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LES ORIGINES DU NATIONALISME DANS LE MONDE MUSULMAN --- AL BADIL --- edition 2 octobre 2003

Les origines du nationalisme dans le monde musulman

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LES ORIGINES DUNATIONALISME DANS

LE MONDE MUSULMAN

--- AL BADIL ---edition 2 octobre 2003

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CHRONOLOGIE

622 - Etablissement de l’Etat islamique à Médine 630 - Ouverture de la Mecque 638 - Ouverture de Jérusalem 639 - Ouverture de l’Egypte 640 - Ouverture de la Perse 711 - Ouverture de l’Espagne 712 - Ouverture du Sind 732 - Bataille de Balat asshuhada dans le centre de la France 1060 - Ouverture de la Sicile 1099 - Occupation de Jérusalem par les Croisés 1187 - Salahuddin Ayoubi bat les Croisés dans la bataille de Hittin, libération de Jérusalem 1248 - Le roi de France Louis IX est battu au cours de la bataille de Mansoura 1258 - Bagdad est saccagée par les Mongols 1259 - Défaite des Tatares à Ain Jalut 1453 - Ouverture de Constantinople 1492 - Chute de l’Andalousie 1498 - Vasco de Gama prend la mer en direction de l’Inde 1529 - Vienne est encerclée par les Musulmans 1543 - Ouverture de Nice 1625 - Tentatives des missionnaires de créer des centres dans la région de Sham (Liban, Syrie, Palestine…) 1711 - Les Russes sont battus dans la bataille de Pruth 1773 - Arrêt des activités jésuites et retour à Malte des missionnaires 1798 - Napoléon s’empare de l’Egypte 1806 - La Russie et la Grande-Bretagne attaquent l’Etat Islamique 1820 - Les Britanniques concluent un pacte avec les chefs arabes dans le Golfe Persique 1827 - Eli Smith, missionnaire américain, arrive à Beyrouth 1830 - La France envahie l’Algérie 1834 - Les missionnaires ont investi l’ensemble de la région de Sham 1839 - Occupation britannique d’Aden 1839 - Les missionnaires anglais et américains fondent l’Eglise protestante syrienne 1841 - Les missionnaires créent des troubles au Liban 1842 - Création d’un comité formé de scientifiques 1847 - Création de l’Association des Arts et des Sciences 1850 - Des jésuites français créent la Société d’Orient. Tous les membres sont chrétiens 1857 - Les maronites, incités par les missionnaires, appellent à la révolte et à la lutte armée contre le Califat ottoman

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1857 - Création de la Société Scientifique Syrienne, dont la particularité est de n’avoir que des membres arabes. 1860 - Massacre de chrétiens à Damas, résultant de troubles crées par les missionnaires. La France envoie son armée à Beyrouth. 1866 - Création d’universités américaines à Beyrouth 1874 - Ouverture de l’Université Saint-Joseph 1878 - Traité de Berlin pour la division des territoires musulmans 1880 - Création de l’Association Orientale 1881 - La France occupe la Tunisie 1882 - La Grande-Bretagne occupe l’Egypte 1914 - Prise de Bassora par les Anglais ; 1ére guerre mondiale (14-18). 1916 - La Grande-Bretagne et la France se mettent d’accord sur le partage des terres islamiques avec les accords de Sykes-Picot 1916 - Le Chérif Hussein et la famille Seoud se rebellent contre le Califat 1917 - La Grande-Bretagne s’empare de Bagdad et de Jérusalem 1924 - Mustafa Kemal (Attaturk) appuyé par les puissances coloniales, abolit le Califat, mettant un terme à 1300 ans de pouvoir islamique. En conséquence, le monde musulman se divise en plus d’une cinquantaine de pays : Egypte Khirgistan Iran Oman Arabie Saoudite Tunisie Irak Albanie Jordanie Malaisie Liban Nigeria Syrie Kazakhstan Pakistan Ouzbékistan Palestine (occupée par Israël) Mali Indonésie Bangladesh Maroc Brunei Cameroun Algérie Erythrée Afghanistan Ethiopie Bosnie Sénégal Azerbaïdjan Inde Tchétchènie Qatar Bahrein Mauritanie Soudan Yémen Koweït Turquie Daguestan …

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Le Turkestan, l’Afghanistan, la Transcaspienne, la Perse, pour l’homme ces noms n’expriment que des choses vagues… Pour moi, je le confesse, ils représentent les pièces d’un échiquier avec lesquels se joue la domination du monde.

Georges Curzon : Persia and the Persian Question (London : Franck Cass.1966) Vol.1. pp. 3-4 Nous n’avons pas été élus ou placés au pouvoir par le peuple, mais nous sommes ici grâce à notre supériorité morale, par la force des circonstances, par la volonté de la Providence. Voilà notre seule charte pour gouverner l’Inde. En agissant du mieux que nous puissions pour le peuple, nous sommes liés par notre conscience et non par la leur. John Lawrence : Viceroy of india . 1864-9 « Vous pouvez sans inconvénient, lui ai-je dit, céder au futur Etat arabe de Bagdad et Bassorah, parce que vous êtes et restez maître du Golfe Persique. De ce Golfe, vous dominerez la Mésopotamie et vous y exercerez une sorte de protectorat. Il n’en est pas de même en Syrie ; Il faudra que la Syrie puisse s’organiser et se défendre et le gouvernement français sera obligé de réserver à ce pays de bonnes frontières parce que les français s’imaginent que la Syrie leur appartient. C’est le résultat de traditions très anciennes de l’établissement dans ce pays des premiers consulats et des premières missions pour les français, des relations suivies et maintenues pendant des siècles. Enfin, pour l’opinion française, la Syrie est terre française, il faut nous garder d’y toucher. » Lettre de Paul Cambon au Président du Conseil, ministre des affaires étrangères, Aristide Briand. 11 novembre 1915.

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Introduction

Que n’a t’on pas dit et écrit sur les problèmes du monde musulman, de sa déchéance, de sa décadence et de la misère politique, sociale, économique et culturelle qui, depuis de nombreuses décennies, gangrènent et tuent en lui tout espoir salvateur ! La question qui revient alors sur toutes les lèvres est, comment une civilisation qui a transformé la face du monde, marqué de son empreinte le cœur et l’esprit de millions d’individus, révolutionné les rapports humains, les relations internationales, comment une telle civilisation a pu sombrer aussi loin dans la décadence, l’humiliation et l’oubli ? Lorsqu’il y a quatorze siècles, le Messager de Dieu (SAAWS) avait apporté à l’humanité le message de l’islam, il avait réussi à extérioriser les richesses et les trésors de l’âme humaine, trop longtemps recouverte par des siècles et des siècles d’obscurantisme et d’ignorance. Il (SAAWS) avait illuminé le monde par la pureté de son message et la justice de son système. Le Messager (SAAWS) avait jeté les bases du fondements d’une nouvelle civilisation : la civilisation islamique, la « meilleure des nations que Dieu ait suscité pour les gens ». Durant plusieurs siècles, l’islam a irradié de sa lumière bienfaisante des peuples agonisants et plongés dans les ténèbres de la servitude humaine. Il a réalisé leur union et leur unité autour d’un principe simple et cependant profond, la croyance de Dieu l’Unique et en Mohammed (SAAWS) comme son Prophète et Messager. Malheureusement, quatorze siècles plus tard, que reste-t- il ? Un monde musulman en déconfiture, divisé plus que jamais par les fantômes du nationalisme, du clanisme et de tribalisme. Ces tendances que l’on croyait disparu ont refait surface dans cette âme musulmane, jadis intégralement vouée à la recherche de la satisfaction de son Créateur, aujourd’hui égarée dans les méandres de l’ignorance et obsédée par les plaisirs terrestres. Les musulmans ont été battus et vaincus pour avoir délaissé et négligé la source même de leur énergie et de leur force : la pensée. Au départ limpide et pure comme de l’eau de source, la pensée islamique s’est progressivement altérée au fil des siècles, entraînant l’Oummah dans une décadence intellectuelle qui a fini par lui être fatale. Les effets de cette décadence intellectuelle se sont manifestés, entre autre, par l’abandon de la langue arabe, pourtant essentielle à la bonne compréhension de l’islam et à la pratique de l’ijtihad. Des conceptions philosophiques étrangères à l’islam ont ainsi réussi à s’infiltrées dans la pensée islamique pour la corrompre et ôter à l’Oummah toute sa force et sa dynamique. Bien évidemment, les répercussions désastreuses qu’a engendré la décadence intellectuelle des musulmans sont nombreuses et variées, et ne se limitent pas à ces seuls éléments. Mais s’il y a bien un concept qui peut se targuer d’avoir grandement contribué à paralyser et à plonger le monde musulman dans le chaos et la désolation, c’est bien le concept du nationalisme. Il est, probablement, l’un des concepts non- islamiques qui s’est le mieux diffusé et le mieux implanté dans les mentalités des peuples musulmans. C’est lui qui a été à l’origine de l’éclatement et de la division du dernier Etat islamique, l’Etat ottoman Le nationalisme est devenu un pilier sentimental sur lequel repose aujourd’hui l’ensemble des régimes qui constituent le monde musulman ainsi que la principale source de division et de déchirement de ceux qui, pourtant, se réclament de la même idéologie. Dans le monde entier, des millions de musulmans luttent les uns contre les autres, se déchirent et se font la guerre à cause de leur appartenance nationale, ethnique, tribale ou

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clanique. Rien qu’au Pakistan, par exemple, les musulmans se sont divisés en Punjabis, Sindhid, Baluchis, ou encore Pathans et, malheureusement, cette division gagne chaque jour davantage de terrain dans les mentalités. L’Afghanistan, qui depuis quelques mois vit sous les feux des projecteurs, et des bombardements, nous offre son lot quotidien de massacres et de luttes tribales sanglantes. Pareille déchirement, si forte oppression, une telle stagnation scientifique et technologique, et de tels conflits internes comme ceux dont nous avons été les témoins au cours du 20ème siècle avec la guerre Iran-Irak, sont autant d’épisodes désastreux qui affectent la communauté musulmane depuis son éclatement et son dépeçage entamé au 19ème siècle par les puissances coloniales. Le présent ouvrage tente de retracer les origines de l’émergence du nationalisme dans le monde musulman. Nous verrons que, d’une part, ce concept est loin d’avoir fait son apparition de façon naturelle dans les terres de l’islam et que, d’autre part, il n’est certainement pas une réponse aux problèmes de l’humanité en général, et des musulmans en particulier. Le nationalisme n’est pas non plus le fruit d’une frustration qu’aurait pu engendrer l’ascension de l’Europe et son hégémonie galopante après la révolution industrielle. Non, le nationalisme résulte plutôt des manœuvres de puissances coloniales kâfirin qui, ayant tenté en vain de détruire l’Etat islamique par la force, ont eu recourt, à l’aide d’un plan soigneusement orchestré, à l’implantation de ce concept au sein du monde musulman. En fin d’ouvrage, si Dieu le veut, nous aborderons sur base de versets coraniques et de hadiths du Messager (SAAWS) le point de vue islamique concernant le nationalisme.

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Qu’est-ce que le Nationalisme ?

