup d'en-« droits de l'ancienne Grèce, ainsi que dans l'Ionie« et dans la Carie. — 'Apy^Tsy-rova àè èituvQavou.7iv 2-/.0-« TOV.oÙToCiyevÉGÔai TOVnapiov, 0; y.ai àyal^aTa izok'kor/oij« TK «p/aia; 'EHaàoç, Ta àÈ y.a! Tcepl 'iwvîav TE jtal Kapiav« ETOW1G6-.» C est probablement dans un de ces voyagesque, s'élant arrêté à Samothrace, et déjà connu parles statues qu'il avait faites pour le temple de Mégare,u aura été prié par les insulaires de leur faire aussi uneVenus et ses deux acolytes; et comme rien n'empêchede supposer ce séjour à Samothrace, après la recon-struction du temple de Tégée, reconstruction qui dutêtre postérieure à la deuxième année de la XC VIe Olym-

1. Theogou., 990 sq.2. Pausan,, VIII, 45, 3 et 4.

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piade, avant J.-C. 395, puiscpie ce fut cette année-làmême que brûla le premier temple, nous sommeslibres de placer la date approximative des nouvellesstatues dans l'Olympiade suivante, entre les années392et 390 avant l'ère chrétienne.

Enfin, pour avoir terminé la liste des divinités quise rattachèrent successivement aux dieux de la Samo-thrace, deux héros divinisés, que l'on s'attendait peuàvoir figurer dans le sanctuaire, les Dioscures, y furentintroduits par ordre du destin et sur la décision desoracles, ainsi que nous l'avons exposé à l'article desCabires.La religion de Samothrace ne fut donc dans le prin-

cipe qu'une simple institution de mystères fondés surla métallurgie, et présidés par Rhée, qui eut nos mé-

tallurges pour ministres. Ces prêtres, ayant transmislebienfait de la déesse aux autres hommes, furent divi-nisés par la reconnaissance. L'antiquité elle-même l'adéclaré. Diodore de Sicile nous dit, en parlant des Dac-

tyles, qui furent les premiers instituteurs : « Et comme« ils s'étaient montrés les auteurs de grands bienfaits« envers l'espèce humaine, ils reçurent des honneurs« immortels. — Aollavraç Si [/.Eyalwv àyafkov àpy-/lyoùçy''« yevTJGÔai TÛ -yÉVEiTCOVàvÛow-rccov, Ttp.cov TuyEÎv àÔavscroiv.'A une époque qu'il serait impossible de déterminer,

mais dans tous les cas, à une époque fort ancienne,lesanctuaire de cette île forma des diverses religionsqu»avait accueillies un mélange plus ou moins intime, unssorte de syncrétisme mystique, et, à la tête de celle

confusion, il plaça les Cabires, en leur adjoignant par-

1. V, 04.

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fois les Corybantes, et plus tard substitua les Dioscuresaux Cabires.Maintenant, comment rattacher la métallurgie à ces

mystères? Le fait pourrait n'être pas explicable qu'iln'en serait pas moins certain, car il y a des preuvesqui le confirment. Mais n'aurions-nous pas aussi quel-ques raisons pour l'expliquer? Si je ne me trompe,nous n'en sommes pas tout à fait dépourvus.Nous avons vu quel emploi firent nos métallurges,

surtout les Corybantes et les Curetés, des métaux qu'ilsavaient travaillés; ils fabriquèrent des armes offensiveset défensives. Des armes, tel fut le premier usage du

premier métal, c'est-à-dire du cuivre. Le coutre de lacharrue viendra plus tard avec la découverte du blé.Il faut d'abord des armes pour se défendre contre lesanimaux et contre les hommes, ou pour les attaquer :c'est la marche de la nature. Lorsqu'on découvre dansla Théhaide les premières mines de cuivre et d'or, oneu fait, nous a dit Diodore de Sicile, à l'article desCabires, des armes pour tuer les animaux et des in--.struments pour travailler la terre: « "CH^aTs xaTaGiceua-« craudcu,ai wv Ta 6vipta y.TEivoi/Ta?, y.ai TTJVy-flv Èpya'(o;.»i-« vou;1. » La déesse qui donna les premières leçons deleur industrie à nos métallurges leur a suggéré aussile premier emploi du métal, et bientôt elle a recourselle-même aux armes fabriquées par ses serviteurs.: Nous connaissons l'artifice qu'elle imagina pour sous-traire ses enfants à la voracité de Saturne, et elle veutaussi les protéger contre tout autre danger. Or, d'où"venaient le bruit des cymbales et le cliquetis des bou-

-, <• 1,15.

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cliers et des lances entrechoqués, et les danses arméesdont les pas retentissaient comme l'airain ? D'où ve-naient ces démonstrations extérieures, qui caractéri-sèrent non-seulement le culte de Rhée, mais toutes les

religions issues de la sienne? J'y vois un souvenir sym-bolique et figuré des premiers travaux de l'industrie

métallique et de l'invention des armes et de l'usagesacré qu'en firent nos Génies métallurges. Gardons-nous d'y chercher simplement, comme on l'a voulufaire, des marques de joie : ces cultes différaient tropentre eux pour avoir une manifestation identique, etils ne se prêtaient pas tous assurément à l'expressionde la joie. Aussi n'est-ce pas à ce signe superficiel ques'arrêtait Varron, lorsque, dans son grand ouvrage.™/'les Dieux, 'expliquant le bruit des cymbales et des in-struments de fer qu'on agitait aux fêtes de Rhée, il di-sait que l'on produisait ce bruit pour signifier que lesinstruments de culture de la terre avaient été primiti-vement d'airain, avant l'invention du fer : « Cymbalo-« rum sonilus, ferramentorum jactandorum ac nia-it nuum, et ejus rei crepilus in colendo agro qui fit,« significat quod ferramenta illa ideo erant ex oere,« quod antiqui illam colebant aère, antequam ferrum« essel inventum 1. » Explication qui présente la plusgrande analogie avec celle que nous proposons.Le rapprochement qu'établit le savant Romain entre

les deux rôles du même métal, dans les cérémonies duculte et dans le labourage de la terre, indique un rap-port plus intime entre Rhée et Cérès, et nous autoriseà supposer que, dans l'initiation, on révélait l'identité

1. Fragm., t. I, p. 226, éd. Bipont.

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des deux déesses. Aussi bien est-ce la doctrine desthéologiens, qui confondent ensemble Rhée, Cérès etProserpine. On devait encore montrer l'étroite dépen-dance de l'invention des métaux et de l'invention dela culture du blé, dépendance telle que la seconde

pouvait être considérée comme l'effet de la première.Mais, s'il en est ainsi, toutes les religions associées dansle sanctuaire de Samothrace reposaient en réalité surle culte des métaux ; car toutes ces religions se rédui-sent à deux, celle de Rhée et celle de Cérès et de Pro-

serpine, ou plutôt elles se réduisent à une, celle deRhée. Aucune des traditions relatives à ce qui se pouvaitpasser dans l'intérieur du sanctuaire ne contrarie ces

inductions; loin de là, tout les seconde et les autorise.Hérodote avait été initié aux mystères de la Samo-

thrace, dont il attribue l'institution aux Pélasges. Dansun endroit, il raconte cjue c'est de ces peuples que lesAthéniens avaient emprunté l'usage de représenter Mer-cure ithyphallique, et, à ce propos,"il nous apprendqu'il était question du dieu ainsi représenté dans lesinitiations de la Samothrace. Mais ici, comme ailleurs,le dévot historien s'est réfugié dans sa réserve scrupu-leuse. « L'homme, dit-il, qui est initié aux mystères« des Cabires que célèbrent les Samothraces, qui les« ont reçus des Pélasges, celui-là sait ce que je dis. —« OcïTiç bï Ta Kaéetowv ô'pyia [Asp.u-/iTai,Ta 2a[./.o6p7]"i>ceçsm-« TEAÉ'OUG!,irapaXaêovTEç Tûapà lUXaGywv, OÛTOÇwv/ip oiàE TÔ« Xéyw1. » — « Les Athéniens, continue-t-il, sont donc« les premiers entre les Grecs qui ont fait les statues« de Mercure dans l'attitude ithyphallique (ereclis pu-

1. n, 51.

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« dendis), l'ayant appris des Pélasges. Quant aux Pé-« lasges, ils donnent une raison mystique de celte« attitude, conforme à ce qui est exposé dans les mys-« tères de Samothrace. — 'Op6à wv â'ysiv Ta at&oîa rà-« -yaXp.aTa TOÙ Eppito 'Aovivaïoi -rcpcoToi 'EWivivwv, p.aGovTEç« iwcpà IlETvaGycov, èiroi-/;GavTo. Oî $1 IlE'Xaayoi tpov Tiva lo'yov« ire pi aÙTOÙ Ê"Xe?av, Ta Èv TOÎGI èv 2ap.oÔpYiï;oi p.uGTïipioicri« OE^TplMTai.»Quelle était cette raison mystique des Pélasges ? Nous

la trouvons sans doute dans Cicéron, qui, parlant de

Mercure, non le fils de Jupiter et de Maïa, mais le plusancien des Mercures, fils du Ciel et de la Lumière, nousdit qu'à la vue de Proserpine il se sentit si violem-ment épris, qu'il trahit sa passion par une attitudeobscène : « Mercurius unus Coelo paire, Die maire na-ît tus, cujus obscccnius excitala natura traditur, quod« adspectu Proserpinoe commotus sit 1. »Quelle étaitcette doctrine exposée dans les mystères?

On peut conjecturer que le prêtre disait à l'initié queProserpine avait d'abord repoussé Mercure en frémis-sant de colère, et que le dieu avait abandonné sa ten-tative. C'est en effet ce que nous apprennent les an-ciens : « Brimo, nous dit Tzetzès, désigne Proserpine,« parce qu'elle frémit de colère contre Mercure qui« cherchait, dans une partie de chasse, à lui faire vio-« lence; et le dieu cessa même alors sa tentative. —« Bpip.w, 7i IIepGE(pov7), Ô'TI TW 'E^J/T, (îià^ovTi aÙTTjv ÈVy.iwi-« yEGtw ÈvE^pip/ÎGaTO, scai OUTWÇÈy.sîvoç È7taùSv) TOUÈyy_Etpvf-« p-aTo; 2. » Mais le prêtre devait ajouter que plus tard

1. De Nat.D., III, 22.2. Ad Lycophr., 698.

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la déesse se rendit aux désirs persévérants du dieu, et

que l'union mystérieuse s'accomplit sur les bords dulac de Bcebé, dans la Thessalie. Properce a recueilli etconsacré la tradition :

Mercurio et sanctis fertur Boebeïdos undisVirgineum Brinio composuisse latus 1.

Ensuite, s'élevant jusqu'au symbole, peut-être l'ini-tiateur disait-il à l'initié que Proserpine portait le

germe, que Mercure possédait la vertu fécondante, et

qu'à un moment donné leur concours devenait fatale-ment nécessaire pour opérer la génération des plantes.Je viens de donner le seul détail qui se rattache di-

rectement aux mystères de la Samothrace, et encorea-t-il fallu recourir à une conjecture pour sonder cet

unique secret de l'initiation. Mais ici j'entends les sym-bolistes et les hiérologues se récrier et me rappeler lamort cabirique dont ils ont tant parlé, celte mort ca-

birique qui semble s'être établie comme un fait incon-testé dans 1 érudition et l'archéologie. Je suis donc-

obligé de dire aussi mon sentiment sur ce point.Et d'abord, qu'était-ce que la mort cabirique? Il

s'en faut que l'on ait consulté tous les textes, et qu'onles ak interrogés comme ils demandent à l'être.A une certaine époque, qui sera précisée plus bas,

il s'établit une tradition au dire de laquelle l'un destrois Cabires avait été tué par ses deux frères.« Si tu veux, dit Clément d'Alexandrie, être admis

« aussi à la contemplation des mystères des Cory-« bantes : ceux-ci, ayant tué leur troisième frère, en-

L £lcg.,ll, 2, 11.

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« veloppèrent la tête du mort d'un voile de pourpre,« et, après l'avoir couronnée, l'ensevelirent, la trans-« portant sur un bouclier d'airain au pied du mont« Olympe. Et leurs prêtres, les Anactotélestes, appe-« lant les Corybantes Cabires, nomment aussi le mys-« tère cabirique. — Eî Q&eiç &' ÈivoiïTEOcai y.al Ta Kopu-« ëavTuv opyia' TOVTpiTÔv àdeXçov aTïoxTeivavTeç OÛTOI,TTIV« xecpalriv TOÏÏ vexpoO çoivixièi àiv6xaXui|/aTviv, y.al y.aTaGTÉ-« ijiaVTE ÈGaij/aTviv, ÇE'povTe; èirl yaXvJf^ aGTïtooç ù-rcoTKÇÛTCM-« pstaç TOQ'OAUJJLTÎOU.Oî âè Upeiç oî TWV&E,oî Avay.TOTE'AeaTCM,« Raëeipouç Toùç KopuêavTa; y.a'XoOvTEç,y.al TVIVTS'XSTTIVKaëct-« pwvjv y.aTayyÉX'Xouffiv'. »« Livrons aussi à l'oubli, dit Arnobe, le culte des

« Corybantes, dans lequel on transmet ce saint mys-« tère : un frère massacré par ses frères. — Oblivioni« etiam Corybantia sacra donentur, in quibus sanclum« illud mysterium traditur : frater trucidatus a fratri-« bus 2. »« Dans le culte des Corybantes, dit à son tour Fir-

« micus, le fratricide est honoré ; car un frère a été tué« par ses deux frères, et dans la crainte que quelque« indice ne décelât le meurtre commis par les mains« fraternelles, les meurtriers consacrent la dépouille« du mort au pied du mont Olympe. C'est ce même« Corybante qu'adore la folle croyance des Macédo-« niens. C'est là le Cabire sanglant que les Thessalo-« niciens invoquaient autrefois avec des mains en-ce sanglantées. — In sacris Corybantum parricidium« colitur; nam unus frater a duobus interemptus est,

t. Protrept., II, 20, p. 16, éd. Pott.2. Ad». Nat.,\, 19.

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« et ne quod indicium necem fraternae mortis aperiret,« sub radicibus Olympi montis a parricidis fratribiis« consecratur. Hune eundem Macedonum colit stulta« persuasio. Hic est Cabirus cui Thessalonicenses queu-te dam cruento, cruentis manibus supplicabanl 1. »Enfin le pseudonyme Orphée, s'adressant à un Co-

rybante-Curète, l'appelle Curète nocturne, Corybanlequi erre seul, « Corybante ensanglanté, déchiré par« ses deux frères. » Nuy.Teptvôv KoypvjTa, sp7)L/.o'7:lavovKo-

puëavTa,<I>oîv.ov,at|xay_ô=VTay.'j.Giyvrfîuwuito oiuatûv2.

Voilà ce que l'antiquité rapporte de la mort cabi-

rique. Mais où se faisait la commémoration de ce

tragique événement? Était-ce dans le sanctuaire deSamothrace, comme le croient fermement les mysté-riographes? Était-ce même dans l'enceinte de celteile? Evidemment non : il suffit de lire avec quelqueattention les passages que nous venons de citer pourse convaincre que la scène avait lieu en Macédoine.

Lactance, dans un passage qui a élé déjà rapporté plushaut, fait une évidente allusion au même événement,lorsqu'il dit : « Macedonës summa veneratione colue-« runt Cabirum 3. — Les Macédoniens adorèrent un« Cabire avec une profonde vénération. »Ainsi l'on dut supposer de violentes dissensions éle-

vées entre ces Génies, et, par suite, le meurtre de l'und'eux accompli par les deux autres. C'est à cette occa-sion sans doule que les Macédoniens eurent l'idée d'at-

1. De Error. prof., p. 15, éd. Wower.2. Hymn. XXXIX.3. lnstit. divin,, I, 1S, 8.

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tirer dans leur pays le Cabire proscrit, et de lui rendrele temple et les adorations que ses frères lui avaientravis.Mais quelle fut la première origine, la cause primi-

tive de celte tradition? Je vais dire ma conjecture, et,si je me trompe, j'aurai du moins l'avantage d'appelerl'attention sur un fait remarquable de l'histoire de nos

métallurges, et qui a passé inaperçu.Il existe un proverbe, qui remonte à une haute an-

tiquité, sur l'un des Dactyles, sur Celmis, le premierdes trois Génies célébrés par l'auteur de la Phoronide,et qui s'appelaient, comme nous l'avons dit, Celmis,Damnaménée et Acmon. Ce proverbe est ainsi conçu :

Kity,iç Èv GioMpu, Un Celmis dans le fer, c'est-à-diredans l'art de travailler le fer. Zénobius, qui nous l'a

conservé, l'explique de la manière suivante : « Ce« proverbe s'applique à ceux qui ont une extrême« confiance en eux-mêmes, parce qu'ils sont naturel-ce lement forts et difficiles à vaincre. Celmis, en effet,« fut un des Dactyles Idéens qui outragea Rhée la« mère, et qui n'accueillit pas la déesse, reçue avec« une hospitalité bienveillante par ses frères dans« l'Ida ; c'est par lui que fut forgé le fer le plus dur.« Sophocle fait mention de l'histoire dans ses drames<( satyriques. •—• AUTTITaTTETai è-l TMV Gtpoo'pa éauToï; T.<.-« CTSuaavTcov, Ô'TI iV/upot y.al àucvgîpwTOt. ipuy.aGi. K&JM;« yàp [r,v] elç TÛV 'I^aîow Aay.Tû"XcovT/,V [/.-/)TÉpa 'Pc'av ûopi-« caç, Y.v.1 p.vi ûiïoSE^ajj.Evoç [TY;V 8EOV^EviGOewav]

1 ÛIÏOTWV

1. Les derniers éditeurs de Zénobius, Leutsch et Schneidcwin,ont mis ici le signe de la lacune. Il y manque, en effet, plusieursmots. Je ne sais si je les ai heureusement rétablis ; je pense dumoins être resté fidèle au sens et avoircomplété la pensée de l'auteur.

Page 171: Les métaux dans l'Antiquité

— 157 —

« àÔE7.CpWV£tjp.EV(?JÇÈVTV) lÔY)"àç (lit à GTSOStoTaTOÇÈyÉVETO

« GÎoviao;. Mé[/.v/|Tai TYÎÇÎGTopiaç 2o©oy.'X-?ï;ÈVSaTÛpoiç 1. »Le commencement de cette histoire nous a été con-

servé, si je ne me trompe, par le scholiaste d'Apollo-nius de Rhodes, qui écrit : « D'autres disent qu'ils« furent appelés Dactyles Idéens de ce qu'ayant ren-ie contré Rhée dans Vida, ils accueillirent amicalement« la déesse et lui touchèrent les doigts. — Oî §é ©aGtvO 4« OTI 'Iàaïoi Aay.Ti/Xot ÈyA7|'9v)cav, Ô'TI ÈVTOÇ"\b-t\c, ÈVTU^OVTE;« TÎi 'PEV-, Èt)£c;icoffavTOTTIV9EOV, y.al TWV oay.Tu^wv aÙT-Tiç« 7l'l|iaVT02.»Il résulterait donc de cette tradition que l'un des

Dactyles se sépara de la société de ses frères par unsentiment d'orgueilleuse supériorité et par le refus im-

pie des égards qu'il devait à la mère des dieux. Jusqu'oùcette discorde alla-t-elle? on ne le sait; mais il est fortnaturel que plus tard on s'en soit souvenu pour sup-poser entre des membres de la même famille une dis-corde qui alla cette fois jusqu'à l'homicide, surtout sil'on admet que la superstition ait été intéressée à cettedivision.Voilà quelle fut, je pense, l'origine de la mort cabi-

rique. Il ne faut en chercher l'idée ni dans la mortd'Attis ni dans le meurtre de Bacchus massacré par les

Titans, bien que ces traditions aient été associées etmêlées ensemble. Le même Clément d'Alexandrie,après nous avoir raconté le meurtre du Cabire, ajouteque les deux fratricides s'étant emparés de la ciste oùavaient été enfermées les parties mutilées, non de leur

1. IV, 80.2. kàArgonaul., I, 1129!

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frère, mais du jeune Bacchus, s'enfuirent en Tyrrhé-nie, et offrirent cette ciste et son contenu à la véné-ration de ce peuple, aî&oïa y.aî "/.IGTYIVGpviGy.EUEwivapaÔ£;jiv<oTuppvîvoï;. « Et voilà pourquoi, ajoute-t-il, quelques-uns« veulent, non sans vraisemblance, que Bacchus, ainsi« mutilé, soit appelé Attis. — Ai' v)v aiTÎav oùy. àTztwhuç« TOVAIO'VUGOVTIVE; "ATTIV irpocayopE'JEGÔai, tyélouaiv, aîàoïcov« £GTEp7)[A£V0V.»Ces fables étaient très-distinctes; mais on voit com-

ment le sort commun des victimes a pu les rapprocher.Je veux me faire encore une question sur celte'morl

cabirique. A quelle époque devint-elle un objet duculte des Macédoniens? A une époque qui ne peut re-

monter, ceci soit dit avec la paix des mystériographes,au delà du premier siècle de l'ère chrétienne. Remar-

quons, en effet, que ce sont seulement des écrivains

ecclésiastiques qui rappellent ce meurtre; je le dis en

songeant au pseudonyme Orphée, dont la date ni la

qualité ne m'embarrassent. Or, comment concevoir

que l'antiquité païenne, mythique et historique, eût

passé sous silence un pareil événement? Mais, dans ce

cas, les chrétiens l'auraient-ils imaginé? Loin de là;voici, je crois, la vérité.Les Thessaloniciens paraissent avoir les premiers

accrédité la tradition relative à la mort cabirique, etoffert un asile à l'ombre errante du Cabire massacré.De là ce Génie représenté sur leurs médailles, seul,debout, dans un temple. Après un laps d'environ deux

siècles, ce culte tomba chez eux en désuétude, et passadans d'autres villes de la Macédoine, où il était encoreen pleine vigueur au quatrième siècle. C'est ce queFirmicus a positivement attesté quand il a dit : « C'est

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« ce même Génie qu'adore, colit, la folle croyance des« Macédoniens. C'est là le Cabire sanglant que les« Thessaloniciens invoquaient autrefois, quondam sup-« plicabant. »Mais il y a plus, en marquant l'époque où le culte

subsistait encore dans certaines villes de la Macédoine,Firmicus nous met aussi à même de conjecturer à

quelle époque il dut être pratiqué par les Thessaloni-ciens. En effet, ce présent, colit, adore, date de l'épo-que de l'écrivain , du milieu du quatrième siècle; et,si ce passé quondam, autrefois, ne se détermine pasrigoureusement, il nous autorise du moins à remonterdeux siècles plus haut.Maintenant, pourquoi les écrivains ecclésiastiques

surtout se sont-ils attachés à relever ce meurtre d'unCabire ou d'un Corybanle par ses deux frères? Ils l'ontfait, je crois, par représailles. On sait que les païensreprochaient aux premiers chrétiens de célébrer unaffreux sacrifice, d'immoler un enfant et d'en dévorerles membres sanglants. C'est ce que nous apprennentles apologistes de la religion chrétienne, eu repous-sant avec une éloquence indignée cette horrible ca-lomnie 1.

Ainsi, la. mort cabirique est étrangère aux mystèresde la Samothrace, et elle appartient exclusivement à la

religion macédonienne. Son introduction dans le cultene date pas d'une antiquité fabuleuse, comme on aparu le croire, mais seulement des premiers siècles de1ère chrétienne, et, pour en expliquer vraisemblable-

1. Tertull. Apologet., VII, p. 77. —Minuc. Fel. Oct. IX, p. 52,éd. Lindner.

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— 16.0 —

ment la première origine, c'est à l'histoire de nos mé-

tallurges qu'il se faut adresser.

Cependant, si nous enlevons la mort cabirique ausanctuaire de la Samothrace, nous lui devrons ôteraussi tout ce qui tient inséparablement à cette com-mémoration. Et d'abord les prêtres qui présidaientaux mystères, les Anactotélestes, et ensuite leurs pres-criptions, notamment la plus sévère de toutes, l'ex-clusion de la plante appelée ache, parce que cette

plante passait pour êlre le produit du sang du Cabiremis à mort. Clément d'Alexandrie nous dit : « oî l\« ÎEÛEI;oî TWVCJSKopuêavTwv opyîcov, ou; 'Avay.TOTsXEGTaç,oiç« [J.E'AOV-/.a"XEÏv, y.a'XoijGt,, i7poG£-t.TEpaT£yovTat TV\ Gup.<popà,« ô'Xo'pt^ovàivayopEuovTEÇGÉ^IVOVSTTITpaiîÉ£yiç TiGévai

• oïovrai(f yàp ov) Èy.TOÙ*aïp,aTo; Toij âivoppuEVTo;TOUKopuëavTixoû TO« GÉXIVOVÈy.iïE(puy.Évai Kaëeipou; 5è Toù; KopuSavTaç /.«-« >VO'JVT£Ç,y.al TE^ETTIVKaEEt.piy.7iVy.aTayyÉXXouGiv1. — Les« prêtres qui président aux mystères des Corybantes,« prêtres que nomment Anactotélestes ceux qui ont« le soin de les nommer, ajoutent encore un prodige« à la funeste aventure, en défendant de mettre la« plante tout entière du sélinon sur la table; car ils« croient positivement que c'est du sang qui coula du« corps du Corybante qu'est venue cetle plante« Et comme ils appellent les Corybantes Cabires, ils« donnent aussi au mystère le nom de cabirique. »

Arnobe, raillant la même superstition, nous dit,comme Clément, après avoir rappelé le meurtre duCabire : « Interempti ex sanguine apium nalum, pro-« hibitum mensis olus illud apponi, ne a manibus

1. Prolrcpt., II, p. 16, éd. Poil.

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— 161 —

« morluiinexpiabilis contrahereturoffensio'.—L'ache« née du sang du Corybante mis à mort, plante pota-« gère qu'il était interdit de servir sur les tables, dans« la crainte qu'en y louchant on ne s'attirât la haine« irréconciliable du mort. »Mais là ne s'arrêtent point les suppressions que de-

mande le sanctuaire de la Samothrace. On a dit queles mystes se présentaient à l'initiation avec une cou-ronne d'olivier, et qu'on les faisait asseoir sur un trôneautour duquel les assistants formaient un cercle enchantant et en dansant. C'est le grand pourvoyeur desérudits improvisés, c'est Meursius qui a dit cela 2. Maissur quoi s'est-il fondé? Pour la couronne d'olivier, il

allègue un passage de Proclus, d'après lequel les pre-miers Curetés auraient été généralement soumis à ladirection de Minerve, et se seraient couronnés aussid'une branche d'olivier : « Kal yàp oî irpcoTiGToiKoupvÏTEç« Ta TEaX'Xa TTÎTO^EI T/ÎÇ AÔYivàçâvEÎvrai, y.aî i7£pi£Gt£<p6a'.« /iyovTai TW OaXXùiT-?içè^aîa; 3. »Celte tradition, postérieure de plusieurs siècles à

l'époque de nos métallurges, ne nous apprend autrechose, sinon que l'on donna des Curetés pour servi-teurs à Minerve, et que la déesse guerrière dirigea elle-même leurs danses armées; elle nous apprend encore

que ces Curetés se couronnaient avec les branches del'arbre que Minerve fit éclore du sol atlique dans sa

dispute avec Neptune. Or, quel rapport tout cela

peul-il avoir avec les mystères et un sanctuaire quel-conque ?

1. Adv. Nat.,lV, 19.2. Gracia Fer., v. Kaêeîptoc.3. In Plat. Polit., p. 387.

11

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— 162 —

Venons à Yintronisation. Ici on s'appuie d'un pas-sage de Platon et de Dion Chrysostome.Dans YEuthydème, Socrate, voyant Clinias décon-

certé par les subtilités sophistiques d'Euthydème et de

Dionysodore, l'encourage en lui disant que ces étran-

gers n'ont voulu que lui faire subir les épreuves del'initiation aux mystères des Corybantes : « Ils font« absolument, dit-il, la même chose que ces prêtres« dans l'initiation des Corybantes, lorsqu'ils soumel-« tent à la cérémonie de l'intronisation celui qu'ils« vont initier. Là aussi, eu effet, il y a un choeur de« danse et un jeu, si du moins lu as été toi-même« initié. — IIOIEITOV§1 TaÙTov Ô'-EPoî sv TTÎTE/VETVÏTWVKO-« pufaavTwv, oTav TTJVopovcoGiviroiwvTai, lïcpi TOUTOV6v àv jj.sk'« IWGI TEIEÏV. Rai yàp èxet yopEÏa Ttç ÈGTIy.al 7îai^tà, £Î àpa« JCâl TETÉ^EGai1. ))Le passage de Dion Chrysostome fait une simple

allusion à la même cérémonie 2.Maintenant, de quels mystères peut-il être ici ques-

tion ? 11 faut avoir examiné fort légèrement la phrasede Platon pour ne s'être pas aperçu que le philosopheparle ici non des augustes mystères de la Samothrace,mais des ridicules cérémonies que pratiquèrent les in-

dignes successeurs de nos métallurges, les Galles ou

Corybantes, race la plus vile comme la plus abjecte.Les termes mêmes dont il se sert ne dissimulent passon intention : il appelle ces pratiques une plaisan-terie, irai^ià, et un peu plus bas il va jusqu'à mettreles jongleries de ces initiateurs sur la même ligne

1. T. I, p. 271, éd. H. St.2. Orat. XII, t. I, p. 388, éd. Reisk.

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que les artifices des sophistes, Ta wpôiTa TÛV ÎEpûv TÛV

GOÇlGTty.WV.Ainsi, point de mort cabirique, point d'Anactoté-

lestes, point d'exclusion de Tache, point de couronnesd'olivier, point d'intronisation dans le sanctuaire deSamothrace, et, par conséquent, resteront désormaisau compte dè"s compilateurs sans critique ces descrip-tions imaginaires qui abusent depuis si longtemps les

esprits.« Un autre objet des mystères de Samothrace, nous

« dit Sainte-Croix, était la mort cabirique, célébrée en« quelque sorte par les pleurs et les gémissements des« initiés. Plusieurs rites allégoriques avaient rap-« port à la mort cabirique. On connaît celui par lequel« il était défendu de mettre sur la table de Tache, parce« que cette plante, suivant les mystagogues, avait été« produite par le sang du jeune Cabire, Cadmille, ré-« pandu sur la terre 1. » — « Dans l'âge mûr, le myste,« ou récipiendaire, se présentait couronné de branches« d'olivier 2. »Ici venait, dans la première édition des Mystères*,

l'intronisation ; mais, dans la seconde édition de sonlivre, Sainte-Croix transporta cette cérémonie àp'ar-ticle des Corybantes, guidé par le nom seul. Jamais ilne s'est fait une idée juste de cette pratique supersti-tieuse, et il en a tour à tour profané le sanctuaire dela Samothrace et celui d'Eleusis. Dans la première édi-tion, à l'article des Petits Mystères, il disait : « Quand« le myste avait rempli les pratiques requises et satis-

1. Recherches sur les Myst., t. I, p. S5.2. lbid., p. 49.3. P. 37 sq.

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-— 164 —

« fait à toutes les questions, il était placé sur un trône,« et on dansait autour de lui, comme dans Vile de Sa-« mothrace, d'où cet usage était venu '. » Dans la se-conde édition, il a reproduit la même phrase, aveccette variante : « On dansait autour de lui, comme dans« l'initiation phrygienne 2. »Il existe cependant quelques particularités ou cir-

constances extérieures de la religion de Samolhrace,qui ont des garants plus ou moins respectables, etdont il convient de dire un mot, parce qu'elles sont

dignes d'intérêt et qu'elles n'ont pas toujours été pré-sentées avec l'exactitude désirable.Le temple dut être desservi par plusieurs prêtres,

dont un des principaux paraît avoir été celui qu'onappelait Koiès, qui eut la fonction de purifier dumeurtre, ainsi que nous l'apprend Hésychius : « KoiV« "îspEÙ;Kaëeipwv, 6 y.aOaipcov<povèa. Oî ai Ro'-/,ç3. —Koiès,« prêtre des Cabires, celui qui purifiait un meurtrier.« Quelques-uns écrivent Koès. »Nous voyons, en effet, par Tite-Live que, dès la

plus haute antiquité, on avait établi dans l'île un tii-bunal chargé de prononcer des peines contre ceux

qui pénétraient dans l'enceinte sacrée du temple,souillés de quelque meurtre 4. De là l'usage de deman-der à tous ceux qui se présentaient pour l'initiations'ils avaient commis un homicide, et, dans ce cas, deles adresser au Koiès, qui les purifiait. Toutefois,comme une question directe à ce sujet eût pu pa-

1. P. 186.2. T. I, p. 303.3. V. Roi'-/),-.4. XLV, 5.

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raître offensante, on leur demandait quel était l'acte

qu'ils jugeaient le plus répréhensible dans leur vie.Je l'induis de deux exemples rapportés par Plutarque,et qui méritent d'être cilés tous deux.Le premier est relatif à Lysandre. « Comme il con-

« sultait l'oracle dans la Samothrace, le prêtre lui or-« donna de déclarer quel était Tacle le plus coupable« qu'il eût commis dans sa vie. Faut-il donc faire cette« déclaration, demanda Lysandre, sur ton ordre pér-it sonnel ou sur celui des dieux ? Et le prêtre lui ayant« répondu : Sur celui des dieux : Eh bien ! donc, reprit« Lysandre, délivre-moi de ta présence, toi ; c'est à« eux-mêmes que je le dirai, s'ils m'interrogent. —« Ev de 2aL/.oôcay.7) yo-/iGT-/ipt.a!,oy.£vwa'jTw ô ÎSCEÙ;Èy.£/\£UG£V«si-sïv, o TI àvo;j.cuTaTov Ê'pyov aÙTw ÈV TÛ (ÏIM irÉ-pa-« y.Tai • iro'TEpov oùv, GO5TÛ'JTOy.E/\E'JGav~o;, -/j TMV ÔEÙV,« TO'JTOOtZ ITOtEÎV,È~/jpWTr,GE.«l'aaÈvou oé' TWV6cWV'2Ù TOl-« vuv, Ê<p-/]?Èy.-oo^tovJJM y.aTaGTrjQf y-ày-Eivoi; Èpw, Èàv imv-« Gavcovrai'. »Si le texte n'est pas altéré dans le mot /pr,GT-/]pta'(o-

pivw, Plutarque s'est trompé : il ne s'agit point, ici deconsulter un oracle, car, dans ce cas, on n'eût pas exigéde confession préalable. Mais, d'ailleurs, le temple deSamothrace n'était pas le siège d'un oracle ; c'étaitun sanctuaire d'initiation.• Dans le second exemple, relatif à Anlalcidas, Plu-

tarque s'est exprimé plus justement. « Antaicidas se« faisant initier en Samothrace, et le prêtre lui ayant« demandé ce qu'il avait fait de plus répréhensible« dans la vie : Si j'ai fait quelque chose de semblable,

L Lacon. Apophth,, t. VI, p. 8S6, éd. Reisk.

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« répondit-il, les dieux eux-mêmes le sauront.— 'AvtaX,? xio'aç Èv 2a[«>6paxY| |jwou{/.svoç, ÈpwT-/iQelçÛT;OTOÎÎ îepéw;, T(« ^Eivo'TEpov OE'^paxEVsv TOIfiico* EÏ TI [AOIivéïfpaxTat TOIOOTQV,tf EicovTat, EÎ-KEV,aÙToi oî Ôsot 1. »Cette réponse rentre dans celle de Lysandre ;

mais il n'en serait pas du tout de même, s'il fallaiten croire la version latine ; elle fait dire à Antalci-das : « Les dieux mêmes le savent. — Norunt ipsi« dii, » comme s'il y avait ïaaai, au lieu de eïcovTai. Et

Sainte-Croix, qui ne traduisait point le grec, fait direà son tour au général lacédémonien : « Les dieux le« savent 2. »Une fois introduit dans le sanctuaire, le myste,

avant d'être admis à l'initiation, devait s'attacher au-tour des reins une ceinture couleur de pourpre. Cette

ceinture, que Ton conservait ensuite religieusement,possédait des vertus miraculeuses, celles surtout decalmer les tempêtes et les séditions, d'apaiser les flotsde la mer et ceux de la multitude. Nous l'apprenonspar la savante et précieuse note que nous avons sisouvent consultée, la note du scholiaste d'Apolloniusde Rhodes; on y lit : « Et Ton rapporte qu'Ulysse,« initié dans la Samothrace, se servit d'une bandeletteu de tête au lieu d'une ceinture, et qu'il fut sauvé des« vagues de la mer, après avoir placé sa bandelette« sous le ventre. C'est autour du ventre, en effet, que« ceux qui se font initier s'attachent des ceintures de« pourpre. Et Ton assure qu'Agamemnon, qui avait« été initié, se trouvant au milieu d'un grand soulève-

1. Lacon. Apophth., t. VI, p. 814.2. Recherches sur lesMyst., t. I, p. 49.

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« ment à Troie, par suite d'une révolte des Grecs,« apaisa la sédition, en portant sa ceinture de pourpre.« —Rai 'OoWcéa 8é cpaGi [AS(./.u7)[/.ÈvovÈV2a[j.QÔpay,Y),ypvÎGa-« c6ai Tcoy.pïià£[/.vw àvTi Taivta;, xai GuÔYivaiÈx.TOOôa'XacGiou« y./vuiîwvo;, ÔÈJAEVOVûiro TYIVy.otXîav TO y.p-o'o>s[;.vov.Hepï yàp« r/|v y.oi/aav oî p.E[/.i>7)p.svoiTaiviaç ÔCIÏTOUGIn;op(pupà;. Rai« Aya[/ip.vova 5s tpaci f/,s|jt.uY)[j.£VovÈVTapay/YJ ovTa iro/Oâi x,aTa« Tpoîav, oV ày.aTaGTaGiav Twv 'EXXvîvwv, i:auG«t T-/|VGTOCGIV,!( TÎOOOUpîàaEYOVTa*. »J ai voulu citer en entier ce passage, et le traduire

littéralement, avant de montrer ce qu'en a fait Sainte-Croix : « Le myste, dit-il, se présentait avec un voile« couleur de pour-pre dont Ulysse, disait-on, s'était« servi le premier. Avant lui, on faisait usage seule-« ment de bandelettes de la même couleur. Agamero-« non, qui avait été initié, s'élant montré avec cette« marque distinctive aux yeux de ses soldats mutinés,« apaisa leur sédition 2. »11 serait difficile de commettre en si peu de mots

plus d'inexactitudes. II.ne s'agit point d'abord d'un

mile, mais d'une bandelette de tête (y-p'/fo^s^vov) em-

ployée par Ulysse, et il n'est nullement dit que cettebandelette fût couleur de pourpre. 11 n'est point ditensuite que le héros ait fondé cet usage; il est affirméseulement qu'en se servant d'une bandelette, au lieuà'u/ie ceinture de pourpre, il dérogea à l'usage établi,ce qui ne signifie point du tout qu'il ait changé cet

usage el en ait fondé un nouveau. Enfin Tama désigneici une ceinture, et non une bandelette ; ce sens est clai-

1. kAArgonaut., I, 917.2. Recherches sur les Myst., t. I, p. 53.

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rement déterminé. Quant au fait relatif à Agamemnon,rien ne dit que le roi se soit montré avec cette marquedistinctive; tout indique, au contraire, qu'il portait surle corps sa ceinture invisible, et qu'elle exerça secrète-ment son influence mystérieuse.Un mot encore, avant de quitter la note du scho-

liaste. Les lecteurs érudits auront remarqué sans peineque la.légende n'a pu faire Initier Ulysse et même Aga-memnon aux mystères de la Samothrace, qu'en sou-venir du passage de YOdyssée, où la nymphe Inodonne à Ulysse, battu de la tempête, une bandelette,y.p-/î^£;xvov, qu'il appliquera sous sa poitrine, ûirà GTep-voio, et qui le sauvera de la fureur des flots '. Noustrouvons même ici la raison très-probable du choix

que le héros dut faire d'une bandelette, au lieu dela ceinture, Tatvia, que prescrivaient les rites dusanctuaire.Mais il se faut bien garder de chercher dans les vers

d'Homère la moindre allusion aux pratiques de l'ini-tiation ; le poète ne connut point l'existence de ces

mystères. Tout ce que Ton est en droit de soupçonner,c'est qu'il n'ignora pas la vertu des amulettes ou toutau moins Tinfluerfce occulte de certaines ceintures,notamment de celle de Vénus, du ceste, au charmeirrésistible ; c'est la remarque d'Eustathe : « Le poète,« dit-il, paraît avoir connu aussi la vertu des amu-« lettes, comme le montre même le ceste chez ceux« qui le portaient. — "EOI-/.EVsù^vai y.al TTJVÇ'JGIVTWV« irEpiàTCTWVo. i;oi7iT7iç, cb; àviloï y.al TO eoo'pvîp,aTOÙy.£GT0'J2. »

1. Odyss., E', 346 sqq.2. Ad Odyss., E', 346, p. 1544.

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Tous ces dieux, collectivement adorés dans la Sa-mothrace, étaient invoqués dans les dangers, et bien

tpie les Cabires aient été quelquefois spécialement dé-

signés, nous en avons expliqué plus haut la raison,c'était d'ordinaire sous le nom de Samothraces quel'on implorait leur secours, renfermant dans cette ap-pellation toua^ios métallurges. Il serait aisé de multi-

plier les exemples.Le scholiaste d'Apollonius de Rhodes, dans la note

si féconde en renseignements précieux, nous dit : « Ce« n'est pas seulement au milieu des dangers qui les« menacent sur mer que sont sauvés les initiés; mais« chacun d'eux peut encore obtenir tout ce qu'il peut« souhaiter de posséder. — Où ixo'vovS' ÈVTOÏ? y.aTa 6a-« XaTTav y.ivâïjvoi; oi [/.UTÎOSVTSÇdiaGco(ovTai, àVXà y.al TUVOI« àv —avToç, où av TUV/EÏVEÙ'çaiTOô [/.OT/SEL;1. MDans la Paix d'Aristophane, Trygée s'écrie : « Al-

« Ions, si quelqu'un d'entre vous se trouve avoir été« initié dans là Samothrace, c'est maintenant qu'il est« à propos de faire ce voeu. »

'AXVEl TIÇUIJ.WV£VZaï/.oOptp.T]lUY^oévc1.M£|A'J7)LA,ËVO<;,vïv Ècmv su;a7Ûai xaXo'v2.»

Dans une épigramme de Callimaque, Eudème ac-quitte son voeu par une offrande aux dieux Samo-thraces : « Eù'àvjp; 9-?jy.£Ôsoïç 2afj.o'ôoaçt 3. »Dans une épigramme fort gaie, attribuée à Lucien,

Lucillius, sauvé du naufrage, offre aux dieux de la

1. Ad Argonaut., I, 917.2. V. 277 sq.3. Epigr. 51.

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mer et aux dieux Samothraces Tunique bien qui luireste, les cheveux de sa tête :

rXauxo) xcd Nripvjï xoà 'ïfmti>MEXtxs'pTï),K«l puOîwKpovi'Sïjxal 2au.d8pïj?[ Osoïç,

—IOÔEIÇèx. TïcXaYou;,AouxîXXioç<S)SEXï'xapixaiTàç Tpt^aç EXX=!{/KXY;Ç-aXXoyhçi oïioiv iyut*.

« En l'honneur de Glaucus et de Nérée et de Méli-« cerle, fils d'Ino (Palémon), et du fils de Saturne,« qui habile les profondeurs des eaux (Neptune), et« des dieux Samothraces, moi Lucillius, sauvé de la« mer, je me suis coupé ici les cheveux de la tête ; car« je ne possède pas autre chose. »Nous avons entendu Diodore de Sicile, à l'article

des Cabires,' nous parler à deux reprises des voeux queles Argonautes adressèrent aux Samothraces; ailleursil dit : « On célèbre l'apparition de ces dieux Samo-« thraces et l'étonnant secours qu'ils apportent à ceux« des initiés qui les ont invoqués. — &.'.aêzèvri~au. 8' i« TOUTWVTÔV OEÙVETTiçavEia, y-al irapa^o^o; Èv TGÏ; •/.ivâuvoi;« forfiiia. TOI; s7ïiy.a).SGa|./.£voi; TWVrjw/iQé'vTtov'. »Ces dernières paroles de l'historien nous amènent à

faire une remarque qui n'est pas sans importance :c'est que, pour adresser des voeux aux Samothraces,ou tout au moins des voeux susceptibles d'être exaucés,il fallait avoir été initié à leurs mystères.En nous disant cjue l'initié pouvait obtenir tout ce

qu'il souhaitait, le scholiaste d'Apollonius a singuliè-rement agrandi la puissance de l'initiation ; aussi

1. Epigr. 34.2. V, 49.

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— 171 —

voyons-nous qu'elle s'étendait sur le monde moralcomme sur le monde physique.Les dieux du sanctuaire passaient pour découvrir le

parjure au fond des consciences ; et c'est pourquoiils présidaient à la sainteté des serments , et enétaient regardés comme les garants les plus redou-tables. Juvénal fait allusion à cette foi, lorsqu'il dit : ,

Jures licet et SamothracumEt nostrorum aras 4.

« Lors même que tu jurerais et par les autels des« dieux Samothraces et par ceux des nôtres. »

Suidas, dans un passage remarquable dont il n'apas indiqué la source, représente une femme deman-dant à nos dieux de la venger d'un homme qui s'estparjuré envers elle : « H <Sï SÙJATJVJSCVCO;àia^ajA&xvei, xal« oEîrai TWV Kaëeipcov T'.[/.cop-fiGaiaÙTÎi y.al p.ETE'Xâs'ïvTOV« Èmopy.ov2. — Mais la femme pénètre habilement la« chose, et prie les Cabires de la venger et de pour-« suivre le parjure. »On promettait à l'initié l'affranchissement et la pu-

rification des fautes commises. Le scholiaste d'Aristo-

phane, interprétant le mot u.eau7ip.£vo; des vers que nousavons cités plus haut, fait la remarque suivante : « 11« s'agit des mystères des Cabires. Ceux qui y sont ini-« liés croient être justes et n'avoir rien à craindre des« dangers et des tempêtes. — Ta pGTïfpia TMVRaêsîpwv.« AoxouGi$1 oî |X£i;.'j'/i[xÉvoiTaù~a, i^îx.aioî TE E'.vai y.al Èx ÙEI-« vcôvGu^EGâai y.al iv. -/EIJXCOVWV.»

1. Sat., III, 144 sq.2. V. Ai5tXau.ëâvei.

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— 172 —

Telle était même la vertu purificative attribuée auxdieux de la Samothrace, que les dieux de l'Olympe,et le plus grand de tous, Jupiter, y recouraient. Nousen trouvons la preuve dans un passage du scholiastede Théocrite, qui mérite de fixer l'attention à plusd'un titre. Ce passage, en effet, nous a probablementconservé le canevas d'un poème de Sophron, de l'é-crivain qui fit les délices des plus grands esprits de

l'antiquité, et dont tous les ouvrages ont péri.Interprétant le mot 'Exâra, le scholiaste nous dit :

a On assure qu'Hécate est une divinité souterraine, et« qu'elle règne sur les morts, ainsi que l'atteste So-« phron, quand il raconte: Que Junon, ayant eu« commerce avec Jupiter, donna naissance à une fille,« et qu'on lui imposa le nom d'Angélos; que celte« fille, après sa naissance, fut remise de la part de« Jupiter aux Nymphes pour qu'elles Télevassent; queu devenue grande, Angeles déroba à Junon l'essence« dont se servait la déesse pour colorer son teint« bruni, et en fit présent à Europe, la fille du Pliéni-« cien (Agénor); cjue Junon s'étant aperçue du larcin,« s'élança à la poursuite de sa fille, la voulant punir;« mais qu'alors Angélos se réfugia d'abord dans la« maison d'une femme qui venait d'accoucher, et de« là auprès d'hommes qui portaient un mort; que« cette circonstance força Junon de cesser sa pour-« suite ; et que Jupiter ordonna aux Cabires de pren-« dre la jeune fille, et de la purifier; et que ceux-ci« l'ayant conduite auprès du lac Achérusie, lavèrent« sa souillure. Et de là vient, dit-on, le rôle qui lui a« été attribué de déesse des morts et le titre de sou-tt terraine. — TTJV Ey-ârviv yGovtav «paol 8EOVy.al vspTE'pwv

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— 173 —

« irpuTaviv, y.aÔà y.al 2wopcov "Hpav p.iy8e?Gav Au yEvvîiGai« irapSévov ô'vop-.a £è aÙT-?jOÉsÔai "Ayyslov. Taù-r,v àè u.ETa« C7,vyÉvv/îGiv ùrro

' Taî; vufitpaiç ooOvîvai ivapà TO5 Aie; TOE-« oscOai. Aù^avQEÎGav à à yAÉj/ai TO TTÎÇ"lîoxç pjoov, w TOMirpo'GwiîûvaÙTTÏç aiOov VÎVypio'p.Evov, y.al àoùvai Eùpwirvi T?i« $oiviy.o; OuyaTpi. AIGÔOIJ.ÉVTIVTTJV"Hpav y.al Ècpopa-^Gat Pou-« )/>;./.£V7ivaÙTriv '/.okj.ça.','' TYiviy.aÙTa[J.ÈvTOirpÛTov eî; yuvai-« vÀ; TEToy.'jîaçoix.ov y.aTacpuyEiv, Èy.EÎÔEVas. 7ïpo; àvàpa; V£y.oov« çÈpovTa;. O'JEV TTJV[./.Èv"Hpav à—oGTvîvai, TOVàè Ata Toù;« Raësipou? XE^EÙGai àvaXaêovTaç xaÔaoai • Èy.Eivouç Si i~\« TÏ)V 'AyEpo'Jciav lîixv/iv à—ayayo'vTa; âyviGai. "OOEVTTJVGEÔV« à-oy.sy.Vr,pwG8ai TOI; TEOVEÛGI,y.al y.aTay6ovîav cpaaiv3. »On n en finirait pas de relever les fautes que com-

met Sainte-Croix ; je ne puis cependant ne pas montrerencore ce qu'il a fait de cette relique du passé, dont ilne soupçonna jamais l'origine et l'importance. Voicice qu'il en dit : « S'il arrivait que Ton eût négligé dans« l'enfance ou pendant le reste de la vie de se faire« purifier, cela n'était pas sans remède. Cette céré-« monie, qu'on croyait nécessaire pour jouir d'une« félicité sans bornes après la mort, pouvait encore

1. On a regardé cette phrase comme incorrecte; je mets uirèsous la dépendance de Toe'^ecôat, et j'entends comme s'il y avaitUT:OTWVvuiA'iwv,quoique ce complément de la préposition appar-tienne plutôt à la poésie qu'à la prose. Qui nous dit que ce ne sontpas les ternies mêmes de Sopliron?2. J'ai cherché à corriger un peu l'irrégularité de construction

de cette phrase, en mettant un point en haut après xoXâucu; carc'est "AYYEXOV,et non plus "Hpav, qui est le sujet de xaTocpuYEÏv.3. Ad Idyll. II, 12. — Sophron nous a conservé ici une tradi-

tion de son pays ; Hésychius nous apprend que les Syracusainsappelaient Diane *\yys.\o; : a "AYY£^0VSupaxoûaioi T-/|V"ApxEfttvXs-« Y°W (V. "AYY^OV).»

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« se pratiquer sur le cadavre du défunt. On trouve cet« usage clairement indiqué dans la fable d'Angélos,« fille de Junon. Cette déesse cherchant à punir sa« fille de ce qu'elle lui avait dérobé son fard, celle-ciK se réfugia auprès de gens qui portaient en terre un« mort. Jupiter, son père,l'ayant su, ordonna aussitôt« aux Cabires de la purifier ; ce qu'ils exécutèrent,« après l'avoir conduite sur les bords de TAcbéron,« c'est-à-dire quand elle fut morte 1. »Le récit du scholiaste n'est pas seulement ici écourté,

mutilé, mais altéré profondément dans son sens etdans sa portée.Et d'abord, il n'est nullement dit qu'Angélos fût

morte ; tout prouve, au contraire, qu'elle était en vieavant et après la cérémonie des Cabires. Angélos avaitété souillée par l'approche d'une femme nouvellementaccouchée et d'un cadavre; et elle se trouvait soumiseà la nécessité de tout mortel vivant, qui contractaitcette double souillure : il fallait alors recourir aux

purifications, sous peine d'être repoussé des autels et

proscrit par la religion. « Si, parmi les mortels, dit« Euripide, quelqu'un a commis un meurtre, ou tou-te ché de ses mains une nouvelle accouchée ou un« cadavre, la déesse le repousse de ses autels, jugeant« qu'il a contracté une odieuse souillure. »

BpOTWV[XÈVTjVTtÇal|/y)TC(lCfOVOU,H y.ai Xo^Eiaç, Y)vexpoïï ÔÊyï)yspoïv,BtojjiCivàitEi'pYEi, [xunapàv à; TJYOU|JI.ÉV7)S.

Mais c'est surtout la conséquence que le baron de

1. Recherches sur les myst., t. I, p. 51 sq.2. Iphig. Taur., 382 sqq.

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Sainte-Croix a tirée de cette première erreur, qui est

pernicieuse ; car elle établit un usage imaginaire, et

que tout désavoue, dans la religion antique. 11 n'est

pas vrai que Ton purifiât les cadavres; et lorsque Elec-tre dit du corps de sa mère, qu'/7 est purifié par le

feu, 77'jply.aÛvi'yviGTai àÈaaç 1, elle veut seulement signifierqu'il a été brûlé, abstraction faite de toute cérémonie

purificative.Pourquoi cependant le soin de purifier Angélos est-il

confié aux Cabires, et pourquoi ces derniers emploient-ils l'eau du lac Achérusie? Angélos était une déesse,et il convenait à nos Génies divinisés de lui rendre sa

pureté première. Angélos devait être la souveraine des

enfers, et si pour sa lustration, on ne pouvait se ser-vir de Teau d'un fleuve comme TAchéron, puisqu'ellen'était pas encore dans le royaume souterrain, il con-venait du moins, en considération de sa dignité fu-ture, d'employer une eau qui rappelât celle de l'enferpar le nom et par la vertu : et voila pourquoi Angélosfut conduite auprès du lac Achérusie. Il y avait, eneffet, plusieurs marais de ce nom, qui tous passaientpour être en communication plus ou moins directeavec l'enfer ou avec TAchéron. Il s'en trouvait un dansle voisinage de dîmes, et que quelques-uns, au rap-port de Strabon, confondaient avec TAverne 2. Il yen avait un autre dans TÉpire, où se déchargeait le

1. Orest., 40. — J'ai cité cet exemple, et expliqué ce vers,parce que Lomeier s'y est trompé, et a cru pouvoir en induire que1on purifiait les cadavres par le feu : « Ipsa quoque cadavera"igné lustrari crcdebant » (De Lustrationibus veter.,XX.VU,p. 256).2. V, p. 245.

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fleuve Achéron, qui fut confondu avec TAchéron in-fernal 1.

Angélos fut donc purifiée sur la terre, et Ton voitmaintenant comment le baron de Sainte-Croix, avant

pris le marais Achérusie pour le fleuve Achéron etTAchéron souterrain, a dû s'égarer à la suite de celte

méprise, et perdre entièrement le sens du passage.Je laisserais mon travail incomplet, si je n'essayais

maintenant de répondre à quelques questions que le

sujet provoque naturellement. Peut-on savoir à quelleépoque furent institués les mystères de la Samothrace,à quelle époque ils cessèrent d'être célébrés et com-ment s'en fit la propagation dans le monde? Peut-onsavoir quels rapports ils eurent avec les mystères delà

Phrygie et d'Eleusis?Pour reculer dans un passé inaccessible à toute con-

jecture l'établissement de ce'culle , l'antiquité s'y pritassez habilement. Diodore de Sicile nous dit, en par-lant de la Samotbi'hce : \< C'est là que naquirent, dit—« on, de Jupiter et d'Electre, Dardanus et Iasion et« Harmonie. Dardanus, étant passé le premier en Asie« sur un radeau, y fonda la ville de Dardanus et en« appela le peuple Dardanien, de son nom même. Mais« Jupiter, voulant que son second fils, Iasion, obtînt« aussi un honneur, lui enseigna l'initiation de ces« mystères, qu'il n'est permis qu'aux initiés d'en-« tendre; initiation établie, à la vérité, anciennement« dans l'île, mais qui fut alors transmise en quelque« sorte comme une tradition. — AÈyouGi iw.p' aÙToîç k« Aïo; y.al 'rlTiy.TPaç y£VÉa6ai AapoV.vov TE y.al 'laGiwva YM

1. Thucyd., I, 40.

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« Appt.ovtav. 'tîv TOVp.Èv Aap&avov irpÛTOv £iç Tr,v Affiav èirl« c^Eo'îaç àiaTCEpaiwôsvTa, y.TiGai iroXiv Aap&avov, y.al TOU;« ),aoù; àtp' ÉauToû"Aapààvou; ovo[/.aGai. Tov o"èAia poùXvjÔEvTa,(( yjtlTOVETEpOVTWVuîÛVTlpvTÎÇTUyEIV,xapao EÏ^ai aÙTWT'fiVTÛV« p.'jGTyipt'covTEIETYIV,TïaAai p.Èvoùaav Èv vh vviaw, TOTSrÎÉ IÏW;« lîapaooOEÎGav, wv où Ôétuç ây.oÙGai irVÀv TÛV IASU.UVIU.EVUV1.))De là il suit, en effet, qu'à l'époque de Dardanus

Jupiter ne fonda pas, mais restaura les mystères, dontla célébration avait été interrompue, et renoua au

temps présent la chaîne d'un passé indéfini.Quant à la cessation de ces mystères, le moment

n'en saurait être fixé ; mais nous voyons qu'ils étaientencore célébrés vers la fin du quatrième siècle de Yèrechrétienne. Libanius, dans le discours qu'il adressa à

l'empereur Julien en faveur d'un proscrit du nom

d'Aristophane, l'atteste positivement : « Ta àiroppTiTa« TMVSai[/.o'vcov, Ta RaêEipwv, Ta Avfp/iTpos ". r>Poursuivons le récit de Diodore de Sicile ; il va peut-

être nous mettre en état de répondre aux questionsqui nous restent à résoudre.Vers le temps de la restauration des mystères de

Samothrace, Cadmus arrive dans cette île, se fait ini-tier et épouse Harmonie. A ces noces tous les dieuxassistèrent. « Et Cérès fit présent à la jeune épouse du« fruit du blé, Mercure d'une lyre, Minerve du fameux« collier, Electre des mystères de la déesse qu'on ap-« pelle la grande mère des dieux. Après son mariage,« Cadmus, selon l'oracle qui lui avait été rendu, alla« fonder Thèbes en Béotie..Et Ton dit qu'Iasion, ayant

I. V, 48.2. T.I, p. 448, ed.Reisk. ' 12

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« épousé Cybèle, engendra Corybas ; mais qu'étant« passé au rang des divinités, Dardanus 1, Cybèle et« Corybas transportèrent en Asie les mystères de la« mère des dieux, et partirent ensemble pour la Pbry-« gie ; et cpie ce fut Corybas qui donna son nom aux« Corybantes, iesquels célébraient les orgies de cette« mère avec une fureur divine. — Raî Ayi'piTpav TOVa y-apirov TOÙGITOUocopvfGaGÔai, 'EP[/.-?ÎVÔE>ùpav, 'AÔvivàvàè« TOVàiaësëoT] [/.évovôpiy.ov, HXsV.Tpav os Ta TTÎÇ[/.EyaXviçy.%-« IOUJJ.SVYIÇp.7]TpoçTWV8EWVΣpâ. MsTa oè TaÙTa TOV[XEVRaè-« (AOVy.aTa TOVi:apaà£c)07.E'vov -/p-/iGL/.ovy.TiGai 0vfêaç Ta; Èv« Boiama. «Pasl O^ÈTOV'IaGiwva y/i[j.avTa RuësXviv yEvvîiGat« RopùSavTa. 'ïaGiwvo; o~ÈEIÇGEOÙÇp.eTaGTavTOç, Aapàavov xaî« RUSEXYIVy.al Ropùêavra [ASTay.ot.UGaieiç TTIV'AGI«Vta TYÎΫ p.ViTpo; TWVOEÛVîspà, y.al cuva-ûàpat de, 4'p'jyîav. Tov Se« RopùêavTa Toù; È-l TOÏÇTY;Çp.-/|Tpo; îspoî; ÈvÔouGiaGavTaçâcp<cÉauTOÙRopùSavraç -pOGayoostjGat. »Diodore de Sicile fait offrir par Minerve le célèbre

collier que reçut Harmonie ; mais il ne faudrait pass'y tromper, ce collier était l'oeuvre de Vulcain : latradition est unanime sur ce point.Dans la Thébaïde de Stace, nous assistons à la fa-

brication du bijou merveilleux, et nous voyons ytravailler de concert Vulcain, les Cyclopes et nos Tel-chines 2. Dans les Dionysiaques, Nonnus Ta décrit avec

l'extravagante prodigalité d'ornements qui lui est or-

dinaire, et il l'appelle Yoeuvre savante de Vulcain,H<paiGTOi>G0<pàvÉ'pyov3.

1. Il était revenu de l'Asie en Samothrace pour assister auxnoces d'Harmonie.2. Theb.,ll, 270 sqq.3. Dionys.,Y, 144-187.

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Mais le même accord ne règne pas sur celui ou celle

qui offrit cette parure.Dans un des Mylhographes latins7 c'est Vulcain qui

présente lui-même le collier à Harmonie : « Aureum« monile Vulcani accepit dono 1. » Dans les Dionysia-ques, Vulcain pose sur les cheveux de la jeune épouseune couronne de pierres précieuses, et c'est Vénus

qui attache l'ornement du cou. Apollodore, au con-

traire, nous dit que le collier fut donné par Cadmus,mais qu'il le tenait de Vulcain, qui l'avait fabriqué, TOV

HtpaicTo'TEuy.Tovô'pp.ov2.Quelle est cette mère des dieux dont Cybèle, accom-

pagnée de Corybas et de Dardanus, transporte les mys-tères en Asie? Évidemment c'est Rhée, que Diodore

distingue de Cybèle. Et quel rapport ont ces mystèresavec ceux que Jupiter a restaurés? Ils n'en diffèrent

point, et ce sont absolument les mêmes ; les anciensont affirmé l'identité, nous l'avons vu un peu plushaut. Maintenant, d'où venaient-ils? Certaines tradi-tions ont placé le berceau des mystères de Rhée dansla Samothrace, les plus nombreuses nous le montrentdans la Phrygie. L'opinion suivie par Diodore ne con-tredit point ces dernières ; l'historien remarque expres-sément que Jupiter ne fit que restaurer des mystèresdéjà anciennement établis dans l'île, et il laisse indécisle point de départ primitif. Or, ce point, c'est l'Asie.Hérodote nous dit que ce furent les Pélasges qui en-seignèrent ces mystères aux Samothraces : « Ces Pé-

«lasges-là, qui vinrent habiter avec les Athéniens,

L 1,151, t.Lp. 48, éd. Bode.2. III, 4, 2.