Pour bien saisir le concept de nationalisme, il nous semble tout d’abord nécessaire de passer en revue, très brièvement, différentes bases sur lesquelles peuvent se tisser des liens entre les hommes au sein d’une société. Cela nous permettra de bien marquer les particularités qui caractérisent les principales formes de regroupements humains. De manière générale, les idées, les concepts ou les sentiments susceptibles de regrouper et de rassembler des gens sont : - l’amour d’une terre ou d’un pays particulier (lien patriotique) - la tribu, la race (lien nationaliste) - la religion (lien spirituel) - une question particulière (lien d’intérêt) - un credo, une doctrine (lien idéologique) Le patriotisme se caractérise par le sentiment d’amour commun que partagent des individus pour une terre ou un territoire donné. Cette forme d’union a pour particularité de ne se manifester que lorsque l’objet qui a donné lieu à ce regroupement, en l’occurrence un territoire, tombe sous la menace d’un facteur extérieur, telle une menace militaire. Ce lien patriotique a pour résultat de regrouper des gens de différentes cultures qui, ponctuellement et temporairement, laissent de côté leurs dissemblances pour constituer un seul front commun et un soutien à leur gouvernement. L’invasion argentine des Iles Malouines nous fournit à ce titre un parfait exemple de patriotisme appliqué. Au cours de cette invasion, l’opinion publique du Royaume-Uni s’était mobilisée contre l’Argentine grâce à la machinerie médiatique qui a réussi à unifier les partis politiques de tous bords autour de cette question. Le slogan était simple « Nous nous battrons pour la Reine et le pays ». Cette union, basée sur le patriotisme, s’est tout simplement dissipée après la récupération des Iles Malouines par la couronne britannique. Les jours qui ont suivi le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont également été fortement marqués par le sentiment patriotique des Américains autour de leur gouvernement, bien que ce dernier quelques semaines encore avant ces événements était devenu fort impopulaire. La faiblesse inhérente au patriotisme tient essentiellement à son caractère ponctuelle et temporaire, ce qui rend impossible une cohésion et une unité sociales en l’absence de menaces extérieures. Pour cette raison, le lien patriotique n’est d’aucune utilité pour la société lorsque la menace n’est pas extérieure et, par conséquent, il ne peut constituer une base d’union globale et permanente. De plus, le patriotisme n’a rien proposé en terme de gestion de la société. Le nationalisme, quant à lui, est un lien basé sur la famille, le clan, la tribu ou la race. Il se caractérise par une volonté d’imposer la domination du clan ou de la race au reste du monde. Cela commence au sein de la famille, dans laquelle un membre impose son autorité pour la gestion et la direction des affaires familiales. Ensuite, l’individu étend son autorité sur la communauté, qui représente la famille au sens le plus large du terme. Ces familles tâchent à leur tour d’étendre leur autorité à l’ensemble de la communauté dans laquelle elles évoluent. Ensuite, c’est au tour des communautés d’entrer en compétition les unes contre les autres, chacune cherchant à dominer l’autre, afin de jouir du privilège et du prestige qui découle du pouvoir. Le nationalisme ne peut unir les gens pour la simple et bonne raison qu’il est purement et exclusivement instinctif, n’est motivé que la quête permanente de l’autorité et exclus tout ce qui ne lui ressemble pas. Cette rivalité engendre des luttes de pouvoir entre les membres de la société et crée des conflits à tous les niveaux. Les exemples ne manquent pas. Dans plusieurs pays musulmans, des tribus se sont emparées du pouvoir par la force, c’est le cas de la famille Saoud en Arabie Saoudite.

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Par ailleurs, le nationalisme engendre et entretient le racisme. En effet, dès lors que l’on incite les masses à se confronter les unes aux autres sur base du critère racial, il est difficile, voire impossible ensuite d’empêcher que ne se répande dans la société la discrimination raciale. Des blancs seront convaincus de leur supériorité sur les noirs et vice-versa. Ce concept mène tout droit à la polarisation des races et à la division de la société. Le lien spirituel est un lien qui unit les gens sur base de leur « croyance religieuse ». Ce lien ne peut unir les gens qu’autour de questions relatives à la croyance et à l’adoration. Il est dépourvu de tout code élaboré pouvant fournir le cadre d’une civilisation ou la base d’une constitution politique. C’est le cas, entre autre, du christianisme. C’est pourquoi il est limité et ne peut prétendre à une base d’union durable et globale. Des groupes et des sociétés peuvent également se former autour d’un intérêt commun, comme les groupes de pression qui ont pour particularité de fédérer autour d’une question bien précise un groupe d’individus partageant une même préoccupation. Tel était le cas dans le passé des Suffragettes, et plus près de nous, celui de la Campagne pour le désarmement nucléaire (C.D.N.), du Conseil pour la protection des animaux de la ferme. etc.… En principe, dès que le prétexte qui a donné lieu au regroupement disparaît, le groupe disparaît avec lui. C’est pour cette raison que le lien d’intérêt ne peut lui non plus constituer une base d’union permanente et globale. Reste le lien idéologique. L’idéologie est une idée globale, une vision de la vie de laquelle découle un ensemble de réglementations et de prescriptions au service de l’homme, et auquel il se réfère pour répondre à ces problèmes. Ce lien est communément appelé « lien idéologique ». Il ne prend en considération que l’idée seule et seulement elle. La couleur, la race et le sexe n’ont aucune importance. Le lien idéologique est un lien permanent, car il repose sur un credo, c’est à dire sur une conviction intellectuelle relative à la vision de la vie, ce qui lui confère un caractère universel et global contrairement aux autres liens qui eux sont restrictifs, ponctuels et dépourvus de système d’organisation de la vie en société. Le credo n’est influencé ni par la race, ni par la couleur, ni par la langue, ni par l’amour d’une terre et encore moins par une question régionale. Le lien idéologique est le seul à pouvoir garantir une unité permanente et globale de l’humanité. Et l’islam, comme nous le verrons plus loin, appelle à ce lien.

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Du Nationalisme à l’Islam

Avant la venue de l’Islam, les divisions tribales et claniques au sein de la péninsule arabique constituaient la principale caractéristique de son paysage politique. Les gens vivaient sous une tente ou dans une maison regroupant la famille. Le groupe de familles donnait naissance au clan, et le groupe de clans aux tribus. Chaque tribu avait sa propre sphère de réglementation. L’honneur, la fierté et la loyauté assuraient quelques-unes des valeurs les plus importantes. Toutes les activités se déroulaient dans le seul cadre de la structure tribale, et quiconque sortait de ce cadre était aussitôt réprimandé. Ce regroupement assurait la sécurité des membres de la tribu, mais également de ceux qui y cherchaient refuge. En effet, la tribu se devait de garantir asile et refuge à tout individu qui en exprimait le désir, même si celui-ci l’avait offensée. Parmi les tribus les plus notoires de cette époque, on peut citer entre autres, celles de Qoraïsh à la Mecque, des Aws, des K hazraj et de quelques tribus juives à Yathrib (Médine), et également de la tribu Thaqif à Taïf. Le sacro-saint principe de loyauté envers la tribu engendrait souvent des conflits intertribaux qui prenaient très vite l’allure de guerre. La période pré-islamique (Jahyliya) nous livre, à ce titre, de précieux témoignages. Au 5ème siècle, par exemple, s’est déroulée l’une des plus célèbres batailles de la péninsule : la bataille d’Al-Basus. Cette bataille a commencé suite à la blessure d’une chamelle nommée Basus appartenant à une vieille femme de la tribu des Banu-Bark. Le conflit a duré 10 années pendant lesquelles se sont multipliés les raids, les pillages et les meurtres. Il y a eu, ensuite, la bataille de Dahir wa’l’Ghabraa’, déclenchée par une conduite déloyale lors d’une course de chevaux qui opposait la tribus Abs à celle de Dhabyan, dans le centre de l’Arabie. Cette guerre a duré plusieurs décennies. Citons, également, les deux tribus des Aws et des Khazraj à Yathrib qui s’étaient impliquées dans la guerre d’Al-Bu’ath. Et à la Mecque, Quraïsh, aux côtés de leurs alliés, les Khinanah, ont combattu les Hawazin dans la guerre d’Al-Fujjar, et tout ceci pour des raisons absurdes.

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L’Islam éradique le Nationalisme

La structure nationaliste de la société païenne arabe, vieille de plusieurs siècles, a été éradiquée avec la venue de l’islam. La nouvelle religion a transformé la société tout entière et a posé un modèle qui sera suivi non seulement par les Arabes mais également par une grande partie du monde. L’islam a brisé les chaînes du polythéisme et de l’idolâtrie, et invitait les gens à ne croire qu’en Un Seul et Unique Dieu, Allah (SWT), et à ne se soumettre qu’à ses seules prescriptions. Dieu dit (ce qui a pour sens) : « Et on leur a juste ordonné d’adorer Dieu, de Lui consacrer à Lui Seul toute leur dévotion, loin de toute association idolâtre, d’établir la prière, d’acquitter la zakat, voilà la Religion de droiture ». (s.98- v.5) « Adorer Dieu » c’est soumettre tout son être, toutes ses passions à la seule volonté divine, et, en même temps, tourner le dos à toute autre forme d’adoration et à tout ce qui contredit les prescriptions de Dieu. A la Mecque, l’adoration des idoles a été le premier aspect sur lequel le Coran a porté ses attaques. Ensuite, d’autres pratiques de la société jahiliyenne sont tombées sous les accusations coraniques, telles cette tradition des Arabes d’enterrer vivant les bébés de sexe féminin, la prostitution ou la fraude dans la balance. L’islam a montré aux hommes que le seul et unique lien qui doit être à la base de leur unité c’est l’amour de Dieu et de Son Messager et l’attachement à Ses prescriptions. La loyauté tribale et nationaliste faisait désormais place à la loyauté du principe islamique. Dieu dit (ce qui a pour sens) : « O vous qui croyez ! Ne prenez pas pour alliés vos pères et vos frères s’ils ont préféré le kufr à la foi, celui d’entre vous qui les prend pour alliés, ceux-là sont injustes ». « Dis : si vos pères, vos enfants, vos frères, vos épouses, vos familiers, les biens que vous avez gagnés, le commerce dont vous craignez la perte ainsi que les habitations où vous vous plaisez vous sont plus chers que Dieu, Son Messager et la lutte sur Son sentier, attendez alors que Dieu apporte sa décision. Dieu ne guide pas le peuple pervers ». (s.9-v.23-24.) Ces versets mettent en exergue les priorités auxquelles doit s’attacher tout individu qui professe qu’il n’y a d’autre divinité que Dieu et que Mohammed (SAAWS) et Son Messager. Ce cadre nouveau, tracé par l’islam, a radicalement influencé la mentalité des peuples ayant embrassé la nouvelle foi. Ils se sont éloignés des concepts obscurantistes de tribalisme et de nationalisme. La sirah du prophète (SAAWS) regorge d’exemples de situations dans lesquelles on a pu assister aux effets de ce revirement de priorités. Ainsi, l’on apprend que durant la bataille de Badr, des musulmans se sont confrontés à leurs propres pères parce que ces derniers combattaient l’islam et les musulmans en faveur du kufr. L’islam tisse un lien de principe entre les individus et les peuples, de sorte que la croyance en Dieu et en Son Messager (SAAWS) ainsi que l’application des réglementations islamiques constituent le seul ferment de l’unité. Chaque individu est traité sur le même pied d’égalité quelque soit son arbre généalogique ou son origine. Quiconque témoigne de sa profession de foi (Shahada) fait ainsi partie de l’Oummah. Cette incroyable unité que l’islam a réussi à créer, est inscrite dans les pages de l’histoire musulmane et dans la sirah du Messager (SAAWS). En effet, lorsque les musulmans de la première heure ont émigré de la Mecque à Médine, le Messager de Dieu (SAAWS) a instauré un lien fraternel entre les émigrés et

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les musulmans de Médine afin de les lier dans leurs affaires et leurs problèmes sociaux. Son oncle Hamza fraternisait avec son serviteur Zayd, Abu-Bakr avec Kharijah Ibn Zaïd. Omar Ibn Al Khattab et Utbah Ibn Malik Al Jhazraj fraternisaient également, tout comme Talha Ibn Ubaydallah et Abu Ayub al Ansari et Abd al Rahman Ibn Auf et Sa’d Ibn Al Rab’i. Cette fraternité a eu des effets perceptibles sur les musulmans et spécialement sur les émigrés (Muhajirun). Les musulmans de Médine (Al Ansar) ont partagé avec eux leurs biens, leur argent et leurs demeures et les ont associé à leurs affaires, allant même jusqu’à partager les gains de leur récolte. Ce lien idéologique est demeuré la base des relations entre les musulmans pendant plus d’un millénaire. L’islam a réussi à unir Arabes, Berbères, Byzantins, Africains, Turcs, Persans, Indiens et plus tard Malais, Chinois, Circassiens, Bosniaques, et bien d’autres peuples encore. Tous ne constituaient désormais qu’une seule communauté, la communauté islamique, sans distinction de couleur, ni de race, ni de rang social ou de langue. Ecoutons ce qu’en dit le professeur Francesco Gabrieli : « l’énumération des peuples parmi lesquels l’islam se répandit, des nomades du désert aux sédentaires de cultures très différentes, donne la mesure de son aire de diffusion, du large éventail de climats et de milieux qu’il pénétra et vivifia, et des résultats de cette acculturation. Ce processus mettait toujours deux camps en présence ; celui des conquérants, initialement venus d’Orient, et celui des peuples conquis. Mais cette opposition fut presque partout dépassée : les peuples soumis assimilèrent l’islam en adoptant sa langue et sa culture. Même la partie d’Europe restée fidèle au christianisme n’échappa nullement à son influence politique, sociale, culturelle. » Ce lien, basé sur le credo islamique, a assuré la force et la puissance de l’Etat islamique dans sa course pour la propagation de la miséricorde de Dieu à travers le monde. C’est justement ce lien bien précis, que des kuffars vont à tout prix tenter d’éradiquer.

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Durant la guerre, Londres a encouragé Hussein, gouverneur de la Mecque, à prendre la tête d’un soulèvement d’une révolte arabe contre la Turquie. Ce qu’il fera, début 1916, aidé de quelques anglais, parmi lesquels figure le célèbre T.E. Lawrence d’Arabie. En échange, Hussein et ses fils se verraient investis du pouvoir sur de nombreux éléments constitutifs de l’empire turc, et principalement arabes. Fayçal, le troisième fils de Hussein, était généralement considéré comme le plus apte. Les anglais installèrent Fayçal sur le trône de la nouvelle nation créée, la Syrie, un des états indépendants arrachés à l’empire turc. Mais quelques mois plus tard, lorsque la Syrie passa sous le contrôle français suite aux accords d’après-guerre, Fayçal fut brutalement déposé et évincé de Damas. Il se présenta à une station de chemin de fer en Palestine, où, après une cérémonie de bienvenue préparée par les anglais, il déposa ses bagages, attendant la suite des événements. Mais sa carrière en tant que roi n’était pas encore finie. Les anglais avaient besoin d’un monarque pour l’Irak, un autre nouvel état … Les anglais ne voulaient pas gouverner la région directement, cela aurait coûté trop cher. Par contre, ce que Churchill voulait, il était alors à la tête du Colonial Office, c’était un gouvernement arabe, avec un monarque constitutionnel, qui serait « soutenu » par les anglais sous mandat de la Ligue des Nations. Cela serait bien moins coûteux. Churchill choisit alors Fayçal. Voué à l’exil, il fut couronné roi d’Irak à Bagdad en août 1921. Le frère de Fayçal, Abdullah, qui était au départ destiné au trône d’Irak, fut nommé roi « de la place vacante christianisée par les Anglais, l’Emirat de Transjordanie ». The Prize : The Epic Ouest for oil, Money & Power, Daniel Yergin 1992

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Les arabes et la langue arabe

Dieu a envoyé Mohammed (SAAWS) comme ultime messager et lui a révélé le Coran dan la langue arabe. Dieu dit (ce qui a pour sens) : « Certes, nous avons révélé un Coran arabe, peut -être, discernerez-vous » (s.12- v.12) De nombreux autres versets font référence au caractère arabe du Coran. Mohammed (SAAWS) a porté son message en arabe, à des arabes. De même, lorsqu’il (SAAWS) a appelé les rois et les gouverneurs d’Asie et d’Afrique, il a communiqué avec eux dans la langue arabe et rien qu’en arabe. Dans nos prières, nous récitons le Coran en arabe. D’après Ubâda Ibn As-Sâmit (qu’Allah soit satisfait de lui), l’Envoyé d’Allah (SAAWS) a dit : « Il n’y a pas eu de prière pour celui qui n’a pas récité le premier chapitre du Coran (Al Fâtiha) ». Il est clair que le Coran n’est considéré comme tel que lorsqu’il est en arabe. Autrement il ne s’agit que d’une interprétation du sens du Coran. « Réciter la Fatiha » comme le rapporte le hadith, signifie que le Coran doit être lu en arabe. De même, tout savant musulman qui veut pratiquer l’ijtihad ne peut le faire que s’il a une connaissance et une maîtrise de la langue arabe. Et nous savons l’importance que revêt la pratique de l’ ijtihad en islam. Il ressort de tout cela que la langue arabe ne peut être dissociée de l’islam, elle en fait, pour ainsi dire, complètement partie. Lorsque l’islam a atteint les peuplades non-arabes, ces dernières ont embrassé l’islam et ont appris la langue. Très vite, ces musulmans non-arabes sont devenus des grands maîtres de la langue du Coran, ce qui leur a permis d’approfondir leur compréhension de la religion. Aussi trouve-t-on dans l’histoire musulmane, plusieurs savants d’origine non-arabe qui dépassaient de loin les arabes eux-même dans leur langue. L’imam Boukhari, originaire de Boukhara en Ouzbékistan, en est un exemple édifiant. Ce qui a fait dire à Ibn Khaldoun dans son livre Al Mouqaddima : « c’est un fait historique surprenant que bien que leur religion soit d’origine arabe, et que la loi apporté par le Prophète (SAAWS) soit de caractère arabe, à quelques exceptions près, tous les hommes érudits en matière de religion islamique, du domaine des sciences théologiques aussi bien que séculières, soient non-arabes ». Tous musulmans, arabes ou autres, devraient apprendre et parler l’arabe. Cela ne doit pas être considéré comme une idée nationaliste puisque c’est Dieu lui même qui a choisi cette langue pour s’adresser aux hommes à travers le Coran. On ne peut, dès lors, la dissocier de l’islam, ni même la sous-estimer et encore moins la combattre. De même, on ne peut pas sous-estimer le rôle qu’ont joué les arabes dans la propagation de l’islam, non pas d’un point de vue nationaliste, mais en tant que musulman.

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Pour pouvoir comprendre l’affirmation du président irakien Saddam Hussein selon laquelle le Koweït fait réellement partie de l’Irak, il est nécessaire de revenir à peu près 70 ans en arrière lors d’une rencontre dans une tente dans le désert arabe, où un commissaire britannique nommé Sir Percy Cox dessinait ce qui allait devenir la frontière Koweto-irakienne… Une nuit donc de la fin du mois de novembre 1922, Cox représentant anglais à Bagdad, fit venir Sheik Abdulaziz Ibn Saoud, qui allait bientôt prendre la tête de l’Arabie Saoudite, afin de lui expliquer les faits concernant le découpage par les britanniques de la dépouille de l’Empire Ottoman vaincu. Le lieutenant Harold Dickson, attaché militaire britannique dans la région, rappelle dans ses mémoires : « C’était surprenant de le voir (Ibn Saoud) être réprimandé comme un vilain petit écolier par le Haut Commissaire de Sa Majesté et voir Sir Cox lui rappeler d’un ton sec, que c’est lui qui déciderait du type et des lignes générales des frontières ». Cela mit un terme à l’impasse. Ibn Saoud faillit éclater en sanglot et dit de manière pathétique que Sir Percy était pour lui comme son père et sa mère, que c’est lui qui l’avait fait et lui avait donné la position privilégiée dont il bénéficiait à présent alors qu’il n’était rien, et rajouté qu’il serait prêt, si Sir Cox le lui ordonnait, d’abandonner la moitié, voire la totalité de son royaume. En deux jours, l’affaire était conclue. Les frontières modernes de l’Irak, de l’Arabie Saoudite et du Koweït furent établis par décret impérial britannique au cours de ce qui est devenu le Conférence Uqiar… The Washington Post : 31 août 1990

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Les tentatives d’éradication du lien idéologique

Tout au long de ses 14 siècles de pouvoir, l’Etat Islamique a dû essuyer de nombreuses tentatives de destruction et d’anéantissement menées par ses ennemis. Déjà à l’époque de Mohammed (SAAWS), les idolâtres de la Mecque se sont acharnés à combattre l’Etat islamique, comme ce fut le cas avec la bataille d’Ouhud ou encore la guerre des Coalisés (Al-Ahzab). Plusieurs tribus juives arabes s’étaient également alliées à Qoraïsh afin de mener une série d’actions visant l’effondrement de l’unité des musulmans. Mais la voie armée n’a pas été le seul moyen utilisé par les ennemis de l’islam. De sournoises machination, telles la fabrication de hadiths ou la naissance de mouvements d’apostats propageant des idées kufr ont également commencé à faire leur apparition au sein de l’Etat Islamique. Même les empires Perse et Romain ont mené une série d’offensives contre l’Etat Islamique, et ce du vivant du Messager (SAAWS) et des compagnons. Mais les unes après les autres, les musulmans remportaient les victoires, annexant par la même occasion, de nouveaux territoires. L’Etat Islamique a ainsi continué à libérer un grand nombre de populations vivant sous des systèmes oppressifs, ce qui lui a permis d’accroître le champ de son autorité depuis les côtes espagnoles jusqu’aux frontières de l’Extrême-Orient en Chine. A partir du 11ème siècle, les Etats Chrétiens européens ont entamé une série de croisades visant la conquête de l’Etat Islamique. Ces guerres expéditionnaires répondaient à l’appel du Pape Urbain II lancé lors du Conseil de Clermont en 1095. Bien que les croisés aient réussis à s’emparer de Jérusalem en 1099 avec à la tête du nouveau royaume chrétien, le prince Godefroi de Bouillon, les musulmans, sous le commandement de Salahuddin Ayubi (Saladin) ont récupéré la ville en 1187, après la bataille mémorable de Hittin. En 1218, c’était au tour des Mongols de lancer leur attaque contre l’Etat Islamique qui, en 1258, assistait à la perte de sa capitale Bagdad, mise à feux et à sang par les envahisseurs. Toutefois, leur entreprise s’est soldée par un échec, malgré un nombre de musulmans massacrés fort important. Les Mongols ont fini par embrasser l’islam, ce qui a permis d’étendre toujours plus loin les territoires de l’Etat Islamique. Vint ensuite le tour des Russes, qui se sont dressés contre l’Etat, mais sans jamais réussir à l’inquiéter sérieusement. Au début du 17ème siècle, l’Europe a commencé à lancer de nombreuses campagnes militaires et autres. Bien qu’elle ait réussi à s’emparer de certains territoires, comme l’Inde et l’Egypte, le corps de l’Etat Islamique restait encore intouchable. Toutes les tentatives militaires contre les musulmans se sont soldées par un échec. Il en a toujours été ainsi, parce que les musulmans ont toujours répondu présent à l’appel de l’islam. Les concepts de « ajal » (le terme de la vie), de « rizq » (la subsistance) étaient ancrés dans leur cœur et leur esprit. Les musulmans savaient que leur vie, leur mort, et leur subsistance ne dépendaient que de Dieu, et de Lui Seul. Cet état d’esprit terrassait les camps ennemis. A ce titre, on rapporte que Khalid Ibn Walid s’adressant au général de l’armée ennemi, lui a dit : « Ces gens qui m’accompagnent (mes soldats) aiment la mort autant que les vôtres aiment la vie ».

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Ce que nous voulons ce n’est pas une Arabie unie ; mais une Arabie faible et divisée, fractionnée en petites principautés sous notre souveraineté et incapable de coordonner une action contre nous, formant un tampon contre les puissances de l’Ouest. Mémorandum du département étranger britannique du Gouvernement de l’Inde : Britain, India and the Arabs pp.62 Les anglais ont cherché dès le début de la 1ère guerre mondiale à inciter le nationalisme arabe contre l’Empire ottoman. Leur rêve était de transférer l’allégeance des arabes en tant que musulmans, du sultan ottoman, traditionnellement honoré comme Calife ou successeur de Mohammed, vers Hussein Ibn Ali, le Sharif de la Mecque et client anglais. D’une façon générale, leur vision était la transformation du monde arabe en une version supérieure de l’Inde britannique, la religion et la culture florissant sous la ferme, mais loyale main anglaise. Dans une phrase célèbre, T.E. Lawrence, « Lawrence d’Arabie », disait : « ma propre ambition c’est que les arabes deviennent notre premier dominion brun et non notre dernière colonie brune ». La famille dirigeante du Koweït, les al-Sabbah, devait son long règne (et ses frontières) dans une grande mesure aux anglais, qui y établirent un protectorat en 1897 et qu’ils ne quittèrent qu’en 1961. Les Saoud d’Arabie et les Hachémites de Jordanie sont également d’anciens clients britanniques, devenus clients américains. Los Angeles Times : 2 septembre 1990

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L’infiltration des Missionnaires dans le Monde Musulman

Après plusieurs tentatives d’éradication de l’Etat islamique, les puissances européennes ont donc réalisé que les musulmans étaient militairement imbattables. Cette constatation les a tout naturellement amené à concevoir et à mettre au point d’autres moyens d’affaiblissement et d’éradication de l’entité musulmane. Ces moyens allaient consister à semer le trouble et la confusion dans la compréhension que les musulmans avaient de l’islam, affaiblissant ainsi l’Etat islamique de l’intérieur. A ce titre, le Premier ministre britannique Disraeli, s’est un jour saisi d’une copie du Coran en plein milieu de la Chambre des Communes et a déclaré : « les musulmans ne seront jamais vaincus tant que ceci (le Coran) est en leur possession ». Autrement dit, « dépossédons-les de la compréhension de l’islam et nous les vaincrons ». Effectivement, c’est ce qu’ils ont fait. La semence des graines empoisonnées du nationalisme a marqué le début de la nouvelle campagne qui visait, à terme, l’éclatement de l’Etat ottoman. Voici un mémorandum adressé fin janvier 1916 à Sir Edward Gray, au ministère des Affaires étrangères, par Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie : « L’activité (du Sharif Hussein) semble s’exercer à notre avantage. En effet, elle vise nos objectifs immédiats : l’éclatement du bloc islamique, la défaite et le démembrement de l’empire ottoman. D’ailleurs les Etats que le Sharif Hussein créerait pour remplacer les Turcs seraient aussi inoffensifs à notre égard que la Turquie l’était elle même avant de devenir un jouet des Allemands. Les arabes sont encore plus instables que les Turcs. Si nous savons nous y prendre, ils resteront à l’état de mosaïque politique, un tissu de petites principautés jalouses, incapable de cohésion, et pourtant toujours prêtes à s’entendre contre une force extérieure… Hussein a bien l’idée de prendre un jour la place du gouvernement turc au Hijaz. Il suffirait de nous arranger pour que ce changement politique ait lieu par la violence, et nous aurions aboli la menace politique de l’islam en le divisant contre lui-même, dans son propre cœur. Il y aurait alors deux califes : un en Turquie et un en Arabie, qui se feraient la guerre religieuse, et l’islam ne serait pas plus redoutable que la papauté quand les papes étaient en Avignon. » L’Europe a poursuivit cet objectif en dépêchant ses agents déguisés en missionnaires qui justifiaient leur présence par une soi-disant volonté de s’impliquer dans les domaines de la science et de l’aide humanitaire. Cette invasion devait permettre aux organes cancéreux de la politique colonialiste de planter ses racines au cœur même du monde musulman. La grande erreur de l’Etat ottoman fut de permettre à ces missionnaires d’agir librement, sans avoir préalablement mesuré les conséquences d’une telle permission. Les manœuvres de ces missionnaires (principalement agents britanniques, français et américains) visaient la réalisation des deux objectifs suivants : - semer le trouble et la confusion dans la compréhension de l’islam, en insistant surtout sur la doctrine - diviser les turcs, les perses et les arabes par l’implantation du sentiment nationaliste.