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« habitaient auparavant la Samothrace, et c'est d'eux« que ces insulaires reçurent leurs mystères. — Tvjv« 2au.o6pviiy.viv oly.sov lïpo'TEpov ns^aGyol OÙTOI,oï irsp 'AÛr,-a vaîoiGi Guvoiy.oi Èysvovro, y.al ivapa TOUTWV2ap.o9pvfiy.Ec Ta« ô'pyia uapa'Xai./.êavouGi 1. »Mais d'où sortaient les Pélasges eux-mêmes ? Étaient-

ils autochthones de l'île ? Non, ils sortaient de l'Asie,et l'histoire de nos métallurges, qui éclaire tant de

points de l'antiquité, apporte aussi un élément de so-lution à la question si obscure et si controversée de

l'origine des Pélasges.La Samothrace a rendu à la Phrygie la lumière

qu'elle en avait reçue, et la restauration de Jupiter aservi à rallumer le flambeau éteint des deux contrées.Mais ici se présente une seconde tradition cpie noussommes tenus d'examiner avant de passer outre. C'est

Denys d'Halicarnasse qui la rapporte 2, se fondant surles plus graves témoignages, parlant, nous dit-il, surla foi d'Arctinus, poète cyclique, le plus ancien des

poètes après Homère, de Callistrate, auteur d'une his-toire de la Samothrace, et de Salyrus, qui avait fait unrecueil de fables anciennes.Selon cette tradition, Dardanus, originaire d'Arca-

die, épousa Cbrysé, fille de Pallas, qui lui apportacomme dot qu'elle avait reçue de Minerve deux Palla-diums et le culte des grands dieux, dont elle avait ap-pris les mystères. Ayant quitté le Péloponnèse, et s'é-tant rendu dans la Samothrace, il y éleva un templeaux grands dieux, « Et y institua en leur honneur,

1. II, SI.2. Antiquil. Rom., I, 58, I. I, p. 172 sqq., éd. Rcisk.

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« poursuit Denys d'Halicarnasse, les mystères que ce-.« lèbrent encore de notre temps ces insulaires.—Raiv T«Ç TEXsTaç aÙToiç, Taç y.al EIÇTO^S ypo'vou yivojAÉvaç ûiro« SajAoOpay.ojvÈ-ITE^EIV. » De là il passa en Asie, mais enlaissant aux Samothraces le culte et les mystères desgrands dieux, et se bornant à emporter avec lui lesimages des dieux et les deux Palladiums, simulacresqu'Énée transportera plus tard en Italie, à l'exceptiondu Palladium enlevé par Diomède et par Ulysse, etqui deviendront les dieux tulélaires de Rome.Il est aisé de saisir entre la tradition de Diodore et

celle de Denys une opposition que je suppose mêmecalculée. Dans la première, c'est Iasion qui reçoitdes mains de Jupiter le dépôt des mystères; dansla seconde, c'est Dardanus qui le reçoit de Minerve

par l'entremise de sa femme. Dans la première, c'estIasion qui institue les mystères en Samothrace; dansla seconde, c'est Dardanus qui les y transplante.Dans la première, enfin, c'est Cybèle qui transporteen Asie le sacré dépôt; dans la seconde, Dardanuslaisse ce dépôt en Samothrace, et n'emporte en Asie

que les images des dieux présidents des mystères.Cette opposition, ai-je dit, me paraît calculée, et

j'attribue la fraude à la vanité romaine, qui prit pourcomplice l'adulation grecque. Le souci de Rome, de-venue maîtresse du monde, fut d'assortir son origineà sa fortune, et elle trouva dans Ja servilité ingénieusedes Grecs l'instrument propre à son dessein. Je soup-çonne donc Denys d'Halicarnasse de s'être fait ici leflatteur de cette faiblesse orgueilleuse, et d'avoir dis-

posé son récit en vue de rattacher le berceau des Ro-mains à la religion de Samothrace, et de. mettre leur

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.empire, sinon sous la protection des mystères eux-

mêmes, qu'on ne pouvait établir en Italie, du moinssous la sauvegarde des images des dieux qui prési-daient à ces mystères.C'est dans une intention semblable, je présume, que

les écrivains qui s'occupèrent des origines de Rome,assuraient que Tarquin l'Ancien avait été initié aux

mystères de la Samothrace. Macrobe, rapportant l'opi-nion de certains critiques, qui dérivaient le motPénales de penitus, c'est-à-dire dieux présidant aux

fonctions intimes de la vie physique et morale, et quidésignaient par là Téther d'en haut, Téther du milieuet l'air inférieur, divinisés, le premier sous le nom de

Minerve, le second sous celui de Jupiter, et le troi-sième sous celui de Junon, nous apprend que ces cri-

tiques se fondaient principalement sur ce que Tarquin,qui était initié aux mystères de la Samothrace, avaitréuni dans un même temple et sous une même ado-ration les trois divinités allégoriques : « Qui diligenlius« eruunt veritatem, Pénales esse dixerunt, per quos« penitus spiramus, per quos rationem animi posside-« mus : esse autem médium oethera Jovem, Junonern« vero imum aéra cum terra, et Minervam summum« oetheris cacumen; et argumento utunlur quod Tar-« quinius, Demarati Corinthii filius, Samothracicis re-« ligionibus mystice imbutus, uno templo ac sub eo-« dem tecto numina ^nemorata conjunxit 1. »Rien ne saurait mieux montrer, selon moi, d'un

côté, l'ambitieuse préoccupation des Romains, et de

l'autre, le zèle obséquieux des écrivains à la flatter.

1. Saturnal., III, 4.

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Du reste, le seul rapprochement de ces deux tradi-tions suffit pour expliquer comment on put voir desCabires dans Iasion et Dardanus. « Athénion, nous dit« le scholiaste d'Apollonius de Rhodes, assure qu'il y« a deux Cabires, qui sont fils de Jupiter et d'Electre,« fille d'Atlas, Dardanus et Iasion. — 'AOVJVIWVÇT.GIàùo" EÎvai TOÙ;RaëEipouç, yEyovoTa; uîoù; Aiô; y.al 'HXÈy.Tpa;, TVÏÇ« 'ATlavTo;, Aapoavov y.al 'laGiwva 1. MMais si les mystères de Samothrace ne furent point

portés en Italie, allèrent-ils en Egypte ? Hérodote nousa dit, à l'article des Cabires, que ces Génies avaientun temple vénéré à Memphis; de là faudrait-il con-clure que dans ce temple on célébrait aussi les mystèresdelà Samothrace? Non certainement. J'ajoute qu'Hé-rodote, initié lui-même à ces mystères, et qui en a

parlé avec un respect superstitieux, n'aurait pas man-

qué de relever une circonstance si propre à rehausserla dignité du temple de Memphis et à aggraver la pro-fanation de Cambyse.Je trouve des signes plus certains du culte cabirique

associé à la reproduction des mystères samothracessur le continent de la Grèce, et c'est encore le passagede Diodore qui me les fournit.Il est dit dans le récit qu'Electre fit présent à sa fille

Harmonie des mystères de la grande mère des dieux,et qu'après son mariage, Cadmus, suivi de sa jeuneépouse, alla fonder Thèbes en Jiéolie. Aurions-nousici l'explication tant cherchée de l'établissement deces mystères cabiriques à Thèbes, mystères dont aparlé Pausanias en même temps que d'un peuple ca-

L Ad Argonaut., 1,^917.

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biréen ? Je laisse au Périégète la responsabilité de ce

peuple cabiréen; mais je ne puis m'empêcher de voirdans les mystères cabiriques le présent de noces d'E-

lectre, et ce qui achève de me confirmer dans cette

idée, c'est l'espèce de communauté que signale Pau-sanias entre ces mystères et ceux de Cérès. « A une« certaine distance de Thèbes, dit-il, se trouve le bois« sacré de Cérès Cabirienne et de Proserpine. Le« temple des Cabires est distant de ce bois sacré d'en-« viron sept stades. Quels sont ces Cabires, et quels« sont les sacrifices qu'on leur offre à eux et à la mère?« Que ceux qui désireraient le savoir me pardonnenta de garder le silence sur un pareil sujet. — Avîp.YiTpoç« RafeEipiaç y.al Ro'pviç ÈGTIVa^Goç. TOUTOUoè TOUa^Gouç ÈTtTa« ITOUGTaoîou; TÔV Raësîpwv TO îspàv àcpÈGrwsv. Oï TIVE; oé« EÏGIVoî Raëeipoi, y.al ôiroïa ÈGTIVaÙTOÎç y.al TV) pjTpl -ïàa ôpwjASva, GIWTCVJVayovTi ÙTTÈpaÙTtôv GÙyyvwp.v] irapà àvopûva <piXv;y-o'&)VÉ'GTO)p.011. »Ce voisinage, cette association, cette alliance, pour-

rait-on dire, car le surnom de Cabirique donné à Cé-rès y autorise, nous amènent à parler des rapports quiunissaient les mystères de Cérès et ceux des Cabires.Il n'y avait point d'identité entre eux, sans doute,

mais une affinité des plus étroites, la dépendance de lacause et de l'effet ; car, si la découverte des métauxfut le premier pas vers la civilisation, la culture dublé en fut le second, dirigé et affermi par le pre-mier. Aussi l'antiquité a-t-elle souvent cité conjoin-tement les deux initiations, et Cicéron les confondaitsi bien qu'il leur suppose un seul et même objet.

1. IX, 25, 5.

Page 199: Les métaux dans l'Antiquité

— 185 —

«Je laisse, dit-il, Eleusis de côté, je ne m'arrête« point à la Samothrace Si Ton interprète ces« mystères, et qu'on les ramène à un sens conforme« à la raison, on apprend plutôt à connaître la nature« des choses que celle des dieux. — Omitto Eleusina,« proetereo Samothraciam Quibus explicatis, ad« rationemque revocatis, rerum magis natura cogno-« scitur quam deorum 1. »La même personne se faisait initier aux deux sanc-

tuaires, comme l'atteste Galien : « El' TTOTE(AUOÙJAEVO;'Ensu-it ci'via y.al 2ap.oÔpa'y.ias; » et le secret était aussi sévère-ment imposé pour les mystères de Samothrace quepour ceux d'Eleusis, comme l'affirme Tertullien :« Samotliracia et Eleusinia reticentur8.» De là le dou-ille sacrilège de Diagoras, qui révéla les deux espècesde mystères, comme nous l'apprend Athénagoras :« Aiayo'pa Ta Èv 'ETIEUGTVIy.al Ta TWVKaëet'puv OVJJAEÙOVTIp.u-« civ[pia*. »Et à propos de ce sacrilège, rappelons un mot impie

du même philosophe, ne fût-ce que pour montrer decombien d'offrandes et d'ex-voto avait orné le templede Samothrace la piété reconnaissante. Un jour, ra-conte Cicéron, que Diagoras se trouvait en Samothrace,un de ses amis lui montrant les tableaux votifs d'ungrand nombre de personnes qui avaient échappé au

naufrage, lui dit : « Toi, qui penses que les dieux ne« s'occupent point des choses humaines, ne remar-« ques-tu pas, à tous ces tableaux peints, combien de

1. DeNat.D., I, 43.2. De Usu Part., t. VII, p. 469.3. Apologet., VII, p. 81, cd. Havcrc.4. Légat., V, p. 19, éd. Dechair.

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« gens ont dû à leurs voeux d'échapper à la violence« de la tempête, et d'arriver au port sains et saufs ?« Si bien, je le remarque, répondit le philosophe; car« on n'a peint nulle part ceux qui ont fait naufrage,« et qui ont péri dans la mer. — Tu, qui deos putas« humana negligere, nonne animadvertis ex tôt tabu-« lis pictis, quam multi votis vim tempestatis effuge-« rint, in portumque salvi pervenerint? Ita sit, inquit;« illi enim nusquam picti sunt, qui naufragia fecerunt,« in marique perierunt 1. »Mais ce que Ton n'a pas suffisamment remarqué, c'est

qu'il existe encore aujourd'hui des preuves sensibles dela parenté que les anciens établissaient entre la religiond'Eleusis et celle de Samothrace, des monuments oùl'union de ces mystères paraît avoir été clairement

symbolisée. Jetez les yeux, en effet, sur ce magnifiquebas-relief du Musée Pie-Clémentin, représentant l'en-lèvement de Proserpine, et vous y verrez figurer pré-cisément toutes les grandes divinités que vous avezvues adorées dans la Samothrace : Rhée, Cérès, Plu>ton, Proserpine, Mercure, Hécate. Il n'y a de plus surle monument que Minerve., qui n'était pas sans liens

1. De Nat. D., III, 37. —Tout le sel de cette réponse se trouvedans enim : je remarque si bien, répond le philosophe, ceux quiont été sauvés, que j'en suis réduit à ne remarquer que ceux-là;car on n'a peint nulle part ceux qui, après avoir fait des voeux,ont péri misérablement. Mais qui m'assure que le nombre de cesderniers ne serait pas supérieur, ou tout au moins égal?L'abbé d'Olivet a fait un commentaire plutôt qu'une traduction,

quand il a fait dire à Diagoras : <tJe vois les sauvés, mais ceux qui« ont fait naufrage, où les a-t-on peints ? »Dans l'original, lapenséeet le trait satirique sont à demi voilés; et c'est ce qui ep fait lafinesse ingénieuse et piquante.

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avec nos métallurges, mais qui ne fut point comprisedans la religion de l'île sainte.Voilà ce que j'avais à dire du sanctuaire de la Sa-

mothrace, et le peu d'histoire que j'en ai donné s'a-

joute naturellement à l'histoire des métallurges, l'ex-

plique et la complète. Dans cet ensemble de faits partantd'un même principe, s'enchaînant par de régulièresdéductions et aboutissant à une même fin, il est im-

possible de méconnaître une doctrine religieuse fondéesur la découverte et le premier usage des métaux,comme celle d'Eleusis Tétait sur l'invention et la pre-mière culture du blé. Dès lors, nous n'hésitons plus àcroire que nous avons remis en lumière les mystèresde la métallurgie cachés sous le nom des mystères dela Samothrace, et que nous avons renoué les liens quiunissaient ce dernier sanctuaire à celui d'Eleusis. Etne serait-il pas étrange, en effet, que de deux inven-tions qui tenaient étroitement Tune à l'autre, on eût

négligé la plus ancienne et, à la rigueur, la plus utile?

Non, les hommes ne se montrèrent point ingrats enversles auteurs de ces généreuses découvertes. La super-stition abuse de tout; mais descendez au fond de ces

extravagances, et vous trouvez un sentiment qui ho-nore l'humanité et qui la fait absoudre de tous ses tra-vers : la reconnaissance pour ses premiers bienfaiteurs,pour ceux qui lui enseignèrent les arts nécessaires àla vie.Strabon dit en commençant cette savante digression,

t[ui a soutenu et alimenté notre travail : « C'est un« genre d'étude qui appartient tout entier à la théolo-« gie, et qui n'est point étranger à la méditation du« philosophe. — "EGTI ÔEoloyiy-oç %a.c 6 TOIOÙTO;Tpoiroç TTJÇ

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et Èficxéif/Ecoç, y.al oùy. â'X'XoTpioçTvi; TOU<pi>.OGo'cpouÔEtopiaç1.«L'histoire de nos métallurges n'est, en effet, que le ta-bleau de la bienfaisance des dieux envers les hommeset de la reconnaissance des hommes envers les dieux,Mais cette première méditation sur nos rapports avecl'infini en fait naître bientôt une seconde, et le philo-sophe considère comment de l'idée de cause l'hommes'est élevé progressivement jusqu'à la cause absolue,pour lui tout rapporter.

1. X, p. 466.

FIN DE L HISTOIREDESGENIESMETALLURGES.

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APPENDICE

SURLA.FORMATION DE MÉTALLURGE ET MÉTALLURGISTE

r.T DEM.USIEUBSAUTRESMOTSANALOGUES.

Il est à présumer que plusieurs de mes lecteurs, dans lecours de cette histoire, se seront souvenus que l'Académiefrançaise donne métallurgiste, au lieu de métallurge, quej'ai constamment employé ; et comme il se pourrait quequelques-uns d'entre eux me soupçonnassent d'avoir cédé àla tentation de faire du néologisme, je vais exposer dans uncourt Appendice les raisons qui m'ont déterminé à choisirl'un plutôt que l'autre de ces deux mots.J'avoue que, pour écrire métallurge, je n'avais point

ouvert le Dictionnaire de l'Académie ; je sais trop par unelongue expérience que l'Académie, qui devrait guider aussi,ne fait que suivre, qu'elle ne contrôle pas, mais qu'elle enre-gistre, et que le mot qu'on lui offre avec persistance, ellefinit par l'accepter, sans examiner ni la qualité ni l'origine.J avais donc consulté une autorité plus sûre et plus respec-table que la sienne : l'analogie et la règle de formationsuivie par notre langue.Métallurgie est un mot purement grec, et qui, dans les

deux langues, a la même signification : l'art de mettre enoeuvre les métaux. Mais on sentit l'inconvénient de recou-rir à une périphrase toutes les fois qu'il s'agirait de désignercelui qui s'occupe de cet art, et l'on, songea à faire un sub-stantif. La langue qui avait fourni métallurgie offrait à sou-

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hait le substantif désiré, c'était [xETaXXoup-jiôç.Il n'y avaitqu'une simple désinence à changer pour s'approprier le mot;on fit ce changement, et l'on crut avoir francisé [AETOÀ-Xoupybç.en produisant métallurgiste. Mais la formation demétallurgiste est-elle régulière? est-elle légitime? Pourquoipas ? demanderont les industriels et les demi-savants, quiont forcé la main à l'Académie française. Pourquoi pas?parce qu'il y a des lois qui régissent la langue, comme il y ades lois qui régissent la nature, et que ces lois se trouventici violées.Dans tous les mots que notre langue a tirés du grec et du

latin, c'est-à-dire dans l'immense majorité de ceux qui com-posent son vocabulaire, elle a suivi des règles plus rigou-reuses qu'on ne pense. Quelle que soit la nature du mot

qu'elle emprunte, qu'il soit simple ou composé, elle con-sulte toujours les langues primitives pour y conformer sa

composition et ses désinences.Ainsi Ton peut affirmer que la plupart des noms termines

en en, ien et in viennent de primitifs latins terminés princi-palement en us, un certain nombre en uni, et quelques-unsen is. Il serait trop aisé, et par conséquent superflu, d'ap-porter des exemples.Passons à une classe de mots assez nombreuse et d'une

étude un peu plus complexe, aux mots terminés en iste, et

exprimant une habitude, une profession, un métier.Il est à remarquer d'abord que tous sont tirés du grec ou

de formation indigène, du moins quant à la désinence;ainsi, de diurnus, jour, puis journal, et, en ajoutant la ter-minaison iste, journaliste ; de Latinus, latin, et, en ajoutantla terminaison iste, latiniste, celui que Montaigne appelaitlatineur 1; de publions, public, et en ajoutant la terminaisoniste, publiciste, etc.Une seconde remarque, c'est que les mots grecs de cette

1. Essais, I, 23, t. II, p. S4, éd. Froment.

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terminaison se rapportent tous à un verbe en îÇw, et ont lemême sens qu'en français. ,Maintenant, comment notre langue s'est-elle conduite à

l'égard de ces mots tirés du grec ? Fort souvent elle les areproduits intégralement; ainsi, apologiste, régulièrementtiré de àTroX.o-fiÇoi/.at-, mythologiste et mythologue, dont lesdeux formes sont légitimes, en vertu de kvyXfijjm et deXE'YCO; psalmiste, du latin psalmista, mais qui suppose tyoik-(Mur)];, dont la grécité me paraît suffisamment garantie parsaint Jérôme 1.Quelquefois cependant elle semble s'être montrée un peu

moins docile à imiter son modèle; mais on s'aperçoit bien-tôt qu'elle a cédé à quelque contrainte. Ainsi, anarchie estle mot grec àvap^ta ; mais anarchiste trouble tous les rapportsd'analogie. Le grec ne connaît point de verbe àp/^to, il n'aque apxw, d'où il a fait avap-^oçpour exprimer l'idée d'anar-chiste; mais le français pouvait-il se résigner à recevoirmarque? Non sans doute. Laissons de côté la dureté sourdedu mot, anarque eût été véritablement inintelligible. Je ledis, sans oublier que Rabelais en a fait plaisamment usage, •

pour nommer ainsi le roi des Dipsodes : « Le roy y est en« personne, et nous le nommons Anarche, roy des Dipso-» des 2. » Passage, du resie, où il a pris, assez plaisammentencore, Anarche dans le sens de privé de royaume.Je ne parle point de lithotomiste. La nomenclature médicale

de ces derniers temps accuse trop souvent le défaut de sa-voir, de méthode et de critique, et laisse surtout à désirerpour les termes relatifs à l'opération de la taille ; la remarqueen a été faite par de doctes médecins '. Ici les nomenclateursont voulu suivre le grec, mais ils en ont fait une fausse appli-

1. Ado. Pelag., I, 2.2. II, 26, t. IV, p. 20, éd. Dalibou.3. Dictionnaire de Médecine, article Taille; Dictionnaire des sciencesmédicales,article Lithotome.

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cation. Les Grecs appelaient l'opération AïOoTojua, l'opéra-teur AiGoTopio;et l'instrument )MOOTO'[AOV,marquant par la dis-tinction des genres la différence des deux derniers noms. Lesnomenclateurs ont retenu lithotomie pour l'opération, litho-tome pour l'instrument, et imaginé lithotomiste pour l'opé-rateur. C'était lithotome qu'il fallait appeler l'opérateur, et

désigner l'instrument d'un nom particulier, si l'on tenait àlui donner un nom.Lithotomiste appelle inévitablement anatomiste, et semble

soulever la même difficulté au sujet de ce dernier mot; maisil ne faudrait pas s'y tromper, c'est du latin anatomia, etnon du grec àvotTop], que notre langue a dérivé directementanatomie, ce qui lui laissait toute liberté de former anato-miste.Qu'il me soit permis de justifier encore un mot, qui sem-

ble doublement barbare, c'est minéralogie. Il fallait de toutenécessité un mot pour désigner le lieu d'où l'on extrait lesminéraux, un mot pour désigner les corps extraits de celieu, et, plus tard, un mot pour désigner la connaissanceraisonnée de ces corps et des procédés de leur extraction.Ce n'est qu'au douzième siècle que nous voyons paraîtredans le latin barbare de l'époque minera et mineria, poursignifier ce que nous appelons miiie, minière ; mais on peut,je crois, relever et ennoblir cette origine. Les Romains appe-laient les endroits d'où ils extrayaient le minium, miniarioe;c'est là le nom particulier qui paraît avoir engendré plustard minera et miner ia, et être devenu le nom générique demine et de minéral, d'où ont été tirés ensuite minéralogieet minéralogiste. Mais ces dernières formes, en accouplantun mot latin à un mot grec, ont produit un hybride. II nefaut pas sans doute engendrer les mots hybrides à plaisir,mais il ne faut pas non plus les éviter à tout prix :bientôt, lorsque nous nous occuperons du métal queles anciens appelaient Orichalque, nous aurons occasionde montrer que les Romains eux - mêmes s'accommo-

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daient assez bien de cette espèce équivoque, Quintilien nousl'atteste 1.Je tiens surtout à montrer que notre langue a toujours été

sagement disciplinée, et qu'elle n'a commis des écarts qu'àson corps défendant. Venons à l'espèce de mots qui nousintéresse plus particulièrement.La langue grecque possède un assez grand nombre d'ad-

jectifs composés de deux mots, dont le dernier est Épyov; cesadjectifs sont tous terminés en yà;, et ont presque tous unféminin correspondant en yîa : àjjmsAoupYoi;,qui travaille à lavigne, àjxTrsAoupYÎa,travail de la vigne. Notre langue a faitplus d'un emprunt à cette classe ; mais ici, peut-être plusencore que partout ailleurs, elle s'est montrée rigoureuseobservatrice de la règle. Comme elle ne pouvait supposerun verbe IpYi'Çw, qui n'exista jamais en grec, elle a toujoursévité la terminaison en iste, et s'est toujours conformée à laterminaison en urge.Ainsi, démiurge est l'exacte reproduction de Sv]|/.ioupYoç,

qui désignait tantôt le Démiurge suprême, le Créateur del'univers, tantôt les principaux magistrats de certains peu-ples de la Grèce.Ainsi, thaumaturge, le faiseur de miracles, est exacte-

ment moulé.sur 8auf/.aToupyo';.Ainsi, lorsque Rabelais veut désigner d'un mot qui soit à

la fois un nom et un portrait le vrai héros du Pantagruel,il traduit l'adjectif iravoupYoç, et appelle le personnage Pan-urge. C'est que Rabelais savait son grec, cette langue« Sans laquelle, dit-il lui-même, c'est honte qu'une per-« sonne se die savant 2. >•Mais citons un exemple où notre langue semble avoir fait

elle-même sa déclaration de principes par une distinctionaussi judicieuse que nettement marquée : c'est dramatiste et

1.1,5,68.2. Pantagruel, II, 8, t. III, p. 261, éd. Daliboh.

13

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dramaturge, exprimant l'un et l'autre, avec des nuances desynonymie dont nous n'avons pas ici à nous occuper, unauteur dramatique. Pourquoi le premier terminé en iste?parce qu'il est directement tiré de 8pau,ocT(Çto.Pourquoi lesecond terminé en urgeP parce que c'est tout simplementSpajjiaToupyoçfrancise.Quelqu'un sera peut-être tenté de m'opposer chirurgien,

qui se dit en grec /etpoupYo'i;. Je répondrai que chirurgie etchirurgien ne dérivent pas directement du grec, mais dechirurgia et de chirurgus, qui sont de la plus pure latinité,et que dès lors il était aussi loisible de traduire chirurguspar chirurgien que theologus par théologien.Comment expliquer maintenant l'origine de métallur-

giste? Il ne faut assurément pas songer à une raison d'har-monie ; cette raison d'abord serait insuffisante; en secondlieu,métallurge est sans contredit plus élégant et plus noble.Songerait-on à le tirer de metallurgus ? Mais d'abord me-tallurgus n'autoriserait point métallurgiste; en second lieu,il n'a jamais été latin. Non, la science n'a rien à faire ici:ce sont des industriels qui ont forgé métallurgiste, des indu-striels qui ne se seraient crus ni des chimistes ni des na-turalistes, s'ils n'avaient pas aussi leur désinence en iste.

Métallurgiste est donc un barbarisme sans raison et sansexcuse.J'en dis autant de liturgiste, que l'Académie française a,

je ne sais sur quelle autorité, enregistré dans sa dernière édi-tion. Jusqu'à présent, les savants n'ont employé que liturge,dont l'Académie ne parle pas, pour désigner le personnageappelé chez les Grecs AEITOUPYÔÇ, personnage exerçant desfonctions publiques, civiles ou religieuses. Quand Montfau-con explique AEITOUPYO;d'une inscription grecque, « Il y h« dit-il, sur la même inscription un liturge, AeiToupYo;*. » Pour-

quoi l'auteur qui s'occupe de liturgie ne serait-il pas appelé

lv Antiquité expliquée, t. II, p. 9.

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aussi liturge, à l'imitation du grec, où le mot avait deuxsens très-différents? Et que deviendrait une langue, s'ilfallait donner à chaque signification un terme particulier ?Mais d'ailleurs il n'y a pas aujourd'hui de confusion àcraindre.L'abbé Bergier, dans son Dictionnaire de théologie, a

consacré un article étendu et approfondi à la liturgie; maisjamais il ne s'est servi ni de liturge ni de liturgiste, et ilappelle constamment auteurs ou rédacteurs de liturgies ceuxque l'Académie a cru pouvoir nommer liturgistes. Pourmoi, je suivrais l'exemple de Bergier, et, en parlant d'Isidorede Séville, je dirais qu'il est regardé comme le principalauteur de la liturgie mosarabique; j'en ferais au besoin unliturge, mais je me garderais d'en faire un liturgiste.Puisqu'elle se laisse aller si aisément sur cette pente, je

recommande à l'Académie théurgiste, au lieu de théurge,pour sa prochaine édition.Que Ton y prenne garde ! cette fureur des désinences en

isme et en iste tend à désorganiser notre idiome, et à l'ap-pauvrir de ses richesses naturelles, et elle en fera, si on ne laréprime, un jargon barbare et ridicule.Mon intention est évidente : ce n'est pas l'emploi d'un

mot que j'ai voulu justifier, c'est un principe que je chercheà défendre ; je n'ai la prétention de corriger personne, maisje tiens à protester, au nom de notre belle langue, contre lesviolences qu'on lui fait.

FIN DE L'APPENDICE.

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DU MÉTAL

QUE LES ANCIENS APPELAIENT

ORICHALQUE

HISTOIRE

DU CUIVRE ET DE SES ALLIAGES

DEPUIS LES TEMPS ANTIQUES JUSQUAUX TEMPS MODERNES

SUIVIED'UN EXAMENDESPRINCIPALESOPINIONSAVANCÉESSURL'OHICIIALQUE

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AVANT-PROPOS.

La métallurgie antique est encore aujourd'hui un

sujet tout plein d'obscurité, et cependant il n'est pasde connaissance qui nous pût faire entrer plus avantdans la vie des hommes d'autrefois : les métaux sontla matière et l'instrument des arts, le ressort de touteactivité politique, l'âme de la civilisation.

Théophraste avait composé un ouvrage Sur la mé-

tallurgie, Ilepl TWVjj.e,xaXki\>ojj.év(ùv,il nous l'assure lui-même , au commencement de son traité Sur les

pierres 1. Son biographe, Diogène de Laerte, nous

apprend que cet ouvrage comprenait deux livres 2, et

Olympiodore ajoute que l'auteur s'y occupait de cha-

que métal en particulier : a vE-ypai|/£V iSia. -^epï éxacTou« [ieTaHou 3. » INous voyons aussi par Athénée qu'un

1- T. I, p. 686, éd. Schneider.2. V, 44.3. In Meteorol., III.

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Philon avait fait un livre intitulé, ô Me-c-aWaxo;, le Mé-

tallique 1. Enfin, dans le sommaire du XXXIIIe livre deYHistoire naturelle de Pline, il est parlé d'un Timée

historien, qui avait écrit un ouvrage Sur la médecine

métallique : « Timoeo hislorico, qui de medicina me-« tallica scripsit. »Malheureusement tous ces traités ont péri, et avec

eux les renseignements qu'ils nous eussent donnés surla science de leur temps, et leslumières précieuses qu'ilseussent fournies à la science moderne. Car c'est uneerreur de croire que l'antiquité nous fut inférieure dansce genre de connaissances ; il suffisait, pour en pren-dre une idée plus favorable et plus juste, même enl'absence des ouvrages spéciaux, de rassembler quel-ques notions éparses, de tirer de quelques faits desinductions légitimes. La remarque a été déjà faiteavec une autorité que je ne lui saurais donner : « Les« modernes, dit Buffon, se sont persuadés que les« anciens n'avaient pas, à beaucoup près, autant de« connaissances en histoire naturelle que nous en« avons. Cependant c'est tout le contraire, et nous« aurons dans la suite de cet ouvrage (son Histoire« naturelle) mille occasions de prouver que les anciens« étaient beaucoup plus avancés et plus instruits que« nous ne le sommes, je ne dis pas en physique, mais« dans l'histoire naturelle des animaux et des miné-« raux, et que les faits de cette histoire leur étaient« bien plus familiers qu'à nous, qui aurions dû

1. VII, p. 322.

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« profiter de leurs découvertes et de leurs remar-« ques 1. »Mais la science moderne s'inquiète peu de l'érudi-

tion; on dirait qu'elle ne se croit point d'aïeux, ou

qu'elle tient à faire dater sa noblesse d'elle-même. Il

y a là étroitesse de vue et manque d'élévation d'es-

prit ; il y a, ce qui touchera davantage, défaut decalcul : les tâtonnements de nos prédécesseurs nous

apprennent à marcher avec plus de sûreté, et Ton nesait jamais mieux conduire la science en avant quelorsqu'on sait le chemin qu'elle a fait jusqu'à nous.

Ajoutons que cette élude du passé, en excitant lesidées de la science moderne, pourrait les féconder- etamener d'importantes découvertes.C'est donc rendre un service que de recueillir ces

notions éparses, de les discuter et de produire, s'il se

peut, la lumière sur un point déterminé. Tel est lemotif qui a inspiré le traité que je publie aujourd'huipour la seconde fois, après l'avoir un peu retouché et

augmenté, et en lui donnant une place qui expli-quera mieux l'origine fabuleuse du métal dont jem'occupe, que n'auraient su le faire toutes mes pa-roles, en le mettant à la suite des Origines religieusesde la métallurgie.Pour faire apprécier d'un coup d'oeil l'importance

et la difficulté de ces recherches en même temps quela manière dont elles ont été mises en oeuvre, je vais

1. Manière de traiter Fhist. nat. OEuvres complètes, 1.1, p. 49,éd. Rapet.

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tracer en quelques lignes l'exposé du sujet et le résuméde mon travail.A l'aurore de la littérature grecque, un métal se

'montre dans la poésie, doué des plus rares propriétés.Plus tard, l'esprit d'examen le relègue parmi les fables.

Cependant les fidèles de la poésie se révoltent, non

qu'ils aient des arguments en leur faveur, mais parcequ'ils croient, et qu'ici, comme dans les choses plusrespectables, la docilité absolue est la marque d'unefoi sincère. Bientôt après, l'art découvre un alliage, etle nom du métal fabuleux sert à le désigner. On pour-rait croire que la réalité va repousser la fiction dansson domaine naturel ; erreur ! elles se confondent.Ce n'est pas tout ; les poètes d'une époque plus ré-

cente, qui traitent des sujets mythologiques, favorisent

l'illusion, en remontant à la substance imaginée parleurs prédécesseurs. Ajoutez à cela les calculs de l'im-

posture , qui marche toujours à l'ombre de l'équivo-que, et qui, dans ce cas, lorsqu'elle veut rehausser lavaleur ou l'antiquité de quelque objet, n'hésite pas àle donner comme étant fait avec le métal imaginaire.Enfin, pour comble d'embarras, le nom, en passant desGrecs aux Romains, se charge d'une nouvelle fable.C'est sous ce voile successivement épaissi que Ton-

chalque arrive entre les mains des savants et des éra-dits modernes. Les uns, négligeant la partie fabuleusede l'histoire, ne s'attachent qu'à la partie réelle; les

autres déclarent qu'il faut renoncer à découvrir ici la

vérité. Est-ce, en effet, une énigme sans mot? Nulle-ment. Pour résoudre le problème, il fallait d'abord

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concilier l'invention des poètes avec l'opposition desincrédules ; il fallait ensuite distinguer soigneusement,dans tout le cours de l'existence du métal, l'être véri-table de l'être mensonger, et montrer que la transfor-mation qu'il subit chez les Romains ne dépendit qued'une méprise d'orthographe. C'est là ce que j'ai fait;et, poussant l'histoire jusqu'au bout, je n'ai quitté labrillante substance qu'au moment où elle disparaissaitobscurément sous un mot de notre propre langue.Au sujet .principal se rattachaient des questions

accessoires importantes, qui n'ont pas été négligées.Ainsi, j'ai prouvé que les anciens trempèrent le cuivre

pour le durcir; qu'ils connurent le zinc, et le mêlèrentau cuivre pour produire le laiton. Un second alliageque j'ai constaté, c'est celui de Tétain avec le cuivre.Je me suis en outre arrêté sur quelques autres métaux,soit fictifs , soit réels, tels que le chalcolibanon et lecuivre démonésien. Parmi les procédés de la métal-

lurgie antique, j'en ai signalé un qui s'est transmis àla pratique moderne, l'usage des fondants pour accé-lérer la fusion des métaux.Mon sujet présentait encore un côté moral, qui

touche à l'histoire de l'art et à la philosophie, et quej ai eu soin de mettre en relief. Je veux parler de cette

disposition irrésistible des anciens à créer des légendespour expliquer les faits merveilleux, et qui, dans cette

circonstance, s'efforça de rattacher la découverte et lenom de Torichalque à un statuaire appelé Oreius.De pareilles études, pour être rigoureuses et com-

plètes, appellent souvent les discussions philologiques;

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jamais nous n'avons écarté ces dernières, toutes lesfois que quelque passage les réclamait.Nous n'avons pas même jugé inutile de remonter à

l'origine, et de fixer le sens de quelques termes ser-vant à désigner les substances qui reviennent le plusfréquemment dans notre traité : c'est ainsi que rrousavons donné Tétymologie des mots cuivre, laiton et

bronze, et fait sur le nom d'Orichalque toutes les ob-servations que demandait sa forme matérielle.Je n'ajouterai plus qu'un mot sur la dernière partie

de mon travail. En parcourant les noms de ceux quise sont occupés de Torichalque , on se convaincra del'intérêt qu'a su inspirer notre métal ; en lisant la cri-

tique des hypothèses qu'ils ont proposées sur la ma-

tière, on jugera que le problème attendait encore sasolution.

Page 219: Les métaux dans l'Antiquité

DU MÉTAL

QUE LES ANCIENS APPELAIENT

ORICHALQUE1

HISTOIRE

DU CUIVRE ET DE SES ALLIAGES

DEPUISLES TEMPS ANTIQUES JUSQU'AUX TEMPS MODERNES

SUIVIED'UNEXAMENDESPRINCIPALESOPINIONSAVANCEESSURL'oRICHALQUE

Il y a aujourd'hui un peu plus d'un siècle, c'était aumois de juin de Tannée 1751, qu'on apporta sous lesyeux de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettressept épées de cuivre jaune avec une roue creuse, unmorceau de cuivre ressemblant à un fer de lance etquelques petites pièces de même métal , déterrés àGensac près de Gannat en Bourbonnais.La vue de ces débris, des épées surtout, souleva

1. Ce travail, publié d'abord en 1832, sous le titre de : Mémoiresur le métal que les anciens appelaient Orichalque, avait été lu àl'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, dans les séances du27 août et suivantes de la même année.J'ai laissé subsister le préambule du Mémoire, comme souvenir

cher à l'auteur et honorable pour l'ouvrage.

Page 220: Les métaux dans l'Antiquité

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d'abord un grand nombre de questions et partagea lesavis des académiciens. Deux sentiments se trouvèrentaux prises : les uns soutenant que c'étaient des armes decombat; les autres, qu'elles n'avaient jamais été fa-

briquées pour la guerre. Mais on ne tarda pas à s'a-

percevoir que pour terminer la dispute, il fallait aban-donner le terrain de l'archéologie pure, et se transportersur celui de la science; on en vint donc à examiner siles anciens avaient employé le cuivre à la guerre dansleurs armes offensives. Ici trois champions descendi-rent dans la lice, le comte de Caylus, Lévesque de LaRavalière et l'abbé Barthélémy.Le comte avait décidé du premier coup d'oeil que les

épées étaient antiques, et de fabrique romaine. Pour ap-puyer la décision de l'archéologue, il soutint que les an-ciens se servaienfdu cuivre dans leurs armes offensives etdéfensives ; et il tâcha de le prouver par les monuments,par les raisons physiques et par l'expérience. Par lesmonuments , en montrant que toutes les armes antiquesdécouvertesjusque-là étaient, à quelques rares exceptionsprès , de ce métal; par les raisons physiques, enobservant que le cuivre est beaucoup plus aisé à fondre

que le fer, d'où il suit que la première de ces substancesa dû être employée longtemps avant la seconde, ce queconfirme l'histoire ; par l'expérience, en faisant fabrv

quer lui-même des épées toutes pareilles à celles de

Gensac, et en communiquant au cuivre, à l'aide de la

trempe, toutes les propriétés du fer.

Lévesque de La Ravalière prit le contre-pied ducomte de Caylus. Celui-ci s'était faiblement appuyé surles témoignages des auteurs, son antagoniste déploya un

grand luxe de citations sacrées et profanes, et s'efforçade prouver que ni les Grecs, ni les Romains, ni les

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Gaulois, ni les Francs n'avaient employé le cuivré pourleurs arnles offensives. Mais il fit de son érudition unemploi peu critique; écartant les témoignages qui luiétaient contraires, produisant ceux qui le servaient, ilconclut du particulier au général, et de ce qu'il voyaitle fer mentionné quelquefois avec le cuivre, dans lesauteurs les plus anciens, il en inféra l'usage exclusif du

premier de ces métaux. Quant à la destination des dé-bris découverts^ il conjectura que c'étaient des monu-ments de fêtes et d'exercices de chevalerie, tournois etjoutes, si communs aux douzième et treizième siècles.La vérité était entre ces deux extrêmes ; c'est là que

la chercha et que la trouva l'abbé Barthélémy. Par un

intelligent et sage emploi du témoignage des auteurs,Barthélémy établit solidement, 1° que les premières ar-mes des Grecs furent de cuivre ; 2° que les armes de fers'introduisirent vers l'époque de la guerre de Troie,sans exclure d'abord les autres; 3° que dans les sièclessuivants, les armes de cuivre ne sont plus mentionnéescomme étant en usage. Ce troisième point l'ayant amenéà dire son avis sur les épées déterrées à Gensac, l'illus-tre abbé ajouta que, si du silence des auteurs on devaitconclure que les Romains n'avaient point employé lecuivre pour leurs armes offensives, il inclinait à les at-tribuer à des Francs du telnps de Childéric; et il endonna quelques raisons 1.Le souvenir de cette mémorable discussion, sifécotlde

en importants résultats, aurait déjà suffi pour me faireespérer qu'un travail rattaché par tant de points auxMémoires que je viens d'analyser, serait favorablement

1. Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,t. XXV, p. 109-123.

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.accueilli de l'illustre compagnie à laquelle j'ai l'honneurde le présenter. Mais je savais en outre que l'Académiedes Inscriptions est le tribunal où rassortissent toutes les

questions scientifiques qui, pour être résolues, deman-dent à passer par l'érudition, et qu'à ce titre, elle estl'auxiliaire indispensable de sa noble et glorieuse soeurl'Académie des Sciences. Ce qui m'a surtout encouragé,ce qui m'a fait presque compter d'avance sur l'indul-

gente faveur de mes juges, c'est que le sujet dont j'avaisà les entretenir, intéresse en même temps presque toutesles études dont ils s'occupent-eux-mêmes, et qu'ils ont

pour mission de cultiver : je veux dire la mythologie et

l'histoire, les fictions poétiques et les faits réels, les dé-tails relatifs aux procédés de l'art et à son histoire, la

métallurgie naturelle et la métallurgie mythique, lesarts du desssin et de l'industrie, l'accroissement du ca-

talogue des artistes, l'explication et la restitution desauteurs ; car il a fallu toucher à tout cela pour traiterde Torichalque d'une façon complète et approfondie.

Parmi les substances métalliques dont parle l'anti-

quité, une des plus curieuses et des plus intéressantes

pour nous, c'est sans contredit Torichalque. La men-tion fréquente qu'en ont faite les auteurs, depuis les

temps les plus reculés jusqu'aux époques récentes, les

épaisses ténèbres dont fut enveloppée son existence

primitive, la tradition équivoque et légendaire atta-chée à sa découverte, les changements successifs qu'ila subis pendant sa longue durée, les usages divers

auxquels on l'appliqua, tout concourt à le rendre un

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sujet d'étude attrayant et utile pour la science et pourl'érudition. Aussi a-t-il pendant longtemps exercé lessavants et les commentateurs les plus habiles 1; aussia-t-il engendré çà et là de nombreuses notes explica-tives et provoqué plusieurs hypothèses scientifiques.Toutefois, après tant de soins et d'efforts réitérés,

l'histoire de Torichalque est encore à faire, et le motde l'énigme encore à trouver. Que dis-je? les passagesmêmes les plus essentiels pour arriver à la connais-sance de ce métal, ne sont encore ni discutés niéclaircis. Quelle en peut être la cause ? J'ai hâte de ledire. D'abord la matière est obscure, puisqu'elle em-barrassa les anciens eux-mêmes , nous le verronsbientôt. Ensuite , pour comprendre les détails, il eûtfallu embrasser l'ensemble, et les érudits se sont bor-nés à quelques rapprochements partiels ; il eût fallusurtout disposer les matériaux avec ordre, les combi-ner avec art, et les érudits les ont donnés pêle-mêle ;il eût fallu discuter les passages un à un, et on s'estcontenté ordinairement de citer. De leur côté, les sa-vants, qui ont fait ici des hypothèses, je parle princi-palement de ceux qui cultivent les sciences exactes oules sciences d'observation, prenant pour point de dé-

part les fables débitées sur Torichalque primitif, sansse demander si elles n'étaient pas contradictoires, etne consultant d'ailleurs qu'un petit nombre de passa-ges , ont cherché parmi les métaux naturels ou com-

1. Tandis que, par contre, des auteurs qui en auraient dû parleravec étendue, ne l'ont pas même nommé. De ce nombre est'M.Caryophile qui, dans son ouvrage intitulé : De antiquis auri,argenti, stanni, «ris, ferri plumbique fodinis, n'a pas écrit uneseule fois le mot orichalque.

14

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— 210 —

posés celui qui répondait le moins mal à la substanceimaginaire, et les ont donnés l'un pour l'autre.Il ne serait donc pas étonnant qu'avec une critique

indépendante, quelqu'un aujourd'hui recueillant tou-tes les notions éparses relatives à Torichalque, et leséclaircissant Tuiie par l'autre, suivant pas à pas le mé-tal chez les Grecs et chez les Romains , et le compa-rant à des substances d'une destinée analogue, appe-lant partout l'expérience scientifique au secours del'érudition, et les faisant dans le besoin se soutenir

mutuellement; il ne serait pas étonnant, dis-je, quequelqu'un pût déchiffrer aujourd'hui l'énigme, etmontrer nettement à la philologie le sens qu'elle doitattacher au mot orichalque, à la science, le métalactuel qu'elle doit voir sous le métal antique. Tel estle travail auquel je me suis livré, et tel est, je l'avoue,le résultat que je crois avoir obtenu.

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CHAPITRE PREMIER.

Première époque, ou âge mythique de l'orichalque. — Il est assimiléaux substances les plus précieuses. — Les anciens ne l'ont pointconnu ; leur dispute à ce sujet éclaircie. — Son origine expliquée parcelle du clialcolibanon. — Ëtymologie du mo't oriclialque. — Détailssur l'artiste qui passe pour avoir donné son nom à ce métal. — Notesur la trempe que les anciens donnèrent au cuivre.

L'orichalque ne figure ni dans Homère ni dans Pin-dare ni chez aucun des poètes dramatiques de la Grèce;il se montre pour la première fois dans le Bouclierd Hercule, où il est dit que le héros mit autour de sesjambes ses cnémides d'oriclialque brillant, présentfameux de Vulcain :

Kvï)u.ï&aç opei^aAxoio oectEivoïï,'HtpaîuTO'j XÀUTOCScopa, irspi XVÏÎ(X.Ï|(TIVE0-/]XE'.

Le second auteur qui en a parlé, c'est l'auteur de

l'hymne homérique à Vénus, où nous voyous lesHeures attacher aux oreilles de la déesse un ornementd orichalque et d'or :

'Ev &l TpriTotat Aoêoïsiv"Avôef/.' opEi^âXxou ^puaoTo TETI|J!.VIEVTOÇ2.

Vient ensuite Platon, qui, dans son île imaginaire,

1. V. 122.2. VI, 9.

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— 242 —

fait jouer à Torichalque un grand et noble rôle. Dansle dialogue intitulé Critias, ce personnage, louant lafécondité du sol de l'Atlantide, nous dit : « Et le mé-« tal qu'aujourd'hui nous nommons seulement, était« alors quelque chose de plus qu'un nom ; Torichalque,« le plus précieux des minéraux après l'or, aux yeux« des hommes de ce temps, s'extrayait de la terre eu« plusieurs endroits de l'île. — Kal TO VÙVôvo(/.a£o'p.evov« [/.ovov, TO'TEde tùÂm ôvo'p.aTo; YJVTO yevoç sx. yôç ôpuTTo'p.evov,« ôp£iyaXy.ou xaTa TO'TOU;TzoXkovçTVIÇv/fcou, TÏkly ypucoO TI-« [AttuTarov èv Toïç TO'TEÔ'V\ » Et un peu plus bas, parlantde ces trois murs qui formaient la triple enceinte cir-culaire de l'acropole, il nous apprend qu'ils étaient

revêtus, le plus extérieur, de cuivre; celui du centre,d'étain ; le dernier, d'orichalque ayant des reflets defeu : « Kal TOUJJLÈVirepl TOV è^aiTaTO) Tpoyov Tetyouç ya/Vxû« irepie'Xajxêavov iravra TOVTûepi'o^pop-ov,TOÎPè' ÈVTO;xa-rriTÉpù« 7k£pi£T/ixov, TOVûeTvepl aÙTYjVTY)Vày.po'—o)avoosiy£kx.u> pt.app.a-« puyàç ejfovxi irupai^Eiç 2. » Et quelques lignes au-dessous,décrivant le temple de Neptune, il nous fait remar-

quer qu'au dedans le plancher supérieur était toutentier d'ivoire, orné d'or et d'orichalque, et que lasurface des murs, des colonnes et du sol était toutentière couverte d'orichalque : « Ta Bi ÈVTOÇ,TVIVpiv ôpo-« <pvjvè\ecpavTiv/)V to£tv -zrâffav"/puffw "/-al ôpeiyalxa) 7C£TroaiA-« piv/]v, Ta àà à'/VXaTîavTa TÛV TOI/COVTE y.al xio'vuv x.al ioi-« çou; opet^aXxw TrspiéXaSov3. » Et plus loin encore, dans lemême temple de Neptune, il nous montre une colonne

d'orichalque sur laquelle étaient gravées les lois des

1. T. III, p. 114, éd. H. St.2. Ibid., p. 116.3. Ibid.

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ancêtres, que devaient suivre les rois de l'île : « ïî; ô« vop.o; auToîç TrapeôGr/.E, xai y-pa^aTa ÛTVOTWVTtpuTtûv èv« ffTvftv] yeypa[J.u.eva 6peiy_aly.iv/i, 'fl xarà f/icviv TYJVv/jcov« ê'y.eiTOèv îepâ Iloo-etowvoç 1. M

Apollonius de Rhodes s est souvenu aussi du bril-lant métal pour l'associer à l'or et à l'argent. Dans les

Argonautiques, il est question des filles du Soleil, quipaissent les troupeaux de leur père : Phaéthuse, la plusjeune de ces Nymphes, mène les brebis, tenant enmain une houlette d'argent ; Lampétie conduit lesboeufs, agitant une baguette d'orichalque brillant.Tous ces boeufs ont la blancheur du lait, et se mon-trent fiers de leurs cornes d'or :

'OirAoTÉpT]<I>aÉ8outjaôuyaTpcov'HEXI'OIO,'Apyûpeov /aïov TraXâu,^EVI7T7);(ôvo'j<7a•

Àa[nrETi'ï| S' ÈTÙpouciv opsiyaAxoio oastvoùILXAAEV07tïjSEUouaaxaAaupoira

Tlan-ai SE fotAaxTiEiSôjxsvat, y^puaeoiofixepctaai xuîiàauxov 2.

Parlant du jour où Paris devait adjuger le prix dela beauté, Callimaque nous dit que ce jour-là Pallasne se mira ni dans Torichalque, ni dans le tourbillon

transparent du Simoïs; mais que Vénus prit le cuivre

resplendissant :

OùS' Iç àpEiyaAxov fis^Aa ÔEOÇ,oôSÈ2I|JI.OÏÏVTO<;"E6XEI|IEVêivav Èç 8iatpaivou.Evav.

KuTrpi; 8è otauYÉa yjxAxôviXoïaa 3.

Si nous consultons maintenant les grammairiens,1- T. III, p. 119.2. IV, 971-978.3. Hymn. in Lavacr. Païlad., 19 sqq.

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Hésychius définit Torichalque, un cuivre semblable àl'or : « 'Opfya^y.o; (sic)" yaly.à; ypuo-w èoiy.coç* vj xpyîv/]a àpyiyalxoç 1. » Photius : «Le cuivre brillant: —« 'Opeiyaly-o;* ô o\auyYjç yalxo'; 2. » Suidas de même,en ajoutant seulement o^o'y.iij.o; : « Le cuivre bril-« lant, estimé. — 'Opeiyalxoç' â o\auy>; yaXy.à;, ô #0-« y.tpt.0;3. »

Quelle est donc cette matière si haut placée dans

l'estime, employée à des usages si relevés, et qu'onaffecte en même temps de reculer dans tin passé mys-térieux, d'envelopper de termes vagues et contradic-toires ? Tâchons de dévoiler le secret.Les anciens connurent le cuivre longtemps avant le

fer, et surent lui donner une trempe qui le rendait

propre aux mêmes usages que ce dernier 4, l'employantà la fabrication des armes et des instruments d'agri-culture. Hésiode nous dit de la troisième générationdes hommes : « Ils avaient des armes de cuivre, des

1. V. 'Opr/aAxoi;. Il est douteux qu'Hésychius, dans la secondepartie de sa glose : \ xp^vv>, x. T. 1., veuille faire allusion à cecuivre qu'on trouvait sous la mer dans l'île de Démonèse, et quiétait extrait par des plongeurs, comme nous l'apprend l'auteur durecueil des Récits merveilleux : « "Ec-i SEaùxdOiyaÀxô; xûÀ0fi6ï]Trjça Iv SueTvopyutaïç TV;ÇOaÀaccv);. » (De Mirab. Auscult., c. 59,p. 118, éd. Beckmann.) J'aime mieux prendre XOVIVÏ]dans le sensmétaphorique de mine, ainsi que l'est TT/JY?)clans ce vers des Perses,où Eschyle dit en parlant des Athéniens : « Ils possèdent unea source (mine) d'argent, trésor de la terre. — 'Àpyôpou nrffn TIΫ aÙToîçEGTI,Ôïjcaupôç'^Oovo'ç.» (V. 23G.) Et la phrase signifiera :a. Ou source (mine) d'un cuivre supérieur. »"Apyi'/aAxoç doit trouver place dans les lexiques.2. V. 'OpEÎ/aXxoç.3. V. 'OpEi'^aAxoç.4. Voy. la Note qui se trouve, à la fin du chapitre.

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« maisons de cuivre, et ils travaillaient la terre avec« le cuivre, et le fer noir n'existait pas. »

Toïç S' -^v-^âXxeaJJLEVTEU^EOC,-^âXxeotoé TEoîxoi,XaXxâi S' eipYaÇovTO' ptiXaç S' oùx ECXEoîôripoç1.

Et Lucrèce traduisant presque ces vers :

Et prior oeris erat quam ferri cognitus usus :iEre solum terroe tractabant, oereque belliMiscebànt fluctus, et volnera vasta ferebants.

« L'usage du cuivre était connu avant celui du fer :« c'est avec le cuivre qu'ils remuaient la surface de« la terre, avec le cuivre qu'ils bouleversaient les flots« des combattants, et qu'ils faisaient de larges bles-« sures. »Et Proclus à son tour les commentant : « Le poète

« nous montre, dit-il, que les hommes, dans cette gé-« nération, exerçaient la force du corps, et négligeant« le reste, s'occupaient de la fabrication des armes, et« pour cet usage, se servaient du cuivre, comme du« fer pour l'agriculture, donnant par une trempe par-te ticulière de la dureté à ce premier métal, qui est«mou'de sa nature; mais que cette trempe s'étant« perdue, ils en vinrent aussi à l'emploi du fer dans« les combats. —Avi'Xoï OTI TCOVo-copzTwv TYIVpcopiv/i'o-y-ouv« oî èv TOUTCJJTW yévet,, TWV&' aXXwv àpt.e'XoijvTsç, irepl TTJV« TWV6'TCXWVy.aTa<jx£'j7)v âteTpiêov, xal TW yaXxw TvpoçTOÙTO« ÈYJIWYTO,cbç TW ffiS-/îpw ivpoç yswpyiav, o\a Ttvoç (3a<pvï;TOV

U Opcr. etD., 150 sq.2. V. 1286 sqq.

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« yjxXy.ov <7T£ppoi;oto0vT£ç, oVTa «puerei jx.aka.x6v èx,Xi7rau<j7|i;&è« roc [îa<p-/îç, è-rcl TYIVTOÙ ffio^vîpouy.al èv TOÏÇKokéjJMç. y^pridw

A ces témoignages de 1 histoire se peuvent encore

ajouter les raisons physiques: « La terre, disait le comte« de Caylus dans le Mémoire analysé plus haut, prê-te sente le cuivre avec facilité, et en parties fort éten-« dues : il se met aisément en fusion, il prend lé« moule d'une façon complète. Le fer, au contraire,« n'est point du tout apparent dans la mine, on ne le« trouve qu'en très-petites parties, qu'il faut réunir« par une première fonte. Nous nous persuadons, sans« examen, que le fer est le plus commun des métaux,« parce que la terre en est remplie dans la partie de« l'Europe que nous habitons ; mais sans faire une« énumération des pays dans lesquels on ne Ta« jamais trouvé, il n'existait ni dans la Grèce, ni« dans l'Asie, ni dans la partie de l'Afrique connuete des anciens. »Écoutons un juge plus compétent en pareille ma-

tière. e<Il n'existe, dit Buffon, nulle part de grandeste masses de fer pur et pareil à notre fer forgé, ni« même semblable à nos fontes de fer, et à peineet peut-on citer quelques exemples de petits morceaux« de fonte ou de régule de fer trouvés dans le sein dete la terre— De toutes les substances métalliques, laet mine de fer est la plus difficile à fondre : il s'estc<passé bien des siècles avant qu'on en ait trouvé les« moyens. On sait que les Péruviens et les Mexicains

1. Voy., pour une difficulté que présente ce passage de Pro-clus, la. Note qui se trouve à la fin du chapitre.

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te n'avaient en ouvrages travaillés que de l'or, de Tar-te gent, du cuivre et point de fer ; on sait que les armes« des anciens peuples de l'Asie n'étaient que de cui-te vre, et tous les auteurs s'accordent à donner Tim-Mportante découverte de la fusion de la mine de feret aux habitants de l'île de Crète, qui, les premiers,« parvinrent aussi à forger le fer dans les cavernes du« mont Ida, quatorze cents ans environ avant Tèreetchrétienne Le cuivre, qui de tous les métaux« après le fer, est le plus difficile à traiter, n'exige pas« à beaucoup près autant de travaux et de machines« combinées : comme plus ductile et plus souple, il se« prête à toutes les formes qu'on veut lui donner 1. —« Le cuivre primitif, qui subsiste encore en masses« métalliques, s'est offert le premier à la recherche« des hommes ; et comme ce métal est moins difficile« à fondre que le fer, il a été employé longtemps aupa-« ravant pour fabriquer les armes et les instruments« d'agriculture. Nos premiers pères ont donc usé,« consommé les premiers cuivres de l'ancienne, na-ît lure : c'est, ce me semble, pour cette raison que« nous ne trouvons presque plus de cuivre primitif« dans notre Europe non plus qu'en Asie ; il a été« consommé par l'usage qu'en ont fait les habitants« de ces deux parties du monde, très-anciennement« peuplées et policées, au lieu qu'en Afrique, et sur-et tout dans le continent de l'Amérique, où les hom-« mes sont plus nouveaux, et n'ont jamais été bien« civilisés, on trouve encore aujourd'hui des blocsteénormes de cuivre en masse, qui n'a besoin

1. Histoire na(., article du Fer,

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« que d'une première fusion pour donner un métal« pur 1. »Le cuivre, par les usages variés auxquels on l'ap-

pliqua d'abord, et qui fut dans le principe Tuniquemétal employé pour les besoins habituels de la vie, de-vait donc être en grande estime ; aussi le voyons-nousà l'origine des sociétés mis au-dessus de Tor et de

l'argent, parce que ces derniers étaient jugés d'unenature trop molle et trop peu résistante ; Lucrècenous l'assure :

Nec minus argento facere hoec auroque parabant,Quam validi primum violentis viribus oeris :Nequicquam, quoniam cedebat vicia potestas,Nec poterant pariter durum sufferre laborem ;Nam fuit in pretio magis oes, aurumque jacebatPropter inutilitatem, hebeti mucrone retusum 2.

ce Les hommes se disposaient à faire servir à ces« usages l'argent et Tor de la même façon qu'ils yte avaient employé les forces puissantes du solide« cuivre : ce fut en vain, parce que leur consistancete vaincue ne résistait pas, et qu'ils ne pouvaient sup-ff porter également un dur travail ; aussi le cuivre« fut-il en plus grande estime, et Tor était dédaigné,et à cause de son inutilité, n'opposant qu'une pointece facile à émousser. »En avançant, même de plusieurs siècles, et jusqu'au

temps de la guerre de Troie, c'est-à-dire à une époqueoù le fer était déjà fort répandu, nous trouvons encorele cuivre assez haut prisé pour constituer une des

1. Hist. nat., article du Cuivre.2. V, 1268 sqq.

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principales richesses. Dans YIliade, Ulysse, pour dés-armer la colère d'Achille, lui offre , au nom d'Aga-memnon, d'emplir, après la prise de Troie, ses vais-seaux de tout Tor et de tout le cuivre qu'on y pourraentasser :

Nïjaç à'Xiç^puaoïï xai j^aXxoîiVï|ï|aac9aiEÏCEXOCOVd....

Achille refuse fièrement ces offres, et pour montrer

qu'il est au-dessus des présents d'Agamemnon, il ré-

pond : te En outre, j'emporterai d'ici de Tor et du« cuivre rouge ainsi que des femmes à la ceinture élé-« gante et du fer brillant, toutes richesses que j'ai du« moins obtenues par le sort. »

"AXXovS' EVGÉVOE^pucov xcù -/aXxovÈpuOpov,'H3È -(OJvaïxaçcùÇwvooç,7roXiovTEc(Sv)pov"AÇottat, 6C<T<J'ikar/ôv fti

Mais avec le progrès des arts et de la civilisation,

t. IL, I', 279.2. Ibid., 365.C'est, je pense, pour consacrer le souvenir des services que ren-

dit le cuivre primitif et du haut prix qu'y attachèrent les hommes,que plus tard la religion affecta de se servir d'instruments et d'ou-tils de ce métal. Macrobe a constaté l'usage : « Onmino autem ad« rem divinain pleraque aenea adhiberi solita, multa ihdicio sunt« (Satttrn., V, 19, 11). >>Une loi de Suma ordonnait aux prêtresde se couper les cheveux avec des ciseaux de cuivre et non de1er: « Kal TOUTOSE-rcpôç-roiïNoup.a StaTÉÛEtTat,IOGTETOÙ;Upstç yvk-« xcûç<i7.X(cnv,<£ÀX'OÙeriSr,païi;à-oxEt'pEaOai.J>Lydus, qui nous l'ap-piend,croit cette loi inspirée par les idées Pythagoriciennes, d'aprèslesquelles le fer appartenait à la matière informe : « '0 yècpcnSïipoç« xccràTOÙÇIIuOaYopEÎouçTYJUXTJdvocXEtTat(De Mens., I, 31).»L'explication que je donne me paraît plus raisonnable que les

rêveries attribuées aux Pythagoriciens.