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La création des centres missionnaires dans le monde musulman

En réalité, l’activité des missionnaires avait débuté bien avant la révolution industrielle européenne au 18ème siècle, et a continué jusqu’au démantèlement de l’Etat islamique en 1924. A la fin du 16ème siècle déjà, un grand centre missionnaire voyait le jour à Malte. Il servait de quartier général à partir duquel les missionnaires menaient leurs assauts dans le monde musulman. En 1625, ce centre s’est déplacé dans la région de Sham (Syrie, Palestine) afin d’y établir des mouvements missionnaires. Il y a construit des écoles et y a publié des livres à caractères religieux. En 1773, les activités de ce centre ont été interrompues, ce qui l’a contraint à repartir pour Malte. C’est au cours du 19ème siècle que la percée des missionnaires a véritablement eu lieu. C’est à cette époque que l’Etat islamique s’est lancé dans une série de réformes, connues sous le nom de Tanzimat, et qui avaient la particularité de renforcer les moyens de pression des puissances coloniales. Ces réformes portaient sur divers aspects, comme la terre, la taxation et les droits des non-musulmans. Certaines réformes permettaient à des pays comme la France ou la Russie d’intervenir librement au sein de l’Etat dans la gestion des problèmes relatifs aux citoyens chrétiens. Cette porte ouverte a ranimé la vitalité des missionnaires qui ont alors crée un nouveau centre à Beyrouth en 1820. Au début, les missionnaires avaient beaucoup de difficultés à réaliser leur activité, mais cela ne les découragea pas un seul instant. Leur principal champ d’action était le prêche et la diffusion de leur culture religieuse. Le programme d’éducation était quant à lui très limité. Au Liban, les missionnaires ont ouvert un collège dans le village d’Antoura et la Mission américaine a déplacé son imprimerie de Malte vers Beyrouth pour pouvoir y imprimer et y distribuer ses livres. En 1834, toute la région de « Sham » leur était acquise. Une nouvelle opportunité s’est offerte aux missionnaires avec l’adoption et la mise en application par Ibrahim Pasha d’un nouveau syllabus d’école primaire en Syrie. Bien qu’issu du système libertaire français, ce syllabus a été incorporé au programme d’éducation égyptien. Ibrahim Pasha a également imposé des taxes régulières, a ouvert la voie de l’occupation par les non-musulmans de postes dans le gouvernement. Les missionnaires ont saisi l’opportunité en intensifiant leurs activités et en élargissant le cadre du travail d’imprimerie. Les jésuites, dont l’ordre avait été interrompu par le Pape en 1773, ont alors fait un retour en force. Les missionnaires protestants anglais et américains ont également fait une entrée fracassante en construisant une église protestante en Syrie en 1839, et une université américaine à Beyrouth en 1866. L’activité jésuite a culminé au sein de l’université Saint-Joseph à Beyrouth en 1874.

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Les missionnaires créent des guerres civiles

Une fois leurs centres bien établis au sein de l’Etat islamique, les missionnaires se sont alors concentrés sur la recherche d’opportunités qui leur permettraient de créer des troubles et des tensions entre les différents citoyens de l’Etat. Une fois de plus, c’est Ibrahim Pasha qui leur servira cette opportunité sur un plateau, avec son départ de la région de Sham. Le vide crée par son absence a ranimé la crainte des populations et provoqué l’anarchie, qui a tout naturellement découlé sur les déchirure et la division. Les représentants étrangers, et plus précisément les missionnaires étaient parfaitement conscients de la faiblesse dans laquelle se trouvait à ce moment là l’Etat islamique. Ils savaient pertinemment bien que l’Etat ottoman n’avait plus de véritable influence dans la région de Sham, et c’est pourquoi ils n’ont pas hésité à saisir l’opportunité. Un an plus tard, en 1841, de sérieux troubles ont émergé dans les montagnes du Liban entre chrétiens et druzes. La situation s’est rapidement détériorée et, sous la pression et l’influence des Etats étrangers, le Calife ottoman s’est vu contraint d’établir un système de gouvernement séparé pour le Liban, en divisant la province en deux parties ; une partie occupée par les chrétiens et l’autre par les druzes. Le calife ottoman a désigné un wali (gouverneur) pour chaque camp, cherchant par là, à éviter tous conflits entre les deux sectes. Mais la désignation d’un wali ne s’est pas avérée à la hauteur des résultats escomptés. La Grande-Bretagne et la France ont incité et suscité les conflits civils là où les autorités officielles (de l’Etat islamique) tentaient de calmer les troubles. Ce sont ces deux pays qui, les premiers, ont crée ces agitations par l’intermédiaire de leurs agents dans la région, comme Niven Moore, consul britannique à Beyrouth, et son beau frère Richard Wood. Ces troubles ont servit de prétexte aux anglais et aux français pour s’ingérer dans les affaires du Liban. Les français aux côtés des Maronites, et les anglais aux côtés des druzes, ont ainsi réanimé les conflits en 1845. Les attaques se sont alors étendues aux églises et aux monastères. Le vol, le meurtre et les pillages étaient devenus le lo t quotidien des populations, ce qui a obligé le gouverneur ottoman à dépêcher son inspecteur des affaires étrangères au Liban, afin que par ses prérogatives mandatées, il mette fin aux troubles une bonne fois pour toute. Cependant, malgré une baisse des tensions, son action est demeurée insuffisante et les problèmes ont persisté. Pendant ce temps, les missionnaires intensifiaient leurs activités et en 1857, les maronites ont lancé des appels à la révolte et à la lutte armée. Le clergé maronite a soulevé les fermiers contre les seigneurs féodaux qu’ils ont violemment attaqués dans le nord du pays. La révolte déclenchée s’est alors répandue vers le sud. Les fermiers chrétiens se sont soulevés, à ce moment, contre les seigneurs féodaux druzes. Les anglais et les français ont bien évidemment pris le soin de soutenir leur allié respectif, et la guerre civile s’est alors rapidement étendue dans tout le Liban. Les druzes tuaient tous les chrétiens sans distinction, du clergé au commun de mortels. Ces conflits ont fa it plus de 10 000 morts chrétiens, sans compter les exodes et les sans abris. La guerre civile dans la province du Liban s’est ensuite propagée sur tout le reste de la région Sham. A Damas, une violente campagne de haine a éclaté entre chrétien et musulmans. Ces derniers ont assailli le district chrétien en 1860 et provoqué un véritable massacre, obligeant l’Etat à intervenir militairement pour mettre un terme à ses conflits. Malgré un retour au calme

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et à l’ordre, les puissances coloniales ont une fois de plus sauté sur l’occasion pour s’introduire dans la région et dépêcher leurs navires de guerre sur les côtes. C’est ainsi qu’en août 1860, la France envoya un détachement de son armée territoriale à Beyrouth pour « éteindre les feux de la récolte ». Voilà comment l’Etat ottoman a été rongé par les guerres civiles en Syrie et au Liban, des guerres dont les causes véritables trouvent leurs origines dans l’intervention des puissances coloniales dans les affaires intérieures de l’Etat islamique. Elles ont réussi à contraindre l’Etat ottoman à concevoir un système de gouvernement spécifique à la Syrie, en la divisant en deux provinces et en accordant au Liban des privilèges spécifiques. Suite à ces événements, le Liban a été séparé du reste de la région de Sham, bénéficiant d’une autonomie locale, gouverné par une administration locale dirigée par un chrétien et assistée par un conseil administratif représentant les résidents locaux. Depuis lors, les pays étrangers ont géré les affaires du Liban et en ont fa it le centre de leur activité. Le Liban est ainsi devenu la tête de pont principale par laquelle les puissances coloniales, et avec elles le kufr, se sont infiltrées au cœur de l’Etat ottoman.

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Le rôle des missionnaires dans la propagation du nationalisme

A partir de la moitié du 19ème siècle, les missionnaires ont adopté une politique qu’ils n’avaient, jusque- là, pas encore mené. Non contents d’avoir mis sur pied des écoles, des imprimeries et des cliniques, les missionnaires créèrent des associations. En 1842, un comité s’est réuni et a fondé une association scientifique sous les auspices de la Mission américaine. Le travail de ce comité a duré cinq années et a ensuite pris le nom de « Association des Arts et de la Science ». Parmi ses membres, figuraient Nasif Al Yaziji et Boutros Al Bustani, tous les deux libanais chrétiens et intégrés à l’association parce qu’ils étaient arabes. Y figuraient également, Eli Smiths et Cornélius Van Dick, deux américains ainsi que le colonel Churchill, un britannique. Au départ, les objectifs de l’association étaient vagues. Elle prétendait enseigner les sciences aux adultes et aux plus jeunes dans les écoles, encourageant les grands comme les petits à s’initier et à aimer la culture du colonisateur. Malgré tous les efforts déployés, l’Association n’a pu recruter en deux ans, que 50 membres actifs, tous chrétiens et majoritairement de Beyrouth, et ce pour toute la région de Sham. Aucun musulman ou druze ne figurait parmi ses membres. Des efforts colossaux avaient été entrepris pour étendre l’activité de l’Association, mais en vain, puisque cinq ans après son lancement, elle fermait ses portes. Le bilan était peu encourageant, si ce n’est le désir des missionnaires de créer davantage d’associations. C’est ainsi qu’a vu le jour en 1880 « l’Association Orientale ». Fondée par des jésuites, sous le gardiennage du Père jésuite français, Henri Debrenier, ses membres étaient exclusivement chrétiens. Cette association a, cependant, connu le même sort que les autres. Par la suite, diverses associations ont fait leur apparition un peu partout dans la région, mais également sans succès. En 1857, une nouvelle association apparu. Sa méthode d’adhésion différait légèrement des précédentes associations. En effet, aucun étrangers n’y étaient autorisés, et ses fondateurs étaient tous arabes. Des musulmans et des druzes se sont ainsi joint à l’Association, laquelle les a acceptés parce qu’ils étaient arabes. L’Association scientifique syrienne, puisque c’est d’elle dont il s’agit, a connu un grand succès grâce notamment à ses activités et à son lien d’adhésion strictement limité aux arabes. Ses membres ont réussi à convaincre d’autres personnes à se joindre à eux, ce qui leur a permis de comptabiliser pas moins de 150 membres dans leur rang, parmi lesquels figuraient des personnalités arabes qui travaillaient au sein même de l’administration tels que Mohammed Arsalan pour les druzes et Hussayn Bayram pour les musulmans. On y trouvait également des personnalités appartenant aux sectes arabes chrétiennes, comme Ibrahim Al Yaziji et Boutros Al Bustani. Cette association a survécu à toutes les autres grâce à son programme qui avait été tout spécialement conçu pour permettre à toutes les sectes de s’y accommoder d’une part, et à l’étincelle du nationalisme arabe de se développer d’autre part. En 1875, « l’Association Secrète » fut créée à Beyrouth. Basée sur un concept politique proche du concept de nationalisme arabe, ses fondateurs étaient composés de cinq jeunes, tous chrétiens, et formés dans un collège protestant de Beyrouth. Cette association semblait revendiquer, au travers de ses déclarations et de ses tracts, un nationalisme et une indépendance politique pour les arabes et tout particulièrement pour ceux de Syrie et du Liban. Cependant, son véritable cheval de bataille ainsi que son programme visaient des objectifs totalement différents. En réalité, cette association a cherché à alimenter des aspirations étrangères à l’islam dans le cœur des musulmans mais aussi à les tromper par de faux espoirs. Ainsi, a-t-elle véhiculé l’animosité envers l’Etat ottoman, le qualifiant « d’Etat turc », a œuvré pour une séparation de la religion et de l’Etat, et pour établir le nationalisme comme fondement de la société. Dans sa littérature, l’association faisait sans cesse référence à la Turquie, l’accusant d’avoir arraché le Califat islamique aux arabes, d’avoir violé la Shari’a et d’avoir abusé en matière de religion. Cela