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la fonte du fer est mieux connue, et ce métal rem-

place le cuivre partout où il est besoin de force et dedurée. D'un autre côté, le luxe, par une valeur deconvention, rehausse le prix de Tor et de l'argent, etrelègue le cuivre parmi les substances vulgaires. Lu-crèce signale encore cette vicissitude comme un des

caprices auxquels tout semble assujetti, les caprices dela fortune et du temps :

Nunc jacet oes, aurum in summum suecessit honorem :Sic volvenda aetas commutât tempora rerum ;Quod fuit in pretio, fit nullo denique honore 1.

te Maintenant c'est le cuivre qui est dédaigné, Tor qui« est parvenu au comble de l'honneur : ainsi le temps,« dans ses révolutions, change les conditions des cho-cc ses ; ce qui fut en estime finit par n'être plus d'au-ce cun prix. »

Cependant les poètes se rappelant les services nom-breux que le cuivre avait rendus et l'estime singulièreoù l'avaient d'abord tenu les hommes, idéalisèrent ce

métal, et l'appelèrent orichalque ou cuivre de mon-

tagne par excellence, de ô'po; et de yakY.6ç. Par cette

transformation, il devint quelque chose d'intermé-diaire entre Tor et l'argent, placé habituellement au-dessous du premier, et au-dessus du second; quelque-fois aussi, grâce à l'indécision de sa nature, assimiléaux substances métalliques les plus précieuses. Telleest l'origine de Torichalque, double fiction des poètes;de là vient cette matière équivoque, qui fit illusion

1. V, 1274 sqq.

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aux anciens eux-mêmes, et dont le nom exerça surles imaginations un tel prestige, qu'on ne put se rési-gner à le laisser dans le domaine de la fable, et qu'onl'appliqua tantôt à un alliage de cuivre, tantôt au cui-vre pur, lui communiquant une vitalité qui lui a faittraverser les siècles de la décadence, et Ta transmisjusqu'à notre propre langue.Ces assertions, pour avoir quelque valeur, deman-

dent à reposer sur des faits ; aussi fournirai-je des

preuves et de plus d'une sorte. Et d'abord, s'il mefaut combattre l'opinion des anciens, je puis, d'unautre côté, m'appuyer du témoignage de plusieursd'entre eux, et parmi eux, des meilleurs raisonneurscomme des juges les plus experts. Je puis montrerensuite que Torichalque n'eut jamais dans la naturede matière correspondante ; en troisième lieu, j'allé-guerai l'exemple d'un nom composé d'éléments ana-

logues, imaginé pour le même besoin, et donné à unesubstance tout, aussi chimérique.J'ai dit que je pouvais m'appuyer sur des témoi-

gnages anciens et des plus respectables pour nierl'existence de Torichalque; écoutons, en effet, lescholiaste d'Apollonius de Rhodes : te 'Opeiya^xoç- eiào;!( YjxAy.où,à7rà 'Opetou TIVOÇyevofAs'vou EÛpeToû"cbvo(/.a<î[;.évo;.K 'A.piGTOT£X-/i;&è èv TfiXETaîç cp-/icrlp^£ Û77ap)(_£ivTO ovopva,(<pi Je TOTOUTOUEiàoç.Tàv yàp ôpetya'Xy.ov é'vioi (jTZokajj.ba.wuai.« Xéyecôai uiv, pi elvai àè • TWViïl eîx-7i &iao%e&o[/.évwvxaleeTOÛTO.Oî yàp (leg. &è) 7uolu7rpay[;.oV£CTT£poitpaciv aùràv« û~apy£tv. Mv/i[J.oveuet xal 2-r/iatyopo; y.al Bay-pXi&Yiç

• xaiK 'ApiGToepàv/i;$1 ô ypap.(/.aTiy.oç créer/)|A£iwTat TOOTO."AXXOIOE« àvSpiavTOTCOioùleyouGtv ô'vofji.a, wç Sw/paT/K xal 0£o'xo[xiro;(eèv euocTw TréjATïTw.OUTW; viv èv T^ VL(ÙJJ.MÎ}"ké^n -ni CUJL-

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et [UXTW1.—Orichalque, espèce de cuivre, appelé ainsiet d'un certain Oreius, qui en fut l'inventeur. Aristote,te dans les Mystères, assure que cette espèce de cuivrece n'existe ni de nom ni de fait. Quelques-uns présu-« ment, en effet, qu'on parle bien de Torichalque,ce mais qu'il n'existe point ; et que c'est encore une dete ces choses inventées à plaisir. Cependant les curieuxce qui ont fait des recherches plus approfondies prê-te tendent que ce n'est point une fable. Stésichore etce Bacchylides en font mention ; et Aristophane lece grammairien Ta remarqué. D'autres disent que c'estce le nom d'un statuaire ; de ce nombre est Sociale« ainsi que Théopompe, dans le vingt-cinquième livrece de ses Philippiques. Voilà ce qu'on trouve dans leet Glossaire comique mêlé. »Cette scholie si savante et si curieuse est tirée, à

ce qu'il paraît, textuellement du Glossaire des mots

comiques de Didyme, qui avait composé égalementun Glossaire des mots tragiques. La mention du pre-mier ouvrage se trouve dans le lexique manuscrit cité

par Ruhnken,2 : « cf^d yàp ô Aio\i(/.oç èv TTJKW[M"/MJ"kilu,

ce y., T. 1. » La mention du second nous est fournie

par Harpocration : ce'fiç Ai&u[/.oç èv eoutrai ôy&o'-yiTpayixîis« "Xsc;stoç3. » Je reviendrai bientôt sur l'inventeur ou lestatuaire Oreius ; ne nous occupons pour le moment

que de ce qui est dit de l'orichalque, et afin de tirerde cet extrait toutes les lumières qu'il renferme, com-mentons-le dans le détail.

Quel est d'abord cet ouvrage que Didyme appelle

1. Ad Argonaut., IV, 973.2. Prxfat. Hesychii, p. ix sq.3. V. 2ï)paXottp£tv.

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TsXeTal, les Mystères ? Je ne trouve aucun renseigne-ment sur ce point. Seulement, nous voyons cité dansle Préambule de Diogène de Laerte ' et dans la VieiJristote, publiée par Ménage, un livre du Stagiritesur la Magie, Mayiy.o'v. Nous voyons aussi dans lafie du même philosophe, écrite par Ammonius,qti'Aristote avait composé un ouvrage sur la Théo-

logie, ©EoXoyoufAeva. Or, comme le disait Chrysippe,cité par le grand Étymologique 2, ce C'est avec raison« qu'on appelle TeXeTal les discours touchant les choses« divines. — XpuGiTUTro;Se <pv;o"tTOIIÇirepl TWVÔeiwv Xo'you;« eixcrrwç y.aXeîcÔai xzketàç. » On sait enfin qu'il existadans l'antiquité plusieurs ouvrages intitulés Tuerai,parce qu'ils s'occupaient des mystères. Suidas en citeun attribué à Orphée et à Onomacrite : ec "Eypa^e((TeXeTai; • ôfjtoiw; <ié epacri xal TauTaç 'OvojAay.pixou3. » Legrand Etymologique allègue celui de Néanthes 4, etcelui de Stésirnbrotes.Quoi qu'il en soit de la nature de ce livre, le grand

philosophe y niait d'une manière absolue et radicalel'existence de Torichalque. Selon lui, jamais il n'y eutde substance pareille, et jamais l'usage ne désigna parce nom aucun corps réel. Didyme ajoute que quel-ques-uns, en effet, soupçonnaient qu'on parlait de

l'orichalque sans qu'il en eût jamais existé. 11 est vraique le grammairien oppose, d'un autre côté, Topi-uion de quelques curieux, qui défendaient la réalité

L§let8.2. V. TEXET^.3. V. 'OpaiEÛç.4. V. BpnofjiapTK;.3- V. 'Koùoi.

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de ce métal, mais sans alléguer la moindre preuve quiinfirmât l'assertion positive d'Aristote. A ces partisansde l'incrédulité du philosophe se vient joindre Pollux:ce Quant au métal de Torichalque, dit-il, son existencece n'est pas même encore à présent bien avérée. —« To oà TOCÎopEiyaXy.ou jj.itak'km oùoérai) y.al vùv etç 7ucmv« v]'y.Ei jîeëaïav'. » Hésychius s'est borné à mettre en

regard les deux opinions qui sont exprimées dans la

glose de Didyme : ceTwv eîy.vï ettaciecto^.evwv eivai Touvo^a-ce oî Si TrXeiou;, ù~apy^etv aÙTcov (leg. aCrrov)2. — Ils disentce que c'est le nom d'une de ces choses inventées à« plaisir ; mais la plupart prétendent que ce métal« existe. »Pour le génie perçant et éclairé d'Aristote, Tori-

chalque se montra du premier coup d'oeil ce qu'ilétait, une création des poètes, et tous les esprits un

peu critiques, jugèrent comme lui. Mais les Grecs ai-maient la fable ; ils y inclinaient par goût plutôt quepar superstition. Le plus grand nombre paraît doncavoir éprouvé ici de la répugnance à supposer que les

poètes eussent mis en oeuvre une matière purementidéale; et pour concilier leur foi avec l'absence de

tpute preuve physique, ils admirent que Torichalqueavait bien existé, mais qu'il ne s'en trouvait plus.Nous avons déjà entendu Platon nous dire, en décri-vant l'Atlantide : ce Et le métal qu'aujourd'hui nous« nommons seulement, était alors quelque chose de

1. VII, 100.2. V. 'OpEi^àXxtov. Dans Hésychius, il faut lire bien certaine-

ment opsî/aXxov; la note du scholiaste d'Apollonius de Rhodes, oule lexicographe a puisé sa glose, le prouve jusqu'à l'évidence. Ce

génitif opEt/aXxwva été attiré par les génitifs qui suivent.

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« plus qu'un nom ; Torichalque, le plus précieux des« minéraux après Tor, aux yeux des hommes de ce« temps, s'extrayait de la terre en plusieurs endroitste de l'île. » Que Platon ne se fît aucune illusion sur laréalité de Torichalque, c'est ce que je crois très-fer-mement ; mais la présence de ce métal dans son Atlan-tide le servait merveilleusement. Elle venait au secoursde sa fable, et semblait dire à la plupart des Grecs :

Qu'y a-t-il d'étonnant que l'île enchantée se soit éva-nouie , lorsqu'une substance précieuse, que célé-braient naguère les poètes, a disparu de la nature? Etde là le rôle brillant que joue Torichalque dans la fic-tion allégorique du philosophe.Nous trouvons encore d'autres traces et assez fré-

quentes de la même opinion. Pline regarde Tori-

chalque comme un cuivre naturel, qui fit tomber lesmétaux de cette espèce dans un grand discrédit,eeParce qu'il eut une qualité supérieure, et qu'il ob-eetint une vogue de durée. » Mais il ajoute : « Qu'on« n'en trouve plus depuis longtemps, la terre étant« épuisée. — Mox vililas proecipua, reperto in aliis ter-« ris praestantioie, maxime aurichalco, quod proeci-« puam bonitatem admirationemque diu oblinuit. Nec« reperitur longo jam tempore, effeta tellure'.» Quel-ques lignes plus bas, il dit encore que le cuivre Ma-rianien imitait l'excellence de Torichalque : ce Aud-it cbalci bonitatem imitalur. » Bulfon a cru pouvoirinférer de ces paroles que Taurichalque de Plinedevait être une espèce de tombac, cuivre chinois,mêlé d'une assez grande quantité d'or : « L'auri-

1. Nat. Hist., XXXIV, 2.15

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« chalcum de Pline, dit-il, paraît être une espèce deec tombac, qu'il désigne comme un cuivre naturel,ce d'une qualité particulière, et plus excellente que lece cuivre commun, mais dont les veines étaient depuis« longtemps épuisées 1. » Il n'y avait qu'une consé-

quence possible à tirer des paroles de Pline, c'est qu'ilreproduisait le préjugé des Grecs, tout en ayant l'airde parler pour son compte, ce qui a fait illusion àBuffon ; c'est que chercheur de curiosités plutôtqu'historien de la nature, il laissait la science de côtépour prendre le parti de la fable ; c'est qu'ajoutant sapropre fiction à celle des poètes, il signalait dans unematière inconnue des propriétés imaginaires.Le grammairien Jean Pédiasimus, s'autorisant du

témoignage de Jean Philoponus, grammairien Alexan-drin qui vivait au vi° siècle, nous dit dans son com-mentaire sur le Bouclier d'Hercule : te 'OpeiyaXy.o; TOet Xeuy.àv yakYMjj.y.' èv opec. yàp eûpicy-eTai.. 'AXXoi hé cpacnv,« wv Kal efiXoTTOVo;,opeiyaXy.ov etvai uXviv Tivà jj.sxaûCkuits n-« [juwTepav yaXxoO, -/) vuv o-jy eûoïcjy.eTat.2. — Orichalque,ce cuivre blanc (de ô'po;, montagne, et yjzkx.be, cuivre)',te car il se trouve dans les montagnes. D'autres, auec nombre desquels est Philoponus, disent que Tori-cc chalque est une certaine matière métallique, plusce précieuse que le cuivre, laquelle ne se trouve plusce à présent. »

Tzetzès, dans ses scholies sur le même poème, dit

également : « 'Op£iyaXy.o; • slrïo; CXTI; OUTWxaXouuiv/iç, 'Aec TIÇ vûv oùy eûpwy.eTat 8. — Orichalque, espèce de ma-

1. Histoire nat., article du Cuivre.2. Ad V. 122.3. Ad V. 122.

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ec tière ainsi appelée, qui ne se trouve pas à prê-te sent. »Le grand Étymologique et Zonaras offrent la même

glose; le dernier avec la variante dey.aXouu.evov, au lieude y.aXo'jjAEVTiç1.De ce que nous venons d'entendre il suit déjà que

parmi les anciens les uns niaient absolument l'exis-tence de Torichalque, que les autres l'admettaient parégard pour les fables de la poésie plutôt que par con-viction, et que tous ignoraient ce que fut le prétendumétal. C'est le moment de montrer qu'en effet, Tori-

chalque, à le juger par les notions que les anciens eux-mêmes nous ont laissées, ne peut être qu'une création

fantastique.Je ferai d'abord remarquer l'adresse des premiers

inventeurs qui, pour soustraire leur objet à la curio-sité de l'esprit, et le mettre à jamais sous l'empire de

l'imagination, le désignèrent par le nom à la fois le

plus générique et le moins significatif, l'appelantcuivre de montagne. Toutes les mines métalliques, en

effet, se trouvent généralement au sein des mon-

tagnes, et cela est rigoureusement vrai de celles decuivre ; en sorte que tout métal de cette espèce seraitde Torichalque au même titre. Peut-être cependantest-il arrivé ici ce qu'on a vu ailleurs, le nom géné-rique s'est-il fait nom propre pour désigner une

espèce par excellence. Mais, dans ce cas du moins,a-t-on fait connaître la mine d'où s'extrayait ce cuivre

supérieur ? A-t-on indiqué le lieu où il fut mis enoeuvre? Nul renseignement à cet égard. Voyons alors

1. V. 'Opêt'XotXxoç.

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les caractères distinctifs qu'on a prêtés à Tori-

chalque.L'auteur de l'hymne homérique à Vénus nous a dit,

en parlant de l'ornement que les Heures attachent auxoreilles de la déesse : ce Parure d'orichalque et d'or« précieux. » Que faut-il croire de cette substance,qui a le pas sur Tor, et qui sert à former un bijou deVénus ? Platon nous l'apprendra peut-être : « L'ori-« chalque, dit-il, le plus précieux des minéraux aprèsce Tor. » Ici Torichalque est entre Tor et l'argent ;mais quel est, demandons-nous encore, ce métal in-termédiaire? Apollonius de Rhodes ne sera guère plusclair : il est vrai que la houlette d'orichalque de Lam-

pélie est nommée après la houlette d'argent de Phaé-thuse, et que les boeufs qui précèdent les jeunes filles,ont des cornes d'or, en sorte que la gradation seraitTor, l'argent et Torichalque, et qu'ici Torichalquetoucherait au cuivre par son rang. Mais qui ne voit

que les deux soeurs ont dû être traitées avec lesmêmes égards, et que le poète, loin d'établir entreelles aucune différence, s'est réfugié, au contraire,dans le vague de Torichalque pour prévenir toute

comparaison? L'exemple de Callimaque semble vou-loir s'expliquer plus nettement : il nous dit que Pallas

ayant dédaigné de se mirer dans Yorichalque, Vénusne négligea point ce soin, et prit le cuivre resplen-dissant. Comme il ne peut être question que d'un seulmiroir, ou "tout au moins de deux d'une même ma-

tière, il s'ensuit que Torichalque a dans cette circon-stance le simple cuivre pour équivalent ; et ce 'quipersuade que le poète ne les distinguait pas, c'est

que les anciens firent souvent leurs miroirs de ce der-

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nier métal, témoin ce beau vers d'Eschyle, conservépar Stobée :

KaxOTtTpoveïSouç,yjùxôc, IGT', otvo; jBsvoù'.

et Le cuivre est le miroir du corps, et le vin celui de« l'esprit. » Et cet autre de Nonnus, quand il louela Nymphe Béroé dont la beauté n'empruntait rienà l'art :

Où xpooç txvTiTuiroioSiauYE'ptapTupt yaXxwMi(AYiX9)çiyikaaijw I; airvoov EISO;OTTCOTT^Ç2.

ceJamais devant le cuivre resplendissant, ce témointe qui réfléchissait la forme de son corps, Béroé ne« sourit à l'image inanimée de sa figure reproduite. »Mais cette synonymie, au lieu de résoudre la

difficulté , la complique. Elle met d'abord Calli-

maque en contradiction avec tous les écrivains quenous venons d'entendre ; elle confond ensuite deuxsubstances regardées comme essentiellement distinc-tes ; enfin elle nie l'existence de la chose sans expli-quer la présence du nom. Tenons compte toutefoisde cette assimilation, que nous aurons bientôt à rap-peler.Ce sont là toutes les notions que nous fournissent

les plus anciens écrivains qui ont parlé de Torichalque;il serait inutile de demander après cela le sentimentdes grammairiens, qui n'ont fait que reproduire ces

passages en guise d'explication. Ainsi Hésychius qui a

signalé les divers sens que reçut le mot orichalque, acommencé par nous dire que c'était un cuivre ressem-

1. Serin. Eth., XVIII.2. Dionysiac, XLII, 79.

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blant à Tor, se rappelant sans aucun doute les vers deYHymne à Vénus et le Critias. Il nous a exposé ensuite

d'après Didyme, l'opinion de ceux qui niaient et deceux qui soutenaient l'existence de ce métal. Quant àPhotius et à Suidas, ils ont pris le second synonymede Callimaque pour définition du premier, sans s'in-

quiéter du cercle vicieux."De ce conflit d'attributions, de ces caractères divers

et opposés n'est-on pas en droit de conclure qu'onn'a voulu ni pu désigner dans Torichalque une pro-duction de la nature, mais un être idéal, une créationdelà fantaisie poétique? La poésie, qui aime le vague,se plaît à créer de ces substances que l'imaginationpuisse embellir à son gré de mille propriétés. On enconnaît plusieurs exemples ; je me contenterai d'euciter un, qui devrait être ici un argument décisif. Est-ce de Télectre que je veux parler ? Quoiqu'il ne soit

guère moins fabuleux que le métal qui nous occupe,l'exemple ne me paraîtrait point assez concluant. H

s'agit d'un composé où entre aussi le cuivre, et quiforme un amalgame également fictif, destiné aussi àréveiller l'idée d'une matière très - précieuse, et àouvrir l'inconnu à l'imagination ; il s'agit du chalco-libanon de YApocalypse. L'Apôtre inspiré décrivant

l'image divine qui lui est apparue, dit : ce Et ses yeux« étaient comme la flamme du feu, et ses pieds sem-ée blables au chalcolibanon, comme embrasés dans laec fournaise. — Kal oî ôcpÔaXj/.olKÙTOUwç epXoc;uupà;, y.al oiet Tïooeç; aÙTOii ô'[/.oioi yaXy.oXiëavw, wç èv y.a(j.îvw ireTtupwp-te voi 1. » Qu'est-ce que ce-chalcolibanon ? Un métal

1. I. 1S; cf. II, 18.

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dont le cuivre fait la base apparemment. On Ta dérivéde yaXxoç et de Xtêavoç, mais pour y voir, les uns unecomposition de cuivre et d'encens (Xtëavoç), les autres,un cuivre tiré du Liban (Atêavoç). C'est à ces vaines éty-mologies que se réduisent les six conjectures quepropose Bochart, trois de son cru, dit-il, et trois pro-venant d'ailleurs : ceHis tribus conjecturis, quee nostrse« sunt, aliorum addo totidem 1. » Saumaise a pris lemot dans un sens tout différent, se fondant sur desraisons qui méritent examen. Selon lui, la compositiongrecque de yaXxoXiêavo; ne peut signifier qu'un encenscouleur de cuivre, c'est-à-dire jaune; et il allègue en-suite, ce qui serait bien autrement imposant, le témoi-

gnage des Grecs eux-mêmes, qui, à ce qu'il prétend,appelèrent l'encens blanc àpyupoXsëavoç, encens d'ar-

gent, ou couleur d'argent; et l'encens jaune, yaXxoXi-êavo;, encens de cuivre, ou couleur de cuivre, ce Les« Grecs, dit-il, dont j'ai cité plus haut le passage,te parlant des différentes espèces d'encens, nous di-te sent : « Il y a une espèce mâle et une espèce femelle;« l'espèce mâle est appelée yaXy.oXîëavoç, qui a la cou-« leur des rayons du soleil et qui est rousse, c'est-à-« dire jaune ; l'espèce femelle est appelée XeuxoXiSavoç,et encens blanc et àpyupoXiëavoç. — Non parum etiam« errant, qui yaXxoXiëavov cum veteri interprète de» orichalco accipiunt in Jpocalypsi. Vocis compositioetGrsecanica non admiltit banc significationem, quse« nihil aliud potest denotare quam tJius seris colore....« Ut candidum thus dixere Graeci àpyupoXiëavov, ita fla-« vum yaXy.oXiêavov. Grseci,,quorum locum jam supra

1. Hieroz., p. 883 scjq.

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ce adduximus, de thuris differentiis : "ECTI yàp TOuivce â'ppev, TO Se SviX'j• y.al 6 [/.èv à'ppviv ôvo(/.à'(eTat, yjùxoki-ce êavo;, 7)XIO£IO'Y)C;y.al iruppo; viyouv ç,av6oV TO oè ôvjXuxaXeî-cc Tai X£uxoXtëavoç y.al àpyjpoXioavo; 1. »Voilà des faits et des termes tout nouveaux dans

l'histoire naturelle des Grecs ; il est curieux de savoiroù ils ont été puisés. Si Ton se transporte à l'endroit

indiqué du livre de Saumaise, on y lit : te Dans unce fragment de vieux grammairien que j'ai cité ailleurs,ec je trouve que de cet arbre à encens proviennentec trois sortes de résines, le yaXy.oX£êavoç ou ypucoXiêavo;,et Yencens couleur de cuivre ou couleur d'or, Tàpyypo-ecXiSavoç, Yencens couleur d'argent, qui s'appelaitec aussi Xcuy.oXiSavoç, Yencens blanc, et le Xiêavoç, Ten-te cens proprement dit. Le grammairien interprètete yaXy.oXîêavoç par semblable en couleur aux rayons« du soleil et roux ou jaune. —• In fragmento veterisec grammalici quod alibi citavi, reperio hujus SevSpo-« Xtëavou très esse gummi species, y aXy.oXiêavov, sive« ypucoXioavov et àpyupoXiSavov, qui et Xeuy.oXiëavoç et Xi-tc êavo; proprie dictus. XaX/.oXi'Savov interpretatur vîXio-« eièrri y.al iruppàv -/iyouv ÇavOov2- » Mais quel est ce vieux

grammairien, qui, par parenthèse, parle grec d'une

façon si étrange ? et où a-t-on découvert ce frag-ment? Saumaise aurait bien dû nous donner quelqueséclaircissement» à cet égard, s'il ne voulait se rendre

suspect. Quoi qu'il en soit, le mot yaXy-oXiêavov ne

figure que dans YApocalypse, et les détails du frag-ment n'ont été imaginés que pour expliquer le texte

1. De Homonym. Hyl. Iatr., p. 229.2. De Homonym. Hyl. Iatr., p. 152.

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sacré. Quant au sens prêté par Saumaise et son gram-mairien à yaXx,oX(êavov, il est absolument inadmissibledans le passage de saint Jean. Que signifieraient, eneffet, des pieds d'encens dans une fournaise ardente?ne sont-ce pas deux idées inconciliables ? Et le verbe

TOiwpwjAsvoine serait-il pas d'une impropriété cho-

quante, en parlant d'une résine que la moindre actiondu feu suffit pour liquéfier ? Évidemment l'intentionde l'Apôtre a été de nous montrer un métal incan-descent, et l'obscurité mystérieuse dont il s'enveloppene tend qu'à nous dérober l'espèce et la compositionde cette matière. De là donc, après Saumaise, comme

après Bochart et tous les autres 1, l'insoluble questionque s'adressaient déjà les anciens : quel est ce métal?Suidas le définit : te Une espèce d'éleclre, plus pré-« cieuse que Tor.—XaXy.oXiêavov eiào; vïXey.Tpou, TIJUW-« Tepov ypucoù ; » et il définit immédiatement aprèsl'électre : « De Tor sous une autre forme, mêlé de verre« et de pierre précieuse : c'est de cette composition« qu'est faite aussi la .sainte table de la grande église« (Sainte-Sophie). — AXXO'TUTTOVypucnov, (Aepuyj/ivov ûeXwteMcl XiÔeia- ôiroiaç ècm cruvôe'cewç;xal -/i âyïa TpatceÇa T-?iç« p-eyàXvKèy.y.XviCHac;2. » Définitions illusoires expliquantl'inconnu par l'inconnu.ha Vulgate a rendu le mot par aurichalcum; je vois

aussi que Théodore de Bèze, qui a laissé dans sa ver-sion littérale de YApocalypse, le mot grec chalcolibano,

t. Je ne m'arrête point à l'opinion de dom Calmet, qui, danssoncommentaire sur la Bible, incline fort à croire que saint Jeana voulu désigner par ^aXxoXiêtxvovun cuivre tirant sur le blanc(' VIII, p. 927).2. V. XaXxoXîêavov.

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le rend par aurichalco, dans la version explicative.XaXxoXiëavov et aurichalcum sont en effet deux motsqui se valent, et qui désignent deux substances chimé-riques au même titre.Le mot orichalque ne fut donc jamais un nom créé

par l'usage ni imposé à aucune substance naturelle,comme l'avait très-justement prononcé Aristote; maisce fut une pure fiction des poètes.Avant de passer outre, il nous reste encore à traiter

une question d'étymologie, qui forme en même tempsun point important de l'histoire de l'art. Le grammai-rien Jean Pédiasimus dérivant orichalque de ô'poçet deyaXao;, nous a dit que ce métal fut ainsi appelé, parcequ'il se trouvait dans les montagnes èv opect yàp eûp(-cy-eTai,. Festus n'est pas d'un autre avis, et il s'exprimedans les mêmes termes que le grammairien grec:te Orichalcum sane dicitur, quod in montuosis locis in-« venitur ; nions enim Grsece ô'po; appellatur 1. » Cepen-dant une autorité grave en soi,-mais plus imposante*encore ici par les témoignages qu'elle invoque, Didymede son côté nous a dit, au commencement de sa note :ce Orichalque, espèce de cuivre, ainsi appelé d'unec certain Oreius, qui en fut l'inventeur.— 'OpeîyaXxoç-te etào; yaXy.ou, à-o 'Opetou TIVO; yevofAevou eûpeTou «VOJAC-ee o-pivo;. » Et à la fin : « D'autres disent que c'est le« nom d'un statuaire ; de ce nombre est Socrate ainsiee que Théopompe, dans le vingt-cinquième livre de« ses Philippiques. — "MÏM Si àvt)piavT07TOio<j Xe'youcw« ovo;/.a, wç 2wx.paT7îç xal ©eo'iîopraç, èv eïy.oejTw Tre'prTej) •»

i. De Verb. sign., V. Aurichalcum.2. Il y a ici équivoque : le grec semble dire que le statuaire

s'appela Orichalque ; mais un pareil composé ne peut avoir forme

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Ce qui signifie, qu'Oreius, selon les uns, était l'inven-teur de Torichalque, selon les autres, le statuaire, quil'avait probablement mis en oeuvre le premier, et,dans l'un ou l'autre cas, le personnage qui donna sonnom à ce métal, appelé de là 6peiyaXy.o;, ou cuivred'Oreius, 'Opewu yaXy.o';,A laquelle de ces deux étymologies, de cuivre de

montagne ou cuivre d'Oreius, doit-on donner la pré-férence ? La première me paraît incontestablement la

plus raisonnable et la plus plausible ; je ne craindraimême pas de dire que cet Oreius n'est à mes yeuxqu'un être purement fictif. Mais la question de logiqueet de grammaire décidée, reste la question de l'his-toire de l'art, qui mérite une attention sérieuse.Les archéologues modernes ont tous passé sous si-

lence le statuaire Oreius. Si cette omission est volon-taire, il la leur faut reprocher comme un tort. Il n'est

point loisible d'omettre un fait attesté par des autoritésgraves; on peut lui refuser sa créance, mais on esttenu de lui accorder une mention. Or, l'existenced'Oreius repose sur le témoignage de Socrate et de

Théopompe. Quel est ce Socrate ? Il y eut plusieurspersonnages de ce nom, indépendamment du grandphilosophe ; je crois qu'ici c'est l'historien que DiogènedeLaerte mentionne immédiatement après le maître de

Platon, et à qui il attribue une Périégèse d'Argos : te Fé-« vove Si 2wy.pà-rïi; y.al eTepo;, ïo-Topiy.oç,neprfl'yecjtv 'Âpyouç« yeypacpw;1. » La place qui est assignée par Diogène

un nom propre. Assurément le grammairien songeait à rapprocher•esdeux phrases où il donne l'étymologie d'orichalque, et il y at-tachait le sens que nous avons développé.1. H,47.

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— 236 —

à cet historien, et celle que Didyme lui donne avant

Théopompe, semblent annoncer qu'il suivit de prèsle fils de Sophronisque, et qu'il a dû par conséquentfleurir entre 399 et 360 avant le Christ. Quant à

Théopompe, nous verrons plus bas qu'il s'était, danssa grande histoire, spécialement occupé de Torichalque.De gré ou de force, Oreius doit donc obtenir une

place parmi les artistes de l'antiquité. Mais faut-il direma pensée tout entière? Selon moi, ces sortes d'exis-tences dont la réalité peut à bon droit paraître suspecte,méritent d'être enregistrées dans l'histoire de l'art toutaussi soigneusement que celles qui sont bien avérées.

Quelle en est la raison ? C'est que si le nom d'un artistemême, obscur, mais authentique, enrichit d'un fait

précieux l'histoire du passé, en ajoutant un acteur de

plus à la scène de la vie, et en devenant une sourcede renseignements et de lumières, les fictions dont jeparle constatent une loi de l'esprit humain, une dis-

position particulière de l'antiquité, et peuvent enmainte rencontre avertir et guider la critique. Le casactuel nous fournit une application des plus frappan-tes, et met dans tout son jour une tendance naturelleau génie grec. Quand l'abstraction, l'obscurité, unecause inconnue quelconque les gênait, les Grecs semettaient à Taise, en inventant un personnage, ou

plutôt en personnifiant une étymologie. Ainsi en agi-rent-ils à l'égard de Torichalque, et de là naquit sansdoute le fictif Oreius. De pareilles créations ne sont

pas rares dans l'histoire de l'art; elles sont même beau-

coup plus communes qu'on ne semble l'avoir cru, et

forment une légende aussi attachante et non moinsinstructive que l'histoire réelle.

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— 237 —

NOTE

SUR LA TREMPE QUE LES ANCIENS DONNERENTAU CUIVRE.

Buffon, avec son grand sens, et en voyant les seuls usagesque les anciens firent du cuivre, avait très-logiquement con-clu qu'ils possédèrent le secret de donner à ce métal unedureté particulière. « Les Egyptiens, les Grecs et les Ro-« mains, dit-il, savaient donner au cuivre un grand degré« de dureté, soit par la trempe, soit par le mélange de« 1'étain ou de quelque autre minéral, et ils rendaient leurs« instruments et leurs armes de cuivre propres à tous les« usages auxquels nous employons ceux de fer i. »Mongez, dans ses Mémoires sur le bronze des anciens, a

essayé de réfuter l'opinion relative à la trempe, et bien qu'ill'ait fait avec une faiblesse qui nous dispenserait de le réfuterà notre tour, nous allons examiner rapidement ses raisons,et les détruire en quelques mots.Le savant académicien élève deux difficultés contre la

trempe du cuivre attribuée aux anciens ; la première, c'estque par la trempe, ils auraient amolli le métal, au lieu de ledurcir; la seconde, c'est qu'aucun de leurs écrivains n'amentionné une semblable opération : « Si les anciens, en" effet, dit-il, avaient trempé le cuivre, comment serait-il« arrivé que leurs écrivains eussent gardé le silence sur un« procédé aussi utile pour les arts 2 ? »A la première de ces difficultés, je n'objecterai pas que le

comte de Caylus fit faire par le chimiste Geoffroy des essais

L Bist. nat., article du Cuivre.—Mémoiresde la Classe de Littérature et Beaux-arts de l''Institut, t. V,P. 208.

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— 238 —

qui, au dire de celui-ci, réussirent assez bien : « J'ai cherché,« dit Geoffroy, à imiter pour la dureté et pour le tranchant« une épée romaine, et je crois n'y avoir pas trop mal« réussi dans celle que j'ai remise à M. le comte de Caylus1.».Te me contenterai de répondre qu'en opposant une

expérience moderne à une expérience antique, sans tenircompte des circonstances qui purent accompagner cettedernière (et l'on sait de quelle importance sont en pareilcas les circonstances accessoires), Mongez, a comparé leconnu à l'inconnu, ou l'approché deux termes, dont l'unest illusoire.Quant à la seconde objection, ce sont les anciens eux-

mêmes qui se chargeront d'y faire une réponse péremptoire;ils attestent que la haute antiquité sut donner au cuivre, àl'aide de la trempe, une dureté qui le rendait propre auxmêmes usages que le fer.Proclus, dans un passage déjà cité, à propos des Vers

d'Hésiode, dit : « Le poète nous montre que les hommes,« dans cette génération, exerçaient la force|du corps, et« négligeant le reste, s'occupaient de la fabrication des« armes , et pour cet usage, se servaient du cuivre, comme« du fer pour l'agriculture, donnant par une trempe parti-« culière de la dureté à ce premier métal, qui est mou de« sa nature ; mais que cette trempe s'étant perdue, ils en« vinrent aussi à l'emploi du fer dans les combats.—^ATJXOToti« TWVOEWIxaTUVTTjVpV)U.7)VJjcXOUV01 Iv T0UT10Ttô -fÉVEL,TWVS'aXXtlN« àjieXoïïvTêç,TrsptT}|VTWVOTCAOJVxarauxeuriv Siéxpiêov, xai TÎp/_olXx«« TtpoçtotJTo ê^pwyto, ojç TS aiS^pu Tipbçyscopytav, Siattvoç patf^çwv« -^aXxôv(jTepjioTroto'ijvTE;,ovta»ûaEt piaXaxoV IxXtTrouciyjços tvj; P«ÇT,Ç,« èVt TÏ)VTOÏÏotSvipouxal iv TOÏÇ7ioX£(ioiç̂ pïjatv IXÔEÏV2. »

1. Recueil d'Antiquités de Caylns, t. I, p, 239.2. Il y a dans ce passage de Proclus une difficulté fort embarrassante,

que personne, je crois, n'a signalée jusqu'ici.Proclus fait dire à Hésiode que les hommes de cette génération usaient

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Tzetzès, de son côté, interprétant les mêmes vers, nousdira : « Anciennement les hommes se servaient et d'armures« et d'épées et d'instruments aratoires de cuivre, durcissant« le métal de ces objets au moyen d'une trempe particu-« lière. Mais la trempe, qui donnait cette dureté au cuivre,« s'étant perdue, nous nous servons du fer.— XaX/.oTç tô ™-« Xaiôvxat o-Xotç, xal iji'cpeai,y.at YSMpyiY.oïçIpyocXEi'oiçlypiovTO, Sacpvj« tivi taÏÏTa crToij.ouvTEç.iV.TtoX.Xuu.s'vï];SE trfi <7TOU.OUG-/JÇpasîi; tàv vaX-« xôv,^pojfAsOaTW Giovipo). »Un autre commentateur d'Hésiode, Moschopule, s'exprime

dans des termes semblables : « C'est à l'aide du cuivre que« les anciens exerçaient les travaux de l'agriculture, durcis-« sant ce métal au moyen d'une trempe particulière. — Acà«TOÏÏytzXxoïï -ri yEiopYtxà spya £tpY«Çovxo, Sia TIVOÇpacp^ç <TTEQ5O-« roioûvTSçaùxov. »

Remarquons, avant d aller plus loin, la façon de parlerdont se servent tous ces interprètes : oia TIVOÇ(tacsîjç, au moyendune certaine trempe; n'indiquent-ils point par là que l'o-pération avait dans ce cas quelque chose de particulier? quec'était une trempe non ordinaire? Et voilà précisément unede ces circonstances accessoires que nous supposions tout àl'heure, et dont Mongez n'a tenu aucun compte.Des commentateurs d'Hésiode passons à celui d'Homère.

On sait que le poète a parlé de la trempe du fer commed'une pratique déjà vulgaire de son temps. C'est dans cette

ducuivre pour les armes comme du fer pour l'agriculture, et il confirmecesensen ajoutant:.! Mais cette trempe s'étant perdue, ils en vinrent• aussià se servir du fer dans les combats (comme ils s'en servaient déjà*dans la culture des champs). » Or, le poète dit positivement qu'onn'employait alors que du cuivre pour les armes et pour l'agriculture.D'où peut donc venir l'erreur du commentateur ? Il faut qu'il ait parlépour sou compte, et non plus pour celui du poète.Barthélémy, qui a eu occasion de citer et de traduire le passage deProclus, dans le Mémoire que nous avons cité plus haut, a supprimé lemembre de phrase embarrassant, et accommodé le sens général à cettesuppression, ce qui prouve qu'il avait senti la difficulté.

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comparaison si connue, où il décrit tout ensemble et metl'action sous nos yeux :

'Qç 8' &VOVTJP̂aXxsuçjtè'X.Exuvpiyocv,fà <Jx^7tapvov,Etv ûSati 'l'H/pûipinTEi fj.EyâXaîdfyoVTa,$ap[iâaawv("b yàp auiE ciorjpouTExpâxoç iaT(v)1.,1

« De même que, lorsqu'un-homme adonné au travail des« métaux, plonge dans l'eau froide une grande hache ou« une cognée, qui siffle avec violence, lui communiquant« une vertu particulière (car c'est encore une nouvelle force« pour le fer lui-même). »Toutefois, ce n'est point à propos de cette trempe qu'Eu-

stathe nous parle de celle du cuivre, mais interprétant ce versde ïlliac/e : Ihpi yap fa £ -/aXxbç EXE<J/S,il nous dit : « Le poète« donne au fer le nom de cuivre, à cause de l'emploi que« l'on fit anciennement de ce dernier métal, lorsqu'on le« trempait pour l'appliquer aux mêmes usages que le fer,« et que les hommes, comme le dit Hésiode, travaillaient la« terre avec le cuivre, et que le fer noir n'existait pas.—X«X-« xov Sa TOVoriôïjpovXEyEi, Scà TYJVTtâXai TOÎTSj^pyj<TtvTOÏÏyjxXxoî,K 57tï)vi'xaEÎÇctSvipou^psiav IÊCXTITETO,OTExal ^a'Xxôi, xaxà'TÔv 'Hffio-« Sov, EÎpyâïovio avQpcoirot, uiXa; S'oùx ECXEai07]poç2. »Et plus loin : « Il fut un temps où le cuivre était durci par

« la trempe, pour servir à la fabrication.des armes.'—'Hv« yap OTEyaXxoç f!oorTou.£vo<;È(JTOU.OUTOTtpoçOTcXa3. >>On peut citer encore un passage de Pausanias, qui, sans

nous apprendre l'effet qu'on se proposait d'obtenir par la

trempe du cuivre, n'en constate pas moins l'emploi du pro-cédé, et condamne une fois de plus l'assertion si imprudem-ment absolue de Mongez. Parlant de la fontaine Pirène aCorinthe : « On raconte, dit le Périégète, que l'airain de« Corinthe est plongé dans cette eau, tandis qu'il est encore

1. Oc/fss., 1', 391 sqq.2. Ad//., A', 236, p. 93.3. Ad II., Y', 336, p. 421.

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« enflammé et brûlant. — Kal TÔVKopi'vOtovvaXxbv oiboiupovxal« OEpu-ovovTa UTTOUOXTO;TOUTOUpâiiTEcOat XÉyouciv*. »Pollux confirme le passage de Pausanias par un exemple

remarquable. Notant l'emploi de pâdytç, au lieu de POKJÏJ:« Antiphon, observe-t-il, a dit la trempe (,3â'}iç) du cuivre« et du fer. — ÂvTKpwves Eip-^xs Bô\|(iv^«Xxcù xal aiovipou 2. »J'aurais pu m'autoriser de ce vers si connu, où Virgile

représente les Cyclopes plongeant dans F eau le cuivre sif-flant, qu'ils viennent de retirer de la forge :

Alù stridentia tinguntjEra lacu 3.

Mais le vague poétique du morceau ne m'a point paru enfaire un exemple assez rigoureusement concluant.Cependant le savant académicien, qui avait interrogé si

superficiellement l'antiquité dans son premier Mémoire,apprit plus tard qu'il existait de graves témoignages desanciens en faveur du fait qu'il avait nié; et dans un troi-sième Mémoire, publié fort longtemps après, il s'efforça deconcilier ces témoignages avec son assertion; mais à quelprix ! écoutons-le : « Il est vraisemblable, dit-il, que les« ouvriers qui travaillaient le bronze ne cachaient point leurs« procédés, entre autres l'immersion dans l'eau froide,"mais« (\VLUSen cachaient le motif. Probablement ils terminaient« l'opération en chauffant de nouveau les pièces de bronze« amollies par l'immersion dont le travail était achevé; et« en les laissant refroidir dans l'air, ils leur donnaient un« certain de<ré de dureté. Proclus et Eustathe ont attribué« cette dureté à l'immersion dont ils ignoraient le but. C'est" par ce second procédé, le refroidissement dans l'air, que

1- 11,3,3.2. VII, 169.3. Mn., VIII, 430; cf. Georg., IV, 172.

!6

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« les anciens sont parvenus à rendre tranchants des épées et« des couteaux de bronze 1. »Tout à l'heure Mongez ôtait arbitrairement à l'antiquité

une industrie que lui attribuent des témoignages respecta-bles, et voici qu'il lui prête gratuitement l'emploi d'un pro-cédé dont personne ne parle. Est-ce ainsi que raisonne lascience ? est-ce là de la critique?Je ne relève pas d'autres suppositions tout aussi invrai-

semblables. Pourquoi, par exemple, les ouvriers auraient-ilscaché le motif qui leur faisait plonger le bronze dans l'eaufroide? jusqu'à quelle époque a-t-on tenu dans le secretune opération si vulgaire? Comment ensuite Mongez a-t-il

pu croire un seul instant que Proclus et Eustathe expri-maient ici des opinions personnelles, et n'étaient pas sim-

plement les échos d'une explication donnée longtemps avanteux, et relative à un procédé dont on n'avait que faire deleur temps ?

1. Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. VIII,année 1827, p. 368.

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CHAPITRE IT.

Deuxièmeépoque, ou ége réel de l'orichalque. — Il désigne : 1° le cuivrepur; 2° l'alliage du cuivre et du zinc. — Discussion du passage deStrabon qui établit ce fait. — 3° L'alliage du cuivre et de l'étain. —Règle à suivre pour démêler ces trois acceptions dans les auteurs ;application de la règle à plusieurs exemples grecs et latins. — Détailssur l'origine et sur l'histoire des noms du cuivre, du laiton et duLronze.

Ici finit ce qu'on peut appeler l'époque primitivede l'orichalque, son âge exclusivement poétique etfabuleux. A partir de ce moment, nous Talions voirdésigner non plus seulement uu corps imaginaire, maisune réalité, tout en restant le signe fictif de la création(les poètes : il signifiera tantôt le cuivre ordinaire,tantôt un alliage de cuivre et de zinc, et quelquefoisun alliage de cuivre et d'étain. C'est sous les Alexan-drins que paraît s'être opéré ce changement dans sadestinée; mais déjà le discrédit avait commencé sousles disciples d'Aristote, et ici, comme en tout lé reste,le maître lui-même donna l'exemple. Vers ce temps,.l'esprit d'examen et de doute, l'observation attentivedes faits étaient entrés dans la science, dans les éludesgrammaticales, dans l'histoire ; et l'orichalque ne ré-sista point à ces épreuves. Suivons-le à travers cesvicissitudes.Tout nous porte à penser que Callimaque, dans

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l'exemple cité, en interprétant par ^aXxoç la substance

qu'il venait d'appeler ôpeiyaXaoç, a voulu désigner le

simple cuivre, mais avec l'intention secrète, si je neme trompe, de jeter sur ce dernier métal un reflet del'ancien orichalque.

Pollux, au chapitre où il énumère les métaux,range l'orichalque après l'argent, et sans parler ducuivre : « Xpuco;, â'pyupo;, opet/jx'Xîcoç, cri&Tipo;, /.armepoç,« u.o\u§o>o? 1. — L'or, l'argent, l'orichalque, le fer, l'é-« tain, le plomb. » Ce qui prouve évidemment quel'orichalque tient ici la place du simple cuivre.

Hésychius, entre autres sens du mot, nous apprendqu'on entendait aussi par orichalque une matière sem-blable au cuivre : « "¥,G-I $1 /.al ù"Xv],ô'j.oia yaX/.w 2. »

Cependant lorsque les anciens connurent l'alliagede ce métal avec le zinc, ce qui arriva d'assez bonneheure, et que l'expérience leur eut montré la supério-rité de cette composition sur le cuivre pur, ils dési-

gnèrent le plus souvent le cuivre jaune ou le laiton parorichalque. Sur ce point, l'autorité classique, comme on

dit, estStrabon; mais le passage est assez difficile pourn'avoir point encore été compris, et il mérite par consé-

quent de nous arrêter. Le géographe est dans laMysie,et à propos d'Andira, ville de cette contrée, il nousdit : « Il est aux environs d'Andira une pierre qui,<cbrûlée, devient du fer ; ensuite, après s'être calcinée« au fourneau, avec une certaine terre,elle distille du« faux argent. La même pierre, s'adjoignant le cuivre,« devient ce qu'on nomme alliage de cuivre, et que

1. III, 87.2. V. 'Opi^aXxoç.

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« quelques-uns appellent orichalque : il se produit« aussi du faux argent aux environs du Tmolus. —« "EGTI oà TaÔo; irepl Ta "Avoeipa, ô; xaio'|./.evoç GL^TICO;ywe-« Tai' e'iTa [J.eTa y/;; TIVO; x.apuveuôelç à-ocra^E!. AeuSaoyupov,« ïl TupoG^aëoùcoc yjùxàv, TO y.a^ouL/.evov yiVETai y.oaay., o« Tiveç ôpstya'Xxov xaXoùci' yiveTsa 61 i^s'jàapyuoo; xal ~solceTÔVTU,WXOV'. »J'ai traduit tout d'abord cette phrase comme elle

doit, je pense, être entendue. Casaubon n'y a trouvéà redire que la répétition, oiseuse, selon lui, de : « T6« y.aXou[j.5vcivxpàjxa, o Tiveç ôpsi^a'X/.ov y.a^oiïoi. — Elle de-« vient ce qu'on appelle le mélange, que quelques-uns« appellent orichalque; » et il croit qu'aprèsy.a'Xoujj.evovil y a un mot de passé, ou qu'il faut an moins suppri-mer TOx.alou'[;.£vov. « Quis hanc baltologiam in optimo« sciïpiore ferat ? Equidem non dubito vel post xa^ou-« (isvov aliquod déesse verbum, vel tollenda certe esse« hoec TO xalo'jixevov. » La remarque porterait à faux,si les Grecs avaient employé xpà^a tout seul pour dé-signer l'alliage du cuivre et du zinc, comme ils le fai-saient pour désigner le mélange du vin et de l'eau ; or,c'est ce qu'indique la façon de parler de Strabon,laquelle, à ce titre, mérite d'être enregistrée dans les

lexiques. Quoi qu'il en soit, la répétition ne. formepoint obstacle, et dans un passage où se rencontrentde si graves et de si nombreuses difficultés , le grandphilologue s'est arrêté à une vétille.Beckmann, qui n'était pas un philologue, mais

(|ui s'entendait assez bien en histoire naturelle, a euoccasion de s'occuper du même passage, dans son

1- Xin, p. 610.

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commentaire sur le livre dés Récits Merveilleux, faus-sement attribué à Aristote. Au sujet du cuivre des

Mosynoeques, dont nous parlerons tout à l'heure, et

qui n'était qu'une espèce de laiton obtenu par la cé-mentation de la cadmie fossile ou de la calamine,Beckmann rappelle la phrase de Strabon, pour obser-ver que cette terre , ajoutée à la pierre d'Andira, étaitsans doute la cadmie fossile : « Loquilur noster de« terra, qua a^ris seu .cupri color mutabatur in eandi-« dum, quoe zinci ochra, qua; hodie vocatur cadmia« fossilis, fuerit necesse est Neque unus Aristoteles« lerrae cuprum tingenlis meminit, etiam Strabo auclor« est ejusdem generis terrain ad eandem rem esse« adhibitam ab aliis populis. Nimirum circa Andeira,« urbem Lelegum, reperiebatur terra, qua? cupro ad,-« dita , efiiciebat TO y.a'Xo'jp'.evov x.pàj./.a, o TIVEÇôpsiyatew« y.zkoùGi 1. » C'est une erreur qui rendrait toute la

phrase inintelligible ; nous allons voir que ce n'était

point la terre ajoutée à la pierre d'Andira, mais bienla pierre elle-même, qui devait être ici la cadmie fos-sile ou la calamine. Du reste, Beckmann ne s'est atta-ché qu'à cette seule circonstance , laissant ainsi toutesles difficultés du passage intactes, ce qu'il semble re-connaître lui-même, puisqu'il ajoute : « Ita inlelligenda« esse verba Strabonis palam est, etsi quae ea exci-« piunt, intellectu difficilia sint. »Venons à un homme qui avait des connaissances en

histoire naturelle, et qui fut surtout un grand Grec; jeveux parler de Coray. Dans la traduction française de

Strabon, voici comme il rend le passage qui nous oc-

1.' De Mirabil. Auscull,, p. 132 sq.

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cupe : « Aux environs d'Andira, on trouve une espèce« de pierre qui se change en fer par l'action du feu ;« ce fer mis ensuite en fusion avec une certaine terre,« produit le zinc. Du mélange de ce dernier avec du« cuivre, résulte ce métal que quelques-uns appellent«orichalque. » Ainsi d'après cette traduction, nousaurions ici un enchaînement d'effets devenant causesà leur tour, et dont la pierre d'Andira serait le principegénérateur : celle-ci produirait le fer, le fer produiraitle zinc, et le zinc uni au cuivre produirait l'orichalque.Mais qui jamais a pu avancer que le fer produit le zinc ?Sans doute ils se rencontrent souvent dans le mêmeminerai ; mais les deux métaux y sont parfaitementdistincts; on sait qu'un métal n'est presque jamaisisolé dans sa mine, et qu'il s'en trouve ensemble jusqu'àtrois et quatre et au delà. L'or est toujours mêlé d'une

plus ou moins grande quantité d'argent; dira-t-on

pour cela que l'or produit l'argent, ou que l'argentproduit l'or ? L'argent se trouve très-souvent mêlé de

plomb et de cuivre ; peut-on dire qu'il les produit, ou

qu'ils le produisent? Telle est cependant l'énormité

que le docteur Coray prête à Strabon. Mais si le géo-graphe avait commis l'erreur? Il n'en est point ainsi,et la faute est tout entière au traducteur. La phrasede Strabon se compose de trois propositions ayant unseul sujet, qui est liftoç ; il suffit d'un coup d'oeil pours'en convaincre ': u "EGTI àè >.(ôo; irepl Ta "Av&etpa, ôç«'xaio'ij.evoç ctS'vipoç yiverai. — Il est aux environs d'An-« dira une pierre qui, brûlée, devient du fer. » Eira« [«Ta y/jç TIVO; xajjuveuôelç à-rcocTâTei ^euàapyupov.— En-« suite calcinée au fourneau avec une certaine terre,« elle distille du faux argent. » Il est évident que c'est

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encore la pierre qui calcinée au fourneau, distille cefaux argent, et qu'on doit reprendre "XiGoçdevant

xa[/.iveu9eiç. Qu'a fait cependant Coray? Il a supposétrois sujets différents aux trois propositions, transfor-mant l'attribut de la première en sujet de la seconde,et l'attribut de la seconde en sujet de la troisième.Ainsi pour lui, ce n'est pas 7a6o; qu'on doit reprendredevant-x.apv£uOelç, mais ci^po;, l'attribut delà premièreproposition. C'est là, ne craignons pas de le dire,fausser la syntaxe grecque 1. Si le docteur eût jeté les

yeux sur un autre géographe, sur Etienne de Byzance,il se serait sans aucun doute aperçu de son erreur. Au

mot'Àvàsipa, en effet, Etienne de Byzance reproduisantla phrase de Strabon, la simplifie et l'éclaircit : « An-

1. Une chose à noter, mais que je ne remarque certainementpas à la décharge de Coray, c'est que Savot, habile ruimismatiste,mais qui n'était que peu ou point du tout helléniste, a traduit àpeu près comme lui la phrase de Strabon : « Strabon, dit-il, sur« le subjet du mot Andcira, dit qu'auprès de cette ville, même« suivant l'opinion de quelques-uns, proche le mont Tmolus, se« trouve une certaine pierre, laquelle estant fondue rend du fer:« par après si on mesle dans le fourneau ce fer avec une certaine« terre, qu'il en découle, et s'en fait un certain minéral, qu'il« appelle pseudargyrum, avec lequel, si on adjouste du cuivre,« on en fait Vnrichalcum ou latton. » [Discours sur les Médaillesantiques, p. 110.)Le docteur Coray publia plus tard une édition du texte de Stra-

bon, avec des notes en grec littéral; j'ai vérifié s'il était, revenusur le sens de la phrase, et je me suis assuré qu'il nous avaitdonné son dernier mot ; voici, en effet, ce que dit sa note : « Pour« la leçon et pour le sens de ce qui suit, voyez ce que j'ai remar-« que dans la traduction française. — Tlepi SET5JÇvpscpvîçxociéfo-.* Y>1<J£<'>ST"v iicoftévwv, sirtôt Ta trr)u.ei(<)8ÉvTau.oi Iv TÎJ raXXixîj u-e-« Tacppaust (t. IV, p. 279). »

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«dira, dit-il', où se trouve une pierre qui brûlée« devient fer ; ensuite, calcinée au fourneau avec une« certaine terre, elle distille du faux argent ; puis mêlée« au cuivre, elle devient orichalque. Ainsi le racontent« Strabon et Théopompe dans leur treizième livre. —« "Av&etpx

* sv -/j 7v(9oç, OÇxaio'f/.evo;, aïoNipoç ytyvETa'." eba

« («Ta yîjç Ttvo; xau.iveu6elç, àrcosTa^ei. <{/eu&apyupov' etTa

« xpaOelç ycùxûi, opeiya'Xxo; yiyveTai. STpaêcov ty' xal 0eo'-« itop.xoç ty \ »Il est vrai que le dernier membre de la phrase de

Strabon surprend d'abord par une apparente irrégu-larité ; car, après nous avoir dit : o; xato'u.evoç, xapuveu-Oelç, l'historien passe brusquement au féminin de la

façon suivante : r. TCpou^aëoùtra yalxôv, etc. Ce change-ment de genre embarrassait beaucoup Coray; écou-tons sa note : « Beckmann, dit-il, exprime un peu« différemment ce passage de Strabon, qui, en effet,« n'est pas fort clair. Cet vj TrpoaXaêoC<7a (au féminin)« ne se rapporte à rien dans la phrase. Si l'on adop-« tait pour le second mot la variante irpoo->.aêà)v (au« masculin) de quelques manuscrits, et qu'on chan-« geât le premier en vi (avec esprit doux), comme il«est écrit dans le nôtre, 1393, il faudrait alors tra-« duire : On trouve une espèce de pierre qui se change

'!• A la place du second nombre ty', qui me paraît attiré par lepremier, je proposerais de lire XE', chiffre donné en toutes lettrespar le scholiaste d'Apollonius de Rhodes (Voyez p. 221). Les«eux citations, en effet, doivent appartenir au même passage, etM.Wicliers, l'éditeur des Fragments de Théopompe, s'est évidem-ment trompé en plaçant la citation d'Etienne de Byzance auXIIIe livre des Philippiques, et celle du scholiaste au XXVe{Theopompi Fragm., p. 84 et 96; cf. p. 192 sq. et22S).

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« en fer par l'action du feu : ce fer mis ensuite en« fusion avec une certaine terre, produit le zinc : s'il« est uni (YI -rrpoo-Xaëwv), avec du cuivre, il se change« en métal, que quelques-uns appellent du nom d'ori-« cna/cum*. »On voit que cette note ne touche point du tout au

fond de la difficulté, et qu'elle cherche seulement àrégulariser une construction. Le docteur trouve quecet vi •Kpo^aÉ'oOca (au féminin) ne se rapporte à riendans la phrase ; moi je trouve qu'il se rapporte à tropde choses, et que c'est ce qui le rend un peu embar-rassant. On peut, en effet, le mettre en rapport avec

y?,ç, qui n'en est séparé que par trois mots, et avecIfàoç, le sujet principal; car ,\LSO;est des deux genres.Que ce dernier rapport soit le seul légitime, cela estincontestable ; il suffira de rappeler que Théophraste,dans le traité des Pierres, a souvent passé du mas-culin au féminin de 'XiOo;, et qu'il offre des exemplesde cette permutation dans une même phrase. Ainsi,au sujet des pierres fusibles : « Quant à la combustion« des pierres, dit-il, quelques-unes se fondent et se li-re quéfient, comme les métalliques; celle, en effet, qui« contient l'argent, le cuivre et le fer, se liquéfie avec« ces métaux, soit à cause de l'humidité des substances« renfermées en elle, soit aussi par sa propre nature.« — Karà àè TT,VTvupwaiv, ot u,èv TT,xovTai, xal ps'ouaiv, wcwp« oî [XETa'X'XEUTùipsT yàp ât/.a TW àpyupw xal TW yoikwù VM« TW crioMpcox.al 'h TaOoç7Ï sx TOUTWV,EIV OÙVt^ià TTJVûypowre« TMVevuTOcpyovTCOM,EITSxal oY a'jTa;*. »

i. Traduction de Strabon, t. IV, 2= part., p. 206.2. De Lapid., g 9, t. I, p. 688, éd. Schneider. — Schneider a

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Oi'Xtôoi Tvi'xovTat.... ot [j.eTalleuTol, au masculin; -ô liôoç•rih. TOUTUV.... ai' aÛTaç, au féminin.

Toutefois, comme un manuscrit a donné TCpoGO.aëwv,j'aimerais mieux lire : slra 7rpocr)vaëcov. EÎTa continuela construction du second membre : eka p.ETa yôçTIVO; xajy-tvsuÔElç, et se trouve confirmé par Etiennede Byzance : Eka xpaOsl; -/a>xû. La correction de Co-

ray, qui consiste simplement à changer :h en vi, et àfaire ainsi du relatif une conjonction, paraît fort

plausible; mais en réalité elle va contre l'esprit du

passage ; car Strabon avance trois propositions affir-matives, et la conjonction ou rendrait la dernière hy-pothétique. Du reste, en laissant le texte tel qu'il est,on peut l'expliquer grammaticalement, et dans aucuncas, il ne saurait subsister la moindre incertitude surle sens général.La question grammaticale discutée et éclaircie, il

nous reste à traiter la question physique, ce qu'on n'apoint fait, jusqu'à présent. Quelle est celte pierre mer-veilleuse, qui produisait de si surprenants effets, quiengendrait le fer, le zinc et transformait le cuivre enlaiton ? C'est la pierre calaminaire ou la mine de zinc.Disons d'abord que la matière appelée par les Grecs

^eu&àpyupo;, est, selon toute vraisemblance, notre zinc.Tel qu'on l'obtient par la fusion, le zinc est une sub-stance dure, sans être cassante, d'un blanc assez bril-

lant, et que l'antiquité a pu désigner convenablementsous le nom de faux argent. Ce inétal est grand amidu fer, et il se trouve très-souvent avec lui. Dans la

écrit Si' aù-roùç, au lieu de Si' au™,; : « Ai' aùxkc., dit-il, mutavi in«ÙTOÛÇ.» (Annot. ad libr. de Lapid., t. IV, p. 546.) C'est un tort.

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plupart des mines de fer, il s'en rencontre en plusou moins grande quantité ; cependant alors sa présencene se révèle qu'à la suie des fourneaux. Comme il estextrêmement volatil, il se sublime aisément sous l'ac-tion du feu vif qu'on emploie pour réduire le mineraidu fer, et il s'attache sous une forme concrète aux

parois des cheminées des fonderies. C'est cet enduit

qu'on appelle la cadmie des fourneaux 1, et qui pulvé-risée et fondue avec le cuivre rouge, le transforme encuivre jaune ou laiton. Le procédé se nomme ce'men-tation. Mais le zinc a aussi sa mine ou plutôt ses mines

propres dont on l'extrait en vapeur ou en fusion ; cesont la calamine, qu'on appelle encore cadmie fossile,et la blende; or, ces deux mines contiennent toujoursdu fer avec le zinc, et la blende, en plus grande quan-tité que l'autre. Voilà donc une pierre qui réunit déjàdeux conditions de celle d'Andira, puisqu'elle contientdu fer et du zinc ou du faux argent; poursuivons.Nous venons dédire que le laiton ou cuivre jaune s'ob-tient par la cémentation de la cadmie des fourneaux,ou concrétion du zinc sublimé; on le produit encoreen alliant le zinc fondu avec le cuivre rouge. Mais le

plus beau et le meilleur tout à la fois, c'est celui quedonne la cémentation de la mine même du zinc, cé-mentation cjui consiste à réduire en poudre la pierrecalaminaire, à la mêler avec une égale quantité de

poudre de charbon un peu humectée, et à recouvrirde ce mélange les lames de cuivre rouge, qu'on metensuite au fourneau. Voilà donc la troisième condition

1. Les anciens qui nous ont transmis le nom de cadmie, enconnaissaient aussi l'usage, comme il se voit par Pline {Nat.Hist., XXXIV, 2 et 22) et Dioscoride (V, 84).

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remplie, puisque la même pierre, s'adjoignant le cui-vre, le transforme en laiton.Je n'ai pas encore tout dit; Strabon n'a prétendu

établir aucune solidarité entre les trois effets de la ca-lamine, et s'il les présente successivement et commeen relief, c'est pour faire de cette pierre une sorte decuriosité naturelle. Quant à la terre qu'on ajoutait àla chaux du zinc, c'était sans doute un fondant pour larendre plus fusible, comme on se sert encore de pous-sière de charbon. Il est peu de minerais qui n'aientbesoin d'un pareil auxiliaire ; ainsi la mine de fer, sielle est chargée de matière calcaire, demande l'addi-lion d'une certaine quantité de terre vilrifiable, etsi elle est mélangée de matière vitreuse, demandel'addition d'une certaine quantité de terre calcaire.Notons d'ailleurs que l'emploi de ces agents pour accé-lérer la fusion fut pratiqué des anciens. L'auteur desRécits merveilleux, dans un passage fort importantpour la connaissance de la métallurgie antique, nous

apprend que les Chalybes, en fondant leur fer, y je-taient de la pierre appelée pjromaque, qui se trouveabondamment dans leur pays : « napeu.6aM.etv àl TOV« TOptu,ayov xalouj;.evov TaSov • eivat àè èv TYJ/wpa rcoXùV. »

Aristote, qui paraît avoir fait en grande partie les fraisde ce passage, donne à peu près le même détail dansses Météorologiques" 1; et Théophraste à la suite d'unephrase citée plus haut, lorsqu'il parle des pierresfusibles, dit à son tour : « C'est ainsi que les pierres<' pyromaques et les pierres de meulière entrent en

1. De Mirab. Ausc, XLIX, p. 92, éd. Beckm.2. IV, S.

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« fusion avec le métal auquel les ajoutent les fondeurs.« — 'HcauTwç oà xal ot 7UJpou,a)(ot xal oî [uiXtat péouciv, oiç« eTTtTtÔEactv ot xatovTeç 1. »Il ne s'agit donc ici que de la mine du zinc ; et

disons-le maintenant, Strabon avait lui-même claire-ment indiqué son objet; car en finissant son article, il

ajoute : « Il se produit aussi du faux argent aux envi-ce rons du Tmolus. »J'ai éclairci, je crois, le passage du géographe, et

résolu la question physique. Il est donc bien avéré queles anciens appelèrent orichalque l'alliage du zinc etdu cuivre rouge, ou le laiton ; Strabon vient de le direen le prouvant, et Etienne de Byzance a confirmé lefait en indiquant la source où il avait été puisé, les

Philippiques de Théopompe, ce qui remonte la fa-brication du cuivre jaune au moins au milieu duive siècle avant 1ère chrétiennes. Remarquons à

présent que du rapprochement des diverses citations

qu'ont faites de Théopompe, au sujet de l'orichalque,Strabon, Etienne de Byzance et le scholiaste d'Apollo-nius de Rhodes, il résulte évidemment que l'auteurdes Philippiques avait parlé en détail de cette sub-

4. De Lapid., § 9, t. I, p. 688, éd. Schneid.2. Théophraste a signalé aussi le procédé et les principaux

effets de la cémentation du cuivre par la calamine, dans un passagefort curieux et trop peu connu pour que je ne le cite point : « La« terre, dit-il, la plus remarquable par ses propriétés est cellece qu'on mêle au cuivre ; car à la faculté d'entrer en fusion, et de« se confondre avec le métal, elle joint une vertu tellement effi-« cace, qu'elle rend ce cuivre supérieur par la beauté de la coû-te leur. —'loiioTcrry] os -Jjm yaÀxio [Arp/up.sv7]"irpôç yop TS TTIXÊOÛM« xoù y.ÎYVU(iOaiXal 8uvap.iv v/si TCEpiTTVjv,WOETETWxà/Xei TVJÇXpo«« WJIEÏVSiatpopàv. » (De Lapid., § 49, t. I, p. 698, éd. Schneider.)

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stance, et qu'il l'avait considérée sous le double, rap-port de l'histoire et de la physique.A ces graves témoignages, nous en pouvons ajouter

d'autres qui empruntent de ceux-ci un nouveau poids.Festus, définissant la cadmie fossile, nous dit : « Ca-« dmea, terra quoe in a?s conjicilur, ut fiât orichal-«cum 1. — Cadmie, terre qu'on jette sur le cuivre« pour produire l'orichalque. » Le grand Étymologi-que

8 el Tzetzès, définissant l'orichalque, nous disentà leur tour : « D'autres prétendent que l'orichalque« est un alliage du cuivre qu'on trouve à présent et« dont on a fait du cuivre blanc ; car ce n'est qu'à« l'aide d'une préparation particulière que le cuivre« devient blanc, étant roux de sa nature. — "AXkai 81« Xs'youctv, ÔTt yuu.&uaiç ècnri yaXxou TOÙ vuvl e'jptaxojjtevou,«Xeuxoù yoCkxQÎi [yevoptévou]* cxsuacta yap Ttvt ytvETat 6 yoà-« xà; Xeuxoç, cpuo-ei Truppo; uv 3. » Le grammairien Jean

1. V. Cadmea. Les éditions ponctuent mal ; la virgule doit êtreaprès Cadmea, et non après tevra.2. V. 'OpEi'xaXxoç.3. A.dSeul, ffercul., 122.— J'ai fondu la glose de Tzetzès avec

celledu grand Étymologique, parce que c'est évidemment la même;seulement chacun des grammairiens l'a donnée de son côté fautiveet incomplète. En les rapprochant, j'ai été assez heureux, je crois,pour pouvoir les corriger et fes compléter l'une par l'autre, et ré-tablir intégralement le texte primitif, sauf un seul mot que j'aiajoute. Rendons compte de ce travail critique.Voici la glose de Tzetzès : « "AÀXoiSa Xs'youciv, STI âpEÊyaXxoçyù-« |«u<7içÊOTIx<x)*xoûTOUvûv eupt.o-xou.Evou.Où yàp axsuao-îaTivt yiVETai* o Xa^*°ÇXeuxbç, cpuCTStTtup^ôç ÔJV.»Voici celle du grand Étymologique : « vAXXoiSEXs'youaiv,OTIôpst-" y.aXxoçxûfJtEuoîç sj-ît yocXxou, TOÎÎvuvi EupwxojxÉvouXEUXOUyakxoïï-« CIUTOÇYap o-xeuaaia TIVIvt'vETai Xeuxôç: <MJO-EI.»Dans le premier grammairien, ou qui vient après E&pwxoftévou,

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Pédiasimus nous avait déjà dit : « 'Opetyalxo;- TOXeuxàv« yaXxwu-a 1. — Orichalque, cuivre blanc, «désignantsans aucun doute le laiton. Il faut noter, à proposde l'épilhèle blanc, donnée à cet alliage, qu'elle luiconvient aussi ; car le laiton est plus ou moinsblanc, jaune ou rouge, suivant les différentes dosesdu mélange.Ces explications contribuent à éclaircir un passage

malheureusement mutilé deThéophraste, mais où l'onverra surtout à présent, que le philosophe naturaliste,qui vient de nommer simplement le cuivre, /aXxov, ne

peut désigner que le cuivre pur et le cuivre allié,quand il ajoute quelques mots après, spuSpov xal Xeuxàv,rouge et blanc*.De là il suit aussi que Dioscoride n'a pas d'autre

intention, lorsque dans sa /Matière médicale, il parleau commencement d'un chapitre, ducuivre blanc, jcà-

n'est que la fin du mot XEUXOU, qui manque ainsi que ytikuw,comme il se voit par le grand Etymologique. Un manuscrit deTzetzès offre cxEuao-îa yàp, leçon certaine, et qui prouve que c'é-tait là le commencement de la phrase.Dans le second grammairien, il faut nécessairement après XEUXOÛ

XaXxoû, ajouter YEVOU.ÉVOUou un mot équivalent ; car l'auteur doitvouloir dire que l'orichalque est un alliage du cuivre ordinaire,devenu cuivre blanc ou laiton. Mais le OUTO;qui suit, omis par lepremier grammairien, doit disparaître; car l'auteur dirait que lecuivre, qui est déjà blanc, devient blanc. C'est ya.Ax.bc;,fourni parTzetzès, qui réclame cette place. Enfin, cpôo-£iattend manifestementiTup^ô; u>vdu même Tzetzès. Ces combinaisons réunies produisentla restitution suivante : a "AXXoiSEXE'YOUCNV,OTIyy^ivaiç iaTi ytà-<t xoû TOÏÏvuvi eupi(jxou.Evou,Xsuxoûj^aXxoù[yEvou.Évou]• CTXtuacriaYaP« Tivt YtvETaiô x«Xxb; XEUXO;,tpuoei 7tup£oc;wv. »4. Ad Scut. Hercul., 122.2. De Odor., t. I, p. 7S7, éd. Schneid.

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xoù Xeuxoïï, ou du cuivre allié, et à la fin , du cuivrerouge, èpuGpoùyaXxoîi, ou du cuivre pur 1.Les mêmes explications prouvent encore que le

cuivre appelé par les Latins album, blanci, ne dut pasavoir une autre signification que yaXxo; Xeuxo'ç.Ainsi l'orichalque signifia tantôt le cuivre pur, tan-

tôt le cuivre mélangé de zinc. Il se prit aussi, avons-nous dit, pour l'alliage que nous appelons aujourd'huiairain ou bronze ; c'est le lieu de le montrer.L'étain fut connu des anciens et dès les temps les

plus reculés, puisqu'il en est question dans les livressacrés et souvent dans Homère. Qu'ils aient connuaussi le mélange de ce métal avec le cuivre, c'est ceque montre un passage des Récits merveilleux. Il s'agitdu cuivre des Mosynoeques, peuple qui habitait lesbords du Pont-Euxin : « On dit, nous raconte l'auteur,« que le cuivre mosynoeque est très-brillant et très-ceblanc, non parce qu'on y mêle de l'étain, mais parce« qu'on l'allie avec une espèce de terre, qui existe en

«eepays, et qu'on fait calciner avec le métal. On« rapporte que l'inventeur de cet alliage ne l'enseigna« à personne; c'est pourquoi les premiers ouvrages« en cuivre faits en ce pays sont supérieurs, et ceux« qui leur ont succédé ne le sont plus. — <f>ao-lTOV« MOGUVOIXOVyaXxov Xau-TvpoTaTOVxat XeuxoTaTov eivat, ou« Ttapau.tyvuu.é'vou aÙTÛ xacdiTÉpou, âXXà y/jç Ttvoç aÙToC ytvo-« [iévviç xal <FjVE<j>o[/.èV/içaÙTÛ. Aéyouo-t èè TOV eùpo'vTa TVJV« xpàctv, u.v)£éva o\àa1;af o\ô Ta irpoyeyovoTa sv TOÎÇwirotç« X.a^wu.aTa, (W'epopa- Ta £' èTCiytyvo'fv.eva, OÙX£TIS.» Nous

1- V, c. 189.2. Plin. Nat. Hist., XVI, 22; XXXIV, 26, et passim.3. De Mirabil. Ai/sc, c. LXIII, p. 131 sq. éd. Beckmann.

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avons ici, en effet, dans le premier cas, l'alliage ducuivre avec l'étain, pour produire le bronze, et dansle second cas, l'alliage du cuivre avec la calamine,pour produire le laiton.Un autre passage qui ne montre pas moins claire-

ment l'usage habituel de la première de ces compo-sitions, c'est celui de Polyen. 11 nous apprend quePerdiccas, se trouvant à court de pièces d'argent, fit

frapper à son empreinte une monnaie d'étain mêlé de

cuivre, ce nepàtxxaç âpyupoij vo|ucu.aTo; âTropouu.£vo;, yaXxo-« xoaTOv xacjo-iTepov syapa^a '. »

Hésychius définit xpaTe'owaa par : « Mélange de cui-K vre et d'étain. —KpaTeowjjtaTa

' u.ic|iç yaXxou xal xaaon-« Te'pou2. » KpaTÉpwjjta, qui n'a pas encore été compris,signifie durcissement, les anciens ayant fort bien ob-servé que du mélange de ces deux métaux résultaitun alliage beaucoup plus dur que chacun d'eux.Venons aux preuves qui établissent qu'on donna le

nom d'orichalque au mélange du cuivre avec l'étain.Aucun auteur ancien ne le déclare expressément; maisnous trouvons désignés comme étant de cette matièredes objets qui ne pouvaient être que de bronze oud'airain. Suidas, à la définition de l'orichalque quenous avons citée plus haut, ajoute des exemples pourmontrer que ce métal servit à faire des cloches, des

cymbales et des stèles : « Après avoir, dit-il, creusé un« tronc de sapin, ils y adaptent des cloches d'ori-« chalque.Dans une épigramme : Il consacra cescym-« baies retentissantes d'orichalque et une boucle de

1. IV, 10, 2.2. V. KpaTspiopiaTa.

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« cheveux parfumée* Et (ailleurs) une stèle d'brichal-ct que. — <I'tTpov èXaT-/i; xotXavavTeç èvapu-oÇouciv etç aÙTO\i« xuo^wva; opetyàXxoui;. 'Ev èiïtypapLjjtaTi

« TauTa T' opEixjzXxouXaXa xûu.ëaXa, xal u.upoEV-a« Bo'o-Tpuxov (8r,xaTo).

« Rai ôpetyaXxo; CTYÎXVI1. »Tous ces objets, les deux premiers surtout -, les

cloches et les cymbales, devaient être sans aucundoute non de laiton, mais d'airain. C'est encore l'ai-rain qu'a voulu.indiquer, selon moi, Libanius, sous lenom d'orichalque, lorsqu'il dit à l'empereur Julien :i( Vous ne trouverez aucune colonne ni de pierre ni« de cuivre ni d'orichalque, pas même de diamant,« plus durable que le souvenir. — OÙ'TS XtGtvviv oure« yaXxviv OÙ'T' àpetyaXxtv/îv, àXX' où£' iç, âàau.avTo; CTVI'XVIV« eûprîo-eiç [xovtjxwTepav rf,ç |/.v/fu.7,ç-. » Le but de l'orateur,en effet, est de rendre sa comparaison plus sensible,en énumérant les substances les plus dures, et en les

disposant dans leur gradation naturelle : la pierre, le

cuivre, le bronze et le diamant.Nous sommes donc autorisés à croire que le nom

d'orichalque, tout en désignant le plus ordinairementle laiton, désigna aussi parfois le bronze, et que de la

sorte, indépendamment du cuivre naturel, il compritles deux principaux alliages de ce métal.Mais de ce triple emploi ne doit-il pas résulter au-

jourd'hui de fréquentes ou plutôt de continuelles

1. V. 'OpEi'xaXxoç. Tous ces exemples sont empruntés à diversauteurs : l'épigramme est d'Érycius, et a pour sujet une offrandefaite par un prêtre de Cybèle à sa déesse (Anthol. Pal., VI, 234).2. In Jul. Cons.,t. I, p. 369.

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équivoques ? Établissons avant tout une synonymie etune distinction qui pourront déjà simplifier et éclaircirla difficulté. Chez les Grecs, yaXxo; fut le terme géné-rique qui désigna le cuivre sous toutes ses formes; ôpei-^alxoç, nous venons de le voir, comprit trois espècesdont la principale et la plus ordinaire était le laiton.Chez les Latins, ses se prit généralement pour le cui-vre naturel, et particulièrement pour un mélange decuivre et d'étain, quelle que fût la proportion. Ori-chalcum ne désigna jamais, sauf le sens fabuleux, quele laiton.Maintenant, comment démêler les trois sens d'opei-

yaXxoç chez les Grecs? Je crois d'abord qu'on n'a pointà s'embarrasser de celui qui exprimait le bronze oul'airain ; car la nature des objets le détermine suffisam-ment. Quant à la distinction des deux autres, voici,pour se guider, une règle assez sûre. Toutes les fois

qu'il s'agira d'un objet de cuivre qu'on aura pu con-fondre avec l'or, ou dont on aura cherché à relever lavaleur par l'éclat et la propreté, l'orichalque désigneratout naturellement le laiton ; car le cuivre jaune estmoins sujet à verdir que l'autre, et rien ne ressemblemieux à l'or par le brillant et la couleur que cet alliagebien poli. Vérifions cette règle.Une inscription trouvée dans les papiers de Four-

mont, et publiée par M. Boeckh ', nous offre le mot

optyaXxoç (sic) ; mais comme il n'est question dans cedocument que d'ustensiles de cuisine, en cuivre ordi-naire , tels que yaXxeïa ôepu.avTvfpia, des bouilloires de

cuivre, 7J6u.uj yaXxw, des passoires de cuivre, ôpetyc&xo;

1. Corp. I/ucr., t. I, p. 286, n? 161.

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ne peut désigner ici que du laiton, bien que l'ustensilequ'il caracterisa.it, fasse défaut dans l'inscription.On ne peut guère douter qu'il ne s'agisse encore du

laiton dans ce passage du Périple de la mer Erythréed'Arrien. Le géographe parlant des marchandises

qu'on portait à l'entrepôt général d'Adulis : « Il y ar-« rive aussi, dit-il, de l'orichalque dont ils se servent« en guise de parure, et qu'ils coupent en morceauxu pour leur tenir lieu de monnaie.—npoywpeï àèxalôpet-« yaXxo;, û y pwvTat Tïpo; xocjxov, xal eîç GTjyxoir/iv âvrl vopu-« o-pTo; 1. » Si la monnaie pouvait désigner ici le cui-vre pur, la parure doit désigner un métal plus choisi.Philoslrate, dans sa Vie•' cCApollonius de Tyanes, a

parlé de notre métal, et il l'a fait aussi en déterminantclairement sa nature. Apollonius veut montrer que le

mépris des richesses numéraires se doit étendre non-seulement à l'or et à l'argent, mais aux métaux plusvulgaires; et comme il se trouve en ce moment dansl'Inde, il a recours à une comparaison de la monnaiede ce pays avec celle des Romains et des Perses :« Ainsi, dit-il, les Indiens, par exemple, ont une mon-« naie d'orichalque et de cuivre noir, avec laquelle« sont obligés de tout acheter tous ceux qui sont ve-« nus s'établir au milieu de ce peuple. Quoi donc? si« ces excellents nomades nous offraient leur numé-« raire, est-ce, ô mon cher Damis, qu'en me le voyant« refuser, tu m'avertirais et tu me montrerais que ce" qui constitue cette richesse, ce sont les pièces que« frappent les' Romains ou le roi des Perses, mais que« cette monnaie-ci est une matière toute différente,

1. P. 45, éd. Blancard.

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« fabriqiiée par les Indiens? — Kal pjv xal VOU.IG(W«« ècTty Tvoqtç opetyaXxou Te xal yaXxou ptéXavoç, wv où ô^if-« 'ÎÛQUirawa wveîaOat Trav-a;, vi'xovTa; è; Ta 'Iv&tîWviO?).Tt« oùv ; si -^pyfaaTa vî[xtv wpeyov ot ypviGTol vou.aoeç, ap' av,« t> Aapu, TrapatTouptevov pie âpwv, èvouôeTet; TE xal èotoW/.eç,« Ô'TIypvîu.aTa ptèv èxetva ècTtv, a 'Ptûptatot yapârTouGiv, T,Ô« Mv$wv PactX.sùç, Ta.'jTl o^è ûXvi TIÇ sTepa xexopt^eup.é'vYiTOÏ;« 'Ivàotç 1; » De ce passage, en effet, il s ensuit claire-ment qu'Apollonius mettait l'orichalque et le cuivrenoir bien au-dessous de l'or et de l'argent, et qu'illes regardait comme deux métaux composés. Ce cuivrenoir, dont il est question plusieurs fois dans la Vie duthaumaturge, n'était sans doute qu'une combinaisondu même genre que le bronze. Quant à l'orichalque,ce ne" peut avoir été que le laiton.Philostrate les associe encore plus loin ; le biogra^

phe nous montre encastrées dans les murs de la cha-

pelle d'un temple des tables de cuivre représentant lesactions de Porus et d'Alexandre, et où l'artiste, pourremplacer les couleurs, a mis en oeuvre des métaux de

plusieurs sortes : « Des tables de cuivre gravées, dit-il,« sont scellées dans chaque mur ; on y a représenté lesce actions de Porus et d'Alexandre en orichalque, en ar-ec gent, en or et en cuivre noir.—XaXxot mvaxe; èyxexpô-.« TTjVTatTOtyco éxacTtp ysypau.u.évot

' Ta àè IIwpouTexat Utr« c;av^pou epya yeypacuaTat opetyaXxw xal àpyupw, xalyputfw''•**'« yjzXxû uiXavr. » Ici l'orichalque est mis en premièreligne; mais, dansce cas, il est inutile de le remarquer, la

place ne préjuge rien de la valeur intrinsèque du métal.

1. II, 7, p. 55.2. II, 20, p. 71.

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La même observation ne saurait 9'appliquer aupassage suivant.du même ouvrage. Apollonius étant àRhodes, demande à Canus, fameux joueur de flûte,qui se trouvait alors dans cette ville, et qui venait devanter les effets surprenants de son art : « Est-ce,« ô Canus, la flûte elle-même qui produit de tels« effets, parce qu'elle est d'or et d'orichalque et d'os« de jambes de cerfs ou de jambes d'ânes ? — Toùro« oùv, ù Kave, 7TOTepovaÙTo; epyàÇ,eTat 6 aùXo;, otà TO ypucoîi« Te xal opetyaXxou, xal èXacpwv xr/îpy/iç çuyxsïcGat, Y)oè xal« è'vwv1; » La place que donne ici Apollonius à l'ori-^

clialque annonce évidemment une matière inférieureà l'or; mais, d'un autre côté, l'emploi qu'a reçu cettematière annonce un éclat rival de celui de l'or, parconséquent un laiton distingué.Il en faut dire autant de l'oricbalque d'un discours

de l'empereur Julien. Dans son Panégyrique de l'im-pératrice Eusébie, décrivant une pompe royale, l'ora-teur nous y montre un grand nombre de chars,de chevaux, de véhicules de toutes sortes, travaillésavec un art exquis en or, en argent, et en orichal-

que: « Ap[j.aTWVxal 'tirircov xal ôyvip'.aTwv iravToàaiïûv yj>wcj>« xal âpyupc*, xal opeiyaXxco pteTa Triç âptcîTViç TV/yriÇ etpya-'« cpte'vwv2. » Cette place donnée immédiatement aprèsl'or et l'argent, dans un objet de luxe, travaillé avectant d'art, ne convient point au simple cuivre, c'estcelle du laiton et du laiton le plus brillant.11nous reste à faire voir par des exemples éprouvés

avec la même règle, que partout où les. Romains ont

1. V, 21, p. 204.2. Orat., III, p. 110, éd. Spanhem.

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désigné l'orichalque comme un corps réel, ils ont voulu

parler de l'alliage du cuivre et du zinc.Cicéron suppose le cas de conscience suivant : « Si

« quelqu'un, dit-il, vendant de l'or, croit vendre de« l'orichalque, un acheteur honnête l'avertira-t-il que« c'est de l'or, ou achètera-t-il un denier ce qui en« vaut mille ? — Si quis aurum vendens, orichalcum se« putet vendere, indicetne ei vir bonus, aurum illudce esse, an emat denario, quod sit mille denarium 1? »

Puisque le vendeur lui-même confond les deux mé-taux , il faut que leur ressemblance apparente soit

grande ; et d'un autre côté, puisqu'il y a tant de dis-

proportion dans leur valeur intrinsèque, il faut queleur matière soit très-différente; partant le laiton seul

peut concilier ces deux oppositions.C'est sans doute le même alliage qu'il faut voir dans

l'orichalque dont parle Horace, et qui servit à joindreles différentes parties de la nouvelle flûte des théâtres :

Tibia non, utnunc, orichalco vincta, tuboequeiEmula; sed tenuis simplexque foramine pauco 2.

Porphyre, le vieux commentateur du poète, l'enten-dait bien ainsi, puisqu'il dit : « La flûte, qui est passéece d'usage, n'était ni aussi précieuse, ni aussi grandece que la flûte actuelle, qui est ornée d'orichalque,ce lequel est très-semblable à une feuille d'or. — Necce tibia quae interiit, tam pretiosa erat, neque tam« magna, quam nunc est, quae orichalco ornatur,ce quod simillimurn bracteae aureae est. »

1. De Offic.,llï, 23.2. Art. Poet., 202 seq.

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— 265 —

Lorsque Suétone nous raconte que Vitellius, pen-dant qu'il n'était encore qu'administrateur des tra-vaux publics de Rome, passait pour avoir enlevé lesoffrandes et les ornements des temples, et fait parfoisdes substitutions, en mettant à la place de l'or et del'argent l'étain et l'orichalque : ce In urbano officio« dona atque ornamenta templorum subripuisse, et« commutasse qusedam ferebatur, proque auro et ar-« gento stannum et aurichalcum supposuisse1,» assu-rément aurichalcum désigne ici du laiton ; car c'étaitla composition qui pouvait le mieux, et à moins defrais, simuler l'or et dissimuler le larcin. D'ailleursVitellius avait appris de César à commettre habile-ment ces fraudes sacrilèges, ce César, à l'époque de« son premier consulat, nous raconte le même Sué-« tone, ayant dérobé du Capitole trois mille livres« d'or, mit à la place un poids égal de cuivre doré.—« In primo consulatu tria millia pondo auri furatus« e Capitolio, tantumdem inaurati oeris reposuit 2. »Un autre exemple qui marque assez nettement la

distinction de ce métal artificiel, c'est celui de Pline.L'historien qui nous a déjà déclaré que l'orichalquene se trouvait plus, prenant ici le mot dans l'accep-tion vulgaire, sans nous en avoir prévenus, et sans sesouvenir peut-être de ce qu'il avait avancé trois livresplus haut, nous dit au sujet de la chrysolithe ou to-paze : « On enferme dans un chaton celles qui sont« transparentes ; on met de l'orichalque sous les autres.« — Funda includuntur perspicuoe; ceteris subjicitur

1. Vitell., V, 3. .2. /. Cxs., LIV, 4.

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ce aurichalcum 1. » C'est-à-dire que sous les topazesmoins brillantes, il était d'usage de mettre une feuillede beau laiton, pour leur donner ce jaune d'or, qui enfait le lustre et le prix.Lorsque le jurisconsulte Marcianus, au sujet de cette

question de droit : « Si quelqu'un a vendu, sans le sa-ec voir, un vase d'orichalque pour un vase d'or, » larésout en disant, ceQue le marchand est tenu de four-ce nir l'or qu'il a vendu. — Si vas aurichalcum pro« auro vendidisset ignorans,.tenetur ut aurum quod« vendidit pra?stet 2; » il résulte de la question que leyase a pu ressembler assez bien à l'or pour que le ven.deur et l'acheteur y fussent trompés, et de la décision,que ce vase n'avait de commun avec l'or que l'appa-rence, double caractère qui s'applique au laiton sans

équivoque.Lorsque le grammairien L. Ampélius, qui a peut-

être vécu au quatrième siècle, et qui nous a laissé unrecueil de faits curieux, sous le titre de Liber mémo-

rialis, nous dit au chapitre vin, où il passe en revueles Merveilles du monde, Miracula mundi : « Ibice (Ephesi) et sepulchrum Icari stertentis, quasi dor^ce miat, mira; magnitudinis, ex orichalco et ferro. —ce A Ephèse se voit aussi le tombeau d'Icare ronflant,c<comme s'il n'était qu'endormi, monument d'unece grandeur merveilleuse, fait d'orichalque et de fer, »

l'orichalque de ce monument ne saurait être que dulaiton.Enfin lorsque Prudence nous dit que les païens,

1. Nat. Hist., XXXVII, 42.2. I, 45, ff. De contrah. enipt.

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après avoir imaginé de faire du soleil un dieu quiconduisait un quadrige, voulurent réaliser ces fictionsà l'aide du bronze doré ou du marbre, ou de l'ori-cbalque,

JEris inaurati, vel marmoris aut orichalci,Jusserunt nitido fulgere polita métallo 1,

sans aucun doute Yass inauratum représente le bronzedoré, et Yor ichalcum, le laiton.Mais si par orichalque on doit souvent entendre du

laiton, il est aussi des cas où sous le nom génériquede cuivre, on doit voir l'orichalque assez clairement

désigné.Parmi les riches présents qu'Esdras apporta de Ba-

bylone pour le temple de Jérusalem, figuraient, nousdit l'historien Josèphe, des vases de cuivre, plus pré-cieux que For, du poids de douze talents, yaXxà crxeûn

ypucou xpetTTOva, eTTaÔjxou TaXavTcov àcoàexa 2.Sur ce passage, Hudson a écrit la note suivante;

« Ms istud erat aurichalcum, quod olim omnium me-« tallorum pretiosissimum habitum. » Je suis de sonavis: ce cuivre ne saurait être que l'orichalque.L'auteur des Récits merveilleux rapporte a Qu'il

« existe dans l'Inde un cuivre tellement brillant, pur« et inoxydable qu'on ne peut à la couleur le distin-« guer de l'or. — <&a.o\ %l xal sv 'fvàoïç TOV yaXxàv OUTW;(t eîvat Xaptirpov xal xaÔapov xal àvtwTOV, tbç |/.7j o\aytvwo-xeo-9ai" T? 7Pr^a ^P^Ç T0V ypuco'v*. »Je crois qu'il s'agit ici de l'orichalque, mais auquel

1. Contra Symmach., I, 345 sqq.2. Antiq. Jud., XI, 5, 2.3. De Mirabil. Auscult., c. L, p. 97, éd. Beckmaïua.

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on a prêté quelques-unes de ses propriétés fabuleuses;car le métal réel est très-oxydable.Diodore de Sicile raconte que Jupiter, par recon-

naissance pour les abeilles, ses nourrices, ce Changeace leur couleur, et la rendit approchante d'un cuivrece semblable à l'or. — kXXac;ai [/.èv TTJVypoav aÙTiov, xal« TTOf/îcratyaXxw ypucoetoet TrapaTïXvicjtav\ »Il ne peut être ici question que d'un laiton très-

éclatant. Souvenons-nous, en effet, que plus haut Hé-

sychius a précisément défini l'orichalque : « Un cuivrece semblable à l'or. — XaXxo; ypucû èotxù;, » ou yroso-.« etàviç, comme parle Diodore de Sicile.

NOTE

SUR L'ÉTYMOLOGIE DES MOTS CUIVRE, LAITON ET BRONZE.

Terminons ce chapitre par quelques détails qui s'y pla-cent naturellement, par quelques détails sur l'origine et surl'histoire des trois noms que nous avons à prononcer si sou-vent, le cuivre, le laiton et le bronze.Les Romains n'eurent d'abord que le mot ses pour dési-

gner le cuivre en général, soit naturel, soit mélangé. Maisvers l'an 57 avant l'ère chrétienne s'étant emparés de Chy-pre, ils imprimèrent à l'exploitation des mines de cette ueune telle activité que son métal se répandit dans tout l'em-

pire, et en devint même un des revenus importants. On peuts'en faire une idée par ce que nous dit Josèphe. L'historien

1. V, 70.

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nous apprend qu'Hérode ayant offert à Auguste, qui s'ap-prêtait à donner des jeux et à faire des largesses au peuple-romain, la somme de trois cents talents, l'empereur lui donnaen retour la moitié des revenus des mines de cuivre de l'îlede Chypre , et lui confia le soin de l'exploitation de l'autremoitié : « Kaïcrap SE OCÙTWTOÛ[ASTOCXXOUTOUKuirpicov ^aXxoïï TÏ)V« T|uicrs[(xvTrpoaooovxai xvjç r,u.t(7EÎai;TYJVETau-ÉXeiavEOCOXEV1. »Dès lors le cuivre de Chypre tendit à remplacer les autres,

et fut d'un usage à peu près exclusif. La langue suit les mou-vements de la civilisation, et en reflète les changements : lemot ses tout seul ne suffisait donc plus pour désigner lecuivre qui avait prévalu , et l'on ajouta l'adjectif Cyprium.Bientôt môme on se contenta de cet adjectif, et l'on dit sim-plement Cyprium. Pline, qui a parlé si souvent du cuivre,surtout dans le XXXIVe livre de son Histoire naturelle,emploie concurremment ses Cyprium et Cyprium tout seul,mais en usant plus fréquemment du dernier.L'adjectif, qui n'exprime qu'un attribut de la substance,

engendra un nom pour exprimer la substance entière, etCyprium forma cuprum. Spartien, dans la. Vie de Caracalla,parlant de barreaux à'airain ou de cuivre, se sert de cu-prum : « Nam et ex aère vel cupro cancelli superpositi esse« dicuntur 2. » Toutefois, ce substantif ne se montre qu'auquatrième siècle, et il est juste d'ajouter qu'alors même ilparaît avoir été exclu de la langue élégante, qui ne se servitque de ses Cyorium, ou plutôt de ses tout seul. Cuprum aformé à son tour le mot cuivre.Cette étymologie me conduit à celle du mot laiton; mais

autant la première est claire et facile, autant la seconde estobscure et embarrassante.Ménage, plus malheureusement subtil que de coutume,

veut dériver laiton d'EXaxpov, mot grec qu'il imagine. Les

1- Antiq. Jud., XVI, 4, 3.?• Mst. Aug., t. I, p. 725. ,

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Italiens appellent ce métal ottottë, eil supprimant le l initial,"comme ils l'ont fait pour d'autres mots, et au lieu de direlottone; les Espagnols l'appellent lata; mais il s'agit de re-monter plus haut. Je ne trouve qu'une origine qui satisfassemon esprit, c'est l'adjectif luteum, jaune. On aura dit d'abordoes luteum, cuivre jaune, et l'adjectif devenant substantif envertu de la loi que nous avons signalée, à propos de Cyprium,on se sera contenté de luteum. Il existe un cas tout pareil : lejaune de l'oeuf se dit en latin luteum, pris substantivement.Mais nous pouvons serrer encore de plus près notre mot.

Les anciens teignaient la chrysocolle avec une plante nom-mée luteum, ou plus ordinairement lutum (le Rescda lu-teola). C'est ce lutum, ou plutôt loutoum, prononcé à laromaine, qui aura engendré l'italien lottone, et de là le fran-çais leton, laton et laiton.Les anciens voulurent très-naturellement désigner les dif-

férents alliages du cuivre par la couleur que ce mélangedonnait au métal. Ainsi, quand le cuivre rouge, oes rubrum,devint jaune, ils l'appelèrent, nous venons de le voir, oesluteum, puis luteum , lutum, cuivre jaune. Cette idée va nousservir de guide dans la recherche de l'étymologie de bronze.L'airain que nous appelons aujourd'hui de ce nom, est|

comme on sait, un mélange de cuivre, d'étain et de zinc, etsa couleur est un brun plus ou moins foncé, tirant plus.Oumoins sur le noir. Quel est donc le nom qui conviendra lemieux à cet alliage ? évidemment celui qui exprimera lemieux sa couleur.Du Gange interprétant, sur l'autorité du»

glossaire, le mot brunea, brunia ou bronia, dit que dans labasse latinité le mot s'est pris pour désigner une armure dé-fensive de la poitrine, une cuirasse : « Thorax, lorica, bi'U-« nia ; » et comme ces cuirasses étaient ordinairement d ai-

rain, c'est de brunia qu'il décrive le mot bronze. Il va plusloin; il pense que la couleur désignée par brunus, c'est-à-diresombre, noirâtre, brune, dérive elle-même du nom de lacuirasse. Au mot Brunus : « Il est peut-être tiré, dit-il» ou

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« de la couleur des prunes, comme le pense Ottavio Ferrari,« ou parce qu'il reproduit la couleur de la brunia, ou cui-n rasse ; d'où les Français ont tiré le mot bronze, pour dési-» gner Yairain dont on fait aussi les statues appelées« brunese, de bronze. — Sic forte dictus a prunorum colore,« ut censet Octavius Ferrarius, vel quod brutiise, seu loricse« colorem référât ; unde nostri bronze, pro sere ex quo« brunese et statuoe conficiuntur. »Ce n'est pas là raisonner juste; Du Cange prend le dérivé

pour le primitif; car nécessairement le nom de la couleur aprécédé le nom de la cuirasse, et celui-ci ne peut venir quede celui-là. C'est donc de brunus qu'a été tiré brunia etensuite notre mot bronze. Ménage fait sortir ce dernier defrontis : rien de plus forcé et de moins vraisemblable. Nousavons déjà presque le mot français dans brunus, prononcébrouns, après la suppression de Yu final ; toutefois, l'étymo-logie n'est pas encore complète. De même que les Latins di-saient album ses, pour désigner un laiton tirant sur le blanc,de même ils ont dû dire nigruni ses, pour désigner le bronzeplus ou moins foncé, comme les Grecs disaient yalxoq ptiXaç;et plus tard, lorsque le mot brunus s'est employé dans lesens de fuscus, ils ont dû dire plus justement encore brunumM, et ensuite, les cas et les genres se perdant, brunus oes,qui prononcé brounsès, touche à bronze.le trouve une preuve sensible de cette agglutination dans

un mot de la basse grécité, rapporté par Du Cange, au mêmeendroit. Un anonyme parle déportes d'airain, et dans salingue métisse, il les appelle TOpxaç TrpouxÇivsç: « "E^st xal Suo11mpraç TipoûrÇivE;. » Le mot est mal écrit, et devant TCpoutÇtvsç;il doit y avoir un pt. Les Grecs modernes n'ayant pas dansleur alphabet de caractère équivalent à notre b, pour la pro-nonciation, le figurent par pur, parce que dans leur langue,lorsque ces deux muettes sont suivies d'une voyelle, le w seprononce comme notre b ; ainsi aptneXoç = ambelos. MirpoûrÇiveçreprésente'donc broutzinès,etme paraît décider la question.

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Maintenant, à quelle époque brunus est-il entré dans lelatin, pour y devenir le synonyme de fuscusP II serait diffi-cile de le déterminer. Du Cange signale brunia, cuirasse,dans un capitulaire de l'année 805. Mais comme le motbronze devait exister antérieurement, et que l'adjectif dési-gnant la couleur de cet alliage devait lui-même remonterencore plus haut, on pourrait conjecturer que brunus datedu septième siècle. Je n'ose m'appuyer sur Isidore, bienqu'il semble résulter au premier abord d'un article de sesOrigines, que brunus était en usage de son temps. Lorsqu'ildéfinit le métis, produit de l'accouplement du cheval avecl'ânesse, métis plus petit que le mulet, et ordinairement plusroux, et qui se nommait en latin burdo, hinnus ou mannus,il dit qu'on l'appelle vulgairement brunitus : « Mannus vero« equus brevior est, quemvulgo brunitum vocant1.» Mais demeilleurs manuscrits ont donné brunicum, qui ne paraît lui-même qu'une corruption. Mannus avait pour synonymeburrichus, du grec 7iuppY/J>ç,roux, d'où est venu notre mot

bourrique. Ce nom de burrichus, qui s'écrivait aussi baricus,paraît avoir dégénéré plus tard en brunicus, témoin le pas-sage d'Isidore où il faut rétablir sans hésitation buriçum, et

cela, de l'aveu d'Isidore lui-même, qui, dans son Glossaire,interprète mannulus par buricus : « Mannulus, caballus, bu-« ricus. » Brunicus, en effet, ne pourrait venir que de bru-

nus; or, la couleur de l'animal s'y oppose.Quant à l'étymologie de brunus, il ne sort certainement pas

Aeprunum, comme le croyait Ferrari ; le dériver de l'allemandbraun, brun, c'est tomber dans une pétition de principes;remonter à brennen, brûler, c'est s'écarter du sens du mot.Concluons que la racine de brunus nous échappe; et quilnous suffise d'avoir découvert, je crois, l'origine de bronze.

1. Orig., XII, 1.

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CHAPITRE III.

L'orichalque est rappelé de temps en temps à son rôle primitif; raisonsqui portent à lui rendre son ancien prestige. — Il désigne un cin-

[" quième âge du monde. — Plusieurs exemples, dont deux surtoutintéressent l'histoire de l'art, et dont le dernier offre un curieuxéchantillon de la critique philologique chez les Grecs. — Détails surle cuivre de Démonèse.

Cependant tandis que le commun des auteurs ap-pliquait le nom d'orichalque à l'alliage vulgaire ducuivre et du zinc, d'autres écrivains faisaient signifierà ce nom la substance fabuleuse, et cherchaient à luimaintenir encore son ancien prestige, tantôt par imi-tation des poètes qui l'avaient célébré, tantôt pourrehausser la valeur et l'antiquité de quelque objet.Cette simple observation suffira, je crois, pour éclair-cir bon nombre de passages qui ont embarrassé jus-qu'à présent les critiques et les commentateurs. Onverra d'abord que les poètes épiques surtout, célébrantdes actions fabuleuses, n'ont pu et ne pouvaient querappeler l'orichalque fabuleux, sous peine de mettreles choses en contradiction avec le temps.Le premier que nous avons à citer, c'est Virgile ;

décrivant la cuirasse de Turnus, il dit :

Ipse dehinc auro squalentem1alboque orichalco

Circumdat loricam humeris 2.

1. Squalens ne signifie pas ici resplendissant, selon une erreurtrop accréditée, mais recouvert d'écaillés, de lames, etc. La cui-rasse de Turnus est plaquée d'or et d'orichalque comme l'armureque décrit Stace un peu' plus bas : « Et sparsa orichalca renident. »2. /En., XII, 87.

18

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<eLui-même ensuite attache autour de ses épaules saec cuirasse recouverte de lames d'or et d'orichalqueec brillant. » Nul doute que le poète latin ne rap-pelle ses devanciers grecs et notamment l'auteur de

l'hymne homérique à Vénus, en associant commelui, l'or et la substance imaginée pour rivaliser avecl'or,

yA.v8spt.'opst^aXxou ^pucoTôTETipnrçsvToç.

Servius a fait sur ce passage une note confuse etinexacte en quelques points, mais curieuse à beaucoupd'égards et renfermant des traditions que nous neconnaissions point d'ailleurs : ceChez les anciens, dit-il,ce l'orichalque fut plus précieux que les autres métaux;« car, comme dit Lucrèce, les hommes qui, dans lece principe, n'avaient encore l'expérience de rien, ayantce incendié les forêts, la terre qui produit tout, suace fortuitement les métaux par la chaleur de l'incendie,ce et entre ces métaux, l'orichalque fut estimé le plusce précieux comme réunissant l'éclat de l'or à la du-ce reté du cuivre. En effet, la hache qu'on avait faitece en or, dans le principe, fut abandonnée à cause dece sa mollesse ; la même raison fit rejeter l'usage dece l'argent, bientôt celui du cuivre ; on adopta l'ori-ec chalque, jusqu'à ce qu'on en fût arrivé à l'emploiec du fer. C'est d'après ces métaux qu'on a établi aussi,ce dit-on, une division des siècles. -—Apud majoresec orichalcum pretiosius omnibus fuit metallis ; nam-cc que, sicut Lucretius dicit, quum primum hommesce silvas incendissent, nullarum adhuc rerum periti,ce terra casu, fertilis omnium, ex incendii calore de-tc sudavit metalla, inter quse orichalcum pretiosius

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a visum est, quod et splendorem auri et aeris duritiemcepossideret. Namque de auro primum securis facta« di^plicuit causa mollitiei ; simili ratione et argenti« contemptus est usus, mox asris; orichalcum placuit« donec veniretur ad ferrum. Unde etiam ssecula ita« dicuntur fuisse divisa, »Le grammairien, en nous disant tout d'abord que

l'orichalque fut aux yeux des anciens le plus précieuxdes métaux, montre bien qu'il entend parler de lasubstance fabuleuse, ef: qu'il ne suppose pas d'autreintention à son poète ; mais lorsqu'il s'appuie sur l'au-torité de Lucrèce, il se trompe. Lucrèce, qui attribueréellement la fortuite fusion des métaux à un incen-die des forêts, n'a point parlé de l'orichalque, s'étantborné à signaler comme produit de l'accident, l'or,l'argent, le cuivre, le fer et le plomb :

Quod superest, oes atque aurum ferrumque reperturn est,Et simul argenti pondus plwnbiqae potestas,Iguis ubi ingentes silvas ardore cremaratMontibus in magnis . . . .*.

« Au reste, le cuivre et l'or et le fer furent trouvés,« en même temps que l'amas de Yargent et la masse« du plomb, après que le feu eut consumé par son« ardeur les vastes forêts sur les grandes mon-« tagnes. »Une autre erreur de Serviu.s, c'est d'avoir confondu

deux époques fort éloignées, et d'avoir attribué auxanciens Grecs une opinion particulière aux Romains,et qui ne reposa, comme nous le verrons bientôt, que

1. V, 4240 sqq.

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sur une fausse étymologie. Quant à la tradition qui,aux quatre âges du monde, désignés par l'or, l'ar-

gent, le cuivre et le fer, en aurait ajouté un cinquièmedésigné par l'orichalque, le commentateur de Virgileest notre seul garant. Du reste, ce serait une preuvede plus de la grande célébrité dont jouit notremétal.Le second poète épique qui a rappelé l'orichalque

primitif, c'est Valerius Flaccus, quand il nous repré-sente Bellone agitant dans sa démarche retentissante,l'orichalque de son armure :

Passuque movens orichalca sonoro '.

Nul doute encore que nous n'ayons ici la mêmematière dont Apollonius de Rhodes, le modèle de Va-lerius Flaccus, a fait la houlette que Lampétie agite,ôpei^âXy.oto epaavoG TÏOXXSVy.aXaupo—a, la même matièredont Virgile a fait la cuirasse que Turnus essaye.Au chantre des Argonautiques doit succéder celui

de la Thébaïde; Slace nous montre le Sphinx qu'on a

représenté sur le casque de Méncecée, tressaillant dela fureur guerrière du héros, tandis que les ornements

d'orichalque répandus sur cette armure, en sont toutradieux :

Emicat effigies, et sparsa orichalca renident 2.

Inutile d'insister sur la nature du métal ; les raisons

alléguées la déterminent clairement.En quatrième lieu se vient placer Philostrate, qui

\ . Argon., III, 61.2. Theb.,X, 654.

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décrit ainsi la lance d'Achille : ce Celte lance, dit-il,« avait sa hampe de frêne d'une longueur qu'on ne« vit jamais à aucune autre ; le bois en était droit, et« d'une telle force qu'on ne l'eût pu rompre ; la« pointe en était d'un indomptable acier, et pénétrait« tout; à l'autre extrémité, elle avait le bout revêtu« d'orichalque, afin qu'en portant ses coups, elle ful-« minât des éclairs tout entière. — Km mai u.r\y.o<;uèv« sivcu TYJ w.eXia, ô y.y\ aXX.Yict.lyjj.rt ' sùÔù c^è TO c;ûXov, y.ai« oûrw TOI êppcûuivov, cl>; (/.Y)av y-XacrOvivai.* TO e^g crTo'p'.aTYJÇ« aiyv.rlç, à&au.avTo'; Te eivat, xal -rcavToç uW.—aietv • TOVeîè« errûpaxa èx. TOU STÎI 6«Tepa ôpei^aXy.ou gu.ëeëWicïSai, l'va« âitaca ov] âcTpocTCToucr«èp'.TCiTïTvi*. » Deux raisons nousfont regarder ici l'orichalque du o-Tupa^, ou extrémitéinférieure de la hampe, comme étant la substancemerveilleuse, parce qu'il jetait des reflets éblouis-

sants, et surtout parce qu'il ornait la lance d'Achille.Au sophiste nous joindrons un poète chrétien du

ive siècle, Apollinaire, qui a paraphrasé en hexamètresgrecs les Psaumes de David. Arrivant à ce verset du

roi-prophète : ec 'Ev yalwù ical XÏ]U.WT«; <nayova; aÙTwv« âyc;ai. — Étreins leurs mâchoires avec le frein et la« muselière, » il le rend par ce vers :

FaptpriXotçÇuvéaçov ôpEtvjxXxoioy^aXivoï?2.

«Brise leurs mâchoires avec des freins d'orichalque.»Cet orichalque ajouté au texte comme ornement d'am-

plification, est-ce autre chose encore qu'une réminis-cence poétique ?

1. Heroïc., XIX, 4, p. 732.2. Psalm.,XXXÎ, 9 et 21.

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Mais ce n'est pas seulement le désir d'imiter les an-ciens poètes, et le respect pour les illusions du tempsoù l'on se plaçait, qui firent supposer à l'orichalqueson antique valeur ; souvent aussi la tradition, pouraccroître la vétusté ou la vénération de quelque objet,le fit passer pour être de ce précieux métal. J'ai à citerdeux exemples et tous deux fort remarquables.Le premier nous est offert par l'auteur des Récils

merveilleux. Parlant du cuivre qu'on trouvait à Démo-

nèse, île de la Propontide, et qui était extrait par des

plongeurs, il dit : ceC'est de ce métal qu'est la statue« qu'on voit à Sicyone dans Un temple antique d'A-ce pollon, de même que celles qu'on appelle à Phéùeéce statues d'orichalque, et qui portent, l'inscription :« Hercule, fils d'Amphilrjvn, après avoir pris Elis,ce les consacra. — "o8ev o èv S'.y.ucovî scjTtv àvèïplà; iv TÛce àp7j7.uo vatd TOU'A.TCo'XXe>>vbç,-/.ai èv «r-evewoî ôpéi/aXy.oi xa-« Xou[/.evot., ÈirtysypaTïTai etè aÙTOÎç

''Hpax.X9;ç ô jVu.epitputaVo;,

<c 'HXw éXwv aveS'fly.sv1. »Ce qu'il y a surtout d'important pour nous dans ce

i. De Mirabil. Au.sc, c. i.rx, p. 118 sq. éd. Beckmann. — Onsent aisément une allitération cherchée clans le rapprochement~HXtv éXcov,et il est difficile de méconnaître dans ~HXivéXwvhi-GVJJCEV,la fin d'un hexamètre. Les anciens aimaient tant à rédigerleurs inscriptions en vers, que lorsque des mots rebelles, des nomspropl-es en général, ne leur permettaient point de fournir le versentier, ils se résignaient à n'en donner qu'une portion : les exem-ples abondent; ceux qui sont un peu versés dans l'é|>igra|)hïegrecque le savent. .Tecrois donc que l'inscription actuelle se com-posait de deux lignes, l'une en prose, et l'autre formant la find'un vers :

'HpazX^ç6 'Au.o,{TpuMvoç,'HXivÉXùvàvlOr)-/.ev.

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récit, c'est l'assertion, d'une part que les statues dePhénée en Arcadie, étaient de cuivre démonésien,d'une autre part qu'on les appelait statues d'orichalque.Il semble, en effet, d'après ce rapprochement, qu'onn'ait établi aucune différence entre les deux matières,et Beckmann en a cru pouvoir tirer la conséquenceque dans les deux cas il ne s'agissait que d'un laitonnaturel : ec Ergo oes Demonesium fuit non cuprum pu-« rum, sed aurichalcum naturale 1. » Cette hypothèseest purement gratuite, et ne paraît pas moins con-traire à l'expérience physique qu'à la vraisemblance etaux faits positifs de l'histoire. Le laiton n'est d'abord

qu'une production artificielle; ensuite,il est impossibledéfaire remonter la connaissance de cette compositionjusqu'aux temps héroïques; enfin le docte naturalistene songe pas qu'aux yeux des Phénéens, c'eût été bien

peu relever l'antiquité et le prix de ces oeuvres d'art,que de les supposer simplement de laiton. La véritéest donc ailleurs.Je suis engagé à dire un mot du cuivre de Démo-

nèse. Beckmann pense que les veines de cette mines'ouvraient dans la mer, et que c'est pour cela qu'onétait obligé de la faire extraire par des plongeurs ; ilcite à l'appui de son opinion i'extraclion sous-marinede pyrites vitrioliques, pratiquée de son temps à Har-wich , en Angleterre : ce Petebant vel expiscabantur« eam e mari, excurrentibus venis in mare. Neque« hsecres exemplo caret : expiscantur Angli e mari ad« oppidum Harwich pyritas, unde vitriolum elixant2.»

1- Ad c. LIX, p. 125.2. Ibid., p. 124.

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Ce qu'il y a de plus sûr, c'est que cette espèce de mé-tal jouit d'une assez grande renommée dans l'anti-

quité : Hésychius le signale comme une production re-

marquable', et Pollux nous apprend qu'il avait servide matière à Vulcain pour former ce chien miracu-

leux, que le dieu anima du souffle de la vie, et qu'iloffrit en présent à Jupiter; nous lisons dans YOnoma-sticon : ceNîy.av&po; ô KoXoepwvioçTOÙ; 'Ivàoùç y.u'vaç àiïoyo'vouçce epvicrlveivat TÛV Ây.Tatcovoç y.uvûv, WGTCDy.al Ta; Xaovtâaçce y.al MoXoTTiàaç aTvoyû'vouçepvicly.uvoç, ôv "HcpaiGTo; èy.yaX-ecx,où Av)u.ovvictouyaXy.euijau.evo;,

« Kal Auy7,vivOs.it;,SiopovE2COXSAit8. »

ce Nicandre de Colophon dit que les chiens de l'Inde« descendent des chiens d'Actéon, comme il dit aussice que les chiens deChaonie et de Molossie descendentte du chien que Vulcain, après l'avoir fabriqué de cui-te vre démonésien, et l'avoir pourvu d'une âme, offrit« en don à Jupiter. »Mais personne jusqu'à présent n'a dit que le cuivre

de Démonèse ait eu la nature ni porlé le nom de l'o-

richalque. Comment cependant expliquer la doubleassertion de l'auteur des Récils merveilleux P En sup-posant cjue les statues de Phénée aient jamais existé,chacun voit de prime abord que l'antiquité qu'on leurattribuait est ridiculement exagérée, que la matière etle travail de l'art démentent formellement l'insc'riplionqu'elles portaient, et que l'inscription elle-même sediscrédite la première. Mais pour la crédulité religieuse

1. V. Aï)(jtov7i(rio<;y^oXxcjç.2. V, 38 et 39.

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et pour le vulgaire des Grecs , cette contradictionétait-elle apparente? Non, sans doute; et l'exagérationmême ne faisait que rendre les objets plus vénérableset plus saints. Nous saisissons maintenant le but et levrai sens du mot orichalque dans cette circonstance.Tous ceux qui avaient intérêt à perpétuer l'illusion, àentretenir le respect superstitieux, se gardèrent bien

d'assigner pour matière à ces statues soit l'airain, soitle laiton ou le cuivre même de Démonèse; mais ils les

supposèrent d'orichalque, afin de reposer l'imagina-tion sur une substance dont l'origine et la nature sedérobaient à toutes les recherches.Je ne puis quitter le passage du pseudonyme Ari-

stote sans me demander à quelle ancienne statue de

Sicyone il y est fait allusion. Beckmann, pour ap-puyer son auteur, renvoie sans hésitation à Pausanias 1

et à Pline 2. Mais Pausanias ne dit pas un mot quipuisse fournir l'appui qu'on lui demande, et Plinedit simplement que la statue qu'on admirait à Sicyoneétait l'oeuvre de Dipoenus et de Scyllis. Or, peut-oninférer de là que cette statue était aussi de cuivre, et(le cuivre démonésien ? Beckmann l'a pensé : ce Illo e« cupro Demonesio conflata fuit statua Apollinis, quae« Sicyone erat 3. » Erreur grave, assurément ; toutporte à croire, au contraire, que la statue était demarbre ; Pline lui-même semble le déclarer expressé-ment lorsque, avant de rapporter la cause miracu-leuse qui provoqua cette oeuvre d'art, il nous apprendque Dipoenus et Scyllis furent les premiers de tous

• L II, 7, 7-8.2. Nat. Hist., XXXVI, 4.3. De Mirabil. Ausc, ad c. ux, p. 124.

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qui se distinguèrent dans la sculpture du marbre :ceMarmore scalpendo primi omnium inclaruerunt« Dipoenus et Scyllis. »Le second exemple que j'ai à citer intéresse aussi

vivement l'histoire de l'art, et de plus, il nous offre uncurieux échantillon de la critique philologique chezles Grecs. Pausanias visitant les marais de Lerne, ets'occupant des mystères qu'on y célébrait : « On pré-ce tend, dit-il, que Philammon institua les mystères desce Lernéens; mais d'abord il est bien évident que les<eparoles qu'on y prononce pendant les pratiques sa-ce crées, ne sont pas anciennes 1; et quant à ce que j'aice ouï dire qui est écrit sur le coeur fait d'orichalque*,« Arrhiphon a trouvé que cela n'est pas non plus de» Pbilatnmon. Cet Arrhiphon originaire de Triconiumce en Elolie, et de notre temps un des plus considérés« parmi les Lyciens, habile à découvrir ce que per-ce sonne avant lui n'avait vu, a eu aussi le talent dete surprendre sur le coeur les particularités suivantes,ce que les vers hexamètres, aussi bien que la prose qui« s'y trouvait- mêlée avec ces vers, étaient entièrementce composés en dialecte dorien. Or, avant le retour desce Héraclides dans le Péloponnèse, les Argiens parlaient« la même langue que les Athéniens, et du temps de

1. Clavier a traduit : « Il est évident que ce qui se dit de ces« cérémonies senrèles, n'est pas ancien, » comme s'il y avait irsp1xéov opwixÉvojv.Cette traduction n'est pas exacte; car elle formeune équivoque, si elle veut faire entendre les paroles qu'on pro-nonçait pendant les cérémonies religieuses, et un contre-sens, sielle signifie les propos vagues qui couraient sur ces mystères.2. Clavier a traduit, un coeur de cuivre jaune ; il eût sagement

fait, pour ne pas se compromettre, de rendre, le coeur dori-chalque.

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te Philammon, le nom des Doriens n'était pas même, àte ce que je crois, arrivé aux oreilles de tous les Grecs 1.« Tels sont les faits dont Arrhiphon démontrait la vé*« rite. — KaTaaTvi'ejacÔat &è Ttov Aepvaîwv TV;VTeXef/iv <IH_« Xa|/,u.cova epact. Ta t/.èv oùv Xeyo't/.eva l-\ TOÎ; eîotoi/.évoiç èt-?,Xà« ècTiv où/4 ôvTa àpyaïa" à àè -/jy-ouca ÈTÙTVÎy.ao&ia yeycaçGat« r?i 7ïe~of/i[j.£v/i TOÙâpetyaXy.ou, oùoè TaOra ovTa (ÏHXaaaeovo;« 'AppiepâWeûpe, TO u.èv àvey.aOev Tpiy.wvteù; TWV èv AÏTtoXta,« Ta oè lep -/^jy.wvA'jy.twv TOÎÇ u.aXi<jTa ât/,oiw; o\j'y.ii/.o;, etetvôç(t àè èc^eupeïv, a pw) .TIÇirpo'TEpov eiete, y.al tîr, y.al Tocûra ococâsai(t em Ttooe Ta ETTY;,y.at oca ou u.eTa u.cTpou u.ej-uyij.eva TJVTOI;« É'-5<7t,Ta TvavTa Awpitrrl eTveirotviTO. Ilpiv êH 'Hpay.Xelo'a; xa-« TEXÛCTVS; IleXo—OVVTJCJOV, TYIVaÙT/jv ^epieerav 'A.8r,vaioiç oîa Âpyeïot epcùvvjVeivl oè <I>iXai./.u,covo;oùâ'è TO ô'vo[.t.aTOAcopiÉtov« (èi;.ol âoy.eTv) e; à'iïavTa; -4/,o'j£To "EXXv;va;. Taùra u.èv cH« ocTïê'epai.VEvOUTCÙ;eyovTa 2. »

1. Clavier a traduit : <cLe nom des Doriens n'était pas même,« à ce que je crois, connu des Grecs. » C'est là, selon moi, ungrave contre-sens, qui du même coup altère la pensée de l'auteuret fausse l'histoire. Pausanias dit seulement que le nom des Do-riens, à cette époque, n'était pas même arrivé à la connaissancede tous les Grecs ; et il ajoute encore une réserve assurément très-légitime en pareil cas, iu.o\ SOXEÏV,à ce que je crois. Que les Do-riens, en effet, fussent absolument inconnus aux Grecs avant leretour des Héraclides, c'est là ce qui est invraisemblable, et ce quepersonne du reste n'était en droit d'affirmer.2. II, 37, p. li)9. — Il y a dans ce passage un rapport que l'on

ne saisit pas du premier coup d'oeil; il se trouve dans le membrede phrase : Owpôttrai èitl TWOE.A quoi se rapporte T«SS? On a proposé plusieurs conjectures,

ou voulu faire divers changements au texte ; je crois qu'il fautsimplement sous-entendre TWôpEtvccXxeo,après TCÔOÎ.L'écrivain nese souvenant que du nom masculin de la matière, et publiant lenom féminin dé l'objet, a dit èVt TCOopsiyaXxeo comme il avait ditEV'TVJXOtpSïa.

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Je ne veux ni ne pourrais affaiblir en rien les élogesque donne ici Pausanias à la sagacité du critique éto-lien ; mais que de raisons encore à faire valoir avantet après la sienne ! Exislait-il à cette époque une proseet des vers ? un langage rhythmé et un autre qui nel'était point? avait-on songé surtout à les mêlerensemble? et l'écriture elle-même et la forme deslettres? Venons à notre objet : après tant d'artificesmis en jeu pour abuser la simplicité religieuse,peut-on douter qu'on n'ait cherché à faire passer iamatière du coeur mystique pour l'orichalque mysté-rieux des poètes ?

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CHAPITRE IV.

Troisième époque, ou âge latin de l'orichalque. —Les Romains altèrentl'orthographe du mot, et ce changement fait croire à une nouvellecomposition fabuleuse du métal, et en engendre deux espèces. —Preuve évidente qu'il n'entrait pas du tout d'or dans l'orichalque. —Remarques grammaticales sur la déclinaison et la prosodie de ce nom.