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démontrait clairement la nature véritable de cette association et de ses objectifs : allumer les feux de la révolte contre l’Etat islamique, créer la suspicion et le scepticisme autour de la religion, et établir des mouvements politiques basés sur un principe non-islamique. Ce qui est certain au sujet de ces associations, c’est qu’elles sont toutes le fruit de la volonté des puissances coloniales. Ce sont elles qui les ont établis, maintenus et gérés et qui ont pris soin de leur développement. Plusieurs rapports ont été rédigés à propos de leurs activités, comme le montre le télégramme du Consul britannique à Beyrouth envoyé le 28 juillet 1880 à son gouvernement dans lequel il écrit : « Les tracts révolutionnaires sont entrés en circulation, Midhat est suspecté d’en être la source, malgré cela, la situation reste calme. Les détails dans le cou rrier ». Ce télégramme avait été envoyé dans le sillage d’un tract distribué dans les rues de Beyrouth et affiché sur les murs, auquel plusieurs lettres ont succédées, envoyées par le Consul britannique à Damas et à Beyrouth. Aux lettres étaient jointes des copies de tracts que l’association distribuait. Les activités de l’association étaient plus évidente dans la région de Sham (Syrie, Palestine, Liban…), bien qu’elle ait pris également place dans d’autres régions arabes importantes, comme le montre le rapport du commissaire britannique à Jeddah envoyé à son gouvernement, et dans lequel il précise : « Toutefois, des nouvelles me sont parvenues selon lesquelles même à la Mecque des intellectuels ont commencé à parler de liberté. Il me semble, d’après ce que j’ai entendu, qu’un plan a été élaboré, qui vise à unifier le Nejd avec les pays se trouvant entre les deux rivières, c’est à dire le sud de l’Irak et à y instaurer Mansour Pasha à la tête, et à unifier Asir et le Yémen avec pour dirigeant Ali Ibn Aabid ». La Grande-Bretagne n’était pas la seule partie intéressée. La France a également joué un rôle important. En 1882, un officier français, présent à Beyrouth, faisait part de l’intérêt de la France en déclarant : «L’esprit d’indépendance s’est bien répandu et j’ai noté durant mon séjour à Beyrouth le dévouement des jeunes musulmans pour la construction d’écoles et de cliniques, et pour la réunification du pays. Ce qu’il est important de souligner ici, c’est que ce mouvement est libre de toute influence sectaire, l’association encourage l’adhésion des chrétiens et se joint à eux pour participer aux activités nationalistes ». Les travaux des missionnaires, au nom de la religion et de la science, n’étaient nullement limités aux seuls intérêts des Etats-Unis, de la France ou de la Grande-Bretagne. D’autres Etats non islamiques, comme la Russie tsariste ont également envoyé des expéditions de missionnaires dans les terres musulmanes. C’était également le cas de la Prusse qui a envoyé un groupe de « sœurs » (les nones de Carodt) pour qu’elles participent en collaboration avec d’autres missions. Bien que ces nombreuses missions et délégations occidentales divergeaient dans leur programme politique, lequel tenait compte des intérêts propres de chacune de ces nations, l’objectif demeurait pour sa part le même. La prédication du christianisme et la propagation de la culture occidentale en Orient ajoutées à la perte de confiance des musulmans envers leur propre religion, ont amené ces derniers à se détacher de leur mode de vie et de leur vision du monde, et à puiser au contraire, dans la culture du colonisateur. Les missionnaires ont ainsi prêché leurs idées impies, motivés par la haine envers l’islam et les musulmans, méprisant la culture islamique et son mode de vie et considérant les musulmans comme des barbares arriérés, ce qui est encore aujourd’hui l’opinion largement partagée en Occident. On constate aisément, de nos jours, les fruits de ces campagnes missionnaires dans les terres de l’islam où la concentration de mécréance et de colonialisme a atteint des degrés effroyables.

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L’impact des missionnaires

La mouvance missionnaire a eu un effet dévastateur sur le monde musulman. Ce que certains ennemis acharnés n’avaient pas réussi à réaliser en mille ans par la force, les missionnaires l’ont réalisé en l’espace d’un siècle. Le développement relativement rapide de leur activité ainsi que leur infiltration effective au sein de l’infrastructure du système d’éducation n’ont été possibles qu’à cause des réformes que l’Etat ottoman a entreprises à partir du 19ème siècle. La construction d’écoles, de collèges, et d’universités a permis aux missionnaires de glisser dans la culture islamique des éléments subversifs de la culture du kufr. Ainsi, le concept de jihad a été l’objet d’attaques, on a créé le doute sur la pertinence de la Shari’a à l’heure de la technologie. L’histoire était désormais enseignée sous un nouvel angle qui cherchait à exacerber le sentiment d’orgueil des différentes écoles de pensées musulmanes. Enfin, lorsque était abordé la question consistant à se demander comment relancer la dynamique et le progrès des musulmans, on mettait inlassablement l’idée de l’Etat Nation en avant. Les missionnaires ont réussi à développer un sentiment d’animosité entre les citoyens de l’Etat islamique et ce, au nom de la liberté de croyance. Les missionnaires ont ciblé des personnalités bien précises pour véhiculer leurs concepts, tels que Moustafa Kemal et Rifa’a Badawi Rafi Al Tahtawi, tous deux acquis, consciemment ou non, aux idéaux des puissances coloniales. Cette politique n’avait d’ailleurs rien de secret. Dans un article intitulé : Le nationalisme dan les terres islamiques. Charles R.Watson écrit : « Etre sûr que c’est notre tâche principale d’atteindre les individus, mais les individus ne peuvent être atteints qu’en établissant un point de contact avec eux, et parmi les plus fortes personnalités à atteindre, il y a celles qui vivent et agissent au sein du cercle du nationalisme ». Une grande partie de ces personnalités avaient été éduquée, ou du moins, entretenait des liens étroits avec les pays européens. Elles ont cru pouvoir relever le niveau des musulmans par le concept de séparation de la religion et de l’Etat. Malheureusement, ces personnalités n’ont pas compris ou n’ont pas voulu comprendre que ce n’était pas la religion qui était en cause mais la perception qu’en avait les musulmans, ainsi que leur façon de la mettre en application. Ce sont hélas, ces mêmes personnes qui ont permis aux colonisateurs de mettre la touche finale à leur conspiration – l’invasion politique du monde musulman – grâce, notamment, au soutien et aux encouragements des nombreuses idées nationalistes, renforcées plus tard par la création de partis politiques arabes et turcs comme le parti turc Al Fatah, le parti de l’Union et du Progrès (également connu sous le nom de Jeunes Turcs), le parti de l’Indépendance Arabe et le parti du Pacte (Al Ahd). Des révoltes contre le Califat ottoman ont été organisées et financées par l’Occident via ces mêmes partis politiques nationalistes et certaines personnalités clés, comme Sharif Hussein à la Mecque, qui était rémunéré 200 000 livres sterling par mois par le Foreign Office britannique pour qu’il mène sa campagne d’établissement d’un état arabe indépendant, promis par Mc Mahon, le Haut Commissaire anglais d’Egypte en 1916 :

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« les districts de Mersina et d’Alexandrette, et les parties de la Syrie située à l’ouest des districts de Damas, Homs et Alep ne peuvent être considérés comme purement arabes et doivent être exclus des limites et frontières envisagées. Avec les modifications ci-dessus et sans préjudice de nos traités actuels avec les chefs arabes, nous acceptons ces limites et frontières ; en ce qui concerne, à l’intérieur de ces limites, les parties des territoires où la Grande-Bretagne est libre d’agir sans porter atteinte aux intérêts de son alliée la France… la Grande- Bretagne est disposée à reconnaître et à soutenir l’indépendance des arabes à l’intérieur des territoires compris dans les limites et frontières proposées par le Charif de la Mecque ». Voilà donc, comment ont été implantées les graines perverses du nationalisme dans l’Etat islamique. Au tournant du 20ème siècle, la ferveur nationaliste avait atteint tous les recoins de l’Etat, le déstabilisant comme jamais auparavant. Mais, le dernier et le plus brutal des assauts porté contre l’Etat islamique remonte à l’aube de la 1ère guerre mondiale, lorsque les puissances européennes ont concentré leur forces pour conquérir cet état qui jadis invincible, s’est effondré sans aucune résistance. Lorsque le Général Allenby est entré à Qods (Jérusalem) en 1917, il déclara : « Aujourd’hui seulement, les croisades sont terminées ». Le rêve de chaque colonisateur qui s’est battu contre l’Etat is lamique était devenu réalité. Les puissances européennes ont alors procédé au partage du butin tel des vautours se disputant des lambeaux de chair de la carcasse de l’Etat islamique. La manière dont allait être réparti le partage de l’Etat ottoman a été entérinée dans les accords de Sykes-Picot.

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Le nationalisme depuis le démantèlement du Califat en 1924

La fin du pouvoir islamique en 1924 a engendré la création de nombreux états musulmans fantoches dont l’existence reposait et repose toujours sur le concept de nationalisme. Or ces Etats sont toujours bien loin de cette « indépendance » qui les avaient soi-disant amené à combattre le Califat ottoman. En effet, les nombreuses promesses d’indépendance que leur ont fait miroiter les puissances coloniales n’ étaient en réalité que du vent, des mensonges et un piège vicieux dans lequel trop de musulmans sont tombés. L’intention réelle de ces puissances consistait à coloniser culturellement et mentalement le monde musulman, comme cela est clairement repris dans l’article 22 de la Ligue des Nations après la 1ère guerre mondiale. « Certaines communautés appartenant jadis à l’empire turc ont atteint un stade de leur développement où leur existence en tant que nations indépendantes peut-être provisoirement reconnue tout en restant sujet au conseil administratif et à l’assistance d’un mandataire, et ce jusqu’à ce qu’ils soient capables de continuer seuls ». Bien évidemment ce « conseil administratif » auquel fait référence cet article, devait être élu par les nouveaux états nationalistes, ce qui pour la Grande-Bretagne et la France ne permettait rien de moins qu’une invasion. En effet, la Grande-Bretagne s’est emparé de l’Irak, de la Palestine et de la Transjordanie. La France s’est réservée, quant à elle, la Syrie et le Liban. Tout ce qui a été laissé à l’Etat indépendant du Sharif Hussein, connu sous le nom de Royaume du Hijaz, a fini par être absorbé en 1925 pour donner ce qu’on appelle aujourd’hui l’Arabie Saoudite. On constate, donc, que malgré la création de plusieurs Etats nationalistes dans les terres de l’Islam, ceux-ci traînent toujours à la botte du reste du monde. La stagnation et la souffrance de l’Oummah sont telles qu’elle n’est plus qu’une esclave économique au service de puissances coloniales. Plusieur s tentatives de relèvement et de redressement entreprises par les musulmans ont vu le jour, mais aucune d’elles n’a encore réussi à éteindre l’incendie, ni même les flammes du nationalisme. L’Egypte Jamal Abdel Nasser est la figure emblématique de ces échecs de renaissance basée sur le nationalisme. Nasser s’est installé au pouvoir en 1954 et a commencé à propager sa vision de l’Egypte. Dans son livre « la Philosophie et la Révolution », Nasser a souligné les trois principaux rôles de l’Egypte en tant que leader du monde arabe, du monde musulman et des nations d’Afrique noire qui luttent pour leur indépendance. L’espoir de Nasser d’unifier les arabes reposait principalement sur le nationalisme arabe. Il pensait pouvoir unir les arabes simplement parce qu’ils ont une langue, une histoire et un habit communs. Nasser a suscité le nationalisme arabe à un degré qui n’avait encore jamais été atteint avant son règne. La nationalisation du Canal de Suez en 1956 ainsi que l’union de l’Egypte et de la Syrie (les deux pays les plus stratégiques au Moyen-Orient) en 1958 pour créer la République Arabe Unie, ont renforcé davantage son appel à l’Arabisme. Par ailleurs, cet appel avait été accompagné d’une politique économique socialiste désastreuse qui a paralysé le pays. Ce n’est que plus tard que l’Oummah apprendra que Nasser n’était en réalité qu’un pion de la lutte d’influence que se livraient la Grande-Bretagne et les Etats-Unis au Moyen-Orient. Bien que Nasser était perçu par l’opinion publique comme pro-soviétique, la réalité était bien différente. Nasser était bel et bien un agent américain.