Je n'ai pas encore signalé toutes les vicissitudes

qu'éprouva notre métal; les Romains devaient appor-ter dans sa destinée un changement considérable, etfaire commencer ici la troisième époque de son histoire.On sait que les anciens Latins remplacèrent la diph-

tbongue au par o, écrivant plostrum pour plaustrum,codex pour caudex; d'où sont restés sodés pour si

audes, explodo pour explaudo, etc. Plus tard, cette

orthographe se régularisa, et rendit la diphthongueaux mots qui la réclamaient, en l'imposant même à

quelques-uns qui la repoussaient. De ce nombre fut

orichalque, et la raison en est aisée à deviner. Parmiles mots qui s'écrivaient avec la simple voyelle o, setrouvait orum pour aurum ; Festus nous le dit, ennous apprenant que les campagnards, conservateurs

opiniâtres des anciens usages, retinrent longtempscelte façon de prononcer. Au mot orata, espèce depoisson qu'on appelle vulgairement daurade, et que les

ichthyologistes ont nommé le spare dorade : te Orata,« dit-il, espèce de poisson ainsi appelé de la couleur

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ec de l'or (aurum), que les campagnards prononçaient« orum, confme oriculas pour auriculas. — Orata,te genus piscis, a colore auri dicta, quod ruslici orumee dicebant, ut auriculas, oriculas. » Cette orthographeprimitive fit croire (pie la première moitié d'orichalquereprésentait aussi l'ancien orum, et cpie ce nom dési-

gnait une composition d'or et de cuivre. C'est pour-quoi lorsque arriva la permutation de la voyelle o en .la diphtbongue au, dans orum, le changement s'éten-dit aussi à orichalcum, et engendra le mot hybrideaurichalcum, espèce équivoque dont le goût des Ro-mains paraît s'être fort bien accommodé ; car chez euxces composés étaient une des sources qui fécondaientla langue; Quintilien nous l'atteste. Après avoir dit

que leurs mots se formaient quelquefois de deux motslatins entiers, comme superflu, sublerfugi, il conti-nue : ce Ou bien ils se forment encore d'un mot dece notre, langue et d'un mot étranger, comme bicli-ce nium (du latin bis et du grec y.X''v/)) ; ou, en renver-cc sanl l'ordre (d'un mot étranger et d'un mot latin),ce comme epitogium (du grec èVt et du latin logo) etce Anticato (du grec GCVTIet du latin Calo) ; ou dece deux mots étrangers, comme epirrhedium. Carte bien que la préposition eVi soit grecque, et quece rheda soit gaulois; et que ni les Grecs cependantce ni les Gaulois ne se servent d'un pareil compose,ce les Romains, en accouplant les deux mots étran-ce gers, en ont fait un qui leur est propre. — Autte (junguntur) ex nostro et peregrino, ut biclinium;« aut contra, ut epitogium. et Anticato; aut ex duobusce peregrinis, ut epirrhedium. Nam cum sit prsepositiote eVi Graeca, rheda Gallicum ; nec Groecus tamen, nec

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a Gallus utitur composito; Romani suum ex utroque« aliène fecerunt 1. »Feslus reproduisant l'une et l'autre orthographe, et

les accompagnant de leur étymologie, nous dit encore :« aurichalcum vel orichalcum quidam putant com-te positum ex sere et auro, sive, quod colorem habeat« aureum. Orichalcum sane dicilur, quod in montuosis« locis invenituT; mons etenim Grgece ô'poç appellatur 2.« —Auric/ialcum ou orichalcum : quelques-uns pen-te sent que ce métal est appelé aurichalcum., parce« qu'il est composé de cuivre et d'or, ou qu'il a la« couleur de l'or. Quant au nom d'orichalcum, il lui« vient sans aucun doute de ce qu'on le trouve dans« les endroits montueux ; car en grec, montagne se(t dit opo;. »Isidore admet la première orthographe à l'exclusion

de la seconde, et affirme positivement que le mot est

composé du latin et du grec : ce Est aulem nomen« compositum ex lingua Latina et Graeca; oes enim ser-« moue Gracorum yaXy.o; vocatur 3. »

1. I, S, 08. —Pour plus amples détails sur ces hybrides, dansla langue latine, on peut consulter Saumaise (Ad Hist. Aug,Script.,'• II, p. 405). Cependant je dois dire qu'ailleurs le même érudit aprétendu que les Romains n'étaient point dans l'usage de formerdes hybrides du genre d'aurichalcum : « Non hic mos antiquorum« mixto génère voces hybridas componere, ut hoec composita vi-« detur, si aurum in ea sumimus, ex Groeco Latinoque. » (De ffo-moiiyin.Hyl. Jatr., p. 229.)Cette assertion est formellement démentie par le principe de

Quintilien et par le témoignage de Festus ; je ne parle pasd'Isidore.-• V. Aurichalcum.3. Etymol.,X\ï, 20. — Isidore, quoique égaré sur l'étymologie

Par la fausse orthographe, a cependant bien vu que Yaurichalcum

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Ainsi l'orichalque était réservé à devenir une se-conde fois un métal fabuleux, et cette fois par unefausse étymologie ! Plaute, qui n'était pas dupe del'erreur, en a tiré cependant un parti fort avantageux;il a parlé assez souvent de l'orichalque, et toujoursavec l'intention de jouer sur la première moitié dumot, et d'en faire briller l'or.Dans le Curculio, Phaedrome, le jeune amoureux,

dit à Palinure, son esclave, qui vient de le rappelerà la modération : te Trouve-moi, au poids de l'or, unec amant qui ait de la retenue ; et je te donne ce pe-ce sant d'or. »

Auro coutra cedo modestum amatorem ; a me aurum accipe.

Et l'esclave reprenant vivement : ce Trouve-moi aucepoids de l'aurichalque un maître sensé à servir. »

Cedo mihi contra aurichalco, cui ego sano serviam 1 !

Ici l'aurichalque est plaisamment opposé à l'or, pouren faire tout au moins le contre-poids, sinon pourl'emporter.Dans le Miles gloriosus : te Donne-moi au poids de

n'était que du laiton. Il croit qu'il fut ainsi nommé, parce qual'éclat de l'or il joint la dureté du cuivre : « Aurichalcum di-« ctum, quod et splendorem auri et duritiam seris possideat. »Une chose remarquable, c'est qu'Isidore prend pour raison deson étymologie ce que Servius nous a donné pour raison de lapréférence accordée à l'orichalque sur les autres métaux. Lecommentateur de Virgile, en effet, nous a dit plus haut : * Orichal-« cum pretiosius visum est, quod et sptendorem auri et sens« duritiem possideret. »i . 1,3, 45 sq.

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cel'aurichalque trois hommes avec des moeurs pa-'

ce reilles. »

Cedo treis mihi hommes aurichalco contra cum istis moribus 1.

Et dans le Pseudolus : « Dieux immortels ! montt imposture ne serait pas chère au prix de l'auri-« chalque. »

Di immortales ! aurichalco contra non carum fuitMeum mendacium 2

Dans tous ces exemples, l'aurichalque est présentécomme une matière très-précieuse, grâce à la présencede l'or.J'ai dit cjue le poète comique n'était point dupe de

l'erreur ; aucun Romain un peu instruit ne pouvaitl'être ; tous devaient savoir, en effet, ce qui était au-

thenliquement avéré, qu'il n'entrait pas dans l'ori-

chalque la moindre parcelle d'or. On peut mettreencore aujourd'hui cette vérité en évidence, en rap-prochant deux Lois du Digeste.Le premier qui ait songé à cette démonstration,

c'est le jurisconsulte allemand Henri Salmuth, le tra-ducteur à la fois et le commentateur de l'ouvrage deGui Panciroli Sur les anciennes inventions perdues.Interprétant l'article de quelques lignes que son auteura consacré à l'orichalque, il dit : te Quod autem dixi-« mus, aurichalcum ex auro et sere mixtum non esse,« id Marciani quoque auctoritate confirmatur negantis<!eam valere venditionem, qua aurichalcum pro auro« esset venditum (L. 45, Decontrah. empt.). At si« quid auri admixtum illud haberet, tum venditionem

L III, 1, 64.2. Il, 3, 22.

19

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« omnino consistere Ulpianus respondit ; idque exem-te plo virioloe, qutc ex gemmis contexlis auro vel ar-ecgento aliave materia componi solet. Hoec si aureace dicatur et vendatur, etsi magna ex parte inventa« fuerit serea, placuit tamen valere venditionem,cemaxime si aliqua ex parte saltem aurea sit, qualiscedicebatur, atque ita auri quid admixtum habeat. »

(L. 14, De contrah. empt. 1)Après Salmuth, un autre jurisconsulte a fait le même

rapprochement pour en tirer la même conséquence,c'est l'avocat belge de Launay, dans un Mémoire quej'aurai bientôt à juger. Mais de Launay s'est rendu ici

coupable d'une grave omission (car le rapprochementdes deux Lois a de l'importance), il a négligé d'indi-

quer le commentaire qu'il avait sous les yeux, et qu'ilvenait de traduire, il n'a pas nommé Salmuth. Voicidu reste le passage de son Mémoire. Après s'être poséla question, s'il entrait de l'or dans la composition dede l'orichalque, il y répond ainsi : te Un témoignage de« l'antiquité, c'est-à-dire deux décisions de la législa-cc tion romaine, qui ont un rapport entre elles, nousceprouvent bien clairement que non. La Loi 45 duecDigeste (Tit. De contrah. empt.) présente ce quice suit : Si quis vas aurichalcum pro auro vendidisset« ignorans, tenelur ut aurum quod vetididit proestet.« Passons maintenant à la Loi 14 du même titre; voici« le cas et la décision qu'elle renferme : ceSi et ego mecevendere aurum putarem,et tu emere, quum oes essej,ce ut puta coheredes viriolam, quae aurea dicebatur,

1. Guidonis Panciroli Rerum Memorabilium sive Deperditarunt,part. I, tit. vin, p. 27 sq.

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« pretio exquisito uni heredi vendidissent, eaque in-rte venta esset magna ex parte senea, venditionem esseit constat ; ideo quia auri aliqqid habuit, « Le lecteur« a déjà saisi la conséquence véritablement frappante,« qui résulte de la combinaison des deux passages quett je viens de transcrire. Si croyant avoir vendu de l'or,« l'on n'avait livré que de l'orichalque, cette ventett est nulle, décide la Loi 45 ; et quelle en est la rai-« son ? c'est que dans l'orichalque il n'y a pas la« moindre portion d'or; car s'il y en avait, la ventee; serait valide, témoin la Loi 14 où le jurisconsulte« suppose que l'on a vendu un bijou, qui passait pour« être d'or, et qui cependant, comme on l'a reconnu«ensuite, n'était en grande partie que du cuivre :« malgré cela, cette Loi décide que la vente subsiste,<tparce que, dit-elle, il y avait au moins une portion« d'or dans le bijou vendu 1. »Mais on ne s'en tint pas à cette transformation du

métal ; la double orthographe produisit deux sortes

d'orichalque, Festus les a distingués à peu près ;Diomède le grammairien les signale nettement. Re-

marquant que les noms de métaux s'employaienttoujours au singulier, chez les Latins, il cite Yori'

clinique et Yaurichalque : « Item metallica sunt sem-« per singularia, ut argentum, aurum, ferrum,« plumbum, orichalcum, stannum, cassiterum et« aurichalcum*'. »

Cependant, à mesure que Ton s'éloigne de l'anti-

quité, la signification du mot orichalque se précise

1. Mémoires de t Académie des Sciences et Mies-Lettres de

Bruxelles, t. III, p, 378 sq.2. I, p. 31 S. . _

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davantage, en dépit de l'orthographe aurichalcum ; et

lorsqu'on approche des temps modernes, elle est déjàfixée dans le sens exclusif et permanent de laiton.Au vi° siècle, Primase, évêque d'Adrumète, com-

mentant le verset de YApocalypse où figure le chalco-

libanon, voit sous la substance mystérieuse l'orichal-

que lui-même, et en donne ainsi la composition : te Lace raison qui l'a porté à comparer les pieds à l'auri-ee cbalque, c'est que ce métal se fait avec le cuivre,ec qu'on traite à grand feu, et auquel, par le moyence d'un ingrédient qu'on y ajoute, on fait prendrelace couleur de l'or. — Aurichalco autem illa rationete comparavit (pedes), quod ex aère fit, cum ignéec multo, et, medicamine adhibito, perducitur ad au-cc reum colorem 1. »Au vuc siècle, Isidore, évêque de Séville, reproduit

textuellement la même définition : ecFit autem ex oerece et igné multo, ac medicaminibus perducitur ad au-u reum colorera 8. »Au VIIIC siècle, l'auteur d'un commentaire sur YApo-

calypse, attribué à saint Ambroise, mais restitué de-

puis à un prêtre du nom de Bérengaud, qui paraîtavoir vécu sous Charlemagne, s'exprime dans les mê-mes termes que l'évêque d'Adrumète : te Qui similes<c aurichalco dicuntur (pedes); aes namque in fornace,ce quibusdam medicaminibus admixtis, tamdiu confla-ee tur, usque dum colorem auri accipiat, et dicitur au-ce richalcum 3. »

L'ingrédient en question n'est bien certainement

1. Comment, in Apocalypsin, lib. I, ad Apocal., I, 13.2. Etymol., XVI, 20.3. Ad calcem S. Ambrosit, t. II, p. 502.

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que la cadmie fossile ou calamine, et nous n'avons icique du pur laiton ; mais on voit que l'orthographe au- .richalcum, qui avait prévalu, embarrassait les écrivainsde ce temps, et que, pour la mettre d'accord avec lacomposition réelle du métal, ils supposèrent que lapremière moitié du mot signifiait non plus de l'or,mais la couleur de l'or.Au ixc siècle, Anastase, le Bibliothécaire, sans chan-

ger la signification d'aurichalcum, en modifie légère-ment l'orthographe, et écrit plusieurs fois aurochal-cum, dans ses Fies des Pontifes. Dans la Vie deSixte III : ce Obtulit et canthara cerostrata auro-« chalca 1. » 11 avait déjà dit dans la Vie de saint Syl-vestre : ce Fecit autem candelabra aurochalca 2. » Cen'est pas qu'il s'interdise la forme aurichalcum ; quel-quefois, au contraire, il les emploie l'une et l'autreà quelques lignes de distance.La même orthographe se montre dans un des glos-

sateurs publiés par H. Estienne : te Aurochalca, y.pau.a-« Ttva. » B. Vulcanius a voulu lire : te Aurichalcum,« y.pàjj.a TI. » Ne changeons rien ; aurochalca est ici unadjectif neutre, comme dans Anastase, et xpapiariva unautre adjectif neutre, de y.pap-.aTtvo;. Ce dernier mot meparaît même confirmer ce que j'ai dit du y.pâp-.a deStrabon, à la page 245.Au XIIIC siècle, un esprit plus ambitieux que puis-

sant, mais qui eut aussi sa force propre, Albert leGrand, dans le livre des Minéraux, au chapitre où iltraite de la nature et de l'alliage du cuivre (De natura

1. Vit. Pontif.,Y>. 64.2. Vit. Pont if., p. 15.

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et commixtione oeris), nous apprend lé procédé qu'ilvit employer lui-même à Paris, à Cologne et dans plu-sieurs autres endroits, pour convertir le cuivre en au.richalcum. C'est la pratique des temps modernes : onse servait de la calamine, réduite en poudre (per pul~verem lapidis qui calamina vocatur). Albert observa

que pour donner au laiton une teinte plus claire et

plus approchante de la couleur citrine de l'or, on ymêlait un peu d'étain, remarquant toutefois avec

justesse que cet ingrédient ôte beaucoup à l'alliage dela ductilité du cuivre pur. Il observa aussi que pourfaire prendre au laiton un jaune d'or plus brillant en-

core, on attachait au cuivre la pierre calaminaire, afin

que le zinc qu'elle contient, se trouvât plus longtempsen contact avec le métal qu'il devait jaunir. Mais ceux

qui veulent, ajoute-t-il, rendre Yaurichalcum sembla-ble à l'or jusqu'à rendre l'apparence trompeuse, rem-

placent l'étain par l'argent.

DE NATUHAET COMMIXTIONE/F.BIS.

« Hi autem qui in cupro multum operantur in no-te stris partibus, Parisiis videlicet et Coloniae, et ince aliis locis in quibus fui et vidi experiri, convertunt« cuprum in aurichalcum per pulverem lapidis quice calamina vocatur ; et cum évaporât lapis, adhuc re-cc manet splendor obscuriis declinans aliquantulum adce auri speciem. Ut autem albius efficiatur, et ila citri*ce nati auri magis sit simile, immiscent aliquantultituce de stanno : propter quod etiam aurichalcum mili-ce tum de ductibililate cupri amittit. Et illi qui deci-te père volunt, et splendorem similem auro inducere,c<ligant lapidem, ita quod diutius remanet in oere in

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te igné, non evaporans cito ab oere.... Qui autem ad-« hue amplius assimilare auro intendit, loco stahnite ponit argentum, et immiscet aurichalco ; et hoc« efficitur ita rutilum et citrinum, quod multi credunt« ipsum esse aurum, cum in veritate adhuc sit in spe-te cie oeris '. »A la même époque, un écrivain du même genre, et

qui travailla sur un plan encore plus vaste qu'Albertle Grand, l'abréviateur encyclopédiste et trop souvent

inintelligent, Vincent de Beauvais, consacrait dans son

Spéculum naturale un chapitre à Yaurichalque. Lessources où il a puisé sont au nombre de quatre : Isi-

dore, Pline, le livre de Naturis rerum et l'ouvrageintitulé Doctrina AlcJiimisa. Nous allons rapporter ce

chapitre, et nous nous y arrêterons un moment pourfaire quelques remarques.

DE AURICHALCO.

ce Isidorus. Aurichalcum dicitur, eo quod splendo-« rem auri et duritiem aeris possideat. Est autem no-« men compositum ex lingua Latina et Graeca : oes(Ï enim Groece yaîhY.hç,vocatur ; fit autem ex aère et igné« multo, ac medicaminibus ad aureum colorem pér-it ducitur. »ee Plinius, libro XXXIV. In ^gypto (ut dictum est

« supra) fuit aeris inventio prima. Moxque vilitas ejus« pnecipua, in aliis terris praestantiore reperto, maxi-« meque aurichalco, quod ob praecipuam bonitatem,« diu obtinuit admiralionem. Summa gloriain Cordu-« bensi, quod imilatur bonitatem aurichalci. »

1. De Minerai., IV, 6, t. II, p. 264 sq. éd. Jammy.

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ce Ex libro de Naturis rerum. Ex aère fit aurichal-et cum, sic dictum quia splendorem habeat auri, velce quia de ipso sit aurum. Dicit enim philosophus, inee libro de Liunine : Quod ex urina, pueri et aurichalcoet fit aurum optimum. Quod intelligendum est in co-cc lore, non in substantia; dicit enim idem Aristoteles:ce Quod variatur color, sed substantia manel. Hoc au-cc richalcum frequentius Scripturoe vocant electrum;etce hoc propter colorem electro prope consimilem. »ce Ex Doctrina Alchimioe. Ms autem transmutalur

ec in aurichalcum, quod fit mediante tuchia (sic), quiace fumus ejus albificat et habet naturam spiritus ; sta-ce limque cum pulvis ejus projicilur super oes fusum,te vel miscetur cum laminis oeris, in ipsa aeris fusionece tuchia calefit et fugam quoerit tanquam spiritus :te unde apparet quod ejus fuga fit per oeris corpus fu-ie su m ; sicque siccat ipsum, quia fumus ejus est tem-<eperate albus, et album hujusmodi mixtum cumte rubeo reprimitrubedinem, et fit citrinum et ita auri-ee chalcum 1. »Les extraits d'Isidore et de Pline n'étant autres que

ceux que nous avons cités nous-mêmes, nous passe-rons outre, après avoir seulement relevé une erreurdans le passage emprunté à Pline. Ce n'est pas en

Egypte que l'historien fait découvrir le cuivre, commele lui fait dire Vincent, mais à Chypre : ce In Cypro,te ubi prima fuit, etc. » Ailleurs, à l'endroit où il s'oc-

cupe des différentes inventions, Pline dit également:ce Cinyras inventa les tuiles, et découvrit les mines deee cuivre, ayant fait cette double découverte à Chypre.

1. Spéculum naturale, VII, 36.

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tt — Tegulas invenit Cinyras et metalla oeris, utrum-« que in insula Cypro '. »Venons à l'extrait de l'ouvrage intitulé de Naluris

reruni, des Natures des choses. Celte encyclopédie,qui coûta de longues années de travail, et qui ne com-

prend pas moins de vingt livres, est de Thomas de

Cantipré, un illustre disciple d'Albert. G. Cave, dansson Histoire littéraire, s'est trompé, lorsqu'il a dit

que cet ouvrage était perdu : ce Interiit liber operosus« de Naturis rerum, a Tboma Cantipratensi labore« quindecenni scriptus 2. » L'encyclopédie de Thomasexiste ; mais elle attend le grand jour de l'im-

pression.ceL'aurichalque, est-il dit dans l'extrait, provient

« du cuivre, et il est ainsi appelé, parce qu'il a l'éclat« de l'or, ou parce qu'il sert à faire l'or. Le philoso-« plie dit, en effet, dans son livre sur la Lumière, te Que« le meilleur or se produit avec F urine d'un enfant et« Faurichalque. » Ce qu'il faut entendre de la couleur,« et non de la substance; car le même Aristote ajouteK Que la couleur change, mais que la substance reste. »

Quel est d'abord cet écrit d'Aristote sur la Lu-milre? Parmi les ouvrages du philosophe, Diogènede Laerte signale un traité sur F Optique, en un

livre, 'OTCTty-ov a.' s : c'est là ce que je vois de plusapprochant de l'écrit sur la Lumière. Quant à larecette pour produire la couleur d'or, c'est tout

simplement la recette que donne Pline pour pro-duire la chrysocolle, destinée à souder l'or. Il n'y

1. Nat. Hist.,\lï, 57.2. T. II, p. 309.3. V, 26.

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a de plus dans la recette de Pline que le nitre oualcali dont l'urine pouvait tenir lieu. « Les orfèvresec aussi, dit l'historien, se sont approprié la chryso-te colle, pour souder l'or; et c'est même de cet ém-it ploi (yputjo; et y.6/\r\x, soudure de l'or) que lui est« venu son nom, de l'aveu de tous ceux qui se serventce de la chrysocolle. On la produit, en mêlant en-ce semble l'oxyde vert de cuivre et l'urine d'un enfantc<impubère, après y avoir ajouté du nitre. — Chrvso-t< collam et aurifices sibi vindicantagglutinandoauro;te et inde omnes appellatam similiter utentes dicunt.te Temperatur autem ea Cypria oerugine et pueri impu-te bis urina, addito nitro 1. »

1. Nat. Hi.it., XXXIII, 29. — Il y a clans ce passage de Plineun membre de phrase qui demande explication. Toutes les an-ciennes éditions et la plupart des manuscrits portent : «.Et inele<t omnes appellatam similiter utentes dicunt. » Mais le manuscrittle Bamberg donne : « Et inde omnes appellatas similiter virentesa dicunt; » et la leçon a été introduite dans le texte par les plusrécents éditeurs de Pline, notamment par M. Sillig; et les dernierstraducteurs français, se conformant à ce nouveau texte, ont tra-duit : « Et c'est, de cette chrysocolle, dit-on, que toutes les sub-it stances d'un vert semblable ont reçu ce nom. » .Une pareille leçon me paraît contraire au sens du passage et

même à. l'ordre de la syntaxe. D'après ce texte, en effet, inde nepourrait se rapporter qu'à chrysocollam, tandis qu'il est bien cer-tainement en rapport avec agglutinando auro. On se demandeensuite pourquoi les clirysocolles vertes auraient seules tiré leurnom de la chrysocolle des orfèvres ; et d'où pouvait venir le nomdes ehrysocolles plus ou moins jaunes. Enlin l'intention de Pline,qui est évidemment de donner l'étymologie de chrysocnlle, ne sereconnaît plus dans la nouvelle leçon.Reprenons l'ancien texte, et tout va s'éclaircir. L'historien vient

de dire que l'on fait usage de la chrysocolle dans la peinture etdans la médecine ; puis, il ajoute que les orfèvres s'en servent aussi

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L'observation, qui termine l'extrait de l'ouvrage deThomas, n'est pas sans importance pour l'histoire de

l'orichalque, et nous y reviendrons, dans l'Appendiceque nous consacrons à YElectre, te Les livres saints,tt remarque l'auteur, appellent le plus souvent cet au-« richalquer'/ecc'/'e?; et cela, à cause de sa couleur pres-i« que semblable à celle de l'électre. »Passons à l'extrait du livre intitulé Doclrina Alchi-

misc, Doctrine de F Alchimie. L'orichalque semblaitavoir droit à trouver place dans un traité d'Alchimie ;car s'il n'y a pas transmutation de métaux dans les

alliages, il y a du moins conversion en un métal dif-férent. Cet extrait ne nous apprend rien de plus quece qu'a dit Albert le Grand ; mais les effets chimiquesde la tufbie, ou cadmie des fourneaux, sur le cuivre

rouge, le sort qu'elle éprouve elle-même et ses efforts

pour échapper par sa fuite et sa sublimation à la plusgrande action du feu, sont décrits avec exactitude :et Le cuivre se transmue en aurichalque, ce qui a

« lieu par l'intermède de la tulhie, parce que sa fumée

«hlancbit, et qu'elle a la nature d'une vapeur; et« aussitôt qu'on la jette réduite en poudre sur le cui-« vre fondu, ou qu'on la mêle avec des lames de ce« métal, pendant la fusion même du cuivre, elle s'é-

pour souder l'or, agglutinando auro; et c'est même de cet emploi[iitdé) continue-t-il, tpte tous ceux qui usent de cette substance("limes utentes) s'accordent à dire (similiter dicunt) que la chryso-colle a tiré son nom (appellatam). On aurait pu croire, en effet,([lie les orfèvres dérivaient l'étymologie du nom au profit de leurart; mais tous, peintres, médecins et autres, conviennent que lachrysocolle s'est réellement ainsi appelée de l'emploi qu'on en faitpour souder For; car tous lisent avec le nom son étymologie même :XpuffoçxôXXct,soudure de Por.

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ce chauffe, et cherche sa fuite comme une vapeur. Ce<e qui montre que sa fuite a lieu à travers la masse li-ée quéfiée, et que par là elle se dessèche, c'est que sace fumée est modérément blanche, et que c'est cettece blancheur-là, qui, mêlée au rouge du cuivre, affai-« blit la couleur de ce dernier, et forme un jauneee pâle, et par là l'aurichalque. »Un autre compilateur encyclopédiste, mais bien in-

férieur à ceux que nous venons de citer, BarthélémyGlanvill, moine du quatorzième siècle, a parlé de l'o-

richalque, dans son ouvrage sur les Propriétés des cho-

ses, de Proprietatibus rerum; mais il n'est pas allé audelà d'Isidore de Séville. Toutefois, comme il n'a pasrespecté scrupuleusement les paroles de son auteur,je citerai la définition qu'il donne de notre métal:« Aurichalcum itaque, dit-il, habet dui'itiem oeris, sivece cupri : ex mixtione enim oeris et stanni et auripi-te gmenti, etquibusdam aliis medicaminibus perduci-et tur in igné ad colorem auri, ut dicit Isidorus; co-cc lorem itaque habet auri et similitudinem, sed nonet valorem 1. »On voit qu'il fait entrer dans la composition de son

laiton du cuivre, de Yétain, de Yorpiment, et quelquesautres, ingrédients.De ces divers procédés nous pourrions encore rap-

procher ceux qu'indique le moine Théophile pour la

composition et la dorure de Yaurichalque, dans sonEssai sur divers arts, diversarum artium Schedula 1.

La science positive, la métallurgie elle-même finit

1. De Propriet. rer., XVI, c. 4.2. III, 65-67, éd. de L'Escalopier.

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par adopter aurichalcum, et s'en servit, tant qu'elleparla latin, pour désigner l'alliage du cuivre et du zinc-et cela, en concurrence du mot laiton, qui s'était éta-bli depuis très-longtemps dans notre langue.Ainsi, Martin Rulandus, dans son Lexique d'Alchi-

mie, imprimé en 1612, au mot Laton, l'interprète paraurichalcum ; et, au met Aurichalcum, il traduit ce-lui-ci par l'allemand Ertz oder Messing, airain ou laiton.Ainsi, Jean Corbicbon, traducteur et presque con-

temporain de Barthélémy Glanvill, rend Yaurichalcumde son auteur par laiton, comme il s'écrit aujourd'hui.Dans le grand Propriétaire de toutes choses (traductiondu titre, de Proprietatibus rerum), publié en 1556,nous lisons : ce Laiton meslé avec airain et orpin et« autres médecines, prent la couleur d'or, quand on« le met au feu, mais il n'en prent pas la valeur 1. »Vaurichalcum ne persista pas seulement à se main-

tenir dans la langue latine, il était aussi entré dans la

langue française, sous celte forme et sous cette accep-tion. Mais subissant une loi de commune contraction,il lui fallut s'amoindrir, se resserrer jusqu'à devenir lenom qui désigne encore aujourd'hui le fil de laiton, lenom d'archal, corruption évidente de aurichalcum,devenu archalcum, puis archal.La Glose de la Bible française, imprimée à Paris, en

1544, au chapitre 7 du livre III des Rois, nous dit:«Ne ayes pas merveilles, si tu lis en aucuns lieuxs à la fois, que ces choses estoient d'airain et à la« fois arcal; car airain et arcal est un mesme métal. »11 est, en effet, fréquemment question du cuivre

I. P. 139. .--.

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dans ce chapitre, et la Vulgate, après avoir rendu par-tout yalxo; par oes, le rend, au verset 45, par auri-chalcum : tt Omnia vasa, quae fecit Hiram, de auri-te chalco erant. — Tous les vases que fit Hiramte (l'artiste employé par Salomon pour la constructionte et les ornements du temple) étaient d'aurichalque.»D'où vient ce changement? Le grec des Septante porte:te IlâvTa Ta â'pya, à i-Koir.as. Xipàu., yjù.v.5. à'pâviv. — Touste les ouvrages que fit Chiram étaient entièrement deec cuivre. » La Vulgate aurait-elle pris apcvvjvcomme in-

diquant une supériorité dans le cuivre ? Cela ne se peut.Citens encore un exemple d'archal de la version

même de cette Bible française. Quand l'auteur arriveau verset 15 du chapitre I de YApocalypse, où figurele mot ya')ao>'êavo;, qui nous a précédemment occu-

pés, et que la Vulgate a rendu par aurichalco : « Etce pedes ejus similes aurichalco, » il traduit : te Et sesce pieds semblaient à archaV. »

Toutefois, le nom d'aurichalque ne tarde pas à s'ef-facer presque entièrement devant celui de laiton, et ilne lient plus à la langue que par un fragile lien, qui vabientôt se briser, et mettre fin à sa destinée.Pour ne pas interrompre l'histoire de notre métal

par des remarques de grammaire, nous avons reculé

jusqu'ici quelques observations qui ont pour objetexclusif là forme matérielle du mot orichalque.Les Grecs firenttoujours opeiyaly.o;du masculin,parce

que les noms de leurs métaux étaient tous de ce genre;les Latins firent toujours aurichalcum du neutre, parceque les noms de leurs métaux étaient tous de ce genre.

1. V, p. 663.

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En grec, opeiya'Xy.o; n'a pas de pluriel; Diomède,nous venons de l'entendre, croyait qu'aurichalcumn'en avait pas non plus, et Priscien était du mêmeavis: te Sciendum, dit-il, quod metallorum nominatt pleraque semper singularia inveniuntur, ut aurum,« argentum, oes, plumbum, stannum, vitrum, ori-tt cha/cum, electrum, etc. 1 » Mais les deux grammai-riens se sont trompés; car Valerius Flaccus et Stace,comme nous l'avons vu plus haut, ont l'un et l'autre

employé orichalca.

L'adjectif dérivé de ce nom avait en grec deux dé-sinences, ôpei-/a>ao;, qui ne différait pas du substantif,et ope>.-/aXy.!.vû;. En latin, il n'y en avait qu'une, et qui leconfondait presque avec son substantif, c'était auri-

chalcus, a, um.Pour ce qui est de la quantité prosodique, les Grecs

ont toujours fait longue la syllabe pei; Les Latins, au

contraire, ont toujours fait ri bref, qu'ils écrivissentaurichalcum ou orichalcum. Ils pouvaient s'y croireautorisés par les poètes grecs eux-mêmes, qui, dansles composés de celte sorte, abrègent quelquefois la

diphthongue si en ï, comme àa<.[j.yXih<; pour O^SMOÙ.'.-fj£;, dans ce vers de Théocrite :

Oùoà Y"P °^' ctxuXotç optLtaXiÔEî, ccî fj.lv E^ovn 1.

Et optSay.yo; pour opeiéay.yo;, dans ce vers d'Oppien :

Oùx sOsXti) xpieTY)as tavïïv 6pt'6c«/ov aEÎoçtv 2"

Toutefois, si nous consultons les grammairiens grecs,

i. Y, 94. — Les manuscrits et Grégoire de Corinthe (p. 203,etl Scha;f.) donnent ôpoi/.aX(o£;, leçon admise aujourd'hui par beau-coup d'éditeurs.2. Cyneg., I, 24.

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jamais il ne fut loisible d'abréger la diphthongue dans

ôpeiyal-z-o; et dans les noms de cette espèce ; voici, eneffet, la règle que pose Philémon, dans son Lexiquetechnologique, au mot âpiëpep-.éV/i; : ce II faut savoir,ce dit-il, que les composés de ô'po;, s'ils ont la syllabece qui suit pi, commençant par deux consonnes, s'é-te crivent avec i, comme ôpiêpou.o;, 6piëpeu.sV/i; et autreste semblables; et s'ils ont cette syllabe commençantce par une seule consonne ou par deux voyelles ou parte une, ils s'écrivent avec la diphthongue et, commete ôpeiëaeno;, ôpeîyaV/.o;, opetau).o; et autres semblables.te —'IcTéov et' OTI Ta Tfapà TO ô'po; Guyy.eijxeva, zi p.èv â'yousice Tyjv TTOQToCi pt, GiAlaêvjV o\à ouo cnjjxcptovcov,àià TO3 I ypa-ee cpsTat, o'tov ôpiëpou.oç, 6pt.epeu.sT7i;, y.al Ta ôp.ota- dce ctè oY évo; t7uu.epcovou,eiTe o\à ctuo eptovYievTcov,eÏTe tV évo;,ce oià TVÎ; ei etiepSoyyo'j, otov opetêacno;, op^iya^y.o;,ee ôpeiaulo;, xal Ta opta1.» Le grand Étymologique 8,l'Étymologique de Gude 3 et Eustathe'' reproduisent à

peu près la même règle. Le premier ajoute quelques détails dignes d'intérêt ; parlant des composés où entrele datif d'un nom neutre, terminé en o;, il dit : « Si cete datif est suivi d'une voyelle ou d'une simple con-« sonne, il garde la diphthongue ei, comme ô'pei dansce ôpetaïAo;, opeiyevvî; ; i'yyei dans ey/.etp.opo;. Mais s'il estce suivi de deux consonnes, il rejette l'e, comme êy/«te dans èy/ty.TU7ro;, opet dans ôpiTpotpo;. Sont exceptés les« composés de yJXkoc, et de û<{/o;,ou plutôt les seuls corn-ée posés de yJXkoç ; car pour ceux qui paraissent déri-

1. P. 86, éd. Osann.2. V. 'Optyocvov.3. V. 'Ey/ÊiptStov.4. Ad//. A', 166, p, 460.

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« ver de Sd/o;, on est d'avis de les tirer de l'adverbett Soi. — Et p/.èv tpojvvïev érctepepTiTat., YI h âi^oùv CJUMIUMOV,« cp'j7.aTTeTai 'h et eH'cpOoyyo;, oiov ô'pei, opeiaiAoç, oseiyeM-ziç*te ê'yyei, syyeuzopo;. El Se ètuo ewacptova èrrtcDcV/iTat., à.T:o€àX-« IVJGI. TO e" e'yyei., ey/ty.TUTïoç ô'psi, àpiTpotpo;" ycopt; TÛV« Trapà TOy.aXXo; y.al TO u<j>o;,oiov* xa'MuTirapÔevo;, ô'ja'Gpovo;.tt Rpe^TTov àè cyip-etoCaSat (J.ova Ta TTapà TOy.aXXo;" Tîeol yapte Ttov (W.OUVTCOVTrapà TO utpo; eivat, le'yeTai Ô'TITvapà TO UIJH« è~tpp7;u.a eîct. »De cette distinction, qui n'est pas, comme le pré-

tend Lobeck 1, une vaine subtilité, on peut déduire le

principe suivant, que les poêles grecs, sauf de rares ex-

ceptions dont l'ôpi?ay.yo; d'Oppien est la plus notable,n'abrégeaient point la diphthongue dans ces sortes de

composés. Mais comment expliquer la différence d'or-

thographe ? L'i simple n'aura sans doute remplacéd'abord la diphthongue que clans les cas où celle-ciétait abrégée; puis, à la faveur de l'iotacisme, il sesera introduit dans un grand nombre de ces mots, etenfin, après avoir été réprimé par une sorte de règle,il aura été encore toléré dans les^lndroits où, devantdeux consonnes, il n'affaiblissait nullement la quantitéde la syllabe. De là il suit que les Latins, en abrégeantla diphthongue de ôpeiyoXy.o;, consultèrent plutôt lacommodité de leur vers que les lois de la prosodiegrecque.Nous avons suivi l'orichalque à travers ses vicissi-

tudes chez les Grecs et chez les Romains, et on l'a vu,durant sa première période, ne représenter qu'unesubstance imaginaire, éclose du cerveau des poètes.

L kàPhrynic, p. 684.20

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Cette fiction s'est expliquée par le rapprochementd'une substance de semblable origine, et bientôt après,l'étymologie, qui devait exercer une si grande actionsur la destinée de ce métal, a tiré de son nom un in-venteur et un statuaire.Avec la seconde période a commencé l'existence

réelle de l'orichalque, qui s'est pris parfois pour le

simple cuivre, et s'est transformé le plus ordinaire-ment en une composition de cuivre et de zinc; nousavons expliqué les auteurs qui constatent le fait, et lascience nous a prêté son flambeau pour éclairer nosrecherches érudites. Plus tard, il a subi encore untroisième changement, el il est devenu un alliage decuivre et d'élain. Mais ici s'élevait une difficulté em-barrassante ; comment démêler les trois sens du motchez les auteurs ? Nous avons posé une règle destinéeà servir de guide, et nous en avons éprouvé la sûreté

par de nombreux exemples grecs et latins. Cependant,d'un autre côté, il a été établi que l'orichalque, touten désignant ces substances vulgaires, ne cessa jamaisd'être le signe fictifcde la substance idéale, et qu'onlui laissa souvent son ancien prestige, soit par imita-tion des vieux poètes, et afin de rendre la peinture de

l'âge mythique plus fidèle, soit pour rehausser la vé-tusté ou la vénération de quelque objet, qu'on sup-posait de ce métal. Pour faire ressortir celte dernièreintention, j'ai cité deux exemples intéressant vivementl'histoire de l'art, et le second, nous offrant en outreun précieux échantillon de la critique philologiquechez les Grecs.

L'orichalque n'était pas encore au bout de ses

épreuves ; de nouveaux changements l'altendaient

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chez les Romains, et c'est là qu'a commencé son troi-sième âge. Par un retour bizarre et un jeu de sa for-tune, il a dû alors à une fausse étymologie de devenirfabuleux pour la seconde fois, et à une double ortho-graphe de revêtir une seconde nature. Mais en avan-çant vers les temps modernes, il s'est restreint à l'u-nique et modeste signification de laiton ; nous l'avonsmontré, en suivant sa trace jusqu'au quatorzième siè-cle, et en ne le quiltant qu'au moment où le métal, sibrillant à son origine, disparaissait obscurément sousun mot de notre propre langue.Il ne restait plus qu'à faire quelques remarques

grammaticales sur la forme extérieure du nom, et c'est

par là que nous avons terminé.Là s'arrêtait aussi la tâche que j'avais entreprise;

mais il m'a semblé que pour compléter mon travail,autant que par égard pour les savants qui s'étaient

occupés du même sujet, il convenait de résumer en

peu de mots les principales hypothèses qu'ils ontavancées sur l'orichalque. J'observerai l'ordre chro-

nologique plutôt que l'ordre d'importance de ces expli-cations, afin que l'on puisse voir d'un coup d'oeil ce

qu'elles se doivent les unes aux autres, ou tout aumoins celles qui ont l'avantage de la priorité pourcertaines idées.

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CHAPITRE V.

Analyse critique des principales hypothèses qui ont été émisessur l'orichalque.

JULES-CÉSAR BOOLLENGER.

Jules-César Boullenger, le compilateur tumultueux,l'érudit un peu superficiel, a consacré trois ou quatrelignes à l'orichalque, où nous voyons qu'il ne remon-tait pas au delà de la fausse orthographe et de la fausse

étymologie du latin aurichalcum, et qu'il assimilait deson chef l'airain de Corinthe à cette dernière compo-sition : te Latini putarunt aurichalcum ex auro et aèrece componi, addita Cadmea terra, sicut electrum exet auro et argento. y£s Corinlhium fuit verum auri-ee chalcum, quia ex auro et aère conflatum. Orichal-ee cum illud montanum Aristoteles in rerum naturace esse negat; optime 1. »

SAVOT.

Savot, le docte et habile numismatiste, que nousavons déjà eu occasion de citer, était aussi fort versé

1. Opuscul., t. I, p. 55.

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dans la métallurgie, principalement celle qui toucheaux médailles, ce qui lui a valu de la part d'un excel-lent juge, du P. Jobert, l'éloge ecD'avoir traité pluste curieusement que tous les autres antiquaires le dé-cepartement des métaux dans les monnaies 1. »Amené donc par son sujet à parler de l'orichalque,

il l'a fait en quelques mots, mais fort aventurés, etque nous ne relevons que par considération pour l'au-teur. C'est une conjecture, en effet, purement gratuite,formée sur un aperçu vague et superficiel du sujet, eten outre, contradictoire, te Le cuivre, dit-il, qui a estéec teint en jaune principalement avec la calamine ou laee tuthie, est appelé par les Latins orichalcum. J'ay ditte cy-devant qu'il s'en fait aujourd'hui un Irès-beau,ce et fort approchant de la couleur de l'or, par le moyente du calaem ou speautre qui vient des Indes, lequel« speautre pouvoit bien eslre le pseudargyrus deStra-« bon Ce speautre apporté des Indes, qui reud lete cuivre pareil à l'or en beauté, et meilleur que l'orceen dureté, pourroit bien estre la teinture de cet ori-« chalcum des anciens, qui a esté si rare qu'il ne sete trouvoit plus du temps de Platon, ny d'Aristote, etce encore moins de celuy de Josephe ou de Pline, ette lequel estoit anciennement plus estimé que l'or« mesme, comme le ditServius, etci... Quelques-<euns tiennent, nonobstant les observations de Nico-ee laus Erylhroeus, qu'il faut escrire ce mot aurichal-te cum, par la diphthongue au, et non pas par un o,<ecroyant que ce métal fust composé d'or et de cui-te vre, ce qui n'est pas sans apparence, et sans appuy

1. La Science des Médailles, t. I, p. 44.

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te de raison; car les anciens ne sçachant pas l'art dete séparer l'argent et le cuivre d'avec l'or, sans perdrece l'argent et le cuivre, il est à présumer qu'ils en fai-te soient plustost cpie de les perdre, principalementte quand l'or se trouvoit meslé avec une quantité no-te table d'argent et de cuivre, deux particulières es-te pèces de métal, appelant la première, où l'argentte estoit meslé, electrum, et l'autre où il y avoit duce cuivre, aurichalcum, quoy cjue quelques-uns pren-tt nent quelques fois l'aurichalcum pour Yelectrum*.»La plupart de ces suppositions se trouvent déjà ré-

duites au néant par ce qui a été dit dans le Mémoire,le reste sera réfuté par les réponses cjue nous avons àfaire à d'autres hypothèses ; je me contenterai de re-

marquer ici que Savot aurait pu enrichir la synony-mie , ou plutôt augmenter l'équivoque du mot auri-

chalcum, en le rapprochant de pyropus, qui était un

amalgame de cuivre et d'or, dans les proportions sui-

vantes, les quatre cinquièmes de cuivre et un cinquiè-me d'or, comme nous l'apprenons de Pline : ce /Es in« uncias, additis auri scrupulis senis, praetenui pyropice bractea ignescit' 2. » Mais il n'a point parlé du py-rope, qui lui eût offert la véritable composition qu'ila faussement vue dans Yaurichalcum par les yeux des

grammairiens.

SAUMAISE.

Après Savot, je place immédiatement Saumaise,bien cjue le livre où se trouve sa doctrine sur l'ori-

\. Discours sur les Médailles antiques, p. 114-116.2. Nat. Hist., XXXIV, 20.

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çhalque, n'ait été publié qu'en 1689, parce que cetouvrage posthume remonte beaucoup plus haut. Legrand érudit habituellement désordonné, contradic-toire, s'est montré ici avec tous ses défauts, mais unpeu exagérés; tâchons de recueillir et de coordonnerses idées confusément cparses.Saumaise a d'abord voulu corriger le passage d'A-

ristote, cité par le scholiaste d'Apollonius de Rhodes.Jugeant que le philosophe ne pouvait avoir avancé

que l'orichalque n'existât pas même de nom, il croit

qu'on doit lire nécessairement: <cty-r^l piv Ô7wapysivTOte ôvojy.a, pv/j eivai Se TO TOUTOUelcto;, — Aristote assureet que celle espèce de cuivre existe de nom, sanste exister de fait, » au lieu de : ce<î>r,aiprM ûirapysiv TOte ôvopi.a, [j.rM TOTOUTOUelàe;, — Aristote assure que cette« espèce de cuivre n'existe ni de nom ni de fait. »te Verba illa non sine vitio. Mirum enim si putassetce Aristoteles nec exstare nomen orichalci, ut nec resce exslabat ; omnino legendum : <J>YI<JIp/iv, /.. T. I.

1»Saumaise n'a point compris la pensée d'Aristote; le

philosophe ne songeait nullement à nier que le mot

orichalque n'existât dans la langue, puisqu'il s'en sert

lui-même; mais il prétendait que c'étaient là des syl-labes imaginées par les poètes, et qui ne s'appli-quaient à rien dans la nature : il prétendait que l'usagen'avait jamais imposé ce nom à une substance quel-conque; d'où il se croyait en droit d'affirmer que l'o-

richalque, en tant que réalité, n'existait ni de nom nide fait.

Après avoir modifié la pensée d'Aristote à son gré,

1. De Homonym. Hyl. Iatricm, p. 228.

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l'illustre érudit l'interprète encore à sa manière. Ons'est étrangement abusé, s'il faut l'en croire, quandon s'est imaginé que les anciens avaient nié absolu-ment l'existence de l'orichalque. Leur négation n'était

que relative; ils niaient qu'il existât un pareil métal àl'état de corps simple, comme l'or ou l'argent; maistous reconnaissaient un alliage de ce nom, produit parl'industrie de l'homme. Telle est l'opinion que Sau-maise a développée ou plutôt délayée dans des redites

qui annoncent le premier jet d'une pensée informe :ec Profecto oportet speciem aliquam fuisse cognitamte veteribus, cui hoc nomen fuerit positum. Nec eorumce rationem capio, qui ferebant nomen ipsum jactari,ce quum res ipsa non exstaret Sed nec bene intellectaet videtur dubitatio illa veterum quorumdam, an essetce orichalcum. Qui hoc in dubium vocarunt, non ne-te gabant aliquid esse, quod dicerelur orichalcum;te sed exstare hujusrei metallum inficias ibant, ut oeris,te argenti et auri inveniuntur metalla. Hoc maie qui-tc dam acceperunt, quasi negaretur ab illis in totumte aliquid esse in rerum existentia , quod vocareturte orichalcum ; quod profecto absurdissimum. Intel-celigebant quippe illi nullam exstare naturalem venam,« quae daret orichalcum, ut est quae aes edit et aurumce argentumque. Orichalcum igilur rem esse factitiam« et mixtam compositamque voluerunt; aeris nempete genus alicpiod, cui color ille auri quoereretur arte,te cuique nomen imposilum esset orichalci 1. »Celle prétendue distinction attribuée à Aristote et à

ses parlisans n'est qu'une supposition gratuite et de

1. DcHomonym. Hyl. Iatricx, p. 228.

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tout point inadmissible. Comment croire, en effet,que si du temps d'Aristote, il existait un alliage decuivre appelé orichalque, le philosophe eût pris lapeine d'observer que cette composition ne se produi-sait point naturellement, c'est-à-dire d'enseigner ceque tout le monde savait aussi bien que lui? Il n'adonc pu vouloir marquer la différence d'un métal na-tif avec un alliage artificiel; et son unique but, danscette circonstance, a été de faire justice de l'orichalquedes poètes, en le signalant comme une double chimère.Du reste, nous aurons occasion de revenir encore surcette hypothèse que Beckmann a renouvelée.

BOCHART.

Bochart, dont personne ne conteste la riche et vasteérudition, mais qui se préoccupait bien "plutôt d'étalerdu savoir que d'approfondir la science, de multiplierles citations que de les digérer avec méthode, a con-sacré à notre métal quatre colonnes de notes dansYHierozoïcon. Ces notes cousues bout à bout, et sansautre ordre que celui où elles étaient entassées dansses Advcrsaria, troublent l'esprit au lieu de l'éclairer,et embrouillent la matière au lieu de l'éclaircir. En

outre, aucune des nombreuses difficultés du sujet ne

s'y voit,' je ne dirai pas sérieusement discutée, maismême abordée; et tous les résultats qu'on en re-

cueille, c'est que le savant orientaliste a pensé queYaurichalcum des anciens ne se.trouvait plus, et qu'iln'entreprend point de décider s'il existe réellementou s'il a jamais existé; qu'en résumé son avjs est qu'on

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peut rendre compte du nom, mais que la chose est àpeu près indéfinissable, te Et an vere exstet, aut verete unquam exstiterit, jam inde ab Aristolele conlro-ee versa res fuerit inter scriptores.... Sed rem definireeccuivis non est obvium '. »

KIRCHER.

Le P. Kircher, dans son Mundus Subterraneus,assure que l'orichalque n'est autre chose qu'une com-binaison du cuivre et de la calamine, opérée dans lesein de la terre par la main de la nature, et s'en ex-

trayant comme un autre minéral. Cependant il recon-naît aussi une seconde espèce, résultat de la même

combinaison, opérée dans nos fourneaux par l'indus-trie de l'homme. 11 y a donc, selon lui, un orichalquenatif el un orichalque artificiel, et c'est au premiercpi'il rapporte le métal dont Pline a vanlé l'excellence,te Dicimus orichalcum nihil aliud esse quam aes cadmia

etjfossili, Vulcani subterranei vi tinctum, et subindete naturale reperiri; attamen faclithmi, neque tan tate laborum difficultate, neque tôt operarum expensiste paratur. Est itaque orichalcum duplex, naturaleet et artificiale. JNalivum vocamus ex propriis niineriste erutum, quod Plinius ob insigtiem bonitatem sum-tt mopere commendavit; id poslea dicta de causate desiit, et species qtkvdam orichalci naluralis, quoete inter Mexicum et Darienem effodilur, qua? nullace tamen Uammarum violentia lundi polest, sat super-ee que demonstrat". »

1. Hieroz., p. 880 sejej.2. T. II, p,. 218.

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Ces assertions n'expliquent rien, contredisent tout.et s'appuient en outre sur un fait physiquement inad-missible, à savoir l'existence d'un laiton naturel. C'estlà de la géologie comme en a fait trop souvent leP. Kircher, dans son Monde plutôt imaginaire quesouterrain.

BUFFOiV.

Buffon, nous l'avons entendu, présumait que Yau-richalcum de Pline était une espèce de tombac, cuivrechinois, dit-il, te Qui ne paraît être au premier coupte d'oeil qu'une simple mine de cuivre, mais qui est« mêlé d'une assez grande quantité d'or. »C'est là une conjecture avancée au hasard et sans

connaissance de cause. Assurément le grand écrivainn'était pas sorti de Pline pour s'enquérir de l'ori-

chalque; mais abusé d'abord par la fausse orthographedes Romains (aurichalcum), il en sera venu naturelle-ment à leur fausse étymologie, et aura rencontra àsouhait le tombac pour expliquer l'une et l'autre.

DE LAUNAY.

J'arrive à une explication qui réclame de nous uneattention particulière; il ne s'agit plus, en effet, celte

fois, d'une hypothèse jetée en passant, mais d'unedissertation ex professo sur le sujet même qui nous

occupe.En 1780, un membre de l'Académie des Sciences

et Belles-Lettres de Bruxelles, de Launay, avoca»au Conseil souverain de Brabant, lut devant sa s»-

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ciété, dans la séance du 10 février, un Mémoire surF Orichalque clés anciens 1. Ce travail semblait devoirrendre le nôtre sinon superflu, du moins d'une utilitéfort secondaire; mais une courte analyse du Mémoirede l'académicien belge suffira pour montrer, que loind'avoir épuisé la matière, de Launay ne l'a pas mêmeeffleurée; et que, content d'avoir présenté le sujetsous une de ses plus étroites faces, il a méconnu ce

qui en faisait l'importance et la difficulté, et laisséabsolument intact le problème qui embarrassait jus-qu'à présent la science et la philologie.De Launay s'est exclusivement préoccupé d'établir

ce que tout le monde avait dit avant lui, de prouverce que personne ne contestait, à savoir, qu'à une épo-que de sa durée, l'orichalque désigna le cuivre jaune.Mais en vérité la difficulté n'était point là, et c'est avoirméconnu la donnée du problème. Il s'agissait d'abordde découvrir comment une substance qui avait abouti

par n'être plus qu'un alliage vulgaire, fut célébrée

pendant longtemps à l'égal des plus rares et des plusprécieux métaux. Qu'a fait de cette question le savant

belge? Il ne s'en est nullement embarrassé. « C'estte pour avoir ajouté foi, dit-il, ainsi qu'a fait Pline, auxte récits des poètes; c'est en outre pour avoir recueillice indifféremment tout ce que les anciens nous ontee laissé sur l'orichalque, ou tout ce qiù dans leurste écrits semble y avoir trait, que les commentateurste modernes ont embrouillé la matière, en sorte qu'once ne trouve plus qu'un chaos d'idées dans l'ensemble

1. Mémoires de l'Académie des Sciences et Belles-Lettres deBruxelles, t. III, p. ?,6S-383.

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te de toutes leurs observations sur la substance métal-« lique dont il s'agit '. » Et là-dessus il ne trouve riende plus commode que de supprimer les récits despoètes, de supprimer les passages des anciens, saufun ou deux, établissant que l'orichalque se prit pourun alliage de cuivre et de zinc.Mais sans m'arrêler aux procédés de cette étrange

critique, comment de Launay n'a-t-il pas senti qu'à ladifficulté qu'il supprimait, il en substituait une autrebeaucoup plus embarrassante? 11 serait, en effet, toutaussi absurde que les anciens poètes connaissant l'ori-chalque pour un véritable laiton, l'eussent placé au-dessus de l'or et de l'argent, qu'il serait absurde devoir aujourd'hui nos poètes montrer cette bizarrepréférence. Sur quelles preuves s'est ensuite appuyéde Launay pour reculer indéfiniment l'origine dulaiton? Quant à moi, je n'ai pu, après des recherchesminutieuses et approfondies, remonter le commence-ment de cet alliage au delà de Théophraste et de

Théopompe. Cependant en avançant dans son Mé-

moire, le savant belge paraît avoir éprouvé un scru-

pule; ceSi je laisse à part, dit-il, tout ce qui concerne« l'orichalque dans des descriptions purement poé-« tiques, auxquelles un historien ne s'arrêtera guère« et un naturaliste encore moins, je ne trouve pas« que cette. substance ait eu chez les anciens un« mérite tel qu'on se l'est quelquefois imaginé 2. »

Mais, pour parler ainsi, a-t-il pesé mûrement tous

1. Mémoires de FAcadémie des Sciences et Belles-Lettres de

Bruxelles, t. III, p. 377 sq.2. Ibid., p. 381.

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les témoignages? Il cite une seule phrase de Platon,d'après la version latine, et pour le ranger parmi les

poètes; il ne tient aucun compte de Pline; et quantaux grammairiens, il les passe sous silence.A celte difficulté s'en rattachait étroitement une

autre, celle d'expliquer le retour de plusieurs écrivainsd'une époque récente à l'opinion admirative des an-ciens pour l'orichalque et à l'emploi de cette substance

pour les plus nobles usages. De Launay qui n'a cité

que l'exemple de Virgile, et qui aurait pu l'écarter avecson système d'exclusion, a pensé que le poète désignaitpar Yorichalcoalbo de la cuirasse de Turnus le xaest-

Tepo;, Yétain d'Homère. On voit qu'il était difficile de

conjecturer plus malheureusement, et pour ma part,j'aime cent fois mieux la réserve modesle de M. LaurentLersch qui, dans ses Antiquités virgiliennes, à proposde l'orichalque de celte même cuirasse, nous dit:te Orichalcum metallum pretiosissimum quale fuerit,te naturae scrutatoribus relinquendum existimo '. »Restait en finissant un dernier noeud à résoudre;

il s'agissait de rendre compte du changement d'or-

thographe et de sens arrivé dans le mot orichalque,chez les Romains. De Launay n'a rien aperçu sous ces

altérations, et n'en a pas même soupçonné la cause.

Dirai-je maintenant qu'il n'existe aucun ordre dansce Mémoire, et que la critique n'y fait- pas moinsdéfaut que la méthode? Ajouterai-je qu'on y trouve• à peine la vingtième partie de l'érudition nécessaire?Pour le faire juger sous ce dernier rapport, il suffirade remarquer que l'auteur non-seulement n'a pas dis-

1. Antiquit. Virgil., Bonnoe, 1843, p. 65.

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cuté, mais qu'il n'a pas même cité, et qu'il a connu à

peine sur ouï-dire les deux passages fondamentaux deson sujet, le passage du scholiaste d'Apollonius deRhodes et celui de Strabon.Ces omissions font présumer assez, sans qu'il soit

besoin de le dire expressément, que dans le travail del'académicien belge, on ne rencontre aucun de cesdétails sur lesquels nous nous sommes longuementarrêté, détails si importants pour la connaissance dela métallurgie antique, si précieux pour l'histoire desarls du dessin.Une insuffisance si bien démontrée, serait néan-

moins difficile à comprendre, si nous n'en donnionsen quelque sorte le secret. Pour traiter un pareilsujet, c'était peu d'être historien et naturaliste; ilfallait être encore et surtout un philologue, capabled'entrer dans la discussion approfondie des textes

grecs et latins. Sans parler, en effet, de beaucoupd'autres difficultés, dont la solution ne s'obtenait qu'àce prix, ce n'est que par la philologie latine qu'onpouvait expliquer la destinée de l'orichalque chez les

Romains; ce n'est que par la philologie grecque qu'onpouvait éclaircir le passage de Strabon, et tirer decelui du scholiaste d'Apollonius tous les curieux ensei-

gnements qu'il renferme. Or, cet instrument n'a pasété mis une seule fois en oeuvre dans tout le Mémoire ;il serait même permis de penser, si on en juge àl'extrême rareté des citations grecques, et à l'usageconstant des versions latines, que l'auteur était peufamiliarisé avec le grec. Je crois donc pouvoir répétersans injustice et à titre de conclusion, le jugementque j'ai porté du Mémoire de l'académicien belge.

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RICHARD WATSON.

Trois ans après de Launay, en 1783, un membrede la Société Littéraire et Philosophique de Manches-

ter, Richard Watson, évêque de Landaff, présentaitaussi à sa compagnie un Mémoire Sur l'orichalque,On orichalcum \ Ce travail, qui ne diffère essentielle-ment en rien de celui de l'avocat du Brabant, mériteles mêmes reproches, mais un peu aggravés : ni ordre,ni critique, ni discussion d'aucun genre, pas mêmel'indication des passages les plus indispensables.Comme son prédécesseur, Walson a vu partout

du laiton sous l'orichalnue : s'appuyant de quelquespassages, notamment de celui de Cicéron, où l'ori-

chalque désigne évidemment cet alliage, il en a conclu

par induction que de tout temps le même mot signifiala même chose. Mais l'assertion négative d'Aristote'et de ses partisans; mais cette longue réclamationde l'antiquité contre l'existence de l'orichalque pri-mitif? Watson ne s'en inquiète point. Cependant ledocte évêque reconnaît que dans la haute antiquiténotre métal jouit d'une estime universelle, et quepour cette raison, on a été fondé jusqu'à un certain

point à le regarder comme une substance d'un ordre

plus relevé que le cuivre; mais il croit pouvoir conci-lier cette difficulté avec son opinion, à l'aide d'une

hypothèse qui lui est particulière, et qui fait aussitoute l'originalité de son Mémoire. A son avis, après

1. Memoirs of the Literary and Philosophical Society of Man-chester, t. II, p. 47-67.

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la découverte du laiton, il dut s'écouler un tempsconsidérable, peut-être même plusieurs siècles, pen-dant lesquels cet alliage fut extrêmement rare; orcette rareté, jointe à la supériorité réelle du métal,dut le rendre un objet très-précieux, et lui valoir lesplus grands éloges, ceWhenever the method of mak-ecing brass was first found out, it is certain that itcemust bave been for some time, perhaps for someceâges, a very scarce commodity; and this scarcityte added to its real excellence as a metallic substance,cemust bave rendered it verv valuable, and intitled ittt to the greatest encomiums '. »Celte hypothèse n'est pas plus soutenable que celle

de de Launay, et les mêmes objections se présentent.D'abord Watson remonte arbitrairement l'origine dulaiton à une époque où bien certainement il n'existait

pas; en second lieu, il oublie que les anciens ont tou-

jours donné l'orichalque primitif comme un métal

naturel, et que les propriétés qu'ils lui supposent nesauraient s'appliquer au laiton. Le docte prélat à lavérité admet aussi l'existence d'un orichalque natif :« Pour ce qui est, dit-il, de l'orichalque naturel,te rien n'empêche de supposer qu'une mine de cuivrete puisse être si intimement mêlée avec une mine de« zinc ou de quelque autre substance métallique, que« le composé, quand on vient à le fondre, puisse pro-« duire un métal mixte, d'une teinte plus pâle que le« cuivre, et ressemblant en couleur, soit à l'or, soit à« l'argent. — As to ihe natural orichalcum, there is

1. Memoirs of the Literary and Philosoph. Society of Man-chester, t. II, p. 61.

21

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—. 322 —

et no impossibility in supposing, that copper ore mayce be so intimately blehded with an ore of zinc, or of« some other metallie substance, thât the compound,ecwhen smelted, may yield a mixt métal of a palerte hue than copper and resembling the colour of eitherce gold or silver 1. » Mais il ne fait par là qu'ajouterUne impossibilité physique à ses autres erreurs.Nous avons dit que Watson ne discute point, en

revanche il affirme beaucoup. A l'entendre, on seraitautorisé à conclure d'un passage d'Aristote et d'unautre de Strabon, qu'il se fit du laiton en Asie abso-lument de la même manière qu'il paraît s'en être faità Rome : te Much after the same manner in which« it appears to bave been made at. Rome. » Le lecteurconnaît les deux passages, et il s'étonnera sans doute

que Watson ait découvert la fabrique du laiton dansle premier, et qu'il n'ait point expliqué comment illa découvrait dans le second.

Qu'ajouter encore ? si ce n'est qu'au lieu d'unMémoire d'académie, nous n'avons ici en réalité quequelques conjectures jetées superficiellement sur un

sujet que l'auteur avait peu étudié, et qu'il eût peut-être difficilement approfondi, faute de l'instrumentqui manquait, à de Launay.

BECKMANN.