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La fin de la République Arabe Unie en 1961, et le triomphe d’Israël dans la guerre de 1967, au cours de laquelle il a pris le Sinaï à l’Egypte, les hauteurs du Golan à la Syrie et une partie de l’ouest de la Jordanie, ont suffi à mettre un terme au rêve panarabique de Nasser. Cette grande expérience nationaliste a échoué et à ce jour, le monde arabe est toujours divisé en plusieurs Etats. La Turquie La Turquie, étant le siège du Califat ottoman, elle est l’un des pays qui a été le plus touché par le nationalisme. Moustafa Kemal rêvait de construire une nation fondée sur le nationalisme turc. Il a réussi, mais n’a pu mener son pays à progresser dans une véritable voie. Ni les politiques nationalistes du parti du peuple républicain de Kemal, par le passé, ni ceux du parti laïc de la mère patrie ou du parti populaire socialiste et démocratique, aujourd’hui n’ont pu redonner à la Turquie sa gloire d’antan. Au contraire, la Turquie glisse continuellement vers la dépendance financière, la banqueroute économique, et les conflits internes avec notamment les aspirations des nationalistes kurdes qui ne cessent d’empirer et de diviser la Turquie. Atatürk s’est fondé sur le nationalisme turc pour tenter de relever son pays, et en agissant ainsi il a laissé la Turquie bien seule. La région qui jadis, avait l’honneur d’être la capitale de l’Etat dirigeant du monde - l’Etat ottoman – n’est plus désormais que l’ombre d’elle-même. L’Arabie Saoudite et les Etats du Golfe L’Arabie Saoudite et les différents Etats du Golfe sont les exemples types de nationalismes alimentés par l’Occident, et tout spécialement par les Anglais. Les puissantes tribus de cette région ont été mobilisées contre le Califat ottoman à coups de contrats financiers et de promesses d’Etats indépendants. Les anglais, les premiers, ont utilisé S harif Hussein et ses fils Fayçal et Abdullah, dans la révolte arabe contre le Califat. Ces révoltes ont été organisé par le célèbre agent britannique T.E. Lawrence, qui a cherché à harceler les forces de l’Etat islamique et à couper leurs communications sur le flanc droit de l’armée du Général Allenby venant d’Egypte en 1917. Toutefois, peu de temps après, Sharif Hussein perdit les faveurs des britanniques qui le remplacèrent par Abdul Azziz Ibn Saoud, également financé par les anglais pour sa lutte visant le contrôle de la région. En 1927, la famille Saoud avait pris le contrôle de la quasi-totalité de la Péninsule arabique et signa un traité avec les anglais. Ce traité stipulait la reconnaissance par les anglais de la pleine autorité des Saoud sur la région, en contre partie d’une reconnaissance des Saoud de la souveraineté des anglais sur les émirats du Golfe du Qatar, du Bahreïn, des Emirats Arabes-Unis et d’Oman. En 1932, la Péninsule arabe est baptisée Royaume d’Arabie Saoudite. Depuis lors, la famille Saoud assure le contrôle despotique de la région, reposant son autorité sur une structure tribale. L’ensemble du pouvoir est assumé par les membre de la famille Saoud qui ne compte pas moins de 5 000 personnes. Quant au Koweït, au Qatar, à Bahreïn, aux Emirats Arabes Unis et à Oman, la Grande-Bretagne a pris soins d’y installer ses agents à leur tête avant même la fin de l’Etat islamique en 1924. En effet, la famille al Saïd a signé des traités avec la Grande-Bretagne en 1891, la famille al Sabbah du Koweït en 1899, la famille al Thani a suivi le pas en 1915 et de nombreux dirigeants des Emirats Arabes-Unis ont fait de même. L’installation de ces familles par les anglais, a ramené la Péninsule arabique à l’état de jahiliyah, où plusieurs tribus se disputaient le pouvoir du territoire. Cette forme de structure gouvernementale n’a en

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rien revivifié les musulmans de la région. En effet, en divisant les territoires par des frontières nationalistes, tous les espoirs de progrès se sont envolés tant les dirigeants sont préoccupés par la sauvegarde de leur propre situation et de leurs intérêts personnels. Malgré des rentes pétrolières dépassant de loin celles des pays occidentaux, on remarque qu’aucun progrès, quel qu’il soit, n’a été réalisé. L’argent du pétrole a généré depuis les années 1940, est allé alimenté les comptes des banques suisses et nourrir l’investissement immobilier des nations occidentales. Le nationalisme n’a en rien élevé ces Etats, mais les a, au contraire, davantage soumis au contrôle du kufr. L’Iran L’apparition du nationalisme iranien peut être située au 19ème siècle, à l’époque de l’infiltration des mouvements missionnaires dans l’Etat islamique. Depuis lors, l’Iran a, lui aussi, eu sa part d’ingérence, d’occupation et de collaboration avec l’étranger. Toutefois, la période clé qui nécessite d’être soulignée, concerne la période qui a commencé avec la soi-disant Révolution islamique en 1979. La révolution islamique a mis fin à la monarchie iranienne du Shah pour la remplacer par ce qui était sensé être un système islamique. Pourtant, un examen minutieux de l’Iran montre à quel point celui-ci est bien loin de correspondre au système auquel l’islam appelle. Quand bien même le jilbab et le khimar, mais également les barbes et le son du adhan sont très apparents, les lois en application ne reflètent encore rien de l’islam. Par ailleurs, la constitution iranienne stipule que le chef d’Etat ne peut être qu’iranien. Cela contredit clairement l’islam pour lequel l’appartenance tribale, la race ou la couleur d’un individu ne sont pas des conditions d’accession au poste de chef d’Etat. Ainsi, non seulement, la Révolution en Iran n’a pas déraciné le nationalisme, mais elle l’a, au contraire, renforcé. Le Pakistan Le Pakistan a été créé en 1947 dans le but de servir d’Etat refuge pour les musulmans du sous -continent indien. Bien que l’idée, selon laquelle le Pakistan est un Etat islamique, soit propagée au sein des masses, la réalité est toute différente. En effet, le Pakistan a été créé en tant qu’Etat nationaliste et laïc. Le 11 août 1947, l’Assemblée constituante du Pakistan s’est réunie pour la première fois à Karachi. C’est au cours de cette assemblée que Mohammed Ali Jinnah, élu président a déclaré : « Je pense que nous devrions mettre en avant nos idéaux, et vous vous apercevrez qu’à terme, les hindous cesseront d’être des hindous et les musulmans cesseront d’être des musulmans, non pas au sens religieux du terme, car cela à trait à la foi de chaque individu, mais plutôt au sens politique du terme, en tant que citoyens de l’Etat ». Lorsqu’un Etat cesse d’être musulman au sens politique, cela veut dire que l’islam ne joue plus aucun rôle dans la gestion de l’Etat. Or, un Etat qui ne prend en considération que les rites d’adoration est un état laïc, conformément à la définition de la laïcité qui préconise la séparation de la Religion et de l’Etat. La vision politique que Jinnah avait pour le Pakistan était celle d’une nation laïque. Les musulmans ont été encouragés à se rallier derrière un slogan, lui-même, nationaliste, « Pakistan Zindabad » (longue vie au Pakistan). Un slogan que l’on peut, aujourd’hui encore, entendre au Pakistan et à l’étranger. La création du Pakistan avait pour objectif l’unité et le relèvement des musulmans. Or cette expérience présentait, dès le début, un vice de forme causé par les différences qui pesaient sur les relations est-ouest du Pakistan. Bien que la moitié des musulmans au Pakistan parlaient le Bengali, l’élite au pouvoir, concentrée à l’ouest de pays, a adopté l’Ourdou en tant que langue officielle de l’Etat (celle-ci étant la langue parlée dans cette région). Ajoutons à ce constat que les bengalis étaient considérés comme une race inférieure, et que par conséquent, ils n’avaient pas le droit de diriger le pays. Par ailleurs, la majeure partie du développement industriel avait cours dans l’aile occidentale, aliénant davantage les Bengalis.

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Tous ces éléments, ainsi que les nombreuses campagnes menées par l’Inde pour détruire l’unité des musulmans, ont ainsi débouché sur une lutte acharnée pour la prise du pouvoir entre les musulmans de l’Est et ceux de l’Ouest. Cette lutte est devenue une lutte de races, à savoir les « Pakistanais » d’un côté et les « Bengalis » de l’autre. Mais, le paroxysme du nationalisme a été atteint en 1971, lorsque Zulfiqar Ali Buttho refusa de céder le pouvoir à Mujibour Rahman qui était de l’Est, et remporta les élections géné rales avec une pauvre majorité. Mujibour Rahman s’en alla donc créer l’Etat bengali, baptisé Bangladesh, achevant ainsi le processus de division d’un Pakistan uni. La division du Pakistan par des frontières nationalistes n’a résolu aucun problème des musulmans. Cette division les a, au contraire, affaibli, aussi bien militairement qu’économiquement. Ce constat est encore plus amer pour le Bangladesh qui continue, aujourd’hui encore, de souffrir de la pauvreté et de la corruption paralysante et généralisée. La Malaisie La Malaisie est devenue une nation le 16 septembre 1963. Les britanniques contrôlaient depuis 1867 ce qui, aujourd’hui, s’appelle la Malaisie. A l’heure actuelle, l’héritage impérialiste demeure encore très influent. Cet héritage a trait aussi bien aux traces économiques et linguistiques léguées par les britanniques, qu’aux graines du nationalisme qu’ils ont semées et qui donnent leurs fruits aujourd’hui. Celui qui assure et entretient ce nationalisme actuellement en Malaisie, s’appelle Dr Mahathir Ibn Mohammed, successeur de messieurs Tun Hussein Onn et Tunku Abdul Rahman Putra. Le nationalisme malais est présent dans plusieurs aspects de la vie publique et se manifeste de différentes manières. Cela va du drapeau à l’hymne nationale, en passant par les mass média. Pour beaucoup de ces musulmans, le nationalisme malais est mêlé à l’islam. Les chansons nationalistes accompagnent l’appel à la prière à la télévision, le nom d’Allah est associé aux paroles de ces chansons nationalistes, et les traditions et les reliques malaises se composent d’un mélange d’islam et de loyauté envers la Nation (cette politique est suivie par l’ensemble des pays musulmans : Maroc, Algérie, Indonésie…). Cette inconvenance envers le principe de l’islam et ce nationalisme exacerbé font désormais partie intégrante du paysage naturel malais. Se battre pour le pays signifie se battre pour Dieu (SWT) et vice-versa. Rendre service à la nation y est le comble de l’action publique islamique. Mais, il n’y a pas qu’en Malaisie que l’on trouve des malais. Ils sont majoritaires en Indonésie, ils constituent la plus importante minorité à Singapour et occupent le pouvoir à Dar-Us-Salam Brunei. Le nationalisme malais est si présent, qu’il s’est même fait une place dans les aspects de l’adoration (ibadat). C’est ainsi que l’Indonésie, le Brunei, la Malaisie et Singapour observent conjointement la lune et essaient de synchroniser le début et la fin du mois de Ramadan, alors que la règle islamique relative à la vision de la lune concerne le monde musulman dans son entièreté. L’Oummah toute entière doit commencer et conclure le mois au même moment. Dans le secteur politique, seuls les « Bumiputras » (mot malais qui signifie « fils du sol ou de la terre ») ont le droit d’occuper des postes de pouvoir. Ce lien qui lie l’homme au territoire, c’est à dire le patriotisme, est contraire à l’islam qui ne tient compte que du seul lien idéologique. Enfin, la vision adoptée pour l’avenir de la Malaisie complète son fondement nationaliste. Le « Wawasan 2020 » ou « Vision 2020 » de Mahathir, n’est rien de moins qu’un programme nationaliste et socio-économique qui tend à donner un nouveau visage à la Malaisie, et à faire d’elle une puissance capable de contenir l’Asie du Sud-Est et le monde pour 2020.

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Même après la création du Pakistan, Jinnah sélectionna des officiers britanniques pour former son staff et leur attribuer des postes clés comme commandant en chef de l’armée et gouverneurs de provinces. L’attitude de Jinnah envers les non-musulmans fut appréciée lors d’une visite qu’il fit au mess du Régiment de la Royal Scots. L’officier commandant porta un toast avec le roi et, brisant la tradition, porta un toast avec Jinnah, qui s’occupait du dîner au mess. L’officier commandant se leva pour parler : « Votre Excellence, c’est un tel honneur de vous avoir parmi nous que je vais briser la tradition. Nous nous considérons comme de bons combattants ; nous vous considérons comme étant également un bon combattant ». Jinnah se leva à son tour et répliqua : « Je n’oublierai jamais les anglais qui sont restés au Pakistan pour nous aider à nous mettre au travail ». History Today Vol.44 – 9 septembre 1994 pp.34 En 1950, Ibn Saoud demanda à Truman un traité militaire formel. Truman envoya son Sous Secrétaire d’Etat George McGhee en Arabie Saoudite afin d’y établir un programme d’aide militaire qui continue à ce jour. McGhee fit savoir au roi que « les Etats-Unis … prendraient la plus immédiate action chaque fois que l’intégrité et l’indépendance de l’Arabie Saoudite seraient menacées ». Le roi évidemment ravi, clôtura la rencontre en souhaitant que « cela soit bien compris qu’il considérait les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite comme un seul Etat ». The Washington Post – 9 février 1992

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Comment le nationalisme a –t-il émergé dans le monde musulman ?

Le nationalisme est apparu au sein du monde musulman suite aux complots fomentés par les puissances coloniales pour éliminer définitivement le Califat ottoman et s’emparer de ses richesses. Les colonisateurs ont recruté des arabes et des turcs, chargés de mettre en œuvre leurs plans de démantèlement. Cette politique, initiée par la France, a rapidement été singée par d’autres nations.

Les Européens, Français en tête, ont donné naissance via leurs consulats, à des sociétés secrètes ainsi qu’à des groupes comme les Jeunes Turcs qui, après un coup d’Etat en 1908, ont renversé le Calife Abdul Hamid II. A peine avaient-ils occupé le gouvernement, qu’ils se sont attaqués à la langue arabe pour assurer à sa place la promotion de la langue turque. Leurs revendications se résumaient à l’adoption de la culture occidentale et de son mode de vie, et à la primauté du nationalisme turc. Ils ont contraint la population à ne vouer sa loyauté qu’à la Turquie seule.

Ces actes politiques n’ont été conçus que dans le seul but de susciter la création d’autres groupes et d’autres partis. Ce qui a malheureusement été le cas. Les arabes, les kurdes, les albanais, et d’autres, en réponse à la détermination des turcs à promouvoir leur programme de « turquisation », se sont mis à leur tour à créer leurs propres sociétés basées sur leur appartenance ethnique.

C’est ainsi que, peu à peu, sont apparus des groupes comme la Fraternité Arabe, ou encore les Jeunes Arabes, qui lors de leur création, soutenue par les puissances européennes de l’époque, ne comptaient dans leur rang que des arabes non-musulmans. Malheureusement, au fur et à mesure des événements, et surtout à cause de la discrimination dont les turcs ont fait preuve à leur égard, les arabes musulmans eux-mêmes se sont laissés influencer par le nationalisme. Pendant ce temps, les britanniques se sont immiscés dans la Péninsule arabique, où ils sont parvenus à influencer Sharif Hussein et ses fils, qui avaient établi des contacts avec les orga nisations sionistes. La politique nationaliste des Jeunes Turcs, ainsi que l’influence des anglais su Sharif Hussein ont suffi à faire éclater la Révolte des arabes en 1916. Cette révolte avait été orchestrée par les anglais et leurs services secrets. Même le drapeau qui a servi d’emblème à la Révolte des arabes avait été choisi par les anglais. Ce drapeau a depuis été repris par l’Organisation de Libération de la Palestine (O.L.P.).

L’agent secret britannique T.E. Lawrence écrira dans son livre, Les sept piliers de la Sagesse : « Avant d’arriver au Hijaz (Péninsule arabique), je croyais profondément que le mouvement nationaliste arabe briserait l’Etat ottoman ».

Après la Révolte des arabes, le Califat ottoman était complètement détruit. Les puissances européennes avaient déjà dessiné les plans du découpage pour le contrôle de feu l’Etat islamique. Ce seront les fameux accords de Sykes-Picot.

Lorsque Sharif Hussein a pris connaissance de cet accord, il a demandé à ses assistants de ne pas l’ébruiter auprès de la population, de peur qu’elle ne l’abandonne pour sa trahison. Après le démantèlement de l’Etat ottoman, plusieurs organisations nationalistes ont vu le jour dans les terres arabes. Il est important de noter ici, que de tous ces mouvements, nombre d’entre eux étaient le fruit de non-musulmans. Le parti Baath en Irak, par exemple, a été créé par Michel Aflak, Najib A’zoori et Zaki Arsuzi, de même pour le Mouvement Nationaliste Syrien fondé par Anton Sa’ada, orthodoxe de descendance grecque, ou encore le Mouvement Nationaliste Arabe de Georges Abache. Tous ces mouvements nationalistes entretenaient de bonnes relations avec l’une et l’autre des nations européennes. Certains se rangeaient aux côtés des anglais, d’autres aux côtés de la France. A ce jour, ces mouvements sont très influencés par les nations européennes.

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L’Islam condamne le nationalisme

Le nationalisme est un concept étranger à l’islam car son propos est de créer l’unité d’hommes et de femmes sur la base de critères familiaux et tribaux, alors que l’islam affirme que seul le lien de la doctrine (al’aqidah) peut et doit unir les hommes, quel que soit leur couleur, leur race ou leur appartenance nationale. L’islam appelle donc au lien idéologique. L’islam honnit tout rassemblement, tout combat et tout sacrifice menés au nom du nationalisme. Abi Daoud rapporte que le Messager de Dieu (SAAWS) a dit : « N’est pas des nôtres celui qui appelle à al ‘açabiyah (nationalisme / tribalisme…), qui combat pour la’açabiyah, ou qui meurt pour la ‘açabiyah ». Dans un autre hadith, il (SAAWS) dit : « Délaissez -le (l’esprit tribal, nationaliste), c’est une pourriture » (Muslim & Boukhari) Le Messager de Dieu (SAAWS) dit également : « Celui qui lutte, sous un drapeau en faveur d’une cause partisane ou qui répond à l’appel d’une cause partisane ou pour aider une cause partisane et meurt par la suite, sa mort est une mort pour la cause de la jahiliya ». De même, Al Tirmidhi et Abu Daoud rapportent que le Messager de Dieu (SAAWS) a dit : « Il y a en effet, des gens qui se vantent de leurs ancêtres ; mais aux yeux d’Allah, ils sont plus méprisables que le scarabée noire qui enroule une bouse dans son nez. Voici qu’Allah vous a retiré de l’arrogance du temps de la jahiliya (ignorance) et de sa vantardise de la gloire des ancêtres. L’homme est soit un croyant qui craint Allah ou un pêcheur infortuné. Tous les gens sont les enfants d’Adam, et Adam a été crée à partir de la poussière ». Il (SAAWS) dit également : « Certes Dieu a extirpé de vous, la fierté de l’arrogance de l’âge de la jahiliya et la glorification des ancêtres. Maintenant les gens sont de deux sortes. Soit des croyants qui sont conscients, soit des transgresseurs qui agissent mal. Vous êtes tous les enfants d’Adam et Adam a été crée à partir de l’argile. Les gens devraient renoncer à leur fierté de la nation car c’est un appel parmi les appels de l’Enfer. S’ils n’y renoncent pas, Dieu (SWT) les considérera plus vils que les plus simple ver qui se fraye un chemin à travers les excréments ». (Abu Daoud & Tirmidhi) Il y a de nombreux exemples dans la Sirah qui nous montrent que le Messager (SAAWS) a blâmé et réprimandé tous ceux qui se référaient au nationalisme. Après avoir constaté que les Aws et les Khazraj (deux principales tribus de Médine) s’étaient converties à l’islam, un groupe de juifs conspira afin de briser cette nouvelle unité. Ils dépêchèrent un de leur jeune auprès d’elles pour leur rappeler la bataille de Bu’ath, au cours de laquelle les Aws avaient eu le dessus sur les Khazraj. Il leur chanta des vers, cherchant ainsi à semer la discorde entre elles. Et effectivement, un appel aux armes s’en est suivi. Lorsque la nouvelle est parvenue au Messager de Dieu (SAAWS) il leur dit : « Ô Musulman, rappelez-vous Dieu, rappelez -vous Dieu. Agirez-vous comme des païens alors que je me trouve parmi vous après qu’Allah vous ait guidé à l’islam, vous a honoré et a fait une cassure nette avec le paganisme. Il vous a délivré de la mécréance et vous a alors fait amis ? »

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Lorsqu’ils entendirent ces propos, ils se mirent à pleurer et à s’embrasser les uns les autres. Cet incident nous montre clairement comment le Messager de Dieu (SAAWS) a condamné toutes les formes de tribalisme. Dieu (SWT) révéla alors (ce qui a pour sens) : « Ô vous qui croyez, craignez Dieu à sa juste mesure et veillez bien à ne mourir qu’en complète soumission à Dieu. Accrochez-vous tous ensemble à la corde de Dieu et ne vous divisez pas ! Rappelez vous la grâce que Dieu vous a accordée lorsque, d’ennemis que vous étiez, il rétablit la bonne entente entre vos cœurs et vous voilà, par sa grâce, devenus frères. Vous étiez sur les bords d’un gouffre de l’Enfer et il vous en a sauvé. C’est ainsi que Dieu vous expose clairement Ses versets, peut-être prendrez-vous le droit chemin ». (s.3 – v. 102 – 103) Au cours d’un autre incident, Jabir Ibn Abdallah al Ansari rapporte ce qui s’est passé à l’oasis d’al Muraysi, lorsque les hypocrites firent resurgir les traces du nationalisme pour détruire, l’unité des musulmans. Il dit : « Nous étions engagés dans une bataille, lorsqu’un des Muhajirun s’en est pris à un Ansar. Ce dernier a alors dit, O’ Ansar ! Aidez-moi ! (appelant sa tribu). Le Messager de Dieu (SAAWS) entendit leur propos et leur dit : « Cessez ces slogans tribaux, tout ceci est infect » (Boukhari). Le Messager de Dieu (SAAWS) ne se contenta pas simplement de réprimander ses hommes. En effet, il (SAAWS) marcha à leurs côtés toute la journée jusqu’à la tombée de la nuit, et toute la nuit jusqu’au matin, et le jour suivant jusqu’à épuisement. Le Messager de Dieu (SAAWS) donna alors l’ordre de s’arrêter, et aussitôt, ils sombrèrent dans un sommeil profond. Le Messager de Dieu (SAAWS) a agi de la sorte afin de détourner leur attention de ce qui venait de se produire. Al Tabarani et Al Hakim rapportent ce qui s’est passé lors d’un incident au cours duquel certains individus ont tenu des propos rabaissant au sujet de Salman, le Perse. Ils parlaient de l’infériorité des perses par rapport aux arabes. En entendant cela, le Messager de Dieu (SAAWS) leur a répondu : « Salman est des nôtres, les Ahl al bayt (la famille du prophète (SAAWS)) ». Cette parole du Messager de Dieu (SAAWS) a coupé court tout lien fondé sur des considérations tribales ou raciales. Il est également rapporté, dans deux versions différentes, par Ibn Al Mubarak dans ses deux livres, Al Birr et As Salah, qu’un différent a opposé Abu Dharr et Billal et qu’Abu Dharr a alors dit a Billal : « fils de femme noire ».Le Messager de Dieu (SAAWS) extrêmement choqué par la remarque d’Abu Dha rr, le réprimanda en lui disant : « Cela suffit Abu Dharr. Celui qui a une mère blanche n’a aucun avantage qui le rend meilleur que le fils d’une femme noire ». Cette réprimande a eu un impact profond sur Abu Dharr, qui s’est alors allongé sur le sol en jurant qu’il ne se relèverait pas, tant que Billal ne lui aurait posé le pied sur la tête. Ces incidents démontrent que les liens tribaux n’ont pas leur place en islam. Les musulmans sont appelés à s’unir, et non à se diviser sons prétexte qu’ils sont issus de tribus ou de nations différentes. Le Messager de Dieu (SAAWS) dit également : « Les croyants, dans leur amour, leur indulgence mutuelle et leur solidarité sont comme un seul corps, lorsqu’une partie souffre, c’est tout le corps qui répond par l’insomnie et la fièvre ». (Muslim) « Les croyants sont comme un seul homme, si ses yeux souffrent, tout son corps souffre ». (Muslim)