Beckmann, dans son commentaire sur le traité deàRécits merveilleux, prétend que l'orichalque des an-ciens était un mélange de cuivre et de zinc, en même

1. Mcmoirs of the Litcrary, etc., p. 59.

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, # _ 323 — .

temps qu'une production naturelle, et il allègue pourraison que dans un grand nombre de mines le zinc etle cuivre se trouvent réunis, et donnent du laiton àla première fonte. Quant à l'assertion négative d'Ari-stote, il l'explique en disant que le philosophe ne niaitpas ce mélange, mais qu'il soutenait seulement quel'orichalque n'existait point à l'état simple ou pur; cequi, ajoute-t-il, entendu de la sorte, est vrai, puisquel'orichalque n'est jamais qu'un alliage opéré par lanature ou par l'art, te Verum tamen prorsus non du-cebito quin aurichalcum primum quod innotuit, etet plurimum quod olim in usu fuit, aurichalcum fueritte non arte factum, sed naturale. Constat enim interee omnes, in multis fodinis aerariis zincum, quod eu-te prum tingit, vario modo immixtum juncLumque re^ceperiri, ita ut inde cuprum prima jam fusione luteum« existât Videlicel Aristoteles negavit aurichalcum« esse peculiare metallum simplex sui generis. Rectete ita quidem; nam factitium est metallum, compo-te situm vel natura vel arte e cupro et zinco \ »Cette hypothèse se compose, on le voit tout d'abord,

de deux emprunts : l'un fait au père Kircher, pour la

première partie, l'autre à Saumaise, pour la seconde.Est-ce une réminiscence? est-ce une rencontre ? L'unou l'autre sans doute, puisque Beckmann n'a nomméaucun de ses prédécesseurs. Quoi qu'il en soil, exa-minons son hypothèse; ce sera une occasion de

compléter la critique que nous avons déjà faite des

explications de Kircher et de Saumaise.En ce qui touche la première partie, Beckmann est

1. De Mirabil. Auscult., p. 133 sq.

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tombé dans un singulier abus de raisonnement, et quisuffirait pour compromettre chez lui le logicien et lenaturaliste. Les anciens n'ont point parlé de deux

métaux, mais d'un seul; et ce qu'ils rapportent de

l'orichalque primitif ne saurait, nous l'avons montré,s'appliquer au laiton. Le docte commentateur allèguecomme chose avérée (constat inter omnes) que dans

plusieurs mines le zinc et le cuivre, déjà unis ensem-

ble, ne demandent qu'une première fonte pour pro-duire un cuivre jaune. Cela nous paraît peu croyable.Toutes les mines, en effet, où le zinc se trouve uni àun autre métal sont de seconde formation; or, lesmines de ce genre exigent toujours des travaux plusou moins considérables, comme feux de grillage réi-térés et fontes successives, avant de se laisser réduireen bon métal. Maintenant, s'il en est ainsi, est-on bienvenu à dire qu'on obtient un cuivre jaune à la premièrefonte, et que ce cuivre est du laiton? N'est-il pas sur-tout souverainement abusif d'appeler ce produit denotre art et de nos efforts une production naturelle?Beckmann s'appuie sur le récit d'un naturaliste, quinous apprend que dans une province du Chili ontrouve le cuivre uni au zinc, ou le laiton naturel, enmorceaux de différentes grandeurs, adhérents à une

espèce de pierre terreuse, friable, de couleur tantôt

jaunâtre, tantôt vert brun : ccNelle colline délia provin-ce cia di Huilquilemu si ritrova il rame unilo al zinco,ce o sia l'ottone naturale in pezzi di differenti gran-ce dezze, aderenti ad una specie di pietra terrosa, frangi-cebile, di colore ora giallognolo, e ora verde bruno1.»

i. Saggio sulla storia naturale ciel Chili, Bologna, 1782, p. 99.

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Mais, malgré le terme impropre de laiton naturelemployé par Molina, l'exemple n'en dit fas moinsle contraire de ce qu'on lui demande. La présencedes deux métaux, mélangés de terre, annonce unepyrite cuivreuse, de difficile réduction et demandantplusieurs feux pour désunir les parties terrestresd'avec les métalliques. Envisagée comme interprètede la pensée des anciens, l'hypothèse de Beckmannn'est pas moins insoutenable. Jamais les anciens nenous ont donné à entendre que l'orichalque primitiffût une composition; toujours, au contraire, ils enont parlé comme d'une substance simple. Ce qu'ilsdisent ensuite de l'excellence de ce métal ne saurait,nous l'avons aussi montré, s'appliquer au laiton.Mais le tort le plus grave du commentateur des

Récits merveilleux, c'est d'avoir, par une subtilitévraiment sophistique, prêté ses idées ou plutôt ses. erreurs à Aristote. Ni les paroles du philosophe, ni

l'opinion de ses contradicteurs, rapportées par le

scoliaste, ni les termes mêmes dont se sert ce der-

nier, n'autorisent à croire un seul instant qu'Aristoteait songé à faire la vaine distinction qu'on lui attribueentre un laiton prétendu naturel et un laiton artificiel.Il niait, nous l'avons entendu, purement et simple-ment, l'existence de l'orichalque, et si sa négation netombe pas sur le métal imaginé par les poètes, elleest sans objet.

MARTINI.

Ernesti, dans son Archéologie littéraire, n'avaitconsacré que trois ou quatre lignes à l'orichalque, se

bornant sur ce point, comme en tout le reste, à tracer

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des linéaments plutôt qu'à dessiner des formes, à indi-

quer les sujets plutôt qu'à les traiter; mais le doctecommentateur de son livre, Martini, dans un de cesExcursus destinés à développer et à rectifier les pointsprincipaux que le sommaire n'avait qu'effleurés, a ré-

paré la brièveté insuffisante d'Ernesti 1. Toutefois cet

Excursus, plus érudit que critique, s'est surtout atta-ché à réunir un certain nombre de passages relatifs à

l'orichalque, sans observer ni ordre ni méthode, sanstoucher non plus à aucune des graves difficultés du

sujet. Le seul passage auquel Martini se soit arrêté,c'est celui du scoliaste d'Apollonius de Rhodes, pourexaminer l'assertion d'Aristote; mais il y est tombédans plus d'une erreur.Il a pensé que dans la phrase : ee ^ptcTOTiDai; Si Iv

te TeleTaî; <pv)en[j:i)àï ùiïapyeiv TO ô'vopia, u.7jàè TO TOÛTOU-cc e!o"o;, » il fallait entendre ovou-a, du nom de l'inven-teur de l'orichalque; or, le sens et la syntaxe grecques'y opposent formellement, eeTo ovou.a (ejus puto, quiet id invenisse, et ex quo nominalum esse creditur).»Il a cru, en second lieu, pouvoir reprocher à Ari-

stote d'avoir manqué, dans cette circonstance, de ré-serve et de pénétration : selon lui, le philosophe aurait,dû voir que si les poètes embellissent, altèrent mêmela vérité, le fond de leurs récits n'en est pas moins

toujours réel ; c'est pourquoi il se range de l'avisde Platon, qui a positivement attesté l'existence de

l'orichalque, dans son île perdue, ec Namque velte ipsa eorum commenta et fabulae, adeo non même

1. Èrnesti Archoeologia liter., etl. G. H. Martini, Excurs. VII,p. 182-189.

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te sunt fabulae, mera commenta, ab omni vero longe« remotissima, ut potius in singulis veri nonnihil« insit. Aristoteles igitur non ita ut par ërat et acu-« lum prudentemque philosophum decebat, sese ges-te sit, dum ôpeiya)aov, a poetis tantopere laudatum,te praeterquam inane nomen, nil esse, nec nisi exte illorum ingenio effluxisse contendebat. Huic ejuste sententioe, praeter aliorum, quos TroluTCpayu.ovecjTé'pou;te vocat scholiastes, scriptorum testimonia, planete adversatur Plato Nimirum ut Arislotelis de ori-« chalco sententia admodum infirma, et assensionete nostra vix digna appareat, nosque non temere nec« inconsiderate Platonis in partes transirevideamur1.»Ainsi Martini a replacé la question au point même

où elle était du temps d'Aristote, et il s'imagine larésoudre contre le philosophe, en lui opposant préci-sément les témoignages que celui-ci récusait. Il estvrai que Martini allègue le noyau de réalité qui sertde fondement aux récits poétiques ; mais c'est encorelà le point de la difficulté. Aristote demandait aux

poètes quel était ce métal qu'ils assimilaient à l'or, et

qu'ils mettaient parfois au-dessus; s'il tenait de l'usageson nom d'orichalque, et s'il existait dans la nature

quelque matière analogue; et nul ne répondait à ces

questions. 11 n'y avait qu'un moyen de concilierle fondement réel des allégories poétiques avec lesdémentis du philosophe, c'était de montrer dans

l'orichalque le cuivre naturel idéalisé; mais alors ondonnait gain de cause à Aristote, et l'orichalque

1. Ernesti Arckmologia liter., éd. G. H. Martini, Excurs. VU,p. 185-187.

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n'était plus un métal aux veines épuisées ni disparude la nature, c'était tout simplement un nom fictifdonné à une substance vulgaire, afin de l'ennoblir.

Cependant, après avoir rejeté la grave autoritéd'Aristote, et pris résolument parti pour la fable,Martini se trouvait encore dans l'obligation de nousdire quelle était la substance qui, selon lui, avait servide fondement ou au moins de prétexte aux embellisse-ments des poètes. Il en a découvert une, en effet;écoutons-le : ceNon ita diu innotuit metallum, aurote fere par, quod platinée nomine vocare soient viriceharum rerurn amantes. Id ultra Herculis columnas,te in Americae regionibus reperiri, in Europam depor-ee tari, colore fere candido esse, maximique aestimarice constat. Possintne haec omnia nos in opinionemce adducere, ut hoc metallum, Europoeis brevi abhincte tempore cognitum, si non pro ipso antiquorumce orichalco, cerle quidem pro génère ipsi simillimoce finitimoque habere audeamus 1? »L'aurait-on deviné? c'est le platine. De toutes les

hypothèses, voilà sans contredit la moins soutenable

qui se soit produite. Le platine est une matière métal-

lique connue seulement en Europe depuis à peu prèsun siècle, et que l'ancien monde ignora complète-ment;,en outre, sa nature, qui n'a rien de communavec celle du cuivre, sa couleur, qui est presque cellede l'argent, auraient fait du nom d'orichalque la plusimpropre et la plus inconcevable des dénominations.Joint à cela que le platine est encore moins fusible

1. Ernesti Archxologialiter., éd. G.A.Martini, Excurs. VII,p. 188.

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que la mine de fer, laquelle les anciens n'avaient passu fondre. Du reste, soyons justes, Martini ne s'estpoint dissimulé la vanité de sa supposition ; car auxparoles que nous venons de citer, il ajoute immédiate-ment : ce Equidem decernere nolo; videant alii me« intelligentiores; » et vers la fin de son Excursus, ildit encore : « Plura hariolari non lubet. » Déjà, dansla Préface du livre, il avait rangé l'existence de

l'orichalque naturel au nombre des problèmes quilui paraissaient insolubles : ce Eis adnumero quaeet de orichalco non factitio, sed nalo aliis disputata« sunt. »Il est donc bien entendu que nous ne prendrons

pas ses imaginations au sérieux, c'est lui-même quinous en avertit; seulement, on se demande alors à

quoi bon former des présomptions que l'on détruitsoi-même?

GOETTLING.

Je termine cette revue analytique par l'exposé de

l'opinion la plus étrange, disons mieux, la plus para-doxale, qui se pût imaginer sur la matière : c'est celled'un récent commentateur d'Hésiode, de Goettling.Selon cet érudit, ce serait le latin aurum qui aurait

engendré le grec ôpeiyaTao;; à l'entendre, les Toscans,à qui les Latins doivent le mot aurum, avaient com-

posé un métal d'or et de cuivre, et l'ayant transmisaux Grecs, ceux-ci le désignèrent par ôpeiyalxo;.Comment cependant la transmission s'opéra-t-elle ?

Toujours selon M. Goettling, le poète le plus ancien

qui ait parlé de l'orichalque, c'est l'auteur de l'hymnehomérique à Vénus; or, ce poète connaissait les Tos-

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cans, puisque l'auteur de l'hymne homérique à Bac-chus fait mention du même peuple. D'un autre côté,tout porte à croire que le cuivre fut agréable à Vénus,comme étant une production importante de son île

privilégiée, l'île de Chypre, d'où le métal s'appelamême cuprum ou a?s Cyprium. Citons textuellement

pour bien établir cjue nous n'y mettons point dunôtre : ce Hoc metallorum çenus ab auclore bvmnice in Vener., 9, primo memoratum. Tamen Latinorunice aurum in ôpeiyâ"Xy.ou (aurichalci) vocabulo laterece nullus dubito. Videtur enim a Tuscis primum, exce quorum sermone aurum receptum est Latinis, hocce metallorum genus Gratis allatum esse, conflatumce ex auro et cupro, proprio illo Tuscorum métallo,ce Atqui Tyrrheni (nernpe Tusci) noti sunt auctoriee hymni in Bacchum, 8, et cuprum propterea Venerite acceptum fuisse videtur, quod in Cypro insulace magna ejus metalli vis effodiebatur, unde nomenee tulit apud nos. Cuprum enim est metallum Cy-cc priuml. »Si de pareils jeux d'esprit méritaient une réfutation

sérieuse, nous demanderions à M. Goettling commentil prouve que YHymne à Vénus est plus ancien que leBouclier d'Hercule; comment il prouve que l'auteurde YHymne à Bacchus est le même que celui de

YHymne ci Vénus. Nous lui demanderions qui lui afourni des renseignements si certains sur l'origineétrusque du mot aurum, et du prétendu métal à'oret de cuivre ; nous lui demanderions enfin pourquoiil ne nous a point fait connaître le nom que les Tos-

1. Ad Herc. Seul., 122.

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cans donnaient à leur alliage, à moins que ce ne wattaurichalcum lui-même, le composé hybride qiufniattribue aux Grecs. Assurément l'un ne serait gratineplus bizarre que l'autre, et les hypothèses coûtentsi peu, quand elles sont, comme ici, purement gra-tuites !

FIN DE L'OMCUALQUË.

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APPENDICE

SUR LES SUBSTANCES QUE LES ANCIENS APPELERENT

ELECTRE.

On s'est déjà sérieusement et à plusieurs reprisesoccupé de l'électre, et cela, non pas seulement dansdes notes séparées plus ou moins courtes, mais dansdes travaux spéciaux plus ou moins étendus. AinsiJ. M. Gesner, dans les Mémoires de FAcadémie de

Goeltingue 1, et plus tard Buttmann, dans les Mémoiresde F Académie de Berlin"-, ont consacré des disserta-tions entières à l'électre. Tout récemment encore 1,M. Ferdinand de Lasleyrie, membre de l'Institut, estrevenu sur le même sujet, mais pour l'envisager sous,ce point de vue particulier : L'Electrum des anciensétait-il de F émail*? Question qu'il a Irès-pertiQema-ment résolue par la négative.Avant Gesner et Buttmann, Bochart, qui swualitt

son vaste savoir dans des notes confuses et décousues,avait déjà, dans un chapitre de YHierozoïcon, ém&we

d'amples détails sur l'électre. Je dirai même que si te

1. Comment. Societ. Gotting., t. III, p. 67-H4, anmL ITSïl.2. Abhandl. der philosophischen Classe, p. 3S-59„ amm.

1818-1819.3. Paris, Firmin Didot, 1857.

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deux savants allemands ont le mérite d'avoir mis un

peu plus d'ordre et de méthode dans leurs disserta-

tions, Bochart a l'avantage d'avoir fait à peu près tousles frais de l'érudition du sujet.

Quant aux divers sens qu'il convient d'attacher aumot électre, les uns et les autres en sont restés à ladistinction de Pline, distinction insuffisante et fausse.Si je reprends à mon tour une matière si souvent

traitée, ce n'est pas seulement pour compléter ce quej'avais à dire de l'orichalque, qui finit par se confondreavec l'électre, c'est encore et surtout, je l'avoue, pourmontrer que l'électre ne pouvait révéler sa véritablenature qu'à celui qui l'éludierait en suivant la mé-thode que j'ai appliquée à l'orichalque.

AGE MYTHIQUE DE L'ÉLECTRE.

A côté de la métallurgie terrestre et réelle, il y eutdans l'antiquité une métallurgie tout idéale, éclose diicerveau des écrivains. Pour répandre du merveilleuxsur un objet, les poètes n'hésitaient point à créer dessubstances qui n'avaient rien de correspondant dansla nature, mais qui, par le vague éblouissant du nom;et par le rôle qu'on leur faisait jouer, semblaient ap-partenir à un monde surnaturel, et réveillaient dans

l'esprit des images qu'il complétait, en les agrandis-sant. L'orichalque est un exemple irrécusable de cessortes de créations ; nous avons ici l'autorité des faitset l'aveu même des anciens. Le chalcolibanon, nousl'avons vu, n'eut point d'autre origine. Qu'est-cemaintenant que l'électre? Encore une invention du

génie poétique.

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Les anciens poètes grecs appelaient le soleil -/DixTcop)et Homère lui a donné plus d'une fois ce nom 1. 'Èl£-y.Tcop vient lui-même de viXio;, lequel dérive à son tourde £À-/I ou eïXïi, puis i\tW,, qu'Hésychius définit par :ÏI ToS vîXtou aùyo, F éclat du soleil 1. C'est d'/iXeV.Tcop quefut ensuite formé viXey.Tpo;, par le seul déplacement du p.L'intention évidente des poètes était de désigner

sous ce nom une substance capable de rivaliser parson éclat avec l'astre même de la lumière. Mais quellea pu être la substance d'abord ainsi nommée ? Re-montons au premier emploi du mot.L'Homère de Y Iliade n'a point connu l'électre;

l'Homère de Y Odyssée en a fait mention jusqu'à troisfois. Dans ce dernier poème, Télémaque fait admirerau fils de Nestor l'opulente richesse du palais de Mé-

nélas, où resplendit l'éclat du cuivre, de l'or, del'électre, de l'argent et de l'ivoire.

XaXxoo TS exTspoiTïjvXpoaoû T' ^Xéxxpou TE, xal àpY^pou, <j8' IXscpavTOc;8.

Ailleurs, il s'agit d'un collier que veulent vendre despirates phéniciens, et il est dit de celui qui l'apporte :

XpÙSSOVSptXOVl/COV, fAETaS' TiXÉXTpOtCtVESpTO4.

« Ayant un collier d'or, auquel était aussi associéte l'électre. »Dans le troisième passage, il est encore ques-;

tion d'un ornement de cou, celui qu'Eurymaque fait

1. II.,71, 513; T',398.2. V. El'Xï] et V, 'EXsîa.3. A', 71 sq.4. O', 459.

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offrir à Pénélope, collier travaillé avec beaucoupd'art, ô'ppwv TtoXuèîaicîaXov,

XpôcjEov,vjXÉxTpotatvleptmiov, YIEXIGVtSç*.

ce Collier d'or, auquel est associé l'électre, semblablece au soleil. »Consultons encore la plus grave autorité des temps

antiques, après Homère, Hésiode. Il fait figurer l'élec-tre sur le bouclier d'Hercule : ee Le bouclier, dit-il,« dans toute sa rotondité, reluisait de gypse, de blancce ivoire et d'électre, et il était brillant de l'éclat dece l'or; et des lames de cyanus s'étendaient d'un bordec à l'autre, en le traversant. »

riav p.cvyàp y.ûxXtoTtravtp, Xsu/tijit' ÈXECDOCVTI,'HXcVrpto G' CntoXaptirsçEYJV,/^pucôiTEcpastvcj)Aat/.TTOaEvov"xuotvouoÈStà TITUBE;̂X^Xavro8.

De quel corps dans la nature les deux poètes ont-ilsvoulu parler? Pline distinguait deux sortes/d'électre:

l'un, composé métallique d'or et d'argent, et l'autre,cette production résineuse qu'on appelle ambre jauneou succin. Les savants qui se sont occupés de la ma-

tière, dans les temps modernes, ont admis la distinc-

tion; mais ils ont cru que les deux poètes n'avaient

désigné dans Yéleclre que Yambre jaune. Pline étaitd'un autre avis; après avoir parlé de la compositionde l'électre métallique, il ajoute immédiatement : MEtce electro auctoritas, Homero teste, qui, Menelai re-ee giam auro, electro, argento, ebore fulgere tradit3.—ee Et l'électre a été mis en crédit, témoin Homère, qui

1. 2', 295.2. Scut. Herc.,\k\ sqq.3. Nat. Hist., XXXIII, 23.

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te rapporte que le palais de Ménélas resplendissait d'or,« d'électre, d'argent et d'ivoire ; » ce qui prouve bienqu'il n'entend parler que du métal composé d'or etd'argent.Eustalhe, sans se prononcer ici positivement, in-

cline cependant vers l'électre résineux. Eustathe recon-naissait trois sortes d'électre, comme nous le verronsplus bas : l'alliage d'or et d'argent, et un alliage decuivre et de zinc, ou l'orichalque. Après avoir signaléles deux premiers, il ajoute, au sujet de celui qui or-nait le palais de Ménélas :.tc Mais celui qui me paraît« être indiqué en ce moment, c'est l'autre espèce d'é-té lectre que la fable appelle une larme des Héliades,et à cause de sa couleur, qui la rapproche du soleil. —« Aoy.eî&èy.al ô Xonro; oYiXoucjQaivùv viXey.Tpo;, ôv ô t/.ij(to;, oià TO« oîov vîXttdeïe; TYJ;ypoa;, Say.puov elvai TMV 'HXiatW Xeyei1.»Mais disons tout de suite, pour trancher dans le vif

celte difficulté, de quelque part qu'elle nous soit sus-

citée, qu'Homère et Hésiode n'ont pu parler ni del'électre résineux ni de l'électre métallique. L'ambre

jaune, en effet, ne fut connu que plusieurs siècles

après eux, nous le prouverons un peu plus bas; et

quant à la composition d'or et d'argent, la haute an-

tiquité ne s'en douta jamais : l'alliage des métaux nefut pratiqué qu'à une époque postérieure; montronsdu moins qu'il n'y en a point trace dans les écritsd'Homère et d'Hésiode.

Spanheim, dans sa traduction des Césars de l'em-

pereur Julien, croit fermement qu'Homère a parlé de

l'alliage des métaux : ce 11 est vrai, dit-il, qu'Homère,

1. Ad Odyss.,^, 73, p. 1483.2^

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te dans un autre endroit, où il parle de cette science dete fondre et d'allier ensemble de l'or et de l'argent,ee dit qu'on la tient de Vulcain et de Minerve 1. »Le passage d'Homère n'a pas été entendu ; il n'y est

nullement question de l'alliage, mais de la juxtaposi-tion des métaux; il s'agit de la dorure de l'argent,dorure qui s'effectuait avec une mince lame d'or appli-quée sur l'autre métal. Le poète voulant rendre sen-

sible, par une comparaison, l'effet des changementsque Minerve a opérés dans la-personne d'Ulysse, dit :te De même que répand l'or autour de l'argent untt homme habile, que Vulcain a instruit, ainsi que Pal-ce las Minerve, dans toutes sortes d'arts, et qui exé-te cute des oeuvres, élégantes ; de même aussi la déessete répandait la grâce autour de la tête et des épauleste d'Ulysse!. »

c£2çS' OTETtç ^pucrovTTEpr/etjETaiàpyupto àv^pvI5piç,8v HtpKiaxo;OE'SCCEVxal IlaXXàc;'AOvivr)TÉ^VÏ|V7«cvTo£r]v,yapiEvta 8è epfa TEXEI'EI"aQç àpa TO)xaxe'/suEyâptv xEtpaXvjTExal wptotç3.

Mais le morceau sur lequel on se fonde principalement

1. Les Césars de temp. Lui., p. 19.2. Millin se trompe aussi, lorsqu'il croit pouvoir déduire de ce

passage la conséquence suivante : « Ce passage, dit-il, prouve que« Minerve protégeait et enseignait particulièrement les métallur-« gistes (Minéralogie Homérique, p. 96).»Remarquons d'abord qu'il est cjuestion ici de toute espèce d'arts,

et qu'alors intervient naturellement l'enseignement de Minerve;qu'ensuite la déesse prête son inspiration à tous les arts qui de-mandent de l'invention, et qui s'appuient sur le dessin. Mais làs'arrête la portée des paroles d'Homère, et rien n'autorise à enconclure que Minerve ait été la patronne et l'institutrice des mé-tallurges, et surtout des métallurgistes.3. Odyss., '//, 232 sqq.

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dans Homère, pour affirmer que l'amalgame des mé-taux fut connu du poète, c'est la description du bouclierd'Achille. Voyons donc s'il est dans ce tableau quelquecirconstance qui pût favoriser une telle opinion.Pour fabriquer le bouclier du héros, Vulcain se sert

de quatre métaux, le cuivre, l'étain, l'or et l'argent;et dans toute la description, ce sont les seuls métauxqui reparaissent, sans la moindre indication qu'ilsaient été alliés entre eux, ou qu'on les ait altérés d'unefaçon quelconque. Il est vrai qu'en un endroit, le

poète, parlant d'un champ qu'on laboure, nous dit

que le sol de la terre, qui était d'or, se montrait noir-cissant par derrière, à mesure que le soc de la charruele déchirait :

'H SEptEXaiVEx'OntCTÔEV,àpV)pOptÉVÏ)SEECOXEl,Xpuasâ] TTEplouera4.

et Et la terre noircissait par derrière, et ressemblait àceune terre qu'on aurait labourée, bien qu'elle fût en-te fièrement d'or. »Et c'est de cet endroit qu'on a voulu particulière-

ment s'autoriser, pour soutenir que l'âge homériqueconnaissait l'art d'allier les métaux, et savait faire desors de couleur. Millin, dans sa Minéralogie Homé-

rique, nous dit avec assurance : ce A l'art de fondrece les métaux, on joignait celui de les allier. Lescedifférentes couleurs des objets représentés sur lete bouclier d'Achille, sans le secours de la peinture,« semblent indiquer que cet art était alors tres-« avancé*. » Et plus loin : ecNous avons vu que les an-

1. H., II, 548 sq.2. Minéral. Hom., p. 80.

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ceciens savaient colorer les métaux par l'alliage, et« faire ce qu'on appelle des ors de couleur. Dans lece bouclier d'Achille, on voyait le sol noircissant sousce le soc de la charrue, comme la terre retournée '. »On pourrait d'abord répondre que pour produire

ces différentes nuances, il n'était pas nécessaire d'un

alliage particulier, et qu'il eût suffi d'ombrer l'or d'unvernis, ou simplement d'en ternir l'éclat, en le rendant

plus mat, ce qu'indique le scholiaste de Venise, quandil dit : ceSy.iàv oùv eùo; eyy.eîcGai TM ypucco. — Il est doncce vraisemblable que l'or était ombré. »Mais laissons ces ridicules explications; comment

n'a-t-on pas vu que l'on allait à la fois et contre l'in-tention du poète et contre le sens du mot ? Si un al-

liage avait pu produire ces effets, il n'y aurait plus eude merveilleux dans le travail du dieu; or, le poètedonne ces effets pour un miracle; car il ajoute : ceToce £-/]Trepl ôaùpt.' èTe'Tuy.To.— Ce qui était assurément uneceoeuvre des plus merveilleuses. » Et immédiatement

avant, pour que l'on ne se méprît pas sur le prestigeopéré par le dieu, il avait dit : te Bien que cette terrece fût entièrement d'or. — Xpuereivi rap eoîfca. » Il avaitmême insisté par l'adverbe Très, un de ces mots qu'onnéglige, je le sais, mais dont la suppression affaiblit

toujours, et altère quelquefois profondément la pensée.Après cet avertissement du poète, je ne conçois pas,

je l'avoue, que l'on ait persisté à se faire illusion; et

cependant, comme si l'on cherchait à s'abuser soi-même, on nous allègue encore cette partie de la des-

cription : ceLà Vulcain plaçait aussi une vigne pesam-

1. Minéral. Hom., p. 177.

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cement chargée de raisins, belle, d'or, et dont lesce grappes étaient noires; elle se soutenait sur des« échalas d'argent, qui la traversaient en tout sens. »

'Ev S' £xt8£t GTacjuXv;cuptÉfa ppiGoucravàXeoV,KaX'J)V,̂putreiï)V t/.ÉXavE;S' àvocpÔTpuE;̂ uav*'Eerr^xEi SExauacji Siaj/jtEpÈçàpYupÉrjcnv'.

Millin, toujours en vue de prouver qu'au temps d'Ho-mère on savait colorer les métaux par l'alliage, et fairece qu'on appelle des ors de couleur, dit encore : « Vul-« cain avait placé sur ce bouclier une vigne chargée deet raisins noirs. »Est-il besoin de remai'quer qu'ici comme précédem-

ment le poète a voulu surtout faire prendre une idéemerveilleuse de l'habileté de l'artiste, et mettre en-suite plus de variété dans son propre récit? Cette der-nière observation a été déjà faite par Eustathe : « Vois,te dit-il, l'artifice de la poésie pour établir de la variété.« D'un côté, le sol où se trouve la vigne est d'or, etet peut-être aussi les pampres; mais les grappes sont« noires, de la même façon que plus haut noircissaitcele champ labouré, tandis que les échalas sont d'ar-« gent. — Kal opa TO eï; 7voty.tXtav Teyyty.àv TTÎ; 7rai7)<jeG>;.« Ta pièv yàp ectatpo; TVÎ OXMVJ'ypucroOv. ïccoç de y.al Ta y.Xvf-« [xaTa • [iiXave; èîè ot Porpue;, co Tportcp xal vî veto; àvwTe'pu« èp.eXaweTo" aï ol y.ap'.ay.e; àpyupaï 2. »Venons à des raisons plus graves. Homère nous a

dit que Vulcain n'avait mis en oeuvre que quatre sortesde métaux; or, si partout où nous voyons employer,

1. V. 561 sqq.2. Ad v. 564, p. 1163.

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au lieu de ces métaux, des couleurs pour désigner laforme extérieure des objets, nous supposons l'emploide métaux alliés, non-seulement le poète n'aura pasatteint son but, qui est de faire contraster, au profitdu divin artiste, la grandeur des effets avec l'insuffi-sance des moyens, mais il nous aura lui-même induitsen erreur; car des métaux alliés forment réellementde nouveaux métaux. Ce n'est pas tout ; nous deman-derons quel est l'alliage qui a su produire ici ces rai-sins noirs, là ces brebis blanches, àpyevvûW oîwv 1, ail-leurs le sang rouge dont est souillé un vêtement, eliAafWxnveov aipiaT'. 2, et plus loin le sang noir dont s'abreu-vent des lions, p/iXav aipia Xaepucro-eTov

3; et l'on sera forcé

de reconnaître qu'à ce compte l'antiquité aurait été

pour le moins aussi habile dans la combinaison desmétaux que la science moderne, et la question setrouvera par là résolue.Mais veut-on maintenant un échantillon de la lo-

gique de ces archéologues ? Comme ils ne prétendaientvoir que de l'ambre jaune dans tous les passages oùHomère parle de l'électre, ils en ont partout écartél'électre désignant le composé d'or et d'argent; et leur

grande raison (on ne l'aurait pas deviné), c'est que sile composé eût été connu d'Homère, le poète n'aurait

pas manqué de s'en servir pour le bouclier d'Achille.Ainsi a raisonné Gesner, et, après lui, Millin a répété:te Si Yélectron d'Homère avait été une combinaisonte métallique, il n'aurait pas manqué de la faire entrerce dans la composition du bouclier d'Achille; puisqu'il

1. V. 529.2. V. 538.3. V. 583.

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te ne l'a pas fait, l'alliage nommé électron n'était pro-ie bablement pas connu de son temps 1. »Pour nous rien de surprenant qu'Homère n'ait point

employé l'électre, métal composé ; car nous soutenonsqu'Homère n'a point connu l'alliage des métaux. Mais

que penser du raisonnement de ceux qui, après avoir

supposé le poète si bien entendu dans les combinaisons

métalliques les plus habiles, lui refusent la connaissancede l'alliage le plus vulgaire, d'une composition que lanature elle-même offrait aux regards de l'homme ?Ce que nous venons de dire du bouclier d'Achille,

s'applique rigoureusement au bouclier d'Hercule d'Hé-siode ; et les raisons que nous avons données pour le

premier, il faudrait les répéter pour le second.Mais si l'électre dont parlent les deux poètes ne fut

ni l'ambre jaune ni le composé d'or et d'argent, qu'é-tait-il? Un métal d'abord. Le rôle et la place qu'ilslui donnent, le montrent déjà. On a pensé que l'élec-

tre, qui ornait le palais de Ménélas, devait être de

l'ambre, à cause de la mention de l'ivoire ; mais re-

marquons d'abord l'ordre de ces substances : Télé-

maque fait admirer l'éclat du cuivre, de l'or, de l'élec-

tre, de l'argent et de l'ivoire. Souvenons-nous ensuite

que les anciens furent dans l'usage de lambrisser lesriches appartements avec les métaux même les plusprécieux; et n'oublions pas enfin que l'ivoire est unornement des plus anciennement connus, et que sa

présence n'implique nullement celle de l'électre.La principale circonstance que l'on a fait, valoir en

faveur de l'ambre jaune, c'est que l'auteur deY Odyssée

1. Minéral. Homér.,ip. 51 sq.

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le fait entrer jusqu'à deux fois dans la compositiond'un collier. Mais un métal précieux était une matièreassurément très-convenable pour former un collier, etce qui le prouve ici même, c'est l'emploi de l'or con-

jointement avec l'électre. Deux métaux précieux n'endevaient que mieux remplir cette destination. Dans leTraité sur l'orichalque, l'auteur de l'hymne homé-

rique à Vénus nous a montré les Heures attachant auxoreilles de la déesse un ornement d'orichalque et d'or :

'AvOstVàpeiyâXy.ouypuuoïo TETtiMqevToç'.

Que faut-il donc entendre par cet électre métal, quin'était ni l'ambre jaune ni le composé d'or et d'ar-

gent? Une substance de ce règne idéal dont nousavons parlé, une production de cette minéralogiemythique dont nous avons montré l'existence par lefait bien constaté de l'orichalque fabuleux. On devra

désormais, en effet, reconnaître comme une vérité

que les anciens poètes créaient eux-mêmes des sub-

stances, et, dans leurs fictions inépuisables, enrichis-saient la nature de corps imaginaires. Mais les Grecs,pleins de respect pour ces créations du génie, les réa-lisaient ensuite, et mettaient une chose sous ce quin'avait été qu'un nom. Ainsi en arriva-t-il pour l'élec-

tre; et de là ses nombreuses transformations, maistoutes dérivées de son point de départ, et justifiéespar l'idée qui avait inspiré le nom même. Les poètes,nous l'avons dit, n'avaient que voulu faire songer àun métal tenant quelque chose de l'éclat du soleil,métal aussi précieux et plus brillant que l'or dont ils

1. Voy. p. 211.

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le rapprochaient toujours ; et les Grecs, fidèles à cesintentions, appelèrent électre tout ce qui leur parutavoir de l'éclat, du brillant et de la transparence '.

Il ne faudrait cependant pas croire que dans le coursde ses changements successifs, l'électre ne se soit pointarrêté quelquefois, pour remonter à sa source, et re-prendre son sens primitif. Il eut encore ici la destinéede l'orichalque; et longtemps après qu'il fut devenule signe d'une réalité, on le rappela pour lui faire re-présenter l'abstraction originelle.

C'est sous cette acception renouvelée que Virgilel'emploie évidemment. Venus est allée demander àVulcain des armes pour Enée, et le divin forgeron,heureux de plaire cette fois, s'empresse d'offrir toutce que pourra produire son art à l'aide des métaux :ce Tout ce qui se peut faire, dit-il, avec le fer ou l'élec-« tre fondu. »

Quod fieri ferro liquidove potest electro s.

On s'attendait au moins à l'énumération des métaux

qui entrent dans la composition du bouclier d'Achille;le poète latin s'est contenté d'en signaler deux, les deux

1. On dirait même que pour mieux rendre l'incertitude de lanature de l'objet, ils évitèrent d'en fixer le nom dans un mêmefjenre, le faisant tantôt masculin, tantôt féminin, tantôt neutre.Pour le masculin d'vjXsxTpo;, voy. Sophocle (Antig., 1019), et

sur ce vers le scholiaste Triclinius; voy. aussi une note érudilede Fr. A. G. Spohn (Ad Nicephor. Blemmidx duo opusc. gcogr.,p. 28).Pour le féminin d'7]XEXTpo<;,voy. Aristophane (Equ.it., 532) et

son scholiaste.Quant au neutre YJXEXTPOV,c'est le genre le plus autorisé du mot.2. Mn., VIII, 402.

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— 346 —

extrêmes : le plus obscur et le plus brillant. Mais l'orne lui a pas suffi pour exprimer le dernier terme ; il arecouru à une substance qui résumait en elle le cuivre,l'argent et l'or, et qui faisait songer encore au delà,il a recouru à l'électre.Maintenant, si nous parcourons la description du

travail de Vulcain, nous voyons que le divin artiste amis en oeuvre l'or, l'argent, le cuivre et le fer. Quantà l'électre, le poète ne le signale que comme ayantservi de matière pour les bottines du héros (les jam-bards):

Tum levés ocreas electro auroque recocto '. •

Je n'hésite pas non plus à voir une allusion à l'élec-tre fabuleux dans ce passage où Lucien, parlant deschaînes allégoriques de l'Hercule gaulois, le même quele Mercure grec, nous dit que ceLes liens dont il sece servait étaient de minces chaînes d'or et d'électre,cesemblables aux plus beaux colliers.—• Aecptà M ewiv aîeccretpal Xe^Tal ypucroij y.al vjXey.Tpoueïpyac7[Aévat, ôpp'.ot; èoi-ccy.uTai TOI; y.aXXiGTOt.;8. »Tel fut le rôle exclusif de l'électre pendant son pre-

mier âge, c'est-à-dire pendant toute la durée qui com-

prend Homère, Hésiode et les deux siècles suivants.

L'ÉLECTRE EST PRTS POUR L'AMBRE JAUNE, OU SUCCIN.

Voici la première substance réelle et définie qu'aitreprésentée l'électre. C'est ce bitume formé, selon les

uns, par l'épaississement d'une résine que la mer dé-

1. Mn., VIII, 624.2. Hercul., t. III, p. 83, éd. Reitz.

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tache des terres inondées et qu'elle rejette ensuite surses bords ; c'est, selon d'autres, cette production rési-neuse que l'on observe fossile ou flottante sur les eauxde la mer, principalement en Prusse; c'est, disentceux-là, cette espèce de gomme paraissant provenirde quelque arbre résineux, gomme dont la couleur estun jaune foncé ou un jaune clair, et qui est quelque-fois fort transparente; c'est, en un mot, l'ambre

jaune ou succin, et pour parler nettement, une sub-stance dont la formation nous échappe encore aujour-d'hui.A quelle époque le succin arriva-t-il à la connais-

sance des Grecs ? Je ne pense pas que l'on puisse re-culer cette date au delà d'un siècle environ avantla naissance d'Hérodote, soit : 584 ans avant l'èrechrétienne. Il est vrai que l'on peut opposer le

témoignage de Diogène de Laërte, qui attribue posi-tivement la connaissance de l'ambre jaune à Tha-

ïes, dont la naissance est fixée à l'an 639 avant

Jésus-Christ; il dit en effet : ce Aristote et Hippias as-et surent que Thaïes accordait une âme même auxce corps inanimés, le conjecturant d'après la pierre« d'aimant et d'après l'électre. — 'ApiejTOTéX/i;xal 'Iir-cc 7ï(a; cpaclv aÙTtjv xal TOI; àtjiupiç u.eTaèuào'vai <j"JX.*1'te Tey.i/,aipo'i/,evov èx TYÎ; XI'6OUT-?i; p-.ayv/JTicio; xal TOS vîXé'-ccKTpou1. » Le scholiaste de Platon confirme ce témoi-

gnage en disant : AXXà xal eupe 0aX-?i; aijwya ijmpv eyav6-cocroûv èx T-?i; p.a'pTÎTiéïo; xal TOUviXe'xTpou'. Malgré cettedouble autorité, je regarde le fait en ce qui concerne

1. 1,24.2. In Rempubl., X, t. II, p. 600, éd. H. St.

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l'électre comme peu probable, et il me paraît êtrel'invention d'une époque beaucoup plus récente, oùl'on a voulu faire expérimenter Thaïes sur les deux

corps attirants par excellence. Je l'induis non passeulement de l'invraisemblance du fait, laquelle ré-sultera naturellement de ce que j'ai encore à dire,mais surtout et principalement du silence d'Aristote.Le philosophe, à qui on renvoie, n'a parlé que de

l'aimant, et n'a rien dit de l'électre : ce Thaïes, dit-il,ce a conclu qu'il y avait une âme dans la pierre d'ai-cc mant, puisqu'elle attire le fer. — TÔVXtÔovêcpvityj-fhvce eyeiv, OTI TOVcrtèÎYipovxivet 1. »Ce qu'il y a de certain, c est que 1 écrivain le plus an-

cien qui ait parlé de l'ambre jaune, c'est Hérodote,et il ne laisse point entendre qu'il l'ait bien connu

lui-même;, voici ce qu'il dit : te Je n'admets pointce quant à moi qu'il y ait un fleuve appelé par lesee barbares Éridan, se jetant dans la mer située du« côté du vent du nord, fleuve dont on nous apporte,ce à ce qu'on dit, l'électre ; car ce nom d'Éridan dé-ce clare par lui-même que c'est un nom grec et nulle-ce ment barbare, forgé par quelque poète. Mais je nece puis, malgré les soins que je me donne, apprendreec de personne, comme l'ayant vu soi-même, ce quete c'est que cette mer, qui se trouve au delà de l'Eli-te rope. C'estdu moins de cette extrémité que nous ar-ec rive l'électre. — Oùx eycoye ev&exop-.ai 'Hptàavo'v TIVKX«-ec Xeecôai Tupo; (iapêapcov TOTapuw, ëy.cWovTa è; ÔaXaccav TÏ|Vce Trpô; j3op-/jvavept.ov, «TCÔTeu TOvi'XexTpovcpoîrav Xa'yo; ètjTi

"

ce TOGTO[/iv yap, 6 'Hpièïavo;, aÙTo xaT/wooéei TO oûvo^a c!>;

1. De Anim., I, 2, 14.

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et terri- EXXTIVIXOV,xal oîi TI (îap€apixov, îmro iroiTiTéw 8éte TIVO; uroiviÔév. TOOTO oè, oùSevo; aÙTOTmeo v^of-évou,tt où ^uvaptai ay.outjat, TOÙTOu.eXeTtov, OXCÛ;SaXaertra èejTi Ta« èraxeiva T7\Ç Eùpto7r/i;. 'Ec, èayjnr,i iï' wv •JÎU.ÏVcpotTa TQte viXexTpov.a »Je crois en vérité que l'historien ne connaissait

guère mieux la substance apportée de la Baltique quela Baltique elle-même. Si l'ambre jaune, en effet, eûtété plus répandu en Grèce, est-il à croire qu'Héro-dote se fût borné à cette vague et rapide mention,comme s'il se fût agi d'une fable ? Mais ce qu'il fautlouer ici, c'est cet instinct de sagacité critique, qui luia fait sentir que, si l'ambre jaune venait d'un fleuvese jetant dans la mer du Nord, ce fleuve ne pouvaits'appeler Eridan, puisque ce nom a une physionomietoute grecque, et qu'il était dû sans doute au géniedes poètes.Cependant le nom d'Eridan n'a rien d'essentielle-

ment poétique en soi, et il était déjà porté par unerivière de l'Attique, dont Callimaque faisait mentiondans son Recueil des Fleuves (èv Suva-fcôy/i TWVIIoTa-

p-wv)!, et de laquelle Pausanias a remarqué, qu'elleavait le même nom que le fleuve d'Italie : ce 'HpieWo<cTWKEXTIXCOxaTa Ta aÙTa ovo[/.a eywv 3. » D'un autre côte,Hérodote savait que bien des années avant l'importa-tion de l'ambre jaune en Grèce, Hésiode avait célébréun fleuve fabuleux, du nom d'Eridan 4. Il faut donc

qu'il y ait ici une allusion que l'on n'a point pénétrée,

L III, 115.2. Ap. Strabon., IX, p. 397. . .3. 1,19, 6.4. Theogon., 338.

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et qui a valu au père de l'histoire des reproches aussidurs qu'immérités.Qui ne sait l'histoire de Phaéthon, le fils du Soleil

et de Clymène, qui ayant imprudemment obtenu laconduite du char de son père, menaçait le monded'un embrasement universel, par son ignorance à di-

riger le fougueux attelage, lorsqu'il fut frappé de lafoudre de Jupiter, et précipité dans l'Eridan, le fleuved'Italie qu'on appelle Padus ? Qui ne sait en même

temps que les filles du Soleil, les Héliades, soeurs de

Phaéthon, désolées du malheur de leur frère, le pleu-raient sans interruption, lorsqu'elles furent métamor-

phosées en peupliers, et leurs larmes converties en

électre, distillant de leur forme nouvelle ?Cette fable est relativement récente dans la mytho-

logie, et il n'en faut croire ni le mythographe Hygin 1,ni le scholiaste de Germanicus 2, ni le grammairienLactance Placide 3, qui la mettent sur le compte d'Hé-siode ; car elle se trouve en désaccord avec la tradi-tion même qu'a suivie Hésiode relativement à Phaé-thon. La critique me fournit encore d'autres raisons.J'ai toujours pensé que dans ces auteurs le nom d'Hé-siode avait usurpé celui d'Eschyle ; car nous allonsVoir que c'est à des poètes tragiques qu'est due l'in-vention de celte fable. Mais il y a plus, les auteurseux-mêmes nous viennent en aide. On sait, en effet,qu'Hygtn a principalement exposé les fables des

poètes dramatiques; et Lactance lui-même indiqueclairement le nom d'Esohyle, lorsqu'il dit : « Les

1. Fab„ CLIV.2. German. Arat. Phoenonn, ad v. 366.3. Narrât. Fabul. Ovid,, p. 796, éd. Staver.

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« larmes des Héliades furent converties en électre,« comme le montrent Hésiode et Euripide. — La-it crimae earum, ut Hesiodus (leg. iEschylus) et Euri-« pides indicant, in electrum sunt conversse. » Hé-siode n'est-ce pas ici Eschyle? du reste, prouvons-le.Les premiers qui firent connaître à la Grèce l'am-

bre jaune, paraissent avoir été des marchands phéni-ciens, qui l'apportèrent des côtes de la Baltique. Ilsdurent apprendre aux Grecs, selon la conjecture très-vraisemblable de Wesseling 1, que la rivière qui le leur

fournissait, s'appelait Rhodaune, rivière, en effet, quise jette dans la Vistule, laquelle a son embouchuredans la Baltique. Ce nom de Rhodaune, qui sonnaitun peu barbarement à des oreilles grecques, fut na-turellement changé en celui d'Eridan, déjà connu.Mais toutes les difficultés ne se trouvent point par là

résolues, et il en reste encore beaucoup d'autres sur

lesquelles on nous laisse sans lumière. D'où vint lenom d'électre à l'ambre jaune? Comment l'Éridan dela Baltique se changea-t-il en Éridan de l'Adriatique?Et pourquoi l'origine fabuleuse du succin fut-elle cé-lébrée sur les bords du Padus, au lieu de l'être sur lesbords de la Vistule ? Le Padus enfin s'appelait-il Éri-dan avant la découverte de l'électre? Telles sont les

questions qu'il s'agirait de résoudre.Quand le succin parut pour la première fois aux

yeux des Grecs, leurs, souvenirs poétiques durent se

réveiller; la transparence lumineuse et dorée de cetterésine leur rappela le métal fabuleux auquel la poésieavait donné le nom même du soleil, et dans leur en-

1. Ad Herodot. 1. c.

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thousiasme, ils appelèrent aussi électre la substancenouvellement connue.Mais l'esprit grec n'en resta pas là ; une fois en

mouvement, il ne se reposait qu'après l'enfantementd'une fable. S'agissait-il, par exemple, de quelquedécouverte?une fableaussitôt en entourait le berceau,en consacrait le souvenir. Ici ce furent les poètes tra-

giques qui se chargèrent de la fiction. Pline, aprèsavoir rappelé le sort de Phaéthon foudroyé et la méta-

morphose de ses soeurs en peupliers et de leurs larmesen électre, ajoute : te Et ce nom d'électre est venu dece ce que le soleil est fréquemment appelé Élector (nié-te xTtop), comme l'ont dit la plupart des poètes, ette les premiers, à ce que je crois, Eschyle, Pbiloxène,te Nicandre, Euripide, Satyrus. — Et electrum appel-ée latum, quoniam sol vocitatus sit Elector, plurimice poetae dixere, primique, ut arbitror, iEscbylus, Phi-« loxenus, Nicander, Euripides, Satyrus 1. »t]ne autorité plus grave, selon moi, que celle de

Pline dans cette circonstance, un grammairien desScholies antiques sur l'Odyssée, après avoir conté la

métamorphose des Héliades, termine ainsi son récit :ce 'H è^è îtîTopta Tvapà TOI; Tpa^iKot; *. — L'histoire sete trouve chez les tragiques. «A l'appui de ces assertions on peut faire valoir

qu'Eschyle avait composé une tragédie intitulée les Hé-

liades, dont nous possédons encore quelques restes 3;

qu'Euripide avait également composé sur le même su-

1. Nat.Hist., XXXVII, 11.2. Ad Odyss. P', 208, p. 481, éd. Buttmann.3. On peut consulter sur cette tragédie une dissertation spéciale

de Hermann (Opuscul., t. III, p. 130-142).

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jet une pièce intitulée Phaéthon, dont il subsiste d'asseznombreux fragments, et qu'il a célébré la douleur dèsHéliades et la conversion de leurs larmes, dans son

flippolyte'.Nous sommes donc bien assurés que ni la fable des

Héliades, ni le nom d'électre, appliqué à l'ambre

jaune, ne se rencontrent chez aucun poète antérieurà Eschyle.Comment s'est-il fait maintenant que les poètes

dramatiques aient placé la scène de la métamorphoseen Italie? Faudrait-il croire que le succin, trans-

porté du golfe Codanus, ou la Baltique, à traversla Pannonie et l'Ulyrie jusqu'aux embouchures duPô, ait passé de là en Grèce, et que les Grecs, per-suadés que la substance tirait son origine du fleuve,aient supposé sur ses bords l'aventure de Phaéthon?C'est l'explication qui a été à peu près donnée parPline, et que l'on a reproduite de nos jours. L'auteurde Y'Histoire naturelle nous dit, en effet : te Certumte est gigni in insulis septentrionalis Oceani, et a Ger-cemanis appellari glessum. Afferlur a Germanis inte Pannoniam maxime provinciam : inde Veneti pri-« mum, quos Groeci Henetos vocant, rei famam fe-« eere\ —Il est certain que le succin est produitce dans les îles de l'Océan septentrional, et qu'il est« appelé par les Germains glessum. Ces Germains l'ap-te portent principalement dans la province de Panne-cenie : de là les Vénètes, que les Grecs appellent« Hénèles, mirent d'abord la substance en vogue. »

1. V. 735-741.2. Nal. Uist., XXXVII, 11,3.

23

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Mais cette explication, dans sa dernière partie, nerésout nullement les difficultés qui nous arrêtent, etelle se trouve en contradiction avec le témoignagepositif des anciens, qui ne parlent nullement des Vé»nètes de l'Adriatique comme ayant servi d'intermé-diaires aux Grecs pour le commerce de l'ambre jaune.Que les choses, aient pu se passer ainsi un peu avantl'ère chrétienne, je ne le conteste pas, et alors le té-

moignage de Pline reprend sa valeur, et il se fortifiede celui de Tacite, qui, parlant des ^Estyens, nousdit : ce Sed et mare scrutantur, ac soli omnium suc-ée cinum, quod ipsi glessum vocant, inter vada atquete in ipso litore legunt. Ipsis in nullo usu ; rude legi-« tur, informe perfertur, pretiumque mirantes acci-ee piunt 1. — Ils fouillent encore la mer, et seuls dece tous les peuples, ils ramassent au milieu des bas-ce fonds et sur le rivage même le succin, qu'ils ap-cc pellent dans leur langue glessum. Il ne leur est à« eux d'aucun usage ; on le recueille brut, on Tapa« porte sans préparation, et ils sont tout étonnés due<prix qu'ils en reçoivent. »Mais quant aux historiens d'une époque reculée,

ils se contentent de signaler l'origine septentrionalede l'électre. Pline lui-même nous apprend que Py-théas (de Marseille) le faisait venir d'une île voisinedes Gothonsj appelée Abalus; et il ajoute que Timéeétait du même avis, sauf que ce dernier appelait l'îleBasilia 2. D'ailleurs l'hypothèse admise ne résoudraitnullement les difficultés qui nous arrêtent, et on se

1. DeMor. Gcm.,XLV.2. Nat. Hist., XXXVII, 11.

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demanderait encore comment il s'est fait que l'on ait

placé la scène de la métamorphose en Italie.Serait-ce enfin que le Pô, appelé déjà Éridan;

aurait invité par ce nom les poètes à faire de sesbords le théâtre de leur fable? Cela ne se peut; carce fut, au contraire, la fable qui donna ce nom aufleuve. * '

Les Grecs placèrent, de l'aveu de leurs plus graveshistoriens, l'origine dé l'ambre jaune sur les bords dela Baltique. 11 n'est pas moins vrai que d'assez bonneheure les poètes tragiques, abusés par une double

équivoque, supposèrent cette origine sur les bords de

l'Adriatique. Je viens de dire une double équivoque ;la première, on la connaît, c'est la Rhodaune prisepour YEridan. Mais il dut y en avoir une seconde, carla première eût été certainement insuffisante non-seulement pour déterminer, mais encore pour sugrgérer le choix des poètes. Où placer de préférence,en effet, cet Éridan ? Pourquoi ici plutôt que là? Quellefut donc cette seconde équivoque ? Si la Rhodaune,selon l'ingénieuse conjecture de Wesseling, a pu se

prendre pour YEridan, au jugement des oreilles grec-ques, plus aisément encore, au même jugement, lesVénèdes ont dû se confondre avec les Vénètes. Or, il

y avait des Vénèdes qui occupaient la côte de l'Océan

sarmatique, des Vénèdes mentionnés par Tacite ' et

par Pline 2, et qui formaient un des peuples les plusconsidérables de la Sarmatie, des Vénèdes enfin chez

qui se produisait précisément l'ambre jaune, rejeté en

1. De Mor. Germ., XLVI.2. Nat. Hist., IV, .13, 21. • ' '• • . <

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abondance par la mer sur leurs côtes. Ces Vénèdesdevaient donc inévitablement devenir les Vénètes,déjà bien connus dés Grecs, et se transporter desbords de la Baltique sur ceux de l'Adriatique. De soncôté, la Rhodaune dont les premiers Grecs, à qui elleenvoya l'ambre jaune, avaient fait YEridan, devait se' débarrasser de ce poétique nom, et le transmettre àun fleuve de la Vénétie, qui recevrait aussi le succin,et le répandrait sur ses rives. Or, quel autre fleuveeût été plus digne que le Padus de recueillir ce double

héritage ?

Voilà, je crois, l'explication la plus vraisemblable

que l'on puisse proposer de l'origine de l'ambre jaune,et de la naissance de la fable des Héliades., Maintenant, je serai court dans la citation des pas-sages qui parlent de l'ambre jaune, d'autant pluscourt que ces passages sont plus nombreux.J'ai dit que les poètes tragiques avaient les pre-

miers célébré la métamorphose des Héliades; mais

après eux, les poètes épiques, qui s'attachaient de

préférence à traiter les sujets ignorés ou négligés deleurs prédécesseurs, ne manquèrent pas d'orner leur

poésie de cette fable.Ainsi Apollonius de Rhodes a raconté la triste aven-

ture de Phaéthon, et la métamorphose de ses soeurs, etle produit merveilleux de leurs larmes : « .Et de leursecpaupières, dit-il, elles répandent sur la terre de bril-ec lanles gouttes d'électre. »

Y.y.os cp^Eivaç'HXsxTpouXiSxoct;pXsiâpeovTTOO/S'OUTIVïo-jfy.

Et plus bas, rehaussant sa comparaison par une

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image ingénieuse, il dit que te Leurs larmes étaient« portées sur les eaux comme des gouttes d'huile. »

OTov ÈXaivipai oToi-fEçooatrtv Èy.cpopsovTO1.

Ainsi Quintus de Smyrne a résumé en quelquesvers la même histoire, célébrant surtout le produit de

l'électre, qu'il appelle fort justement SieieÎY);, transpa-rent, et dont il fait même une importante possession,pour les hommes,

"HXsxTpov izovrpt, p^ya xxsap avOpto-oic.iv2.

Ainsi Nonnus, dans le long cours de ses Diony-siaques, a souvent rappelé la fable de Phaéthon 3; maisil nous en réservait au livre XXXV11I, un interminable

récit, qui ne comprend pas moins de trois cents vers,tout un mortel chant, comme il s'entend si bien à lesfaire.

Ai-je besoin de rappeler que l'aventure de Phaéthonet de ses soeurs aservide sujet à une des plus brillantes

Métamorphoses d'Ovide? Le poète latin est tombé sansdoute dans la même intempérance que Nonnus, car,pour développer sa matière, il n'a pas dépensé moinsde trois cent quarante-sept vers*. Mais par combien de

qualités il a racheté ce défaut! et comme il a laisséloin derrière lui, par sa fécondité inventive, sa grâcefacile et son esprit varié, la verbeuse abondance et

l'ennuyeuse prolixité du poète grec!Les versificateurs géographes, de leur côté, n'ont

1. Argonaut., IV, 597-626.2. Paralip.,Y, 623-628.3. Dionys., XI, 33; XV, 581 ; XXIII, 93.4. Metanu, II, 1, 19-366.

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pas négligé dé donner un souvenir à l'origine my7thiqûedu succin.

Scymnus de Chio, dans sa Périégèse, rappelle, à

propos de l'Éridan, l'histoire du foudroiement dePhaéthon, et les résultats de la métamorphose desHéliades : « L'Éridan, qui fournit de très-bel électre,ce que l'on dit être une larme pétrifiée, une sorte de-ce goutte transparente, distillée des peupliers. »

'Hpiâavtx;, 8ç xàXXlo-rov7]XsxTpovtpÉpEl,O coacw etvai SâxpuovàjroXt6ou|/.EvovAtauYÈ;alyEiptovàitoaTaXaYpiaTI1.

Denys le Périégète attribue aussi le succin aux pleursdes Héliades sur les bords du Padus, et ces pleurs sont

pour lui « La larme de l'électre à l'éclat de l'or. —

ce Aaxpu ypuuauyeo; TJXe'xTpo'.o2. » Et quelques vers plusbas, avec plus de poésie qu'on n'en eût attendu : ceLà« se produit en abondance l'électre au doux éclat,« comme la lumière de la lune à son premier crois-ée sant. »

'Houaa-èiçvjXEXTpoe;àsçeTat, olâ TIÇaC-fJ]M^VT]Çàpyoy.£v/]ç3.

L'espèce d'électre dont nous nous occupons, a reçutrois noms différents, celui d'électre d'abord; plus tard,celui de succin, et enfin celui d'ambre jaune.Les Latins regardant l'électre comme une substance

qui découlait de certains arbres, l'appelèrent succi-num; Pline le déclare : ec Quod arboris succuni esse« prisci nostri credidere, ob id succinum appellantes*.

1. Perieges., 394-400.2. Perieges., 290-293.3. Perieges., 317 sq.4. Nat.-Hist., XXXVII, 11, 3,

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«.:— Comme nos anciens croyaient que. c'était le succe d'un arbrej ils l'ont appelé pour cela succin. » DeJà!il suit quelemomde sUccinum est antérieur à Pline;mais il ne faudrait pourtant pas trop presser ce motpriscus, qui éloigne quelquefois assez peu l'objet auquelon l'applique*Ambre, dans la basse latinité, s'est dit ambrum,

d'où est venu notre mot ambre -: on le dérive généra^lement de l'arabe ànbar. .

L'ÉLECTRE EST PRIS POUR L'OR,

Dans YAntigone, Sophocle fait dire par Créon à Ti-résias :'•!•''-'

'KEpSaîvex', IpnwXare TOVTrpbç2apS£eov'HXsxTpov, e! pouXesÔs,xal TOV'IvStxôvXpUCTo'v........>.. 4.

ce Enrichissez-vous, acquérez l'électre de Sardes, si« vous voulez, et l'or de l'Inde. »De quel métal est-il ici question ? Serait-ce d'un or

allié d'argent? Le poète y songe si peu, que son inten-tion est, au contraire, de citer deux espèces de l'or lé

plus pur, la première surtout. Les anciens ne s'y sont

point trompés ; Eustathe fait même à Sophocle un re-

proche d'avoir abusé de la licence poétique : ce Le« poète tragique, dit-il, a appelé l'or électre, par unte abus de la poésie, qui lui a fait prendre une espèce(t pour une autre. —- "HXey.Tpov, TOVypucxovOU'TCOxaXecja;« ikOiTiTt.xuTepovèv TMXaSeïv eicîo; CCVTIeicWi; 2. » Et ailleurs,

1. Antig., 1019 sq.2. Ad//.,B',865, p. 366.

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revenant sur cette confusion : ceSophocle a osé appelerte l'or, lui-même électre. — 2oepoxX-7i;eToXpice xal aÙTÔvu TOVyçuGQV•/iXexTpoveï'îïeïv1. » Le scholiaste de Sophocle,Démétrius Triclinius, commentant ces vers, nous dit :« H y a, en effet, dans la Lydie, près de Sardes 2, lece fleuve Pactole, qui fournit aux habitants de celleee ville des paillettes d'or. Le poète appelle donc l'or«. électre, à cause de sa pureté; car l'électre est ainsi.te — 'Ev yap TTJAuàia TD^C'WI2apàecov o IlaxTwXo; ècm TïOTa-ce JJ.OÇ,Ayîypi.aTa ypucoij TOÎ; exe? yopviycSv xaXet yoô'v TOVypu-ce cjov vjXexTpov, èîtà TO xaôapo'v TO'-OÙTO;yàp 6 viXey.Tpo;. »

Mais, en l'absence de ces témoignages, ne suffirait-il

pas, pour mettre en évidence l'intention de Sophocle,de remarquer qu'il fait allusion à l'or en paillettes, le

plus pur que connussent les anciens, et cjue nous offrela nature? « Il n'est point d'or, assure Pline, plus parfait« que celui qui est charrié par les eaux, comme ayantce été rendu extrêmement brillant par sa course mêmece et par le frottement. — Nec ullum absolulius aurum« est, ut cursu ipso trituque perpolitum 3. »ceL'or arraché de ses mines, dit Buffon, et roulé

ee dans le sable des torrents, a été choqué et divisé par« tous les corps durs qui se sont rencontrés sur sace route. Il est d'autant plus pur qu'il est plus divisé;ec et cette différence se remarque en comparant ceec métal en paillettes avec l'or des mines; car il n'est« qu'à vingt-deux karats clans les meilleures mines ence montagnes, souvent à dix-neuf ou vingt, et quel-

1. Ad Odyss.,b', 73, p. 1483.2. Le Pactole traverse Sardes; Démétrius a lu irpô ^opostov, au

lieu de 7tpo; lâpoeuiv, qui est la vraie leçon.3. Nat. Hisi, XXXIII, 21.

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« quefois à seize et même à quatorze, tandis que com-te munément l'or en paillettes est à vingt-trois karats 1

tt et rarement au-dessous de vingt 2. »

L'ÉLECTRE NE S'EST POINT PRIS POUR L'ARGENT SEUL.

De la signification de l'or il semblait cjue l'électredût passer tout naturellement à celle de l'argent; maisil n'en fut jjas ainsi. Les anciens n'ont jamais donné à

l'argent seul le nom d'électre, comme ils l'ont fait àl'or; et de cette observation découlent quelques con-

séquences importantes pour la connaissance du métal

cjue noirs étudions.Nous pouvons expliquer maintenant la raison pour-

quoi on ne donna à ce composé d'or et d'argent dontnous allons parler tout à l'heure, le nom d'électre,selon la juste remarque de Pline, que lorsque la pro-portion de l'alliage était un cinquième d'argent surquatre cinquièmes d'or : ce Ubicumque quinta argentite portio est, electrum vocatur. » Supposez, en effet,trois cinquièmes d'argent sur deux cinquièmes d'or,et vous n'aurez guère que la blancheur de l'argentpur; supposez le mélange par moitié, et vous n'aurezencore qu'un blanc équivoque et insignifiant. Maisdans le premier alliage, le cinquième d'argent n'a fait

que pâlir un peu la couleur naturelle de l'or, sans ladissimuler.Nous pouvons aussi relever maintenant l'erreur de

Servius et d'Isidore. Ces deux grammairiens, qui pré-

1. On sait que l'or le plus épuré par notre art est à vingt-qua-tre karals. . .2. Histoire nat., article de IV, t. 111, p..442, éd. Rapet.

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tendent reproduire la définition de Pline, l'ont altéréeen un point essentiel : Plihe'dit que, pour constituerl'électre, la proportion requise était Un cinquièmed'argent sur quatre cinquièmes d'or, et les deux gram-mairiens, un quart d'argent sur trois quarts d'or.Ser-vius : te Secundum Plinium, tria sunt electri gênera....ce Tertiùm, quod fit de tribus partibus auri et unace argenti 1. » Isidore a répété l'es paroles de Servius 8.Cette dernière proportion n'est pas seulement en dés-accord avec celle de Pline; elle est encore, ce qui est

plus grave, condamnée par les remarques que nousvenons de faire, puisque un quart d'argent sur trois

quarts d'or eût rendu l'alliage trop faible de couleur.Il fallait donc à la substance qu'on ajjpelait électre

un bel oeil de teinte jaune, qui rajipelât le premier dés

métaux; c'était là son essentielle condition, à laquelleil ne dérogea jjarfois que pour représenter un éclatsans couleur, et s'appliquer à des corps diaphanes.

L'ÉLECTRE EST PRIS QUELQUEFOIS POUR LE VERRE ET PODRSIGNIFIER LA. TRANSPARENCE EN GÉNÉRAL.

En s'emparant des substances les plus brillantes,l'électre devait nécessairement en venir à s'approprieraussi le verre; c'est ce qui arriva. Un passage de Lu-cien semble marquer la transition. Décrivant lesbeautés de la femme : te Et le reste du corps, potiï-tt suit-il, brille, comme on dit, avec plus d'éclat quece l'électre ou que le verre de Sidon. — 'HXe'xTpou, epa-

1. Ad JEn., VIII, 402.2. Orig., XVI, 24.

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« criv, vi Swwviaç ù£Xou &t,a<pe*j'yéà>È'epovàroxiyTpaTmi 1. » Lescholiaste d'Aristophane, pour sa part, admettait sibien que l'électre désignait le vèrre^ qu'il croyait que lemot n'avait pas d'autre signification dans Homère, et

qu'vi>.ex.Tpo; y remplaçait 6a^6ç, inconnu, du poète. A

propos d'ualoq, « Homère, dit-il, né'connaît point «ceK nom; mais chez lui et chez 1 les anciens poètes, c'est« -flXexTpoçque l'on emploie, et non pas iïoikoç. — "Opipo;« 8i oùx, ot^e'TÔ ovop.'a, àXkèt roxp' aÙTÔ /.al Totç âp^at'oiç TTXE-« XTpoç f/.év sCTiv, ua^bç $è ou 2. »L'électre semblerait avoir subi sa dernière transfor-

mation; il ira cependant encore plus loin, s'il se peut,et remontant au je ne sais quoi de son point de départ,il exprimera, non plus seulement l'idéal d'un métal

éclatant, mais l'éclat et la, transparence même.Ainsi Callimaque voulant faire briller à nos yeux

la pureté d?une eau vive, nous dira, « Qu'elle jaillis-« sait de sa source, semblable à l'électre. »

.... Ta S' (SUT'àXéxTpivovuSiop'EÇ à|/.apav àvÉ8ue. , 3.

Ainsi Virgile, après lui, voulant donner la plushaute idée de la limpidité d'un fleuve, le représenteracomme plus pur que l'électre :

Pnrior electro campum petit amnis 4. •

Et Servius, à bout d'explications, nous dit, que son

poète a comparé le fleuve à l'électre, parce que ce

1. Jmor., c. 26, t. II, p. 427, éd. Reitz.2. Ad Nub., 768.3. Hymn. in Cer., 29 sq.k. Georg., III, 522.

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métal, est plus épuré que tous les autres, eleclruin de-

foecalius est metallis omnibus.Ici l'électre nous échappe sous une abstraction, et

nous voudrions pouvoir le laisser dans cette indéciseobscurité, qui peint si bien sa nature changeante, équi-vqque, insaisissable; mais nous avons encore à le suivresous d'autres transformations.

L'ÉLECTRE EST PRIS POUR UN ALLIAGE D'OR ET D'ARGENT.TIN MOT A CE SUJET SUR L'AIR AIN DE CORINTHE.

A la rigueur, on pourrait soutenir que tout or estde l'électre; car il n'y a point de mines dont l'or nesoit allié d'argent; il est même vrai de dire que, dansla plupart d'entre elles, cet alliage naturel se composed'une plus grande quantité d'argent que d'or.Pline, qui est sur ce point l'autorité prépondérante,

nous dit : « Dans tout or se trouve de l'argent en« quantité variable, ici allant à un dixième, là à un« neuvième, ailleurs à un huitième. Partout où la« proportion de l'argent forme un cinquième, le mé-« tal est appelé éleclre. On produit aussi artificielle-ce ment de l'électre, en ajoutant de l'argent. Si cet« argent dépasse un cinquième, le métal ne résiste pas« à la percussion. — Omni auro inest argentum vario« pondère, alibi dena, alibi nona, alibi octava parle.« Ubicumque quinta argenti portio est, electriun vo-« catur. Fit et cura electrum, argento addito. Quod« si quintam portionem excessit, incudibus non re-« sistil 1. »De ce passage résultent quelques conséquences im-

1. Nat. Hist., XXXIII, 23.

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portantes pour l'histoire de la métallurgie antique, etnous les devons mettre en lumière.Il s'ensuit d'abord que les anciens donnaient sur-

tout le nom d'électre à un alliage naturel, offrant les

proportions requises. Mais comment s'assuraient-ils

que ce métal réunissait en effet ces conditions ? Al'aide de la pierre appelée coticula, ou lapis Ljdius,pierre Lydienne, à l'aide de la pierre de touche;épreuve que Pline préconise avec son habituelle exa-

gération , et qu'il donne comme le moyen d'estimeravec une admirable précision, mirabili ralione, la

quantité d'or, d'argent ou de cuivre, qui se trouvaitdans une mine '.Il s'ensuit en second lieu que, lorsqu'on recourait

aux procédés de l'art, pour faire de l'électre, il ne s'a-

gissait pas de former un alliage entièrement artificiel,niais de prendre un électre déjà commencé par la na-

ture, et de l'achever, en y ajoutant la quantité nécessaire

d'argent. Fallait-il, par exemple, convertir en véritableélectre l'alliage que Pline nous a cité comme ayant ausortir de sa mine un dixième d'argent? On ajoutaitun autre dixième, et la proportion demandée se trou-vait régulière. Mais pourquoi ne faisaient-ils pas l'opé-ration plus complète ? Pour tirer parti de l'amalgamenaturel, réservant l'or pur à d'autres usages.On demandera peut-être encore d'où vient qu'ils

paraissaient tant tenir à cet électre proprement dit.Us avaient pour cela des motifs plus graves qu'on ne

pense : ils trouvaient à cet alliage une propriété sin-

gulière, et. lui supposaient une vertu presque surna-

1. Nat. Hi.u., XXXIII, 43.

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turelle; écoutons Pline : « Il est dans la nature de« l'électre de briller avec plus d'éclat que l'argent à la« lumière des lampes. Celui qui est naturel décèle« aussi le poison; car sur les coupes des arcs sembla-« blés à l'arc-en-ciel vont se traçant de divers côtés,« avec le crépitement de la flamme, et par ce double« signe donnent un pronostic. — Electri natura est,« ad lucernarum lumina clarius argento splendere.« Quod est nativum, et venena deprehendit; namque« discurrunt in calicibus arcus, coelestibus similes,« cum igneo stridore, et gemina ratione prsedicunt1.»Ici se présente la question, si les anciens savaient

faire le départ ou la séparation de l'or et de l'argent;sans perdre du moins ce dernier métal. Un juge très-

expert dans la matière, Savot, leur a dénié absolumentcette connaissance, et il s'appuie de quelques Lois du

Digeste, qui prêtent à ses paroles une grave confirma-tion 2. Je puis fortifier son opinion d'une preuve nou*velle et plus concluante encore peut-être. Strabon

parlant de l'or de l'Espagne, nous dit : « De l'or cuit« et purifié à l'aide d'une certaine terre alumineuse,« il reste un résidu qui forme de l'électre ; si l'on« recuit ensuite ce résidu, qui contient de l'argent et• « de l'or, l'argent se consume et l'or reste au fond.« — 'Ex. &èTOOyjpuctô èi}io[/.6vouxai x.a0aipo(AÉvouoTuirr/ipiM-,« Sêt TIVI y?i, TO y.à9app.oc vîXexTpov eivai • icaXiv 8i TOUTOU« y.aOeijJO^.é'vou,juyjjwc ê'^ovTOçàp-yupov x.ai ypucroS, TOVpv« apyupov àTroy.auofJai, TOVas ypuaôv ÛTrop'.é'veiv3. »

Quoiqu'il ne soit point dit ce qu'est devenu l'argent

1. Nat. Hist., XXXIII, 23.2. Discours sur les Médailles antiques, p. 79 sqq.3. III,,p. 146.

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dans la première opération, on présume sans peinequ'il a subi le même sort que dans la seconde, qu'ils'est consumé. . >

Je ne veux pas négliger de remarquer qu'au lieu

d'àTOwaieaÔai, être consumé par le feu, La Porte duTheil et Coray ont proposé de lire âiroxaôaipEirOat, être

séparé ou scorifié.Ce ne sont là ni des corrections ni des restitutions,

mais des changements arbitraires que la critique dés-avoue et que la science n'accepte point.Nous nous rendons mieux compte maintenant de

la façon de parfaire l'électre, employée par les anciens^façon toutefois dont on ne se douterait guère, si oris'en rapportait aux traducteurs, qui traduisent •" « On« fiait aussi de Yelectrum artificiel, en mêlant de l'ar-« gent et de l'or. » '

Pline avait déjà indiqué le même procédé, quand ilavait dit : (r Juvat argentum aufo confuhdere, ut« electra fiant ; addere his sera, ut Corinthia *. — Ori« se plaît à mêler l'argent à l'or, pour produire l'é-« lectre ; à allier le cuivre à ces métaux, pour pro-« duire l'airain de Corinthe. »

Cependant on conçoit qu'au milieu de tous ces

électres, produit de la nature , ou perfectionnementde l'art, il fût souvent difficile de distinguer l'un de

l'autre; et c'est, je crois, à cette équivoque incertitude

que fait plaisamment allusion Julien , lorsqu'il ditdans les Césars : « 'H Se (xlivn) TOS Àtoç rjv âpyupou f/iv« GTt'XirvoTÉpa, xpuaiou &è 'XsuxoTé'pa. TOÏÏTOevre ri)i.ex.Tpov.« ^pi xa'Xeïv, s'iTe aXko Tt >.eyeiv, où ccpoSpa èx. TWVpitaX-

i. Nat. Hist.JX, 65.

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« >.euo[xÉvcùvùyi JJUHyvwpip.wç 6 'Epp/iç tppacat '. — Le« lit de Jupiter était plus luisant que l'argent, et« plus pâle que l'or. Faut-il appeler cette matière« électre, ou la désigner de quelque autre nom?« C'est ce que Mercure ne pouvait m'expliquer bien« clairement, à en juger d'après les métaux na-« turels 2. »On s'habitua même, sans avoir égard à la teinte

de jaune plus ou moins clair, qui avait fait d'aborddonner le nom d'électre à l'alliage de l'or et de

l'argent, on s'habitua à n'employer ce nom quecomme la désignation commode d'un troisième mé-tal résultant du mélange des deux autres. C'est ce

qu'on peut induire du passage cité de Strabon etdes paroles suivantes de Tertullien : « Et bien que« l'électre soit allié d'or et d'argent, je ne l'appel-« lerai cependant ni argent ni or, mais électre. —« Et electrum, licet ex auro et argento foederatum,« nec argentum tamen nec aurum appellabo, sed« electrum 3. »Du reste, cette signification est si vulgaire, qu'il se-

rait inutile d'en citer beaucoup d'exemples ; je mecontenterai d'en donner deux ou trois.Silius Italicus me paraît avoir exprimé avec une

1. Julian. Oper.,\>. 307, éd. Spanhem.2. Spanheim, dans sa traduction des Césars, n'a nullement

entendu cette phrase ; il traduit : « C'est ce que Mercure n'a su« me dire, et dont même il n'a pu s'éclaircir de ceux qui s'ap-« pliquent à la recherche des métaux {Les Césars de l'empereur« Julien, p. 19). »MstaWisuEsûcuest au passif, et se dit de tout métal extrait de la

terre, et travaillé par l'art.3. Adv. Uirnmg., p. 242, éd. Rigalt.

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heureuse précision l'alliance des deux métaux pourformer un électre naturel, quand il a dit :

Electri gemino pallent de semine venae *.

Pausanias n'admettait que deux espèces délectres,l'ambre jaune et l'alliage d'or et d'argent. A proposd'une statue d'Auguste, qui était d'ambre jaune, ildit : « Cet électre-là dont ils ont fait la statue d'Au-« guste, est extrêmement rare, comme tout celui que« l'on trouve par hasard dans les sables de l'Eridan;« aussi est-il mis à haut prix par l'homme. Quant à« l'autre espèce d'électre, c'est de l'or mêlé à l'argent.« — To Se vi'XexTpovTOUTO, ou TCOAùyouGTw TreTCoîviVTatTYIV« eîxova, ôcov piv aÙTO[/.aTovsv TOÙ'HpiSavoîï TOCÏÇ<|/ap!.[jt.oi<;« eûpt(TX£Tat,ffitavi^ETat Ta [/.à^iffTa, xal âvÔpcoTrwTtfAiovKok-« "km ÈCTIVé'vExa• TOSe aXXo viXexTpoY, âvajAEjAi'yp-^oÇÈGTIV« àp'yupou^pu<so;\ »On voit qu'il prenait au sérieux la fable des Héliades,

tout en reconnaissant un fait qui aurait dû le dés-abuser, l'extrême rareté de l'électre que l'on trouvait,dit-il, par hasard dans les sables du Padus. MaisPausanias n'avait pas l'odorat subtil de Lucien, quinous apprend fort plaisamment qu'il ne fut jamais,lui, dupe de la fiction 3.Eustathe, qui admettait trois espèces d'électres,

signale comme la principale, l'alliage en question :« MaXicTa Se p.iy(/.a )(pu<>oSxai àpyupou*. — Mais Fé-

1. I, 229.2. V, 12, 6.3. Lire le récit intitulé : IIspi TGÏÏ̂ Xs'xtfou, Y|TWVxûxvwv, t. II,

p. 87-91, éd. Reitz.4. Ad Odyss., A',' 73, p. 1483.

24

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« lectre est principalement un mélange d'or et d'ar-ec gent. »

Finissons, en rappelant un emploi remarquable quel'on fit parfois de cet alliage ; on en fabriqua desmonnaies. Lampride nous apprend qu'Alexandre Sé-vère fit frapper à l'effigie d'Alexandre le Grand une

quantité considérable de médailles, et qu'un certainnombre de ces monnaies étaient même d'électre, mais

que la plupart cependant étaient d'or : « Alexandri« habitu nummos plurimos figuravit ; et quidem ele-« ctreos aliquantos, sed plurimos tamen aureos '. »

Puisque nous en sommes sur les monnaies d'électre,signalons un abus où sont tombés quelques numis-matistes.Un rédacteur de la Revue- Numismatique, M. Ed.

Lambert, conservateur de la Bibliothèque de Bayeux,à propos de quelques médailles gauloises, nous dit :« Ces pièces sont d'une espèce à'electrum, ou amal-« game d'or, d'argent et de cuivre, probablement dans« la proportion du tiers de chacun de ces métaux 2. »Jamais les anciens n'ont appelé électre un pareil

amalgame, et l'on confond ici l'électre avec la compo-sition du cuivre corinthien, alliage d'or, d'argent et decuivre. Pline distinguait, en effet, trois espèces de cui-vre corinthien : l'un où l'argent dominait, et qui était

blanc; l'autre, ayant la couleur fauve de l'or; et letroisième offrant un mélange des trois métaux en pro-portion égale : « Ejus tria gênera : candidum, argento« nitore quam proxime accedens, in quo illa mixtura

1. Hist. Aug. Script., t. I, p. 922 sq.2. Revue Numismal., année 1836, p. 2.

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ir praevaluit; alterum, in quo auri fulva natura ; tertium,« in quo oequalis omnium temperies fuit 1. »La même confusion a été commise ailleurs. L'ana-

lyse d'une pièce sacrifiée à la science par M. le ducde Luynes ayant offert, avec des différences notablesdans la proportion de ces métaux, de l'or, de l'ar-gent et du cuivre, quelques numismatistes se crurentautorisés à regarder ces médailles comme des mon-naies à'electrum. M. Ch. Lenormant s'élève avec rai-son contre un pareil abus, et n'hésite point à qualifierl'alliage des trois métaux de prétendu electrum!.J'ai disposé chronologiquement les divers rôles de

l'électre, et l'on voit qu'en ce qui touche l'alliage d'oret d'argent, il ne se trouve au delà de 1ère chrétienneaucun témoignage explicite et authentique, attestantqu'on ait donné le nom d'éledre à un pareil métal.Je sais qu'on a voulu voir cet alliage dans le passage

1. Nat. Hist., XXXIV, 3.— Je laisse à Pline toute la respon-sabilité de sa distinction; pour moi, m'attachant à la désignationmême de l'alliage corinthien, appelé airain de Corinthe,]e ne puiscroire que l'on ait jamais donné ce nom à. un amalgame où l'or,l'argent et le cuivre se seraient trouvés en proportion égale. Qu'ilentrât dans cet airain une portion d'argent, une certaine quantitéd'or, je le veux bien; mais le cuivre y devait considérablementdominer. C'est du reste ce qu'indique une historiette rapportéepar Plutarque. Il ne s'agit plus ici, comme chez Pline, d'un amal-game opéré par le hasard dans l'incendie de Corinthe, amalgameoù nous ne savons dans quelle proportion se mêlèrent les troismétaux; mais d'un alliage opéré par le feu « Qui dévore une« maison renfermant un peu d'or et d'argent, et beaucoup de« cuivre qu'on y avait déposé. — 'ETtivstjAoeu.svoumipèç oïxîav ïjo<i-« 5«v n j^pusoù xoù àpyûpou, TrXeïffTOvSi j(aXicoïïcnroxEifAevov(Dea.Pythise orac., t. VII, p. 353, éd. Reisk.). »2. Revue Numismat., nouvelle série, t. I, p. 88-98.

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d'Hérodote, où l'historien parlant des demi-plinthesque Crésus envoya à Delphes, nous dit : « Que de ces« demi-plinthes quatre étaient d'or pur, pesant cha-« cune deux talents et demi ; et que les autres étaient« d'or blanc, pesant deux talents. — Kal TOUTE'WVcbe-« <p9oDyjJUGoOTÉccapa, TpiTOV-/jpTalavTOV é'xacrrov É'XxovTa"« Ta Se aX>.a-ô[U'7?^.ivôia,XEuxou^puo-oij,crTaÔjxovSiTG&avTa1.»Cet or blanc a été pris assez généralement pour de

l'électre ; mais indépendamment de tout ce qu'il y ad'abusif et de téméraire dans une telle interprétation,j'affirme hardiment, d'après le poids et la couleur, quecet or devait contenir beaucoup trop d'alliage d'argentou d'autre métal, pour mériter le nom d'électre.Le même jugement s'applique aux statères de l'Asie

Mineure, dont Raoul-Rochette dit : « Les statères« frappés dans les divers Etats de l'Asie Mineure, pa-« raissent avoir été fabriqués de cet or connu des« Romains sous le nom $ electrum, et presque blanc,« à cause de la quantité d'argent dont il est naturel-« lement allié. Je dis naturellement, parce que les« différences de titre que la balance hydrostatique« fait découvrir dans diverses pièces d'un poids et« d'une valeur identiques, prouvent que les Grecs« ignoraient la quantité de cet alliage, et par consé-« quent, qu'il n'était point artificiel 2. »Jamais les Grecs ni les Romains n'appelèrent vfts-

XTpo; ou electrum, un or presque blanc; nous avonsdéterminé plus haut quelle était la teinte requise pourautoriser le nom d'électre.

i. I, SO.2. Journal des Savants, avril, 1819, p. 208.

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L'ÉLECTRE EST PRIS POUR LE LAITON, ET SE CONFONDAVEC L'ORICHALQUE.

Ce que nous avons dit au sujet de la couleur quel'on supposa généralement à l'électre, faisait déjàpressentir le rôle qu'il avait encore à jouer. Aprèsl'or, l'électre devait représenter la composition quiavoisine ce métal jusqu'à tromper les yeux; il devaitreprésenter le laiton. Hésychius le définit d'abord par:« AXXO'WJÎOV/pucîov '. — De l'or auquel on a fait pren-« dre une autre forme. » Et au mot suivant, il ajoute :« Msra'X'Xovy pucîov. — Métal ressemblant à l'or. » CetIXMOTUTCOVqui a beaucoup embarrassé, et qu'on a voulu

changer de plusieurs manières différentes, toutes inad-missibles , signifie de l'or sous une autre forme quecelle qu'il a naturellement, un métal ressemblant à

l'or, comme l'explique Hésychius ; partant, le laiton :ce sens va s'éclaircir et se préciser.Sur les trois significations qu'Eustathea données du

mot électre, il signale en premier lieu la suivante :« L'électre, dit-il, est peut-être bien aussi, comme on« le croit généralement, une espèce de matière de« la nature du cuivre, mais d'une qualité toute parti-« culière, qui le distingue du cuivre simple. —VHAE-« XTpoçSa, ïo-wç[AEVxai CÀYITIC, xaTKToùç TVOÀ'XOÙÇ,^aAxwSviç,« îSiaiTaV/), napà TOVàirXwç yaXxoV. » Ici nous touchonsau laiton, et c'est dans ce sens que l'on prenait alors

généralement l'électre, xaTa TOÙÇIUOAXOÙC, de l'aveud'Eustathe.

1. V. "HXexTpov.2. Ad Odyss., A', 73, p. 1483.

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Nous allons faire un progrès, à l'aide du lexique deZonaras; on y lit : « "H'XexTpov -/ccAxo)[;.axaôapov, y «AAo'-« TUTTOVypudtov 1. — Electre, cuivre épuré, ou or sous« une autre forme. » Ici l'électre et le laiton se con-

fondent, et on les définit l'un par l'autre.Venons à une assimilation plus complète encore ; le

grammairien Jean Pédiasimus, dans son commentairesur le Bouclier d'Hercule, a défini, nous l'avons vu

(p. 226), Xorichalque par cuivre blanc : « 'OpsiyaAxo:'« TQ liuv.hv ya'A/.wp'.a. » Dans le même commentaire, ilest amené à expliquer aussi l'électre, qui se trouvesur l'armure du héros; comment le définira-l-il? Parla définition de l'orichalque, W/.oç yaXxoç, cuivreblanc : « Tout le bouclier, dit-il, brillait de cuivre« blanc et d'or. — "Olov 'Xa(;.7ïpQVYIVAeu/.w ^aÀxw xai ^pu-« o-iw8. » Et un peu plus bas : « Le mot électre désigne« ici abusivement du cuivre brillant comme l'or, à« cause de son éclat. —"HAey.Tpoç xaToc^pYio-TixcoçèvTaûfiaa 6 ypucoAaiATTTiçyoLk/.bç, Sià TOXap.—pov. »Du reste, au moyen âge, la signification d'électre

s'arrête et se fixe définitivement dans celle de laiton.Du Cange le définit : « Mixtura quoedam oeris et stanni,« nomen sumens cum electro a coloris similitudine 3; »et il cite cet exemple emprunté à la Vie de saintGuillaume : « Disciplinabat se catenis tribus .electri« vel de latone. — Il se disciplinait avec trois chaînes« d'électre ou de laiton. »

1. V. "HXsicTpov.— Les détails qui suivent, dans Zonaras etdans Suidas, et que nous avons rapportés, p. 233, n'influent en riensur la définition.2. Ad v. 142.3. V. Electrum.

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Nous avons entendu Thomas de Cantipré nous dire

(p. 296) : « Hoc aurichalcum frequentius Scripturae« vocant electrum; et hoc, propter colorera electro« prope consimilem. — Les livres saints appellent« fort souvent cet aurichalque électre ; et cela , à« cause de sa couleur presque semblable à celle de« l'électre. »

Ainsi, après s'être enveloppés à l'origine de voiles

mystérieux, pour mieux abuser l'imagination sur les

qualités fabuleuses qu'ils affectaient l'un et l'autre,l'électre et l'orichalque aboutirent ensemble à un mé-tal vulgaire, où devait s'éteindre pour toujours leuréclat prestigieux. Cette conformité de destinée m'a

paru lier indissolublement leur histoire.

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INDEX

DES MOTS ET DES CHOSES LES PLUS REMARQUABLES

CONTENUSDANSCET OUVRAGE.

A

Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Discussion mémorablequi s'engage entre quelques mem-bres illustres de cette Compa-gnie, au sujet des épées de cuivrejaune, déterrées à Gensac, pages'205-208.

Achc. Plante qui passait .pour êtrele produit du sang du Cabire misà mort, 160-161.

Agamemnon. Il passe pour s'êtrefait initier aux mystères de laSamothrace, 166-167.

Ages'du monde. Un cinquième âgeaurait été désigné du nom del'orichalque, s'il en faut croireServius, 274-276.

Airain. L'orichalque s'est pris pourl'alliage que nous appelons au-jourd'hui airain ou bronze, 257-259.

Airain de Ccrinthc. Détails sur sacomposition, 371.

Albert le Grand. Il nous apprendle procédé usité de son tempspour convertir le cuivre en ori-chalque (laiton), 293-295.

Alliage. Invention de l'alliage ducuivre avec l'étain, 17-18, 95;avec le zinc, 95.

Alliage des métaux. Homère ne l'apoint connu, ni Hésiode nonplus, 337-343.

Ambre, Etymologie de ce mot,359.

Ambre jaune. Voyez son histoire àl'article Electre.Ampélius. Ce grammairien a parléde l'orichalque, dans sou Libermemorialis, 266.

Anactotélestes. Prêtres qui prési-daient au culte de la mort cabi-rique, 160.

Anastase (le Bibliothécaire). Il aparlé plusieurs fois de l'orichal-que (laiton), qu'il écrit aussiaurochalcum, 293.

Andira. Ville de la Mysie, où setrouvait la pierre calaminaire,ou la mine de zinc, 244-253.

Angèlos. Histoire de la purificationde cette déesse par les dieux deSamothrace, 172-173. •

Antalciias. Il se fait initier en Sa-mothrace ; sa réponse au Koiès,165-166.

Apollinaire. Il a parlé de l'orichal-que, 277.

Apollon. Il est surnommé Telchi-nien, 109; Lycien, 119-120.

Page 392: Les métaux dans l'Antiquité

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Apolloniusde Rhodes. Il a parlé del'orichalque, 213. Il a célébréla métamorphose des Héliades,356-357.

Archal. Dernière forme sous la-quelle se montre l'orichalque,avant de faire place au mot lai-ton, 301-302.

Argent. Minesd'argent dans laBac-triane et dans la Colchide, 75-76; dans l'Attiquç, 214.Aristoie. Dans son ouvrage sur lesInventions, il attribuait l'art defondre et d'allier l'airain à Scy-thes le Lydien, 17-18. Il niaitl'existence de l'orichalque, 222-224. Aristote avait-il fait un ou-vrage sur la Lumière? 297-298.Il n'a point prêté à Thaïes laconnaissance de l'électre, maisseulementcelle de l'aimant, 347-348.

Armes. C'est le premier emploiqu'on a fait du métal, 149-130,238-239.

Arrien. Il a parlé de l'orichalque,261.

'Ap^f^aXzoç. Omis dans lesLexi-ques, 214.

Astyra. Ville de la Troade, possé-dant des mines d'or, 48.Attius (Lucius). Beau passage deson Philoctète cité, 54.Aurichalcum.Origine de cette fausseorthographe; elle fît croire à laprésence de l'or dans l'orichal-que, et engendra deux espècesde ce métal sous le nom d'ori-chalcum et d'aurichalcum, 285-291.

Aurochalcum.Autre façon d'écrirele mot oricbalque, 293.

B

Bacchylides. Il faisait mention del'orichalque, 221-222.Bactriane.Riche en mines d'argent,75-76.

Baltique. C'est de cette mer que

vint aux Grecs l'ambre jaune,348-349, 353-355.

Bcchmann. Erreur qu'il commetdans l'explication de la phrasede Strabon , relative à l'alliagedu cuivre avec le zinc, 245-246.Autre erreur qu'il commet ausujet d'une antique statue d'A-pollon à Sicyone, 280-282. Sonopinion sur l'orichalque exa-minée en détail, 322-325.

Béotie. Elle p'roduit du fer distin-gué, 69-70.

Bérengaud (auteur d'un commen-taire sur l'Apocalypse).Il donnela composition de l'orichalque(laiton), 292-293.

Bochart. Son sentiment sur Vauri-chalcum, 313-314. Il a donnéd'amples détails sur l'électre,333-334.

Boeckh.Il a comparé les Telchinesaux Dédalides; en quoi clochesa comparaison, 122. Son re-cueil d'inscriptions en offre uneoù figure l'orichalque, 260-261.

Boullenger(Jules-César). Son sen-timent sur Vâurichalcum,308.Bouclier d'Achille. Dans celte des-cription, il n'y a point tracé del'alliage des métaux, 339-343.Bouclier d'Hercule. Dans cette des-cription, il n'y a point trace del'alliage des métaux, 337, 343.

Bronze. Etymologie de ce mot,270-272.

Buffon. Comment il prouve que ladécouverte du cuivre est bienantérieure àcelledufer,216-218.Son sentiment sur l'orichalque,315. Ce qu'il dit de la pureté del'or en paillettes, 360-361.

Buttmann. Il a fait un Mémoiresur l'électre, 333.

G

CoAiref.Leurdescendance, 43-45.CesGénies étaient au nombre detrois ; plus tard, on leur adjoi-

Page 393: Les métaux dans l'Antiquité

^ 379 ~

gnit un assesseur, appelé Casmi-lus. Us eurent des noms pro-fanes et mystiques; interpréta-tion de ces noms, 45-46. Ustiraient leur nom de leur mère,ou plutôt des montagnes de laPhrygie, 46-47. Us s'annoncentcomme métallurges par la con-trée d'où ils viennent et les îlesoù ils vont. On les fait partir dela Phrygie, 46- -Ils étaient sou-mis à Rhée, 47. De la Phrygieils serendent dans la Samothrace,50-51 ; ils vont à Lemnos, 50;de là ils passent à Imbros, 55.Us sont appelés habiles dans laforge, 56. Les médailles de laMacédoine les représentent aussicomme des Génies forgerons,57-58. En quoi ils différaientdes Cyclopes, 59-60. Us figu-rent le second degré de la mé-tallurgie, 61. Leur liaison avecles Dioscures. 63-66. Leur cultes'étend fort loin, mais clans despays qui se font remarquer parleur richesse métallique, 68-70.

Cabirique(mort). Qu'était-ce que lamort cabirique? 153-155. Où sefaisait la commémoration de cetévénement? Cen'était pas, commeon le croit à tort, dans le sanc-tuaire de Samothrace, mais enMacédoine, 155. Violentes dis-sentions élevées parmi les Ca-hires, et à la suite, le meurtrede l'un d'eux accompli par lesdeux autres. Origine de cettetradition; on ne peut l'expli-quer que par l'histoire des mé-tallurges. Interprétation du pro-verbe : un Ce/misd'ans le fer. CeCelinis, l'un des Dactyles, se sé-pare de ses deux frères; cettediscorde suggère plus tard l'idéede la dissention élevée entre lesCabires, 155-157. A quelle épo-que la mort cabirique devint-elle un objet du culte des Macé-doniens? 158-159. Pourquoi lesécrivains ecclésiastiques se sont-ils attachés à relever ce meurtre?

159. Avec la mort cabirique, lesA'naclotélestes, doivent être ex-clus du sanctuaire de Samo-thrace, 160; ainsi que la planteappelée ache, 160-161.

Cadmie. Connue des anciens, 252.Calamine. Prodiges apparents dela pierre calaminaire expliquéstrès-naturellement, 251-254.

Callimaque. Il attribue aux Tel-chines la fabrication du tridentde Neptune, 108. Il a parlé del'orichalque, 213. Il a parlé de. l'électre, en le prenant pourl'emblème de la transparence,363.

Cange (Du). Discussion de l'étymo-logie qu'il a donnée du motbronze, 270-272. Définition qu'ila donnée de l'électre, 274.

Cave. Cet écrivain s'est trompé, encroyant l'ouvrage de Thomas deCantipré, de Naturis rerum, per-du, 297.

Cérès. Elle est reçue dans le sanc-tuaire de Samothrace, 141 ; sesrapports avec les Cabires la fontsurnommer Cabirique, 183-185.Elle est confondue avec Rhée etProserpine, 150-151.

Cérès et Proserpine, Elles reçoiventdans une île près de la Bretagneun culte semblable à celui quileur est rendu dans la Samo-thrace, 143.

Chalcé, Chalcis, Chalcitis.Ces nomsdonnés à des îles et à des villes,annoncent l'abondance du cuivreen ces endroits, 88-89.

Chalcolibanon. Détails sur cettesubstance imaginaire, 230-234.

Chypre. Fertile en cuivre, 77-78.Revenus considérables que lesRomains tiraient du cuivre decette île, 268-269.

Cicéron. Il suppose un même objetaux mystères de Cérès et à ceuxdes Cabires, 184-185. Il examineun cas de conscience où il s'agitde l'orichalque, 264.

Cisthène.Ville de la Troade possé-dant une mine de cuivre, 48.

Page 394: Les métaux dans l'Antiquité

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Clavier. Il traduit mal plusieursphrases de Pausanias, 282-283.Clémentd'Alexandrie. Il faitdécou-vrir le fer par les Dactyles àChypre, 32 ; leur attribue l'in-vention des lettres Éphésiennes,3b.Il fait découvrir l'alliage ducuivre par Délasl'Idéen, 32, 9b.Ce qu'il dit de la mort cabirique,133-154; de la plante appeléeachc, 160.

Colchidc. Riche en mines d'or,d'argent et de fer, 76.

Coraj. Erreurs qu'il commet dansl'interprétation de la phrase deStrabon, relative à l'alliage ducuivreavec lezinc, 246-251;dansl'interprétation de la phrase dumême auteur relative au départde l'or et de l'argent, 367.

Corion. Montagne de Chypre ri-che en cuivre ; etymologie dumot, 77-78.

Corybantcs. Leur extraction, 72-73. Leur premier séjour dans laTroade ; etymologie de leurnom, 73-74. Us vont en Sa-mothrace, 74-75. On les faitpartir aussi de la Bactriane etde la Colchide; pourquoi? 75-76. Us allèrent à Chypre, 77-78.Lespays où ilsïésident lesan-noncent comme métallurges, 79.Ils fabriquent eux-mêmes leursinstruments, 79. Ussont dits gar-diensde Jupiter enfant, 81-82.Usséjournent en Eubée, 90; ils fa-briquent eux-mêmesleurs armes,90-91. On les confond avec lesCuretés, 91-92 ; moyens de lesdistinguer, 92-94. Ce sont desserviteurs de Rhée, 94. Us mar-quent un progrès sensible dansla métallurgie, 95.

Crète. Rivalité entre cette île et laPhrygie ; causesde cette rivalité,14, 15, 16. Elle dut posséderdes mines; plusieurs auteurs del'antiquité y ont fait découvrirles métaux, 30-31. AppeléeTelchinie, 104.

Creuzer. Il a pris le fond de sa

Symboliquedans les MystèresdeSainte-Croix; appelépar Lobeckle pedisequus de Sainte-Croix,96-97.

Critique philologique.Exemple cu-rieux de ce qu'elle était chez lesGrecs, au temps de Pausanias,282-284.

Cuivre. Les anciens connurent lecuivre longtemps avant le fer,214-218. Jusqu'au temps de laguerre de Troie, il constitue unedes principales richesses, 218-219. La religion affecta de seservir d'instruments et d'outilsde cuivre; pourquoi? 219. Lecuivre est remplacé par le fer,220. Le cuivre primitif est idéa-lisé, et devient l'orichalque, 220-221. Les anciens surent donnerau cuivre une trempe qui le ren-dait aussi dur que le fer, 237-242. La fabrication du cuivrejaune remonte au moins au mi-lieu du quatrième siècle avantl'ère chrétienne, 254-255. Cui-vre alliéappelé blanc, par oppo-sition au cuivre rouge, ou pur,256-257. Vasesd'un cuivre très-précieux, donnés par Esdras autemple de Jérusalem, 267. Cui-vre de l'Inde, d'un éclat remar-quable, 267-268. Etymologie dumot cuivre, 268-269.

Curetés. Leur généalogie, 79-80.Les uns les faisaient Cretois, lesautres Phrygiens, 80-83 ; on lesdéclarePhrygiens, 83.On prouvequ'ils furent chargés seuls de lagarde de Jupiter enfant, 84-87.Ce sont eux qu'il faut voir surles médailles qui représententdes personnages, frappant leursboucliers auprès du berceau deJupiter, 86-87. De la Phrygieils passent en Samothrace, 88.De la Crète ils se rendent dansl'île d'Eubée, 88-90. Us fabri-quent leurs armes, 90-91. Onles confond avec lesCorybantes,91-92 ; moyens de les distinguer,92-94. Etymologie de leur nom,

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92-93. Ce sont des serviteurs deRhée, 94. Les pays où ils rési-dent les annoncent comme mé-tallurges, 94. Us marquent unprogrès sensible dans la métal-lurgie , 95. Distinction des Cu-retés , peuple , et des Curetés,Génies métallurges, 99-100.

Cyclopes.Ce qu'étaient ces Génies,en quoi ils différaient des Cabi-res, 59-60. Us travaillent a>ce-lés Telchines au collier d'Har-monie, 110.

D

Dactyles. Documents pour l'his-toire de ces Génies, 16-17. LaCrète et la Phrygie regardéestour à tour comme leur séjourprimitif; avantage en faveur dela Phrygie, 17-22. De quels pa-rents étaient issus les Dactyles ?22-26. Us représentent les rudi-ments de la métallurgie, 27. Ilssont au nombre de trois; plustard, on leur adjoint un Hercule,27-28. On prouve qu'ils étaientdes métallurges par les paysqu'ils habitèrent, 28-33. Ety-mologie du mot, 23-27. Nou-velle histoire des Dactyles toutentière éclose de l'abus du nom.On les appelle magiciens; pour-quoi? 33. On distingue desDactyles mâles et des Dac-tyles femelles ; ils peuvent en-voyer des maléfices et les retirer,34. Us passent pour inventeursdes lettres Éphésiennes, 35. Leurnom, prononcé tout bas, est re-gardé comme un préservatif, 36.On les confond avec les dieuxLares, 36-37. Us passent pourmusiciens et inventeurs de la mu-sique instrumentale, 37-40. Onles regarde comme maîtres d'Or-phée, 40.

Dardanus, Il passe de la Samo-thrace en Asie, et y fonde une

ville de son nom, 176. Il revienten Samothrace, et repasse enAsie,y transportant les mystères,177-178. Autre tradition rela-tive à Dardanus, imaginée pourflatter la vanité romaine, 180-182.

Découvertes.Chez les Grecs, ellesse rattachent toutes à la théolo-gie, 11.Délas (Phrygien). Il passe pouravoir enseigné l'art d'allier l'ai-rain, 17.

DémétriusdeScepsis.Autorité gravesurtout pour l'histoire de laPhrygie, 81. H signale plusieursdes causes qui pouvaient faireconfondre la Crète avec la Phry-gie, 15.

Démonèse.Détails sur le cuivre deDémonèse, 279-281.

Denj s le Périégète. Il vante le ferde la Béotie, 69. Il attribue lesuccin aux pleurs des Héliades,358.

Départ, ou séparation de For et del'argent. Les anciens ne parais-sant pas avoir su faire cette opé-ration , sans perdre l'argent,' 366-367.

Dlagoras. Sa réponse spirituelle etimpie au sujet des ex-voto dutemple de Samothrace, mal tra-duite par d'Olivet, 185-186.

Diodore de Sicile. Nous nous som-mes si fréquemment appuyés surle témoignage de cet historien,qu'il serait presque superflu defaire le relevé des citations.

Diogène de Laerte. Il attribue laconnaissance de l'ambre jaune àThaïes, 347.

Diomède (le grammairien). Nouslui devons une tradition curieusesur la naissance des Dactyles,23-24, 37; et sur l'origine dupied appelé dactyle, 39.Dioscures. Us se mêlent aux dieuxde la Samothrace, "et en fontpartie ; comment se forma cetteassociation, 61-67, 148,

Doctrina Alchimioe.Examen d'un

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extrait de ce livre, relatif à latransmutation du cuivre rougeen laiton, 299-300.

Dorure de l'argent. Elle est connued'Homère, 338.

E

Egypte. Fertile en or et en cuivre,_69.Électre. Agemythique de l'électre,334. Etymologie du mot, 335.Quel est l'électre dont Homèreet Hésiode ont parlé ? 335-337.Usn'ont connu ni l'ambre jaune,ni l'électre métal composé, 337-343. L'électre dont ils parlentétait un métal, mais un métalimaginaire, 343-345. Diversgen-res du mot électre; on le faitmasculin , féminin et neutre,345. Les écrivains postérieursreviennent au sens fictif, 345-346. L'électre est pris pourl'ambre jaune ou succin. Aquelle époque le succin fut-ilconnu des Grecs ? Hérodote estl'auteur le plus ancien qui enparle ; examen du passage où ils'occupe de cette substance, 348-350. L'électre venait de la Bal-tique, particulièrement d'une ri-vière qui sejette dans la Vistule,de la Rhodaune, que les Grecstransformèrent en un fleuve quileur était plus connu, l'Éridan.La découverte de l'électre estcélébréepar une fable, et ce sontles poètes tragiques qui se char-gent de la fiction, 350-352.Pourquoi ces poètes placèrent-ils la scène de leur fable eu Ita-lie? Double confusion qui fitprendre la Rhodaunepour l'Eri-dan et les Vénèdespour les Vé-nètes, 353-356. Etymologie desmots succin et ambre, 358-359.L'électre est pris pour l'or, 359-361. L'électre ne s'est point prispour l'argent seul; conséquences

graves qui résultent de ce fait,361-362. Quelle teinte devaitavoir l'électre pour mériter cenom? 362. L'électre est prisquelquefois pour le verre, etpour signifier la transparence engénéral", 362-364. L'électre estpris pour un alliage d'or et d'ar-gent : cet alliage est naturel ouartificiel ; comment se faisaitl'artificiel? 364-365. Pourquoiles anciens tenaient-ils tant àl'électre, qui avait ses propor-tions requises? 365-366. Lemême alliage est employé à-lafabrication des monnaies, 368-369. L'électre, alliage d'or etd'argent, n'est point mentionnéau delà de l'ère chrétienne, 371.L'électre est pris pour le laiton,et se confond avec l'orichalque,373-374. Au moyen âge, la si-gnification d'électre se fixedanscelle de laiton, 374-375.

EnlèvementdeProserpine.Bas-relief,qui le représente, et qui figurel'union des mystères d'Eleusis etdes mystères de la Samothrace,/ 186-187.Éphésiennes(lettres). Leur natureet leur vertu, 35-36.Eridan.Ce nom a désigné un fleuvefabuleux dont parle Hésiode,349; il a désigné une rivière dePAttique, 349. Quel est l'Éridandont parle Hérodote? 351.,LePadus (Pô) ne prit le nom d'Eri-dan que postérieurement à lafable de Phaéthon, 355.

Érudition.Dequelle importance elleserait pour les progrès de lascience, 201.

Eschyle. 11avait composé une tra-gédie intitulée' les Hétiades; aurapport dePline, il avait, le pre-mier parmi les poètes, parlé del'électredésignant l'ambre jaune,, 352-Étain. Les anciens l'ont connu dèsles temps les plus reculés; ils ontconnu aussi de bonne heure l'al-liage de cemétal avec le cuivre;

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ils paraissent avoir désigné cemélange par xparlpup-a, mot quin'a pas été compris, 257-238.

Étymologique(le grand). Une glosede ce lexique relative à la fabri-cation du laiton, restituée, 255-256.

Eubée. Ile fertile en cuivre, 77;possédant aussi des mines defer, 89-90; donnée comme laprincipale résidence des Cory-bantes et des Curetés, 90.

Euripide. Il avait composé unetragédie intitulée Phaéthon, et ila célébré la douleur des Héliadesdans son Hippolyte, 352-353.

Eustathe. Il montre l'île de Lemnoscomme appropriée par la natureà Vulcain et aux métallurges,52. Il croit que l'électre dontparle Homère était l'ambre jaune,337. Il fait à Sophocle un re-proche d'avoir appelé l'or électre,359-360. Il reconnaissait troissortes d'électres. Il déclare quede son temps l'électre désignaitgénéralement le laiton, 373.

F

Fer. Découvert dans l'Ida de laPhrygie, 16; selon d'autres,dans l'Ida de là Crète, 17-18.Celui de la Béotie renommé,69-70. Il dut y avoir des.minesde fer dans la Samothrace, 50-51.11 y en eut dans l'Eubée,90.Il remplace le cuivre, 219-220.La trempe du fer connue d'Ho-mère, 239-24Q.

Fondant. Usage des fondants pouraccélérer la fusion des métaux,connu des anciens, 253-254.Fonte primitive et accidentelle desmétaux. 48-50; Voyez Phrygie etPyrénées.

Formationdesmotsterminésen urge.Règle suivie par notre langue,d'où il suit que métallurgiste, li-

turgistey et autres, sont de vraisbarbarismes, 193-195.

G

Germains. Us font le commerce del'ambre jaune, 353-354.

Gesner(J. M.). Il a fait un Mémoiresur l'électre, p. 333.Glanvill (Barthélémy). Ce qu'il ditde Vâurichalcum, dans son livrede Proprietatibus rerum, 301.

Glessum.Nom donné par les Ger-mains à l'ambre jaune, 353.Goettling. Son opinion sur l'ori-chalque, 329-331.

H

harmonie.Célébration de sesnoces.Détails sur son célèbre collier,177-179; IesCyclopes etlesTel-chines avaient travaillé de con-cert à cette parure, 110. Aprèsson mariage, Harmonie se rendavec Cadmus en Béotie, où elletransporte les mystères qu'elleavait reçus en présent de noces,183-184.

Hécate. Elle est reçue dans le sanc-tuaire de Samothrace; on l'a-dore dans l'antre de Zérinthe,142.

Héliades (peuple d'une origine in-connue). Uschassent lesTelchinesde Rhodes, 113. Beau passage dePindare où l'habileté des Hé-liades est opposée à celle desTelchines, 128-129.

Héliades (soeursde Phaéthon). Leurhistoire racontée. Cette fable estde l'invention des poètes tragi-ques, 350-352. Elle ne peut êtreattribuée à Hésiode; réfutationdes grammairiens anciens qui lamettent sur le compte de cepoète ; Causesprobables de cetteerreur, 350-351.

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384Hellanicus.Les détails qu'il donnesur les Lemniens sont extraits desonlivre Surla fondationdeChio;passageéclairci, 52-53.

Hercule. Inscription qu'il fit graversur deux statues d'orichalque;remarques sur cette inscription,278-279.

Hercule (l'Hercule gaulois,lemêmeque le Mercure grec). Chaînesallégoriques que lui prête Lu-cien, 346.

Hermann.Il a fait une dissertationspécialesur la tragédied'Eschyle,qui était intitulée les Héliades,352.

Hérodote.Il fait les Cabires fils deVulcain, 44. Il avait été initiéaux mystèresde la Samothrace;ce qu'il en dit, 151-152. Il lesfait transporter d'Asie en Samo-thrace par les Pélasges, 179-180.Il est le premier qui ait parlé del'ambre jaune ; ce qu'il en dit,348-350. Que faut-il entendrepar cet or blanc dont il rapportequ'étaient formées les demi-,plinthes envoyées à Delphes parCrésus? 371-372.

Hésiode.Son poèmeSurlesDactylesIdéens,17. Cequ'on lui fait direde la généalogie des Curetés,79-80. 11aparlé de l'orichalque,211. Il n'a connu ni l'électrerésineux, ni l'électre métallique,337. U n'a point connu l'alliagedes métaux, 337-343. H n'apoint parlé de la fable des Hé-liades, 350-351.

Hésychius.U nous a conservé lessix noms dont la réunion for-mait les lettresÉphésiennes,%35-36. Explication de sa gloserela-tive au mot orichalque, 214.Définition qu'il donne de zpoeTi-

jt. po)u.a; que faut-il entendre parce mot? 258. Comment il a dé-fini l'électre signifiant le laiton,273.

Heyne.Sa dissertation Sur'lesfana-tiques et les Bacchants, jugée,135.

Hiram. Tous les vases faits par cetartiste pour le temple de Jérusa-lem, étaient d'orichalque, 302.Histoirenaturelledes animauxetdesminéraux.Les anciens y étaientplus habiles qu'on ne croit, 200.

Homère.L'auteur de l'hymne ho-mérique à Vénus a parlé del'ori-chalque, 211. Homère a décritla trempe du fer, 239-240.Il n'aconnu ni l'électre résineux, nil'électre métallique, 337. Il n'apoint connu l'alliagedesmétaux,337-343.Ua connu la dorure del'argent, 338.Horace. Il a parlé de l'orichalque,264.

Hybrides (mots). La compositionde ces mots ne déplaisait pasaux Romains, et elle devintmême une des sources qui fé-condaient la langue latine, 286-287.

I

Ias'wn. Jupiter, son père, lui ap-prend l'initiation des mystèresde Samothrace, 176-177."

Imbros. H dut y avoir dans cetteîle des mines et des forgerons,55.

Isidore (évêque de Séville). Il setrompe sur l'étymologie d'auri-chalcum,et non sur la nature dumétal, 287-288.U donne la com-position de l'orichalque, laiton,292. U se trompe sur la propor-tion de l'alliage de l'électre,361-362.

J

Julien. Il a parlé de l'orichalque,263. Explication de la phrasedes Césars, où il parle de l'élec-tre, 367-368.

Junon Telchinienne.109.Jupiter. Son berceau placé par lesuns en Crète, par les autres en

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Phrygie, 81-83. Prétentionsd'une multitude de peuples aumême honneur, 83.11 submergel'île de Rhodes, 117-118. Ilordonne aux Cabires de purifiersa fille Angélos, 172-173. U res-taure les mystères de la Samo-thrace, 176-177.

K

Kircher. Son opinion sur l'orichal-que, 314-315.

Koiès. Prêtre attaché au sanctuairede la Samothrace, et chargé depurifier du meurtre, 164-165.

L

Laiton. Etymologie du mot laiton,269-270.

Langue française. Dans tous lesmots qu'elle a tirés du grec et dulatin, elle a suivi des règles assezrigoureuses, 190.

Lastcyrie (Ferdinand de). II a traitéen particulier la question sui-vante : L'electrum des anciensétait-il de l'émail? 333.

Launay (de). Examen détaillé etapprofondi de son Mémoire surl'Orichalque desanciens, 315-319.

Lemnos. Cette île fut célèbre pourses eaux chaudes, ses volcans,ses forgerons et sa fabrique d'ar-mes; elle était le séjour de Vul-cain et des Cabires, 51-55.

Libanius.W atteste que les mystèresde Samothrace étaient encorecélébrés vers la fin du quatrièmesiècle de l'ère chrétienne, 177.U a parlé de l'orichalque, 259.

Lobcck.Réfuté, 18, 25-26, 78; ac-cusé de partialité, 97-98 ; réfuté,102-103, 107, 108, 118-120;repris, 122, 123; repris pour sadureté envers Heyne, 135; ju-gement sur. Lobeck et sur son

Aglaophamus, 136-138; repris,305.

Lomeier.U s'est trompé, en croyantque l'on purifiait les cadavresparle feu, 1Tb. .Lucien. Epigram'me fort gaie qu'onlui attribue, citée, 169-170. Il aparlé de l'électre, en revenantau métal fabuleux, 346. Il pritl'électre des Héliades pour cequ'il était, pour une fable, 369.

Lucrèce. Il croyait à la fusion pri-mitive des métaux, à la suited'unincendie des forêts, 48. Ce qu'ildit desanneaux de laSamothrace,51. Il déclare l'usage du cuivreantérieur à celui du fer, 215. Ilexplique pourquoi le cuivTe futd'abord préféré à l'or et à l'ar-gent, 218. U montre le cuivreavili et l'or mis au premier rang,220.

Lysandre. U se fait initier en Sa-mothrace; sa réponse au Koiès,165.

m

Macédoine.Elle rend un culte par-ticulier à l'un des Cabires ;richeen métaux, 57-58.

Marcianus (le jurisconsulte). U dis-cute une question de droit, oùil s'agit de l'orichalque, 266.

Martini. Son opinion sur l'orichal-que examinée en détail, 325-329.

Mercure. U est reçu dans le sanc-tuaire de Samothrace, 141.

Métallurges (Génies). Leur carac-tère religieux ; ils forment entreeux une gradation qui figure leprogrès de l'art métallurgique,9-10. La haute antiquité paraîtavoir connu la nature de cesrapports; plus tard cette véritése perd, et l'on fait de vainsefforts pour la retrouver, 11-12.Tous ces Génies métallurges sont,compris dans la religion de Sa-mothrace, 61-63. Ils ne touchè-rent jamais à la pierre, mais

2S

Page 400: Les métaux dans l'Antiquité

386travaillèrent exclusivement lesmétaux, 130. Énoncé du pro-blème légué par l'antiquité; l'a-vons-nous résolu ? 132-135. Ondivinise ces métallurges, et aprèsavoir été d'abord de simples mi-nistres deRhée, ils sont associésàson culte, 141.11ssont collective-ment adorés dans la Samothrace,et on les invoque dans les dan-gers, sous le nom de Samothra-ces, 169-170.

Métallurge' et Métallurgiste. Exa-men-dela formation de ces deuxmots et de plusieurs autres motsanalogues, 189-195.

Métallurgie.Les premiers essais decet art se sont faits en Phrygie,28. Écrivains de l'antiquité quiavaient composé des ouvragessur la métallurgie, 199-200.Métaux. C'est en Phrygie qu'ilsfurent découverts, 28. Les an-ciens se servirent même des plusprécieux pour lambrisser leursappartements, 343.

Meursius.11a mal compris un pas-sage de Proclus, et fondé surcette erreur un usage illusoiredans lesanctuairedeSamothrace,161; il y a supposé faussementla cérémonie de l'intronisation,162.

Millin. Il a cru à tort que l'artd'allier les métaux fut connud'Homère, 339-340. U s'esttrompé aussi en croyant queMi-nerve protégeait et enseignaitlesmétallurges, 338.

Minéralogie. Justification de lacomposition de cemot ; son ety-mologie, ainsi que celle de mine,192.

Minerve.AppeléeTclchinicnnc,109.Minerve ne fut jamais compriseparmi les divinités du sanctuairede Samothrace, parce qu'elle nes'occupa jamais des arts quiconcernent la métallurgie, 154;338.

Mnaséasde Patare (historien géo-graphe). Cité à propos de.la gé-

néalogie des Dactyles, 22-23.C'est lui qui nous a révélé lesnomsmystiques des Cabires,46.

Mongcz.Réfutation des objectionsqu'il a élevées contre la trempeparticulière que les anciens su-rent donner au cuivre, 237-242.

Monnaies d'électre. Abus où sonttombés quelques numismatistesau sujet de ces monnaies, 370-371.

Mosynccque.Cuivre mosynoeque,257-258.

Mystèresde la Métallurgie.Originede ces mystères, 139-141*.Moyen de rattacher la mé-tallurgie à ces mystères , 149.Significations symboliques dubruit des armes et des instru-ments qui retentissaientaux fêtesde Rhée, et dans les cérémoniesde toutes les religions issues dela sienne, 149-150. Identité deRhée et de Cérèset de leur culte,150-151. Mercure ithyphalliquereprésenté dans les mystèresdeSamothrace, 151-152. Doctrineexposée dans les mystères rela-tivement à Mercure et à Proser-pine, 152-153- Peut-on savoiràquelleépoque furent institués lesmystères de la Samothrace?176-177. Peut-on savoir àquelle époque ils cessèrent d'êtrecélébrés? 177. De la Samothraceils repassèrent en Asie, où ilsétaient tombés en désuétude,179-180. Examen de la tradi-tion qui les faisait venir de l'Ar-cadie, 180-183. Les mystèresnes'établissent ni en Egypte ni enItalie, 181-183; ils passent surle continent de laGrèce,183-184.Us s'établissentdans un voisinagesi rapproché de ceux de Cérèsqu'ils paraissent se confondreavec ces derniers, 183-185.

Mystères. Écrivains qui avaient

* Aubas de cettepage J4t, note1,le signede correction,Rom.,s'est in-troduitdansle texte; l'effacer.

Page 401: Les métaux dans l'Antiquité

— 387 —

composé .des ouvrages sur lesmystères, ou qui étaient intitulésles Mystères, 223.

N

Nicolas de Damas. Ce qu'il dit desTelchines dans un fragment deson Histoire universelle,103-104,109 ; une expression très-embar-rassante de ce fragment expli-quée, 122.Nonnus.Ce qu'il dit de la vengeancefurieuse des Telchines, 113-114;un vers de ce passage corrigé,114. Il a raconté au long la fa-ble de Phaéthon, 357.

0

Ops. Voyez Rhée.Or. Mines d'or en Egypte, 69 ; dansla Colchide, 76. L'or est appeléélectre, 359-360. Or allotype,y^puafovà\16--j-.oi ; qu'était-ce ?373. On ne peut appeler électrel'or blanc dont parle Hérodote,371-372; on ne peut appelerélectre l'or presque blanc dontparle Raoul-Rochette. Or enpaillettes, le plus pur que con-nussent les anciens, 359-361.

Oreius. Un prétendu statuaire, quiaurait découvert l'orichalque, etlui aurait transmis son nom,235-236.

Orichalque.Agemythique de l'ori-chalque, 211-213. Les critiquesles plus habiles de l'antiquiténiaient l'existence de l'orichal-que, 221-227; ce métal n'esten effet qu'une création fantas-tique, 227-230. On le rapproched'un autre métal également fic-tif, du chalcolibanon, 230-234.Etymologie du mot orichalque,234-236. L'orichalque devient

une réalité , et désigne d'abordle cuivre ordinaire, 243-244. Ildésigné ensuite l'alliage du cui-vre avec le zinc ou le laiton,244-254. L'orichalque est prispour l'alliage que nous appelonsaujourd'hui airain ou bronze,257-259. L'orichalque s'étantpris pour le cuivre pur, pour lelaiton et pour le bronze, com-ment démêler les trois sens ?259-268. L'orichalque est rap-pelé à son âge fabuleux, 273-284. Age latin de l'orichalque.,Les Romains altèrent l'orthogra-phe du mot, et ce changementfait croire à une composition fa-buleuse du métal, 285-289. Iln'entrait point d'or dans l'ori-chalque ; preuve évidente qu'onen donne, 289-291. L'orichal-que ne se prpnd plus que pour- le laiton, 291-300; c'est à cetitre qu'il se prend aussi pourl'électre, et se confond avec lui,373-375. Le mot âurichalcumde-vient archalcum, puis archal, ets'efface définitivement devant ce-lui de laiton, 301-302. Remar-ques sur la déclinaison et la pro-sodie de ce nom, 302-305.Analyse critique des principaleshypothèses émises sur l'orichal-que, 308-331.

Orphée (l'Argonaute). Initié auxmystères de la Samothrace, ilfait des voeux aux dieux de cesanctuaire, 64-65.

Orphée (le poète pseudonyme). Uinvoque tous nos Génies métal-lurges ensemble, 61-62.

Orthographe. Orthographe des an-ciens Latins dans les mots com-mençant par la diphthongue au,285-286.

Ovide. Il a mis les Corybantes etles Curetés près du berceau deJupiter en Phrygie, 81. H a rap-pelé la submersion de l'île deRhodes, 117-118. U a déve-loppé l'aventure de Phaéthon,357.

Page 402: Les métaux dans l'Antiquité

— 388 —

P

Pactole. Ce fleuve roulait beaucoupd'or, 359-360.

Pausanias. On réfute ce qu'il dit ausujet d'un temple que lesTelchi-nes auraient élevé à MinerveTel-chinienne, 130-131. Examen dupassageoù il parle d'un coeurfaitd'orichalque, sur lequel se trou-vaient écrits des vers mêlés deprose, 282-284.H a cru que i'ontrouvait de l'ambre jaune dansles sables du Padus, 369.

Pénates. Origine de ce mot, selanquelques critiques anciens, 182.

Phaéthon. Pourquoi Phaéthon est-ildonné comme acolyte àVénus?146-148.

Philippe. ïl se fait initier aux mys-tères de Samothrace, et c'estpendant cescérémonies qu'il voitOlympias pour la première fois.Philon. Il avait composé un ou-vrage intitulé le Métallique,200.

Philostrate. II a parlé plusieurs foisde l'orichalque, 261-263, 276-277.

Phoronide. Fragment de ce vieuxpoème, commenté et souvent in-voqué, 16-17.

Photius. Une glose de son Lexiquerestituée, 45.

Phrygie.Rivalité entre ce pays et laCrète ; causes de cette rivalité,14, 15, 16. C'est-dans la Phry-gie qu'eut lieu la découverte desmétaux, 28.. La Phrygie étaitriche en mines, 48-50. On ysupposa la première fonte desmétaux, à la suite d'un incendiedes forêts, 50.

Pierre de touche. Les anciens s!enservaient pour estimer la quan-tité d'or et d'argent qui se trou-vait dans un alliage, 365.