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« Un arabe n’est pas meilleur qu’un non-arabe. De même q’un non-arabe n’est pas meilleur qu’un arabe. Un homme de race rouge n’est pas meilleur qu’un noir excepté dans la piété. L’humanité descend d’Adam et Adam a été crée d’argile ». (Boukhari, Muslim d’après Abu Horaira) Cela signifie que les musulmans quels qu’ils soient : arabes, chinois, africains, européens, asiatiques ou américains, ne forment qu’une seule et unique Oummah et qu’ils ne peuvent se diviser et se séparer les uns des autres. Jamais un lien tribal ne devrait briser leur unité. Par ailleurs, Dieu (SWT) dit (ce qui a pour sens) : « Les croyants sont frères… » (sourate 49 verset 10) Et le Messager de Dieu (SAAWS) dit également : « Les croyants sont les uns pour les autres comme les différentes parties d’une maison, chaque partie renforce l’autre ». « Chaque m usulman est un frère du musulman , il ne lui cause aucune injustice et ne permet en aucun cas qu’on lui en cause. Et si quelqu’un aide son frère dans le besoin, Dieu l’aidera dans son propre besoin. Et si quelqu’un protège un autre musulman d’une calamité, Dieu le protégera de certaines calamités du Jour de la Résurrection ». (Boukhari & Muslim, d’après Abdallah Ibn Omar) Certaines personnes prétendent que le Messager de Dieu (SAAWS) a approuvé le nationalisme, car, disent- ils, lorsqu’il (SAAWS) a quitté la Mecque pour Médine (Hijra), Mohammed (SAAWS) s’est adressé à la Mecque avec les larmes aux yeux, en disant : « Tu m’es la plus aimée des terres d’Allah ». Or, cette parole n’a rien à voir avec le nationalisme, et la suite du hadith le prouve : « Tu m’es la plus aimée des terres d’Allah, parce que tu es la plus aimée des terres d’Allah pour Allah ». L’amour que le Messager (SAAWS) avait pour la Mecque était basé sur le statut noble qu’Allah (SWT) lui a conféré, et non parce qu’il y était né. Tous les musulmans doivent aimer et avoir une affection pour la Mecque, parce qu’elle est la plus aimée des terres d’Allah (SWT). Après tout, les musulmans prient en direction de la Mecque, ils s’y rendent pour effectuer le pèlerinage. La parole du Messager, ci-dessus, n’a rien à voir avec le nationalisme. Si le Messager (SAAWS) et les Mohajirines parmi les sahabah étaient liés à la Mecque, ils s’y seraient établis après qu’elle fut conquise par l’Etat islamique. Or, il n’en fut rien. Non seulement l’islam interdit d’établir des liens de regroupement sur la base du nationalisme, mais il interdit également d’établir plus d’un seul Etat. Le seul Etat que l’islam approuve c’est l’Etat islamique, c’est à dire un état unitaire qui applique l’islam et fait en sorte de porter le message à l’humanité toute entière. Dieu (SWT) dit (ce qui a pour sens) : « Et juge parmi eux, par ce que Dieu a révélé et ne suis pas leurs passions après que la vérité te soit venue » (s. 5 – v .48) Dieu (SWT) dit (ce qui a pour sens) : « Juge alors parmi eux par ce que Dieu a révélé et ne suis pas leur passions, et prend garde qu’ils ne tentent de t’éloigner d’une partie de ce que Dieu t’a révélé… » (s. 5 – v.49) L’injonction coranique qui est faite au Messager (SAAWS) est valable également pour l’Oummah. En effet, toutes prescriptions de Dieu adressées à son Messager est une prescription adressée aux musulmans, sauf exceptions établies par un texte qui montrerait que telle ou telle injonctions coraniques ne concerne que le Messager (SAAWS) seul. Dans le cas des versets cités ci-dessus, aucune restriction ne vient limiter cette ordre au Messager (SAAWS), ce qui veut dire que les musulmans sont également amenés à répondre à cette injonction, c’est à dire qu’ils doivent juger selon ce que Dieu a révélé. Et ce que Dieu a révélé ne laisse aucune place aux constitutions nationalistes quelles qu’elles soient, car ce qui doit être appliqué et ce qui doit constituer les critères de jugement, ce sont les normes établies par Dieu (SWT) et son Messager (SAAWS).

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La gouvernance en islam ne peut s’exercer que via un seul Etat, à la tête duquel n’est désigné et n’est choisi par l’Oummah qu’un seul dirigeant. Muslim rapporte que Abdullah Ibn Amr Ibn Al-As a dit : « j’ai entendu le Messager de Dieu (SAAWS) dire : « Celui qui prête serment d’allégeance (bay’ah) à un imam, lui donne la poignée de main et lui ouvre son cœur doit lui obéir autant qu’il le peut, et si un autre vient contester son autorité (de l’Imam), tuez-le ». C’est dire l’importance qu’accorde l’islam à l’unité de la communauté. Dans le même ordre d’idée, Abu Said al Khodri rapporte que le Messager de Dieu (SAAWS) a dit : « Si la Bay’ah est donnée à deux califes, tuez le dernier d’entre eux ». Et Arjafa rapporte qu’il a entendu le Messager de Dieu (SAAWS) dire : « Si quelqu’un s’approche de vous alors que vous êtes unis derrière un homme qui essaye de briser votre force et de diviser votre unité tuez-le ». Cette unité des musulmans a été clairement établie dans le document que le Messager (SAAWS) a écrit lorsqu’il a pris la tête du premier Etat islamique à Médine. Dans ce document, organisant les relations des musulmans et des non-musulmans, le Messager (SAAWS) déclarait à propos des premiers : « Le pacte de Dieu envers eux est unique « et » Les croyants sont des frères à l’exclusion des autres « et » la paix des croyants est indivisible. Aucune paix séparée ne pourra être faite quand les croyants combattent sur le sentier de Dieu ». Ces paroles prouvent que les musulmans ne forment qu’un seul et unique corps et qu’ils ne doivent pas être traités séparément. Par ailleurs, l’obligation d’avoir un seul Etat et non plusieurs entités nationalistes découle également du consensus des compagnons (ijma’assahaba). Lorsque le Messager (SAAWS) a rendu l’âme, les compagnons (raa) se sont réunis dans l’arrière cour des Bani Sa’ada afin de débattre de l’élection du Calife. Une des personnes présentes a proposé aux Ansars d’élire leur propre chef d’Etat et a fait la même proposition aux Muhajirun. Mais Abu Bakr (ra) a rapporté le hadith interdisant à l’Oummah d’avoir plus d’un seul dirigeant. Par conséquent, les sahabah n’ont jamais permis qu’il y ait plus d’un seul Calife, et leur consensus est une preuve et un argument légal. Dés lors, l’islam ne cautionne nullement l’existence d’Etats saoudien, marocain, égyptien, malais, algérien, iranien, pakistanais, ou autre… L’islam appelle à l’unité, à la formation d’un seul et même corps au sein duquel tous les musulmans sont liés par, et au credo islamique. C’est là une affaire décidée par Dieu (SWT). Le Coran approuve-t-il le nationalisme ? Dieu (SWT) dit (ce qui a pour sens) : « Ô humains, Nous vous avons crées à partir d’un mâle et d’une femelle et Nous avons fait de vous des peuples et des tribus afin que vous vous connaissiez entre vous. Le plus noble d’entre vous pour Dieu est le plus pieux. Dieu est parfaitement sachant et bien informé ». (s.49 – v.13) Ce verset a été révélé après l’entrée triomphante du prophète (SAAWS) à la Mecque. Après avoir accordé l’amnistie à Qoraïsh, le Prophète (SAAWS) a demandé à Billal de faire l’appel à la prière. Trois personnalités récemment converties à l’islam observaient la scène. L’une d’elles dit alors aux deux autres à quel point il était heureux que ces parents ne soient plus présent pour voir un spectacle aussi répugnant. Le deuxième, Harith Ibn Hisham, tenait les propos suivants : « Le prophète n’a-t-il rien trouvé d’autre qu’un corbeau noir pour faire l’appel à la prière ! ». Le troisième, Abu Soufyan, ne fit aucun commentaire, sachant que, quoi qu’il dise, Dieu (SWT) en informerait Mohammed (SAAWS). En effet, Dieu (SWT) envoya Jibril pour informer Mohammed (SAAWS) des propos que venaient d’échanger ces trois individus qui, à leur tour, ont confirmé au Messager (SAAWS) ce que Jibril lui avait rapporté. C’est alors que le verset ci-dessus a été révélé.

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Ces trois hommes avaient marqué une différence entre eux et Billal. Dieu (SWT) révéla ce verset pour affirmer que le seul critère qu’Il (SWT) prend en compte pour juger les gens est celui de la pitié (taqwa), une qualité dont Billal était imprégné et qui fait cruellement défaut à ces individus. Ce verset mit un terme aux fondements du nationalisme en Islam. Dans la première partie du verset, Dieu (SWT) nous montre que l’humanité toute entière est issue d’une paire unique – Adam et Eve. La partie du verset où Dieu dit (ce qui a pour sens) : « … et a fait de vous des peuples et des tribus… » est généralement interprétée pour justifier les divisions frontalières, spécialement dans le monde musulman. Cette interprétation erronée n’a pour object if que d’encourager des musulmans à nourrir la fierté de leurs appartenances nationales ou tribales. Cette interprétation incorrecte tend à légitimer la division de l’Oummah en plusieurs Etats, faibles et impuissants, survenus après l’abolition du Califat le 3 mars 1924 par Mustafa Kemal. Le sous -continent indien a été divisé en régions indiennes, pakistanaises et cachemiries. Le Pakistan à son tour, a été scindé en deux pays distincts (d’un côté le Pakistan et de l’autre le Bengladesh). Sans oublier le découpage et le partage du dernier Califat islamique par les agents britanniques et français, Sykes et Picot, qui par un simple trait de crayon ont divisé l’Oummah islamique. Ceux qui, malgré tout, persiste à soutenir le nationalisme doivent prendre conscience de leur méfait et se rappeler que : « Il n’appartient nullement à un croyant ou à une croyante, une fois que Dieu et son Messager ont décidé d’une chose, d’avoir encore le choix dans leur façon d’agir. Celui qui désobéit à Dieu et à Son Messager s’est en fait manifestement égaré ». (s. 33 – v.36)

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En guise de conclusion

Il y a aujourd’hui énormément d’espoir et d’aspiration au sein de l’Oummah, et cela est perceptible aussi bien dans le monde musulman qu’à l’extérieur de celui-ci. Le concept de natio nalisme constitue de moins en moins un obstacle à l’unité de l’Oummah car elle s’est re-familiarisée avec un certain nombre de concepts islamiques, comme la fraternité, l’unité de l’Oummah, ou encore le Khilafah. Mais que l’on ne se leurre pas, car bien que le concept de nationalisme soit actuellement en perte de vitesse, les obstacles qui se dressent contre son déracinement du cœur et de l’esprit des hommes, sont encore malgré tout assez important. Ces obstacles doivent faire l’objet d’une étude claire et profonde, sans quoi le problème ne saurait être résolu. Aujourd’hui, le système de l’éducation, le système politique en vigueur dans les pays musulmans, ou encore l’influence des conceptions libérales participent au maintien et à la sauvegarde de ce concept dégradant pour l’humanité. L’actuel système d’éducation en application dans de très nombreux pays musulmans a été conçu, dans une grande partie, par les puissances coloniales. Son objectif principal a consisté lors de sa conception à écarter l’Oummah de l’islam en tant que mode de vie, en donnant une définition de la religion telle qu’elle est comprise en Occident, c’est à dire relevant du seul domaine de la vie privée et incapable d’apporter les solutions aux problèmes de l’humanité. Le système d’éducation ne se contente pas simplement d’assurer la continuité et pérennité de la main mise culturelle des puissances coloniales kâfirin, mais il permet également la pérennité des élites dirigeantes dictatoriales et peu soucieuses du bien-être de leur population. Le système d’éducation n’est donc pas l’obstacle principal au déracinement de concept nationalisme, car il n’est qu’une conséquence du système politique en vigueur. Lorsque le système politique change, le système d’éducation change également. Concernant le système politique, les puissances coloniales ont pris soin, avant de « quitter » leurs colonies, de mettre en place un mécanisme leur garantissant l’état de division permanent de l’Oummah. Ce mécanisme est personnifié par la présence même des régimes du monde musulman. Comme nous l’avons dit, plus haut, ces dirigeants se sont emparés du pouvoir avec le soutien et la complicité des puissances coloniales, aucun de ces chefs d’état n’a réellement été élu et choisi par les musulmans. Ils maintiennent les frontières nationalistes qui déchirent les terres musulmanes et l’ensemble des peuples qui les abritent, et vont même jusqu’à déclarer la guerre à leurs frères pour gagner plus de territoires. Ajoutons à cela, la tyrannie et l’oppression qui s’abattent sans cesse sur ceux qui oeuvrent sincèrement au rétablissement de la vie islamique. L’islam interdit catégoriquement toute forme de séparatisme nationaliste. Il n’y a pas de place, dans la philosophie de l’islam, pour les considérations d’appartenance ou d’adhérence nationale. Tous les musulmans ont le devoir de dénoncer l’existence de ces frontières nationalistes artificiellement créées dans les terres et l’esprit des hommes et d’œuvrer au rétablissement de l’unité et de la fraternité de l’Oummah. Dieu (SWT) dit (ce qui a pour sens) : « Et cramponnez-vous tous ensemble à la corde de Dieu et ne vous divisez pas, et rappelez-vous le bienfait de Dieu sur vous : lorsque vous étiez ennemis, c’est lui qui réconcilia vos cœurs. Puis par son bienfait vous êtes devenus frères ». (s.3 – v.103)