Pindare. Il a célébré le berceau dela civilisation et.de l'art desRho-diens; voir Héliades, 128-129.

Platon. Il fait jouer un rôle brillantà l'orichalque, 211-213.

Plante.\l a souventparlé AeVauri-chalcum,jouant sur'la premièremoitié du mot, 288-289.

Pline. Explication du passage où ilparle des statuesque Scopasavaitfaites pour le sanctuaire de Sa-mothrace, 145-148. Il croyaitla mine de l'orichalque épuisée,225-226 ; ailleurs, il en a parlécomme d'un vrai laiton, 265-266. Explication du pas'sageoùil s'occupe de la chrysocolle ; oncondamne les changements faitsau texte et le sens donné par lesnouveaux traducteurs, 298-299.U distinguait deux sortes d'é-lectres ; il a cru que l'électredont parle Homère, était le mé-tal composé d'or et d'argent,336-337.

Plutarquc. Cequ'il dit dela croyancesuperstitieuse aux Dactyles, 36.Renseignement curieux qu'il •donne sur les Génies métallur-ges, 74.

Pluton. Reçu dans le sanctuaire deSamothrace, 141.

Pollux. Il niait l'existence de l'ori-chalque (mythique), 224; maisailleurs il donne l'orichalquepour l'équivalent du simple cui-vre. 244. Ce qu'il dit du cuivrede Démonèse, 279-281.

Primasc (évèque d'Adrumète). Ildonne la composition de l'ori-chalque, laiton, 292.

Produs. Explication d'un passageembarrassant de cet auteur, rela-tif à la trempe du cuivre, 238-239.

Properce. Cité à l'occasion des rap-ports de Mercure avec Proser-pine, 122-153.

Proserpine.Reçuedans le sanctuairede Samothrace, 141.Prudence.U a parlé de l'orichalque,266-267.

Pseudargyre. Voyez Zinc.Pyrénées. On suppose dans cesmontagnes la première fonte desmétaux, à la suite d'un incendiedes forêts, 49.

Page 403: Les métaux dans l'Antiquité

— 389 —

Pyromaque.Pierre employée commefondant par les anciens, 253-254.

Pyrope. Composition de ce métal,310.

Q

Quintusde Smyrne. Il a célébré leproduit de l'électre, 357.

R

Récits merveilleux. L'auteur de cerecueil nous parle dedeux statuesd'orichalque, portant une in-scription, qui annonçait qu'ellesavaient été consacrées par Her-cule; discussion approfondie dece passage, 278-282.

Rhée. Elle préside à la métallurgieterrestre, souveraine des Géniesmétallurges, 59. Il ne peut yavoir conflit d'attributions entrecette déesse et Vuleain, au sujetde l'invention des métaux, 144.On la confond avec Cérès., 150-151.

Rhodes. Siège d'une célèbre écolede sculpture ; origine de la ci-vilisation et de l'art des Rho-diens, 128. Voyez Telchines.

S

Sainte-Croix. Repris pour avoirtransformé les Dactyles en mé-decins, 41 ; repris pour ce qu'il adit desCabires, 66-67; repris pourun grave contre-sens, 81-82; re-pris pour les fausses connais-sances qu'il prête aux Curetés,96-97. H est accusé d'avoir pilléFréret, 97. Repris pour sesgraveserreurs touchant le sanctuaire déSamothrace, 163-164; reprispour un contre-sens qu'il faiten traduisant la réponse d'An-

talcidas au Koiès, 166. Réfuta-tion de ses nombreuses inexacti-tudes au sujet de la ceinture depourpre des initiés, 167-168. Udénature le récit de la purifica-tion d'Angélos, 173-176.Samothrace et son,sanctuaire. Cetteîle dut posséder des mines defer, 50-51; son commerce d'an-neaux magiques, 51.- Le cultedes métaux passe de la Phrygieen Samothrace, et s'y fixe, 140.Rhée y préside d'abord, et aban-donne cesanctuaire à sesenfants,1*1. Le sanctuaire de la Samo-thrace reçoit toutes les divinitéssouterraines, 141.Vénus, Pothoset Phaéthon y sont adorés, 146.Koiès, prêtre attaché au sanc-tuaire, et chargé de purifier dumeurtre, 164; deux exemplesde cette purification , 165-166.Le myste, avant d'être admis àl'initiation, devait s'attacher au-tour des reins une ceinture cou-leur de pourpre, 166-167. Tousles dieux du sanctuaire sont dé-signéscollectivementsous le nomde Samothraces,et invoqués dansles dangers, 169-170. Uspassentpour découvrir le parjure aufond des consciences, 171. Lesdieux de l'Olympe recouraient àla vertu purificative des dieuxde la Samothrace. Récit de lapurification d'Angélos, 172-173.

Saumaise. On réfute l'explicationqu'il donne du chalcolibanon,eton rejette les espèces d'encensqu'il voudrait introduire dans labotanique des Grecs. 231-233.Son opinion sur l'orichalqueexaminée en détail, 310-313.

Savot. Son opinion sur Vorichalcumexaminée, 308-309. Il prouveque les anciens ne savaient pointfaire la séparation de l'or et del'argent, sans perdre ce derniermétal, 366-367.

Scholiaste d'Apollonius de Rhodes.Souvent cité; nous avons faitsurtout usage de sa note sur les

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mystères de Samothrace, 166-169, et ailleurs. Nous avonsexpliqué sa note relative à l'ori-chalque, note extraite de Di-dyme, 221-224.

Scjwliaste d'Aristophane'.Ce qu'il adit de l'électre pris pour le verre,363.

Scholiastede Platon. Il attribue laconnaissance de l'ambre jaune àThaïes, 347.

Scbpas. Ce statuaire, selon Pausa-nias, fait la statue d'Eros d'Hi-méros et de Pothos, pour letemple de Vénus à Mégare,145-146. Le même artiste, selonPline, fait Vénus, Pothos etPhaéthon pour le sanctuaire deSamothrace : conciliation desdeux passages, 145-148.

Scymnusde Chio.Il arappelé l'his-toire de Phaéthon, 358:Scythes le Tydien. U passe pouravoir trouvé l'alliage appelé ai-rain, 17-18.

Servais. Explication d'un rensei-gnement précieux qu'il nousdonne sur les Corybantes, 77-78. Ce qu'il dit de l'orichalqueet de l'usage primitif des mé-taux, 274-276. Il s'est trompésur la proportion de l'alliage del'électre, 361-362.

Sicyone. Appelée Telchinie, 104-105. Siège illustre d'une écolede peinture et de sculpture, 129.Silius Italicus. U a parlé de l'élec-tre, alliage d'or et d'argent, 368-369.

Sillig. Il retranche à tort la statuede Phaéthon à Scopas, 146-147.

Socrate (historien). Il dérivait lenom d'orichalque du nom d'unstatuaire Oreius, 234-235.

Sophocle. Il faisait les DactylesPhrygiens, 18. Il rappelait dansquelqu'une de ses pièces l'his-toire de la discorde qui s'élevaentre les Dactyles, 156-157.Blâmé par Eustathe d'avoir ap-pelé l'or électre, 359-360.

Sophron. Le scholiaste de Théo-

crite nous a probablement con-servé le canevas d'un poème de .Sdphron, dans l'histoire d'An-gélos, 172-173.

Soufre. Appelé Osîbv; il avait aux •yeux des anciens une vertu sur-naturelle, 123-124.

Spanheim.U entend mal un passage"d'Homère, et en tire une très-fausse conséquence, 337-338. Il• se méprend gravement sur lesens d'une phrase de Julien, 368.Stace. H compare les Telchines à"Vulcain, et les associeaux Cy-clopes, 110. Il a parlé de l'ori-chalque, 276.

Statue d'Auguste. Faite d'ambrejaune, 369.

Stésichore.U avait donné aux Par-qués le nom de Telchines;pour-quoi ? 121-122. Il faisait men-tion de l'orichalque, 221-222.

Stésimbrotc.Son livre sur les Mys-tères cité, 22, 25.Strabon. Fréquemment cité. Soncurieux chapitre intitulé 0EO).O-yoijjisva, 17-21, souvent invo-qué. Explication du passageoùil parle de la vengeance des Tel-chines, 123-124. Examen cri-tique et détaillé du passage oùil s'occupe de la pierre d'An-dira, la pierre calaminaire ou lamine de zinc, 244-254. Explica-tion de la phrase où il parle dela purification de l'or, 366-367-

Succin. Etymologie de ce mot,358-359. Voyez Électre.Suidas. U cite un passage remar-quable relatif aux dieux Samo-thraces invoqués comme ven-geurs du parjure, 171. Citationqu'il fait de plusieurs passages. où figure l'orichalque, 258-259.

T

Tarquin (l'Ancien). Donné commeayant été initié aux mystères dela Samothrace, 182.

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391Telchines. Les Telchines métallur-ges doivent être distingués desTelchines habitants primitifs deRhodes, 99-100. Leur extractioninconnue, 101. Leur premièrerésidence n'est pas à Rhodes,101-102; c'est en Crète qu'ilsfont leur première apparition,103-105. De là ils se rendent àChypre, 103-104; de Chypre àRhodes, 104; de Rhodes à Si-cyone, 104-105. Us sont soumis 'à Rhée, 104. Us passent pouravoir élevé Neptune, 105; ilsfurent plutôt les nourriciers deJupiter, 105-106. Us ne sontpas seulement métallurges, maisartistes, 106. On en distinguetrois principaux, auxquels ondonne le nom de l'or, de l'ar-gent et du cuivre, 106. Leurstravaux comme artistes, 107-109. Comparés à Vulcain, 110;ils travaillent avec les Cyclopesau collier d'Harmonie, 110;etymologie de leur nom, 110—111. — Telchines de Rhodes ;leur histoire ; chassés du Pélo-ponnèse, ils vont fonder Rho-des, 112. Chassés de Rhodes parles Héliades, ils rendent inhabi-table la terre qu'ils sont forcésd'abandonner, 113. D'après unetradition, ils auraient quitté l'îleen prévision d'une inondation,115. Confusion des TelchinesRhodiens avec les métallurges;calomnies que la malveillanceinvente contre ces derniers, 116-117. La distinction entre lesdeux espèces de Telchines éclair-•cit des traditions qui paraissaientinexplicables, 117-120. Le nomde Telchine devient synonymede l'envie et de la méchanceté,121. Les Telchines métallurgesforment une corporation de for-gerons et de statuaires; jalousiedes corporations rivales, 122-123. Us sont surtout détestés,parce qu'on suppose qu'ils gar-dent pour eux le secret de leurs

méthodes et de leurs procédés,124-125. Us s'annoncent commemétallurges et comme artistespar les pays qu'ils visitent, 127-129. De Sicyone, les Telchinespassèrent-ils en Béotie ? Usn'ontpas dû construire le temple deMinerve Telchinienne, 130; al-lèrent-ils en Samothrace? 131.C'est aux Telchines que la mé-tallurgie dit son dernier mot,131.

Thaïes.-Très-probablement il n'apoint connu l'amhre jaune, 347-348.

Théophile(le moine). Son Essai surdivers arts, cité, 3Ô0.Théophraste. Dans son ouvrage surles Inventions, il attribuait l'artde fondre et d'allier l'airain àDélas le Phrygien, 17-18. Uavait composé un ouvrage sur laMétallurgie, 199. Il a signalé leseffets de la cémentation du cui-vre par la calamine, 254.

Théopompe.Il dérivait le nom d'o-richalque du nom d'un statuaireOreius, 234-236.

Thcssalonique.Elle institue le cultede la mort cabirique, et repré-sente sur ses médailles le Cahiremassacré, 158-159.Thomasde Cantipré. Examen d'unextrait de son livre intitulé deNaturis rerum, 297-299.

Timée.Il avait écrit un ouvrage Surla médecinemétallique, 200.Trempe. Voyez Cuivre et Fer.Tzelzès. Une scholie de ce gram-mairien, relative à la fabricationdu laiton restituée, 253-256. Oùa-t-il pris les noms des sixTelchines dont il parle? 126-127.

U

Ulysse. II passe pour s'être fait ini-tier aux mystères de la Samo-thrace, 166-167.

Page 406: Les métaux dans l'Antiquité

— 392 —

V

JralériusFlaccus. Il a parlé de l'o-richalque, 276.

Varron. Son grand ouvrage sur lesDieux cité, à l'occasion du bruitsymbolique des cvmbales auxfêtes de Rhée, 150.

Varron (l'Atacin). Citation d'unfragment de sa traduction envers latins des Argonautiquesd'Apollonius de Rhodes, 24.

Vénus.Elle est reçue dans ie sanc-tuaire de Samothrace ; on leprouve, 145-148. Appelée Zé-rinthienne, 146.

Verre. Il fut désigné par le motélectre, 362-363.

Vincentde Beauvais.Chapitre qu'ilconsacre à l'orichalque; examendes sources où il a puisé ses ren-seignements, 295-300.

Virgile. Il a parlé de l'orichalque,273-274. U a parlé de l'électre,en faisant allusion au métal fa-buleux, 345-346 ; en le prenantaussipour l'emblème de la trans-parence, 363.

.Vulcain.U est regardé comme lepère des Cabires, 43-45; commel'inventeur de toutes les matièresqui se travaillent à l'aide du feu,47. U n'est pourtant pas essen-tiellement le dieu des métaux ; ilpréside surtout aux volcans. U

devient le métallurge de l'O-lympe, 59. U est reçu dans lesanctuaire de Samothrace, 143.Différence des deux espècesdemétallurgie que représentaientRhée et Vulcain, 144-145.

w

Watson(Richard), évêque de Lan-daff. Examen détaillé de sonMémoire Sur l'orichalque, 320-322.

Wichers, éditeur des Fragments deThéopompe.Il s'est évidemmenttrompé sur la place qu'il conve-nait de donner à deux fragmentsde son auteur, 249.

z

Zénobius. Son proverbe : UnCel-mis dans le fer, expliqué et res-titué, 156-157.Zérinthe. Antre de la Samothracedans lequel on adorait Hécate,142.

Zérinthe, ville de Thrace, 146.Zinc. Il est connu des Grecs, et ap-pelé par eux «Jieuoapyupoç,pseud-argyre, faux argent, 251-252.

FIN DE L'INDEX.

Paris.—Imprimeriede Ch.Lahure,ruedeFleurus,9.

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AAcadémie des Inscriptions et Belles-Lettres. Discussion mémorable qui s'engage entre quelques membres illustres de cette Compagnie, au sujet des épées de cuivrejaune, déterrées à Gensac, pages Ache. Plante qui passait pour être le produit du sang du Cabire mis à mort,Agamemnon. Il passe pour s'être fait initier aux mystères de la Samothrace,Ages du monde. Un cinquième âge aurait été désigné du nom de l'orichalque, s'il en faut croire Servius,Airain. L'orichalque s'est pris pour l'alliage que nous appelons aujourd'hui airain ou bronze,Airain de Corinthe. Détails sur sa composition,Albert le Grand. Il nous apprend le procédé usité de son temps pour convertir le cuivre en orichalque (laiton),Alliage. Invention de l'alliage du cuivre avec l'étain,Alliage. Invention de l'alliage du cuivre avec le zinc,Alliage des métaux. Homère ne l'a point connu, ni Hésiode non plus,Ambre. Etymologie de ce mot,Ambre jaune. Voyez son histoire à l'article Electre .Ampélius. Ce grammairien a parlé de l'orichalque, dans son Liber memorialis,Anactotélestes. Prêtres qui présidaient au culte de la mort cabirique,Anastase (le Bibliothécaire). Il a parlé plusieurs fois de l'orichalque (laiton), qu'il écrit aussi aurochalcum,Andira. Ville de la Mysie, où se trouvait la pierre calaminaire, ou la mine de zinc,Angélos. Histoire de la purification de cette déesse par les dieux de Samothrace,Antalcidas. Il se fait initier en Samothrace; sa réponse au Koiès,Apollinaire. Il a parlé de l'orichalque,Apollon. Il est surnommé Telchinien,Apollon. Il est surnommé Lycien,Apollonius de Rhodes. Il a parlé de l'orichalque,Apollonius de Rhodes. Il a célébré la métamorphose des Héliades,Archal. Dernière forme sous laquelle se montre l'orichalque, avant de faire place au mot laiton,Argent. Mines d'argent dans la Bactriane et dans la Colchide,Argent. Mines d'argent dans la Bactriane et dans l'Attique,Aristote. Dans son ouvrage sur les Inventions, il attribuait l'art de fondre et d'allier l'a rain à Scythès le Lydien,Aristote. Dans son ouvrage sur les Inventions, Il niait l'existence de l'orichalque,Aristote. Aristote avait-il fait un ouvrage sur la Lumière?Aristote. Il n'a point prêté à Thalès la connaissance de l'électre, mais seulement celle de l'aimant,Armes. C'est le premier emploi qu'on a fait du métal,Arrien. Il a parlé de l'orichalque,

. Omis dans les Lexiques,Astyra. Ville de la Troade, possédant des mines d'or,Attius (Lucius). Beau passage de son Philoctète cité,Aurichalcum. Origine de cette fausse orthographe; elle fit croire à la présence de l'or dans l'orichalque, et engendra deux espèces de ce métal sous le nom d'orichalcum etd'aurichalcum,Aurochalcum. Autre façon d'écrire le mot orichalque,

BBacchylides. Il faisait mention de l'orichalque,Bactriane. Riche en mines d'argent,Baltique. C'est de cette mer que vint aux Grecs l'ambre jaune,Beckmann. Erreur qu'il commet dans l'explication de la phrase de Strabon, relative à l'alliage du cuivre avec le zinc,Beckmann. Autre erreur qu'il commet au sujet d'une antique statue d'Apollon à Sicyone,Beckmann.Son opinion sur l'orichalque examinée en détail,Béotie. Elle produit du fer distingué,Bérengaud (auteur d'un commentaire sur l'Apocalypse). Il donne la composition de l'orichalque (laiton),Bochart. Son sentiment sur l'aurichalcum,Bochart. Il a donné d'amples détails sur l'électre,Boeckh. Il a comparé les Telchines aux Dédalides; en quoi cloche sa comparaison,Boeckh. Son recueil d'inscriptions en offre une où figure l'orichalque,Boullenger (Jules-César). Son sentiment sur l'aurichalcum,Bouclier d'Achille. Dans cette description, il n'y a point trace de l'alliage des métaux,Bouclier d'Hercule. Dans cette description, il n'y a point trace de l'alliage des métaux,Bronze. Etymologie de ce mot,Buffon. Comment il prouve que la découverte du cuivre est bien antérieure à celle du fer,Buffon. Son sentiment sur l'orichalque,Buffon. Ce qu'il dit de la pureté de l'or en paillettes,Buttmann. Il a fait un Mémoire sur l'électre,

CCabires. Leur descendance,Cabires. Ces Génies étaient au nombre de trois; plus tard, on leur adjoignit un assesseur, appelé Casmilus. Ils eurent des noms profanes et mystiques; interprétation deces noms,Cabires. Ils tiraient leur nom de leur mère, ou plutôt des montagnes de la Phrygie,Cabires. Ils s'annoncent comme métallurges par la contrée d'où ils viennent et les îles où ils vont. On les fait partir de la Phrygie,Cabires. Ils étaient soumis à Rhée,Cabires. De la Phrygie ils se rendent dans la Samothrace,Cabires. De la Phrygie ils vont à Lemnos,Cabires. De la Phrygie de là ils passent à Imbros,Cabires. Ils sont appelés habiles dans la forge,Cabires. Les médailles de la Macédoine les représentent aussi comme des Génies forgerons,Cabires. En quoi ils différaient des Cyclopes,Cabires. Ils figurent le second degré de la métallurgie,Cabires. Leur liaison avec les Dioscures.Cabires. Leur culte s'étend fort loin, mais dans des pays qui se font remarquer par leur richesse métallique,Cabirique (mort). Qu'était-ce que la mort cabirique?Cabirique (mort). Où se faisait la commémoration de cet événement? Ce n'était pas, comme on le croit à tort, dans le sanctuaire de Samothrace, mais en Macédoine,Cabirique (mort). Violentes dissentions élevées parmi les Cabires, et à la suite, le meurtre de l'un d'eux accompli par les deux autres. Origine de cette tradition; on ne peutl'expliquer que par l'histoire des métallurges. Interprétation du proverbe: un Celmis dans le fer. Ce Celmis, l'un des Dactyles, se sépare de ses deux frères; cette discordesuggère plus tard l'idée de la dissention élevée entre les Cabires,Cabirique (mort). A quelle époque la mort cabirique devint-elle un objet du culte des Macédoniens?Cabirique (mort). Pourquoi les écrivains ecclésiastiques se sont-ils attachés à relever ce meurtre?Cabirique (mort). Avec la mort cabirique, les Anactotélestes, doivent être exclus du sanctuaire de Samothrace,Cabirique (mort). Avec la mort cabirique, les Anactotélestes, ainsi que la plante appelée ache,Cadmie. Connue des anciens,Calamine. Prodiges apparents de la pierre calaminaire expliqués très-naturellement,Callimaque. Il attribue aux Telchines la fabrication du trident de Neptune,Callimaque. Il a parlé de l'orichalque,

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Callimaque. Il a parlé de l'électre, en le prenant pour l'emblème de la transparence,Cange (Du). Discussion de l'étymologie qu'il a donnée du mot bronze,Cange (Du). Définition qu'il a donnée de l'électre,Cave. Cet écrivain s'est trompé, en croyant l'ouvrage de Thomas de Cantipré, de Naturis rerum, perdu,Cérès. Elle est reçue dans le sanctuaire de Samothrace,Cérès. Elle est reçue dans le sanctuaire de Samothrace, ses rapports avec les Cabires la font surnommer Cabirique,Cérès. Elle est confondue avec Rhée et Proserpine,Cérès et Proserpine. Elles reçoivent dans une île près de la Bretagne un culte semblable à celui qui leur est rendu dans la Samothrace,Chalcé, Chalcis, Chalcitis. Ces noms donnés à des îles et à des villes, annoncent l'abondance du cuivre en ces endroits,Chalcolibanon. Détails sur cette substance imaginaire,Chypre. Fertile en cuivre,Chypre. Revenus considérables que les Romains tiraient du cuivre de cette île,Cicéron. Il suppose un même objet aux mystères de Cérès et à ceux des Cabires,Cicéron. Il examine un cas de conscience où il s'agit de l'orichalque,Cisthène. Ville de la Troade possédant une mine de cuivre,Clavier. Il traduit mal plusieurs phrases de Pausanias,Clément d'Alexandrie. Il fait découvrir le fer par les Dactyles à Chypre,Clément d'Alexandrie. Il fait découvrir le fer par les Dactyles à Chypre, leur attribue l'invention des lettres Ephésiennes,Clément d'Alexandrie. Il fait découvrir l'alliage du cuivre par Délas l'Idéen,Clément d'Alexandrie. Ce qu'il dit de la mort cabirique,Clément d'Alexandrie. Ce qu'il dit de la plante appelée ache,Colchide. Riche en mines d'or, d'argent et de fer,Coray. Erreurs qu'il commet dans l'interprétation de la phrase de Strabon, relative à l'alliage du cuivre avec le zinc,Coray. Erreurs qu'il commet dans l'interprétation de la phrase du même auteur relative au départ de l'or et de l'argent,Corion. Montagne de Chypre riche en cuivre; étymologie du mot,Corybantes. Leur extraction,Corybantes. Leur premier séjour dans la Troade; étymologie de leur nom,Corybantes. Ils vont en Samothrace,Corybantes. On les fait partir aussi de la Bactriane et de la Colchide; pourquoi?Corybantes. Ils allèrent à Chypre,Corybantes. Les pays où ils résident les annoncent comme métallurges,Corybantes. Ils fabriquent eux-mêmes leurs instruments,Corybantes. Ils sont dits gardiens de Jupiter enfant,Corybantes. Ils séjournent en Eubée,Corybantes. Ils séjournent en Eubée, ils fabriquent eux-mêmes leurs armes,Corybantes. On les confond avec les Curètes,Corybantes. On les confond avec les Curètes, moyens de les distinguer,Corybantes. Ce sont des serviteurs de Rhée,Corybantes. Ils marquent un progrès sensible dans la métallurgie,Crète. Rivalité entre cette île et la Phrygie; causes de cette rivalité,Crète. Elle dut posséder des mines; plusieurs auteurs de l'antiquité y ont fait découvrir les métaux,Crète. Appelée Telchinie,Creuzer. Il a pris le fond de sa Symbolique dans les Mystères de Sainte-Croix; appelé par Lobeck le pedisequus de Sainte-Croix,Critique philologique. Exemple curieux de ce qu'elle était chez les Grecs, au temps de Pausanias,Cuivre. Les anciens connurent le cuivre longtemps avant le fer,Cuivre. Jusqu'au temps de la guerre de Troie, il constitue une des principales richesses,Cuivre. La religion affecta de se servir d'instruments et d'outils de cuivre; pourquoi?Cuivre. Le cuivre est remplacé par le fer,Cuivre. Le cuivre primitif est idéalisé, et devient l'orichalque,Cuivre. Les anciens surent donner au cuivre une trempe qui le rendait aussi dur que le fer,Cuivre. La fabrication du cuivre jaune remonte au moins au milieu du quatrième siècle avant l'ère chrétienne,Cuivre. Cuivre allié appelé blanc, par opposition au cuivre rouge, ou pur,Cuivre. Vases d'un cuivre très-précieux, donnés par Esdras au temple de Jérusalem,Cuivre. Cuivre de l'Inde, d'un éclat remarquable,Cuivre. Etymologie du mot cuivre,Curètes. Leur généalogie,Curètes. Les uns les faisaient Crétois, les autres Phrygiens,Curètes. Les uns les faisaient Crétois, on les déclare Phrygiens,Curètes. On prouve qu'ils furent chargés seuls de la garde de Jupiter enfant,Curètes. Ce sont eux qu'il faut voir sur les médailles qui représentent des personnages, frappant leurs boucliers auprès du berceau de Jupiter,Curètes. De la Phrygie ils passent en Samothrace,Curètes. De la Crète ils se rendent dans l'île d'Eubée,Curètes. Ils fabriquent leurs armes,Curètes. On les confond avec les Corybantes,Curètes. On les confond avec les Corybantes, moyens de les distinguer,Curètes. Etymologie de leur nom,Curètes. Ce sont des serviteurs de Rhée,Curètes. Les pays où ils résident les annoncent comme métallurges,Curètes. Ils marquent un progrès sensible dans la métallurgie,Curètes. Distinction des Curètes, peuple, et des Curètes, Génies métallurges,Cyclopes. Ce qu'étaient ces Génies, en quoi ils différaient des Cabires,Cyclopes. Ils travaillent avec les Telchines au collier d'Harmonie,

DDactyles. Documents pour l'histoire de ces Génies,Dactyles. La Crète et la Phrygie regardées tour à tour comme leur séjour primitif; avantage en faveur de la Phrygie,Dactyles. De quels parents étaient issus les Dactyles?Dactyles. Ils représentent les rudiments de la métallurgie,Dactyles. Ils sont au nombre de trois; plus tard, on leur adjoint un Hercule,Dactyles. On prouve qu'ils étaient des métallurges par les pays qu'ils habitèrent,Dactyles. Etymologie du mot,Dactyles. Nouvelle histoire des Dactyles tout entière éclose de l'abus du nom.Dactyles. On les appelle magiciens; pourquoi?Dactyles. On distingue des Dactyles mâles et des Dactyles femelles; ils peuvent envoyer des maléfices et les retirer,Dactyles. Ils passent pour inventeurs des lettres Ephésiennes,Dactyles. Leur nom, prononcé tout bas, est regardé comme un préservatif,Dactyles. On les confond avec les dieux Lares,Dactyles. Ils passent pour musiciens et inventeurs de la musique instrumentale,Dactyles. On les regarde comme maîtres d'Orphée,Dardanus. Il passe de la Samothrace en Asie, et y fonde une ville de son nom,Dardanus. Il revient en Samothrace, et repasse en Asie, y transportant les mystères,

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Dardanus. Autre tradition relative à Dardanus, imaginée pour flatter la vanité romaine,Découvertes. Chez les Grecs, elles se rattachent toutes à la théologie,Délas (Phrygien). Il passe pour avoir enseigné l'art d'allier l'airain,Démétrius de Scepsis. Autorité grave surtout pour l'histoire de la Phrygie,Démétrius de Scepsis. Il signale plusieurs des causes qui pouvaient faire confondre la Crète avec la Phrygie,Démonèse. Détails sur le cuivre de Démonèse,Denys le Périégète. Il vante le fer de la Béotie,Denys le Périégète. Il attribue le succin aux pleurs des Héliades,Départ, ou séparation de l'or et de l'argent. Les anciens ne paraissent pas avoir su faire cette opération, sans perdre l'argent,Diagoras. Sa réponse spirituelle et impie au sujet des ex-voto du temple de Samothrace, mal traduite par d'Olivet,Diodore de Sicile. Nous nous sommes si fréquemment appuyés sur le témoignage de cet historien, qu'il serait presque superflu de faire le relevé des citations.Diogène de Laerte. Il attribue la connaissance de l'ambre jaune à Thalès,Diomède (le grammairien). Nous lui devons une tradition curieuse sur la naissance des Dactyles,Diomède (le grammairien). Nous lui devons une tradition curieuse sur la naissance des Dactyles, et sur l'origine du pied appelé dactyle,Dioscures. Ils se mêlent aux dieux de la Samothrace, et en font partie; comment se forma cette association,Doctrina Alchimioe. Examen d'un extrait de ce livre, relatif à la transmutation du cuivre rouge en laiton,Dorure de l'argent. Elle est connue d'Homère,

EEgypte. Fertile en or et en cuivre,Electre. Age mythique de l'électre,Electre. Etymologie du mot,Electre. Quel est l'électre dont Homère et Hésiode ont parlé?Electre. Ils n'ont connu ni l'ambre jaune, ni l'électre métal composé,Electre. L'électre dont ils parlent était un métal, mais un métal imaginaire,Electre. Divers genres du mot électre; on le fait masculin, féminin et neutre,Electre. Les écrivains postérieurs reviennent au sens fictif,Electre. L'électre est pris pour l'ambre jaune ou succin. A quelle époque le succin fut-il connu des Grecs? Hérodote est l'auteur le plus ancien qui en parle; examen dupassage où il s'occupe de cette substance,Electre. L'électre venait de la Baltique, particulièrement d'une rivière qui se jette dans la Vistule, de la Rhodaune, que les Grecs transformèrent en un fleuve qui leur étaitplus connu, l'Eridan. La découverte de l'électre est célébrée par une fable, et ce sont les poètes tragiques qui se chargent de la fiction,Electre. Pourquoi ces poètes placèrent-ils la scène de leur fable en Italie? Double confusion qui fit prendre la Rhodaune pour l'Eridan et les Vénèdes pour les Vénètes,Electre. Etymologie des mots succin et ambre,Electre. L'électre est pris pour l'or,Electre. L'électre ne s'est point pris pour l'argent seul; conséquences graves qui résultent de ce fait,Electre. Quelle teinte devait avoir l'électre pour mériter ce nom?Electre. L'électre est pris quelquefois pour le verre, et pour signifier la transparence en général,Electre. L'électre est pris pour un alliage d'or et d'argent: cet alliage est naturel ou artificiel; comment se faisait l'artificiel?Electre. Pourquoi les anciens tenaient-ils tant à l'électre, qui avait ses proportions requises?Electre. Le même alliage est employé à la fabrication des monnaies,Electre. L'électre, alliage d'or et d'argent, n'est point mentionné au delà de l'ère chrétienne,Electre. L'électre est pris pour le laiton, et se confond avec l'orichalque,Electre. Au moyen âge, la signification d'électre se fixe dans celle de laiton,Enlèvement de Proserpine. Bas-relief, qui le représente, et qui figure l'union des mystères d'Eleusis et des mystères de la Samothrace,Ephésiennes (lettres). Leur nature et leur vertu,Eridan. Ce nom a désigné un fleuve fabuleux dont parle Hésiode,Eridan. Ce nom a désigné un fleuve fabuleux dont parle Hésiode, il a désigné une rivière de l'Attique,Eridan. Quel est l'Eridan dont parle Hérodote?Eridan. Le Padus (Pô) ne prit le nom d'Eridan que postérieurement à la fable de Phaéthon,Erudition. De quelle importance elle serait pour les progrès de la science,Eschyle. Il avait composé une tragédie intitulée les Héliades; au rapport de Pline, il avait, le premier parmi les poètes, parlé de l'électre désignant l'ambre jaune,Etain. Les anciens l'ont connu dès les temps les plus reculés; ils ont connu aussi de bonne heure l'alliage de ce métal avec le cuivre; ils paraissent avoir désigné cemélange par , mot qui n'a pas été compris,Etymologique (le grand). Une glose de ce lexique relative à la fabrication du laiton, restituée,Eubée. Ile fertile en cuivre,Eubée. Ile fertile en cuivre, possédant aussi des mines de fer,Eubée. Ile fertile en cuivre, donnée comme la principale résidence des Corybantes et des Curètes,Euripide. Il avait composé une tragédie intitulée Phaéthon, et il a célébré la douleur des Héliades dans son Hippolyte,Eustathe. Il montre l'île de Lemnos comme appropriée par la nature à Vulcain et aux métallurges,Eustathe. Il croit que l'électre dont parle Homère était l'ambre jaune,Eustathe. Il fait à Sophocle un reproche d'avoir appelé l'or électre,Eustathe. Il reconnaissait trois sortes d'électres. Il déclare que de son temps l'électre désignait généralement le laiton,

FFer. Découvert dans l'Ida de la Phrygie,Fer. Découvert dans l'Ida de la Phrygie, selon d'autres, dans l'Ida de la Crète,Fer. Celui de la Béotie renommé,Fer. Il dut y avoir des mines de fer dans la Samothrace,Fer. Il y en eut dans l'Eubée,Fer. Il remplace le cuivre,Fer. La trempe du fer connue d'Homère,Fondant. Usage des fondants pour accélérer la fusion des métaux, connu des anciens,Fonte primitive et accidentelle des métaux.Formation des mots terminés en urge. Règle suivie par notre langue, d'où il suit que métallurgiste, liturgiste, et autres, sont de vrais barbarismes,

GGermains. Ils font le commerce de l'ambre jaune,Gesner (J. M.). Il a fait un Mémoire sur l'électre, p. Glanvill (Barthélemy). Ce qu'il dit de l'aurichalcum, dans son livre de Proprietatibus rerum,Glessum. Nom donné par les Germains à l'ambre jaune,Goettling. Son opinion sur l'orichalque,

HHarmonie. Célébration de ses noces. Détails sur son célèbre collier,Harmonie. Célébration de ses noces. Détails sur son célèbre collier, les Cyclopes et les Telchines avaient travaillé de concert à cette parure,Harmonie. Après son mariage, Harmonie se rend avec Cadmus en Béotie, où elle transporte les mystères qu'elle avait reçus en présent de noces,Hécate. Elle est reçue dans le sanctuaire de Samothrace; on l'adore dans l'antre de Zérinthe,Héliades (peuple d'une origine inconnue). Ils chassent les Telchines de Rhodes,Héliades (peuple d'une origine inconnue). Beau passage de Pindare où l'habileté des Héliades est opposée à celle des Telchines,Héliades (soeurs de Phaéthon). Leur histoire racontée. Cette fable est de l'invention des poètes tragiques,Héliades (soeurs de Phaéthon). Elle ne peut être attribuée à Hésiode; réfutation des grammairiens anciens qui la mettent sur le compte de ce poète; causes probables decette erreur,Hellanicus. Les détails qu'il donne sur les Lemniens sont extraits de son livre Sur la fondation de Chio; passage éclairci,Hercule. Inscription qu'il fit graver sur deux statues d'orichalque; remarques sur cette inscription,

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Hercule (l'Hercule gaulois, le même que le Mercure grec). Chaînes allégoriques que lui prête Lucien,Hermann. Il a fait une dissertation spéciale sur la tragédie d'Eschyle, qui était intitulée les Héliades,Hérodote. Il fait les Cabires fils de Vulcain,Hérodote. Il avait été initié aux mystères de la Samothrace; ce qu'il en dit,Hérodote. Il les fait transporter d'Asie en Samothrace par les Pélasges,Hérodote. Il est le premier qui ait parlé de l'ambre jaune; ce qu'il en dit,Hérodote. Que faut-il entendre par cet or blanc dont il rapporte qu'étaient formées les demiplinthes envoyées à Delphes par Crésus?Hésiode. Son poème Sur les Dactyles Idéens,Hésiode. Ce qu'on lui fait dire de la généalogie des Curètes,Hésiode. Il a parlé de l'orichalque,Hésiode. Il n'a connu ni l'électre résineux, ni l'électre métallique,Hésiode. Il n'a point connu l'alliage des métaux,Hésiode. Il n'a point parlé de la fable des Héliades,Hésychius. Il nous a conservé les six noms dont la réunion formait les lettres Ephésiennes,Hésychius. Explication de sa glose relative au mot orichalque,Hésychius. Définition qu'il donne de ; que faut-il entendre par ce mot?Hésychius. Comment il a défini l'électre signifiant le laiton,Heyne. Sa dissertation Sur les fanatiques et les Bacchants, jugée,Hiram. Tous les vases faits par cet artiste pour le temple de Jérusalem, étaient d'orichalque,Histoire naturelle des animaux et des minéraux. Les anciens y étaient plus habiles qu'on ne croit,Homère. L'auteur de l'hymne homérique à Vénus a parlé de l'orichalque,Homère. Homère a décrit la trempe du fer,Homère. Il n'a connu ni l'électre résineux, ni l'électre métallique,Homère. Il n'a point connu l'alliage des métaux,Homère. Il a connu la dorure de l'argent,Horace. Il a parlé de l'orichalque,Hybrides (mots). La composition de ces mots ne déplaisait pas aux Romains, et elle devint même une des sources qui fécondaient la langue latine,

IIasion. Jupiter, son père, lui apprend l'initiation des mystères de Samothrace,Imbros. Il dut y avoir dans cette île des mines et des forgerons,Isidore (évêque de Séville). Il se trompe sur l'étymologie d'aurichalcum, et non sur la nature du métal,Isidore (évêque de Séville). Il donne la composition de l'orichalque, laiton,Isidore (évêque de Séville). Il se trompe sur la proportion de l'alliage de l'électre,

JJulien. Il a parlé de l'orichalque,Julien. Explication de la phrase des Césars, où il parle de l'électre,Junon Telchinienne.Jupiter. Son berceau placé par les uns en Crète, par les autres en Phrygie,Jupiter. Prétentions d'une multitude de peuples au même honneur,Jupiter. Il submerge l'île de Rhodes,Jupiter. Il ordonne aux Cabires de purifier sa fille Angélos,Jupiter. Il restaure les mystères de la Samothrace,

KKircher. Son opinion sur l'orichalque,Koiès. Prêtre attaché au sanctuaire de la Samothrace, et chargé de purifier du meurtre,

LLaiton. Etymologie du mot laiton,Langue française. Dans tous les mots qu'elle a tirés du grec et du latin, elle a suivi des règles assez rigoureuses,Lasteyrie (Ferdinand de). Il a traité en particulier la question suivante: L'électrum des anciens était-il de l'émail?Launay (de). Examen détaillé et approfondi de son Mémoire sur l'Orichalque des anciens,Lemnos. Cette île fut célèbre pour ses eaux chaudes, ses volcans, ses forgerons et sa fabrique d'armes; elle était le séjour de Vulcain et des Cabires,Libanius. Il atteste que les mystères de Samothrace étaient encore célébrés vers la fin du quatrième siècle de l'ère chrétienne,Libanius. Il a parlé de l'orichalque,Lobeck. Réfuté,Lobeck. Réfuté, accusé de partialité,Lobeck. Réfuté, réfuté,Lobeck. Réfuté, repris,Lobeck. Réfuté, repris pour sa dureté envers Heyne,Lobeck. Réfuté, jugement sur Lobeck et sur son Aglaophamus,Lobeck. Réfuté, repris,Lomeier. Il s'est trompé, en croyant que l'on purifiait les cadavres par le feu,Lucien. Epigramme fort gaie qu'on lui attribue, citée,Lucien. Il a parlé de l'électre, en revenant au métal fabuleux,Lucien. Il prit l'électre des Héliades pour ce qu'il était, pour une fable,Lucrèce. Il croyait à la fusion primitive des métaux, à la suite d'un incendie des forêts,Lucrèce. Ce qu'il dit des anneaux de la Samothrace,Lucrèce. Il déclare l'usage du cuivre antérieur à celui du fer,Lucrèce. Il explique pourquoi le cuivre fut d'abord préféré à l'or et à l'argent,Lucrèce. Il montre le cuivre avili et l'or mis au premier rang,Lysandre. Il se fait initier en Samothrace; sa réponse au Koiès,

MMacédoine. Elle rend un culte particulier à l'un des Cabires; riche en métaux,Marcianus (le jurisconsulte). Il discute une question de droit, où il s'agit de l'orichalque,Martini. Son opinion sur l'orichalque examinée en détail,Mercure. Il est reçu dans le sanctuaire de Samothrace,Métallurges (Génies). Leur caractère religieux; ils forment entre eux une gradation qui figure le progrès de l'art métallurgique,Métallurges (Génies). La haute antiquité paraît avoir connu la nature de ces rapports; plus tard cette vérité se perd, et l'on fait de vains efforts pour la retrouver,Métallurges (Génies). Tous ces Génies métallurges sont compris dans la religion de Samothrace,Métallurges (Génies). Ils ne touchèrent jamais à la pierre, mais travaillèrent exclusivement les métaux,Métallurges (Génies). Enoncé du problème légué par l'antiquité; l'avons-nous résolu?Métallurges (Génies). On divinise ces métallurges, et après avoir été d'abord de simples ministres de Rhée, ils sont associés à son culte,Métallurges (Génies). Ils sont collectivement adorés dans la Samothrace, et on les invoque dans les dangers, sous le nom de Samothraces,Métallurge et Métallurgiste. Examen de la formation de ces deux mots et de plusieurs autres mots analogues,Métallurgie. Les premiers essais de cet art se sont faits en Phrygie, 28. Ecrivains de l'antiquité qui avaient composé des ouvrages sur la métallurgie,Métaux. C'est en Phrygie qu'ils furent découverts, 28. Les anciens se servirent même des plus précieux pour lambrisser leurs appartements,Meursius. Il a mal compris un passage de Proclus, et fondé sur cette erreur un usage illusoire dans le sanctuaire de Samothrace,Meursius. Il a mal compris un passage de Proclus, il y a supposé faussement la cérémonie de l'intronisation,Millin. Il a cru à tort que l'art d'allier les métaux fut connu d'Homère,Millin. Il s'est trompé aussi en croyant que Minerve protégeait et enseignait les métallurges,Minéralogie. Justification de la composition de ce mot; son étymologie, ainsi que celle de mine,

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Minerve. Appelée Telchinienne,Minerve. Minerve ne fut jamais comprise parmi les divinités du sanctuaire de Samothrace, parce qu'elle ne s'occupa jamais des arts qui concernent la métallurgie,Mnaséas de Patare (historien géographe). Cité à propos de la généalogie des Dactyles,Mnaséas de Patare (historien géographe). C'est lui qui nous a révélé les noms mystiques des Cabires,Mongez. Réfutation des objections qu'il a élevées contre la trempe particulière que les anciens surent donner au cuivre,Monnaies d'électre. Abus où sont tombés quelques numismatistes au sujet de ces monnaies,Mosynoeque. Cuivre mosynoeque,Mystères de la Métallurgie. Origine de ces mystères,Mystères de la Métallurgie. Moyen de rattacher la métallurgie à ces mystères,Mystères de la Métallurgie. Significations symboliques du bruit des armes et des instruments qui retentissaient aux fêtes de Rhée, et dans les cérémonies de toutes lesreligions issues de la sienne,Mystères de la Métallurgie. Identité de Rhée et de Cérès et de leur culte,Mystères de la Métallurgie. Mercure ithyphallique représenté dans les mystères de Samothrace,Mystères de la Métallurgie. Doctrine exposée dans les mystères relativement à Mercure et à Proserpine,Mystères de la Métallurgie. Peut-on savoir à quelle époque furent institués les mystères de la Samothrace?Mystères de la Métallurgie. Peut-on savoir à quelle époque ils cessèrent d'être célébrés?Mystères de la Métallurgie. De la Samothrace ils repassèrent en Asie, où ils étaient tombés en désuétude,Mystères de la Métallurgie. Examen de la tradition qui les faisait venir de l'Arcadie,Mystères de la Métallurgie. Les mystères ne s'établissent ni en Egypte ni en Italie,Mystères de la Métallurgie. Les mystères ne s'établissent ni en Egypte ni en Italie, ils passent sur le continent de la Grèce,Mystères de la Métallurgie. Ils s'établissent dans un voisinage si rapproché de ceux de Cérès qu'ils paraissent se confondre avec ces derniers,Mystères. Ecrivains qui avaient composé des ouvrages sur les mystères, ou qui étaient intitulés les Mystères,

NNicolas de Damas. Ce qu'il dit des Telchines dans un fragment de son Histoire universelle,Nicolas de Damas. Ce qu'il dit des Telchines dans un fragment de son Histoire universelle, une expression très-embarrassante de ce fragment expliquée,Nonnus. Ce qu'il dit de la vengeance furieuse des Telchines,Nonnus. Ce qu'il dit de la vengeance furieuse des Telchines, un vers de ce passage corrigé,Nonnus. Il a raconté au long la fable de Phaéthon,

OOps. Voyez Rhée.Or. Mines d'or en Egypte,Or. Mines d'or en Egypte, dans la Colchide,Or. L'or est appelé électre,Or. Or allotype, ; qu'était-ce?Or. On ne peut appeler électre l'or blanc dont parle Hérodote,Or. On ne peut appeler électre l'or blanc dont parle Hérodote, on ne peut appeler électre l'or presque blanc dont parle Raoul-Rochette. Or en paillettes, le plus pur queconnussent les anciens,Oreius. Un prétendu statuaire, qui aurait découvert l'orichalque, et lui aurait transmis son nom,Orichalque. Age mythique de l'orichalque,Orichalque. Les critiques de l'antiquité les plus habiles de l'antiquité niaient l'existence de l'orichalque,Orichalque. Les critiques de l'antiquité les plus habiles de l'antiquité niaient l'existence de l'orichalque, ce métal n'est en effet qu'une création fantastique,Orichalque. On le rapproche d'un autre métal également fictif, du chalcolibanon,Orichalque. Etymologie du mot orichalque,Orichalque. L'orichalque devient une réalité, et désigne d'abord le cuivre ordinaire,Orichalque. Il désigne ensuite l'alliage du cuivre avec le zinc ou le laiton,Orichalque. L'orichalque est pris pour l'alliage que nous appelons aujourd'hui airain ou bronze,Orichalque. L'orichalque s'étant pris pour le cuivre pur, pour le laiton et pour le bronze, comment démêler les trois sens?Orichalque. L'orichalque est rappelé à son âge fabuleux,Orichalque. Age latin de l'orichalque. Les Romains altèrent l'orthographe du mot, et ce changement fait croire à une composition fabuleuse du métal,Orichalque. Il n'entrait point d'or dans l'orichalque; preuve évidente qu'on en donne,Orichalque. L'orichalque ne se prend plus que pour le laiton,Orichalque. L'orichalque ne se prend plus que pour le laiton, c'est à ce titre qu'il se prend aussi pour l'électre, et se confond avec lui,Orichalque. Le mot aurichalcum devient archalcum, puis archal, et s'efface définitivement devant celui de laiton,Orichalque. Remarques sur la déclinaison et la prosodie de ce nom,Orichalque. Analyse critique des principales hypothèses émises sur l'orichalque,Orphée (l'Argonaute). Initié aux mystères de la Samothrace, il fait des voeux aux dieux de ce sanctuaire,Orphée (le poète pseudonyme). Il invoque tous nos Génies métallurges ensemble,Orthographe. Orthographe des anciens Latins dans les mots commençant par la diphthongue au,Ovide. Il a mis les Corybantes et les Curètes près du berceau de Jupiter en Phrygie,Ovide. Il a rappelé la submersion de l'île de Rhodes,Ovide. Il a développé l'aventure de Phaéthon,

PPactole. Ce fleuve roulait beaucoup d'or,Pausanias. On réfute ce qu'il dit au sujet d'un temple que les Telchines auraient élevé à Minerve Telchinienne,Pausanias. Examen du passage où il parle d'un coeur fait d'orichalque, sur lequel se trouvaient écrits des vers mêlés de prose,Pausanias. Il a cru que l'on trouvait de l'ambre jaune dans les sables du Padus,Pénates. Origine de ce mot, selon quelques critiques anciens,Phaéthon. Pourquoi Phaéthon est-il donné comme acolyte à Vénus?Philippe. Il se fait initier aux mystères de Samothrace, et c'est pendant ces cérémonies qu'il voit Olympias pour la première fois.Philon. Il avait composé un ouvrage intitulé le Métallique,Philostrate. Il a parlé plusieurs fois de l'orichalque,Phoronide. Fragment de ce vieux poème, commenté et souvent invoqué,Photius. Une glose de son Lexique restituée,Phrygie. Rivalité entre ce pays et la Crète; causes de cette rivalité,Phrygie. C'est dans la Phrygie qu'eut lieu la découverte des métaux,Phrygie. La Phrygie était riche en mines,Phrygie. On y supposa la première fonte des métaux, à la suite d'un incendie des forêts,Pierre de touche. Les anciens s'en servaient pour estimer la quantité d'or et d'argent qui se trouvait dans un alliage,Pindare. Il a célébré le berceau de la civilisation et de l'art des Rhodiens; voir Héliades,Platon. Il fait jouer un rôle brillant à l'orichalque,Plante. Il a souvent parlé de l'aurichalcum, jouant sur la première moitié du mot,Pline. Explication du passage où il parle des statues que Scopas avait faites pour le sanctuaire de Samothrace,Pline. Il croyait la mine de l'orichalque épuisée,Pline. Il croyait la mine de l'orichalque épuisée, ailleurs, il en a parlé comme d'un vrai laiton,Pline. Explication du passage où il s'occupe de la chrysocolle; on condamne les changements faits au texte et le sens donné par les nouveaux traducteurs,Pline. Il distinguait deux sortes d'électres; il a cru que l'électre dont parle Homère, était le métal composé d'or et d'argent,Plutarque. Ce qu'il dit de la croyance superstitieuse aux Dactyles,Plutarque. Renseignement curieux qu'il donne sur les Génies métallurges,Pluton. Reçu dans le sanctuaire de Samothrace,Pollux. Il niait l'existence de l'orichalque (mythique),

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Pollux. Il niait l'existence de l'orichalque (mythique), mais ailleurs il donne l'orichalque pour l'équivalent du simple cuivre.Pollux. Ce qu'il dit du cuivre de Démonèse,Primase (évêque d'Adrumète). Il donne la composition de l'orichalque, laiton,Proclus. Explication d'un passage embarrassant de cet auteur, relatif à la trempe du cuivre,Properce. Cité à l'occasion des rapports de Mercure avec Proserpine,Proserpine. Reçue dans le sanctuaire de Samothrace,Prudence. Il a parlé de l'orichalque,Pseudargyre. Voyez Zinc.Pyrénées. On suppose dans ces montagnes la première fonte des métaux, à la suite d'un incendie des forêts,Pyromaque. Pierre employée comme fondant par les anciens,Pyrope. Composition de ce métal,

QQuintus de Smyrne. Il a célébré le produit de l'électre,

RRécits merveilleux. L'auteur de ce recueil nous parle de deux statues d'orichalque, portant une inscription, qui annonçait qu'elles avaient été consacrées par Hercule;discussion approfondie de ce passage,Rhée. Elle préside à la métallurgie terrestre, souveraine des Génies métallurges,Rhée. Il ne peut y avoir conflit d'attributions entre cette déesse et Vulcain, au sujet de l'invention des métaux,Rhée. On la confond avec Cérès,Rhodes. Siége d'une célèbre école de sculpture; origine de la civilisation et de l'art des Rhodiens,

SSainte-Croix. Repris pour avoir transformé les Dactyles en médecins,Sainte-Croix. Repris pour avoir transformé les Dactyles en médecins, repris pour ce qu'il a dit des Cabires,Sainte-Croix. Repris pour avoir transformé les Dactyles en médecins, repris pour un grave contre-sens,Sainte-Croix. Repris pour avoir transformé les Dactyles en médecins, repris pour les fausses connaissances qu'il prête aux Curètes,Sainte-Croix. Il est accusé d'avoir pillé Fréret,Sainte-Croix. Repris pour ses graves erreurs touchant le sanctuaire de Samothrace,Sainte-Croix. Repris pour ses graves erreurs touchant le sanctuaire de Samothrace, repris pour un contre-sens qu'il fait en traduisant la réponse d'Antalcidas au Koiès,Sainte-Croix. Réfutation de ses nombreuses inexactitudes au sujet de la ceinture de pourpre des initiés,Sainte-Croix. Il dénature le récit de la purification d'Angélos,Samothrace et son. sanctuaire. Cette île dut posséder des mines de fer,Samothrace et son. sanctuaire. Cette île dut posséder des mines de fer, son commerce d'anneaux magiques,Samothrace et son. sanctuaire. Le culte des métaux passe de la Phrygie en Samothrace, et s'y fixe,Samothrace et son. sanctuaire. Rhée y préside d'abord, et abandonne ce sanctuaire à ses enfants,Samothrace et son. sanctuaire. Le sanctuaire de la Samothrace reçoit toutes les divinités souterraines,Samothrace et son. sanctuaire. Vénus, Pothos et Phaéthon y sont adorés,Samothrace et son. sanctuaire. Koiès, prêtre attaché au sanctuaire, et chargé de purifier du meurtre,Samothrace et son. sanctuaire. Koiès, deux exemples de cette purification,Samothrace et son. sanctuaire. Le myste, avant d'être admis à l'initiation, devait s'attacher autour des reins une ceinture couleur de pourpre,Samothrace et son. sanctuaire. Tous les dieux du sanctuaire sont désignés collectivement sous le nom de Samothraces, et invoqués dans les dangers,Samothrace et son. sanctuaire. Ils passent pour découvrir le parjure au fond des consciences,Samothrace et son. sanctuaire. Les dieux de l'Olympe recouraient à la vertu purificative des dieux de la Samothrace. Récit de la purification d'Angélos,Saumaise. On réfute l'explication qu'il donne du chalcolibanon, et on rejette les espèces d'encens qu'il voudrait introduire dans la botanique des Grecs.Saumaise. Son opinion sur l'orichalque examinée en détail,Savot. Son opinion sur l'orichalcum examinée,Savot. Il prouve que les anciens ne savaient point faire la séparation de l'or et de l'argent, sans perdre ce dernier métal,Scholiaste d'Apollonius de Rhodes. Souvent cité; nous avons fait surtout usage de sa note sur les mystères de Samothrace,Scholiaste d'Apollonius de Rhodes. Nous avons expliqué sa note relative à l'orichalque, note extraite de Didyme,Scholiaste d'Aristophane. Ce qu'il a dit de l'électre pris pour le verre,Scholiaste de Platon. Il attribue la connaissance de l'ambre jaune à Thalès,Scopas. Ce statuaire, selon Pausanias, fait la statue d'Eros d'Himéros et de Pothos, pour le temple de Vénus à Mégare,Scopas. Le même artiste, selon Pline, fait Vénus, Pothos et Phaéthon pour le sanctuaire de Samothrace: conciliation des deux passages,Scymnus de Chio. Il a rappelé l'histoire de Phaéthon,Scythès le Lydien. Il passe pour avoir trouvé l'alliage appelé airain,Servius. Explication d'un renseignement précieux qu'il nous donne sur les Corybantes,Servius. Ce qu'il dit de l'orichalque et de l'usage primitif des métaux,Servius. Il s'est trompé sur la proportion de l'alliage de l'électre,Sicyone. Appelée Telchinie,Sicyone. Siége illustre d'une école de peinture et de sculpture,Silius Italicus. Il a parlé de l'électre, alliage d'or et d'argent,Sillig. Il retranche à tort la statue de Phaéthon à Scopas,Socrate (historien). Il dérivait le nom d'orichalque du nom d'un statuaire Oreius,Sophocle. Il faisait les Dactyles Phrygiens,Sophocle. Il rappelait dans quelqu'une de ses pièces l'histoire de la discorde qui s'éleva entre les Dactyles,Sophocle. Blâmé par Eustathe d'avoir appelé l'or électre,Sophron. Le scholiaste de Théocrite nous a probablement conservé le canevas d'un poème de Sophron, dans l'histoire d'Angélos,Soufre. Appelé il avait aux yeux des anciens une vertu surnaturelle,Spanheim. Il entend mal un passage d'Homère, et en tire une très-fausse conséquence,Spanheim. Il se méprend gravement sur le sens d'une phrase de Julien,Stace. Il compare les Telchines à Vulcain, et les associe aux Cyclopes,Stace. Il a parlé de l'orichalque,Statue d'Auguste. Faite d'ambre jaune,Stésichore. Il avait donné aux Parques le nom de Telchines; pourquoi?Stésichore. Il faisait mention de l'orichalque,Stésimbrote. Son livre sur les Mystères cité,Strabon. Fréquemment cité. Son curieux chapitre intitulé ,Strabon. Fréquemment cité. Son curieux chapitre intitulé , souvent invoqué. Explication du passage où il parle de la vengeance des Telchines,Strabon. Examen critique et détaillé du passage où il s'occupe de la pierre d'Andira, la pierre calaminaire ou la mine de zinc,Strabon. Explication de la phrase où il parle de la purification de l'or,Succin. Etymologie de ce mot,Suidas. Il cite un passage remarquable relatif aux dieux Samothraces invoqués comme vengeurs du parjure,Suidas. Citation qu'il fait de plusieurs passages où figure l'orichalque,

TTarquin (l'Ancien). Donné comme ayant été initié aux mystères de la Samothrace,Telchines. Les Telchines métallurges doivent être distingués des Telchines habitants primitifs de Rhodes,Telchines. Leur extraction inconnue,Telchines. Leur première résidence n'est pas à Rhodes,Telchines. Leur première résidence n'est pas à Rhodes, c'est en Crète qu'ils font leur première apparition,Telchines. De là ils se rendent à Chypre,Telchines. De là ils se rendent à Chypre, de Chypre à Rhodes,

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Telchines. De là ils se rendent à Chypre, de Rhodes à Sicyone,Telchines. Ils sont soumis à Rhée,Telchines. Ils passent pour avoir élevé Neptune,Telchines. Ils passent pour avoir élevé Neptune, ils furent plutôt les nourriciers de Jupiter,Telchines. Ils ne sont pas seulement métallurges, mais artistes,Telchines. On en distingue trois principaux, auxquels on donne le nom de l'or, de l'argent et du cuivre,Telchines. Leurs travaux comme artistes,Telchines. Comparés à Vulcain,Telchines. Comparés à Vulcain, ils travaillent avec les Cyclopes au collier d'Harmonie,Telchines. Comparés à Vulcain, étymologie de leur nom,Telchines. - Telchines de Rhodes; leur histoire; chassés du Péloponnèse, ils vont fonder Rhodes,Telchines. Chassés de Rhodes par les Héliades, ils rendent inhabitable la terre qu'ils sont forcés d'abandonner,Telchines. D'après une tradition, ils auraient quitté l'île en prévision d'une inondation,Telchines. Confusion des Telchines Rhodiens avec les métallurges; calomnies que la malveillance invente contre ces derniers,Telchines. La distinction entre les deux espèces de Telchines éclaircit des traditions qui paraissaient inexplicables,Telchines. Le nom de Telchine devient synonyme de l'envie et de la méchanceté,Telchines. Les Telchines métallurges forment une corporation de forgerons et de statuaires; jalousie des corporations rivales,Telchines. Ils sont surtout détestés, parce qu'on suppose qu'ils gardent pour eux le secret de leurs méthodes et de leurs procédés,Telchines. Ils s'annoncent comme métallurges et comme artistes par les pays qu'ils visitent,Telchines. De Sicyone, les Telchines passèrent-ils en Béotie? Ils n'ont pas dû construire le temple de Minerve Telchinienne,Telchines. De Sicyone, allèrent-ils en Samothrace?Telchines. C'est aux Telchines que la métallurgie dit son dernier mot,Thalès. Très-probablement il n'a point connu l'ambre jaune,Théophile (le moine). Son Essai sur divers arts, cité,Théophraste. Dans son ouvrage sur les Inventions, il attribuait l'art de fondre et d'allier l'airain à Délas le Phrygien,Théophraste. Il avait composé un ouvrage sur la Métallurgie,Théophraste. Il a signalé les effets de la cémentation du cuivre par la calamine,Théopompe. Il dérivait le nom d'orichalque du nom d'un statuaire Oreius,Thessalonique. Elle institue le culte de la mort cabirique, et représente sur ses médailles le Cabire massacré,Thomas de Cantipré. Examen d'un extrait de son livre intitulé de Naturis rerum,Timée. Il avait écrit un ouvrage Sur la médecine métallique,Trempe. Voyez Cuivre et Fer.Tzetzès. Une scholie de ce grammairien, relative à la fabrication du laiton restituée,Tzetzès. Où a-t-il pris les noms des six Telchines dont il parle?

UUlysse. Il passe pour s'être fait initier aux mystères de la Samothrace,

VValérius Flaccus. Il a parlé de l'orichalque,Varron. Son grand ouvrage sur les Dieux cité, à l'occasion du bruit symbolique des cymbales aux fêtes de Rhée,Varron (l'Atacin). Citation d'un fragment de sa traduction en vers latins des Argonautiques d'Apollonius de Rhodes,Vénus. Elle est reçue dans le sanctuaire de Samothrace; on le prouve,Vénus. Appelée Zérinthienne,Verre. Il fut désigné par le mot électre,Vincent de Beauvais. Chapitre qu'il consacre à l'orichalque; examen des sources où il a puisé ses renseignements,Virgile. Il a parlé de l'orichalque,Virgile. Il a parlé de l'électre, en faisant allusion au métal fabuleux, 345-346; en le prenant aussi pour l'emblème de la transparence,Vulcain. Il est regardé comme le père des Cabires,Vulcain. Il est regardé comme l'inventeur de toutes les matières qui se travaillent à l'aide du feu,Vulcain. Il n'est pourtant pas essentiellement le dieu des métaux; il préside surtout aux volcans. Il devient le métallurge de l'Olympe,Vulcain. Il est reçu dans le sanctuaire de Samothrace,Vulcain. Différence des deux espèces de métallurgie que représentaient Rhée et Vulcain,

WWatson (Richard), évêque de Landaff. Examen détaillé de son Mémoire Sur l'orichalque,Wichers, éditeur des Fragments de Théopompe. Il s'est évidemment trompé sur la place qu'il convenait de donner à deux fragments de son auteur,

ZZénobius. Son proverbe: Un Celmis dans le fer, expliqué et restitué,Zérinthe. Antre de la Samothrace dans lequel on adorait Hécate,Zérinthe, ville de Thrace,Zinc. Il est connu des Grecs, et appelé par eux , pseudargyre, faux argent,FIN DE L'INDEX.